Attaque Sulfatique
Attaque Sulfatique
Attaque Sulfatique
I. Introduction
Les agressions chimiques que peuvent rencontrer les matériaux à matrice cimentaires sont
très variées. De par sa porosité et la composition chimique de la solution interstitielle, des
échanges de matière peuvent se produire et être à l’origine d’une évolution de la
composition de la pâte de ciment. Ces phénomènes de transport et de réaction s’effectuent
à l’échelle de la microstructure de la pâte de ciment. Parmi de multitude causes de
dégradation des matériaux cimentaires, figurent les attaques par les sulfates.
On distingue deux types d’attaques : les attaques par les sulfates externes présents dans
l’environnement du béton et les attaques sulfatiques internes pour lesquelles les sulfates
proviennent des composants du béton lui-même.
Mécanismes de base :
• Le transfert dans le milieu poreux des ions sulfates qui est contrôlé par la
perméabilité et la diffusivité.
• Les réactions chimiques entre les composants de la pâte de ciment, qui dépendent
du ciment utilisé, et la concentration des ions SO42-,
• l’apparition de nouvelles phases cristallines, conséquence des deux premiers
processus qui engendrent le phénomène d’expansion.
Dans le cas du sulfate de sodium les réactions chimiques se présentent comme suit :
1
i) Formation du gypse secondaire :
2
La précipitation de l'ettringite secondaire conduit à la formation de cristaux très fins
(ettringite non fibreuse de nature colloïdale), dont le volume molaire est de 3 à 8 fois
supérieur au volume du solide initial.
Les mécanismes de dégradation sont dépendant également de la nature de cation (Ca2+, K+,
Mg2+…etc.) qui est associée aux ions sulfates dans la solution d'eau externe ou dans la pâte
de ciment. Le sulfate de magnésium est très agressif par rapport au sulfate de sodium. Le
sulfate de magnésium réagit par double action :
ii) Substitution des ions Ca++ par les ions Mg++ dans les C-S-H :
Les eaux souterraines ou l’eau de mer sont souvent riches en sulfates de magnésium
(MgSO4). Dans ce cas, les deux ions, cations et anions, participent à la réaction. Les ions
SO42- réagissent avec les aluminates (ou la portlandite) pour former de l’ettringite (ou du
gypse), tandis que les ions Mg2+ peuvent réagir avec les ions OH- et former de la brucite
(Mg(OH)2) ou causer un remplacement partiel du calcium par du magnésium dans les C-S-
H. Le silicate de magnésium hydraté (M-S-H) ainsi formé n’a pas de propriétés liantes, et
par conséquent, la pâte hydratée devient molle et incohérente.
Un échantillon d’un béton ayant subi une attaque par le magnésium, ainsi qu’un
micrographe montrant les C(Mg)-S-H sont présentés dans les figures III-6 et III-7, à titre
d’exemple.
3
Figure III-6 : Figure III-7 :
Échantillon d’un béton exposé à un Micrographe d’une pâte dégradée par
environnement très agressif [43]. la réaction avec le magnésium [43].
L'attaque par le sulfate de calcium (CaSO4.2H2O ou CaSO4 dans les sols) est plus lente en
raison de sa faible solubilité. Le sulfate de potassium (K2SO4) peut aussi être agressif, le
rythme d'attaque est similaire à celui du sulfate de sodium. La plupart des sulfates
métalliques solubles (FeSO4,...) peuvent être agressifs.
Le sulfate d’ammonium, présent dans les engrais est probablement le plus agressif de tous
les sulfates vis-à-vis du ciment Portland. La réaction de base peut s’écrire :
Ca(OH)2 + SO4(NH4)2 + 2H2O → CaSO4.2H2O + 2NH4OH
La réaction est accompagnée d’un dégagement d’ammoniac. L’agressivité particulière de
ce sel est en relation avec l’accroissement de solubilité du sulfate de calcium dans les
solutions de sulfate d’ammonium : la chaux est rapidement lixiviée et la concentration en
ions SO42– est plus élevée. La possibilité de formation d’un sel double de la forme
CaSO4.(NH4)2SO4.2H2O a été évoquée.
4
Mécanismes de base :
Les sulfates de calcium ajoutés au clinker réagissent avec le C3A et l’eau pour former de
l’ettringite dite ettringite primaire, qui assure donc la maniabilité du béton nécessaire à sa
mise en place. La chaleur, que ce soit celle de l’hydratation elle-même ou d’une cure
thermique, lorsque elle dépasse un certain seuil, l’ettringite devient instable. Il est
généralement admis que le seuil critique de l’instabilité de l’ettringite produite lors de
l’hydratation des ciments commercialisés se situe autour de 60 °C. Au-delà de ce seuil,
l’ettringite déjà formée se décompose tandis que la formation de nouvelle ettringite est
empêchée. Les ions SO42- sont principalement adsorbés sur les C-S-H dont la formation est
également accélérée. Par la suite, lorsque la température du béton diminue au-dessous du
seuil d’instabilité de l’ettringite, les ions SO42- peuvent être relâchés par les C-S-H et
former de l’ettringite. Mais dans ce cas, bien que la formation de l’ettringite ait lieu pour la
première fois puisqu’elle a été empêchée pendant les premières heures, l’ettringite se
forme dans le milieu confiné de la matrice cimentaire durcie. Les ions SO42- adsorbés sur
les C-S-H ainsi que ceux des monosulfates présents dans le béton servent de source de
sulfates pour la formation de l’ettringite. Ce processus nécessite la présence d’une
humidité élevée et peut durer très longtemps. Il est connu sous le nom de formation
différée de l'ettringite.
Formation de la thaumasite:
La thaumasite (Ca.SiO3.CaSO4.CaCO3.15H2O), peut être rencontrée dans les cas d’attaque
par les sulfates internes ou externes.
Bien que les deux minéraux soient souvent associés (et confondus !), les mécanismes de
formation de la thaumasite et de l’ettringite ainsi que les dégradations qu’elles provoquent
5
sont tout à fait différents.. Sa formation cause une dégradation du béton qui se manifeste
par une expansion et une fissuration, dans un premier temps, et par une destruction des C-
S-H par la suite. La formation de la thaumasite est encore plus destructive que celle de
l’ettringite, car d’abord la quantité de thaumasite qui peut se former est beaucoup plus
grande que celle de l’ettringite à cause des constituants qui rentrent dans sa composition
(silicates, carbonates, sulfates, chaux et eau) et ensuite, la formation de la thaumasite peut
causer la consommation des C-S-H.
Certains carbonates présents dans le béton comme les granulats ou les fillers calcaires
peuvent également réagir, sous des conditions particulières, avec les sulfates pour former
de la thaumasite (Ca.SiO3.CaSO4.CaCO3.15H2O), voir figures III-13 et III-14.
Les principales mesures préventives vis-à-vis de ce type d’attaque sont la formulation d’un
béton compact, le choix d’une formule de béton évitant autant que possible la présence de
fines calcaires, l’utilisation de ciments à forte teneur en laitier de haut-fourneau et une
protection de l’ouvrage contre les venues d’eau.
6
V. Revue des essais de résistance des matériaux cimentaires aux attaques
sulfatiques :
7
NF P18-837 « Produits de calage et/ou de scellement à base de liants
hydrauliques. Essai de tenue à l’eau de mer et/ou à l’eau à haute teneur en sulfates »
L’essai effectué sur des prismes de mortier normal 2x2x16 cm3 maintenus 28 jours dans
l’eau à 20 °C après démoulage (1jours). Les prismes sont ensuite immergés dans une
solution de MgSO4.7H2O à 50 g/l. Des mesures d’allongement sont réalisées tous les mois
et comparées aux mesures effectuées sur une série de prismes conservés dans l’eau.
Essai Koch-Steinegger
L’essai est réalisé sur des prismes 10x10x60 mm3 de mortiers 1 :2 :2 (ciment : sable fin :
sable grossier suivant la norme DIN 1164) gâchés avec un e/c= 0,6. Après conservation
préalable de 21 jours dans l’eau distillée, les éprouvettes sont immergées 56 jours ou plus
dans une solution à 4,4 % de Na2SO4. La température d’essai est de 20 °C. Le pH de la
solution est stabilisé à 7 par ajout d’acide sulfurique dilué. La résistance en flexion est
mesurée à échéance données et comparée à celle de prismes conservés dans l’eau distillée.
A condition que les essais soient réalisés avec une grande minutie, cette méthode permet
un bon classement des ciments.
Le test de Duggan
Cet essai est réalisé sur des éprouvettes de béton cylindriques de 25 mm de diamètre et de
50 mm de hauteur. Il est basé sur une succession de phases d’exposition à une température
élevée (82 °C) et d’une phase d’immersion dans l’eau.
L’essai de Fu
Les essais sont réalisés sur des éprouvettes de mortiers prismatiques (25x25x160 mm3).
Les éprouvettes sont tout d’abord conservées 1 heure à 23 °C dans une enceinte humide.
Elles subissent ensuite deux traitements thermiques :
- le premier de 12 heures à 95 1,7 °C, suivi d’une immersion dans l’eau
pendant 6 heures à 23 °C ;
- le deuxième de 24 heures à 85 1,7 °C.
La mesure initiale des dimensions des éprouvettes est réalisée avant le deuxième étuvage.
Le délai d’une heure, accordé pour la maturation des mortiers à température ambiante a
pour objectif d’augmenter la quantité d’ions sulfates adsorbés à la surface des C-S-H. Le
deuxième traitement thermique doit permettre d’accélérer les processus d’expansion. À la
8
suite de ces cycles, les échantillons sont conservés dans une solution saturée en chaux à 23
°C. L’expansion des mortiers est mesurée tous les 7 jours. Le seuil retenu est de 0,04 %
d’expansion après 42 jours d’immersion.
L’essai de Pavoine et Divet
Cet essai est basé sur une étude qui a été réalisée par le LCPC, pour mettre au point un
essai de performance permettant de quantifier les risques d’un béton soumis à un
échauffement au jeune âge. Cet outil pourra être utilisé au cours de l’étape de formulation
d’un béton dans le cadre d’une démarche préventive.
A l’issu de ces travaux, les principes du mode opératoire d’un essai basé sur des cycles de
séchage et d’humidification ont pu être précisés. Après réalisation des corps d’épreuve
(fabrication des éprouvettes et traitement thermique représentatif des conditions in situ),
l’essai se déroule selon les modalités ci-dessous :
- les éprouvettes de béton subissent deux cycles d’humidification/séchage. Chaque cycle
dure 14 jours et est composé des deux phases suivantes :
- un séchage pendant 7 jours dans l’enceinte à 38 2 °C et HR< 30 %,
- une humidification pendant 7 jours dans de l’eau du réseau à 20 2 °C ;
- ces deux cycles sont suivis par une phase d’immersion des corps d’épreuve dans l’eau à
20 2 °C. Au cours de cette phase, l’expansion des bétons ainsi que la masse des
éprouvettes, sont régulièrement mesurées.
9
Résistance modérée aux sulfates
Haute résistance
aux sulfates Haute résistance aux sulfates
L’observation par MEB des morceaux de pâtes des ciments composés exposés à la solution
de sulfate pendant une année révèle la présence d’une très petite quantité ou nul
d'ettringite ou de gypse. Ces observations peuvent expliquer les résultats obtenus suite aux
mesures d’expansion.
Une étude expérimentale réalisée par IRASSAR et al. [72], sur la résistance aux sulfates
des ciments à faible teneur en C3A (type V) avec les fillers calcaires et la pouzzolane
naturelle. Deux ciments de faible teneur en C3A (ciments type V) de différentes teneurs en
C3S et à partir de chaque ciment a formulé quatre ciments composés: 20 % et 40% de la
pouzzolane naturelle (P) et les deux autre contenant 10% et 20% de fillers calcaire (F).
Des échantillons de mortiers préparés à base de ces différents liants ont été immergés
10
pendant une année dans une solution contenant (0.352 M) Na2SO4. Le pH de la solution a
été périodiquement ajusté par l'addition de (0.352 M) Na2SO4 plus la solution de (2 N)
H2SO4 pour neutraliser l'alcalinité et rétablir la concentration de la solution Na+ et SO42-.
Les résultats expérimentaux de cette étude (figures III-21 et III-22) montrent que la
résistance aux sulfates des ciments Portland type V est relativement faible quand le ciment
a un rapport C3S/C2S élevé, montrant une grande expansion et une rétrogression de la
résistance. Ce comportement peut être attribué à la quantité élevée de la portlandite CH
dans le mortier.
Figure III-21 :
Expansion des mortiers immergés dans la solution de sulfate de sodium [72].
La grande expansion du ciment de C3S élevé peut être attribuée à la formation de gypse
située aux interfaces pâte-granulats qui produit de l’ettringite expansive formée à partir des
phases ferro-aluminates aux étapes avancées d'attaque.
11
capillaire des mortiers et augmentent de manière significative l'interface pâte-granulats.
Les effets de la réaction pouzzolanique causent une réduction de diffusion d'ions sulfates et
du transport des ions sulfates de la solution vers l’intérieur du mortier.
L'addition de fillers calcaire aux ciments type V peut mener à une plus mauvaise résistance
à l'attaque sulfatique. Le remplacement par 20%, a des effets nuisibles qui sont
principalement attribués à l'augmentation de la porosité capillaire et à la vulnérabilité
élevée de la portlandite CH dans la pâte. Le remplacement par 10% de fillers, engendre
une résistance aux sulfates qui n'a aucun changement significatif par rapport à celle de
20%.
Tableau 1 : composition des eaux de l’Atlantique, de la Méditerranée et d’une eau de mer standard.
Tableau 2 : critères de composition de la norme NF P15-319 pour les ciments destinés aux travaux en eaux à
haute teneur en sulfates.
12