Neuroleptiques PDF
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FACULTE DE MEDECINE
PR J. L. SENON
CSCT
ANNEE UNIVERSITAIRE 2002-2003
LES NEUROLEPTIQUES
Classifications
Ces composés possèdent une structure tricyclique, correspondant à la fusion d'un cycle
thiazine-1,4 avec deux cycles benzéniques (fig. 1). Deux substituants se greffent sur cette
structure de base:
* R1 est une chaîne azotée, l'amine latérale étant toujours séparée par trois
carbones de l'azote intranucléaire (sinon, il s'agit de phénothiazines anti-
histaminiques ou antiparkinsoniennes) (fig. 2)
* R2 est une reste de faible encombrement: Cl, OCH3, COCH3, CF3, CN, etc.
Les phénothiazines neuroleptiques sont classées en trois groupes, les formes aliphatiques
étant les moins actives:
Phénothiazines aliphatiques
chlorpromazine Largactil°
lévomépromazine Nozinan°
acépromazine Plégicil°
cyamémazine Tercian°
Phénothiazines pipérazinées
fluphénazine Moditen, Modécate°
trifluopérazine Terfluzine°
thiopropérazine Majeptil°
prochlorpérazine Témentil°
thiéthylpérazine Torecan°
perphénazine Trilifan°
Phénothiazines pipéridinées
pipotiazine Piportil°
thioridazine Melleril°
périciazine Neuleptil°
Tableau I : Classification des phénothiazines neuroleptiques
La diversité des effets pharmacologiques pour un même type de structure peut sembler
paradoxale. Néanmoins, il faut comprendre que le squelette tricyclique prend dans l'espace
une conformation particulière et permet de définir un angle de pliage (angle d'intersection
des plans contenant les deux cycles benzéniques adjacents). Cet angle est seulement de 25°
pour les neuroleptiques, contre plus de 55° pour les tricycliques antidépresseurs. La
géométrie de la chaîne latérale conditionne pour partie la composante hypno-sédative de la
molécule. S'agissant des neuroleptiques, il importe que cette chaîne se trouve à
l'horizontale au-dessus du système polycylique.
A partir du squelette tricyclique, les recherches ont permis la synthèse d'analogues
structuraux très variés; nous citons à simple titre d'exemple:
* dérivés du thioxanthène : flupentixol (Fluanxol°)
* dérivés de la dibenzoxazépine : loxapine (Loxapac°)
* dérivés de la dibenzoazépine : carpipramine (Prazinil°)
* dérivés de la dibenzodiazépine : clozapine (Léponex°)
- Butyrophénones et dérivés :
Ce sont des dérivés de l'amino-4 fluorobutyrophénone (fig. 1), où l'azote aminé tertiaire est
engagé dans un cycle pipéridiné ou pipéraziné résultant de travaux sur les analgésiques
centraux analogues de la péthidine. le chef de file en est l'halopéridol. Ici encore, on
distinguera trois groupes :
Butyrophénones pipéridinées
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halopéridol Haldol°
triflupéridol Tripéridol°
dropéridol Droleptan°
pipampérone Dipipéron°
benpéridol Frénactil°
Dérivés pipérazinés
fluanisone Sédalande°
Dérivés apparentés
penfluridol Semap°
pimozide Orap°, Opiran°
Tableau II : Butyrophénones et apprentés.
* Benzamides substituées
Ces composés possèdent un noyau benzénique relié en C1 par une liaison amide à une
chaîne latérale et présentent en ortho un groupe méthoxy (fig. 1). Ils sont chimiquement
affiliés à la procaïnamide. Quatre molécules ont des propriétés neurolptiques:
- sulpiride Dogmatil°, Synédil°, Aiglonyl°
- amisulpride Solian
- tiapride Tiapridal°
rispéridone Risperdal®
olanzapine Zyprexa®
sertindole (sortie 2000)
zotépine (sortie 2000)
seroquel (sortie 2000)
Une classification biochimique des neuroleptiques, même ne reposant que sur l'action
dopaminergique, s'avère difficile pour deux raisons :
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* Classification automatique
Elle est fondée sur l'analyse factorielle de paramètres fournis par des banques
de données informatisées sur les psychotropes: les molécules s'y regroupent en
"nuages de points" selon leur spécificité d'action.
- Effet antipsychotique
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- Effet antidéficitaire
Il limite l’apragmatisme et l’athymhormie souvent rencontrés dans les
psychoses chroniques
* Classifications d'ensemble
Lambert et Revol (1960) répartissent les neuroleptiques selon un axe allant d'un
pôle sédatif, à gauche, à un pôle "incisif" (ou antipsychotique), à droite (fig. 3). La
chlorpromazine occupe une position médiane, les neuroleptiques dits "de gauche" (type
Nozinan) sont les plus actifs sur les manifestations d'anxiété et d'agitation, les
neuroleptiques dits "de droite" (type Haldol, Majeptil) sont les plus incisifs sur les
manifestations délirantes des psychoses. Ce modèle ne tient pas compte de l'effet
désinhibiteur.
Deniker et Ginestet (1975) conservent le principe d'une classification biaxiale en
opposant les effets sédatifs aux effets désinhibiteurs, tout en intégrant une corrélation aux
effets latéraux (fig.4). Les neuroleptiques "moyens" sont dotés d'une action thérapeutique
et d'effets secondaires modérés; il sont essentiellement anxiolytique et peu
antipsychotique. Les neuroleptiques "polyvalents" ont une dominante antipsychotique,
avec des propriétés sédatives (Haldol) ou désinhibitrices (Majeptil).
- Classifications spécifiques
Un regard propre sur chaque neuroleptique permet de considérer des paramètres
plus singuliers et, contrairement aux classifications bipolaires, de faire figurer
simultanément trois modalités d'action psychique de ces substances, évoquant de façon
plus suggestive le "spectre thérapeutique" des différentes molécules. Deux modèles
principaux ont été proposés.
Delay et Deniker (1961) quantifient sous forme d'"histogrammes", en les opposant
de part et d'autre d'une ligne horizontale, les effets psychiques recherchés et certains effets
latéraux.
Bobon (1972-1975) propose un modèle en étoile à six branches dont les longueurs
sont proportionnelles de 0 à 5 à l'effet observé pour un neuroleptique prescrit à une
posologie donnée (fig.5). Aux actions psychiques classiques (AD antidélirant - AA anti-
autistique - AT ataraxique, proche de l'action sédative), il ajoute quatrième propriété (AM
antimaniaque, action habituellement incluse dans les effets antipsychotiques et sédatifs) et
ne retient en revanche que deux effets latéraux (AL adrénolytiques -EP extrapyramidaux).
- Classification bipolaires
Les conditions de prescription des neuroleptiques dans des pathologies aussi
opposées que les schizophrénies paranoïdes et les schizophrénies déficitaires -avec un
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succès certes inégal mais réel - devaient conduire à l'introduction d'un paramètre
supplémentaire: la dose administrée, qui peut modifier l'activité thérapeutique.
Petit et Colonna (1978) distinguent ainsi (fig.6):
- les neuroleptiques "monopolaires", toujours sédatifs (sédation proportionnelle
à la posologie), à effets neurovégétatifs prédominants (Nozinan, Largactil,
Tercian)
- les neuroleptiques "bipolaires" possédant un effet stimulant puis désinhibiteur
à faibles doses et un effet réducteur et sédatif à plus fortes doses.
Simon, Puech et Lecrubier (1983) (fig.7), partant de la scission en molécules sédatives,
antipsychotiques et désinhibitrices et sur la théorie des schizophrénies productives
hyperdopaminergiques et des schizophrénies déficitaires hypodopaminergiques, proposent
de considérer, de part et d'autre d'un groupe médian (Largactil, Barnétil, Haldol), des
neuroleptiques :
- sédatifs à faibles doses et antiproductifs à fortes doses (Nozinan, Neuleptil
)
- antidéficitaires (au sens de désinhibiteurs) à faibles doses, antiproductifs à
fortes doses et sédatifs à très fortes doses (Moditen, Dogmatil, Terfluzine,
Majeptil).
Corrélations structure-activité
La formule des neuroleptiques ne montre pas de similitude avec la formule de la
dopamine, à l'inverse des agonistes dopaminergiques, et les structures chimiques des
différents groupes sont dissemblables. Pourtant, Paul Janssen (1970) a mis en relief un
dénominateur structural commun à l'ensemble des neuroleptiques, constitué par
l'enchaînement présenté figure 2.
Un noyau benzénique par l'intermédiaire d'un segment diatomique (pouvant être
constitué d'atomes de carbones, oxygène, soufre ou azote) est relié à un segment di-
carboné, lié lui-même à un atome d'azote comportant deux substituants. Ce module, par
ailleurs absent de quelques rares antagonistes de la dopamine, est parfois retrouvé dans la
structure primaire de certaines molécules (antidépresseurs), pourtant dépourvues de
propriétés antagonistes dopaminergiques. Ceci s'explique par le fait que cette structure
primaire n'acquière sa valeur de pharmacophore (structure chimique tridimensionnelle
porteuse de la propriété neuroleptique) que pour autant qu'elle s'organise dans l'espace
selon une conformation définie. Celle-ci serait superposable à l'une des conformations
spatiales préférentielles de la dopamine (la distance entre un noyau benzénique et un azote
de la molécule
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Pharmacologie
1) Modèles comportementaux
De nombreux tests ont été proposés pour prévoir une activité neuroleptique. Seule l'intégration de
l'ensemble des données fournies par l'expérimentateur chez l'animal pourra permettre, pour une molécule
donnée, de suspecter une éventuelle activité neuroleptique chez l'homme.
- Tests de comportement: test d'Irwin (ptôsis, diminution de l'activité motrice, catalepsie,
hypothermie chez le rat), diminution de la coordination motrice (souris), tests de
conditionnement opérant (le conditionnement est altéré par l'administration de
neuroleptiques).
- Tests mettant en jeu l'antagonisme d'effets comportementaux induits par des agonistes
dopaminergiques (antagonisme des stéréotypies de comportement induites chez le rat par
l'apomorphine ou l'amphétamine, antagonisme des effets émétisants de l'apomorphine chez le
chien).
En ce qui concerne le seul système dopaminergique, le rôle des interactions pouvant résulter de la mise en
jeu simultanée ou séparée des différents types de récepteurs antagonisés par les neuroleptiques n'est pas
connu. Chaque molécule se caractérise par son affinité pour les divers sous-types de récepteurs et pour les
différents segments du système dopaminergique. En effet, les molécules de neuroleptiques ont des affinités
variables pour les divers types de récepteurs dopaminergiques. Sans entrer ici dans des détails fort
complexes, soulignons que, sur un plan purement conceptuel, la classification des neuroleptiques de Petit et
Colonna (1978) (fig. 6) séparant des produits bipolaires et monopolaires reposerait sur la capacité des
molécules à bloquer ou non à faible dose les autorécepteurs présynaptiques inhibiteurs de type D2 et D3.
Les données actuelles ne permettent pas de préciser avec certitude quel récepteur, à supposer même qu'il
soit unique, est spécialement impliqué dans les psychoses. Il semble néanmoins que le blocage des
récepteurs D1 ne participe pas à cette action. Le récepteur D2 est classiquement considéré comme la cible
élective des neuroleptiques, puisque son blocage induit l'action antipsychotique. Plus récemment, le
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récepteur D3 est devenu candidat pour expliquer l'activité de molécules nouvelles, dites "atypiques"
(amisulpride = Solian°). Le récepteur D4 est quant à lui cible élective de la clozapine (Léponex°).
Un traitement neuroleptique prolongé ferait augmenter la population des récepteurs dopaminergiques,
notamment des D2, pré- comme post-synaptiques striataux: c'est l'"hypersensibilité de désuétude". Ce
phénomène expliqurait la survenue des dyskinésies tardives.
Tous les neuroleptiques ayant une activité antispsychotique possèdent donc des propriétés antagonistes des
récepteurs dopaminergiques centraux. Cette activité commune interfère avec la transmission
dopaminergique dans le sens de l'induction d'une hypoactivité de certaines voies neuronales. La
confirmation expérimentale de la corrélation de ce "blocage" dopaminergique par les neuroleptiques à leur
activité antipsychotique repose sur plusieurs types d'observations:
- des composés ayant une parenté structurale avec certains neuroleptiques mais n'ayant pas
d'impact sur le système dopaminergique sont dépourvus d'activité antipsychotique
(prométhazine, isomère inactif du flupenthixol)
* la réserpine qui provoque une déplétion du contenu en dopamine des vésicules axonales
et possède une activité antipsychotique modérée
- à l'inverse, certains agents activant la transmission dopaminergique peuvent aggraver des états
psychotiques, voire faire apparaître des troubles de novo, par exemple :
Il serait réducteur d'envisager les seules relations des neuroleptiques avec la médiation
dopaminergique. Leur affinité pour d'autres types de récepteurs permet de comprendre certaines nuances
d'activité et certains effets latéraux centraux comme périphériques (Tableau IV). L'argumentation
concernant l'action antipsychotique actuellement la plus étoffée demeure celle de l'antagonisme mixte des
récepteurs dopaminergiques D2 et des récepteurs sérotoninergiques 5-HT2, avec une notion de synergie
entre ces deux blocages, synergie tant sur le plan de
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Neuroleptiques atypiques
Les neuroleptiques atypiques, qu'il faudrait mieux qualifier d'"originaux", ne se distinguent des
autres neuroleptiques que par une singularité de leur profil de liaison privilégiant d'autres récepteurs que les
seuls récepteurs D2. L'antagonisme des récepteurs D3 ou D4, ainsi que celui des récepteurs 5-HT2 ou 5-HT3
permet très probablement une action antipsychotique en s'affranchissant des effets latéraux neurologiques
liés au blocage D2 sur la voie nigrostriatale.
Le chef de file pharmacologique et historique de ce groupe est la clozapine (synthétisée en 1959, abandonnée
en 1975, réintroduite en 1991) qui se fixe sur les récepteurs 5-HT2, 5-HT3, D4 et accessoirement D2, mais
aussi sur les récepteurs H1, a-1 et muscariniques. Cette molécule est connue pour son action remarquable sur
les symptomatologies schizophréniques résistantes aux autres traitements, sans induire de manifestations
extrapyramidales. Son profil avantageux est probablement à relier au caractère "impur" de son action.
La rispéridone, non encore commercialisée, est un autre exemple de neuroleptique atypique, actif sur les
récepteurs 5-HT2 et D2.
L'amisulpride (Solian°) est également selon certains auteurs un neuroleptique atypique bien qu'il n'agisse
guère que sur les récepteurs D2 et D3.
La loxapine (Loxapac°), structurellement proche de la clozapine, ne bloque pas les récepteurs muscariniques,
mais antagonise les récepteurs D2, D3, 5-HT2 et 5-HT3. La puissance de l'action dopaminergique par
rapport au blocage sérotoninergique ainsi que l'absence de composante cholinergique n'écarte pas pour cette
molécule la survenue d'effets extra-pyramidaux, mais explique son action intéressante dans certaines formes
résistantes de schizophrénie.
Les neuroleptiques, par leur action sur les récepteurs dopaminergiques, entraînent la mise en jeu de
mécanisme de régulation se traduisant par des modifications de turn over de la dopamine. Cette
augmentation a été confirmée par le dosage du taux d'acide homovanilique (HVA) dans le LCR, dont la
concentration est significativement augmentée pour tous les produits, exceptée la clozapine (Léponex°). Bien
que l'HVA plasmatique provienne du métabolisme dopaminergique central comme périphérique,
l'augmentation de sa concentration serait surtout due à une activation du métabolisme central, témoignant
d'une hyperdopaminergie locale. Les neuroleptiques engendrent une baisse des taux d'HVA plasmatique dès
la troisième semaine de traitement, cette diminution semblant corrélée à la diminution de l'intensité des
symptômes psychotiques productifs. Leur arrêt se traduirait par une élévation différée des taux d'HVA
plasmatique (à partir de la cinquième semaine de wash out).
Les neuroleptiques, en administration chronique, engendreraient par ailleurs une baisse de l'activité de la
MAO plaquettaire (supposée refléter celle de la MAO cérébrale) après un délai de quelques semaines.
- levée du tonus inhibiteur sur les neurones - effets indésirables extra-pyramidaux imposant
cholinergiques normalement maintenu par des parfois le recours à des correcteurs
neurones dopaminergiques, d'où déséquilibre de la antiparkinsoniens (anticholinergiques)
balance dopamine/acétylcholine; avec le temps, cet
effet tend à diminuer avec le développement de
l'hypersensibilité des récepteurs dopaminergiques
* Modifications de l'EEG
3) Autres actions :
* Modifications endocriniennes
Interactions pharmacodynamiques
Pharmacocinétique
Nous résumons les paramètres cinétiques des diverses molécules dans les tableaux VI et VII.
* Résorption
Les neuroleptiques peuvent être administrés par voie orale ou parentérale (exclusivement
intramusculaire en psychiatrie, la voie intraveineuse étant réservée à l'anesthésiologie).
* Distribution
La fixation aux globules rouges refléterait selon quelques auteurs la fixation dans le tissu
cérébral.
- Volumes de distribution
Les V.A.D. sont larges (5 à 20l/kg) avec diffusion dans tous les tissus. Les
concentrations sont plus importantes dans les tissus très vascularisés: cerveau, foie, reins,
coeur et poumons. Les neuroleptiques passent la barrière foeto-placentaire et se
retrouvent dans le lait maternel à des taux supérieurs à ceux du plasma.
Seuls les neuroleptiques possédant une activité thérapeutique vis-à-vis des expressions
psychotiques traversent la barrière hémato-encéphalique. leur concentration dans le LCR
est corrélée à la fraction libre plasmatique circulante. Certaines molécules comme le
sulpiride (Dogmatil°) ont, même à très fortes doses, des conccentrations centrales
modérées.
L'affinité des neuroleptiques pour le tissu adipeux étant importante, un stockage prolongé ainsi
qu'un relargage tardif sont possibles. On a pu détecter des métabolites de la chlorpromazine dans l'urine de
sujets plusieurs mois après suspension du traitement.
* Métabolisation
Le métabolisme des neuroleptiques varie quantitativement, et qualitativement selon
l'espèce, l'individu, l'âge et le contexte de l'administration (associations thérapeutiques,
pathologies intercurrentes, etc.).
Les neuroleptiques sont des molécules basiques, liposolubles, ne pouvant donc être éliminées
telles quelles dans l'urine. Leur métabolisme livre des produits hydrosolubles non liés aux
protéines plasmatiques, pouvant être rapidement éliminés par le rein.
La plupart des neuroleptiques subissent une dégradation hépatique avec effet de premier
passage important pour les substances administrées per os notamment. Néanmoins, certaines
réactions enzymatiques extrahépatiques (paroi intestinale) expliquent la faible biodisponibilité
de certains produits (fluphénazine, etc.) et la moindre efficacité, en règle générale, de la voie
orale comparée à la voie parentérale.
Les biotransformations se déroulant dans le reticulum endoplasmique des hépatocytes
comprennent des réactions d'hydroxylation (aromatique, acyclique et alicyclique), de
sulfoxyfdation, de désalkylation, de désamination, d'oxydation, de conjugaison, etc.
Plusieurs voies de dégradation peuvent concerner une seule molécule (fig. n°8), d'où une
multitude de métabolites dont certains seulement conservent une certaine efficacité, d'autres
étant à l'origine d'effets indésirables adrénolytiques ou anticholinergiques.
Par ailleurs, après un certain temps d'administration, peut apparaître une auto-induction
enzymatique expliquant la diminution de l'activité thérapeutique.
Enfin, les neuroleptiques peuvent subir un cycle entéro-hépatique, en raison de l'émonctoire
biliaire de la molécule mère et/ou de ses catabolites.
Toute altération de la fonction hépatique modifie le catabolisme, notamment l'induction ou
l'inhibition enzymatique par des médicaments associés (Tableau V).
* Elimination
Les neuroleptiques sont essentiellement éliminés par voie rénale après biotransformation en
métabolites hydrosolubles; ils le sont aussi accessoirement par voie biliaire et sont retrouvés en
faible quantité dans les fécès.
La clairance métabolique, rendant compte de la capacité de l'organisme à éliminer les
neuroleptiques, élevée pour l'ensemble de ces produits, est principalement dépendante du
catabolisme hépatique.
Les troubles fonctionnels rénaux ne retardent pas en général l'élimination des neuroleptiques
car ceux-ci apparaissent en quantité minime dans l'urine.
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Indications et efficacité
* Indications majeures
• Vertiges
• Algies chroniques des cancéreux (lévomépromazine = Nozinan°)
• Troubles post-ménopausiques et bouffées de chaleur hormonales (véralipride =
Agréal°)
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Effets latéraux
* Effets psychiques
- Symptômes dépressifs
Ils réalisent une éventualité fréquente au décours d'un état
psychotique traité par neuroleptiques (incidence moyenne de 25%), sans
que l'on sache de façon indiscutable s'il sont à rattacher directement aux
neuroleptiques.
Il faut dépister et traiter un éventuel syndrome extrapyramidal passé
inaperçu (réduction de la posologie ou ajout de correcteurs). Il faudra
éviter de prescrire des antidépresseurs lors d'un état psychotique aigu pour
ne pas majorer la symptomatologie productive (hallucinations, etc.). En
cas de troubles dépressifs survenant sur un terrain psychotique chronique
(en particulier schizophrénique), la co-prescription d'antidépresseurs
tricycliques peut amener un bénéfice.
- Somnolence
Les neuroleptiques sédatifs mal choisis ou prescrits à trop forte dose
induisent une diminution de la vigilance, imposant une réduction de la
dose ou une modification de la répartition des prises, voire un changement
de médicament.
- Accès confuso-oniriques
Rares, ils concernent surout le sujet âgé ou le sujet traité également
par des sels de lithium. Ils imposent l'arrêt du traitement et de toute
médication potentiellement susceptible d'entraîner des épisodes de
confusion mentale.
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* Effets extrapyramidaux
tardifs + 0
- dyskinésies tardives tous
- dystonies, akathisie tardives rare
* Epilepsie surtout clozapine à fortes doses
Neurovégétatif - hypotension ++ phénothiazines aliphatiques, +++
s certaines butyrophénones (non (heptaminol,
l'halopéridol) etc.)
* Effets neurologiques
* Dystonies aiguës
Survenant dans les 36 premières heures, elles sont plus
fréquentes chez les hommes jeunes. Elles pourront parfois apparaître
plus tardivement, lors d'une réduction de la posologie ou lors de
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* Syndrome parkinsonien
Il est caractérisé par une hypomimie faciale, une akinésie
d'intensité variable (le plus souvent simple difficulté à initier un
mouvement), un tremblement lent, persistant au repos, un
ralentissement moteur, une perte des mouvements automatiques
associés à la marche (balancement des bras), une hypertonie
musculaire de repos cédant par à-coups (syndrome de la roue dentée),
une rare atteinte des réflexes de posture avec chutes.
Des formes discrètes existent, associant une apathie avec incapacité
relative à entamer des activités en société (ne pas confondre avec
l'apragmatisme du schizophrène ou avec un trouble dépressif
secondaire). Ce syndrome s'observe avec les molécules puissantes
(thiopropérazine, halopéridol, etc.).
* Akathisie
Elle caractérise un sujet qui ne peut conserver une quelconque
position, même un temps très bref. Un sentiment d'inconfort avec
impatience motrice en constitue une forme mineure; la déambulation
forcée (tasikinésie) en est la forme extrême. C'est un effet indésirable
fréquent (près de 50% des patients), précoce et alors aisément
curable, ou très tardif, et inaugurant alors des dyskinésies tardives de
traitement délicat. L'akathisie est généralement aggravée par la
majoration de la posologie. Elle sera parfois confondue avec
l'agitation psychotique, mais, contrairement à celle-ci, elle
s'accompagne toujours d'un vécu désagréable exprimé par le malade.
* Dyskinésies tardives
Evoquées dès que sera envisagée l'instauration d'un traitement
neuroleptique, elles sont graves, invalidantes et irréversibles. Le
tableau clinique réalise un syndrome hyperkinétique avec
mouvements involontaires, répétitifs, sans but, habituellement
décrits selon deux modèles:
- le syndrome orofacial ou bucco-lingo masticateur, fréquent,
avec mâchonnements, protrusion, mouvements vermiculaires
de la langue, grimaces, claquement de la langue et des lèvres,
soufflement, blépharospasme
- le syndrome axial et périphérique, assez rare, associé au
précédent, avec mouvements choréo-athétosiques des
membres, balancement, protrusion du bassin ou rotation du
tronc, dandinement, voire anomalies oeso-pharyngées avec
dysphagie, dysphonie, difficultés respiratoires.
Les dyskinésies tardives, permanentes ou intermittentes, diminuent
au repos et pendant le sommeil, lors de tout geste volontaire (parole,
écriture). Le sujet demeure indifférent au trouble malgré la gêne
sociale qu'il occasionne.
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- Epilepsie
Bien que la plupart des neuroleptiques puisse abaisser
significativement le seuil épileptogène, la survenue de crise demeure
exceptionnelle. En pratique, elle ne s'observe guère qu'après
administration prolongée de fortes doses de clozapine (Léponex°).
* Effets neurovégétatifs
* Effets endocriniens
Ils prédominent avec les benzamides et les phénothiazines pipéridinées. Dans les
deux sexes, on retrouve souvent une anorgasmie, nécessitant une réduction de la posologie
si l'état psychique du patient le permet et, en tous cas, une aide psychothérapique. On peut
parfois tirer bénéfice de l'administration d'antidépresseurs imipraminiques à posologie
faible. Cette absence de motivation sexuelle est liée à la maladie mentale et aux effets
psychiques des neuroleptiques.
L'hyperprolactinémie engendrée par les neuroleptiques peut être à l'origine chez l'homme
de gynécomastie avec éventuelle galactorrhée, imposant un bilan et le changement de
molécule. Chez la femme, l'apparition de dysménorrhées ou d'un syndrome aménorrhée-
galactorrhée justifie un bilan gynéco-endocrinien (dosages hormonaux, cytologie vaginale,,
radiographie voire scanner de la selle turcique). La bromocriptine (Parlodel°) améliore
certains sujets, mais ses propres effets psychogènes ne sont pas négligeables.
* Prise de poids
Incidents et accidents
* Accidents hématologiques
Des agranulocytoses très rares mais graves, voire mortelles, ont été décrites avec
tous les neuroleptiques usuels (1 cas sur 40 000 environ); des atteintes plus modérées,
voire discrètes, avec leucopénie, sont par contre fréquentes et ne devront pas faire
suspendre le traitement.
Cet aspect est dominé par le cas singulier de la clozapine (Léponex°), molécule pour
laquelle le risque est important et qui doit donc faire toujours évaluer le rapport
bénéfice/intolérance. Elle peut en effet induire une granulocytopénie susceptible d'évoluer
en agranulocytose (fréquence de 1 à 2%). L'instauration d'un traitement par Léponex°
impose donc un bilan pré-thérapeutique hématologique et une surveillance de la NFS
hebdomadaire pendant 18 semaines, puis mensuelle.
* Accidents digestifs
* Accidents cardiaques
* Accidents urinaires
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* Syndrome malin
Contre-indications
* Maladies neurologiques
* Sujet âgé : éviter les molécules trop sédatives, trop incisives ou trop anticholinergiques.
Associations médicamenteuses
Certaines associations sont impérativement surveillées, surtout s'il y a
administration concomittante de lithium. Il n'existe pas d'association formellement contre-
indiquée (Tableau V).
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* Instauration
On prescrit des doses progressives, rapidement augmentées pour arriver à
administrer 400mg/j de chlorpromazine ou équivalent. Lorsqu'un équilibre est atteint
entre effet thérapeutique et survenue d'effets latéraux (pouvant justifier une réduction
ultérieure de la posologie), le traitement sera maintenu pendant une période suffisante
pour que soient observés les remaiements favorables de la séméiologie ayant fait poser
l'indication.
Le traitement extra-hospitalier vise à conserver l'acquis thérapeutique avec la plus petite
dose possible. En cas de rechute, il faut souvent hospitaliser le sujet pour réadapter la
posologie.
* Surveillance
La prescription sera clairement expliquée au patient, qui sera également informé
des risques d'effets latéraux. On effectuera un examen initial (NFS, bilan hépatique, bilan
ophtalmologique, glycémique, VS, EEG, ECG) et une surveillance clinique étroite
(mouvements anormaux, galactorrhée, aménorrhée, etc;) sera instaurée. La clozapine
(Léponex°) donne lieu à une surveillance toute particulière conduite par les centres de
pharmacovigilance en raison de ses effets sur la NFS.
* Arrêt
Outre un risque grave de rechute psychotique durant les premières semaines, on
observe un syndrome général avec nausées, vomissements, insomnie, agitation (surtout
avec les molécules très cholinergiques). On décrit des manifestations neurologiques:
dyskinésies de sevrage bénignes et fugaces, dyskinésies intermédiaires, corrigées par la
réintroduction du traitement, syndrome pseudo-parkinsonien.
Les spécialistes s'accordent actuellement pour alléger le traitement progressivement, de
façon à optimiser sa tolérance. un sevrage total demeure cependant rare chez les malades
chroniques.
Dans les cures d'entretien, les neuroleptiques d'action prolongée (NAP) ont un intérêt
certain pour traiter les psychoses chroniques:
- suppression de l'astreinte de la prise quotidienne
- diminution relative de la dose mensuelle
- régularisation des taux sériques
- bonne observance même chez les sujets réticents
- moindre tentation pour le prescripteur de modifier anarchiquement la
thérapie
Mais ils présentent aussi des inconvénients:
- impossibilité de suspendre le traitement en cas de problème (essayer toujours
la molécule correspondante per os auparavant)
- fréquence des signes extra-pyramidaux
Les solvants sont l'huile de sésame ou des mélanges de triglycérides et d'acides gras
saturés. Comme avec tous les solutés injectables huileux, il est préférable d'employer des
seringues en verre ou, surtout, de ne pas laisser trop longtemps en contact le médicament
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* Utilisation en urgence
Le recours aux neuroleptiques peut concerner des états d'agitation passagers, soit
chez un individu atteint d'une pathologie psychique chronique, soit chez un sujet n'ayant
aucun antécédent et chez lequel cet état sera déterminé par une situation de crise
(environnement, usage de psychotropes comme l'alcool, la cocaïne ou autres). L'usage de la
voie injectable est alors habituel (Tableau XI).