Rhétorique Musical
Rhétorique Musical
Rhétorique Musical
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RHÉTORIQUE ET RAISON
DANS LE DISCOURS MUSICAL
(II)
TUDOR MISDOLEA
Lorsque nous écoutons une œuvre musicale,
nous nous rendons compte que nous sommes
confrontés à un discours qui veut nous convaincre, par
une esthétique appropriée, de l’existence d’une réalité
transcendante. Ce discours doit répondre aux
exigences de la rhétorique, mais en même temps il doit
se conformer à une logique rigoureuse et naturelle. En
effet le but de tout discours musical est de faire naître
dans l’esprit de l’auditeur, par sa présence
ininterrompue, les Idées essentielles de la permanence
humaine.
Définitions
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1
Platon, Cratyle, GF Flammarion, Paris, 1998.
2
Aristote, Rhétorique, Gallimard, Paris, 1998.
3
Le mot « discours » ne désigne pas nécessairement un
développement oratoire ; du point de vue sémiotique les «
discours » représentent des énoncés, quelque nature que ce
soit, mises en relation avec leur énonciation ; en termes plus
pratiques et aussi plus généraux on entend par « discours »
un ensemble organisé de phrases de toute nature sur un
sujet donné.
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La communication mutuelle ouvre l’accès à la dynamique de
l’activité spirituelle.
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I.A. Richards, un pionnier de la nouvelle vision sur la
rhétorique, dans The Philosophy of Rhetoric (Oxford
University Press, 1971) emprunte sa définition de la
rhétorique à Whateley qui affirme que la rhétorique est « une
discipline philosophique visant à la maîtrise des lois
fondamentales de l’usage du langage ». La rhétorique est la
théorie du discours, et de la pensée comme discours. / I.A
Richards appelle la rhétorique « une étude de la
compréhension et de la mécompréhension ». / Paul Ricœur
dans son ouvrage La métaphore vive voit dans la rhétorique
un remède apporté à cette « mécompréhension ».
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Platon voit dans la musique, la matérialisation de l’harmonie
universelle.
2
G. Molinié, La stylistique, PUF, Paris, 1991.
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L’Idée est l’essence, tandis que la Forme est la cause
paradigmatique qui anime l’expression.
2
Platon, Phédon (115 e), GF Flammarion, Paris, 1998
3
Selon Platon, l’Idée est un modèle éternel et parfait de toute
chose existante ; selon Hegel elle est un principe universel.
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Qui appartient à un paradigme (du grec paradeigma –
modèle) définissant un ensemble de flexions d’une
expression, donnée comme modèle.
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La théorie du concept sous-tend celle de la dénomination.
2
Roland Barthes écrit dans son étude Proust et les
noms (Nouveaux Essais Critiques ) : « on peut se demander
s’il est vraiment possible d’être écrivain sans croire, d’une
certaine manière, au rapport naturel des noms et des
essences » ; plus loin encore, il écrit que le langage reflète
les idées d’une façon motivée.
3
Renée Bouveresse dans son ouvrage, L’expérience
esthétique, Armand Colin, Paris, 2005, observe que « la
beauté n’est pas un simple prédicat dans un jugement ; elle
est la manifestation d’une réconciliation de l’esprit et de la
nature ».
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Le musicien Pierre Schaeffer a été le premier qui à
envisager le son par lui-même (Etude au son animés, 1958).
Le son devient ainsi une unité morphologique qui se détache
de son contexte en fonction de lois gestaltistes.
2
Nous entendons par Mimésis esthétique une re-présentation
des Formes d’une manière esthétique, une manière qui
implique la Beauté. Dans son Dictionnaire de poétique et de
rhétorique P. Morier témoigne d’une volonté d’abolir toute
distance entre le monde et sa représentation, une sorte
d’imago mundi, reflet exhaustif et parfait du macrocosme.
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La relation paradigmatique agit sur l’ensemble des liens que
les cellules musicales non manifestées entretiennent entre
elles ; ce type de relation est présent au moment rhétorique
de la sélection.
2
Il y a quatre catégories syntaxiques élémentaires : la
monodie, l’homophonie, la polyphonie et l’hétérophonie. Voir
Stefan Niculesu, O teorie a sintaxei muzicale, Muzica nr. 3,
Bucuresti, 1973 )
3
M. Dufrenne, Phénoménologie de l’expérience esthétique,
PUF, Paris, 1953.
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I. Stravinsky, Poétique musicale, Plon, Paris, 1952.
2
Jean-François Dortier, Du cerveau à l’esprit, Philosophies
de notre temps, Sciences Humaines Editions, Paris, 2000.
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On peut citer ici les travaux du groupe de Marseille sur
« Les Unités Sémiotiques Temporelles » (UST), publiés dans
les Editions MIM, Documents Musurgia, Marseille, 1996. Les
unités sémantiques temporelles sont les unités primaires
métaphoriques sur lesquelles repose le pouvoir de séduction
et de conviction, une sorte d’archétypes de mouvement. Le
groupe de Marseille voit dans les fonctionnalités de ces UST
une nouvelle voie dans l’analyse de l’espace musical. Il définit
cinq UST qui représentent les moyens avec lesquels on
réalise une intégration plus profonde de l’idée musicale dans
l’acte de communication et grâce auxquels on structure aussi,
tout discours musical. Au début des années 2000 les UST ont
été l’objet d’une approche « biosémiotique ». On étudie leur
rôle dans la fonction de communication et de la signification
spécifique aux systèmes vivants. D’après l’opinion du groupe
de Marseille ces UST utilisées tant comme figures locales
comme figures globales, font naître le style de tout discours
musical.
2
Arthur O. Lovely, Nature as Aesthetic Norm, in Essays in the
History of Ideas, The John Hopkins Press, 1948, Baltimore
and London.
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Typologie des réalités esthétiques dans : Herman Parret,
Epiphanies de la Présence, PUL, Limoges, 2006. En
présentant cette typologie, Parret voit la Réalité comme
matrice des Formes qui déterminent en fait l’essence même
de l’art. Il étudie à cette occasion comment l’Idée de la
Nature, comme force vitale, traverse l’art de la Renaissance,
le romantisme et l’art contemporain. / On peut suivre, à cette
occasion, les travaux du groupe de Marseille sur l’approche
biosémiotique des UST.
2
C’est Mircea Eliade dans son ouvrage, Le sacré et le
profane, qui traite d’une manière exemplaire du passage de la
sacralité au profane. Ce passage est analysé d’un point de
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M. Heidegger, L’Origine de l’œuvre d’art, Gallimard, Paris,
2001.
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Il faut également observer, que l’art a toujours gravité autour
du rapport entre Idée et existence.
3
Dans le De Musica, saint Augustin voit, lui aussi, dans la
musique une « science » au sens d’une expérience
spirituelle qui part de la perception sensible pour atteindre
l’essence de l’ordre universel.
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L’élocution et la raison du temps , éléments
fondamentaux dans l’évolution du discours
musical
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Nous suivons ici la conception de Heidegger concernant la
temporalité, qui est vue comme l’Idée d’être elle-même,
pensée sous l’horizon du temps. L’idée d’un temps infini,
successif et irréversible provient de l’existence d’une suite
infinie de « maintenant contextuel précis » qui lui donne la
propriété d’un écoulement uniforme et donc la possibilité
d’être identifié à l’espace.
2
Dans ce sens il faut comprendre l’opinion de Stravinsky
d’après laquelle la musique est appelée à réaliser une relation
d’ordre entre l’homme et le temps. Il déclarait : « Le
phénomène de la musique nous est donné à seule fin
d’instituer un ordre entre l’homme et le temps ».
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Il s’agit ici, d’une montée vers un transcendant supérieur qui
peut être obtenue par une réflexion sur ce que nous sommes
en tant qu’existants au sens de Kirkegaard et sur ce dont
nous avons la conscience. (André Lalande, Vocabulaire
technique et critique de la philosophie (p. 1143), PUF, Paris,
1997.) J.-P. Sartre nous donne une définition poétique de la
transcendance : « la transcendance nous jette sur la grande
route, au milieu de menaces sous une aveuglante lumière ».
2
Le nom « élocution » provient du latin elocutio, de
eloqui qui signifie « s’exprimer ».
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Kibédi-Varga, Rhétorique et littérature. Etudes de structure
classique, Didier, Paris, 1970.
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La pratique musicale actuelle définit quatre catégories
musicales élémentaires : la monodie, l’homophonie, la
polyphonie et l’hétérophonie. La monodie est une distribution
horizontale d’objets sonores ; la polyphonie une distribution
verticale de plusieurs monodies, qui évoluent d’une manière
quasi-indépendente ; l’homophonie une sorte de dilatation
verticale d’une monodie, en respectant les limites de chaque
objet sonore constituant ; et enfin l’hétérophonie qui est une
distribution verticale de plusieurs monodies évoluant entre
deux états limite : un état de totale dépendance dans lequel
les objets sonores sont identiques (homophonie) et un état de
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T. Misdolea, Pour une phénoménologie de la musique.
L’analyse dynamique de la monophonie, Muzica seria nouà,
anul XVI nr. 1, Bucuresti, 2005
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Boucourechliev, Dire la Musique, Minerve, Paris, 1995.
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F. Dastur, Heidegger et la question du temps, PUF, Paris,
1999.
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Le temps primordial est ce qui est défini à l’origine avant
toute connaissance conceptuelle prédicative ; il est non
différencié, homogène et égale dans toutes les directions.
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T. Misdolea, L’analyse dynamique de la monophonie,
Muzica seria noua, Anul XVI nr. 1, Bucarest, 2005.
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J. J. Wunenburger, Les ambiguïtés de la pensée sensible,
Cahiers internationaux de symbolisme, Mons, 1994. Les
détails de l’analyse objective des contextes « espace-temps »
et « réel-symbole » se trouvent dans mon étude, Réel et
Symbole dans l’expérience musicale, Muzica nr. 2, Bucarest,
2010.
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