Analyse Organisationnelle Hopital
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réaliser son extension géographique. À travers la présente étude, nous allons alors, nous
intéresser à la première phase du projet ayant porté sur l’analyse fonctionnelle à la lumière
du modèle de Mintzberg, donnant lieu à une nouvelle vision organisationnelle axée sur le
décloisonnement des départements, la formalisation des modes de coordination et la
sécurisation de l’information.
Mots-clés : Théorie Mintzberg - organisation hospitalière - management hospitalier.
Summary: The new system of hospital governance requires health institutions to develop new
managerial, financial and social skills beyond their public service duties.
As part of this new approach, the organizational modernization of hospitals involves intro-
ducing good management practices. However, managing the transition requires taking into
account the specificities of existing organizational systems. Organizational systems are gene-
rally difficult to model and involve diverse and sometimes competing interests, concerns,
habits, languages, cultures, tools and representations. This explains the high failure rate
observed in hospital development projects at an organizational level.
Santé publique 2012, volume 24, n° 6, pp. 573-585
Introduction
Depuis plusieurs années, l’organisation hospitalière se trouve confrontée à
des enjeux et défis majeurs. De la maîtrise des risques et de la qualité de ses
prestations, à la réduction des coûts de fonctionnement, en passant par les
exigences pressantes des partenaires politico-socio-économiques. L’organi-
sation hospitalière est plus que jamais appelée à s’inscrire dans la logique
d’innovation organisationnelle basée sur la maîtrise intégrée de son système
de gestion [1]. Il s’agit d’une nouvelle perspective, évolutive et porteuse
de changements d’envergure dans la culture managériale hospitalière.
D’ailleurs, sur le plan de la recherche scientifique, la problématique
de l’organisation hospitalière a occupé, durant les dernières décennies, une
place majeure dans les différents travaux ayant trait à la gestion et à l’ingé-
nierie des systèmes hospitaliers.
Par ailleurs, force est de constater que les établissements de santé
s’adaptant aux nouvelles contraintes, sont de plus en plus diversifiés compte
tenu de leurs choix organisationnels internes [2-7]. En effet, l’intégration de
nouveaux modèles de gestion basés, souvent, sur une informatisation
brutale des processus, a transformé la vision classique de l’Hôpital. D’après
El Hiki [1], la coexistence de plusieurs configurations organisationnelles
résulte entre autres, de cette course asynchrone vers l’informatisation des
processus et des équipements. La dimension organisationnelle a été souvent
négligée au détriment d’acquisition de nouvelles technologies. C’est ainsi
qu’au Maroc, les établissements de santé souffrent aujourd’hui, du non-
parallélisme entre une configuration organisationnelle déficitaire et une
obligation de modernisation imposée par l’évolution métier. Ce décalage
s’accroît alors que la qualité de l’organisation devient la clé de la
pérennisation de la relation Acteurs-Structure et l’outil indispensable pour
une gouvernance optimale.
Compte tenu de l’évolution socioéconomique et afin de s’y adapter, le Top
management de l’Hôpital Cheikh Zaid, a décidé d’optimiser les modes de
gestion internes, et ce, en tentant d'adapter de nouveaux modèles mana-
gériaux au contexte de la structure. Faut-il rappeler que cette nécessité de
réorganisation émane d’une problématique classique, qui fait que, malgré le
renforcement de l’équipe médicale de l’HUICZ par les meilleurs compétences
nationales, et la dotation des installations techniques par les technologies
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Méthode
L’objectif du présent travail serait l’application d’une méthodologie de
diagnostic organisationnel au cas de l’HUICZ, dans une approche intégrale de
conception de solution personnalisée, dédiée à la restructuration. L’hypo-
thèse initiale, étant que les problèmes opérationnels constatés par les
décideurs au sein de l’HUICZ (conflits interdépartementaux, réclamations de
la patientèle, etc.), pourraient être les symptômes de défaillances organisa-
tionnelles plus profondes, affectant les différents processus. Notre objectif
vise alors, la compréhension des mécanismes de l’organisation actuelle,
associé à l’identification de ses limites, pour élaborer un portefeuille
d’actions de modernisation de la gouvernance organisationnelle de l’HUICZ.
La référence théorique adoptée s’inscrit dans le cadre de la sociologie des
organisations. Elle permet une analyse fine de l’organisation hospitalière, en
abordant ses caractéristiques propres, ses objectifs, son fonctionnement, ses
acteurs et ses interactions avec l’environnement. Dans ce sens, l’HUICZ est
alors modélisé comme une forme d’organisation, « ayant des frontières
identifiables » constituant une unité de décision élémentaire, dotée de
ressources et moyens qui lui permettent d’atteindre des objectifs, fonc-
tionnant de façon relativement continue dans un environnement socioécono-
mique instable et loin de toute dimension institutionnelle [8].
Dans ce contexte, en appuyant notre réflexion sur une analyse de la
littérature autour de l’analyse organisationnelle ainsi que sur les éléments
issus de notre expérience sur le terrain au sein de l’HCZ (rapports, focus
groupe, accès aux Bases de Données, entretiens avec les acteurs, etc.), nous
nous proposons de diagnostiquer non seulement l’aspect statique de
l’organisation mais aussi sa facette dynamique recouvrant diverses notions
(division du travail, coordination, objectifs et pouvoirs des acteurs). Nous
avons alors jugé particulièrement pertinent d’intégrer les travaux de
Mintzberg ayant trait au management des structures [9]. Dans ce cadre,
l’approche initié par H. Mintzberg, et découlant de divers travaux analysant
les structures [10-15], propose quatre grandes variables permettant
d'analyser l’organisation (la structure/mode de coordination ; l’état de
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été d’autant plus forte, en l’absence d’un projet d’établissement cadrant les
objectifs et les moyens et renforçant ainsi, la création de synergie entre les
acteurs. Situation encore aggravée, par la non présence de structures trans-
verses (Qualité, SSIO, Comités Multidisciplinaires, etc.), le manque d’effi-
cience du système de contrôle interne, et à l’adoption d’un système
d’information cloisonné.
Dans une telle situation de cloisonnement intra-métiers et de diversifi-
cation des choix organisationnels à l’intérieur des périmètres fonctionnels,
les modes de coordination en relation interindividuelles informelles se sont
renforcés, en fonction des individus et de leurs pouvoirs. En exemple, à notre
intervention à l’Hôpital, le mode de coordination par ajustement mutuel, a
été le mode de coordination régnant au sein du niveau opérationnel. Ce
constat a été essentiellement lié à l’absence de procédures écrites et au
manque de traçabilité associé à l’activité. Souvent les opérateurs sont
appelés à prendre des décisions (opérationnelles) via la communication
informelle. Aussi, la supervision directe a été souvent constatée, entre la
ligne hiérarchique et le niveau opérationnel. Ainsi, et par manque d’informa-
tisation et de formalisation, ce mode de coordination verticale s’est implanté
progressivement au sein de la structure entre les opérateurs et leurs
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hiérarchies.
Par ailleurs, la standardisation par les qualifications comme mode de
coordination, a été relevé exclusivement au sein des départements spécia-
lisés de l’Hôpital Cheikh. Concernant l’activité médicale et paramédicale, ce
mode de coordination a été imposé, vu que les postes sont définis par quali-
fication du personnel (médecins spécialistes, infirmiers, aide-soignante, etc.),
et de même, au sein de l’activité technique, où la standardisation par quali-
fication demeurait le mode de coordination adopté.
Quant à la coordination par standardisation des procédés ou des normes,
elle est globalement inexistante au sein de l’HCZ (excepté le Service
Pharmacie), du fait que ce type de mécanisme s’appuie sur la transcription
des pratiques. Or à notre arrivée, cette démarche n’a pas été courante au sein
de la structure. De même pour la standardisation des résultats, qui, par
578 I. MAKHLOUFI, J. SAADI, L. EL HIKI, A. EL HASSANI
Facteurs de contingences
a. L’environnement
De manière générale, aujourd’hui le système privé de santé marocain est
confronté à une multitude de problèmes liés essentiellement à l'iniquité dans
le financement des soins, à la tarification jugée faible, et au statut d’une
bonne partie de ses ressources médicales.
• Cadre social
Aujourd’hui seuls 5 millions de Marocains (une population d’environ
32 millions) bénéficient d'une couverture médicale, alors que le reste de la
population prend individuellement en charge ses prestations médicales. Il en
a résulté que les établissements de soins de santé privés au Maroc, se sont
trouvés souvent obligés de s’adapter aux contraintes émanant de la
diversités de leurs interlocuteurs (particuliers au lieu des structures), et
surtout de gérer les risques financiers associés.
• Cadre financier et réglementaire
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plus la taille d'une organisation augmente, plus sa structure est élaborée, plus
les tâches y sont spécialisées, plus ses unités sont différenciées et plus sa
composante administrative est développée. De manière générale, plus l'organi-
sation est grande, plus elle tend à se formaliser. Pour le cas de l’HCZ, effective-
ment, nous avons constaté à notre arrivée, que l’importance de la taille
(1 000 employés, 280 lits, et 15 millions d’euros/an) a fait émerger ce besoin de
la formalisation, constamment réclamé par le top management. Toutefois,
par manque d’équilibre décisionnel (lié à la domination de la logique médicale)
et des raisons d’insuffisance de moyens humains, les actions opérationnelles
ont toujours primé sur l’initiation d’un projet de standardisation des pratiques
de la structure.
Par ailleurs et dans le même contexte, avec le temps, les organisations ont,
d’une manière générale, tendance à se formaliser davantage du fait de
l'expérience dont elles peuvent bénéficier pour formaliser les comportements
et prescrire des règles et des procédures à suivre face à un problème récur-
rent. L’organisation « apprend » à travers la répétition des tâches. Une orga-
nisation qui vieillit tend à répéter son travail et donc à devenir plus prévisible
et plus facile à formaliser. Or, pour le cas de l’HCZ (13 ans d’existence), ce
concept se présente contraire à la réalité organisationnelle. En effet, le man-
que de formalisation au sein de l’HCZ, est intiment lié à la dominance de la
vision médicale, et au caractère non-conformiste des patriciens. Cette situa-
tion fait que les choix organisationnels de la structure bloquent toute forme
de formalisme ou bureaucratie, et privilégient l’initiative des opérationnels.
Discussion
Au Maroc, l’organisation hospitalière publique et privée traverse une phase
décisive de son existence. Elle est actuellement au centre des débats sur la
santé et sur le système national de santé. Tous les acteurs du secteur – déci-
deurs, professionnels, financeurs et utilisateurs – déplorent le malaise qui
pèse sur les structures hospitalières aujourd’hui. Corruption, pénurie de
professionnels, vétusté des équipements, insuffisance des budgets, clienté-
lisme, démotivation du personnel, inefficience, qualité des soins déplorable
et mécontentement des patients sont les maîtres mots dans toutes les
discussions aussi bien dans les hôpitaux eux-mêmes qu’au niveau de l’admi-
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optimiser les processus. Dans cette vision globale, il a été procédé alors, à
l’élaboration d’une cartographie intégrale des processus et fonctions de
l’hôpital, puis l’affectation précise de chacune des fonctions à son dépar-
tement. Aussi et dans la même logique, il a été décidé d’instaurer et de
renforcer la coordination par standardisation des procédés au lieu du mode
de coordination d’ajustement mutuel prépondérant. C’est ainsi qu’une opé-
ration d’élaboration du manuel de procédures a été initiée, sur la base de la
transcription des pratiques et la formalisation de l’ensemble des opérations
réalisées par la structure. Cette démarche a permis à l’organisation de
clarifier les manières et les pratiques, et de canaliser les informations et
les responsabilités.
Concernant l’organisation médicale à l’HUICZ, les acteurs étant hétérogènes
de par leurs spécialités (médecins de l’Hôpital, mis à disposition, TPA, etc.), de
leurs modes de rémunération (à l’acte ou salarié), et de leurs contraintes
métier, et en l’absence de lien hiérarchique en raison de l’absence d’une
organisation médicale hiérarchique au sein de l’hôpital (organisation en
spécialités sans chefferie), il a été alors indispensable de concevoir un projet
d’établissement, comportant entre autres, une démarche de réorganisation
progressive et moins brutale, dont l’objectif serait d’inculquer progressi-
vement aux praticiens, un esprit d’appartenance et de rigueur organisa-
tionnelle (non opérationnelle), tout en assurant la continuité de la qualité des
prestations déjà acquise. Dans une telle situation, vu l’importance de l’activité
médicale en tant que métier de la structure, et le poids décisionnel du corps
médical, il a été bien clair qu’un tel projet ne peut se concevoir et se mener à
bien sans l’implication des praticiens. Ainsi, a été créé un Comité Médical
d’Etablissement (CME), comité assurant l’interface entre le corps gestionnaire
de l’hôpital et les praticiens. Cette démarche a permis la conception et la réali-
sation de plusieurs projets multidisciplinaires et a créé un noyau porteur du
changement au sein de la communauté médicale de l’HUICZ.
Enfin, et dans un souci de décloisonner les départements de l’HUICZ, de
renforcer le contrôle interne, de consolider la fiabilité de l’information et de
rééquilibrer les décisions (entre praticiens et gestionnaires), des structures
transverses (quasi inexistantes à notre arrivée) tels que, le Service de
contrôle et de Gestion et Audit (SCGA), le Service Système d’Information
(SSI), le Service Qualité et Organisation (SQO), le Service de Communication
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(COM) etc., ont été créées. Ces nouvelles unités ont permis une meilleure
circulation d’informations entre les différents départements, tout en assurant
la traçabilité relative à l’ensemble des opérations établies. À travers cette
traçabilité alimentant de nouvelles bases de données, un ensemble de
reportings, de tableaux de bord, de plans de budgétisation et d’objectifs, a
été élaboré permettant ainsi l’adoption de modèles de standardisation
des résultats.
Conclusion
En 2008, l’Hôpital Universitaire International Cheikh Zaid a lancé un projet
de restructuration organisé en trois grandes phases : l’analyse organisa-
tionnelle avec identification des limites de l’existant, la définition d’une cible
584 I. MAKHLOUFI, J. SAADI, L. EL HIKI, A. EL HASSANI
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