Bouchard, Françoise - Saint Antoine de Padoue PDF
Bouchard, Françoise - Saint Antoine de Padoue PDF
Bouchard, Françoise - Saint Antoine de Padoue PDF
Bouchard
Saint Antoine
/le Padoue
(5-,, Biographie
S a lva to r
Françoise Saint Antoine de Padoue
Bouchard Biographie
1195-1231
ISBN : 978-2-7067-1486-3
Salvator-Diffusion
20 c ne
SAINT
ANTOINE DE PADOU E
Biographie
S a lv a to r
103, rue Notre-Dame-des-Champs
F-75006 Paris
© Éditions Salvator, 2017
Yves Briend Éditeur, S.A.
103, rue N otre-D am e-des-Cham ps F-75006 Paris
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ISBN : 978-2-7067-1486-3
La cruche cassée
Fernand était un garçon plutôt calme, mais, en
grandissant, il lui arrivait d’aller s’amuser avec un
petit groupe d’amis du voisinage. C’est au cours
d’une de leurs parties de jeux particulièrement ani
mées qu’ils cassèrent involontairement la cruche,
pleine d’eau, qu’une jeune servante venait de puiser
dans le puits. La pauvre fille se mit à pleurer. Fernand
n’était pas insensible à sa détresse. Il se précipita à
terre pour ramasser les morceaux et les assembler
du mieux qu’il put. Puis il pria Marie et la supplia de
les recoller. Au grand étonnement de tous, la cruche
se reforma, et il la tendit à la servante qui le remer
cia vivement de lui avoir ainsi évité les reproches de
sa maîtresse1.
1. Ibid, p. 17. Selon une autre version, il s’agirait d’une vieille femme.
Le besoin de donner
Cette même compassion, Fernand l’éprouvait
aussi à l’égard des pauvres: «La plus grande joie
qu’on pouvait lui procurer était, à la vue d’un mal
heureux, de mettre une pièce dans sa petite main.
Alors, à mesure qu’il versait l’aumône, il semblait
que Dieu répandait en lui des richesses spirituelles
qui rendaient toujours plus irrésistible le besoin de
donner1. »
L ’écolier m odèle
Dans sa dixième année, ses parents l’inscrivirent
à l’école cathédrale tenue par les chanoines, dont
son oncle paternel était le directeur. Ayant déjà
acquis au palais les disciplines de base, il y apprit
le latin, le grec, la rhétorique, les sciences, l’Histoire
sainte. Sur le plan liturgique, à l’instar de ses cama
rades, il s’était familiarisé à la musique, au chant
sacré et au service de l’autel en participant, comme
«clerc», à tous les offices de la cathédrale que diri
geaient les chanoines. Doté d’une intelligence hors
du commun, d’une mémoire prodigieuse, d’une
éloquence naturelle et d’une grande capacité de
travail, il fut considéré, dès la première des cinq
années qu’il passa dans cette école, comme le meil
leur de tous.
Par ailleurs, cet enfant qu’on savait déjà pieux,
compatissant et généreux, «avait une aversion pro
noncée pour le mensonge (même «joyeux»), pour les
paroles inutiles et les jugements téméraires et toute
1. Antoine du Lys, op. cit., pp. 17-18; R. P. A.T., prêtre du Sacré-Cœur, His
toire de saint Antoine de Padoue, p. 9 ; Mgr Antoine Ricard, Saint Antoine
de Padoue, p. 13; «Acta Sanctorum» 13 juin, I, II, p. 706. Azevedo, lib. I,
chap. I.
2. Pour certains auteurs, la forme hideuse se serait mom entanément trans
form ée en une femme à l’attitude lascive et provocante.
l’époque, de penser à son avenir. Et il s’annonçait
plutôt brillant, son avenir, puisqu’il lui était assuré
par sa naissance. Étant l’aîné de la famille, il pourrait
succéder à son père et gérer ses biens et ses proprié
tés. D’autant plus qu’il en avait toutes les aptitudes et
les capacités : probité, sens pratique, contact facile,
dynamisme...
Sur le plan physique, il était d’une taille ordinaire,
un peu au-dessus de la moyenne. Ses cheveux noirs
encadraient son visage au teint brun, au front large,
aux traits plutôt fins; son nez, assez long, contras
tait avec ses lèvres charnues et colorées. Rien, pour
les historiens, qui dénoterait une beauté exception
nelle ! Mais ils ont tous souligné l’expression de ses
yeux noirs, et ce regard de feu tempéré par l’éclat
d’un léger sourire, trahissant la vivacité de son intel
ligence et l’ouverture de son cœur à tous ceux qui
l’abordaient.
Qu’allait donc faire de sa vie ce garçon charmant,
brillant et sympathique?...
Du palais au monastère
1. Espèce de camail (courte pèlerine) que portaient les chanoines sur les
épaules.
UN APPEL À DÉCRYPTER • 25
.t
particulièrement les Évangiles qui servaient de base
à la plupart de ses méditations.
Aimable avec tous, obéissant à ses supérieurs,
observant la Règle sans le moindre écart, il fut d’em
blée adopté par la communauté... Fernand était
donc plus près de D ieu ...
Mais le cœ ur en partage
U n e abbaye royale
U ne bibliothèque inestimable
1. Ibid., p. 22.
2. D'où la qualification de «réguliers-.
assuraient encore le catéchisme aux enfants ainsi que
la formation, en interne, de ceux qui leur semblaient
susceptibles d’être en recherche d’une vocation. Ils
exerçaient également la charité sur le plan humain et
matériel en distribuant des aumônes et en accueillant
les pèlerins.
On comprend mieux que leur formation com
porte des considérations sur les controverses et
polémiques en sachant qu’à l’époque, ils avaient à
lutter contre l’hérésie manichéenne , qui jugeait le
monde selon le dualisme opposant les principes du
bien et du mal, sans la moindre nuance. Il leur fal
lait donc avoir une profonde connaissance de la foi
catholique, mais aussi des erreurs de l’hérésie, afin
d’acquérir des arguments solides pour les réfuter.
De la plume au potager
1. Ibid, p. 29.
son poste. Alors il fait part à Jésus Eucharistie de sa
frustration en se prosternant à terre, puis se relève
en portant son regard vers l’église, en direction du
maître-autel où la messe est célébrée. À ce même
instant, quelle surprise pour lui! Les murs de l’église
semblent s’ouvrir, juste le temps, pour le prêtre,
d’opérer la transsubstantiation du pain et du vin en
Corps et Sang du Christ1.
U n e gloire méritée
U n martyre annoncé
U n désir attisé
U n dilemme récurrent
U n retour en triomphe
1. La main droite du miramolin, qui avait ôté la vie aux martyrs, est restée
paralysée jusqu’à sa mort. Voir Antoine du Lys, op. cil., pp. 34-35.
rangées par dom Pedro dans deux châsses d’argent
portées par une mule.
Destination: Sainte-Croix
1. Le noviciat ne fut imposé aux franciscains qu’en septem bre 1220, par
une bulle d’Honorius III (voir l’ouvrage du père Léopold de Chérancé,
op. cit., p. 39).
2. Antoine du Lys, op. cit., p. 47.
Maroc avec un compagnon de voyage prénommé
Philippe. Leur départ eut lieu à une date non pré
cisée, qui se situe «dans le courant de l’automne
12201». Il fut décidé qu’ils ne gagneraient pas la côte
africaine par le sud de l’Espagne, insuffisamment
sécurisé, mais par voie maritime, avec embarque
ment prévu à Lisbonne2.
La traversée se déroula dans les meilleures condi
tions. En voyant approcher la côte marocaine,
Antoine et Philippe s’exaltèrent : «Nous y voilà ! Nous
allons pouvoir travailler à réveiller la foi de cette terre
fertilisée par le sang de tant de martyrs ! »
Mission avortée
À la dérive
La-halte sicilienne
1. Un puits qu’il aurait fait creuser, des cyprès, des orangers ou des citron
niers qu’il aurait plantés, et même quatre couvents qu ’il aurait fondés. Il se
pourrait néanm oins que tout cela date d’une visite ultérieure.
Le chapitre général était aussi l’occasion de véri
fier la bonne observance de la Règle dans tous les
couvents, d’émettre éventuellement des critiques
pour en modifier les articles incriminés, de signaler
les fautes et les abus de certains et, si nécessaire, de
prononcer des sanctions.
C’était encore, pour les milliers de frères qui
venaient de tous les points du monde, une possibi
lité de se rencontrer, d’échanger des conseils, des
nouvelles, de partager leurs expériences, de s’en
courager mutuellement. Ils éprouvaient ainsi la joie
et le réconfort de ne pas se sentir isolés.
C’était, enfin, le lieu où il était décidé des nomi
nations. C’est de cette manière que cette année-là,
François allait accepter la démission de son vicaire
général, Pierre de Catane, usé par des affaires peu
reluisantes impliquant des exactions commises par
des religieux entraînés par des croisés peu scru
puleux. François, après avoir fait part à tous de sa
peine, leur avait rappelé la nécessité de combattre
le croissant et toute autre doctrine erronée, non
par la haine et par l’épée, mais par l’amour et par la
Croix, à l’image des valeureux martyrs qu’il n ’ou
blia pas de citer. Cette année-là, ce fut frère Élie,
l’un de ses premiers compagnons, qu’il nomma
pour remplacer son vicaire.
In persona Christi
U ne vocation d’ermite?
1. Son gardien avait dispensé Antoine de ces travaux, mais ce dernier avait
insisté pour y participer.
2. Promoteur de la Société saint Antoine, op. cit., p. 43.
d’Antoine. Sans doute avaient-ils remarqué qu’il
disait la messe matinale dans un latin parfait, que ses
sermons étaient bien tournés (dans leur dialecte) et
bien adaptés aux temps liturgiques et à la vie de la
communauté. Mais ils ne se doutaient pas que, sous
le boisseau d’une feinte ignorance, il cachait cette
ardente lumière de la grâce divine. S’était-il décou
vert une nouvelle vocation d’ermite?
1. Pour les Bollandistes ( op. cit., p. 617), ses frères «devaient y recevoir les
ordres sacrés».
car tous les membres des couvents des deux ordres
étaient venus au grand complet.
A qui la parole?
La révélation
1. Ibid., p. 29.
2. «Vie Anonyme- cité dans R.P. A.T., prêtre du Sacré-Cœur, op. cit., p. 69.
Le frère Gratien n’en croyait pas ses oreilles. Ce
même religieux, qui avait humblement imploré sa
pitié, voilà qu’il faisait aujourd’hui l’objet de sa fierté
et de son admiration. Le soir même, il envoya un
messager à François d’Assise pour lui annoncer la
nouvelle.
Quand François eut terminé de lire sa lettre, il
explosa de joie. Avec un sourire malicieux, il lança
sur un ton teinté d’humour : «Maintenant, nous avons
un évêque1: « Il fit part au père Gratien de sa satisfac
tion, et de sa décision de faire sortir de son ermitage
celui qu’il désignait pour aller prêcher l’Évangile
dans le monde. Sa lettre à Antoine pour l’en avertir
commençait ainsi : «Au frère Antoine, mon évêque2. »
Les «p u rs»...
« Les purs» peuvent le recevoir dès la naissance.
Il n’est donné qu’une fois et rien ne peut restituer la
pureté perdue (comme le fait le sacrement de confes
sion des catholiques). Alors que doivent faire ceux
qui l’ont reçu, au risque d’être condamnés à se réin
carner une ou plusieurs fois, si nécessaire? Ils sont
tenus de mener une vie exemplaire pour se main
tenir dans cet état de perfection : vie sobre, attitude
austère, modestie du regard, de l’habillement, jeûne
immodéré (ni œufs, ni lait, ni viande, car impurs),
pas le moindre plaisir humain, y compris sexuel...
Et tout cela ostensiblement, pour susciter des prosé
lytes. .. Ils se soutiennent entre eux dans leurs efforts
sur le plan moral, mais aussi sur les plans pécuniaire,
social et professionnel (subventions, places...).
Ils sont tenus au secret le plus absolu (nom des
chefs, des lieux de réunion, des dates, des sujets
évoqués...) et se reconnaissent entre eux à des mots
d’ordre assortis de signes...
. . . E t les autres
La majeure partie des cathares préfère réserver la
régénération du C on solam en tu m aux cas de mala
dies graves ou à des personnes à l’article de la mort.
Contrairement aux «purs », soumis à un renoncement
absolu, ils ne s’astreignent à aucune règle, puisqu’ils
considèrent que tout dans l’homme est impur.
Comme ils vont être purifiés à la fin, autant alors
jouir de tous les plaisirs terrestres, sans restriction.
1. À cette époque, les pays étaient constitués de régions qui avaient cha
cune leur propre dialecte; au sein même de chaque région, on trouvait
plusieurs idiomes qui pouvaient varier d'une ville à l’autre.
Le prem ier «lecteur» de la «chaire séraphique »
Retrouvons Antoine après son départ de l’ermi
tage de Monte-Paolo pour Bologne, où il est devenu
le premier «lecteur» ou professeur de théologie de
l’ordre. Fidèle aux conseils de François, qui lui a
recommandé de nourrir son enseignement d’une
pratique régulière de l’oraison, il a fait de sa chaire
une école de science et de sainteté. Ses élèves ne se
limitent pas aux moines du couvent franciscain où il
réside : «Une foule de jeunes gens avides de science
se pressaient à ses leçons1.» En peu de temps, leur
admiration l’a rendu célèbre dans tous les milieux
intellectuels et théologiques.
Pourquoi un tel engouement pour sa chaire2?
On connaît déjà sa culture théologique, ses excep
tionnels dons d’orateur et sa prodigieuse mémoire,
qui lui permettait d’émailler ses cours de citations de
n’importe quel texte (Bible, Pères de l’Église...), et
cela de mémoire. À ces atouts incontestés, il joignait
la faculté d’imposer les vérités de l’Église, non pas
en se limitant aux notions d’obligation ou d’interdit,
mais en faisant appel à l’intelligence, à la raison et aux
sentiments humains. Comme on l’a vu, il travaillait
à établir des comparaisons, des concordances, des
analogies et d’autres métaphores encore pour clari
fier ses exposés et toucher son auditoire. Mais pas
seulement. Car tout ce processus visait à rejoindre
le quotidien de chacun pour qu’il y retrouve une
source de vertu, un chemin qui l’amène à Dieu par
l’amour infini de son Fils. Un amour qui prend sa
1. Ibid.
2. Et dont saint Bonaventure et Duns Scott resteront les docteurs immortels.
3. «Trois ans après, alors qu'il avait quitté Bologne, on pouvait en com pter
six* (Antoine du Lys, op. cit., p. 62).
Une p a ro le de fe u
«Il avait les qualités spécifiques à l’orateur sacré :
la grâce qui attire, le feu qui entraîne, la puissance
qui subjugue, la connaissance du cœ ur humain et
des saintes Écritures... Un grand souffle l’animait,
le souffle divin qui transportait les prophètes1.»
Courtois, aimable, la démarche décontractée (inha
bituelle à l’époque), il avait une voix forte, claire
et modulable à l’occasion, afin de mieux com
muniquer les sentiments qu’il souhaitait inspirer:
«C’était le messager de la Bonne Nouvelle, parcou
rant sans relâche les cités et les bourgades ; c ’était
le semeur creusant chaque jour son sillon et répan
dant à pleines mains, en tous lieux, le bon grain
de la Vérité; c ’était le héros de l’Évangile, rempli
de sagesse et d’intelligence et parlant avec autorité
dans l’assemblée des fidèles. »À toutes ses aptitudes
et qualités, il faut ajouter son courage et sa fidé
lité à sa foi: «Rien ne pouvait l’engager à mollir; il
n’affaiblissait ni ne déguisait les maximes du saint
Évangile ; il les annonçait aux grands et aux petits
avec la même force et le même zèle. »
«Il les transperçait tous indistinctement des flèches
de la vérité. Il argumentait avec les incrédules et il
les écrasait sous les coups de sa logique. Il exhortait
les bons; avec eux, il devenait tendre et suppliant.
Il admonestait les impies, et les faisait rougir de leur
conduite. »
Il avait une telle faculté d’adaptation aux circons
tances et aux personnes que la doctrine du Salut
Au nom de l ’Esprit
Avant de prononcer un sermon, il se recueillait
devant le tabernacle pour réciter cette prière de sa
composition2:
«Lumière du monde, Dieu immense, Père de l’Éter
nité, Aumônier de la sagesse et de la science, miséri
cordieux et inestimable dispensateur de la grâce spi
rituelle, Toi qui sais toutes choses avant qu’elles ne
viennent... Étends la main et touche mes lèvres, et
pose-les comme un glaive aigu pour qu’elles redisent
avec éloquence tes paroles; fais, ô Dieu, que ma
langue soit comme une flèche choisie pour pronon
cer de mémoire tes merveilles ; envoie, ô Dieu, l’Esprit
saint dans mon cœur, pour recevoir, et dans mon âme,
pour retenir, et dans ma conscience, pour méditer.
Inspire-moi des pensées religieuses saintes, miséricor
dieuses et clémentes; enseigne, instruis et instaure...
tous mes arguments et toutes mes réflexions, afin que
ta discipline me dirige et me corrige jusqu’à la fin, et
que le conseil du Très-Haut me soit toujours en aide
par ta miséricorde infinie. Amen3. »
Des fruits en a b o n d a n ce
On a vu l’enthousiasme qu’Antoine suscitait, on a
dit la qualité de son style oratoire et du contenu de
ses sermons. Il nous reste à nous interroger sur les
fruits de sa parole.
De Rimini à Verceil
1. Certains auteurs placent l’un ou l’autre des deux miracles dont le récit
va suivre - voire les deux - au cours du deuxièm e séjour d’Antoine à
Rimini. De fait, ce n ’est pas impossible, mais il sem ble plus probable qu’ils
se soient produits avant son départ pour la France. Car dans la logique
divine, ces miracles étaient beaucoup plus «utiles" avant, pour assurer sa
notoriété en France où les cathares (nom m és aussi albigeois car ils étaient
particulièrement présents autour d’Albi) étaient beaucoup plus virulents
que les - patarins".
l’obtention de tout avantage et de tout service était
systématiquement refusée à ceux qui ne se pliaient
pas aux directives : de fait, il était interdit d’entrete
nir tout lien avec l’Église catholique, et notamment
d’écouter un sermon d’un de ses représentants.
Antoine était fermement déterminé à mener à bien
son projet. En premier lieu, il lui fallait trouver un
moyen pour avertir les habitants de sa venue, mais à
l’insu des «purs». Eh bien ! Il utiliserait leur méthode :
le secret.
Il partit donc de son couvent accompagné d’un
groupe de frères mineurs et de quelques amis sûrs.
Arrivés à Rimini, les uns et les autres se dispersèrent
pour aller, dans chaque maison, annoncer discrète
ment son arrivée, la durée de son séjour, l’heure et le
lieu de ses prédications. Il fut convenu que les ren
contres se tiendraient à l’embouchure de la Marec-
chia, une rivière qui se jette dans l’Adriatique1.
Éviter le ridicule
Plusieurs jours de suite, Antoine se rendit sur la
plage pour attendre ses auditeurs. Mais aucun ou
presque ne vint. Un jour, un petit noyau de catho
liques osa s’approcher de lui. Un quarteron de
patarins, plus curieux et moins peureux que leurs
confrères, étaient aussi venus, mais, par prudence,
ils se tenaient à distance. Antoine brûlait du désir de
commencer son sermon. Mais son auditoire se limi
tait à un groupe trop réduit, plus faible que celui de
Le serm on au x poissons
Alors il se tourna vers le ciel pour demander à
Dieu de lui inspirer la conduite à adopter. À cet ins
tant il se sentit poussé à regarder la mer et à invec
tiver les poissons: «Écoutez donc, vous, du moins,
habitants de la mer et du fleuve ; poissons, recevez
cette parole dont ne veulent pas les hommes1. »
Soudain, venue des profondeurs, accourut une
multitude de poissons qui s’installa en face de lui, les
plus petits à l’avant, les plus grands à l’arrière. Tous
avaient la tête hors de l’eau et semblaient le fixer du
regard, avec une attention plus soutenue quand il
reprit la parole :
«Mes frères les poissons, vous êtes bien obligés
de rendre grâce à votre Créateur qui vous a attribué
pour vivre, un si noble élément2...» Il cita ensuite
quelques traits honorant leurs congénères : le trans
port de Jonas et son rejet sur la terre ferme, la gué
rison de Tobie, le cens offert à Jésus et à Pierre, la
multiplication des pains, la pêche miraculeuse...
À ces paroles, les poissons commencèrent à ouvrir
la bouche, à incliner la tête, à frétiller des nageoires
comme s’ils voulaient l’applaudir.
1. Promoteur de la Société saint Antoine, op. cit., p. 62.
2. Idem.
Alors, Antoine éleva la voix pour couvrir leur
vacarme associé au bruit des vagues: «Béni soit
le Dieu éternel, parce que les poissons l’honorent
mieux que ne le font les hommes hérétiques ; et les
animaux sans raison écoutent mieux sa parole que
les hommes infidèles1. »
1. Ibid., p. 63.
2. Père Marie-Antoine de Lavaur, op. cit., p. 49.
par ces signes qu’il leur envoie pour les amener à
lui : les miracles.
Le p a rd o n du Père
Après avoir établi dans son exorde l’unicité du
Dieu Trinité, Antoine avait osé en venir à cette
La mule de Bonvillo
Il en restait un, en effet, nommé Bonvillo qui,
parmi les vérités annoncées par Antoine, ne croyait
pas au dogme de la présence réelle du Christ dans
l’hostie. Il s’en tenait à la théorie cathare selon
laquelle la communion n’apportait que sa grâce1.
Un jour, il lui fit part de ses dernières réticences à
rejoindre l’Église: «Démontrez-moi, prouvez-moi
par un de vos miracles que l’Eucharistie contient
le corps du Christ, et je vous jure que je renoncerai
aussitôt à toutes mes anciennes croyances.» À ces
paroles, Antoine n’eut même pas le moindre doute
sur la certitude de l’intervention divine pour confir
mer une vérité aussi essentielle. Il accepta le défi, et
laissa même Bonvillo choisir la nature et les modali
tés de cette épreuve. Ce dernier accepta :
— Eh bien ! J ’ai une mule. Je la tiendrai enfermée
et la priverai de nourriture pendant trois jours. Au
bout de ce temps, je vous l’amènerai devant l’église.
Là, je lui présenterai un boisseau d’avoine. Vous, en
même temps, vous sortirez de l’église et vous porte
rez le pain consacré. Si à ce moment, ma bête laisse
l’avoine pour venir s’incliner devant l’hostie, alors,
moi aussi, je courberai ma raison devant les mystères
que vous enseignez.
— Nous nous reverrons dans quatre jours, lui
répondit Antoine2...
Pendant les trois jours suivants, Bonvillo n’eut
d’autre souci que d’affamer sa mule. Antoine, on
le devine, ne cessait pas de prier, non pas pour sa
gloire personnelle, mais pour que le miracle, en se
réalisant, entraîne la conversion de cet homme et de
tous ceux qui seraient les témoins de l’événement.
Le carêm e de Verceil
1. Sous prétexte q u ’il s’est produit ailleurs, tous les biographes d’Antoine
n’ont pas retenu ce miracle de Rimini. Pourtant, une forte tradition locale et
une chapelle le com mém orent ; la chapelle fut érigée en 1417, sur l’empla
cem ent d’une colonne commémorative. Voir Albert Lepitre, Saint Antoine
de Padoue, p. 31.
2. L’opinion avancée par certains, selon laquelle il y aurait été envoyé par
François pour parfaire ses connaissances théologiques, n’est plus retenue
par aucun chercheur.
3. En 1220, par le cardinal Guala.
et avoir des lumières merveilleuses, même sur l’in
sondable mystère de la Trinité. Je l’ai constaté moi-
même en la personne de Frère Antoine, de l’ordre
des Mineurs, que j’ai connu intimement... La pureté
de son âme, l’ardente charité qui embrasait son cœur
et son vif désir de pénétrer à fond la théologie, lui
firent surpasser les capacités naturelles de l’esprit
humain1.»
Dans l’église Saint-Eusèbe, ses prédications, au
rythme de quatre ou cinq par jour, étaient très sui
vies: »L’église était remplie d’une foule compacte,
avide de le voir et de recueillir les enseignements
auxquels devait être apposé le sceau du miracle2. .. »
Et quel miracle! En voici un bref récit: «Un matin
[qu’il] prêche, on apporte à l’église, pour lui rendre
les derniers devoirs, le corps d’un jeune homme
enlevé [à sa famille]. Du haut de sa chaire, il voit
entrer le cortège3 et entend les pleurs et les lamenta
tions des parents, famille et amis qui le composent.
Son cœ ur souffre avec eux. Il s’arrête de parler et se
recueille un instant. Puis, étendant les mains vers le
cercueil sans couvercle: «Au nom du Christ, jeune
homme, reviens à la vie!» À sa voix, l’incroyable
se produit: le jeune homme se lève et marche. On
devine les acclamations des auditeurs m êlées à
celles du cortège funèbre et les émouvantes actions
de grâce qui s’ensuivirent... Et bien évidemment,
l’affluence accrue des auditeurs et le nombre inouï
de conversions de patarins durant ce Carême.
Un meurtre de trop
Pour clore cette liste déplorable, je citerai cet
écuyer de Raymond VI qui poignarda le légat pontifi
cal, Pierre de Castelnau, venu pour tenter de trouver
un terrain d’entente. Le mourant lui avait dit en tom
bant: «Que Dieu te pardonne, comme moi-même je
te pardonne5. »
C’est ce grave incident qui avait motivé la déci
sion du pape de lancer la première Croisade, ou
Convaincre et apaiser
1. L’histoire qui suit est relatée par les Bollandistes (» Liber Miraculorum»
et Azevedo I, XI, pp. 51-52; Angelino de Vicenza, I, XI, AnnalesMinorum
n° 14, 1231). Elle est citée par quasiment tous les biographes.
apprenant sa fugue. Il pria immédiatement le Sei
gneur d’intervenir, non seulement pour récupérer
son bien, mais pour inspirer de meilleurs senti
ments au coupable. Et le Seigneur intervint. À cet
instant, le fuyard s’apprêtait à traverser le pont de
Lattes, enjambant le Lez qui conduisait hors de la
ville. À peine eut-il fait quelques pas sur le pont
qu’il vit surgir face à lui un personnage m ons
trueux, armé d’une hache, qui le menaçait du geste
et de la parole : «Retourne sur tes pas et va rendre
le livre que tu as dérobé ; autrement, je vais te tuer
et je te jetterai dans le fleu v e... »
Le novice fut saisi d’une peur qui le paralysa. Mais,
pour échapper au monstre, il tourna les talons et
repartit au pas de course, jusqu’au couvent. Il sonna
à l’entrée, se fit ouvrir et, sans rien dire au portier,
fonça droit vers la cellule d’Antoine pour se pros
terner à ses pieds, implorer son pardon et, bien évi
demment, lui rendre son manuscrit. Il lui demanda
même, larmes à l’appui, de plaider sa cause auprès
du gardien pour qu’il le réintègre dans la commu
nauté - ce qu’il obtint.
Alors, on est en droit de s’interroger sur l’identité de
ce personnage inquiétant. Les premiers biographes,
suivis par d’autres, l’ont assimilé au dém on... Ce qui
prouverait sa soumission - et non son égale puis
sance - à l’unique Dieu et Seigneur, qui lui aurait
commandé d’intervenir pour arracher à son emprise
le pauvre novice qu’il avait trompé1.
Ce qui est certain, c ’est que ce récit est à l’ori
gine de la coutume, bien établie dans le monde
1. Le novice aurait mené une vie exem plaire et serait mort en odeur de
sainteté. Azevedo I, XI, pp. 51-52.
e'ntier, de prier saint Antoine pour retrouver les
objets perdus.
Antoine se dédouble
U n e situation ambiguë
Le clergé interpellé
Que peut-on dire d’autre sur l’apostolat d’Antoine
à Toulouse ? Rien de bien précis ni de bien nouveau :
il avait prêché pour ses frères et formé des lecteurs.
Il avait interpellé le clergé, en invitant ses membres
à se défaire de leur vie trop matérialiste, à revenir à
u'n esprit de prière et de méditation, à étudier pour
mieux enseigner au peuple... Il les avait persuadés
que c ’était par leur exemple qu’ils attireraient les
âm es... Quant aux cathares, après quelques tenta
tives d’intimidation, ils n’avaient même pas essayé
de recourir aux joutes verbales avec lui, soit qu’ils
se soient convertis en masse, soit qu’ils aient préféré
baisser les bras.
1. R.P. A.T., prêtre du Sacré-Cœur, op. cit., p. 132. D’après -Opuscula B. fran-
cisci», tome III, ch. XXV.
2. R.P. A.T., prêtre du Sacré-Cœur, op. cit., p. 135.
ceux qui, chassés du Languedoc, étaient venus se
réfugier dans cette région où les gorges profondes et
les montagnes sauvages, couvertes de forêts, consti
tuaient des lignes de défense naturelles.
Ils n’avaient jamais pu être aussi influents qu’à
Toulouse. Par ailleurs, ceux qui s’étaient laissé entraî
ner par la secte étaient des paysans naïfs mais droits,
et il suffît à Antoine de leur expliquer leurs erreurs
pour qu’ils retournent dans le giron de l’Église.
Quelques-unes de ses prédications populaires
allaient, au Puy comme ailleurs, être marquées du signe
du divin, mais sous des formes parfois nouvelles1.
1. Les faits merveilleux survenus au Puy ne sont pas retenus par tous les
auteurs sous prétexte q u ’ils ont été écrits un siècle plus tard. Pourtant, ils
étaient bien ancrés dans la tradition orale et le fait q u ’ils n'aient pas été
relevés (ou connus) par les premiers biographes ne prouve pas nécessai
rement qu’ils soient faux.
chagrin à l’intéressée, avec laquelle chacun ne pense
qu’à compatir, au point d’en oublier le sujet traité.
Mais Antoine flaira là une ruse du démon pour le
neutraliser et empêcher ses paroles de porter du
fruit. Alors, couvrant les chuchotements qui fusaient
de toutes parts, il s’adressa à la dame d’une voix puis
sante: «Femme, pourquoi pleures-tu? Ne livre point
ton cœur à la désolation. Ce courrier qui t’inquiète
sort directement de l’enfer pour distraire vos âmes
et vous empêcher tous de profiter des grâces que
vous fait le Seigneur... Ton fils est vivant. Sous peu,
tu le reverras et tu constateras toi-même la vérité de
ma parole...» À ce moment, l’esprit du mensonge
était découvert. Il poussa un cri horrible et disparut.
La fumée nauséabonde qu’il laissa fut perçue partout
comme le sceau de son auteur1. Cet épisode ne fit
que renforcer le crédit d’Antoine auprès des masses
de gens qui venaient chaque jour en plus grand
nombre pour l’écouter, et s’engageaient à mener
une vie plus évangélique après s’être confessés aux
dizaines de prêtres qui l’accom pagnaient...
1. Ibid.
se chargea de raconter ce qui lui était arrivé à qui
voulait l’entendre.
Carton ja u n e p o u r le clergé
Considéré comme le meilleur prédicateur de
l’époque, Antoine fut chargé du discours d’ouver
ture. Il avait bien compris que, pour arriver à ses fins,
le concile devait s’attaquer aux racines de tous les
maux : l’incurie du clergé dont la morale relâchée et
le peu de conviction à prêcher l’Évangile faisaient le
jeu des critiques des cathares et maintenaient leur
attrait auprès de certains catholiques mal formés.
La conversion d ’un j u i f
Certains biographes placent à Bourges un autre
«miracle de la mule». On ne va pas reprendre ici son
déroulement détaillé, mais on peut citer le nom de
celui qui en fut le témoin : son nom serait «Zacharie
Guillard». Après sa conversion, il aurait fait construire
à ses frais une église sous le vocable de «Saint-Pierre-
le-Guillard». N’est-ce pas là une preuve possible de
l’authenticité de ce miracle eucharistique à Bourges?
D’autant plus qu’il s’agissait là d’un nouveau type de
conversion : celle d’un juif.
Le prédicateu r de la Croix
Antoine fut accueilli en Arles avec l’enthou
siasme que l’on devine. Le 14 septembre, jour de
la fête de l’«Exaltation de la Sainte-Croix», il avait
pris pour sujet: La Passion du Sauveur et l’ins
cription de la Sainte Croix : -Jésus de Nazareth roi
des Juifs. » Toute l’assistance était suspendue à ses
lèvres et particulièrement dans ce passage qu’il
prononça avec une voix persuasive et des mots
vibrants d’ém otion :
«Sur la croix, Jésus-Christ, de ses deux bras éten
dus comme deux ailes, recevait, et reçoit encore,
tous ceux qui se réfugient dans son sein ; il les cache
dans le secret de ses blessures contre la fureur des
démons ; et dans le ciel, ses plaies ont une langue qui
plaide notre cause auprès du Père, et qui demande
non vengeance, mais miséricorde. O homme!
Te voilà donc rassuré si tu espères en Dieu. »
' Comme à son habitude, Antoine glissa une allu
sion à Marie : «Tu as accès auprès de son trône, car tu
as une Mère auprès du Fils et un Fils auprès du Père.
La Mère, dit saint Bernard, montre au Fils le sein qui
l’a nourri...'- Et il ne put conclure sans souligner la
puissance des plaies du Christ: «Le Fils expose aux
yeux du Père le côté et les blessures qui ont servi à
l’apaiser. Mais la plaie du cœur est comme la cité du
soleil, car c ’est dans le côté qu’a été ouverte la porte
du paradis1. »
La caution de François
C’est donc à ce moment du sermon d’Antoine
que le Seigneur accorda à François la faveur qu’il
souhaitait : voir et entendre son «évêque » avant de
mourir. Et le moment était bien choisi pour lui qui
portait dans ses mains, ses pieds et ses côtés, les
stigmates douloureux de la Passion. Un témoin, le
frère Monaldo, eut le privilège de constater de ses
yeux la présence du Poverello. En relevant la tête,
alors que les autres étaient plongés dans le recueil
lement, «il vit le bienheureux François élevé en l’air,
les bras étendus en croix et bénissant l’assemblée.
Il fut le seul à le voir, mais ses frères se sentirent à
cet instant tellement comblés d’une grande conso
lation spirituelle, qu’ils le crurent sur parole2». Dès
lors, François se préparait à rejoindre son Seigneur
qu’il avait si tendrement aimé, après avoir confirmé
1. Saint Antoine de Padoue, Sermons, cités par Antoine du Lys, op. cit.,
pp. 103-104.
2. Cette vision tire sa crédibilité du fait que saint Bonaventure l’ait retenue
dans sa Légende de saint François.
à sa communauté le phénom ène d’ubiquité dont il
avait été l’objet1.
On peut avancer deux hypothèses pour justifier
cette présence miraculeuse de François :
- il souhaitait encourager ses frères, réunis en
grand nombre, à suivre l’exemple d’Antoine qui prê
chait sur la croix ;
- il avait tenu à jeter sur tous, en les bénissant de
sa main, un dernier regard d’am our...
Le custode en Limousin
Un sem eur de jo ie
Un artisan de la p a ix
Le lendemain, il a répondu à la demande des
Bénédictins en venant prêcher dans leur abbaye
de Saint-Martin. Son thème était l’excellen ce de
la vie monastique, et il le développait autour du
psaum e: «Qui me donnera des ailes comme à la
colom be, et je volerai à mon asile et m ’y reposerai
en paix2. »
Un ferven t de la Règle
C’est pendant son séjour à Limoges qu’il vint en
aide à deux religieux en les délivrant d’une tenta
tion. L’un était un novice prénommé Pierre. Il avait
des doutes sur sa vocation; l’autre, moine à l’abbaye
de Solignac, ressentait des pulsions sexuelles. Il les
apaisa, le premier en lui soufflant sur le front et en
lui disant: «Reçois l’Esprit saint»; l’autre, en le revê
tant de sa «tunique». Ni l’un ni l’autre ne ressentirent
plus jamais le moindre trouble de ce genre3.
Un antidote contre la p eu r
À Saint-Junien, où il avait été invité pour prêcher,
il avait su par intuition que l’estrade sur laquelle il
devait s’exprimer allait s’effondrer, sans le moindre
dommage ni pour lui, ni pour le «clergé, les magis
trats et les notables du lieu» qui devaient prendre
place autour de lui. Avant de commencer, il avait
donc prévenu l’assistance de l’éventualité de l’inci
dent, en assurant qu’il n ’aurait aucune conséquence
sur qui que ce soit. Il en était à la première partie
de son sermon quand soudain, l’estrade s’effondra
dans un bruit assourdissant et lui-même disparut
au milieu des décombres. Mais, comme il l’avait
prédit, personne n’eut la moindre égratignure. Et
quand il émergea du nuage de poussière provo
qué par la chute des planches, calme et souriant,
c ’était le silence; un silence général, ponctué de
1. Ibid., p. 481.
cris d’admiration. Cette admiration s’étendit hors
de la ville, et accrut encore son prestige. Sur le plan
local, les habitants, après s’être cotisés, s’enga
gèrent à financer dans leur ville la construction d’un
couvent de frères mineurs. Comme les vocations
abondaient, Antoine en opéra la fondation avec un
groupe de novices encadrés par deux ou trois reli
gieux de Limoges1.
1. Ibid., p. 4 8 2 .
2. R . P. A .T ., prêtre du Sacré-Cœur, op. cit., p. 161.
sans limite. Il en ressuscita deux dont les mères
étaient venues en pleurs pour lui annoncer leur
décès (l’un tombé dans une bassine d’eau bouillante
et l’autre étouffé dans son berceau après une grave
crise de convulsions).
U n doux privilège
* O g loriosa D o m in a
E xcelsa su p er sid éra !
Q ui te c rea v itp ro v id e
L actasi s a c ro u b e r e ... »
«Ô glorieuse Souveraine,
Élevée au-dessus des étoiles,
Celui qui vous a créée a voulu
Boire votre lait sacré... »
1. Certains auteurs ont cité d’autres légumes, mais com m e ils ne s’accordent
pas dans leur énumération, on s’en tiendra ici aux oignons.
2. Léopold de C hérancé, op. cit., pp. 1 0 7-108; «Liber M iraculorum -,
Acta SS; Azevedo, lib. II, chap. XV ; Léon de Clary, op. cit., pp, 4 8 3-484;
Antoine du Lys, op. cit., pp. 119-120; R.P. A.T., prêtre du Sacré-Cœur,
op. cit., p. 156. Le fils, devenu prêtre et chanoine, racontait souvent cette
histoire. Il a toujours été charitable envers les franciscains.
les domestiques. Peut-être l’avait-elle compris, mais
nous n ’en avons pas de traces écrites.
Si le fils de la dame n’a pas oublié ce fait merveil
leux, la ville de Bourges l’a également retenu. Comme
il s’est passé un 24 août (1226), pour la fête de la Saint-
Barthélemy, les autorités municipales ont instauré, le
dimanche après cette fête, une «Foire aux oignons»
sur la place des Cordeliers (puis, place Sainte-Ursule).
Cette foire rassemble toujours autant de visiteurs et
d’acheteurs aujourd’hui. Elle se tient devant les Grottes
de Saint-Antoine, le dernier dimanche d’août.
1. Si le pape était bien Honorius III quand Antoine quitta la France, on sait
que Grégoire IX a été élu pour lui succéder le 19 mars 1227, le lendemain
de sa mort. Si Antoine n'a pas pu rencontrer le premier avant son décès,
on connaît les contacts qu'il a eus avec Grégoire IX.
U n salut à la «Bonne Mère»
1. Le fait suivant est occulté par certains. Et ceu x qui l’ont m entionné l’ont
situé soit à l’arrivée d’Antoine en France, soit à son retour; d’autres n ’ont
pas précisé la localité. Il est très probable qu ’il s’agisse de Cuges, et ce
pour deux raisons : la tradition orale a toujours perpétué ce récit (d ’ailleurs
longtemps com m ém oré par un tableau aujourd’hui disparu, qui était placé
dans l’église paroissiale) ; une chapelle a été construite dans une pinède
en l’honneur d’A ntoine; une partie de son crâne a été offerte à l’église
paroissiale par un cardinal qui, se trouvant à Cuges en 1350 aux portes de
la mort, y avait été guéri en le priant. Pourquoi aurait-il imploré Antoine
et pas un autre saint s'il n y avait pas déjà un culte local? Voir Mgr Antoine
Ricard, op. cit., p. 339.
Pendant qu’elle remontait, le compagnon d’Antoine,
en manipulant sa coupe, l’avait cassée en deux, au
niveau du pied. Leur hôtesse fut prise de panique à
la pensée de ne pas pouvoir la rendre à sa voisine.
Au même moment, elle eut conscience d’avoir oublié
de refermer le robinet du tonneau. Elle redescendit à
la cave : en effet, le vin ne cessait de se répandre sur
le sol. Elle ne put que limiter les dégâts en refermant
le robinet.
Elle remonta les escaliers quatre à quatre pour faire
part à Antoine de ce nouveau désastre. Il la regarda
d’un air compatissant et, appuyant ses coudes sur la
table, il cacha sa tête entre ses mains et se mit en
prière. À cet instant, la pauvre femme vit la coupe du
verre se replacer sur son pied. Elle le prit entre ses
mains et le secoua pour vérifier s’il était bien recons
titué: la soudure n ’était même pas visible! Alors,
confortée dans sa foi en la puissance de thaumaturge
d’Antoine, elle redescendit à la cave : le tonneau était
entièrement plein1! Inutile de décrire la joie et l’ad
miration qu’elle dut lui exprimer. On devine la hâte
d’Antoine de reprendre sa route, pour échapper aux
louanges exubérantes du voisinage qu’elle ne man
querait pas d’alerter... N’oublions pas qu’il s’agit de
la Provence !
1. Ibid., pp. 111, 112, pp. 167-168; Léon de Clary, op. cit., pp. 487-488; Mgr
Antoine Ricard, op. cit., pp. 190-192; Antoine du Lys, op. cit., pp. 130-132;
Promoteur de la Société saint Antoine, op. cit., pp. 103-105.
Antoine parle,
Dieu entérine
Le p a p e à l ’écoute d ’A ntoine
À son arrivée à la ville sainte, le pape Honorius III
était mort depuis le 18 mars 1227 et, comme on le
sait, son successeur avait été élu le lendemain. C’était
le cardinal Hugolin, ami personnel de François de
son vivant, et très attaché aux franciscains. Il avait
pris pour nom de règne Grégoire IX. Il connaissait
bien la réputation d’Antoine en matière d’éloquence
et de science sacrée, et sa force de persuasion sur
tous les genres d’auditeurs : religieux et laïcs, lettrés
et ignorants, citadins et ruraux, jeunes et plus âgés,
même les incroyants. Grégoire IX chargea Antoine
de parler devant deux sortes d’auditoire :
- les cardinaux, qui étaient encore réunis en
conclave pour son élection ;
- les foules qui, comme chaque année, conver
geaient vers Rome pour bénéficier des prédications
de carême et de l’indulgence plénière accordée pour
Pâques.
Son succès fut immense devant les uns et les
autres, et les cardinaux se déplaçaient pour l’écou
ter parler devant les pèlerins et les Romains réunis.
Le pape en personne se joignit à eux. Il avait été édifié
1. «Liber Miraculorum-, n° 1.
en entonnant un cantique avec son compagnon de
route. S’il rencontrait un agriculteur ou un berger, il
l’encourageait à persévérer dans son beau métier et
à chercher toutes ses forces et ses consolations dans
l’Eucharistie1.
Le poison inopérant
En revanche, il y a un événement qui n’est men
tionné qu’au retour d’Antoine à Rimini. Un jour, les
patarins avaient invité Antoine à partager un repas
avec eux. Bien déterminés à le faire disparaître défi
nitivement, ils lui avaient préparé un plat dans lequel
ils avaient introduit une forte dose de poison mortel.
Mais au moment où ils lui servirent son assiette, le
Seigneur lui révéla la nature de son contenu. D’autres
que lui auraient quitté la pièce ou auraient insulté
leurs hôtes. Il n’en fit rien. Mais d’une voix douce
et amicale, il leur dit: «Seigneurs, qu’avez-vous fait?
Vous m’invitez et vous avez mis la mort dans un des
plats que vous m’offrez ! » La rage de se voir décou
verts leur permit de masquer leur haine en paroles
hypocrites. «C’est vrai, ce mets est empoisonné. Mais
notre intention est pure... C’est pour vous donner
un renom de plus, en faisant éclater la vérité de la
parole du Christ à ses disciples : «Ceux qui boiront du
poison n’en éprouveront aucun mal1. « À vous, Frère
Antoine, de nous montrer si l’Évangile est infaillible.
S’il n’enseigne que la vérité, vous mangerez de ce
plat empoisonné sans en souffrir aucun dommage. »
Le vrai fa u x mort
Il y a un homme qui, lui aussi, avait tout lieu de
regretter ses agissements. Antoine était alors occupé,
truelle en main, à surveiller les travaux d’un nou
veau couvent à Gémone. Les ouvriers vinrent à man
quer de pierres. Antoine arrêta alors un paysan qui
conduisait une charrette vide dans laquelle son fils
s’était endormi :
«Mon frère, lui dit-il, ne voudriez-vous pas, pour
l’amour de Dieu, me prêter votre charrette et votre
attelage pour transporter un chargement de pierres ? »
Même pour l’amour de Dieu, le charretier ne se laissa
pas attendrir: «Frère, je voudrais bien, lui répondit-il
d’un ton faussement attristé, mais c ’est impossible.
Je porte au cimetière le cadavre de mon fils que vous
voyez étendu. »
Antoine comprit la supercherie, mais n’insista
pas. Il lui dit simplement: «Qu’il soit fait comme
vous dites.» Un peu plus loin, le paysan arrêta son
attelage pour réveiller son fils et lui raconter la ruse
dont le pauvre moine avait été la dupe. Voyant qu’il
ne se réveillait pas, il le secoua énergiquement.
Sans résultat. Car le pauvre garçon était bien mort!
Le père comprit alors la leçon, qui fut bien amère
pour lui. Il pleura, il gémit et courut jusqu’à Antoine
pour lui demander de le pardonner et de lui rendre
1. Antoine du Lys, pp. 164-165; Promoteur de la Société saint Antoine,
op. cit., p. 115.
son enfant. Antoine fut pris de compassion pour ce
pauvre père dont la douleur lui brisait le cœur. En
même temps, il admirait la confiance qu’il plaçait
en Dieu à travers sa personne. Il lui emboîta le pas
pour se rendre à l’endroit où était arrêtée la charrette
funèbre ; il fit un signe de croix sur le corps de l’ado
lescent et le prit par la main pour l’aider à se relever.
Et le faux-vrai mort se mit debout, plein de vie1...
Encore un miracle qui allait soutenir l’œuvre évan-
gélisatrice d’Antoine et clôturer l’année 1227.
Le p ie d ressoudé
Il fa it p a rler un nourrisson
Après sa mission dans la région de Vérone,
Antoine retourna à Padoue avec Frère Luc. N’ou
blions pas qu’il devait y ramener l’âne qu’on lui
avait prêté. D ’autre part, il eut à cœ ur d’annoncer
aux Padouans les bons résultats de son entretien
avec Ezzelino. Ils se dirigèrent alors vers Bologne
où Antoine devait résider. Ils s’arrêtèrent à Fer-
rare car il voulait y encourager de sa présence le
duc Azzo d’Este. Placé à la tête des Guelfes de la
région, le duc résistait vaillamment aux troupes de
Frédéric II et d’Ezzelino. Comme partout ailleurs,
Antoine, précédé par sa renommée qui ne cessait
de croître, prêcha dans la ville avec la même fougue
et le même succès. Et elle allait devenir encore plus
éclatante, sa renommée, après un nouveau fait dont
le caractère miraculeux revêt une dimension par
ticulière. Suite à une dénonciation mensongère,
une femme était accusée d’infidélité par son mari :
1. Antoine du Lys, op. cil., pp. 184-185; «Liber M iraculorum-, tom e II,
Azevedo, I, XVII ; Missaglia, lib. III.
il était persuadé que son enfant, né il y avait deux
mois à peine, n’était pas de lui et il voulait la répu
dier. Heureusement pour elle, Antoine passait un
jour dans la rue au moment où, portant le bébé
dans ses bras, elle subissait les insultes de son mari.
Elle l’arrêta et lui expliqua brièvement son histoire
en versant d’abondantes larmes. Convaincu d’un
seul regard de sa bonne foi, il invita son mari à
s’approcher de lui et lui dit: «Nous allons demander
son avis à l’intéressé. » Et, au grand étonnement de
tous - y compris de l’attroupement qui s’était formé
dans la rue - il interrogea le nourrisson :
«Je t’adjure, au nom du Dieu de la crèche, de
déclarer ici publiquement, en termes nets et précis,
de qui tu es le fils. »
L’enfant se tourna vers le mari jaloux et dit d’une
voix claire : «Voici mon père ! »
«Aimez donc cet enfant, lui dit Antoine, car il est
le vôtre. Aimez aussi sa mère. Je vous le dis au nom
de Dieu, elle est fidèlè, dévouée, digne de votre
tendresse1. »
Pour échapper aux applaudissements et aux
louanges des spectateurs de la scène, éberlués,
Antoine s’éclipsa. Il alla se réfugier dans une église
pour prier Marie au pied de sa statue. Tous ceux qui
l’ont rencontré dans la ville l’ont souvent entendu
chanter cette hymne qui l’avait délivré à Brive des
griffes du démon. « O G loriosa D om in a /<>... Il la chan
tait «avec des accents de tendresse et de confiance
qui en faisaient une éloquente prédication». Son
endroit de prédilection pour l’entonner avec le frère
Luc était l’église «Sainte-Marie del Vado», où s’est
perpétué son souvenir1.
Le chapitre de la discorde
Le Poverello au p a ra d is
Ce grand rassemblement avait pour double objec
tif de voir les nouvelles élections du chapitre géné
ral et la translation des reliques de saint François.
François avait été canonisé par Grégoire IX en 1228,
mais, étant alors retenu par ses visites dans sa pro
vince, Antoine avait été empêché de s’y rendre. Cette
fois, il ne manquerait pas l’occasion d’assister à la
mise à l’honneur du Poverello. On devait en effet le
transporter solennellement de l’église Saint-Georges
à la crypte, récemment achevée, de celle que les
Padouans avaient tenu à faire construire en son hon
neur. Il allait au surplus avoir la joie de revoir Gré
goire IX, qui devait présider la cérémonie. Il se mit
donc en route, avec le frère Luc, pour Assise.
1. L’élection du frère Élie, que soutiennent certains, sem ble improbable. Car
Azevedo écrit : «Jean Parent fut maintenu ministre général. » Cf. sa - Disserta
tion X X X IX ” citée par Antoine du Lys, op. cit., p. 205. Le père de Chérancé
précise que Jean Parent gouverna l’institut des «Mineurs» de 1227 à 1233.
Op. cit., p. 181.
Cette permission lui fut accordée, avec la possibilité
de prêcher où bon lui semblerait, sans se référer au
supérieur du lieu.
Le Saint-Siège tranche
Antoine fit partie de la demi-douzaine des frères
envoyés en délégation à Rome. Le Saint-Siège les
accueillit très favorablement. Il prit le temps d’étu
dier les points sujets à litige entre les deux camps, et
les soumit à une commission de travail. Il ne jugea
pas opportuns les aménagements dans le sens de
la modération exigés par le frère Élie. Mais il n’ap
prouva pas davantage ceux qui avaient pour réfé
rence le testament de saint François, interdisant tout
ajout ou retranchement à la Règle. Car ce testament
n’avait aucune valeur juridique : il avait été écrit en
l’absence des frères et nul ne pouvait l’imposer à
ses successeurs.
Le pape rédigea ensuite le bref «Quo Elongati»,
signé le 28 septembre 1230, confirmant l’extrême
pauvreté des frères mineurs, leur interdiction de
posséder des biens et leur confiance sans limite en
la divine Providence. Il devait leur adresser leurs
constitutions le 6 octobre 1230.
Avant de laisser repartir la députation, le pape
réaffirma son soutien affectueux aux franciscains,
et particulièrement à Antoine. Depuis que, trois
ans plus tôt, il l’avait lui-même écouté, applaudi et
dénommé «l’Arche de la Bible», il avait entendu, de
toutes parts, des échos de sa renommée de prédica
teur toujours croissante. Oui: «l’Arche de la Bible»
était bien le convertisseur des pécheurs, le rassem-
bleur des hérétiques dans la vraie foi, le pacificateur
des familles, des clans rivaux, des villes ennem ies...
Et, en plus de tout cela, le thaumaturge opérait les
miracles les plus inouïs pour entériner ses dires
et ramener tout un peuple à Dieu. Autant de rai
sons pouvant accréditer l’opinion selon laquelle
Grégoire IX aurait invité Antoine à rester dans son
entourage, voire, selon certains, à accepter la dignité
de cardinal1 qu’il aurait, bien évidemment, refusée.
Avant de quitter Rome, Antoine rencontra le cardi
nal Raynal, évêque d’Ostie2, qui l’engagea fortement
à mettre par écrit ses Serm on s su r les saints.
1. R.P. A.T., prêtre du Sacré-Cœur, op. cit., p. 272; Mgr Antoine Ricard, op.
cit., p. 254 ; Promoteur de la Société saint Antoine, op. cit., p. 132 ; Antoine
du Lys, op. cit., p. 213.
2. Protecteur de l'ordre et futur pape sous le nom d’Alexandre IV.
VIII
L’envol vers le ciel
1. Rares sont les biographes qui n ’ont pas retenu cet épisode clans l'Al-
verne. Il est rapporté, entre autres, dans R.P. A.T., prêtre du Sacré-Cœur,
op. cit., pp 275-283.
Car il y avait atteint les plus hauts sommets de l’orai
son. Il en avait compris, en les vivant, les mystères
les plus secrets, définis par son maître à penser,
Denys l’Aréopagite: «l’oraison est une chaîne qui
pend du ciel à la terre; quand nous la saisissons,
elle nous aide à monter vers les brillantes clartés de
son radieux sommet1. » L’Esprit saint aidant, il se sen
tait poussé vers des ascensions spirituelles toujours
plus élevées. Nous ne savons rien de ces entretiens
d’Antoine avec le Christ, si ce n’est qu’il lui révéla sa
mort prochaine et qu’il l’attendait encore à Padoue
pour Lui gagner le cœur de ses habitants avant de
l’accueillir auprès de Lui.
La cellule où il avait séjourné2 n’était pas celle
de François. Les moines de l’ermitage de l’Alverne,
heureux et honorés de sa visite, la lui avaient bien
proposée, mais il s’en était jugé indigne. Il en avait
choisi une autre, un peu en contrebas, d’où il n’était
sorti pendant son séjour que pour aller chanter les
heures avec ses frères et, occasionnellement, parta
ger leurs repas.
En passant p a r Arezzo
Nous retrouvons Antoine à la fin de l’automne
1230, sur la route de Padoue, sa dernière destina
tion. Il est toujours accompagné et soutenu dans sa
marche par les frères Luc et Roger.
Son passage allait marquer la ville d’Arezzo d’une
faveur extraordinaire. Il y avait là un seigneur très
brutal, qui avait coutume de battre sa femme. Un
jour où sa colère était à son comble, il l’avait tirée
1. Denys l'Aréopagite, Des noms divins, chap. III, p. 158.
2. On peut encore visiter cette grotte au monastère de l’Alverne.
par les cheveux jusqu’à un balcon d’où il l’avait jetée
dans la cour. Pris d’un soudain remords, il avait des
cendu l’escalier quatre à quatre pour se précipiter
vers la malheureuse qui gisait, sans vie, sur les dalles
de pierre.
Les domestiques, qui avaient accouru, ramassèrent
son corps inerte et allèrent le déposer délicatement
sur un lit. Le seigneur avait entendu l’un d’eux dire
qu’Antoine venait d’arriver dans la cité. Il partit aus
sitôt, interrogea les passants et finit par savoir où il
se trouvait. Il s’agenouilla à ses pieds, lui raconta son
crime en versant des torrents de larmes et le supplia
de ramener son épouse à la vie. Antoine se laissa
convaincre, se fit mener auprès du lit funèbre et fit
mettre en prière tous les assistants. Il se recueillit
un instant, traça un signe de croix sur elle et lui dit :
«Lève-toi et marche.» Elle se leva. Au grand étonne
ment de tous, et à la joie du mari repentant, elle se
mit à marcher.
Le dernier Carême
L’évêque du diocèse, Mgr Jacques Conrad,
avait apprécié la station quadragésimale prêchée
par Antoine en 1228. Il lui demanda de prêcher
celle de 1231. Antoine accepta. S’il devait mourir
Venez tous à Lu i!
Revenons, sur un plan plus général, à la teneur
des sermons d’Antoine envers les pécheurs. Après
avoir dénoncé leurs fautes, il leur proposait un
retour à Dieu en commençant par un retour sur
eux-mêmes.
«Pauvre pécheur, pourquoi désespérer de ton
salut, alors qu’au Calvaire, tout parle de miséri
corde et d’am ou r!... Venez à Lui! Troupeau, il est
votre Pasteur. Enfant prodigue, il est votre père. Il
est le Dieu qui pardonne, il ne repousse point un
coeur contrit et humilié. Ô pécheur! Quand bien
même tu aurais consumé tout ton corps dans le
crime, ne désespère jamais. Pourvu qu’un sanglot
reste au fond de ton être et que tu veuilles bien te
repentir de tes péchés, cela suffit. Un jour devant
le Seigneur est comme mille ans. Dieu t’accordera
alors le pardon, ce pardon qu’il t’offre et te pré
pare comme si tu avais pratiqué la vertu pendant
mille ans1. »
Ces invitations au regret des péchés et ces allu
sions à leur pardon toujours possible, sur un ton
aussi poignant, amenaient toute l’assistance à venir
se confesser auprès des prêtres venus en nombre de
la ville et des alentours. Certains déclarèrent même y
avoir été poussés après avoir entendu ces paroles en
rêve: «Va trouver le frère Antoine, et suis ponctuel
lement ses conseils2.» D’autres étaient venus après
avoir pris connaissance d’un nouveau miracle obtenu
par sa prière. Le repentir sincère des pénitents et les
conseils toujours bien adaptés aux personnes et aux
circonstances produisirent leurs effets: «Les haines
s’apaisaient, les familles se réconciliaient publique
ment; les prisonniers pour dettes recouvraient leur
U ne gloire annoncée
1. Julien de Spire, op. cil., C XII, p. I; Père de Chérancé, op. cit., p. 162.
2. Antoine du Lys, op. cit., p. 217.
3. R.P. A.T., prêtre du Sacré-Cœur, op. cit., p. 306.
multitude de tém oignages de grâces obtenues par
son intercession, com prenons qu ’il s ’agissait bien
de lui.
Un départ à préparer
Aux alentours de Pentecôte, les travaux des
champs allaient s’intensifier et les paysans des vil
lages qu’il visitait ne pourraient plus se libérer.
Antoine, bien qu’âgé seulement de 36 ans, avait
le sentiment d’une vie bien remplie. Une vie toute
donnée à porter l’Évangile au monde. Il ne lui restait
plus qu’un désir: se préparer à sa mort qu’il savait
imminente. Il sentait le moment venu d’abandonner
l’action sur le terrain au profit de la contemplation.
Le temps qu’il lui restait à vivre, il allait l’utiliser à
rompre ses dernières attaches à la vie terrestre pour
se préparer au grand «passage».
1. Azevedo, lib. Il, cap. VI, p. 160; Angelino di Vincenza, lib. II, cap. V II;
R.P. A.T., prêtre du Sacré-Cœur, op. cit., p. 304.
de l’éternité1. » Alors, le comte, bien résolu à satisfaire
sa volonté, donna sur-le-champ des ordres pour
faire construire les trois cabanes, avec des planches
au sol, et des feuillages entrelacés en guise de murs
et de toiture ; vu le piètre état de santé d’Antoine, un
escalier en bois fut construit pour y accéder.
Les trois frères prirent possession de leurs cel
lules aériennes avec, pour unique compagnie, celle
des oiseaux qui nichaient là en abondance et, pour
seul bruit, celui de leur ramage sur un fond de brise
légère qui agitait les branches. Ils en descendaient
pour aller chanter les heures avec les franciscains
de l’ermitage ou pour aller partager la nourriture
que leur procurait habituellement leur bienfaiteur.
Antoine louait donc Dieu avec les oiseaux.
Le rêve envolé
Un jour, après le repas qu’il était allé prendre avec
ses deux compagnons au réfectoire de l’ermitage, il
ne put se relever de table. Malgré leur aide, il lui était
impossible de tenir debout sur ses jambes. Alors il
comprit que son rêve de mourir entouré de ses amis
les oiseaux serait irréalisable. Il prit conscience que
sa présence à Campietro serait une charge pour
une demi-douzaine de moines dépourvus de tout.
Il demanda aux frères Roger et Luc de le ramener au
couvent de Sainte-Marie. Le frère Roger fit atteler un
char pour le transporter, bravant ainsi l’opposition
de ses frères ermites qui auraient souhaité l’assister
dans ses derniers moments.
U ne arche d’alliance
Vers l ’apaisement
Cet incident acheva de convaincre les «Pauvres
Dames» de l’inopportunité de leur acharnement. Les
frères de l’Arcella se rallièrent à leur sage décision.
Restait à convaincre les habitants du quartier, bien
résolus à donner leur vie pour défendre leur position.
Après trois jours de lutte, le provincial, enfin arrivé
à Padoue, se rangea aux arguments des frères de
Sainte-Marie. Il fixa la date des obsèques et donc, de
la translation du corps, au lendemain matin, le mardi
17 juin. Pour éviter tous risques d’échauffourées, le
podestat prit des mesures condamnant toute per
sonne armée à payer une amende très élevée. Il fit
jurer sous serment aux habitants de la Tête-du-Pont
de ne pas sortir de leurs maisons pendant les funé
railles en les menaçant de la confiscation de tous leurs
biens en cas de rébellion. Un argument de poids, qui
fut d’une grande efficacité. Après s’être assuré que
le calme était revenu entre les belligérants, l’évêque
accepta de présider la cérémonie et il donna rendez-
vous à tous devant la porte de l’Arcella.
Une fo i renouvelée
Chaque jour, les pèlerins succédaient aux pèle
rins. Tous ceux qui venaient, parfois en simples
curieux, éprouvaient, devant le sarcophage, les
Un flambeau su r le chandelier
Le 30 mai 1232, une immense foule avait envahi
la cathédrale de Spolète, aux murs tendus de soie
et de velours, et éblouissante de lumière. Il y avait
des gens de toutes les provinces d’Italie, mais aussi
de la plupart des pays d’Europe, notamment, bien
évidemment, du Portugal où était né Antoine, et du
sud de la France où il avait ramené tant d’hérétiques
à la foi catholique. Assis sur son trône, Grégoire IX
écouta, avec une émotion non dissimulée, la liste
des quarante-sept miracles énumérés par un lec
teur. Puis il se leva et, haussant les bras et les yeux
vers le ciel, il adressa à la foule cette proclamation
solennelle :
«À la gloire de l’auguste Trinité, en vertu de l’au
torité apostolique et après avoir pris conseil de nos
frères les cardinaux, nous inscrivons le bienheureux
Antoine au catalogue des saints, et nous fixons sa
fête au 13 juin. »
On chanta alors le Te D eum qui, selon la coutume,
devait clôturer la cérémonie. Mais le pape entonna
ensuite l’antienne «O Doctor optime1» que tout le
clergé chanta avec lui. Cette initiative imprévue ren
dait ainsi publique son intime conviction: Antoine
méritait bien d’être promu par l’Église au grade de
ses «docteurs2'*.
Après la cérémonie, Grégoire IX publia deux
bulles entérinant la canonisation :
- celle du 1er juin 1232, adressée au clergé et aux
fidèles de Padoue :
«Nous avons voulu confondre la perversité des
hérétiques et encourager la foi des chrétiens...
Nous voulons aussi que la noble cité de Padoue soit
comme un flambeau placé sur le chandelier, afin que
les cités voisines marchent à sa lumière3»;
- celle du 22 juin, destiné à l’Église universelle.
C’est une hymne de louanges au protecteur de la
chrétienté :
«Nous avons apprécié autrefois par nous-
mêmes la sainteté de sa vie et les merveilles de son
ministère, puisqu’il l’avait quelque temps exercé
de la façon la plus digne de louanges sous nos
y e u x !... Tandis qu’il était sur la terre, il était orné
des plus belles vertus. Maintenant qu’il est dans
le ciel, il brille de l’éclat d’innombrables miracles ;
de telle sorte que sa sainteté est démontrée par
les marques les plus certaines. Nous vous prions
tous, nous vous avertissons, nous vous exhortons
tou s... Nous vous ordonnons d’exciter la dévotion
Lisbonne en fête
On ne peut omettre, dans cette évocation de la
canonisation d’Antoine, le curieux événement qui
se produisit à Lisbonne le même jour et à la même
heure. Le 13 juin, donc au moment même où le pape
proclamait officiellement la sainteté d’Antoine dans la
cathédrale de Spolète, tous les habitants de Lisbonne
se sentirent poussés, sans raison apparente, à sortir
de leurs maisons. En chantant des cantiques et en
dansant de joie, ils se retrouvèrent tous sur les places
publiques. Soudain, leur tumulte fut couvert par le gai
carillon des cloches des églises de la ville, que per
sonne n’avait actionnées. Ils n’avaient alors pas été
informés de la date de la canonisation, mais quand
ils le furent, ils comprirent que le Seigneur avait ainsi
voulu faire éclater la gloire d’Antoine dans sa ville
natale. On ne s’étonnera pas qu’ils aient souhaité
fêter l’événement à leur tour. Pas davantage du lieu
choisi pour la cérémonie : cette même cathédrale où
il était si souvent venu prier dans sa première enfance
et pendant son séjour chez les chanoines de Saint-
Augustin. Les plus heureux, et aussi les plus fiers de la
ville, c ’étaient à l’évidence les membres de sa famille.
À commencer par ses deux sœurs, dona Feliciana
et dona Maria, entourées de leurs enfants. La pré
sence de son père est considérée comme probable,
mais celle de sa mère n’est pas mentionnée par les
chroniqueurs. On sait toutefois qu’elle a partagé les
1. Ibid.
honneurs rendus à son fils, au moins à titre posthume,
puisqu’on peut lire cette épitaphe sur son tombeau :
• H ic ja ce t mater san cti A n ton iil »: «Ici repose la
mère de saint Antoine ! »
La République s ’implique
1. Ibid.
il faut penser à l’effet attractif qu’une telle masse
exerçait. Il faut imaginer la chaleur de la parole de
l’orateur, vivante et animée, la force des arguments,
le lyrisme des ajouts poétiques, l’intérêt des compa
raisons et des allégories, la fougue convaincante des
appels à la conversion... Il y avait aussi ce regard qui
se promenait de l’un à l’autre, de sorte que chacun se
sentait personnellement concerné. Il y avait encore
cette gestuelle bien précise, ces interpellations,
ces interrogations... et aussi ces brefs moments de
silence, interrompus soit par une invitation à se
confesser, à se pardonner, à réparer, soit parfois par
un m iracle...
De fait, l’idée que nous pouvons avoir des ser
mons de saint Antoine de Padoue, plus encore que
de tout autre prédicateur, n ’est qu’un pâle reflet de
la réalité. Le charme de l’éloquence parlée est un
torrent de flammes échappé d’un volcan qui n ’est
que lave refroidie dans sa version écrite. On com
prend bien que si le Seigneur a voulu nous conser
ver sa langue intacte pendant plus de sept siècles,
c ’est pour nous inviter à découvrir et nous appro
prier les paroles qu ’elle a émises. Des paroles qui
ont la puissance du Père, l’amour miséricordieux
du Fils, le feu et l’onction de l’Esprit saint. C’est
l’éclair qui jaillit dans les esprits, la foudre qui
écrase le mal, la rosée qui rafraîchit, l’eau pure
qui désaltère, et le miel qui nourrit et qui guérit
les plaies. En l’entendant, les foules sont convain
cues d’écouter la parole du Verbe qui s’est fait chair
dans la Vierge Marie.
U ne langue à vénérer
D ’I saïe à Jésus
L’exemple qui va suivre nous introduit dans le
domaine des concordances entre l’Ancien Testament
et une invocation au Christ. Il cite d’abord les paroles
d’Isaïe :
«Lève-toi, lève-toi, revêts la force des bras du
Seigneur; lève-toi comme dans les jours antiques.»
Il enchaîne ainsi : «Ô Fils de Dieu, qui êtes le bras de
votre Père, levez-Vous de votre trône ; sortez du sein
de la gloire dont II vous inonde. Levez-Vous en pre
nant notre chair; revêtez-Vous de la force de votre
divinité, afin de combattre le prince de ce monde,
et qu’un plus puissant que lui brise sa puissance.
Levez-Vous pour racheter l’humanité, comme dans
les jours antiques, vous avez délivré le peuple d’Is
raël de la servitude d’Égypte... »
Autour du pain
La neuvaine antonienne
Premier jo u r
Deuxième jo u r
Quatrième jo u r
Glorieux saint Antoine, vous qui, guidé par un
sentiment de profonde humilité, mettiez tout votre
soin à vous cacher aux yeux du monde, quand Dieu
vous manifesta en un instant comme une arche de
science et de sainteté, obtenez-nous de pratiquer
cette belle vertu. Pater, Ave.
Cinquième jo u r
Glorieux saint Antoine, vous qui, choisi par Dieu
pour répandre sa Parole, avez reçu de Lui le don
des langues et la grâce des miracles les plus éton
nants, obtenez-nous d’écouter avec fruit cette divine
parole. Pater, Ave.
Sixième jo u r
Glorieux saint Antoine, vous qui, par votre ardent
amour de Dieu, avez mérité de recevoir entre vos bras
le divin Enfant Jésus, obtenez-nous de le recevoir dans
son sacrement de tout notre cœur. Pater, Ave.
Septième jo u r
Huitième jo u r
Glorieux saint Antoine, vous qui, sur le refus des
hommes de venir entendre la Parole sainte, avez, à
leur grande honte, appelé les poissons de la mer pour
la leur prêcher, obtenez-nous la parfaite soumission
de notre intelligence aux vérités divines. Pater, Ave.
Neuvième jo u r
D ixièm e jo u r
Glorieux saint Antoine, vous qui, comme pro
tecteur de l’innocence, avez fait parler un enfant de
quelques jours pour sauver l’honneur de sa mère,
obtenez-nous d’être forts au milieu des persécutions
du monde et aidez-nous à conserver intacte la pureté
de notre âme. Pater, Ave.
Onzième jo u r
Glorieux saint Antoine, vous qui avez travaillé
à rétablir la paix dans les familles, les cités et les
clans rivaux, obtenez-nous de pardonner du fond
du cœ ur toutes les injures et d’aimer nos ennemis.
Pater, Ave.
D ouzièm e jo u r
Treizième jo u r
Glorieux saint Antoine, vous qui, à l’imitation du
Rédempteur, avez consumé votre vie au salut des
âmes, obtenez-nous de mériter, à la fin de nos jours,
de voir Jésus et Marie comme vous les avez vus en
rendant le dernier soupir, et de chanter avec vous
dans le ciel, leur éternelle louange. Pater, Ave1.
Prière efficace
1. Ibid., p. 70-71.
d’enfoncer la porte, veuillez essayer encore une fois
de l’ouvrir. Peut-être viendra-t-il à notre secours?”
Ils acceptèrent. Et la première clé qu’ils introdui
sirent ouvrit la porte, sans la moindre résistance.
L’étonnement était général. «À partir de ce jour,
précise la lingère, toutes mes amies prièrent saint
Antoine avec moi et nous lui communiquâmes toutes
nos peines, avec promesse de pain pour les pauvres
s’il nous exauçait.
L’une de ces amies avait promis d’offrir un kilo de
pain pour les pauvres de saint Antoine s’il délivrait,
à sa prière, un des membres de sa famille qui n’arrê
tait pas de pousser des gémissements. La grâce lui fut
accordée. En reconnaissance, elle acheta une petite
statue de saint Antoine et l’offrit à mademoiselle Bouf-
fier qui l’installa dans son arrière-boutique. Depuis ce
jour, ce lieu est devenu un oratoire très fréquenté. Et
tous ceux qui avaient été exaucés en priant à ses pieds
firent le don promis d’un kilo de pain par jour: c ’est
ainsi qu’est née l’œuvre du "Pain de saint Antoine».
Pour donner une idée de l’ampleur des dons - réa
lisés uniquement après l’exaucement dans un tronc
placé devant la statue - , la lingère a précisé, dans
une lettre au père Marie-Antoine, que les dons du
mois d’octobre 1892 avaient permis d’acheter et de
distribuer 1300 kg de pain pour les pauvres. Et elle
a rajouté: «Nous recevons chaque jour des mandats
poste avec quelques mots de remerciement de Lyon,
de Valence, de Grenoble, de Montpellier, de Nice, de
Grasse, de Marseille, de Hyères et de mille endroits... »
Mademoiselle Bouffier a aussi expliqué au père
Marie-Antoine que le pain acheté avec les fonds reçus
était régulièrement distribué dans les communautés
religieuses, les orphelinats de toute la région ou
chez les Petites sœurs des pauvres, à raison de 50,
80 voire 100 kg de pain par envoi1. ..
Même si le Pain des Pauvres ne s’est pas maintenu
dans la région ou le pays que l’on habite, on peut tou
jours promettre de donner une certaine somme à une
association caritative en cas d’exaucement.
1. Ce récit sur le pain des pauvres est tiré de l’ouvrage du père Marie-
Antoine de Lavaur (pp. 39-43) qui cite cette lettre reçue de M ademoiselle
Bouffier, datée du 15 novem bre 1892.
Mère de Dieu, qui est aussi notre Mère à tous. C’est
Marie qu’il invoquait, particulièrement dans les Mys
tères de l’Immaculée-Conception et de l’Assomp
tion1, pour le délivrer des attaques du démon (dans
la cathédrale de Lisbonne et à plusieurs reprises
dans sa cellule). C’est elle qu’il priait plusieurs fois
par jour. C’est elle qu’il a implorée au moment de sa
mort et qu’il a vue venir au-devant de lui, avec son
Fils, pour le conduire au paradis.
Prions donc Marie, dès notre enfance et jusqu’à
nos derniers jours, de nous assister dans tous les
moments difficiles de notre vie. Confions-lui aussi
toutes nos actions quotidiennes, en union avec la
Sainte Famille de Nazareth dont elle était le pivot.
Une âm e d ’enfant
Lire et transmettre la p a ro le
Saint Antoine avait une parfaite connaissance
de la sainte Écriture et de la doctrine chrétienne,
comme le suggèrent les nombreuses images où il est
représenté avec un livre ouvert à la main. Devenu
fils du Poverello, il a consacré tout son temps à en
transmettre les grandeurs et les beautés aux foules
innombrables. À commencer par l’amour et les
grâces inépuisables que l’Église nous invite à puiser
dans les plaies de Jésus, particulièrement dans celle
de son cœur, percé pour nous les communiquer
en abondance.
Comme saint Antoine, exerçons-nous à lire et
à écouter la Parole de Dieu. À bien la vivre pour
notre propre sanctification, pour les effets attractifs
de l’exemple, et enfin pour la porter aux autres. Tra
vaillons à faire connaître et aimer Celui qui est la Voie,
la Vérité, la Vie. Veillons, en catéchisant les jeunes, à
leur enseigner les fondamentaux de la foi dont bon
nombre des dernières générations ont été malheureu
sement privées.
Et toujours espérer
Et pourquoi pas ne pas le prier pour lui demander
un miracle? Car s’il n’a pas cessé d’en réaliser tout
au long de sa vie, il continue depuis sa mort à porter
nos prières auprès du Seigneur en les imprégnant de
ses mérites. J ’en donnerai un seul témoignage - un
parmi une longue série - , particulièrement touchant.
Un malheureux capucin se désolait d’avoir perdu
un grain de son chapelet, auquel il était très attaché.
Il le cherchait partout dans le jardin où il avait l’habi
tude de prier. En désespoir de cause, il s’assit sur un
vieux banc de pierre pour se reposer, et supplia saint
Antoine de le lui faire retrouver. Quelques instants
plus tard, il vit s’approcher de lui une fourmi qui
avait toutes les peines du monde à charrier un objet
bien encombrant pour elle, et qu’elle vint déposer à
ses pieds : c ’était le grain de son chapelet1.
Si saint Antoine a pu aider un moine à retrouver
un simple grain de chapelet, comment douter de
l’efficacité de son intercession dès lors que l’on sait
le prier avec un cœur d’enfant?
Restons bien persuadés qu’avec saint Antoine, qui
cherche trouve.
Éditions franciscaines
8 Rue Marie Rose, 75014 Paris
Tél. : 01 45 40 73 51
Le M essager d e s a in t A n toin e
Couvent Saint-Antoine
2 boulevard Pierre Renaudet
65000 Tarbes
Tél. 05 62 36 56 32
Chapelle Saint-Antoine
Boulevard Gambetta
13780 Cuges-les-Pins
Tél. 04 42 73 80 24
Bibliographie
Préface ......................................................................... 9