Sainte Hildegarde (1098-1179)
Sainte Hildegarde (1098-1179)
Sainte Hildegarde (1098-1179)
COLLEGE
LIBRARY
LES SAINTS "
Sainte Hildegarde
(1098-1179)
par
Paul FRANCHE
TROISIÈME ÉDITION
Victor Lecoffre
Sainte Hildegarde
" LES SAINTS "
Collection publiée tous la direction de M. Henri JOLY.
VOLUMES PARUS :
Sainte Hildegarde, par M. l'Abbé Paul Franche.
Saint Victrice, par M. l'Abbé E. Vacandard.
Saint Alphonse de Lignori, par le Baron J. Angot des Rotours.
Deuxième édition.
Le B* Grignion de Hontfort, par Ernest Jac. Deuxième édition.
Saint Hilaire, par le R. P. Largent. Deuxième édition.
Saint Boniface, par G. Kurtu. Deuxième édition.
Saint Gaétan, par R. de Maulde La Clavière. Deuxième édition.
Sainte Thérèse, par Henri Jolt. Quatrième édition.
Saint Yves, par Ch. de la Roncière. Deuxième édition.
Sainte Odile, patronne de l'Alsace, par Henri Welschinger.
Troisième édition.
Saint Antoine de Padone, par M. l'Abbé A. Lepitre. Troisième
édition.
Sainte Gertrude, par Gabriel Ledos. Troisième édition.
Saint Jean-Baptiste de la Salle, par A. Delaire. Quatrième édition.
La Vénérable Jeanne d'Arc, par L. Petit de Julleville. Quatrième
édition.
Saint Jean Chrysostome, par Ami Puech. Troisième édition.
Le B* Raymond Lnlle, par Marius André. Deuxième édition.
Sainte Geneviève, par M. l'Abbé II knriLesêtre. Quatrième édition.
Saint Nicolas I", par Jules Rot. Troisième édition.
SaintFrançois de Sales, par XuiDizoEK\RGE.Rie. Quatrième édition.
Saint Ambroise, par le Duc de Broglie. Quatrième édition.
Saint Basile, par Paul Allard. Quatrième édition.
Sainte Mathilde, par Eugène Hallberg. Troisième édition.
Saint Dominique, par Jean Guiraud. Quatrième édition.
Saint Henri, par M. l'Abbé Henri Lesbtre. Quatrième édition.
Saint Ignace de Loyola, par Henri Jolt. Cinquième édition.
Saint Étienne, roi de Hongrie, par E. Uorn. Troisième édition.
Saint Louis, par Marius Sepet. Cinquième édition.
Saint Jérôme, par le R. P. Largent. Cinquième édition.
Saint Pierre Fourier, par Léonce Ptngaud. Quatrième édition.
Saint Vincent de Paul, par le Prince Emmanuel de Broglie.
Huitième édition.
La Psychologie des Saints, par Henri Jolt. Huitième édition.
Saint Augustin de Canterbury et ses compagnons, par le
R. P. Brou (S. J.). Quatrième édition.
Le B* Bernardin de Feltre, par E. Flornot. Troisième édition.
Sainte Clotilde, par G. Kurth. Septième édition.
Saint Augustin, par Ad. Hatzfeld. Septième édition.
Chaque volume te vend séparément. Broché. 3 fr.
Avec reliure spéciale. . . 3 fr.
49 920. — Imprimerie Lncu, rue de Fteurai, 9, à Paris.
" LES SAINTS
^Sainte Hildegarde
(1098-1179)
par
TROISIÈME ÉDITION
PARIS
LIBRAIRIE VICTOR LECOFFRE
EUE BONAPARTE, 90
1903
HARVARD COLLEGE LIBRARV
TREAT FUNO
IMPRIMATUR
HARVARD UNiVERSITY
UBRAR*
SEP 0 3 1985
AVANT-PROPOS
CHAPITRE PREMIER
ÉPREUVES ET CONSOLATIONS
* »
Et de nouveau le ciel s'assombrit. Cette fois, le
cœur d'Hildegarde fut tout endeuillé dans ce sanc
tuaire intime où, même chez les saints, l'amitié a
ses autels. Il arriva que la jeune fille noble qu'elle
chérissait, la fille de cette margravine qui avait
ÉPREUVES ET CONSOLATIONS. 55
employé son influence auprès de l'archevêque de
Mayence en faveur d'Hildegarde, la quitta pour
accepter la dignité d'abbesse dans un grand monas
tère, au loin. Le coup était d'autant plus sensible,
que cette eniant de son cœur l'avait entourée de
sa filiale tendresse au milieu de ses épreuves et
aidée dans la composition du Scivias, ainsi qu'il
est écrit dans la préface. Elle s'appelait Richarde.
Peut-être que Richarde et cette moniale, dont
Henri de Mayence exige d'Hildegarde — en termes
d'ailleurs peu courtois — la libre sortie, sont, à
s'en rapporter aux dates, la même personne.
Il est probable que l'archevêque de Mayence, de
la juridiction duquel dépendait Saint-Rupert, avait
été prié d'intervenir par Hartwich, archevêque de
Brème, frère de Richarde. Il intervint, en effet, un
peu vivement, et la prieure lui répondit sur un ton
d'autorité respectueuse, mais ferme et presque accu
satrice et menaçante.
« Toutes les raisons alléguées au sujet de l'élé
vation de cette fille sont inutiles devant Dieu.
L'esprit de ce Dieu jaloux dit : Pasteurs, pleurez,
gémissez, parce que vous ne savez ce que vous
faites, lorsque vous distribuez, selon des vues d'in
térêt, des offices établis de Dieu, les prodiguant à
des hommes pervers et sans crainte de Dieu. Vos
paroles qui sentent la malédiction et les menaces
ne servent de rien... le ciel est ouvert pour la ven
geance du Seigneur Pour toi, lève-toi, parce que
tes jours sont comptés.... »
56 SAINTE IIILDEGARDE.
Rappelons en passant qu'Henri, déposé en i i 53,
mourut un an et demi après avoir lu cette lettre,
dont plus que personne il devait comprendre la ter
rible signification.
Quoiqu'il en soit, Hildegarde ne put résister da
vantage aux injonctions formelles de son archevêque,
aux démarches plus persuasives de celui de Brème,
et peut-être au muet désir de sa fille en qui passait
un éclair d'ambition.
La chère transfuge si regrettée ne jouit que peu
tle jours de sa nouvelle dignité. Elle mourut sain
tement, regrettant Saint-Rupert. Sa mort fut alors
l'occasion d'un échange de lettres touchantes entre
Hildegarde et le frère de la défunte qui était un
pasteur zélé. Le noble archevêque prend la faute
sur lui. Il assure que sa sœur avait obéi avec peine,
qu'elle regrettait dans les larmes son ancien couvent
où elle aspirait à rentrer si la mort n'avait prévenu
ses désirs.
Dans sa réponse assez longue, à travers le clair-
obscur où sa pensée se complaît, on devine l'estime
que la sainte a d'Hartvvich « qu'elle a vu dans la
lumière du salut ». Elle l'oppose en contraste « à
ces pasteurs aveugles, boiteux, ces ravisseurs d'ar
gent maudit qui étouffent la justice de Dieu » ; puis
elle s'élève contre la simonie : « C'est miracle, dit-
elle, qu'il y en ait encore dans la prélature un petit
nombre a faire leur salut, n'étant point simo-
niaques ». Enfin, elle revient au sujet de sa lettre :
« Ecoutez ce que j'ai à vous dire de ma fille Ri
ÉPREUVES ET CONSOLATIONS. 57
charde, — oui, ma fille, parce que mon affection
pour elle fut sans mesure — ». Et on sent dans ce
qui suit la tendresse admirative d'une mère, dont
l'accent s'exalte en poésie à parler d'elle : « Dieu
l'a voulue jalousement pour lui... ; alors la volupté
du siècle qu'elle a repoussée n'a pu l'atteindre. Et
cependant, dans la symphonie de ce siècle, elle
est apparue comme une fleur de beauté et de
grâce » . C'est d'elle qu'elle a entendu la voix dire :
« O virginité, tu es dans une demeure royale »....
« Pourtant, ajoute-t-elle, l'antique serpent a voulu
l'arracher à cette glorieuse béatitude en lui rappe
lant la noblesse de sa naissance. Mais le juge su
prême a attiré ma fille à lui, en tranchant les liens
de la gloire terrestre! » Et enfin, elle termine,
après avoir recommandé au frère l'âme de sa sœur
par cette plainte étouffée en pardon : « Moi aussi,
j'oublie la douleur dont vous avez été la cause à
l'occasion de ma fille. » Richarde, sa préférée
n'était-elle pas arrivée, l'attendant?
Et c'est plaisir d'entendre battre ainsi un cœur
de saint, même pour des affections humaines qui se
rejoignent au ciel et qu'une larme du Christ a pour
jamais sanctifiées.
a Un seul être nous manque et tout est dépeuplé » ,
dit le poète; mais Hildegarde était mère d'une
nombreuse famille et tout son cœur était dévasté ;
car elle eut à souffrir en même temps de la défec
tion de plusieurs de ses filles qui, soit manque de
vocation, soit découragement, soit peut-être mécon
58 SAINTE H1LDEGARDE.
tentement entretenu par les rancunes de Disibo-
denberg, après un temps plus ou moins long d'é
preuve, la quittèrent et vécurent dans le monde en
un état de tiédeur qui faisait dire : « Elles montrent
par leurs œuvres qu'elles ont péché contre le Saint-
Esprit et contre celle qui parlait par son inspira
tion ». « Alors, gémit la sainte, je m'étonnais avec
celles qui m'aimaient que le bras de Dieu s'étendît
ainsi sur moi et qu'il me refusât toute consola
tion. » [Vita, II, 23.)
*
» *
Elle avait tort de s'étonner, l'humble Hildegarde.
Dieu la traitait ainsi qu'il traite ses amis. Il les
martèle sur le bois dur de sa croix comme sur une
enclume, jusqu'à refondre leur âme en ressemblance
parfaite avec la sieune.
Hildegarde n'a pas cessé une minute de sa vie
de souffrir et d'agir. L'arc-en-ciel de la paix ne
s'est jamais arrêté longtemps sur son ciel chargé
des orages divins. Après une épreuve, l'autre ou
les autres; mais quand l'épreuve frappe à sa porte,
elle reconnaît le Maître qui passe et, souriante, elle
dit : « Entrez ! »
» *
A peine était-elle établie à Saint-Rupert depuis
quelques années, au milieu de multiples difficultés,
qu'elle reçoit l'ordre d'en haut, ordre sans réplique,
de se rendre à son ancien monastère pour y régler
ÉPREUVES ET CONSOLATIONS. 59
des affaires pendantes. Au moment de son départ,
des conventions avaient été souscrites entre elle,
l'abbé Conon et l'archevêque de Mnyence, Henri.
Peut-être y avait-il encore des intérêts indivis entre
les deux communautés autrefois voisines, et de là
matière à contestation. Peut-être même s'agissait-il
de couper court à certaines prétentions émises sur
les biens nouveaux de Saint-Rupert par les moines,
qui considéraien.t les Bénédictines comme en leur
tutelle. Enfin, si ferme qu'elle fût dans le maintien
de ses droits, il répugnait à Hildegarde d'avoir à
traiter ces épineuses questions d'intérêt avec ses
anciens protecteurs. La maladie de Conon, qui
bientôt est à la mort, lui est un heureux prétexte
pour temporiser et retarder l'heure de cette mission
désagréable qu'elle compare à celle de Jonas. Mais
le ciel n'attend pas, le monstre est là, comme pour
Jonas, je veux dire la maladie aux dents aiguës qui
broie sa chair, la torture, la retourne saignante
comme saint Laurent sur le gril et, finalement, la
met à deux doigts de la mort. Ce langage de la
souffrance commençait à lui être familier; elle le
saisit. Dès qu'elle le put, elle se fit porter dans
l'oratoire du couvent et promit, si le châtiment
cessait, d'aller où il plairait à Dieu. Elle n'attendit
pas la réponse, et confiante se fit seller un cheval
où on la soutint plus morte que vive. Quelques
pas... au bout desquels elle fut guérie tout à coup.
Conon, abbé de Disibodenberg, était mort en
it 55, Henri déjà déposé de son siège l'avait pré
60 SAINTE HILDEGARDE.
cédé en i i 53. Quand la prieure de Saint-Rupert
arriva au but de son voyage, elle trouva un acte en
règle, sorte de duplicata du précédent plus affir-
matif et circonstancié, rédigé par les soins du
nouvel archevêque de Mayence, Arnold. « Dans
l'intention, y est-il déclaré, qu'il n'y ait entre les
frères du mont Disibode et les sœurs du mont
Saint-Rupert aucun motif de contestation, avons
décidé que les sœurs posséderaient leur couvent
comme les biens y attenant, librement, en toute
indépendance des frères qui ne devront sous aucun
prétexte leur susciter des ennuisi. » Voilà pour
l'avenir.
Quant au passé, Hildegarde confirmait au nouvel
abbé Hélinger l'abandon précédemment fait à
Conon, par échange ou vente, de tous les biens
fonciers qu'elle ou ses sœurs avaient apportés au
couvent. Elle y ajoutait comme appoint une assez
forte somme d'argent, pecuniarum non modica
quantitate. L'archevêque renouvelle l'obligation de
Disibodenberg de procurer l'assistance spirituelle "
nécessaire à Saint-Rupert. Enfin, il place le cou
vent sous sa protection immédiate, prononçant
l'anathème contre quiconque porterait atteinte à
ses droits. Hildegarde n'eut plus qu'à apposer sa
signature.
Et malgré le succès de sa mission, elle s'en
revint triste, trouvant en son chemin la persécution
a l'intérieur du couvent
» *
Les délassements à Saint-Ilupert n'étaient qu'un
légitime intermède aux labeurs quotidiens. La
mère abbesse ne laissait pas ses filles inoccupées.
Guibert dans sa lettre à Bovon' nous décrit la série
des exercices variés de la communauté : « en dehors
des jours de fête où elles répondent à l'appel du
Seigneur : « Vocate et videte, quoniam ego sum
« Deus, cessez le travail, et pensez que je suis votre
« Dieu », les religieuses gardent dans le cloître un
silence décent, se livrent à l'étude de l'Ecriture
sainte, apprennent le chant sacré. Fidèles à la pa
role de l'apôtre : Celui qui ne travaille pas riest pas
digne de manger, les jours ordinaires, suivant leurs
aptitudes, elles copient des manuscrits, tissent la
toile ou se livrent ù d'autres travaux manuels. C'est
ainsi que, par l'étude des Ecritures, l'intelligence
s'éclaire des lumières divines dans la grâce de la
compouction, tandis que les exercices extérieurs
apaisent ce bruit bavard de vaines paroles qui s'élève
à l'ordinaire des assemblées oisives. »
* *
SAINTE UILDEGARDE. ï
CHAPITRE V
COMIESPONDAMCF.
* *
Quand Hildegarde écrit aux rois et aux empereurs,
sa parole ne faiblit pas, mais semble s'élargir en
ondes prophétiques plus étendues dont après sept
siècles passés la ligne d'horizon nous échappe
encore.
Telle sa réponse (i i 48) au roi Conrad, le premier
des Hohenstauffen, à son retour désenchanté de la
deuxième croisade, lui demandant des prières pour
lui et « son fils qu'il désire voir régner après lui ».
Elle y prend ouvertement l'attitude de prophé-
tesse, peignant à grands traits et avec une précision
remarquable toute l'histoire de l'Église jusqu'aux"
persécutions suscitées par l'antéchrist. Elle signale
d'abord les plaies de son temps qui préparaient le
triomphe de l'hérésie protestante : « Le temps où
vous vivez est d'une légèreté de femme. » Elle voit
ensuite la réforme : « Après, viendront des temps
encore plus mauvais où les vrais Israélites seront
flagellés, où l'édifice catholique sera secoué par
CORRESPONDANCE. 123
l'hérésie. » Puis, une nouvelle force se manifeste
dans l'Eglise : « Des temps plus vigoureux vien
dront. »
C'est, comme on le voit, le bilan établi par avance
des pertes et des gains de l'Eglise, de ses défaites
et de ses triomphes sous l'action providentielle du
Très-Haut.
Cette réponse dut être une décevante énigme pour
Conrad qui ne désirait pas voir si loin dans l'avenir,
préoccupé seulement d'assurer le trône à son fils. A
cette question sous-entendue, Hildcgarde ne répond
pas. Peut-être ne veut-elle pas accabler le vieux
roi malade en lui montrant sa couronne sur la tète
de son neveu Frédéric. Plus probablement, la sainte
ne se laisse pas distraire, par des contingences se
condaires, de sa grande vision générale.
Hiklegarde n'écrivit pas seulement à Frédéric;
elle le vit, mandé par lui à Ingelheim. La lettre de
l'empereur rend justice à sa perspicacité prophé
tique. « Nous vous faisons savoir, ô sainte abbesse,
que les prédictions que vous nous avez faites, quand
nous vous priâmes de vous présenter à nous, lors
de notre séjour à Ingelheim, se sont d'ores et déjà
réalisées. Néanmoins, ajoute-t-il, nous ne néglige
rons rien de ce qui peut contribuer à l'honneur de
notre règne. » Cette restriction du sed nos tamen
sembleindiqucr que,malgré les arrhes prophétiques
qu'il a déjà en mains, Frédéric ne consent pas à se
laisser détourner de la lutte criminelle engagée
contre la papauté et qui entre dans son programme
124 SAINTE HILDEGARDE.
de politique impériale. La réponse de la sainte doit
vraisemblablement se placer vers i i 55, avant la mort
d'Adrien IV. Dans une parabole légèrement obscure,
elle condamne au nom du Souverain Juge les entre
prises du prince, et l'engage à régner par la misé
ricorde et la justice, à se garder de l'avarice; puis,
lui annonce un règne assez long mais agité : « Dans
une vision mystérieuse, je vous vois : vous vivez au
milieu des troubles et des luttes; cependant il vous
reste un certain temps pour régner sur les choses de
ce monde. Prenez donc garde que le roi suprême
ne vous abatte à cause de votre aveuglement, si
vous oubliez que le sceptre vous a été donné pour
gouverner selon la justice... » Puis elle lance comme
un trait de foudre l'apostrophe comminatoire vi
brante, rapide : « Celui qui est, dit : la révolte, je
la détruis, l'opposition de ceux qui me méprisent,
je la brise. Malheur! malheur à celui qui se laisse
aller à ce grand mal du mépris de moi. Retiens ces
paroles, roi, si tu veux vivre ; autrement mon glaive
te frapperai. »
On ne saurait nier qu'il n'y ait de la part d'une
femme, fût-elle abbesse et sainte, une certaine har
diesse virile à parler de la sorte à un empereur,
quand cet empereur portait le nom le plus redouté
depuis le nom exécré d'Œnobarbe. Elle déploie
plus de courage encore que saint Bernard, quand,
dans sa suprématie incontestée, il traitait de suppôt
* *
Le Livre de œuvres divines1 représente plus spé
cialement dans l'ensemble des écrits d'Hildegarde
la partie scientifique. Il répond d'ailleurs à son
titre : c'est l'exposé des œuvres de Dieu dans l'or-
I. Le titre complet est Le Livre des cruviei divines de
fhomme simple; ce dernier qualificatif est comme une sorte
de signature dont la sainte aime à se servir.
1 1 Il M» . ) \> tj H IU I .■ I ■ III. l .1 II
MIRACLES r i Y d'hILDEGARDE
i. K
A-P-II
D
192 SAINTE HILBEGARDE.
pendant huit jours; mais personne ne put lui don
ner explication de l'énigme. Seize ans plus tard,
l'idée lui vint de consulter Hildegarde dont on ra
contait partout des merveilles. La sainte lui révéla
en effet le sens de cette écriture-rébus comme jadis
Daniel l'avait fait à Balthazar.
Elle traduisit ainsi : Kyrium Presbyter Derisit :
Ascendat Pœnitens Homo. Le Prêtre s'est moqué du
Seigneur : qu'il se relève, homme pénitent.
Le curé touché de la grâce confessa aussitôt ses
péchés et entra en religion; moine, « il s'éleva par
la pénitence, dit Théodoric, à la hauteur de la
sainteté et devint un parfait serviteur de Dieu ».
Ces miracles de circonstances, si providentiels
qu'ils soient, s'effacent devant le miracle perpétuel
lement « un » de sa vie d'apôtre puisant directement
ses inspirations a même le ciel. Dieu lui confie ses
secrets et lui ouvre vue sur ses mystères sacrés, non
point pour qu'elle les garde, mais pour qu'elle les
répande en semence de salut. Elle est comme une
colombe voyageuse portant les messages du ciel à
la terre, par les chemins de la souffrance. Tout son
être a été façonné à ce rôle d'intermédiaire : son
œil perce les nuages comme celui de l'aigle ; ses
pieds agiles sont « beaux comme les pieds des mes
sagers de la paix »; la souffrance qui déprime les
courages vulgaires lui sert de cordial; son coeur est
plein d'amour pour Dieu, de pitié pour les hommes
ses frères, et son âme mue sur ce pivot double de
la charité se penche vers eux comme un miroir sur
MIRACLES ET MORT D'HILDEGARDE. 193
lequel le ciel a dessiné des images et mis de la
lumière pour les éclairer dans les ténèbres où ils
s'égarent. Là est le miracle permanent; là est la
raison d'être d'une Hildegarde, son essence parti
culière, sa forme de sainteté à elle, et dont les
miracles ordinaires ne sont que les avenues com
munes ii tous.
Le miracle est aussi dans cette humilité qui ne
fait qu'un avec elle, qui est comme son ambiance
et son atmosphère. Le Dieu qui l'inspire n'est-il pas
Celui qui résiste aux superbes et donne sa grâce
aux humbles? « Qu'il s'agisse de révélations, de
prophéties, de visions, d'actes miraculeux, de ra
vissements et d'extases, dit excellemment Henri
Joly1, ce n'est pas le fait extraordinaire qui nous
donne à pronostiquer la sainteté ; c'est la sainteté
effective, c'est la vertu résidant dans l'àme et se
manifestant dans les œuvres qui fixe le caractère
réel de ces faits. »
Or, Hildegarde n'oublie pas un instant, dans la
faveur de ses révélations, qu'elle n'est qu'un instru
ment de Dieu, elle, «la chétive forme », « la plume
inerte par elle-même que la brise soutient en l'air»,
« le nuage que pousse le vent », la voix, l'écho.
Elle se rapetisse, s'impersonnalise jusqu'à ne vou
loir être plus que <i Vhomme » (homo), c'est-à-dire
quelqu'un qui n'est rien par lui-même et, quand elle
transcrit ses visions les plus merveilleuses, elle les
MANUSCRITS :
revues :
Des questions historiques, Sainte Hildegarde, i 883,
t. XXXIII. Battandier.
Item, Guibert de Gambloux, juillet i889, R. P. Dela-
haye.
Du monde catholique, t. XL, i874.
SAINTE IilLDEGARDK 209
Le Prêtent, le Passé et CAvenir de l'Église (sainte Hil-
degarde), article anonyme.
Catholique de Louvain, août i88a, Lamy.
Avant-Propos
CHAPITRE PREMIER
LES DÉBUTS DE LA VIE RELIGIEUSE
La famille d'Hildegarde. — Précocité des phénomènes
de vision. — Elle entre en clôture à l'âge de huit
ans. — Sa vie monastique à Disibodenberg. — Con
tinuation des visions. — Elle est nommée prieure du
couvent. — Dieu lui impose d'écrire ses révéla
tions. — Mode de ses visions. — Leur caractère
surnaturel
CHAPITRE DEUXIÈME
ÉPREUVES ET CONSOLATIONS
Transfert du couvent à Saint-Rupert. — Opposition
de Disibodenberg. — Les premiers livres du Sc'mias
sont soumis à Eugène III. — Intervention favora
ble de saint Bernard. — Installation à Saint-Rupert.
— Série d'épreuves physiques et morales
CHAPITRE TROISIÈME
VOYAGES DE MISSION d'hILDEGARDK
Elle est contrainte de se mettre en route. — But de
ses tournéei apostoliques. — Leurs effets. — Impro
babilité du voyage de Tours et Paris. — Affluence
de personnages au Mont Saint-Rupert. — Elisabeth,
de Sehonau. — Le bienheureux Gerlach
CHAPITRE QUATRIÈME
a l'intérieur du couvent
Hildegarde musicienne. — Les Carmina. — Le chœur
des vertus. — La langue inconnue. — Ce qu'il faut
en penser. — Occupations du cloître. — Humeur dif
ficile des religieuses de noblesse. — Sage direction
de l'abbesse. — Fondation du couvent de Saint-
Gisilbert à Eibingen. — Son amour des pauvres. .
212 TABLE DES MATIÈRES.
CHAPITRE CINQUIÈME
CORRESPONDANCE
Son importance politique et religieuse. — Son carac
tère impersonnel. — Lettres aux rois, aux papes,
aux princes, aux évêques, abbés, etc. — Nature
prophétique de ses lettres. — Son souci de la jus
tice. — Lettres au clergé de Cologne, Trêves,
Kirchheim annonçant le protestantisme. — Succès
immense de ses lettres
CHAPITRE SIXIÈME
NOUVELLES ET DERNIÈRES ÉPREUVES (i177)
Difficultés avec le chapitre de Mayeuce. — Saint-Ru-
pert est mis en interdit. — Christian de Buch. —
Lettre sur l'art religieux aux prélats de Mayence. —
Solution du conflit. — Guibert de Gambloux au
mônier et confident de la sainte
CHAPITRE SEPTIÈME
SES OEUVRES
Le Scivias. — Grandeur de cette œuvre. — Forme des
visions de la sainte. — La sûreté de sa doctrine
théologique. — Sa cosmogonie. — Valeur littéraire
de ses écrits. — Les obscurités. — La fin du monde.
— Les prophéties; leur valeur. — Comment il faut
entendre l'inspiration. — Révélations faussement
attribuées à Hildegarde. — Le Livre de ta vie des mé
rites. — Son caractère moral. — Son ordonnance.
— Hildegarde précurseur du Dante. — Le Livre des
iruvres divines. — Son caractère scientifique. — Ou
vrages de médecine et d'histoire naturelle
CHAPITRE HUITIÈME
MIRACLES ET MORT d'hILDEGARDE
La forme de sa sainteté. — Son humilité. =— Sa mort.
— La fête de la lumière. — Son dernier miracle. —
Encore Guibert de Gambloux. — Canonisation serai-
oflicielle de la sainte. — La destinée de l'abbaye
de Saint-Rupert. — Eibingen. — Conclusion. . .
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