Enseignement Des Disciplines Et Usage Des Langues

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Module 1
Enseignement des disciplines et usage des langues

Une discipline, scientifique ou artistique, a pour objectif la mise en place et l'acqui-


sition de savoirs ou de savoir-faire. Le langage verbal assume à cet effet différentes
fonctions :
- Aider dans la classe à l'acquisition de ces savoirs ou de ces savoir-faire.
Le professeur organise des activités, interroge les élèves, donne un certain nom-
bre de consignes, commente le travail des élèves, les résultats obtenus. Ce lan-
gage est celui de la relation pédagogique dans la classe.
- Nommer les notions, les concepts, les opérations engagées, analyser et commen-
ter les résultats.
Même quand ces notions ou ces résultats revêtent la forme d'un langage numéri-
que ou algébrique, d'un tableau statistique ou de graphiques, il convient des les
énoncer dans une langue naturelle.
Mais au-delà des ces objectifs communs à toutes les disciplines, on sera cependant
sensible au fait que la place des langues n'est pas identique dans tous les domaines
d'apprentissage et à tous les niveaux.

La langue des disciplines varie :


a) Elle varie selon la nature même de la discipline
Les DNL sont généralement classées de la façon suivante :

DNL

Sciences humaines Sciences Math Savoir faire


Histoire
Activités
Education Géographie Economie Physique Biologie Technologie EPS
artistiques
civique

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Le Professeur de «Discipline Non Linguistique» : Statut, fonctions, pratiques pédagogiques

- Les DNL qui relèvent de ce que l'on appelle ordinairement les sciences humaines
et qui font un usage massif du langage verbal, pour désigner, définir les notions,
pour entreprendre les opérations de raisonnement, pour commenter documents
et schémas, pour consigner les résultats.
- Les DNL qui relèvent des sciences (plus ou moins) exactes et expérimentales :
physique et biologie. Le langage verbal sert à mettre en place des situations d'ob-
servation, des situations expérimentales, à commenter des données numériques,
à présenter et commenter des résultats.
- La DNL mathématique occupe une place particulière par l'importance qu'y occupe
le langage mathématique que les élèves devront apprendre à verbaliser, par la
nécessité d'articuler et de formuler les différentes étapes d'un raisonnement, de
communiquer les résultats et d'argumenter à propos de la validité d'une solution.
- Les DNL relevant de la mise en place de savoir-faire (éducation physique et spor-
tive, technologie, arts plastiques, musique) qui visent l'acquisition d'un savoir-
faire par l'élève qui se traduira par une réalisation ou une production à caractère
matériel ou sensible, par une conduite particulière ; disciplines caractérisées par
l'importance des consignes dans l'action à conduire, expression de la perception,
évaluation des résultats, repérage dans l'espace, contraintes temporelles dans
l'exécution d'une opération.
Tout texte/discours scientifique est donc constitué d'un langage composite qui peut
comprendre :
- des éléments verbaux, mots inscrits dans des phrases, dans des textes
- des éléments numériques, algébriques
- des éléments géométriques (tracés divers)
- des éléments graphiques (courbes, histogrammes, etc.)
- des éléments cartographiques (représentation de l'espace)
- des éléments schématiques combinant des éléments figuratifs et / ou des sym-
boles spécifiques
La part des éléments constitutifs d'un savoir (en cours d'acquisition) ne sera pas
identique selon la nature des disciplines. Ainsi la comparaison entre une page de
manuel de mathématiques et une page de manuel d'histoire peut faire apparaitre :
- dans le manuel de mathématiques, de nombreuses écritures numériques, des
tableaux, des courbes, la part du langage verbal étant réservée aux consignes de
travail et celle se rapportant aux langages formels (écriture des nombres, cour-
bes) constituant les données de l'activité.
- dans le manuel d'histoire, des documents variés comme points de réflexion et d'ana-
lyse des élèves (avec souvent des présentations différentes et des images) et des tex-
tes à fonction expositive plus ou moins longs qui s'articulent avec ces documents.

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Non seulement la langue varie, en fonction du domaine de référence, mais selon son
mode d'articulation à d'autres langages (cf. module 2), pour ce qui relève des varia-
tions dans les formes de la langue en usage).

b) La langue des disciplines varie aussi selon le niveau des classes dans lesquelles
on intervient
Avec de jeunes élèves qui entament un apprentissage dans une DNL, le niveau de
formulation ne sera pas le même qu'avec des élèves qui sont déjà avancés dans cet
apprentissage. Ainsi de cet extrait de leçons consacrées aux régions industrielles de
la France. L'une se rapportant à une classe de fin d'école primaire (CM2), l'autre de
fin de collège (3e) :
Le Nord et l'Est se désindustrialisent. Leur activité industrielle, autrefois fondée
sur le charbon et l'acier, doit se reconvertir vers d'autres activités.

(Histoire-Géographie, CM2, Hachette, 2006)


Depuis les années 1970, la France subit une désindustrialisation assez marquée
dans des secteurs traditionnels comme la sidérurgie ou le textile. Face à la
concurrence de nouveaux matériaux et de pays où le coût de la main d'œuvre est
inférieur, ces secteurs ont été contraints à la modernisation ou à la reconversion.
Les conséquences économiques, sociales et géographiques du déclin des indus-
tries traditionnelles sont très importantes.

(Histoire-Géographie, 3e, Hachette, 2007)

c) La langue des disciplines varie selon la pédagogie adoptée


Il existe différentes manières d'enseigner aux élèves. On peut procéder par exposés,
méthodes expositives, par la simple présentation de données, de résultats, mais on
peut aussi adopter des méthodes actives fondées sur l'activité de recherche de
l'élève.
Différents types de séquences correspondent à ces pratiques pédagogiques :
Par exemple :
- l'appropriation du problème par les élèves.
- la formulation de conjectures, d'hypothèses explicatives, de protocoles possibles.
- l'investigation ou la résolution du problème.
- l'échange argumenté autour des propositions élaborées.
- l'acquisition et la structuration des connaissances.

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- l'opérationnalisation / la mise en œuvre des connaissances.


Ou encore :
- l'observation
- la recherche et organisation de l'information
- la réalisation d'un dispositif expérimental, d'un objet, avec manipulations,
mesures, calculs
- le raisonnement, l'argumentation, la démonstration
- la mise en forme et communication des résultats
Dans une approche de nature expositive, le professeur par exemple fait un usage
important de phrases déclaratives.
Dans une approche active, le questionnement est beaucoup plus important. Les
consignes données par le professeur sont nombreuses. Les élèves font des constats,
posent des questions à leur professeur, débattent avec leur camarade sur les résul-
tats obtenus ou sur les méthodes utilisées.

d) La langue varie selon les fonctions de l'intervention du professeur


Le professeur dans sa classe, quels que soient par ailleurs ses choix pédagogiques,
interviendra, selon les moments et les nécessités de l'apprentissage :
- comme animateur, pour organiser le travail des élèves

FONCTION FORMES D’INTERVENTION


. rappel des activités antérieures
. organisation des activités de la classe
. consignes portant sur le regroupement des élèves (grands
groupes, petits groupes)
. désignation/distribution du matériel de travail (documents,
animateur
instruments d'analyse, de mesure), etc.
. consignes de travail
. contrôle des résultats
. organisation des échanges entre élèves
. définition des étapes de l'activité
. appel à l'attention
régulateur . recentrage de l'activité, du débat
. adresse à l'égard de certains élèves
. présentation des bilans
expert . formulation de la règle
. synthèses diverses

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- comme régulateur, pour veiller à ce que tous les élèves suivent, participent à l'ac-
tivité collective ou au travail de groupe
- comme expert, pour présenter les bilans, les règles induites, les conclusions
De même, selon que le professeur renvoie ses élèves au manuel ou selon qu'il com-
mente des documents, qu'il donne des instructions à la classe ou commente des
résultats, les formes de la langue mobilisées ne seront pas identiques.

e) La langue varie selon le public destinataire :


- vulgarisation scientifique : dans la presse, dans les médias. L'information est sim-
plifiée, mise à portée du public par le moyen de comparaisons, de métaphores,
sans référence à un outil mathématique ou à une schématisation trop complexe.
- information scientifique : des scientifiques s'efforcent d'informer un public averti
sur une thématique particulière, mais sans aller dans le détail des éléments de
recherche ou de la problématique (La Recherche, L'Histoire)
- travaux de recherche : un chercheur s'adresse à d'autres chercheurs, dans un col-
loque, un congrès et s'exprime en une langue élaborée, très spécialisée (grandes
revues scientifiques)
- discours pédagogique : un spécialiste, un scientifique s'adresse à un public (élè-
ves, étudiants) qui souhaite acquérir des savoirs, une compétence dans le
domaine en question (élèves de l'école).
Le degré d'élaboration de la langue n'est pas le même selon les cas, la densité du
texte et de l'expression, la part de l'implicite.

f) La distance entre les langues


Il existe ce que l'on appelle des familles de langue, c'est-à-dire des langues qui pré-
sentent entre elles des rapports de proximité. Ainsi des langues romanes qui ont une
origine partagée, le latin, mais aussi les langues germaniques, les langues turques,
les langues chinoises et bien d'autres encore. Il existe donc entre les langues des
distances plus ou moins marquées, selon qu'elles appartiennent à la même famille
ou non. Dans le premier cas, des racines étymologiques communes, une syntaxe
proche et une morphologie organisée selon des logiques partagées, permettent à
l'élève d'opérer, de la L1 à la L2, un certain nombre de transferts de compétence ;
on pourra à ce propos consulter avec profit des documents centrés sur l'intercom-
préhension entre les langues (comme par exemple Euromania) pour les langues
romanes (cf. bibliographie générale).
Le professeur de DNL ne manquera pas de tenir compte de ces éléments et donnera
à ses élèves un temps d'approche et d'appropriation de la L2 dans ses usages scien-
tifiques plus important quand la distance entre les langues est plus grande (vocabu-

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laire, ordre des mots dans la phrase, notamment dans les titres, sous-titres, som-
maires de manuels, variations en genre et en nombre, variation de personne dans le
verbe, pour ne citer ici que quelques problèmes particuliers).

Conclusion
La langue scientifique ne constitue pas un bloc homogène de formes qui se distin-
guerait radicalement de la langue ordinaire, même si l'abondance d'un vocabulaire
spécialisé est le trait qui peut le plus frapper l'observateur non averti.
Selon la nature des supports, selon la variation des situations d'activités, les formes
de la langue pourront connaître d'importantes variations, ce qui de la part des élè-
ves peut à chaque fois conduire à la mise en œuvre de nombreux ajustements. Le
professeur veillera dans chacune des situations, des niveaux et des domaines, à faire
retrouver les éléments de langue déjà familiers, pour signaler les formes et usages
nouveaux que l'on va pouvoir rencontrer.

Gérard Vigner

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