Cellulites, Fasciites, Myosites, Gangrène Gazeuse
Cellulites, Fasciites, Myosites, Gangrène Gazeuse
Cellulites, Fasciites, Myosites, Gangrène Gazeuse
Mots-clés : infection des tissus mous, cellulites, érysipèle, fasciite nécrosante, myosite, gangrène gazeuse,
dermohypodermite, streptocoque, Clostridium, myonécrose, infection anaérobie,
oxygénothérapie hyperbare.
Introduction 1966 [1], puis Finegold en 1977 [28], sur des données anatomiques [45]
ou anatomopathologiques [50]. Leur intérêt clinique est limité, d’une
part parce que leurs critères de définition sont souvent flous et
Les infections des tissus mous regroupent de nombreux tableaux
d’autre part parce qu’elles nécessitent des informations
cliniques intéressant, à des degrés divers, l’épiderme, le derme,
bactériologiques ou anatomiques dont on dispose rarement
l’hypoderme et parfois les fascias et les muscles. Leur gravité est
d’emblée.
très variable, allant de l’érysipèle, affection le plus souvent bénigne
et de traitement médical, jusqu’à la myonécrose clostridiale en Plusieurs auteurs ont proposé d’unifier les différentes entités
passant par les fasciites nécrosantes, à la prise en charge décrites dans un même cadre (fig 1) [6, 38]. Le terme de
thérapeutique lourde médicochirurgicale et au pronostic plus « dermohypodermite aiguë bactérienne » a été proposé pour
incertain. regrouper les formes non nécrosantes touchant les tissus cellulaires
La première difficulté dans la présentation de ces pathologies tient cutanés et sous-cutanés, correspondant aux tableaux classiques
dans le caractère très polymorphe des classifications, basées sur des d’« érysipèle » et de « cellulite bactérienne superficielle » [8]. Nous
entités cliniques, physiopathologiques ou bactériologiques souvent retiendrons le terme de « dermohypodermite bactérienne non
mal limitées. nécrosante » (DHBNN), en référence aux travaux de Grosshans [30]
qui paraît clairement préciser l’extension de la maladie.
Les formes nécrosantes, extensives en profondeur, atteignant les
fascias et l’aponévrose superficielle, sont désignées dans plusieurs
Nosologie publications récentes sous le terme de « dermohypodermites
bactériennes nécrosantes » (DHBN) [30] . Elles regroupent les
De nombreuses classifications ont été proposées, basées initialement classiques cellulite gangreneuse, cellulite nécrosante, cellulite
sur des données bactériologiques et cliniques par Altemeïer en streptococcique maligne, gangrène streptococcique [52] , fasciite
nécrosante de type 2 [10], cellulite à anaérobies non clostridiale,
cellulite nécrosante synergistique [ 7 5 ] , gangrène ou fasciite
Christian Auboyer : Professeur des Universités, praticien hospitalier. synergistique, cellulite crépitante non clostridiale [2] ou, selon la
David Charier : Interne DES.
Richard Jospé : Praticien hospitalier.
localisation, cellulite nécrosante périnéale ou gangrène de Fournier,
Philippe Mahul : Praticien hospitalier. cellulite nécrosante cervicofaciale, gangrène postopératoire de
Serge Molliex : Professeur des Universités, praticien hospitalier.
Département anesthésie-réanimation, hôpital Nord, centre hospitalier universitaire de Saint-Étienne,
Meleney et les gangrènes gazeuses, cellulites clostridiales, cellulites
42055 Saint-Étienne cedex 2, France. crépitantes et gangrènes cutanées anaérobies (tableau I).
Toute référence à cet article doit porter la mention : Auboyer C, Charier D, Jospé R, Mahul P et Molliex S. Cellulites, fasciites, myosites, gangrène gazeuse. Encycl Méd Chir (Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS, Paris, tous
droits réservés), Anesthésie-Réanimation, 36-983-H-10, 2001, 11 p.
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36-983-H-10 Cellulites, fasciites, myosites, gangrène gazeuse Anesthésie-Réanimation
Hypoderme
- tissu graisseux
- vaisseaux Fascia superficialis
inconstant
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Anesthésie-Réanimation Cellulites, fasciites, myosites, gangrène gazeuse 36-983-H-10
pathologie cutanée (dermatose, ulcération, psoriasis, eczéma ou Les S. pyogenes adhèrent aux cellules par l’intermédiaire des acides
intertrigo...) qui favorise la prolifération locale de micro-organismes. lipotéichoïques de paroi et se fixent sur les adhésines cellulaires. Les
La porte d’entrée est habituellement de petite taille, voire protéines M de surface interviennent ensuite en se fixant sur la
punctiforme. fibronectine cellulaire. Les streptocoques du groupe A produisent
des enzymes qui participent à l’extension des lésions : streptolysine
O, qui détruit les érythrocytes, les polynucléaires et les membranes
SIGNES CLINIQUES
cellulaires, volontiers en anaérobiose ; streptolysine S, responsable
Dans plus de 85 % des cas, les DHBNN touchent les membres d’une lyse cellulaire et hyaluronidase qui favorise la diffusion dans
inférieurs [20]. L’installation se fait brutalement, souvent en moins de les tissus. Ils produisent également des exotoxines érythrogènes et
24 heures, par une température élevée, accompagnée de frissons et pyrogènes. Les streptocoques sont protégés de la phagocytose par
d’une impression de malaise. L’état général est habituellement les polynucléaires grâce à leur capsule (acide hyaluronique) et aux
conservé [10]. protéines M de leur paroi.
Très rapidement apparaît un placard inflammatoire et œdémateux, De nombreuses souches de streptocoques des groupes C et G
érythémateux, rouge vif, chaud, s’étendant rapidement [6]. Ses produisent des streptolysines O et S, parfois de la hyaluronidase et
contours sont classiquement nets, limités par un bourrelet des protéinases.
périphérique, ce qui est loin d’être constant en dehors de la
localisation au visage. Les douleurs sont vives, pulsatiles et Des bacilles à Gram négatif (Pseudomonas aeruginosa, Acinetobacter
exacerbées par la mobilisation. Il peut exister des bulles ou un calcoaceticus, Escherichia coli, Proteus, Klebsiella, Enterobacter, Serratia,
purpura. Les zones de nécrose sont exceptionnelles, limitées et Bacteroides...) ont également été retrouvés, seuls ou associés à
d’apparition secondaire. Une adénopathie est assez fréquemment d’autres bactéries, ainsi que de nombreux germes opportunistes chez
retrouvée à la racine du membre. Une lymphangite est parfois des patients immunodéprimés, comme Helicobacter cinaedi [41].
associée. L’apport de la microbiologie, souvent retardé, est secondaire dans la
Les DHBNN de la face (10 à 15 %) se présentent de la même façon prise en charge d’une DHBNN. L’aspect clinique évocateur doit
que la forme typique décrite précédemment. La porte d’entrée est suffire à évoquer une étiologie streptococcique permettant d’orienter
souvent une lésion minime de la peau, une rhinite, une otite, une le traitement antibiotique.
sinusite ou une infection dentaire. L’atteinte s’étend rapidement, Un prélèvement pour examen bactériologique est effectué à l’aide
avec des lésions limitées en périphérie par un bourrelet surélevé d’un écouvillon au niveau de la lésion d’entrée supposée. L’examen
bien visible. La peau est recouverte de petites vésicules ou de direct peut être utile. Ce simple écouvillonnage des lésions cutanées
phlyctènes et le visage œdématié. Les adénopathies prétragiennes n’est positif que dans 30 % des cas [20]. Des prélèvements sont
ou sous-maxillaires sont constantes. aisément réalisés par aspiration de sérosité à l’aiguille au sein d’une
Les autres localisations sont rares (< 5 %) : cuir chevelu, région bulle. Certains pratiquent des biopsies-punch permettant d’obtenir
abdominogénitale, fesses, membres supérieurs ou tronc, notamment un prélèvement en profondeur et de grande taille. L’association de
après mastectomie. biopsies-punch et d’aspiration de sérosités est positive dans 66 à
75 % des cas [6].
L’évolution sous traitement antibiotique se fait en quelques jours
avec une défervescence thermique sur 24 à 48 heures et une Les hémocultures ne sont retrouvées positives que dans 5 % des cas,
diminution des signes locaux en 4 à 6 jours, avec disparition mais sont alors d’une très grande spécificité [10]. Une étude récente
progressive du placard érythémateux et de l’œdème, accompagnée portant sur 757 patients conclut à leur inutilité devant une sensibilité
d’une desquamation fine [23]. très faible (2 %) et un impact nul sur la prise en charge
thérapeutique [58].
Les complications sont rares sous traitement bien conduit.
Localement, on peut observer une suppuration du placard Enfin, les écouvillonnages de gorge à la recherche de streptocoques
érythémateux ou un adénophlegmon. Une bactériémie (environ 5 % du groupe A ont un rendement très faible (< 1 % [27]). Ils s’avèrent
des cas [37]), une endocardite ou une glomérulonéphrite sont des donc inutiles.
complications rarement rencontrées. Les thromboses veineuses Les techniques de recherche d’antigènes streptococciques n’ont pas
profondes sont également peu fréquentes. Leur taux en l’absence de d’intérêt pratique.
traitement anticoagulant est compris entre 4 % dans une étude
portant sur 529 patients [20], 1 % dans une série portant sur
111 patients [36] et 2,58 % dans une série publiée en 1997 de 161 DIAGNOSTIC DIFFÉRENTIEL
malades, dont le traitement comportait la mise en place de bandes Le diagnostic différentiel se fait avec les autres causes de réaction
de contention, associée à un lever précoce [59]. La survenue d’une inflammatoire cutanée.
thrombose veineuse semble plus en rapport avec l’alitement et les
facteurs de risques propres au terrain qu’à la maladie elle-même. ¶ Dermohypodermites fébriles non infectieuses
Elles peuvent d’ailleurs siéger sur le membre opposé. La rareté de
cette complication ne justifie pas un échodoppler systématique qui La thrombose veineuse superficielle s’accompagne souvent d’une
est demandé en fonction du terrain ou pour aider au diagnostic nette réaction inflammatoire, mais habituellement localisée à un
différentiel. trajet veineux.
Le taux de récidive des DHBNN initialement traitées en milieu Il se pose plus rarement avec la thrombose veineuse profonde, où
hospitalier est estimé à 12 % à 6 mois et 30 % à 3 ans [37]. les signes inflammatoires sont beaucoup plus discrets, voire
absents [5].
Le décès directement secondaire à la maladie est exceptionnel
(< 0,5 %), mais elle peut décompenser une tare préexistante [37].
¶ Dermohypodermites fébriles de nature infectieuse
incertaine
MICROBIOLOGIE
– Les manifestations d’hypersensibilité au matériel prothétique
L’espèce bactérienne le plus souvent en cause est le Streptococcus
osseux peuvent donner un tableau très proche, avec des signes
pyogenes (ou streptocoque du groupe A). D’autres streptocoques
généraux marqués (fièvre à 40 °C, hyperleucocytose supérieure à
peuvent être impliqués : streptocoques du groupe B (agalactiae),
15 000/mm3), mais limité localement au pourtour de la cicatrice
C (equisimilis) ou G. Plus rarement, il s’agit de S. pneumoniae et de
opératoire. Il est probable que, dans certains cas, on se trouve face à
streptocoques du groupe D. Un Staphylococcus aureus est isolé dans
une origine infectieuse.
10 à 17 % des cas, sans que l’on sache à ce jour s’il joue un rôle
pathogène. L’hypothèse d’une synergie entre les deux germes a été – Les états inflammatoires douloureux accompagnant les stases
proposée par Bernard [7]. veineuses ou lymphatiques chroniques, en particulier les
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« cellulites » des prises de greffons veineux saphènes pour les ¶ Utilisation des corticoïdes ou des anti-inflammatoires
pontages coronariens [9] , sont des phénomènes inflammatoires non stéroïdiens
récurrents centrés sur la cicatrice, parfois interprétés comme des
DHBNN. Les anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) et les corticoïdes ont
été suspectés de favoriser l’aggravation des lésions et l’évolution
– Le tableau de pseudoérysipèle de la maladie périodique : il vers une dermohypodermite bactérienne nécrosante. Même en
disparaît alors en quelques jours ; l’interrogatoire et les signes l’absence de preuves, il paraît souhaitable d’éviter l’usage de ces
extracutanés font le diagnostic. molécules et de préférer l’utilisation d’antalgiques et
d’antipyrétiques comme le paracétamol.
¶ Dermohypodermites infectieuses en rapport avec des
agents bactériens divers ¶ Traitement anticoagulant
– Les staphylococcies de la face à S. aureus donnent un placard Le traitement anticoagulant préventif systématique n’est pas justifié
moins inflammatoire que l’érysipèle. La forme maligne présente des et est proposé seulement en fonction du terrain [34]. Le port de
signes généraux intenses (signes de choc). Le diagnostic doit être bandes de contention élastiques bilatérales peut être proposé pour
évoqué devant la présence d’une porte d’entrée (furoncle de l’aile des DHBNN des membres inférieurs, associé au lever le plus
du nez...) [30]. précoce possible [59].
– La cellulite à Haemophilus influenzae du jeune enfant touche
préférentiellement le visage. Elle est marquée par un placard violacé
¶ Prévention primaire et secondaire
peu inflammatoire [56]. La prévention primaire comporte le traitement d’une porte d’entrée
– L’érysipéloïde ou maladie du rouget du porc, due à Erysipelothrix potentielle, en particulier d’un intertrigo, chez les patients ayant subi
rhusiopathiae, donne un placard rouge violacé, induré, s’étendant une veinectomie saphène pour pontage ou une radiothérapie [3].
lentement de façon centrifuge avec guérison centrale, sans signes La prévention secondaire a pour but d’éviter les récidives de
généraux. Le diagnostic repose sur l’interrogatoire (contact avec un DHBNN qui sont favorisées essentiellement par les altérations
animal contaminé, métier à risque : poissonnier, charcutier, chroniques du drainage lymphatique ou veineux. La prise en charge
vétérinaire...) [18]. de ces facteurs favorisants (contrôle d’œdèmes des membres
inférieurs secondaires à une insuffisance cardiaque droite, lutte
– La cellulite à Aeromonas hydrophila complique une blessure
contre les facteurs de stase veineuse par contention des membres
contaminée par l’eau [77].
inférieurs, réduction de l’excès pondéral, prise en charge d’un
– Les pasteurelloses à Pasteurella multocida liées à des griffures de lymphœdème par massage, drainage lymphatique et
chat donnent des dermohypodermites hyperalgiques. physiothérapie), semble importante, même si aucune donnée de la
littérature ne permet d’en affirmer l’impact. Le traitement d’un
¶ Dermohypodermites bactériennes nécrosantes intertrigo ou d’un ulcère chronique est également indispensable.
Devant des récidives multiples, plusieurs auteurs proposent de
En début d’évolution, la distinction entre une dermohypodermite
mettre en place une antibiothérapie prophylactique. Deux classes
non nécrosante et une forme nécrosante peut être difficile, mais
d’antibiotiques sont utilisées : soit la pénicilline V per os (1 à
rapidement s’associent des signes généraux avec syndrome
2 MU, deux fois par jour) ou une pénicilline G « retard », la
confusionnel, état de choc, alors qu’au niveau des signes locaux
benzathine-pénicilline (2,4 millions d’unités toutes les 3 semaines en
l’attention doit être attirée par une douleur très intense ou, au
intramusculaire), soit un macrolide, érythromycine per os (250 à
contraire, des zones d’hypoesthésie, l’apparition de plages
500 mg, deux fois par jour [68]). La durée du traitement n’est pas
ecchymotiques ou de nécrose, ou une pâleur des téguments. Cet
définie. Sjöblom propose une prophylaxie au long cours chez les
aspect péjoratif s’intensifie malgré l’administration d’antibiotiques
patients présentant des facteurs de risque majeurs ou une porte
antistreptococciques.
d’entrée persistante.
TRAITEMENT
Cellulites nécrosantes, fasciites
¶ Antibiothérapie nécrosantes, myosites, gangrènes
Le traitement antibiotique de référence des DHBNN reste la gazeuses ou dermohypodermites
pénicilline G, très active sur le streptocoque. Le traitement des bactériennes nécrosantes
dermohypodermites sans signes généraux de gravité, sur terrain
immunocompétent, peut être envisagé à domicile et repose sur la Il s’agit d’une pathologie beaucoup plus rare, très différente en
pénicilline V à la dose de 4 à 6 millions d’unités par jour (MU/j) [78] termes de gravité puisque la mortalité est d’environ 30 %. Elle
ou sur l’amoxicilline à la dose de 50 mg/kg/j en trois prises. Les nécessite une prise en charge complexe.
macrolides [10], la clindamycine ou la pristinamycine [8] peuvent aussi
être utilisés par voie orale en cas d’allergie à la pénicilline. La durée Il s’agit d’une pathologie souvent due à S. pyogenes, mais de
habituelle du traitement est de 15 jours. nombreuses autres bactéries aérobies ou anaérobies peuvent être en
cause ou associées. Il se produit une infiltration tissulaire
Devant un tableau clinique sévère, aussi bien au niveau local rapidement extensive avec formation d’un thrombus vasculaire
(étendue du placard cutané, localisation céphalique) que général responsable de lésions ischémiques. On observe une nécrose de
(altération de l’état général, confusion) [23] ou devant un terrain l’hypoderme avec une extension en surface et en profondeur, ce qui
fragilisé (âge, facteurs de comorbidité : diabète, obésité, alcoolisme, en fait la gravité, avec atteinte nécrotique de l’aponévrose
affection cardiovasculaire...), l’hospitalisation est indispensable pour superficielle et éventuellement des muscles sous-jacents.
une antibiothérapie par la pénicilline G intraveineuse à la dose de
10 à 20 MU/j en perfusion continue ou en quatre à six perfusions
par jour pendant 5 à 8 jours [27]. Le relais per os est possible après ÉPIDÉMIOLOGIE
apyrexie par la pénicilline V ou l’amoxicilline pendant 10 à 15 jours. Les DHBN sont rares, avec une prédominance masculine :
Si S. aureus est isolé, seul ou associé au streptocoque, il est légitime 0,25 cas/100 000 habitants par an chez l’homme et 0,15 cas/
d’utiliser une pénicilline M (oxacilline ou cloxacilline), 100 000 habitants par an chez la femme dans l’Ontario [39]. Leur
habituellement active sur le S. pyogenes et S. aureus méti-S, à la dose incidence semble stable en France [6, 13] , alors qu’elle est en
de 75 à 100 mg/kg/j. augmentation au Canada [39].
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FACTEURS DE RISQUE
2 A. Dermohypodermite
¶ Facteurs locaux bactérienne nécrosante
sur varicelle.
L’origine est, le plus souvent, une effraction du revêtement cutané B, C. Après chirurgie.
ou muqueux (60 à 80 % des patients), parfois évidente, parfois D. En voie de guéri-
son.
méconnue ou oubliée du patient : traumatisme cutané, surinfection
d’un ulcère, d’une escarre talonnière ou sacrée, d’un abcès périrectal
ou d’un mal perforant plantaire diabétique, éraflure cutanée, piqûre
par une épine ou un insecte, grattage d’une lésion d’acné... [10]. On
peut observer des cas après intervention chirurgicale de gravité très
variable (chirurgie abdominale, hémorroïdectomie, vasectomie,
épisiotomie, liposuccion) [10, 13], après extraction dentaire [62] ou
injection sous-cutanée ou intramusculaire, en particulier chez les *
A
toxicomanes utilisant la voie intraveineuse [10, 35].
Chez l’enfant, 30 à 50 % des cas de DHBN trouvent leur origine
dans des lésions surinfectées de la varicelle [39] (fig 2). Des DHBN du
nouveau-né sur infection ombilicale ont également été publiées.
¶ Facteurs généraux
La fréquence des DHBN augmente avec l’âge, avec une moyenne
entre 55 et 60 ans [14, 39, 49, 53]. Le diabète est retrouvé dans 25 à 30 %
des cas [13, 39]. L’artérite et l’alcoolisme sont également considérés
comme des facteurs favorisants, retrouvés respectivement dans 10
et 15 % des observations. Une immunosuppression (cancer, *
B
hémopathie...) est rapportée dans plusieurs séries [13, 39]. Enfin, la
notion d’une infection streptococcique récente dans l’entourage est
classique.
Plusieurs études rétrospectives rapportent une fréquence de prise
d’AINS comprise entre 15 et 40 % [13, 14, 39]. Leur rôle pathogène reste
cependant très controversé, ceux-ci ayant souvent été introduits
devant la symptomatologie inflammatoire initiale [21]. Une étude cas-
témoin récente appariant 19 « fasciites nécrosantes » à 29 infections
cutanées bénignes chez des enfants atteints de varicelle, a montré
que l’utilisation d’AINS était associée à un risque accru de DHBN
(risque relatif = 11) [83].
¶ Signes locaux *
C
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L’incubation est de courte durée (6 à 48 heures, parfois beaucoup Néanmoins, selon les circonstances, d’autres germes sont
plus courte). Habituellement, l’infection se manifeste localement par fréquemment retrouvés en association, sans que l’on puisse
une peau froide et décolorée, un œdème tendu de couleur jaunâtre, déterminer précisément leur caractère pathogène, aussi bien au
associés à une douleur vive et d’intensité croissante. Il est parfois niveau local que général. Il s’agit par exemple de staphylocoques
retrouvé à ce niveau un exsudat fluide, sale et non purulent. Une dorés ou coagulase négatifs, de Bacteroides, d’anaérobies divers
radiographie des parties molles peut montrer des traînées gazeuses (Fusobacterium, Prevotella, Porphyromonas) ou d’entérobactéries qui,
dans les masses musculaires, mais ce signe n’est ni constant ni tous, affichent un niveau de résistance à la pénicilline G plus ou
précoce, et ne doit en aucun cas faire écarter le diagnostic. moins élevé et ne peuvent être traités qu’avec des antibiotiques
L’extension est extrêmement rapide, les téguments prenant un aspect ayant un spectre d’action adapté. Enfin, la plupart de ces germes
classiquement « bronzé » (érythème bronzé de Velpeau), dans un peuvent donner à eux seuls une infection grave des tissus mous.
contexte fébrile. La peau, froide, se couvre de zones nécrotiques et C’est pourquoi la prescription de la seule pénicilline G en traitement
de bulles à contenu sérosanglant d’odeur nauséabonde. À ce stade, probabiliste devant une situation d’une telle gravité paraît
la palpation retrouve très souvent une crépitation neigeuse qui signe hasardeuse [10, 72]. On sait qu’une antibiothérapie initiale inadéquate
la présence de gaz dans les tissus mous. lors d’une bactériémie est un facteur défavorable sur le plan
L’état général devient rapidement inquiétant avec syndrome pronostique [44]. Il a été avancé que la clindamycine, active sur les
confusionnel, troubles respiratoires, état de choc d’origine septique streptocoques, les staphylocoques et les anaérobies, pouvait en outre
et hypovolémique. On est frappé par l’extension extrêmement avoir une action inhibitrice sur la sécrétion de toxines [25, 73]. Cet
rapide des lésions, en quelques heures. L’atteinte du tronc à partir antibiotique est surtout utile en cas d’allergie à la pénicilline.
d’une lésion initialement localisée aux membres est particulièrement Ainsi, il paraît préférable, au moins en traitement probabiliste,
préoccupante. Il existe parfois un ictère par hémolyse lié à la toxine d’élargir l’antibiothérapie en utilisant des molécules à plus large
du Clostridium. spectre et possédant des concentrations minimales inhibitrices
basses, afin d’avoir une action locale, aléatoire, étant donné les
difficultés de pénétration au sein de tissus mal vascularisés, et
PRISE EN CHARGE THÉRAPEUTIQUE DES DHBN
générale en cas de bactériémie. Le choix des molécules est influencé
À ce jour, il n’existe pas d’essai thérapeutique randomisé concernant par le caractère communautaire ou nosocomial de l’infection et par
l’antibiothérapie, les différentes techniques chirurgicales, la place de sa localisation.
l’oxygénothérapie hyperbare et l’utilisation d’immunoglobulines. Pour une infection des membres inférieurs d’origine post-
traumatique, on peut proposer une bêtalactamine associée à un
¶ Mesures de réanimation et prise en charge
inhibiteur des bêtalactamases, par exemple amoxicilline-acide
nutritionnelle clavulanique à la dose de 2 g/6 h, éventuellement associée à de la
Le traitement symptomatique d’urgence est celui d’un état septique gentamicine ou de la Nétromicinet pendant 2 à 5 jours.
grave avec un profil hémodynamique de choc hypovolémique et Lors d’une infection communautaire concernant le périnée (DHBN
septique nécessitant un remplissage vasculaire et l’utilisation ou « cellulite » nécrosante périnéale ou gangrène de Fournier), le
d’amines vasoactives, des problèmes respiratoires et neurologiques. risque est dominé par la présence d’entérobactéries et d’anaérobies
Le risque d’apparition de défaillances polyviscérales est majeur et de type Bacteroides et justifie la prescription d’une céphalosporine
diminué par la prise en charge active et précoce de l’état septique et de troisième génération (céfotaxime ou ceftriaxone) associée à du
hémodynamique. L’hospitalisation en unité de soins intensifs est métronidazole ou d’une uréidopénicilline associée à un inhibiteur
indispensable. La chirurgie entraîne souvent de vastes zones de des bêtalactamases (pipéracilline-tazobactam). Là aussi, une
décollement à l’origine de pertes importantes. La ventilation association temporaire à un aminoside peut se discuter.
mécanique est souvent utile lors de la phase initiale et maintenue de Pour les DHBN (ou « cellulites ») nécrosantes cervicofaciales,
façon prolongée du fait de la sédation et des reprises itératives au communautaires et évoquant une staphylococcie maligne, en
bloc opératoire. l’absence de risque de résistance, on associe une pénicilline du
Une nutrition hypercalorique et hyperprotidique, par voie groupe M (oxacilline ou cloxacilline) avec de la gentamicine pendant
parentérale puis entérale, est nécessaire précocement. les 3 à 5 premiers jours.
Le risque de thrombose justifie un traitement anticoagulant efficace, Dans la prise en charge d’une infection nosocomiale survenant sur
qui doit tenir compte des troubles de l’hémostase et du saignement une cicatrice postopératoire après chirurgie abdominale ou
au niveau des zones opératoires. Il doit être adapté à la présence gynécologique, il est nécessaire de couvrir un spectre plus large
fréquente de troubles de la coagulation. intégrant Pseudomonas et le staphylocoque doré ou coagulase négatif
En cas d’infection d’origine traumatique, une prévention résistant à la méticilline. Une antibiothérapie probabiliste associe un
antitétanique doit être systématique si l’immunisation vaccinale est glycopeptide et de l’imipénème ou la combinaison pipéracilline-
ancienne ou douteuse. inhibiteur des bêtalactamases et de l’amikacine ou de l’isépamicine
pendant les premiers jours (tableau II).
¶ Traitement antibiotique [47, 60]
Les modalités d’administration des antibiotiques doivent respecter
Le rôle exact joué par l’antibiothérapie dans l’évolution de ces des données pharmacocinétiques optimales, d’autant plus que les
formes sévères peut difficilement être évalué. Néanmoins, dans ces conditions de pénétration tissulaire sont aléatoires. L’espoir d’obtenir
états pathologiques où s’installe rapidement un état septique une synergie bactéricide rapide par une association comprenant un
gravissime, l’antibiothérapie est une composante thérapeutique aminoside, pendant les premiers jours du traitement, passe par
importante tant sur le plan local que général. Les modalités de ce l’utilisation d’une dose de charge ou d’une administration selon le
traitement n’ont pas été validées par des données issues de la principe de la monodose journalière.
littérature. L’antibiothérapie peut ensuite être adaptée aux résultats des
Le streptocoque et C. perfringens jouent un rôle pathogène essentiel prélèvements bactériologiques.
dans de nombreuses situations. Ces germes ont une excellente
¶ Prise en charge chirurgicale
sensibilité à la pénicilline G qui peut représenter un traitement de
choix [10]. Comme pour tous les germes anaérobies, l’isolement du L’ensemble des publications récentes sur les DHBN insiste sur la
Clostridium est difficile et nécessite des précautions particulières lors nécessité d’une prise en charge chirurgicale la plus précoce possible,
du prélèvement. L’examen direct peut mettre en évidence des dès le diagnostic envisagé. Une étude rétrospective publiée en 1995
bacilles à Gram positif qui sont de culture lente et difficile. Les montrait une différence significative de délai opératoire entre les
hémocultures sur milieu enrichi ne poussent que dans 10 % des cas patients ayant survécu (25 heures) et les patients décédés
avec un Clostridium. (90 heures) [51].
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Anesthésie-Réanimation Cellulites, fasciites, myosites, gangrène gazeuse 36-983-H-10
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36-983-H-10 Cellulites, fasciites, myosites, gangrène gazeuse Anesthésie-Réanimation
Points essentiels
– On regroupe sous le nom de « dermohypodermites bactériennes non nécrosantes » (DHBNN) les érysipèles et les cellulites infectieuses
superficielles, essentiellement dus aux streptocoques. Dans plus de 85 % des cas, elles touchent les membres inférieurs. Les atteintes de la face
sont beaucoup plus rares. Les signes locaux sont limités. L’état général est modérément altéré.
– Leur traitement, avant tout médical, repose sur une antibiothérapie par pénicilline G. L’évolution est habituellement favorable. Le risque
et la prévention d’une thrombose veineuse des membres inférieurs est plus en rapport avec le terrain qu’avec la maladie elle-même.
– Le risque de récidives est important. Il doit être contrôlé par la prise en charge des facteurs favorisants (troubles veinolymphatiques,
intertrigo) et, plus rarement, par une antibiothérapie au long cours.
– Les DHBN regroupent les cellulites nécrosantes, fasciites nécrosantes, myosites et gangrènes gazeuses. Elles se caractérisent par une
extension en surface et en profondeur avec atteinte nécrotique de l’aponévrose superficielle et éventuellement des muscles sous-jacents.
Elles sont rares mais d’une extrême gravité, tant sur le plan local que général, avec une mortalité de l’ordre de 30 %.
– La porte d’entrée peut être une effraction cutanée (plaie même minime, ulcère, escarre, mal perforant plantaire, injection
intramusculaire…) ou chirurgicale (abdomen, hémorroïdectomie…). Chez l’enfant, les lésions cutanées de la varicelle peuvent être en
cause.
– Le diagnostic de DHBN doit être porté précocement. L’évolution locale est rapidement extensive, avec des signes cliniques inquiétants :
aspect livide, ecchymoses, décollement bulleux, signes de nécrose, œdème considérable. La surveillance doit être rapprochée afin de
détecter toute extension lésionnelle. Les signes généraux sont très vite préoccupants.
– Plusieurs espèces bactériennes peuvent être en cause, selon le site et la nature de l’infection. Le streptocoque est le plus fréquemment
retrouvé, mais d’autres bactéries peuvent être présentes, parfois en association avec, dans ce cas, un rôle pathogène imprécis. Il peut
s’agir de bactéries anaérobies strictes (C. perfringens, B. fragilis), d’entérobactéries ou de staphylocoque doré.
– Les DHBN sont des urgences médicochirurgicales pour lesquelles le traitement doit associer la prise en charge d’un état septique grave, la
mise en route rapide d’une antibiothérapie et une chirurgie la plus précoce possible, éventuellement associées à une oxygénothérapie
hyperbare.
– La chirurgie doit être rapidement décidée, consistant en une excision large des lésions. Des pansements itératifs rapprochés doivent
permettre de suivre leur évolution et, éventuellement, de compléter l’exérèse des tissus menacés. L’oxygénothérapie hyperbare apporte
probablement une contribution au traitement, bien que non prouvée.
– L’antibiothérapie empirique est guidée par la localisation des lésions. Elle doit couvrir l’ensemble des bactéries potentiellement en cause et être
adaptée aux résultats des prélèvements bactériologiques.
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