Tude de La Pollution de L'eau Souterraine de La Ville de Niamey, Niger
Tude de La Pollution de L'eau Souterraine de La Ville de Niamey, Niger
Tude de La Pollution de L'eau Souterraine de La Ville de Niamey, Niger
Manuscrit n°2322. “Santé publique”. Reçu le 2 mai 2001. Accepté le 12 mars 2002.
Tableau I. Figure 2.
Teneur moyenne en coliformes totaux (CT) et streptocoques fécaux (SF) de Localisation des prélèvements effectués à Niamey.
l’eau des puits échantillonnés (concentrations moyennespour100 ml d’eau). Localisation of the samples performed in Niamey.
Mean of total coliforms (CT) and faecal Streptococcus concentrations
in water of selected wells (per 100 mL).
campagne 1 campagne 2 campagne 3
CT avant vidange 28 320 13 260 25 060
nappe de la CT après vidange 42 313 24 868 47 460
plaine (r. droite) SF avant vidange 29 000 12 064 14 850
SF après vidange 43 860 25 872 27 820
CT avant vidange 18 989 13 587 19 796
nappe du CT après vidange 14 330 14 630 29 365
plateau (r. gauche) SF avant vidange 23 808 10 596 11 723
SF après vidange 20 229 11 262 12 208
Les analyses pratiquées avant et après chloration et vidange de la saison sèche mais reste en deçà des normes habituelle-
des puits apportent donc une double information : ment admises. En revanche, la teneur en azote oxydable, c’est-
- dans un premier temps, avant vidange, elles caractérisent à-dire azote organique + N-NH4, évolue peu au cours de
l’état de l’eau contenue dans le puits qui a pu être contaminée l’année, mais elle dépasse fréquemment la norme et est même
par les utilisateurs du puits ou, accidentellement, par des élé- préoccupante dans le tiers des points d’eau (tableau II).
ments extérieurs à l’aquifère (vent, animaux, etc..) ; La conductivité moyenne reste constante au cours des saisons
- après vidange, elles évaluent le degré de pollution de la nappe (environ 300 µS.cm-1) et sensiblement supérieure à celle des eaux
phréatique. En effet, l’appel d’eau brutal provoqué par la naturelles. L’alcalinité est faible. Il y a peu de sulfates ; le cal-
vidange aspire l’eau de l’aquifère qui sera analysée avant d’avoir cium et le magnésium sont compris respectivement entre 10 et
pu être souillée par des agents extérieurs, la chloration ayant 35 mg.l -1 et entre 1 et 40 mg.l -1. Les concentrations en chlo-
auparavant décontaminé les parois de l’ouvrage. rures et en potassium sont beaucoup plus hétérogènes.
Tous les puits présentent une pollution bactériologique d’ori-
Analyses chimiques et bactériologiques gine fécale : la présence constante de coliformes et de strepto-
Les formes azotées ont été estimées par mesure des nitrates coques fécaux ne semble pas suivre une variation saisonnière
(NO3¯), par réduction au cadmium, des nitrites (NO2¯), par nette. Certains points d’eau renferment une concentration
diazotation, et de l’azote total par oxydation à l’aide du per- franchement inquiétante d’agents microbiens d’origine fécale
sulfate à chaud, en milieu basique, puis dosage des nitrates (tableau I). La comparaison des résultats avant et après chlo-
par réaction en milieu acide sur l’acide chromotopique. La ration et vidange des puits ne montre pas de différence, ce qui
teneur en azote Kjeldahl est déduite de la concentration en indique que la contamination mesurée est celle de la nappe, et
azote total par soustraction des formes minérales NO3¯ et non celle induite localement par les conditions d’exploitation
NO2¯. Les mesures sont effectuées par colorimétrie à l’aide et par l’occupation du sol à proximité immédiate des puits.
d’un spectrophotomètre Hach DR 2010.
Le potassium, le magnésium, le calcium, les chlorures, les sul-
Aquifère superficiel de la plaine alluvionnaire
fates et les phosphates ont été dosés par colorimétrie à l’aide
d’un spectrophotomètre Hach DR 2010. (rive droite)
Les paramètres microbiologiques ont été déterminés en filtrant Les puits de cette zone ont une profondeur qui varie entre 6
des aliquotes homogènes de 100 ml dilués dans de l’eau sté- et 14 m (moyenne 11 m). La teneur en nitrates augmente en
rile de façon à obtenir un nombre d’unités formant colonie saison sèche mais reste inférieure aux normes. L’azote Kjel-
(UFC) compris entre 30 et 300. Le taux de dilution a été cal- dahl est constamment au-dessus de la norme de l’Union Euro-
culé empiriquement au cours des campagnes de prélèvements. péenne (1 mg.l -1). La teneur en nitrites reste en deçà des limites
Chaque aliquote a été filtrée sur une membrane dont le dia- admises par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) et
mètre des pores était de 0,45µm. Les membranes ont ensuite
celles de l’Union européenne (tableau II).
été placées sur des milieux sélectifs pendant 24 heures à 37 °C.
La conductivité est comprise entre 400 et 2400 µS.cm-1. Le pH
Les colonies ont été dénombrées selon une grille fournie par
est voisin de la neutralité et les eaux sont relativement bien oxy-
le fabricant. Nous avons utilisé les milieux suivants : NKS
génées. Le calcium varie entre 40 et 100 mg.l -1 et le magnésium
Standard, NKS Endo et NKS Azide (Sartorius, Paris) qui per-
mettent de dénombrer respectivement les germes totaux, les entre 10 et 80 mg.l -1. Ces eaux sont généralement très riches
coliformes totaux et les streptocoques fécaux. en sulfates (jusqu’à 115 mg.l -1) et en chlorures (plus de
130 mg.l -1 dans la plupart des puits).
Tous les puits sont contaminés par des agents d’origine fécale.
Résultats Leur concentration peut être considérable et dépasser
5 0 0 0U F Cp o u r 100 ml d’eau (tableau I). Contrairement à ce
Aquifère superficiel du plateau (rive gauche) que l’on observe en rive gauche, la comparaison des résultats
La profondeur des puits varie entre 10 et 23 m (moyenne avant et après chloration et vidange des puits montre en
16m). La teneur en nitrates augmente sensiblement au cours moyenne une augmentation importante du nombre d’agents
présents dans les échantillons, quelle que soit la saison du
Tableau II. prélèvement (tableau I). Le même phénomène s’observe pour
Teneur moyenne, après chloration, en azote, nitrates et nitrites des 17 puits sur la conductivité électrique. Les pompages modifient l’organi-
les 23 échantillonnés ayant bénéficié d’au moins 4 prélèvements (en mg . l-1 ).
Mean of nitrogen, nitrate and nitrite concentrations after chlorinating the 17
sation des écoulements dans l’aquifère en faisant converger vers
out of the 23 sampled wells, on the basis of at least 4 samples (mg .l -1). le puits les eaux de son environnement. L’augmentation, à la
quartiers azote Kjeldahl nitrates nitrites suite de la vidange des puits, de la contamination bactérienne
valeur limite UE 1 50 0,1 et de la conductivité traduit donc probablement la présence
valeur indicative OMS - 50 3 de sources de contamination proches : effluents de latrines,
rive droite
Gaweye 50,3 20,7 0,107 lixiviats de dépôts d’ordures… Le niveau général de conta-
Lamordé 5,5 5,3 0,044 mination est alors celui qui est mesuré avant chloration et
Mosquée 14,8 7,7 0,016
Saguia 4,9 8,9 0,076 vidange : il est élevé, équivalent à celui de la nappe en rive
rive gauche gauche, et montre que la nappe elle-même est polluée par
Bagdad 5,8 11,7 0,016
Bandabari 5,4 12,9 0,026
d’autres facteurs plus généraux.
Bandabari 2 4,8 8,4 0,011
Bani Fandou 2 0,8 0,9 0,004
Bar Souvenir 60,0 34,1 0,057
Aquifère profond du socle cristallin
Boubiel 1 0,6 1,7 0,024
Boubiel 2 0,8 1,7 0,007 En profondeur, la qualité de la nappe a été analysée à partir des
CEG 10 10,3 15,8 0,020 forages des rives gauche et droite, dont les profondeurs sont
Goudel 3,7 3,5 0,094
Kalley Est 27,6 23,9 0,023 de l’ordre respectivement de 70 m en moyenne et de 50 m. La
Kouara Me 9,5 14,1 0,010 concentration en nitrates et en nitrites reste dans les limites de
Lazaret 0,8 0,8 0,005
Ryadh 2,8 4,4 0,016 potabilité avec une très faible variation saisonnière. En
La pollution des niveaux superficiels des nappes ne se limite Les nappes superficielles, accessibles par les puits, apparais-
pas à une pollution bactériologique. Les métaux lourds ne sent fortement contaminées par des matières organiques d’ori-
sont pas concernés, en raison du manque d’industries à Nia- gine humaines et animales. Cette pollution trouve très
mey. En revanche, la présence d’azote doit être soulignée. probablement ses origines dans l’insuffisance des infrastruc-
Une origine géologique est exclue. Cette pollution azotée tures d’assainissement et de collecte des ordures ménagères.
peut provenir soit des fertilisants utilisés dans les périmètres L’éventualité d’une pollution bactériologique de la nappe pro-
irrigués et les plantations maraîchères installées le long du fonde doit être envisagée sérieusement, surtout si l’on propose
fleuve et en périphérie de la ville, soit d’une contamination par une exploitation systématique de cette ressource naturelle en
les matières organiques humaines et animales infiltrées. La eau. En effet, une ponction intense et régulière du contenu de
quantité de fertilisants utilisés par les agriculteurs de la ville la nappe profonde pourrait augmenter significativement la
de Niamey est relativement faible, ce qui conduit à privilégier circulation des eaux souterraines, par appel d’eau, et aggraver
la seconde hypothèse sauf, peut-être, pour certains puits de la la contamination de la nappe profonde par les polluants de sur-
rive gauche. La forte contamination d’origine fécale s’ac- face. Par ailleurs, des essais sont actuellement en cours, visant
compagne très naturellement d’une pollution azotée, que l’on à améliorer l’entretien des ouvrages hydrauliques afin de
voit bien à travers les teneurs en azote organique. Une fois dans réduire leur contamination bactériologique et déterminer si
le milieu souterrain et en conditions oxydantes, l’azote se celle-ci concerne ponctuellement les installations ou, plus
nitrifie. Il est très vraisemblable que l’azote ammoniacal stocké généralement, la nappe en profondeur.
dans le sol par adsorption pendant la saison des pluies s’oxyde Les études doivent se poursuivre pour surveiller l’évolution
au fur et à mesure de la baisse du niveau piézométrique et de de la pollution de la nappe, notamment en profondeur. Les
la progression de la zone non saturée en saison sèche. L’azote modes de transfert de l’eau et des polluants dans la zone non
nitrique étant une forme très mobile – au contraire de saturée d’une part, dans la nappe d’autre part, doivent main-
N-NH4 – il se retrouve rapidement dans la nappe. tenant être impérativement caractérisés afin de hiérarchiser
La pollution bactériologique de la nappe profonde est plus les différents facteurs de pollution et prendre les mesures
inquiétante car elle pourrait signifier une insalubrité générale conservatoires appropriées.
des eaux souterraines de la ville. Il reste cependant difficile
de préciser l’origine et le caractère généralisé de cette pollu- Remerciements
tion. Elle pourrait être due à la percolation verticale des pol- Ce travail a été financé conjointement par l’IRD et la Coopération
luants contenus dans les niveaux superficiels. Les observations française. Nous exprimons notre gratitude à MM. Roland LOUVEL et
d’HOUSSIER (6), montrant l’influence de pompages en pro- Olivier FAUGERE (SCAC, Ambassade de France à Niamey) et M.
fondeur sur le niveau piézométrique de la nappe superficielle, Christian LEDUC (IRD, Montpellier) pour leur soutien constant lors
de l’élaboration et la réalisation de ce travail. Nous remercions égale-
confirment l’existence d’échanges verticaux entre les aqui- ment MM. Daniel COURET et Sylvain THERY pour leur aide technique.
fères superficiels et profonds.
La contamination pourrait, pour partie, provenir des défauts
d’installation de pompage. Cette supposition est renforcée,
d’une part, par de grandes différences observées le même
jour entre deux forages voisins et, d’autre part, par les varia- Références bibliographiques
tions importantes enregistrées sur le même forage lors de
deux prélèvements différents. Ainsi pourrait s’expliquer l’aug- 1. BECHLER-CARMAUX N, MIETTON M & LAMOTTE M - Le risque
de pénurie en eau potable dans la ville de Niamey (Niger).
mentation du nombre d’agents bactériens après une utilisa-
Sécheresse, 1999, 10, 281-288.
tion peu intense du forage par les usagers, ce qui réduit le 2. BERNUS E & HAMIDOU SA - Atlas du Niger. Paris : Jeune
renouvellement de l’eau des tubages. Là encore, afin de mieux Afrique, 1980, 64 p.
préciser les sources de pollution et les aménagements à pro- 3. BOUVIER C, GATHELIER R & GIODA A - Campagne de simulation
de pluies en milieu urbain, Niamey (Niger). Rapport ORSTOM
mouvoir, il est recommandé d’étudier soigneusement les Niamey, 1986.
transferts de l’eau et des polluants dans la zone saturée. 4. DESCONNETS C, TAUPIN JD, LEBEL T & LEDUC C - Hydrology of
the Hapex-Sahel. J Hydrol, 1997, 188-9 , 155-178.
5. GROSS P - Qualité de l’eau souterraine de la Communauté
Conclusion Urbaine de Niamey. Compte-rendu des travaux réalisés à Nia-
mey d’août 98 à février 99. Document CERMES Niamey, 1999.
6. HOUSSIER S - Rapport de fin de mission : Etude de la pollution