Arafi Comptabilité-Publique-Fr
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FONDAMENTAUX
Octobre 2011
A. ROLE DE L’ORDONNATEUR....................................................................................................................................20
1. La constatation des créances....................................................................................................................20
a) La constatation des faits générateurs des créances .................................................................................................. 20
b) La constatation de créances issues de la souveraineté ............................................................................................. 20
c) La constatation de créances justifiées par la qualité de l'État en tant que partenaires ......................................... 21
d) La constatation légale des créances de l'État ............................................................................................................. 23
e) L'existence d'un texte de base légitimant la créance ................................................................................................ 23
f) L'inscription de la créance aux lois de finances .......................................................................................................... 24
2. La liquidation de la créance ......................................................................................................................24
3. L'émission des ordres de recettes .............................................................................................................24
B. ROLE DU COMPTABLE ..........................................................................................................................................25
1. La prise en charge des ordres de recettes .................................................................................................25
2. Le recouvrement ......................................................................................................................................26
a) Le recouvrement à l'amiable ....................................................................................................................................... 26
b) Les procédures du recouvrement forcé ...................................................................................................................... 28
c) Les privilèges du Trésor ................................................................................................................................................ 31
d) La contrainte par corps ................................................................................................................................................ 32
3. Les conséquences du non recouvrement ..................................................................................................32
a) La force majeure ........................................................................................................................................................... 33
b) L'admission en non-valeur ........................................................................................................................................... 33
A. ROLE DE L’ORDONNATEUR....................................................................................................................................34
1. L'engagement de dépenses ......................................................................................................................34
a) L'engagement créant volontairement l'obligation ..................................................................................................... 34 Page | 3
2. La liquidation de dépenses .......................................................................................................................35
a) La véracité du service fait ............................................................................................................................................ 35
b) La vérification des règles de prescription et de déchéance quadriennale ............................................................... 36
c) L'ordonnancement de paiement des dépenses ......................................................................................................... 37
B. ROLE DU CONTROLEUR ........................................................................................................................................38
1. L’incitation au contrôle de substance .......................................................................................................38
2. La consécration de la vocation de conseil .................................................................................................39
3. Le renforcement de la mission d'information ...........................................................................................39
C. ROLE DU COMPTABLE PUBLIC ................................................................................................................................39
1. La nature des contrôles classiques de validité de la créance ....................................................................40
2. Les perspectives d'un contrôle modulé de la validité des dépenses .........................................................41
3. Le paiement libératoire des dépenses ......................................................................................................42
La comptabilité publique est, en soi, une discipline de droit public qui dérive de droit des
finances publiques. Certes, son texte général (notamment RGCP) relève du domaine
autonome du pouvoir réglementaire du gouvernement puisqu’il régit les rapports internes à
l'Administration relatifs à l'exécution et le contrôle des finances publiques.
En revanche, le doit de la comptabilité publique, dans son ensemble, est constitué d’autres
textes particuliers, qui peuvent avoir un caractère législatif. A titre indicatif, on peut citer
certains textes de références à cet égard :
• Loi organique
• Loi ordinaires
- Loi n° 15-97 du 3 mai 2000 formant code de recouvrement des créances publiques
• Lois de finances
La partie législative des lois de finances peuvent comporter des éléments liés à la
comptabilité publique (Exp. article premier relatives à la perception des recettes publiques)
De même la loi de finances peut être accompagnée par autres textes en la matière
• Décrets généraux
- Décret royal n° 330-66 du 10 moharrem 1387 (21 avril 1967) portant règlement
général de comptabilité publique, tel modifié et complété
- Décret n° 2-06-52 du 14 moharrem 1427 (13 février 2006) relatif au rattachement du
contrôle des engagements de dépenses de l'Etat à la Trésorerie
- Décret n° 2-07-1235 du 5 kaada 1429 (4 novembre 2008) relatif au contrôle des
dépenses de l'Etat
- ….
• Décrets d’application
- Décret n° 2-88-485 du 11 rejeb 1410 (8 février 1990) pris pour l'application du dahir
du 1er kaada 1361 (9 novembre 1942) sur la prestation de serment des comptables
- Décret n° 2-89-61 (10 rebia II 1410) fixant les règles applicables à la comptabilité des
établissements publics
- Décret n° 2-98-401 du 9 moharrem 1420 (26 avril 1999) relatif à l'élaboration et à
l’exécution de la loi de finances
- ….
- Arrêté du 1 er. Ministre n°. 3-17-99 du 12/07/1999, fixant les règles et les conditions
de révision des prix des marchés de travaux, fournitures ou services passés pour le
compte de l'Etat
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- …
- Arrêté du ministre des finances n° 681-67 du 12/12/1967 (12 décembre 1967) fixant
la liste des dépenses qui peuvent être payées sans ordonnancement préalables
- Arrêté du ministre des finances et de la privatisation n° 321-03 du 2 hija 1423 (4
février 2003) fixant les modalités d'application du décret n° 2-01-1448 du 22 rabii I
1423 (4 juin 2002) portant transformation de l'agence comptable centrale des
chancelleries diplomatiques et consulaires en trésorerie des chancelleries
diplomatiques
- Arrêtés fixant nomenclatures des pièces justificatives des dépenses de personnel et
des biens et services
- …..
• Arrêtés conjoints
- Arrêt de la Cour des comptes marocaine (Chambres réunies, 7 juillet 1988) : la Cour
a considéré les comptables n'ayant pas satisfait toutes les conditions requises pour
avoir la qualité de comptable public, alors qu'ils exercent effectivement les fonctions
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de comptables publics, comme des "comptables intérimaires"
- Décision du Conseil constitutionnel marocain n° 389-2000 du 18 avril 200 ayant
déclaré les dispositions de l'article 10 de LOF n°7-98 dérogeant aux dispositions du
premier alinéa de l'article 50 de la Constitution. Il affirme que le fait de prévoir la
non imputation de certaines dépenses des Services de l'État gérés de manière
autonome sur les crédits du budget général de l'État est une dérogation aux
principes de l'universalité du budget.
- …
Les trois acteurs principaux du système de la comptabilité publique sont : les ordonnateurs,
les comptables et les contrôleurs.
1. Les ordonnateurs
Tous les ordonnateurs sont des administrateurs ; mais seuls certains administrateurs sont
qualifiés d'ordonnateurs parce qu'ils possèdent, en sus de leurs attributions normales, un
pouvoir de décision en matière financière :
(1) OCDE, Comptabilité et budgétisation sur la base des droits constatés : questions clés et développements récents in revue de la gestion budgétaire vol. 3 n° 1,
2003, p.47 et s.
(2) Les dispositions de la Loi organique relatives aux lois de finances du 1er août 2001 abrogeant l’ordonnance de 1959 indique que " les opérations sont
enregistrées selon le principe de la constatation des droits et des obligations " et que " les principes généraux de la comptabilité et du plan comptable de l'État ne se
distinguent des règles applicables aux entreprises qu'à raison des spécificités de l'action de l'État ".
Sont ceux auxquels les crédits budgétaires sont systématiquement alloués, sans aucune
intermédiation. On les qualifie autrement d'ordonnateurs principaux.
• Ordonnateurs délégués
Dès que le délégataire a utilisé la délégation, c'est-à-dire dès qu'il a pris et signé
valablement une décision, le délégant ne peut la remettre en cause et prendre une autre
décision dans le même domaine. Page | 12
• Sous-ordonnateurs
Ils exercent leur activité financière en vertu d'une "ordonnance de délégation de crédits".
Pour les départements qui n'ont pas de représentations territoriales propres les délégations
de crédits peuvent être effectuées auprès du Wali ou du Gouverneur.
• Ordonnateurs suppléants
• Ordonnateurs subdélégués
Dans certains départements et organismes publics, il faut souligner que des sous-
ordonnateurs, bénéficiant de crédits délégués, peuvent subdéléguer une partie de leurs
crédits à des chefs de structures relevant de leur autorité ; c'est le cas par exemple où le
Wali ou le Gouverneur subdélèguent partiellement ses crédits aux chefs de districts
(Pachas) qui relèvent de sa compétence territoriale. Mais en général cette pratique est assez
limitée.
Le comptable public (de l'État) est un fonctionnaire ayant qualité pour exécuter, au nom de
l'État, des opérations de recettes, de dépenses ou de maniement de titres, soit au moyen de
fonds et valeurs dont il a la garde, soit par virements internes d’écritures, soit par
l’entremise d’autres comptables publics ou de comptes externes de disponibilités dont il
ordonne ou surveille les mouvements.
La prestation de serment : Les comptables publics sont soumis, avant d’être installés
dans leur premier poste comptable, à la formalité de la prestation de serment prévue par le
Dahir de 9 novembre 1942 qui précise dans son article premier. Les conditions de
l'accomplissement de cette formalité sont prévues par le décret n° 2-88-485 du 8 février
1990 pris pour l'application du dahir sus-mentionné
Par opposition aux ordonnateurs, les fonctions financières exercées par le comptable public
sont principales et non accessoires. C'est la raison pour laquelle le comptable est soumis à
certaines obligations spécifiques à la fonction ; il s'agit notamment des obligations de
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confidence et d'obéissance
Ils se composent du :
• Comptables spéciaux
Ce sont des comptables qui relèvent, sur le plan administratif, de leurs autorités
hiérarchiques respectives, mais ils restent rattachés, sur le plan comptable, au trésorier
générale du Royaume; il s'agit des :
Sont tenus de produire à la juridiction financière compétente les comptes des organismes
publics dont ils sont comptables assignataires. Lesdits comptes comprennent les opérations
exécutées par leurs soins et celles dont ils ont centralisé les pièces justificatives. Ils doivent
s'assurer que les opérations qui leurs sont transférées et leur responsabilité serait engagée
• Comptables secondaires
Sont ceux dont les opérations sont centralisées par un comptable principal qui en assure Page | 15
l’imputation définitive au vu des pièces justificatives produites. Ils ne sont responsables
qu'envers les comptables principaux, non envers le juge des comptes. C'est le cas, par
exemple, des régisseurs, payeurs délégués et billetteurs.
• Comptables assignataires
Néanmoins, le règlement effectif de ces opérations (flux de trésorerie) peut être assuré par
d'autres comptables correspondants.
Par exemple, une dépense dûment visée par le comptable assignataire relevant d'une
circonscription financière "A" peut être payée par un autre comptable relevant d'une autre
circonscription ; il en est de même pour le versement des droits au comptant, ils peuvent
être encaissés par un autre comptable. La régularisation de ces opérations entre les
comptables est assurée par le biais de comptes dits de liaison.
• Comptables deniers
Ce sont les comptables qui disposent d'une caisse leur permettant de procéder, soit à la
prise en charge et le recouvrement des recettes publiques, soit au paiement des dépenses
publiques. Ils peuvent agir, soit sur ordre émanant des ordonnateurs accrédités (assez
Se sont les comptables qui détiennent des valeurs inactives, c'est-à-dire non mobilisables, Page | 16
en vue de leur remise aux souscripteurs ou aux déposants. Celles-ci se composent
essentiellement de : titres nominatifs, au porteur ou à ordre et les valeurs diverses
appartenant à l'État ; formules, titres, tickets, timbres et vignettes destinés à l'émission ou
à la vente.
• Comptables d’ordre
Se sont les comptables qui tiennent les registrent comptables, la prise en charge des
mouvements d’ordres (opérations sans mouvements de fonds), ainsi que la régularisation et
la centralisation des opérations financières exécutées.
3. Les contrôleurs
Les dépenses engagées par l’ordonnateur doivent, dans le cas général, être soumises au visa
d’un organe relevant du Ministère chargé des finances, appelé le contrôle des engagements
des dépenses qui en assure le contrôle a priori.
Aujourd’hui, à cause de la fusion entre la TGR et le CED Cette fonction est assurée par le
trésorier, qui joue à la fois le rôle de comptable assignataire.
• Le contrôle de régularité
La mission principale du CED est de veiller sur la régularité de l’engagement des dépenses
de l'État, à savoir s’assurer de leur conformité aux lois et règlement à caractère financier.
• La vocation du conseil
Selon le Décret royal n° 330-66 du 21/04/1967 (art.3), les opérations financières publiques
incombent séparément aux ordonnateurs et aux comptables publics. De même, les fonctions
d'ordonnateur et de comptable sont incompatibles, sauf dispositions contraires (art.4).
Le principe d'unité signifie que le budget de l'État soit retracé dans un seul document
unique. Cependant, ce principe ne peut être appliqué avec cette inflexibilité. Le budget de
l'État est, en effet, articulé autour d'un document central, qui est la loi de finances, mais
celle-ci s'accompagne de très nombreux documents qui en développent la texture.
C'est la raison pour laquelle les auteurs ont toujours parlé d'unité budgétaire et non
d'unicité budgétaire. Par-là, ils admettent une certaine souplesse du principe, dès l'origine ;
tandis que l'unicité aurait exigé un document unique, seul en son genre, l'unité suppose
simplement un document un, n'admettant pas la division.
Principe de
b) Principe de l’universalité
Le principe d'universalité répond au double souci d'assurer la clarté des comptes de l'État et
de permettre un contrôle efficace du Parlement. Traditionnellement, ce principe prend la
forme de deux règles : la règle de non-contraction (ou produit brut) et la règle de non-
affectation.
Cela signifie que l'ensemble des opérations financières de l'État doit faire l'objet d'une
inscription budgétaire. Il est défendu de faire des contractions, compensations, entre
dépenses et recettes de façon à ne faire ressortir que le solde de l'opération (le net).
L’unité de caisse est une règle fondamentale imposée par le Règlement général de la
comptabilité publique (Art.17 du décret royal n° 330-66), selon laquelle "chaque poste
comptable dispose d’une seule caisse et sauf autorisation du ministre des finances d’un seul
compte courant postal". Cela veut dire que l’ensemble des fonds disponibles, quelle qu’en
soit l’origine (fiscalité, exploitation des monopoles, emprunts, fonds de concours, etc.), sert à
assurer le règlement de l’ensemble des dépenses.
(3) Cf. LEFEBRE (P.), Une règle d'or de la comptabilité publique, le paiement après service fait, un in Revue de Trésor, novembre 1995, pp667-670
(4) Cette notion a été surtout le fait de brillants universitaires: MERLE (M.), LUPE (G.), MONTAGNIER (G.) et autres qui ont apporté leurs pénétrantes
lumières dans une matière complexe. Voir aussi Cour des comptes (CRC), le contrôle de service fait, Etudes et Colloques des juridictions financières, France 1996
A. Rôle de l’ordonnateur
L'ordonnateur doit s'assurer, d'un côté qu'il y a des faits matériels générateurs d’une créance
au profit de l'État, d'un autre côté vérifier que son recouvrement est légalement fondé.
Dans le cadre des recettes de l'État prévues par les textes en vigueur(5), on distingue entre
les créances issues du caractère souverain de l'État et les créances justifiées par sa qualité
de partenaire dans le circuit économique.
Pour ce qui est des prélèvements fiscaux, ils sont constitués des impôts et taxes. D'une part,
les impôts sont des prestations pécuniaires que l'État exige, en vertu de sa souveraineté,
des personnes qui sont soumises (Exp. l'impôt général sur le revenu, l'impôt sur les sociétés,
l'impôt de patente, etc.) en vue principalement de couvrir ses besoins financiers et sans qu’à
ce paiement corresponde à une contre-prestation déterminée. Les éléments de base sont
Quant aux produits des amendes sont des créances issues des condamnations pécuniaires
que l'État a déclarées à l'encontre de certaines personnes ayant commis des infractions.
Celles-ci peuvent être d'ordre judiciaire (Exp. les amendes et condamnations ou les
amendes transactionnelles prononcées par les juridictions répressives, astreintes
prononcées par les juridictions financières) ; d'ordre administratif (produits de confiscation,
transaction et condamnation pour contravention à la réglementation des prix par les
services du Ministère chargé de l'Intérieur, pénalités et amendes issues de l'exercice de
droit de police sanitaire par les services du Ministère chargé de la santé ) ; d'ordre fiscal
(Exp. pénalités pour de retard de déclaration, majorations pour retard de recouvrement
prononcées respectivement par les services d'assiette et les services de recouvrement ). En
tout cas, leur fait générateur c'est la commission d'une infraction ; c'est aussi la décision
prononçant l'amende qui entraîne l'exigibilité de celle-ci.
En tant qu'acteur dans le circuit économique, l'intervention de l'État peut générer des
créances à son profit. Or, dans ce cas, ce sont les règles de droit privé qui entrent en ligne ;
l'État se trouve ainsi dépourvu de ses prérogatives exorbitantes de puissance publique. Il
s'agit notamment des recettes suivantes :
(6) Le principe d'équivalence constitue le deuxième grand principe à la base du financement du secteur public (le premier étant le principe de la capacité
contributive) Selon cette conception, la charge fiscale devrait être distribuée entre les agents économiques en fonction des bénéfices que chacun d'eux retire de la
consommation des biens mis à disposition par l'État. Il s'agit donc d'une transposition des règles valables sur le marché au secteur public qui introduit un rapport
direct entre le cercle des bénéficiaires et le cercle des payeurs.
Troisièmement, il existe des revenus du domaine ; ceux-ci peuvent relever soit du domaine
public, soit du domaine privé de l'État. Le premier est inaliénable et imprescriptible en
jouissant d'une protection particulière reconnue par la loi(8) ; mais, il est susceptible pour
autant de générer des produits dérivés pour le compte de l'État (Exp. Redevances pour
occupation du domaine public). Le second peut générer directement des recettes pour l'État,
puisqu'il est successible d'appropriation privée ; il s'agit notamment du produit de cession
des biens meubles et immeubles qui relève du domaine privé de l'État. On peut distinguer
dans cette catégorie : l'aliénation d'un immeuble, la cession des biens ou objets mobiliers
appartenant à l'État qui ne peuvent être réemployés(9), les successions vacantes et en
déshérence(10) et les cessions entre services de l’État qui donnent lieu à un ordonnancement
au profit du comptable assignataire du service cédant(11).
(7) Voir article 4 du Décret n° 2-98-401 du 26 avril 1999 relatif à l'élaboration et à l'exécution des lois de finances.
(8) Voir article 4 du Dahir du 1er juillet 1914 sur le Domaine public
.
(9) Voir Dahir du 26 avril 1919 sur les ventes publiques de meubles
.
(10) Voir Dahir du 22 1er juillet 1937 autorisant l'administration des domaines à percevoir des frais de régie sur les successions en déshérence restituées
La règle générale est que toutes contributions, non prévues par les lois et les
règlements en vigueur, ainsi que par la loi de finances annuelle, sont formellement
interdites, au risque que leurs initiateurs d’être poursuivis comme concussionnaires. Seule
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une disposition de droit peut faire naître une obligation juridique à la charge du débiteur de
l'État. Autrement dit, il est obligatoire que la créance soit à la fois fondée sur un texte de
base et prévue par la loi de finances.
Le Règlement général de la comptabilité publique dispose dans son article 20 que "Les
recettes des organismes publics régis par les dispositions du présent chapitre comprennent le
produit des impôts, des taxes et des droits autorisés par les lois et règlements en vigueur, le
produit des monopoles, des exploitations et du domaine ainsi que les produits qui résultent
de décisions de justice ou de conventions". Il en résulte que l'État peut prendre, lui-même,
les mesures qui lui permettent d'instituer une créance, lorsqu'un fait générateur
apparaîtra. Des mesures législatives, réglementaires, voire conventionnelles peuvent ainsi
définir les conditions d'existence de créances au profit de l'État.
Dans le même ordre d'idées, la Constitution ajoute aussi que les produits d'amendes doivent
avoir une base légale ; son article 10 prévoit que "Nul ne peut être arrêté, détenu ou puni que
dans les cas et les formes prévus par la loi" ; le même principe est consacré également par
l'article 46 qui dispose que "sont du domaine de la loi ]….[ la détermination des infractions
et des peines qui leurs sont applicables".
Enfin, des conventions peuvent faire naître des créances ; c'est le cas notamment des fonds
de concours accordés à l'État conformément à un acte contractuel entre la partie donatrice
et l'État ; le premier s'engage à verser les fonds convenus et l'État s'engage à affecter les
concours financiers dans l'objet souhaité par la partie versante.
2. La liquidation de la créance
La liquidation est une opération qui consiste à faire le calcul arithmétique de la créance à
recouvrer et en arrêter le montant définitif. On l'appelle souvent l'"assiette" quand il s'agit
d'une créance fiscale.
Elle n'appelle guère de commentaire particulier, puisque les règles de liquidation de chaque
créance sont traditionnellement prévues par les textes qui les ont institués. Pour l'essentiel,
l'ordonnateur doit être vigilant quand il a la charge de liquider une créance, du fait que
toute erreur de liquidation ou double emploi, au préjudice du débiteur donne lieu à
l’émission d’un ordre d’annulation ou de réduction de recette(12).
Ainsi, l'ordre de recette peut prendre plusieurs formes selon la nature de la créance, comme
il peut être individuel ou collectif. Mais, en tout cas un ordre de recette doit indiquer les
bases de liquidation de la créance, les éléments permettant l’identification du débiteur,
ainsi que tous les renseignements de nature à permettre au comptable assignataire
d’assurer le contrôle(13).
(12) Voir article 23, 2 al. du Règlement général de la comptabilité publique (décret royal n° 330-66)
(13) Voir article 23 du Règlement général de la comptabilité publique.
B. Rôle du comptable
En matière de recettes les comptables publics prennent d'abord en charge les ordres y
afférents (1) avant de procéder à leur recouvrement (2). Ils assument, de ce fait, leur
responsabilité en cas de non recouvrement des créances de l'État (3).
La prise en charge est l'opération par laquelle le comptable public devient personnellement
débiteur à l'égard de l'État du montant de la recette dont il doit assurer le recouvrement.
Mais, dans certains cas, le comptable ne reçoit aucun document de recettes ; c'est le cas
notamment de certains impôts et taxes déclaratifs dont l'encaissement des droits est au
comptant. (Exp. TVA, IS, IGR). Le comptable ne tient pas donc une comptabilité avant
l'encaissement ; il procède uniquement à leur classement dans les comptes suivant les
imputations correspondantes. Ce n'est pas le cas si l'ordonnateur procède à la taxation
d'office des contribuables retardataire que les sommes exigibles devront être prises en
charge par le comptable public.
La prise en charge implique que le comptable public doit user de tous les moyens dont il Page | 26
peut disposer pour assurer le recouvrement des recettes.
2. Le recouvrement
Dan l'esprit de la loi 15-97 formant code de recouvrement des créances publiques, ainsi que
dans celui de l'instruction administrative portant son application(15), le recouvrement peut
être défini comme étant l'ensemble des opérations qui permettent au comptable public
d'encaisser les créances publiques, soit à l'amiable, si le débiteur s'acquitte de ses dettes
dans les délais réglementaires, soit par les procédures forcées prévues par les différentes
voies de droit, si le débiteur est retardataire ou récalcitrant.
a) Le recouvrement à l'amiable
(15) Instruction de la Trésorerie générale du Royaume, mars 2001 relative au recouvrement des créances publiques
Durant la phase amiable, le contribuable est informé des impôts mis à sa charge par
tous moyens d’information : par voie d’affichage par l’envoi d’un avis d’imposition et ce, à la
date de mise en recouvrement. Cet avis comporte la date d’exigibilité, la nature et le
montant de l’impôt à payer.
Le contribuable qui conteste les sommes mises à sa charge peut introduire une
requête de sursis de paiement auprès du comptable. Ce dernier, après instruction et à la
lumière des motifs invoqués, peut accorder des facilités de paiement en contrepartie de
garanties à même de le rassurer quant au recouvrement des impôts dus. Ces garanties
peuvent revêtir la forme de dépôts consignés auprès du Trésor, de titres représentatifs de
droits de créances, d’effets publics ou autres valeurs mobilières, de cautions bancaires, de
créances sur le Trésor, de nantissement de fonds de commerce ou d’affectation
hypothécaire…).
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b) Les procédures du recouvrement forcé
(a) Le commandement
Le commandement est l’acte par lequel le contribuable est invité à s’acquitter de ses
dettes sous peine d’y être contraint par toutes les voies de droit. Suivant la nature de la
créance, le commandement revêt la forme d'un dernier avertissement avant poursuite
(amende et condamnation pécuniaires), d'un deuxième avis (impôt direct), d'un
commandement (produits domaniaux). Il est adressé à l'expiration d'un délai de 30 jours à
compter de la date d'exigibilité et au moins 20 jours après l'envoi de la sommation sans
frais (Art.41 Code de recouvrement).
Il doit être notifié au redevable qui en accuse réception sur l'état formant l'orignal
du commandement. En cas d'absence, l'acte est remis sous pli fermé, soit à domicile du
redevable, entre les mains des parents, serviteurs, employé, etc., soit à toute autre personne
habitant à la même demeure. Au cas extrême, où le redevable est absent et aucune
personne ne se trouve au domicile du redevable, le commandement doit y être affiché. Dans
ce cas, le commandement est considéré comme ayant été notifié le dixième (10ème) jour qui
suit la date de son affichage.
Dans cette étape le comptable établit un "état de recouvrement par voie de saisie et
de vente" (ERVSV), dont l'original sera utilisé par l'agent de notification et d'exécution du
Trésor (ANET).
A cet effet, l'ANET doit procéder au recensement des objets à saisir en reprennent
l'inventaire les objets à saisir. Il peut s'agir de récoltes ou fruits (saisie brandon) ou de
meubles et effets mobiliers. Toutefois, le Code de recouvrement a considéré certains biens et
effets insaisissables, (Art. 46 du Code de recouvrement), tels que : la literie, les vêtements
et les ustensiles de cuisine nécessaires au saisi et à sa famille ; l'habitation principale
abritant la famille du redevable dont la valeur n'excède pas deux cent ( 200.000) dirhams;
les livres et instruments nécessaires à l'exercice personnel de la profession du saisi ; les
(d) La vente
Avant de procéder à la vente, l'ANET doit se rendre sur le lieu où se trouvent les
objets saisis, que le gardien dépositaire doit lui présenter, pour les inventorier. Si ces
derniers sont conformes avec ceux repris sur le procès verbal de saisie, l'agent d'exécution
procède à l'établissement du "procès-verbal de récolement de vente". L'établissement de
celui-ci-avant la vente génère des frais de 1% du principal de la créance.
Toutefois, la vente ne peut avoir lieu qu'après écoulement d'un délai de 08 jours de
la saisie (ou moins avec l'accord du redevable). Elle se fait aux enchères publiques en
présence de l'autorité locale du comptable assignataire (ou son représentant), des agents
des secrétaires greffiers ou les huissiers à la demande du receveur et du débiteur lui -
même. Dans ce cas, la vente doit être effectuée, dans un délai de 30 jours à compter de la
date de l'autorisation, en présence de l'ANET (Art. 59 du code e recouvrement).
Il paraît ainsi que l'ANET joue un rôle central dans toute la procédure forcée du
recouvrement de la créance publique ; il constitue ainsi un paramètre clé dans toute
réflexion sur l'augmentation de l'efficacité de telle procédure. D'où l'importance d'accorder
- des quatre premiers privilèges de l'article 1248 du dahir du 9 ramadan 1331 (12 août
1913) formant code des obligations et des contrats ;
- du privilège accordé aux salariés par l'article 1248 paragraphe 4 du dahir du 9
ramadan 1331 (12 août 1913) précité ;
- du privilège résultant au profit des ouvriers et fournisseurs de travaux publics de
l'article 490 du dahir portant loi n° 1-74-447 du 11 ramadan 1394 (28 septembre 1974)
approuvant le texte du code de procédure civile ;
- du privilège accordé au porteur de Warrant par l'article 349 de la loi n° 15-95 formant
code de commerce promulguée par le dahir n° 1-96-83 du 15 rabii I 1417 (1er août
1996) ;
- du privilège du créancier nanti en application de l'article 365 de la loi n° 15-95
formant code de commerce précité.
La contrainte par corps ne peut avoir lieu qu'en cas de non aboutissement de
l'exécution sur les biens du redevable. Elle est exercée au moyen d'une requête désignant
nommément le débiteur, adressée par le comptable au tribunal de première instance.
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Toutefois, sont exclus de cette contrainte extrême de recouvrement (Art. 77 du code
de recouvrement) : les redevables de sommes exigibles inférieures à huit Mille (8.000)
dirhams ; les débiteurs âgés de moins de vingt (20) ans ou de soixante (60) ans et plus ; les
redevables reconnus insolvables ; le redevable est une femme enceinte, ou qui allaite et ce,
dans la limite de deux années à compter de la date d'accouchement ; le mari et sa femme
simultanément même pour des dettes différentes.
Le code du recouvrement (Art.125) dispose que "les comptables chargés du recouvrement qui
ont laissé passer le délai de prescription sans engager d'actions en recouvrement ou qui,
après les avoir commencées, les ont abandonnées jusqu'à prescription des créances qui leur
sont confiées pour recouvrement, sont déchus de leurs droits contre les redevables, mais
demeurent responsables vis-à-vis des organismes publics concernés". Il résulte de ces
dispositions que la responsabilité du comptable chargé du recouvrement est directement
engagée ; c'est-à-dire que c'est lui-même qui doit réparer tout manquement constaté à
l'obligation de recouvrement qui lui incombe. La même logique est reprise aussi bien par les
dispositions de la loi 61-99 (Art.6) que par la loi 62-99 (Art.37) qui mettent en jeu
directement la responsabilité pécuniaire et personnelle du comptable public(16). Cette double
responsabilité demeure engagée jusqu'à l'encaissement régulier des recettes, dont le
recouvrement leur est confié.
Toutefois, la question qui survient immédiatement à l'esprit est celle relative aux conditions
objectives qui doivent être réunies pour que la responsabilité du comptable sur le non
recouvrement des créances publiques soit effectivement engagée ou dégagée, dans la
mesure où le comptable n'a, en fait, qu'une obligation de moyens et non une obligation de
résultats. Il doit, certes, faire toutes les diligences nécessaires pour que les ordres de
recettes qui lui sont remis produisent leurs effets, en mettant en œuvre tous les dispositifs
juridiques et logistiques dont il pourrait se servir. Mais, l'apurement des créances en
instance de recouvrement peut dépasser la compétence du comptable. Dans certaines
circonstances, il s'avère, en effet, nécessaire de dégager la responsabilité du comptable
même si le recouvrement n'a pas eu lieu.
a) La force majeure
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Il s'agit d'événement extérieur, indépendant de la volonté du comptable et
empêchant le recouvrement de la créance. Mais pour que la force majeure soit recevable
pour dégager la responsabilité du comptable, elle doit réunir trois conditions : le fait
invoqué doit être absolument indépendant de la volonté des parties; le fait invoqué doit être
imprévu et imprévisible ; le fait invoqué doit avoir rendu radicalement impossible le
recouvrement de la créance. C'est le cas, par exemple, de faits de guerre, de sinistres
naturels, etc..
b) L'admission en non-valeur
Il peut arriver qu'une créance publique soit estimée irrécouvrable, voire impossible d'être
recouvrée alors que le comptable a fait toutes les diligences nécessaires ; donc on ne peut
pas lui imputer le non recouvrement de la créance publique. En reconnaissant cette
probabilité, le Code de recouvrement, au sens des dispositions de l’article 126, a mis sur
pied toute une procédure qui permet de dégager la responsabilité du comptable ; cette
procédure est connue sous l'expression "admission en non-valeur" de créances non
recouvrables.
Le ministre chargé des finances ou son déléguée (trésorier général du Royaume) prononce
soit l’admission en non-valeur des créances jugées irrécouvrables, soit le rejet de la
proposition en non-valeur pour insuffisance de justifications ou de diligences. La décision
d’admission en non-valeur constitue, de ce fait, la pièce justificative de la réduction de la
prise en charge du comptable assignataire.
En vertu de la loi 62-99 portant CJF (-Art. 40), il se peut que l'arrêt définitif du juge
financier établisse que le comptable public est en débet ; ce jugement fixe le montant du
débet qui est exigible dès sa notification(17). Toutefois, la loi 61-99 sur la responsabilité (Art.
12) revient pour attribuer au ministre chargé des finances la compétence de statuer sur les
demandes de décharge présentées par les comptables en débet.
CHAPITRE (III).
EXECUTION DES OPERATIONS DE
DEPENSES
A. Rôle de l’ordonnateur
1. L'engagement de dépenses
L’engagement est l’acte administratif pris par l’ordonnateur agissant en vertu de ses
pouvoirs créant ou constatant une obligation de nature à entraîner une charge pour l'État.
En d'autres termes, l'ordonnateur peut engager des dépenses en créant volontairement
l'obligation ou en constatant involontairement l'obligation.
Ces actes peuvent être d'ordre unilatéral (Exp. Frais de personnel, indemnités
d'expropriation, émission d'emprunt public, etc.), d'ordre bilatéral, voire multilatéral (Exp.
Or, il y a lieu de distinguer entre l'engagement dit comptable et l'engagement dit juridique :
Il est l'opération préliminaire par laquelle l'ordonnateur bloque en comptabilité une somme
correspondant au montant probable de la charge qui résultera de l'exécution de l'obligation
contractée délibérément. L'engagement comptable n'est qu'une opération matérielle et non
un acte juridique pourvu de la force juridique ; il ne crée pas l'obligation, il gage
uniquement la charge à y faire face, mais celle-ci n'est encore qu'une éventualité.
• L'engagement juridique
Il est l'acte qui donne valeur juridique à l'engagement comptable, en faisant naître une
obligation que l'État devra honorer. Il est donc le fait générateur de la dette de l'État. Cet
acte doit être pris dans la limite des crédits de paiement ouverts pour l'exercice budgétaire
en cours, aussi bien pour les dépenses de fonctionnement que pour les dépenses
d'investissement.
2. La liquidation de dépenses
En liquidant une dépense, l'ordonnateur doit être attentif à trois éléments intimement liés :
la véracité du service fait, les règles de prescription de la dépense et la juste fixation du
montant des sommes dues.
(18) Cf. LEFEBRE (P.), Une règle d'or de la comptabilité publique, le paiement après service fait, un in Revue de Trésor, novembre 1995, pp667-670
(19) Cette notion a été surtout le fait de brillants universitaires: MERLE (M.), LUPE (G.), MONTAGNIER (G.) et autres qui ont apporté leurs pénétrantes
lumières dans une matière complexe. Voir aussi Cour des comptes (CRC), le contrôle de service fait, Etudes et Colloques des juridictions financières, France 1996
L'ordonnateur peut être conduit à faire valoir que l'obligation qui était à la charge de l'État Page | 36
a été atteinte par le seul écoulement du délai qui était imparti à son créancier pour
encaisser sa créance ; il considère ainsi la prescription comme acquise et qu'elle équivaut au
paiement de la dette.
Mis à part les cas particuliers où le montant à régler est fixé par une décision de
justice, l'opération de liquidation arithmétique des sommes dues doit être faite non par
l'ordonnateur lui-même, mais par le chef du service compétent, sous sa responsabilité, au
vu des titres établissant les droits acquis aux créanciers(24).
(20) Voir Loi de finances 26-4 pour l'année 2005 ; décret 2-04-797 du 4 décembre 2004 modifiant l'article 11 du décret royal n°330-66 du 21 avril 1967
(RGCP).
(21) Voir article 4 Dahir n° 1-02-25 du 3 avril 2002 portant promulgation de la loi n° 61-99 relative à la responsabilité des ordonnateurs, des contrôleurs et
des comptables publics.
(22) Dahir du 6 août 1958 portant règlement sur la comptabilité publique du royaume du Maroc (art. 54, 55 et 3e et 4e alinéas de l'article 81 traitant de la
déchéance quadriennale).
(23) La loi de finances 26-4 pour l'année 2005 ; décret 2-04-797 du 24 décembre 2004 modifiant l'article 11 du Règlement général de la comptabilité
.
publique (décret royal n° 330-66)
(24) L'article 34, 2 al. du Règlement général de la comptabilité publique (décret royal n° 330-66)
.
Toutefois, le pouvoir discrétionnaire dont jouissait l'ordonnateur n'est pas absolu ; il est
délimité par certaines contraintes juridiques. D'abord, cet acte ne peut, sauf exceptions
prévues par les textes en vigueur, intervenir avant soit l’exécution du service ou l’échéance
de la dette, soit la décision individuelle d’attribution de subvention ou d’allocation prévue
par les textes. En plus, il doit être effectué dans un délai réglementaire, au risque de se
faire supporter les intérêts moratoires, notamment quand il s'agit d'une dépense résultant
de l'exécution d'un marché passé pour le compte de l'État ; l'ordonnancement doit ainsi
intervenir dans un délai maximum de soixante quinze (75) jours, à compter de la date de
constatation du service fait(25). Enfin, l'ordonnancement doit s'effectuer dans les normes de
la validité de la dépense (nature, disponibilité de crédits, délai d’exécution), comme nous
allons voir par la suite au niveau des fonctions du comptable assignataire.
• Le formalisme de l'ordonnancement
D'une part, il diffère selon qu'il s'agit d'un paiement en numéraire ou d'un paiement par
virement. Dans le premier cas, l’ordonnance de paiement est accompagnée d’un ordre de
paiement. Dans le second cas, l’ordonnance de paiement est accompagnée d’un ordre de
virement. Pour les dépenses de personnel payables par virement peuvent faire l’objet de
(25) L'article premier du Décret n° 2-03-703 du 18 ramadan 1424 (13 novembre 2003) relatif aux délais de paiement et aux intérêts moratoires en matière
de marchés de l'État.
D'autre part, l’émission d’une ordonnance (mandat) donnant lieu à un paiement doit
obligatoirement préciser un certain nombre d'informations, en vue de s'assurer de la
validité des dépenses y afférentes : la désignation de l’ordonnateur ou du sous-ordonnateur ; Page | 38
l’imputation budgétaire ; l’année d’origine de la créance ; la désignation précise du
créancier ; le montant, l’objet de la dépense et, le cas échéant, la référence du titre auquel
les justifications ont été jointes ; s’il y a lieu, la référence du visa d’engagement.
B. Rôle du contrôleur
Pour qu'il donne plus d'efficacité à ses missions, le contrôleur financier est convié,
désormais, à se concentrer au contrôle de substance plutôt qu’au contrôle tatillon, parfois
superfétatoires (1), en renforçant son rôle de conseiller des gestionnaires (2) et en
enrichissant sa vocation d’informateur des autorités budgétaires (3).
La mission principale du CED est de veiller sur la régularité de l’engagement des dépenses
de l'État, à savoir s’assurer de leur conformité aux lois et règlement à caractère financier(27).
Mais, il s’agit là d’une mission assez vague, puisque tous les textes peuvent avoir,
directement ou indirectement, une incidence financière ; la réglementation et la législation
en la matière sont si vastes et l'application en est si complexe. D’ailleurs, l'importance de la
documentation dont dispose le CED semblait prouver la complexité de la mission.
De même, le décret n° 2-07-1235 du 5 kaada 1429 (4 novembre 2008) relatif au contrôle des
dépenses de l'Etat de certaines procédures souples telles que « fiches navettes » est inscrite
dans cet ordre de logique.
Outre qu'elles doivent attendre le temps nécessaire au contrôle, les ordonnateurs doivent-ils
passer un certain temps à préparer les dossiers d'engagements. Pourtant, ils déplorent
souvent les procédures "gênantes" et "mal connues" exigées par le contrôleur.
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A cet effet, il serait important de créer un climat de partenariat entre les ordonnateurs et
les contrôleurs. D’un côté, l’ordonnateur devrait considérer le contrôleur dans l’exercice de
sa fonction comme donneur d'avis et un conseiller. De l’autre côté, le contrôleur devrait
apparaître comme l'homme du long terme, en sorte qu’il tendrait naturellement à prendre
fortement en compte les intérêts permanents de l’ordonnateur.
En tant qu'informateur, la mission du contrôleur peut être renforcée sur une double
direction. Premièrement, le contrôleur exerce cette fonction au bénéfice du ministre chargé
des finances. Cette fonction se traduit non seulement par des situations d'ensemble
périodiques, mais elle intervient également dès lors qu’une nouvelle incidence financière
survienne et que l’on estime, à titre ou un autre, comme pesante sur l’action de l’État.
Deuxièmement, il faut souligner que la fonction d'information s'exerce également en
direction de l'ordonnateur. Le contrôleur est le vecteur naturel pour transmettre à
l'ordonnateur les informations comptables sur le déroulement des actes d'engagement,
surtout au cas où ce dernier ferait défaillance en matière de système d'information
comptable.
Le comptable assignataire est censé assurer les contrôles de validité sur les dépenses
émises par l’ordonnateur dans les formes prévues par le Règlement général de la
comptabilité publique(28). Les ordonnances ou mandats ne peuvent être payés qu'après visa
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du comptable assignataire de la dépense.
Dans leur formulation classique, on peut regrouper ces contrôles en quatre éléments :
Les dits contrôles ont connu néanmoins des aménagements, qui doivent attirer l'attention,
notamment en ce qui concerne la suppression des contrôles portant sur la justification du
service fait et le respect des règles de prescription et de déchéance(29). Selon les
modifications portées sur le décret royal n° 330-66, ainsi que sur la loi n° 61-99 (Art.6), le
comptable n'est plus tenu de contrôler ces deux éléments et la responsabilité en la matière
incombe ainsi sur l'ordonnateur. Or, ces aménagements posent un problème
d'harmonisation de textes financiers ; certaines dispositions législatives ou réglementaires
maintiennent encore l'ancienne formule, en tenant le comptable comme responsable du
contrôle du service fait et du respect des règles de prescription (Exp. Art. 37 de la loi n° 62-
99 et Art. 14 du décret n°2-01-1448).
(28)
L'article 11 du Règlement général de la comptabilité publique (décret royal n° 330-66)
(29) La loi de finances 26-4 pour l'année 2005 ; décret 2-04-797 du 24 décembre 2004 modifiant l'article 11 du Règlement général de la comptabilité
publique (décret royal n° 330-66)
Dans le cadre d'un contrôle exhaustif, comme il était expliqué auparavant, la régularité de
la dépense prime sur l'efficacité. En revanche dans un contrôle hiérarchisé, en vertu du
décret n° 2-07-1235 du 5 kaada 1429 (4 novembre 2008) relatif au contrôle des dépenses de
l'Etat. L'objectif est de mieux concilier la régularité et l'efficacité des contrôles du
comptable. C'est cet équilibre entre ces deux exigences, sans subordonner l'une à l'autre,
qui se veut un contrôle hiérarchisé des dépenses. Cette approche a, en effet, pour
préoccupation, d'abord, d'orienter les contrôles sur les dépenses à risques et enjeux, ensuite,
de personnaliser les contrôles selon les pratiques des ordonnateurs et, enfin, de donner aux
comptables la possibilité d'organiser et de gérer les contrôles de manière plus souple et plus
fluide.
(30) L'article 92 décret royal n. 330-66 du 21 avril 1967 dispose que "si malgré cette déclaration, l'Ord. requiert qu'il soit passé outre, par écrit et sous sa
responsabilité, le comptable dont la responsabilité se trouve alors dégagée, procède au visa pour paiement et annexe, à l'ordonnance ou au mandat copie de sa
déclaration et l'ordre de réquisition ".
Les procédures de paiement des dépenses par le comptable revêtent une grande
importance, car elles sanctionnent toute la traçabilité du processus d'exécution budgétaire.
Le législateur a, en effet, entouré cette phase de certaines précautions, afin que l'État
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puisse se libérer des sommes dues dans les meilleures conditions de protection des deniers
publics.
D'abord, la règle générale est que le paiement ne peut intervenir ni avant, ni l'exécution du
service, ni l'échéance de la dette, ni la décision individuelle d'attribution de subvention ou
d'allocation. Toutefois, des acomptes ou avances peuvent être consentis au personnel soit
par voie de régie, soit par voie de mandatement direct, dans les conditions fixées par
instructions prises ou visées par le ministre chargé des finances. Des acomptes ou avances
peuvent également être consentis aux fournisseurs et entrepreneurs dans certaines
conditions bien définies(31).
Ensuite, le paiement peut s'effectuer par virement ou en numéraire. Dans le premier cas,
l’ordonnance de paiement est accompagnée d’un ordre de virement. Les dépenses de
personnel payable par virement peuvent faire l’objet de bordereaux de virement collectifs
accompagnés d’une ordonnance de paiement établie au nom de divers créanciers. Pour le
paiement en numéraire, la responsabilité du comptable est dégagée si la signature donnée
est conforme à celle d'une pièce d'identité officielle, dont il a porté la référence à l'appui de
l'acquit.
Par ailleurs, toutes saisies-arrêts ou oppositions sur des sommes dues par les organismes
publics, tout avis à tiers détenteur, toutes significations de cession ou de transport desdites
sommes et toutes autres significations ayant pour objet d’en arrêter le paiement seront
faites, à peine de nullité, entre les mains du comptable public assignataire de la dépense,
par la voie d’une notification transmise ou remise à la personne préposée pour la recevoir.
Enfin, le paiement des dépenses de l'État est décrit dans une comptabilité qui retrace
distinctement, par chapitre, article, paragraphe et ligne les crédits et les émissions et en
permet le rapprochement.
Dans son acception largo sensu, le vocable régie indique un mode de gestion primordial du
service public, celui par lequel la collectivité publique assume directement la gestion d'une
activité d'intérêt général entrant dans ses champs de compétence. Elle est gérée
directement par un agent de l'Administration, appelé régisseur désigné par l'ordonnateur
pour exécuter certaines recettes (A) et/ou dépenses (B).
A. La régie de recettes
Afin de faciliter l'encaissement de certains produits, il peut être institué une régie de
recettes (a) qui fonctionne selon des conditions et des formalités bien établies (b).
La régie de recettes est instituée par un arrêté conjoint entre le ministre intéressé et le
ministre chargé des finances. Cet arrêté reste valable jusqu'à ce qu'il soit décidé, dans la
même forme, de supprimer la régie ou d'apporter des modifications à son fonctionnement. Il
doit indiquer : la nature des produits que le régisseur est autorisé à encaisser ainsi que le
texte législatif ou réglementaire qui en autorise la perception ; l'adresse du bureau de la
régie ; le comptable public de rattachement à la caisse duquel doivent être versés les
produits encaissés et les modalités de leur versement (la périodicité).
Toute recette à recouvrer par le régisseur doit être fondée sur un texte qui en autorise la
perception ou sur un ordre de recette qui doit indiquer, notamment, l'objet de la recette, son
montant, le visa du chef hiérarchique du régisseur. Ainsi, le régisseur doit tenir un
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quittancier et une comptabilité de recettes à rendre compte au comptable tout en assumant
sa responsabilité en la matière.
Tout encaissement, quel qu'en soit le montant, la nature et la forme, donne lieu à la
délivrance d'une quittance extraite d'un journal (quittancier). Chaque fois épuisé et arrêté
par le régisseur au montant total des recettes y figurant, il le transmet, sous couvert du
chef hiérarchique, au comptable de rattachement qui, après vérification, le renvoie au siège
de la régie pour être conservé à l'appui de la compatibilité du régisseur.
En ce qui concerne l'établissement des quittances, dont chacune porte un numéro d'une
série unique par année et établie en présence de la partie prenante, il doit obligatoirement
indiquer : la date de la recette ; le nom du redevable ; la nature de la recette ; le numéro
d'ordre ; le montant en chiffre et en lettre du montant.
La quittance est signée par le régisseur et soumise aux droits de timbre en cas de
versement en numéraire, mais il est fermement interdit de délivrer des quittances qui ne
seraient pas extraites du quittancier.
Le régisseur doit verser au moins une fois par mois, juste après l'arrêté de sa comptabilité
ou chaque fois que son encaissement atteint le plafond fixé par l'arrêté de création de la
régie. Ceci s'effectue soit directement à la caisse du comptable, soit au compte de centre
chèques postaux (CPP) de ce dernier, comme il peut y avoir des versements spéciaux au
cours du mois, lorsque l'encaissement en numéraire atteint le maximum déjà fixé ou en cas
de changement du régisseur.
Les versements sont justifiés soit par les déclarations des recettes délivrées par le
comptable du Trésor en cas de versement en numéraire, soit par l'étalon de versement ou
reçu des services de Barid Al-Maghrib en cas de règlement par voie postale ; chaque
versement est accompagné d'un état de produits établi par imputation budgétaire.
Le régisseur est, en outre, soumis aux contrôles, sur place et sur pièces, du comptable
assignataire, des corps d'inspection habilités et du juge des comptes.
B. La régie de dépenses
La régie de dépenses est l'une des procédures traditionnelles de la dépense de l’État. Elle
permet au moyen de fonds mis à la disposition des régisseurs, le règlement de dépenses qui,
en raison de leur nature, de leur faible importance, de leur caractère imprévisible ou des
usages commerciaux locaux ne peuvent, sans inconvénient, être soumises aux formalités
d'engagement, de liquidation, d'ordonnancement et de paiement. Elle offre également la
possibilité de faire simplement et rapidement des dépenses qu'imposent les nécessités du
service, et dont l'urgence est incontestable.
(32) L'instruction du Ministre des Finances du 26/03/1969 relative au fonctionnement des régies de dépenses et des régies de recettes de l'État.
Au même titre que la régie de recettes, la régie de dépenses est créée par arrêté conjoint
entre le ministre intéressé et le ministre chargé des finances. Il doit indiquer : la nature des Page | 47
dépenses que le régisseur est autorisé à payer ; l'imputation budgétaire de ces dépenses ;
l'adresse au bureau de la régie ; le montant maximum de l'encaisse du régisseur ; le
comptable public de rattachement ; éventuellement les références du ou des arrêtés
antérieurement annulés.
Si les fonctions du régisseur ne peuvent être confiées qu'à des agents titulaires, compétents
et représentant des garanties sûres, dans certains cas exceptionnels des agents temporaires
ou contractuels peuvent être nommés pour effectuer des dépenses de faibles montants, et en
cas d'impossibilité absolue de désigner un agent titulaire, cette situation doit être motivée
par un certificat administratif.
Dès sa nomination, le régisseur établit une demande d'autorisation de paiement pour les
rubriques budgétaires dont il a la charge d'effectuer les paiements et la soumet à
l'ordonnateur ou sous-ordonnateur qui signe l'autorisation et inscrit le montant dans sa
comptabilité sous une rubrique intitulée "crédits bloqués-régisseurs", puis après visa du
contrôleur des engagements de dépenses la remettre au régisseur qui, à son tour, la dépose
auprès du comptable de rattachement.
C'est dans les limites des crédits ainsi bloqués et du plafond de l'encaisse que le régisseur
est approvisionné des fonds dont il a besoin pour le paiement des dépenses pour lesquelles
la régie a été créée. Ces fonds lui sont versés soit par voie postale, soit par CCP, soit par un
autre comptable au vu d'un reçu visé par le comptable de rattachement.
Les règles concernant le paiement des dépenses effectuées par le régisseur sont les mêmes
qui s'imposent au comptable assignataire comme nous l'avons présenté ci-avant.
En ce qui concerne les oppositions reçues par le comptable assignataire elles sont
répercutées, dans les meilleurs délais, sur les régisseurs et comptables intéressés
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c) La tenue d'une comptabilité
Le régisseur doit obligatoirement tenir une comptabilité exacte des fonds qui lui sont
confiés. Cette comptabilité doit faire apparaître, à livre ouvert, la situation des
disponibilités reçues, des fonds employés et des fonds disponibles. A cet effet, le régisseur
de dépenses tient une comptabilité dans différents registres : un carnet de perception des
fonds, un carnet de demandes et de reçus de fonds, un ou plusieurs livres de comptes, un
livre de caisse; ainsi que les livres et documents auxiliaires qu'ils jugent nécessaires à
l'exactitude et à la clarté de la comptabilité.
Ces registres et documents comptables sont fournis au régisseur par l'ordonnateur. Leur
contexture doit correspondre aux modèles figurant en annexe. Le carnet de perception des
fonds, le carnet de demandes et de reçus des fonds et le livre de caisse sont cotés et
paraphés obligatoirement par le comptable de rattachement. Tous les registres doivent être
ouverts au nom de la régie.
Tous les livres prévus, de même que les livres auxiliaires que le régisseur juge utile de
tenir, sont servis à l'encre ; ils ne doivent porter ni grattage, ni surcharge, ni blanc.
Le comptable de rattachement tient le compte de chaque régisseur. Il ouvre, à cet effet, une
fiche permettant de suivre par rubrique budgétaire le montant des crédits mis à la
disposition du régisseur et le montant des justifications acceptées, et destinées à retracer
les fonds versés, les fonds justifiés et le solde en caisse.
Par ailleurs, et pour permettre à chaque comptable de regrouper l'ensemble des opérations
des régies rattachées à sa caisse, un registre auxiliaire est ouvert, destiné à suivre les fonds
reçus, les fonds justifiés et le solde en caisse.
(33) L'article 42 dispose " Toutes oppositions ou autres significations ayant pour objet d'arrêter un paiement doivent être faites, à peine de nullité, entre les mains du
comptable public assignataire de la dépense".
La gestion de fait est l’acte irrégulier par lequel une personne, qu’elle soit physique ou
morale, s’immisce dans le maniement des deniers publics sans avoir qualité pour ce faire. Il
s'agit d'une ancienne procédure de droit de la comptabilité publique liée essentiellement à
l'histoire de la Cour des comptes française (v. encadré 5.3.).
Au Maroc, son principe a été posé, au début, par l'article 16 du décret royal n°330-66 qui
dispose que "Sans préjudice des dispositions pénales en vigueur, toute personne qui effectue,
sans titre, des opérations de recettes, de dépenses ou de maniement de valeurs intéressant un
organisme public est constituée comptable de fait". Ce principe est explicitement repris par
l'article 41 de la loi 62-99 formant code des juridictions financières qui dispose que : "est
déclarée comptable de fait, toute personne qui effectue, sans y être habilitée par l’autorité
compétente, des opérations de recettes, de dépenses, de détention et de maniement de fonds ou
de valeurs appartenant à un organisme public, ou qui sans avoir la qualité de comptable
public, procède à des opérations portant sur des fonds ou valeurs n’appartenant pas à des
organismes publics, mais que les comptables publics sont seuls chargés d'exécuter en vertu
des lois et règlements en vigueur".
Il résulte de ces dispositions qu’il est susceptible de constituer une gestion de fait
l’intervention sans habilitation de toute personne autre que le comptable public dans
l’exécution des opérations relevant de la seule compétence de ce dernier ; il s'agit
notamment du recouvrement des recettes, du paiement des dépenses, de la garde et
conservation des fonds et valeurs appartenant ou confiés à l’établissement, ainsi que le
maniement des fonds et les mouvements des comptes de disponibilités.
La gestion de fait est tout à la fois une irrégularité et une procédure. En effet, au
lieu de s'en tenir au constat de l'irrégularité constituée par la violation des règles
budgétaires et comptables, le juge des comptes (français)a, de longue date, conçu une
procédure de régularisation et de sanction de la gestion de fait.
La décision la plus ancienne rendue par la Cour des comptes française en cette matière Page | 52
remonte à 1834. en l'espèce la Cour a constaté, que pendant une période de dix-huit années,
des deniers provenant des droits d'estampillage, de scel et d'aunage des étoffes de la
fabrique de Roubaix avaient été perçus par d'autres que par le receveur municipal. Ces
recettes avaient, de surcroît, été employées à des dépenses d'intérêt communal. Or, il
n'aurait pas dû en être ainsi, étant donné que ces droits avaient été établis au profit de la
commune. Il s'agissait donc de deniers qui ne pouvaient être exclusivement manipulés que
par le comptable public compétent. La cour ordonne en conséquence que "ceux qui se sont
immiscés sans titre dans la perception et la manutention des deniers provenant des droits
d'estampillage, de scel et d'aunage des étoffes de la fabrique de Roubaix, leurs héritiers ou
ayants cause, seront appelés à compter devant elle, et lui présenteront, sous leur
responsabilité personnelle, le compte des recettes et des dépenses effectuées soit par eux,
soit par leurs auteurs" (C.C., 2° Ch., 23/08/1834, Ville de Roubaix, les grands arrêts de la
jurisprudence financière, n°29, F.J. Fabre, 1996, 4° édition).
Aussi, dans ses conclusions sous l'arrêt du Conseil d'État du 12 juillet 1907 Nicolle, (CE
12/07/1907, Nicolle, Leb., p.607) le commissaire du gouvernement Romieu décrit ainsi la
gestion de fait : "le premier moyen pour réprimer les abus résultant de l'émission de
mandats fictifs résulte d'une jurisprudence déjà ancienne dans l'œuvre, très ingénieux et
très belle, fait le plus grand bonheur à la Cour des comptes qui a édifié ce monument
juridique … cette œuvre prétorienne de la Cour des comptes est aussi remarquable par
l'ingéniosité et la solidité de sa construction juridique qu'intéressante par ses résultats
pratiques".
La période d'oubli d'une matière que la jurisprudence du juge des comptes avait
abondamment explorée dès le XIX° siècle correspond à la cinquantaine d'années pendant
lesquelles une seule juridiction – la Cour des comptes – était en droit de déclarer et
d'apurer des cas de gestion de fait : cette période va du moment où les conseils de préfecture
perdirent leur compétence de premier ressort sur les comptes de comptables publics locaux
(1935) au moment où elle fut attribuée à de nouvelles institutions, les Chambres régionales
des comptes, créées par les lois de décentralisation de 1982. pendant cette longue période en
effet, le nombre de gestion de fait s'était sensiblement réduit, les comptables supérieurs du
trésor auxquels avait été confié l'apurement des petites comptabilités publiques locales
n'ayant pas le pouvoir de déclarer ou d'apurer une gestion de fait, mais seulement le devoir,
souvent négligé, de la transmettre à la Cour des comptes.
Il paraît ainsi que la Cour des comptes posait ainsi le fondement d'un édifice
Version provisoire |Pr. H. EL ARAFI | 171011
jurisprudentiel dont la souplesse et la simplicité expliquent qu'il ait perduré jusqu'à
aujourd'hui, sans subir des modifications majeures, si ce n'est une extension progressive de
son champ d'application.
A. Les éléments constitutifs de la gestion de fait
L’existence d’une gestion de fait répond à trois conditions : doit porter sur des deniers
publics ou des deniers privés réglementés (1) ; ceux-ci doivent être effectivement maniés ou
détenus (2) par une personne non autorisée ou non habilitée (3).
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1. La gestion porte sur des deniers publics ou deniers privés régelementés
L'article 9 du Règlement général de la comptabilité publique du 21 avril 1967 précise que "
les comptables publics sont seuls chargés de la prise en charge et du recouvrement des ordres
de recettes … dont ils assurent la conservation, ainsi que de l'encaissement des droits au
comptant" et "du paiement des dépenses, soit sur ordre émanant des ordonnateurs
accrédités, …". Même si ces dispositions ne font plus allusion à la notion de deniers publics,
celle-ci demeure nécessaire pour qualifier une gestion de fait, et la jurisprudence financière
y fait souvent référence.
Par deniers publics, il convient d’entendre les fonds et valeurs possédés en toute propriété
par les organismes publics (a). Par ailleurs, sont assimilés aux deniers publics les deniers
privés réglementés, c'est-à-dire les fonds et valeurs dont le maniement est confié par la
réglementation à un comptable public (b).
La doctrine nous rappelle que les deniers publics doivent satisfaire trois critères(34).
Premièrement, les deniers publics sont des fonds et valeurs. Il s'agit de l'ensemble des
moyens de paiement ayant cours légal et pouvoir libératoire quelle qu'en soit la forme. Il
s'agit également des valeurs de portefeuille et, notamment, de tous les titres de créance ou
de dette. Deuxièmement, les deniers publics sont détenus par des personnes publiques :
l'État, les collectivités locales et les établissements publics. Mais sur ce point il y a
beaucoup de controverses, dans la mesure où le critère organique ne tranche pas sur la
nature publique ou privée de certaines personnes morales(35). Troisièmement, les
organismes publics sont propriétaires des deniers publics, les fonds et les valeurs doivent
être la propriété des personnes publiques. Cette condition permet de distinguer les deniers
publics des autres deniers, simplement détenus par les personnes publiques.
Aussi, la qualité de deniers publics s'acquière-t-elle d'une façon intelligible : les montants
versés par une personne à l'agent public qu'elle peut légitimement croire être compétente
pour recevoir la recette deviennent, du simple fait de cette apparence, des deniers publics.
(34) Cf. MAGNET (J.), La notion de deniers publics en droit public français, in RSLF, 1974, p.129
(35) Cf. LE GALL (A), La gestion de fait, Ed. ESKA Paris, 1999, p.38
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b) La gestion de fait sur deniers privés réglementés
Les deniers privés réglementés sont des deniers déposés auprès des comptables publics, et
dont le maniement leur est réservés, en vertu de dispositions législatives ou réglementaires.
La Cour des comptes française a toujours refusé d'étendre, elle-même, la procédure de
gestion de fait à la détention de ces deniers. Elle a, cependant, provoqué une modification
de législation, modification opérée par la loi du 25 février 1943 et reprise par la loi du 23
février 1963.
A titre d'exemple, on peut considérer les dépôts effectués par les particuliers auprès du
service de fonds particulier géré par la Trésorerie générale ou les fonds de personnes âgées
confiés à un établissement public de retraite, comme des fonds privés réglementés.
La gestion de fait peut être constituée en cas de détention ou de maniement irréguliers des
deniers publics (a). Simplement, cette situation ne doit pas être confondue avec celle d'un
détournement des deniers publics (b).
Si le terme de détention doit être compris dans son sens courant, il convient d’apporter des
précisions sur la notion de "maniement" qui doit être entendue au sens large. En effet, le
maniement des fonds consiste aussi bien dans le fait de faire fonctionner un compte de
disponibilités que de manipuler des pièces et des billets.
De même, peut être déclaré comptable de fait, non seulement celui qui a directement et
effectivement manié les fonds publics sans habilitation, mais aussi celui qui a ordonné ce Page | 55
maniement et / ou en a eu connaissance sans pour autant y mettre fin. L'exemple le plus
courant réside dans l'émission de mandats fictifs qui ne correspondent pas à la certification
du "service fait" ou ne correspondent pas aux services qu'ils sont censés rémunérer ou
encore sont versés à de faux créanciers. L'ordonnateur qui émet les mandats fictifs peut
être déclaré gestionnaire de fait, alors qu'il n'a pas personnellement manipulé des fonds et
espèce. Il en va de même s'il a fait effectuer les opérations par un préposé. Dans ce cas, il
est dit gestionnaire de fait de "longue main".
C'est dans cet esprit que le législateur marocain a entendu sa qualification de gestion de
fait en stipulant dans le code des juridictions financières (Art.41 al.2°) que " En outre, peut
être notamment considéré comme coauteur responsable d' une gestion de fait, tout
fonctionnaire ou agent ainsi que tout titulaire d'une commande publique, qui en consentant
ou en incitant soit à exagérer les mémoires et factures, soit à en dénaturer les énonciations,
s'est prêté sciemment à l'établissement d'ordonnances de paiement, de mandats, de
justifications ou d'avoirs fictifs".
Les dispositions du Code pénal marocain (Art 241-247) répriment, pour leur part, par des
peines sévères les crimes de détournements et de concussions par des fonctionnaires
publics, y compris le comptable public. En effet, la gravité de ces infractions ainsi que la
personnalité de leurs auteurs conduit, d'une part à renforcer les pénalités, d'autre part à
prévoir des procédures spéciales en la matière(37).
(37) Après la suppression de la Cour spéciale de justice (Loi n°4-64 du 20 mars 1965, telle qu'elle a été complétée et modifiée), comme une juridiction spécialisée en
appel du Royaume.
la matière, aujourd'hui les attributions de cette dernière sont attribué à des Chambres spécialisées de certaines Cours d’
Mais en tous cas, nous estimons que le Code des juridictions financières marocain a tranché Page | 56
quant à ces revirements de la jurisprudence comparée en disposant dans son article 44 que
"… le comptable de fait peut, s'il ne fait pas l'objet de poursuites pénales, être condamné par
la cour à une amende calculée selon l'importance et la durée de la détention ou du
maniement des fonds et valeurs, sans que le montant de cette amende puisse excéder le total
des sommes indûment détenues ou maniées".
4. L'absence d'habilitation
La gestion de fait peut être provoquée non seulement en cas de défaut d'un titre légal (a),
mais aussi en cas d'un dépassement de la compétence permise par le titre légal (b).
Seuls les comptables publics ou les agents agissant sous leur contrôle et pour leur compte
ont qualité pour manier et détenir des fonds publics. Dès lors, toute autre personne qui
s’immisce sans habilitation dans ces fonctions est comptable de fait.
Les mandataires ou subordonnés, même s'ils ne sont pas comptables publics ainsi que les
régisseurs, sont assimilés en l'occurrence à des comptables publics, et sont considérés
comme ayant un titre normal au maniement des deniers publics dans la limite de leur
habilitation. Mis à part ces cas, un ordonnateur ou a fortiori une personne privée ne
disposant d'aucun titre légal au maniement des deniers publics, et se trouvant passible
d'être déclaré gestionnaire de fait.
b) Le dépassement de l'habilitation
Le comptable de fait peut être titulaire d'un titre légal à manipuler les deniers publics. En
revanche, la gestion de fait est constituée lorsqu'il sort du champ de cette habilitation. Les
comptables de droit peuvent, dans le cas d'espèce, être déclarés comptables de fait lorsqu'ils
s'ingèrent dans les opérations réalisées avec les deniers appartenant à une personne
publique autre que celle auprès de laquelle ils exercent régulièrement leurs fonctions. Par
Egalement, les comptables de droit peuvent être qualifiés coauteurs d'une gestion de fait
dans l'exercice de leurs fonctions, voire au titre d'une activité personnelle sans aucun lien
avec leurs fonctions. Page | 57
Les gestions de fait sont soumises aux mêmes juridictions que les gestions de droit(38), à
savoir le déclenchement de la procédure (1) et jugement du compte (2).
1. Le déclenchement de la procédure
Aux termes de l'article 42 du code des juridictions financières, "les opérations de nature à
constituer des gestions de fait sont déférées à la cour par le procureur général du Roi, soit de
sa propre initiative, soit à la demande du ministre chargé des finances, des ministres
intéressés, du trésorier général du Royaume ou des comptables publics, sans préjudice du
droit de la cour de s'en saisir d'office au vu des constatations faites à l'occasion notamment
de la vérification des comptes ou des situations comptables". Il est entendu de ces
dispositions que le comptable de droit, doit, sous peine de voir sa responsabilité pécuniaire
engagée, signaler au ministre chargé des finances, l’existence des gestions de fait dont il a
eu connaissance et affirmer sur le compte financier de l’établissement que les recettes et les
dépenses qui y sont portées sont, sans exception, toutes celles qui ont été faites pour le
service dudit établissement et qu’il n’en existe aucune autre à sa connaissance.
Dans le cas où il existe des opérations constitutives de gestion de fait, le comptable doit
appréhender immédiatement les deniers qui en proviennent et demander le jour même à
l’ordonnateur l’ordre de recette correspondant. En effet, l’absence de titre préexistant ne
dispense pas de l’encaissement et ne saurait justifier un refus en ce sens.
b) L'objet de la procédure
(38) Les développements qui suivent sont traités dans l’optique d’une procédure engagée devant la Cour des comptes. Pour les organes soumis à la juridiction d’une
cours régionale des comptes, il convient simplement de substituer l’action de cette juridiction à celle de la Cour.
Ainsi, comme les comptables patents, son compte pourra être jugé et sa responsabilité
personnelle et pécuniaire pourra être mise en cause pour les opérations insuffisamment
justifiées. De même, il pourra être sanctionné pour les irrégularités éventuellement Page | 58
commises. Au-delà, la procédure permet de reconnaître, par l’autorité budgétaire
compétente (le conseil d’administration), l’utilité publique des dépenses et des recettes
réalisées dans le cadre d’une gestion de fait.
c) Le déroulement de la procédure
Cette phase trouve son origine dans le fait que la Cour des comptes ne juge que les comptes
des comptables publics (Art. 41 du code des juridictions financières). Dès lors, il est
nécessaire qu’en préalable au jugement des comptes rendus par un comptable de fait celui-
ci soit déclaré tel par le juge des comptes.
A cet égard, il convient de noter que la gestion de fait avérée constitue un cas où la Cour des
comptes a juridiction sur tous les ordonnateurs, y compris même les membres du
Gouvernement et les membres de Parlement, puisqu'il s'agit de " toute personne qui effectue
sans y être habilitée par l'autorité compétente, des opérations de recettes, de dépenses, de
détention et de maniement de fonds…" (Art. 42 du code des juridictions financières).
• La charge de la preuve
• L’arrêt provisoire
Lorsque la Cour déclare une personne comptable de fait, elle lui enjoint par le même arrêt
de produire son compte dans un délai qu'elle lui fixe et qui ne peut être inférieur à deux
mois (Art. 43 du code des juridictions financières).
Tant que la procédure n’est pas terminée, le juge financier dispose toujours de la faculté
d’étendre la gestion de fait à de nouvelles opérations irrégulières ou de nouvelles personnes.
A cet effet, il émet en début de procédure une réserve en ce sens. Page | 59
• L’arrêt définitif
Lorsque les personnes mises en cause dans l’arrêt ne contestent ni les faits ni leur
qualification, le juge financier prononce l’arrêt de déclaration définitif.
Par ailleurs, le juge des comptes peut demander l’inscription d’une hypothèque sur les biens
des comptables de fait. Cette inscription est prise par le comptable de droit intéressé.
a) La présentation du compte
Le compte de gestion de fait doit être complet, unique et signé par le ou les comptables de
fait. Il doit être appuyé des pièces justificatives, notamment la reconnaissance d’utilité
publique des dépenses par l'autorité hiérarchique de l'organisme public concerné.
Il est établi pour l’ensemble de la durée des opérations irrégulières et non par exercice. S’il
existe plusieurs comptables de fait, le compte doit être signé par chacun d’eux en
mentionnant, le cas échéant, "pour les opérations qui le concernent" lorsqu’ils ne sont
responsables que d’une partie des opérations.
Si le compte n’est pas produit dans le délai imparti, qui est au minimum de deux mois à
compter de la notification de l’arrêt définitif, le comptable de fait encourt une amende pour
retard dans la production d’un compte. Il en est de même si le compte est incomplet, non
signé ou dépourvu de pièces justificatives. Si le juge des comptes n’obtient pas la production
du compte, il peut demander que soit désigné un commis d’office.
A l’issue de ses contrôles, le juge financier détermine, à partir des dépenses et des recettes
alléguées par le comptable de fait, celles d’entre elles qu’il convient d’accepter. Cette
opération a pour objet de fixer la "ligne de compte" qui récapitule le total des recettes
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"admises" et le total des dépenses "allouées" et en fait apparaître le solde, positif ou nul. Si
ce solde n’a pas été reversé par le comptable de fait, il sera mis en débet
Les opérations figurant au compte de gestion de fait doivent être justifiées par tout
document : factures, relevés bancaires etc.. Ces justifications doivent figurer à l’appui du
compte.
d) La délibération
Les dispositions définitives des arrêts portant sur des gestions de fait sont délibérées après
l’audition, à leur demande, des personnes déclarées comptables de fait. Les arrêts portant
sur les appels formés contre les dispositions définitives de la Cour portant sur des gestions
de fait sont délibérés après l’audition, à leur demande, des requérants (Art. 45 du code des
juridictions financières).
a) La mise en débet
Le comptable de fait peut être mis en débet par le juge des comptes lorsque à l’occasion de
la fixation de la ligne de compte définitive, celui-ci constate une différence entre les recettes
et les dépenses, déduction faite des versements effectués par le comptable de fait entre les
mains du comptable de droit. Dans ce cas, le montant du débet est égal au montant du solde
ainsi constaté.
b) L'amende
Dans le cas où ils n’ont pas fait l’objet de poursuites pénales (prévues à l’Art. 241 du code
pénal), les comptables de fait peuvent être condamnés à l’amende par le juge des comptes
en raison de leur immixtion dans les fonctions de comptable public (Art. 43 du Code des
juridictions financières).
Le produit de ces amendes est attribué à l’organisme public intéressé. En ce qui concerne Page | 61
les modes de recouvrement, de poursuites et de remises, elles sont assimilées aux débets
des comptables(39).
Les arrêts prononçant une condamnation définitive à l’amende ou statuant en appel sur un
jugement d’une cour régionale des comptes prononçant une telle condamnation, sont
délibérés après l’audition, à leur demande, des personnes concernées.
c) Le quitus
Lorsqu’il ne subsiste plus de charges à l’encontre du comptable de fait, il est déclaré quitte
par le juge des comptes et déchargé de sa gestion.
Les arrêts de la Cour des comptes relatifs à des gestions de fait (déclaration de gestion de
fait, jugement de compte, amende) sont adressés par le secrétaire général de la Cour aux
services de la TGR et au département dans lequel les faits ont été constatés. Ils sont
notifiés par ces derniers aux intéressés dans les quinze jours de la réception des
expéditions, par lettre recommandée avec avis de réception.
Sur décision de la Cour, les arrêts peuvent être directement notifiés aux comptables de fait
intéressés, les services de la TGR étant seulement informés.
Par ailleurs, comme pour les gestions de droit, le débet peut faire l’objet d’une remise
gracieuse ou d’une décharge de responsabilité accordée par le ministre chargé des finances.
Enfin, dans certains cas, une procédure d’admission en non-valeur peut être mise en
œuvre(40).
,
(39) v. infra Chapitre 8
,
(40) v. infra Chapitre 8
Les voies de recours des arrêts définitifs de la Cour des comptes, ainsi que les jugements
définitifs des Cours régionales des comptes en matière de gestion de fait, sont les mêmes
que pour les gestions patentes(41).
Page | 62
***
Ces quelques exemples ne sont donnés qu’à titre d’illustration et ne constituent pas une
liste exhaustive ni limitative des cas de gestion de fait.
Ils ont pour objet de sensibiliser les ordonnateurs et les comptables sur ce sujet et de les
conduire à réfléchir sur l’organisation de leurs organismes respectifs et sur certaines
pratiques qui pourraient se révéler constitutives de gestion de fait. Mais en tout état de
cause, il est rappelé que la Cour est seule compétente pour déclarer une gestion de fait.
Ainsi considérée, la procédure de gestion prend une dimension préventive ; elle devient une
menace qui doit éviter des dérives dans la gestion publique. Pour y parvenir, une sévérité
accrue du juge financier est sans doute nécessaire, et le niveau des amendes prononcées
doit être à la hauteur de la gestion de fait.
,
(41) v. infra Chapitre 8
Page | 63
La tenue des comptes a pour objet la description, l'analyse et le contrôle des opérations
budgétaires et financières effectuées par celui-ci. L'existence d'un bon système
d'information comptable constitue, à cet effet, un levier organisationnel des finances de
l'État et un instrument privilégié pour assurer leur gestion d'une manière saine et
transparente. Il représente également, pour les autorités de contrôle ainsi que pour les
observateurs des finances publiques, un outil incontournable pour pouvoir apprécier
judicieusement l'image fidèle de la situation financière de l'État.
Dans un second temps, nous serions tentés d'aborder les grands traits d'une nouvelle
configuration du futur système comptable de l'État permettant d’endiguer les accros du
système actuel.
1. La comptabilité budgétaire
La comptabilité budgétaire retrace l’exécution des autorisations budgétaires. Elle est tenue,
d'une manière contradictoire, par les responsables de l’exécution des finances de l'État
(ordonnateurs, contrôleurs et comptables) et consignée dans des livres prévus par le
Règlement général de la comptabilité publique (v. encadré ).
- Le livre d’enregistrement des droits des créanciers tenu par le service liquidateur
et par l’ordonnateur qui décrit sommairement, par chapitre, article, paragraphe et
ligne, au fur et à mesure qu’elles se produisent toutes les opérations concernant la
fixation des crédits alloués au service, l’engagement de la dépense, la liquidation et, s’il
y a lieu, la date de transmission de cette liquidation à l’ordonnateur ;
- Le livre journal des ordonnances de paiement émises utilisé pour l’enregistrement
immédiat et successif, par ordre numérique, de toutes les ordonnances de paiement
émises pendant la durée de la gestion ;
- Le livre de comptes par chapitre de dépenses qui décrit les crédits alloués et les
dépenses ordonnancées par chapitre, article, paragraphe et ligne ;
- Le livre des comptes des sous-ordonnateurs reproduit, par sous-ordonnateur et
pour chaque dépense ayant donné lieu à une autorisation budgétaire distincte, le
montant des délégations faites et, au vu des situations mensuelles établies par les sous-
ordonnateurs, la consommation des crédits délégués ;
- Des livres auxiliaires dont le nombre et la contexture sont déterminés selon les
besoins des services.
D'un côté, chaque ordonnateur procède à la prise en charge comptable des opérations de son
département, y compris celles exécutées par les sous-ordonnateurs, qui relèvent de son
autorité. Il y décrit toutes les opérations relatives soit à la constatation, la liquidation et
l’ordonnancement des recettes, soit à l’engagement et l’émission des dépenses. Cette
comptabilité doit, à ce titre, distinguer l’exécution des opérations relatives à chaque support
budgétaire (budget général de l'État, comptes spéciaux du Trésor, services de l'État gérés
de manière autonome).
D'un autre côté, les mêmes opérations sont tenues par les autres responsables de
l'exécution budgétaire, selon qu'il s'agit d'opérations d’affectation de crédits (a), d'opérations
Un crédit est une autorisation donnée par le Parlement de prélever des fonds sur le Trésor ; Page | 66
il doit être attribué avant que le Gouvernement ne puisse dépenser les fonds. Sa
comptabilité est tenue aussi bien par les services de l'ordonnateur que par les services de la
Direction du budget.
Ainsi, là où il est autorisé d'engager des dépenses pour les années à venir, les contrôleurs
financiers (CED) et les ordonnateurs doivent séparément veiller à ce que le total des
engagements pour l'exercice courant et ceux des exercices suivants ne dépasse, à aucun
moment, les limites imposées par les autorisations votées. D'un côté, chaque ordonnateur
établit le montant des engagements autorisés pour l’année en totalisant le reliquat
d'engagement sur crédits de paiement de l’année antérieure "n-1" avec le montant des
autorisations nouvelles de l’année en cours "n". D'un autre côté, le CED tient, pour
l'ensemble des crédits ouverts par les lois de finances, et selon les rubriques budgétaires de
ces lois et des programmes d'emploi, une comptabilité des engagements de dépenses des
départements ministériels ou des services dont il contrôle les propositions d'engagement de
dépenses(42).
- de faire ressortir les crédits ouverts par les lois de finances et les modifications qui
leur sont apportées en cours d'année, les engagements faits sur ces crédits par les
ordonnateurs ou les sous-ordonnateurs, les crédits délégués et les réductions
effectuées sur ces crédits en cours d'année, ainsi que les dépenses sans
ordonnancement préalable qui leur sont notifiées par les comptables assignataires.
- de distinguer entre les engagements de dépenses sur crédits d'engagement, les
engagements de dépenses permanentes, les crédits bloqués au titre des régies de
(42) L'article 16 al.1° du décret 2-75-839 du Décret n° 2-75-839 du 27 30 décembre 1975 relatif au contrôle des engagements des dépenses de l’Eat tel qu’il
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c) Comptabilité des émissions
La comptabilité des émissions est tenue parallèlement par les ordonnateurs et leurs
comptables assignataires. Elle retrace l'émission des ordres de recettes et ceux de dépenses.
Au niveau des recettes, l'ordonnateur est tenu de suivre l’exécution des ordres de recettes
émis, en procédant à l'enregistrement des droits constatés au profit de l’État, de la nature
de recettes à recouvrer, des coordonnées du débiteur et des sommes à recouvrer par
rubrique correspondante du budget des recettes. De sa part, le comptable doit prendre en
charge les ordres de recettes émis en attendant de prendre les diligences nécessaires pour
en assurer le recouvrement.
Au niveau des dépenses, les écritures comptables sont effectuées dès que la dépense émise
par l’ordonnateur est validée par le comptable, ce qui permet de garantir le respect des
plafonds de dépenses à payer : les ordonnancements (ou mandatements) autorisés pour
l’année sont établis par l’ordonnateur en totalisant les crédits d'investissement ouverts au
titre de cette année et les crédits reportés conformément aux dispositions de l’article 16 du
décret n°2-98-401 du 26 avril 1999 relatif à l’élaboration de l’exécution des lois de finances.
La comptabilité des matières, valeurs et titres a pour objet la description des existants et
des mouvements concernant des produits ou valeurs à stocker : les stocks de marchandises,
fournitures, déchets, produits semi-ouvrés, produits finis et emballages commerciaux ; les
matériels et objets mobiliers ; les titres nominatifs, au porteur ou à ordre et les valeurs
diverses appartenant ou confiés aux organismes publics et les objets qui leur sont remis
en dépôt ; les formules, titres, tickets, timbres et vignettes destinés à l’émission et à
la vente.
Cette comptabilité est tenue par les ordonnateurs et les comptables, chacun pour les
matières, valeurs et titres qu’il détient ou dont il a la charge. Ils doivent dresser à cet effet
l’inventaire et retracer la valeur des matières, valeurs et titres auxquels elle s’applique.
(43)
t
L'article 19 du décret 2-75-839 du Décret n° 2-75-839 du 30 décembre 1975 relatif au contrôle des engagements des dépenses de l’E at tel qu’il est
modifié par le Décret n° 2-01-2678 du 31 décembre 2001
3. Comptabilité du Trésor
La comptabilité du Trésor est une comptabilité en deniers, qui vise à décrire les opérations
budgétaires, les opérations de trésorerie, les opérations faites avec les tiers, ainsi que les
mouvements du patrimoine et des valeurs d’exploitation. En plus qu'elle permet la
connaissance et le contrôle des opérations financières, elle est organisée pour aboutir à la
détermination des résultats annuels d'exécution et le calcul du prix de revient, du coût et de
rendement des services, le cas échéant. Sa centralisation entre les mains des services de la
TGR est justifiée notamment par la mise en application des principes de l’unité de caisse et
de l’unité de trésorerie(44).
Elle est tenue en partie double ou plus précisément en écriture double, ce qui constitue
pratiquement la caractéristique majeure de la comptabilité commerciale. Chaque comptable
est responsable de ses opérations propres. Le trésorier général du Royaume, en sa qualité
de comptable supérieur de l'État, reprend dans ses écritures toutes les opérations des
comptables concernant les recettes et les dépenses de l'État. Elle assume devant le juge des
comptes la responsabilité des opérations dont elle centralise les pièces justificatives(45).
Quant à la nomenclature des comptes, utilisée jusqu'aujourd'hui, elle est fixée par un arrêté
du Ministère chargé des finances. Il s'agit d'une liste de comptes ouverts dans la
comptabilité du Trésor prévus dans une vieille nomenclature centrale des comptes qui
remontre à 1936, légèrement aménagée en 1970. Cette nomenclature est composée de dix
groupes de comptes numérotés de 0 à 9 (v. tableau 7.1.) subdivisés en comptes généraux à
deux chiffres (de 01 à 91) et en comptes particuliers à quatre chiffres (exp. 22-01, 22-04).
(44)
v. infra, Chapitre 10.
(45)
°
L'article 125. Du décret royal n 330-66 du 26 avril 1967 portant règlement général de
la comptabilité publique.
Ce plan comptable de l’Etat repose sur une comptabilité à deux dimensions permettant de fournir un
large spectre d'informations. Il se veut un moyen de gérer au mieux les deniers et la trésorerie
de l’Etat, permettre un contrôle de ses finances et pouvoir faire connaître son patrimoine. Le
plan comptable de l'Etat prend en compte «des éléments d'actifs», au niveau du
recensement et de l'évaluation des immobilisations, «des stocks», les risques potentiels, les
opérations à rattacher ainsi que les engagements hors bilan.
(46) OCDE, Comptabilité et budgétisation sur la base des droits constatés : questions clés et développements récents in revue de la gestion budgétaire vol. 3
n° 1, 2003, p.47 et s.
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Le cadre conceptuel du plan comptable de l’État doit fixer : ;
- Les principaux concepts ; il s'agit des actifs, des passifs, de situation nette, des charges et des produits;
- Les règles générales de comptabilisation ; à savoir la nomenclature et modalités générales de
fonctionnement des comptes ;
- Les règles d’évaluation ; il s'agit du coût d'entrée et de la valeur d'inventaire des immobilisations avec
un traitement particulier pour ce qui concerne le parc immobilier et les infrastructures ainsi que les
participations.
Il comporte une architecture de comptes répartis en catégories homogènes intitulées ″classes″. Chaque
classe est subdivisée en comptes faisant l’objet d’une classification décimale.
Les comptables publics des services de l'État sont tenus de produire annuellement à la Cour
les comptes desdits services dans les formes prévues par les textes en vigueur(47). Page | 71
Le procureur général du Roi près de la Cour des comptes doit veiller à la production des
comptes, des situations comptables ou des pièces justificatives dans les délais prescrits. Il
peut demander à la Cour, sur réquisition, de lui enjoindre de les présenter et à défaut,
prononcer à son encontre des amendes de retard dont le montant peut atteindre au
maximum mille (1.000) dirhams. De sa part, le Premier président peut en plus prononcer
une astreinte dont le maximum est de cinq cents (500) dirhams par mois de retard.(48). Le
greffe procède à l'enregistrement des comptes produits, des actes et requêtes dont elle est
saisie.
Le premier alinéa de l'article 47 de la loi organique des finances dispose que "la Loi de
règlement constate le montant définitif des encaissements de recettes et des ordonnancements
de dépenses et arrête le compte de résultat de l'année " et prévoit aussi dans son troisième
alinéa que " ladite loi doit être accompagnée du rapport de la Cour des comptes sur
l'exécution de la loi de finances et de la déclaration générale de conformité entre les comptes
individuels des comptables et le compte général du Royaume". Autrement dit, cette loi vise à
constater les résultats financiers de chaque exercice budgétaire et approuver, par-là, les
différences entre les réalisations et les prévisions de la loi de finances initiale complétée, le
cas échéant, par des lois rectificatives.
Il en résulte que la Cour agit ici comme une sorte de commissaire aux comptes de firmes et
groupes importants qui ne certifie pas l’image fidèle de l’organisme, mais se limite à la
seule certification de la consolidation de comptes.