Amani ImpactPolBudgCroissance2017
Amani ImpactPolBudgCroissance2017
Amani ImpactPolBudgCroissance2017
Cet article vise à mesurer l’impact des instruments de la politique budgétaire ; dépenses
courantes, investissements publics, fiscalité ordinaire, recettes fiscales et dette publique sur la
croissance économique et l’inflation. L’étude est réalisée à travers un modèle à correction
d’erreur et appliquée sur l’économie algérienne sur une période allant de 1970 à 2017, dont
les estimations sont réalisées par la méthode des moindres carrés.
Les résultats démontrent un impact positif mais faible des dépenses budgétaires globales, du
seulement aux dépenses courantes, les investissements publics n’ayant aucun effet alors que
les recettes budgétaires et la dette public exercent un impact négatif. Par contre concernant
l’effet sur les prix, les dépenses courantes provoquent une faible inflation alors que les
dépenses d’investissement et l’imposition la réduisent.
Abstract :
This paper aims to assess the effect of fiscal policy instruments; current expenditures, public
investment, taxation revenues, hydrocarbon revenues and debt on economic growth and
inflation. An error correction model is used in this study and applied to the algerian economy
over a period from 1970 to 2017, while the estimations are made using the least squares
method.
The results show a positive but weak impact of global public expenditures, due lonely to
current expenditures, as public investments has no noticeable effect, while public revenues
and public debt have a negative impact. As for the effect on prices, current expenditure causes
low inflation, while investment expenditure and taxation reduce it.
1. Introduction :
Les effets de la politique budgétaire font toujours débats dans la littérature économique.
D’ailleurs le rôle interventionniste de l’état n’a été reconnu qu’au début du 20 ème siècle et
l’émergence des idées keynésiennes. Depuis, les économistes de ce courant et les économistes
classiques, néoclassiques et nouveaux classiques, s’opposent sur la nature des interventions et
l’impact qui en découle.
Par ailleurs, les interventions budgétaires de l’état en Algérie ont, depuis l’indépendance, été
plus ou moins importantes selon les orientations économiques et politiques des
gouvernements en place. De politiques d’investissements publics axés sur l’industrialisation
de l’économie dans le cadre d’un système de planification à une libéralisation progressive de
l’économie en maintenant une intervention budgétaire importante de l’état plus axées sur les
secteurs sociaux et privilégiant une relance économique par la demande.
Ainsi, l’objectif principal de cette étude est de mesurer l’impact de la politique budgétaire sur
la croissance économique et l’inflation en Algérie. Pour cela nous étudions d’abord l’effet des
dépenses et recettes budgétaires globales, puis dans un second temps, nous nous intéressons
aux impacts individuels des composantes de ces derniers ; dépenses courantes,
investissements publics, fiscalité ordinaire et fiscalité des hydrocarbures, en plus des effets de
la dette public.
Pour répondre à cet objectif, nous utilisons un modèle à correction d’erreur MCE inspiré par
des travaux de la banque mondiale sur les pays en développement. Les estimations sont
réalisées par la méthode des moindres carrés sur les données de l’économie algérienne sur une
période allant de 1970 à 2017. Avant, nous commençons par une revue de la littérature
théorique et empirique de ces effets, dans le monde et en Algérie particulièrement.
Revue El Manara, n°06, Décembre 2018
L’approche néoclassique, et notamment celle des monétaristes, est devenue dominante à partir
des années 60, selon Douglas Bernheim (1989), ceci grâce notamment à l’insistance sur la
notion d’effet d’éviction. Pour ces derniers les déficits occasionnent des effets d’éviction
importants qui freinent les perspectives de croissance et accélèrent l’endettement extérieur.
Ainsi, pour Milton Friedman (1970) la politique budgétaire sans une politique monétaire
d’accompagnement n’exerce aucun effet significatif sur la croissance économique. Ces effets
d’éviction sont de deux types ;
Eviction directe, qualifié d’ultrarationalité par Willem Buiter (1990), induit que toute hausse
des dépenses budgétaires s’accompagne d’une baisse de la consommation ou de
l’investissement privé, les agents économiques, rationnels, anticipant une substitution de ces
derniers par les dépenses de l’état. Cette hypothèse est notamment valable, selon Sam Peltzam
(1973), pour les dépenses d’éducation, de santé ainsi que les cotisations de retraite.
Eviction indirecte, lorsque l’état finance son déficit sur les marchés financiers, augmentant la
demande de fonds prêtables et de fait les taux d’intérêt. La demande privé liée à ce dernier,
notamment l’investissement, diminue en réaction à cette hausse. De même qu’une émission
d’une dette intérieure, dans une situation proche du plein emploi, augmente la richesse des
agents privés qui augmentent leur consommation au détriment de l’investissement.
Revue El Manara, n°06, Décembre 2018
Cependant, les économistes keynésiens critiquent cet effet d’éviction en considérant qu’un
déficit budgétaire exerce un impact positif et rapide sur le revenu qui permet de générer une
épargne nouvelle et donc une augmentation des fonds prêtables qui permet de satisfaire la
demande nouvelle sans hausse significative des taux d’intérêt.
Dans la ligné néoclassique, existe un courant d’économistes hyperclassiques qui insistent sur
les effets négatifs des politiques de relance budgétaire et préconise des politiques de rigueur
dont ils démontrent les bienfaits, à travers, principalement, des études empiriques. Ainsi, en
étudiant les contractions budgétaires dans dix pays européens, Francesco Giavazzi & Marco
Pagano (1990), démontrent que ces politiques de rigueur, baisse des dépenses ou hausse des
impôts, ont un effet positif sur la croissance économique. On retrouve les même résultats
dans l’étude d’Alesina & Perotti (1995) et, à un moindre degré, celle de Philippine Cour &
Jean Pisani-Ferry (1995).
Manfred Hellwing & Martin Neumann (1987), expliquent que l’effet direct d’une contraction
budgétaire est négatif sur la croissance économique, cependant, l’effet indirect induit sur la
demande globale par les anticipations optimistes des agents économiques est positif
permettant de couvrir l’impact négatif. Cette théorie est, selon les auteurs, valable si la
politique budgétaire est crédible, poursuivant un objectif de consolidation budgétaire à moyen
et long terme.
Ainsi, suite à une politique d’expansion budgétaire, le revenu disponible des ménages
augmente certes. Cependant, ces derniers anticipent des impôts supplémentaires dans le futur,
destinés à financer l’emprunt qui a servi à la réalisation de la politique budgétaire
Revue El Manara, n°06, Décembre 2018
Par ailleurs, la théorie des Cycles Réels des Affaires RBC (Real Business Cycle) introduite
par Finn Kydland & Edward Prescott (1982) puis élargie par B. Long & C. Plosser (1983) ni
tout impact à la politique budgétaire. Cette théorie est basée sur la demande d’un seul agent
rationnel avec des « propriétés mathématiques standards » qui maximise une fonction d’utilité
additive sous certaines contraintes. Ces contraintes ne permettent qu’un seul équilibre, celui
de concurrence pure et parfaite. Dans cette théorie le secteur public prélève les impôts
nécessaires au financement de ses dépenses exogènes.
Ainsi, ces économistes postulent l’hypothèse que les variables réelles ne peuvent être
affectées par des variables nominales et aboutissent à ce que les cycles réels ne peuvent
s’expliquer que par des chocs technologiques stochastiques, ces derniers modifiant le sentier
de la croissance lui-même sans affecter le bien être des agents économiques qui réagissent
d’une façon optimale. Dans ce contexte, l’économie est toujours en équilibre stable. Ainsi,
selon Solow (2002), la politique budgétaire n’a aucune utilité, en tant que politique de
stabilisation conjoncturelle. Cependant, cette théorie sera augmentée par les nouveaux
keynésiens en introduisant certaines imperfections au marché que nous verrons par la suite.
Dans le cadre d’une économie ouverte, les travaux de Mundell et Fleming sur le modèle IS-
LM-BP démontrent que l’efficacité de la politique budgétaire varie selon le système de
change et la durée des interventions. En changes flexibles, une politique budgétaire
permanente modifie les anticipations des agents économiques provoquant une appréciation
importante du taux de change qui évince les effets positifs initiaux.
Cependant, si cette politique est temporaire les anticipations ne suivent pas et l’appréciation
du taux de change est moins importante laissant une certaine efficacité à cette dernière. En
changes fixes, l’effet d’éviction par le taux de change est inexistant, induisant une politique
budgétaire très efficace, mais l’intervention de la banque centrale pour le maintenir provoque
une inflation importante, pouvant réduire la compétitivité de l’économie.
Ainsi, certains économistes dont Aschauer (1989) et Barro (1990) distinguent dans leur
fonction de production entre deux composantes du capital ; le capital privé et le capital public.
D’ailleurs ces derniers considèrent que les capitaux public et privé sont accumulables et
engendrent une croissance entretenue. De même que Barro considère que la hausse de
l’imposition favorise la croissance puisqu’elle permet un investissement public plus
important, cependant, la hausse n’est bénéfique que si cette dernière compense la baisse de
l’investissement privé. D’où l’existence du un taux d’imposition optimale évoqué
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précédemment. Cette théorie est confirmée par les travaux empiriques de Munnel (1992) ou
encore Mills & Quinet (1992).
Finalement, la théorie des cycles réels RBC, abordée précédemment, a été reprise par les
nouveaux keynésiens qui y ont introduit de nouvelles hypothèses, résumées dans l’article de
M. Goodfriend & R. King (1997), permettant un certain effet aux politiques économiques,
notamment ; un ajustement graduel des prix du aux rigidités sur les marchés, par opposition à
l’ajustement immédiat dans la théorie initiale, les marchés ne sont pas forcément en situation
de concurrence pure et parfaite, le cycle économique est affecté par les variables réelles et les
variables nominales.
Dans cette situation, une politique budgétaire conjoncturelle peut agir sur le niveau de la
production et des prix mais seulement à court terme, dans l’intervalle temporel d’ajustement
des prix. Cependant, la croissance économique et les prix reviennent à leur niveau initial après
un certain temps, en absence de choc technologique. Cette théorie est confirmée par des
études empiriques récentes, notamment celles de Fatas & Mihov (2001), Blanchard & Perotti
(2002) , Cogan & Al. (2010), Cwik & Al. (2010) ou encore H. Strulik & T. Trimborn (2013)
qui démontrent un impact immédiat important s’affaiblissant dans le temps, allant même
jusqu’à s’inverser dans certaines études.
Dans le même sens, Alesina & Perotti (1996) démontrent que, dans le cas d’une politique de
rigueur, les réductions des dépenses budgétaires courantes, notamment salaires et transferts,
donnent des résultats positifs alors que les politiques incluant des hausses d’imposition ou
baisse des dépenses d’investissement ont eu un impact négatif.
Pour les pays en développement, les études Nubukpo (2007) ou encore Berenger N’guessan
Abou (2007) sur les pays de l’UEMOA démontre un impact négatif des dépenses courantes
Revue El Manara, n°06, Décembre 2018
En utilisant un VECM, L. Sami & A. Zakane (2008) sur les données de l’économie algérienne
entre 1970 et 2003, ces derniers concluent à un impact positif des dépenses budgétaires sur la
croissance économique avec un multiplicateur de 1 atteignant 2 dès la deuxième année et dont
les effets se prolongent. L’étude conclue aussi à un impact positif sur l’inflation avec un effet
instantané de près de 0,4 se prolongeant dans le temps. Une deuxième étude d’A. Zakane
(2009) analyse l’impact des dépenses d’investissement sur la croissance économique en
utilisation un VAR (ordre 2), ne décèle aucun impact significatif des dépenses
d’investissement sur la croissance, bien que leur signe soit positif, les coefficients obtenus
sont très faibles.
Aussi, une autre étude a été réalisée par Chibi, Benbouziane & Chekouri (2010) à travers un
SVAR couvrant une période entre 1965 et 2007 et intégrant les dépenses budgétaires, les
recettes budgétaires, le PIB réel, le taux d’intérêt nominal ainsi que l’indice du déflateur du
PIB comme proxy des variations des prix. Ces derniers concluent à un faible impact positif
des chocs budgétaires permanents à court terme alors qu’à long terme l’impact est négatif sur
la croissance économique par l’éviction des investissements privés. Alors que le niveau des
prix est affecté positivement. Une hausse des recettes budgétaires exerce également un faible
impact positif sur la croissance économique alors que son effet est négatif sur le niveau des
prix.
Cette étude est basée sur un modèle élaboré par la Banque Mondiale (2002) particulièrement
adapté aux pays en développement reprit par K. Nubukpo (2007) et élargie par N’Guess
(2007), que nous adapterons aux spécificités de l’économie algérienne. Ce modèle part d’une
fonction de production à la Cobb-Douglas réécrite sous forme logarithmique;
Pour la variable endogène Q, on utilise le produit intérieur brut réel hors secteur des
hydrocarbures « pibhhr » largement préconisé pour rendre compte de la croissance
économique dans les pays exportateurs d’hydrocarbures, notamment par Nese Erbil (2011).
Ce dernier est en termes réels par le déflateur du PIB.
Concernant les variables exogènes du modèle nous allons désagréger les deux facteurs de
production K et L en utilisant des variables proxy. Pour le capital humain L nous utiliserons
une variable représentant la population active « popactv », également utilisée par Nubukpo
(2007). Alors que pour le capital physique nous utilisons la formulation de N’Guess (2007)
pour déterminer les facteurs qui influencent les variations du capital. Ainsi, ce dernier fluctue
en fonction des dépenses publiques totales réelles « deptotr », des recettes publiques totales
« rectotr ».
Nous introduisant aussi une variable représentant les crédits à l’économie en pourcentage du
PIB « cibp » et le taux d’inflation représenté par l’évolution de l’indice du déflateur du PIB
« deflpib » qui exclue l’impact direct de l’inflation importée. A ceux-là nous ajouterons le
taux de change effectif réel « tcer », en absence d’une série longue de l’indice des termes de
l’échange, pour représenter la compétitivité de l’économie algérienne ainsi que la dette
extérieure publique « dep ». Ainsi, l’équation est réécrite sous la forme suivante :
Pour étudier les composantes de la politique budgétaire nous désagrégerons par la suite les
dépenses budgétaires en dépenses courantes et dépenses d’investissement, et les recettes
budgétaires en recettes ordinaires (fiscalité) et recettes non ordinaires (fiscalité des
hydrocarbures). A noter que toutes les variables utilisées sont en fréquence annuelle et tirée de
la base de données de la banque mondiale WDI, l’office national des statistiques ONS et la
banque d’Algérie.
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Tout d’abord, un test de corrélation est effectué sur les variables de l’étude pour permettre de
savoir s’il existe une relation entre la variable endogène et les variables exogènes.
26.4 26.4
26.2 26.2
26.0 26.0
LPIBHHR
LPIBHHR
25.8 25.8
25.6 25.6
25.4 25.4
25.2 25.2
25.0 25.0
LPIBHHR=9.63+0.6467*LDEPTOTR LPIBHHR=8.54+0.6904*LRECTOTR
24.8 24.8
23.6 24.0 24.4 24.8 25.2 25.6 26.0 23.6 24.0 24.4 24.8 25.2 25.6 26.0
LDEPTOTR LRECTOTR
Les résultats du sur les variables en niveau est significatif, cependant il ne permet pas de
rejeter l’hypothèse nulle H0 de non-stationnarité des variables, sauf pour la variable
représentant la population active qui est stationnaire. En ce sens, il est nécessaire de tester la
stationnarité des variables en différences premières. Ce dernier test est aussi significatif et
permet de rejeter l’hypothèse de non-stationnarité au seuil de 5% pour toutes les variables
considérées et sans retard. Ainsi, ces dernières sont stationnaires en différences premières et
intégrées d’ordre « 1 », sauf la variable population active qui est intégrée d’ordre « 0 ».
La stationnarité des variables est étudiée à travers le test de racine unitaire ADF. Ainsi, les
variables de l’étude sont non-stationnaires en niveau et stationnaires en différence première,
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donc nous pouvons vérifier si l’utilisation d’un mécanisme à correction d’erreur est possible à
travers l’étude de la cointégration par la méthode de Johansen avec un trend liniaire. Ce test a
permis de déceler deux relations de cointégration suivant le critère de la Trace, ainsi, il existe
une relation de long terme entre les variables étudiées. L’équation du MCE est réécrite
comme suite (par la suite les dépenses et recettes budgétaires seront remplacées par leurs
composantes, qui ont satisfait aux tests préliminaires) 1 :
Dans cette équation, les coefficients α1 à α7 représentent la dynamique de court terme alors
que les coefficients α9 à α15 représentent la dynamique de long terme. Aussi, α0 représente
une constante alors que la force de rappel est donnée par le coefficient α8, cette dernière
permet de connaitre le délai de retour à l’équilibre. Finalement ξ représente les résidus de
l’équation. Par ailleurs une seconde équation est formulée pour l’inflation ;
Les différentes équations sont estimées en utilisant la méthode des moindres carrées
ordinaires (OLS) avec le logiciel Eviews8. Les résultats sont significatifs pour toutes les
estimations avec une probabilité (valeur du F-statistic) inférieure à 0,05 et même très proche
du 0 ainsi qu’un coefficient de déterminations R2 autour de 0,70 ce qui atteste de la solidité
du modèle. Le coefficient de Durbin-Watson est proche de 2 attestant de la juste identification
des équations étudiées, de même, le test de stabilité du modèle (CUSUM squares) donne des
résultats satisfaisants.
1
Pour faciliter la présentation la lettre « l » devant une variable indique une valeur en logarythme, et d en
différence première.
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.3
.2
.1
.0
.08
-.1
.04
-.2
.00
-.04
-.08
1970 1975 1980 1985 1990 1995 2000 2005 2010
Les équations avec les coefficients ajustés sont réécrites comme suite2;
Variables agrégées :
Variables désagrégées :
D(LPIBHHR) = 4.25 + 0.19*D(LDPCOUR) + 0.05*D(LDPINVR) - 0.09*D(LRECORDR) +
0.02*D(LRENTER) + 0.02*D(LDEP) + 0.41*D(LPOPACTV) - 0.49*D(LDEFLPIB) -
0.04*D(LTCER) + 0.01*D(CIBP) - 0.54*LPIBHHR(-1) + 0.19*LDPCOUR(-1) +
0.06*LDPINVR(-1) - 0.02*LRECORDR(-1) - 0.03*LRENTER(-1) - 0.03*LDEP(-1) +
0.31*LPOPACTV(-1) - 0.03*LDEFLPIB(-1) + 0.02*LTCER(-1) + 0.01*CIBP(-1)
Les résultats des estimations pour la croissance économique3 démontrent un faible impact des
dépenses budgétaires à court comme à long terme, coefficient de 0,14 et 0,16 respectivement.
Les recettes budgétaires exercent un faible impact négatif, coefficient de -0,11, sur la
croissance économique mais seulement à long terme, alors que leur un impact à court terme
n’est pas significatif, le même effet est à signaler pour la dette publique mais avec un
coefficient plus faible, -0,05. Ces effets correspondent aux différentes théories d’inspiration
2
Les tableaux de résultats détaillés en annexe.
3
Voir annexe 1 pour les variables agrégées et annexe 2 pour les composantes désagrégées.
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Par ailleurs l’inflation freine la croissance économique à court terme alors que la population et
les crédits intérieurs la stimulent à long terme, ce qui correspond aux différentes théories sur
la croissance économique. La force de rappel est de 0,47 soit un délai de retour à l’équilibre
de 2ans. Ce délai est d’ailleurs proche de celui de Fatas & Mihov (2001) ou encore Romer
(2009).
Concernant les composantes, seules les dépenses courantes ont un impact positif, mais faible,
sur la croissance économique à court comme à long terme. Ce résultat est contraire aux
théories récentes sur la politique budgétaire, notamment celles induite par le modèle de
croissance à la Barro (1990) qui donnent une importance particulière aux investissements
publics. Cependant, cet effet correspond à la théorie keynésienne initiale basée sur une relance
économique par la demande notamment lorsque la situation économique est loin de la position
de plein emploi, ce qui semble correspondre à la situation de l’économie algérienne.
Pour les estimations sur l’équation de l’inflation 4, ces derniers démontrent qu’aucune variable
budgétaire n’affecte les prix à court terme, alors que les dépenses budgétaires exercent un
faible impact positif seulement à long terme, le même effet étant observé dans une moindre
mesure pour la dette publique. Par ailleurs, la croissance économique et la hausse du taux de
change effectif réduisent d’une façon importante l’inflation à court terme, alors que l’effet du
taux de change se prolonge dans le temps.
Par contre en termes de composantes l’impact de la politique budgétaire est plus clair. Ainsi
les dépenses courantes exercent un faible impact positif à court terme seulement, alors que les
investissements publics exercent un faible impact négatif sur l’inflation à court terme qui
devient positif à long terme, qui peut s’expliquer par le surplus de demande après l’entrée en
activité des projets. Aussi, les recettes budgétaires exercent un impact négatif sur l’inflation à
court terme et l’effet se prolonge à long terme. Par ailleurs, les recettes des hydrocarbures
n’exercent qu’un très faible effet positif et seulement à long terme.
Conclusion :
A partir des résultats de cette étude, il apparait d’abord que les dépenses budgétaires exercent
un faible effet positif sur la croissance économique, alors que les prix ne sont affectés qu’à
4
Annexe 3 pour les variables agrégées et annexe 4 pour les composantes désagrégées
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long terme conformément aux prédictions des nouveaux keynésiens. Les impositions exerçant
naturellement l’effet inverse.
En s’intéressant plus particulièrement aux composantes de ces dernières, il est clair que seules
les dépenses publics courantes ont un impact notable sur la croissance économique, et ce
même à long terme. Cependant, cet impact positif est accompagné par une inflation de même
ampleur, qui peut être réduite, à court, par les investissements publics mais dont les effets
s’inversent. De même, contrairement, au postulat général, la hausse de l’imposition a permis
une baisse des prix en réduisant la demande interne.
Par contre les politiques axées sur la demande, notamment au début des années 2000,
semblent porter des résultats satisfaisants. Ceci peut être dû à la situation économique de
l’Algérie à la fin du plan d’ajustement structurel avec une croissance faible et un taux de
chômage élevé, ce qui correspond à la situation préconisée par Keynes pour ce genre de
politique de relance.
Par ailleurs, d’une façon générale, la faiblesse des multiplicateurs des instruments de la
politique budgétaire en Algérie, nous pousse à nous interroger sur les causes, notamment
structurelles, de cette inefficacité.
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Annexes :
Annexe 1 : tableau de résultat MCO pour la croissance économique (variables agrégées)
Dependent Variable: D(LPIBHHR)
Method: Least Squares
Date: 01/03/19 Time: 19:07
Sample (adjusted): 1971 2017
Included observations: 47 after adjustments
Annexe 2 : tableau de résultat MCO pour la croissance économique (variables désagrégées)
Dependent Variable: D(LPIBHHR)
Method: Least Squares
Date: 01/03/19 Time: 19:13
Sample (adjusted): 1971 2017
Included observations: 47 after adjustments