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Support de Cours d’Histoire de la Pensée

Economique
Dr Guillaume KOUASSI, Economiste, Enseignant-chercheur à l’Université Alassane Ouattara
saintjomo@yahoo.fr / 09578681

Introduction générale
Le terme « économie » désigne aujourd’hui en français à la fois un comportement individuel
de gestion de ressources et un système de relations sociales les mettant en valeur. Cela résulte
d’un processus historique, qui a combiné au long des siècles trois acteurs (la famille, l’Etat et
le marchand), trois représentations (la nature, l’art et la science), trois champs (la morale
sociale, les pratiques concrètes et la théorie pure).
C’est dans la famille que l’économie apparaît chez les anciens Grecs, comme en témoigne
l’étymologie du mot (de oikos, maison, et nomos, loi) : l’économie domestique porte sur les
règles d’administration de la maison ou du domaine. Dès cette époque se pose la question de
la similitude des règles s’appliquant à la famille (l’économique) et à la Cité (le politique). Si
Platon les réunit, Aristote les distingue nettement : l’autorité du maître s’exerce sur des
enfants ou des esclaves, et celle de l’homme d’État sur des hommes libres et égaux. En tant
qu’elles concernent un mode d’acquisition, cependant, l’économie domestique et le
gouvernement de la cité ont en commun selon Aristote d’être conformes à la nature ; s’y
oppose le commerce orienté par le marchand vers l’enrichissement monétaire, à proprement
parler contre nature.
Les deux formes naturelles d’acquisition relevant de l’économique et du politique sont alors
conformes à la morale sociale et s’opposent ensemble à « l’art d’acquisition », ces pratiques
concrètes du marchand qui menacent et la famille et la cité. La constitution de l’État moderne
et l’émancipation de la philosophie politique par rapport à une pensée scolastique influencée
par Aristote conduisent vers la fin du XVIe siècle à l’émergence d’une « économie politique »
qui justifie la continuité entre l’économie domestique et l’administration économique de l’État
(aussi appelée « économie publique »). Le terme « économie politique » apparaît en 1615
dans le titre d’un traité d’Antoine de Montchrétien.
Cette absorption de l’État par l’économie suscitera certes des résistances, mais elle s’impose
d’autant plus au XVIIe siècle et dans la première moitié du XVIIIe siècle que les idées

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économiques alors dominantes réhabilitent le marchand aux côtés de la famille et de l’État.
C’est en effet à travers la relation entre le prince et les marchands que le mercantilisme pose
la question de la richesse d’une nation. L’économie politique devient ainsi avec le
mercantilisme une branche de l’art du gouvernement.
Une dimension nouvelle de l’économie apparaît dans les années 1760, annoncée auparavant
par Cantillon : la reconnaissance de l’économie politique comme science. À côté de
l’expression habituelle, on trouve chez les Physiocrates français les termes « économie
générale » et « science économique ». Leur chef de file François Quesnay écrit en 1765 à
propos des rapports entre la législation et cette science de « l’ordre naturel des sociétés » :
« La législation positive consiste donc dans la déclaration des lois naturelles, constitutives de
l’ordre évidemment le plus avantageux possible aux hommes réunis en société […] Il n’y a
que la connaissance de ces lois suprêmes qui puisse assurer constamment la tranquillité et la
prospérité d’un empire ; et plus une nation s’appliquera à cette science, plus l’ordre naturel
dominera chez elle, et plus l’ordre positif y sera régulier […] » (Quesnay, 1765).
Cette approche nouvelle de l’économie politique, définie comme l’étude de la production, de
la répartition et de la consommation des richesses dans une société, apporte avec elle deux
caractéristiques qui nourriront ensuite les débats d’idées entre économistes. En premier lieu,
la science économique vise à établir des principes, entendus, non pas comme des
recommandations pratiques dans l’art d’administrer la maison ou l’État, mais comme des lois
scientifiques de fonctionnement d’un système.
Si l’économie politique est une science, la question de son rapport avec la morale sociale et
avec l’art doit être repensée. La position soutenue à l’extrême fin du XVIIIe siècle par Jeremy
Bentham exprime un point de vue qui restera dominant chez les économistes jusqu’au milieu
du XXe siècle :
« L’économie politique peut être considérée comme une science ou un art. Mais dans ce cas,
comme dans d’autres, c’est seulement en tant que guide pour l’art que la science est utilisable.
L’économie politique, considérée comme un art susceptible d’être exercé par ceux qui ont
entre les mains le gouvernement d’une nation, est l’art consistant à diriger l’industrie
nationale pour des fins vers lesquelles elle peut l’être avec le plus grand avantage. »
(Bentham, 1793).
C’est une vision à la fois morale et pragmatique : le rôle des énoncés scientifiques en
économie est d’éclairer les moyens de concilier des intérêts divers en vue d’accroître le bien-
être collectif. Certes il peut être utile pour cela d’analyser les caractéristiques du
comportement de l’individu dans la poursuite de son propre intérêt, mais cette étude ne se
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justifie que dans la mesure où elle contribue à une meilleure connaissance des forces à l’śuvre
dans la société et des conditions requises pour leur harmonisation : l’économie reste politique,
a fortiori lorsque sa critique par Marx affirme le primat des classes sur l’individu et de
l’opposition des intérêts sur leur harmonie.
La « révolution marginaliste » des années 1870 modifie cette approche en faisant émerger un
concept qui transcende en un comportement unifié tous les particularismes des acteurs de
l’économie : celui d’agent économique. Cependant, l’économie politique anglaise, dont
Alfred Marshall incarne la domination dans la discipline jusque dans les années 1920,
perpétue la subordination de la science à l’art, et par là à la morale sociale.
Isolé dans ce mouvement marginaliste, Léon Walras conteste cette hiérarchie et propose une
trilogie découlant de sa définition de la « richesse sociale » comme « l’ensemble des choses
rares, c’est-à-dire utiles et en quantité limitée » (Walras, 1874). Puisque leur rareté rend ces
choses « appropriables », « échangeables » et « multipliables », l’économie politique peut être
divisée en trois domaines distincts : la théorie de la propriété et de la justice, ou économie
sociale ; la théorie positive de la valeur d’échange, ou économie pure ; la théorie de
l’organisation de la production, ou économie appliquée. Les rapports entre ces trois domaines
sont ainsi décrits par Walras :
« Il y a une économie politique pure qui doit précéder l’économie politique appliquée, et cette
économie politique pure est une science tout à fait semblable aux sciences
physicomathématiques. […] À la rigueur, ce serait le droit du savant de faire de la science
pour la science, comme c’est le droit du géomètre (et il en use tous les jours) d’étudier. Les
propriétés les plus singulières de la figure la plus bizarre, si elles sont curieuses. Mais on verra
que ces vérités d’économie politique pure fourniront la solution des problèmes les plus
importants, les plus débattus et les moins éclaircis d’économie politique appliquée et
d’économie sociale. » (Walras, 1874).
La science économique est difficile à définir. Cela tient, sans doute, à ce qu'elle est beaucoup
plus jeune que les autres sciences. Elle fait partie de l'ensemble des sciences sociales qu'on
pourrait appeler sociologie, science qui elle-même n'est pas aisée à circonscrire avec
précision. La science est savoir, c'est-à-dire connaissance. La science économique est loin
d'être une science exacte, tant les divisions des économistes sont notoires et tant leurs
prévisions font l'objet de contestations et de révisions. Par ailleurs, si la science économique
évolue, on ne peut guère la créditer de découvertes majeures au cours de ces dernières années.
La définition contemporaine de la science économique est la suivante : « L’économie est la
science qui étudie le comportement humain en tant que relation entre les fins et les moyens
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rares à usages alternatifs. » (Lionel Robbins, La nature et la signification de la science
économique, 1932,).
• Les débats fondamentaux qui la traversent (science économique) sont :
o « D’un côté il y a ceux qui croient qu’à long terme le système économique s’ajuste
tout seul, non sans grincements, gémissements et saccades, ni sans être interrompu par
des contretemps, des interférences extérieures et des erreurs…
o De l’autre, il y a ceux qui rejettent l’idée que le système économique puisse
sérieusement s’ajuster tout seul. » (John Maynard Keynes, Théorie générale de
l’emploi, de l’intérêt et de la monnaie, 1936).
• Et l’importance de l’enseigner historiquement réside dans le fait que :
« Il est de fait que les erreurs fondamentales qu’on commet aujourd’hui en analyse
économique sont plus souvent dues à un manque d’expérience historique qu’à toute autre
lacune de la formation des économistes. » (Joseph Schumpeter, Histoire de l’analyse
économique, 1954).
Cette multiplicité de définitions de la science économique a été la conséquence de la
diversité des courants de pensée économique à travers le temps. « Depuis l’antiquité, des
réflexions économiques sont apparues d’abord en Grèce antique puis en Chine antique, là où
une production marchande et une économie semblent avoir été développées en premier.
Depuis 1800, différentes écoles de pensée économique se sont succédées : on a vu apparaître
les bases de la science économique au travers des « précurseurs » à travers 2 courants : le
mercantilisme et la physiocratie. La 1ère moitié du 19ème siècle a vu naître l’école classique
et au cours de la 2ème moitié du 19ème siècle l’école marxiste est apparue. L’école néo-
classique est considérée comme le 4ème grand courant de la pensée économique. Enfin, le
dernier courant de la pensée économique est l’école keynésienne

1. QUEL POINT DE DEPART POUR L'HISTOIRE DE LA PENSEE


ECONOMIQUE ?
Au sens strict, une histoire de la théorie économique (ou de la science économique) qui
entend privilégier l'élaboration des concepts, des instruments d'analyse (le circuit économique,
par exemple) débute par des auteurs du début du XVIIIe siècle, souvent qualifiés de «
préclassiques », tels que Boisguilbert ou Cantillon, ou bien avec des auteurs de la seconde
moitié du XVIIIe siècle, tels que François Quesnay ou Adam Smith. Mais une approche plus
globale de l'histoire de la pensée économique doit aussi prendre en compte les premières

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réflexions sur la vie économique développées de l'Antiquité jusqu'à la scolastique médiévale,
avant d'aborder la naissance de l'économie politique dans la période dite « mercantiliste ».
L'histoire de la pensée économique (HPE) est l'étude de l'histoire des idées en économie.
Les premiers concepts économiques se développent dans la civilisation mésopotamienne avec
le développement du commerce. Le terme même d'économie est inventé dans l'antiquité
grecque. Les Grecs sont aussi les premiers à rédiger des traités consacrés à l'économie
(Xénophon et Aristote). C'est au XVIe siècle, avec le développement des États et l'essor du
commerce que se développe la pensée économique moderne avec le mercantilisme. À cette
époque, Antoine de Montchrestien invente le terme d'économie politique. Au XVIIIe siècle,
l'ouvrage d'Adam Smith, Recherches sur la nature et les causes de la richesse des nations
(1776), constitue le fondement de la pensée économique classique. « Depuis l’antiquité, des
réflexions économiques sont apparues d’abord en Grèce antique puis en Chine antique, là où
une production marchande et une économie semblent avoir été développées en premier.
Depuis 1800, différentes écoles de pensée économique se sont succédées : on a vu apparaître
les bases de la science économique au travers des « précurseurs » à travers 2 courants : le
mercantilisme et la physiocratie.
La 1ère moitié du 19ème siècle a vu naître l’école classique et au cours de la 2ème moitié du
19ème siècle l’école marxiste est apparue. L’école néo-classique est considérée comme le
4ème grand courant de la pensée économique. Enfin, le dernier courant de la pensée
économique est l’école keynésienne.

2. A QUOI SERT L'HISTOIRE DE LA PENSEE ECONOMIQUE ?


Au début de son Histoire de l'analyse économique, Joseph A. Schumpeter s'interroge sur les
raisons d'étudier l'histoire de la pensée économique. A l'encontre de ceux qui ne voient aucun
intérêt dans l'étude des auteurs anciens et des idées économiques périmées, il fait valoir en
premier lieu trois arguments (trad. Fr., Gallimard, 1983, tome 1, pp. 27-28) :
- Les « avantages pédagogiques » dans les études d'économie. En effet, les manuels les plus
récents ne permettent pas de saisir l'importance des problèmes et la validité des méthodes
utilisées par les économistes.
- L'étude de l'histoire de la pensée économique permet de faire surgir des idées nouvelles et il
est toujours possible de glaner des «leçons utiles» pour le présent à partir des différentes
explorations tentées par les auteurs du passé : «Nous nous instruisons à la fois de la futilité et
de la fécondité des controverses ; des déviations, des efforts gaspillés, des impasses ; des
intervalles où le progrès s'interrompt, de notre soumission au hasard, des procédés à éviter,

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des retards à rattraper. Nous apprenons à comprendre pourquoi nous sommes aussi avancés
que nous le sommes, et aussi pourquoi nous n'avons pas progressé au-delà. Et nous apprenons
ce qui arrive, comment et pourquoi ».
- Enfin, l'histoire de toute science « nous dévoile les démarches de l'esprit humain » ; elle
nous offre le spectacle de «la logique incarnée dans le concret, de la logique liée à la vision et
au projet ».
L'Histoire de la pensée économique est donc loin d'être superflue car elle permet de
comprendre les origines des réflexions théoriques actuelles. Elle permet de mettre en
évidence différents courants dont : l’école classique ; le marxisme ; le marginalisme ; la
pensée autrichienne ; le keynésianisme. Autour de ces courants, gravitent plusieurs
théories économiques et écoles de pensée fournissant des explications alternatives aux
problèmes économiques contemporains.

Les objectifs pédagogiques de ce cours sont les suivants :


 Savoir les différents courants de pensée économique
 Connaître les principaux auteurs des différents courants de pensée économique
 Être capable d’associer les théories au courant de pensée dont elles font référence
 Connaître les apports et les limites des courants de pensée économique

3. COMMENT FAIRE DE L’HISTOIRE DE LA PENSEE ECONOMIQUE ?


Au-delà des définitions particulières que les différentes écoles de pensée ont pu donner de la
discipline, la science économique partage avec l’ensemble des sciences sociales une
interrogation générale sur la possibilité de constitution d’un ordre social sur un mode
décentralisé. Considérant que cet ordre social est d’abord un ordre économique, la science
économique décline cette interrogation générale en un questionnement particulier sur le
processus de formation des grandeurs économiques. L’histoire des réponses apportées à ce
questionnement peut alors se faire, soit à la lumière de l’état présent de la théorie économique
(pour souligner le processus qui a conduit à sa constitution), soit du point de vue de son
origine (pour souligner la permanence des conceptions classiques et leur enrichissement
progressif), soit de manière à éclairer les débats théoriques contemporains : l’histoire de la
pensée économique est alors conçue comme un élément central du progrès des connaissances
en économie.

4. L’OBJET DE LA SCIENCE ÉCONOMIQUE

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La question même de la définition de l’objet de la science économique, du questionnement
qui l’identifie comme discipline autonome, a reçu, dans l’histoire de la pensée, des réponses
diverses. Identifiée à une science des richesses à la période classique, elle se définira ensuite
comme la science des choix individuels en univers de rareté. Au-delà de ces définitions
particulières, la question commune qui rassemble les économistes est celle du processus de
formation des « grandeurs » économiques. À son tour, cette question renvoie à l’interrogation
fondamentale, et partagée, sur les conséquences sociales de l’individualisme.

5. LA PLACE DE L’HISTOIRE DE LA PENSÉE ÉCONOMIQUE


La diversité de la science économique se retrouve dans la façon d’en écrire l’histoire.
a) L’histoire de la pensée économique du point de vue de son aboutissement
On peut faire l’histoire de la discipline du point de vue de son aboutissement, retenant l’idée
d’un progrès constant des connaissances (Schumpeter, History of Economic Analysis, 1956).
Les théories passées sont alors étudiées et jugées à l’aune de ce qui constitue la science
économique moderne : elles apparaissent soit comme des avancées, soit comme des reculs sur
le chemin qui conduit à ce que la science économique est aujourd’hui. Évidemment une telle
vision conduit à faire de l’histoire de la pensée économique une archéologie et, considérant
que la théorie économique moderne est l’état le plus avancé et le plus achevé de la science,
l’histoire de la pensée économique est jugée a priori inutilisable pour comprendre les débats
modernes ; le risque est alors grand de la faire sortir de la discipline : faire de l’histoire de la
pensée économique, ce serait alors davantage faire de l’histoire que faire de l’économie (au
sens de contribuer à l’avancement de la connaissance économique).
b) L’histoire de la pensée économique du point de vue de son origine
On peut aussi faire de l’histoire de la pensée économique du point de vue de son point de
départ (Adam Smith et la théorie classique). Le risque serait alors de biaiser la vision de la
discipline par l’acceptation de l’idée que celle-ci serait nécessairement caractérisée par
certains traits constitutifs de la pensée classique, qui pourtant n’existaient pas avant elle et ne
seront pas admis unanimement après, y compris par des auteurs qu’il serait difficile d’exclure
du périmètre de la discipline. Ces traits constitutifs sont :
 La croyance en des lois économiques naturelles, qui s’appliqueraient en tout lieu et
en tout temps, alors que le caractère historiquement déterminé des lois du capitalisme
est au contraire souligné par le marxisme, l’école historique, le keynésianisme ou
l’école institutionnelle ;

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 La caractérisation de l’ordre économique comme un ordre marchand et la
réduction des relations économiques à un libre-échange généralisé source de la
richesse, là où certains auteurs, de la physiocratie à l’école classique –que pourtant
Smith contribue à fonder – insistent davantage sur la spécificité des relations de
production, tandis que d’autres, des mercantilistes aux keynésiens, confèrent à l’État,
même dans une économie de marché, un rôle essentiel dans la constitution de
l’harmonie économique et sociale ;
 L’affirmation de la neutralité de la monnaie et la description du processus de
formation des grandeurs économiques en termes exclusivement réels, alors que
l’analyse de la monnaie et de son influence et la compréhension des relations
économiques à partir des relations monétaires sont au cśur de théories antérieures
(comme le mercantilisme) ou postérieures (comme celles de Marx ou Keynes).

c) L’histoire de la pensée économique du point de vue de la permanence des questions et


des débats fondamentaux.
Une dernière possibilité est de faire de l’histoire de la pensée économique de manière à
éclairer les débats contemporains. Ainsi, faire de l’histoire de la pensée économique, ce
peut être resituer les idées économiques, de manière chronologique, dans leur contexte, mais
ce peut-être surtout, au-delà de l’immersion dans le factuel, comprendre la logique du
développement de la discipline, de ses prémisses jusqu’à son état actuel, et souligner la
permanence des débats fondamentaux, repérer les questions non encore résolues, identifier les
oppositions irréductibles qui nourrissent le débat économique.
Selon ce dernier point de vue, l’histoire de la pensée économique fait alors partie intégrante
de la théorie, au sens où elle contribue au progrès de la discipline en lui permettant de prendre
conscience de ses limites.

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CHAPITRE 1 : LA PENSEE ANTIQUE ET MEDIEVALE : VINGT SIECLES DE
CONDAMNATION MORALE DES PRATIQUES ECONOMIQUES

Si une pensée économique a incontestablement existé depuis l’Antiquité, cette pensée se


caractérise jusqu’à la constitution de la science économique classique à la fin du XVIIIe siècle
par le fait qu’elle n’est pas autonome mais articulée (et inféodée) à d’autres types de savoirs
dans le cadre de l’héritage de l’architectonique aristotélicienne. Ce chapitre s’intéresse aux «
vingt siècles » au cours desquels, de l’antiquité grecque à la scolastique médiévale, la pensée
économique demeure inféodée aux considérations éthiques et morales et les pratiques
économiques, à ce titre, condamnées et contingentées.

1. LES RÉFLEXIONS ÉCONOMIQUES DANS L’ANTIQUITÉ GRECQUE


a) Xénophon : l’économique comme art de la gestion domestique
C’est à Xénophon (vers 426-354 av. J.-C.), élève de Socrate, que l’on doit donc le terme «
d’économie ». Après avoir servi comme soldat au service de Sparte, Xénophon se retire pour
exploiter un domaine agricole. Au sein d’une śuvre très diverse, quatre ouvrages sont tirés de
ses expériences, dont L’économique et Les revenus.
Dans le cadre de ces traités d’administration patrimoniale, « l’économique », terme dérivé de
oikos (la maison) et nomos (l’administration), se réduit aux règles de bonne gestion
domestique. L’interrogation sur ces questions ne peut donc par définition pas être une
interrogation politique sur l’ordonnancement des cités. Xénophon ne s’intéresse qu’à
l’administration des domaines ruraux, se contentant précisément de mettre en évidence
l’importance de l’agriculture dans la production des richesses.

b) Platon : de la cité « réelle » à la Cité « idéale »


Les réflexions économiques de Platon (Aristoclès, dit Platon, 428-348 av. J.-C.) s’écartent de
cette vision étroite et ont une portée plus philosophique. Il s’agit de s’interroger, comme dans
La République, sur l’ordonnancement de ce que pourrait être une Cité idéale (ordonnée,
harmonieuse). Dans l’esprit de Platon, et concernant les questions économiques, cela passe
par un strict contrôle « collectif » des pratiques et des relations économiques, à tel point que
certains ont voulu y voir un plaidoyer en faveur d’une forme de « communisme ». Ce système
s’applique à une communauté de 5 040 citoyens, dans laquelle les catégories sociales ne sont
pas abolies, mais fondées sur la sélection et non sur l’hérédité. La division du travail entre ces
catégories doit être très stricte : au sommet, les « races » d’or et d’argent fournissent
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respectivement les gardiens dirigeant la Cité (dont la principale qualité doit être la sagesse) et
les guerriers la défendant (dont la principale qualité doit être le courage). En contrepartie de
ces responsabilités éminentes, gardiens et guerriers doivent être astreints à un régime d’une
extrême rigueur ; tout particulièrement, puisque ces deux catégories ont la charge d’assurer la
sauvegarde des mśurs, et afin que leurs propres qualités morales ne soient pas mises en
danger, elles sont écartées de toute activité économique. Dans ce système, la famille et la
propriété privée, sources de passions acquisitives, sont abolies. Seuls ceux, artisans et
commerçants, qui se situent au bas de la hiérarchie et doivent assurer le fonctionnement
matériel de la Cité, conservent la jouissance de la propriété privée. Lorsqu’il s’interroge dans
Les Lois sur les cités possibles qui seraient à même de se rapprocher de cet idéal, Platon y
confirme que prospérité et richesse ne doivent pas être une fin en soi et que les seules quêtes
de ces cités doivent être la justice et l’harmonie sociale, fondées sur le respect des vertus
morales cardinales (sagesse, courage, justice, tempérance).

c) Aristote et la condamnation morale de l’enrichissement


Aristote (384-322 avant notre ère), élève de Platon et fondateur à Athènes du Lycée, sera
considéré au Moyen Âge comme « le » philosophe. Il aborde les questions économiques
principalement dans La politique et dans L’éthique à Nicomaque. Aristote y fait la distinction
entre deux types de richesses, la « véritable richesse » qui concerne « les biens indispensables
à la vie » et la « fausse richesse » qui concerne les biens superflus. L’art de l’économique,
qu’il associe comme Xénophon à l’administration familiale, consiste, pour le maître, en sa
capacité d’acquérir et de se servir de la « véritable » richesse : la finalité de l’existence n’est
pas l’enrichissement, mais « la vie heureuse ». Aristote rejoint ainsi Platon dans sa
condamnation de l’enrichissement. Il oppose la chrématistique (art d’acquérir des richesses) «
naturelle », qui consiste à acquérir des richesses nécessaires à la vie, à la chrématistique «
mercantile », qui consiste à acquérir un bien, non pour la fonction qu’il remplit, mais pour
l’acquisition proprement dite. Cette condamnation trouve son écho dans une analyse de la
monnaie. Aristote est le premier à définir les trois fonctions monétaires : étalon des valeurs,
moyen d’échange et réserve de valeur (instrument d’épargne).
De son point de vue, la monnaie est avant tout un « moyen » d’échange. Puisque telle est sa
nature, faire de la monnaie une finalité de l’activité économique, une richesse en elle-même,
est donc lui faire jouer un rôle contre-nature, et va donc à l’encontre de l’ordre naturel. C’est
donc par perversion que la monnaie est devenue « principe et fin de l’échange commercial ».

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L’activité économique est donc condamnée dès lors qu’elle s’écarte de la seule juste
satisfaction des besoins familiaux ; l’enrichissement (monétaire) est banni et la pratique de
l’usure (bien souvent confondue avec celle de l’intérêt) est également condamnée : faire payer
un intérêt, c’est faire du profit avec la monnaie elle-même, c’est encore une fois faire de la
monnaie la finalité et non le moyen de la transaction, alors qu’elle n’a pas été instaurée pour
cet usage.
C’est cette vision de l’économique, enchâssée dans une « architectonique » où les principes
d’organisation politique de la cité sont soumis à des considérations éthiques « supérieures » et
où l’économique est borné à la satisfaction des besoins matériels de la « famille », son
expansion étant condamnée au nom de la morale comme mettant en péril « l’ordre naturel »
des sociétés, qui se retrouvera dans toutes les réflexions ultérieures.

2. LA PENSÉE MÉDIÉVALE
a) La scolastique thomiste
La scolastique (philosophie et théologie enseignée au Moyen Âge dans les Universités où
enseignent les docteurs de l’Église) est constituée de deux grands courants successifs. Le
premier courant, dit « réaliste » s’étend du X e au XIIIe siècle et Saint Thomas d’Aquin
(1225-1274) en réalise la somme (Somme théologique). Théologien et philosophe italien,
canonisé en 1323, Saint Thomas d’Aquin, reprenant la démarche philosophique des savants
musulmans Avicenne (Ibn Sina, 980-1037, médecin et philosophe persan, auteur d’un Livre
de la politique inspiré des travaux d’Aristote) et (Ibn Rushd, 1126-1198, philosophe arabe,
cadi de Séville puis de Cordoue), mais dans le cadre de la théologie chrétienne, cherche à
concilier les « vérités » contenues à la fois dans les textes saints (la Bible et les écrits des
Pères de l’église chrétienne), les textes antiques (et spécifiquement ceux d’Aristote) et les
textes des juristes romains. Il cherche donc, lui aussi, à concilier la foi et la raison.
Sur le plan de la réflexion économique, il reprend l’héritage d’Aristote, en l’accordant avec la
morale chrétienne. Ainsi, la condamnation de l’enrichissement, et par exemple de la pratique
du prêt à intérêt, est reprise au nom des mêmes arguments d’Aristote, mais renforcée de
l’apport de la foi (qui vante la pauvreté et la charité et condamne l’empire du fort, le prêteur,
sur le faible, l’emprunteur) et de celui du droit romain (dans le cadre duquel le prêt de
monnaie est analysé comme un contrat de cession, un mutuum, n’autorisant pas que puisse
être exigé, au terme de la cession, un loyer sur la chose cédée, un intérêt sur les sommes
accordées au titre du contrat de prêt). Il mène aussi des interrogations sur la notion de « juste
» prix. Là où Platon insistait sur la justice distributive (où l’on se soucie de la justice dans la

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répartition des richesses au sein du corps social), Aristote sur la justice commutative (la
justice étant de s’assurer de la satisfaction commune des deux seules parties de la transaction),
Saint Thomas insiste pour que le « juste » prix résulte d’une estimation « commune », d’un
consensus général, qui ne saurait résulter de la seule satisfaction des participants à une
transaction ponctuelle. Pour qu’un prix soit juste, il faut s’assurer que la transaction ne lèse
personne, à l’échelle individuelle et collective. Seul un jugement moral, en amont de la
transaction proprement dite, est alors à même de déterminer la justice d’un échange. De la
sorte, héritière de la pensée antique, la pensée occidentale ne s’affranchit pas encore de
spéculations morales.

b) Les premiers éléments de « modernité » : le « nominalisme » d’Oresme et


Buridan
En réaction à la pensée thomiste apparut au XIVe siècle un autre courant de la scolastique, le
courant dit « nominaliste ». On y retrouve des considérations sur la monnaie et la valeur. On
trouve en particulier chez (1320-1382, évêque de Lisieux) dans De l’origine, nature et
mutation des monnaies une première réflexion entièrement consacrée à la nature de la
monnaie et du processus de création monétaire. Oresme, comme avant lui Saint Thomas
d’Aquin, réaffirme l’idée que la monnaie est d’abord et avant tout un instrument d’échange
suppléant aux insuffisances du troc. Mais, contre une vision de la monnaie comme chose du
Prince, présente chez les thomistes, Nicolas Oresme soutient que sa valeur a pour origine le
seul consentement des marchands à l’utiliser et qu’en conséquence le Prince, seule source
légitime de création monétaire, doit s’abstenir de la manipuler. En l’espèce, le « politique »
doit donc se soumettre aux exigences de « l’économique » (le bon fonctionnement des
échanges marchands par le maintien et la garantie du poids et de la valeur des monnaies).
Cette réflexion préfigure ce que seront, contre les mercantilistes, les arguments monétaires
des premiers classiques.
Jean Buridan (1300-1358, recteur de l’université de Paris), quant à lui, approfondit surtout la
question de la valeur (Questions sur la Politique d’Aristote ; Questions sur l’Éthique à
Nicomaque d’Aristote). Sa réflexion est notamment connue par la fable de « l’âne de Buridan
» et conduit à émettre l’idée que la valeur des biens puise à deux sources : leur rareté, mais
aussi leur utilité. Cette réflexion, aussi, réapparaîtra, sous une certaine forme, à l’époque
moderne.
Résumé du chapitre

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La pensée antique n’est pas une pensée économique au sens propre, mais elle fait appel, par le
biais de la philosophie, à des concepts économiques intéressants.
Les premières réflexions relatives à la richesse apparaissaient donc dès l’Antiquité, au IVe
siècle avant notre ère. C’est à cette époque qu’on va réfléchir à un meilleur mode de
formation sociale. Les penseurs considèrent en effet que le lien économique se trouve à la
base du lien social. A l’époque antique, on croit à un ordre naturel, sur la base duquel se
fondent des principes moraux. L’économique est donc hors des préoccupations de l'époque
car elle se fonde sur l’égoïsme et donc sur l'amoralité.
Si le terme « économie » vient de Xénophon, élève de Socrate, les réflexions relatives à
l’économie concernent beaucoup d’autres penseurs.

I. PENSÉE GRECQUE
A l’époque où la philosophie est reine, les hommes se posent déjà les questions relatives à
leur existence au sein d’un groupe, et à la nécessité d’accomplir un travail pour subsister. Il
n’y a donc pas d’économistes à cette époque, néanmoins, certains philosophes réfléchissent à
cette question.

a- Platon
Né en 427, mort en 347, Platon a écrit deux ouvrages majeurs que sont La République et Les
Lois, dans lesquels il imagine une cité parfaite qui repose sur le partage des biens («
communisme » de Platon car il n’y pas de propriété privée), la morale et la justice. Cette Cité
est très étudiée : elle doit par exemple se situer loin de la mer, et donc loin de l’étranger car
l'étranger corrompt ; elle repose sur l’éducation, qui doit être parfaite pour que la Cité
perdure. Composée de 5040 citoyens, la Cité est divisée entre les gardiens parfaits (les âmes
d’or, qui gouvernent car ce sont les philosophes), les guerriers (les âmes d’argent), et les âmes
de fer (qui n'agissent que par pulsion). Aussi, Platon rejette la démocratie, qui selon lui se
fonde sur la convoitise, la séduction de ceux qui veulent être élus alors qu’ils ne sont pas aptes
à gouverner.
Dans La République, il imagine une cité parfaite fondée sur la division du travail ; chaque
homme est spécialisé dans une activité. C’est en fonction des aptitudes de chacun que le
système est créé ; les classes inférieures sont ainsi chargées de la vie économique (ce sont
elles qui travaillent), alors que les classes dites supérieures se chargent de la politique. Il
envisage également un communisme intégral, et donc une société sans propriété privée. Il y
existe des communautés de femmes, d’enfants.

13
b- Aristote
Aristote évoque la question économique dans deux de ses écrits : Politique et L’Ethique à
Nicomaque.
Né en 384, mort en 322, Aristote fut l’élève de Platon pendant 20 ans, avant de quitter l’école
pour cause de divergence théorique avec son maître. Aristote, au contraire de Platon, se fonde
sur des faits, des réalités politiques. Il observe et recherche, après lecture des différentes
constitutions existantes, ce que serait la meilleure cité, sans chercher à ce qu’elle soit parfaite.
Il considère l’homme comme un animal politique, un animal social, qui est fait pour vivre en
communauté, et qui, contrairement à l’animal, dispose de la parole dont il doit se servir. Il
écrit Le Politique, L’Ethique à Nicomaque dans lequel il expose sa méthode d’observation des
faits.
Il s’oppose au communisme de Platon, qui selon lui ne permet pas l’ordre au sein de la
société. Au contraire, la propriété privée est pour lui synonyme de paix sociale car les
hommes ne prennent pas soin de ce qui ne leur appartient pas directement. Ainsi, on ne peut
faire reposer une société sur la mise en commun des biens. Aristote opère également une
distinction entre l’économie (qui signifie l’autoconsommation, et donc le travail directement
pour se nourrir) de la chrématistique (l’acquisition de richesses, et donc la consommation), en
se fondant sur le même postulat que Platon : le but même de la vie ne doit pas être
l’accumulation de richesse. Selon Aristote, l’acquisition de richesses « naturelle » (et donc
nécessaires à la vie) permet la satisfaction naturelle et la survie du groupe. En revanche, il
existe une forme dégénérée de la chrématistique, la "chrématistique mercantile" par laquelle
on acquiert des biens à outrance, des biens superflus. On voit ainsi la distinction entre les
biens utiles à la vie, et les biens superflus. L’activité économique doit donc se limiter à la
satisfaction des besoins familiaux, et ne pas rechercher l’enrichissement, sans quoi elle remet
en cause l’ordre naturel.

II. PENSÉE ROMAINE


La période romaine était tournée vers la conquête territoriale, plus que vers les échanges
commerciaux. La pensée économique est donc limitée à cette époque. Néanmoins, on peut
rappeler que cette pensée visait essentiellement à renforcer les institutions dans le but de
développer l’économie.
MOYEN-ÂGE

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Né en 1225, mort en 1274, Saint Thomas d’Aquin est l’un des Pères de l’église chrétienne.
Inspiré par Aristote, Saint Thomas d’Aquin va notamment montrer que la foi et la raison ne
sont pas incompatibles.
Saint Thomas d’Aquin considère, en reprenant la pensée d’Aristote, que la propriété privée
seule permet de mettre de l’ordre car chacun sait ce qu’il doit faire. De même, il condamne
tout autant le prêt à intérêt car l’accumulation des richesses ne doit pas être une fin en soi ; de
plus, il pense que le crédit sert à certaines personnes pour survivre et qu’on ne peut leur
demander plus d’argent alors qu’ils n’en ont pas.
Cependant, à cette époque, le travail et l’activité économique ne sont plus condamnés car la
Terre doit être dominée, et le travail permet cela en agissant dessus.
Saint Thomas d’Aquin considère qu’il est impossible de trouver un semblant de justice dans
ce bas monde. Tout comme Aristote, il condamne l’accumulation des richesses, qui ne doit
pas être une fin en soi. De la même manière, il pense que le prêt à intérêt est inacceptable. En
effet, cela suppose le pouvoir d’un homme sur l’autre, le pauvre. L’argent ne doit donc être
qu’un moyen d’échange et ne doit pas se multiplier par lui-même. "L'argent ne peut pas
engendrer d'argent".
Saint Thomas d’Aquin montre ce que serait le « juste » prix. Celui-ci ne résulte pas d’un
simple consensus entre les parties, mais d’une prise en compte des autres, qui pourraient être
lésés par cette transaction. Il accepte enfin la propriété privée, conscient que cela engendre
des inégalités car elle peut être tempéré par la charité.

CHAPITRE 2 : LES GRANDS COURANTS DE LA PENSÉE ÉCONOMIQUE

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Objectifs pédagogiques du chapitre :
 Savoir les différents courants de pensée économique
 Connaître les principaux auteurs des différents courants de pensée économique
 Être capable d’associer les théories au courant de pensée dont elles font
référence
 Connaître les apports et les limites des courants de pensée économique

I. LES PRÉCURSEURS
Objectifs pédagogiques
 Connaître le mercantilisme et ses principaux auteurs
 Connaître la physiocratie et ses principaux auteurs
« Les courants mercantilistes et physiocrates sont souvent désignés comme étant les
précurseurs de l’économie. En effet, ce sont deux systèmes de pensée qui contiennent les
bases de ce que deviendra la science économique, et, qui prennent en compte des facteurs
économiques dans leur réflexion, comme par exemple la richesse, la satisfaction, la rareté,
l’échange. »

A. Mercantilisme (1450-1750)
1. Qu'est-ce le mercantilisme ?
Le mot "mercantiliste" vient de l'italien "mercante" qui signifie "marchand. Les mercantilistes
n’ont pas une grande place dans la pensée éco, ils ne forment pas une école de pensée au sens
strict. Certains auteurs (A.Smith par exemple) ne parlent que de mercantilisme ou d’écrits
mercantilistes. Cette pensée ne sera reconnue que par certains auteurs tels que K Marx et
Keynes. Keynes les considère comme ses précurseurs. Le mercantilisme n’est pas une école,
mais ce terme a été utilisé pour qualifier le courant économique animant l’Europe des 16 ème
et 17 ème siècles. Alors que l'époque connait les grandes découvertes (Magellan, Colomb), les
échanges s’accentuent entre les pays, et contribuent à créer les premiers Etats modernes. Ces
Etats cherchent à accroître leur pouvoir en faisant venir d'importantes quantités de métaux
précieux ; on pense alors que la puissance d'un pays est fonction de ces stocks. Ses idées de
base sont :
- la puissance du monarque et du pays est fondée sur l’or qu’il possède. L’or est la
seule vraie forme de richesse.
- Le commerce est la meilleure manière d’accumuler de l’or.
- L’état doit jouer un rôle important dans l’économie

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Le mercantilisme (ou pensée mercantiliste) est une doctrine économique des XVIe, XVIIe et
première moitié du XVIIIe siècle qui part du postulat que la puissance d'un Etat est fonction
de ses réserves en métaux précieux (or et argent). Le mot "mercantiliste" vient de l'italien
"mercante" qui signifie "marchand". Cette doctrine économique prône le développement
économique par l'enrichissement des Etats-nations au moyen de l’or d’abord, puis du
commerce, mais aussi de l'industrialisation. Elle marque la fin de la prééminence des
doctrines de l'Église dans l'organisation sociale.
Le mercantilisme repose sur la possession de métaux précieux comme l’or ou l’argent, ce qui
est censé révéler la richesse d’un pays. En effet, à cette époque les monnaies ne circulent
qu’entre les plus fortunés, et les arrivées massives de métaux précieux en provenance du
Nouveau Monde ne font que renforcer cette conviction. C’est une doctrine qui repose sur
l'existence d'un Etat fort. Le bon fonctionnement économique est en effet favorisé par l'essor
des autres secteurs. La puissance d'un Etat est donc fonction de la richesse du prince et des
activités commerciales. Cette politique apparue au XVe siècle a notamment été développée
par Colbert.

2. La puissance étatique
Selon la doctrine mercantiliste, les individus ne sont pas que des êtres économiques, mais des
hommes ayant diverses activités professionnelles que le mercantilisme cherche à regrouper.
Les anciens économistes considéraient que chacun dispose dans chaque profession d’un
intérêt particulier, différent des intérêts de la société. En revanche, la conception mercantiliste
veut que les intérêts particuliers et les intérêts généraux soient intégrés au sein d’une même
entité, pour fonder une grande nation qui n’aurait que des intérêts généraux.
Le but premier du mercantilisme est de renforcer la puissance étatique. On considère que
l’Etat doit conserver ses richesses à l’intérieur du pays. Ainsi, dans un contexte où les
richesses sont échangées aux quatre coins du monde sous l'effet du développement
commercial, les pays doivent conserver leurs richesses en exportant davantage et en limitant
les importations.
Le protectionnisme doit en donc être renforcé : les droits de douanes sont revus à la hausse, et
les importations sont strictement règlementées. A l’inverse, les exportations bénéficient de
subventions qui les favorisent. Il faut également d’un autre côté favoriser la production
interne du pays, par le biais du développement de manufactures, mais aussi par celui des
routes destinées à favoriser les flux intérieurs de marchandises. On construit également des
monopoles de commerce international comme la compagnie des Indes, pour vendre plus cher.

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L’Etat doit également mettre en place des règlements qui protègent les métiers nationaux afin
d’éviter la concurrence extérieure.
3. Le commerce
Pour les mercantilistes, le commerce permet de s'enrichir. Il faut donc favoriser le
développement du commerce extérieur et accroître les exportations. La balance commerciale
doit être excédentaire car elle montre le niveau de richesses du pays (mise en balance des
exportations par rapport aux importations). En effet, si elle était positive, cela signifiait que
beaucoup d’or avait été accumulé.
4. Les différents types de mercantilisme
Les différents pays qui appliquent à cette époque la théorie mercantiliste ne disposent pas des
mêmes résultats. En effet, tous n’ont pas la même vision de l'accumulation de richesses.
On peut considérer qu’il existe trois types de mercantilisme :
a- Le mercantilisme bullioniste
Cette doctrine repose sur le seul intérêt porté pour les métaux précieux. C'est ce qu'Espagnols
et Portugais appliquent dans leur pays en considérant que la valorisation de l’Etat repose sur
l'accès à ces métaux ; la véritable source de la richesse est l'or et l'argent. Il faut donc
augmenter au maximum les stocks de métaux et empêcher toute sortie de capitaux hors du
royaume. Malheureusement, cette pratique ne s’avèrera pas concluante puisque ces deux pays
se trouveront rapidement en déclin.
Les aspects économiques de la conquête et de la colonisation de l’Amérique du sud par
l’Espagne fournissent un bon exemple d’application des doctrines mercantilistes. L’avidité
avec laquelle ils exploitèrent les mines d’or et d’argent des Aztèques et des Incas est
demeurée célèbre. Par la suite, pour exploiter les terres, ils réduisirent en esclavage les
populations indiennes, rapidement décimées par les virus importés d’Espagne et la pénibilité
du travail. Afin de protéger leurs intérêts économiques et protéger leur monopole commercial
sur l’Amérique du sud, les Espagnols mirent en śuvre les moyens mercantilistes suivants :

o Interdiction aux navires étrangers d’entrer dans les ports espagnols et, plus
généralement, interdiction aux commerçants étrangers d’exporter vers l’Amérique du
sud.
o Instauration d’une « division du travail » entre l’Espagne et les colonies d’Amérique
du sud, au profit de la métropole. La production de certains biens était interdite dans
les colonies, afin de permettre à la métropole de les exporter.

18
o Pour mieux contrôler les flux commerciaux, ceux-ci devaient passer par un seul port :
celui de Séville jusqu’en 1720 ; puis celui de Cadix. Ce n’est qu’à partir de 1765 que
le commerce international pu être étendu aux autres ports espagnols
b- Le mercantilisme britannique
Le mercantilisme anglais (dont les principaux penseurs sont Thomas Mun et William Petty)
est commercial. Un système de contrats obligeait les exportateurs à se faire payer en or,
rapatrié en Angleterre. Les importateurs étaient obligés d’utiliser leurs gains pour acheter des
produits anglais. L’état veille à ce que la balance commerciale soit excédentaire par un
système de lourde taxation des importations.
Puisque l’Angleterre est une île, elle a mis en avant ses principaux atouts en misant sur le
commerce maritime. En créant un monopole dans ce secteur, le pays peut contrôler facilement
le commerce extérieur et devenir le principal intermédiaire des transactions commerciales.
Mais ce courant de pensée se rapproche davantage du libéralisme car il convenait de laisser
une grande liberté au commerce et de mettre en place un système de libre-échange pour le
favoriser. Les chefs de fils principaux de ce courant sont David Hume ou encore John Locke.
c- Le mercantilisme français
Il s'agit d'enrichir l'État par développement industriel que commercial et non au détriment des
intérêts des agents économiques. L’État doit donner l’impulsion en créant de grandes
activités, « les manufactures ». Ce mercantilisme est davantage un interventionnisme de l’État
dans la vie économique, un volontarisme industriel, qu’un protectionnisme. Il s’appuie sur
une conception de la richesse qui ne se réduit pas au métal précieux
Les atouts de la France sont : sa population et son territoire. La richesse du pays ne peut
qu'être issue de ces deux atouts. La France mise donc sur l’agriculture, et sur le
développement industriel et artisanal. Pour cela, l’Etat doit intervenir dans l'économie : des
réglementations douanières doivent être instaurées et des aides doivent être octroyées aux
entreprises privées pour accroître leur stock d’or car le but est de bénéficier d'excédents
commerciaux. Les chefs de fils de ce mouvement sont Colbert, Bodin ou encore
Montchrestien.

 L'intérêt qu’on peut tirer de la pensée mercantiliste


En fait plusieurs enseignements peuvent être tirés de l’étude de la pensée mercantiliste:
Savoir comment la pensée économique s’est constituée historiquement. Evaluer le rôle du

19
Tiers Monde (périphérie) dans le développement de l’occident (centre) et surtout pourquoi
certains pays se sont développés alors que d’autres non, Comprendre certains aspects du
fonctionnement du capitalisme contemporain qui demeurent largement mercantilistes : rapport
aux ressources naturelles et comportement des FMN.
 Apport et limites de la pensée mercantiliste
Pour comprendre la pensée mercantiliste, il faut la replacer dans son contexte historique
avant de s’interroger sur son apport et sa pertinence st d’enrichir la nation.
 Fondements et formes de la pensée mercantiliste
Fonds commun des mercantilistes
La problématique commune aux mercantilistes : Comment enrichir la nation désignée par
l’Etat ? Pour eux, le but de l’économie politique est d’enrichir la nation. Il s’agit donc d'une
analyse essentiellement normative : les mercantilistes se sont fixés un objectif et préconisent
des moyens pour y parvenir. Ce sont par nature des interventionnistes
 Les principales idées mercantilistes
Les principales idées mercantilistes
L’économie fonctionne comme un jeu à somme nulle (stock de ressources limité, intérêts des
nations sont antagoniques, un pays ne peut s’enrichir qu’au détriment d’un autre); Le
mercantilisme, en conséquence, aura tendance à dresser les pays les uns contre les autres.
Balance commerciale excédentaire: Pour se procurer de l’or et de l’argent, un pays doit
avoir une balance commerciale favorable ou excédentaire (X supérieures aux M)
Le protectionnisme: Pour favoriser la réalisation d’une balance commerciale excédentaire et
développer l’activité manufacturière, ils préconisaient l’élévation des droits de douane pour
taxer l’importation des produits finis, interdisaient l’exportation des matières premières
nécessaires à l’industrie nationale et encourageaient l’exportation des produits manufacturés
ainsi que l’importation des matières premières et du blé une fois la production nationale est
insuffisante
Termes de l’échange favorables: prix des exportations doivent être supérieurs aux prix des
importations (commerce colonial).
Croissance démographique, bas salaires et armée: Les mercantilistes sont populationnistes,
c'est-à-dire favorables à l'augmentation de la population dans un pays.
L’abondance de la main-d'śuvre (bas salaires) favorise le développement de l'industrie et du
commerce, notamment des exportations. Par conséquent les industriels et les marchands
s'enrichissent. Cela permet aussi de lever des armées puissantes, ce qui bénéficie à l'Etat

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L’interventionnisme et le nationalisme économiques (Etat doit être fort et capable de
défendre les intérêts de la nation).
Division du travail entre la métropole et les colonies (fournitures de matières premières et
débouchés pour les biens d’équipements) Pour eux, les bas salaires ne sont pas seulement un
moyen de réduire les coûts de production et d’augmenter les profits des manufactures mais
également le moyen d’obliger les gens à l’abondance de la monnaie pour faciliter les
échanges et le financement des manufacturiers. Le taux d’intérêt ne peut être bas que si l’offre
de monnaie s’y prête. La monnaie est jusqu’ici assimilée au capital. Ce n’est que plus tard
qu’on parle de la monnaie fiduciaire.

Conclusion sur le mercantilisme


Avant sa réhabilitation par Keynes, le mercantilisme a fait l’objet de plusieurs critiques. Mais
pour comprendre la pensée mercantiliste, il faut la replacer dans son cadre historique. Le
mercantilisme peut être considéré comme la première ébauche d’une science économique.
Cette pensée a contribué à l’autonomie de l’économie des autres disciplines notamment la
philosophie et la religion, etc. Elle nous permet de comprendre comment les pays d’Europe
occidentale ont pu s’enrichir et comment ils ont structuré les autres pays notamment sous-
développés en fonction de leurs besoins. Elle nous enseigne également que le sous-
développement des pays du Tiers Monde est le résultat de leur subordination aux pays
développés et que leur développement passe nécessairement par le refus de cette soumission.
La pensée mercantiliste est encore actuelle dans la mesure où elle peut nous aider à
comprendre certains aspects du fonctionnement du capitalisme actuel comme le cas de la lutte
acharnée des différentes puissances mondiales sur le contrôle des ressources naturelles,
comportement agressif des firmes multinationales, division internationale du travail quasi
coloniale, etc. Certains parlent du néo-mercantilisme. Ainsi, la pensée mercantiliste mérite
d’avoir une place importante dans la pensée économique

B. Physiocratie
A la différence des mercantilistes, la pensée physiocrate s’est développée sur une courte
période (1756-1776) et uniquement dans l’espace français. C’est une véritable école avec un
maître (F. Quesnay) et des disciples.
Contrairement aux mercantilistes, la pensée physiocrate occupe une place importante dans la
pensée économique. La pensée physiocrate, à travers le tableau économique de F.Quesnay a
exercé une grande influence sur beaucoup d’économistes. Cette pensée a contribué à la
formation de la comptabilité nationale et de la macro-économie.
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L’étude des physiocrates présente un intérêt particulier non seulement par l’importance de sa
contribution dans la formation de la pensée économique, mais aussi et surtout par l’actualité
de certains de ses enseignements. Elle peut aider à comprendre certains problèmes de
l’économie moderne tels que les famines et la dégradation de l’environnement.
La physiocratie est un courant de pensée essentiel apparu au XVIIIe siècle, en réaction contre
le colbertisme français, qui avait paralysé l’économie. En préconisant la liberté, et le laissez-
faire des hommes, les physiocrates vont s’imposer comme précurseurs de la pensée libérale
classique future. Première école d’économiste, la physiocratie s’imposa donc jusqu’à l’arrivée
d’Adam Smith et des nouvelles idées libérales.
1. Qu'est-ce qu'est la physiocratie ?
La physiocratie repose sur un certain nombre de préceptes.
Les physiocrates préconisent le laisser-faire, et donc la liberté du commerce. Turgot préconise
par exemple la liberté du commerce intérieur et extérieur ainsi que la suppression des
corporations interdisant la liberté du travail. Pour les physiocrates, toute l'économie doit être
libérée des entraves institutionnelles. Pour eux, il existe un ordre naturel des choses reposant
sur la liberté, qui ne peut être remis en question par l'intervention de l'Etat.
Les physiocrates divisent la société en classes sociales et en différents secteurs car la
conception rationnelle des physiocrates se fonde sur la société agricole, caractéristique de la
France de l’époque.
Une distinction est tout d’abord opérée entre l’agriculture, source de richesse, et l’industrie,
considérée stérile. L'industrie est stérile car elle ne fait que transformer ce qui est produit par
l’agriculture. Ainsi, pour les physiocrates, seule l’agriculture permet de dégager un produit
net, un surplus qui permettrait un progrès économique ; il s’agit donc du moyen privilégié
pour dégager davantage de richesses.
Quesnay étudie la production et les relations économiques pour décrire ces mouvements de
création de richesse. Il crée le « tableau économique » pour décrire la circulation des richesses
entre les différentes classes de la société. Ce tableau distingue trois classes : la classe des
propriétaires, la classe productive et la classe stérile. Puisque seul le travail agricole apporte la
richesse, seuls les travailleurs de la terre sont une classe productive (et donc les paysans). La
classe composée des artisans et des commerçants est stérile. Il décompose donc la société
économique en 3 classes :
o Les agriculteurs (paysans et fermier)
o Propriétaires fonciers

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o La classe stérile (artisans, commerçants), qui ne participe pas à la création de richesses
La théorie de Quesnay se fonde en effet sur la production et sa répartition. Les propriétaires
donnent en amont des avances pour que les acteurs de la classe productive puissent travailler
(mise en place des outils nécessaires, etc.). L’argent dégagé par la production reviendra
ensuite sous forme de rente à ceux qui avait consenti l’avance ; les propriétaires seront donc
nourris par la classe productive. Ce circuit économique doit être toujours respecté pour que
l'économie fonctionne. Pour les physiocrates, il s’agit d’un ordre économique naturel, auquel
le Prince doit se soumettre. La pensée de Quesnay est axée sur deux idées fondamentales :
- le produit net. La société se divise en trois groupes. La classe productive, composée
exclusivement des cultivateurs ; la classe des propriétaires, et une classe stérile composée
d’industriels, commerçants, professions libérales. Seuls les cultivateurs sont producteurs de
richesse sous forme de produit net. Le produit net (ancêtre de notre PNB) est la différence
entre les richesses récoltées et les richesses dépensées pour les obtenir. Seule l’agriculture est
créatrice de richesse. Le reste de l’économie vit de la circulation de ce produit net mais ne
contribue pas à sa création. L’état ne devrait percevoir qu’un impôt unique basé sur le Produit
Net.
- L’ordre naturel. La divine providence a établi pour l’homme un ordre naturel auquel il
suffit de se conformer pour être heureux sur terre. « Le maintien de la propriété et de la liberté
fait régner l’ordre le plus parfait sans le secours d’aucune autre loi ».
Propriété, liberté ; l’économie comme un circuit : on comprend de quoi les physiocrates,
malgré leurs erreurs évidentes, sont les précurseurs. Mais on leur doit plus que cela : ce sont
eux qui ont lancé une des formules (et une des idées) les plus marquantes de l’histoire
économique

2. Les lois économiques


En référence au droit naturel, les physiocrates estiment qu’il existe des lois économiques, qui
ne dépendent pas des circonstances ou du gouvernement. La liberté économique est favorable
aux individus, qui sont plus libres, mais aussi à l’intérêt général dans son ensemble. L’ordre
économique est en effet considéré comme l’ordre naturel des sociétés ; la société ne reposerait
donc pas sur un ordre moral ou religieux, contrairement à ce que l'on affirmait à l'époque.
Ces lois gouvernent les relations entre les individus. L’économie prime donc sur le politique,
qui doit s’y soumettre.
Agriculture : source de richesse

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A la différence des premiers, la richesse d’une nation ne dépend pas de la quantité des métaux
précieux dont elle dispose, mais des biens matériels nécessaires à la satisfaction des besoins
de première nécessité de la nation. L’argent n’est qu’un simple intermédiaire d’échange. Pour
les physiocrates, La terre est donc la seule source de richesse. Par son travail, l’homme ne
fait que solliciter la générosité de la terre. L’industrie ne fait que transformer les richesses
existantes et le commerce les transmet.
Pour eux les vraies richesses doivent remplir trois conditions:
Renouvelables : c’est-à-dire qu’on peut consommer sans altérer le principe de leur
reproduction. Les ressources naturelles non renouvelables ne sont donc pas des richesses
pour les physiocrates.
Vendables: échangeables
Nécessaires à la satisfaction des besoins de l’homme

L’agriculture crée les richesses car elle produit un excédent appelé produit net (la
différence entre richesse produite et richesse consommée est toujours positive : (1 quintal de
semences pourrait donner la production de 100 quintaux).
Structures sociales est liée à la structure économique
Les classes de la société autres que la classe agricole sont des classes stériles. Ils distinguent
trois classes d’importance variable :
La classe souveraine des propriétaires fonciers: Les propriétaires fonciers ne participent pas
directement à la production, c.-à-d. ne créent pas la richesse, mais ils jouent un rôle
fondamental en assurant les avances foncières. Ils vivent des rentes que leurs versent les
fermiers.
La classe productive des fermiers: c’est elle qui crée la richesse en exploitant la terre
La classe stérile: Elle comprend toutes les personnes ayant une activité autre que
l’agriculture. Elles sont qualifiées de stériles, car elles ne participent pas à la création de la
richesse, elles ne font que transformer les produits que leurs fournissent les agriculteurs.

3. Qui sont les physiocrates ?


François Quesnay fonde ce courant de pensée. Il va être rejoint par un certain nombre de
personnalités comme Mirabeau, premier converti à la doctrine, de Baudeau et de Dupont de
Nemours (qui invente le terme de physiocratie). Mais on peut citer d’autres précurseurs du
courant : Vincent de Gournay, Richard Cantillon ou encore Anne Robert Jacques Turgot.
La politique économique

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La pensée physiocrate cherche à découvrir les moyens qui permettent à la société de se
conformer à l’ordre naturel, condition nécessaire à prospérer. Comme toute pensée
économique normative, la pensée physiocrate débouche sur une politique économique
articulée autour de trois axes :
- Une politique libérale qui favorise l’échange
- Une politique de modernisation de l’agriculture
- Une politique fiscale qui n’affecte pas les conditions de reproduction

Une politique libérale qui favorise l'échange


A la différence des mercantilistes, les physiocrates recommandent le libéralisme. Ils sont pour
le laisser faire et laisser aller. Ils recommandent la concurrence et insistent par conséquent sur
la suppression des privilèges de monopole, de droits de douane et de toute mesure qui gêne la
libre circulation des marchandises. Ils développent des moyens et des infrastructures de
communication (routes, canaux, flotte,...).

Pourquoi cette politique libérale ? Quelle est sa justification ?


Cette liberté des échanges se justifie parce qu’elle favorise la production des richesses. En
effet, sur un marché plus vaste (mondial), le prix des produits agricoles est élevé, stable et non
fluctuant. Ce bon prix favorise la production des richesses parce que la hausse des prix des
produits agricoles accroit le produit net.

Une politique de modernisation de l'agriculture


Etant la seule activité qui produit des richesses, l’agriculture doit être l’objectif de la
politique économique. Celle-ci doit viser à la moderniser et doit veiller à ce que l’affectation
des dépenses des propriétaires fonciers et de l’Etat favorise le secteur :
-Modernisation de l’agriculture signifie la substitution du fermage au métayage, des grandes
exploitations aux petites exploitations familiales et l’utilisation des techniques modernes et le
salariat à la place des pratiques traditionnelles
-l’affectation des dépenses des propriétaires fonciers et de l’Etat doit favoriser la classe
productive et par conséquent les conditions de reproduction car toute augmentation de
dépenses au profit de la classe productive, est considérée comme additionnelle aux avances de
la classe productive, et par conséquent un accroissement de la production de richesses et
partant, une amélioration du niveau de vie. Par contre, tout excès de dépenses au profit de la
classe stérile risque de réduire le montant des avances de la classe productive et partant, le
montant du produit global. L’idée essentielle qu’il faudrait retenir à ce niveau et qui est
25
toujours actuelle, c’est que pour les physiocrates le niveau de vie est articulé aux conditions
de reproduction de la richesse

Une politique fiscale n'affecte pas les conditions de reproduction


Pour les physiocrates, le système d’imposition est le premier facteur qui affecte négativement
la production. A l’époque, la perception de l’impôt se faisait d’une manière indirecte par le
biais du fermage (location du prélèvement à des financiers qui versaient par avance des
sommes à l’Etat et se chargeaient de se faire rembourser auprès des populations avec des
gains considérables). Pour que l’imposition n’altère pas la production des richesses, les
physiocrates proposent un impôt unique, direct et assis sur le produit net. Pour eux, toute autre
forme d’impôt est susceptible de réduire le volume du produit net.

Conclusion sur la physiocratie


Les physiocrates ont contribué à la formation de la science économique. Ils ont découvert la
notion de produit net et révélé le caractère stratégique de sa reproduction. Ils ont analysé et
souligné le rôle primordial du capital dans la production des richesses et ont montré
l’interdépendance entre les différents secteurs économiques. Ces différents points seront
développés par des auteurs ultérieurs. Mais la pensée physiocrate n’échappe pas aux erreurs
dont le principal est la productivité exclusive de l’agriculture et la stérilité des autres secteurs

II. PENSÉE CLASSIQUE


Le qualificatif d’école classique regroupe un certain nombre d’économistes favorables au
libéralisme économique. Cette économie politique classique est représentée par les plus
célèbres des économistes : Adam SMITH (1723-1790) et la fameuse "main invisible" et
l'analyse de la division du travail, David RICARDO (1772-1823) et la rente foncière ainsi que
de la loi des coûts comparés, Thomas MALTHUS (1766-1834) et la loi de la population,
Jean-Baptiste SAY (1767-1832) et la loi des débouchés.
Dans un contexte de révolution industrielle, les auteurs classiques analysent les phénomènes
économiques et recherchent les lois universelles de l'économie. ... Leurs préoccupations sont
notamment la nature de la richesse, sa création et sa répartition, la monnaie, la valeur, les prix
et la croissance. Les penseurs classiques cherchent à créer une société en harmonie avec
l'ordre naturel, qui repose sur l'initiative individuelle et la régulation naturelle par le marché.
Les économistes "classiques" sont souvent tenus pour les véritables fondateurs de la science
économique, en raison de leur recherche de "lois naturelles" gouvernant le fonctionnement de
l'économie capitaliste.
26
A. Quel est le contexte de cette pensée ?
La première révolution industrielle a révolutionné l'économie et la société, sous l'influence du
progrès technique. L’usage de la machine à vapeur s'est généralisé et a permis d'accroître
considérablement les échanges commerciaux. L'ampleur des flux a contraint les Etats à
s'orienter vers une nouvelle façon de régir leur économie. Ils ont ainsi substitué les théories
libérales aux conceptions mercantilistes. Il fallait en effet passer d’une économie repliée sur
elle-même à un capitalisme libéral, dans lequel toute forme de réglementation des échanges
serait limité.

1. Qu’est-ce que la pensée classique ?


La théorie classique est rassemblée autour de concepts centraux. Pour certains, l’école
classique se singularise par son concept de surplus (produire davantage que nécessaire) ; pour
d’autres, c’est le concept de valeur travail qui les unis. Pour mieux comprendre ces
divergences de point de vue, il convient d’étudier plus précisément la pensée classique.
2. La monnaie
Les classiques considèrent que la richesse repose sur les « choses nécessaires à la vie », selon
la formule de Smith. La monnaie n’est donc qu’un moyen d’échange, elle est neutre. On ne
peut donc pas mesurer la réalité des phénomènes économiques en observant la monnaie : les
choses ne sont visibles qu’une fois que le voile de la monnaie a été soulevé. Pour les
classiques, il existerait donc une séparation entre la sphère réelle et la sphère monétaire. Jean
Bodin montre ainsi que la monnaie ne peut modifier que l’apparence nominale des prix, non
la réalité de l’activité économique (théorie quantitative de la monnaie).

3. Théorie de la valeur travail


Pour que des biens soient échangés, il est nécessaire de se fonder sur un élément commun qui
permet de donner une valeur à cet échange, et donc aux biens. Pour y parvenir, les penseurs
classiques soulignent que les biens ont deux valeurs :
o Valeur d’échange
o Valeur d’usage
On a longtemps voulu relier ces deux valeurs, et ainsi faire reposer la capacité d’échanger les
biens sur leur utilité (valeur d’usage). Mais pour Adam Smith, les types de valeur sont
différents car l’eau a par exemple une forte valeur d’usage (elle est très utile), mais une faible
valeur d’échange (on l’échange contre quasiment rien). En revanche, le diamant a une forte
valeur d’échange, mais une faible valeur d’usage.

27
Mais tous les biens sont issus d’un travail. Le travail est donc à la base de toute richesse. On
considère donc que si le travail a été important pour la conception du bien, celui-ci aura une
valeur d’échange élevée ; la valeur d’usage, elle, reste inchangée.
Adam Smith met en avant le rôle de la concurrence dans la fixation des prix. Il prend
l’exemple d’un troc entre des draps et du vin. Le marchand peut augmenter le prix des draps
pour obtenir un surprofit (prix du drap = coût de production + marge) ; les autres producteurs,
le voyant gagner davantage, font faire de même, ce qui va conduire le premier marchand à
diminuer ses prix pour attirer les clients. Ce phénomène fait tendre à un retour aux prix
naturels.

4. Réflexion sur la richesse


Les classiques s’opposent aux mercantilistes en considérant que la richesse n’est pas
monétaire, mais réelle. C’est donc le travail, qui en produisant des biens, fournit de la
richesse. La productivité est donc essentielle ; un travail improductif produira moins de
richesses.
Pour accroître la productivité, Adam Smith montre l'importance de la spécialisation : il est
préférable de se spécialiser dans un domaine pour améliorer sa productivité. Pour expliquer sa
théorie, il prend l’exemple d’un fabricant d’épingle ; s’il la fabrique seul, il mettra beaucoup
plus de temps que si ce travail est réparti entre plusieurs ouvriers affectés à une tâche précise.
La spécialisation accroît donc la productivité.

Les points fondamentaux qui caractérisent ces auteurs classiques sont:

-Liberté des individus (liberté d'entreprendre, liberté de contracter, liberté de travailler de


consommer épargner etc.).
-La propriété privée
-L’individualisme et l’égoïsme, les agents économiques recherchent leur intérêt personnel ‘ le
consommateur cherche à maximiser sa satisfaction et le producteur maximiser son profit.
-La concurrence est à la base du fonctionnement efficace des économies. Grâce à la
concurrence entre les intérêts individuels les prix sont compétitifs, selon le principe de l’offre
et la demande.
-Non intervention de l'État dans la vie économique. (L’Etat gendarme: doit veiller à la
sauvegarde de la propriété privée et la liberté des individus et la concurrence respect des lois
du marché),

28
-Equilibre est automatique et naturel: Marché comme régulateur de l'économie, (main
invisible qui guide les agents à prendre des décisions conforme au marché.

 Adam Smith
La main invisible : premier concept que l'on doit à Adam SMITH
La main invisible est un mécanisme social grâce auquel les intérêts individuels sont guidés
dans la direction la plus favorable aux intérêts de la société tout entière (intérêt général).
C'est le célèbre exemple du boucher et du boulanger qui poursuivent chacun leurs intérêts
individuels, mais qui sont utiles à la société toute entière.
Grâce à la concurrence entre les intérêts individuels les prix sont compétitifs
« Ce n'est pas de la bienveillance du boucher, du marchand de bière ou du boulanger, que
nous attendons notre dîner, mais bien du soin qu'ils apportent à leurs intérêts. Nous ne nous
adressons pas à leur humanité, mais à leur égoïsme ; et ce n'est jamais de nos besoins que
nous leur parlons, c'est toujours de leur avantage. »
Fondements et causes de la richesse
A Smith rejette les thèses mercantilistes qui considèrent que la richesse consiste dans
l’accumulation des métaux précieux. Il s’oppose également aux physiocrates sur la notion de
productivité exclusive de l’agriculture.
Nature et origine de la richesse
Pour lui la richesse est l’ensemble des biens matériels et nécessaires à la vie humaine.
Le travail est source de la richesse, Cependant il ne s’agit pas de n’importe quel travail (Le
travail productif) : « la totalité du produit annuel, à l'exception des productions spontanées de
la terre, étant le fruit du travail productif. »
Travail productif et travail improductif
Le travail productif se fixe sur les biens matériels
Le travail improductif périt immédiatement sans laisser de traces, exp (le travail
domestique), « Il y a une sorte de travail qui ajoute à la valeur de l'objet sur lequel il s'exerce;
il y en a un autre qui n'a pas le même effet. Le premier, produisant une valeur, peut être
appelé travail productif, le dernier, travail non productif. » Le salaire versé sur un travail
productif est une avance et pas une dépense, car il sera récupéré, avec du profit, sur la vente
du produit fabriqué. Par contre le salaire versé pour le travail d’un domestique est une
dépense définitive Il veut montrer ici que l’aristocratie limite la richesse des nations alors que
le capitalisme est productif. « Un particulier s'enrichit à employer une multitude d'ouvriers
fabricants; il s'appauvrit à entretenir une multitude de domestiques. »
29
Les facteurs d’accroissement de la richesse
Pour lui, le travail productif est le facteur essentiel qu’il faut utiliser avec efficience pour
développer la richesse. C’est l’objet de la division du travail.

 La division du travail et ses limites


A Smith distingue la spécialisation par métiers de la division du travail qui fractionne le
métier lui-même en plusieurs tâches. Pour lui la division du travail est un moyen d’accroitre
l’efficacité du travail productif. Ce qu’il a expliqué à partir de la manufacture des épingles: un
homme seul face aux différentes tâches à accomplir arrive difficilement à produire une seule
épingle par jour, alors que dix travailleurs se partageant les tâches obtiennent 48.000 épingles
dans la journée Cette augmentation considérable de la production est due, selon A.Smith à
trois facteurs:
1. Le développement de l’habilité des travailleurs spécialisés dans une tâche
2. L’économie du temps réalisée, car l’ouvrier ne passe pas d’un travail à un autre
3. L’augmentation de la propension à innover, car en faisant la même tâche, l’ouvrier
la comprend bien et il est en mesure de l’améliorer et delà faire des inventions
La division du travail accroît la productivité, mais elle présente quelques problèmes, comme:
la grande spécialisation des ouvriers, la monotonie du travail et l’abrutissement de l’homme

La théorie de la valeur travail


L’une des préoccupations d’A.Smith est de déterminer la loi qui explique le phénomène des
prix. Pour lui, toutes les marchandises sont le fruit du travail humain. Ce dernier peut donc
constituer le fondement de leur valeur. Il distingue deux types de valeur: valeur d’usage et
valeur d’échange.

VU et VE
La valeur d’usage : l’utilité d’un objet
La valeur d’échange: faculté que donne la possession d’un objet d’en acheter d’autres (c a d,
sa capacité à s’échanger contre d’autres produits). Dans l’esprit d’A. Smith il n’y a aucune
relation entre VU et VE (paradoxe de la valeur). Exemple de l’eau et du diamant : Rien n'est
plus utile que l'eau; mais on ne peut presque rien acheter avec... Au contraire un diamant n'a
presque pas de valeur d'usage, mais on peut obtenir en échange une très grande quantité de

30
biens.» .Dans la mesure où il analyse la société marchande, Smith ne va s’intéresser qu’à la
valeur d’échange qui correspond à la mesure des marchandises produites et échangées. Le
problème principal pour lui fut donc celui de la valeur d'échange: de quoi dépendrait celle-ci
sur les marchés?

La mesure de la valeur d’échange et la notion de travail commandé


Pour lui toutes les marchandises sont le fruit du travail humain. Ce dernier peut donc
constituer le fondement de leur valeur, Dans une société où la division du travail est
développée, la satisfaction des besoins de l’individu dépend du travail d’autrui. Ainsi, le degré
de richesse ou de pauvreté de chacun dépend de sa capacité à se procurer le fruit du travail
d’autrui, Ainsi, la valeur d’une denrée quelconque pour celui qui la possède et qui n’entend
pas en user ou la consommer lui-même, mais qui a l’intention de l’échanger pour autre
chose, est égale à la quantité de travail que cette denrée permet d’acheter ou de commander ;

Les éléments constitutifs de la valeur


Bien que le travail soit le meilleur étalon de la valeur, cela n’implique pas qu’il est le seul
élément constitutif de la valeur. Cela ne serait le cas que dans une société primitive, où la terre
ne ferait pas l’objet d’une appropriation et où les capitaux ne seraient pas utilisés
Dans une société avancée où le travail est assisté par le capital, le fournisseur de ce dernier a
droit à un profit en compensation du risque encouru. De même là où le sol est approprié, les
propriétaires fonciers prélèvent une partie du produit du travail appliqué à la terre. Smith fait
donc référence à trois facteurs de production auxquels correspondent trois catégories de
revenu: salaire, profit et rente. La valeur réelle de la marchandise est équivalente à la
rémunération des trois facteurs.

B. Libéralisme économique
L'Europe connaît de grands changements au 18e siècle. Les avancées économiques, politiques
et sociales modifient les besoins. Les anciennes théories mercantilistes ne sont plus
convaincantes et beaucoup se tournent vers de nouvelles idées. Les fortes contraintes qui
pèsent sur la liberté d’entreprise individuelle commencent à paralyser l'économie ; la
conception libérale propose au contraire de fonder l'économie sur la liberté individuelle. En

31
faisant reposer le système économique sur l’individualisme et la liberté, le libéralisme
économique est progressivement parvenu à s'imposer.
1. Qu’est-ce que le libéralisme économique ?
Le libéralisme économique repose sur une conception simple : lorsque chaque individu śuvre
dans son propre intérêt, la somme de ces actions concourt à l’intérêt général. C’est donc la
poursuite des intérêts égoïstes qui permet le bon fonctionnement général de l'économie :
l’ordre naturel est donc économique car les liens sociaux permettent la régulation automatique
de l’activité économique. Pour assurer la liberté des actions individuelles, les libéraux
cherchent donc à favoriser la défense des libertés économiques, comme des libertés
fondamentales. Le libéralisme économique s'est donc attaché à libéraliser le marché, et à offrir
d’importantes libertés aux individus afin de favoriser la libre entreprise.

2. En quoi consiste le libéralisme économique ?


Adam Smith explique la façon dont les actions individuelles influent sur l'intérêt collectif par
sa théorie de la « main invisible ». Contrairement au système mercantiliste, l’individu ne
poursuit pas un but d’intérêt général lorsqu'il agit ; dans ses actes, l'individu agit librement,
dans son propre intérêt. En agissant ainsi, il concourt pourtant à satisfaire l'intérêt collectif.
Les intérêts personnels se confondent avec les intérêts de la société, et se complètent les uns
les autres (entre les différentes professions). C’est donc à travers les échanges que l’économie
générale fonctionne, grâce à une « main invisible », qui assure de manière abstraite les flux
entre l’offre et la demande.
Pour garantir le bon fonctionnement de la main invisible, Smith préconise l'intervention
limitée de l'Etat dans l'économie. L'Etat doit cependant conserver ses attributions, notamment
en matière d'éducation. D'autres économistes libéraux vont plus loin encore : Locke et Hume
n’envisagent aucune intervention de l’Etat dans les affaires économiques.
La doctrine libérale prône donc l’existence d’un Etat minimal. Ainsi Ricardo réfute toute
intervention étatique, même dans le secteur social. Les économistes français souhaitent
instaurer un Etat libéral et une économie de marché, projet alors considéré utopique.

Prix naturel et prix du marché


En plus du prix réel et prix nominal, A Smith distingue prix naturel et prix du marché
Le prix du marché correspond au prix courant tel qu’il est établi par la loi de l’offre et de la
demande, Le prix naturel correspond au coût de production, c a d un prix qui ne serait
déterminé que par l’offre et autour duquel gravite le prix du marché. Le prix naturel
correspond aux niveaux normaux de salaire, de profit et de rente, Quant au prix de marché,
32
c'est-à-dire au prix courant, il peut être, au-dessus, ou au-dessous ou précisément au niveau du
prix naturel». Mais la différence entre prix de marché et prix naturel paraissait à Smith ne
pouvoir être que temporaire. « Le prix naturel est donc pour ainsi dire le point central vers
lequel gravitent continuellement les prix. »

La théorie de répartition
Une fois que la richesse est produite et évaluée, elle doit être répartie. Smith reconnait que
dans les sociétés évoluées, le travail n’est pas la seule source de valeur, il se combine avec le
capital et la terre. Chaque facteur reçoit une rémunération pour sa contribution à la valeur:
salaire, profit et rente.
Le salaire du travail est déterminé à court terme par la loi de l’offre et de la demande, mais à
long terme, il s’établit au minimum vital ou de subsistance (rapport de force est en faveur des
entrepreneurs).
Le profit du capital est conçu comme la rémunération du capital. C’est un prélèvement sur le
produit du travail ;
La rente de la terre est présentée également comme un prélèvement sur le produit du travail.
Elle résulte du monopole de la terre, Mais sa valeur n’est pas déterminée par le prix des
marchandises. La rente est le prix payé pour l’usage de la terre. Son prix dépend donc de la
demande de la terre. En fait, toute la construction de Smith est de justifier un salaire de
subsistance et la nécessité de fournir une rente aux propriétaires fonciers.

Le commerce extérieur
A Smith condamne le mercantilisme et les différents monopoles et restrictions douanières
dont il s’accompagne. Pour lui le commerce extérieur est avantageux car il permet d’obtenir
des marchandises qui satisfont mieux les besoins en échange de marchandises pour lesquelles
la demande intérieure est faible. Plus précisément, le commerce extérieur contribue au
développement de la richesse de la nation en accroissant le travail productif et en améliorant
sa productivité:
 Accroissement du travail productif
Le commerce extérieur accroit le travail productif en permettant une utilisation efficiente des
ressources de l’ensemble de la nation et une valorisation des excédents de chaque nation
(offre des débouchés à des productions excédentaires).

 Développement de la puissance productive


33
Le commerce extérieur permet d’élargir le marché et delà favorise l’augmentation de la
production et l’amélioration de la productivité, Le commerce extérieur pallie donc à
l’étroitesse du marché intérieur. Il est donc un facteur de développement à partir du moment
où les échanges se font conformément aux avantages absolus.

La spécialisation selon les avantages absolus


Si un pays étranger peut nous fournir une marchandise à un prix inférieur à notre coût de
production, il vaut mieux l’acheter de ce pays. L’exemple classique suivant permet d’illustrer
comment la spécialisation internationale suivant l’avantage absolu, engendre une plus grande
efficience dans l’emploi des ressources économiques.

Limites de la théorie des avantages absolus


Superficielle et aléatoire
Aléatoire car il est possible que deux pays soient à des niveaux de développement inégaux ;
l’un absolument avantagé et l’autre absolument désavantagé. Cela suppose une autarcie car le
pays avantagé ne peut rien acheter pour compenser ses exportations et le pays désavantagé ne
peut rien exporté pour payer ses importations, A.Smith ne prend pas en considération la
notion de l’Etat nation. Il raisonne dans le cas de deux pays comme s’il s’agit de deux régions
d’un même pays. Superficielle, car elle ne fait que rendre compte de ce qui existe sans
explication et sans analyse

D.Ricardo
La pensé économique de D.Ricardo peut être étudiée à travers les points suivants:
 La valeur
 La répartition
 Le commerce extérieur et la croissance économique
La théorie de la valeur
Ricardo reprend la distinction de Smith entre la valeur d’usage et la valeur d’échange et
adhère au principe de la valeur travail, mais son raisonnement est différent
Pour lui un bien doit avoir une valeur d’usage pour posséder une valeur d’échange. C’est-à-
dire que les objets ne sont échangés que s’ils sont utiles.
34
La source de la valeur d’échange est double
Il distingue alors deux types de biens :
Ceux qui tirent leur valeur de leur rareté, tels les objets d’art, les tableaux, les vins de
qualité, etc. Ces biens ne peuvent être reproduits par le travail, leur valeur dépend donc de
leur rareté.
Les biens qui sont reproductibles par le travail. Toutefois la première catégorie de biens ne
pèse que très faiblement dans les objets échangés sur le marché. Ainsi, D.Ricardo délimite le
champ de sa théorie de la valeur aux marchandises reproductibles dans un régime de libre
concurrence, D. Ricardo, situe la détermination de la valeur d’échange dans la sphère de la
production, Selon lui la valeur d’échange d’une marchandise se trouve dans la quantité de
travail nécessaire à sa production, c’est-à-dire quantité de travail incorporée dans la
marchandise et non pas la quantité de travail que cette marchandise permettrait d’acheter. Il
rejette donc l’analyse de Smith , Par la suite, D Ricardo précise que la quantité de travail dont
il faut tenir compte doit inclure celle qui a servi à la fabrication des outils, machines et
bâtiments indispensables pour la production( amortissement): « La valeur échangeable des
objets produits est proportionnée au travail employé à leur production, et je ne dis pas
seulement à leur production immédiate, mais encore à la fabrication des instruments et
machines nécessaires à l’industrie qui les produit. »
Travail direct et indirect
Le travail à prendre en considération dans la détermination de la valeur des marchandises
n’est pas seulement le travail immédiatement appliqué à leur production, mais aussi le travail
consacré à la production des outils et bâtiments qu’utilise le travail immédiat. Par conséquent
la valeur d’échange d’une marchandise dépend du travail direct (mod) et indirect (travail
nécessaire à la fabrication des moyens de production utilisés dans la production de la
marchandise) que nécessite sa production. Le rapport d’échange entre deux marchandises A et
B est déterminé par le rapport des quantités de travail nécessaire à leur production : VA/VB=
LA/LB.

Prix naturel et prix courant


A la suite d’A Smith D. Ricardo distingue deux catégories de prix: naturel et courant
Le prix naturel correspond à la quantité de travail nécessaire à la production de la
marchandise.

35
Le prix courant est fonction de l’offre et de la demande. Le prix courant peut s’écarter de
façon accidentelle et temporaire du prix naturel. Mais le prix courant tend à se rapprocher du
prix naturel.
En effet, si le prix courant augmente, l’offre s’accroit et les prix tendent à diminuer et vice
versa jusqu’au niveau du prix naturel, Ainsi, il y a une tendance à l’égalisation des taux de
profit lorsque les marchandises sont à leur prix naturel.

La théorie de la répartition
L’un des apports originaux de D.Ricardo consiste dans sa contribution à l’étude de la
répartition, D. Ricardo, reprend la distinction faite par Smith entre trois catégories de revenus:
le salaire, le profit et la rente.

La rente foncière
 La définition de la rente
Pour D. Ricardo, la rente correspond au prix que paient les fermiers aux propriétaires fonciers
pour pouvoir utiliser la terre, L’existence de la rente tient aux différences dans les qualités des
terres: c’est pourquoi la théorie de Ricardo est dénommée : théorie différentielle de la rente

La formation de la rente
Dans un pays qui dispose d’une quantité de terres fertiles pour nourrir toute la population, il
n’y aurait pas de rente. La valeur du blé serait strictement déterminée par la quantité de travail
nécessaire à la production du blé, Mais, supposons maintenant que la pop de ce pays
augmente de telle sorte que pour continuer à nourrir la population, il faudrait mettre en valeur
d’autres terres moins fertiles. Celles-ci demandent une quantité de travail plus importante
pour produire la même quantité de blé et la valeur de ce blé sera élevée. La rente est donc
payée parce que la terre est rare, Comme la terre est limitée, les rendements sont décroissants.
On admet ainsi que les nouvelles terres qui seront mises en chantier, seront de moins en moins
fertiles.
Loi des rendements décroissants
Comme le prix d’une marchandise est le même, tout le blé quelle que soit la qualité de sa terre
se vend au prix qui correspond à la quantité de travail nécessaire pour l’obtenir sur les terres
les moins fertiles. Le prix du blé augmente au fur et à mesure qu’on fait appel à des terres de
moins en moins fertiles, La rente est ainsi appelée à s’accroitre avec le progrès naturel de la
population.
36
Les salaires: prix du travail
Comme toute marchandise, le travail a un prix naturel et un prix courant, Le prix courant est
le prix que reçoit réellement l’ouvrier, en fonction de l’offre et la demande, Le prix naturel
dépend des prix des subsistances et des objets nécessaires à l’entretien de l’ouvrier et de sa
famille.

Loi de l’évolution des salaires


L’évolution des salaires dépend de deux facteurs:
De l’offre et de la demande, et du prix des denrées que l’ouvrier achète par son salaire.
La demande de la mod dépend du rythme de l’accumulation, lequel est à son tour tributaire de
la disponibilité des terres fertiles. Or celles-ci sont limitées; une fois mises en culture le
rythme d’accumulation ralentit et devient inférieur au rythme de la croissance
démographique. Les salaires tendront donc à baisser. Mais, comme le niveau des salaires
dépend également des denrées contre lesquelles s’échangent les salaires, les salaires en argent
sont appelés à hausser. Les prix de ces denrées s’élèvent, en effet, à mesure que la population
s’accroit.

Tendance à la baisse des salaires


Ainsi, c’est la difficulté de production des subsistances qui fait élever la rente et les salaires.
Toutefois, une différence importante existe entre les deux hausses. La hausse de la rente est
réelle alors que celle des salaires est fictive. Le sort de ces derniers est appelé à se dégrader.

Les profits
D. Ricardo n’a fourni aucune explication du profit, il s’est limité à l’examen des variations
permanentes du taux de profit, Le salaire ne peut augmenter qu’aux dépens de profit et vice
versa

Croissance économique
Pour D. Ricardo, la dynamique de la croissance dépend du taux de profit. Ce taux dépend lui-
même du niveau plus ou moins élevé du salaire et les salaires à leur tour dépendent des prix
des produits agricoles. Ces derniers dépendent des difficultés de production dans l’agriculture.
Il y a donc une menace sur la croissance (état stationnaire). Le commerce extérieur peut
toutefois contrecarrer cette menace,

Le commerce extérieur : la spécialisation selon les avantages comparatifs

37
La thèse de Ricardo est différente de celle Smith qui est basée sur les avantages absolus. Pour
D. Ricardo, même en l’absence d’avantages absolus, les pays tirent profit de l’échange
international à condition qu’ils détiennent des avantages comparatifs, Pour démontrer cette
idée,
J.B. Say
JB. Say a été rendu célèbre par la fameuse "loi des débouchés, souvent énoncée sous sa
forme concise : « Toute offre crée sa propre demande », Pour JB .Say la possibilité d'un
déséquilibre global causé par une insuffisance de la demande par rapport à l'offre est
impossible, Pour justifier cette affirmation, l'argumentation de Say est très simple:
Les produits fabriqués, et vendus, donnent naissance à un revenu (produit des ventes). Ce
revenu sera lui-même utilisé pour l’achat des produits qui sont sur le marché. Une partie sera
affectée à l’acquisition des biens de consommation et l’autre partie non consommé (Epargne)
sera utilisée pour l’achat des biens de production. En fait, cette affirmation repose sur deux
Hypothèses:
Monnaie neutre: « la monnaie n'est qu'un voile » ; instrument d’échange « les produits
s'échangent contre des produits ». Elle ne peut donc être détenue pour elle-même, c’est-à-dire
Thésaurisée (mise provisoirement de côté).
Epargne = investissement.

Critiques de la loi de Say


D’abord par Malthus et après par Keynes, L’ajustement de la production et du revenu n’est
pas automatique. En effet, une partie de l'épargne peut être thésaurisée et donc retirée du
circuit économique. Les décisions d'épargne et d'investissement sont largement autonomes, et
n'ont aucune raison de s'ajuster spontanément.

T.R. Malthus
Malthus est profondément attaché au capitalisme. C’est l’un des défenseurs du système
capitaliste. Sa loi de la population défend l’idée que le capitalisme n’est pas responsable de la
pauvreté qui a accompagné l’industrialisation au début du 19 ème siècle. « Nous pouvons
tenir pour certain que lorsque la population n’est arrêtée par aucun obstacle, elle va doubler
tous les 25 ans, et croît de période en période selon une progression géométrique. » La
pauvreté est donc un phénomène naturel qui dépend du déséquilibre structurel entre le rythme
d’accroissement des produits alimentaires (progression arithmétique: 1, 2, 3, 4, 5, 6…) et le

38
taux d’accroissement démographique de plus en plus rapide (progression géométrique : 1, 2,
4, 8, 16, 32,64…).
En contestant la loi des débouchés, il affirmera la possibilité des crises générales de
surproduction (demande insuffisante: Un revenu n’engendre pas nécessairement une demande
de même montant en insistant sur la tendance des capitalistes à freiner leur consommation et
à augmenter leur épargne (dans le but d'investir).
Mais, l'argumentation de Malthus n'est pas toujours claire: Il prétend implicitement, que
l'épargne des capitalistes ne constitue pas une demande ; il ignore ainsi la demande en biens
de production, c'est-à-dire l’investissement

3. Qui sont les défenseurs du libéralisme économique ?


Adam Smith s'impose rapidement comme chef de file du courant, grâce à son śuvre de 1776,
La Richesse des Nations. Mais avant lui, Locke avait déjà théorisé les principaux principes du
libéralisme, tout comme Hume. Adam Smith a quant à lui élaboré une théorie plus précise du
libéralisme économique en soulignant des notions fondamentales (main invisible). Ricardo a
également occupé une place importante dans la théorisation du libéralisme économique,
notamment en défendant la libéralisation totale de l'économie et l'absence d’intervention
étatique.
Dans le courant français, J.B. Say a été un grand défenseur des thèses libérales. Il théorise ce
qui deviendra la loi de Say, selon laquelle « l’offre créé sa propre demande ».

III. Prémices du socialisme, utopies, industrialisme


Les classiques et leurs analyses sont rapidement critiqués.

IV. NÉO-CLASSIQUES
La théorie néoclassique ne s’est pas toujours appelée ainsi. En fait, l’utilisation de l’adjectif «
néoclassique » pour qualifier ce genre de théorie est relativement récente ; elle ne s’est
progressivement imposée qu’à partir des années 1970. Le premier à avoir parlé de théorie
néoclassique est un de ses adversaires les plus farouches, l’économiste et sociologue
Thorstein Veblen (1857-1929), qui a choisi de la désigner ainsi pour la tourner en dérision (un
peu comme on le fait à propos de l’architecture néoclassique). Curieusement, les partisans de
cette théorie ont progressivement adopté cette dénomination, en ignorant probablement la part
d’ironie qu’elle comporte.

39
Auparavant, plutôt que de théorie néoclassique, on parlait de « marginalisme », par allusion
au « calcul à la marge » (c’est-à-dire de dérivées, au sens mathématique) ; ceux qu’on
considère généralement comme les fondateurs de la théorie néoclassique, Carl Menger (1840-
1921), Stanley Jevons (1835-1882) et Léon Walras (1834-1910), ayant utilisé ce type de
calculs pour caractériser les choix individuels, qui servent de point de départ à leurs analyses
théoriques. Alfred Marshall (1842-1924) a eu aussi un rôle très important dans le
développement des concepts et techniques « marginalistes ».

1. Fondements
Les années 1860 voient naître une nouvelle école de pensée : l’école néo-classique. Les
nouveaux penseurs de cette école reprennent les classiques, avec lesquels ils s’accordent sur
certains concepts (liberté économique, concurrence, primauté de l'initiative individuelle ou
encore mise en place d’un Etat gendarme). Ils croient ainsi, comme les classiques, en la
supériorité du libéralisme économique ; la libre concurrence doit en effet permettre à
l’économie de marché de s’autoréguler. Les lois naturelles de l’économie s'épanouissent ainsi,
sans intervention de l’Etat.
Dans l’acception la plus courante du terme, l’économie néoclassique se fonde sur quatre
postulats :
 Les phénomènes économiques peuvent et doivent être étudiés à l’aide des mêmes
méthodes que les phénomènes physiques ;
 Les agents sont rationnels, leurs préférences peuvent être identifiées et quantifiées ;
 Les agents cherchent à maximiser l'utilité des biens consommés, tandis que les
entreprises cherchent à maximiser leur profit ;
 Les agents agissent chacun indépendamment, à partir d'une information complète et
pertinente (ce postulat est récusé par l’école autrichienne, qui utilise une conception
plus faible de la rationalité proche de la rationalité limitée, et par certains autres
courants qui peuvent parfois, quand cette hypothèse seule est relâchée, être considérés
comme néoclassiques, voir par exemple Théorie de l'agence).
Le marginalisme redéfinit la valeur d'un bien et modifie l'évaluation de son utilité. Prenons le
célèbre exemple du diamant et du verre d'eau. La valeur d'un diamant est bien supérieure à la
valeur d'un verre d'eau, bien que son utilité soit discutable. Cependant, si l'on raisonne en
matière de valeur marginale, on se rend compte que le dernier diamant vaudra à coup sûr
beaucoup moins que le dernier verre d'eau disponible sur Terre. On voit ainsi que le
marginalisme permet de mieux appréhender la valeur des biens et services.
40
Mais les néo-classiques abandonnent néanmoins quelques théories classiques (ex : théorie de
la valeur travail), et bouleversent les analyses de l’économie politique classique (celles de
Ricardo notamment). Pour eux en effet, la société n'est pas divisée en classes sociales, mais
simplement composée d’individus dont le comportement individuel doit être analysé ; ils
prennent donc en compte leur volonté ou non de travailler, celle de maximiser leur profit en
fonction des ressources dont ils disposent, etc.
Les fondateurs de cette pensée sont Stanley Jevons, Carl Menger et Léon Walras (français).
Ils regroupent ainsi trois grandes écoles : l’Ecole de Lausanne, celle de Cambridge et celle de
Vienne.

2. De nouvelles théories
a- Une nouvelle théorie de la valeur

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La théorie de la valeur travail est abandonnée au profit de la valeur-utilité. Pour les néo-
classiques, c’est seulement en fonction de l’utilité d’un bien économique que celui-ci est
évalué ; la rareté du bien devient un élément primordial à prendre en compte. La valeur des
biens n'est donc plus définie par leur utilité globale mais par la chance qu'a un agent
économique de se les procurer.
Les néo-classiques passent d'une conception objective de la valeur, qui était la valeur travail, à
une conception subjective, qui est la valeur utilité. La valeur des biens n'est pas déterminée
par la quantité totale des produits que l'on peut acquérir mais par le coût nécessaire à sa
production (production de la dernière unité). L’utilité de la dernière unité consommée de
chaque bien est appelée utilité marginale ; c'est elle qui permet de déterminer sa valeur. Ce
concept se situe au carrefour entre la notion d'utilité et celle de rareté. Grâce à ce concept, les
néo-classiques parviennent à expliquer le paradoxe d’Adam Smith : l’eau n’est pas chère
parce que son utilité marginale est faible ; le diamant est au contraire très prisé, ce qui lui
donne sa forte utilité marginale.
Ainsi, l’offre d’un bien est fonction des coûts de production, et la demande est fonction de son
utilité. Marshall va tenter d’effectuer un lien entre la théorie de la valeur-travail et la théorie
de la valeur-utilité : à court terme, la valeur des biens dépend de la demande (car la capacité
productive n’a pas le temps d’augmenter) ; à long terme, elle dépend des coûts de production
(car les entreprises ont eu le temps de s’adapter à l’intensité de la demande et ont accru leur
production pour y faire face). Cette théorie permet d'expliquer le comportement des
entreprises, comme des consommateurs, dans leur recherche d'optimisation de profits.

b- La théorie de l’équilibre général


Alfred Marshall a élaboré la théorie de l’équilibre partiel en ne prenant en compte qu'un
marché. Ainsi, en se plaçant sur un seul marché, il montre comment l’offre et la demande
s’équilibrent, cela, indépendamment des autres marchés. Mais l’équilibre partiel d’un marché
a nécessairement des incidences sur les autres marchés. En effet, une modification du salaire,
sur le marché du travail, entraîne des modifications sur le marché des biens de consommation
par exemple. Walras va donc montrer qu'il existe une interdépendance entre les marchés. Pour
comprendre le phénomène, il prend l’exemple du commissaire priseur : par ses annonces,
l'offre et la demande parviennent à s’accorder. C’est donc par le jeu des tâtonnements
progressifs sur le marché que l’équilibre s’établit. Ce concept s'applique à tous les marchés, ce
qui conduit à créer une situation d’équilibre général. Sur la base de cette théorie, Pareto va

42
montrer qu’il existe un optimum au-delà duquel la satisfaction d’une personne entraînera
nécessairement l’insatisfaction d’une autre.
Walras considère que les marchés doivent, pour atteindre l'équilibre, reposer sur la libre
concurrence. Cette dernière permet aux individus d'atteindre une meilleure place sociale, et
ces bonnes situations sociales se ont des effets positifs à un niveau plus élevé, celui de la
société.

c- Sur le chômage
Les néo-classiques considèrent qu’il ne peut exister de chômage durable car le marché crée
automatiquement un équilibre entre l’offre et la demande de travail. Ainsi, le plein emploi est
automatiquement atteint si rien ne vient perturber le marché. En effet, si à un moment donné,
l’offre de travail (par les travailleurs) est supérieure à la demande, la concurrence qui
s'instaure entre les travailleurs conduit nécessairement à la diminution des salaires. Puisque le
coût du travail diminue, la demande de travail (des entreprises) croissant. Ainsi, l’équilibre
revient naturellement.
Ce n’est donc qu'à cause des interventions de l'Etat et des syndicats que le marché ne parvient
pas à s’équilibrer automatiquement. Le chômage est donc volontaire : c’est parce que les
travailleurs refusent la baisse de salaire que le chômage existe.
Mais cette analyse peut être critiquée. En effet, la baisse des salaires qui suit l’augmentation
de l’offre de travail est susceptible d’entraîner une baisse de la consommation. Dans ce cas, la
demande ne peut pas s’accroître, contrairement à ce que disent les néo-classiques.

d- Sur les crises


Selon les néo-classiques, la crise de surproduction ne peut pas exister : à l’offre de produit sur
un marché correspond nécessairement une demande égale (les forces de marché s’exerçant
librement). La production doit donc pouvoir s’écouler naturellement. S’appuyant sur la loi des
débouchés de Say, les néo-classiques, qui considèrent que la monnaie n’est qu’un moyen de
transaction, pensent que le revenu est entièrement consommé par les ménages. Pourtant, seule
une partie du revenu est consommé directement, l’autre est épargnée et servira pour l’achat de
biens d’équipement ultérieurs. Cette conception semble donc peu fiable dans la mesure où elle
considère seulement la monnaie comme un instrument d’échange.

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Le keynésianisme est une théorie économique inventée par John Maynard Keynes. Le
keynésianisme est une théorie économique qui affirme que l'intervention active des
gouvernements dans l'économie et la politique monétaire sont les meilleurs moyens
d'assurer la croissance économique.

BIBLIOGRAPHIE INDICATIVE
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économique, Paris : La Découverte, tome 1, Des scolastiques aux classiques, 1992, tome
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