Anthologie de La Poesie Francaise

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Anthologie
de la
poésie française
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Raymond JACQUENOD
Docteur ès lettres

ANTHOLOGIE
DE LA POÉSIE
FRANÇAISE

D e s origines à l'époque
contemporaine

PIERRE BORDAS & FILS


7, rue Princesse - 75006 PARIS
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1-
@ P i e r r e B o r d a s et Fils

Paris, 7 rue Princesse 75006


ISBN 2-86311-213-9
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ANTHOLOGIE
DE LA POÉSIE FRANÇAISE

uand l'auteur de ces lignes se vit contraint, en


Q 1940, de parcourir les routes de France sur sa
vieille bicyclette, il ne put emporter pour tout
bagage intellectuel que deux livres, dont l'un était un
petit recueil de poésie française, l'Anthologie des poètes
français du X l r siècle. Il ne se doutait pas que son
aventure durerait treize mois. Dieu merci, il eut durant
ce temps, pour se soutenir, d'autres viatiques spirituels,
notamment les auteurs latins, ses bons maîtres, mais
quelle gratitude, quelle affection ne garde-t-il pas à
l'endroit de cette anthologie, fidèle compagne des bons
et des mauvais jours !
TI est encore des amateurs de poésie qui, pour leur plus
grande joie, souhaiteraient, lorsqu'ils prennent la route,
emporter avec eux leurs mélodieux confidents. Certes,
les anthologies ne manquent pas, mais démesurément
ambitieuses. Ce n'est pas cela qu'il leur faut ; ils ont
besoin d'un petit livre commode, qu'on puisse saisir à
tout instant d'un geste de la main. Le voici.
Anthologie, recueil de fleurs, quel mot charmant pour
désigner un ouvrage qui expose pourtant son auteur à
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bien des périls ! Car un choix est toujours arbitraire et


contesté. Faire tenir la poésie française dans un peu
plus de 300 pages, n'est-ce pas une gageure ? Nous en
prenons le risque car notre choix porte sur des œuvres
incontestables. Nous n'avons cherché ni à être original
ni à être exhaustif, et moins encore à les alourdir de
commentaires savants. Chacun retrouvera ici des
œuvres familières, et peut-être quelques unes, plus
récentes, qu'il connaît moins. C'est pour cela que nous
les avons introduites, avec mesure, comme les
premières plantations d'un parterre qui reste à
composer pour achever notre jardin des Muses, un
projet qui nous conduirait au cœur de la poésie
contemporaine.

Mais toutes ces œuvres sont belles, fleurs exquises de


notre poésie. Nous avons pensé à ces textes que les bons
élèves calligraphiaient autrefois, qu'ils apprenaient
imperturbablement — et pour la vie. Ils se les récitaient
en effet ; certains se les récitent encore. C'est pour les
autres que nous les avons recueillis, afin qu'ils les
feuillettent "d'une main nocturne et journelle" et qu'ils
trouvent à les redécouvrir le plaisir que nous avons
éprouvé à les leur proposer.
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L'AURORE DE LA POÉSIE FRANÇAISE

Bona puella fut Eulalie


Bel avret corps, bellezour aneme.
Fut Eulalie une bonne pucelle
Son corps était beau, son âme plus belle.
els sont, ouvrant la Cantilène de sainte Eulalie,
T les deux premiers vers de la première œuvre
poétique de notre langue, vers la fin du IXe
siècle. Longtemps ignorées ou méprisées, la poésie du
Moyen Âge et, plus généralement, toutes les œuvres
littéraires ou artistiques de cette époque ont été
redécouvertes au siècle passé. Mais ce Moyen Âge
"énorme et délicat" vers lequel Verlaine invitait à
naviguer son âme douloureusement "en panne", cet âge
que l'on dit "troyen", entre quels termes faut-il le situer?
Le terme ultime est assez couramment identifié. C'est,
pour l'histoire événementielle, la date de la prise de
Constantinople par les Turcs (1453) et, pour l'histoire
des civilisations, l'époque de la diffusion du texte
imprimé, celle où va se développer l'humanisme et
bientôt briller la Renaissance. Or, avant le Serment de
Strasbourg (842), premier document qui ne fût écrit ni
en latin, ni en germanique, la période que les historiens
font partir de 476 — chute de l'Empire romain
d'Occident — était déjà le Moyen Âge. Nous consta-
tons que, succédant à la phase latine de notre histoire
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culturelle, il a duré un millénaire et que, sur ces mille


ans, après cinq siècles d'obscure gestation, les cinq sui-
vants ont vu progressivement naître et s'enrichir notre
langue littéraire, particulièrement notre langue
poétique. H est impossible de résumer en quelques
lignes cette histoire prodigieuse et émouvante comme
l'éclosion même de la vie. Aussi bien ne
chercherons-nous pas à lui donner les contours précis
que lui assignent par commodité les meilleurs manuels
d'histoire littéraire. Nous préférons parler d'une aurore,
ce qui nous permet d'évoquer, en quelques pages,
jusqu'à Marot, sans préoccupation d'écoles et de
genres, les premiers rayons de notre poésie française,
ses jeux de lumière et d'ombre, les fulgurants éclats de
nos chansons de geste ou les tendres nuances des
chansons de toile, le soleil luisant du Printemps de
Charles d'Orléans ou les nuées qui assombrissent le
destin de Villon, sur le fond toumenté des mœurs impi-
toyables de cette rude époque. Puissent les quelques
reflets de ce ciel grandiose inciter le lecteur à en
contempler plus longtemps le spectacle.
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LA CHANSON DE ROLAND

De la Chanson de Roland date la véritable éclosion de


notre poésie. C'est une chanson de geste — du latin
gesta: hauts faits —, la plus belle de celles qui nous ont
été transmises. Son texte date des environs de 1170,
manuscrit conservé à la bibliothèque d'Oxford, signé
d'un certain Turold, dont on ne sait pas s'il est l'auteur
ou seulement un copiste. Les savants du XIXe siècle qui
ont commencé à s'intéresser aux épopées médiévales
ont d'abord cru (Wolf, Paris) qu'elles étaient nées de
chants populaires anonymes, cantilènes reprises un jour
et organisées en "cycles" par des poètes de métier, tels
ces jongleurs, trouvères ou troubadours, qui allaient de
château en château distraire l'ennui des seigneurs entre
deux campagnes guerrières. Mais une théorie plus
récente, celle de Joseph Bédier, tend à montrer que les
chansons de geste sont en rapport étroit avec les grands
pèlerinages, particulièrement avec les monastères qui
jalonnent la route de Saint-Jacques-de-Compostelle ; les
clercs y narraient volontiers aux voyageurs des épisodes
édifiants, s'aidant pour les illustrer de certaines œuvres
d'art, ou, mieux encore, de reliques, supports dont leur
récit était en quelque sorte le commentaire ; ils consti-
tuaient ainsi peu à peu un fonds épique que les pèlerins
recueillaient, méditaient et diffusaient à leur manière,
jusqu'au jour où quelque poète savant se révélait capa-
ble d'en tirer une œuvre suivie, une chanson de geste
dans sa forme littéraire achevée.
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Sans qu'on puisse considérer cette hypothèse comme


définitive, il faut reconnaître avec Joseph Bédier que la
Chanson de Roland est une œuvre savante et d'une
composition parfaite, qui raconte admirablement
l'épisode de l'expédition conduite en Espagne par le
jeune roi Charles, le futur Charlemagne, et, avec un
grandissement épique, l'embuscade qui anéantit
l'ar ri ère-garde de son armée, commandée par Roland,
le 15 août 778, à Roncevaux.

Entre Pampelune et Bayonne; le col de Roncevaux (1057 m)


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Miroir historial de Vincent de Beauvais, (XVe siècle)


La déroute des Sarrasins et la mort de Roland
(Photo Giraudon)
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LA MORT DE ROLAND

Trahi p a r G a n e l o n , s o n p a r â t r e , R o l a n d s ' e s t volontai-


r e m e n t exposé, a v e c l ' a r r i è r e - g a r d e , a u d a n g e r d ' ê t r e
a s s a i l l i p a r les S a r r a s i n s . Avec s a m o d e s t e t r o u p e , m a i s
c o m b i e n vaillante, il f u t a u x p r i s e s a v e c u n e a r m é e d e
q u a t r e c e n t mille infidèles. À la f i n d u c o m b a t , R o l a n d ,
qui a vu m o u r i r s o n c o m p a g n o n Olivier, le f r è r e d e l a
belle A u d e , s a f i a n c é e , n ' a p l u s a u p r è s d e lui q u e
G a u t i e r et l ' a r c h e v ê q u e Turpin, e n f a c e d e q u a r a n t e
m i l l e e n n e m i s qui n ' o s e n t p a s s e m e s u r e r à eux. G a u t i e r
tué, Turpin blessé, R o l a n d est s e u l d é s o r m a i s . I l s ' e s t
r o m p u la veine d e la t e m p e en s o n n a n t d e s o n o l i f a n t
p o u r avertir, t r o p t a r d , le roi C h a r l e s ; il a c h e r c h é e n
vain à b r i s e r s a b o n n e é p é e D u r e n d a l . Il s e c o u c h e
p o u r mourir.

Li coms Rodlanz se jut dessoz un pin,


Envers Espaigne en at tornét son vis.
De plusors choses a remembrer li prist :
De tantes terres corne li ber conquist,
De dolce France, des ornes de son ling,
De Charlemagne, son seignor, quil nodrit,
E des Franceis dont il est si cheriz.
Ne puet muder ne plort e ne sospirt ;
Mais sei medesme ne vuelt metre en oblit :
Claimet sa colpe, si priet Dieu mercit :
"Veire paterne, qui onques ne mentis,
Saint Lazaron de mort ressurrexis
E Daniël des lions guaresis,
Guaris de mei l'aneme de toz perilz
Por les pechiez que en ma vide fis !"
Son destre guant a Dieu en porofrit,
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E de sa main sainz Gabriëls l'at pris.


Dessour son braz teneit 10 chief enclin :
Jointes ses mains est allez a sa fin.
Dieus li tramist son angele cherubin
E saint Michiel de la mer del peril ;
Ensemble od els sainz Gabriels i vint ;
L'aneme del comte portent en paredis.
(CLXXVI)
TRADUCTION VERS À VERS RYTHMÉE EN DÉCASYLLABES
Noter que la syllabe muette ne compte pas à la césure dans la poésie
médiévale. (Voir : De plusieurs chos(es) à remembrer li prist).
rie Comte Roland est couché sous un pin ;
Envers l'Espagne a tourné son visage.
De plusieurs choses vient à se souvenir :
De tant de terres que le baron conquit,
De douce France, des gens de son lignage,
De Charlemagne, seigneur qui l'a nourri,
Et des Français dont il est tant aimé.
Ne peut garder qu'il ne pleure et soupire.
Mais il ne veut soi-même s'oublier :
H bat sa coulpe, à Dieu demande grâce :
"Dieu, mon vrai père, qui jamais ne mentis,
Et saint Lazare des morts ressuscitas,
Qui des lions as protégé Daniel,
De tout péril veuille guérir mon âme
Pour les péchés que j'ai faits dans ma vie."
Son dextre gant, il a offert à Dieu,
Et de sa main, saint Gabriel l'a pris.
Dessus son bras tient sa tête penchée,
À jointes mains est allé à sa fin.
Dieu lui envoie son ange chérubin
Et saint Michel du péril de la mer ;
Saint Gabriel est venu avec eux ;
L'âme du comte portent en paradis.
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CHANSON DE TOILE

On appelle chanson de toile (ou chanson d'histoire) une


pièce assez courte que les femmes chantaient pour
accompagner leur ouvrage et dont le sujet est générale-
ment une histoire d'amour. Elle se compose de brefs
couplets de trois ou quatre vers séparés p a r un refrain.
Le refrain, dans le texte que nous citons, est en vers de
sept syllabes. Voici une des plus célèbres chansons de
toile, composée au XIIe siècle.
La "quintaine", dont il sera question dans le texte, est le
poteau contre lequel les chevaliers s'exercent avec la lance.

~ Le samedi al soir faut la semaine :


Gaiete et Orior, serors germaines,
Main et main vont baignier a la fontaine.
\fente l'ore et li raim crollent :
Qui s'entraiment soef dorment !
L'enfes Gerarz revient de la quintaine,
S'a choisie Gaiete sour la fontaine :
Entre ses bras l'a prise, soef l'a streinte.
Vente l'ore et li raim crollent :
Qui s'entraiment soef dorment !
"Quant avras, Orior, de l'eve prise,
Reva toi en ariere, bien sés la vile :
Je remandrai Gerart, qui bien me prise."
Vente l'ore et li raim crollent :
Qui s'entraiment soef dorment.
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Or s'en va Orior teinte et marie ;


Des ieuz s'en va plorant, del cuer sospire,
Quant Gaie sa seror n'en meine mie.
Vente l'ore et li raim crollent :
Qui s'entraiment soef dorment !
"Lasse !" fait Orior, "com mar fui nee !
J'ai laissié ma seror en la valee ;
L'enfes Gerarz l'en meine en sa contrée !"
Vente l'ore et li raim crollent :
Qui s'entraiment soef dorment !
L'enfes Gerarz et Gaie s'en sont torné,
Lor droit chemin ont pris vers la cité.
Tantost com il i vint l'a esposé
Vente l'ore et li raim crollent :
Qui s'entraiment soef dorment !
(Le chansonnier français de Sain t-Ge rmain -des-Prés, P. Meyer
et G. Raynaud, 1.1, Société des Anciens Textes, 1892).

Le samedi au soir finit la semaine : Gayette et Oriour, sœurs


germaines, main dans la main vont se baigner à la fontaine.
La brise souffle et les branches se balancent :
Que ceux qui s'aiment dorment doucement !
Le jeune Gérard revient de la quintaine ; il aperçoit Gayette
près de la fontaine ; l'a prise dans ses bras, l'a doucement
étreinte.
La brise souffle et les branches se balancent :
Que ceux qui s'aiment dorment doucement !
"Oriour, quand tu auras puisé de l'eau, retourne-t'en, tu connais
bien le chemin de la ville. Je resterai avec Gérard, puisqu'il
m'aime."
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La brise souffle et les branches se balancent :


Que ceux qui s'aiment dorment doucement !
Alors Oriour s'en va, pâle et triste ; ses yeux pleurent, son
cœur soupire parce qu'elle ne revient pas avec sa sœur.
La brise souffle et les branches se balancent :
Que ceux qui s'aiment dorment doucement !
"Hélas ! fait Oriour, comme je suis née malheureuse ! J'ai
laissé ma sœur dans le val ; le jeune Gérard l'emmène dans
son pays !"
La brise souffle et les branches se balancent :
Que ceux qui s'aiment dorment doucement !
Le jeune Gérard et Gayette s'en sont allés, ils sont partis tout
droit vers la cité. Dès qu'ils y sont arrivés ils se sont épousés.
La brise souffle et les branches se balancent :
Que ceux qui s'aiment dorment doucement

Charles d'Orléans ; gravure du XVIIIe siècle


Bibl. des Arts Décoratifs (Photo J.-L. Charmet)
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CHARLES D'ORLÉANS
(1394-1465)

Parmi les poètes du Moyen Âge nous relevons les noms


d'illustres familles : Marie de France, au XIIe siècle,
Thibaud, Comte de Champagne, au XIIIe siècle, et
surtout Charles d'Orléans, frère du roi Charles VI.
1394. Naissance de Charles d'Orléans. H est élevé à
Blois dans un milieu lettré.

1407. Son père Louis d'Orléans est assassiné sur l'ordre


de Jean sans Peur duc de Bourgogne ; Charles devient
le chef du parti des Armagnacs.
1415. TI est blessé et fait prisonnier à la bataille
d'Azincourt. TI reste vingt-cinq ans prisonnier en
Angleterre. Il trompe son désœuvrement en cultivant la
poésie.
1440. Il rentre en France et retrouve, au château de
Blois, sa cour de lettrés. Il protégera un temps François
Villon. Il a, tardivement, un fils qui règnera sous le
nom de Louis XII.

1465. Mort de Charles d'Orléans au château d'Amboise.


Un grand seigneur qui fut un grand poète.
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RONDEL

Charles d'Orléans a écrit des pièces courtes : ballades,


rondeaux, chansons. Un rondeau (on disait alors : un
rondel) est un poème lyrique qui comprend géné-
ralement quatorze vers de huit ou dix syllabes sur deux
rimes, répartis en trois strophes (les vers 1 et 2, 7 et 8,
13 et 14, constituent un refrain et les rimes se distribuent
ainsi : ABBA - AB AB - ABBAAB). Le rondel que
voici, appelé "le Printemps" ou "le Renouveau", est
toujours cité comme le modèle du genre. Il faut avouer
qu'en dépit de sa grâce un peu mièvre, il est d'une
séduisante fraîcheur.

Le Temps a laissié son manteau


De vent, de froidure et de pluye,
Et s'est vestu de broderie
De souleil luyant, cler et beau.
Il n'y a beste ne oyseau
Qu'en son jargon ne chante ou crie :
Le Temps a laissié son manteau
De vent, de froidure et de pluye.
Riviere, fontaine et ruisseau
Portent en livree jolie
Gouttes d'argent d'orfavrerie ;
Chascun s'abille de nouveau.
Le Temps a laissié son manteau
de vent, de froidure et de pluye.
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FRANÇOIS VILLON
(1431-?)

1431 (ou 1432). Naissance de François de Montcorbier


(ou des Loges) ; de pauvre extraction (le "de" est ici
une préposition marquant le lieu d'origine et non pas la
noblesse). Elevé par maître Guillaume de Villon,
chapelain de Saint-Benoît-le-Bétourné, dans le quartier
latin.

1452. Villon, qui a fait de fortes études en Sorbonne,


obtient, après le baccalauréat et la licence, la maîtrise
es arts.

1455. Menant une vie d'étudiant dissolu, il tue un prêtre


au cours d'une rixe, quitte Paris, puis obtient des
"lettres de rémission".

1456. Vol au collège de Navarre. Villon compose le Lais


(quarante huitains d'octosyllabes), esquisse du
Testament. Il quitte à nouveau Paris pour une vie -
errante qui lui fait rencontrer Charles d'Orléans à
l'occasion d'un concours de poésie.
1461. Emprisonné à Meung-sur-Loire par l'évêque
d'Orléans. Libéré sur l'ordre de Louis XI.

1461-62. Il compose le Testament : 186 huitains


d'octosyllabes, mêlés de ballades et d'autres pièces
lyriques. D s'y peint tout entier, avec sa verve, son
humour, mais aussi ses remords et sa piété, aux accents
parfois poignants dans leur savante naïveté.
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Les pendus de Villon, miniature, musée Condé, Chantilly


(Photo J.-L. Charmet)

1462. De nouveau en prison, il subit la "question de


l'eau", s'attend à être "pendu et étranglé". TI est sauvé
une fois encore (par décision du Parlement) mais il est
interdit de séjour et nous perdons sa trace.
1470. Débuts de l'imprimerie en France.
1489. Première édition imprimée des œuvres de Villon.
Ce mauvais garçon a mérité d'être reconnu comme l'un
de nos meilleurs poètes. Il a même trouvé grâce, seul de
son époque, aux yeux de Boileau.
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LA BALLADE DES PENDUS

Extraite d'un recueil de poésies diverses composées


entre 1457 et 1463 (date où nous perdons la trace de
Villon) cette ballade est une sorte d'épitaphe qui, à elle
seule, suffirait à immortaliser son auteur. Une ballade
se compose de trois couplets identiques pour le nombre
et la mesure des vers et pour la rime. Chaque couplet
s'achève sur un refrain, repris à la fin de l'envoi. La
ballade se termine en effet sur un "envoi" à l'adresse
d'un prince.

Frères humains qui après nous vivez,


N'aiez les cuers contre nous endurcis ;
Car se pitié de nous povres avez,
Dieu en aura plus tost de vous mercis.
Vous nous voiez cy atachez, cinq, sis ;
Quant de la chair, que trop avons nourrie,
Elle est pieça devoree et pourrie,
Et nous, les os, devenons cendre et poudre.
De notre mal personne ne s'en rie,
Mais priez Dieu que tous nous vueille absouldre !
Se vous clamons freres, pas n'en devez
Avoir desdaing, quoy que fusmes occis
Par justice ; toutesfois vous sçavez
Que tous hommes n'ont pas bon sens assis.
Excusez-nous, puis que sommes transis,
Envers le filz de la Vierge Marie,
Que sa grâce ne soit pour nous tarie,
Nous préservant de l'infernale fouldre.
Nous sommes mors : ame ne nous harie,
Mais priez Dieu que tous nous vueille absouldre !
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La pluye nous a buez et lavez


Et le soleil dessechez et noircis ;
Pies, corbeaulx nous ont les yeux cavez
Et arraché la barbe et les sourcilz ;
Jamais, nul temps, nous ne sommes rassis ;
Puis ça, puis la, comme le vent varie,
A son plaisir sans cesser nous charie,
Plus becquetez d'oiseaulx que dez à coudre.
Ne soiez donc de notre confrarie ;
Mais priez Dieu que tous nous vueille absouldre !
Envoi
Prince Jesus, qui sur tous a maistrie,
Garde qu'Enfer n'ait de nous seigneurie :
A luy n'avons que faire ne que souldre.
Hommes, icy n'a point de moquerie,
Mais priez Dieu que tous nous veuille absouldre !
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Paris au XVIe siècle, le Quartier Latin;


détail d'un carton de tapisserie, brûlé en 1971,
d'après une copie du XVIIIe siècle (Photo J.-L. Charmet)
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Clément Marot
en 1536 par
Corneille de Lyon,
musée du Louvre
(Photo Bulloz)

CLÉMENT MAROT
(1496-1544)

1496. Naissance à Cahors de Clément Marot, fils d'un


poète, "valet de chambre" du roi Louis XII, puis de
François 1". La cour est la "maîtresse d'école" de
Clément qui devient à son tour, sur la recommandation
de François 1er, "valet de chambre" de Marguerite
d'Alençon, future reine de Navarre, sœur du roi.

1515. Marot publie ses premiers vers, le Temple de


Cupidon, recueil qui rappelle les œuvres savantes
écrites à la fin du Moyen Age par ceux qu'on appelait
les " grands rhétoriqueurs
février 1526. Le poète de cour, peut-être séduit par le
protestantisme, se voit accusé d'avoir "mangé le lard en
Carême". Il est emprisonné au Châtelet.
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1527-1534. Marot est le poète officiel de la Cour. En


1532, il réunit ses œuvres sous le titre d'Adolescence
Clémentine ; en 1533 il édite Villon et en 1534 publie
une Suite de l'Adolescence.
1534-1536. De plus en plus attiré par le protestantisme,
il traduit des psaumes, doit s'exiler d'abord à Nérac, à la
cour de Marguerite de Navarre, puis à Ferrare, auprès
de Renée de France, fille de Louis XII, qui accueille
également Calvin.
1537. Après un nouvel exil (à Venise, 1536), il abjure le
protestantisme à Lyon et rentre en grâce auprès de la
Cour.

1538. Il publie à nouveau ses œuvres (chez Étienne


Dolet), adapte les Psaumes de David d'hébreu en
français.
1542-43. En butte à l'hostilité du Parlement, Marot se
réfugie à Genève, traduit encore des psaumes, à la
demande de Calvin (il publiera en août 1543 un recueil
comprenant en tout Cinquante Psaumes) ; mais les
scandales de sa conduite l'obligent à fuir à Chambéry.
1544. Mort de Marot à Turin. Édition complète de ses
œuvres.
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ÉPÎTRE À SON AMY LYON

Emprisonné en 1526 pour avoir "mangé le lard en


Carême", Marot, qui risque la torture et le bûcher pour
ce sacrilège (jugé surtout comme l'indice d'une grave
subversion, pratiquement l'équivalent d'une rébellion
contre le Pouvoir), appelle au secours son ami Léon
Jamet, en jouant sur le prénom (en latin leo,
c'est-à-dire "lion"). En parler poitevin (le Poitou est la
province de son ami) Léon se prononce d'ailleurs
"lion". Cette fable, charmante, bien qu'elle eût été
écrite dans des circonstances plus que sérieuses, a été
imitée par La Fontaine (le Lion et le Rat) ; mais, pour
une fois, notre illustre fabuliste fut inférieur à son
modèle.

T!X Je ne t'escry de l'amour vaine et folle,


Tu voys assez s'elle sert ou affolle ;
Je ne t'escry ne d'armes ne de guerre,
Tu voys qui peult bien ou mal y acquerre,
Je ne t'escry de fortune puissante,
Tu voys assez s'elle est ferme ou glissante ;
Je ne t'escry d'abus trop abusant,
Tu en sçais prou et si n'en vas usant ;
Je ne t'escry de Dieu ne sa puissance,
C'est à luy seul t'en donner congnoissance ;
Je ne t'escry des dames de Paris,
Tu en sçais plus que leurs propres marys ;
Je ne t'escry qui est rude ou affable,
Mais je te veulx dire une belle fable,
C'est à sçavoir du lyon et du rat.
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Cestuy lyon, plus fort qu'un vieil verrat,


Veit une foys que le rat ne sçavoit
Sortir d'un lieu, pour autant qu'il avoit
Mangé le lard et la chair toute crue ;
Mais ce lyon (qui jamais ne fut grue)
Trouva moyen et manière et matière,
D'ongles et dents, de rompre la ratière,
dont maistre rat eschappe vistement
Puis meit à terre un genouil gentement,
Et en ostant son bonnet de la teste,
A mercié mille foys la grand beste,
Jurant le Dieu des souris et des ratz
Qu'il luy rendroit. Maintenant tu verras
Le bon du compte. Il advint d'aventure
Que le lyon pour chercher sa pasture
Jaillit dehors sa caverne et son siège,
Dont (par malheur) se trouva pris au piège,
Et fut lié contre un ferme posteau.
Adonc le rat, sans serpe ne cousteau,
Y arriva joyeux et esbaudy
Et du lyon (pour vray) ne s'est gaudy,
Mais despita chatz, chates et chatons,
Et prisa fort ratz, rates et ratons,
Dont il avoit trouvé temps favorable
Pour secourir le lyon secourable,
Auquel il dit : "Tais toy, lyon lié,
Par moy seras maintenant délié :
Tu le vaulx bien, car le cueur joly as ;
Bien y parut quand tu me deslias,
Secouru m'as fort lyonneusement
Or secouru seras rateusement.
Lors le lyon ses deux grans yeulx vestit,
Et vers le rat les tourna un petit
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En luy disant : "O povre verminière,


Tu n'as sur toy instrument ne manière
Tu n'as cousteau, serpe ne serpillon
Qui sceut couper corde ne cordillon,
Pour me jecter de ceste étroicte voye.
te cacher que le chat ne te voye."
"Sire lyon, dit le filz de souris,
De ton propos (certes), je me soubris :
J'ai des cousteaux assez, ne te soucie,
De bel os blanc, plus tranchants qu'une scie ;
Leur gaine, c'est ma gencive et ma bouche ;
Bien couperont la corde qui te touche
De si trèsprès car j'y mettray bon ordre".
Lors sire rat va commencer à mordre
Ce gros lien : vray est qu'il y songea
Assez longtemps ; mais il vous le rongea
Souvent, et tant, qu'a la parfin tout rompt,
Et le lyon de s'en aller fut prompt,
Disant en soy : Nul plaisir (en effet)
Ne se perd point quelque part où soit faict
Voylà le compte en termes rithmassez.
H est bien long, mais il est vieil assez
Tesmoing Esope et plus d'un million.
Or viens me voir pour faire le lyon,
Et je mettray peine, sens et estude
D'estre le rat, exempt d'ingratitude,
J'entends si Dieu te donne autant d'affaire
Qu'au grand lyon, ce qu'il ne veuille faire.
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AUTOUR DE LA PLÉIADE

e groupe des écrivains rassemblés sous le signe


L de la Pléiade illustre à tout jamais notre XVIe
siècle. C'est en France la manifestation la plus
éclatante de la Renaissance littéraire, née de
l'humanisme et du retour aux grands modèles de l'an-
tiquité grecque et latine. À vrai dire, la culture antique
n'avait jamais totalement disparu en Occident : les
clercs du Moyen Âge en avaient à leur manière en-
tretenu la tradition, tandis que l'Orient, autour de sa
capitale Constantinople, en avait vécu jusqu'à la
conquête turque.
Mais, à la suite des grandes découvertes, des grandes
inventions, notamment celle de l'imprimerie, après
l'osmose culturelle dont les guerres d'Italie furent
l'occasion, notre civilisation connut une impulsion sans
égale, favorisée par l'action des rois, particulièrement
par celle de François Ie1.
De jeunes poètes et des humanistes se retrouvèrent ainsi
vers le milieu du siècle, autour du savant helléniste Jean
Dorat, principal du collège de Coqueret, à Paris :
Joachim du Bellay, Jacques Peletier du Mans, Pierre de
Ronsard. Jean-Antoine de Baïf, d'autres encore, qui
prirent le nom de "Brigade" et dont J. du Bellay fut le
porte-parole en écrivant sa Défense et Illustration de la
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langue française (1549). Tout en proclamant leur


admiration pour les œuvres des anciens, notamment des
lyriques grecs comme Pindare et des latins comme
Virgile et Horace, ils partirent résolument à la conquête
d'une gloire rivale de la réputation de leurs modèles :
"Français, marchez courageusement vers cette superbe
cité romaine, et des serves dépouilles d'icelle, ornez vos
temples et autels". En 1556, choisissant les six meilleurs
poètes de la Brigade, Ronsard constituait la Pléiade, à
l'imitation des sept poètes alexandrins du IIIe siècle av.
J.C. qui avaient déjà emprunté ce nom à la
constellation, et réunissait ainsi autour de lui : Baïf, du
Bellay, Belleau, Jodelle, Peletier, Pontus du Tyard.

Cependant il serait injuste de restreindre aux seuls


poètes de la Pléiade notre panthéon lyrique. Aussi
ferons-nous tout d'abord une place à deux autres grands
noms : Maurice Scève et Louise Labé, car ils sont, eux
aussi, dignes de mémoire.

À partir de ce chapitre, les différences orthographiques avec


le français contemporain n étant plus significatives, nous
adopterons dans nos textes, uniformément, la graphie
moderne.
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MAURICE SCÈVE
(vers 1500 - vers 1564)

1500. Naissance à Lyon. Maurice Scève fait des études


de droit.
1533. TI croit trouver en Avignon le tombeau de Laure,
la femme chantée par le poète italien Pétrarque.
1536. TI s'éprend de la poétesse Pernette du Guillet.
Celle-ci est mariée. Leur amour sera chaste,
conformément à l'idéal platonicien. Maurice Scève
compose des "blasons", éloges des diverses parties du
corps de la femme. Au concours organisé à Ferrare, en
Italie, il remporte un prix avec son "Blason du sourcil".
1537. Il commence à écrire Délie, objet de plus haute
vertu, qu'il dédiera à Pernette. Délie est l'anagramme
de "l'idée" (au sens platonicien du terme).
1539. H rédige encore des "blasons" : "le Front", "la
Gorge", "le Soupir".
1542. Il traduit des psaumes.
1544. Parution de Délie.
1545. Mort de Pernette.
1547. M. Scève, qui a vécu dans la retraite de 1543 à
1547, publie la Saulsaye, églogue de la vie solitaire et se
fait apprécier des milieux littéraires.
1562. TI publie Microcosme, et meurt en 1564, quelque
peu oublié.
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Maurice Scève est né et mort à Lyon. Cette ville, par sa


situation géographique, était destinée à accueillir la
première les courants culturels issus de la Renaissance
italienne. Aussi fut-elle le siège d'un important
mouvement humaniste et poétique qu'illustrent les noms
de Maurice Scève et de Pernette du Guillet, mais aussi
de Louise Labé, que nous présenterons ensuite. Ces
poètes communient dans l'admiration de Pétrarque et de
l'idéal platonicien, jusqu'à se perdre, comme Maurice
Scève lui-même, dans l'abstraction et dans la
quintessence.
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DÉLIE

Le poème est écrit en dizains décasyllabiques. L'auteur,


qui veut élever la langue française j u s q u ' à l'expression
des plus hautes notions philosophiques, est ainsi comme
un précurseur de Ronsard. Voici le dizain CXL/, où
l'évocation du printemps traduit l'image de l'être aimé,
si vivante qu 'elle habite son cœur malgré l'absence.

Comme des rais du soleil gracieux


Se paissent fleurs durant la Primevère,
Je me recrée aux rayons de ses yeux,
Et loin, et près autour d'eux persévère.
Si que le Cœur, qui en moi la révère,
La me fait voir en cette même essence
Que ferait l'Œil par sa belle présence,
Que tant j'honore, et que tant je poursuis :
Par quoi de rien ne me nuit son absence,
Vu qu'en tous lieux, malgré moi, je la suis.

Et voici en quels termes Pernette du Guillet répond à


cet amour :
Jà n'est besoin que plus je me soucie
Si le jour faut, ou que vienne la nuit,
Nuit hivernale, et sans Lune obscurcie :
Car tout cela certes rien ne me nuit,
Puisque mon Jour par clarté adoucie
M'éclaire toute, et tant, qu'à la minuit
En mon esprit me fait apercevoir
Ce que mes yeux ne surent onques voir.
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LOUISE LABÉ
(1526-1565)

1526. Louise Labé naît à Lyon. Son père, Pierre Charly,


Charlin, ou Charlieu, dit Labé (ou Labbé) était
d'origine italienne. Louise Labé était fort belle,
instruite.
1542. Habile à monter à cheval et à manier les armes,
Louise avait le goût des aventures. C'est ainsi qu'à l'âge
de seize ans, elle suivit les troupes royales en
Roussillon. Les soldats l'appelaient "Capitaine Loys".
vers 1545. Au retour de ses campagnes, Louise épouse
Ennemond Perrin, un riche cordier. Désormais on
appellera Louise "la Belle Cordière". Dans un hôtel de
Lyon, elle réunit un véritable "salon littéraire" avant la
lettre.
1555. Publication de ses Œuvres.
1565. Mort d'Ennemond Perrin et de Louise Labé.

"Elle a écrit quelques uns des plus francs et des plus


beaux vers d'amour qu'il y ait dans notre langue". (J.
Plattard).
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Louise Labé (ou Labbé), La Belle Cordière (Photo J.-L. Charmet)

SONNET

L'œuvre de Louise Labé est composée de sonnets : deux


quatrains suivis de deux tercets. Le sonnet qui suit est
écrit en vers de dix syllabes organisés selon la rime
ABBA - ABRA - CDC—CDD. Un sonnet est à l'origine
une petite chanson et, longtemps, les sonnets furent
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destinés à être chantés. Peut-être nous viennent-ils des


troubadours mais il est sûr que la forme fut mise à la
mode par Pétrarque. On verra ici que l'inspiration
même doit beaucoup au poète italien, qui a maintes fois
évoqué les contradictions de l 'amour.

Je vis, je meurs : je me brûle et me noie.


J'ai chaud extrême en endurant froidure :
La vie m'est et trop molle et trop dure.
J'ai grands ennuis entremêlés de joie :
Tout à un coup, je ris et je larmoie,
Et en plaisir maint grief tourment j'endure ;
Mon bien s'en va, et à jamais il dure ;
Tout en un coup je sèche et je verdoie.
Ainsi Amour inconstamment me mène ;
Et, quand je pense avoir plus de douleur,
Sans y penser je me trouve hors de peine.
Puis, quand je crois que ma joie est certaine,
Et être au haut de mon désiré heur,
Il me remet en mon premier malheur.
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JOACHIM DU BELLAY
(1522-1560)

1522. Naissance de J. du Bellay près de Liré, en Anjou.


Jeunesse mélancolique d'un orphelin maladif qui doit
renoncer au métier des armes et se voit promis à l'état
ecclésiastique sous la protection de son cousin le
cardinal Jean du Bellay, évêque de Paris et diplomate.
Pour se préparer à faire carrière à ses côtés, du Bellay
étudie le droit à Poitiers.
1547-1549. Du Bellay étudie les humanités sous la
direction de Dorat. Tandis que Ronsard sera plutôt
marqué par l'hellénisme, du Bellay se sentira plus
proche de la sensibilité latine et nationale. C'est à lui
qu'il reviendra de proclamer les ambitions de la
"Brigade" dans la Défense et Illustration de la Langue
française.
novembre 1549. Poète courtisan, il dédie à la princesse
Marguerite, sœur du roi Henri H, un Recueil de
poésies.
1553-1557. Après avoir souffert d'une longue maladie
(1550-1552), du Bellay part pour Rome avec son cousin
le cardinal en novembre 1553. Sa situation ne répond
pas à ses espérances car il est confiné dans d'ingrates
fonctions d'intendant, écœuré par les mœurs romaines,
envahi par la nostalgie de sa province. Mais il trouve
dans son séjour et dans ses malheurs même l'inspiration
des sonnets des Antiquités de Rome et des Regrets.
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1557. Retour en France, suivi, en 1558, de la


publication de ses oeuvres : Antiquités, Regrets,
Poemata, Jeux rustiques.
1559. Il est accablé de graves soucis "pour la
conservation de sa maison", et une mort brutale le
surprend dans la nuit du 1er Janvier 1560, tandis qu'il
composait un poème. TI avait trente-sept ans.
D'une vie trop brève et pleine de déceptions sa poésie a
su "faire de l'or".

Les ruines du forum romain au XVIe siècle;


au fond, à gauche, le Colisée
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TELLE QUE DANS SON CHAR ...

Du Bellay n'a pas retrouvé dans Rome l'image de


l'Antiquité à laquelle sa culture latine l'avait préparé.
Mais, dans sa ruine même, la Ville éternelle garde pour
lui une tragique grandeur. Il la voit ici sous les traits de
Cybèle, la déesse du mont Bérécynte, en Phrygie, la
mère des Dieux, comme Virgile déjà l'évoquait au chant
VI de l'Enéide : Qualis Berecyntia mater (v. 784). Avec
ce texte, et dans tous les sonnets de du Bellay que nous
citons, le lecteur notera l'entrée en force du vers de
douze syllabes, le célèbre alexandrin.

Telle que dans son char la Bérécyntienne


Couronnée de tours, et joyeuse d'avoir
Enfanté tant de Dieux, telle se faisait voir
En ses jours plus heureux cette ville ancienne :
Cette ville, qui fut plus que la Phrygienne
Foisonnante en enfants, et de qui le pouvoir
Fut le pouvoir du monde, et ne se peut revoir
Pareille à sa grandeur, grandeur sinon la sienne.
Rome seule pouvait à Rome ressembler,
Rome seule pouvait Rome faire trembler :
Aussi n'avait permis l'ordonnance fatale
Qu'autre pouvoir humain, tant fut audacieux,
Se vantât d'égaler celle qui fit égale
Sa puissance à la terre et son courage aux cieux.
(Antiquités, Sonnet VI)
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LAS, OÙ EST MAINTENANT ...

En contrepoint des Antiquités, où du Bellay exalte la


Rome antique, noble jusque dans son écroulement, les
Regrets traduisent, de la manière la plus sincère et la
plus touchante, la déception d'un homme tristement
revenu de ses illusions.

Las, où est maintenant ce mépris de Fortune ?


Où est ce cœur vainqueur de toute adversité,
Cet honnête désir de l'immortalité,
Et cette honnête flamme au peuple non commune ?
Où sont ces doux plaisirs, qu'au soir sous la nuit brune
Les Muses me donnaient, alors qu'en liberté
Dessus le vert tapis d'un rivage écarté
Je les menais danser aux rayons de la Lune ?
Maintenant la Fortune est maîtresse de moi,
Et mon coeur, qui soûlait être maître de soi,
Est serf de mille maux et regrets qui m'ennuient.
De la postérité, je n'ai plus de souci,
Cette divine ardeur, je ne l'ai plus aussi,
Et les Muses, de moi, comme étranges, s'enfuient.
(Regrets, Sonnet VI)
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FRANCE, MÈRE DES ARTS ...

C'est maintenant un appel au secours qu 'adresse à la


mère patrie un poète désespéré.

France, mère des arts, des armes et des lois,


Tu m'as nourri longtemps du lait de ta mamelle :
Ores, comme un agneau qui sa nourrice appelle,
Je remplis de ton nom les antres et les bois.
Si tu m'as pour enfant avoué quelquefois,
Que ne me réponds-tu maintenant, ô cruelle ?
France, France, réponds à ma triste querelle.
Mais nul, sinon Écho, ne répond à ma voix.
Entre les loups cruels, j'erre parmi la plaine,
Je sens venir l'hiver, de qui la froide haleine
D'une tremblante horreur fait hérisser ma peau.
Las, tes autres agneaux n'ont faute de pâture,
Ils ne craignent le loup, le vent ni la froidure :
Si ne suis-je pourtant le pire du troupeau.
(Regrets, Sonnet IX)
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HEUREUX QUI COMME ULYSSE ...

Ce sonnet, où l'on retrouverait sans peine la sensibilité


et l'inspiration virgiliennes de tel passage de la
Première Bucolique (En unquam patrios longo post
tempore fines, v. 68) et dont le poète a donné lui-même
une première esquisse dans une élégie latine qu'il
écrivit à Rome, reste cependant l'expression la mieux
sentie et la plus achevée du "mal du pays

Heureux qui, comme Ulysse, a fait un beau voyage,


Ou comme celui-là qui conquit la toison ;
Et puis est retourné, plein d'usage et raison,
Vivre entre ses parents le reste de son âge !
Quand reverrai-je, hélas, de mon petit village
Fumer la cheminée, et en quelle saison
Reverrai-je le clos de ma pauvre maison,
Qui m'est une province, et beaucoup d'avantage ?
Plus me plaît le séjour qu'ont bâti mes aïeux,
Que des palais romains le front audacieux :
Plus que le marbre dur me plaît l'ardoise fine,
Plus mon Loire gaulois que le Tibre latin
Plus mon petit Liré que le mont Palatin,
Et plus que l'air marin la douceur angevine.
(Regrets, Sonnet XXXI)
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257 Ri ul-Jean Toulet


0 Contrerimes
259 Edmond Rostand
0 Ce sont les cadets de Gascogne
265 Paul Fort
0 L'écureuil
267 Francis Jammes
0 Les mystères douloureux
271 Paul Claudel
D Salut donc, ô monde nouveau à mes yeux...
277 Charles Péguy
D Présentation de la Beauce à Notre-Dame de
Chartres
0 Heureux ceux qui sont morts dans une juste guerre
283 Anna de Noailles
ci L'empreinte
285 Max Jacob
o Invitation au voyage
289 Léon-Paul Fargue
D Nuits blanches
293 Paul Valéry
D Le cimetière marin
301 Guillaume Apollioaire
CI Zone
0 Le pont Mirabeau
310 Jules Supervielle
o L'enfant née depuis peu
314 Saint-John Perse
0 Anabase
317 Pierre-Jean Jouve
0 Résurrection des morts
o Intérieur extérieur
321 Pierre Reverdy
CI Chemin tournant
324 Tristan Tzara
0 Pour faire un poème dadaïste
0 La grande complainte de mon obscurité trois
329 André Breton
0 L'union libre
335 Paul Éluard
D La courbe de tes yeux
0 Liberté
345 Antonin Artaud
Ci Tutuguri, le rite du soleil noir
350 Louis Aragon
0 C
D J'écris dans un pays dévasté par la peste
o H n'y a pas d'amour heureux
359 Joël Bousquet
13 L'hirondelle blanche
363 Philippe Soupault
(3 Rien que cette lumière
365 Benjamin Péret
D On sonne
369 Henri Michaux
0 Le grand combat
373 Francis Ponge
D Les mûres
D Le cageot
377 Robert Desnos
D Rrose Sélavy, etc.
o Les gorges froides
D Demain
385 Jacques Prévert
0 Barbara
389 Léopold Sédar Senghor
0 Femme noire

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