Pline Le Jeune. Lettres Vol 2, Livres 6-10

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LETTRES

TRADUCTION NOUVELLE
AVEC NOTICE ET NOTES

PAR

C. S1CÂRD
AGRÉGÉ DE GRAMMAIRE^ PROFKSSEUR HONORAIRE

TOME DEUXIÈME

PARIS
L I B R A I R I E G A R N I E R FRÈRES
6, RUE DES SAINTS-PÈRES, 6

1931
LETTRES

PLINE LE JEUNE

PLINE LE JEUNE. T. n.
G. PLINII SECUNDI LETTRES
DE

EPISTUL.E PLINE LE JEUNE

LIBER SEXTUS LIVRE SIXIÈME

I. — C. PLINIUS TIRONI SUO S. J. — C. P L I N E SALUE SON CHER TIRO

Quamdiu ego trans Padum, tu in Piceno, minus te Tant que j'étais au delà du Pô et vous dans le Picenum,
je vous réclamais moins vivement; depuis que je suis
requirebam; postquam ego in urbe, tu adhuc in Piceno, à Rome et que vous êtes encore dans le Picenum, mon
multo magis; seu quod ipsa loca in quibus esse una sole- désir grandit; c'est peut-être que les lieux où nous
mus acrius me tui commonent; seu quod desiderium avons l'habitude d'être ensemble, me rappellent plus
vivement votre souvenir; ou peut-être que rien n'aiguise
absentium nihil perinde ac vicinitas acuit, quoque pro- les regrets de l'absence comme le voisinage, et que plus
pius accesseris ad spem fruendi, hoc impatientius careas. se rapproche l'espoir de la jouissance, plus s'avive l'im-
patience de la privation. Quoi qu'il en soit, délivrez-moi
Quicquid in causa, eripe me huic tormento ; veni, aut ego de ce tourment. Revenez, ou c'est moi qui retournerai
illuc unde inconsulte properavi revertar, vel ob hoc aux lieux d'où je me suis hâté de partir si inconsidéré-
ment, ne serait-ce que pour voir si, vous trouvant à
solum, ut experiar an mihi, cum sine me Romse cceperis
Rome sans moi, vous m'écrirez des lettres pareilles à
esse, similes his epistulas mittas. Vale. celle-ci. Adieu.

II. — C. PLINIUS ARRIANO SUO S. II. — C. P L I N E SALUE SON CHER ARRIANUS

Il m'arrive souvent de chercher dans nos audiences


Soleo nonnunquam in judiciis quserere M. Regulum, M. Regulus; je ne dis pas de le regretter. Pourquoi je
nolo enim dicere desiderare. Cur ergo quœro? Habebat le cherche, direz-vous? Il tenait nos fonctions en hon-
4 C. PLINII SECUNDI. LIBER VI PLINE LE JEUNE. LIVRE VI 5

studiis honorem, timebat, pallebat, scribebat, quamvis neur; il tremblait, il pâlissait, il écrivait ses discours,
quoique incapable de les apprendre par cœur. Certaines
non posset ediscere. Illud ipsum, quod oculum modo habitudes même, telles que de se border de fard tantôt
dextrum, modo sinistrum circumlinebat, dextrum, si a l'œil droit, tantôt l'œil gauche, le droit, s'il avait à
plaider pour le demandeur, le gauche s'il soutenait le
petitore, alterum, si a possessore esset acturus, quod can-
le défenseur, de transporter une mouche blanche d'un
didum splenium in hoc aut in illud supercilium trans- sourcil à l'autre; de consulter sans cesse les aruspices
ferebat, quod semper haruspices consulebat de actionis sur l'issue du procès, témoignaient d'une superstition
excessive, mais aussi de la haute idée qu'il se faisait de
eventu, anili superstitione. Sed tamen et a magno stu- ses fonctions. Et ce qu'il y avait de très agréable quand
diorum honore veniebat. Jam illa perquam jucunda una on plaidait en même temps que lui, c'est qu'il réclamait
un temps de parole illimité, qu'il se chargeait de réunir
dicentibus, quod libéra tempora petebat, quod audi- des auditeurs. Quel plaisir, que de pouvoir, sous la res-
turos corrogabat. Quid enim jucundius quam sub alte- ponsabilité d'autrui, parler aussi longtemps qu'on veut,
et avec toute tranquillité, devant une assistance ras-
rius invidia, quamdiu velis et in alieno auditorio quasi
semblée par un autre et où l'on arrive à l'impro-
deprehensum commode dicere? viste.
Sed utcumque se habent ista, bene fecit Regulus quod Malgré cela, Regulus a bien fait de mourir. Il eût
mieux fait encore de mourir plus tôt, car aujourd'hui il
est mortuus; melius, si ante, nunc enim sane poterat aurait pu vivre sans danger pour le public sous un prince,
sine malo publico vivere sub eo principe, sub quo nocere qui l'aurait mis dans l'impossibilité de nuire. Aussi est-il
permis de le chercher quelquefois. Car depuis sa mort
non poterat. Ideo fas est nonnumquam eum quserere. s'est répandue et a prévalu l'habitude de ne donner et
Nam postquam obiit, illa increbruit passim et invaluit de ne demander que deux ou qu'une et parfois même
qu'une demi clepsydre. Car les orateurs aiment mieux
consuetudo binas vel singulas clepsydras, interdum
avoir plaidé que plaider, et les auditeurs, en avoir fini
etiam dimidias, et dandi et petendi. Nam et qui dicunt que juger. Tant sont grandes la négligence, la paresse,
egisse malunt quam agere, et qui audiunt finire quam l'absence d'égards pour nos propres travaux et pour
les dangers des parties. Sommes-nous plus habiles que
judicare. Tanta neglegentia, tanta desidia, tanta denique nos ancêtres, plus justes que les lois mêmes, qui dispen-
irreverentia studiorum periculorumque est ! An nos sent tant d'heures, tant de jours, tant de remises *?
L'esprit de nos pères était-il si obtus et si lent? Avons-
sapientiores majoribus nostris, nos legibus ipsis justiores, nous la parole plus claire, l'intelligence plus prompte,
quœ tôt horas, tôt dies, tôt comperendinationes largiun- le jugement plus sûr, nous qui demandons moins de
clepsydres 2 pour bâcler des causes qu'ils ne mettaient
tur? Hebetes illi et supra modum tardi? Nos apertius
de jours à les étudier? Ou êtes-vous, Regulus, vous
dicimus, celerius intellegimus, religiosius judicamus, qui dont les intrigues obtenaient de tous ce qu'un si petit
paucioribus clepsydris prsecipitamus causas, quam diebus nombre accordent à la conscience?
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explicari solebant? O Régule, qui ambitione ab omnibus Pour moi toutes les fois que je remplis les fonctions
de juge, ce qui m'arrive même plus souvent que celles
obtinebas quod fldei paucissimi praîstant !
d'avocat, plus on me demande d'eau, plus j'en accorde.
Equidem quotiens judico, quod sEepius facio quam dico, C'est une vraie présomption, à mon avis, de deviner
quantum quis plurimum postulat aquse, do. Etenim combien doit durer une cause qu'on n'a pas encore
temerarium existimo divinare quam spatiosa sit causa entendue, et de délimiter le temps accordé à une affaire
dont on ignore l'ampleur, alors surtout que le premier
inaudita tempusque negotio fînire, cujus modum ignores, devoir d'un juge envers sa conscience est la patience,
prassertim cum primam religioni suse judex patientiam qui est même une grande partie de la justice. Mais,
debeat, quse pars magna justitiœ est. At qusedam super- objecte-t-on, que de paroles superflues? Soit; mais il
vaut encore mieux les dire que de ne pas dire tout le
vacua dicuntur. Etiam; sed satius est et hœc dici quam nécessaire. D'ailleurs on ne peut savoir qu'elles sont
non dici necessaria. Prseterea an sint supervacua, nisi superflues, qu'après les avoir entendues. Mais nous parle-
cum audieris, scire non possis. Sed de his melius coram, rons de cette question beaucoup mieux de vive voix,
ainsi que de plusieurs travers de nos concitoyens. Car
ut de pluribus vitiis civitatis. Nam tu quoque amore
vous aussi, par amour du bien public, vous souhaitez
communium soles amendari cupere, quse jam corrigere de voir chasser des défauts qu'il est désormais difficile
difficile est. de corriger.
Nunc respiciamus domos nostras. Ecquid omnia in £; Maintenant jetons un regard vers nos familles. Tout
va-t-il bien dans la vôtre? Chez moi rien de nouveau. Or
tua recte? in mea novi nihil. Mihi autem et gratiora sunt pour moi le bonheur me devient de plus en plus précieux
bona, quod persévérant; et leviora incommoda, quod par sa durée, et les désagréments de plus en plus légers
assuevi. Vale. par l'habitude. Adieu.

III. — C. P L I N E SALUE SON CHER V É R U S


III. — C. PLINIUS VERO SUO S.

Je vous remercie de vous être chargé de faire valoir


Gratias ago quod agellum, quem nutrici mese dona- la petite terre que j'ai donnée autrefois à ma nourrice.
veram, colendum suscepisti. Erat, cum donarem, centum Elle était estimée, quand je la lui ai donnée, cent mille
sesterces; plus tard, le revenu diminuant, le fonds aussi
milium nummum; postea, decrescente reditu, etiam a baissé de prix; mais maintenant grâce à vos soins il
pretium minuit, quod nunc, te curante, reparabit. Tu reprendra sa première valeur. Souvenez-vous toutefois
modo mèmineris commendari tibi a me non arbores et que je vous confie moins les arbres et la terre, quoique
terram (quamquam liEec quoque), sed munusculum meum; j ' y tienne aussi, que le petit présent dont je suis l'au-
teur. Qu'il rapporte le plus possible cela n'importe
quod esse quam fructuosissimum non illius magis interest, pas plus à celle qui l'a reçu, qu'à moi, qui l'ai donné.
quse accepit, quam mea, qui dedi. Vale. Adieu.
ii C. PLINII SECUNDI. LIBER VI PLINE LE J E U N E . — LIVRE VI 9

IV. — C. PLINIUS CALPURNIAE SUAE S. iV. — G. P L I N E SALUE SA CHÈRE CALPURNIA

Numquam sum magis de occupationibus meis questus. »• Jamais mes occupations ne m'ont causé plus d'ennui,
qu'en m'empêchant de vous accompagner, quand vous
quse me non sunt passse aut proflciscentem te valetudinis êtes partie pour la Campanie, à cause de votre santé,
causa in Campaniam prosequi, aut profectam e vestigio ou de vous y rejoindre aussitôt après votre départ. C'est
maintenant en effet que je désirerais surtout d'être
subsequi. Nunc enim praecipue simul esse cupiebam, ut avec vous, afin de juger par mes propres yeux des progrès
oculis meis crederem, quid viribus, quid corpusculo de vos forces et de votre chère santé, et de voir enfin
si les plaisirs de cette retraite et l'abondance de cette
apparares, ecquid denique secessus voluptates regio-
région ne vous font point de tort. D'ailleurs même si
nisque abundantiam inofîensa transmitteres. Equidem vous vous portiez bien, je supporterais avec peine votre
etiam fortem te non sine cura desiderarem; est enim absence. Rien ne vous inquiète et ne vous tourmente
au sujet de la personne tendrement aimée, comme d'être
suspensum et anxium de eo, quem ardentissime diligas, par moments sans nouvelles. Aujourd'hui non seulement
interdum nihil scire. Nunc vero me cum absentise, tum votre absence, mais encore votre santé me jettent dans
toutes sortes d'inquiétudes et de terreurs. Je crains
infirmitatis tuœ ratio incerta et varia sollicitudine exterret.
tout, je m'imagine tout, et comme il arrive aux carac-
Vereor omnia, imaginor omnia; quseque natura metuen- tères soucieux, je crois toujours voir arriver ce que je
tium est, ea maxime mihi, quse maxime abominor, fingo. redoute le plus. Je vous prie donc d'autant plus vive-
ment, de prévenir mes anxiétés par une ou même deux
Quo impensius rogo ut timori meo cotidie singulis, vel lettres chaque jour. Je serai plus rassuré, tant que je
etiam binis epistulis consulas. Ero enim securior, dum lirai; et je retomberai dans mes craintes, aussitôt après
avoir lu. Adieu.
lego, statimque timebo, cum legero. Vale.

V. — C. P L I N E SALUE SON CHER URSUS


V. — C. PLINIUS URSO SUO S.
Je vous ai écrit que Varenus 3 avait obtenu le droit
Scripseram tenuisse Varenum ut sibi evocare testis d'obliger ses témoins à se présenter; le plus grand nombre
ont trouvé cette décision juste, quelques-uns l'ont jugée
liceret; quod pluribus aequum, quibusdam iniquum, et injuste et se sont entêtés dans leur opinion, en particulier
quidem pertinaciter. visum, maxime Licinio Nepoti, qui Licinius Nepos qui, à la séance suivante du sénat,
quand il s'agissait d'autres affaires, a parlé du dernier
sequenti senatu, cum de rébus aliis ref erretur, de proximo
sénatus-consulte et a repris une question jugée. Il a
senatusconsulto disseruit finitamque causam retractavit.. même ajouté qu'il fallait inviter les consuls à proposer
Addidit etiam petendum a consulibus ut referrent sub au sénat de conformer la loi de restitution à la loi sur
la brigue, en décidant qu'à l'avenir on ajouterait à cette
exemplo legis ambitus de lege repetundarum, an placeret loi une disposition qui accorderait aux accusés aussi,
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in futurum ad eam legem adjici, ut, sicut accusatoribus le droit que cette loi reconnaît aux accusateurs de faire
inquirendi testibusque denuntiandi potestas ex ea lege une enquête et d'obliger leurs témoins à se présenter.
Il y en eut à qui ce discours déplut comme tardif, inop-
esset, ita reis quoque fieret. Fuerunt quibus heec ejus
portun et hors de propos, puisque ayant laissé passer
oratio, ut sera et intempestiva et prsepostera, displice- le moment de s'y opposer, il critiquait une décision
ret; quaî omisso contradicendi tempore, castigaret perac- prise qu'il aurait pu prévenir. Et le préteur Juventius
tum, cui potuisset occurrere. Juventius quidem Celsus Celsus lui reprocha avec abondance et avec force de
prsetor, tamquam emendatorem senatus, et multis et s'ériger en censeur du sénat. Nepos répondit, Celsus
répliqua et ni l'un ni l'autre ne s'abstint des injures.
vehementer increpuit. Respondit Nepos rursusque Celsus :
Je ne veux pas répéter ce que j'ai déjà eu de la peine à
neuter contumeliis temperavit. Nolo referre quse dici leur entendre dire. Je n'en ai que plus vivement blâmé
ab ipsis moleste tuli. Quo magis quosdam e numéro ceux de nos sénateurs qui couraient de Celsus à Nepos,
nostro improbavi, qui modo ad Celsum, modo ad Nepo- selon que l'un ou l'autre parlait, qui feignaient tantôt
tem, prout hic vel ille diceret, cupiditate audiendi cur- de les exciter et de les enflammer, tantôt de les apaiser
et de les réconcilier, et qui invoquaient la protection de
sitabant; et nunc quasi stimularent et accenderent, nunc
César le plus souvent pour un seul, quelquefois même
quasi reconciliarent componerentque, frequentius sin- pour tous les deux, comme dans un spectacle du cirque.
gulis, ambobus interdum propitium Ceesarem, ut in Mais ce qui m'a laissé le plus d'amertume c'est qu'ils
ludicro aliquo, precabantur. M M quidem illud etiam s'étaient prévenus de leurs intentions. Car Celsus lut
peracerbum fuit, quod sunt alter alteri quid pararent sur un écrit sa réponse à Nepos et Nepos lut la sienne à
Celsus sur des tablettes. L'indiscrétion de leurs amis
indicati; nam et Celsus Nepoti ex libello respondit et
avait été telle que ces hommes disposés à se disputer
Celso Nepos ex pugillaribus. Tanta loquacitas amicorum, savaient réciproquement tout le détail de leur querelle,
ut hommes jurgaturi id ipsum invicem scirent tamquam comme si elle eût été concertée. Adieu.
convenissent. Vale.

VI. — C. PLINE SALUE SON CHER FUNDANUS

V I . —- C. PLINIUS FUNDANO SUO S.


Si jamais j'ai désiré que vous soyez à Rome, c'est bien
en ce moment et je vous supplie d'y venir. J'ai besoin
Si quando, nunc prsecipue cuperem esse te Romse et d'un ami qui s'associe à mes désirs, à mes efforts, à mes
sis rogo. Opus est mihi voti, laboris, sollicitudinis socio. préoccupations. Julius Naso brigue les honneurs; il a
Petit honores Julius Naso; petit cum multis, cum bonis, beaucoup de concurrents, des concurrents de grand
mérite sur qui il sera aussi difficile que glorieux de l'em-
quos ut gloriosum, sic est difficile superare. Pendeo
porter. En proie à l'anxiété, tiraillé par l'espoir et la
ergo, et exerceor spe, afïicior metu, et me consularem crainte, j'oublie que j'ai été consul, car je me crois de
esse non sentio; nam rursus mihi videor omnium, nouveau candidat à toutes les charges que j'ai remplies.
quse decucurri, candidatus. Naso mérite ces soucis par sa longue affection pour
12 C. PLINII SEGUNDI. — LIBER VI PLINE LE JEUNE. — LIVRE VI 13

Meretur hanc curam longa mei caritate. Est mihi cum moi. Mon amitié pour lui n'est pas précisément un
illo non sane paterna amicitia, neque enim esse potuit héritage paternel (car mon âge s'y opposait); cependant
dès ma première adolescence on me montrait son père
per meam œtatem. Solebat tamen vixdum adulescentulo avec les plus grands éloges. Il aimait avec passion non
mihi pater ejus cum magna laude monstrari. Erat non seulement les lettres mais les lettrés, et presque chaque
studiorum tantum, verum etiam studiosorum aman- jour il accourait aux leçons de ceux que je fréquentais
moi aussi alors, aux leçons de Quintilien, de Nicetes
tissimus ac prope cotidie ad audiendos, quos tune ego Sacerdos; c'était d'ailleurs un homme connu et impor-
frequentabam, Quintilianum, Niceten Sacerdotem, venti- tant et dont la mémoire devrait servir son fils. Mais des
tabat, vir alioqui clarus et gravis, et qui prodesse filio sénateurs d'aujourd'hui beaucoup ne l'ont pas connu,
beaucoup d'autres l'ont connu, mais n'ont de considé-
memoria sui debeat. Sed multi nunc in senatu quibus ration que pour les vivants. Aussi Naso doit-il, ne comp-
ignotus ille, multi quibus notus, sed nonnisi viventes tant guère sur la gloire de son père, qui lui vaut beaucoup
reverentur. Quo magis huic, omissa gloria patris, in qua d'honneur, peu de crédit, tout attendre de ses efforts, de
ses travaux personnels. C'est d'ailleurs ce qu'il a toujours
magnum ornamentum, gratia infirma, ipsi enitendum, fait avec constance, comme s'il prévoyait les circonstances
ipsi elaborandum est. Quod quidem semper, quasi pro- présentes. Il s'est créé des amis et les a cultivés ensuite;
videret hoc tempus, sedulo fecit; paravit amicos; quos quant à moi, dès qu'il s'est cru en état de juger, il m'a
choisi pour ami et pour modèle. Quand je plaide, il est
paraverat, coluit, me certe, ut primum sibi judicare per-
dans l'assistance plein d'émotion, il s'assied près de moi
misit, ad amorem imitationemque delegit. Dicenti mihi pendant mes lectures publiques. Je l'associe aux débuts
sollicitus assistit, assidet recitanti; primis etiam et et même à la naissance de mes plus petits ouvrages, je
l'associe seul maintenant, auparavant avec son frère,
cum maxime nascentibus opusculis meis interest, nunc
qu'il vient de perdre et dont je dois lui tenir lieu, dont je
solus, ante cum fratre, cujus nuper amissi ego suscipere dois remplir la place vide. Quelle douleur pour moi !
partes, ego vicem delîëo implere. Doleo enim et illum L'un est enlevé cruellement par une mort prématurée,
l'autre est privé de l'appui du meilleur des frères et
immatura morte indignissime raptum et hune optimi
abandonné à la protection de ses seuls amis.
fratris adjumento destitutum solisque amicis relictum.
Voilà pourquoi j'exige que vous veniez et que vous
Quibus ex causis exigo ut venias et suffragio meo unissiez vos recommandations aux miennes. Il est d'une
tuum j.ungas. Permultum interest mea te ostentare, grande importance pour ma cause que je vous montre
partout, que j'aille partout accompagné de vous. Telle
tecum circuire. Ea est auctoritas tua, ut putem me est votre influence que mes prières, je crois, appuyées
efïicacius tecum etiam meos amicos rogaturum. Abrumpe, par vous, seront plus efficaces même auprès de mes
si qua te retinent; hoc tempus meum, hoc fides, hoc amis. Rompez donc tous les liens qui peuvent vous
retenir; vous devez cet effort à mon intérêt, à ma répu-
etiam dignitas postulat. Suscepi candidatum, et suscepisse tation, et je dirai même à ma dignité. J'ai lancé une
me notum est; ego ambio, ego péricliter. In summa, si candidature, et tout le monde le sait; c'est donc moi
14 C. PLINII SECUNDI. LIBER VI PLINE LE JEUNE. LIVRE VI 15

datur Nasoni quod petit, illius honor; si negatur, mea qui sollicite, moi qui cours les risques; en somme si Naso
repuisa est. Vale. réussit, à lui l'honneur; s'il échoue, à moi l'affront. Adieu.

VII. — C. P L I N E SALUE SA CHÈRE CALPURNIA


VII. — C. PLINIUS CALPURNIAE SUAE S.
Vous m'écrivez que mon absence vous afflige beaucoup
Scribis te absentia mea non mediocriter afflci unumque et que votre seule consolation est d'avoir mes livres au
habere solatium, quod pro me libellos meos teneas, ssepe lieu de moi et de les mettre souvent aux places que je
etiam in vestigio meo colloces. Gratum est quod nos préférais. Il m'est agréable que vous me regrettiez,
agréable que vous trouviez un apaisement dans de telles
requiris, gratum quod his fomentis acquiescis. Invicem distractions. De mon côté je relis sans cesse vos lettres
ego epistulas tuas lectito atque identidem in manus et de temps en temps je les reprends comme si je venais
quasi novas sumo; sed eo magis ad desiderium tui de les recevoir. Mais elles ne font que rendre mes regrets
accendor. Nam cujus litterae tantum habent suavitatis, plus vifs. Car lorsque les lettres d'une personne ont tant
de charme, quelle doit être la douceur de sa conversation?
hujus sermonibus quantum dulcedinis inest ! Tu tamen Ecrivez-moi pourtant le plus souvent possible, quoique
frequentissime scribe, licet hoc ita me delectet, ut tor- j'en éprouve autant de tourment que de joie. Adieu.
queat. Vale.
V I I I . — C. P L I N E SALUE SON CHER PRISCUS

VIII. — C. PLINIUS PRISCO SUO S. Atilius Crescens est connu et aimé de vous; car de
quel personnage un peu en vue n'est-il pas connu et aimé?
Atilium Crescentem et nosti et amas. Quis enim illum Moi, j'ai pour lui non pas l'affection de beaucoup de
spectatior paulo aut non no vit aut non amat? Hune ego gens, mais une tendresse profonde. Nos villes natales
non ut multi, sed artissime diligo. Oppida nostra unius ne sont distantes que d'une journée de marche. Nous,
notre amitié mutuelle est née, et ce sont les amitiés les
diei itinere dirimuntur. Ipsi amare invicem, qui est
plus ardentes, dès notre première adolescence. Elle a
flagrantissimus amor, adulescentuli cœpimus. Mansit persisté depuis et le jugement, loin de la refroidir, l'a
hic postea, nec refrixit judicio, sed invaluit. Sciunt fortifiée. Ceux qui nous voient familièrement l'un et
qui alterutrum nostrum familiarius intuentur; nam et ille l'autre le savent bien; car lui publie partout l'amitié
qu'il a pour moi, et moi je me vante du souci que je prends
amicitiam meam latissima prœdicatione circumfert, et de sa bonne conduite, de son repos et de sa tranquillité.
ego prae me fero quantse sit mihi curœ modestia, quies, Voyez même ! Comme l'insolence d'un futur tribun de
securitas ejus. Quin etiam, cum insolentiam cujusdam la plèbe l'inquiétait et comme il m'en avait fait part, je
lui répondis : « Nul n'oserait, tant que je vivrai. » Où
tribunatum plebis inituri vereretur idque indicasset tendent ces détails? A vous apprendre que, de mon
mihi, respondi : vivant, on ne fera tort à Atilius.
OU T t ; ? S ^ S ' J ÇrTiVTO;. « Encore une fois, direz-vous, où voulez-vous en venir ? »
16 C. PLINII SECUNDI. LIBEH VI PLINE LE JEUNE. LIVRE VI 17

Quorsus hsec? Ut scias non posse Atilium me inco- Valerius Varus lui devait une somme. Son héritier est notre
ami Maximus, avec lequel vous êtes encore plus lié que
lumi, injuriam accipere
moi. Je vous prie donc, j'exige même, au nom des droits
Iterum dices : « Quorsus hsec? » Debuit ei pecuniam de l'amitié, que vous assuriez à mon cher Atilius le
Valerius Varus. Hujus est hères Maximus noster quem paiement intégral non seulement du capital, mais encore
et ipse amo, sed conjunctius tu. Rogo ergo, exigo etiam des intérêts de plusieurs années. C'est un homme res-
pro jure amicitise, cures ut Atilio meo salva sit non sors pectueux du bien d'autrui, soigneux du sien, sans emploi
lucratif, sans revenu autre que ceux de son économie;
modo, sed etiam usura plurium annorum. Homo est car ses travaux littéraires, qui ont beaucoup de valeur,
alieni abstinentissimus, sui diligens. Nullis qusestibus n'ont pas d'autre but que son plaisir et la renommée.
sustinetur, nullus illi, nisi ex frugalitate reditus; nam La moindre perte lui est d'autant plus lourde qu'il a
studia, quibus plurimum prsestat, ad voluptatem tan- plus de peine à remplacer ce qu'il a perdu. Délivrez-le,
tum et gloriam exercet. Gravis est ei vel minima jactura, délivrez-moi de cette inquiétude. Laissez-moi jouir de
ses agréments, de son charme; car je ne puis voir dans
quia reparare quod amiserit gravius est. Exime hune la tristesse, celui dont la gaieté dissipe mes chagrins.
illi, exime hune mihi scrupulum; sine me suavitate ejus, Enfin vous connaissez son enjouement; prenez garde,
sine leporibus perfrui : neque enim possum tristem je vous en prie, qu'une injustice ne le tourne en mauvaise
videre, cujus hilaritas me tristem esse non patitur. In humeur et en amertume. Mesurez la vivacité de ses res-
summa, nosti facetias hominis, quas velim attendas ne sentiments à celle de sa tendresse; une âme si grande et
si fière ne supportera pas un dommage aggravé d'un
in bilem et amaritudinem vertat injuria. Quam vim affront. Mais, s'il le supportait, je considérerais le dom-
habeat offensus, crede ei quam in amore habet. Non mage et l'affront comme personnels, et je m'en indigne-
feret magnum et liberum ingenium cum contumelia rais non pas comme s'ils m'atteignaient moi-même, mais
damnum. Verum ut ferat ille, ego meum damnum, meam bien plus vivement encore. Mais qu'ai-je besoin de décla-
rations et presque de menaces? Il vaut mieux user,
contumeliam judicabo, sed non tamquam pro mea, hoc
comme je l'ai fait en commençant, de prières et vous
est, gravius, irascar. Quamquam quid denuntiationibus supplier de veiller qu'Atilius ne croie pas, ce que je
et quasi minis ago? Quin potius, ut cceperam, rogo, oro redoute très fort, que j'ai négligé ses affaires, ni moi,
des operam ne ille se, quod validissime vereor, a me, que vous avez négligé les miennes. Or vous y veillerez,
ego me neglectum a te putem. Dabis autem, si hoc perinde si vous êtes aussi sensible à ce dernier reproche, que moi
au premier. Adieu.
curse est tibi, quam illud mihi. Vale.

IX. — C. P L I N E SALUE SON CHER TACITE


IX. — C. PLINIUS TACITO SUO S.
Vous me recommandez la candidature de Julius Naso é
Commendas mihi Julium Nasonem candidatum. Naso- Me recommander Naso, à moi? Pourquoi ne pas me
nem mihi? quid si me ipsum? Fero tamen et ignosco. recommander moi-même? Je l'admets cependant et je
Eundem enim commendassem tibi, si, te Romse morante, vous pardonne, car je vous aurais adressé la même
P L I N E L E JEUNE, T . I I . 2
18 C. PLINII SECUNDI. — LIBER VI PLINE LE JEUNE. LIVRE VI 19
ipse afuissem. Habet hoc sollicitudo, quod omnia neces- recommandation, si, vous étant à Rome, j'en eusse été
saria putat. Tu tamen censeo alios roges; ego precum absent. C'est le propre de l'inquiétude; elle croit tout
tuarum minister, adjutor, particeps ero. Vale. nécessaire. Cependant, je vous le conseille, sollicitez-en
d'autres; et moi, je seconderai, je soutiendrai vos ins-
tances, et je m'y associerai. Adieu.
X. — C. PLINIUS ALBINO SUO S.
X . — C. PLINE SALUE SON CHER ALBINUS
Cum venissem in socrus mese villam Alsiensem, quœ
aliquando Rufl Vergini fuit, ipse mihi locus optimi illius Je suis allé voir ma belle-mère dans sa villa d'Alsium,
et maximi viri desiderium non sine dolore renovavit. qui appartint jadis à Verginius Rufus 5 , et ce lieu a
renouvelé mes regrets et ma douleur de la mort de cet
Hune enim incolere secessum atque etiam senectutis
homme excellent et illustre. Il aimait à vivre dans cette
suae nidulum vocare consueverat. Quocumque me con-
retraite qu'il avait coutume d'appeler le doux nid de
tulissem, illum animus, illum oculi requirebant. Libuit sa vieillesse. Partout où je portais mes pas, c'était lui
etiam monimentum ejus videre, et vidisse peenituit. Est que mon cœur, lui que mes yeux cherchaient. J'ai voulu
enim adhuc imperfectum, nec difncultas operis in causa, aussi voir son tombeau, et j'ai regretté de l'avoir vu; car
modici, ac potius exigui, sed inertia ejus cui cura man- il est encore inachevé, non pas à cause des difficultés de
data est. Subit indignatio cum miseratione, post deci- l'ouvrage qui est modeste et plutôt petit, mais à cause
mum mortis annum, reliquias neglectumque cinerem de la négligence de celui à qui le soin en a été confié. On
sine nomine jacere, cujus memoria orbem terrarum glo- est saisi d'indignation et de pitié, quand on voit, dix
ria pervagetur. A t ille mandaverat caveratque, ut divi- ans après sa mort, ses restes et sa cendre oubliés, rester
num illud et immortale factum versibus inscriberetur : sans inscription, et sans nom, alors que sa gloire a répandu
son souvenir dans le monde entier. Et pourtant, prenant
Hic situs est Rufus, puko qui Vindice quondam, lui-même ses précautions, il avait prescrit d'y graver
Imperium asseruit non sibi, sed patriœ. ces vers qui rappelaient cette belle action, divine et
immortelle :
Tam rara in amicitiis fldes, tam parata oblivio mor- « Ici repose Rufus, qui, autrefois, triompha de Vindex
tuorum, ut ipsi nobis debeamus etiam conditoria exstruere et revendiqua l'empire non pour lui, mais pour sa patrie. »
omniaque heeredum officia prsesumere. Nam cui non est Si rare est la fidélité de nos amis, si prompt l'oubli des
verendum, quod videmus accidisse Verginio, cujus inju- morts, que nous devons bâtir nous-mêmes nos tombeaux
riant ut indigniorem, sic etiam notiorem ipsius claritas et assumer d'avance tous les devoirs de nos héritiers.
Car lequel de nous n'a-t-il pas à craindre ce qui arrive
îacit? Vale.
sous nos yeux à Virginius, dont la gloire seule rend cet
affront plus indigne et plus notoire? Adieu.
XI. — C. PLINIUS MAXIMO SUO S.
XL — C. PLINE SALUE SON CHER MAXIMUS
O diem lœtum ! adhibitus in consilium a prsefecto O jour heureux 1 Appelé par le préfet de la ville 6 à
urbis audivi ex diverso agentes summse spei, summœ siéger à ses côtés, j'ai entendu les plaidoiries opposées
20 C. PLINII SECUNDI. LIBER VI PLINE LE JEUNE. LIVRE VI 21

indolis juvenes, Fuscum Salinatorem et Ummidium de deux jeunes gens du plus bel avenir, du plus grand
Quadratum, egregium par, nec modo temporibus nos- talent, Fuscus Salinator et Ummidius Quadratus, couple
tris, sed litteris ipsis ornamento futurum. Mira utrique remarquable qui fera honneur non seulement à notre
temps, mais aux lettres mêmes. Tous deux ont une
probitas, constantia salva, decorus habitus, os planum, honnêteté parfaite qui ne nuit en rien à leur fermeté,
vox virilis, tenax memoria, magnum ingenium, judi- un air distingué, un accent bien latin, une voix mâle, une
cium œquale. quœ singula mini voluptati fuerunt atque mémoire sûre, une grande intelligence avec autant de
jugement; j'ai été charmé de toutes ces qualités, mais
inter hsec illud, quod et ipsi me ut rectorem, ut magis- surtout de ce qu'ils tenaient les yeux fixés sur moi comme
trum intuebantur, et iis qui audiebant, me œmulari, sur leur guide et leur maître, et qu'ils semblaient aux
meis instare vestigiis videbantur. 0 diem (repetam auditeurs n'avoir qu'un désir, celui de m'imiter et de
enim) lsetum, notandumque mihi candidissimo calculo ! marcher sur mes traces. O jour heureux ! car je ne saurais
trop le répéter; ô jour qui mérite d'être marqué par moi
Quid enim aut publiée lsetius quam clarissimos juvenes d'un caillou éblouissant de blancheur ! Quoi de plus heu-
nomen e famam ex studiis petere, aut mihi optatius reux en effet pour la patrie que des jeunes gens des plus
quam me ad recta tendentibus quasi exemplar esse pro- nobles familles qui cherchent le renom et la gloire dans
les lettres, et quoi de plus désirable pour moi que de servir
positum? Quod gaudium ut perpetuo capiam deos oro. de modèle à ceux qu'anime une noble ambition. Puissent
Ab isdem, teste te, peto, ut omnes qui me imitari tanti les dieux me permettre de goûter toujours cette joie !
putabunt, meliores esse quam me velim. Vale. Puissent-ils encore (soyez témoin de mon vœu) accorder
à tous ceux qui croiront honorable de m'imiter d'être
meilleurs que moi ! Adieu.
XII. C. — PLINIUS FABATO PROSOCERO SUO S.
XII. — C. PLINE SALUE SON GRAND-PERE
Tu vero non debes suspensa manu commendare mihi PAR ALLIANCE FABATUS

quos tuendos putas. Nam et te decet multis prodesse et


Ce n'est pas à vous de rne recommander d'un geste
me suspicere quicquid ad curam tuam pertinet. Itaque hésitant ceux que vous jugez dignes de protection. Car
Bittio Prisco quantum plurimum potuero prsestabo, il vous sied à vous de rendre beaucoup de services, et
prsesertim in arena mea, hoc est, apud centumviros. à moi de seconder tous vos efforts. J'aiderai donc de tout
mon pouvoir Bittius Priscus, surtout sur ma piste, c'est-
Epistularum, quas mihi, ut ais, aperto pectore scripsisti,
à-dire auprès des centumvirs. Vous me priez d'oublier
oblivisci me jubés; at ego nullarum libentius memini. les lettres que vous m'avez écrites, dites-vous, à coeur
E x illis enim vel prsecipue sentio quantopere me dili- ouvert. Mais moi, je n'en ai pas dont le souvenir me soit
gas, cum sic exegeris mecum, ut solebas cum tuo filio. plus cher; car elles me font sentir mieux qu'aucune autre
toute la délicatesse de votre affection, puisque vous en
Nec dissimulo hoc mihi jucundiores eas fuisse, quod usez avec moi comme vous faisiez avec votre propre
22 C. PLINII SECUNDI. LIBER VI PLINE LE JEUNE. LIVRE VI ' 23

habeam bonam causam, cum summo studio curassem fils. Du reste je ne cache pas qu'elles m'ont causé d'autant
quod tu curari volebas. Proinde etiam atque etiam rogo plus de plaisir, que j'étais sans reproche, puisque j'avais
mis tout mon zèle à l'affaire que vous m'aviez confiée.
ut mini semper eadem simplicitate, quotiens cessare
Je vous prie donc avec instance de me réprimander
videbor (videbor dico, numquam enim cessabo), con- toujours avec la même franchise, toutes les fois que je
vicium facias, quod et ego intellegam a summo amore vous paraîtrai manquer d'empressement (je dis : paraîtrai,
proficisci, et tu non meruisse me gaudeas. Vale. car je n'en manquerai jamais), reproches qua j'inter-
préterai toujours comme une preuve de votre profonde
amitié, et dont vous aurez la joie de me trouver innocent.
Adieu.
X I I I . — C. PLINIUS URSO SUO S.

X I I I . — C. PLINE SALUE SON CHER URSUS


Unquamne vidisti quemquam tam laboriosum et
exercitum quam "Varenum meum? cui quod summa
Avez-vous jamais vu personne en proie à tant d'ennuis
contentione impetraverat defendendum et quasi rursus et de tracas que mon cher Varenus? Il a été obligé de
petendum fuit. Bithyni senatusconsultum apud consules défendre et comme de gagner une seconde fois une victoire
carpere ac labefactare sunt ausi atque etiam absenti qu'il avait acquise avec tant de peine. Les Bithyniens
ont eu l'audace de critiquer et de battre en brèche devant
principi criminari. Ab illo ad senatum remissi non des- les consuls le sénatus-consulte, et même de porter plainte
titerunt. Egit Claudius Capito irreverenter magis quam contre lui à l'empereur, alors absent de Rome 7. Renvoyés
constanter, ut qui senatusconsultum apud senatum accu- par lui au sénat, ils ne se tinrent pas tranquilles. Claudius
Capito plaida plutôt avec insolence qu'avec énergie,
saret. Respondit Fronto Catius graviter et firme. Sena-
osant accuser devant le sénat un décret du sénat. La
tus ipse mirificus; nam illi quoque, qui prius negarant réponse de Catius Fronto fut digne et ferme; et le sénat,
Vareno quse petebat, eadem danda, postquam erant lui, merveilleux; car ceux mêmes, qui avaient d'abord
refusé à Varenus ce qu'il demandait, furent d'avis
data, censuerunt. Singulos enim intégra re dissentire
d'accorder ce qui avait été accordé; chacun, disait-on,
fas esse, peracta quod pluribus placuisset cunctis tuen- était libre de son opinion, quand l'affaire était intacte;
dum. Acilius tantum Rufus, et cum eo septem an octo, une fois les débats terminés, tous sans exception devaient
septem immo, in priore sententia perseverarunt. Erant respecter la décision de la majorité. Seul Acilius Rufus et
avec lui sept ou huit, sept exactement, persistèrent dans
in hac paucitate nonnulli, quorum temporaria gravitas, leur première opinion. Dans ce nombre minuscule quelques-
vel potius gravitatis imitatio ridebatur. Tu tamen uns étaient risibles par leur gravité de circonstance ou
sestima quantum nos in ipsa pugna certaminis maneat, plutôt par leur affectation de gravité. Jugez cependant
des assauts que me réserve la véritable bataille, d'après
cujus quasi prœlusio atque prsecursio has contentiones les luttes qu'a provoquées ce prélude, cette escarmouche.
excitavit. Vale. Adieu.
24 C. PLINH SECUNDI. LIBER VI PLINE LE JEUNE. LIVRE VI 25

XIV. — C. PLINIUS MAURICO SUO S. XIV. — C. P L I N E SALUE SON CHER MAURIGUS

Sollicitas me in Formianum. Veniam ea condicione, Vous me pressez d'aller vous voir dans votre villa de
Formies. J'irai à condition que vous ne vous gênerez en
ne quid contra commodum tuum facias; qua pactione
rien, accord qui m'apporte une garantie réciproque. Car
invicem mihi caveo. Neque enim mare et litus, sed te, ce n'est pas la mer et son rivage, mais vous, le repos, et la
otium, libertatem sequor; alioqui satius est in Urbe liberté que j ' y vais chercher; sinon, il vaudrait mieux
remanere. Oportet enim omnia aut ad alienum arbi- rester à Rome. Il faut en tout agir ou au gré d'autrui,
trium aut ad suum facere. Mei certe stomachi hsec ou à son propre gré. Or mon caractère est ainsi fait, qu'il
exige tout ou rien. Adieu.
natura est, ut nihil nisi totum et merum velit. Vale.

X V . — C. P L I N E SALUE SON CHER ROMANUS


X V . — C. PLINIUS ROMANO SUO S.
Voici un adorable fait-divers auquel vous n'avez pas
Mirificse rei non interfuisti; ne ego quidem, sed me eu la chance d'assister; moi non plus; mais on me l'a
recens fabula excepit. Passennus Paulus, splendidus raconté encore tout chaud. Passennus Paulus, brillant
chevalier romain, et personnage fort érudit, écrit des vers
eques romanus et in primis eruditus scribit elegos : élégiaques. C'est un don de famille, car il est compatriote
gen.tilitium hoc illi. Est enim municeps Properti, atque de Properce et il compte même Properce parmi ses
etiam inter majores suos Propertium numerat. Is cum ancêtres. Un jour qu'il faisait une lecture publique, il
recitaret, ita cœpit dicere : « Prisce, jubés »... Ad hoc débuta ainsi : « Priscus, vous désirez... » A ces mots
Javolenus Priscus (aderat enim ut Paulo amicissimus) : Javolenus Priscus, qui se trouvait là, puisqu'il est l'ami
intime de Paulus, s'écria : « Moi? mais je ne désire rien ».
« Ego vero non jubeo. » Cogita qui risus hominum, qui Figurez-vous les éclats de rire, les plaisanteries de l'assis-
joci. Est omnino Priscus dubiae sanitatis; interest tamen tance. Priscus est apparemment d'une santé d'esprit
officiis, adhibetur consiliis, atque etiam jus civile publiée douteuse; il prend part cependant à la vie publique, il est
respondet; quo magis, quod tune fecit, et ridiculum et appelé en conseil dans les tribunaux, il donne même des
notabile fuit. Intérim Paulo aliéna deliratio aliquan- consultations de droit civil, c'est ce qui rendit sa sortie
plus ridicule et plus frappante. Pendant un moment cette
tum frigoris attulit. Tam sollicite recitaturis providen- étourderie d'un autre refroidit un peu le débit de Paulus.
dum est non solum ut sint ipsi sani, verum etiam ut Ceux qui font des lectures doivent veiller non seulement
sanos adhibeant ! Vale. à se montrer sensés eux-mêmes, mais encore à n'inviter
que des gens sensés. Adieu.
XVI. — C. PLINIUS TACITO SUO S.
XVI. — C. PLINE SALUE SON CHER TACITE
Petis ut tibi avunculi mei exitum scribam, quo verius Vous me demandez de vous raconter la mort de mon
tradere posteris possis. Gratias ago : nam video morti oncle, afin de pouvoir en transmettre un récit plus exact
26 C. PLINII SECUNDI. — LIBER VI > PLINE LE JEUNE. LIVRE VI 27

ejus, si celebretur a te, immortalem gloriam esse propo- à la postérité. Je vous en remercie, car je vois que sa mort,
« si vous la faites connaître au monde, jouira d'une gloire
sitam. Quamvis enim pulcherrimarum clade terrarum, immortelle. Quoique dans le désastre de la plus belle
ut populi, ut urbes, memorabili casu, quasi semper vic- contrée, emporté avec des peuples, avec des villes, il n'ait
turus, occiderit; quamvis ipse plurima opéra et man- semblé périr que pour revivre à jamais dans le souvenir
des hommes avec celui de cet événement mémorable,
sura condiderit; multum tamen perpetuitati ejus scrip-
quoiqu'il ait laissé lui-même tant d'oeuvres durables,
torum tuorum seternitas addet. Equidem beatos puto, l'immortalité de vos écrits n'ajoutera pas peu à là per-
quibus deorum munere datum est aut facere scribenda, pétuité de son nom 8. Heureux les hommes auxquels il a
été donné par un présent dés dieux de faire des actions
aut scribere legenda; beatissimos vero quibus utrumque.
dignes d'être écrites ou d'écrire des livres dignes d'être
Horum in numéro avunculus meus et suis libris et tuis lus, mais plus heureux encore ceux à qui est échu ce
erit. Quo libentius suscipio, deposco etiam quod injungis. double privilège. Mon oncle se trouvera au nombre de ces
derniers grâce à ses écrits et aux vôtres. J'entreprends
Erat Miseni classemque imperio prœsens regebat. donc volontiers la tâche dont vous me chargez, ou plutôt
Nonum calendas septembres, hora fere septima, mater je la réclame.
mea indicat ei apparere nubem inusitata et magnitudine Il était à Misène et commandait la flotte en personne.
Le neuvième jour avant les calendes de septembre ma
et specie. Usus ille sole, mox frigida, gustaverat jacens,
, mère lui montre l'apparition d'un nuage d'une grandeur
studebatque. Poscit soleas, ascendit locum, ex quo et d'un aspect inusités. Quant à lui, après un bain de
maxime miraculum illud conspici poterat. Nubes (incer- soleil, puis un bain froid, il avait pris un léger repas
tum procul intuentibus ex quo monte, Vesuvium fuisse allongé et travaillait. Il demande ses sandales, et monte à
l'endroit d'où l'on pouvait le mieux observer ce phéno-
postea cognitum est) oriebatur, cujus similitudinem et mène. Un nuage s'élevait (de loin on ne pouvait savoir
formam non alia magis arbor quam pinus expresserit : de quelle montagne, plus tard on apprit que c'était du
nam longissimo velut trunco elata in altum quibusdam Vésuve); son aspect et sa forme ne sauraient être mieux
rendus que par un arbre et particulièrement par le pin
ramis difîundebatur; credo, quia recenti spiritu evecta, parasol. Car, montant d'abord droit comme un tronc
deinde senescente eo destituta, aut etiam pondère suo très élancé, il s'étalait ensuite en rameaux; c'est que, je
victa, in latitudinem vanescebat; candida interdum, crois, soulevé d'abord par le souffle puissant du volcan,
puis abandonné par ce souffle qui faiblissait et aussi
interdum sordida et maculosa, prout terrain cineremve s'afîaissant sous sa propre masse, il se dispersait en
sustulerat. largeur; sa couleur était ici éclatante de blancheur, là
grise et tachetée, selon qu'il était chargé de terre ou dé
Magnum propiusque noscendum, ut eruditissimo viro, cendre.
visum. Jubet liburnicam aptari; mini, si venire una Ce phénomène parut curieux à mon oncle et en vrai
vellem, facit copiam. Respondi studere me malle, et savant il voulut l'étudier de plus près. Il fait appareiller
forte ipse quod scriberem dederat. Egrediebatur^domo ; un vaisseau liburnien 9, et me donne la permission de
28 C. PLINII SECUNDI. LIBER VI PLINE LE JEUNE. LIVRE VI 29

accipit codicillos Rectinse Casci imminenti periculo l'accompagner, si cela me plaît; je lui répondis que je
exterritse (nam villa ejus subjacebat, nec ulla nisi navi- préférais travailler, et justement il m'avait lui-même
donné quelque chose à écrire. Il sortait de la maison ; on
bus fuga); ut se tanto discrimini eriperet orabat. Vertit lui remet un billet de Rectina, femme de Cascus, terrifiée
ille consilium, et quod studioso animo inchoaverat, obit par l'imminence du danger (car sa villa était située au
maximo. Deducit quadriremes, ascendit ipse non Rec- pied du Vésuve et l'on ne pouvait plus fuir qu'avec une
barque); elle le suppliait de l'arracher à un si grand péril.
tinae modo, sed multis (erat enim frequens amœnitas Alors il change de dessein, et ce qu'il avait entrepris par
orae) laturus auxilium. Properat illuc unde alii fugiunt amour de la science, il l'achève par dévouement. Il fait
rectumque cursum, recta gubernacula in periculum avancer des quadriremes, s'y embarque lui-même pour
porter secours non pas seulement à Rectina, mais à
tenet, adeo solutus metu, ut omnes illius mali motus,
beaucoup d'autres (car cette côte était très peuplée à
omnes figuras, ut deprehenderat oculis, dictaret enota- cause de son agrément); il se hâte vers ces lieux d'où
retque. tout le monde fuit, il dirige sa course, il dirige son gou-
vernail droit sur le danger, exempt de crainte, au point de
Jam navibus cinis inciderat, quo propius accédèrent, dicter ou de noter lui-même tous les mouvements, toutes
calidior et densior; jam pumices etiam nigrique et ambusti les formes du terrible fléau, à mesure qu'il les apercevait.
et fracti igné lapides, jam vadum subitum, ruinaque Déjà la cendre tombait sur les vaisseaux, plus chaude et
plus épaisse à mesure qu'ils avançaient; déjà même de la
montis litora obstantia. Cunctatus paulum an rétro pierre ponce et des fragments de rochers que le feu avait
flecteret, mox gubernatori ut ita faceret monenti : fait éclater, noircis et brûlés; déjà le fond de la mer s'était
« Fortes, inquit, fortuna juvat. Pomponianum pete. » exhaussé et les éboulements de la montagne obstruaient
le rivage. Il eut une courte hésitation, se demandant s'il
Stabiis is erat, diremptus sinu medio. Nam sensim cir- retournerait en arrière, puis comme le pilote lui conseillait
cumactis curvatisque litoribus mare infunditur. Ibi, de prendre ce parti : « La fortune, dit-il, aide les braves ;
quamquam nondum periculo appropinquante, conspi- dirige-toi sur l'habitation de Pomponianus. » Il était à
Stabies, de l'autre côté du golfe (car le rivage se courbe et
cuo tamen, et, cum cresceret, proximo, sarcinas contu-
rentre légèrement laissant avancer la mer); là le péril
lerat in naves, certus fugae, si contrarius ventus rese- n'était pas encore proche, mais visible cependant, et, à
disset, quo tune avunculus meus secundissimo invectus mesure qu'il grandissait, il se rapprochait; Pomponianus
avait donc transporté ses effets sur des bateaux, décidé
complectitur trepidantem, consolatur, hortatur utque
à fuir dès que le vent contraire tomberait; or- ce mênje
timorem ejus sua securitate leniret, deferri se in bali- vent très favorable à mon oncle l'amène au port; il
neum jubet, lotus accubat cenatque hilaris,, aut, quod embrasse Pomponianus tout tremblant, le rassure, l'encou-
rage, et pour apaiser sa frayeur par son propre calme, il
est seque magnum, similis hilari.
se fait porter au bain; après, il se met à table et dîne plein
Intérim e Vesuvio monte pluribus locis latissimse de gaieté, ou, ce qui n'est pas moins grand, en affectant
flammée altaque incendia relucebant, quorum fulgor et la gaieté.
30 C. PLINII SECUNDI. — LIBER VI PLINE LE JEUNE. —• LIVRE VI 31

claritas tenebris noctis excitabatur. Ille agrestium tre- Pendant ce temps, sur plusieurs points du Vésuve on
voyait la lueur d'immenses flammes et de gigantesques
pidatione ignés relictos desertasque villas per solitudi- embrasements, dont l'intensité et l'éclat étaient accrus
nem ardere in remedium formidinis dictitabat. Tum se par les ténèbres de la nuit. Lui allait répétant, pour
calmer la frayeur, que c'étaient des feux laissés par les
quieti dédit et quievit verissimo quidem somno; nam
paysans dans leur fuite précipitée, et des villas aban-
meatus animée, qui illi propter amplitudinem corporis données qui brûlaient dans la solitude; enfin il se livra
gravior et sonantior erat, ab iis qui limini obversaban- au repos et dormit d'un sommeil réel, car le bruit de sa
respiration, que sa corpulence rendait forte et sonore,
tur, audiebatur. Sed area, ex qua diseta adibatur, ita était entendu par ceux qui passaient devant sa porte.
jam cinere mixtisque pumicibus oppleta surrexerat, ut, Cependant la cour par laquelle on entrait dans son
appartement, remplie de cendres et de pierres mêlées,
si longior in cubiculo mora, exitus negaretur. Excitatus s'était exhaussée à tel point que, s'il était resté plus long-
procedit seque Pomponiano ceterisque qui pèrvigila- temps dans sa chambre, il n'aurait plus pu en sortir. On le
réveille, il sort et se joint à Pomponianus et aux autres
rant reddit. In commune consultant, intra tecta subsis- qui n'avaient pas dormi de la nuit. Ils tiennent conseil;
tant, an in aperto vagentur : nam crebris vastisque doivent-ils rester dans les maisons ou errer à découvert?
tremoribus tecta nutabant, et quasi emota sedibus suis, Car les maisons secouées par de fréquentes et larges
oscillations chancelaient et, comme arrachées de leurs
nunc hue nunc illuc abire aut referri videbantur. Sub fondations, semblaient s'en aller tantôt d'un côté, tantôt
dio rursus, quamquam levium exesorumque pumicum d'un autre, puis revenir à leur place. D'autre part en
plein air on craignait la chute des pierres ponces, quoique
casus metuebatur. Quod tamen periculorum collatio légères et calcinées; ce fut cependant ce parti qu'on choisit
elegit; et apud illum quidem ratio rationem, apud alios après comparaison des dangers. Mon oncle se décida
d'après la raison la plus forte, les autres d'après la peur la
timorem timor vicit. Cervicalia capitibus imposita lin- plus vive. Ils mettent des oreillers sur leurs têtes et les
teis constringunt; id munimentum adversus decidentia attachent avec des linges, pour se protéger contre tout ce
qui tombait.
fuit.
Ailleurs le jour était déjà venu, là c'était encore la nuit
Jam dies alibi, illic nox omnibus noctibus nigrior et la nuit la plus noire, la plus épaisse, qu'éclairaient
densiorque, quam tamen faces multœ variaque lumina cependant à demi un grand nombre de feux et de lumières
de toute sorte. On songea à se rendre au rivage et à voir
solabantur. Plaçuit egredi in litus et ex proximo aspicere de près si la mer permettait quelque tentative; mais elle
ecquid jam mare admitteret; quod adhuc vastum et restait bouleversée et mauvaise. Là on étendit une étoffe
sur laquelle mon oncle se coucha, puis il demanda de
adversum permanebat. Ibi super abjectum linteum recu- l'eau fraîche et en but à deux reprises. Des flammes et
bans, semel atque iterum frigidam poposcit hausitque. une odeur de soufre qui en annonçaient l'approche,
Deinde flammae flammarumque prasnuntius odor sulfuris mettent tout le monde en fuite et forcent mon oncle à se
32 C. PLINII SECUNDI. LIBER VI
PLINE LE J E U N E . • LIVRE VI 33
et alios in fugam vertunt et excitant illum. Innixus lever. Il se met debout en s'appuyant sur deux esclaves,
servulis duobus assurrexit et statim concidit, ut ego mais retombe aussitôt. J'imagine que les vapeurs deve-
conjecto, crassiore caligine spiritu obstructo clausoque nues trop denses avaient obstrué sa respiration et l'avaient
suffoqué, car il avait la poitrine naturellement délicate,
stomacho, qui illi natura invalidus, angustus et fréquenter embarrassée et souvent haletante 10 . Quand le jour
intersestuans erat. Ubi dies redditus (is ab eo, quem reparut (c'était le troisième depuis le dernier qui avait lui
novissime viderat, tertius), corpus inventum est inte- pour mon oncle), on trouva son corps intact, sans blessure,
revêtu des vêtements qu'il portait ce jour là; son corps
grum, illsesum opertumque, ut fuerat indutus; habitus
étendu donnait l'impression du sommeil plutôt que de la
corporis quiescenti quam defuncto similior. mort.
Intérim Miseni ego et mater... Sed nihil ad historiam, Pendant ce temps à Misène ma mère et moi... Mais
nec tu aliud quam de exitu ejus scire voluisti. Finem ceci n'intéresse pas l'histoire et vous n'avez désiré
connaître que sa mort. Je m'arrête donc. Je n'ajoute qu'un
ergo faciam, Unum adjiciam, omnia me, quibus interfue- mot : je vous ai rapporté fidèlement tout ce que j'ai vu
ram quseque statim, cum maxime vera memorantur, moi-même et tout ce que j'ai appris sur le moment, quand
audiveram, vere persecutum. Tu potissima excerpes. les récits ont le plus de chance d'être vrais. A vous d'y
puiser selon vos préférences; car c'est tout autre chose
Aliud est enim epistulam, aliud historiam, aliud amico, d'écrire une lettre ou une histoire, de s'adresser à un ami
aliud omnibus scribere. Vale. ou au public. Adieu.

X V I I . — C. PLINIUS RESTITUTO SUO S X V I I . — C. P L I N E SALUE SON CHER RESTITUTUS

Indignatiuhculam, quam in cujusdam amici auditorio Je ne puis me retenir de vous faire part du léger accès
d'indignation que j'ai éprouvé à l'audition d'un de mes
cepi, non possum mihi temperare, quominus apud te, amis, et, puisque ce n'est pas possible de vive voix, je
quia non contingit coram, per epistulam efîundam. veux du moins l'exhaler dans une lettre. On donnait
Recitabatur liber absolutissimus. Hune duo aut très, ut lecture d'un livre parfait de tous points. Deux ou trois
auditeurs, fins connaisseurs, à ce qu'ils croient eux-mêmes
sibi et paucis videntur, diserti surdis mutisque similes ainsi qu'un petit nombre de leurs amis, l'écoutaient avec ,
audiebant. Non labra diduxerunt, non moverunt manum, l'air de sourds-muets. Pas un mouvement des lèvres,
non denique assurrexerunt saltem lassitudine sedendi. pas un geste des mains; ils ne se levèrent pas même une
fois au moins par fatigue d'être assis. Quelle gravité I
Quse tanta gravitas? quse tanta sapientia? quse immô
Quelle délicatesse ! Ou plutôt quelle indifférence I Quelle
pigritia, arrogantia, sinisteritas ac potius amentia, in vanité! Quelle aberration! que dis-je! quelle folie!
hoc totum diem impendere, ut ofïendas, ut inimicum Employer un jour entier à blesser un homme, à s'en faire
relinquas, ad quem tamquam amicissimum veneris? un ennemi, alors qu'on est venu chez lui en ami intime 1
Avez-vous plus de talent que lui? Excellente raison pour
Disertior ipse es? tanto magis rie invideris, nam qui n'être pas jaloux, car la jalousie est une preuve d'infë-
P L I N E LE JEUNE. T. n . 3
PLINE L E J E U N E . LIVRE VI 35
34 C. PLINII SECUNDI. •— LIBER VI
riorité. Bref, que vous valiez plus, ou moins, ou autant,
invidet minor est. Denique sive plus, sive minus, sive
louez votre inférieur, votre supérieur, votre égal; votre
idem prsestas, lauda vel inferiorem, vel superiorem, vel
supérieur parce que, s'il ne mérite des éloges, vous ne
parem; superiorem, quia nisi laudandus ille est, non potes pouvez en espérer; votre inférieur ou votre égal, car il
ipse laudari; inferiorem aut parem, quia pertinet ad importe à votre gloire de grandir le plus possible dans
tuam gloriam quam maximum videri quem prsecedis l'opinion celui que vous surpassez ou égalez. Moi, j'ai
vel éxsequas. l'habitude de respecter même et d'admirer tous ceux qui
Equidem omnes, qui aliquid in studiis faciunt, venerari tentent quelque effort dans les lettres. C'est un art diffi-
cile, décevant, et qui rend à ses détracteurs mépris pour
etiam mirarique soleo. Est enim res difficilis, ardua, fas-
mépris. Peut-être en jugez-vous autrement. Et pourtant
tidiosa, et quœ eos, a quibus contemnitur, invicem qui au monde montre plus que vous de respect, de bien-
contemnat. Nisi forte aliud judicas tu. Quamquam quis veillante estime pour ces travaux? Voilà le motif qui m'a
uno te reverentior hujus pperis, quis benignior aestimator? poussé à vous dévoiler mon indignation, certain que per-
Qua ratione ductus tibi potissimum indignationem meam sonne ne pouvait mieux la partager. Adieu.
prodidi, quem habere socium maxime poteram. Vale.
X V I I I . — C. P L I N E SALUE SON CHER SABINUS
X V I I I . — C. PLINIUS SABINO SUO S.
Vous me demandez de défendre la cause de la ville
de Firmium; je m'efforcerai de le faire, malgré les nom-
Rogas ut agam Firmianorum publicam causam; quod breuses occupations qui m'accablent, car j'ai le plus vif
ego, quamquam plurimis occupationibus distentus, adni- désir de m'attacher cette illustre colonie par mon assis-
tar. Cupio enim et ornatissimam coloniam advoca- tance en justice et vous par un service que vous desirez
tionis officio et te gratissimo tibi munere obstringere. vivement. Puisque en effet vous avez recherché dans
Nam cum familiaritatem nostram, ut soles prœdicare, mon amitié, comme vous vous plaisez à le publier, à la
ad praesidium ornamentumque tibi sumpseris, nihil est fois un appui et un honneur, je ne puis rien vous refuser,
surtout quand c'est pour votre patrie que vous sollicitez.
quod negare debeam, preesertim pro patria petenti. Quid
Qu'y-a-t-il de plus honorable que la prière d'un citoyen
enim precibus aut honestius pii, aut efficacius amantis? dévoué et de plus efficace que celle d'un ami? Engagez
Proinde Firmianis tuis ac jam potius nostris obliga donc ma parole à vos chers Fîrmiens, ou plutôt désormais
fidem meam; quos labore et studio meo dignos cum aux nôtres; car ils méritent mes efforts et mon dévoue-
splendor ipsorum tum hoc maxime pollicetur, quod ment; j'en suis assuré par l'éclat de leur ville, et surtout
credibile est optimos esse, inter quos tu talis moreris. parce qu'ils faut les croire parfaits, puisque un homme
Vale. de votre mérite consent à vivre parmi eux. Adieu.

XIX. — C. PLINIUS NEPOTI SUO S. XIX. — C. P L I N E SALUE SON CHER NEPOS lx

Scis tu accessisse pretium agris, prsecipue subur- Vous savez que les terres ont augmenté de prix surtout
banis? Causa subite caritatis res multis agitata sermo- dans la banlieue de Rome. La cause de ce renchérisse-
36 C. PLINII SECUNDI. — LIBER VI PLINE LE JEUNE. — LIVRE VI 37

nibus proximis comitiis honestissimas voces senatus ment subit est un fait dont on s'est souvent entretenu;
expressit : « Candidati ne conviventur, ne mittant munerâ, aux derniers comices le sénat a émis des voeux fort
honorables; « que les candidats cessent de donner des
ne pecunias deponant. » E x quibus duo priora tam aperte banquets, d'envoyer des cadeaux, de consigner de l'ar-
quam immodice fiebant, hoc tertium, quamquam ôccul- gent 12 ». De ces abus les deux premiers s'étalaient au
tareturj pro comperto habebatur. Homullus deinde noster, grand jour et sans aucune retenue; le troisième, quoique
pratiqué en secret, n'en était pas moins de notoriété
vigilanter usus hoc consensu senatus, sententise loco publique. Alors notre ami Homullus, profitant avec dili-
postulavit, ut consules desiderium universorum notum gence de cet accord du sénat, demanda aux consuls
principi facerent peterentque, sicut aliis vitiis, huic quand son tour d'opiner fut venu, de faire connaître
ce désir unanime au prince et de prier sa prévoyance
quoque providentia sua occurreret. Occurrit, nam sump-
d'appliquer à ce désordre la même répression qu'aux
tus candidatorum, fcedos illos et infâmes, ambitus lege autres. Il l'a fait. Car une loi sur la brigue a interdit
restrinxit. Eosdem patrimonii tertiam partem conferre les dépenses des candidats, ces dépenses indignes qui
jussit in ea, quae solo continerentur, déforme arbitratus les déshonoraient. Elle les oblige aussi à placer le tiers
de leur fortune en biens fonds : le prince a jugé, et avec
(et erat), honorera petituros, Urbem Italiamque non pro raison, qu'il était honteux de voir des hommes, qui
patria, sed pro hospitio aut stabulo quasi peregrinantes briguaient les charges publiques, regarder.Rome et l'Italie
habere. Concursant ergo candidati; certatim quicquid non comme une patrie, mais comme une maison où
l'on reçoit l'hospitalité, comm; une auberge où passent
vénale audiunt emptitant quoque sint plura venalia
des voyageurs. De là grande fièvre des candidats : ils
efficiunt. Proinde, si psenitet te italicorum prsediorum, se disputent tout ce qui est à vendre et leurs achats
hoc vendendi tempus tam hercule quam in provinciis incessants font monter les prix de ce qui est mis en
comparandi, dum idem candidati illic vendunt, ut hic vente 13. Ainsi donc, si vous êtes lassé de vos propriétés
d'Italie, voici le moment de les vendre comme aussi
emant. Vale. bien d'en acquérir dans les provinces, profitant de ce
que les mêmes candidats vendent là-bas, pour acheter ici.
Adieu.
XX. — C. PLINIUS TACITO SUO S.
XX. — C. P L I N E SALUE SON CHER TACITE

Ais te adductum litteris, quas exigenti tibi de morte La lettre, dites-vous, que, sur votre demande, je vous
ai écrite au sujet de la mort de mon oncle, vous a inspiré
avunculi mei scripsi, cupere cognoscere, quos ego Miseni le désir de connaître les craintes et même les périls aux-
relictus (id enim ingressus abruperam) non solum metus, quels j'ai été moi-même exposé à Misène ou il m'avait
verum etiam casus pertulerim. laissé (car j'en avais entamé, puis brusquement inter-
rompu le récit) " ;
Quamquam animus meminisse horret..., « Quoique mon âme frémisse d'horreur à ce souvenir,
Incipiam... Je vais commencer. » "
.38 C. PLINII SECUNDI. LIBER VI PLINE L E JEUNE. LIVRE VI 39

Profecto avunculo, ipse reliquum tempus studiis (ideo Après le départ de mon oncle je consacrai le reste du
jour à l'étude (c'était dans cette intention que j'étais
enim remanseram) impendi : mox balineum, céna,
resté); puis ce fut le bain, le dîner, un sommeil agité
somnus inquietus et brevis. Prœcesserat per rnultos dies et court. Déjà depuis plusieurs jours on avait ressenti
tremor terrse minus formidolosus, quia Campanise solitus. des tremblements de terre avant-coureurs, dont on s'était
peu effrayé, parce qu'ils sont habituels en Campanie;
Illa vero nocte ita jam invaluit, ut non moveri omnia,
mais cette nuit-là ils devinrent si forts que l'on eût dit
sed verti crederentur. Irrumpit cubiculum meum mater; que tout était non seulement secoué, mais renversé.
surgebam invicem, si quiesceret, excitaturus. Resedimus Ma mère se précipite dans ma chambre; je me levais de
in area domus, quee mare a tectis modico spatio dividebat. mon côté, pour aller la réveiller, si elle dormait encore;
nous nous assîmes dans la cour, qui sépare la maison de
Dubito constantiam vocare an imprudentiam debeam la mer par un étroit espace. Est-ce courage ou impru-
(agebam enim duodevicesimum annum), posco librum dence ? je ne sais (j'étais alors dans ma dix-huitième année),
Titi Livi, et quasi per otium lego, atque etiam, ut cœpe- je demande un livre de Tite-Live, et comme pour passer
le temps, je me mets à lire et même à en faire des extraits,
ram, excerpo. Ecce amicus avunculi, qui nuper ad eum comme j'avais commencé. Survient un ami de mon oncle,
ex Hispania venerat, ut me et matrem sedentes, me vero récemment arrivé d'Espagne pour le voir. En nous trou-
etiam legentem videt, illius patientiam, securitatem vant ma mère et moi assis, et moi en train de lire, il se
fâche et nous reproche à elle son indolence, à moi mon
meam corripit. Nihilo segnius ego intentus in librum. insouciance; je n'en reste pas moins appliqué à ma
Jam hora diei prima, et adhuc dubius et quasi languidus lecture.
dies; jam quassatis circumjacentibus tectis, quamquam C'était déjà la première heure du jour, et la lumière
était encore incertaine et comme languissante. Déjà les
in aperto loco, angusto tamen, magnus et certus ruinée maisons environnantes ébranlées quoique nous fussions
metus. Tum demum excedere oppido visum, Sequitur dans un espace découvert, mais étroit, nous inspiraient
vulgus attonitum, quodque in pavore simile prudentise, des craintes très vives et justifiées, au cas où elles s'écrou-
leraient. C'est alors que nous décidons de quitter là
alienum consilium suo prEefert, ingentique agmine ville; nous sommes suivis d'une foule consternée, qui
abeuntes premit et impellit. Egressi tecta consistimus. (la frayeur prend cela pour de la prudence) préférant
Multa ibi miranda, multas formidines patimur. Nam l'idée d'autrui à la sienne propre, se forme en une longue
colonne, qui nous pousse et presse notre marche. Arrivés
véhicula quse produci jusseramus, quamquam in pianis- hors des maisons nous nous arrêtons. Là mille prodiges,;
simo campo, in contrarias partes agebantur, ac ne lapi- mille terreurs nous assaillent. Les voitures que nous
dibus quidem fulta, in eodem vestigio quiescebant. Prse- avions fait venir avec nous, quoique en terrain plat,
s'en allaient de droite et de gauche et, même calées avec
terea mare in se resorberi, et tremore terrse quasi repelli
des pierres ne restaient pas en place. En outre nous
videbatur. Certe processerat litus multaque animalia voyions la mer se retirer comme si elle était refoulée
maris siccis harenis detinebat. Ab altero latere nubes par les secousses du sol. Il est du moins certain que le
40 C. PLINII SECUNDI. —• LIBER VI PLINE LE JEUNE. — LIVRE VI 41

atra et horrenda ignei spiritus tortis vibratisque discur- rivage avait gagné sur la mer et que beaucoup d'ani-
sibus rupta in longas flammarum figuras dehiscebat; maux marins restaient à sec sur le sable. Du côté opposé
une nuée noire et effrayante, déchirée par des vapeurs
fulgoribus illœ et similes et majores erant. de feu, qui se tordaient et s'élançaient en zigzag, laissait
Tum vero ille idem ex Hispania amicus acrius et ins- échapper de ses flancs entrouverts de longues traî-
nées de flammes, semblables à des éclairs, mais plus
tantius : « Si frater, inquit, tuus, si tuus avunculus vivit, grands.
vult esse vos salvos. Si periit, superstites voluit. Proinde Alors le même ami venu d'Espagne revint à la charge
quid cessatis evadere? » Respondimus non commissuros avec plus de force : « Si votre père, dit-il, si votre oncle
est vivant, il veut que vous soyez sauvés; s'il a péri,
nos ut de salute illius incerti nostrae consuleremus. il a voulu que vous lui surviviez; que tardez-vous donc
Non moratus ultra proripit se efîusoque cursu periculo à fuir? » Nous répondîmes que, tant que nous serions
incertains de son salut, nous ne songerions pas au nôtre.
aufertur. Nec multo post illa nubes descendere in terras, Sans attendre davantage il s'élance et d'une course pré-
operire maria. Cinxèrat Capreas et absconderat, Miseni cipitée il se soustrait au danger. Peu après cette nue
s'abaisse sur la terre, couvre les flots; elle enveloppait
quod procurrit abstulerat. Tum mater orare, hortari,
et cachait Caprée et dérobait à nos yeux le promontoire
jubere, quoquo modo fugerem; posse enim juvenem, se de Misène. Alors ma mère se met à me prier, à me presser,
et annis et corpore gravem bene morituram, si mihi à m'ordonner de fuir n'importe comment : c'était permis
à un jeune homme, elle, appesantie par les ans et la
causa mortis non fuisset. Ego contra, salvum me, nisi maladie mourrait contente, si elle n'était pas cause de
una, non futurum. Deinde manum ejus amplexus, addere ma mort. Moi je lui dis que jamais je ne me sauverais
qu'avec elle. Et la prenant par le bras, je la force à
gradum cogo, Paret segre incusatque se quod me moretur, doubler le pas. Elle obéit à regret et s'accuse de me
Jam cinis, adhuc tamen rarus. Respicio; densa caligo retarder. Voilà la cendre, peu épaisse encore cependant.
Je tourne la tête; une vapeur noire et épaisse nous pres-
tergis imminebat, quse nos, torrentis modo infusa terrse, sait par derrière et, se répandant sur la terre à la manière
sequebatur. « Deflectamus, inquam, dum videmus, ne d'un torrent, nous suivait. « Quittons la route, dis-je,
in via strati comitantium turba in tenebris obteramur. » pendant qu'on y voit encore, de peur que, renversés au
passage de la foule qui nous suit, nous ne soyons écrasés
Vix consederamus, et nox non quasi illunis aut nubila^ dans les ténèbres. » A peine étions-nous assis, que ce fut
sed qualis in locis clausis lumine exstincto. Audires la nuit, non pas une nuit sans lune ou voilée de nuages,
mais là nuit d'une chambre close, toute lumière éteinte.
ululatus feminarum, infantium quiritatus, clamores viro- On entendait les gémissements des femmes, les pleurs
rum. Alii parentes, alii liberos, alii conjuges vocibus des petits enfants, les cris des hommes; les uns appelaient
leurs parents, les autres leurs enfants, d'autres leurs
requirebant, vocibus noscitabant. Hi suum casum, illi époux, et cherchaient à les reconnaître à la voix. Ceux-ci
suorum miserabantur. Erant qui metu mortis mortem s'apitoyaient sur leur propre sort, ceux-là sur le destin
42 C. PLINII SECUNDI. — LIBER VI PLINE LE JEUNE. LIVRE VI 43

precarentur. Multi ad deos manus tollere, paires nusquam de leurs proches. Certains par crainte de la mort implo-
jam deos ullos, seternamque illam et novissimam noctem raient la mort. Beaucoup tendaient les mains vers les
dieux, d'autres plus nombreux pensaient qu'il n'y avait
mundo interpretabantur. Nec defuerunt qui fictis men- plus de dieux du tout et que cette nuit serait éternelle,
titisque terroribus vera pericula augerent. Aderant qui serait la dernière pour l'univers. Il s'en trouvait même
pour ajouter aux dangers réels des terreurs imaginaires
Miseni illud ruisse, illud ardere, falso, sed credentibus et fausses. Des gens arrivaient disant qu'à Misène telle
nuntiabant. Paulum reluxit, quod non dies nobis, sed maison s'était écroulée, telle autre brûlait; bruits men-
songers auxquels on ajoutait foi. Le ciel s'éclaira faible-
adventantis ignis indicium videbatur. Et ignis quidem
ment ; nous y vîmes l'indice non pas du retour de la
longius substitit, tenebrœ rursus, cinis rursus multus et lumière, mais de l'approche du feu. Ce feu cependant
gravis. Hune identidem assurgentes excutiebamus ; s'arrêta assez loin, les ténèbres revinrent, et voilà de
nouveau la cendre, abondante et lourde; nous nous
operti alioqui atque etiam oblisi pondère essemus. Possem levions de temps en temps pour la secouer, sinon nous
gloriari non gemitum mini, non vocem parum fortem in aurions été ensevelis et écrasés sous son poids. Je pour-
rais mé vanter de n'avoir laissé échapper au milieu de
tantis periculis excidisse, nisi me cum omnibus, omnia
tels périls ni une plainte, ni une parole trahissant de
mecum perire misero, magno tamen mortalitatis solatio la faiblesse, si la conviction que je périssais avec l'univers,
credidissem. et l'univers avec moi, si faible, ne m'eût apporté une
grande consolation de ma condition mortelle. Enfin cette
Tandem illa caligo tenuata quasi in fumum nebu- sombre vapeur s'éclaircit et se dissipa comme une fumée
ou un brouillard. Puis le jour véritable reparut, le soleil
lamve discessit. Mox dies verus, sol etiam effulsit, luridus
même brilla, mais d'une lumière pâle, comme celle qu'il
tamen, qualis esse, cum déficit, solet. Occursabant tre- répand dans une éclipse. A nos yeux encore clignotants
pidantibus adhuc oculis mutata omnia, altoque cinere, tous les objets apparaissaient changés et couverts d'une
épaisse couche de cendre, comme d'un manteau de neige.
tamquam nive, obducta. Nous revînmes à Misène et après y avoir réparé nos
Regressi Misenum, curatis utcumque corporibus, sus- forces de notre mieux, nous passâmes la nuit dans
l'attente,' partagés entre la crainte et -l'espérance.
pensam dubiamque noctem spe ac metu exegimus. Metus La crainte cependant l'emportait; car les tremble-
prœvalebat; nam et tremor terrœ perseverabat et ple- ments de terre persistaient, et la plupart, égarés,
se plaisaient à exagérer par de terrifiantes prédictions
rique lymphati terrificis vaticinationibus et sua et aliéna
et leurs maux et ceux d'autrui. Cependant, même
mala ludificabantur. Nobis tamen ne tune quidem, alors, malgré les périls déjà courus, malgré les périls
quamquam et expertis periculum et exspectantibus, attendus encore, il ne nous vint pas la pensée de
nous éloigner, avant d'avoir des nouvelles de mon
abeundi consilium, donec de avunculo nuntius. oncle.
Hsec nequaquam historia digna non scripturus leges; Ces détails ne méritent pas les honneurs de l'histoire
44 C. PLINII SECUNDI. LIBER VI PLINE LE J E U N E . LIVRE VI 45

et tibi, scilicet qui requisisti, imputabis, si digna ne et vous ne les ferez pas entrer dans vos ouvrages; lisez-
epistula quidem videbuntur. Vale. les cependant et ne vous en prenez qu'à vous, qui les
avez réclamés, s'ils ne vous paraissent pas même dignes
d'une lettre. Adieu.
XXI. •— C. PLINIUS CANINIO SUO S.
XXI. — C. PLINE SALUE SON CHER CANINIUS

Sum ex iis qui mirer antiquos, non tamen, ut quidam,


Je suis de ceux qui admirent les anciens, sans cepen-
temporum nostrorum ingénia despicio. Neque enim quasi dant mépriser, comme certains, les talents de notre
lassa et efîeta natura nihil jam laudabile pariet. Atque époque. Car il n'est pas vrai que la nature, comme si
elle était lassée et épuisée, n'enfante plus rien d'estimable.
adeo nuper audii Verginium Romanum paucis legentem En voici une preuve : je viens d'entendre Vergilius
comœdiam, ad exemplar veteris comœdiœ scriptam, tam Romanus qui lisait à quelques amis une comédie écrite
sur le modèle de la comédie ancienne et si bien réussie,
bene, ut esse quandoque possit exemplar. Nescio an noris qu'elle pourra un jour servir de modèle. Je ne sais si
hominem, quamquam nosse debes; est enim probitate vous connaissez Romanus, cependant vous devez le con-
morum, ingenii elegantia, operum varietate monstrabilis. naître, car la pureté de ses mœurs, la finesse de son
esprit, la variété de ses ouvrages le font remarquer,
Scripsit mimiambos tenuiter, argute, venuste utque in Il a écrit des mimes en vers iambiques 16 pleins de légèreté,
hoc génère eloquentissime (nullum est enim genus, quod de vivacité, de grâce et même éloquents dans leur genre
(car il n'est pas de genre qui, porté à sa perfection, ne
absolutum non possit eloquentissimum dici); scripsit puisse être appelé éloquent); il a écrit des comédies
çomœdias, Menandrum aliosque setatis ejusdem semulatus. dans lesquelles il rivalise avec Ménandre et les autres
Licet has inter Plautinas Terentianasque numeres. Nunc poètes dé la même époque. On pourrait les ranger parmi
celles de Plaute et de Térence. Il vient pour la première
primum se in vetere comœdia, sed non tamquam inciperet, fois de se montrer dans la comédie ancienne, mais non
ostendit. Non illi vis, non granditas, non subtilitas, non pas comme un débutant. Il ne lui a manqué ni force, ni
grandeur, ni délicatesse, ni mordant, ni douceur, ni grâce;
amaritudo, non dulcedo, non lepos defuit : ornavit virtutes il a donné de l'attrait à la vertu, et flagellé le vice, il a
insectatus est vitia, Fictis nominibus decenter, veris usus usé de noms d'emprunt avec goût, de noms vrais avec
est apte. Circa me tantum benignitate nimia modum convenance. A mon égard seulement il a péché par un
excès de bienveillance, mais quelque mensonge est permis
excessit, nisi quod tamen poetis mentiri licet. In summa aux poètes. Enfin je tâcherai de lui ravir sa pièce et je
extorquebo ei librum legendumque, immo ediscendum, vous l'enverrai pour que vous la lisiez, ou plutôt, pour
que vous l'appreniez par cœur; car je suis sûr que vous
mittam tibi. Neque enim dubito futurum, ut non deponas, ne la quitterez plus, une fois que vous l'aurez entre vos
si semel sumpseris. Vale. mains. Adieu.
46 C. PLINII SECUNDI. LIBER VI PLINE LE J E U N E . LIVRE VI 47

X X I I . — C. PLINIUS TIRONI SUO S. XXII. — C. P L I N E SALUE SON CHER TIRON

Magna res acta est omnium qui sunt provinciis prsefu- Il vient de se passer une affaire importante et d'un
turi, magna omnium qui se simpliciter credunt amicis. grand intérêt pour tous ceux qui sont destinés au gou-
vernement des provinces, pour tous ceux qui se fient
Lustricius Bruttianus cum Montanium Atticinum, comi- aveuglément à des amis. Lustricius Bruttianus ayant
tem suum, in multis flagitiis deprehendisset, Csesari découvert plusieurs actes coupables de son subordonné
scripsit. Atticinus flagitiis addidit, ut quem deceperat, Montanius Atticinus, l'écrivit à l'empereur. Atticinus
mit le comble à sa honte en accusant celui qu'il avait
accusaret. Recepta cognitio est. trompé, et sa demande d'enquête fut reçue.
Fui in consilio. Egit uterque pro se, egit autem carptim, Je fus parmi les juges. L'un et l'autre, ont-plaidé leur
et xa-ca xeçàXatov, quo génère veritas statim ostenditur. Pro_ cause eux-mêmes, mais en traitant les points essentiels
séparément, ce qui permet à la vérité d'éclater aussitôt.
tulit Bruttianus testamentum suum quod Atticini manu
Bruttianus présenta son testament, qu'il disait écrit de
scriptum esse dicebat. Hoc enim et arcana familiaritas, et la main d'Atticinus. Ce fait prouvait bien et leur intimité
querendi de eo, quem sic amasset, nécessitas indicabatur. secrète et la nécessité où s'était trouvé Bruttianus de
Enumeravit crimina fœda manifesta quœ ille, cum diluere dénoncer un ami si cher. Il énuméra ensuite des actes
honteux, évidents; Atticinus, ne pouvant se justifier,
non posset, ita regessit, ut, dum defenditur, turpis, dum se défendit en accusant, mais sa défense prouva ses
accusât, sceleratus probaretur. Corrupto enim scribse turpitudes, et son accusation ses crimes. Ayant corrompu
servo, interceperat commentarios intercideratque, ac per l'esclave d'un secrétaire, il avait intercepté des registres,
les avait altérés, et pour comble de scélératesse il tournait
summum nefas utebatur adversus amicum crimine suo. contre son ami son propre forfait. La conduite de l'empe-
Fecit pulcherrime Ceesar; non enim de Bruttiano, sed reur fut parfaite : ce n'est pas sur Bruttianus, mais tout
statim de Atticino perrogavit. Damnatus et in insulam de suite sur Atticinus qu'il demanda les avis. On l'a
condamné et rélégué dans une île. Bruttianus a obtenu
relegatus. Bruttiano justissimum integritatis testimo-
un juste témoignage de son honnêteté, auquel s'est
nium redditum, quem quidem etiam constantise gloria ajoutée une réputation de fermeté. Car après une défense
secuta est. Nam defensus expeditissime, accusavit vehe- fort habile, il a soutenu vivement l'accusation et a montré
menter; nec minus acer quam bonus et sincerus appa- autant d'énergie que d'intégrité et de loyauté.
Je vous raconte cette affaire, pour vous avertir que,
raît.
désigné comme gouverneur de province, vous devez
Quod tibi scripsi, ut te sortitum provinciam praemo- compter surtout sur vous et ne vous reposer sur personne;
pour vous apprendre en outre, qu'au cas où l'on sur-
nerem plurimum tibi credas nec cuiquam satis fldas,
prendrait votre bonne foi — puissent mes1 vœux vous
deinde scias, si quis forte te, quod abominor, fallat, en préserver — vous avez ici une vengeance toute prête;
paratam ultionem, qua tamen ne sit opus, etiam atque mais appliquez tous vos efforts à ne pas en avoir besoin.
48 C. PLINII SECUNDI. — LIBER VI PLINE LE J E U N E . — LIVRE VI 49

etiam attende. Neque enim tam jucundum est vindi- Car le plaisir de se venger n'égale pas la douleur d'être
care quam decipi miserum. Vale. trahi. Adieu.

X X I I I . — C. P L I N E SALUE SON CHER TRIARIUS


X X I I I . — C. Plinius TRIARÏO SUO S.
Vous me priez avec insistance de plaider une cause
Impense petis ut agam causam pertinentem ad curam qui vous tient à cœur, pleine d'intérêt d'ailleurs et
glorieuse à défendre; je m'en chargerai, mais pas gratui-
tuam, pulchram alioqui et famosam. Faciam, sed non
tement. Vous vous récriez : « Est-il possible, de ne pas
gratis. Qui fleri potest, inq'uis, ut non gratis tu? Potest; plaider gratuitement, vous ! » C'est possible. Car le salaire
exigam enim mercedem honestiorem gratuite patroci- que j'exigerai me fera plus d'honneur qu'une assistance
nio. Peto atque etiam paciscor ut simul agat Cremutius gratuite. Je demande ou plutôt je stipule que Cremutius
Ruso. Solitum hoc mihi et jâm in pluribus claris adules- Ruso plaide avec moi. C'est mon habitude, et j'ai déjà
rendu ce service à plusieurs jeunes gens en vue. Car je
centibus factitatum; nam mire concupisco, bonos juvenes
brûle du désir de présenter au barreau les jeunes gens
ostendere foro, assignare famœ. Quod si cui, prœstare bien doués et de les confier à la renommée. Or plus qu'à
Rusoni meo debeo, vel propter natales ipsius, vel propter tout autre, je dois à mon cher Ruso ces bons offices, je
eximiam mei caritatem; quem magni œstimo in isdem les dois à sa naissance, je les dois à l'exquise affection
judiciis, ex isdem etiam partibùs conspici, audiri. Obliga qu'il a pour moi; je prise beaucoup de le faire paraître,
entendre dans les mêmes causes que moi, et surtout pour
me; obliga, antequam dicat; nam cum dixerit, gratias la même partie. Obligez-moi, obligez-moi avant qu'il parle,
âges. Spondeo sollicitudini tuse, spei mese, magnitudini car après qu'il aura parlé vous me remercierez. Je vous
causse sufîecturum. Est indolis optimse, brevi produc- suis garant qu'il répondra à vos préoccupations, à mes
turus alios, si intérim provectus fuerit a nobis. Neque espérances, à l'importance de la cause. Il est doué de si
ertim cuiquam tam clarum statim ingenium ut possit belles qualités qu'il sera bientôt en état de produire les
autres, pourvu qu'avant il ait été poussé par nous. Car
emergere, nisi illi materia, occasio, fautor etiam com- il n'est pas de talent si éclatant dès les débuts, qui puisse
mendatorque contingat. Vale. percer, s'il ne rencontre un sujet, une occasion, et même
un protecteur et Un patron. Adieu.

X X I V . — C. PLINIUS MACRO SUO S.


XXIV. — C. P L I N E SALUE SON CHER MACER

Quam multum interest quid a quo fiât ! Eadem enim Quelle différence dans l'appréciation des actes selon
facta claritate vel obscuritate facientium aut tolluntur la personnalité de leur auteur! Les mêmes actions,
suivant que vous serez illustre ou obscur seront portées
altissime aut humillime deprimuntur. Navigabam per aux nues, ou ravalées plus bas que terre. Je naviguais
Larium nostrum, cum senior amicus ostendit mihi sur mon cher Larius, quand un vieillard de mes amis
villam atque etiam cubiculum, quod in lacum prominet. me montra une villa, et même une pièce qui s'avance
P L I N E LE JEUNE. T. n. 4
50 C. PLINII SECUNDI. — LIBER VI PLINE LE JEUNE. — LIVRE VI 51

« E x hoc, inquit, aliquando municeps nostra cum marito sur le lac : « De là, me dit-il, un jour une femme de notre
se prsecipitavit. » Causam requisivi. Maritus ex diutino ville s'est précipitée avec son mari. » Je lui en demandai
morbo circa velanda corporis ulceribus putrescebat. la raison. Le mari, malade depuis longtemps, était rongé
par un ulcère des parties secrètes. La femme obtint
Uxor ut inspisceret exegit; neque enim quemquam fide- qu'il lui permît d'examiner son mal, l'assurant que
lius indicaturum, possetne sanari. Vidit, desperavit. personne ne lui dirait plus franchement s'il pouvait
Hortata est ut moreretur, comesque ipsa mortis, dux guérir. Elle le vit et ne garda aucun espoir; alors elle
immo et exemplum et nécessitas fuit. Nam se cum l'exhorta à mourir et voulut même l'accompagner dans
marito ligavit abjecitque in lacum. Quod factum ne la mort, le guider, lui en donner l'exemple, l'y contraindre;
car elle s'attacha avec son mari et se jeta dans le lac.
mihi quidem, qui municeps, nisi proxime auditum est; Cette belle action ne m'est connue, même à moi, qui suis
non quia minus illo clarissimo Arrise facto, sed quia de la même ville, que depuis peu, non qu'elle soit moins
minor ipsa. Vale. noble que le dévouement célèbre d'Arria, mais c'est
son auteur qui était de moins noble naissance. Adieu.
XXV. — C. PLINIUS HISPANO SUO S.
XXV. — G. P L I N E SALUE SON CHER HISPANUS
Scribis Robustum, splendidum equitem romanum, Vous m'écrivez que Robustus, brillant chevalier
cum Atilio Scauro, amico meo, Ocriculum usque com- romain, a fait route avec Atilius Scaurus, mon ami,
mune iter peregisse, deinde nusquam comparaisse. Petis jusqu'à Ocriculum sans le quitter, et puis n'a plus été
ut Scaurus veniat, nosque, si potest, in aliqua inquisi- revu nulle part; vous me demandez de faire venir Scaurus
tionis vestigia inducat. Veniet; vereor ne frustra; sus- pour que, s'il le peut, il oriente nos recherches. Il viendra,
mais je crains que ce ne soit en vain. Je soupçonne que
picor enim taie nescio quid Robusto accidisse, quale Robustus a été victime de quelque accident semblable à
aliquando Metilio Crispo municipi meo. Huic ego ordinem celui qui est arrivé à Metilius Crispus, mon compatriote.
impetraveram atque etiam proHciscenti quadraginta mi- J'avais obtenu pour lui le commandement d'une centurie
lia nummum ad instruendum se ornandumque donave- et je lui avais même donné à son départ quarante mille
ram, nec postea aut epistulas ejus aut aliquem de exitu sesterces pour se monter et s'équiper; et je n'ai reçu
depuis ni lettre de lui, ni nouvelle de sa mort. A-t-il
nuntium accepi. Interceptusne sit a suis, an cum suis,
péri victime de ses gens, ou avec ses gens, on ne sait;
dubium; certe non ipse, non quisquam ex servis ejus ce qui est sûr, c'est que, ni lui, ni aucun de ses esclaves, n'a
apparuit, ut ne Robusti quidem. Experiamur tamen, reparu, de même que pour Robustus. Essayons cependant,
arcessamus Scaurum; demus hoc tuis, demus optimi appelons Scaurus; accordons cela à vos prières si recom-
adulescentis honestissimis precibus, qui pietate mira, mandables, accordons-le à celles de cet excellent jeune
mira etiam sagacitate, patrem quserit, Di faveant, ut homme qui met une pitié filiale admirable et même une
admirable adresse à rechercher son père. Que les dieux
sic inveniat ipsum, quemadmodum jam cum quo fuisset lui viennent en aide pour le lui faire retrouver, comme il
invenit! Vale. a retrouvé déjà celui qui l'accompagnait. Adieu.
52 G. PLINII SECUNDI. —• LIBER VI PLINE LE J E U N E . LIVRE VI 53

X X V I . —• C. PLINIUS SERVIANO SUO S. X X V I . — C. P L I N E SALUE SON CHER SERVIANUS

Je me réjouis que vous ayez fiancé votre fille à Fuscus


Gaudeo, et gratulor, quod Fusco Salinatori flliam Salinator et je vous en félicite. Sa famille est patricienne,
tuam destinasti. Domus patrieia, pater honestissimus, son père digne de toute estimé, sa mère d'un mérite égal ;
mater pari laude; ipse studiosus, litteratus, etiam diser- lui aime les lettres, il est instruit et même éloquent; il
tus; puer simplicitate, comitate juvenis, senex gravitate; joint la naïveté d'un enfant, à la grâce d'un jeune homme,
neque enim amore decipior. Amo quidem efïuse (ita à la gravité d'un vieillard; et ma tendresse pour lui me
m'aveugle pas. Je l'aime certes vivement (il l'a mérité
officiis, ita reverentia meruit), judico tamen et quidem par ses attentions, par son respect), mais je le juge, et
tanto acrius, quanto magis amo, tibique, ut qui explo- avec d'autant plus de sévérité, que je l'aime davantage;,
raverim, spondeo habiturum te generum, quo melior aussi puis-je vous garantir, le connaissant à fond, que
fingi ne voto quidem potuit. Superest ut avum te quam vous aurez en lui le meilleur gendre que vous puissiez
maturissime similium sui faciat. Quam felix tempus rêver. Il ne lui reste qu'à vous rendre au plutôt grand-père
de petits enfants qui lui ressemblent. Quel heureux temps
illud, quo mihi liberos illius, nepotes tuos, ut meos vel que celui où j'aurai le bonheur de prendre dans vos bras
liberos vel nepotes, ex vestro sinu sumere et quasi pari ses fils, vos petits-fils, comme s'ils étaient mes fils ou
jure tenere continget ! Vale. mes petits-fils, et de les tenir dans les miens presque
avec les mêmes droits que vous ! Adieu.

X X V I I . — C. PLINIUS SEVERO SUO S. X X V I I . — C. P L I N E SALUE SON CHER SEVERUS

Rogas ut cogitem quid designatus consul in honorera Vous me priez d'examiner quel honneur vous pour-
riez, à titre de consul désigné, proposer de décerner au
principis censeas. Facilis inventio, non facilis electio;
prince. Il est facile de trouver, difficile de choisir, car
est enim ex virtutibus ejus larga materia. Scribam ses vertus fournissent une ample matière. Je vous écrirai
tamen, vel, quod malo, coram indicabo, si prius hsesi- cependant mon avis, ou plutôt, comme je préférerais,
tationem meam ostendero. Dubito num idem tibi sua- je vous le donnerai de vive voix, après vous avoir exposé
dere, quod mihi, debeam. Designatus ego consul omni mes hésitations. Je ne sais si je dois vous conseiller le
parti que j'ai pris moi-même autrefois. Désigné consul,
hac, etsi non adulatione, specie tamen adulationis, abs-
je me suis abstenu de cette pratique 17, qui sans être
tinui; non tamquam liber et constans, sed tamquam une flatterie, en avait l'apparence; je n'ai prétendu
intellegens principis nostri cujus videbam hanc esse montrer ni indépendance, ni hardiesse; mais je con-
praecipuam laudem, si nihil quasi ex necessitâte decer- naissais bien notre prince, et je savais que la plus belle
nerem. Recordabar etiam plurimos honores pessimo louange à lui décerner, était d'éviter toute apparence
d'honneur obligatoire. Je me rappelais aussi que les
çuique delatos, a quibus hic optimus separari non alio
honneurs avaient été prodigués aux plus mauvais empe-
modo magis poterat quam diversitate censendi; quod reurs, et que l'on ne pouvait mieux distinguer le nôtre,
54 • C. PLINII SECUNDI. LIBEB VI PLINE LE JEUNE. LIVRE V I 55

ipsum non dissimulatione et silentio prseterii, ne forte qui est excellent, que par des propositions contraires.
non judicium illud meum, sed oblivio videretur. Hoc Je ne cachai pas d'ailleurs ma pensée et l'exprimai
ouvertement, de peur de sembler agir ainsi non à dessein,
tune ego. Sed non omnibus eadem placent nec conve- mais par oubli. Telle fut alors ma conduite; mais tout
niunt quidem. Prseterea, faciendi aliquid non faciendive le monde n'a pas les mêmes idées, ni les mêmes con-
ratio cum hominum ipsorum, tum rerum etiam ac tem- venances. D'ailleurs les raisons de prendre un parti ou
un autre changent avec les personnes, les événements,
porum condicione mutatur. Nam recentia opéra maximi les circonstances. Les récents travaux de notre grand
principis prsebent facultatem nova, magna, vera cen- prince 18 offrent l'occasion de lui déférer des honneurs
sendi. Quibus ex causis, ut supra scripsi, dubito an idem nouveaux éclatants, mérités. Voilà pourquoi je ne sais,
ainsi que je vous l'ai dit en commençant, si je dois vous
nunc tibi, quod tune mihi, suadeam. Illud non dubito,
conseiller le parti que j ' a i pris moi-même autrefois.
debuisse me in parte consilii tui ponere quod ipse fecis-r, Mais ce que je sais bien, c'est que je devais comme par-
sem. Vale. ticipation à votre délibération vous exposer ma propre
conduite. Adieu.
X X V I I I . — C. PLINIUS PONTIO SUO S.
X X V I I I . — G. P L I N E SALUE SON CHER PONTIUS

Scio, quse tibi causa fuerit impedimento, quominus Je connais la raison qui vous a empêché d'arriver
prœcurrere adventûm meum in Campaniam posses. Sed, avant moi en Campanie. Mais, malgré votre absence,
quamquam absens, totus hue migrasti; tantum mihi je vous ai trouvé ici tout entier; tant on m'a prodigué
en votre nom toutes les ressources de la ville et de la
copiarum tam urbanarum quam rusticarum nomine tuo campagne, abondance que, malgré l'impolitesse, j ' a i
oblatum est I Quas omnes improbe quidem, accepi tamen. acceptée tout entière. Car vos gens m'en priaient, et
Nam me tui ut ita facerem rogabant, et verebar ne et je craignais de vous fâcher contre moi et contre eux,
en refusant. A l'avenir si vous ne mettez pas, vous et
mihi et illis irascereris, si non fecissem. In posterum,
eux, des bornes à votre générosité, c'est moi qui en
nisi adhibueritis modum, ego adhibebo et jam tuis mettrai et je leur ai déjà déclaré que, s'ils renouvelaient
denuntiavi, si rursus tam multa attulissent, omnia relâ- leurs profusions, ils remporteraient tout. Vous direz
turos. Dices oportere me tuis rébus, ut meis, uti. Etiam; que je dois user de vos biens comme des miens; soit;
mais je veux les ménager comme les miens. Adieu.
sed perinde illis ac meis parco. Vale.
X X I X . — C. P L I N E SALUE SON CHER QUADRATUS
X X I X . — C. PLINIUS QUADRATO SUO S.
Avidius Quietus, qui eut pour moi beaucoup d'amitié,
et, ce que j'apprécie encore davantage, beaucoup d'es-
Avidius Quietus, qui me unice dilexit, et quo non time, entre autres propos de Thraséas " (car il vécut
minus gaudeo, probavit, ut multa alia Thrasese (fuit dans son intimité), rapportait souvent que celui-ci
56 C. PLINII SECUNDI. LIBER VI PLINE LE JEUNE. LIVRÉ VI 57

enim familiaris), ita hoc ssepe referebat, prœcipere soli- recommandait volontiers aux orateurs de se charger
tum suscipiendas esse causas, aut amicorum aut desti- des causes de leurs amis, ou des causes dont personne
ne veut, ou de celles qui contiennent un exemple. Pour-
tutas aut ad exemplum pertinentes. Cur amicorum? quoi des causes de leurs amis? Cela se passe de com-
non eget interpretatione. Cur destitutas? quod in illis mentaires. Pourquoi des causes dont personne ne veut?
maxime et constantia agentis et humanitas cerneretur. Parce que c'est là surtout que brillent le courage et la
générosité du défenseur. Pourquoi celles qui contiennent
Cur pertinentes ad exemplum? quia plurimum referret
un exemple? Parce qu'il y a le plus grand intérêt à
bonum an malum induceretur. Ad hsec ego gênera cau- inspirer le goût du bien ou du mal. A ces trois genres
sarum, ambitiose fortasse, addam tamen claras et de causes, j'ajouterai, ambitieusement peut-être, les
causes célèbres et retentissantes. Il est juste de plaider
illustres. iEquum enim est agere nonnumquam glorise
quelquefois pour la gloire et la renommée, c'est-à-dire
et famae, id est, suam causam. de plaider sa propre cause.
Hos terminos, quia me consuluisti, dignitati ac vere- Voilà les limites que je fixe, puisque vous me
demandez mon avis, à votre dignité et à votre délica-
cundise tuœ statuo. Nec me prgeterit usum et esse et
tesse. Je sais qu'il n'y a pas et que l'on ne reconnaît pas
haberi optimum dicendi magistrum. Video etiam multos de meilleur maître d'éloquence que la pratique. Je vois
parvo ingenio, litteris nullis, ut bene agerent agendo en effet bien des gens de petit talent, de culture nulle,
consecutos. Sed et illud, quod vel Pollionis, vel tamquam qui sont parvenus à bien plaider à force de plaider. Mais
je vérifie combien est vraie aussi cette pensée de Pollion
Pollionis accepi, verissimum experior : « Commode ou qu'on lui attribue : « Plaidant bien, j'en suis venu à
agendo factum est ut sœpe agerem, ssepe agendo ut minus plaider souvent, plaidant souvent, à plaider moins bien. »
commode. » Quia scilicet assiduitate nimia facilitas magis C'est sans doute qu'une pratique trop répétée engendre
du laisser aller plutôt que la facilité et plus de présomp-
quam facultas, nec flducia, sed temeritas paratur. Nec tion que d'assurance. Isocrate n'a pas moins passé pour
vero Isocrati, quominus haberetur summus orator ofîecit un grand orateur, quoique la faiblesse de sa voix et sa
quod inflrmitate vocis, mollitia frontis, ne in publico timidité naturelle l'aient empêché de parler en public.
Lisez donc, écrivez, méditez, pour être en état de parler,
diceret impediebatur. Proinde multum lege, scribe, medi- quand vous voudrez; et vous parlerez, quand il vous
tare, ut possis, cum voles, dicere; dices cum velle debebis. conviendra de le vouloir.
Hoc fere temperamentum ipse servavi. Nonnumquam Voilà la règle que j'ai presque toujours observée. J'ai
quelquefois obéi à la nécessité, qui est elle-même une
necessitati, quœ pars rationis est, parui. Egi enim quas- forme de la raison. J'ai en effet plaidé quelques causes
dam a senatu jussus, quo tamen in numéro fuerunt ex sur l'ordre du sénat; elles rentraient, d'après la division
illa Thrasese divisione, hoc est, ad exemplum pertinentes. de Thraséas, dans la catégorie des causes importantes
par l'exemple. J'ai soutenu les habitants de la Bétique
Afîui Baeticis contra Bœbium Massam. Qusesitum est
contre Bebius Massa; il s'agissait de savoir s'ils obtien-
an danda esset inquisition data est. Afîui rursus isdem draient le droit d'informer; ils l'ont obtenu; je les ai
58 C. PLINII SECUNDI. ^~ LIBER VI PLINE LE J E U N E . •— LIVRE VI 59

querentibus de Csecilio Classico. Qusesitum est an pro- soutenus encore dans leur plainte contre Cecilius Clas-
vinciales, ut socios ministrosque proconsulis, plecti opbr- sicus; il s'agissait de savoir si des provinciaux pouvaient
être punis comme complices et agents du proconsul;
teret; pcenas luerunt. Accusavi Marium Priscum, qui, ils l'ont été. J'ai accusé Marius Priscus qui, condamné
lege repetundarum damnatus, utebatur clementia legis, d'après la loi de restitution, risquait de bénéficier de
cujus severitatem immanitate criminum excesserat; la douceur de la loi, dont la sévérité n'égalait pas l'énor-
mité de ses crimes; il a été banni. J'ai défendu Julius
relegatus est. Tuitus sum Julium Bassum, ut incusto- Bassus qui avait été imprudent et mal avisé à l'excès,
ditum nimis et incautum, ita minime malum; judicibus mais pas du tout coupable; on l'a renvoyé devant une
acceptis, in senatu remansit. Dixi proxime pro Vareno, commission et il a gardé sa place dans le sénat. J'ai
parlé dernièrement pour Varènus qui demandait le droit,
postulante ut sibi invicem evocare testes liceret; impe-
pour lui aussi, d'obliger des témoins à se présenter; il
tratum est. In posterum opto ut ea potissimum jubear, l'a obtenu. Pour l'avenir je souhaite qu'on m'ordonne
quse me deceat vel sponte fecisse. Vale. de plaider seulement les causes dont j'aurais pu avec
honneur me charger de mon plein gré. Adieu.

X X X . — G. PLINIUS FABATO PROSOCERO SUO S.


X X X . — G. P L I N E SALUE
SON GRAND-PERE PAR ALLIANCE F A B A T U S
Debemus mehercule natales tuos perinde ac nostros
celebrare, cum lsetitia nostrorum ex tuis pendeat, cujus Nous devons assurément célébrer votre anniversaire
diligentia et cura hic hilares, istic securi sumus. Villa comme le nôtre; car le bonheur de nos jours dépend
des vôtres, puisque c'est votre zèle et vos soins qui
Camilliana, quam in Campania possides, est quidem nous donnent à Rome la joie, à Côme la sécurité. La
vetustate vexata; ea tamen quse sunt pretiosiora, aut villa des Camilles, que vous possédez en Campanie, a
intégra manent, aut levissime lsesa sunt. Attendimus été fort maltraitée par le temps, cependant les parties
qui ont le plus de prix demeurent intactes ou très peu
ergo ut quam saluberrime reficiantur. Ego videor habere endommagées. Nous veillons donc à les restaurer pour
multos amicos, sed hujus generis, cujus et tu quseris et le mieux. Je crois avoir beaucoup d'amis, mais tels que
res exigit, prope neminem. Sunt enim omnes togati et vous les cherchez et que l'affaire les demande, je n'en
ai presque aucun. Ce sont tous des gens de robe et des
urbani; rusticorum autem praediorum administratio
citadins. Or la direction de domaines ruraux réclame
poscit durum aliquem et agrestem, cui nec labor ille un robuste campagnard, qui ne trouve pas cette sorte
gravis, nec cura sordida, nec tristis solitudo videatur. de travail pénible, ces soins bas, la solitude ennuyeuse.
Tu de Rufo honestissime cogitas; fuit enim fllio tuo Votre opinion sur Rufus l'honore; il était en effet très
lié avec votre fils. Mais de quelle utilité peut-il nous
familiaris. Quid tamen nobis ibi prœstare possit ignoro, être dans la circonstance, je l'ignore; je crois seulement
velle plurimum credo. Vale. qu'il a la meilleure volonté pour nous 20. Adieu.
60 C, PLINII SECUNDI. LIBER VI PLINE LE JEUNE. LIVRE VI 61

X X X I , — C. PLINIUS CORNELIANO SUO S. X X X I . — C. P L I N E SALUE SON CHER CORNÉLIANUS

Evocatus in consilium a Csesare nostro ad Centum- Appelé en conseil par notre cher empereur à Centum-
cellae 21 (c'est le nom du pays), j ' y ai goûté le plus vif
cellas (hoc loco nomen), magnam cepi voluptatem. Quid plaisir. Quelle joie en effet de voir de près la justice du
enim jucundius, quam principis justitiam, gravitatem, prince, sa gravité, son affabilité, surtout dans une retraite
comitatem in secessu quoque, ubi hœc maxime reclu- où ces qualités se révèlent le mieux. On a jugé des
procès variés, propres à prouver les capacités du juge
duntur, inspicere? Fuerunt varia? cognitiones et quse
en des sujets divers. On a entendu Claudius Ariston,
virtutes judicis per plures species experirentur. le premier citoyen d'Ephèse, un homme bienfaisant et
Dixit causam Claudius Ariston, princeps Ephesiorum, d'une popularité sans reproche, qui a excité l'envie et
suscité un délateur poussé par les gens qui lui ressem-
homo muniflcus et innoxie popularis, inde invidia et ab
blaient le moins; aussi a-t-il été absous et vengé.
dissimillimis delator immissus; itaque absolutus vindi- Le jour suivant on a jugé Gallitta accusée d'adultère.
catusque est. Elle était mariée avec un tribun militaire sur le point
Sequenti die audita est Gallitta, adulterii rea. Nupta de briguer les charges publiques, et elle avait entaché
son honneur et celui de son mari par son amour pour
haec tribuno militum honores petituro et suam et mariti un centurion. Le mari en avait écrit au légat consulaire,
dignitatem centurionis amore maculaverat. Maritus et celui-ci à l'empereur. César après avoir recherché
legato consulari, ille Csesari scripseraL Csesar, excussis toutes les preuves, cassa le centurion et même l'exila.
Il restait à punir la moitié du crime, qui ne peut exister
probationibus, centurionem exauctoravit, atque etiam sans deux coupables. Mais le mari dont la faiblesse
relegavit. Supererat crimini, quod nisi duorum esse non n'allait pas sans blâme était retenu par l'amour de sa
poterat, reliqua pars ultionis. Sed maritum non sine femme. Car même après avoir dénoncé l'adultère, il
l'avait gardée chez lui, paraissant se contenter de l'éloi-
aliqua reprehensione patientise amor uxoris retardabat,
gnement de son rival. Invité à achever ses poursuites,
quam quidem, etiam post delatum adulterium, domi il le fit à regret. Mais elle, de toute nécessité, devait être
habuerat, quasi contentus semulum removisse. Admo- condamnée même malgré son accusateur. On la con-
nitus ut perageret accusationem peregit invitus. Sed damna et on la livra aux peines de la loi Julia ?8. César
dans sa sentence nomma le centurion et rappela la
illam damnari, etiam invito accusatore, necesse erat. discipline militaire, pour ne pas avoir l'air d'évoquer
Damnata, et Juliœ legis pœnis relicta est. Cœsar et devant lui tous les procès de ce genre.
nomen centurionis et commemorationem disciplina? mili- Le troisième jour on introduisit une affaire qui avait
taris sententise adjecit, ne omnes ejusmodi causas revo- été l'objet des conversations et des bruits les plus divers,
on s'occupa des codicilles de Julius Tiro, dont une partie
care ad se videretur. était reconnue authentique, dont l'autre passait pour
Tertio die inducta cognitio est, multis sermonibus et fausse. Les accusés étaient Sempronius Senecio, chevalier
62 C. PLINII SECUNDI. LIBER VI PLINE LE JEUNE. LIVRE VI 63

vario rumore jactata, Juli Tironis codicilli, quos ex romain, et Eurythmus, affranchi et intendant de l'em-
parte veros esse constabat, ex parte falsi dicebantur. pereur. Les héritiers, comme César était en Dacie, lui
avaient écrit une lettre commune pour lui demander
Substituebantur crimini Sempronius Senecio, eques roma- de se réserver cette instruction. Il y avait consenti; à
nus, et Eurythmus, Csesaris libertus et procurator. son retour il avait fixé le jour des débats; et, quelques,
Heredes, cum Csesar esset in Dacia, communiter épis- héritiers paraissant, par respect pour Eurythmus, passer
tula scripta, petierant ut susciperet cognitionem. Susce- sous silence l'accusation contre lui, il leur avait dit cette
perat; reversus diem dixerat, et, cum ex hseredibus belle parole : « Lui n'est pas Polyclète, ni moi Néron. »
Il avait pourtant accordé un délai aux accusateurs, et
quidam, quasi reverentia Eurythmi, omitterent accu- ce temps écoulé, il avait tenu l'audience. Du côté des
sationem, pulcherrime dixerat : « Nec Me Polyclitus est, héritiers deux seulement se présentèrent et demandèrent
nec ego New. » Indulserat tamen petentibus dilationem, que tous les héritiers fussent obligés de soutenir l'ac-
cujus tempore exacto consederat auditurus. A parte cusation, puisque tous l'avaient intentée, ou qu'on leur
hseredum intraverunt duo omnino; postulaverunt ut permît à eux aussi de s'en désister. César tint un lan-
gage plein de dignité, plein de sagesse, et l'avocat de
omnes hseredes agere cogerentur, cumd etulissent omnes, Sénécio et d'Eurythmus ayant dit que les accusés reste-
aut sibi quoque desistere permitteretur. Locutus est raient exposés aux soupçons, si on ne les entendait pas,
Csesar summa gravitate, summa moderatione, cumque « je ne me soucie pas si eux y seront exposés, mais moi
advocatus Senecionis et Eurythmi dixisset suspicioni- j ' y suis exposé ». Puis se tournant vers nous : « Exa-
bus relinqui reos, nisi audirentur : « Non euro, inquit, an minez ce que je dois faire; car ces gens-là veulent se
plaindre de ce qu'on leur permet de n'être pas accusés. »
isti suspicionibus relinquantur, ego relinquor. -» Dein, Puis d'après l'avis du conseil il fit déclarer aux héritiers
conversus ad nos, « 'Ema^aate, quid facere debeamus; isti qu'ils devaient ou poursuivre tous le procès ou faire
enim queri volunt, quod sibi licuerit non accusari. » accepter chacun à part ses motifs de désistement; sinon
Tum ex consilii sententia jussit denuntiari hseredibus il les condamnerait comme calomniateurs.
omnibus, aut agerent, aut singuli approbarent causas Vous voyez quelles nobles, quelles graves journées !
non agendi; alioqui se vel de calumnia pronuntiaturum. suivies du reste des plus agréables délassements. Nous
étions invités chaque jour au dîner de l'empereur, dîner
Vides quam honesti, quam severi dies, quos jûcundis- très simple, pour un prince. Parfois nous assistions à
simse remissiones sequebantur. Adhibebamur cotidie des récréations, parfois la nuit s'avançait dans les plus
censé; erat modica, si principem cogitares. Interdum charmants entretiens. Le dernier jour, au moment de
acroamata audiebamus, interdum jucundissimis sermo- notre départ, tant la bonté de César est attentive, il
nous envoya de menus présents. Mais pour moi, autant
nibus nox ducebatur, Summo die abeuntibus nobis (tam que la gravité des jugements, que l'honneur d'être admis
diligens in Csesare humanitas) xenia sunt missa. Sed au conseil, que la douceur et la simplicité de l'accueil,
mihi ut gravitas cognitionum, consilii honor, suavitas le charme du paysage lui-même m'a enchanté.
simplicitasque convictus, ita locus ipse perjucundus fuit. La villa magnifique, entourée de campagnes ver-
Villa pulcherrima cingitur viridissimis agris, imminet doyantes, domine le rivage qui forme un golfe où l'on
64 C. PLINII SECUNDI. LIBER VI PLINE L E J E U N E . —• LIVRÉ V I 65

litori, cujus in sinu fit cum maxime portus. Hujus sinis^ construit juste en ce moment un port. La jetée de gauche
déjà bâtie est un ouvrage très solide, celle de droite est
trum brachium flrmissimo opère munitum est, dextrum
en construction. A l'entrée du port on élève une île
elaboratur. In ore portus insula assurgit, quœ illatum artificielle, qui, opposant ses flancs aux flots poussés
vento mare objacens frangat tutumque ab utroque latere par le vent, doit les briser et offrir deux passages laté-
raux tout à fait sûrs pour les navires. Elle s'élève grâce
decursum navibus prsestet. Assurgit autem arte visenda, à des travaux d'art qui méritent d'être vus; d'énormes
ingentia saxa latissima navis provehit oneraria. H s c blocs y sont apportés par un large chaland; ces blocs
précipités dans l'eau les uns sur les autres, se fixent
alia super alia dejecta ipso pondère manent ac sensim par leur propre masse, et peu à peu s'amoncellent en
quodam velut aggere construuntur. Eminet jam et appa- forme de digue. Déjà émerge et apparaît un dos de rochers
ret saxeum dorsum impactosque fluctus in immensum sur lequel les vagues se jettent, se brisent et rejaillissent
en un nuage d'écume; elles s'y heurtent avec un grand
elidit et tollit. Vastus illic fragor canumque circa mare. fracas et le bordent d'une ceinture blanche. Plus tard
Saxis deinde pilae adjicientur, quse procedente tempore on complétera l'enrochement avec des pierres qui à la
longue donneront à l'ouvrage l'apparence d'une île natu-
enatam insulam imitentur. Habebit hic portus et jam relle. On appellera, on appelle déjà ce port du nom de
habet nomen auctoris eritque vel maxime salutaris. Nam son fondateur et il sera d'une grande utilité. Car cette
per longissimum spatium litus importuosum hoc recep- côte qui n'offre sur une très longue étendue aucun
abri jouira désormais de ce refuge. Adieu.
taculo utetur. Vale.

X X X I I . — C. P L I N E SALUE SON CHER QUINTILIËN


X X X I I . — C. PLINIUS QUINTILIANO SUO S.
Quoique vous soyez l'homme le plus rangé et que
Quamvis et ipse sis continentissimus et' flliam tuam
vous ayez donné à votre fille l'éducation qui convenait
ita institueris, ut decebat flliam tuam, Tutilii neptem, à votre fille et à la petite fille de Tutilius, puisqu'enfin
cum tamen sit nuptura honestissimo viro, Nonio Céleri, elle doit épouser cet homme distingué, Nonius Celer, à
qui l'exercice des fonctions publiques impose comme
cui ratio civilium offlciorum necessitatem quandam une nécessité une certaine représentation, il faut régler
nitoris imponit, débet secundum condiciones mariti veste, sur le rang de son mari, la toilette et le train de maison
à lui donner, car si ce luxe n'ajoute rien au mérite, il lui
comitatu, quibus non quidem augetur dignitas, ornatur sert de parure. Or je sais que, si vous êtes riche des biens
tamen, instrui. Te porro animo beatissimum, modicum de l'esprit, vous êtes moins bien partagé pour ceux de
facultatibus scio. Itaque partem oneris tui mihi vindico, la fortune; je réclame donc pour moi une partie de votre
fardeau et à titre de second père j'apporte à notre enfant
et tamquam parens alter puellœ nostrse confero quinqua- cinquante mille sesterces, désireux de lui en apporter
ginta milia nummum, plus collaturus, nisi a verecundia davantage, si je n'étais sûr que seule là médiocrité de
P L I N E L E J E U N E . T. n. 5
66 C. PLINII SECUNDI. LIBER VI PLINE L E J E U N E . LIVRE VI 67

tua sola mediocritate munusculi impetrari posse confl- mon présent peut obtenir de votre délicatesse que vous
derem ne recusares. Vale. n'y opposiez pas un refus. Adieu.

a4
X X X I I I . — C. PLINIUS ROMANO SUO S. X X X I I I . — C. P L I N E SALUE SON CHER ROMANUS

Enlevez tout, dit-il, emportez les travaux commencés si.


Tollite cuncta, inquit, cœptosque aufcte labores.
Que vous écriviez ou que vous lisiez, faites enlever,
Seu scribis aliquid, seu legis, tolli, auferri jubé et faites emporter tout et prenez en main mon discours,
accipe orationem meam, ut illi arma, divinam (num ce discours divin comme l'armure fameuse (est-ce assez
superbius potui?), rêvera, ut inter meas, pulchram; nam de fierté?), ou plus exactement ce discours, beau pour
un des miens, car c'est assez pour moi de rivaliser avec
mihi satis est certare mecum.
moi-même.
Est hœc pro Attia Variola et dignitate personœ et Je l'ai écrit pour Attia Viriola et le rang de la per-
exempli raritatë et judicii magnitudine insignis. Nam sonne, la rareté de l'exemple, l'importance du tribunal,
femina splendide nata, nupta prsetorio viro, exheredata lui donnent de l'intérêt. Cette femme de haute naissance,
mariée à un ancien préteur, avait été deshéritée par
ab octogenario pâtre, intra undecim dies, quam ille un père octogénaire onze jours après que, entraîné par
novercam ei, amore captus, induxerat, quadruplici jûdi- une folle passion, il lui avait donné une belle-mère.
cio bona paterna repetebat. Sedebant centum et octo- Elle réclamait les biens de son père devant les quatre
sections des centumvirs. Cent quatre-vingts juges sié-
ginta judices (tôt enim quatuor consiliis conscribuntur) geaient (c'est le nombre qui compose les quatre sections),
ingens utrimque advocatio et numerosa subsellia, prœ- de part et d'autre une foule d'avocats et d'intéressés
terea densa circumstantium corona latissimum judicium garnissaient les bancs qui leur étaient réservés, en
outre une assistance serrée entourait le vaste espace
multiplici circulo ambibat. Ad hoc, stipatum tribunal,
occupé par le tribunal de cercles multipliés d'auditeurs.
atque etiam ex superiore basilicse parte, qua feminœ qua On se pressait même sur l'estrade des juges, et des
viri et audiendi, quod erat difficile, et, quod facile, tribunes de la basilique 26, les femmes d'un côté, les
visendi studio imminebant. Magna exspectatio patrum, hommes de l'autre, se, penchaient avides d'entendre,
ce qui était difficile, et de voir, ce qui était facile. Grande
magna flliarum, magna etiam novercarum. Secutus est était la curiosité chez les pères, chez les filles, chez les
varius eventus. Nam duobus consiliis vicimus, totidem belles-mères même. Les sentences furent diverses. Deux
victi sumus. Notabilis prorsus res et mira : eadem in sections nous donnèrent raison, deux autres nous donnè-
rent tort. Il est vraiment remarquable et étonnant que
causa, isdem judicibus, isdem advocatis, eodem tem- dans la même cause, avec les mêmes juges, les mêmes
pore tanta diversitas. Accidit casu quidem, quod non avocats, dans les mêmes Circonstances on ait abouti à
casus videretur. Victa est noverca, ipsa hères ex parte des jugements si opposés. Il est arrivé par un hasard,
qui pourrait ne pas paraître un hasard, que la belle-mère
sexta. Victus Suburanus, qui, exheredatus a pâtre, sin-
a perdu son procès; elle était héritière pour le sixième,
68 C. PLINII SECUNDI. LIBER VI PLINE LE JEUNE. — LIVRE VI 69

gulari impudentia alieni patris bona vindicabat, non et Suburanus aussi l'a perdu, lui qui, déshérité par son
ausus sui petere. père, avait l'impudence de revendiquer les biens du père
d'une autre, n'ayant pas osé réclamer ceux du sien.
Hsec tibi exposui, primum ut ex epistula scires, quœ Je vous donne ces détails, d'abord pour que vous
ex oratione non poteras ; deinde (nam detegam artes) appreniez par ma lettre ce que vous ne pouvez apprendre
ut orationem libentius légères, si non légère tibi, sed par, mon plaidoyer; et puis (j'avoue mon artifice), afin
que la lecture de mon discours vous soit plus agréable,
interesse judicio videreris. Quam, sit licet magna, non
si vous croyez non pas lire, mais assister aux débats;
despero gratiam brevissimae impetraturam ; nam et ainsi, quoique long, j'espère qu'il vous plaira autant que
copia rerum et arguta divisione, et narratiunculis plu- s'il était très court. Car la richesse du sujet, l'ingéniosité
du plan, les courtes narrations qui y abondent, et la
ribus, et eloquendi varietate renovatur. Sunt multa
variété du style en renouvellent l'intérêt. Vous y trou-
(non auderem nisi tibi dicere) elata, multa pugnacia, verez, je n'oserais le dire à un autre, tantôt de l'ampleur,
multa subtilia. Intervenit enim acribus illis et erectis tantôt de la chicane, tantôt de la simplicité. Car à ces
accents véhéments et sublimes j'ai été obligé de mêler
frequens nécessitas computandi, ac psene calculos tabu-
des calculs et presque de demander des jetons et la
lamque poscendi, ut repente in privati judicii formam tablette à compter a8, si bien que le tribunal des cen-
centumvirale vertatur. Dedimus vêla indignationi, dedi- tumvirs se transformait brusquement en tribunal du
mus ira?, dedimus dolori, et in amplissima causa, quasi juge unique " . J'ai déployé mes voiles au souffle de
l'indignation, de la colère, de la douleur, et dans cette
magno mari pluribus ventis sumus. vecti. In summa vaste cause, comme en pleine mer, j'ai confié ma barque
soient quidam ex contubernalibus nostris existimare à plusieurs vents. En un mot, quelques-uns de mes amis
hanc orationem, iterum dicam ut inter meas, wç tklp regardent ce discours, comparé, je le répète à mes autres
plaidoyers, comme mon « discours pour Ctésiphon ».
KT7)<TIÇSVT:OÇ esse, an vere, tu facillime judicabis, quia Ont-ils raison? Vous en jugerez mieux que personne,
tam memoriter tenes omnes, ut conferre cum hac, dum vous qui savez si bien par cœur tous les autres, qu'il
hànc solam legis, possis. Vale. vous suffira de lire celui-ci pour faire la comparaison.
Adieu.

X X X I V . — C. PLINIUS MAXIMO SUO S. X X X I V . — C. P L I N E SALUE SON CHER MAXIMUS

Vous avez bien fait de promettre un combat de gla-


Recte fecisti, quod gladiatorium munus Veronensibus diateurs à nos chers habitants de Vérone, qui depuis
nostris promisisti, a quibus olim amaris, suspiceris, longtemps vous aiment, vous admirent, vous honorent.
C'est là aussi que vous avez trouvé une femme si aimée
ornaris. Inde etiam uxorem carissimam tibi et probatis- et si respectée, dont la mémoire méritait bien soit un
simam habuisti, cujus memoriœ aut opus aliquod, aut monument, soit un spectacle et celui-ci de préférence,
spectaculum, atque hoc potissimum, quod maxime funeri, qui convient le mieux à un anniversaire de deuil. De plus
70 C. PLINII SECUNDI. LIBER VI PLINE L E JEÛNE. LIVRE VI 71

debebatur. Prseterea, tanto consensu rogabaris, ut negare on vous le demandait d'un vœu si unanime, que refuser
non constans, sed durum videretur. Illud quoque egre- eût paru non de la fermeté, mais de la dureté. Votre
gie, quod tam facilis, tam liberalis in edendo fuisti. conduite a encore été admirable par la bonne grâce et la
générosité avec lesquelles vous avez donné ces jeux; car
Nam per hœc etiam magnus animus ostenditur. Vel- ces qualités aussi sont la marque d'une grande âme.
lem Africanae, quas coemeras plurimas, ad prsennitum J'aurais voulu que les panthères d'Afrique, dont-vous
diem occurrissent. Sed, licet cessaverint illœ, tempes- aviez acheté un bon nombre, fussent arrivées au jour dit.
Mais quoiqu'elles aient fait défaut, retardées par la
tate detentœ, tu tamen meruisti, ut acceptum tibi fieret,
tempête, vous gardez tout le mérite de votre intention,
quod quominus exhiberes, non per te stetit. Vale. puisqu'il n'a pas dépendu de vous de les faire paraître.
Adieu.
LIBER SEPTIMUS LIVRE SEPTIÈME

I. — G. PLINIUS GEMINO SUO S. I. — G. PLINE SALUE SON CHER GEMINUS

Terret me haec tua pertinax valetudo, et, quamquam L'opiniâtreté de votre maladie m'effraye, et quoique
te temperantissimum noverim, vereor tamen ne quid je vous connaisse très maître de vous, je crains qu'elle ne
illi etiam in mores tuos liceat. Proinde moneo patienter se permette quelque assaut même contre votre caractère.
Je vous exhorte donc à résister avec fermeté; vous y
résistas; hoc laudabile, hoc salutare. Admittit humana gagnerez honneur, et santé. Ce que je vous conseille
natura quod suadeo. Ipse eerte sic agere sanus cum meis n'est pas au-dessus des forces humaines. Voici ce que je
soleo : « Spero quidem, si forte in adversam valetudinem répète, en bonne santé, à mes gens : « J'espère que, si
je viens à être malade, je ne demanderai rien, dont je
incidero, nihil me desideraturum vel pudore vel paeni- puisse rougir ou me repentir; si cependant la force du
tentia dignum. Si tamen superaverit morbus, denuntio mal l'emportait, je vous défends de me rien donner sans
ne quid mini detis, nisi permittentibus medicis sciatisque, la permission des médecins et sachez-le bien, si vous
si dederitis, ita vindicaturum, ut soient alii, quœ negan- cédiez à mes désirs, je vous en punirais comme d'autres
se vengent d'un refus. » Écoutez encore ceci : un jour
tur. » Quin etiam cum perustus ardentissima febri, tan- j'étais brûlé d'une ardente fièvre; enfin elle tomba et,
dem remissus unctusque acciperem a medico potionem, après avoir été frictionné, je me disposais à prendre de
porrexi manum utque tangeret dixi admotumque jam la main du médecin une boisson, lorsque je lui tendis le
bras eh le priant de tâter mon pouls et je lui rendis la
labris poculum reddidi. Postea cum vicesimo valetudinis coupe déjà près de mes lèvres. Quelque temps après, le
die balineo praepararer mussantesque medicos repente vingtième jour de la maladie, on me préparait pour le
vidissem, causam requisivi. Responderunt posse me tuto bain; ayant vu les médecins chuchoter, je leur en de-
mandai la cause; ils répondirent qu'ils croyaient le bain
lavari, non tamen omnino sine aliqua suspicione. « Quid,
sans danger, mais qu'ils ne pouvaient cependant pas se
inquam, necesse est? » Atque ita spe balinei, cui jam défendre de quelque inquiétude. « Eh quoi ! dis-je, est-ce
videbar inferri, placide leniterque dimissa, ad abstinen- absolument nécessaire? » Et, renonçant avec tranquillité
tiam rursus, non secus ac modo ad balineum, animum et avec douceur à l'espoir du bain, où je croyais déjà me
voir porter, j'en acceptai la privation du même cœur
vultumque composui. Quse tibi scripsi, primum ut te et du même air que j'en avais reçu la promesse. Le but
non sine exemplo monerem deinde ut in posterum ipse de tout cela? C'est d'abord de ne pas vous donner de
74 C. PLINII SECUNDI. — LIBER VII PLINE LE JEUNE. — LIVRE VII 75

ad eandem temperantiam astringerer, cum me hac conseils sans les appuyer par l'exemple; c'est aussi pour
m'astreindre moi-même dans l'avenir à cette même force
epistula, quasi pignore, obligavissem. Vale. de caractère, en m'y obligeant par cette lettre, comme par
une caution. Adieu.
II. — C. PLINIUS JUSTO SUO S.
IL — C. P L I N E SALUE SON CHER JUSTUS
Quemadmodum congruit, ut simul et affirmes te assi-
Comment mettre d'accord et votre affirmation que les
duis occupationibus impediri et scripta nostra desideres, occupations continuelles vous assiègent et votre désir
quee vix ab otiosis impetrare aliquid perituri temporis de recevoir mes livres, qui ont de la peine à obtenir des
gens oisifs un peu de ce temps qu'ils gaspillent? Aussi
possunt? Patiar ergo sestatem inquietam vobis exerci- attendrai-je la fin de cet été que vous passez dans les
tamque transcurrere et hieme demum, cum credibile erit travaux et les tracas et, en hiver seulement, quand on
noctibus saltem vacare te posse, quseram quid potissi- pourra croire que vos nuits au moins sont libres, je
chercherai parmi mes bagatelles ce que je peux vous
mum ex nugis meis tibi exhibeam. Intérim abunde est, offrir de préférence; jusque-là c'est bien assez si mes
si epistulse non sunt molestae. Sunt autem et ideo bre- lettres ne vous sont pas importunes; mais elles le sont
certainement, aussi les ferai-je plus courtes. Adieu.
viores erunt. Vale.

III. — C. P L I N E SALUE SON CHER PRESENS


III. — C. PLINIUS PRAESENTI SUO S.
Jusques à quand persisterez-vous à rester tantôt en
Tantane perseverantia tu modo in Lucania, modo in Lucanie, tantôt en Campanie? « C'est que, dites-vous,
moi je suis Lucanien et ma femme Campanienne. »
Campania? « Ipse enim, inquis, Lucanus, uxor Cam- Excellente raison sans doute d'être absent longtemps,
pana. » Justa causa longioris absentise, non perpétua? mais non pas toujours. Revenez donc enfin à Rome, où
vous attendent considération, honneurs, amitiés tant
tamen. Quin ergo aliquando in Urbem redis, ubi digni-
hautes qu'humbles. Jusques à quand vivrez-vous en
tas, honor, amicitise tam superiores, quam minores? prince? Jusques à quand veillerez-vous, ou dormirez-
Quousque regnabis? quousque vigilabis cum voles? dor- vous selon votre bon plaisir? Jusques à quand point de
brodequins de cérémonie, la toge en congé, et la liberté
mies quamdiu voles? quousque calcei nusquam? toga tout le long du jour? Il est temps de revenir goûter à nos
feriata? liber totus dies? Tempus est te revisere moles- ennuis, ne serait-ce que pour éviter à vos plaisirs la
satiété qui les rendrait monotones. Revenez faire des
tias nostras, vel ob hoc solum, ne voluptates istse satie-
visites matinales, pour éprouver plus de plaisir à en
tate languescant. Saluta paulisper, quo sit tibi jucun- recevoir, vous perdre dans notre cohue, pour mieux
dius salutari; terere in hac turba, ut te solitudo delectet. jouir de la solitude. Mais quelle maladresse? Voulant
76 C. PLINII SECUNDI. — LIBER VII PLINE LE JEUNE. LIVRE VII 77

Sed quid imprudens, quem evocare conor, retardo? vous attirer, je vous rebute. Peut-être en effet ces exhor-
Fortasse enim his ipsis admoneris, ut te magis ac magis tations mêmes vous engageront-elles à vous plonger
encore davantage dans vos loisirs, que d'ailleurs je
otio involvas, quod ego non abrumpi, sed intermitti voudrais non pas supprimer, mais seulement interrompre.
volo. Ut enim, si cenam tibi facerem, dulcibus cibis acres Car de même que, vous offrant à dîner, je mêlerais aux
acutosque miscerem, ut obtusus illis et oblitus stoma- plats doux des mets épicés et piquants, afin de réveiller
votre appétit lassé et rebuté par les premiers, de même
chus his excitaretur, ita nunc hortor ut jucundissimum maintenant je vous conseille de relever quelquefois les
genus vitse nonnullis interdum quasi acoribus condias. délices de votre vie par une pointe d'acidité. Adieu.
Vale.
IV. — C. PLINE SALUE SON CHER PONTIUS
IV. — C. PLINIUS PONTIO SUO S.

Ais legisse te hendecasyllabos meos; requiris etiam Vous avez lu, dites-vous, mes hendécasyllabes; et vous
vous demandez comment j'ai pu les écrire, moi qui suis,
quemadmodum cœperim scribere, homo, ut tibi videor, à votre avis, un homme austère, et de mon propre aveu,
severus, ut ipse fateor, non ineptus. point du tout frivole.
Jamais pour reprendre les choses de plus haut, je ne
Numquam a poetice (altius enim repetam) alienus fui.
me suis senti d'aversion pour la poésie. Et même à peine
Quin etiam quattuordecim natus annos grsecam tragce- âgé de quatorze ans j'ai composé une tragédie grecque.
diam scripsi. Qualem? inquis. Nescio : tragcedia voca- Laquelle? dites-vous. Je n'en sais rien; j'appelais cet
essai une tragédie. Peu après, revenant de l'armée,
batur. Mox cum e militia rediens, in Icaria insula ventis comme j'étais retenu par les vents dans l'île d'Icarie, je
detinerer, latinos elegos in illud ipsum mare ipsamque me suis plaint en vers élégiaques latins et de cette mer
insulam feci. Expertus sum me aliquando et heroo, hen- lointaine et de cette île. Je me suis essayé une fois aussi
en vers héroïques; quant aux hendécasyllabes, ce sont
decasyllabis nunc primum, quorum hic natalis, hœc ici mes premiers. Et voici comment ils sont nés, quelle en
causa est. Legebantur in Laurentino mihi libri Asini fut l'occasion. On me lisait dans ma villa des Laurentes
l'ouvrage d'Asinius Gallus 28 où il établit un parallèle
Galli de comparatione patris et Giceronis. Incidit epi- entre son père et Cicéron. Il se présenta une épi-
gramma Ciceronis in Tironem suum. Dein, cum meridie gramme de ce dernier sur son cher Tiron. Puis, comme à
(erat enim sestas) dormiturus me recepissem nec obre- midi je m'étais retiré dans ma chambre pour faire la
sieste (on était en été), et comme le sommeil ne venait
peret somnus, cœpi reputare maximos oratores hoc pas, je me mis à penser que les plus grands orateurs
studii genus et in oblectationibus habuisse et in laude avaient regardé ce genre d'ouvrages comme un délasse-
ment et s'en étaient fait un grand honneur. Je me mis à
posuisse. Intendi animum contraque opinionem meam,
l'œuvre avec ardeur et, contre mon attente, malgré une
post longam desuetudinem, perquam exiguo temporis si longue désaccoutumance, en un court instant, prenant
78 C. PLINII SECUNDI. LIBER VII PLINE LE JEUNE. LIVRE VII 79

momento, id ipsum quod me ad scribendum sollicita- pour sujet les motifs mêmes qui m'avaient invité à écrire,
verat, bis versibus exaravi : je les exprimai dans ces vers :
« Lisant un jour le livre de Gallus, où il n'a pas craint de décerner
Cum libros Gcdli ïegerem, quibus ille parenti à son père, de préférence à Cicéron, la palme de la gloire, je rencontrai un
Ausus de Cicérone dare est palmamque decusque, léger badinage de Cicéron où brillait ce génie, qui donna au monde des
Lascivum inueni lusum Ciceronis, et iîïo œuvres si graves, et qui a prouvé aussi que les grands esprits, parés de
Spectandum ingenio, quo séria condidit, et quo charmes variés, se plaisent même aux aimables jeux de la plaisanterie. Il
Humanis salibus multo varioque lepore se plaint en effet que par une malice cruelle Tiron ait déçu son cœur et, que,
Magnorum ostendit mentes gaudere viroram. le repas fini et le soir venu, il se soit soustrait au paiement de quelques
Nam queritur quod fraude mala frustratas amantem faveurs bien dues. Pourquoi, dis-je alors, après de tels exemples, cachons-
Paucula cenato sibi débita suavia Tiro nous nos tendresses et juyons-nous, tremblants, les yeux du public? Pourquoi
Tempore nocturno subtraxerit. His ego îectis : n'avouons-nous pas que nous connaissons les ruses des Tirons, leurs
Cur post hsec, inquam, nostros celamus amores? malicieuses cajoleries et les douceurs dérobées qui allument de nouvelles
Nullumque in médium timidi damus? atque fatemur flammes 1 »
Tironisque dolos, Tironis nosse fugaces
Bïanditias et furta nouas addentia flammas? Je passai ensuite à des vers élégiaques, que je fis aussi
avec la même rapidité. J'en ajoutai d'autres et puis
Transii ad elegos; hos quoque non minus celeriter expli- d'autres encore, séduit par la facilité que j ' y trouvais.
cui. Addidi alios super alios facilitate corruptus. Deinde Revenu à Rome, je lus mes poésies à mes amis; ils les
approuvèrent. Depuis, dans mes loisirs et surtout en
in urbem reversus sodalibus legi. Probaverunt. Inde
voyage, j'ai essayé d'autres mètres. Enfin je me suis
plura metra, si quid otii ac maxime in itinere, tentavi. décidé, à l'exemple de beaucoup d'autres, à donner un
Postremo placuit exemplo multorum unum separatim volume séparé d'hendécasyllabes, et je ne m'en repens
hendecasyllaborum volumen absolvere, nec pœnitet. pas. On les lit, on les copie, on les chante; les Grecs
T
__egitur, describitur, cantatur etiam et a Grsecis quoque, mêmes, auxquels l'amour de ce petit livre a fait apprendre
quos latine hujus libelli amor docuit, nunc cithara, nunc le latin, les accompagnent soit sur la cythare, soit sur la
lyre.
lyra personatur. Mais n'est-ce pas trop me vanter? On pardonne, il est
Sed quid ego tam gloriose? quamquam poetis furere vrai, un peu de folie aux poètes. Et d'ailleurs ce n'est pas
concessum est; et tamen non de meo, sed de aliorum mon jugement, mais celui d'autrui que je cite; et juste
judicio loquor, quod, sive judicant, sive errant, me ou erroné, il me fait plaisir. Je ne demande qu'une chose :
puisse la postérité porter le même jugement erroné ou
delectat. Unum precor, ut posteri quoque aut errent juste. Adieu.
similiter aut judicent. Vale.
V. — C. P L I N E SALUE SA CHÈRE CALPURNIA
V. — C. PLINIUS CALPURNIAE SUAE S. Vous ne sauriez croire combien je regrette votre
absence. Mon amour d'abord en est la cause, et aussi le
Incredibile est quanto desiderio tui tenear. In causa manque d'habitude d'être séparés. Il en résulte que je
amor primum deinde quod non consuevimus abesse. passe une grande partie de mes nuits à contempler, tout
Inde est quod magnam partem noctium in imagine tua éveillé, votre image, que dans le jour, aux heures où
80 C. PLINII SEGUNDI. LIBER VII PLINE LE JEUNE. LIVRE VII 81

vigil exigo, inde quod interdiu, quibus horis te visere j'avais coutume de vous rendre visite, mes pieds me
solebam, ad disetam tuam ipsi me, ut verissime dicitur, portent d'eux-mêmes, comme on le dit avec tant de
raison, dans votre appartement, que enfin indolent et
pedes ducunt, ijuod denique seger et mcestus ac similis
triste et semblable à quelqu'un à qui on a refusé la porte,
excluso a vacuo limine recedo. Unum tempus his tor- je reviens de votre chambre vide. Le seul temps où je suis
mentis caret, quo in foro et amicorum litibus conteror. affranchi de ce tourment, c'est celui que je consacre au
iEstima tu quas vita mea sit, cui requies in labore, in forum, accablé par les procès de mes amis. Jugez donc
quelle vie est la mienne, quand je ne trouve de repos
miseria curisque solatium. Vale. que dans le travail, de consolation que dans les tracas et
les soucis. Adieu.

V I . — C. PLINIUS MACRINO suo S.


VI. — C. P L I N E SALUE SON CHER MACRINUS

Il est arrivé à Varenus 29 une aventure curieuse et


Rara et notabilis res Vareno contigit, sit licet adhuc digne d'attention, quoique l'issue en soit encore incertaine.
dubia. Bithyni accusationem ejus, ut temere inchoatam, On raconte que les Bithyniens abandonnent leur accu-
omisisse narrantur; narrantur dico? adest provinciœ sation contre lui, la déclarant mal fondée. On raconte?
legatus, attulit decretum concilii ad Csesarem, attulit dis-je. Il est arrivé un député de la province, il a apporté
un décret de l'assemblée de cette province, il l'a remis à
ad multos principes viros, attulit etiam ad nos, Vareni l'empereur, il l'a remis à plusieurs personnages impor-
advocatos. Perstat tamen idem ille Magnus, quin etiam tants, il nous l'a remis même à nous, les avocats de
Nigrinum, optimum virum, pertinacissime exercet. Per Varenus. Pourtant le même Magnus, dont je vous ai
parlé, persiste et même il pousse obstinément cet excel-
hune a consulibus postulabat, ut Varenus exhibere lent Nigrmus; par sa bouche il demandait aux consuls de
rationes cogeretur. forcer Varenus à produire ses comptes.
Assistebam Vareno jam tantum ut amicus, et tacere Je n'assistais désormais Varenus qu'à titre d'ami et
j'avais résolu de garder le silence. Quelle maladresse en
decreveram. Nihil enim tam contrarium, quam si advo- effet, si, désigné par le sénat comme avocat, je traitais
catus a senatu datus defenderem ut reum, cui opus esset dans ma défense en accusé, celui à qui il importait de ne
ne reus videretur, cum tamen, fmita postulatione Nigrini, plus paraître accusé. Cependant, à la fin de la demande
de Nigrinus, les consuls ayant tourné les yeux vers moi :
consules ad me oculos rettulissent : « Scietis, inquam, « Vous saurez, dis-je, que notre silence a de solides motifs,
constare nobis silentii nostri rationem, cum veros legatos quand vous aurez entendu les véritables députés de la
provincise audieritis. » Contra Nigrinus : « Ad quem missi province. » — «A qui ont-ils été envoyés?» répliqua Nigri-
sunt? Ego : Ad me quoque : hdbeo decretum provincise. » nus. — « A moi-même », dis-je, « j'ai en main, le décret de
la province. » — « Vous pouvez donc voir clair dans
Rursus ille : « Potest tibi liquere. Ad hoc ego : Si tibi l'affaire », reprit-il. Et moi : « Si vous y voyez clair dans
ex diverso liquet, potest et mihi, quod est melius liquere. » un sens opposé, il n'est pas impossible que ce soit moi qui
P L I N E L E JEUNE. T. n. 6
82 C. PLINII SECUNDI. LIBER VII PLINE LE JEUNE. LIVRE VII 83

Tum legatus Polysenus causas abolitae accusationis expo- y voie le mieux. » Alors le député Polyenus exposa les
suit postulavitque ne cognitioni Csesaris prœjudicium raisons du désistement et demanda qu'on ne préjugeât rien
de la décision de César. Magnus répondit, Polyenus
fieret. Respondit Magnus; iterumque Polyœnus. Ipse répliqua. Et moi intervenant rarement et en peu de mots,
raro et breviter interlocutus, multum me intra silentium je me confinai dans le silence. L'expérience en effet m'a
tenui. Accepi enim, non minus interdum oratorium esse appris qu'il est parfois aussi habile pour un orateur de se
tacere quam dicere atque adeo repeto quibusdam me taire que de parler et je me rappelle avoir dans certaines
capitis reis vel magis silentio quam oratione accuratis- accusations capitales servi les accusés plus par mon
silence que par le discours le mieux apprêté. Une mère
sima profuisse. Mater, amisso filio (quid enim prohibet, avait perdu son fils (qui empêche, en effet, bien que j'aie
quamquam alia ratio scribendse epistulse fuerit, de studiis commencé cette lettre dans une autre intention, de parler
disputare?) libertos ejus, eosdemque coheredes suos falsi de nos travaux?), elle avait dénoncé au prince pour crime
et veneficii reos detulerat ad principem judicemque de faux et d'empoisonnement les affranchis de ce fils, qui
impetraverat Julium Servianum. Defenderam reos ingenti étaient en même temps cohéritiers avec elle, et elle avait
obtenu pour juge Julius Servianus. J'avais défendu les
quidem cœtu : erat enim causa notissima, prseterea accusés devant une nombreuse assemblée, car la cause
utrimque ingénia clarissima. Finem cognitioni qusestio avait fait du bruit, et des deux côtés il y avait des ora-
imposuit; quœ secundum reos dédit. Postea mater adiit teurs illustres. On la termina, en ordonnant la question,
principem : afflrmavit se novas probationes invenisse. qui décida en faveur des accusés. Plus tard la mère se
Prseceptum est Suburano ut vacaret finitam causam rendit auprès du prince, et lui assura qu'elle avait trouvé
de nouvelles preuves. Suburanus fut invité à entendre
rétractant!, si quid novi afîerret. Aderat matri Julius sa demande en revision, si elle apportait quelque fait
Africanus, nepos illius oratoris (quo audito, Passienus nouveau. La mère était assistée de Julius Africanus, petit-
Crispus dixit : Bene, mehercule, bene : sed qua tam bene?). fils de ce fameux orateur, qui avait fait dire à Passienus
Hujus nepos, juvenis ingeniosus, sed parum callidus, Crispus : « Bien, par ma foi, fort bien; mais pourquoi
si bien? » Son petit-fils, jeune homme de talent, mais
cum multa dixisset, assignatumque tempus implesset :
encore peu roué, après avoir parlé beaucoup, et rempli
Rogo, inquit, Suburane, permittas mihi unum versum le temps assigné : « Je vous prie, Suburanus, dit-il, de me
adjicere. Tum ego, cum omnes me, ut diu responsurum, permettre d'ajouter une seule phrase. » Alors moi, sous
intuerentur : Respondissem, inquam, si unum illum ver- les regards de tout l'auditoire qui attendait une longue
sum Africanus adjecisset, in quo non dubito omnia nova réponse : « J'aurais répondu, dis-je, si Africanus eût
ajouté cette unique phrase, qui contenait, je n'en doute
fuisse. Non facile me repeto tantum consecutum assen-
pas, tous les faits nouveaux. » Je ne me souviens pas
sum agendo, quantum tune non agendo. d'avoir obtenu en plaidant des applaudissements pareils
1
Similiter nunc et probatum et exceptum est, quod pro à ceux que je recueillis alors en ne plaidant pas.
Vareno hactenus modo non tacui. Consules, ut Polyœnus Aujourd'hui j'ai obtenu ,1a même approbation et le
postulabat, omnia intégra principi servaverunt, cujus même succès, en gardant encore en faveur de Varenus à
cognitionem suspensus exspecto. Nam dies ille nobis peu près le silence. Les consuls, comme le demandait
84 C. PLINII SECUNDI. LIBER VII
PLINE LE JEUNE." LIVRE VII 85
pro Vareno aut securitatem et otium dabit, aut inter-
Polyenus, ont réservé au prince l'affaire dans son inté-
missum laborem renovata sollicitudine injunget. Vale.
gralité, et j'attends sa décision avec anxiété. Car ce jour-là
m'apportera pour Varenus la sécurité et le repos, ou m'obli-
VII. — C. PLINIUS SATURNINO SUO S. gera à reprendre la tâche avec de nouveaux soucis. Adieu.

Et proxime Prisco nostro et rursus, quia ita jussisti, VII. — C. PLINE SALUE SON CHER SATURNINUS
gratias egi, libentissime quidem. Est enim mihi perjucun- Dernièrement déjà et maintenant encore, selon votre
dum, quod viri optimi mihique amicissimi adeo cohœsistis, désir, j'ai adressé des remerciements à notre cher Priscus,
ut invicem vos obligari putetis. Nam ille quoque prae- et je l'ai fait de grand cœur. Je suis charmé en effet de
voir des hommes d'un tel mérite et que j'aime tant, si
cipuam se voluptatem ex amicitia tua capere profitetur,
étroitement liés, que vous vous croyiez obligés l'un envers
certatque tecum honestissimo certamine mutuse caritatis, l'autre à cause de cette amitié. Car lui aussi publie que
quam ipsum tempus augebit. Te negotiis distineri ob hoc votre affection lui procure la plus douce joie; il rivalise
avec vous par un: noble combat de tendresse mutuelle,
moleste fero, quod deservire studiis non potes. Si tamen
et le temps même ne fera que l'accroître. Je suis désolé
alteram litem per judicem, alteram, ut ais, ipse flnieris, que les affaires vous accaparent, parce que vous ne
incipies primum istic otio frui, deinde satiatus ad nos pouvez plus vous adonner aux études. Si pourtant vous
reverti. Vale. terminez un de vos procès par l'intervention du juge, et
l'autre par vous-même, comme vous le dites, commencez
d'abord par jouir dans votre retraite du loisir gagné, puis,
V I I I . — C. PLINIUS PRISCO SUO S. rassasié, revenez vers nous. Adieu.

Exprimere non possum quam jucundum sit mihi quod


V I I I . — C. P L I N E SALUE SON CHER PRISCUS
Saturninus noster summas tibi apud me gratias aliis
Je ne puis vous exprimer tout le plaisir que me fait
super alias epistulis agit. Perge ut ccepisti virumque
notre cher Saturninus en m'écrivant lettre sur lettre pour
optimum quam familiarissime dilige, magnam voluptatem me dire combien il vous, est reconnaissant. Continuez
ex amicitia ejus percepturus, nec ad brève tempus. Nam ainsi que "vous avez commencé; chérissez le plus tendre-
cum omnibus virtutibus abundat, tum hac prsecipue, ment possible cet homme excellent, dont l'amitié vous
donnera les plus grandes joies, et des joies nullement
quod habet maximam in amore constantiam. Vale. passagères; car s'il est comblé de toutes les vertus, il se
distingue surtout par une rare fidélité dans ses affec-
IX. — C. PLINIUS Fusco SUO S. tions. Adieu.

Quseris quemadmodum in secessu, quo jamdiu frueris, IX. — C. P L I N E SALUE SON CHER Fuscus

putem te studere oportere. Utile in primis et multi Vous me demandez mon avis sur la manière dont vous
devez, dans la retraite où vous vous plaisez depuis long-
86 C. PLINII SECUNDI. LIBER VII PLINE LE JEUNE. LIVRE VII 87

prsecipiunt, vel ex grseco in latinum, vel ex latino vertere temps, diriger vos études. Un exercice très utile, et que
beaucoup recommandent, est la traduction soit du grec
in grsecum. Quo génère exercitationis proprietas spleri-
en latin, soit du latin en grec. Par cet entraînement,
dorque verborum, copia flgurarum, vis explicandi, prse- on acquiert la propriété et l'éclat des termes, l'abon-
terea imitatione optimorum similia inveniendi facultas dance des figures, la richesse des développements, en
outre l'imitation de ces auteurs excellents donne la
paratur. Simul quse legentem fefellissent transferentem facilité de trouver des beautés semblables. Et puis des
fugere non possunt; intellegentia ex hoc et judicium détails qui eussent passé inaperçus d'un lecteur ne
peuvent échapper à un traducteur. Ainsi se forment
acquiritur. Nihil ofîuerit, quse legeris hactenus, ut rem et l'intelligence et le goût. Vous ne perdrez rien à lire
argumentumque teneas, quasi semulum scribere lectisque d'abord un passage assez vite pour n'en retenir que le
sujet et le plan, puis à le rédiger en vous proposant de
conferre ac sedulo pensitare quid tu, quid ille commodius.
rivaliser avec l'auteur, à faire ensuite la comparaison
Magna gratulatio, si nonnulla tu; magnus pudor, si avec le modèle, et à examiner avec soin en quoi vous le
cuncta ille melius. Licebit interdum et notissima eligere surpassez, en quoi il vous est supérieur. Quelle joie si
parfois c'est vous qui l'emportez, quelle confusion si
et certare cum electis. Audax hsec, non tamen improba, c'est lui partout. Vous pourrez parfois choisir des mor-
quia sécréta contentio. Quamquam multos videmus ejus- ceaux célèbres et lutter avec eux. C'est un peu auda-
cieux, mais non impudent, car la lutte est secrète. Nous
modi certamina sibi cum multa laude sumpsisse, quosque voyons même bien des écrivains qui ont livré de tels
subsequi satis habebant, dum non desperant, ante- combats avec gloire. Ils n'aspiraient qu'à suivre de
près leur modèle et, n'ayant pas désespéré, ils l'ont
cessisse. dépassé. Vous pourrez aussi, après qu'un de vos discours
Poteris et quse dixeris, post oblivionem retractare, sera sorti de votre mémoire, le reprendre, conserver
multa retinere, plura transire, alia interscribere, alia beaucoup de parties, en retrancher davantage, tantôt
ajouter et tantôt refaire. C'est sans doute un travail
rescribere. Laboriosum istud et tsedio plénum, sed difflcul- pénible et souvent ennuyeux, mais fructueux par sa
tate ipsa fructuosum, recalescere ex integro et resumere difficulté même, de raviver sa première ardeur, et de
reprendre un élan brisé déjà et abandonné, enfin d'insérer
impetum fractum omissumque, postremo nova velut comme de nouveaux membres à un corps achevé sans
membra peracto corpori intexere nec tamen priora troubler pourtant l'ordonnance première.
turbare. Je sais qu'en ce moment votre principale étude est
l'éloquence du barreau. Je ne vous conseillerais pas
Scio nunc tibi esse prsecipuum studium orandi, sed cependant de vous en tenir à ce style de polémique
non ideo semper pugnacem hune et quasi bellatorium et pour ainsi dire de guerre. De même que pour la culture
de la terre il est bon de varier et de changer les semences,
stylum suaserim. Ut enim terrse variis mutatisque semi- de même la culture de notre esprit demande tantôt
nibus, ita ingénia nostra nunc hac, nunc illa meditatione un exercice, tantôt un autre. Je veux que de temps
88 C. PLINII SECUNDI. LIBER VII PLINE LE JEUNE. LIVRE VII 89

recoluntur. Volo interdum aliquem ex historia locum en temps vous traitiez quelque point d'histoire; je
appréhendas, volo epistulam diligentius scribas. Nam veux que vous écriviez une lettre avec soin. Car souvent
même dans un discours se présente la nécessité d'une
saepe in oratione quoque non historica modo, sed prope description non seulement historique, mais même demi-
poetica descriptionum nécessitas incidit, et pressus sermo poétique, et ce sont les lettres qui donnent, un style
purusque ex epistulis petitur. Fas est et carminé remitti, vif et châtié. Il est permis encore de se délasser en
composant des vers; je ne parle pas d'un ouvrage suivi
non dico continuo et longo (id enim perfici nisi in otio
et de grandes proportions, qui exige le loisir absolu,
non potest), sed hoc arguto et brevi, quod apte quantas- mais de ces petites pièces élégantes et brèves, qui s'inter-
libet occupationes curasque distinguit. Lusus vocantur; calent fort bien parmi n'importe quelles occupations
sed ni lusus non minorem interdum gloriam quam séria ou n'importe quels soucis. On les appelle des jeux;
mais ces jeux obtiennent parfois autant de succès que
consequuntur; atque adeo (cur enim te ad versus non des écrits sérieux. Ainsi donc (pourquoi ne vous exhor-
versibus adhorter?), terais-je pas par des vers à composer des vers?)
« De même que c'est une gloire pour la cire de se plier molle et obéissante
Ut laus est cerne, mollis cedensque sequatur, aux ordres des doigts habiles et de produire l'œuvre demandée, représentant
Si doctos digiios jussaque fiât opus tantôt Mars, tantôt la chaste Minerve, tantôt Vénus, tantôt le fils de Vénus,
Et nunc informet Martem castamve Minervam, de même que les sources sacrées ne se consacrent pas seulement à éteindre les
Nunc Vénérera effingat, nunc Veneris puerum incendies, mais souvent aussi arrosent les fleurs et les prairies verdoyantes,
Utque sacri fontes non sola incendia sistunt, de même l'esprit des hommes doit se plier et se conduire selon un art sans
Sœpe etiam flores vernaque prata juvant raideur avec une savante souplesse. »
Sic hominum ingenium flecti ducique per artes
Non rigidas docta mobilitate decet.
C'est pourquoi les plus grands orateurs, et même
les plus grands hommes, se livraient à ces exercices ou
Itaque summi oratores, summi etiam viri sic se aut
à ces délassements, disons plutôt à ces délassements
exercebant aut delectabant, immo delectabant exerce- et à ces exercices, car c'est merveille combien ces menus
bantque. Nam mirum est ut his opusculis animus inten- ouvrages raniment à la fois et reposent l'esprit. Ils
datur remittaturque. Recipiunt enim amores, odia, iras, admettent en effet l'amour, la haine, la colère, la pitié,
le badinage, tous les sentiments enfin que l'on trouve
misericordiam, urbanitatem, omnia denique quœ in vita dans la vie ordinaire, à la tribune du forum, ou dans
atque etiam in foro causisque versantur. Inest his les affaires judiciaires. Ils offrent aussi, comme tous
quoque eadem quœ aliis carminibus utilitas, quod les autres genres de poésie, cet avantage, que, après
avoir été astreints à la contrainte du mètre, nous sommes
metri necessitate devincti, soluta oratione lœtamur, et
heureux de retrouver la liberté de la prose et nous écri-
quod facilius esse comparatio ostendit libentius scribi- vons avec plus de plaisir dans un genre que la compa-
mus. raison nous a montré plus facile.
Habes plura etiam fortasse quam requirebas, unum En voilà plus peut-être que vous n'en demandiez;
j'ai omis cependant un point; je ne vous ai pas dit
tamen omisi. Non enim dixi quse legenda arbitrarer; quelles lectures je crois nécessaires, quoique je vous
quamquam dixi, cum dicerem quse scribenda. Tu memi- l'aie dit assez, en vous indiquant les exercices écrits
90 C. PLINII SECUNDI, LIBER VII PLINE LE JEUNE. — LIVRE VII 91

neris sui cujusque generis auctores diligenter eligere. à faire. Souvenez-vous de choisir avec soin dans chaque
Aiunt enim multum legendum esse, non multa. Qui sint genre les meilleurs auteurs. On dit en effet fort bien
qu'il faut lire beaucoup, mais non beaucoup de livres.
hi, adeo notum pervagatumque est, ut demonstratione Quels sont ces livres? C'est une chose si connue et si
non egeat; et alioqui tam immodice epistulam extendi, répandue, qu'elle ne demande pas d'explication; d'ail-
leurs j'ai déjà donné à ma lettre une étendue si exces-
ut, dum tibi quemadmodum studere debeas suadeo,
sive, que pour vous conseiller comment il faut étudier,
studendi tempus abstulerim. Quin ergo pugillares resumis je vous ai ôté le temps d'étudier. Reprenez donc au
et aliquid ex his, vel istud ipsum quod eceperas scribis. plus tôt vos tablettes et écrivez quelqu'un des ouvrages
que je vous ai proposés ou continuez celui-là même que
Vale. vous aviez en main 30 . Adieu.

X . — C. PLINIUS MACRINO SUO S.


X . — C. PLINE SALUE SON CHER MACRINUS

Quia ipse, cum prima cognovi, jungere extrema, quasi Comme moi-même, quand j'ai su le début d'une
avulsa cupio, te quoque existimo velle de Vareno et histoire, je brûle d'y rattacher la fin, car il me semble
qu'elle en a été arrachée, je suppose que vous désirez
Bithynis reliqua cognoscere. Acta causa hinc a Polyseno, connaître la suite du procès de Varenus et des Bithy-
inde a Magno. Finitis actionibus Csesar : « Neutra, inquit, niens. La cause fut plaidée d'un côté par Polyenus,
de l'autre par Magnus. Après les plaidoiries César dit :
pars de mora queretur; erit mihi curae explorare provin-
« Aucune des parties ne se plaindra d'un retard; j'aurai
cial voluntatem. » Multum intérim Varenus tulit. Etenim soin de m'assurer des vœux de la province. » En atten-
quam dubium est an merito accusetur, qui an omnino dant Varenus a obtenu un grand avantage. Il est en
effet bien douteux que l'accusation contre lui soit fondée,
accusetur, incertum est ! Superest ne rursus provincise puisqu'il n'est pas certain qu'il y ait seulement une
quod damnasse dicitur placeat agatque pœnitentiam accusation ! Il reste à souhaiter que la province n'approuve
pas de nouveau le parti qu'elle a, dit-on, condamné et
psenitentise suse. Vale. qu'elle ne se repente pas de son repentir. Adieu.

XI. — C. PLINIUS FABATO PROSOCERO SUO S. XI. — C. P L I N E SALUE SON GRAND-PÈRE


PAR ALLIANCE F A B A T U S
Miraris quod Hermès, libertus meus, hereditarios agros,
Vous vous étonnez qu'Hermès, mon affranchi, ait
quos ego jusseram proscribi, non exspectata auctione, cédé à Corellia les terres dont j'ai hérité et que j'avais
pro meo quincunce ex septingentis milibus Corellise fait mettre en vente, sans attendre les enchères publiques,
et en estimant mes cinq douzièmes à un prix qui met-
addixerit. Adjicis posse hos nongentis milibus venire, ac
trait toute la succession à sept cent mille sesterces.
tanto magis quseris, an quod gessit ratum servem. Ego Vous ajoutez qu'elles pourraient se vendre neuf cent
PLINE LE JEUNE LIVRE VII 93
92 C. PLINII SECUNDI. LIBER V U
mille et vous désirez d'autant plus savoir si je ratifie
vero servo; quibus ex causis accipe. Cupio enim et tibi
ce marché. Oui, je le ratifie; pour quelles raisons? les
probatum et coheredibus meis excusatum esse, quod me voici; car je désire que vous m'approuviez et que mes
ab illis, majore offlcio jubente secerno. cohéritiers m'excusent, si, guidé par un devoir supé-
Corelliam cum summa reverentia diligo, primum ut rieur, je sépare mes intérêts des leurs.
J'ai pour Corellia l'affection la plus respectueuse;
sororem Corelli Rufl, cuj us mihi memoria sacrosancta est, d'abord elle est la sœur de Corellius Rufus, dont la
deinde ut matri meae familiarissimam. Sunt mihi et cum mémoire m'est sacrée, ensuite elle était l'amie intime
marito ejus, Minicio Fusco, optimo viro, vetera jura; de ma mère. J'ai aussi avec son mari, Minicius Justus,
le meilleur des hommes, des liens anciens; j'en ai eu
f uerunt et cum fllio maxima, adeo quidem ut, prsetore me, aussi de très étroits avec son fils, au point qu'il a présidé
iudis meis praesederit. Haec, cum proxime istic fui, indi- aux jeux que j'ai donnés pendant ma préture. Corellia,
cavit mihi cupere se aliquid circa Larium nostrum possi- pendant mon dernier séjour là-bas, me témoigna le
désir de posséder quelque domaine sur les bords de
dere. Ego illi ex prsediis meis quod vellet et quanti vellet
notre lac de Côme, et je lui offris de mes terres celles
obtuli, exceptis paternis maternisque; his enim cedere qu'elle voudrait et au prix qu'elle voudrait, exceptant
ne Corellise quidem possum. Igitur cum obvenisset mihi seulement mes propriétés maternelles et paternelles;
hereditas, in qua prsedia ista, scripsi ei venalia futura. Has car celles-là je ne puis les céder même à Corellia. Aussi,
quand m'échut l'héritage, dans lequel se trouvent les
epistulas Hermès tulit exigentique ut statim portionem domaines en question, je lui écrivis qu'ils allaient être
meam sibi addiceret paruit. mis en vente. Hermès lui porta cette lettre; elle voulut
Vides quam ratum habere debeam quod libertus meus qu'il lui adjugeât sur-le-champ ma part, et il la lui céda.
Vous voyez à quel point je dois ratifier un accord que
meis moribus gessit. Superest ut coheredes aequo animo mon affranchi a conclu selon mes sentiments. Il me reste
ferant separatim me vendidisse, quod mihi licuit omnino à désirer que mes cohéritiers veuillent bien admettre ma
non vendere. Nec vero coguntur imitari meum exem- vente séparée, puisque j'avais le droit de ne pas vendre
plum; non enim illis eadem cum Corellia jura sunt. Pos- du tout. Rien ne les oblige à suivre mon exemple; car ils
n'ont pas les mêmes liens avec Corellia. Ils peuvent donc
sunt ergo intueri utilitatem suam, pro qua mihi fuit ami- considérer l'intérêt, dont l'amitié m'a tenu lieu. Adieu.
citia. Vale.
XII. — C. P L I N E SALUE SON CHER MINICIUS.
XII. — C. PLINIUS MINICIO SUO S.
Je vous envoie le petit opuscule que j'ai composé,
à votre demande, pour que votre ami, ou plutôt notre
Libellum formatum a me, sicut exegeras, quo amicus ami (car tout n'est-il pas commun entre nous?) pût
tuus, immo noster (quid enim non commune nobis?), au besoin s'en servir; je vous l'envoie exprès un peu
si res posceret uteretur, misi tibi ideo tardius, ne tempus tardivement, afin que vous n'ayez pas le temps de
le corriger, c'est-à-dire de le gâter. Vous en trouverez,
emendandi eum, id est disperdendi, haberes. Habebis
94 C. PLINII SECUNDI. LIBER VII PLINE LE J E U N E . LIVRE VII 95

tamen, an emendandi nescio, utique disperdendi. •Y[/.etç après tout, toujours assez, sinon pour le corriger, du
yàp ot suÇr]>oi, optima quseque detrahitis. Quod si feceris, moins pour le gâter; car vous autres, les puristes, vous
retranchez toutes les beautés. Si vous le faites, je m'en
boni consulam. Postea enim illis ex aliqua occasione, ut féliciterai, car plus tard, profitant de quelque occasion,
meis, utar, et beneflcio fastidii tui ipse laudabor, ut in eo je présenterai vos suppressions comme mon bien et
quod annotatum invenies et supra scripto aliter expli- grâce à votre goût dédaigneux, c'est moi qui serai loué;
il en ira de même pour les passages que vous trouverez
citum. Nam cum suspicarer futurum ut tibi tumidius en note ou entre les lignes d'un autre style que l'ouvrage.
videretur quoniam est sonantius et elatius, non alienum Car, soupçonnant que vous trouveriez plein d'enflure
existimavi, ne te torqueres, addere statim pressius quid- ce qui n'est qu'un peu éclatant et pompeux, j'ai cru
à propos, pour vous éviter des tourments, d'ajouter
dam et exilius, vel potius humilius et pejus, vestro tamen
aussitôt une rédaction plus concise et plus modeste
judicio rectius, (cur enim non usquequaque tenuitatem ou pour mieux dire plus terre à terre et plus médiocre,
vestram insequar et exagitem?) mais bien meilleure à votre goût, (car pourquoi me
priverai-je de pourchasser et de traquer sans merci
Hsec, ut inter istas occupationes aliquid aliquando votre délicatesse?) Voilà pour vous faire rire un peu
rideres; illud serio, vide ut mihi viaticum reddas, quod parmi vos graves occupations; voici du sérieux : songez
impendi data opéra cursore dimisso. Nse tu, cum hoc à me rembourser le prix que j'ai payé pour vous envoyer
legeris, non partes libelli, sed totum libellum improbabis un courrier tout exprès. Ainsi je suis sûr qu'en lisant
cette demande ce n'est pas quelques parties de mon
negabisque ullius pretii esse, cujus pretium reposceris. opuscule, mais l'opuscule entier que vous désapprou-
Vale. verez et auquel vous refuserez toute valeur, puisqu'on
vous en réclame le prix. Adieu.
X I I I . — C. PLINIUS FEROCI SUO S.
X I I I . — C. P L I N E SALUE SON CHER FEROX
Eadem epistula et studere te et non studere significat.
Votre lettre m'annonce à la fois que vous travaillez
iEnigmata loquor. Ita plane, donec distinctius quod et que vous ne travaillez pas. Je vous parle par énigmes.
sentio enuntiem. Negat enim te studere, sed est tam C'est bien vrai, mais je vais m'expliquer plus claire-
pplita, quam nisi a studente, non potest scribi. Aut es tu ment. Elle affirme que vous ne travaillez pas, mais
elle est si achevée, qu'elle ne peut avoir été écrite que
super omnes beatus, si talia per desidiam et otium perflcis.
par quelqu'un qui travaille; autrement vous êtes le
Vale. plus heureux des hommes, si vous écrivez avec cette
perfection sans effort et en vous jouant. Adieu.
X I V . — C. PLINIUS CORELLI^E suiE s.
XIV. — C. PLINE SALUE SA CHÈRE CORELLIA.
Tu quidem honestissime, quod tam impense et rogas
C'est vraiment de votre part une extrême délica-
et exigis ut accipi jubeam a te pretium agrorum non tesse de me prier et même d'exiger avec tant d'instance
96 C. PLINII SECUNDI. LIBER VII
PLINE LE JEUNE. LIVRE VII 97
ex septingentis milibus, quanti illos a liberto meo, sed
que j'ordonne de recevoir de vous le prix de mes terres
ex nongentis, quanti a pubhcanis partem vicesimam non sur le pied de sept cent mille sesterces, suivant
emisti. Invicem ego et rogo et exigo ut non solum quid le marché conclu avec mon afïranchi 3l , mais sur le
pied de neuf cent mille, selon l'estimation que les publi-
te, verum etiam quid me deceat adspicias, patiarisque
cains ont faite du vingtième de la succession. A mon
me in hoc uno tibi eodem animo repugnare, quo in omni- tour, je vous supplie et j'exige que vous considériez
bus obsequi soleo. Vale. non seulement ce qui est digne de vous, mais aussi ce
qui est digne de moi, et que vous me permettiez sur
ce point seul de vous résister avec les mêmes senti-
ments que je vous obéis sur tous les autres. Adieu.
X V . — C. PLINIUS SATURNINO SUO S.

XV. — C. P L I N E SALUE SON CHER SATURNINUS.


Requiris quid agam? Quse nosti, distringor officio,
Vous me demandez quelles sont mes occupations?
amicis deservio, studeo interdum, quod non interdum, Celles que vous connaissez bien, je suis absorbé par
sed solum semperque facere, non audeo dicere rectius ma charge, je me mets au service de mes amis, je con-
certe beatius erat. Te alia omnia, quam quse velis, agere, sacre quelques moments à l'étude, à laquelle il serait,
je n'ose dire mieux, mais à coup sûr plus agréable de
moleste ferrem, nisi ea quse agis essent honestissima. les donner tous exclusivement. Quant à vous, je serais
Nam et reipublicae servire negotiis, et disceptare inter peiné que vous fissiez toute autre chose que ce que vous
désirez, si vos occupations n'étaient très honorables,
amicos laude dignissimum est. Prisci nostri contuber- car il y a le plus noble mérite à diriger les affaires de
nium jucundum tibi futurum sciebam. Noveram sim- l'état et à trancher les différends entre ses amis. Je
plicitatem ejus, noveram comitatem. Eundem esse, quod savais bien que vous seriez heureux d'avoir pour com-
pagnon notre cher Priscus. Je connaissais sa franchise,
minus noram, gratissimum experior, cum tam jucunde je connaissais son affabilité, qu'il soit en outre très
officiorum nostrorum meminisse eum scribas. Vale. reconnaissant, qualité que j'ignorais, je m'en rends
compte, quand vous m'écrivez qu'il garde un souvenir
si agréable de mes services. Adieu.
X V I . — C. PLINIUS FABATO PROSOCEKO SUO S.
XVI. — C. PLINE SALUE SON GRAND-PÈRE
PAR ALLIANCE FABATUS
Calestrium Tironem familiarissime diligo et privatis
mihi et publicis necessitudinibus implicitum. Simul mili- Calestrius Tiro est un de mes amis les plus intimes,
auquel je suis attaché par tous les liens privés et publics.
tavimus, simul qusestores Cassaris fuimus. Ille me in Nous avons fait campagne ensemble, ensemble nous
tribunatu liberorum jure prsecessit; ego illum in prsetura avons été questeurs de César. Lui m'a devancé dans
le tribunat par le privilège des enfants 32, mais je l'ai
P L I N E LE JEUNE. T. n . 7
98 C. PLINII SECUNDI. —• LIBER V I I PLINE L E J E U N E . LIVRE VII 99

sum consecutus, cum mihi Csesar annum remisisset. Ego rejoint dans la préture, César m'ayant accordé une
in villas ejus ssepe secessi; ille in domo mea ssepe conva- dispense d'un an. J'ai souvent goûté la retraite dans
ses villas, souvent il a rétabli ses forces dans ma maison.
luit. Hic nunc proconsul provinciam Bseticam per Tici- Maintenant, il va, en qualité de proconsul, prendre
num est petiturus. Spero, immo confldo facile me impe- possession de la province de Bétique en passant par
traturum ut ex itinere deflectat ad te, si voles vindicta Ticinum. J'espère ou plutôt je suis sûr d'obtenir faci-
lement qu'il se détourne de sa route pour aller vous
liberare quos proxime inter amicos manumisisti. Nihil voir, si vous voulez affranchir par la baguette 33, les
est quod verearis ne sit hoc illi molestum, cui orbem esclaves, auxquels vous avez dernièrement, en pré-
sence de vos amis, donné la liberté. Vous n'avez pas
terrarum circuire non erit longum mea causa. Proinde à craindre d'importuner un homme qui ne trouverait
nimiam verecundiam pone teque quid velis consule. Illi pas long de faire le tour du monde pour me rendre ser-
tam jucundum quod ego, quam mihi quod tu jubés. Vale. vice. Quittez donc cette excessive discrétion qui vous
est habituelle, et ne consultez que votre désir. Il a
autant de plaisir à me complaire que moi à vous obéir.
Adieu.
X V I I . — C. PLINIUS CÉLERI SUO S.

X V I I . — C. P L I N E SALUE SON CHER CELER


Sua cuique ratio recitandi; mihi, quod ssepe jam dixi,
ut, si quid me fugit, ut certe fugit, admonear. Quo magis Chacun a son motif de donner une lecture; le mien,
comme je l'ai dit souvent, est, si quelque faute m'a
miror quod scribis, fuisse quosdam qui reprehenderent
échappé, et il m'en échappe sûrement, d'en être averti.
quod orationes omnino recitarem; nisi vero has solas non Aussi suis-je d'autant plus surpris que quelques per-
putant emendandas. A quibus libenter requisierim cur sonnes, comme vous me l'écrivez, me blâment de lire
mes discours; peut-être en vérité pensent-elles que
concédant, si concédant tamen, historiam debere recitari, ces œuvres seules n'ont pas besoin d'être corrigées. Or
quse non ostentationi, sed fidei veritatique componitur, je leur demanderais volontiers pourquoi elles concèdent,
si toutefois elles le concèdent, qu'on doit lire en public
cur tragœdiam, quse non auditorium, sed scenam et un ouvrage historique, dont la composition vise non
actores, cur lyrica quse non lectorem, sed chorum et pas à l'éclat mais à l'exactitude et à la sincérité; pour-
lyram poscunt. A t horum recitatio usu jam recepta est. quoi une tragédie, qui demande non une salle de lecture
et un auditoire, mais une scène et des acteurs; pour-
Num ergo culpandus est ille qui cœpit? Quamquam quoi des poésies lyriques, qui veulent non un lecteur,
orationes quoque et nostri quidam et Grseci lectitaverunt. mais un chœur et une lyre. C'est, dira-t-on, que la
lecture publique de ces sortes d'écrits est déjà entrée
— Supervacuum tamen est recitare quse dixeris. —- dans l'usage. Faut-il donc condamner celui qui en a
Etiam, si eadem omnia, si isdem omnibus, si statim donné le premier l'exemple? Quelques compatriotes
100 C. PLINII SECUNDI. LIBER VII PLINE LE JEUNE. LIVRE VII 101

recites. Si vero multa inseras, multa commutes, si quos- et les Grecs n'ont-ils pas lu souvent même des plai-
dam novos, quosdam eosdem, sed post tempus, adsumas, doyers?
— Mais, dit-on, il est superflu de donner lecture
cur minus probabilis sit causa recitandi quœ dixeris d'un discours déjà prononcé en public. — Oui, si on
quam edendi? — Sed, difficile est ut oratio, dum recita- lisait exactement le même discours, devant les mêmes
auditeurs, et aussitôt après; si au contraire vous faites
tur, satisfaciat. — Jam hoc ad laborem recitantis pertinet, des additions nombreuses, des changements nombreux,
non ad rationem non recitandi. si vous invitez quelques auditeurs nouveaux, ou quel-
ques-uns des premiers, mais après un intervalle assez
Nec vero ego, dum recito, laudari, sed dum legor, cupio. long, pourquoi serait-il moins légitime de lire un dis-
Itaque nullum emendandi genus omitto. Ac primum quse cours que de le publier? — Pourtant, il est difficile
qu'un plaidoyer fasse plaisir à la lecture. — C'est une
scripsi mecum ipse pertracto; deinde duobus aut tribus
affaire d'adresse pour le lecteur, mais non une raison
lego; mox aliis trado annotanda notasque eorum, si de ne pas lire. D'ailleurs moi je cherche à être loué non
dubito, cum uno rursus aut altero pensito; novissime pas au moment où je lis, mais plus tard, quand on me
lira. Aussi je ne néglige aucune occasion de me corriger;
pluribus recito ac, si quid mini credis, tune acerrime d'abord, je retouche moi-même à loisir ce que j'ai écrit;
emendo. Nam tanto diligentius quanto sollicitius intendo. puis j'en donne lecture à deux ou trois amis; ensuite,
je le soumets à la critique de quelques autres, et si
Optime autem reverentia, pudor, metus judicant; idque leurs critiques me laissent hésitant, je les pèse de nou-
adeo sic habe : nonne, si locuturus es cum aliquo, quam- veau avec un ou deux amis. Enfin je lis l'ouvrage devant
une assemblée plus nombreuse et, vous pouvez me
libet docto, uno tamen, minus commoveris, quam si croire, c'est là que je suis le plus ardent à corriger.
cum multis vel indoctis ? Nonne, cum surgis ad agendum, Car mon attention est d'autant plus éveillée que mon
tune maxime tibi ipse diffidis, tune commutata, non dico inquiétude est plus vive. Le respect des auditeurs,
l'amour propre, l'appréhension sont d'excellents cen-
plurima, sed omnia cupis? utique, si latior scena et corona seurs; prenez-y garde en effet : n'est-il pas vrai que,
difïusior, nam illos quoque sordidos pullatosque revere- si vous devez parler devant une personne, quelque
savante qu'elle soit, mais seule, vous êtes moins ému
mur. Nonne, si prima quaeque improbari putas, debili- que si vous vous adressez à un grand nombre d'audi-
taris et concidis? Opinor, quia in numéro ipso est quod- teurs même ignorants? N'est-ce pas que c'est, lorsqu'on
se lève pour plaider, qu'on se défie le plus de soi et
dam magnum, collatumque consilium, quibusque sin- qu'on souhaiterait d'avoir écrit autrement, je ne dis
gulis judicii pârum, omnibus plurimum. pas une grande partie de son discours, mais son discours
tout entier? Surtout si le théâtre est vaste et le cercle
Itaque Pomponius Secundus (hic scriptor tragœdia- étendu, car alors, même les mendiants et les ouvriers
rum) si quid forte familiarior amicus tollendum, ipse nous causent de l'appréhension; n'est-ce pas que, si
retinendum arbitraretur, dicere solebat : Ad populum l'on croit n'avoir pas plu dans le début, on se sent
102 C. PLINII SECUNDI. LIBER VII PLINE LE JEUNE. — LIVRE VII 103

provoco ; atque ita ex populi vel silentio vel assensu, aut découragé et abattu? C'est que, à mon avis, il y a dans
suam aut amici sententiam sequebatur. Tantum ille le nombre même un bon sens collectif qui impose;
si chacun en particulier a peu de goût, tous réunis en
populo dabat ! Recte an secus, nihil ad me. Ego enim non ont beaucoup.
populum advocare, sed certos electosque soleo, quos Aussi Pomponius Secundus (c'était un auteur de
tragédies), quand par hasard un de ses amis intimes
intuear, quibus credam, quos denique et tamquam
était d'avis de supprimer un passage que lui-même
singulos observem, et tamquam non singulos timeam. tenait à conserver, disait-il souvent : « J'en appelle
Nam quod M. Cicero de stilo, ego de metu sentio. Timor au peuple », et d'après le silence ou l'approbation du
public, il suivait son propre sentiment ou celui de son
est, timor emendator asperrimus. Hoc ipsum, quod nos ami. Tant il avait confiance dans la multitude. Avait-il
recitaturos cogitamus, emendat; quod auditorium ingre- tort ou raison? peu m'importe. Car moi je n'invite pas
la multitude, mais des auditeurs déterminés et choisis,
dimur, emendat; quod pallemus, horrescimus, circumspi-
dont je puisse consulter les visages, auxquels je me fie,
cimus, emendat. dont enfin j'observe chacun et redoute l'ensemble. Car ce
Proinde non psenitet me consuetudinis mese, quam que Cicéron disait du travail écrit 34 , je le pense de la
crainte. C'est la crainte, la crainte seule qui est le plus
utilissimam experior, adeoque non deterreor sermunculis rigide des censeurs. Cette seule pensée que nous devons
istorum, ut ultro te rogem monstres aliquid, quod lus lire en public nous corrige; entrer dans la salle de lec-
ture, nous corrige; pâlir, trembler, parcourir des yeux
addam. Nihil enim curae mese satis est. Cogito, quam sit l'auditoire, nous corrige. Je ne me repens donc pas de
magnum dare aliquid in manus hominum; nec persuadere mon habitude, dont l'expérience me prouve l'utilité, et loin
mini possum non et cum multis et saepe tractandum quod d'être intimidé par les bavardages dont vous me parlez, je
vous demande même de m'indiquer quelqu'autre moyen
placere et semper et omnibus cupias. Vale. nouveau de corriger mes écrits. Car mon souci de perfec-
tion n'est jamais satisfait. Je songe combien c'est chose
grave de livrer un ouvrage aux mains du public et je
X V I I I . — C. PLINIUS CANINIO SUO S. ne puis me persuader qu'il ne soit pas utile de retoucher
souvent et en s'entourant de nombreux amis, ce que
l'on destine à plaire à tout le monde et toujours. Adieu.
Délibéras mecum quemadmodum pecunia quam muni-
cipibus nostris in epulum obtulisti post te quoque salva X V I I I . — C. PLINE SALUE SON CHER CANINIUS

sit. Honesta consultatio, non expedita sententia. Numeres Vous me consultez sur le moyen de garantir même
reipublicas summam? verendum est ne dilabatur. Des après vous une somme que vous avez offerte à nos com-
patriotes en vue d'un festin public. Cette consultation
agros? ut publici negligentur. Equidem nihil commodius m'honore, mais le conseil n'est pas aisé. Verserez-vous
invenio, quam quod ipse feci. Nam pro quingentis le montant à la cité? Il est à craindre qu'il ne soit
104 C. PLINII SECUNDI. LIBER VII PLINE LE J E U N E . — LIVRE VII 105

milibus nummum, quse in alimenta ingenuorum promi- dilapidé. Donnerez-vous des terres? Devenues domaine
seram, agrum ex meis longe pluris actori publico manci- public, elles seront négligées. Je ne vois rien de plus sûr
que ce que j'ai fait moi-même. En garantie de cinq cent
pavi. Eundem vectigali imposito recepi, tricena milia mille sesterces que j'avais destinés à une fondation
annua daturus. Per hoc enim et reipublicœ sors in tuto, alimentaire 35 pour des garçons et des jeunes filles de
naissance libre, j'ai fait à l'agent du fisc de la ville une
nec reditus incertus, et ager ipse propter id quod vec-
vente fictive par mancipation d'une de mes terres, dont
tigal large supercurrit, semper dominum, a quo exerceatur la valeur dépassait beaucoup la donation; puis je l'ai
inveniet. Nec ignoro me plus aliquanto quam donasse reprise, chargée d'une redevance annuelle envers l'état
de trente mille sesterces. Par ce moyen le fonds donné
videor, erogavisse, cum pulcherrimi agri pretium néces- à l'état est en sûreté, le revenu certain, et la terre, don-
sitas vectigalis infregerit; sed oportet privatis utilitatibus nant un rendement bien supérieur à la redevance, trou-
vera toujours un maître qui veuille la faire valoir. Je
publicas, mortalibus œternas anteferre multoque dili-
sais bien que j'ai pris sur ma fortune beaucoup plus que
gentius muneri suo consulere quam facultatibus. Vale. je ne parais avoir donné, puisque la charge de cette rede-
vance ôte beaucoup de valeur à une très belle terre. Mais
il convient de donner la préférence aux intérêts géné-
XIX. —• C. PLINIUS PRISCO SUO S.
raux sur les intérêts particuliers, aux choses éternelles
sur celles qui périssent, et de prendre plus de précautions
pour assurer son bienfait que son propre bien. Adieu.
Angit me Fannise valetudo. Contraxit hanc, dum
assidet Juniœ virgini, sponte primum (est enim affinis), X I X . — C. PLINE SALUE SON CHER PRISCUS
deinde etiam ex auctoritate pontiflcum. Nam virgines, Je suis vivement inquiet de la maladie de Fannia.
cum vi morbi atrio Veste coguntur excedere, matro- Elle l'a contractée en soignant la vestale Junia, d'abord
volontairement, car elle est sa parente, puis sur l'invita-
narum curae custodiœque mandantur. Quo munere
tion même des pontifes. Car lorsque les vestales sont
Fannia dum sedulo fungitur, hoc discrimine implicita est. obligées par une maladie grave de quitter l'atrium de
Insident febres, tussis increscit, summa macies, summa Vesta 36, on les confie aux soins et à la garde de matro-
nes. Or c'est en s'acquittant avec dévouement de ce
defectio; animus tantum et spiritus viget Helvidio devoir que Fannia a été atteinte à son tour de ce mal.
marito Thrasea pâtre dignissimus, reliqua labuntur meque Les accès de fièvre persistent, la toux augmente, la
maigreur est extrême, et la faiblesse très grande. Seuls
non metu tantum, verum etiam dolore conficiunt. Doleo
son courage et son énergie restent entiers, bien dignes
enim maximam feminam eripi oculis civitatis, nescio an de son mari Helvidius, de son père Thraséas; tout le
aliquid simile visuris. Quœ castitas illi ! quse sanctitas ! reste s'en va et m'accable non seulement d'inquiétude,
mais encore de douleur. Je suis désolé de voir cette
quanta gravitas ! quanta constantia ! Bis maritum secuta femme admirable enlevée aux yeux de nos compatriotes
106 C. PLINII SECUNDI. LIBER V U PLINE LE JEUNE. LIVRE VII 107

in exsilium est, tertio ipsa propter maritum relegata. qui peut-être n'en reverront plus jamais de pareille.
Nam cum Senecio reus esset, quod de vita Helvidi Quelle pureté ! Quelle vertu ! Quelle dignité ! Quelle cons-
tance ! Deux fois elle suivit son mari en exil, une troi-
libros composuisset, rogatumque se a Fannia in defen- sième elle fut elle-même bannie à cause de son mari.
sione dixisset, quserente minaciter Mettio Caro an rogas- En effet Senecio était mis en accusation pour avoir
composé un livre sur la vie d'Helvidius, et ayant dit
set, respondit, Rogavi ; an commentarios scripturo dedis- dans sa défense qu'il l'avait fait à la prière de Fannia,
set, Dedi ; an sciente matre, Nesciente. Postremo nul- Mettius Carus demanda à celle-ci sur un ton menaçant
lam vocem cedentem periculo emisit. Quin etiam illos si elle l'en avait prié : « Oui », répondit-elle; si elle lui
avait donné des notes pour son livre : « Oui »; si sa mère
ipsos libros, quamquam ex necessitate et metu temporum le savait « Non »; enfin elle ne laissa échapper aucune
abolitos senatusconsulto, publicatis bonis, servavit, habuit parole inspirée par la peur. Bien mieux; ce livre même,
quoique interdit par un sénatus-consulte arraché par
tulitque in exsilium exsilii causam. Eadem quam jucunda, la contrainte et la terreur de ce temps malheureux, elle
quam comis, quam denique (quod paucis datum est) non le sauva dans la confiscation de ses biens, le garda avec
minus amabilis quam veneranda ! Erit sane quam postea elle et emporta dans son exil la cause même de cet exil.
Quel charme et quelle douceur aussi ! Combien enfin,
uxoribus nostris ostentare possimus; erit a qua viri par un don bien rare, elle méritait à la fois l'amour et
quoque fortitudinis exempla sumamus, quam sic cer- le respect. Aurons-nous désormais un tel modèle à pro-
poser à nos épouses? Y aura-t-il une autre femme pour
nentes audientesque miremur, ut illas, quse leguntur? Ac nous donner à nous autres hommes de pareils exemples
mihi domus ipsa nutare convulsaque sedibus suis ruitura de courage, une femme dont la vue, dont les paroles nous
remplissent d'autant d'admiration que celles dont nous
supra videtur, licet adhuc posteros habeat. Quantis enim
lisons l'histoire? Et maintenant il me semble que cette
virtutibus quantisque factis assequentur ut hsec non maison même chancelle et que, ébranlée jusqu'à ses fon-
novissima occident? dements, elle est prête à s'écrouler, bien que Fannia
laisse des descendants ; car par quelles vertus, par quelles
Me quidem illud etiam affligit et torquet, quod matrem nobles actions pourront-ils effacer l'idée que leur race
a fini avec cette illustre femme?
ejus, illam (nihil possum illustrius dicere) tantse feminse
Quant à moi, ce qui accroît encore mon afflction et
matrem, rursus videor amittere, quam hsec, ut reddit ma douleur, c'est que je crois perdre une seconde fois
ac refert nobis, sic auferet secum meque et novo pariter sa mère, l'illustre mère d'une femme si admirable (je
ne puis en faire un éloge plus éclatant); comme Fannia
et rescisso vulnere afficiet. Utramque colui, utramque nous la représente et la fait revivre à nos yeux, elle
dilexi; utram magis, nescio, nec discerni volebant. nous l'enlèvera avec elle et, du même coup, me fera une
Habuerunt officia mea in secundis, habuerunt in adversis. blessure nouvelle tout en rouvrant l'ancienne. Je les
ai vénérées toutes deux, chéries toutes deux ; laquelle
Ego solatium relegatarum, ego ultor reversarum. Non plus vivement? Je ne sais, et d'ailleurs elles ne voulaient
PLINE LE JEUNE. LIVRE VII 109
108 C. PLINII SECUNDI. LIBER VII

feci tamen paria, atque eo magis hanc cupio servari, pas de préférence entre elles. Elles ont éprouvé mon
dévouement dans la prospérité, elles l'ont éprouvé dans
ut mihi solvendi tempora supersint. In his eram curis, l'adversité. J'ai été leur consolation dans l'exil, leur
cum scriberem ad te; quas si deus aliquis in gaudium vengeur à leur retour. Je ne leur ai cependant pas,
verterit, de metu non querar. Vale. rendu tout ce que je leur dois, et si je désire la conserver
c'est surtout pour qu'il me reste le temps de m'acquitter.
Voilà mes soucis pendant que je vous écris; si quelque
dieu les changeait en joie, je ne me plaindrais pas de
XX. — C. PLINIUS TACITO SUO S. mes alarmes. Adieu.

Librum tuum legi et, quam diligentissime potui, an- X X . — C. P L I N E SALUE SON CHER TACITE

notavi quse commutanda, quse eximenda arbitrarer; J'ai lu votre livre et j'ai noté avec le plus grand soin
nam et ego verum dicere assuevi et tu lib enter audire. les changements ou les suppressions que j'ai cru néces-
saires. Car j'ai autant l'habitude de dire la vérité, que
Neque enim ulli patientius reprehenduntur, quam qui vous aimez à l'entendre; d'ailleurs personne ne supporte
maxime laudari merentur. Nunc a te librum meum cum mieux les critiques, que ceux qui méritent le plus de
annotationibus tuis exspecto. louanges. Maintenant j'attends qu'à votre tour vous me
renverrez mon livre avec vos annotations.
O jucundas, o pulchras vices ! Quam me delectat quod, Quel charme, quel noble échange ! Quelle joie pour
si qua posteris cura nostri, usquequaque narrabitur qua moi de penser que, si la postérité a quelque souci de
nous, en tous lieux on vantera l'entente, la franchise,
concordia, simplicitate, fide vixerimus ! Erit rarum et la confiance dans lesquelles nous aurons vécu ! Quel
insigne duos hommes setate, dignitate propemodo sequales, exemple rare et magnifique que celui de deux hommes
d'âge et de rang à peu près égaux, de quelque renom
nonnullius in litteris nominis (cogor enim de te quoque dans les lettres, (je suis obligé de ménager aussi votre
parcius dicere, quia de me simul dico) alterum alterius éloge, puisque je parle de moi en même temps) qui s'en-
studia fo visse. Equidem adulescentulus, cum jam tu courageaient mutuellement dans leurs travaux littéraires.
Pour moi, encore tout jeune, quand vous étiez déjà dans
fama gloriaque floreres, te sequi, tibi longo, sed proximus, l'éclat de la renommée et de la gloire, c'est vous que je
intervallo et esse et haberi concupiscebam. Et erant multa rêvais de suivre, vous que je brûlais d'approcher et de
paraître approcher loin en arrière, mais enfin le premier
clarissima ingénia; sed tu mihi (ita similitudo naturse après vous. Il y avait alors une foule de brillants talents ;
ferebat) maxime imitabilis, maxime imitandus videbaris mais c'est vous qui me sembliez (ainsi le voulait la con-
Quo magis gaudeo quod, si quis de studiis sermo, una formité de nos natures) le plus facile à imiter, le plus
digne d'être imité. Aussi quelle est ma joie de savoir
nominamur, quod de te loquentibus statim occurro. Nec que, dans les entretiens littéraires, on associe nos deux
desunt qui utrique nostrum prseferantur; sed nihil inte- noms 37, que, si l'on parle de vous, aussitôt on pense à
1J.U C. PLINII SECUNDI. LIBER VII PLINE LE JEUNE. LIVRE VII 111

rest mea quo loco jungimur; nam mihi primus, qui a te moi. Il est plus d'un écrivain qu'on nous préfère à tous
proximus. Quin etiam in testamentis debes annotasse, nisi deux. Mais nous, peu m'importe à quel rang, on nous
met ensemble. Pour moi en effet, le premier est celui
quis forte alterutri nostrum amicissimus, eadem legata qui vous suit immédiatement. Et bien mieux, vous avez
et quidem pariter accipimus. Quse omnia hue spectant, ut dû remarquer que dans les testaments, excepté le cas
de quelque amitié particulière à l'un de nous deux, on
invicem ardentius diligamus, cum tôt vinculis nos studia,
nous attribue des legs de même valeur et de même rang.
mores, fama, suprema denique hominum judicia constrin- Je vous rappelle tout cela pour nous encourager à
gant. Vale. rendre plus ardente encore notre affection mutuelle,
puisque nos études, notre caractère, notre réputation,
et enfin les dernières volontés des hommes nous unissent
XXI. — C. PLINIUS CORNUTO SUO S. par tant de liens. Adieu.

Pareo, collega carissime, et inflrmitati oculorum, ut X X I . — G. P L I N E SALUE SON CHER CORNUTUS

jubés, consulo. Nam et hue tecto vehiculo undique inclu- Je vous obéis, mon bien cher collègue, et je ménage
sus quasi in cubiculo perveni et hic non stilo modo, la faiblesse de mes yeux, comme vous m'y engagez.
Je me suis fait conduire ici dans une voiture couverte
verum etiam lectionibus difficulter, sed abstineo, solisque et fermée de tous côtés qui formait une véritable chambre,
auribus studeo. Cubicula obductis velis opaca nec tamen et ici je m'abstiens avec regret, mais je m'abstiens, non
seulement d'écrire, mais même de lire et je ne travaille
obscura facio. Cryptoporticus quoque, adopértis inferio- plus que par les oreilles. Au moyen de rideaux je rends
ribus fenestris, tantum umbrse quantum luminis habet. mon appartement sombre, sans aller jusqu'à l'obscurité.
Sic paulatim lucem ferre condisco. Balineum assumo, Dans ma galerie aussi j'entretiens, en tamisant le jour
des fenêtres du bas, autant d'ombre que de lumière.
quia prodest, vinum, quia non nocet, parcissime tamen. Ainsi je m'habitue peu à peu à supporter le jour. J'use
Ita assuevi, et nunc custos adest. Gallinam, ut a te mis- du bain, parce qu'il me fait du bien, et du vin parce
qu'il ne m'est pas nuisible, mais modérément. Voilà les
sam, libenter accepi; quam satis acribus oculis, quam- habitudes que j'ai prises et maintenant j'ai quelqu'un
quam adhuc lippus, pinguissimam vidi. Vale. qui me surveille. J'ai reçu avec plaisir, parce qu'elle
venait de vous, la poule que vous m'avez envoyée; et
j'ai eu les yeux assez bons, quoique encore malades,
X X I I . — C. PLINIUS FALCONI SUO S. pour voir qu'elle était très grasse. Adieu.

Minus miraberis me tam instanter petisse ut in ami- X X I I . — C. PLINE SALUE SON CHER FALCON
cum meum conferres tribunatum, cum scieris quis ille
Vous serez moins étonné que je vous aie prié avec
qualisque. Possum autem jam tibi et nomen indicare et tant d'instance d'accorder le tribunat à un de mes amis,
112 C . P L I N I I SECUNDI. LIBER VII PLINE LE JEUNE. LIVRE VII 113

describere ipsum, postquam polliceris. Est Cornélius quand vous saurez son nom et son mérite. Or je peux
Minicianus, ornamentum regionis mese seu dignitate bien maintenant vous le nommer et vous faire son
portrait, puisque vous avez donné votre parole. C'est
seu moribus. Natus splendide abundat facultatibus, Cornélius Minicianus, l'honneur de ma province et
amat studia, ut soient pauperes. Idem rectissimus judex, par son rang et par son caractère. Né d'une famille
fortissimus advocatus, amicus fldelissimus. Accepisse te illustre, il possède une grande fortune, et il aime les
lettres, autant que s'il était pauvre. Il est en même temps
beneficium credes, cum propius inspexeris hominem, un juge plein de droiture, le plus courageux des avocats
omnibus honoribus, omnibus titulis (nihil volo elatius de et un ami très sûr. Vous croiriez que c'est vous qui avez
été obligé, quand vous aurez vu de près cet homme
modestissimo viro dicere) parem. Vale. qui n'est au-dessous d'aucun honneur, d'aucun titre
(je ne veux rien dire de plus flatteur, par égard pour
le plus modeste des hommes). Adieu.
X X I I I . — C. PLINIUS FABATO PROSOGERO SUO S.

X X I I I . — C. PLINE SALUE
Gaudeo quidem esse te tam fortem, ut Mediolani
SON GRAND-PÈRE PAR ALLIANCE FABATUS
occurrere Tironi possis ; sed, ut persévères esse tam f ortis,
Je me réjouis que vos forces vous permettent d'aller
rogo ne tibi contra rationem setatis tantum laboris à Milan à la rencontre de Tiro, mais, afin que vous les
injungas. Quin immo denuntio ut illum et domi et intra conserviez, je vous prie de ne pas vous imposer une si
domum atque etiam intra cubiculi limen exspectes. grande fatigue, qui ne convient plus à votre âge. E t
même je vous supplie d'attendre Tiro chez vous, dans
Etenim cum a me ut frater diligatur, non débet ab eo, votre maison, et même sans quitter le seuil de votre
quem ego parentis loco observo, exigere ofïicium, quod chambre. Comme j'ai pour lui l'affection d'un frère,
il ne doit pas exiger de celui que je vénère comme un
parenti suo remisisset. Vale. père, une attention dont il aurait dispensé son propre
père. Adieu.
X X I V . — C. PLINIUS GEMINO SUO S.
X X I V . — C. PLINE SALUE SON CHER GÉMINUS

Ummidia Quadratilla paulo minus octogesimo setatis Ummidia Quadratilla est morte, un peu avant sa quatre-
anno decessit, usque ad novissimam valetudinem viridis, vingtième année; jusqu'à sa dernière maladie elle est
restée verte et même plus solide et plus robute que ne
atque etiam ultra matronalem modum, compacto cor- l'est d'ordinaire une dame romaine. Elle a laissé en
pore et robuste Decessit honestissimo testamento. Reli- mourant un testament fort raisonnable, instituant
comme héritiers son petit-fils pour deux tiers, et sa petite-
quit heredes ex besse nepotem, ex tertia parte neptem.
fille pour l'autre tiers.
Neptem parum novi, nepotem familiarissime diligo, Je connais peu la petite-fille, mais le petit-fils est
PLINE LE JEUNE. T. II. 8
114 C. PLINII SECUNDI. LIBER VII PLINE LE JEUNE. LIVRE VII ' 115

adulescentem singularem, nec iis tantum quos sanguine de mes amis intimes; c'est un jeune homme remarquable
et qui mérite d'être aimé comme un parent même par
attingit inter propinquos amandum. Ac primum, cons-
ceux qui ne lui sont pas attachés par le sang. Et d'abord
picuus forma omnes sermones malignorum et puer et quoique d'une beauté rare, il a toujours échappé aux
juvenis evasit, intra quartum et vicesimum annum mari- méchants propos, soit pendant son enfance, soit pen-
dant sa jeunesse. Il s'est marié dans sa vingt-quatrième
tus et, si deus annuisset, pater. Vixit in contubernio année, et il aurait été père, si les dieux l'eussent permis.
aviœ délicat» severissime et tamen obsequentissime. Il a vécu dans l'intimité d'une aïeule raffinée, avec la
plus grande réserve, qu'il sut allier à la plus profonde
Habebat illa pantomimos fovebatque efîusius quam déférence. Elle avait des pantomimes et les traitait avec
principi feminae conveniret. Hos Quadratus non in thea- plus de bienveillance qu'il ne convenait à une femme
du premier rang. Quadratus n'assistait à leurs jeux ni
tro, non domi spectabat; nec illa exigebat. Audivi ipsam,
au théâtre, ni chez elle; et elle ne l'exigeait pas. Je lui
cum mihi commendaret nepotis sui studia, solere se, ut ai souvent entendu dire, quand elle me recommandait
feminam in illo otio sexus laxare animum lusu calculo- les études de son petit-fils, qu'elle aimait à se distraire
comme femme et pour occuper les loisirs de son sexe,
rum, solere spectare pantomimos suos ; sed cum factura en jouant aux échecs, à regarder ses pantomimes, mais
esset alterutrum, semper se nepoti suo prsecepisse abiret que toujours quand elle voulait se livrer à l'un ou à
l'autre de ces plaisirs, elle renvoyait son petit-fils à son
studeretque; quod mihi non amore ejus magis facere travail d'école; elle agissait ainsi, je pense, moins par
quam reverentia videbatur. affection que par respect pour lui.
Vous allez être étonné, comme je le fus moi-même.
Miraberis, et ego miratus sum. Proximis sacerdotalibus Lors des derniers jeux des prêtres 38, où des pantomimes
ludis, productis in commissione pantomimis, cum simul avaient été produits sur la scène, nous sortions ensemble
theatro ego et Quadratus egrederemur, ait mihi : « Scis du théâtre, Quadratus et moi, quand il me dit : « Savez-
vous qu'aujourd'hui pour la première fois j'ai vu danser
me hodie primum vidisse saltantem avise mese libertum? » l'affranchi de ma grand-mère? » Voilà le petit-fils. Mais
Hoc nepos. A t hercule, alienissimi homines in honorem en revanche des gens absolument étrangers à Quadratilla,
pour lui faire honneur (je rougis d'employer ici ce mot
Quadratillse (pudet me dixisse honorem), per adulationis honneur), pour lui plaire par des flagorneries, couraient
officium in theatrum cursitabant, exsultabant, plaude- à la représentation, bondissaient de leur siège, applaudis-
saient, s'émerveillaient, puis répétaient tous les gestes
bant, mirabantur, ac deinde singulos gestus domina? cum
de la dame en les accompagnant de chansons; et main-
canticis reddebant; qui nunc exiguissima legata, thea- tenant ils recevront des legs insignifiants, pour prix
tralis operse corollarium, accipient ab herede qui non des services rendus au théâtre, de la main d'un héritier
qui n'assistait jamais à ces spectacles.
spectabat. Je vous raconte ces histoires, parce que je sais que
Btec, quia soles, si quid incidit novi, non invitus audire; vous apprenez volontiers les nouvelles, et parce qu'il
116 C. PLINII SECUNDI. LIBER VII
PLINE LE JEUNE. LIVRE VII 117
deinde quia jucundum est mini, quod ceperam gaudium, m'est agréable de renouveler, en vous les écrivant, les
scribendo retractare. Gaudeo enim pietate defunctœ, joies que j'ai éprouvées. Je me réjouis en effet de la
honore optimi juvenis; lsetor etiam quod domus aliquando tendresse de la défunte, de l'honneur fait à un excellent
jeune homme, je suis tout heureux aussi que l'ancienne
C. Cassi, hujus, qui Cassianœ scholse princeps et parens
maison de C. Cassius, le fondateur et le père de l'école
fuit, serviet domino non minori. Implebit enim illam Cassienne 39, ait à sa tête un maître non moins grand
Quadratus meus et decebit rursusque ei pristinam digni- que le premier. Mon cher Quadratus en soutiendra digne-
tatem celebritatemque reddet, cum tantus orator inde ment l'honneur; il lui rendra sa dignité et sa popularité
d'autrefois, aussi grand orateur que celui de jadis était
procedet, quantus juris ille consultus. Vale. savant jurisconsulte. Adieu.

X X V . — C. PLINE SALUE SON CHER R U F U S


XXV. — G. PLINIUS RUFO SUO S.
Oh ! que de savants soustraits ou cachés à la renommée
par leur modestie ou leur amour de la tranquillité !
O quantum eruditorum aut modestia ipsorum aut quies
Et cependant avons-nous à faire un discours ou à donner
operit ac subtrahit famse ! A t nos eos tantum dicturi une lecture, nous ne craignons que ceux qui exhibent
aliquid aut lectitaturi timemus, qui studia sua prof erunt, leurs œuvres, alors que ceux qui se taisent leur sont
cum illi qui tacent, hoc amplius prœstent, quod maxi- par cela même supérieurs, car ils témoignent par le
silence tout leur respect pour les plus nobles travaux.
mum opus silentio reverentur. Expertus scribo quod C'est par expérience que je vous en parle.
scribo. Terentius Junior, après s'être acquitté d'une manière
Terentius Junior, equestribus militiis atque etiam irréprochable des devoirs militaires des chevaliers et
même de l'intendance 4° de la province de Narbonne,
procuratione narbonensis provincise integerrime functus, s'est retiré dans ses terres et a préféré aux honneurs
recepit se in agros suos, paratisque honoribus tranquillis- qui l'attendaient un paisible loisir. Ayant été invité
simum otium prsetulit. Hune ego invitatus hospitio, chez lui, je le regardais comme un bon père de famille,
comme un diligent laboureur, et je me préparais à
ut bonum patremf amilise, ut diligentem agricolam intue- l'entretenir des sujets que je lui supposais familiers;
bar, de his locuturus, in quibus illum versari putabam; j'avais déjà commencé, quand lui, par une conversation
et cœperam, cum ille me doctissimo sermone revoça- fort cultivée, me ramena à la littérature. Quelle élégance
dans tous ses propos ! Avec quelle pureté il s'exprime
vit ad studia. Quam tersa omnia ! quam latina ! quam
en latin ! Avec quelle pureté en grec 1 Car il possède si
grseca ! Nam tantum utraque lingua valet, ut ea magis bien les deux langues, qu'il semble toujours exceller
videatur excellere, quam cum maxime loquitur. Quan- dans celle qu'il parle sur le moment. Que de lectures !
tum ille legit ! quantum tenet ! Athenis vivere hominem, Que de connaissances ! On croirait qu'il vit à Athènes,
non dans une maison de campagne. Bref, il a redoublé
non in villa putes. Quid multa? auxit sollicitudinem mon appréhension et m'a induit à redouter moins ces
118 C. PLINII SEGUNDI. —• LIBER VII PLINE L E JEUNE. LIVRE VII 119

meam efîecitque ut illis, quos doctissimos novi, non hommes dont je connais la vaste science que ceux qui
vivent retirés et pour ainsi dire en paysans. Faites-en
minus nos seductos et quasi rusticos verear. Idem suadeo
de même, je vous le conseille; il y a en effet dans nos
tibi, sunt enim ut in castris, sic etiam in litteris nostris lettres, comme dans les camps, des gens qui sous un
plures cultu pagano, quos cinctos et armatos, et quidem costume civil cachent une armure complète, avec le
plus généreux talent, que l'on découvre en y regardant
ardentissimo ingenio, diligentius scrutatus invenies. Vale. de plus près. Adieu.

X X V I . — C. PLINIUS MAXIMO SUO S. X X V I . — C. PLINE SALUE SON CHER MAXIMUS

Nuper me cujusdam amici languor admonuit optimos Dernièrement la santé languissante d'un de mes amis
m'a inspiré cette réflexion, que nous ne sommes jamais
esse nos, dum infirmi sumus. Quem enim innrmum aut plus vertueux que dans la maladie. Quel est en effet
avaritia aut ambitio aut libido sollicitât? Non amoribus le malade que tourmente l'avarice, ou l'ambition, ou
les passions? On ne porte plus les chaînes de l'amour,
servit, non appétit honores, opes neglegit, et quantu- on ne convoite plus les honneurs, on ne fait plus cas des
lumcumque, ut relictùrus, satis habet. Tune deos, tune richesses, et, quelque peu que l'on possède, on en a
assez, pensant qu'on va le quitter. Alors on se souvient
hominem esse se meminit. Invidet nemini, neminem
qu'il y a des dieux, qu'on est homme, on n'envie personne,
miratur, neminem despicit ac ne sermonibus quidem on ne s'engoue de personne, on ne méprise personne,
malignis aut attendit aut alitur. Balinea imaginatur et et même les médisances n'ont plus de saveur pour notre
curiosité. On ne rêve que bains et fontaines. Tel est
fontes : hœc summa curarum, summa votorum mollemque l'objet de nos soucis, le comble de nos vœux et pour
in posterum et pinguem, si contingat evadere, hoc est l'avenir, si nous avons le bonheur d'échapper à la mort,
nous ne nous proposons plus qu'une vie douce et oisive,
innoxiam beatamque, destinât vitam. Possum ergo, quod
c'est-à-dire innocente' et heureuse 41 . Je peux donc
plurimis verbis, plurimis etiam voluminibus philosophi résumer les enseignements que les philosophes s'épuisent
docere conantur, ipse breviter tibi mihique prsecipere, ut à nous donner avec force paroles, et même avec force
volumes, et nous conseiller en peu de mots à vous et à
taies esse sani perseveremus, quales nos futuros profite- moi de nous conserver, dans la santé, tels que, dans la
mur infirmi. Vale. maladie, nous promettons d'être. Adieu.

42
X X V I I . — C. PLINE SALUE SON CHER SURA
X X V I I . — G. PLINIUS SUR^E SUO S.
Nos loisirs nous donnent à moi la possibilité d'ap-
Et mihi discendi, et tibi docendi facultatem otium prendre, à vous celle d'enseigner. Je désirerais donc
prEebet. Igitur perquam velim scire, esse aliquid phan- vivement savoir si vous croyez que les fantômes existent,
120 C. PLINII SECUNDI. LIBER VII PLINE L E JEUNE. LIVRE VII 121

tasmata et habere propriam figuram numenque aliquod qu'ils ont une forme propre et quelque puissance divine,
putes, an inania et vana ex metu nostro imaginem acci- ou si ce sont des ombres vaines qui ne tiennent que de
notre frayeur leur apparence. Pour moi, ce qui me porte
pere. Ego, ut esse credam, in primis eo ducor, quod audio à croire à leur existence, c'est l'aventure arrivée, dit-on
accidisse Curtio Rufo. Tenuis adhuc et obscurus obti- à Curtius Rufus. Encore humble et obscur, il avait
accompagné le gouverneur de l'Afrique; au déclin du
nenti Africam cornes heeserat. Inclinato die spatiabatur in jour, il se promenait sous un portique; à ses yeux se
porticu. Ofîertur ei mulieris figura, humana grandior présente une figure de femme, d'une taille et d'une
beauté surhumaines; dans sa frayeur il l'entendit dire
pulchriorque. Perterrito, Africam se futurorum prsenun-
qu'elle était l'Afrique et qu'elle venait lui prédire l'avenir.
tiam, dixit; iturum enim Romam honoresque gesturum « Tu iras à Rome et tu y rempliras les plus hautes charges ;
atque etiam cum summo imperio in eandem provinciam tu reviendras même revêtu du pouvoir suprême dans
cette province et tu y mourras. » Toutes ces prédictions
reversurum, ibique moriturum. Facta sunt omnia. Prœ- s'accomplirent. On ajoute que, comme il abordait à
terea accedenti Carthaginem egrédientique navem eadem Carthage et débarquait, la même figure s'offrit à lui sur
le rivage. Ce qui est certain, c'est qu'il tomba malade
figura in littore occurrisse narratur. Ipse certe implicitus
et que, augurant de l'avenir par le passé, de son malheur
morbo, futura prœteritis, adversa secundis auguratus, par son bonheur, il abandonna tout espoir de guérison,
spem salutis, nullo suorum desperante, projecit. alors qu'aucun des siens ne désespérait.
Mais l'aventure suivante n'est-elle pas encore plus
Jam illud nonne et magis terribile et non minus mirum effrayante et non moins surprenante? Je vais vous
l'exposer telle qu'elle m'a été contée. Il y avait à Athènes
est, quod exponam ut accepi? Erat Athenis spatiosa et
une maison spacieuse et commode, mais mal famée et
capax domus, sed infamis et pestilens. Per silentium funeste. Pendant le silence de la nuit, on entendait un
noctis sonus ferri, et, si attenderes acrius, strepitus vin- bruit de ferraille, et si l'on écoutait attentivement,
un fracas de chaînes résonnait, lointain d'abord, puis plus
culorum longius primo, deinde e proximo reddebatur. rapproché; bientôt apparaissait un spectre; c'était un
Mox apparebat idolon, senex macie et squalore confec- vieillard accablé de maigreur et de misère, avec une
longue barbe et des cheveux hérissés. Ses pieds étaient
tus, promissa barba, horrenti capillo, cruribus compedes, chargés d'entraves, ses mains de chaînes, qu'il secouait.
manibus catenas gerebat quatieb atque. Inde inhabitan- De là, pour les habitants, des nuits affreuses et sinistres,
qu'ils passaient à veiller dans la terreur; ces veilles
tibus tristes dirœque noctes per metum vigilabantur.
amenaient la maladie et, l'épouvante croissant toujours,
Vigiliam morbus, et, crescente formidine, mors seque- la mort. Car même pendant le jour, quoique le fantôme
batur. Nam interdiu quoque, quamquam abscesserat eût disparu, son souvenir restait devant les yeux, et la
peur durait plus que la cause de la peur. Aussi la maison
imago, memoria imaginis oeulis inhaerebat, longiorque abandonnée et condamnée à la solitude, fut-elle laissée
causis timoris timor erat. Déserta inde et damnata soli- tout entière au spectre. On y avait pourtant mis une
122 C. PLINII SECUNDI. LIBER VII PLINE LE JEUNE. LIVRE VII 123

tudine domus totaque illi monstro relicta. Proscribebatur affiche, dans l'espoir que quelqu'un, ignorant un tel
tamen, seu quis emere seu quis conducere ignarus tanti fléau, voudrait l'acheter ou la louer.
mali vellet. Le philosophe Athénodore vint à Athènes, lut l'écriteau,
connut le prix, dont la modicité lui inspira des soupçons;
Venit Athenas philosophus Athenodorus, legit titu- il s'informe, apprend tout, et ne se décide pas moins
lum, auditoque pretio, quia suspecta vilitas, percunc- ou plutôt ne se décide que mieux à la louer. Vers le soir
il se fait dresser un lit de travail dans la première pièce
tatus, omnia docetur ac nihilominus, immo tanto magis de la maison, demande ses tablettes, son stylet, de la
conducit. Ubi cœpit advesperascere, jubet sterni sibi lumière; il renvoie tous ses gens dans l'intérieur de la
in prima domus parte, poscit pugillares, stilum, lumen; maison, tandis que lui applique à écrire son esprit, ses
yeux, sa main, de peur que son imagination oisive ne lui
suos omnes in interiora dimittit, ipse ad scribendum
représente des fantômes bruyants et de vaines terreurs.
animum, oculos, manum intendit, ne vacua mens audita Ce fut d'abord, comme partout, le profond silence de la
simulacra et mânes sibi metus fingeret. Initio, quale nuit; puis un battement de fer, un remuement de chaînes.
Lui ne lève pas les yeux, ne quitte pas son stylet, mais
ubique, silentium noctis; dein concuti ferrum, vincula
affermit son attention et s'en fait un rempart devant ses
moveri. Ille non tollere oculos, non remittere stilum, oreilles. Le fracas augmente, se rapproche, et voilà
sed offlrmare animum, auribusque prsetendere. Tum qu'il retentit sur le seuil, voilà qu'il franchit le seuil.
crebrescere fragor, adventare, et jam ut in limine, jam Le philosophe se retourne, il voit, il reconnaît l'appari-
tion qu'on lui a décrite. Elle se dressait, immobile, et,
ut intra limen audiri. Respicit, videt agnoscitque narra- d'un signe du doigt semblait l'appeler. Athénodore, d'un
tam sibi efflgiem. Stabat innuebatque digito similis geste lui demande d'attendre un moment et se penche
vocanti. Hic contra ut paulum exspectaret manu signi- de nouveau sur ses tablettes et son poinçon. Elle, tandis
qu'il écrivait, faisait résonner ses chaînes sur sa tête. Il se
flcat, rursusque ceris et stilo incumbit. IUa scribentis retourne et la voit répéter le même signe qu'auparavant;
capiti catenis insonabat. Respicit rursus idem quod prius alors, sans tarder davantage, il prend la lumière et suit
innuentem nec moratus tollit lumen et sequitur. Ibat l'apparition. Elle marchait d'un pas lent, comme alourdie
par ses chaînes. Arrivée dans la cour de la maison, elle
illa lento gradu, quasi gravis vinculis. Postquam deflexit s'évanouit tout à coup, laissant seul son compagnon.
in aream domus, repente dilapsa deserit comitem. Deser- Resté seul, il entasse des herbes et des feuilles pour
tus herbas et folia concerpta signum loco ponit. Postero marquer l'endroit. Le lendemain il va trouver les magis-
trats, il leur demande de faire fouiller ce lieu. On y
die adit magistratus, monet ut illum locum efîodi jubeant. découvre des ossements emmêlés et enlacés dans des
Inveniuntur ossa inserta catenis et implicita, quse cor- chaînes; le corps réduit en poussière par le temps et par
pus œvo terraque putrefactum nuda et exesa reliquerat la terre les avait laissés nus et usés par les chaînes. On les
récueille et on les ensevelit officiellement. Depuis la
vinculis; collecta publiée sepeliuntur. Domus postea rite maison fut délivrée de ces mânes qui avaient reçu une
conditis manibus caruit. sépulture régulière.
124 C. PLINII SECUNDI. LIBER VII PLINE LE JEUNE. LIVRE VII 125

Et hœc quidem afflrmantibus credo. Illud affirmare Sur tous ces faits je me fie aux affirmations d'autrui;
aliis possum. Est libertus mihi non illitteratus. Cum mais en voici un que je puis affirmer à mon tour. J'ai un
affranchi qui n'est pas sans culture. Il dormait avec
hoc minor frater eodem lecto quiescebat. Is visus est
son frère cadet dans le même lit. Il crut voir quelqu'un
sibi cernere quemdam in toro residentem admoven- qui s'asseyait sur leur couche, approchait des ciseaux
temque capiti suo cultros atque etiam ex ipso vertice de sa tête, et même lui coupait les cheveux sur le sommet
amputantem capillos. Ubi illuxit, ipse circa verticem du crâne. Au lever du jour on trouva l'enfant tondu sur
le crâne et ses cheveux répandus à terre. Quelque temps
tonsus, capilli jacentes reperiuntur. Exiguum temporis se passa et un deuxième fait semblable confirma le pre-
médium, et rursus simile aliud priori fldem fecit. Puer mier. Un jeune esclave était couché en compagnie de
in psedagogio mixtus pluribus dormiebat. Venerunt per plusieurs autres dans leur appartement réservé. Par la
fenêtre entrèrent (tel est son récit) deux hommes en
lenestras (ita narrât) in tunicis albis duo, cubantemque
tuniques blanches, qui rasèrent les cheveux de l'enfant
detonderunt et, qua vénérant, recesserunt. Hune quoque endormi, puis se retirèrent par où ils étaient venus.
tonsum sparsosque circa capillos dies ostendit. Nihil Celui-là aussi fut trouvé tondu, quand le jour vint, et ses
notabile secutum, nisi forte, quod non fui reus, futurus. cheveux dispersés autour de lui. Il ne s'ensuivit rien de
notable, sauf que je ne fus pas mis en accusation, alors
si Domitianus, sub quo hœc acciderunt, diutius vixisset. que je devais l'être, si Domitien, sous lequel ces aventures
Nam in scrinio ejus datus a Caro de me libellus inventus arrivèrent, eût vécu plus longtemps. Car dans son coffret
est; ex quo conjectari potest, quia reis moris est summit- à papiers on trouva une dénonciation portée contre moi
par Carus. On peut conjecturer de là, les accusés ayant
tere capillum, recisos meorum capillos depulsi, quod coutume de laisser pousser leur chevelure, que les cheveux
imminebat, periculi signum fuisse. coupés de mes esclaves signifiaient que le péril qui me
menaçait était écarté.
Proinde rogo eruditionem tuam intendas. Digna res
Je vous en prie donc, mettez en œuvre toute votre
est quam diu multumque considères, ne ego quidem indi- science. La question vaut la peine que vous l'examiniez
gnus, cui copiam scientise tuse facias. Licet etiam utram- longtemps et à fond. Et moi non plus je ne suis pas
que in partent, ut soles, disputes, ex altéra tamen for- sans mériter que vous me fassiez part de votre savoir. Il
vous est même permis de discuter le pour et le contre;
tius, ne me suspensum incertumque dimittas, cum mihi
faites pencher cependant la balance d'un côté, pour ne
consulendi causa fuerit, ut dubitare desinerem. Vale. pas me laisser dans l'hésitation et l'incertitude, puisque
le motif de ma consultation a été de mettre fin à mes
doutes. Adieu.
X X V I I I . — C. PLINIUS SEPTICIO SUO S.
XXVIII. — C. PLINE SALUE SON CHER SEPTICIUS
Ais quosdam apud te reprehendisse, tamquam ami- Vous me dites que vous avez entendu certaines per-
cos meos ex omni occasione ultra modum laudem, sonnes me blâmer de ce que je loue mes amis en toute
I
126 C. PLINII SECUNDI. LIBER VII PLINE LE JEUNE. LIVRE VII 127

Agnosco crimen, amplector etiam. Quid enim honestius occasion avec excès. J'avoue mon crime et je m'en flatte
culpa benignitatis ? Qui sunt tamen isti, qui amicos même. Quoi de plus honorable que de pécher par indul-
meos melius me norint? Sed ut norint, quid in vident gence? Quels sont d'ailleurs ces censeurs qui connaî-
mini felicissimo errore? Ut enim non sint taies quales a traient mieux mes amis que moi-même? Mais supposons
qu'ils les connaissent mieux, pourquoi m'envier une si
me prsedicantur, ego tamen beatus, quod mihi videntur.
douce erreur? Si mes amis ne sont pas tels que je les
Igitur ad alios hanc sinistram diligentiam conférant, déclare, je suis toujours heureux de le croire. Que ces
nec sunt parum multi, qui carpere amicos suos judicium critiques portent donc ailleurs leur zèle indiscret; assez
vocant. Mihi numquam persuadebunt, ut meos amari a d'autres déchirent leurs amis sous couleur d'indépendance
me nimium putem. Vale. de jugement. Pour moi, ils ne me persuaderont jamais
que j'aime trop les miens. Adieu.

X X I X . — C. PLINIUS MONTANO SUO S. X X I X . — C. P L I N E SALUE SON CHER MONTANUS

Vous allez rire, puis vous indigner, puis rire encore,


Ridebis, deinde indignaberis, deinde ridebis, si legeris si vous lisez ce que, sans l'avoir lu, vous ne pourriez
quod, nisi legeris, non potes credere. Est via tiburtina croire. Il y a sur la route de Tibur à moins d'un mille
intra primum lapidem (proxime annotavi) monimen- (je l'ai remarqué dernièrement) le tombeau de Pallas 43
tum Pallantis ita inscriptum : « Huic senatus ob fldem avec cette inscription : « Ci-gît un homme à qui le sénat
pietatemque erga patronos ornamenta prœtoria decrevit a décerné pour sa fidélité et son attachement à ses maîtres
les insignes des préteurs, plus quinze millions de ses-
et sestertium centiens quinquagiens, cujus honore con-
terces, et qui n'a accepté que la distinction honorifique. »
tentus fuit. » Equidem numquam sum miratus quœ sœpius Pour ma part je ne me suis jamais émerveillé de ces
a fortuna quam a judicio proficiscerentur. Maxime tamen honneurs que procure souvent la fortune plutôt que le
hic me titulus admonuit quam essent mimica et inepta mérite; plus que jamais pourtant cette epitaphe m'a
quse interdum in hoc cœnum, in has sordes abjicerentur; rappelé combien il y a d'hypocrisie et de sottise dans ces
quœ denique ille furcifer et recipere ausus est et recusare distinctions que l'on ravale parfois jusqu'à cette boue,
jusqu'à cette ordure, enfin dans celles que ce scélérat a
atque etiam, ut moderationis exemplum, posteris pro- osé accepter, a osé refuser, a osé même proposer à la
dere. Sed quid indignor? Ridere satius, ne se magnum postérité comme un exemple de sa modération. Mais à
aliquid adeptos putent, qui hue felicitate perveniunt, ut quoi bon s'indigner? Il vaut mieux rire, pour que les
rideantur. Vale. favoris de la fortune ne se croient pas montés bien haut,
quand elle n'a fait que les exposer à la risée publique.
Adieu.
XXX. — G. PLINIUS GENITORI SUO S.
XXX. —• C. P L I N E SALUE SON CHER GENITOR
Torqueor quod discipulum, ut scribis, optimse spei
Je suis désolé que vous ayez perdu un élève, comme
amisisti. Cujus et valetudine et morte impedita studia vous l'écrivez, qui donnait les plus hautes espérances.
128 C. PLINII SECUNDI. LIBER VII PLINE LE JEUNE. LIVRE VII 129

tua quidni sciam, cum sis omnium officiorum observan- Que sa maladie et sa mort aient dérangé vos travaux
tissimus, cumque omnes, quos probas, effusissime dili- littéraires, comment pourrais-je ne pas le comprendre ;
gas? Me hue quoque urbana negotia persequuntur. Non alors que vous mettez tant d'exactitude à remplir tous
vos devoirs, et que vous témoignez une affection si tendre
desunt enim qui me judicem aut arbitrum faciant. Acce- à ceux que vous estimez? Quant à moi, les soucis de la
dunt querellse rusticorum, qui auribus meis post lon- ville me poursuivent jusqu'ici. Beaucoup me prennent
gum tempus suo jure abutuntur. Instat et nécessitas pour juge ou pour arbitre. Et puis ce sont des plaintes
de paysans, qui usent amplement de leur droit de se faire
agrorum locandorum perquam molesta; adeo rarum est entendre après une longue absence. Je suis pressé aussi
invenire idoneos conductoresl Quibus ex causis precario par l'obligation de louer mes terres, nécessité fort
studeo, studeo tamen. Nam et scribo aliquid et lego; ennuyeuse, tant il est rare de mettre la main sur de bons
fermiers. Tout cela rend mes travaux bien précaires, je tra-
sed cum lego, ex comparatione sentio quam maie scri- vaille cependant, car j'écris un peu et je lis. Mais quand
bam, licet tu mihi bonum animum facias, qui libellos je lis, la comparaison me fait sentir combien j'écris mal,
meos de ultione Helvidii, orationi Demosthenis x.x'zi. quoique vous vous efforciez de relever mon courage,
en comparant mon petit ouvrage pour venger Helvidius
MstSiou confers, quam sane, cum componerem illos, au discours de Démosthène contre Midias ; il est vrai
habui in manibus, non ut semularer (improbum enim ac qu'en composant mon opuscule, je l'ai eu entre les mains,
psene furiosum), sed tamen imitarer et sequerer, quan- non pas pour l'égaler (il y aurait eu de la témérité et
presque de la folie), mais du moins pour l'imiter et
tum aut diversitas ingeniorum, maximi et minimi, aut marcher sur ses traces, autant que le permettaient la
causas dissimilitudo pateretur. Vale. distance des talents, la distance du plus grand au plus
humble, ou la différence des causes. Adieu.

X X X I . — C. PLINIUS CORNUTO SUO S. X X X I . — C. P L I N E SALUE SON CHER ÇORNUTUS

Claudius Pollion " désire une place dans votre amitié,


Claudius Pollio amari a te cupit, dignus hoc ipso quod et je l'en crois digne, d'abord à cause de son désir même,
cupit, deinde quod ipse te diligit. Neque enim fere quis- et puis à cause de sa propre affection pour vous; car on
quam exigit illud, nisi qui facit. Vir alioqui rectus, ne demande guère cette faveur, sans avoir commencé
integer, quietus, ac psene ultra modum (si quis tamen soi-même. C'est d'ailleurs un homme droit, intègre,
paisible et réservé presque outre mesure, si l'on peut ici
ultra modum) verecundus. Hune, cum simul militare- dépasser la mesure. Je l'ai connu pendant que nous
mus, non solum ut commilito inspexi. Prseerat aise mil- étions ensemble aux armées, mais plus intimement que
liarise. Ego jussus a legato consulari rationes alarum et comme un simple compagnon d'armes. Il commandait à
une aile de cavalerie de mille hommes. Je reçus du légat
cohortium excutere, ut magnam quorundam fœdamque consulaire l'ordre de vérifier les comptes des ailes et des
avaritiam, neglegentiam parem, ita hujus summam cohortes, et je constatai autant de basse cupidité et de
P L I N E L E JEUNE. T. n. 9
130 C. PLINII SECUNDI. LIBER V I I PLINE L E J E U N E . LIVRE V I I 131

integritatem, sollicitam diligentiam inveni. Postea pro- négligence chez certains autres que chez lui de parfaite
motus ad amplissimas procurationes, nulla occasione honnêteté et d'attentive activité. Élevé ensuite aux plus
importantes charges d'intendant, aucune occasion ne put
corruptus ab insito abstinentias amore deflexit. Num- le corrompre ni le détourner de son amour inné de la
quam secundis rébus intumuit, numquam offlciorum probité. Jamais il ne s'enorgueillit de ses succès, jamais
varietate continuam laudem humanitatis infregit eadem- la variété des fonctions ne lui fit démentir son perpétuel
renom d'affabilité et il mena ses travaux avec la même
que flrmitate animi laboribus sufîecit, qua nunc otium
force d'âme qu'il supporte maintenant la retraite. Il l'a
patitur. Quod quidem paulisper cum magna sua laude interrompue et quittée quelque temps pour se couvrir
intermisit et posuit, a Corellio nostro ex liberalitate de gloire, car notre cher Corellius chargé de l'achat et du
imperatoris Nervœ emendis dividendisque agris adjutor partage des terres que l'on doit à l'empereur Nerva le
prit comme collaborateur. Quelle gloire en effet d'avoir
assumptus. Etenim qua gloria dignum est summo viro été préféré par un si grand homme à qui s'offrait le choix
in tanta eligendi facultate praecipue placuisse ! Idem le plus large. Quant à la déférence, à la fidélité qu'il
quam reverenter, quam fldeliter amicos colat, multo- garde à ses amis, vous pouvez vous fier aux testaments de
beaucoup d'entre eux et en particulier à celui d'Annius
rum supremis judiciis, in his Anni Bassi, gravissimi civis,
Bassus, homme d'une haute situation, dont Pollion sau-
credere potes, cujus memoriam tam grata prsedicatione vegarde et perpétue la mémoire avec tant de reconnais-
prorogat et extendit, ut librum de vita ejus (nam studia sance et tant d'éloges, qu'il a même publié un livre sur
quoque, sicut alias artes bonas, veneratur) ediderit. sa vie (car il n'a pas moins de goût pour les lettres que
pour les autres arts). C'est une conduite pleine de noblesse
Pulchrum istud, et raritate ipsa probandum, cum ple- et digne d'estime à cause de sa rareté même, car la plu-
rique hactenus defunctorum meminerint, ut querantur. part ne gardent le souvenir des morts que pour s'en
Hune hominem, appetentissimum tui, mihi crede, com- plaindre. Accueillez donc cet homme si désireux de votre
amitié, prenez la main qu'il vous tend, ou plutôt attirez-
plectere, appréhende, immo et invita, ac sic ama, tam- le à vous et aimez-le comme si vous lui deviez de la
quam gratiam referas. Neque enim obligandus, sed reconnaissance. Car dans le commerce de l'amitié celui
remunerandus est in amoris officio, qui prior cœpit. qui a commencé le premier est non pas le débiteur, mais
le créancier. Adieu.
Vale.

X X X I I . — C. PLINE SALUE SON GRAND-PÈRE


X X X I I . — C. PLINIUS FABATO PROSECORO SUO S.
PAR ALLIANCE FABATUS

Delector jucundum tibi fuisse Tironis mei adventum. Je suis charmé que l'arrivée de mon cher Tiro vous ait
Quod vero scribis, oblata occasione proconsulis, pluri- fait plaisir; mais je suis surtout ravi que la présence du
proconsul ait fourni, comme vous me l'écrivez, l'occasion
mos manumissos, unice lastor. Cupio enim patriam nos- de faire un grand nombre d'affranchissements. Je désire
tram omnibus quidem rébus augeri, maxime tamen en effet que notre patrie s'accroisse en toutes choses,
132 C. PLINII SECUNDI. LIBER VII PLINE LE JEUNE. — LIVRE VII 133

civium numéro. Id enim oppidis flrmissimum ornamen- mais principalement en citoyens. C'est pour une ville le
tum. Illud etiam me, non ut ambitiosum, sed tamen plus solide rempart. Et je suis heureux aussi, sans que
juvat, quod adjicis, te meque et gratiarum actione et j ' y mêle de la vanité, mais j'en suis heureux, que, ajoutez-
vous, on nous ait comblés, vous et moi, de remerciements
laude celebratos. Est enim, ut Xenophon ait, TJSKTTOV et d'éloges. Car, ainsi que le dit Xenophon, la louange est
axou<jij.a iiraivpç, utique si te mereri putes. Vale. une délicieuse musique pour nos oreilles, surtout quand on
croit la mériter. Adieu.
X X X I I I . — C. PLINIUS TACITO SUO S.
X X X I I I . — C. PLINE SALUE SON CHER TACITE
Auguror, nec me f allit augurium, historias tuas immor-
J'ai le pressentiment, et ce n'est pas un pressentiment
tales futuras; quo magis illis (ingénue fatebor) inseri trompeur, que vos histoires seront immortelles. Aussi
cupio. Nam si esse nobis curse solet, ut faciès nostra ab ai-je, je l'avoue sans fard, le plus vif désir d'y trouver
optimo quoque artifice exprimatur, nonne debemus place. Car si d'ordinaire nous prenons soin que notre
portrait soit de la main de l'artiste le plus habile, ne
optare ut operibus nostris similis tui scriptor prsedica- devons-nous pas souhaiter que nos travaux aient la chance
torque contingat? Demonstro itaque, quamquam dili- de rencontrer un historien et un panégyriste tel que vous ?
gentiam tuam fugere non possit, cum sit in publicis actis, Je vous signale donc un de mes actes, qui ne peut certes
échapper à votre si minutieuse attention, puisqu'il est
demonstro tamen, quo magis credas jucundum mini relaté dans les actes publics 45; je vous le signale cepen-
futurum, si factum meum, cujus gratia periculo crevit dant, pour vous convaincre du plaisir que j'éprouverai
tuo ingenio, tuo testimonio ornaveris. si ce fait, dont le péril a accru l'intérêt, reçoit de votre
talent, de votre témoignage un nouvel éclat.
Dederat me senatus cum Herennio Senecione advo- Le sénat m'avait désigné avec Hérennius Senecio
catum provinciœ Bseticœ contra Bsebium Massam; dam- comme avocat de la province de Bétique contre Bebius
natoque Massa censuerat ut bona ejus publiée custqdi- Massa, et après la condamnation de Massa, il avait
décrété que ses biens seraient confiés à la garde de l'état.
rentur. Senecio, cum explorasset consules postulatio-
Senecio ayant flairé que les consuls allaient écouter les
nibus vacaturos, convenit me, et : « Qua concordia, inquit, réclamations, vint me trouver et dit : « Avec la même
injunctam nobis accusationem exsecuti sumus, hac adeamus entente, dit-il, que nous avons soutenu l'accusation
consules, petamusque ne bona dissipari sinant, quorum dont nous étions chargés, allons trouver les consuls et
demandons-leur de ne pas permettre qu'on dissipe les
esse in custodia debent. Respondi : cum simus advocati a biens dont ils doivent être les gardiens. » Je lui répondis :
senatu dati, dispice num peractas putes partes nostras, « Puisque c'est le sénat qui nous a donnés pour avocats,
senatus cognitione flnita, Et ille : Tu quem voles tibi faites attention si, à votre avis, notre rôle n'est pas
entièrement terminé avec la fin du procès que devait
terminum statues, cui nulla cum provincia necessitudo, juger le sénat. » Il reprit : « Vous pouvez fixer à votre
nisi ex beneflcio tuo, et hoc recenti, ipse et natus ibi, et devoir les limites qu'il vous plaira, car vous n'avez avec
134 C. PLINII SECUNDI. LIBER V U PLINE LE JEUNE. LIVRE VII 135

quœstor in ea fui. Tum ego : Si flxum tibi istud ac délibé- cette province d'autre lien que celui du service que vous
ration, sequar te, ut si qua ex hoc invidia erit, non tua lui avez rendu, et encore d'un service récent, mais moi
j ' y suis né et j ' y ai été questeur. » — « Si votre résolution
tantum sit. »
est ferme et bien réfléchie, dis-je, je vous suivrai, pour que,
Venimus ad consules. Dicit Senecio quse res ferebat, au cas où il en résulterait quelque ennui, il ne soit pas
aliqua subjungo. Vixdum conticueramus, et Massa ques- pour vous seul. »
tus Senecionem non advocati fidem, sed inimici amari- Nous nous présentons aux consuls; Senecio dit ce
qu'exigeait l'affaire; j'ajoute peu de mots. Nous avions
tudinem implesse, impietatis reum postulat. Horror à peine fini de parler, quand Massa se plaint que Senecio
omnium. Ego autem : « Vereor, inquam, clarissimi con- montre non la loyauté d'un avocat, mais d'un ennemi, et
sules, ne mihi Massa silentio suo prcevaricationem obje- dépose contre lui une accusation de lèse-majesté. Chacun
frémit de terreur; je me lève et : « Je crains, illustres
cerit, quod non et me reum postulavit. » Quse vox et statim ' consuls, que Massa par son silence à mon égard ne
excepta, et postea multo sermone celebrata est. Divus m'expose au soupçon de prévarication, en ne me compre-
quidem Nerva (nam privatus quoque attendebat lus, nant pas dans l'accusation qu'il dépose. » Ces paroles
quœ recte in publico fièrent), missis ad me gravissimis furent recueillies sur-le-champ et plus tard répétées par
tout le monde. Le divin Nerva (car même simple parti-
litteris, non mihi solum, verum etiam sseculo est gratu- culier il était déjà attentif à ce qui se faisait de bien dans
latus, cui exemplum (sic enim scripsit) simile antiquis l'état) m'envoya une lettre des plus honorables, pleine
configisset. de félicitations non seulement pour moi, mais pour le
temps, où il avait été donné de voir un trait (ce sont ses
Hsec, utcumque se habent, notiora, clariora, majora propres termes) digne des vertus antiques. Voilà les faits ;
tu faciès. Quamquam hoc exigo ut excédas actœ rei quels qu'ils soient, vous leur donnerez plus de notoriété,
modum; nam nec historia débet egredi veritatem, et plus de renom plus de grandeur; je ne vous demande
point cependant d'en exagérer l'importance. L'histoire
honeste factis Veritas sufflcit. Vale. ne doit pas sortir de la vérité, et la vérité suffit aux belles
actions. Adieu.
LIBER OCTAVUS L I V R E HUITIÈME

I. — C. PLINIUS SEPTICIO SUO S.


I. — C. P L I N E SALUE SON CHER SEPTICIUS

Iter commode explicui, excepto quod quidam ex meis


J'ai lait un bon voyage, sauf que quelques-uns de
adversam valetudinem ferventissimis œstibus contraxe- mes gens ont été rendus malades par l'extrême chaleur.
runt. Encolpius quidem lector, ille séria nostra, ille Encolpius, mon lecteur, le ministre de mes travaux
comme de mes délassements, a eu la gorge irritée par
delicise, exasperatis faucibus pulvere, sanguinem rejecit. la poussière et a craché le sang. Quelle tristesse pour
Quam triste hoc ipsi, quam acerbum mihi, si is, cui lui, quel chagrin pour moi, s'il faut qu'il devienne inhabile
aux travaux de l'esprit, alors qu'il tient tout son mérite
omnis ex studiis gratia inliabilis studiis fuerit! Quis
des travaux de l'esprit. Qui dès lors lira mes ouvrages
deinde libellos meos sic leget, sic amabit? quem aures comme luis qui les aimera comme lui? Qui aurai-je
mese sic sequentur? Sed di lsetiora promittunt; stetit autant de plaisir à entendre? Mais les dieux me permet-
tent un meilleur espoir. Le crachement de sang a cessé,
sanguis, resedit dolor. Prseterea continens ipse, nos la souffrance s'est calmée. D'ailleurs il est prudent, je
solliciti, medici diligentes. Ad hoc salubritas cœli, seces- suis attentif, les médecins sont vigilants. En outre la
pureté de l'air, la retraite, le repos lui permettent autant
sus, quies, tantum salutis, quantum otii pollicentur. Vale.
de santé que de loisirs. Adieu.

II. — C. PLINIUS CALVISIO SUÔ S. II. — C. P L I N E SALUE SON CHER CALVISIUS

Alii in prsedia sua proflciscuntur, ut locupletiores D'autres s'en vont dans leurs domaines pour en revenir
revertantur, ego, ut pauperior. Vendideram vindemias plus riches, moi pour en revenir plus pauvre. J'avais
vendu mes vendanges à des marchands qui enchéris-
certatim negotiatoribus ementibus. Invitabat pretium, saient à l'envi; ils étaient attirés par le prix, celui du
et quod tune, et quod fore videbatur. Spes fefellit. Erat moment et celui qu'on espérait pour l'avenir. Cet espoir
a été trompé. Il eût été commode de faire à tous la
expeditum omnibus remittere sequaliter, sed non satis même remise, mais ce n'était pas assez équitable. Or
œquum. Mihi autem egregium in primis videtur, ut foris, ce qui me paraît très bien c'est de pratiquer la justice
chez soi comme au dehors, dans les affaires peu impor-
ita domi, ut in magnis, ita in parvis, ut in alienis, ita in
tantes comme dans les grandes, dans les siennes comme
suis, agitare justitiam. Nam si paria peccata, pares etiam dans celles d'autrui. Car s'il est vrai que les fautes sont
138 C. PLINII SECUNDI. LIBER VIII
PLINE LE JEUNE. LIVRE VIII 139
laudes. Itaque omnibus quidem, ne quis mihi non donatus égales, les mérites le sont aussi. J'ai donc remis à tous,
abiret, partem octavam pretii quo quis emerat, concessi. afin que personne ne s'en allât « sans cadeau de ma part »,
Deinde iis, qui amplissimas summas emptionibus occu- la huitième partie du prix d'achat; puis pour ceux qui
paverant, separatim consului; nam et me magis juverant avaient employé les plus grosses sommes à leurs achats
j'ai pris une mesure particulière; car s'ils m'avaient
et majus ipsi fecerant damnum. Igitur iis qui pluris quam rendu à moi un plus grand service, ils avaient subi, eux,
decem milibus emerant, ad illam communem et quasi un plus grand dommage. A ceux donc qui avaient acheté
publicam octavam addidi decimam ejus summœ, qua pour plus de dix mille sesterces, outre la remise com-
mune et, si j'ose dire, publique du huitième, j'ai accordé
decem milia excesserant. Vereor ne parum expresserim,
le dixième de la somme qui dépassait dix mille sesterces.
apertius calculos ostendam. Si qui forte quindecim mili- Je crains de ne pas me faire bien comprendre, je vais
bus emerant, hi et quindecim milium octavam, et quinque rendre ce calcul plus clair. Si quelques-uns avaient
milium decimam tulerunt. acheté, je suppose, pour quinze mille sesterces, ils ont
bénéficié d'abord du huitième de quinze mille, puis du
Prseterea, cum reputarem quosdam ex debito aliquân- dixième de cinq mille sesterces.
tum, quosdam aliquid, quosdam nihil reposuisse, nequa- De plus, réfléchissant que, sur ce qu'ils devaient, les
uns avaient versé immédiatement un assez fort acompte,
quam verum arbitrabar, quos non œquasset fides solu- d'autres un tout petit, d'autres rien, je n'estimais pas
tionis, hos benignitate remissionis œquari. Rursus ergo juste de traiter avec une égale bonté dans la remise,
iis qui solverant, ejus, quod solverant, decimam remisi. ceux qui ne m'avaient pas traité avec une égale exacti-
Per hoc enim aptissime et in prseteritum singulis, pro tude dans le paiement. J'ai donc encore à ceux qui
avaient fait un versement remis le dixième de leur ver-
cujusque merito, gratia referri, et in futurum omnes sement. J'ai cru que c'était le meilleur moyen pour
cum ad emendum, tum etiam ad solvendum allici vide- le passé de m'acquitter envers chacun selon son mérite,
bantur. et pour l'avenir d'intéresser tout le monde soit à acheter,
soit même à payer.
Magno mihi seu ratio hsec, seu facilitas stetit, sed fuit Cette méthode, ou si vous voulez, cette complaisance m'a
tanti. Nam regione tota et novitas remissionis et forma coûté cher, mais elle valait ce qu'elle m'a coûté. Car dans
laudatur. E x ipsis etiam, quos non una, ut dicitur, le pays c'est un concert d'éloges sur la nouveauté de cette
remise et la manière dont elle a été faite. Parmi ceux
pertica, sed distincte gradatimque tractavi, quanto quis mêmes que je n'ai pas mesurés, comme on dit, à la même
melior et probior, tanto mihi obligatior abiit, expertus aune, mais avec des distinctions et une gradation con-
non esse apud me, venable, les meilleurs et les plus honnêtes ont emporté
le plus de reconnaissance envers moi, se rendant compte
'Ev Ss îrj Ti(j,î) ï)(tèv xazôj, rfiï xal iaOX6(.
que chez moi :
« Le bon et le méchant ne sont pas en égale estime. »
Vale.
Adieu.
140 C. PLINII SECUNDI. LIBER VIII PLINE LE JEUNE. — LIVRE VIII 141

III. -— C. PLINIUS SPARSO SUO S. III. — C. PLINE SALUE SON CHER SPARSUS

Librum, quem ngvissime tibi misi, ex omnibus meis Le dernier livre que je vous ai envoyé, est, de tous les
miens, celui qui vous plaît le mieux, dites-vous. C'est
vel maxime placere signiflcas. Est eadem opinio cujus-
aussi l'opinion de quelqu'un de très cultivé. Je suis d'au-
dam eruditissimi. Quo magis adducor ut neutrum falli tant plus enclin à croire que vous ne vous trompez ni
putem; quia non est credibile utrumque falli, et quia l'un ni l'autre, parce qu'il n'est pas vraisemblable que
tamen blandior mihi. Volo enim proxirrlâ quseque abso- vous vous trompiez tous les deux, et aussi parce que je me
lutissima videri et ideo jam nunc contra istum librum flatte volontiers. Je veux toujours en effet que mon der-
nier ouvrage soit regardé comme le plus parfait; c'est
faveo orationi, quam nuper in publicum dedi, communi-
pourquoi dès maintenant j'accorde ma faveur, contre le
caturus tecum, Ut primum diligentem tabellarium inve- livre que vous avez en main, au discours que je viens de
nero. Erexi exspectationem tuam, quam vereor ne desti- donner au public, et que je vous communiquerai, aus-
tuât oratio in nianus sumptâ. Intérim tamen tamquam sitôt que j'aurai trouvé un messager diligent. J'ai éveillé
placituram (et fortasse placebit) exspecta. Vale. votre attente, mais je crains qu'elle ne soit déçue par
mon discours, quand vous l'aurez sous les yeux. Attendez-
le cependant comme s'il devait vous plaire, et peut-être
IV. — C. PLINIUS CANINIO SUO S. vous plaira-t-il. Adieu.

Optime lacis, quod bellum Dacicum scribere paras. IV. — G. PLINE SALUE SON CHER CANINIUS
Nam quse tam recens, tam copiosa, tam lata, quœ denique
tam poetica, et quamquam in verissimis rébus tam Votre idée est excellente d'écrire la guerre contre
les Daces 47. Car comment trouver un sujet aussi plein
fabulosa materia? Dices immissa terris nova flumina,
d'actualité, aussi riche, aussi vaste, aussi poétique enfin
novos pontes fluminibus injectos, insessa castris montium et, quoiqu'il traite de faits très vrais, qui ressemble
abrupta, pulsum regia, pulsum etiam vita regem nihil autant à la fable. Vous direz de nouveaux fleuves s'élan-
desperantem. Super h£ec actos bis triumphos, quorum çant à travers la campagne, de nouveaux ponts jetés
alter ex invicta gente primus, âlter novissimus fuit. sur les fleuves, des camps suspendus aux flancs escarpés
des montagnes, un roi chassé de son palais, chassé même
Una, sed maxima difïicultas, quod hœc œquare dicendo de la vie, malgré une audace qui ne désespérait jamais;
arduum, immensum etiam tuo ingenio, quamquam altis- vous y joindrez là célébration de deux triomphes, dont
sime assurgat, et amplissimis operibus increscat. Non- l'un fut le premier remporté sur une nation invincible,
nullus et in illo labor, ut bârbara et fera nomina, in primis et l'autre le dernier.
régis ipsius, graecis versibus non résultent. Sed nihil est Il n'y a qu'une difficulté, mais elle est très grande,
c'est d'égaler ces exploits par votre style, tâche ardue,
quod non arte curaque, si non potest vinci, mitigetur.
immense, même pour votre talent, bien qu'il sache
Prseterea, si datur Homero et mollia vocâbula et grœca s'élever jusqu'au sublime et puiser de nouvelles forces
ad lenitatem versus contrahere, extendere, inflectere, cur dans la grandeur même de ses entreprises. Il y aura bien
142 C. PLINII SECUNDI. LIBER VIII PLINE LE JEUNE. LIVRE VIII 143

tibi similis audentia, preesertim non delicata, sed neces- de la peine aussi à faire tenir dans des vers grecs des
saria, non detur? Proinde jure vatum, invocatis diis, noms barbares et sauvages, celui du roi en particulier.
et inter deos ipso, cujus res, opéra, consilia dicturus es, Mais il n'est pas de difficulté que l'adresse et les efforts
ne parviennent, sinon à surmonter, du moins à aplanir.
immitte rudentes, pande vêla ac, si quando alias, toto Au surplus, s'il est permis à Homère, quand il s'agit
ingenio vehere. Cur enim non ego quoque poetice cum de mots grecs faciles à prononcer, de les abréger, pour la
poeta? légèreté du vers, de les élargir, de les modifier, pourquoi
n'userions-nous pas du même privilège, nous aussi, sur-
Illud jam nunc paciscor, prima quseque ut absolveris, tout quand il n'y a pas là recherche, mais nécessité 47 bis.
mittito, immo etiam antequam absolvas, sicut erunt Pour le moment voici mes conditions : envoyez-moi
recentia, et rudia, et adhuc similia nascentibus. Res- les premières pages dès que vous les aurez achevées, ou
plutôt avant de les achever, telles qu'elles seront dans
pondebis non posse perinde carptim ut contexta, perinde leur premier jet, ébauches encore semblables à des
inchoata placere ut efïecta. Scio. Itaque et a me sesti- nouveau-nés. Vous me répondrez que des fragments
mabuntur ut cœpta, spectabuntur ut membra extre- ne peuvent plaire comme une œuvre complète, ni des
mamque limam tuam opperientur in scrinio nostro. essais comme un travail fini. Je le sais. Aussi les appré-
cierai-je comme des tentatives, les regarderai-je comme
Patere hoc me super cetera habere amoris tui pignus, ut des membres d'un tout, et attendront-ils dans mon
ea quoque norim, quse nosse neminem velles. In summa, coffret à manuscrits votre dernier coup de lime. Souffrez
potero fortasse scripta tua magis probare, laudare, que j'aie, outre tous les autres, ce gage de votre amitié,
de connaître même ce que vous ne voudriez laisser
quanto illa tardius cautiusque, sed ipsum te magis amabo
connaître à personne. Bref, il est possible que, pour
magisque laudabo, quanto celerius et incautius miseris. vos écrits, plus vous mettrez de lenteur et de circon-
Vale. spection à me les envoyer, plus je les trouve beaux et
plus je les loue, mais pour vous, je vous aimerai et je
vous louerai d'autant plus, que vous mettrez plus de
célérité et moins de circonspection dans vos envois.
V. — C. PLINIUS GEMINO SUO S. Adieu.

Grave vulnus Macrinus noster accepit. Amisit uxorem V. — C. PLINE SALUE SON CHER GEMINIUS

singularis exempli, etiamsi olim fuisset. Vixit cum hac Notre cher Macrinus vient de recevoir un coup bien
triginta novem annis sine jurgio, sine offensa. Quam illa cruel : il a perdu sa femme dont la rare vertu eût servi
d'exemple, même si elle avait vécu dans les temps anciens.
reverentiam marito suo prsestitit, cum ipsa summam Il a passé avec elle trente-neuf ans sans une querelle,
merereturj' Quot quantasque virtutes ex diversis setatibus sans une brouille. Quel respect elle a toujours témoigné
sumptas collegit et miscuit ! Habet quidem Macrinus à son mari, alors qu'elle en méritait tant elle-même.
Combien de hautes vertus, propres à tous les âges, elle
grande solatium, quod tantum bonum tamdiu tenuit;
a réunies et associées ! Sans doute Macrinus a la grande
144 C. PLINII SECUNDI. LIBER VIII PLINE LE JEUNE. LIVRE VIII 145

sed hinc magis exacerbatur, quod amisit. Nam fruendis consolation d'avoir possédé si longtemps un tel trésor,
mais sa perte n'en est que plus amère; la jouissance du
voluptatibus cresçit çarendi dolor. Ero efgo suspensus
bonheur accroît la douleur d'en être privé. Aussi serai-je
pro homine amicissimo, dum admittere avocamenta et inquiet pour cet ami si cher, jusqu'à ce qu'il puisse
cicatricem pati possit, quam nihil œque ac nécessitas ipsa laisser distraire son chagrin et cicatriser sa blessure;
et dies longa et satietas doloris inducit. Vale. c'est un effet surtout de la résignation à la nécessité,
du temps, et de la satiété de la douleur. Adieu.

VI. — C. PLINIUS MONTANO SUO S. V I . — C. P L I N E SALUE SON CHER MONTANUS

Vous devez avoir appris par ma dernière lettre que j'ai


Cognovisse jam ex epistula mea debes annotasse me remarqué dernièrement un tombeau de Pallas portant
nuper monimentum Pallantis sub hac inscriptione : cette inscription : « Ci-gît un homme à qui le sénat a
décerné pour sa fidélité et son attachement à ses maîtres
« Huic senatus, ob fldem pietatemque erga patronos orna- les insignes des prêteurs plus quinze millions de sesterces,
menta prsetoria decrevit et sestertium centiens quinquagiens, et qui n'a accepté que la distinction honorifique. » Plus
cujus honore contentas fuit. » Postea mihi visum est tard j'ai cru qu'il vaudrait la peine de rechercher le
décret même du Sénat. Je l'ai trouvé si pompeux et si
pretium operse ipsum senatusconsultum quœrere. Inveni débordant de flatterie, que cette orgueilleuse épitaphe en
tam copiosum et effusum, ut ille superbisshnus titulus devenait un modèle de modération et d'humilité. Que
modicus atque etiam demissus videretur. Conférant les illustres Romains — je ne parle pas des anciens,
des Africains, des Achaïques, des Numantins, mais
misceantque se, non dico illi veteres, Africani, Achaici,
des plus rapprochés de nous, des Marius, des Sylla,
Numantini, sed hi proximi, Marii, Suite, Pompeii (nolo des Pompée, sans remonter plus haut — qu'ils vien-
progredi longius), infra Pallantis laudes jacebunt. nent tous réunis se comparer à lui, leur gloire res-
tera bien au-dessous de celle de Pallas. Est-ce des
Urbanos, qui illa censuerunt, putem, an miseros? plaisants qui votèrent ce décret ou des malheureux?
Dicerem urbanos, si senatum deceret urbanitas. Miseros? Je dirais des plaisants, si la plaisanterie convenait au
sed nemo tam miser est, ut illa cogatur. Ambitio ergo, et sénat; des malheureux donc, mais il n'y a pas de malheur,
procedendi libido? sed quis adeo démens, ut per suum, qui contraigne à une telle bassesse. Est-ce alors de
l'ambition et le désir de s'élever? Mais qui serait assez
per publicum dedeçus procedere yelit in ea civitate, in fou, pour vouloir, au prix de son propre déshonneur
qua hic esset usus florentissimœ dignitatis, ut primus in et de celui de sa patrie, s'élever dans un état, où l'avan-
senatu laudare Pallantem posset? tage de la plus haute dignité serait de pouvoir être le
premier dans le sénat à louer Pallas?
Omitto quod Pallanti servo prœtoria ornamenta offe- Je passe qu'on offre à Pallas, à un esclave, les insignes
runtur; quippe ofïeruntur a servis; mitto quod censent des prêteurs; ce sont des esclaves qui les offrent. Je
Non exhortandam modo, verum etiam compellendum ad passe qu'ils décrètent qu'on doit non seulement l'exhorter
P L I N E I E JEUNE. T. n . 10
146 C. PLINII SECUNDI. — LIBER VIII PLINE LE JEUNE. LIVRE VIII 147

usum aureorum anulorum. Erat enim contra maj estatem mais même l'obliger à porter l'anneau d'or. C'eût été
senatus si ferreis prsetorius uteretur. Levia hsec et tran- un affront pour la majesté du sénat, si un sénateur
seunda; illa memoranda, quod Nomine Pallantis senatus prétorien avait porté l'anneau de fer. Ce sont bagatelles
négligeables. Mais voici qui mérite attention : au nom
(nec expiata postea curia est !), Pallantis nomine senatus de Pallas, le sénat — et l'on n'a pas encore après cela
gratias agit Cœsari, quod et ipse cum summo honore men- purifié la curie par des cérémonies expiatoires ! —• au
tionem ejus prosecutus esset et senatui facultatem fecisset nom de Pallas, le sénat remercie César d'avoir fait
grand honneur à son affranchi en parlant de lui en termes
testandi erga eum benevolentiam suam. Quid enim senatui élogieux, et d'avoir permis au sénat d'attester sa bien-
pulchrius, quam ut erga Pallantem satis gratus videretur? veillance envers lui. Quoi de plus beau pour le sénat
Additur : Ut Pallas, cui se omnes pro virili parte obligatos que de montrer à Pallas toute la reconnaissance dési-
rable? Le décret ajoute : « Pour que Pallas, à qui chacun
fatentur, singularis ftdei, singularis industrise fructum se reconnaît obligé pour sa part, reçoive la récompense
meritissimo ferat... Prolatos imperii fines, redditos exer- si méritée de sa singulière fidélité au prince, de sa singu-
citus reipublicss credas. Astruitur his : cum senatui lière activité... » Ne croirait-on pas qu'il a reculé les
frontières de l'empire, qu'il â conservé des armées à
populoque romano liberalitatis gratior reprassentari nulla l'état? Il continue : « Puisque le sénat et le peuple
materia posset, quam si abstinentissimi fldelissimique cus- romains ne pouvaient trouver d'occasion plus agréable
todis principalium opum facultates adjuvare contigisset... d'exercer leurs libéralités, qu'en ayant le bonheur d'ac-
croître la fortune de ce gardien si intègre et si fidèle
Hoc tune votum senatus, hoc prsecipuum gaudium populi, des finances du prince... » Voilà quels étaient alors les
hsec liberalitatis materia gratissima, si Pallantis facul- vœux du sénat, la plus chère joie du peuple, et l'occasion
tates adjuvare publicarum opum egestione contingeret. de libéralités la plus agréable, avoir le bonheur d'ac-
croître la fortune de Pallas en vidant le trésor public.
Jam quœ sequuntur : Voluisse quidem senatum censere
Et voici la suite : il avait plu au sénat de décréter un
dandum ex serario sestertium centiens quinquagiens; et don de quinze millions de sesterces à prélever sur le
quanto ab ejusmodi cupiditatibus remotior ejus animus trésor, et plus son âme répugnait à des désirs de cette
sorte, plus on demandait avec insistance au père de
esset, tanto impensius petere a publico parente, ut eum
l'état de le contraindre à complaire au sénat. Il ne man-
compelleret ad cedendum senatui. Id vero deerat, ut cum quait plus, en effet, que de mettre l'autorité de l'état
Pallante auctoritate publica ageretur, Pallas rogaretur au service de Pallas, que de supplier Pallas de céder
ut senatui cederet, ut illi superbissimœ abstinentiss Caesar aux avances du sénat, que de demander à César lui-même
de prendre sa protection et sa défense contre cet insolent
ipse patronus advocaretur, ne sestertium centiens quin- désintéressement et d'obtenir que Pallas ne dédaignât
quagiens sperneret. Sprevit, quod solum potuit, tantis pas quinze millions de sesterces. Il les dédaigna pour-
opibus publiée oblatis, arrogantius facere, quam si acce- tant; c'était le seul moyen, devant l'offre publique de
si grandes richesses, de montrer plus d'arrogance encore
pisset. Senatus tamen id quoque, similis querenti laudibus qu'en les acceptant. Le sénat feignant de se plaindre
148 C, PLINII SECUNDI. LIBER VIII PLINE LE JEUNE. LIVRE VIII 149

tulit, his quidem verbis : Sed cum princeps optimus, de cette attitude, la comble en même temps d'éloges
parensque publiais, rogatus a Pallante, eam partem sen- en ces termes : mais notre prince si bon et le père de
tentise, quse pertinebat ad dandum ei ex eerario centiens l'état ayant consenti, à la prière de Pallas, qu'il fût
dispensé de la partie du décret qui visait à lui faire un
quinquagiens sestertium, remitti voluisset, testari senatum, don de quinze millions de sesterces pris sur le trésor
etsi libenter ac merito hanc summam inter reliquos honores, public, le sénat déclarait que c'était assurément de son
ob fldem diligentiamque Pallanti decernere cœpisset, volun- plein gré et en toute justice qu'il avait désiré, parmi
les autres honneurs, décréter à Pallas cette somme pour
tati tamen principis sui, cui in nulla re fas putaret repu- sa fidélité et son zèle, que cependant, se conformant à
gnare, in hac quoque re obsequi. la volonté du prince, à laquelle il ne lui paraissait pas
permis de résister en rien, il s'y soumettrait en cette
Imaginare Pallantem velut intercedentem senatus-
occasion aussi. Figurez-vous Pallas opposant pour
consulto moderantemque honores suos, et sestertium ainsi dire son veto à un décret du sénat, mesurant lui-
centiens quinquagiens, ut nimium, recusantem, cum prse- même ses honneurs, et refusant une somme de quinze
toria ornamenta tamquam minus, recepisset. Imaginare millions de sesterces, comme si c'était trop, alors qu'il
acceptait les insignes prétoriens, comme si c'était moins.
Cœsarem, liberti precibus, vel potius imperio, coram Figurez-vous César, obéissant, en plein sénat, aux prières,
senatu obtemperantem (imperat enim libertus patrono, que dis-je? aux ordres de son affranchi (car c'est un ordre
quem in senatu rogat); imaginare senatum usquequaque qu'un affranchi adresse à son patron, quand il le prie
devant le sénat); figurez-vous le sénat attestant partout
testantem merito libenterque se hanc summam inter que c'est en toute justice et de son plein gré qu'il a désiré
reliquos honores Pallanti cœpisse decernere et perseve- décerner cette somme à Pallas parmi ses autres honneurs,
raturum fuisse se, nisi obsequeretur principis voluntati, et qu'il serait allé jusqu'au bout, s'il ne déférait à la
volonté du prince, à laquelle il n'était permis de résister
cui non esset fas in ulla re repugnare. Ita ne sestertium en rien. Ainsi pour que Pallas ne tirât pas quinze millions
centiens quinquagiens Pallas ex jerario referret, vere- de sesterces du trésor public, il a fallu sa propre dis-
cundia ipsius, obsequio senatus opus fuit, in hoc prœ- crétion et l'obéissance du sénat, qui sur ce point seul
n'aurait pas obéi, s'il avait jugé qu'il lui fût permis
cipue non obsecuturi, si in ulla re putasset fas esse non de désobéir en rien.
obsequi. Vous croyez que c'est la fin? Ne bougez pas et écoutez
Finem existimas? Mane dum et majora accipe. Utique, le plus beau : en tout cas, comme il est utile que la bonté
du prince, si prompte à honorer et à récompenser ceux
cum sit utile, principis benignitatem promptissimam ad
qui le méritent, soit connue en tous lieux et en particulier
laudem prsemiaque merentium illustrari ubique, et maxime dans ceux où elle peut engager à l'imitation les hommes
Us locis, quibus incitari ad imitationem prœpositi rerum qui sont préposés au soin de ses affaires, et où l'écla-
ejus curse possent, et Pallantis spectatissima fldes atque tante fidélité et l'honnêteté de Pallas peuvent exciter
par leur exemple le goût d'une si noble émulation, il
innocentia exemplo provocare studium tam honestœ semu- a été décidé que le discours lu par le prince dans notre
150 C. PLINII SECUNDI. LIBER VIII PLINE LE JEUNE. LIVRE VIII 151

lationis posset, ea quse X calendas februarias, quee proxime auguste assemblée le dix des calendes de février dernier,
fuissent, in amplissimo ordine optimus princeps recitasset et le sénatus-consulte porté à ce sujet,, seraient gravés
senatusque consulta de his rébus facta in œre inciderentur, sur une table d'airain et que cette table serait fixée près
de la statue cuirassée du divin Jules César. C'était trop
idque ses flgeretur ad statuam loricatam divi Juin. Parum
peu que la curie eût été témoin de telles turpitudes;
visum, tantorum dedecorum esse curiam testem ; delectus on a choisi le lieu le plus fréquenté 48, pour les exposer
est celeberrimus locus, quo legenda prsesentibus, legenda à la lecture des générations présentes et futures. On a
futuris proderentur. Placuit sere signari omnes honores jugé bon de consigner sur l'airain tous les honneurs
fastidiosissimi mancipii, quosque repudiasset, quosque, de cet esclave dédaigneux, même ceux qu'il avait refusés,
même ceux qu'il n'avait exercés qu'autant qu'il dépen-
quantum ad decernentes pertinet, gessisset. Incisa et dait des auteurs du décret. On a buriné et gravé sur
insculpta sunt publicis seternisque monumentis prsetoria des monuments publics et éternels les insignes prétoriens
ornamenta Pallantis, sic quasi feedera antiqua, sic quasi de Pallas, comme si c'étaient des traités antiques, comme
sacrse leges. Tanta principis, tanta senatus, tanta Pallan- les lois sacrées. Tant le prince, tant le sénat, tant Pallas
tis ipsius... quid dicam nescio, ut vellent in oculis omnium lui-même, ont montré de... je ne trouve pas de mot,
pour décider d'étaler aux yeux de tous, Pallas son
Agi Pallas insolentiam suam, patientiam Csesar, humili- insolence, César sa faiblesse, le sénat sa dégradation !
tatem senatus. Neç puduit rationem turpitudini obten- Et on n'a pas rougi de donner un prétexte à cette honte,
dere, egregiam quidem pulchramque rationem, ut exem- un beau, un noble prétexte vraiment, le désir d'exciter,
plo Pallantis prsemiorum ad studium œmulationis ceteri par l'exemple des récompenses décernées à Pallas, le
provocarentur. Ea honorum vilitas erat, illorum etiam goût de l'émulation chez les autres. Tel était l'avilis-
sement des honneurs, de ceux mêmes que Pallas ne
quos Pallas non dedignabatur, inveniebantur tamen dédaignait pas ! On trouvait cependant des hommes
honesto loco nati, qui peterent cuperentque, quod dari d'une naissance distinguée qui briguaient et désiraient
liberto, promitti servis videbant. ce qu'ils voyaient donner à un affranchi, promettre à
Quam juvat quod in tempora illa non incidi, quorum des esclaves. Quelle joie de n'avoir point vécu dans ces
temps, dont je rougis, comme si j ' y avais vécu ! Je ne
sic me, tamquam illis vixerim, pudet ! Non dubito simi- doute pas que vous n'éprouviez les mêmes sentiments;
liter afflci te (scio quam sit tibi vivus et ingenuus animus) je sais quelle est votre délicatesse, votre noblesse. Il
ideo facilius est ut me quamquam indignationem qui- y a donc des chances pour que, malgré quelques endroits
busdam in locis fortasse ultra epistulœ modum extule- où l'indignation m'a emporté peut-être hors de la mesure
rim, parum doluisse quam nimis credas. Vale. d'une lettre, vous pensiez que je ne me plains pas assez,
plutôt que trop. Adieu.

VII. — C. PLINIUS TACITO SUO S,


VII. — C. PLINE SALUE SON CHER TACITE

Neque ut magistro magister neque ut discipulo disci- Ce n'est pas comme de maître à maître ni comme
pulus (sic enim scribis), sed ut discipulo magister (nam d'élève à élève (ainsi l'écrivez-vous), mais comme de
152 C. PLINII SEGUNDI. —- LIBER VIII PLINE LE JEUNE. LIVRE VIII 153

tu magister, ego contra; atque adeo tu in scholam revo- maître à élève (car vous êtes un maître et moi le con-
cas, ego adhuc Saturnalia extendo) librum misisti. Num traire; aussi me rappelez-vous à l'école tandis que je
potui longius hyperbaton facere, atque hoc ipso probare prolonge encore les Saturnales) que vous m'avez envoyé
votre livre. Pouvais-je allonger plus maladroitement ma
eum esse me, qui non modo magister tuus, sed ne disci-
phrase et vous mieux prouver par là que non seulement
pulus quidem debeam dici? Sumam tamen personam je ne mérite pas d'être "appelé votre maître, mais pas
magistri exseramque in librum tuum jus quod dedisti, même votre élève? Je vais cependant assumer le rôle
eo liberius, quod nihil ex meis intérim missurus sum de maître et exercer sur votre livre le droit que vous
m'avez donné, avec d'autant plus de liberté, que je n'ai
tibi, in quo te ulciscaris. Vale.
pendant ce temps à vous envoyer aucun de mes ouvrages,
sur lequel vous puissiez vous venger. Adieu.
VIII. — C. PLINIUS ROMANO SUO S.
VIII. — C. PLINE SALUE SON CHER ROMANUS
Vidistine aliquando Clitumnum fontem? Si nondum Avez-vous jamais vu la source du Clitumne 49 ? Si
(et puto nondum, alioqui narrasses mihi), vide; quem vous ne l'avez pas encore vue (et je le crois, sinon vous
ego (pœnitet tarditatis) proxime vidi. m'en auriez parlé), voyez-la; moi je l'ai vue dernière-
ment, et je regrette d'avoir tant tardé. Une modeste
Modicus collis assurgit, antiqua cupresso nemorosus colline s'élève, boisée d'antiques cyprès qui l'ombragent.
et opacus. Hune subter exit fons et exprimitur pluribus A sa base sort une source qui jaillit par plusieurs veines
venis, sed imparibus, eluctatusque quem facit gurgitem, inégales; elle se fraye une issue en bouillonnant, puis
s'étale en un large bassin si limpide et si transparent
lato gremio patescit purus et vitreus, ut numerare jactas
que l'on peut y compter les pièces de monnaie qu'on y
stipes et relucentes calcules possis. Inde non loci devexi- jette et les cailloux brillants du fond. Elle coule de là,
tate, sed ipsa sui copia et quasi pondère impellitur. Fons non pas entraînée par la pente du terrain, mais par sa
adhuc et jam amplissimum flumen atque etiam navium propre abondance et comme par son poids. C'est encore
une source et c'est déjà une rivière, capable de porter
patiens, quas obvias quoque et contrario nisu in diversa même des bateaux, auxquels elle permet de passer même
tendentes transmittit et perfert; adeo validus, ut illa quand ils se rencontrent et se croisent : son courant est si
qua properat ipse, quamquam per solum planum, remis puissant, que dans le sens où il se hâte lui-même, quoiqu'il
coule en plaine, la barque n'a pas besoin de l'aide des
non adjuvetur, idem segerrime remis contisque superetur rames, tandis qu'on a toutes les peines du monde à le
adversus. Jucundum utrumque per jocum ludumque remonter à force de rames et de perches. C'est un double
fluitantibus, ut flexerint cursum, laborem otio, otium plaisir pour ceux qui y voguent par distraction et amu-
labore variare. sement de passer, selon le sens dans lequel on dirige
sa promenade, de l'effort au repos, du repos à l'effort.
Ripœ fraxino multa, multa populo vestiuntur, quas Les rives sont revêtues de nombreux frênes, de nom-
perspicuus amnis, velut mersas, viridi imagine annu- breux peupliers, que la transparence de l'eau permet de
154 C. PLINII SECUNDI. LIBER VIII PLINE L E JEUNE. — LIVRE VIII 155

merat. Rigor aquse certaverit nivibus; nec color cedit. compter, comme s'ils y étaient plongés, par leur image
Adjacet templum priscum et religiosum. Stat Clitumnus verdoyante. La fraîcheur de l'eau rivaliserait avec celle
de la neige, et sa couleur ne lui cède en rien. Tout près
ipse amictus ornatusque prsetexta. Prsesens numen atque est un temple antique et respecté; le Clitumne lui-même
etiam fatidicum, indicat sortes. Sparsa sunt circa sacella y est représenté debout, vêtu et orné de la robe prétexte,
complura totidemque dei; sua cuique veneratio, suum La présence d'une divinité, et d'une divinité qui rend
des oracles est marquée par les sorts qu'on y voit. Tout
nomen, quibusdam vero etiam fontes, nam prseter illum autour sont dispersées des chapelles nombreuses ayant
quasi parentem ceterorum sunt minores capite discreti; chacune leur dieu, chacune leur culte, leur nom, quelques-
sed flumini miscentur, quod ponte transmittitur. Is ter- unes mêmes leurs sources, car outre la principale qui est
comme la mère des autres, il y en a de plus petites,
minus sacri profanique. In superiore parte navigare
distinctes par leur naissance, mais qui se mêlent à la
tantum, infra etiam natare concessum. Balineum His- rivière, sur laquelle est jeté un pont.
pellates, quibus illum locum divus Augustus dono dédit, Ce pont est la limite des lieux sacrés et des lieux
publiée prsebent, prœbent et hospitium. Nec desunt profanes. En amont il est seulement permis de navi-
guer, en aval on peut en outre s'y baigner. Les His-
villse, quaa secutse fluminis amœnitatem, margini insis- pellates, auxquels le divin Auguste a donné ce lieu,
tunt. offrent les bains aux frais de la cité, ils offrent aussi
In summa, nihil erit ex quo non capias voluptatem. l'hospitalité. Et il ne manque pas de villas, qui, attirées
par l'agrément de la rivière, se dressent sur ses bords.
Nam studebis quoque, et leges multa multorum omnibus Bref, tout vous charmera dans ce lieu; vous pourrez
columnis, omnibus parietibus inscripta, quibus fons ille même y exercer votre esprit en lisant les nombreuses1
deusque celebratur. Plura laudabis, nonnulla ridebis; inscriptions qu'une foule de gens ont tracées sur toutes
les colonnes, sur tous les murs, en l'honneur de cette
quamquam tu vero, quse tua humanitas, nulla ridebis, source et de ce dieu. Vous en louerez beaucoup, vous rirez
Vale. de quelques-unes; ou plutôt, vous êtes si indulgent, que
vous ne rirez d'aucune. Adieu.
IX. — C. PLINIUS URSO SUO S.
IX. — C. PLINE SALUE SON CHER URSUS
Olim non librum in manus, non stilum sumpsi, olim
Il y a longtemps que je n'ai plus touché un livre, un
nescio quid sit otium, quid quies, quid denique illud
stylet, longtemps que je ne connais plus loisirs, ni repos,
iners quidem, jucundum tamen, nihil agere, nihil esse; ni enfin ce charme indolent, mais délicieux de ne rien faire,
adeo multa me negotia amicorum nec secedere nec de n'être rien; tant les multiples affaires de mes amis
m'ôtent toute possibilité de retraite, d'étude. Car aucune
studere patiuntur ! Nulla enim studia tanti sunt, ut
étude n'a assez de prix, pour faire déserter les devoirs
amicitise offlcium deseratur, quod religiosissime custo- de l'amitié, que les études elles-mêmes enseignent à
diendum studia ipsa prsecipiunt. Vale. observer religieusement. Adieu.
C. PLINII SECUNDI. LIBER VIII PLINE LE JEUNE. LIVRE VIII 157

X . — C. PLINIUS FABATO PROSOCERO SUO S. X . — C. P L I N E SALUE SON GRAND-PERE


PAR ALLIANCE FABATUS
Quo magis cupis ex nobis pronepotes videre, hoc Plus vous désirez que nous vous donnions des arrière-
tristior audies neptem tuam abortum fecisse, dum se petits-fils, plus vous aurez de chagrin d'apprendre que
praegnantem esse puellariter nescit ac per hoc quEedam votre petite-fille a fait une fausse couche. Elle ne se
doutait pas de sa grossesse, car c'était la première;
custodienda prœgnantibus omittit, facit omittenda; quem aussi a-t-elle négligé certaines précautions que doit
errorem magnis documentis expiavit, in summum peri- prendre une femme enceinte, et s'est-elle permis ce qui
lui est défendu; la façon dont elle a expié sa faute lui
culum adducta. Igitur ut necesse est graviter accipias
servira de leçon, car elle a couru le plus grand danger.
senectutem tuam quasi paratis posteris destitutam, sic Ainsi donc, s'il est impossible que vous ne vous affligiez
debes agere dis gratias, quod ita tibi in prœsentia pro- pas de voir votre vieillesse privée d'une postérité qui
semblait assurée, vous devez cependant remercier les
nepotes negaverunt, ut servarent neptem, illos reddi- dieux de ce que, en vous refusant pour le présent des
turi, quorum nobis spem certiorem hase ipsa, quam- arrière-petits-flls, ils vous ont conservé votre petite-fille,
quam parum prospère explorata, fecunditas facit. Isdem et pourront vous en donner plus tard. C'est un espoir
que nous garantit cette maternité elle-même quelque
nunc ego te quibus ipsum me, hortor, moneo, conflrmo. malheureuse qu'en ait été l'issue. J'use en ce moment
Neque enim ardentius tu pronepotes quam ego liberos des consolations que je me donne à moi-même pour
vous encourager, vous raisonner, vous fortifier. Car vous
îupio, quibus videor a meo tuoque latere pronum ad ne désirez pas plus ardemment des arrière-petits-fils,
honores iter et audita latius nomina et non subitas ima- que je ne souhaite des enfants, auxquels je me flatte
gines relicturus. Nascantur modo et hune nostrum dolo^ de laisser, soit de mon côté, soit du vôtre, un chemin
facile vers les honneurs, un nom assez connu, et une
rem gaudio mutent. Vale. noblesse qui ne sera pas celle de parvenus. Puissent-ils
naître seulement, et changer notre douleur actuelle en
joie ! Adieu.
X I . — C. PLINIUS HISPULLAE SUAE S.
XI. — C. P L I N E SALUE SA CHÈRE HISPULLA
Cum afîectum tuum erga fratris flliam cogito, etiam
materna indulgentia molliorem, intellego prius tibi quod En pensant à votre affection pour votre nièce, plus
tendre même que celle d'une mère pour sa fille, je sens
est posterius nuntïandum, ut prœsumpta laetitia solli- qu'il faut vous donner d'abord les nouvelles que je
citudini locum non relinquat. Quamquam vereor, ne devrais vous donner après, afin qu'une joie anticipée ne
laisse plus de place à l'inquiétude. J'ai peur cependant
post gratulationêm quoque in metum redeas atque ita que même après vous être félicitée vous ne retombiez
gaudeas periculo liberatam, ut simul quod periclitata dans la crainte, et que tout en vous réjouissant de savoir
158 C. PLINII SECUNDI. — LIBER VIII PLINE LE JEUNE. — LIVRE VIII 159

sit perhorrescas. Jam hilaris, jam sibi, jam mihi reddita votre nièce hors de danger, vous ne frémissiez d'apprendre
incipit refici, transmissumque discrimen convalescendo qu'elle a été en péril. Enfin sa gaieté renaît, enfin, rendue
à elle-même et à moi, elle commence à reprendre ses
remetiri. Fuit alioqui in summo discrimine (impune forces et à remonter dans sa convalescence la pente
dixisse liceat), fuit nulla sua culpa, setatis aliqua. Inde dangereuse qu'elle avait descendue. Car elle a couru un
abortus et ignorati uteri triste experimentum. Proinde, très grand danger — que cette parole ne nous soit pas
funeste ! — et elle l'a couru non par sa faute, mais un
etsi non contigit tibi desiderium fratris amissi aut nepote peu par celle de son âge. De là sa fausse couche et la
ejus aut nepte solari, mémento tamen dilatum magis triste expérience d'une grossesse qu'elle ignorait. Ainsi,
quoiqu'il ne vous soit pas donné d'adoucir le regret que "
istud quam negatum, cum salva sit ex qua sperari potest.
vous cause la perte d'un frère, par la naissance de son
Simul excusa patri tuo casum, cui paratior apud feminas petit-fils ou de sa petite-fille, souvenez-vous que ce
venia. Vale. bonheur est différé plutôt que perdu, puisque nous con-
servons celle de qui nous pouvons l'attendre. Excusez
aussi auprès de votre père ce malheur, que les femmes
XII. — C. PLINIUS MINICIANO SUO S. sont toujours plus disposées à pardonner. Adieu.

Hune solum diem excuso; recitaturus est Titinius XII. — C. P L I N E SALUE SON CHER MINICIANUS
Capito, quem ego audire nescio magis debeam an cupiam. Je me donne vacances pour aujourd'hui seulement;
Vir est optimus et inter prsecipua sseculi ornamenta Titinius Capito 50 doit faire une lecture publique et c'est
pour moi un devoir autant qu'un plaisir de l'entendre.
numerandus. Colit studiâ, studiosos amat, fovet, pro-
C'est un homme éminent et qu'on doit regarder comme
vehit, multorum qui aliqua componunt, portus, sinus, un des principaux ornements de notre siècle. Il cultive
gremium, omnium exemplum, ipsarum denique littera- les lettres, il aime ceux qui s'y adonnent, il les aide,
il les pousse; pour beaucoup de ceux qui écrivent, il
rum jam senescentium reductor ao reformater. Domum est un port, un asile, des bras ouverts, pour tous un
suam recitantibus preebet, auditoria, non apud se tan- exemple, enfin pour les lettres elles-mêmes, tombées en
décadence, un restaurateur et un réformateur. Il offre
tum, benignitate mira fréquentât; mihi certe, si modo sa maison à ceux qui donnent des lectures, il fréquente
in Urbe, défuit numquam. Porro tanto turpius gratiam les salles de lecture, même hors de chez lui, avec une
non referre, quanto honestior causa referendse. An, si admirable complaisance; quant aux miennes, sûrement
il n'y a jamais manqué, s'il se trouvait à la ville. Il serait
litibus tererer, obstrictum esse me crederem obeunti donc d'autant plus honteux pour moi de ne pas lui
vadimonia mea, nunc, quia omne negôtium, omnis in rendre la pareille, quand j'ai des motifs si pressants de
de le faire. N'est-ce pas que, si j'étais pressé par un procès,
studiis cura, minus obligor tanta sedulitate celebranti, je me croirais obligé envers celui qui m'accompagnerait
in quo obligari ego. ne dicam solo, certe maxime possum? à l'audience? Et maintenant que ma seule affaire, mon
160 C. PLINII SECUNDI. LIBER VIII PLINE LE JEUNE. LIVRE VIII 161

Quod si illi nullam vicem, nulla quasi mutua officia unique souci est celui des lettres, je serais moins obligé
deberem, sollicitarer tamen vel ingenio hominis pulchér- envers celui qui m'assiste avec tant d'empressement,
rimo et maximo et in summa severitate dulcissimo, vel dans le cas où l'on peut, je ne dirai pas exclusivement,
mais à coup sûr le mieux m'obliger! Même si je ne lui
honestate materise. Scribit exitus illustrium virorum, devais aucun retour, aucune réciprocité, dirai-je, de bons
in iis quorundam mini carissimorum. Videor ergo fungi offices, je céderais cependant à l'attrait soit de son talent
pio munere, quorumque exsequias celebrare non licuit, si grand, si noble, si doux dans son austérité, soit de
son sujet si beau. Il écrit la fin d'hommes illustres,
horum quasi funebribus laudationibus, seris quidem, sed
dont quelques-uns m'ont été très chers. Je crois donc
tanto magis veris, interesse. Vale. accomplir un pieux devoir, à l'égard de ceux dont il ne
m'a pas été permis de suivre les obsèques, en assistant
à ces sortes d'oraisons funèbres, tardives certes, mais
X I I I . — C. PLINIUS GENIALI SUO S. d'autant plus sincères. Adieu.

Probo quod libellos meos cum pâtre legisti. Pertinet


X I I I . — C. P L I N E SALUE SON CHER GENIALIS
ad profectum tuum a disertissimo viro discere, quid
laudandum, quid reprehendendum, simul ita institui, Vous avez eu raison de lire mes modestes ouvrages
avec votre père. Il est utile à vos progrès d'apprendre
ut verum dicere assuescas. Vides quem sequi, cujus d'un homme si éclairé ce qu'il faut louer, ce qu'il faut
debeas implere vestigia. O te beatum ! cui contigit unum blâmer et en même temps de vous former sous sa direc-
atque idem optimum et conjunctissimum exemplar, qui tion à l'habitude de dire la vérité. Vous voyez qui vous
devez imiter, de qui vous devez suivre la trace. Que
denique eum potissimum imitandum habes, cui natura vous êtes heureux, vous qui avez eu le bonheur de trouver
esse te simillimum voluit. Vale. un modèle excellent à la fois et tendrement aimé, vous
qui enfin avez à imiter juste celui à qui la nature a voulu
que vous ressembliez le plus. Adieu.
XIV. — C. PLINIUS ARISTONI SUO S.
51
XIV. — C. PLINE SALUE SON CHER ARISTO
Cum sis peritissimus et privati juris et publici, cujus
pars senatorium est, cupio ex te potissimum audire, Comme vous êtes fort savant aussi bien dans le
erraverim in senatu proxime necne non ut in prseter- droit privé que dans le droit public, dont fait partie le
droit sénatorial, je désirerais apprendre surtout de vous
itum (sérum enim), verum ut in futurum, si quid simile
si dernièrement je me suis trompé au sénat ou non; ce
inciderit, erudiar. n'est pas pour le passé — car il serait trop tard — mais
Dices : « Cur qussris quod nosse debebas? » Priorum pour l'avenir, si un cas semblable venait à se présenter,
que je serais heureux d'être renseigné. Vous me direz :
temporum servitus, ut aliarum optimarum artium, sic « Pourquoi demander ce que vous devriez savoir? »
etiam juris senatorii oblivionem quandam et ignoran- La servitude des derniers temps a amené l'oubli et
P L I N E L E JEUNE. T. n. Il
162 C. PLINII SECUNDI. — LIBER VIII PLINE LE JEUNE. — LIVRE VIII 163

tiam induxit. Quotus enim quisque tam patiens, ut velit l'ignorance de beaucoup d'autres connaissances utiles
discere quod in usu non sit habiturus? Adde quod et en particulier du droit sénatorial. Combien trouvera-
t-on d'hommes assez patients pour se résoudre à apprendre
difficile est tenere quse acceperis, nisi exerceas. Itaque
ce qui ne doit leur être d'aucun usage? Ajoutez qu'il
reducta libertas rudes nos et imperitos deprehendit ; est difficile de retenir ce qu'on a appris, si on ne le met
cujus dulcedine accensi cogimur qusedam facere ante pas en pratique. Aussi le retour de la liberté nous a
trouvés novices et inexpérimentés; séduits par sa dou-
quam nosse.
ceur nous sommes forcés d'agir parfois avant de savoir.
Erat autem antiquitus institutum ut a majoribus Les anciennes institutions voulaient que nos aînés
natu, non auribus modo, verum etiam oculis disceremus nous apprissent non seulement par les oreilles, mais
encore par les yeux, les règles que nous devions ensuite
quse facienda, mox ipsi, ac per vices quasdam tradenda appliquer nous-mêmes et puis transmettre comme à
minoribus haberemus. Inde adulescentuli statim cas- tour de rôle à nos cadets. C'est pourquoi les jeunes gens
trensibus stipendiis imbuebantur, ut imperare parendo, étaient tout de suite initiés au service militaire, afin
de s'habituer à commander en obéissant, et à marcher
duces agere, dum sequuntur, assuescerent. Inde honores en tête à force de suivre; c'est pourquoi ceux qui
petituri assistebant curiœ foribus, et consilii publici visaient aux honneurs se tenaient aux portes de la
spectatores ante quam consortes erant. Suus cuique curie et assistaient en spectateurs au gouvernement de
l'état avant d'y être acteurs. Chacun avait son père
parens pro magistro, aut cui parens non erat, maximus
pour maître, et celui qui n'avait plus son père, en trou-
quisque et vetustissimus pro parente. Quse potestas vait un parmi les plus illustres ou les plus anciens séna-
referentibus, quod censentibus jus, quse vis magistra- teurs. Quel était le pouvoir de ceux qui proposaient les
affaires 52, le droit de ceux qui opinaient, l'autorité des
tibus, quse ceteris libertas, ubi cedendum, ubi resisten-
magistrats, la liberté, des autres citoyens, quand fallait-il
dum, quod silendi tempus, quis dicendi modus, quœ céder, quand devait-on résister, dans quel cas se taire,
distinctio pugnantium sententiarum, quœ exsecutio prio- combien de temps parler, comment séparer les parties
contradictoires d'une proposition, comment ajouter à
ribus aliquid addentium, omnem denique senatorium
une proposition déjà faite, en un mot toutes les règles
morem, quod fidelissimum prsecipiendi genus, exemplis sénatoriales étaient apprises par l'exemple, le plus sûr
docebantur. de tous les maîtres. Nous, au contraire, nous avons
bien passé une partie de notre jeunesse dans les camps,
At nos juvenes fuimus quidem in castris; sed cum mais c'était au moment où le zèle était suspect, l'in-
suspecta virtus, inertia in pretio, cum ducibus aucto- capacité estimée, les chefs sans autorité, les soldats sans
ritas nulla, nulla militibus verecundia, nusquam impe- respect, le commandement nulle part, nulle part l'obéis-
sance, le relâchement partout, partout le désordre
rium, nusquam obsequium, omnia soluta, turbata, atque et même la révolte, enfin toutes les disciplines bonnes
etiam in contrarium versa, postremo obliviscenda magis à être oubliées plutôt que retenues. Nous avons con-
quam tenenda. Idem prospeximus curiam trepidam et templé aussi la curie, mais une curie tremblante et
164 C. PLINII SECUNDI. LIBER VIII
PLINE L E JEUNE. LIVRE VIII 165

elinguem, cum dicere quod velles, periculosum, quod muette, car, dire ce que l'on pensait était périlleux,
nolles, miserum esset. Quid tune disci potuit, quid didi- et dire ce que l'on ne pensait pas, misérable. Quelles
cisse juvit, cum senatus aut ad otium summum, aut ad leçons pouvait-on recevoir, quelle utilité de les avoir
reçues, dans un temps où l'on ne demandait au sénat
summum nefas vocaretur? et modo ludibrio, modo dolori
que le plus parfait désœuvrement ou les plus grands
retentus, numquam séria, tristia ssepe censeret? Eadem crimes, où il n'était maintenu que pour servir tantôt
mala jam senatores, jam participes malorum, multos de jouet, tantôt de souffre-douleur, et où ses décisions
n'étaient jamais sérieuses, mais souvent terribles. Ce
per annos vidimus tulimusque, quibus ingénia nostra in
sont les mêmes maux que, devenus sénateurs, devenus
posterum quoque hebetata, fracta, contusa sunt. Brève victimes à notre tour, nous avons vus et subis durant
tempus (nam tanto brevius omne, quanto felicius tempus), de longues années, et dont nos esprits ont été même
pour l'avenir emoussés, brisés, écrasés. Depuis peu de
quo libet scire quid simus, libet exercere quod scimus.
temps — car le temps passe d'autant plus vite qu'il est
Quo justius peto primum ut errori (si quis est error) plus heureux — nous désirons savoir ce que nous sommes,
tribuas veniam; deinde medearis scientia tua, cui sem- nous désirons pratiquer ce que nous savons.
J'ai donc bien le droit de vous demander d'abord
per fuit curse, sic jura publica ut privata, sic antiqua ut
d'excuser mon erreur, si erreur il y a, ensuite d'y appli-
recentia, sic rara ut assidua tractare. Atque ego arbi- quer le remède de votre science, qui s'est toujours préoc-
tror illis etiam, quibus plurimarum rerum agitatio fre- cupée du droit public comme du droit privé, des usages
anciens comme des nouveautés, des pratiques rares autant
quens nihil esse ignotum patiebatur, genus quœstionis,
que des plus communes. De plus, je pense que ceux
quod afîero ad te, aut non satis tritum aut etiam inex- mêmes, à qui l'habitude de traiter des affaires variées ne
pertum fuisse. Hoc et ego excusatior, si forte sum lap- permet de rien ignorer, risquent ou d'être peu instruits
du genre de question que je vous soumets ou même de
sus, et tu dignior laude, si potes id quoque docere, quod
ne l'avoir jamais rencontré. Je suis donc plus excusable,
in obscuro est an didiceris. si par hasard je me suis trompé, et vous êtes plus digne
Referebatur de libertis Afranii Dextri consulis, incer- de louanges, si vous pouvez m'instruire même de ce
qu'il n'est pas sûr que vous ayez appris.
tum sua an suorum manu, scelere an obsequio, perempti.
On traitait l'affaire des affranchis du consul Afranius
Hos alius (quis? inquis; ego, sed nihil refert) post quœs- Dexter, dont on ne savait s'il avait péri de sa propre
tionem supplicio liberandos, alius in insulam relegandos, main ou de celle de ses gens, par un crime ou par un acte
alius morte puniendos arbitrabatur. Quarum sententia- d'obéissance. L'un de nous (qui? demandez-vous ; moi,
mais peu importe) était d'avis de les renvoyer absous
rum tanta diversitas erat, ut non possent esse nisi sin- après la question, un autre de les reléguer dans une île,
gulae. Quid enim commune habet occidere et relegare? un autre de les punir de mort. Ces sentences étaient si
non hercule magis quam relegare et absolvere; quam- différentes, qu'elles s'excluaient l'une l'autre. Qu'ont de
commun en effet la mort et le bannissement? Rien de
quam propior aliquanto est sententise releganti, quœ plus, vraiment, que le bannissement et l'acquittement;
166 G. PLINIÎ SECtfNDI. — LIBER VÎII PLINE LE JEUNE. — LIVRE VIII 167

absolvit, quam quœ occidit (utraque enim ex illis vitam encore la proposition d'acquittement se rapproche plus
relinquit, hsec adimit), cum intérim et qui morte punie- du bannissement que de la mort (les deux premières en
effet laissent la vie, la dernière l'ôte), et pourtant ceux
bant et qui relegabant, una sedebant, et temporaria qui punissaient de mort et ceux qui condamnaient au
simulatione concordiœ discordiam differebant. Ego pos- bannissement s'étaient groupés ensemble et, feignant
tulâbam Ut tribus sententiis constaret suus mimerus nec un accord momentané, suspendaient pour un moment
leur désaccord.
se brevibus induciis duse jungerent. Exigebam ergo ut, Moi je demandais que chacun des trois avis formât son
qui capitali supplicio afflciendos putabant, discederent groupe et que deux ne se réunissent pas à la faveur d'une
a relegante, nec intérim contra absolventes mox dissen- courte trêve. J'exigeais donc que ceux qui opinaient
pour la condamnation à la peine capitale se séparassent
suri congregarentur, quia parvulum referret, an idem
de ceux qui bannissaient, et que ces deux partis, tout
displiceret, quibus non idem placuisset. Illud etiam mihi prêts à se séparer ensuite, ne s'unissent pas momenta-
permirum videbatur, eum quidem qui libertos relegan- nément contre les partisans de l'acquittement, parce
qu'il importait fort peu s'ils s'entendaient sur un point,
dos, servos supplicio afflciendos Censuisset, .coactum
mais ne s'entendaient pas sur l'autre. Il me semblait
esse dividere sententiam, hune autem qui libertos morte en outre bien étrange que celui qui avait été d'avis de
multaret cum relegante numerari. Nam si oportuisset bannir les affranchis, de condamner à mort les esclaves
dividi sententiam unius, quia res duas comprehendebat, eût été obligé de diviser sa proposition, tandis que celui
qui punissait de mort les affranchis était réuni avec
non reperiebam quemadmodum posset jungi sententia celui qui les bannissait. Car s'il fallait diviser l'avis d'une
duorum tam diversa censentium. Atque adeo permitte même personne, parce qu'il contenait deux parties, je
mihi sic apud te, tamquam ibi, sic peracta re, tamquam ne comprenais pas comment on pouvait réunir les avis
de deux groupes dont les propositions étaient si con-
adhuc intégra rationem judicii mei reddere; quaeque traires. Mais, je vous prie, permettez-moi d'exposer les
tUnc carptim, multis obstrepentibus, dixi, nunc per raisons de mon sentiment à votre barre, comme là-bas,
ôtium jungere. après que l'affaire est terminée comme lorsqu'elle était
intacte, et de vous présenter maintenant avec suite dans
Fingamus très omnino judices in hanc causam datos le loisir mes paroles d'alors qui furent hachées de mille
esse, horum uni placuisse perire libertos, alteri relegari, interruptions.
Supposons que l'on eût nommé trois juges seulement
tertio absolvi. Utrumne sententiœ duœ, collatis viribus,
pour cette affaire, que l'un demandât la mort des affran-
novissimam périment, an separatim unaquseque tan- chis, le deuxième leur bannissement, le troisième leur
tumdem quantum altéra valebit, nec màgis poterit cum acquittement. Les deux premiers avis, unissant leurs
forces, supprimeront-ils le dernier, ou bien chacun des
secunda prima conecti, quam secunda cum tertia? Igitur
trois séparément sera-t-il aussi fort que les autres, sans
in senatu quoque numerari tamquam contrariée debent, qu'il soit possible de joindre plutôt le premier avec le
quse tamquam diversse dicuntur. Quod si unus atqtie second que le second avec le troisième? Donc, dans le
168 C. PLINII SECUNDI. —• LIBER VIII PLINE LE JEUNE. LIVRE VIII 169

idem et perdendos censeret et relegandos, num ex sen- sénat aussi, il faut tenir pour contraire des avis que l'on
tentia unius et perire possent et relegari? num denique y a donnés comme visant à des résultats opposés. Que
si un seul et même opinant votait la mort et le bannisse-
omnino una sententia putaretur, quse tam diversa con- ment, pourrait-on en vertu de cette unique sentence à
jungeret? Quemadmodum igitur, cum alter puniendos, la fois les mettre à mort et les bannir? Regarderait-on
enfin comme une sentence unique celle qui réunirait des
alter censeat relegandos, videri potest una sententia, alternatives si opposées? Comment donc peut-on, quand
quod dicitur a duobus, quse non videretur una, si ab l'un vote la mort, l'autre le bannissement, considérer
comme une sentence unique, sous prétexte qu'elle est
uno diceretur?
prononcée par deux opinions, une sentence qui ne paraî-
Quid? lex non aperte docet dirimi debere sententias trait pas unique, si elle était prononcée par un seul?
occidentis et relegantis, cum ita discessionem fieri jubet : Mais la loi ne vous enseigne-t-elle pas clairement que
l'on doit séparer la sentence de mort de celle du bannisse-
Qui heec censetis, in hanc partem; qui alia omnia, in ment, quand elle ordonne que, pour recueillir les votes,
illam partem ite, qua sentitis? Examina singula verba et ou se serve de ces termes : « Vous qui êtes de cet avis,
rangez-vous de ce côté-ci; vous qui êtes d'une opinion
expende. Qui heec censetis, hoc est, qui relegandos puta- tout opposée, allez de ce coté-là, avec ceux de votre
tis, 'in hanc partem, id est, in eam in qua sedet qui censuit sentiment. » Examinez et pesez chaque mot : « Vous qui
êtes de cet avis », c'est-à-dire, qui opinez pour le bannis-
relegandos. E x quo manifestum est, non posse in eadem
sement, « rangez-vous de ce côté-ci », c'est-à-dire du côté
parte remanere eos qui interflciendos arbitrantur. Qui où est assis celui qui a opiné pour le bannissement. D'où
alia omnia, animadvertis ut non contenta lex dicere il résulte clairement que ceux qui se décident pour la
mort ne peuvent rester du même côté. « Vous qui êtes
alia, addicerit, omnia. Num ergo dubium est alia omnia d'une opinion tout opposée », vous remarquez que la loi
sentire eos qui occidunt, quam qui relegant? In illam ne se contente pas de dire « opposée », mais ajoute « tout ».
Peut-on douter qu'ils soient d'un sentiment tout opposé
partem ite, qua sentitis. Nonne videtur ipsa lex eos qui ceux qui veulent la mort et ceux qui veulent le bannisse-
dissentiunt, in contrariam partem vocare, cogère, impel- ment? « Allez de ce côté-là, avec ceux de votre opinion » ;
n'est-il pas visible que la loi avec précision invite ceux
lere? Non consul etiam, ubi quisque remanere, quo trans- qui sont d'avis différents à se ranger de côtés opposés,
gredi debeat, non tantum sollemnibus verbis, sed manu les y pousse, les y contraint? Et le consul aussi n'indique-
gestùque demonstrat? t-il pas à chacun, non seulement par une formule solen-
nelle, mais encore de la main et du geste, où il doit rester,
At enim futurum est, ut, si dividantur sententiae inter- où il doit passer?
ficientis et relegantis, prsevaleat illa quse absolvit. Quid Mais, dira-t-on, il arrivera que, si l'on sépare les sen-
tences de mort et de bannissement, l'acquittement l'em-
istud ad censentes? quos certe non decet omnibus arti- porte. Quelle valeur a cette objection pour les opinants?
bus, omni ratione pugnare, ne fiât quod est mitius. N'est-il pas certain que leur devoir ne consiste pas à
170 C. PLINII SECUNDÎ. — LIBER VIII PLINE LE JEUNE. — LIVRE VIII 171

Oportet tamen eos qui puniunt et qui relegant absolven- mettre tout en œuvre, à user de tous les moyens pour
tibus primum, mox inter se comparari. Scilicet ut in écarter la décision la plus douce? Il faut cependant,
ajoute-t-on, que ceux qui condamnent à la peine capitale,
spectaculis quibusdam sors aliquem seponit ac servat, et ceux qui bannissent soient d'abord confrontés avec
qui cum victore contendat, sic in senatu sunt aliqua ceux qui acquittent, et puis entre eux. Il en est donc
comme dans certains spectacles où le tirage au sort sépare
prima, sunt secunda certamina, et ex duabus sententiis, et réserve un concurrent pour lutter contre le vainqueur,
eam quse superior exierit, tertia exspectat. Quid quod, ainsi dans le sénat il y a de premiers combats, de seconds
et de deux avis celui qui l'emporte sur l'autre doit se
prima sententia comprobata, ceterse perimuntur? Qua mesurer avec un troisième qui l'attend. Mais, quand le
ergo ratione potest esse unus atque idem locus sententia- premier avis est adopté, tous les autres ne tombent-ils
pas d'eux-mêmes? Comment donc peut-on ne pas donner
rum, quarum nullus est postea? Planius repetam. Nisi,
un seul et même rang à des sentences, qui toutes doivent
dicente sententiam eo qui relegat, illi qui puniunt capite, ensuite n'être comptées pour rien? Je réprends plus
initio statim in alia discedunt, frustra postea dissentiént clairement. Si, au moment même où celui qui opine
pour le bannissement exprime son avis, ceux qui con-
ab eo, cui paulo ante consenserint. Sed quid ego similis damnent à mort ne se rangent pas aussitôt à l'avis con-
docenti, cum discere velim an sententias dividi, an iri in traire, c'est en vain qu'ensuite ils repousseront un parti
auquel ils se seront associés peu avant. Mais quelle idée
singulas oportuerit? de m'ériger en maître, quand je désire apprendre si l'on
Obtinui quidem quod postulabam; nihilominus tâmen devait diviser les avis ou voter après en avoir groupé
deux ensemble chacun des trois séparément?
qusero art postulare dêbuérim an abstinere. Quemad-
J'ai obtenu ce que je réclamais; mais je n'en demande
modum obtinui? Qui ultimum supplicium sumendum pas moins si j'ai eu raison dé le réclamer. Comment l'ai-je
essé censebat, nescio an jure, certe sequitate postula- obtenu? Celui qui proposait le dernier supplice, vaincu,
je n'ose dire par la légalité de ma réclamation, mais cer-
tionis mese viotus, omissa sententia sua, accessit rele- tainement par son équité, a renoncé à son avis et s'est
ganti, veritus scilicet ne, si dividerentur sententise (quod rangé du côté de celui qui concluait au bannissement,
alioqui fore videbatur), ea, quse absolvendos esse cense- dans la crainte sans doute que, si l'on séparait les avis,
ce qui sans cela paraissait inévitable, celui qui concluait
bat, numéro prsevaleret; etenim longe plures in hac à l'acquittement ne prévalût. Car cette sentence réunis-
una, quam in duabus singulis, erant. Tum illi quoque sait à elle seule beaucoup plus de partisans que chacune
des deux autres. Alors ceux mêmes que son autorité en-
qui auctoritate ejus trahebantur transeunte illo destituti traînait, désemparés par ce revirement, renoncèrent à un
reliquerunt sententiam ab ipso atictore desertam secu- avis que son auteur lui-même abandonnait et suivirent
comme transfuge celui qu'ils suivaient comme chef.
tique sunt quasi transfugam, quem ducem sequebantur.
Ainsi les trois avis se réduisirent à deux et de ces deux
Sic ex tribus sententiis duse factse, tenuitque ex duabus le second l'a emporté, par l'exclusion du troisième, qui,
PLINE LE JEUNE. LIVRE VIII 173
172 C. PLINII SECUNDI. LIBER VIII

altéra, tertia expulsa, quse cum amba superare non posset, ne pouvant triompher des deux réunis, a choisi celui
auquel il céderait. Adieu.
elegit ab utra vinceretur. Vale.
X V . — C. PLINE SALUE SON CHER JUNIOR
XV. — C. PLINIUS JUNIORI SUO S. Je vous accable en vous envoyant tant de volumes à
la fois; mais je vous en accable, d'abord parce que vous
Oneravi te tôt pariter missis voluminibus, sed oneravi me l'avez demandé, ensuite parce que vous m'avez écrit
que les vendanges étaient très maigres chez vous, d'où
primum quia exegeras, deinde quia scripseras tam gra-
j'ai bien compris que vos loisirs de vendangeur fourni-
ciles istic vindemias esse, ut plane scirem tibi vacaturum raient, suivant le dicton, des loisirs au lecteur. Je reçois
(quod vulgo dicitur) librum légère. Eadem ex meis agellis de mes modestes terres les mêmes nouvelles. J'aurai
donc aussi le temps d'écrire pour vous fournir des lec-
nuntiantur. Igitur mihi quoque licebit scribere quse tures, pourvu que j'aie de quoi acheter du papier; sinon
legas, sit modo unde chartse emi possint; aut necessario je serai contraint d'effacer tout ce que j'aurai écrit, bon
ou mauvais. Adieu.
quicquid scripserimus boni malive delebimus. Vale.

XVI. — C. PLINE SALUE SON CHER PATERNUS


XVI. — C. PLINIUS PATERNO SUO S.
J'ai été accablé par des maladies de mes gens, par
des morts même, et des morts de jeunes serviteurs. Deux
Confecerunt me inflrmitates meorum, mortes etiam, consolations me restent, bien insuffisantes pour un tel cha-
et quidem juvenum. Solatia duo nequaquam paria tanto grin, mais des consolations cependant. La première,
dolori, solatia tamen; unum facilitas manumittendi ; c'est d'accorder avec facilité les affranchissements; car
il me semble que je n'ai pas perdu tout à fait avant
videor enim non omnino immaturos perdidisse, quos jam l'âge ceux que j'ai perdus après qu'ils eurent reçu la
liberos perdidi, alterum, quod permitto servis quoque liberté; la seconde, c'est mon habitude de permettre aux
esclaves mêmes de faire une sorte de testament que
quasi testamenta facere eaque ut légitima custodio. j'observe aussi exactement que s'il était légal. Ils expri-
Mandant rogantque quod visum; pareo ut jussus. Divi- ment leurs volontés, leurs vœux en toute liberté; j ' y
obéis comme à des ordres. Ils partagent, ils donnent,
dunt, donant, relinquunt, dumtaxat intra domum; nam
ils lèguent, pourvu que tout reste dans la maison; car
servis respublica qusedam et quasi civitas domus est. pour des esclaves la maison est comme leur patrie, leur
Sed quamquam his solatiis acquiescam, debilitor et fran- cité. Mais, quoique je trouve quelque apaisement dans
ces consolations, je reste meurtri et brisé par le senti-
gor eadem illa humanitate, quse me ut hoc ipsum per- ment d'humanité même qui m'a inspiré ces complai-
mitterem induxit. sances.
Non ideo tamen velim durior fieri; nec ignoro alios Je ne voudrais pas toutefois en devenir plus dur. Je
174 C. PLINII SECUNDI. — LIBER VIII PLINE LE JEUNE. — LIVRE VIII 175

ejusmodi casus nihil amplius vocare quam damnum, n'ignore pas que d'autres se contentent d'appeler perte
eoque sibi magnos homines et sapientes videri. Qui an d'argent les malheurs de ce genre et se croient après cela
de grands hommes et des sages. Qu'ils soient grands ou
magni sapientesque sint nescio, homines non sunt. Homi- sages, je l'ignore; mais des hommes, non. Un homme
nis est enim afflci dolore, sentire, resistere tamen et doit être accessible à la douleur, la ressentir, y résister
solatia admittere, non solatiis non egere. cependant et accepter les consolations, non pas n'avoir
besoin d'aucune consolation.
Verum de his plura fortasse quam debui, sed pauciora
Mais en voilà sur ce sujet plus peut-être que je n'aurais
quam volui. Est enim quœdam etiam dolendi voluptas, dû, moins certainement que je n'aurais voulu. Car il y a
prsesertim si in amici sinu defleas, apud quem lacrimis même dans la douleur une certaine volupté, surtout lors-
tuis vel laus sit parata vel venia. Vale. qu'elle s'épanche dans le cœur d'un ami, auprès duquel
nos larmes trouvent toutes prêtes ou une approbation
ou une excuse. Adieu.
X V I I . — C. PLINIUS MACRINO SUO S.
X V I I . — C. P L I N E SALUE SON CHER MACRINUS
Num istic quoque immite et turbidum cœlum? Hic
assiduse tempestates, et crebra diluvia. Tiberis alveum Est-ce que dans votre pays aussi le temps est maus-
excessit, et demissioribus ripis alte superfunditur. Quam- sade et orageux? Ici ce sont des tempêtes continuelles
et de fréquentes inondations. Le Tibre est sorti de son
quam fossa, quam providentissimus imperator fecit, lit et coule à flots profonds par dessus les parties basses
exhaustus, premit valles, innatat campis, quaque planum de ses rives. Quoiqu'un canal, creusé par l'admirable
solum, pro solo cernitur. Inde quse solet flumina accipere prévoyance de l'empereur, recueille une partie des eaux,
il remplit les vallées, il couvre les campagnes, partout
et permixta devehere velut obvius sistere cogit; atque
où le terrain est plat, au lieu du terrain on ne voit que
ita alienis aquis operit agros, quos ipse non tangit. lui. Par suite, au lieu de recevoir comme d'ordinaire
Anio, delicatissimus amnium ideoque adjacentibus villis ses affluents et de rouler leurs eaux mêlées aux siennes,
velut invitatus retentusque, magna ex parte nemora il semble aller au-devant d'eux et les refouler, recouvrant
ainsi d'eaux qui ne lui appartiennent pas les terres qu'il
quibus inumbratur fregit et rapuit; subruit montes et n'atteint pas lui-même. L'Anio, la plus charmante des
decidentium mole pluribus locis clausus, dum amissum rivières, que les villas bâties sur ses bords ont l'air d'in-
iter quserit, impulit tecta, ac se super ruinas ejecit atque viter et de retenir, a brisé et emporté en grande partie
les bois qui l'ombragent. Minées par lui des hauteurs
extulit. Viderunt quos excelsioribus terris illa tempestas se sont éboulées et leur masse l'obstruant sur plusieurs
non deprehendit alibi divitum apparatus et gravem supel- points, tandis qu'il cherchait son cours perdu, il a jeté
lectilem, alibi instrumenta ruris, ibi boves, aratra, rec- bas des maisons, puis s'est répandu et élevé sur leurs
ruines. Ceux qui ont été surpris par cet ouragan en des
tores, hic soluta et libéra armenta atque interhœc arborum
lieux plus élevés ont vu ici les mobiliers des riches,
truncos aut villarum trabes atque culmina varie lateque de la vaisselle massive, là des instruments agricoles,
176 C. PLINII SECUNDI. LIBER VIII PLINE LE JEUNE. LIVRE VIII 177

fluitantia. Ac ne illa quidem loca vacaverunt, ad qu£e ici des bœufs avec les charrues et les laboureurs, là des
non ascendit amnis. Nam pro amne imber assiduus et troupeaux de bœufs lâchés et livrés à eux-mêmes, et
dejecti nubibus turbines, proruta opéra, quibus pretiosa parmi tout cela des troncs d'arbres, des poutres de
villas qui flottaient de tous côtés. Le désastre n'a pas
rura cinguntur, quassata atque etiam decussa monumenta. même épargné les lieux que n'atteint pas le niveau du
Multi ejusmodi casibus debilitati, obruti, obtriti, et aucta fleuve. Car au lieu du fleuve ce furent des pluies incessantes
luctibus damna. et des trombes précipitées des nuages, l'écroulement des
ouvrages qui entourent les campagnes les plus riches,
Ne quid simile istic, pro mensura periculi, vereor des tombeaux lézardés ou renversés; beaucoup de per-
teque rogo, si nihil taie est, quam maturissime sollicitu- sonnes ont été blessées, ensevelies, écrasées par des
dini mese consulas; sed et si taie, id quoque nunties. accidents de ce genre et les deuils s'ajoutent aux dom-
mages 53.
Nam parvulum differt patiaris adversa an exspectes,
Je crains qu'il n'en soit arrivé autant chez vous, et
nisi quod tamen est dolendi modus, non est timendi. je mesure ma crainte à la grandeur du péril; s'il n'en est
Doleas enim quantum scias accidisse, timeas quantum rien, je vous supplie d'apaiser au plus tôt mon inquiétude;
possit accidere. Vale. mais même s'il en était ainsi, faites-le moi toujours savoir.
Car il y a fort peu de différence entre subir un malheur
ou l'attendre, si ce n'est toutefois que l'affliction a une
XVIII. — C. PLINIUS RUFINO SUO S. limite, tandis que la crainte n'en a pas. Car on s'afflige
dans la mesure du malheur que l'on sait arrivé, on craint
Falsum est nimirum quod creditur vulgo, testamenta dans la mesure où il peut arriver. Adieu.
hominum spéculum esse morum, cum Domitius Tullus
X V I I I . — C. P L I N E SALUE SON CHER R U F I N
longe melior apparuerit morte quam vita. Nam cum se
captandum prœbuisset, reliquit flliam hœredem, quse Il n'est sûrement pas vrai, comme on le croit généra-
illi cum fratre communis, quia genitam fratre adopta- lement, que le testament soit le miroir du caractère,
puisque Domitius Tullus " vient de se montrer bien
verat. Prosecutus est nepotes plurimis jucundissimisque
meilleur dans la mort que dans la vie. En effet, après
legatis, prosecutus etiam pronepotem, in summa omnia s'être prêté aux captateurs, il a laissé son héritage à sa
pietate plenissima ac tanto magis inexspectata sunt. fille, qui était en même temps celle de son frère, car elle
Ergo varii tota civitate sermones. Alii fictum, ingratum, était née de son frère, et lui l'avait adoptée. Il a gratifié
de legs nombreux et fort agréables ses petits-fils, il en
immemorem loquuntur seque ipsos, dum insectantur a gratifié aussi son arrière petit-fils, bref toutes ses dis-
illum, turpissimis confessionibus produnt, ut qui de positions respirent l'amour de la famille et en sont d'au-
pâtre, avo, proavo, quasi de orbo querantur. Alii contra tant plus surprenantes. On en parle donc très diverse-
hoc ipsum laudibus ferunt, quod sit frustratus improbas ment dans toute la ville; les uns le traitent de fourbe,
d'ingrat, d'oublieux, et, en le déchirant, se trahissent
spes hominum, quos sic decipi pro moribus temporum eux-mêmes par de honteux aveux, puisqu'ils osent se
P L I N E LE JEUNE, T . I I . 12
178 C. PLINII SECUNDI. LIBER VIII PLINE LE JEUNE. LIVRE VIII 179

est. Addunt etiam non fuisse ei liberum alio testamento plaindre d'un homme qui était père, grand-père, arrière-
mori; neque enim reliquisse opes filise, sed reddidisse, grand-père, comme s'il était sans enfants; les autres
quibus auctus per flliam fuerat. Nam Curtilius Mancia au contraire le portent aux nues précisément pour avoir
frustré les espérances malhonnêtes de gens, que nos
perosus generum suum Domitium Lucanum (frater is mœurs actuelles aiment à voir duper ainsi. Ils ajoutent
Tulli), sub ea condicione flliam ejus, neptem suam, ins- même qu'il n'a pas été libre de laisser un testament
tituerai heredem, si esset manu patris emissa. Emiserat différent; car il ne léguait pas, mais rendait à sa fille
des richesses, qu'il avait acquises grâce à sa fille. Car
pater, adoptaverat patruus, atque ita circumscripto tes- Curtilius Mancia détestant son gendre Domitius Lucanus,
tamento, consors frater in patris potestatem emancipa- (c'était le frère de Tullus), avait institué héritière la fille de
tam flliam adoptionis fraude revocaverat, et quidem cum Lucanus, sa propre petite-fille, à la condition que son père
l'émancipât. Le père l'avait émancipée, l'oncle l'avait
opibus amplissimis. adoptée, et ainsi, éludant le testament, le frère, qui vivait
Fuit alioqui fratribus illis quasi fato datum ut divites en communauté de biens avec son frère, avait, par une
adoption fictive, remis sous la puissance de celui-ci sa fille
fièrent, invitissimis a quibus facti sunt. Quin etiam
malgré son émancipation, avec de grandes richesses.
Domitius Afer, qui illos in nomen assumpsit, reliquit D'ailleurs il semble que la destinée de ces frères ait
testamentum ante octo et decem annos nuncupatum été de s'enrichir contre le gré de ceux qui lès ont enrichis.
adeoque postea improbatum sibi, ut patris eorum bona Voici une nouvelle preuve : Domitius Afer, qui les adopta,
laissa un testament enregistré depuis dix-huit ans déjà
proscribenda curaverit. Mira illius asperitas, mira félicitas
et sur lequel il avait depuis si fort changé de sentiment,
horum; illius asperitas, qui numéro civium excidit, quem qu'il poursuivit la confiscation des biens de leur père.
socium etiam in liberis habuit; félicitas horum, quibus Dureté surprenante chez lui, car il chassa du nombre
successit in locum patris, qui patrem abstulerat. Sed des citoyens celui avec qui il eut tout en commun même
les enfants; chance chez eux, car ils retrouvèrent un
haec quoque hereditas Afri, ut reliqua cum fratre quaa- père dans celui qui leur avait enlevé leur père. Mais cet
sita transmittenda erant filise fratris, a quo Tullus ex héritage d'Afer, ainsi que les autres biens acquis par
asse hères institutus prœlatusque filise fuerat, ut conci- les deux frères ensemble devaient passer à la fille de
Lucanus qui avait institué Tullus son légataire universel
liaretur.
au détriment de sa propre fille, pour concilier à celle-ci
Quo laudabilius testamentum est, quod pietas, fldes, la bienveillance de son oncle. Aussi ce testament mérite-
t-il d'autant plus de louanges, que la nature, la loyauté,
pudor scripsit, in quo denique omnibus affinitatibus, la conscience l'ont dicté et qu'il fait enfin à chacun,
pro cujusque offlçio, gratia relata est, relata et uxori. selon son degré de parenté, selon ses droits, sa part,
Accepit amœnissimas villas, accepit magnam pecuniam qu'il la fait même à la veuve du testateur. Elle a reçu
de délicieuses villas, elle a reçu une grande somme d'ar-
uxor optima et patientissima ac tanto melius de viro
gent; il est vrai qu'elle fut la meilleure des épouses, la
mérita, quanto magis est reprehensa quod nupsit. Nam plus patiente et qu'elle a d'autant mieux mérité de son
180 C. PLINII SECUNDI. LIBER VIII PLINE LE J E U N E . LIVRE VIII 181

mulier natâlibus clara, moribus proba, setaté declivis, mari, qu'elle s'est plus exposée au blâme pour l'avoir
diu vidua, mater olim, parum décore secuta matrimo- épousé. Car cette femme de noble naissance, de mœurs
nium videbatur divitis senis ita perditi morbo, ut esse éprouvées, sur le déclin de l'âge, veuve depuis longtemps,
mère autrefois, semblait déchoir en acceptant pour mari
tsedio posset uxori, quam juvenis sanusque duxisset, un riche vieillard, si usé par la maladie qu'il aurait été
quippe omnibus membfis extôrtus et fractus tantas un objet de dégoût même pour une femme qui l'aurait
opes solis oculis ôbibat ac ne in lectulo quidem nisi ab épousé jeune et plein de santé; car estropié et paralysé
de tous les membres, il ne parcourait ses immenses
aliis movebatur, Quin etiam (fœdum miserandumque
richesses que des yeux et ne pouvait bouger même dans
dictu !) dentés lavandos fricandosque prœbebat. Audi- son lit qu'avec l'aide d'autrui. On devait même, quelle
tum est fréquenter ex ipso, cum quereretur de contumeliis humiliation, quelle pitié ! lui laver et brosser les dents,
debilitatis suœ, se digitos servorum suorom cotidie lin- On l'entendit souvent dire lui-même, quand il déplorait
les outrages de la maladie, que chaque jour il léchait les
gere. Vivebat tamen et vivere volebat, sustentante doigts de ses esclaves. Il vivait cependant et il voulait
maxime uxore, quse culpam inchoati matrimonii in glo- vivre, soutenu surtout par sa femme, qui, à force de dévoue-
riam perseverantia verterat. ment, avait fait tourner à sa gloire la faute de cette union.
Voilà tous les racontars de la ville; car Tullus fait le
Habes omnes fabulas Urbis; nam sunt omnes fabulse sujet de tous les racontars. On attend les enchères. Il
Tullus. Exspectatur auctio. Fuit enim tam copiosus, ut était en effet si riche, qu'ayant acheté de vastes jardins,
amplissimos hortos eodem quo emerat die instruxerit il les peuplait le jour même de l'achat d'une foule de statues
fort anciennes; tant il avait de ces œuvres d'art magni-
plurimis et antiquissimis statuis; tantum illi pulcherri- fiques dans ses gardes-meubles, où elles restaient oubliées.
morum operum in horreis, quse neglegebantur. Invi- A votre tour, si vous avez chez vous quelque nouvelle
cem tu, si quid istic epistula dignum, ne gravare. Nam digne d'une lettre, ne reculez pas devant la peine d'écrire.
cum aures hominum novitate lsetantur, tum ad rationem Car d'une part la nouveauté charme les oreilles des
hommes, et d'autre part les exemples nous enseignent
vitse exemplis erudimur. Vale. à vivre. Adieu.

XIX. — C. PLINE SALUE SON CHER MAXIMUS


XIX. — G. PLINIUS MAXIMO SUO S.
Je trouve dans les lettres et joie et consolation; il
n'est rien de si agréable qu'elles ne rendent plus agréable,
Et gaudium mihi et solatium in litteris nihilque tam rien de si triste qui ne devienne par elles moins triste.
lastum quin his lœtius, nihil tam triste quod non per has Aussi bouleversé par la mauvaise santé de ma femme,
minus triste. Itaque et infirmitate uxoris et meorum par les maladies graves de mes gens, et même par la
mort de quelques-uns, j'ai recours à l'unique adoucis-
periculo, quorundam vero etiam morte turbatus, ad sement de la douleur, à l'étude, qui me donne le sen-
unicum doloris levamentum, studia, confugi, quae prœs- timent plus vif de mes maux, mais aussi le courage de
182 C. PLINII SECUNDI. LIBER VIII PLINE LE JEUNE. LIVRE VIII 183

tant ut adversa magis intellegam, sed patientius feram. les supporter. Or, j'ai l'habitude, quand je dois livrer
Est autem mini moris, quod sum daturus in manus quelque ouvrage au public, de le soumettre au jugement
de mes amis, et surtout au vôtre. Ainsi donc, si vous avez
hominum, ante amicorum judicio examinare, in primis
quelquefois accordé votre attention à mes écrits, appliquez-
tuo. Proinde si quando, nunc intende libro quem cum là tout entière à celui que vous recevrez avec cette lettre
hac epistula accipies; quia vereor ne ipse, ut tristis, car je crains que la mienne, à cause de mon abattement,
parum intenderim. Imperare enim dolori ut scriberem n'ait été insuffisante. J'ai bien pu imposer à mon chagrin
d'écrire, mais d'écrire avec un esprit libre et content,
potui, ut vacuo animo lsetoque, non potui. Porro ut je ne l'ai pu. Or, comme la joie nait de l'étude, l'étude
ex studiis gaudium, sic studia hilaritate proveniunt. profite de la gaieté. Adieu.
Vale. -
XX. — -C. P L I N E SALUE SON CHER GALLUS

XX. — C. PLINIUS GALLO SUO S. Nous n'hésitons pas à nous mettre en route, à franchir
les mers pour voir des curiosités, qui, placées sous nos
Ad quse noscenda iter ingredi, transmittere mare sole- yeux, nous laissent indifférents, soit que, par la volonté
mus, ea sub oculis posita neglegimus, seu quia ita natura de la nature, nous soyons peu soucieux de ce qui est près
de nous, et passionnés pour ce qui en est très éloigné,
comparatum, ut proximorum incuriosi longinqua secte- soit que tous les désirs s'émoussent, quand il est aisé
mur, seu quod omnium rerum cupido languescit, cum de' les satisfaire, soit enfin que nous renvoyions, sous
facilis occasio, seu quod difîerimus, tamquam sœpe prétexte que nous verrons souvent ce que nous avons la
facilité de voir chaque fois qu'il nous plaira de le remar-
visuri quod datur videre, quotiens velis cernere. Qua- quer. Quelle que soit la raison, il y a beaucoup de curio-
cumque de causa permulta in urbe nostra juxtaque sités soit dans notre ville, soit dans les environs, que nous
urbem non oculis modo, sed ne auribus quidem novi- ne connaissons ni de vue, ni même par oui-dire; or, si
elles se trouvaient en Grèce, en Égypte, en Asie, ou dans
mus, quse si tulisset Achaia, yEgyptus, Asia, aliave
tout autre pays fertile en merveilles et habile à la réclame,
quselibet miraculorum ferax commendatrixque terra, nous les connaîtrions à fond soit par des récits, soit par
audita, perlecta, lustrata haberemus. Ipse certe nuper, des lectures multiples, soit par des visites 56.
quod nec audieram ante, nec videram, audivi pariter et Ce qui est sûr c'est ce qui m'est arrivé dernièrement à
moi-même : il y avait une chose dont je n'avais jamais
vidi.
entendu parler et que je n'avais jamais vue, or le même
Exegerat prosocer meus ut Amerina praedia sua inspi- jour j'en ai entendu parler et je l'ai vue. Mon grand-père
cerem. Hsec perambulanti mini ostenditur subjacens par alliance m'avait pressé d'aller visiter ses domaines
d'Amerina. Tandis que je les parcourais, on me montre
lacus nomine Vadimonis; simul qusedam incredibilia au-dessous un lac appelé Vadimon " , et en même temps
narrantur. Perveni ad ipsum. Lacus est in similitudinem on m'en raconte mille prodiges. J'allai sur le bord même.
jacentis rotœ circumscriptus, et undique sequalis; nuUus Le lac est arrondi en forme d'une roue couchée et offre
184 C. PLINII SECUNDI. — LIBER VIII PLINE LE JEUNE. — LIVRE VIII 185

sinus, obliquitas nulla, omnia dimensa, paria et quasi une circonférence parfaite, sans aucune baie, sans aucune
artiflcis manu cavata et excisa. Color cœruleo albidior, sinuosité; tout est mesuré, régulier, comme creusé et
taillé par la main d'un artiste. La couleur de ses eaux est
viridior et pressior; sulphuris odor saporque medicatus, plus pâle que l'azur marin, plus foncée que le bord
vis qua fracta solidantur. Spatium modicum, quod tamen verdoyant du lac; elles ont une odeur de soufre, un goût
sentiat ventos, et fluctibus intumescat. Nulla in hoc d'eaux minérales, et la vertu de souder les fractures.
Sa petite étendue est suffisante cependant pour qu'il soit
navis (sacer enim), sed innatant insulte, herbidse omnes
sensible aux vents et forme des vagues. Il n'admet aucune
arundine et junco, quseque alia fecundior palus ipsaque barque, car il est sacré, mais on y voit flotter des îles,
illa extremitas lacus efîert. Sua cuique figura, ut modus, verdoyantes de roseaux et de joncs, et toutes les plantes
que produit un marais assez fertile et le bord même du
cunctis margo derasus, quia fréquenter vel litori vel
lac. Chacune de ces îles a sa forme et sa grandeur; toutes
sibi illisse terunt terunturque. Par omnibus altitudo, ont les bords escarpés, parce que, se heurtant souvent à la
par levitas; quippe in speciem carinse humili radice riye ou entre elles, elles se rongent mutuellement. Toutes
descendunt. Hsec ab omni latere perspicitur eademque ont la même hauteur, la même légèreté, car terminées
en forme de carène, leur base plonge peu profondément,
pariter suspensa et mersa. Interdum junctse copulatœque On l'aperçoit de tous côtés et elle est à la fois flottante et
et continenti similes sunt; interdum discordantibus immergée. Parfois se joignant et se soudant elles ressem-
ventis digeruntur; nonnumquam destitutse tranquilli- blent à la terre ferme, parfois des vents contraires les
dispersent, quelquefois enfin, paisibles, dans le calme, elles
tate singulœ fluitant. Ssepe minores majoribus, velut flottent séparées. Souvent les petites s'attachent aux
cumbulœ onerariis, adhasrescunt; saepe inter se majores grandes comme des barques aux vaisseaux de charge,
minoresque quasi cursum certamenque desumunt; rursus souvent petites et grandes engagent entre elles comme
une lutte de vitesse; puis de nouveau toutes poussées
omnes in eumdem locum appulsse, qua steterunt, pro- au même point s'y arrêtent et y forment un promontoire;
movent terram, et modo hac, modo illac, lacum reddunt elles laissent voir le lac ou le cachent tantôt ici, tantôt
auferuntque, ac tum demum, cum médium tenuere, non là, et c'est seulement lorsqu'elles en occupent le milieu,
qu'elles n'en diminuent pas l'étendue. Il est certain que
contrahunt. Constat pecora herbas secuta sic in insulas des troupeaux cherchant l'herbe s'avancent souvent sur
illas ut in extremam ripam procedere solere, nec prius ces îles comme sur une extrémité de la rive et ne se rendent
intelligere mobile solum, quam litori abrepta, quasi compte de la mobilité du sol, qu'au moment où ils se
voient avec effroi emporter loin du bord, comme au large
illata et imposita circumfusum undique lacum paveant, et sur un navire, au milieu du lac qui les environne de
mox quo tulerit ventus egressa, non magis se descen- tous côtés; puis ils quittent ces îles là où il plaît au vent
disse sentire quam senserint ascendisse. de les porter, et ils ne s'aperçoivent pas plus de leur
débarquement que de leur embarquement. De plus le
Idem lacus in flumen egeritur, quod, ubi se paulisper lac se déverse par un torrent, qui, après s'être offert
oculis dédit, specu mergitur alteque conditum méat ac quelque temps à la vue, s'enfonce dans une grotte et
186 C. PLINII SECUNDI. LIBER VIII PLINE LE JEUNE. LIVRE VIII 187

si quid antequam subduceretur accepit, servat et pro- coule caché dans les profondeurs du sol; si, avant qu'il
fert. disparaisse, on y jette quelque objet, il le conserve et le
Hsec tibi scripsi, quia nec minus ignotâ quam mihi rend à sa sortie. Je vous envoie ces détails, parce que je
crois qu'ils vous sont tout aussi inconnus et qu'ils vous
nec minus grata credebam; nam te quoque, ut me,
plairont tout autant qu'à moi. Car vous comme moi
nihil seque ac naturse opéra délectant. Vale. vous n'aimez rien tant que les œuvres de la nature 5S.
Adieu.
XXI. — C. PLINIUS ARRIANO SUO S.
XXI. — C. P L I N E SALUE SON CHER ARRIANUS
Ut in vita, sic in studiis pulcherrimum et humanis-
Dans les lettres comme dans la vie, rien n'est meilleur»
simum existimo severitatem comitatemque miscere, ne à mon avis, ni plus conforme à la nature humaine que
illa in tristitiam, haec in petulantiam excédât. Qua d'alterner la gravité et l'enjouement, afin que l'une ne
ratione ductus, graviora opéra lusibus jocisque distin- dégénère pas en morosité et l'autre en légèreté. Suivant
ce principe j'entremêle les ouvrages sérieux avec les
guo. Ad hos proferendos et tempus et locum opportu- amusements et les badinages. Pour mettre au jour ces
nissimum elegi, utque jam nunc assuescerent et ab bagatelles, j'ai choisi le moment et le lieu les plus favo-
otiosis et in triclinio audiri, julio mense, quo maxime rables, et pour les accoutumer dès maintenant à être
entendues par des gens oisifs et dans une salle à manger,
lites interquiescunt, positis ante lectos cathedris, amicos j'ai pris le mois de juillet, où les tribunaux chôment
collocavi. surtout, et, disposant des sièges devant les lits des con-
Forte accidit ut eo die mane in advocationem subi- vives, j ' y ai placé des amis. Le hasard fit que juste ce
jour-là on vint dans la matinée me demander à l'impro-
tam rogarer, quod mihi causam prseloquendi dédit. viste de plaider, circonstance qui me fournit le thème
Sum enim deprecatus, ne quis ut irreverentem operis de mon préambule. Je suppliai en effet que personne ne
argueret, quod recitaturus quamquam et amicis et m'accusât d'avoir peu d'égards pour mon ouvrage, si,
devant en donner lecture, à des amis seulement, il est
paucis, id est iterum amicis, foro et negotiis non absti-
vrai, et en petit nombre, je ne m'étais pas cependant
nuissem. Addidi hune ordinem me et in scribendo sequi, abstenu du forum et des affaires, où des amis encore
ut nécessitâtes voluptatibus, séria jucundis anteferrem, m'attendaient. J'ajoutai que même dans mes travaux
ac primum amicis, tum mihi scriberem. littéraires j'avais pour règle de faire passer le devoir
avant le plaisir, l'utile avant l'agréable, et de travailler
, Liber fuit et opusculis varius et metris. Ita solemus, d'abord pour mes amis, et pour moi après.
qui ingenio parum fidimus, satietatis periculum fugere. Mon livre était composé de petites pièces variées de
Recitavi biduo, hoc assensus audientium exegit. Et sujets et de mètres. C'est par ce moyen que, n'ayant
tamen ut alii transeunt qusedam imputantque quod guère confiance en mon talent, je tâche d'éviter l'écueil
et l'ennui. J'ai lu pendant deux jours, l'empressement
transeant, sic ego nihil prœtereo atque etiam non prœ- des auditeurs l'a exigé. Et pourtant, alors que d'autres
188 C. PLINII SECUNDI. — LIBER VIII PLINE L E JEUNE. — LIVRE VIII 189

terire me dico. Lego enim omnia "ut omnia emendem, passent certains endroits et pensent qu'on doit leur en
quod contingere non potest electa recitantibus. A t illud savoir gré, moi je ne retranche rien et même je déclare
que je ne fais grâce de rien. Je lis tout, pour tout corriger,
modestius, et fortasse reverentius; sed hoc simplicius
ce que ne peuvent faire ceux qui choisissent. Ils montrent,
et amantius. Amat enim qui se sic amari putat, ut tœdium dira-t-on, plus de modestie et peut-être plus de respect
non pertimescat. E t alioqui quid prœstant sodales, si pour leurs auditeurs; mais moi, plus de simplicité et
conveniunt voluptatis suas causa? Delicatus ac similis d'amitié; car c'est aimer vraiment que de se croire assez
aimé, pour ne pas craindre d'ennuyer. E t d'ailleurs quel
ignoto est qui amici librum bonum mavult audire, quam service rendent des confrères qui ne s'assemblent que
facere. pour leur plaisir? C'est faire le difficile et agir presque
en indifférent que d'aimer mieux entendre un bon
Non dubito cupere te, pro cetera mei caritate quam
ouvrage d'un ami, que de contribuer à le rendre tel. Je
maturissime légère hune adhuc musteum librum. Leges, ne doute pas que vous ne désiriez, avec votre amitié
sed retractatum, quœ causa recitandi fuit; et tamen ordinaire, lire le plus tôt possible ce livre à peine sorti
nonnulla jam ex eo nosti. Hœc vel emendata postea, vel du pressoir. Vous le lirez, mais retouché, puisque ce fut le
but de ma lecture. Pourtant vous en connaissez déjà
(quod interdum longiore mora solet) détériora facta, quelques parties. Ces passages, améliorés ensuite, ou,
quasi nova rursus, et rescripta cognosces. Nam pleris- comme il arrive souvent quand on met trop de temps à
que mutatis, ea quoque mutata videntur quae manent. un ouvrage, gâtés, vous paraîtront nouveaux et refaits.
Vale. Car lorsque presque tout est changé, il semble que l'on
ait changé même ce qui a été conservé. Adieu.

X X I I . — C. PLINIUS GEMINO SUO S. X X I I . — C. P L I N E SALUE SON CHER GEMINUS

Nostine hos qui, omnium libidinum servi, sic alio- Ne connaissez-vous pas de ces gens qui, esclaves de
rum vitiis irascuntur, quasi invideant, et gravissime toutes les passions, s'indignent contre les vices des autres,
comme s'ils en étaient jaloux, et demandent les punitions
puniunt quos maxime imitantur? cum eos etiam, qui les plus sévères contre ceux qu'ils imitent le plus? E t
non indigent clementia ullius nihil magis quam leni- pourtant même à ceux qui n'ont besoin de l'indulgence
tas deceat. Atque ego optimum et emendatissimum de personne rien ne sied mieux que la bonté. Je pense
même que l'homme le meilleur et le plus parfait est celui
existimo, qui ceteris ita ignoscit, tamquam ipse coti-
qui pardonne aux autres, comme s'il péchait tous les
die peccet, ita peeçatis abstinet, tamquam nemini jours, et qui se garde de pécher, comme s'il ne pardonnait
ignoscat. Proinde hoc domi, hoc foris, hoc in omni à personne. Ayons donc pour règle, soit dans la vie
vitae génère teneamus, ut nobis implacabiles simus, exo- privée, soit dans la vie publique, soit dans n'importe
quelle situation, d'être inflexibles pour nous, indulgents
rabiles istis etiam, qui dare veniam nisi sibi nesciunt, même pour ceux qui ne savent excuser qu'eux-mêmes, et
roandemusque mémorise quod vir mitissjmus, et ob hoc souvenons-nous de la parole que cet homme si doux et,
190 C. PLINII SECUNDI. LIBER VIII PLINE L E JEUNE. LIVRE VIII 191

quoque maximus, Thraseas, crebro dicere solebat : par cela même, si grand, Thraseas, aimait à répéter :
« Qui vitîa odit, homines odit. » Fortasse quseris, quo « Qui hait les vices, hait les hommes. » Vous vous de-
commotus hsec scribam? Nuper quidam... Sed melius mandez peut-être quelle mouche me pique pour que
j'écrive cela. Un individu, ces jours derniers,... mais il
coram, quamquam ne tune quidem, vereor enim ne id vaudra mieux en parler de vive voix, ou plutôt pas du
quod improbo insectari, carpere, referre, huic, quod tout car je crains que poursuivre, blâmer, rapporter ce
cum maxime prœcipimus, repugnet. Quisquis ille, qua- que je désapprouve en lui, ne soit en contradiction avec
la conduite que j'ai préconisée. Qui que ce soit et quel
liscumque sileatur, quem insignire exempli nihil, non qu'il soit, silence; le signaler ne serait pas utile pour
insignire humanitatis plurimum refert. Vale. l'exemple, ne pas le signaler importe beaucoup à la
bonté. Adieu.
X X I I I . — C. PLINIUS MARCELLINO SUO S.
X X I I I . — C. PLINE SALUE SON CHER MARCELLINUS
Omnia mihi studia, omnes curas, omnia avocamenta Travaux littéraires, affaires, distractions, tout s'en
exemit, excussit, eripuit dolor, quem ex morte Juni est allé, tout est tombé de mes mains, arraché par la
Aviti gravissimum cepi. Latum clavum in domo mea douleur — une douleur immense — que j'ai éprouvée
de la mort de Junius Avitus 59. Il avait revêtu le laticlave
induerat, suffragio meo adjutus in petendis honoribus
dans ma maison, mon suffrage l'avait soutenu dans la
fuerat. Ad hoc, ita me diligebat, ita verebatur, ut me recherche des honneurs, de plus il avait pour moi une
formatore morum, me quasi magistro uteretur. Rarum telle affection, un tel respect qu'il me regardait comme le
hoc in adulescentibus nostris. Nam quotusquisque vel guide de sa conduite, et presque comme un maître. C'est
chose rare parmi les jeunes gens de notre époque. Combien
artati alterius, vel auctoritati, ut minor, cedit? Statim en voit-on qui, reconnaissant leur infériorité, se montrent
sapiunt, statim sciunt omnia, neminem verentur, imi- déférents envers l'âge, ou envers l'autorité? Tout de suite
tantur neminem, atque ipsi sibi exempla sunt. ils ont la raison, tout de suite ils savent tout, ils ne res-
pectent personne, n'imitent personne, et se prennent
Sed non Avitus, cujus hsec prsecipua prudentia, quod eux-mêmes pour modèles.
alios prudentiores arbitrabatur, hœc prœcipua eruditio, Ce n'était pas le cas d'Avitus, dont la sagesse consis-
quod discere volebat. Semper ille aut de studiis aliquid, tait surtout à croire les autres plus sages que lui, et la
aut de offlciis vitœ consulebat, semper ita recedebat ut science à vouloir s'instruire. Toujours il demandait
quelque conseil, soit sur les lettres, soit sur les devoirs de
melior factus, et erat factus vel eo quod audierat, vel la vie; toujours en vous quittant il se croyait devenu
quod omnino qusesierat. Quod ille obsequium Serviano, meilleur, et il l'était devenu, soit pour avoir appris, soit
exactissimo viro, prœstitit ! quem legatum tribunus ita pour avoir cherché à apprendre. Quelle déférence il
témoigna à Servianus, le plus accompli des hommes !
et intellexit et cepit, ut ex Germania in Pannoniam Quand Servianus était légat et lui tribun, il estima ce
transeuntem, non ut commilito, sed ut cornes assecta- chef et le captiva au point que celui-ci passant de Ger-
19ii C. PLINII SECUNDI. LIBER VIII PLINE LE JEUNE. — LIVHE VIII 193

torque sequeretur. Qua industria, qua modestia qusestor manie en Pannonie, il le suivit non comme compagnon
consulibus suis (et plures habuit) non minus jucundus d'armes, mais comme attaché à sa personne et à sa suite.
Avec quelle activité, quelle exactitude, devenu questeur,
et gratus, quam utilis fuit ! Quo discursu, qua vigilantia
il a servi ses consuls, et il en a eu plusieurs, se montrant
hanc ipsam sedilitatem, cui prsereptus est, petiit ! Quod aussi agréable et aimable qu'utile 1 Par combien de
vel maxime dolorem meum exulcerat. Obversantur oculis démarches, avec quelle diligence il brigua cette édilité
même, que la mort l'empêcha d'exercer ! Cruauté du
cassi labôfes, et infructuosse preces et honof quem meruit sort qui avive ma douleur. Je me représente sans cesse ces
tantum. Redit animo ille latus clavus in penatibus meis peines perdues, ces prières inutiles et cet honneur qu'il
sumptus; redeunt illa prima, illa postrema suffragia mea, a seulement mérité; je me rappelle ce laticlave pris à
mon foyer; je me rappelle mes recommandations en sa
illi sermones, illse consultationes. faveur, les premières, les dernières, et ces entretiens, et
Àfflcior adulescentia ipsius, afficior necessitudinum ces consultations.
Je déplore sa jeunesse, je déplore le malheur de sa
casu. Erat illi grandis natu parens, erat uxor, quam ante famille. Il avait encore sa mère très âgée, il avait une
annum virginem acceperat, erat filia, quam paulo ante femme qu'il avait épousée jeune fille depuis un an, une
fille qu'il venait d'accueillir au monde. Tant d'espérances,
sustulerat. Tôt spes, tôt gaudia dies unus in adversa tant de joies ont été changées en deuils dans Un seul
convertit. Modo designatus sedilis, recens maritus, recens jour. Récemment désigné édile, nouveau mari, nouveau
pater, intactum honorem, orbam matrem, viduam uxo- père, il a laissé sa charge avant d'y être entré, sa mère
sans fils, sa femme veuve, sa fille orpheline et qui ne
rem, filiam pupillam ignaramque patris reliquit. Accedit connaîtra pas son père. Ce qui fait encore plus couler mes
lacrimis meis quod absens et impendêntis mali nescius larmes, c'est que, absent et ignorant du mal qui le
menaçait, j'ai appris du même coup et sa maladie et sa
pariter segrum, pariter decessisse cognovi, ne gravis- mort, sans pouvoir me préparer par l'inquiétude à une si
simo dolori timoré cottsuescerem. In tantis tormentis cruelle douleur.
eram, cutti scriberem hsec, ut haec scriberem sola. Neque Je suis dans une telle peine, en vous écrivant, que ma
lettre n'est pleine que de ce sujet; je ne puis en effet en ce
enim nunc aliud aut cogitare aut loqui possum. Vale. moment ni songer à autre chose, ni parler d'autre chose.
Adieu.
X X I V . — C. PLINIUS MAXIMO SUO S.
80
X X I V . —• C. PLINE SALUE SON CHER MAXIMUS
Amor in te meus cogit, non ut prœcipiam (neque
Mon affection pour vous m'oblige, non pas à vous
enim prseceptore eges), admoneam tamen, ut, quse scis, apprendre (car vous n'avez pas besoin de maître), mais
teneas et observes, aut scias melius. à vous rappeler que vous devez observer et mettre en
pratique ce que vous savez, sinon il vaudrait mieux
Cogita te missum in provinciam Achaiam, illam veram ne pas le savoir. Songez que l'on vous envoie dans la
P L I N E L E JEUNE. T. n. 13
194 C. PLINII SECUNDI. LIBEK VIII PLINE LE JEUNE. LIVRE VIII 195

et meram Grgeciam, in qua primum humanitas, litterœ, province d'Achaïe, c'est-à-dire au cœur même de la
etiam fruges inventse esse creduntur; missum ad ordi- véritable Grèce, où naquirent, selon la croyance com-
mune, la civilisation, les lettres, et même l'art de cultiver
nanduin statum liberarum civitàtum, id est ad hommes
la terre; que l'on vous envoie pour ordonner le gouver-
maxime hommes, ad liberos maxime liberos, qui jus a nement de cités libres, c'est-à-dire vers des hommes
natura datum virtute, meritis, amicitia, fœdere denique vraiment hommes, vers des hommes libres par excellence,
qui ont conservé ce droit donné par la nature grâce à
et religione tenuerint. Reverere conditores deos et nomina leur courage, à leur mérite, à leurs alliances, aux traités,
deorum. Reverere gloriam veterem et hanc ipsam senec- grâce enfin au respect de la religion. Respectez les dieux
fondateurs des cités et leurs noms 61, respectez cette
tutem, quse in homme venerabilis, in urbibus sacra est.
ancienne gloire et cette vieillesse même, qui, vénérable
Sit apud te hônor antiquitati, sit ingentibus factis, sit chez l'homme, est sacrée dans les villes. Rendez honneur
fabulis quoque. Nihil ex cujusquam dignitate, nihil ex à l'antiquité, honneur aux grandes actions, honneur
même aux légendes. N'attentez en rien à la dignité de
libertate, nihil etiam ex jactatione decerpseris. Habe personne, en rien à la liberté, en rien même à la vanité.
ante ocuios hanc esse terram, quse nobis miserit jura, Ayez devant les yeux que cette terre est celle qui nous a
transmis notre droit, qui nous a donné nos lois, non à
quas leges non victis, sed petentibus dederit; Athenas
titre de vaincus, mais sur notre demande; que c'est dans
esse quas adeas, Lacedaemonem esse quam regas; quibus Athènes que vous allez entrer, à Lacédémone que vous
reliquam umbram et residuum libertatis nomen eripere allez commander; leur ravir l'ombre et le nom de la liberté,
qui leur reste seul, serait cruel, inhumain, barbare.
durum, ferum, barbarumque est. Vides a medicis, quam- Voyez les médecins; quoique dans la maladie il n'y ait
quam in adversa valetudine nihil servi ac liberi diffé- point de différence entre les esclaves et les hommes
libres, ils traitent cependant avec plus de douceur et
rant, mollius tamen liberos clementiusque tractari. plus de ménagements les hommes libres. Rappelez-vous
Recordare quid quseque civitas fuerit; non ut despicias, la gloire passée de chaque peuple, mais non pour le
quod esse desierit; absit superbia, asperitas. Nec timueris mépriser de l'avoir perdue. Gardez-vous de la fierté,
comme de la rudesse, et ne craignez pas le dédain de
contemptum. An contemnitur qui imperium, qui fasces votre autorité ; dédaigne-t-on celui à qui appartiennent le
habet, nisi qui humilis et sordidus, et qui se primus ipse pouvoir suprême, les faisceaux, à moins qu'il ne le mérite
par sa bassesse, son incorrection et son propre dédain
contemnit? Maie vim suam potestas aliorum contu- de lui-même? C'est un mauvais moyen pour le pouvoir
meliis experitur, maie terrore veneratio acquiritur, lon- d'éprouvrer sa puissance en insultant aux autres, un
mauvais moyen de chercher le respect par la terreur, et
geque valentior amor ad obtinendum quod velis quam
l'on obtient ce que l'on veut bien plus sûrement par
timor. Nam timor abit, si recédas; manet amor, ac sicut l'affection que par la crainte. Car la crainte s'évanouit,
ille in odium, hic in reverentiam vertitur. vj
aussitôt qu'on s'éloigne; l'affection reste, et tandis que
celle-là se tourne en haine, celle-ci se change en respect.
196 C. PLINII SECUNDI. LIBER VIII PLINE LE JEUNE. LIVRE VIII 197

Te vero etiam atque etiam (repetam enim) meminisse Pour vous, vous devez sans cesse, je ne crains pas de le
oportet offlcii tui titulum, ac tibi ipsum interpretari répéter, vous rappeler le titre de votre charge et vous
faire une idée exacte de l'importance et de la grandeur
quale quantumque sit ordinare statum liberarum civi- d'une mission qui consiste à ordonner le gouvernement de
tatum. Nam quid ordinatione civilius? quid libertate cités libres. Y a-t-il rien de plus nécessaire aux cités que
l'ordre, rien de plus précieux que la liberté? Quelle honte
pretiosius? Porro quam turpe, si ordinatio eversione, donc, si l'ordre donne naissance au bouleversement et la
libertas servitute mutetur? liberté à la servitude !
Accedit quod tibi çertamen est tecum. Orterat te Il faut ajouter que vous avez à rivaliser avec vous-
même; vous portez le poids de l'excellente réputation
quœsturse tuœ fama, quam ex Bithynia optimam revexisti, que vous avez rapportée de Bithynie à travers les mers,
onerat testimonium principis, onêrat tribunatus, prse- le poids du témoignage que vous a donné le prince, le poids
de votre tribunat, de votre préture, et même de votre
tura, atque hsec ipsa legatio, quasi prsemium data. Quo légation présente, véritable récompense accordée à vos
magis nitendum est ne in longinqua provincia quam services. Raison de plus pour vous appliquer à ne pas
suburbana, ne inter servientes quam liberos, ne sorte laisser croire que vous avez été plus humain, plus patient,
plus habile dans une province éloignée que dans un
quam judicio missus, ne rudis et incognitus quam explo- faubourg de Rome, parmi des populations esclaves que
ratus probatusque humanior, melior, peritior fuisse chez des peuples libres, désigné par le sort que choisi
par le prince, inexpérimenté et inconnu qu'éprouvé et
videaris; cum sit alioqui, ut ssepe audisti, sœpe legisti, admiré; n'y a-t-il pas d'ailleurs, comme vous l'avez
multo deformius amittere quam non assequi laudem. souvent entendu dire, souvent lu, beaucoup plus de
déshonneur à perdre la réputation qu'à n'en point
Hsec velim credas, quod initio dixi, scripsisse me acquérir?
admonentem, non prsecipientem ; quamquam prsecipien- Veuillez prendre tous ces conseils, comme je vous
tem quoque. Quippe non vereor in amore ne modum l'ai dit au début, pour un rappel, non pour des leçons;
quoiqu'il y ait leçon aussi. Car je ne crains pas en affec-
excesserim. Neque enim periculum est ne sit nimium tion de dépasser la mesure; aucun risque en effet d'excès
quod esse maximum débet. Vale. dans ce qui doit être porté au plus haut degré. Adieu.
LIBER NONUS LIVRE NEUVIÈME

62
I. —- C. PLINIUS MAXIMO SUO S. I. — C. P L I N E SALUE SON CHER MAXIMUS

Seepe te monui, ut libros, quos vel pro te vel in Plan- Je vous ai souvent averti de publier le plus tôt possible
tain immo et pro te et in illum (ita enim materia coge- les opuscules que vous avez écrits, soit pour votre défense,
soit contre Planta, ou plutôt à la fois pour votre défense et
bat), composuisti, quam maturissime emitteres; quod contre Planta, car le sujet le voulait ainsi; mais aujour-
nunc prsecipue, morte ejus audita, et hortor et moneo. d'hui que l'on a appris sa mort, c'est avec plus d'instance
Quamvis enim legeris multis legendosque dederis, nolo que je vous y engage et vous le recommande. Car, quoique
tamen quemquam opinari, defuncto demum inchoatos, vous les ayez lus et donnés à lire à beaucoup de gens, je ne
quos incolumi eo peregisti. Salva sit tibi constantiae voudrais pas que personne pût croire que vous les avez
commencés seulement après sa disparition, alors qu'ils
fama. Erit autem, si notum sequis iniquisque fuerit, ont été achevés de son vivant. Gardez entière votre répu-
non post inimici mortem scribendi tibi natam esse fldu- tation de fermeté. Elle le restera, s'il est prouvé à tous,
ciam, sed jam paratam editionem morte prœventam. bien disposés ou mal disposés, que vous n'avez pas
Simul vitabis illud, attendu la mort d'un ennemi pour oser écrire, mais que
cette mort a prévenu la publication de votre ouvrage
toute prête. Vous éviterez en même temps ce reproche :
« C'est une impiété que. de faire injure aux morts. » Car ce
Nam quod de vivente scriptum, de vivente recitatum que l'on a écrit sur un vivant, ce qu'on a lu en public
est, in defunctum quoque tamquam viventem adhuc sur un vivant, c'est encore, même quand cet homme est
editur, si editur statim. Igitur, si quid aliud in manibus, mort, le publier presque de son vivant, si on le publie
intérim difîer; hoc perfïce, quod nobis, qui legimus, olim aussitôt. Si donc vous avez quelque autre ouvrage sur
absolutum videtur. Sed jam videatur et tibi, cujus le chantier, ajournez-le; mettez la dernière main à
celui-ci; il me parut à moi, qui l'ai lu, achevé depuis
cunctationem nec res ipsa desiderat et temporis ratio longtemps. Mais aujourd'hui il doit vous paraître tel à
prsecidit. Vale. vous aussi, car un retard n'est pas demandé par l'oeuvre
et vous est interdit par les circonstances. Adieu.
II. — C. PLINIUS SABINO SUO S.
IL — C. P L I N E SALUE SON CHER SABINUS
Facis jucunde, quod non solum plurimas epistulas Vous melfaites plaisir de me réclamer non seulement
meas, verum etiam longissimas flagitas; in quibus par- des lettres fréquentes, mais encore très longues. Je les
200 C. PLINII SEGUNDI. — LIBER IX PLINE LE JEUNE. — LIVRE IX 201

cior fui, partim quia tuas occupationes verebar, partim ai ménagées jusqu'ici d'abord parce que je voulais res-
quia ipse multum distringebar plerumque frigidis nego- pecter vos grandes occupations, ensuite parce que moi-
tiis, quse simul et avocant animum et comminuunt. même j'étais accaparé par une foule d'affaires le plus
souvent futiles, mais qui dispersent l'attention et la fati-
Prseterea nec materia plura scribendi dabatur; neque guent. En outre je n'ai pas non plus matière à écrire
enim eadem nostra condicio, quse M. Tulli, ad cujus plus longuement. Je ne suis pas en effet dans la même
exemplum nos vocas. Illi enim et copiosissimum inge- situation que Gicéron, dont vous me proposez l'exemple;
il avait un génie d'une extrême fécondité et, égales à
nium, et par ingenio qua varietas rerum, qua magnitudo son génie, la variété et la grandeur des événements lui
largissime suppetebat. Nos quam angustis terminis clu- fournissaient une ample matière. Tandis que moi, dans
damur, etiam tacente me, perspicis; nisi forte volumus quelles étroites limites je suis enfermé, vous le voyez
clairement, sans que je vous le dise, à moins que je
scholasticas tibi, atque, ut ita dicam, umbraticas litteras
ne me décide à vous envoyer en fait de lettres des exer-
mittere. Sed nihil minus aptum arbitramur, cum arma ves- cices d'école et qui sentent le rhéteur63. Mais rien ne
tra, cum castra, cum denique cornua, tubas, sudorem, pul- me paraît plus déplacé, quand je me représente vos
verem, soles cogitamus. Habes, ut puto, justam excu- faits d'armes, vos étapes, vos cors et vos trompettes,
quand je me représente les sueurs, la poussière, les
sationem, quam tamen dubito an tibi probari velim; soleils brûlants que vous endurez. Voilà, je pense, une
est enim summi amoris negare veniam brevibus epistulis excuse suffisante; et pourtant je ne sais si je désire
amicorum, quamvis scias illis constare rationem. Vale. que vous l'admettiez. Car une tendre affection ne par-
donne pas les courtes lettres à ses amis, même en sachant
qu'ils y mettent tout le compte. Adieu.

III. — C. PLINIUS PAULINO SUO S.


I I I . —• C . PLINE SALUE SON CHER PAULINUS

Alius alium, ego beatissimum existimo, qui bonœ Chacun a son idéal de bonheur; pour moi le plus
mansurseque famse praesumptione perfruitur certusque heureux des hommes est celui qui s'enivre de la jouissance
anticipée d'une bonne et durable renommée et qui, sûr
posteritatis cum futura gloria vivit. Ac mihi, nisi prse- de la postérité, vit entouré de sa gloire future. Et si cette
mium seternitatis ante oculos, pingue illud altumque récompense de l'immortalité ne brillait à mes yeux, ce
otium placeat. qui me plairait serait l'indolence d'un profond repos.
Car enfin tous les hommes doivent, à mon avis, songer
Etenim omnes homines arbitror oportere aut immor- à leur immortalité, soit à leur condition mortelle, et
talitatem suam, aut mortalitatem cogitare; et illos qui- les premiers lutter, s'acharner, les seconds chercher le
dem contendere, eniti, hos quiescere, remitti nec brevem repos, la détente, et ne pas fatiguer une vie éphémère par
des peines stériles, comme j'en vois beaucoup qui dépen-
vitam caducis laboribus fatigare, ut video multos, misera sent une misérable et fastidieuse apparence d'activité pour
simul et ingrata imagine industrise ad vilitatem sui per- aboutir au mépris de soi-même. Je vous dis tout cela,
202 C. PLINII SECUNDI. LIBER IX PLINE LE JEUNE. LIVRE IX 203

venire. Hsec ego tecum, quse cotidie mecum, ut desinam; que je me dis chaque jour à moi-même, afin que je cesse
mecum, si dissenties tu; quamquam non dissenties, ut de me le dire, si ce n'est pas votre opinion; vous ne serez
qui semper clarum aliquid et immortalemeditere. Vale. pas d'une opinion contraire, vous qui sans cesse méditez
quelque œuvre grande et immortelle. Adieu.

IV. — C. PLINIUS MACRINO SUO S. IV. — C. P L I N E SALUE SON CHER MACRINUS

Je craindrais que vous ne trouviez trop long le plai-


Vererer ne immodicam orationem putares, quam cum
doyer que vous recevrez avec cette lettre, s'il n'était
hac epistula accipies, nisi esset generis ejus, ut ssepe d'une composition telle qu'il semble commencer et finir
incipere, ssepe desinere videatur, nam singulis criminibus plusieurs fois, car chaque grief forme comme une cause
singulse velut causse continentur. Poteris ergo, unde- distincte. Vous pourrez donc, en quelqu'endroit que
cumque coeperis, ubicumque desieris, quse deinceps vous commenciez votre lecture, en quelqu'endroit que
sequentur, et quasi incipientia légère, et quasi cohaerentia, vous l'arrêtiez, la poursuivre comme si c'était un com-
meque in universitate longissimum, brevissimum in mencement ou comme si c'était une suite, et me juger
partibus judicare. Vale. très long dans l'ensemble et très bref dans chaque partie.
Adieu.

V. — C. PLINIUS TIRONI SUO S. V. — C. PLINE SALUE SON CHER TIRO

C'est fort bien de votre part (car je prends mes ren-


Egregie facis (inquiro enim) et persévéra, quod jus- seignements) et il faut continuer de faire estimer votre
titiam tuam provincialibus multa humanitate commendas ; justice à vos administrés 64 à force de bienveillance. Elle
cujus prsecipua pars est, honestissimum quemque com- consiste surtout à s'attacher tout ce qu'il y a d'honnêtes
plecti atque ita a minoribus amari, ut simul a principibus gens et à se faire aimer des humbles de telle façon qu'elle
diligare. Plerique autem, dum verentur ne gratise poten- soit en même temps chérie des grands. La plupart en
tium nimium impertire videantur, sinisteritatis atque effet, craignant le soupçon de partialité en faveur des
etiam malignitatis famam consequuntur. A quo vitio tu puissants, encourent la réputation de maladresse et
longe recessisti, scio; sed temperare mihi non possum même de méchanceté. Vous vous êtes tenu bien éloigné
de ce défaut, je le sais. Mais je ne puis m'empêcher de
quominus laudem similis monenti, quod eum modum
donner à mes éloges l'apparence d'avertissements, pour
tenes, ut discrimina ordinum dignitatumque custodias; la mesure que vous savez mettre à conserver les diffé-
quse si confusa, turbata, permixta sunt, nihil est ipsa rences de rangs et de situations. Car les confondre, les
sequalitate insequalius. Vale. bouleverser, les mêler, c'est chercher une égalité qui
devient une suprême inégalité. Adieu.
VI. — C. PLINIUS CALVISIO SUO S.
VI. — C. PLINE SALUE SON CHER CALVISIUS
Omne hoc tempus inter pugillares ac libellos jucun- J'ai passé tous ces derniers temps entre mes tablettes
dissima quiète transmisi. « Quemadmùdùm, inquis, in et mes livres dans la plus douce tranquilité. « Comment,
204 C. PLINII SECUNDI. LIBER IX PLINE LE JEUNE. LIVRE IX 205

urbe potuisti? » Circenses erant; quo génère spectaculi ne dites-vous, est-ce possible à Rome? » On donnait les
jeux du cirque, et ce genre de spectacle ne m'intéresse
levissime quidem teneor. Nihil novum, nihil varium, nullement. Je n'y vois rien de nouveau, rien de varié,
nihil quod non semel spectasse sufïiciat, Quo magis rien qu'il ne suffise d'avoir vu une fois. Je trouve d'au-
miror tôt milia virorum tam pueriliter identidem cupere tant plus étrange ce désir si puéril que tant de milliers
d'hommes 65 éprouvent de revoir de temps en temps
currentes equos, insistentes curribus hommes videre. Si des chevaux qui courent et des cochers assis sur des
tamen aut velocitate equorum, aut hominum arte trahe- chars. Si encore on était attiré par la rapidité des che-
vaux ou l'adresse des cochers, il y aurait un semblant
rentur, esset ratio nonnulla. Nunc favent panno, pannum de motif à cette passion; mais c'est la casaque qu'on
amant; et si in ipso cursu, medioque certamine, hic color acclame, la casaque qu'on aime, et, si en pleine course
illuc, ille hue transferatur, studium favorque transibit, et au milieu même de la lutte une couleur prenait la
place d'une autre et réciproquement, les vœux et les
et repente agitatores illos, equos illos, quos procul nos- acclamations changeraient de camp, et tout à coup on
citant, quorum clamitant nomina, relinquent. Tanta délaisserait les conducteurs fameux, les fameux chevaux,
qu'on reconnaît de loin, dont on ne cesse de crier les
gratia, tanta auctoritas in una vilissima tunica, mitto noms. Telle est la faveur, telle est la considération qu'ob-
apud vulgus, quod Vilius tunica est, sed apud quosdam tient une vile tunique, je ne dis pas chez la populace,
graves hommes; quos ego cum recordor in re inani, plus vile encore que la tunique, mais chez quelques
hommes sérieux. Quand je songe que c'est un spectacle
frigida, assidua, tam insatiabiliter desidere, capio ali- si futile, si niais, si uniforme, dont la soif insatiable les
quam voluptatem, quod hac voluptate non capior. Ac tient sur leurs sièges, je goûte un certain plaisir à ne pas
goûter ce plaisir. Et c'est avec bonheur que je consacre
per nos dies libentissime otium meum in litteris colloco,
mes loisirs aux lettres pendant ces jours, que d'autres
quos alii otiosissimis occupationibus perdunt. Vale. perdent dans les plus frivoles occupations. Adieu.

VII. — C. PLINIUS ROMANO SUO S. VII. — C. P L I N E SALUE SON CHER ROMANUS

Vous m'écrivez que vous bâtissez; tant mieux; voilà


iEdifieare te scribis. Bene est; inveni patrocinium. pour ma défense; car je bâtis aussi, et désormais avec
yEdifico enim jam ratione, quia tecum, nam hoc quoque raison, puisque je suis en votre compagnie, car nous
ne nous séparons pas même en ceci que vous, c'est au
ri non dissimile, quod ad mare tu, ego ad Larium lacum. bord de la mer et moi, au bord du lac Larius 66. J'ai
Hujus in litore plures villse mese, sed duœ, ut maxime sur les rives de ce lac plusieurs villas, mais deux surtout
délectant, ita exercent. font à la fois mes délices et mon tourment. L'une, per-
chée sur des rochers à la manière de Baïes, a vue sur le
Altéra imposita saxis, more baiano, lacum prospicit; lac; l'autre, à la manière de Baïes encore, borde le lac.
altéra, œque more baiano, lacum tangit. Itaque illam Aussi ai-je l'habitude d'appeler la première « Tragédie », la
206 C. PLINII SECUNDI. LIBER IX PLINE LE JEUNE. LIVRE IX 207

tragœdiam; hanc appellare comœdiam soleo; illam, quod seconde « comédie »; car elles semblent porter l'une le
cothurne, l'autre le brodequin. Chacune a ses agréments,
quasi cothurnis, hanc, quod quasi socculis sustinetur. et leur diversité même ajoute au charme de chacune
Sua utrique amœnitas, et utraque possidenti ipsa diver- d'elles pour leur possesseur. L'une jouit du lac de plus
sitate jucundior. Hsec lacu propius, illa latius utitur. près, l'autre sur une plus large étendue; celle-ci embrasse
une seule baie par une courbe gracieuse; celle-là en
Hsec unum sinum molli curvamine amplectitur, illa
sépare deux de son haut promontoire; ici, la promenade
editissimo dorso duos dirimit. Illic recta gestatio longo pour les litières s'étend en ligne droite par une longue
limite super litus extenditur, hic spatiosissimo xysto allée qui borde le rivage; là elle suit les douces sinuosités
leniter inflectitur; illa fluctus non sentit, heec frangit. d'une large terrasse. L'une est hors de l'atteinte des flots,
l'autre les brise; de l'une on peut voir les pêcheurs en bas ;
Ex illa possis despicere piscantes; ex hac ipse piscari de l'autre on peut pêcher soi-même et jeter l'hameçon
hamumque de cubiculo ac psene etiam de lectulo, ut e de sa chambre, presque de son lit de repos, comme d'une
navicula jacere. barque. Voilà mes raisons d'ajouter à chacune les avan-
tages qui lui manquent en considération de ceux dont
Hse mihi causse utrique, quse desunt, astruendi, ob ea elle surabonde. Mais pourquoi vous donner mes motifs
quse supersunt. Sed quid ego rationem tibi, apud quem à vous, pour qui le meilleur motif sera que vous en faites
pro ratione erit, idem facere? Vale. autant? Adieu.

VIII. — C. PLINE SALUE SON CHER AUGURINUS


VIII. — C. PLINIUS AUGURINO SUO S.
Si à vos éloges je réponds en entreprenant le vôtre,
Si laudatus a te laudare te cœpero, vereor ne non tam je crains qu'on ne regarde mes louanges moins comme
proferre judicium meum quam referre gratiam videar. Sed l'expression de mon jugement que comme le témoignage
de ma reconnaissance. Mais, dût-on le croire, je trouve
licet videar, omnia scripta tua pulcherrima existimo, tous vos écrits excellents, surtout pourtant ceux qui par-
maxime tamen illa quse de nobis. Accidit hoc una ea- lent de moi. La raison en est simple et unique. C'est que
demque de causa; nam et tu, quse de amicis, optime scri- vous, quand vous écrivez sur vos amis, vous écrivez
admirablement, et que moi, quand je lis ce que vous
bis, et ego, quae de me, ut optima lego. Vale. me consacrez, je le juge admirable. Adieu.

IX. — G. PLINIUS COLONO SUO S. IX. — C. P L I N E SALUE SON CHER COLONUS

Unice probo, quod Pompei Quintiani morte tam dolen- J'approuve vivement la profonde douleur dont vous
afflige la mort de Pompéius Quintianus, et qui prolonge
ter afflceris, ut amissi caritatem desiderio extendas, non par vos regrets votre affection pour l'ami perdu; vous
ut plerique, qui tantum viventes amant, sed potius amare ne ressemblez pas à la plupart des hommes, qui n'ai-
se simulant ac ne simulant quidem, nisi quos florentes ment que les vivants, ou plutôt qui feignent de les aimer
208 C. PLINII SECUNDI. LIBER IX PLINE L E JEUNE. LIVRE IX 209

vident. Nam miserorum non secus ac defunctorum obli. et même ne feignent cet amour qu'à l'égard de ceux
qu'ils voient en pleine prospérité. Car ils confondent
viscuntur. Sed tibi pérennis fides tantaque in amore dans le même oubli les malheureux et les morts. Mais
constantia, ut flniri nisi tua morte non possit. E t hercule vous, votre fidélité est à l'épreuve du temps et votre
is fuit Quintianus, quem diligi deceat ipsius exemplo : constance en amitié est telle qu'elle ne peut finir que par
votre propre mort. D'ailleurs Quintianus méritait cette
Felices amabat, miseros tuebatur, desiderabat amissos. affection dont il donnait le premier l'exemple. Il aimait
Jam illa, quanta probitas in ore! quanta in sermone les heureux, soutenait les malheureux, regrettait les
disparus. Quel air de dignité sur son visage ! Quelle réserve
cunctatio ! quam pari libra gravitas comitasque ! quod dans la conversation ! Quel juste équilibre de gravité et
studium litterarum! quod judicium ! qua pietate cum d'affabilité, quelle passion pour les lettres ! quel goût !
Avec quelle piété filiale il vivait auprès d'un père qui
dissimillimo parente vivebat! quam non obstabat illi
lui ressemblait si peu ! Comme sa conduite d'excellent
quominus vir optimus videretur, quod erat optimus fils ne nuisait en rien à sa réputation d'homme excellent !
films ! Mais pourquoi aviver votre chagrin? Pourtant vous
l'aimiez assez de son vivant pour préférer à son sujet
Sed quid dolorem tuum exulcero ? quamquam sic amasti l'éloge au silence, surtout de ma part, puisque vous jugez
viventem, ut hoc potius, quam de illo sileri velis, a me ma louange capable d'embellir sa vie, de prolonger sa
mémoire, et de lui rendre même cette fleur de jeunesse
prsesertim, cujus prsedicatione putas vitam ejus ornari, à laquelle il vient d'être enlevé. Adieu.
memoriam prôrogari ipsamque illam, qua est raptus
setatem posse restitui. Vale.
X. — C. P L I N E SALUE SON CHER TACITE

X . — C. PLINIUS TACITO SUO S. Je désirerais obéir à vos prescriptions. Mais il y a


une telle pénurie de sangliers, qu'il n'est pas possible que
Cupio prseceptis tuis parère; sed aprorum tanta penuria Minerve et Diane, qui, selon vous, doivent être honorées
est, ut Minervse et Dianse, quas ais pariter colendas, con- toutes deux ensemble, arrivent à s'entendre 67. Il faut
donc se contenter de servir Minerve, avec ménagement
venire non possit. Itaque Minervse tantum serviendum toutefois, comme il sied à la campagne et en été. En
est, délicate tamen, ut in secessu et eestate. In via plane chemin j'ai lâché la bride à quelques bagatelles, bonnes
à effacer aussitôt, avec le laisser-aller des conversations
nonnulla leviora statimque delenda, ea garrulitate, qua
que l'on tient en voiture. J'y ai un peu ajouté une fois
sermones in vehiculo seruntur, extendi. His quasdam dans ma villa, n'ayant rien de mieux à faire. Aussi
addidi in villa, cum aliud non liberet. Itaque poe- ai-je laissé dormir les poèmes, qui, dites-vous, ne peuvent
s'achever nulle part plus heureusement que parmi les
mata quiescunt, quse tu inter nemora et lucos commo- forêts et les bois sacrés. J'ai retouché un ou deux menus
dissime perfici putas. Oratiunculam unam alteram retrac- discours; mais ce genre de travail, sans agrément, sans
P L I N E L E JEUNE, T . H . xk
210 C. PLINII SECUNDI. LIBER IX PLINE LE J E U N E . LIVRE IX 211

tavi; quamquam id genus operis inamabile, inamœnum charme, tient plus des fatigues que des plaisirs de la
campagne. Adieu.
magisque laboribus ruris quam voluptatibus simile. Yale.

XL — C. P L I N E SALUE SON CHER GEMINUS


XI. —-* C. PLINIUS GEMINO SUO S.
J'ai reçu votre lettre avec d'autant plus de plaisir
Epistulam tuam jucundissimam recepi, eo maxime que vous y exprimez le désir de-recevoir quelque chose
de moi, pour l'insérer dans vos ouvrages. Je trouverai
quod aliquid ad te scribi volebas, quod libris inseri posset.
un sujet, soit celui que vous m'indiquez, soit quelqu'autre
Qbveniet materia, vel haec ipsa quam monstras, vel potior qui sera préférable. Il y a dans le vôtre quelques dangers
alia. Sunt enim in hac offendicula nonnulla; circumfer d'offense; regardez bien de tous côtés, et ils vous frap-
peront.
oculos, et oçcurrent. Je ne pensais pas qu'il y eût des libraires à Lyon 8S,
Bibliopolas Lugduni esse non putabam, ac tanto aussi ai-je été d'autant plus heureux d'apprendre par
votre lettre que mes ouvrages y sont mis en vente; je
libentius ex litteris tuis cognovi venditari libellos meos, suis charmé qu'ils gardent dans ces pays étrangers la
quibus peregre manere gratiam, quam in urbe collegerint, faveur qu'ils ont acquise à Rome. Je commence à croire
assez parfaits des ouvrages, sur lesquels des hommes de
delector. Incipio enim satis absolutum existimare, de contrées si éloignées les unes des autres portent le même
quo tanta diversitate regionum discreta hominum judicia jugement. Adieu.
consentiunt. Vale.
XII. — C. P L I N E SALUE SON CHER JUNIOR
XII. — C. PLINIUS JUNIORI SUO S.
Un père réprimandait vivement son fils parce qu'il
dépensait un peu trop en achats de chevaux et de chiens.
Castigabat quidam fllium suum, quod paulo sump- Après le départ du jeune homme je lui dis : « Eh quoi !
tuosius equos et canes emeret. Huic ego, juvene digresso : vous même, n'avez-vous jamais rien fait qui pût être
« Heus tu, nunquamne fecisti, quod a pâtre corripi posset? repris par votre père? Avez-vous fait, ou plutôt ne faites-
vous pas parfois des actions que votre fils, si lui deve-
fecisti, dico? Non interdum faeis, quod filius tuus, si nait tout à coup le père et vous le fils, pourrait blâmer
repente pater ille, tu filius, pari gravitate reprehendat? avec une égale sévérité 69. Tous les hommes n'ont-ils,
pas leur faible? N'est-ce pas que l'un se pardonne telle
Non omnes ho mines aliquo errore ducuntur? non bic
fantaisie, l'autre telle autre? » Je vous fais part de ces
in illo sibi, in hoc alius indulget? » Hœc tibi admonitus réflexions, que m'a inspirées cet exemple de sévérité
immodicse severitatîs exemple pro amore mutuo scripsi, excessive, au nom de notre mutuel attachement, pour
que vous-même par hasard vous ne traitiez pas aussi
ne quando tu quoque fllium tuum acerbius dunusque votre propre fils avec trop de rigueur et de dureté.
tractares. Cogita et illum puerum esse et te fuisse; atque Pensez que c'est un enfant, que vous l'avez été et usez
212 C. PLINII SECUNDI. LIBER IX
PLINE LE JEUNE. LIVRE IX 213

ita hoc, quod es pater, utere, ut memineris et hominem de votre qualité de père, en vous souvenant que vous
êtes un homme et le père d'un homme. Adieu.
esse te et hominis patrem. Vale.
X I I I . — C. PLINE SALUE SON CHER QUADRATUS
X I I I . — C. PLINIUS QUADRATO SUO S.
Plus vous avez mis d'empressement et d'attention
Quanto studiosius intentiusque legisti libros, quos de à lire les ouvrages que j'ai composés pour la vengeance
d'Helvidius ' 9 , plus vous me pressez de vous écrire en
Helvidi ultione composui, tanto impensius postulas, ut détail tout ce qui n'est pas dans ces ouvrages, tout ce
perscribam tibi quseque extra libros, quseque circa libros, qui s'y rapporte, toute la suite enfin de cette affaire, à
totum denique ordinem rei, cui per setatem non interfuisti. laquelle vous n'avez pas pu assister à cause de votre
âge.
Occiso Domitiano, statui mecum ac deliberavi esse
Quand Domitien fut mort, je jugeai, après avoir bien
magnam pulchramque materiam insectandi nocentes, réfléchi, que c'était une grande et belle occasion de
miseros vindicandi, se proferendi. Porro inter multa poursuivre des criminels, de venger des innocents, de
scelera multorum nullum atrocius videbatur, quarn quod se faire valoir soi-même. Or parmi tant de crimes dont
se rendaient coupables tant de gens, aucun ne me parais-
in senatu senator senatori, prsetorius consulari, reo sait plus atroce que l'attentat commis en plein sénat
judex manus intulisset. Fuerat alioqui mihi cum Helvidio par un sénateur sur un sénateur, par un ancien préteur sur
amicitia, quanta potuerat esse cum eo, qui metu tempo- un ancien consul, par un juge sur un accusé. J'avais
d'ailleurs été lié avec Helvidius d'une amitié aussi étroite
rum nomen ingens paresque virtutes secessu tegebat. qu'on le pouvait avec un homme obligé par la terreur
Fuerat cum Arria et Fannia, quarum altéra Helvidi des temps à cacher dans la retraite un nom glorieux
noverca, altéra mater novercœ. Sed non ita me jura pri- et des vertus égales; j'avais été lié avec Arria et Fannia
vata, ut publicum fas et indignitas facti et exempli ratio dont l'une était la belle-mère d'Helvidius, et l'autre la
mère de sa belle-mère. Mais c'était moins les droits de
incitabat. l'amitié que l'intérêt de la morale publique, la "mons-
Ac primis quidem diebus redditse libertatis pro se truosité du fait et le souci de l'exemple qui me déter-
minaient.
quisque inimicos suos, dumtaxat minores, incondito tur-
Dans les premiers jours où la liberté nous fut rendue,
bidoque clamore postulaverant simul et oppresserant. chacun se hâta de traduire en justice, avec des cris
Ego et modestius et constantius arbitratus immanissi- confus et tumultueux, ses ennemis, les moins puissants
mum reum non communi temporum hrvidia, sed proprio du moins, et de les y accabler aussitôt. Pour moi, pensant
qu'il y aurait plus de modération et de fermeté à ter-
crimine urgere, cum jam satis primus ille impetus defer- rasser un criminel si abominable sous le poids non de
visset, et languidior in dies ira ad justitiam redisset, la haine générale, mais de son propre forfait, quand le
quamquam tum maxime tristis amissa nuper uxore, mitto premier feu se fut un peu ralenti, quand la colère, se
calmant de jour en jour, eut fait place à la justice, quoique
ad Anteiam (nupta hœc Helvidio fuerat), rogo ut veniat,
PLINE LE JEUNE. — LIVRE IX 215
214 C. PLINII SECUNDI. LIBER IX

quia me recens adhuc luctus limine contineret. Ut yenit : je fusse précisément alors en proie au plus vif chagrin
à cause de la perte récente de ma femme, j'envoie chez
« Destinatum est, inquam, mihi maritum tuum non Antéia, veuve d'Helvidius, je la prie de venir vers moi,
inultum pati. Nuntia Arrise et Fanniae (ab exsilio redie- puisque mon deuil n encore nouveau ne me permettait
rant). Consule te, consule illas, an velitis ascribi facto, pas de sortir. Dès qu'elle arriva : « J'ai pris la résolution
lui dis-je, de ne pas laisser votre mari sans vengeance.
in quo ego comité non egeo ; sed non ita glorise faverim, Annoncez-le à Arria et à Fannia (elles étaient revenues
ut vobis societatem ejus invideam. » Perfert Anteia man- d'exil); consultez vous vous-même; consultez-les ; voyez
data; nec illse morantur. si vous vous voulez vous associer à mon dessein; ce
n'est pas que j'aie besoin d'aide, mais je ne suis pas si
Opportune senatus intra diem tertium. Omnia ego jaloux de ma gloire que je vous en refuse une part. »
semper ad Corellium rettuli, quem providentissimum setatis Antéia leur rapporte mes paroles et elles ne tardent pas.
nostrse sapientissimumqué cognovi. In hoc tamen con- Justement il y avait séance du sénat deux jours plus
tard. En tout j'ai toujours pris l'avis de Gorellius 7S,
tentus consilio meo fui, veritus ne vetaret; erat enim l'homme le plus prévoyant, le plus avisé que j'aie connu
cunctantior cautiorque. Sed non sustinui inducere in de notre temps. Cependant dans cette circonstance je
animum, quominus illi eodem die f acturum me indicarem n'ai pris conseil que de moi-même, craignant une oppo-
sition de sa part; car il était un peu hésitant et d'une
quod an facerem non deliberabam, expertus usu, de eo, prudence exagérée. Mais je ne pus prendre sur moi de
quod destinaveris, non esse consulendos, quibus consultis ne pas lui communiquer, le jour même de l'exécution,
obsequi debeas. Venio in senatum; jus dicendi peto, dico un dessein dont l'accomplissement n'était plus pour moi
en délibération, car je savais par expérience qu'il ne
paulisper maximo assensu. Ubi cœpi crimen attingere, faut pas, sur une décision bien arrêtée, consulter ceux à
reum destinare, adhuc tamen sine nomme, undique mihi qui on devrait obéir si on les consultait. Je viens au sénat,
je demande la parole, je dis quelques mots qui furent
reclamari. Alius : « Sciamus qui sit de quo extra ordinem
fort bien accueillis. Mais dès que j'abordai l'accusation,
referas ; alius : Quis est ante relationem reus? alius : Salvi que je désignai le coupable, sans le nommer encore, de
simus, qui supersumus. » Audio imperturbatus, interritus : tous côtés s'élevèrent des protestations. L'un criait :
« Sachons qui vous poursuivez ainsi avant votre tour » ;
tantum susceptse rei honestas valet tamtumque ad fidu-
un autre : « Qui accuse-t-on, avant que la poursuite
ciam vel metum differt, nolint hommes quod facias, an soit autorisée? » un autre : « Nous devons être hors de
non probent! danger, nous qui y avons échappé. » J'écoute tout sans
trouble, sans frayeur; tant vous donne de force la noblesse
Longum est omnia, quœ tune hinc inde jactata sunt,
d'une entreprise, tant il y a loin pour inspirer la con-
recensere. Novissime consul : « Secunde, sententise loco fiance ou la crainte, que le public s'oppose simplement
dices, si quid volueris. — Permiseras, inquam, quod usque à vos efforts ou qu'il les désapprouve !
adhuc omnibus perrnisisti. » Resido. Aguntur alia. Interea Il serait long de vous rapporter en détails toutes les
paroles qui furent lancées alors de part et d'autre.
me quidam ex consularibus amicis secreto curatoque
216 C. PLINII SECUNDI. LIBER IX PLINE LE JEUNE. LIVRE IX 217

sermone, quasi nimis fortiter incauteque progressum, Enfin le consul : « Secundus, dit-il, quand votre tour
d'opiner sera venu, vous exposerez ce que vous avez à
corripit, revocat, monet ut desistam, adjicit etiam :
dire. » — « Vous m'aviez permis, répliquai-je, ce que
Notabilem te futuris principibus f ecisti. — Esto, inquam, jusqu'ici vous avez permis à tout le monde. » Je m'as-
dum malis. » Vix ille discesserat, rursus alter : « Quid sieds, et l'on passe à d'autres affaires. Entre temps un
consulaire de mes amis, me prenant à part et à mots
audes? quo ruis? quibus te periculis objicis? Quid prœsen- voilés, trouvant que je m'étais aventuré avec trop d'au-
tibus confidis, incertus futurorum? Lacessis hominem dace et d'imprudence, me gronde, me reprend, me presse
d'abandonner mon projet; il ajoute même : « Vous vous
jam prœfectum asrarii et brevi consulem? prseterea qua
êtes signalé à l'attention des futurs empereurs. » — « Tant
gratia, quibus amicitiis fultum? » Nominat quemdam, mieux, dis-je, pourvu que ce soit à celle des méchants. »
qui tune ad Orientem amplissimum et famosissimum A peine celui-là m'avait-il quitté, qu'un autre revient
à la charge : « Quelle audace est la vôtre? Où vous pré-
exercitum non sine magnis dubiisque rumoribus obtinebat. cipitez-vous? A quels périls vous exposez-vous? Pourquoi
Ad hsec ego : « vous fier au présent, sans être sûr de l'avenir? Vous
attaquez un homme qui est déjà préfet du trésor et sera
Omnia prœcepi, atque animo mecum ante pevegi, bientôt consul ; de quel crédit, en outre, de quelles amitiés
n'est-il pas soutenu! » Il me nomme un personnage
Nec recuso, si ita casus attulerit, luere pœnas ob hones- qui alors en orient était à la tête d'une armée puissante
tissimum factum, dum flagitiosissimum ulciscor. » et glorieuse, mais sur lequel couraient des bruits assez
Jam censendi tempus. Dicit Domitius Apollinaris, con- forts et équivoques. Je lui réponds :
« Tout est résolu et accompli d'avance en mon âme 73
sul designatus, dicit Fabricius Veiento, Fabius Posthi- et je ne refuse pas, si le destin le veut ainsi d'être puni
mius, Bittius Proculus, collega Publici Certi, de quo pour une action généreuse, tandis que je vengerai un
agebatur, uxoris autem meœ, quam amiseram, vitricus, crime abominable. »
Arrive le moment d'opiner. Parlent Domitius Apolli-
post hos Ammius Flaccus. Omnes Certum, nondum a naris, consul désigné, Fabricius Veiento, Fabius Postu-
me nominatum, ut nominatum defendunt crimenque quasi mius, Bittius Proculus, collègue de Publicius Certus, de
qui il s'agissait, et beau-père de la femme, que je venais
in medio relictum defensione suscipiunt. Quœ prseterea
de perdre, après eux Ammius Flaccus. Tous défendent
dixerint, non est necesse narrare; in libris habes. Sum Certus, que je n'avais pas encore nommé, comme si je
enim cuncta ipsorum verbis persécutas. l'eusse fait, et entreprennent d'écarter une accusation
laissée pour ainsi dire en l'air. Que dirent-ils, je ne crois
Dicunt contra Avidius Quietus, Cornutus Tertullus. pas nécessaire de vous le raconter; vous le trouverez
Quietus, iniquissimum esse querelas dolentium excludi, dans mes écrits; j ' y ai tout consigné avec leurs propres
termes.
ideoque Arrise et Fannise jus querendi non auferendum, En sens contraire parlent Avidius Quietus, Cornutus
nec interesse cujus ordinis quis sit, sed quam causam Tertullus; Quietus soutient que c'est une injustice
PLINE LE JEUNE. LIVRE IX 219
218 C. PLINII SECUNDI. LIBER IX
criante de ne pas écouter les plaintes des victimes, qu'on
habeat. Cornutus, datum se a consulibus tutorem Hel- ne doit donc pas priver Arria et Fannia des droits de
vidi filise, petentibus matre ejus et vitrico; nunc quoque plainte, ni regarder la condition de la personne, mais la
nature de la cause. Cornutus dit que les consuls l'ont
non sustinere deserere officii sui partes, in quo tamen et donné comme tuteur à la fille d'Helvidius, sur la demande
suo dolori modum imponere et optimarum feminarum de sa mère et de son beau-père; même en ce moment il ne
peut souffrir de manquer aux devoirs de sa mission;
perferre modestissimum afîectum, quas contentas esse tout en la remplissant, il saura cependant imposer des
admonere senatum Publici Certi cruentse adulationis et limites à son propre ressentiment et se conformer à
petere, si pœna flagitii manifestissimi remittatur, nota l'attitude si modérée de ces admirables femmes, qui se
contentent de rappeler au sénat les sanglantes adulations
certe quasi censoria inuratur. Tum Satrius Rufus medio de Publicius Certus et de demander, si on lui fait grâce
ambiguoque sermone ; « Puto, inquit, injuriam factam de la peine méritée par un crime manifeste, qu'il soit du
moins marqué d'une flétrissure semblable à celle du
PuMicio Certo, si non absolvitur. Nominatus est ab amicis censeur. Alors Satrius Rufus dans un langage neutre et
Arriœ et Fanniie, nominatus ab amicis suis. Nec debemus équivoque : « Je pense, dit-il, que nous ferions injure à
Publicius Certus, si nous ne l'absolvions pas ; il a été nommé
solliciti esse ; idem enim nos, qui bene sentimus de homine, par les amis d'Arria et de Fannia, il a été nommé par ses
et judicaturi sumus. Si innocens est, sicuti et spero et amis à lui. Nous ne devons avoir aucune inquiétude;
malo, donec aliquid probetur, credo, poteritis absolvere. » car c'est nous, qui, à la fois, avons bonne opinion de lui,
et qui le jugerons aussi. S'il est innocent, comme je
Hœc illi, quo quisque ordine citabantur. Venitur ad l'espère et le désire, et comme je le crois, jusqu'à ce que
me; consurgo; utor initio, quod in libro est; respondeo l'on apporte quelque preuve contre lui, vous pourrez
l'absoudre. »
singulis. Mirum qua intentione, quibus clamoribus omnia
Ainsi parla chacun, à mesure qu'on le citait. Mon tour
exceperint qui modo reclamabant; tanta conversio vel vient. Je me lève, j'entre en matière comme dans mon
negotii dignitatem vel proventum orationis vel actoris écrit, je réponds à chacun. Ce fut merveille de voir avec
quelle attention, avec quels applaudissements toutes mes
constantiam subsecuta est. Finio. Incipit respondere paroles furent accueillies par ceux qui tout à l'heure
Veiento, nemo patitur; obturbatur, obstrepitur, adeo protestaient; tel fut le revirement produit, soit par
l'importance de la cause, soit par le succès du discours, soit
quidem ut diceret : « Rogo, P. C, ne me cogatis implorare par l'énergie de l'orateur. Je finis. Veiento 7i entre-
auxilium tribunorum. » Et statim Murena tribunus : prend de répondre, personne ne le lui permet; on inter-
rompt, on murmure, au point qu'il s'écrie : « Je vous en
« Permitto. tibi, vir clarissime Veiento, dicere. » Tune quoque
supplie, pères conscrits, ne m'obligez pas à implorer le
reclamatur. Inter moras consul, citatis nominibus, et secours des tribuns. » Aussitôt le^ribun Murena dit :
peracta discessione, mittit senatum, se pœne adhuc stan- « Je vous permets de parler, très illustre Veiento. » Des
protestations s'élèvent encore. Au milieu de cette obs-
tem tentantemque dicere Veientonem relinquit. Multum
220 C. PLINII SECUNDI. —• LIBER IX PLINE L E JEUNE. LIVRE IX 221

ille de hac (ita vocabat) contumelia questus est homerieo truction, le consul, ayant fait l'appel nominal et compté
versu : les voix, lève la séance et laisse Veiento presque encore
T
debout et s'efforçant de parler. Il s'est plaint amèrement
D Tépov, n jxoc),a 5T] <ÎÎ véoi xsEpouai [ix/ïj-as.
de cet affront (c'était son expression) en se servant du
vers d'Homère :
Non fere quisquam in senatu fuit, qui non me completec-
« O vieillard, combien durement te pressent les jeunes gens belliqueux ". »
retur, exoscularetur certatimque laude cumularet, quod
Il n'y eut presque personne dans le sénat qui ne vînt
intermissum tamdiu morem in publicum consulendi, sus-
m'embrasser, me baiser, m'accabler à l'envi d'éloges,
ceptis propriis simultatibus, reduxissem, quod denique pour avoir rétabli la coutume, depuis longtemps perdue,
senatum invidia liberassem, qua flagrabat apud ordines de veiller à l'intérêt de l'état au risque de s'attirer des
haines personnelles, pour avoir enfin déchargé le sénat
alios, quod severus in ceteros, senatoribus solis, dissi- du mépris, dont l'accablaient les autres ordres, lui repro-
mulatione quasi mutua, parceret. chant de réserver sa sévérité pour les autres citoyens et
d'épargner les sénateurs seuls, qui feignaient pour ainsi
Hœc acta sunt absente Certo; fuit enim seu taie ali- dire de ne pas voir les fautes les uns des autres.
quid suspicatus, sive, ut excusabatur, infirmus. Et rela- Tout cela s'est passé en l'absence de Certus; soit qu'il
tionem quidem de eo Ceesar ad senatum non remisit, ait flairé quelque chose de semblable, soit, selon l'excuse
qu'on donnait " , qu'il fût malade. L'empereur ne
obtinui tamen quod intenderam. Nain collega Certi con- demanda pas au sénat de poursuivre l'affaire. J'obtins
sulatum, successorem Certus accepit planeque factum cependant ce que j'avais cherché. Car le collègue de
Certus reçut le consulat et Certus un successeur; on fit
est quod dixeram in fine : « Reddat prœmium sub optimo exactement ce que j'avais demandé dans ma conclusion :
principe quod a pessimo accepit. » « Que Certus restitue sous le meilleur des princes la
Postea actionem meam, utcumque potui, recollegi, récompense qu'il a reçue du pire. »
Dans la suite j'ai rédigé mon discours de mémoire,
addidi multa. Accidit fortuitum, sed non tamquam for- aussi bien que j'ai pu, et j ' y ai ajouté beaucoup. Il
tuitum, quod, editis libris, Certus intra paucissimos dies survint un événement fortuit, mais que l'on ne crut pas
fortuit : très peu de jours après la publication de mon
implicitus morbo decessit. Audivi referentes hanc ima-
discours écrit, Certus tomba malade et mourut. J'ai
ginem menti ejus, hanc oculis oberrasse, tamquam vide- ouï dire qu'une image hantait sans cesse son esprit, se
ret me sibi cum ferro imminere. Verane hsec, affirmare présentait sans cesse devant ses yeux; il croyait me voir
le menacer une épée à la main. Est-ce vrai? Je n'oserais
non ausim; interest tamen exempli, ut vera videantur. l'affirmer ; mais il serait d'un bon exemple qu'on le crût vrai.
Habes epistulam, si modum espistulee cogites, libris Voilà une lettre qui, par rapport à la mesure ordinaire
quos legisti non minorem. Sed imputabis tibi, qui con- d'une lettre, n'est pas moins longue que les écrits que vous
avez lus; mais prenez-vous en à vous seul, qui n'avez
tentus libris non fuisti. Vale. pas su vous contenter des écrits. Adieu.
222 C. PLINII SECUNDI. —- LIBER IX
PLINE LE J E U N E . — LIVRE IX 223

XIV. — C. PLINE SALUE SQN CHER TACITE


XIV. — C. PLINIUS TACITO SUO S.
Vous êtes avare d'éloges pour vous, et moi je n'écris
Nec ipse tibi plaudis et ego nihil magis ex fide quam jamais avec plus de confiance que quand je parle de vous.
de te scribo. Posteris an aliqua cura nostri, nescio; nos La postérité prendra-t-elle quelque intérêt à nous? Je ne
sais, mais il est certain que nous le méritons, je ne dis
certe meremur ut sit aliqua, non dico ingenio (id enim pas par notre talent (ce serait de l'orgueil), mais par notre
superbum), sed studio et labore et reverentia postero- application, notre travail et notre respect de la postérité.
rorum. Pergamus modo itinere instituto, quod ut paucos Continuons seulement dans la voie que nous nous sommes
tracée; si elle n'en a toujours conduit qu'un petit nombre
in lucem famamque provexit, ita multos e tenebris et à une renommée éclatante, elle en a sauvé beaucoup de
silentio protulit. Vale. l'obscurité et du silence. Adieu.

X V . — C. PLINIUS FALGONI SUO S. X V . — G, P L I N E SALUE SON CHER FALCO

Je me suis réfugié dans ma villa de Toscane " afin de


Refugeram in Tuscos, ut omnia ad arbitrium meum pouvoir y vivre entièrement à mon gré. Mais c'est
facerem. A t hoc ne in Tuscis quidem; tam multis undique impossible, même en Toscane; tant les paysans me
rusticorum libellis et tam querulis inquietor, quos ali- tracassent de leurs innombrables requêtes et de leurs
plaintes, que je lis avec un peu plus de répugnance
quanto magis invitus quam meos lego ; nam et meos invi- encore que mes propres écrits; car même les miens
tus. Retracto enim actiunculas quasdam, quod post m'ennuient, Je retouche en effet quelques petits plai-
intercapedinem temporis et frigidum et acerbum est. doyers, travail à la fois fastidieux et pénible, après un
assez long intervalle. Mes comptes sont négligés, comme
Rationes, quasi absente me, negleguntur. Interdum
si j'étais absent. Pourtant je monte quelquefois à cheval
tamen equum conscendo, et patrem f amiliœ hactenus ago, et je joue le rôle de propriétaire jusqu'à parcourir quelque
quod aliquam partem praediorum, sed pro gestatione partie de mes domaines, mais à titre de promenade.
percurro. Tu consuetudinem serva nobisque sic rusticîs Vous, conservez votre habitude, et tenez-moi au courant,
pauvre campagnard que je suis, des faits de la ville. Adieu.
urbana acta perscribe. Vale.
XVI. — C. P L I N E SALUE SON CHER MAXIMILIANUS
XVI. — C. PLINIUS MAXIMILIANO SUO S.
Que vous ayez pris le plus vif plaisir à votre genre de
chasse si fructueux, rien d'étonnant, puisque vous
Summam te voluptatem percepisse ex isto copiosis-
m'écrivez en historien que l'on n'a pu faire le dénombre-
simo génère venandi non miror, cum historicorum more ment du butin, Pour moi, je n'ai ni le loisir, ni l'envie
scribas numerum inîri non potuisse. Nobis venari nec de chasser; le loisir, parce que les vendanges sont en
train; l'envie, parce qu'elles sont maigres. J'encaverai
vacat nec libet; non vacat, quia vindemi» in manibus;
224 C. PLINII SECUNDI. LIBER IX PLINE LE JEUNE. LIVRE IX 225

non libet, quia exiguee. Devehemus tamen pro novo cependant en guise de moût nouveau quelques petits
musto novos versiculos tibique jucundissime exigenti, vers et pour satisfaire à votre si aimable demande,
aussitôt qu'ils me paraîtront assez dépouillés par la
ut primum videbuntur defervisse, mittemus. Vale.
fermentation, je vous les enverrai. Adieu.

X V I I I . — C. PLINIUS GENITORI SUO S. X V I I . — C. P L I N E SALUE SON CHER GENITOR

Accepi tuas litteras, quibus quereris taedio tibi fuisse J'ai reçu la lettre dans laquelle vous vous plaignez de
l'ennui que vous a causé un dîner, d'ailleurs somptueux,
quamvis lautissimam cenam, quia scurrœ, cinœdi, morio-
à cause des bouffons, des mignons, des fous, qui circu-
nes mensis inerrabant. Vis tu remittere aliquid ex rugis? laient autour des tables 78. Ne voulez-vous pas vous
Equidem nihil taie habeo ; habentes tamen f ero. Cur ergo dérider un peu? Moi, je n'ai point de ces gens chez moi,
non habeo? quia nequaquam me ut inexspectatum fes- mais je tolère ceux qui en„ont. Pourquoi n'en ai-je point?
Parce que je ne trouve aucun agrément de surprise et de
tivumve delectat, si quid molle a cinsedo, petulans a gaieté, aux mots obscènes d'un mignon, aux imperti-
scurra, stultum a morione profertur. Non rationem, sed nences d'un bouffon, aux inepties d'un fou. Ce n'est
stomachum tibi narro. Atque adeo quam multos putas pas une règle de conduite que je vous donne, mais mon
goût. E t même ne savez-vous pas combien de gens sont
esse, quos ea quibus ego et tu capimur et ducimur, par- choqués par ces plaisirs qui nous séduisent et nous
tim ut inepta, partim ut molestissima ofîendant ! Quam charment, vous et moi, parce qu'ils les jugent tantôt sots,
multi, cum lector aut lyristes aut comœdus inductus est, tantôt insupportables? Combien, dès qu'un lecteur, un
joueur de lyre ou un comédien paraît, demandent leurs
calceos poscunt, aut non minore cum tsedio recubant,
chaussures pour s'en aller ou bien restent allongés,
quam tu ista (sic enim appellas) prodigia perpessus es? n'éprouvant pas moins d'ennui que vous, quand vous
Demus igitur alienis oblectationibus veniam, ut nostris avez subi ces monstruosités, ainsi que vous les appelez !
impetremus. Vale. Montrons donc de l'indulgence pour les plaisirs d'autrui,
afin d'en obtenir pour les nôtres. Adieu.

X V I I I . — C. PLINIUS SABINO SUO S. X V I I I . — C. P L I N E SALUE SON CHER SABINUS

Qua intentione, quo studio, qua denique memoria Votre lettre me montre avec quelle attention, avec
quel soin, avec quelle mémoire enfin vous avez lu mes
legeris libellos meos, epistula tua ostendit. Ipse igitur opuscules. C'est donc vous-même qui vous cherchez de
exhibes negotium tibi, qui elicis et invitas ut quamplu- l'embarras, en me priant et me sollicitant de consentir
rima communicare tecum velim. Faciam, per partes à vous en communiquer le plus grand nombre possible.
Je le ferai, mais par fractions et comme par lots, afin que
tamen et quasi digesta, ne istam ipsam memoriam, cui
cette excellente mémoire, à laquelle je rends grâce, ne
gratias ago, assiduitate et copia turbem oneratamque soit pas brouillée par la continuité et l'abondance de
PLINE LE JBDNE. T , II. 15
226 C. PLINII SEGUNDI. LIBER IX PLINE LE JEUNE. LIVRE IX 227

et quasi oppressam cogam pluribus singula, posterio- mes envois, et ne risque pas, surchargée et presque
accablée, de sacrifier chaque ouvrage à tous les autres
ribus priora dimittere. Vale.
et les premiers reçus aux derniers. Adieu.

XIX. — C. PLINIUS RUSONI SUO S. XIX. — C. P L I N E SALUE SON CHER RUSO

Vous me dites avoir lu dans une de mes lettres que


Significas legisse te in quadam epistula mea jussisse Verginius Rufus ordonna de graver sur son tombeau :
Verginium Rufum inscribi sepulcro suo : « Ici repose Rufus qui, après avoir abattu Vindex,
Hic situs est Rufus, pubso qui Vindice quondam chercha l'empire non pour lui, mais pour son pays. »
Imperium asseruit non sibi, sed patriœ. Vous le blâmez de l'avoir ordonné. Vous ajoutez qu'avec
plus de raison et de sagesse Frontinus 79 défendit de lui
Reprehendis quod jusserit, addis etiam melius rectius- élever aucuntombeau, et, en terminant, vous me demandez
que Frontinum, quod vetuerit omnino monumentum ce que je pense de tous les deux.
sibi fieri meque ad extremum quid de utroque sentiam Tous les deux ont été mes amis, et celui que vous blâ-
mez est celui que j'admirais le plus. Je l'admirais au point
consulis.
de ne pas croire qu'on pût jamais louer assez un homme,
Utrumque dilexi; miratus sum magis quem tu repre- dont je me vois obligé aujourd'hui de prendre la défense.
hendis, atque ita miratus, ut non putarem satis unquam A mon avis, tous ceux qui ont accompli quelque grande
laudari posse, cujus nunc mini subeunda defensio est. action, digne de mémoire, me paraissent non seulement
Omnes ego qui magnum aliquod memorandumque fece- très excusables, mais tout à fait louables, s'ils recherchent
runt, non modo venia, verum etiam laude dignissimos l'immortalité, qu'ils ont méritée, et s'ils s'efforcent
judico, si immortalitatem, quam meruere, sectantur d'assurer une longue gloire à un nom qui ne doit pas
victurique nominis ïamam supremis etiam titulis proro- périr, même par des inscriptions funéraires.
gare nituntur. Et je ne vois guère que Verginius, pour montrer autant
Nec facile quemquam nisi Verginium invenio, cujus de réserve dans son apologie, qu'il a mérité de gloire par
sa conduite. Je puis l'attester, quoiqu'il m'accordât
tanta in prsedicando verecundia, quanta gloria ex facto.
en toute intimité son amitié et sa confiance, une seule
Ipse sum testis, familiariter ab eo dilectus probatusque, fois en tout je l'ai entendu s'enhardir jusqu'à rapporter
semel omnino, me audiente, provectum, ut de rébus suis cet unique trait de lui : un jour Cluvius lui aurait dit :
hoc unum referret, ita secum aliquando Cluvium locu- « Vous savez, Verginius, quelle fidélité est due à l'histoire ;
tum : « Scis, Vergini, quse historiae fides debeatur. Proin- si donc vous lisez dans la mienne quelque récit différent
de si quid in historiis meis legis aliter ac velles, rogo de ce que vous désireriez, pardonnez-moi, je vous prie. »
ignoscas. » Ad hoc ille : « Tune, ignoras, o Cluvi, ideo me Il répondit : « Ignorez-voùs donc, Cluvius, que le but de
fecisse quod feci, ut esset liberum vobis scribere quse toute ma conduite a été de vous donner, à vous autres, la
libuisset? » liberté d'écrire ce qui vous plait? »
Maintenant comparons-lui cet excellent Frontinus en
Agedum, hune ipsum Frontinum in hoc ipso, in quo cela même où il vous paraît plus modeste et plus retenu.
tibi parcior videtur et pressior comparemus. Vetuit
228 C. PLINII SECUNDI. LIBER IX PLINE LE JEUNE. LIVRE IX 229

exstrui monumentum sed quibus verbis? « Impensa Il défendit qu'on lui érigeât un tombeau, mais en quels
monumenti supervacua est; memoria nostri durabit, si termes ! « La dépense d'un tombeau est superflue; ma
vita meruimus. » An restrictius arbitraris per orbem mémoire durera, si je l'ai mérité par ma vie. » Jugeriez-
vous donc plus réservé d'après vous de donner à lire à
terrarum legendum dare duraturam memoriam sui, quam tout l'univers que votre mémoire durera, que de marquer
uno in loco duobus versiculis signare quod feceris? en un coin du monde par deux petits vers ce que vous
Quamquam non habeo propositum illum reprehendendi, avez fait?
Mon intention d'ailleurs n'est pas de blâmer l'un, mais
sed hune tuendi; cujus quae potest apud te justior esse
de défendre l'autre; or quelle défense peut trouver plus
defensio quam ex collatione ejus quem prsetulisti? Meo de crédit auprès de vous que la comparaison avec celui
quidem judicio neuter culpandus, quorum uterque ad que vous lui avez préféré? Mais, à mon avis, ni l'un ni
gloriam pari cupiditate, diverso itinere contenait; alter, l'autre n'est blâmable, puisque tous deux ont marché
à la gloire, avec une égale ardeur, mais par des chemins
dum expetit débites titulos, alter, dum mavult videri contraires, l'un en réclamant les titres qui lui sont dus,
contempsisse. Vale. l'autre en préférant montrer qu'il les méprisait. Adieu.

XX. — C. PLINE SALUE SON CHER VENATOR


XX. — C. PLINIUS VENATORI SUO S.
Votre lettre m'a fait d'autant plus de plaisir, qu'elle
Tua vero epistula tanto mihi jucundior fuit quanto était plus longue, surtout qu'elle roulait tout entière sur
longior erat, prœsertim cum de libellis meis tota loquere- mes modestes ouvrages; que vous y trouviez de l'agré-
ment, je n'en suis pas surpris, puisque vous aimez tout
tur; quos tibi voluptati esse non miror, cum omnianostra ce qui vient de moi comme moi-même. Pour moi, je suis,
perinde ac nos âmes. Ipse cum maxime vindemias, gra- juste en ce moment, en train de cueillir des vendanges
ciles quidem, uberiores tamen quam exspectaveram, maigres certes, mais pourtant plus abondantes que je ne
l'espérais; si c'est cueillir la vendange que de couper
colligo; si colligere est nonnunquam decerpere uvam, une grappe de-ci de-là, visiter le pressoir, goûter le vin
torculum invisere, gustare de lacu mustum, obrepere doux à la cuve, traîner mes pas vers les esclaves de la
urbanis, qui nunc rusticis prœsunt meque notariis et ville, qui, maintenant, chargés de surveiller ceux de la
campagne, m'ont laissé à mes secrétaires et à mes lec-
ectoribus reliquerunt. Vale.
teurs. Adieu.

XXI. — C. PLINIUS SABINIANO SUO S. XXI. — C. P L I N E SALUE SON CHER SABINIANUS

Libertus tuus, cui suscensere te dixeras, venit ad me Votre affranchi, contre lequel vous disiez que vous
étiez irrité, est venu à moi et se jetant à mes pieds comme
advolutusque pedibus meis, tamquam tuis, haesit. Flevit il l'eût fait aux vôtres, il s'y tient attaché. Beaucoup de
multum multumque rogavit multum etiam tacuit, in larmes, beaucoup de prières, beaucoup même de silence
230 C. PLINII SECUNDI. LIBER IX PLINE LE JEUNE. —• LIVRE IX 231

summa fecit mihi fidem psenitentiœ. Vere credo emenda- ont fini par me convaincre de son repentir. Vraiment je
tum, quia deliquisse se^entit. le crois corrigé, parce qu'il sent qu'il a commis une faute.
Vous êtes fâché, je le sais, et vous êtes fâché avec
Irasceris, scio, et irasceris merito, id quoque scio. Sed raison, je le sais aussi; mais jamais la douceur n'est plus
tune prœcipua mansuetudinis laus, cum irse causa jus- estimable que quand la colère a de plus justes motifs.
tissima est. Amasti hominem, et, spero, amabis. Intérim Vous avez aimé cet homme, et, je l'espère, vous l'aimerez
encore; en attendant il suffit que vous vous laissiez
suflicit ut exorari te sinas. Licebit rursus irasci, si merue- fléchir. Vous pourrez vous fâcher de nouveau, s'il le
rit, quod exoratus excusatius faciès. Remitte aliquid mérite, et après vous être laissé fléchir, vous serez plus
adulescentiœ ipsius, remitte lacrimis, remitte indûlgentiee excusable. Accordez quelque chose à sa jeunesse, accor-
dez-le à ses larmes, accordez-le à votre bonté naturelle.
tuœ. Ne torseris illum, ne torseris etiam te, torqueris
Ne le tourmentez plus, ne vous tourmentez plus vous-
enim, cum tam lenis irasceris. même; car c'est vous tourmenter, vous d'un caractère
Vereor ne videar non rogare, sed cogère, si precibus si doux, que de vous fâcher.
ejus meas junxero. Jungam tamen tanto plenius et Je crains de vous paraître non pas prier, mais exiger,
si à ses prières je joins les miennes. Je les joindrai pour-
efïusius, quanto ipsum acrius severiusque corripui, des- tant avec d'autant plus de force et d'instances, que je
tricte minatus numquam me postea rogaturum. Hoc illi, l'ai réprimandé lui-même avec plus de vigueur et de
quem terreri oportebat, tibi non idem. Nam fortasse sévérité, l'ayant menacé nettement de ne jamais plus
intercéder en sa faveur. Mais cette menace était pour lui
iterum rogabo, impetrabo iterum, sit modo taie ut rogare qu'il fallait intimider, non pas pour vous, car il m'arrivera
me, ut prsestare te deceat. Vale. peut-être encore d'implorer, encore d'obtenir grâce, pour-
vu que le cas soit de nature à rendre honorable pour moi
de prier, pour vous d'exaucer. Adieu.
X X I I . — C. PLINIUS SEVERO SUO S.
X X I I . — C. PLINE SALUE SON CHER SEVERUS
Magna me sollicitudine affecit Passieni Pauli valetudo J'ai ressenti une vive inquiétude de la maladie de
et quidem plurimis justissimisque de causis. Vir est Passienus Paulus, et pour des raisons aussi nombreuses
optimus, honestissimus, nostri amantissimus ; prseterea que légitimes. C'est un homme excellent, d'une grande
vertu, et plein d'amitié pour moi; en outre dans les lettres
in litteris veteres semulatur, exprimit, reddit, Proper- il rivalise avec les anciens, les fait revivre, nous les rend,
tium in primis, a quo genus ducit, vera soboles eoque surtout Properce, dont il tire son origine, dont il est le
simillima, in quo ille prsecipuus. Si elegos ejus in manus véritable descendant et auquel il ressemble surtout dans
ce que ce grand poète a de meilleur. Prenez ses élégies
sumpseris, leges opus tersum, molle, jucundum, et plane et vous lirez des vers élégants, tendres, agréables, et
in Propertii domo scriptum. Nuper ad lyrica deflexit, réellement écrits dans la maison de Properce. Depuis peu
in quibus ita Horatium, ut in Mis illum alterum, effmgit. il s'est tourné vers la poésie lyrique, dans laquelle il
232 C. PLINII SECUNDI. — LIBER IX PLINE LE JEUNE. —- LIVRE IX 233

Putes, si quid in studiis cognatio valet, et hujus propin- reproduit Horace, avec autant de bonheur que dans
quum. Magna varietas, magna mobililas; amat ut qui l'autre genre il imitait l'autre poète. On le croirait, si la
parenté a quelque valeur dans les lettres, proche parent
verissime, dolet ut qui impatientissime, laudat ut qui
aussi d'Horace. Beaucoup de variété, beaucoup de mobi-
benignissime, ludit ut qui facetissime, omnia denique lité; il dépeint l'amour comme le sincèrement épris, la
tamquam singula absolvit. Pro hoc ego amico, pro hoc douleur en homme désolé, il loue comme les plus bien-
ego ingenio, non minus œger animo quam corpore ille, veillants, il badine comme les plus spirituels, en chaque
genre enfin il atteint la perfection, comme s'il n'en cul-
tandem illum, tandem me recepi. Gratulare mini, gra- tivait qu'un. C'est pour un ami si cher, pour un si grand
tulare etiam litteris ipsis, quse ex periculo ejus tantum talent, que j'étais non moins malade d'esprit que lui de
discrimen adierunt, quantum ex salute glorise consequen- corps; mais enfin il m'est rendu, je suis rendu à moi-
même. Félicitez-moi, félicitez aussi les lettres mêmes
tur. Vale. auxquelles son péril a fait courir autant de danger, que
son salut leur vaudra de gloire. Adieu.
X X I I I . — C. PLINIUS MAXIMO SUO S.
X X I I I . — C. PLINE SALUE SON CHER MAXIMUS
Fréquenter agenti mini evenit ut centumviri, cum
Souvent, quand je plaidais, il m'est arrivé que les
diu se intra judicum auctoritatem gravitatemque tenuis-
centumvirs 80 , après s'être longtemps renfermés dans
sent, omnes repente quasi victi coactique consurgerent leur dignité et leur gravité de juges, tous ensemble brus-
laudarentque. Fréquenter e senatu famam, qualem quement comme vaincus et contraints, se levaient et
maxime optaveram, rettuli; numquam tamen majorem applaudissaient. Souvent j'ai obtenu du sénat une gloire
qui répondait à tous mes vœux; mais je n'ai jamais
cepi voluptatem, quam nuper ex sermone Corneli Taciti. éprouvé une joie pareille à celle que me causa une récente
Narrabat sedisse secum circensibus proximis equitem conversation avec Cornélius Tacite. Il racontait qu'aux
Romanum, hune, post varios eruditosque sermones requi- derniers jeux du cirque il s'était trouvé assis auprès d'un
chevalier romain. Celui-ci, après des propos variés et
sisse : « Italicus es an provincialis ? » se respondisse : savants, lui demanda: « Etes-vous de l'Italie ou de quelque
« Nosti me et quidem ex studiis. » Ad hoc illum : « Tacitus province? » Tacite répondit : « Vous me connaissez, et
es an Plinius? » Exprimere non possum quam sit jucun- c'est aux lettres que je le dois. » L'autre reprit : « Etes-
vous Tacite ou Pline? » Je ne puis vous exprimer combien
dum mihi quod nomina nostra, quasi litterarum pro- il m'est agréable que nos noms, devenant comme les
pria, non hominum, litteris redduntur, quod uterque nos- noms mêmes des lettres, au lieu de noms propres
trum his etiam ex studiis notus, quibus aliter ignotus d'hommes, soient employés pour désigner les lettres, et
que chacun de nous soit connu par ses travaux littéraires,
est. même de ceux auxquels il est inconnu par ailleurs.
Accidit aliud ante pauculos dies simile. Recumbebat Il est arrivé un autre fait semblable, il y a à peine
mecum vir egregius, Fabius Ruflnus, super eum muni- quelques jours. A table j'étais voisin d'un homme dis-
234 c. PJLINII SECUNDI. — LIBER IX PLINË L E JEUNE. LIVRE IX 235
ceps ipsius, qui illo die primum venerat in urbem. Cui tingué, Fabius Ruflnus; de l'autre côté, il avait un de
Ruflnus demonstrans me : « Vides hune? » Multa deinde ses compatriotes, qui ce jour-là était arrivé à Rome
pour la première fois; Ruflnus lui dit en me montrant :
de studiis nostris, et ille : « Plinius est », inquit. « Voyez-vous celui-ci? » Puis il parla longuement de
Verum fatebor, capio magnum laboris mei fructum. mes travaux. E t notre homme : « C'est Pline », dit-il.
J'avoue la vérité : je reçois une belle récompense de
An, si Demosthenes jure lsetatus est, quod illum anus ma peine. Est-ce que, si Démosthène a eu raison de se
attica ita noscitavit, 0û-6ç 4<m Aï][*.ou8évï)ç, ego celebri- réjouir qu'une vieille Athénienne, heureuse de le recon-
naître, se soit écriée : « Voilà Démosthène », je ne devrais
tate nominis mei gaudere non debeo? Ego vero et
pas être heureux de la célébrité de mon nom? Eh bien,
gaudeo, et gaudere me dico; neque enim vereor ne jac- moi j'en suis heureux et je le dis. Car je ne crains pas
tantior videar, cum de me aliorum judicium, non meum d'être taxé de vanité, puisque je ne rapporte sur moi
que le jugement des autres, non le mien; surtout m'adres-
profero, praesertim apud te, qui nec ullius invides lau- sant à vous, qui ne portez envie à la gloire de personne
dibus et faves nostris. Vale. et qui vous réjouissez de la mienne. Adieu.

81
X X I V . — C. PLINE SALUE SON CHER SABINIANUS .
X X I V . — C. PLINIUS SABINIANO SUO S.
Vous avez bien fait d'accueillir de nouveau dans votre
Bene fecisti, quod libertum aliquando tibi carum redu- maison et dans votre affection, escorté de mes lettres,
centibus epistulis meis in domum, in animum recepisti. l'affranchi qui vous fut cher autrefois. Vous vous en
féliciterez; pour moi je m'en félicite, d'abord parce que
Juvabit hoc te. Me certe juvat, primum quod te tam
je vous vois assez traitable pour vous laisser fléchir
tractabilem video, ut in ira régi possis, deinde quod même dans la colère, ensuite parce que votre amitié
tantum mihi tribuis, ut vel auctoritati mese pareas, vel pour moi va jusqu'à céder à mes conseils, ou plutôt à
déférer à mes prières. Recevez donc mes éloges et mes
precibus indulgeas. Igitur et laudo et gratias ago. Simul remerciements. J'y joins pour l'avenir la recommanda-
in posterum moneo ut te erroribus tuorum, etsi non fuerit tion d'avoir de l'indulgence pour les fautes de vos gens,
même s'ils n'ont point d'intercesseur. Adieu.
qui deprecetur, placabilem prœstes. Vale.

X X V . — C. PLINE SALUE SON CHER MAMILIANUS.


XXV. — C. PLINIUS MAMILIANO SUO S.
Vous vous plaignez de la multitude de vos occupa-
Quereris de turba castrensium negotiorum, et, tan- tions militaires, et pourtant, comme si vous jouissiez
d'un parfait loisir, vous lisez mes amusements et mes
quam summo otio perfruare, lusus et ineptiâs nostras sottises, vous les aimez, vous les réclamez et vous me
legis, amas, flagitas meque ad similia condenda non pressez même vivement d'en composer d'autres. Je
mediocriter incitas. Incipio enim ex hoc génère studio- commence en effet à espérer de ce genre de travaux
236 C. PLINII SECUNDI, LIBER IX PLINE LE JEUNE. LIVRE IX 237

rum non solum oblectationem, verum etiam gloriam non seulement une distraction, mais même de la gloire,
petere, post judicium tuum, viri gravissimi, eruditissimi, depuis qu'ils obtiennent l'approbation d'un homme si
savant, si sérieux, et surtout si sincère que vous. En
ac super ista verissimi. Nunc me rerum actus modice, sed ce moment la défense de quelques causes, quoique modé-
tamen distringit. Quo fmito aliquid earundem camena- rément, m'absorbe cependant. Dès que j'en serai quitte,
je vous enverrai encore quelques essais de ces mêmes
rum in istum benignissimum sinum mittam. Tu passer- muses, puisque vous leur ouvrez un cœur si bienveil-
culis et coîumbulis nostris inter aquilas vestras dabis pen- lant. Vous, donnez l'essor à mes passereaux et à mes
nas, si tamen et sibi et tibi placebunt. Si tantum sibi, mignonnes colombes en même temps qu'à vos aigles,
si toutefois votre confiance dans leurs forces égale la
continendos cavea nidove curabis. Vale. leur; s'ils ont seuls confiance, vous veillerez à les garder
dans la cage ou dans le nid. Adieu.
X X V I . —• G. PLINIUS LUPERCO SUO S.
X X V I . — C. P L I N E SALUE SON CHER LUPERCUS 8 2 .

Dixi de quodam oratore seculi nostri, recto quidem Parlant d'un orateur de notre temps, correct certes
et sano, sed parum grandi et ornato, ut opinor, apte : et pur, mais sans grandeur et sans ornement, j'ai dit,
« Nihil peccat, nisi quod nihil peccat. » Débet enim je crois avec justesse : « Il n'a qu'un défaut, c'est de ne
pas avoir de défaut. » L'orateur en effet doit s'élever,
orator erigi, attolli, interdum etiam effervescere, efïerri s'exalter, parfois même être bouillonnant, emporté, et
ac ssepe accedere ad prseceps, nam plerumque altis et surtout s'approcher du précipice; car généralement les
hauteurs et les sommets touchent aux abîmes. Plus sûr
excelsis adjacent abrupta. Tutius per plana, sed humi- est le chemin de plaine, mais plus bas et plus terre à
lius et depressius iter. Frequentior currentibus quam terre; plus fréquentes les chutes pour ceux qui courent,
que pour ceux qui rampent, mais ceux-ci n'ont aucun
reptantibus lapsus, sed his non labentibus nulla, illis
mérite à ne pas tomber, ceux-là en acquièrent même en
nonnulla laus, etiamsi labantur. Nam ut quasdam artes, tombant; car à l'éloquence comme à d'autres arts rien
ita eloquentiam nihil magis, quam ancipitia commen- ne donne plus de prix que de s'exposer au risque. Vous
voyez les gymnastes qui, le long d'une corde s'efforcent
dant. Vides qui per funem in summa nituntur, quantos d'atteindre le sommet; quelles acclamations ils soulèvent,
soleant excitare clamores, cum jam jamque casuri viden- toutes les fois qu'ils paraissent sur le point de tomber.
Ce que nous admirons le plus, c'est le plus inattendu,
tur. Sunt enim maxime mirabilia, quse maxime insperata, le plus hasardé, ce que les grecs appellent plus exacte-
maxime periculosa, utque Grœci magis exprimunt roxpi- ment du mot xaêhêoka., aventureux. Voilà pourquoi un
6ola. Ideo nequaquam par gubernatoris est virtus, cum pilote montre moins d'habileté à voguer sur une mer
calme que dans la tempête; dans un cas, personne ne
placido, cum turbato mari vehitur; tune admirante l'admire, et il entre au port sans compliments et sans
nullo, illaudatus, inglorius subit portum; at cum stri- gloire; mais quand les cordages sifflent, quand le mât
238 C. PLINII SECUNDI. LIBER IX PLINE LE JEUNE. LIVRE IX 239

dunt funes, curvatur arbor, gubernacula gemunt, tune plie, quand le gouvernail gémit, alors il est le brillant
iUe clarus et diis maris proximus. nautonnier, presque l'égal des dieux de la mer.
Pourquoi ces réflexions? C'est que vous m'avez paru
Cur hsec? quia visus es mini in scriptis meis anno- noter dans mes écrits certains passages où vous trou-
tasse quaedam ut tumida, quae ego sublimia, ut improba, viez de l'enflure, et moi du sublime, du mauvais goût
et moi de l'audace, un manque de mesure et moi de la
quse ego audentia, ut nimia, quse ego plena arbitrabar. plénitude. Or il importe au plus haut point que vous
Plurimum autem refert, deprehendenda annotes an insi- distinguiez dans vos annotations les endroits blâmables
gnia. Omnes enim advertit quod eminet et exstat. Sed et les endroits saillants. Chacun aperçoit ce qui s'élève
au-dessus de la moyenne et la dépasse; mais il faut un
acri intentione dijudicandum est, immodicum sit an fin discernement pour juger entre l'excès et la gran-
grande, altum an énorme. Atque ut Homerum potissi- deur, entre l'élévation et l'extravagance. Et, pour citer
d'abord tïomère, à qui donc pourront échapper, qu'on
mum attingam, quem tandem alterutram in partem
les prenne en bien ou en mal, les vers suivants :
potest fugere, « tout autour retentit la trompette du vaste ciel... s3

sa lance était appuyée sur un nuage... "


'A[npî Se aâ)jUY$sv (isyaç oùpœvo;
rjépt S' i'Y/oç SZSXXITO. . . . et tout le passage :
8a
« Même la vague marine ne hurle pas ainsi... ?»
et totum illud,
Mais il faut l'aiguille de la balance pour décider si
c'est de l'emphase absurde et creuse, ou de la poésie
otfts ftx\âa<jT)f Kufia -roaa-ov fioâot... 1
magnifique et divine.
Ce n'est pas que je m'imagine d'avoir dit ou de pou-
Sed opus est examine et libra, incredibilia sint hsec et voir dire rien de semblable, je.ne suis pas fou à ce point;
inania an magniflea et cœlestia. mais je veux faire entendre ceci : on doit lâcher les rênes
à l'éloquence et ne pas abattre les élans du génie en
Nec nunc ego me lus similia aut dixisse aut posse l'enfermant dans un cercle trop étroit.
dicere puto, non ita insanio. Sed hoc intellegi volo, Mais, dira-t-on, autre est la liberté des orateurs, autre
laxandos esse eloquentise frenos, nec angustissimo gyro celle des poètes. Comme si, en vérité, M. Tullius
était moins hardi! Mais laissons Cicéron; car il n'y a
ingeniorum impetus refringendos. pas, je pense, d'hésitation à son égard. Or, Démos-
At enim aîia condicio oratorum, alia poetarum. Quasi thène lui-même, ce type, ce modèle de l'orateur, songe-t-il
à retenir et à comprimer son élan, quand il dit ces paroles
vero M. Tullius minus audeat ! Quamquam hune omitto; fameuses :
neque enim ambigi puto. Sed Demosthenes ipse, iUe « hommes corrompus, flatteurs, mauvais génies... si »
norma oratoris et régula, num se cohibet et comprimit, et encore :
« Ce n'est pas avec des pierres que j'ai fortifié la ville,
cum dicit illa notissima? "AvGpco^oi fxiocpoi, x.a.1 xiAaxsç, xat moi, ni avec des briques... »
240 C. PLINII SECUNDI. — LIBER IX
PLINE LE JEUNE. LIVRE IX 241

àlâa-opeç. Etrursus: Où HQo'.ç srsîxto-a T^VroiÀtvouSe îtXîvôoiç et bientôt après : « Ne fallait-il pas', du côté de la mer,
èyw. Et statim : ou-/, ex jjiv Qalàvcr\ç TJ]V E'ûëotav TtpoêaXsffôat jeter l'Eubée devant l'Attique... s4 »
:rpô T9JÇ 'ATTUCÎJÇ... Et alibi : 'Eyw Se oîfjuu [ASV, W avSpeç Et ailleurs : « Pour moi, Athéniens, je pense, oui par
les dieux, je crois que cet homme est enivré par la gran-
'Aôrjvaïoi, v^l TOIIÇ ôeobç, éxsîvov fwflûsiv xw [Xêyéôet TMV deur de ses exploits... 84 Est-il rien de plus hardi que
wsxpaifiAévwv. Jam quid audentius illo pulcherrimo aclon- cette magnifique et longue digression : « Une maladie...?
gissimo excessu : Notn^a yàp...? Quid hœc, breviora Voici d'autres traits plus courts que les précédents,
mais d'une hardiesse égale : « alors moi à Python plein
superioribus, sed audacia paria: T6TS lyw [Aèv TM niOwyt d'orgueil, qui répandait contre vous les flots de son élo-
Gpa<juvop.évtd, xoù ittA^cf) péovri xa9 ' ôjxffii» ? Ex eadem nota : quence... » Et ceci du même genre : « Lorsqu'un homme,
"OTOCV Se ex :r).sovei;ia<; xat îtovrjptaç Ttç, wcraep OÔTQÇ, Iffj^yffy), comme celui-ci, tire toute sa force de son ambition et
de sa méchanceté, le premier prétexte et le moindre heurt
7j xpe)T7) •Rpofo.aiç, xal (xixpov icralerfjux feavra àvs^akure xal renverse et détruit tout l'édifice... » Et de même encore :
SieXuirs. Simile his : 'Aîrea)(oivt<7fjtivoç âîtaut TOÏÇ ev ffl TTOXSI « exclu de tous les droits de citoyen... « Et dans le même
otxaïoiç. Et ibidem : Su TC»V sîç Taîrca l'Xeov TtpoSSwxaç, discours : « Vous avez négligé, Aristogiton, la pitié que ces
faits pouvaient inspirer, que dis-je, vous l'avez étouffée
'ApKjTOYeïxov, f*2AAov SI àvv]p7)xaç Ô'ÀWÇ. MT] S^ 7tpàç ovç auroç
dans tous les cœurs ; n'essayez donc pas, après avoir vous-
e/wiraç ^tjxsvaç, xaî îrpoa-SoÀwv lvejrta]<7aç, xpoç TOUTOUÇ ôpp^Çou. même ensablé et comblé les ports, d'y chercher un abri... »
Et dixerat : Toikti) S ' oùSÉva opS T£>V TOTTWV TOUTWV (3à<n|/.ov Il avait déjà dit : « Je ne vois pour cet homme aucun
point accessible, mais partout ce ne sont que précipices,
ovta, aWdt, Ttâvca <Mtixpï](/.va, (papafya;, pâpa9pa. Et deinceps :
ravins, abîmes... » Et plus loin : « Je crains que vous
AeSotxa JAT] SiÇrjxl Tt<7& TOV àel (3ouAo1aevov eTvat 7rovrjpov T&V êv n'ayez l'air d'enseigner à être criminel à ceux de la ville,
t5) 7côÀei xatôoTpiëetv. Nec Satis : OuSe yàp TOÙ; 7rpoYÔyouç qui y sont bien décidés... » Ce n'est pas tout : « Je ne
Ô7roXa f/.&iv(o là StxaffT^pta taura olxoSo^s'at, ïva TOI>Ç TOIOUTOUÇ suppose pas que vos ancêtres vous aient bâti ces tribunaux
pour y faire l'élevage d'hommes de cette sorte... » Il ajoute :
EV aÔTOîç [Aoax,eu^Tê- Ad hoc : EJ Se xà^rjXôç à<m 7rovr|pïaç, xat « Si c'est un marchand de malhonnêteté et un revendeur
xaXiyxa7:r)Xoç xai |xeTaëoXeûç. Et mille talia, ut prseteream et un trafiquant... » Enfin mille autres traits pareils,
quse ab iEschine 8au,u.ata, non p^ata, vocantur. pour ne pas citer ce qu'Eschine appelle « des tours de
force, non pas des paroles ».
In contrarium incidi. Dices hune quoque ob Je donne des arguments contre moi; vous allez dire
ista culpari. Sed vide quanto major sit, qui repre- que mon modèle aussi est accusé des défauts que vous
me reprochez. Mais voyez la supériorité de celui qui
henditur, ipso reprehendente; et major ob hsec quo-
est critiqué sur celui qui critique, supériorité fondée
que. In aliis enim vis, in his granditas ejus elu- sur ces hardiesses mêmes; car si dans d'autres passages
cet. brille la force de Démosthène, dans ceux-ci éclate la
Num autem ^Eschines ipse iis, quse in Demosthene sublimité de son génie. D'ailleurs Eschine lui-même
s'est-il abstenu des audaces qu'il blâmait dans Démos-
carpebat, abstinuit? Xp^) yàp, ro aiko ^kyysc&ai TOV p^Topa, thène? « Il faut, Athéniens, que l'orateur et la loi pro-
PLINE 1E JEUNE. T. II. 18
242 C. PLINII SEGUNDI. — LIBEK IX PLINE LE JEUNE. — LIVRE IX 243
xal TOV vé[^ov' OTav 8' Itspav [*èv çtovvjv <â<ptvj è VO[JIÔC, s-uepav Se noncent les mêmes paroles; mais quand la loi tient un
o pvjTiop... Alio loco : ''Exsita àvaçatvsTai irspl itâvTwv sv TtjS langage, et l'orateur un autre... » Ailleurs : « Ensuite il
apparaît clairement que tout dans son décret ne vise... »
(JnrjçîojAaTt... Iterum alio: 'AM * l~[xaQ-q\j.svoi xal svsSpsuovxe; Dans un autre passage encore : « Mais méfiez-vous,
Iv TÎj àxpoausi slasAauvrce aùtèv e'tç TOUÇ Trapavoixooç Aoyouç... épiez-le, en l'écoutant et maintenez-le dans le chemin de
Quod adeo probavit, ut répétât : aX)i ' ôrasp Iv rat; Êmw- la discussion sur l'illégalité... » Comparaison qu'il aime
au point de la reprendre : « Mais, comme dans les hippo-
Spojj-iatç sic rov TOÛ îrpaytxaTOç auiov Spojjiov elueXauvsTs... An dromes, maintenez sa course dans le chemin de l'affaire... »
illa custoditius pressiusque ? Sji 8k IXxoTCoieîç, T$ (juXXâêovTsç Ceci est-il plus prudent et plus mesuré : « Mais vous,
vous nous faites de nouvelles blessures... ou l'arrêtant
a>; AVIUT^V T<5v ^payu-aTiov Stà xîj« TroXtTsfaçrcX&vua,et alia. comme un pirate qui navigue à travers votre gouverne-
Exspecto, ut qusedam ex hac epistula, ut illud, guber- ment... Si » et tant d'autres passages?
nacula gemunt, et, diis maris proximus, iisdem notis Je m'attends que certains endroits de cette lettre,
tels que « le gouvernail gémit » et « presque l'égal des
quibus ea de quibus scribo, confodias. Intellego enim
dieux de la mer », soient criblés par vous des mêmes
me, dum veniam prioribus peto, in illa ipsa, quse anno- notes que ceux dont je prends la défense. Car je m'aper-
taveras, incidisse. Sed confodias licet, dummodo jam çois qu'en voulant demander grâce pour les fautes passées,
je suis retombé dans les défauts mêmes que vous aviez
nunc destines diem, quo et de illis, et de his coram notés. Mais criblez tant que vous voudrez, pourvu que,
exigere possimus. Aut enim tu me timidum, aut ego dès maintenant, vous me donniez un jour où nous
te temerarium faciam. Vale. puissions discuter de vive voix et mes anciennes audaces
et les nouvelles. Ou vous me rendrez timide, ou je vous
gagnerai à la témérité. Adieu.
X X V I I . — C. PLINIUS PATERNO SUO S.
X X V I I . — C. P L I N E SALUE SON CHER PATERNUS.
Quanta potestas, quanta dignitas, quanta maj estas,
Quelle est la puissance, la dignité, la majesté, la divi-
quantum denique numen sit historiae, cum fréquenter nité enfin de l'histoire, je l'ai senti souvent, mais jamais
alias, tum proxime sensi. Recitaverat quidam verissi- plus vivement que dans une circonstance récente. Quel-
qu'un avait lu en public un ouvrage plein de sincérité
mum librum partemque ejus in alium diem reservaverat. et en avait réservé une partie pour un autre jour. Voilà
Ecce amici cujusdam orantes obsecrantesque, ne reli- les amis de ce quelqu'un le priant et le suppliant de ne
pas donner lecture du reste. Tant ils avaient honte
qua recitaret. Tantus audiendi quse fecerint pudor,
d'entendre le récit de ce qu'ils avaient fait, alors qu'ils
quibus nullus faciendi, quse audire erubescunt ! Et ille n'en avaient point eu de faire ce qu'ils rougissaient
quidem prsestitit quod rogabatur; sinebat fldes. Liber d'entendre raconter. Notre auteur accorda ce qu'on lui
demandait; il le pouvait sans manquer à la vérité.
tamen, ut factum ipsum, manet, manebit legeturque Cependant l'ouvrage, aussi bien que l'action demeure;
244 C. PLINII SECUNDI. LIBER IX
PLINE LE JEUNE. LIVRE IX 245
semper tanto magis, quia non statim. Incitantur enim
il demeurera et sera lu toujours, d'autant plus qu'il ne
hommes ad cognoscenda quse difïeruntur. Vale. l'est pas sur-le-champ. Car la curiosité des hommes
est excitée par la longueur de l'attente. Adieu.
X X V I I I . — C. PLINIUS ROMANO SUO S.
X X V I I I . — C. PLINE SALUE SON CHER ROMANUS.
Post longum tempus epistulas tuas, sed très pariter
J'ai enfin reçu vos lettres, mais trois à la fois, toutes
recepi, omnes elegantissimas, amantissimas, et quales
pleines de charme, toutes d'une tendresse exquise, et
a te venire, prsesertim desideratas, oportebat. Quarum telles qu'elles devaient m'arriver de vous, surtout après
una injungis mini jucundissimum ministerium, ut ad avoir été longtemps attendues. Dans l'une vous me
Plotinam, sanctissimam feminam, litterse tuse perfe- chargez d'une commission très agréable, de faire remettre
votre lettre à Plotine, cette femme si digne de respect.
rantur; perferentur. Eadem commendas Popilium Arte- Ce sera fait. Dans la même vous me recommandez Popi-
misium. Statim preestiti quod petebat. Indicas etiam lius Artémisius. J'ai satisfait immédiatement à son
modicas te vindemias collegisse. Communis hœc mihi désir. Vous m'annoncez aussi que vous avez cueilli de
maigres vendanges. Je partage avec vous, quoique dans
tecum, quamquam in diversissima parte terrarum, que- des contrées bien différentes, les mêmes regrets.
rella est. Dans la deuxième lettre vous me dites que tantôt
Altéra epistula nuntias multa te nunc dictare, nunc vous dictez, tantôt vous écrivez des ouvrages qui me
rendent présent à vos yeux. Je vous en remercie; je
scribere, quibus nos tibi reprsesentes. Gratias ago, age-
vous en remercierais davantage, si vous aviez bien
rem magis, si me illa ipsa, quse scribis aut dictas, légère voulu me faire lire ces ouvrages mêmes que vous écrivez
voluisses. Et erat sequum, ut te mea, ita me tua scripta ou dictez. Car il aurait été juste que, vous connaissant
cognoscere, etiamsi ad alium quam ad me pertinerent. mes écrits, moi j'eusse communication des vôtres, même
s'ils ne m'étaient pas consacrés. Vous me promettez en
Polliceris in fine, cum certius de vitse nostrae ordina- finissant qu'aussitôt que vous aurez une certitude sur
tione aliquid audieris, futurum te fugitivum rei fami- mon plan de vie, vous vous évaderez de toutes vos
liaris, statimque ad nos evolaturum, qui jam tibi com- affaires domestiques et vous envolerez aussitôt vers
moi, qui en ce moment même vous prépare des entraves
pedes nectimus, quas perfringere nullo modo possis. que vous ne réussirez à briser à aucun prix.
Tertia epistula continebat esse tibi redditam oratio- La troisième m'apprenait qu'on vous a remis mon
nem pro Glario eamque visam uberiorem, quam dicente plaidoyer pour Clarius 86 et que vous l'avez trouvé plus
développé que le jour où je l'ai prononcé et où vous
me, audiente te, fuerit. Est uberior; multa enim postea
l'avez entendu. Il est en effet plus développé; car j ' y
insérai. Adjicis alias te litteras curiosius scriptas misisse; ai ajouté beaucoup postérieurement. Vous me dites
an acceperim quseris. Non accepi et accipere gestio. encore que vous m'avez envoyé une autre lettre écrite
Proinde prima quaque occasione mitte, appositis qui- avec plus de soin, et vous me demandez si je l'ai reçue.
Je ne l'ai pas reçue et je suis impatient de la recevoir.
246 C. PLINII SËCUNÛÎ. — USER tX PLINE LE J E U N E . — LIVRE IX 247
dem usuris, quas ego (num pareius possum?) centesi- A la première occasion envoyez-la donc, sans manquer
mas computabo. Vale. d'y joindre les intérêts, que je vous compterai (puis-je
y mettre plus de modération?) à douze pour cent. Adieu.

X X I X . — C. PLINIUS RUSTICO SUO S. X X I X . — C. PLINE SALUE SON CHER RUSTICUS

S'il vaut mieux exceller en une chose que d'être


Ut satius unum aliquid insigniter facere quam plu- médiocre en plusieurs, du moins vaut-il mieux être
rima mediocriter, ita plurima mediocriter, si non possis médiocre en plusieurs, quand on ne peut exceller en
unum aliquid insigniter. Quod intuens ego, variis me une seule. Guidé par cette règle je m'essaye dans divers
genres de travaux, n'ayant confiance en mes forces pour
studiorum generibus, nulli satis confisus, experior. aucun. Ainsi quand vous lirez de moi ceci ou cela, vous
Proinde cum hoc vel illud leges, ita singulis veniam, serez indulgent pour chaque ouvrage en pensant qu'il
n'est pas le seul. Est-il juste, puisque dans les autres
ut non singulis, dabis. An ceteris artibus excusatio in
arts la quantité est une excuse de la médiocrité, que
numéro litteris durior lex, in quibus difflcilior efîectus les lettres subissent une loi plus dure, quand le succès
est? Quid autem ego de venia quasi ingratus? Nam si y est plus difficile? Mais qu'ai-je besoin de parler d'indul-
gence comme un ingrat? Car si vous accueillez mes
ea facilitate proxima acceperis, qua priora, laus potius derniers ouvrages avec la même complaisance que les
speranda, quam venia obsecranda est. Mihi tamen venia premiers, ce sont des éloges que j'ai à espérer plutôt
que l'indulgence à implorer. Je me contenterais cepen-
sufflcit. Vale.
dant de l'indulgence. Adieu.

XXX. — C. PLINIUS GEMXNO SUO S. XXX. — C. PLINE SALUE SON CHER GEMINUS

Vous me faites l'éloge, souvent de vive voix, et main-


Laudas mihi et fréquenter praesens et nunc per epis- tenant dans votre lettre, de Nonius, votre ami, pour
tulas Nonium tuum, quod sit liberalis in quosdam; et sa générosité envers certains; j ' y joins le mien, à
condition qu'il ne la limite pas à ces seules personnes.
ipse laudo, si tamen non in hos solos. Volo enim eum, Je veux en effet qu'un homme vraiment généreux
qui sit vere liberalis, tribuere patriœ, propinquis, affi- donne à sa patrie, à ses parents, à ses alliés, à ses amis,
et j'entends à ses amis pauvres, sans imiter ces gens
nibus, amicis, sed amicis dico pauperibus, non ut isti,
qui font des largesses surtout à ceux qui peuvent le mieux
qui iis potissimum donant, qui donare maxime possunt. les leur rendre. Ce sont, à mon goût, des personnes inté-
Hos ego viscatis hamatisque muneribus non sua pro- ressées, qui veulent avec leurs présents couverts de glu
et armés d'hameçons non pas dépenser leurs trésors,
mere puto, sed aliéna corripere. Sunt ingenio simili, qui mais ratisser ceux d'autrui. Il y en a d'un talent ana-
quod huic donant, auferunt illi, famamque liberalitatis logue, qui donnent à l'un ce qu'ils enlèvent à l'autre
248 C. PLINII SECUNDI. LIBER IX PLINE LE J E U N E . LIVRE IX 249

avaritia petunt. Primum est autem suo esse contentum, et aspirent à se faire une réputation de libéralité à force
deinde quos prascipue scias indigere sustentantem foven- de rapine. Le premier devoir est de se contenter de
son bien ; le second, en prêtant appui et assistance à
temque orbe quodam societatis ambire. Quse cuncta
ceux que l'on sait les plus nécessiteux, de former comme
si facit iste, usquequaque laudandus est; si unum ali- un cercle fermé de bienfaisance. Si votre ami suit toutes
quod, minus quidem, laudandus tamen, tam rarum est ces règles, il mérite des éloges sans réserve; s'il n'en
suit qu'une, il en mérite moins, mais il en mérite encore,
etiam imperfectse liberalitatis exemplar ! Ea invasit tant est rare un exemple, même imparfait, de généro-
homines habendi cupido, ut possideri magis quam pos- sité. Une telle passion des richesses a envahi les hommes,
qu'ils en paraissent possédés, plutôt que possesseurs.
sidere videantur. Vale.
Adieu.

X X X I . — C. PLINIUS SARDO SUO S. X X X I . — C. P L I N E SALUE SON CHER SARDUS

Depuis que je vous ai quitté, je n'ai pas moins été


Postquam a te recessi, non minus tecum quam cum avec vous, que lorsque j'étais auprès de vous. J'ai lu
apud te, fui. Legi enim librum tuum, identidem repe- votre livre, reprenant plusieurs fois certains passages,
tens ea maxime (non enim mentiar) quse de me scrip- surtout ceux (car je ne veux point vous mentir) que vous
avez écrits sur moi, et dans lesquels vous avez été d'une
sisti, in quibus quidem percopiosus fuisti. Quam multa, rare générosité. Quelle abondance ! Quelle variété ! Que
quam varia, quam non eadem de eodem, nec tamen de choses sur un même sujet qui évitent la répétition, sans
tomber dans la contradiction. Oserais-je vous adresser
diversa, dixisti! Laudem pariter et gratias agam? Neu- à la fois des éloges et des remerciements? Je ne puis
trum satis possum, et, si possem, timerem ne arrogans m'acquitter dignement ni des uns ni des autres, et si je
esset, ob ea laudare, ob quse gratias agerem. Unum illud le pouvais, je craindrais qu'il n'y eût de la vanité à vous
louer d'un ouvrage, dont je vous remercierais. J'ajouterai
addam, omnia mini tanto laudabiliora visa, quanto jucun- seulement que tout votre ouvrage m'a paru d'autant
diora, et tanto jucundiora, quanto laudabiliora erant. plus louable, qu'il m'était plus agréable, et d'autant plus
agréable, qu'il était plus louable. Adieu.
Vale.

X X X I I . — C. P L I N E SALUE SON CHER TITIANUS


X X X I I . — C. PLINIUS TITIANO SUO S.
Que faites-vous? Qu'allez-vous faire? Moi, je mène la
Quid agis? quid acturus es? Ipse vitam jucundissi- vie la plus délicieuse, c'est-à-dire la plus oisive. C'est
mam, id est otiosissimam, vivo : quo fit ut scribere pourquoi je ne voudrais pas écrire de longues lettres, mais
je voudrais bien en lire; l'un satisfait à mes goûts volup-
longiores epistulas nolim, velim légère, illud tamquam tueux, l'autre à mon oisiveté. Car rien n'est plus pares-
250 C. PLINII SEÛUNDÎ. — LIBER IX PLINE LE JEUNE. — LIVRÉ IX 251

delicatus, hoc tamquam otiosus. Nihil est enim aut seux qu'un homme voluptueux, ni plus curieux qu'un
pigrius delicatis aut curiosius otiosis. Vale. homme oisif. Adieu.

X X X I I I . — C. PLINIUS CANINIO SUO S. X X X I I I . — G. P L I N E SALUE SON CHER CANINIUS

Je suis tombé sur une histoire vraie, bien qu'elle ait tout
Incidi in materiam veram, sed simillimam fictse, l'air d'une fable, et qui serait très digne de votre talent
dignamque isto laetissimo, altissimo planeque poetico si fertile, si noble, si véritablement poétique; j ' y suis
ingenio. Incidi autem, dum super cenam varia miracula tombé, alors qu'à table chacun à l'envi contait son pro-
dige. On reconnaît au garant une grande véracité; mais
liinc inde referuntur. Magna auctoris fides; tametsi quid
un poète se préoccupe-t-il de véracité? Cependant c'est un
poetae cum fide? Is tamen auctor, cui bene vel histo- garant en qui vous auriez foi, même pour écrire l'histoire.
riam scripturus credidisses. Il y a en Afrique la colonie d'Hippone toute voisine
de la mer. Elle touche à une lagune navigable, d'où sort,
Est in Africa Hipponensis colonia, mari proxima.
comme un fleuve, un canal, qui, alternativement, selon
Adjacet navigabile stagnum. E x hoc in modum fluminis que la marée descend ou monte, se déverse dans la mer,
sestuarium emergit, quod vice alterna, prout sestus aut ou revient vers la lagune. Tous les âges sont attirés là
repressit aut impulit, nunc infertur mari, nunc redditur par le plaisir de la pêche, du canotage, et même de la
natation, surtout les enfants, qu'invitent les loisirs et le
stagno. Omnis hic setas piscandi, navigandi atque etiam jeu. Ils mettent leur amour-propre et leur courage à
natandi studio tenetur, maxime pueri, quos otium s'avancer le plus loin possible en mer; la victoire est à
ludusque sollicitât. His gloria et virtus altissime pro- celui qui a laissé le plus loin derrière lui le rivage et ses
concurrents. Dans cette lutte, un enfant, plus audacieux
vehi; victor ille qui longissime, ut litus ita simul nantes, que les autres, s'aventurait fort loin. Un dauphin vient
reliquit. Hoc certamine puer quidam audentior ceteris au-devant de lui, et tantôt il précède l'enfant, tantôt
in ulteriora tendebat. Delphinus occurrit, et nunc prae- il le suit, tantôt il tourne autour de lui, enfin il se glisse
cedere puerum, nunc sequi, nunc circuire, postremo dessous, le laisse, le reprend, l'emporte, d'abord tout
tremblant vers le large, puis retourne à la côte et le rend
subire, deponere, iterum subire, trepidantemque per- à la terre ferme et à ses camarades 86.
ferre primum in altum, mox flectit ad litus redditque La nouvelle s'en répand dans la colonie; tout le monde
terrse et sequalibus. accourt; l'enfant est regardé comme un prodige et on ne
se lasse pas de l'interroger, de l'écouter, de raconter le
Serpit per coloniam fama. Concurrere omnes, ipsum fait. Le lendemain on se presse sur le rivage, on tient les
puerum tamquam miraculum aspicere, interrogare, yeux fixés sur la mer et sur tout ce qui lui ressemble.
audire, narrare. Postero die obsident litus, prospectant Les enfants se mettent à nager, et parmi eux le héros,
mais avec plus de précaution. Le dauphin reparaît au
mare, et si quid est mari simile. Natant pueri, inter hos même moment, près du même enfant. Lui s'enfuit avec
ille, sed cautius. Delphinus rursus ad tempus, rursus ad les autres. Le dauphin, comme pour l'inviter, l'appeler,
252 C. PLINII SEGUNDI. LIBER IX PLINE LE JEUNE. LIVRE IX 253

puerum. Fugit ille cum ceteris. Delphinus, quasi invitet, bondit, plonge, l'enlace et le délivre de mille cercles.
Même scène le lendemain, le surlendemain, plusieurs
revocet, exsilit, mergitur, variosque orbes implicitat
jours après, jusqu'à ce que les habitants, nourris sur la
expeditque. Hoc altero die, hoc tertio, hoc pluribus, mer, eussent honte de leur crainte. On s'approche, on
donec hommes innutritos mari subiret timendi pudor. joue avec le dauphin, on l'appelle, on le touche même,
Accedunt, et alludunt, et appellant, tangunt etiam per- on lui donne des caresses auxquelles il se prête. L'audace
trectantque prsebentem. Crescit audacia experimento. grandit à mesure qu'on éprouve sa douceur. Surtout
Maxime puer qui primus expertus est, annatat nanti, l'enfant qui l'avait le premier éprouvée, nage auprès de
lui, se hisse sur son dos, se laisse emporter et rapporter,
insilit tergo, fertur referturque, agnosci se, amari putat, croît être reconnu, aimé, et aime à son tour; ni l'un ni
amat ipse; neuter timet, neuter timetur; hujus flducia, l'autre n'a plus de crainte, n'inspire plus de crainte; la
mansuetudo illius augetur. Nec non alii pueri dextra confiance de l'un, la docilité de l'autre croissent. Même
lœvaque simul eunt hortantes monentesque. Ibat una d'autres enfants les accompagnent à droite et à gauche
(id quoque mirum) delphinus alius, tantum spectator et et les encouragent de leurs cris. Non loin, nouveau pro-
dige, nageait un autre dauphin, qui se contentait de
cornes. Nihil enim simile aut faciebat aut patiebatur,
regarder et de suivre. Il ne participait pas à ces jeux et
sed alterum illum ducebat reducebatque, ut puerum ne souffrait pas d'y être mêlé, mais il conduisait et rame-
ceteri pueri. nait le premier, comme les autres enfants leur camarade
Incredibile (tam verum tamen quam priora) delphi- Fait incroyable et pourtant aussi vrai que les précé-
num gestatorem collusoremque puerorum in terrain dents, le dauphin porteur et compagnon de jeux des
enfants, était même souvent tiré hors de l'eau; après
quoque extrahi solitum, harenisque siccatum, ubi inca- s'être séché sur le sable, quand il sentait la chaleur, il se
luisset, in mare revolvi. Constat Octavium Avitum, rejetait à la mer en roulant sur lui-même. Il est certain
legatum proconsulis, in litus educto religione parva qu'Octavius Avitus, légat du proconsul, cédant à une
superfudisse unguentum, cujus illum novitatem odo- superstition absurde, ayant attiré l'animal sur le rivage,
remque in altum refugisse, nec nisi post multos dies le fit arroser d'un parfum, dont l'odeur, étrange pour lui,
le mit en fuite pour la haute mer; on ne le revit que plu-
visum languidum et mœstum, mox, redditis viribus,
sieurs jours après, tout languissant et triste; puis ses
priorem lasciviam et solita ministeria repetisse. Conflue- forces revenues, il reprit sa gaieté antérieure et ses service;
bant ad spectaculum omnes magistratus, quorum adventu, accoutumés. Tous les magistrats accouraient pour le voir ;
et mora, modica respublica novis sumptibus attere- leur arrivée et leur séjour écrasaient de frais imprévus
batur. Postremo locus ipse quietem suam secre- les modestes ressources de la ville. Enfin le pays même
tumque perdebat. Placuit occulte interfici ad quod perdait sa vie paisible et retirée; on décida de tuer en
cachette la cause de cette affluence.
coibatur.
Avec quelle pitié, quelle abondance vous pleurerez de
Ffœc tu qua miseratione, qua copia deflebis, ornabis, tels événements, vous les embellirez, vous les glorifierez !
attolles ! Quamquam non est opus affmgas aliquid aut D'ailleurs il n'est pas besoin d'inventions ni d'ornements ;
astruas; sufflcit ne ea quse sunt vera minuantur. Vale. il suffit de ne pas diminuer la vérité. Adieu.
254 C. PLINII SECUNDI. — LIBER IX PLINE L E JEUNE. — LIVRE IX 255

X X X I V . — C. PLINE SALUE SON CHER SUÉTONE


X X X I V . — C. PLINIUS TRANQUILLO SUO S.
Tirez-moi d'embarras; on me dit que je lis mal, du
Explica aestum meum. Audio me maie légère, dum- moins les vers; car, pour les discours, j ' y suis convenable,
taxat versus : orationes enim commode, sed tanto minus mais c'est justement une raison pour l'être beaucoup
versus. Cogito ergo recitaturus familiaribus amicis, moins dans les vers. Je songe donc, pour une lecture
que je veux faire devant quelques amis en toute fami-
experiri libertum meum. Hoc quoque familiare, quod
liarité, à essayer mon affranchi87. C'est aussi beaucoup
elegi non bene, sed melius, scio, lecturum, si tamen non de familiarité que d'avoir choisi un lecteur, non pas
fuerit perturbatus, est enim tam novus lector, quam ego habile, mais meilleur que moi, je le sais, pourvu qu'il
poeta. Ipse nescio quid illo legente intérim faciam; ne se trouble pas; car il est aussi nouveau lecteur, que
sedeam defixus et mutus et similis otioso an, ut quidam, je suis nouveau poète. Quant à moi, je ne sais quelle
quœ pronuntiabit murmure, oculis, manu prosequar. attitude prendre, pendant qu'il lira; resterai-je assis,
Sed puto me non minus maie saltare, quam légère. Ite- les yeux baissés, muet, avec l'air indifférent, ou bien,
rum dicam, explica sestum meum, vereque rescribe num comme certains, accompagnerai-je son débit d'un mur-
sit melius pessime légère, quam ista vel non facere, vel mure, des yeux, du geste? Mais je crois que je sais aussi
facere. Vale. peu mimer que lire. Je vous le répète donc, tirez-moi
d'embarras, et répondez-moi en toute franchise s'il vaut
mieux lire très mal, que de faire ou de ne pas faire ce que
X X X V . — C. PLINIUS APPIO SUO S. je vous ai dit. Adieu.

Librum quem misisti recepi et gratias ago : sum tamen X X X V . — C. P L I N E SALUE SON CHER APPIUS
hoc tempore occupatissimus. Ideo nondum eum legi, J'ai reçu le livre que vous m'avez envoyé et je vous
cum alioqui validissime cupiam. Sed eam reverentiam cum en remercie. Mais je suis en ce moment fort occupé et je
litteris ipsis, tum scriptis tuis debeo, ut sumere illa nisi ne l'ai pas encore lu, malgré mon bien vif désir. Je dois ce
vacuo animo, irreligiosum putem. Diligentiam tuam in respect aux lettres et à vos écrits, de regarder comme
retractandis operibus valde probo. Est tamen aliquis un sacrilège de ne pas y donner un esprit entièrement libre.
modus, primum quod nimia cura deterit magis quam J'approuve tout à fait votre application à retoucher vos
emendat, deinde, quod nos a recentioribus revocat ouvrages. Il faut cependant qu'elle ait des bornes, d'a-
simulque nec absolvit priora et inchoare posteriora non bord parce qu'un excès de soin gâte plutôt qu'il n'amé-
patitur. Vale. liore, ensuite parce qu'il nous détourne de questions plus
récentes, et ne nous permet ni d'achever les anciens ou-
vrages, ni d'en entreprendre de nouveaux. Adieu. .
X X X V I . — C. PLINIUS FUSCO SUO S.
X X X V I . — G. PLINE SALUE SON CHER FUSCUS
Quseris quemadmodum in Tuscis diem sestate dispo- Vous me demandez comment je règle ma journée en
nam. Evigilo cum libuit, plerumque circa horam primam, été dans ma villa de Toscane. Je m'éveille quand il me
256 C. FLINII SECUNDI. LIBER IX PLINE LE JEUNE. LIVRE IX 257

ssepe ante, tardius raro. Clausae fenestrœ manent : mire plaît, ordinairement vers la première heure, souvent plus
enim silentio et tenebris ab iis quae avocant abductus tôt, rarement plus tard. Mes fenêtres restent closes; car,
merveilleusement protégé par le silence et l'obscurité
et liber et mihi relictus non oculos animo, sed animum contre tout ce qui distrait, libre et laissé à moi-même,
oculis sequor, qui eadem quse mens vident, quotiens je soumets non pas mon esprit à mes yeux, mais mes
yeux à mon esprit; ils voient en effet les mêmes choses
non vident alia. Cogito, si quid in manibus, cogito ad
que lui, toutes les fois qu'ils n'ont pas autre chose à voir.
verbum scribenti emendantique similis, nunc pauciora, Je travaille de tête, si j'ai quelque ouvrage en train, je
nunc plura, ut vel difficile, vel facile componi tenerive travaille, soignant les mots aussi minutieusement que
si j'écrivais et corrigeais; je rédige tantôt moins, tantôt
potuerunt. Notarium voco et, die admisso, quse forma- plus, selon que le texte est plus difficile ou plus facile à
veram dicto; abit rursusque revocatur rursusque remit- composer et à retenir. J'appelle mon secrétaire, et, fai-
sant ouvrir mes fenêtres, je dicte ce que j'ai mis au point;
titur. Ubi hora quarta vel quinta (neque enim certum il s'en va, je le rappelle et puis le renvoie une seconde
dimensumque tempus), ut dies suasit, in xystum me, fois. Vers la quatrième ou cinquième heure (car mes
moments ne sont pas rigoureusement mesurés et dis-
vel cryptoporticum confero; reliqua meditor et dicto.
tribués), suivant que le temps le permet, je me rends
Vehiculum ascendo : ibi quoque idem, quod ambulans sur la terrasse ou sous la galerie voûtée, je continue de
aut jacens. Durât intentio, mutatione ipsa refecta : composer et de dicter. Je monte en voiture. La encore
même travail que pendant la promenade ou dans mon
paulum redormio, dein ambulo, mox orationem grsecam lit; mon attention se soutient, ranimée par le changement
latinamve clare et intente non tam vocis causa quam même. Je refais un petit somme, puis je me promène; je
lis ensuite un discours grec ou latin d'une voix claire
stomachi lego; pariter tamen et illa firmatur. Iterum et ferme, moins pour fortifier ma voix même que ma
ambulo, ungor, exerceor, lavor. Cenanti mihi, si cum poitrine; mais du même coup elle s'en trouve elle aussi
affermie. Et puis nouvelle promenade, friction, exercices
uxore vel paucis, liber legitur. Post cenam, comœdus
physiques, bain. Pendant le dîner, si je le prends avec
aut lyristes : mox cum meis ambulo, quorum in numéro ma femme ou avec quelques amis, on me fait une lecture;
sunt eruditi. Ita variis sermonibus vespera extenditur après le repas, comédie ou musique, et puis promenade
en compagnie de mes serviteurs, parmi lesquels il y en
et, quamquam longissimus, dies cito conditur. a de fort instruits. La soirée se prolonge ainsi dans des
Nonnumquam ex hoc ordine aliqua mutantur. Nam conversations variées, et les jours, même très longs,
finissent vite.
si diu jacui vel ambulavi, post somnum demum lectio-
Parfois cet emploi du temps subit quelques modifi-
nemque non vehiculo, sed quod brevius, quia velocius, cations : car si je me suis attardé au lit ou à la promenade,
equo gestor. Interveniunt amici ex proximis oppidis, c'est seulement après mon petit somme que je monte,
non pas en voiture, mais à cheval, pour mettre moins
partemque diei ad se trahunt, interdumque lassato mihi de temps, en allant plus vite. Des amis surviennent des
P L I N E L E JEUNE. T. n . 17
258 C. PLINII SECUNDI. LIBER IX PLINE LE JEUNE. LIVRE IX 259

opportuna interpellatione subveniunt. Venor aliquando, villes voisines, s'adjugent une partie de ma journée et
sed non sine pugillaribus, ut, quamvis nihil ceperim, quelquefois apportent à ma fatigue le secours d'un déran-
gement fort opportun. Je chasse de temps en temps,
non nihil referam. Datur et colonis, ut videtur ipsis, mais jamais sans mes tablettes, afin que, même si je ne
non satis temporis, quorum mihi agrestes querelœ lit- prends rien, je ne revienne pas sans rien. Je donne aussi
teras nostras et lisec urbana opéra commendant. Vale. à mes fermiers quelque temps, mais trop peu à leur gré;
leurs plaintes rustiques me font aimer davantage nos
lettres et nos occupations de la ville. Adieu.
X X X V I I . — C. PLINIUS PAULINO SUO S.
X X X V I I . — C. PLINE SALUE SON CHER PAULINUS
Nec tuse naturse est, translaticia hsec et quasi publica
Il n'est pas dans votre caractère d'exiger de vos amis
officia a familiaribus amicis contra ipsorum commodum
intimes, contre leur intérêt, les devoirs traditionnels et
exigere, et ego te constantius amo, quam ut verear ne pour ainsi dire officiels, et moi je vous aime trop ferme-
aliter ac velim accipias, nisi te kalendis statim consulem ment, pour craindre que vous ne preniez en mauvaise
part, si, le jour même des calendes, je ne vais pas vous
videro, prœsertim cum me nécessitas locandorum prœ- faire visite à l'occasion de votre consulat, surtout alors
diorum plures annos ordinatura detineat, in qua mihi que je suis retenu par la nécessité de régler pour plusieurs
années la location de mes domaines 8S, et de prendre, à
nova consilia sumenda sunt. Nam priore lustro, quam-
cette occasion des dispositions nouvelles. Car, pendant
quam post magnas remissiones, reliqua creverunt. Inde le lustre écoulé, malgré de fortes remises, les reliquats
plerisque nulla jam cura minuendi œris alieni, quod de compte se sont accrus; aussi la plupart des fermiers
ont perdu tout souci de diminuer leurs dettes, désespé-
desperant posse persolvi. Rapiunt etiam, consumuntque rant de pouvoir s'acquitter entièrement; ils pillent et
quod natum est, ut qui jam putent se non sibi parcere. engloutissent toutes les récoltes, poussés par l'idée que
ce n'est pas pour eux qu'ils économiseraient. Il faut donc
Occurrendum ergo augescentibus vitiis, et medendum arrêter l'accroissement de ces maux et y porter remède.
est. Medendi una ratio, si non nummo, sed partibus Et de même il n'y en a qu'un, c'est d'affermer non à rente
locem ac deinde ex meis aliquos operis exactores, cus- fixe, mais à la moitié et ensuite de préposer quelques-
uns de mes serviteurs à la surveillance des travaux et à
todes fructibus ponam. Et alioqui nullum justius genus la garde des récoltes. D'ailleurs, il n'est pas de revenu
reditus, quam quod terra, cœlum, annus refert. A t hoc plus juste que celui que donnent la terre, le temps,
l'année. Mais ce genre d'exploitation exige une grande
magnam fldem, acris oculos, numerosas manus poscit. honnêteté, des yeux vigilants, beaucoup de bras. Il faut
Experiundum tamen et quasi in veteri morbo, quaelibet pourtant l'essayer et, comme dans une maladie invétérée,
mutationis auxilia tentaùda sunt. Vides quam non tenter tous les secours du changement de remèdes. Vous
voyez que ce n'est pas le souci de ma tranquillité qui
•delicata me causa obire primum consulatus tui diem m'empêche de me trouver à vos côtés le premier jour
260 C. PLINII SECUNDI. LIBER IX PLINE LE JEUNE. LIVRE IX 261

non sinat. Quem tamen hic ut prsesens quoque votis, de votre consulat; Je le célébrerai d'ailleurs ici même,
gaudio, gratulatione celebrabo. Vale. comme si j ' y assistais, par mes vœux, par ma joie, par
mes félicitations. Adieu.
X X X V I I I . — C. PLINIUS SATURNINO SUO S.
X X X V I I I . — C. P L I N E SALUE SON CHER SATURNINUS
Ego vero Rufum nostrum laudo, non quia tu ut ita
facerem, petisti, sed quia est ille dignissimus. Legi enim Oui certainement, je ferai l'éloge de notre cher Rufus,
non parce que vous m'en avez prié, mais parce qu'il en
librum omnibus numeris absolutum, cui multum apud
est tout à fait digne. J'ai lu son livre parfait en tous points
me gratise amor ipsius adjecit. Judicavi tamen; neque et auquel mon affection pour l'auteur a ajouté encore
enim soli judicant qui maligne legunt. Vale. beaucoup de prix à mes yeux. Je l'ai jugé cependant;
car juger ce n'est pas seulement lire avec des intentions
X X X I X . — C. PLINIUS MUSTIO SUO S. malignes. Adieu.

Haruspicum monitu reflcienda est mihi sedes Cereris X X X I X . — G. P L I N E SALUE SON CHER MUSTIUS
in preediis in melius, et in majus, vêtus sane et angusta,
J'ai à rebâtir d'après les indications des haruspices le
cum sit alioqui stato die frequentissima; nam idibus
temple de Cérès situé sur mes terres; je dois l'embellir et
septembribus magnus e regione tota coit populus, multœ l'agrandir, car il est vraiment bien vieux et petit, étant le
res aguntur, multa vota suscipiuntur, multa redduntur. jour de la fête très fréquenté. En effet aux ides de sep-
Sed nullum in proximo suffugium aut imbris aut solis. tembre une grande foule accourt de toute la contrée;
Videor ergo munifice simul religioseque facturus, si on s'y occupe de beaucoup de choses, on y émet bien
des vœux, on en acquitte beaucoup. Mais il n'y a tout
sedem quam pulcherrimam exstruxero, addidero porti-
près aucun abri contre la pluie ou le soleil. Je crois donc
cus œdi, illam ad usum deae, has ad hominum. Velim agir avec générosité à la fois et avec piété, en construi-
ergo emas quattuor marmoreas columnas, cujus tibi sant le plus beau temple possible et en y ajoutant des
videbitur generis, emas marmora, quibus solum, quibus portiques, l'un pour la déesse, les autres pour les pèlerins.
parietes excolantur. Erit etiam vel faciendum vel emen- Je vous prie donc de m'acheter quatre colonnes de
dum ipsius dese signum, quia antiquum illud e ligno qui- marbre, du genre qui vous plaira, d'acheter des marbres
pour en revêtir le sol et les murs. Il faudra aussi faire
busdam sui partibus vetustate truncatum est. Quantum faire ou acheter une statue de la déesse, car l'ancienne
ad porticus, nihil intérim occurrit, quod videatur istinc en bois a perdu, à force de vieillesse, quelques fragments.
esse repetendum, nisi tamen ut formam secundum ratio- Quant aux portiques, je ne vois rien à vous demander
nem loci scribas. Neque enim possunt circumdari templo, si ce n'est que vous en traciez un plan approprié aux
nam solum templi hinc flumine et abruptissimis ripis, lieux. Car ils ne peuvent entourer le temple, dont le
terrain est bordé d'un côté par une rivière aux rives
hinc via cingitur. Est ultra viam latissimum pratum, très escarpées, de l'autre par une route. Il y a, de l'autre
in quo satis apte contra templum ipsum porticus expli- côté dé la route, une prairie très large, où l'on pourrait
262 C. PLINII SECUNDI. LIBER IX PLINE LE J E U N E . — LIVRE IX 263

cabuntur; nisi quid tu melius inveneris, qui soles loco- fort bien développer les portiques en face même du
rum difflcultates arte superare. Vale. temple, à moins que vous ne trouviez mieux, vous dont
l'art sait si bien vaincre les difficultés des terrains. Adieu.
XL. — C. PLINIUS FUSCO SUO S.
XL. — C. PLINE SALUE SON CHER FUSCUS

Scribis pergratas tibi fuisse litteras meas, quibus Vous m'écrivez que vous avez eu le plus grand plaisir
cognovisti quemadmodum in Tuscis otium œstatis exi- à lire la lettre, qui vous a appris comment je passe les
gèrent. Requiris quid ex hoc in Laurentino hieme per- loisirs de l'été dans ma villa de Toscane. Vous me deman-
dez ce que je change à cette règle, quand je suis dans ma
mutent. Nihil nisi quod meridianus somnus eximitur villa des Laurentes en hiver. Rien, si ce n'est que la
multumque de nocte vel ante vel post diem sumitur; sieste du milieu du jour est supprimée et que j'empiète
et si agendi nécessitas instat, quse frequens hieme, non beaucoup sur la nuit, soit avant le lever du jour soit
après son déclin; de plus, s'il se présente quelque plai-
jam comœdo vel lyristse post cenam locus; sed illa quse
doyer pressant, comme il arrive souvent en hiver, il n'y
dictavi identidem retractantur ac simul mémorise fre- a plus place après le dîner pour la comédie ou la musique,
quenti emendatione proficitur. Habes sestate, hieme mais je reprends plusieurs fois ce que j'ai dicté et par ces
consuetudinem ; addas hue licet ver et autumnum, quse corrections répétées je viens en outre en aide à ma
mémoire. Vous connaissez mes habitudes d'été et d'hiver;
inter hiemen œstatemque média ut nihil de die perdunt, vous pouvez maintenant 89 y ajouter le printemps et
nunc de nocte parvulum acquirunt. Vale. l'automne, qui tiennent le milieu entre l'hiver et l'été,
et ne perdant rien du jour, n'ont que fort peu à gagner
sur la nuit. Adieu.
LIBER DECIMUS LIVRE DIXIÈME

PLINII ET TRAJANI EPISTUL^E MUTILE CORRESPONDANCE DE PLINE ET DE TRAJAN

I. — C. PLINIUS TRAJANO IMPERATORI I. — C. PLINE A L'EMPEREUR TRAJAN

Tua quidem pietas, imperator sanctissime, optaverat Votre amour filial, noble empereur, vous avait fait
ut quam tardissime succederes patri. Sed di immortalës souhaiter de ne succéder que le plus tard possible à votre
père; mais les dieux immortels ont eu hâte d'appeler vos
festinaverunt virtutes tuas ad gubernacula reipublicœ, vertus au gouvernail de l'état, déjà confié à vos soins 90.
quam susceperas, admovere. Precor ergo ut tibi, et per Je les prie donc de vous donner et, par vous, de donner au
te, generi humano prospéra omnia, id est, digna sœculo monde une entière prospérité, telle que la mérite votre
tuo contingant. Fortem te et hilarem, imperator optime, règne. Joie et santé pour vous, excellent prince, voilà mes
et privatim et publiée opto. vœux d'homme privé et de magistrat.

IL — C. PLINE A L'EMPEREUR TRAJAN


IL — C. PLINIUS TRAJANO IMPERATORI
Je ne puis exprimer, seigneur, de quelle joie vous
Exprimere, domine, verbis non possum, quantum m'avez comblé en me jugeant digne du privilège réservé
mini gaudium attuleris, quod me dignum putasti iure aux pères de trois enfants 91, Je sais que vous avez
trium liberorum. Quamvis enim Iuli Serviani, optimi accordé cette grâce aux prières de Julius Servianus,
viri, tuique amantissimi, precibus indulseris, tamen homme d'une rare probité et qui vous aime tendrement;
mais, je le devine aux termes du rescrit, vous avez cédé
etiam ex rescripto intellego libentius hoc ei te prœsti-
d'autant plus volontiers à sa demande, que j'en étais
tisse, quia pro me rogabat. Videor ergo summam voti le bénéficiaire. Tous mes vœux sont donc exaucés,
mei consecutus, cum inter initia felicissimi principatus puisque dès le début de votre heureux principat vous me
tui probaveris, me ad peculiarem indulgentiam tuam donnez la preuve d'une bienveillance particulière. Cette
pertinere; eoque magis liberos concupisco, quos habere faveur redoublera mon désir d'avoir des enfants; j'en
ai souhaité sous le plus malheureux des règnes, ainsi que
etiam illo tristissimo sseculo volui, sicut potes duobus
mes deux mariages peuvent vous en convaincre; mais les
matrimoniis meis credere. Sed di melius, qui omnia dieux en ont mieux ordonné en réservant le champ libre
intégra bonitati tuœ reservarunt : Maluerunt hoc potius à votre bonté. Ils ont préféré que je devinsse père dans
266 C. PLINII SECUNDI. LIBER X PLINE LE JEUNE. LIVRE X 267

tempore me patrem fleri, quo futurus essem et securus un temps où je pourrais me promettre la sécurité et le
et felix. bonheur.

III. —• C. PLINIUS TRAJANO IMPERATORI III. — C. P L I N E A L'EMPEREUR TRAJAN

Ut primum me, domine, indulgentia vestra promovit Du jour, seigneur, où votre bonté m'a promu à la pré-
ad prsefecturam serarii Saturni, omnibus advocationibus, fecture du trésor de Saturne 92, j'ai entièrement renoncé
aux fonctions d'avocat, que d'ailleurs je n'ai jamais
quibus alioqui numquam eram promiscue functus,
remplies qu'avec circonspection, pour me consacrer de
renuntiavi, ut toto animo delegato mihi ofïicio vacarem. toute mon âme à la charge qui m'était confiée. Aussi,
Qua ex causa, cum patronum me provinciales optassent des provinciaux m'ayant demandé au sénat pour avocat
contra Marium Priscum, et petii veniam hujus muneris contre Marius Priscus, je sollicitai la permission de
et impetravi. Sed cum postea consul designatus cen- récuser cet office et je l'obtins. Mais ensuite le consul
désigné ayant émis l'avis qu'il fallait demander à tous
suisset agendum nobiscum, quorum erat excusatio
ceux, dont la récusation avait été acceptée, de se mettre
recepta, ut essemus in senatus potestate, pateremurque à la disposition du sénat, et de souffrir que leurs noms
nomina nostra in urnam conjici, convenientissimum esse fussent jetés dans l'urne avec les autres, j'ai cru que je
tranquillitati sseculi tui putavi, prsesertim tam mode- devais, par égards pour la quiétude de votre règne, ne
ratse voluntati amplissimi ordinis non repugnare. Cui pas résister à la volonté, d'ailleurs si modérée, de cet
obsequio meo opto ut existimes constare rationem, cum ordre illustre. Puisse ma déférence vous paraître justifiée,
car mon plus vif désir est que toutes mes actions et toutes
omnia facta dictaque mea probare sanctissimis moribus
mes paroles méritent l'approbation de votre parfaite
tuis cupiam. sagesse.

III. B . —- TRAJAN A PLINE


III. B. — TRAJANUS PLINIO

Et civis et senatoris boni partibus functus es obse- Vous avez accompli le devoir d'un bon citoyen et d'un
bon sénateur, en accordant à l'ordre le plus élevé de
quium amplissimi ordinis, quod justissime exigebat,
l'état, la déférence, qu'il exigeait très justement. Quant
prsestando. Quas partes impleturum te secundum sus- à ce ministère, je suis certain que vous le remplirez avec
ceptam fldem confldo. toute la loyauté, à laquelle vous vous êtes engagé.

IV. — C. PLINIUS TRAJANO IMPERATORI IV. — C. PLINE A L'EMPEREUR TRAJAN

Indulgentia tua, imperator optime, quam plenissi- Votre bienveillance, excellent empereur, que vous
mam experior, hortatur me, ut audeam tibi etiam pro m'accordez si entière, m'enhardit à vous demander des
268 C. PLINII SECUNDI. — LIBER X PLINE LE JEUNE. LIVRE X 269

amicis obligari, inter quos sibi vel prsecipuum locum faveurs même pour mes amis, parmi lesquels Voconius
vindicat Voconius Romanus, ab ineunte setate condis- Romanus 93 tient la première place. Dès notre âge le plus
cipulus et contubernalis meus. Quibus ex causis et a tendre nous avons été élevés ensemble et nous avons
vécu dans une étroite intimité. Ces motifs m'avaient
divo pâtre tuo petieram, ut illum in amplissimum ordi- engagé à prier déjà votre auguste père de l'élever au
nem promoveret. Sed hoc votum meum bonitati tuœ rang de sénateur. Mais l'accomplissement de ce vœu a
reservatum est, quia mater Romani liberalitatem ses- été réservé à votre bonté, parce que sa mère, qui avait
déclaré par des codicilles, écrits à votre père, vouloir
tertii quadragiens, quod conferre se fllio codicillis ad attribuer à son fils un don de quarante millions de
patrem tuum scriptis professa fuerat, nondum satis sesterces, n'avait pas encore rempli toutes les prescrip-
légitime peregerat; quod postea fecit admonita a nobis- tions légales pour le lui assurer; elle l'a fait depuis, sur
mes conseils. En effet elle lui a fait une vente fictive 94 de
Nam fundos emancipavit, et cetera, quse in emancipa-
biens fonds, et a accompli toutes les formalités exigées
tione implenda soient exigi, consummavit. Cum sit pour rendre la cession valable. Aujourd'hui qu'est levé
ergo finitum, quod spes nostras morabatur, non sine l'obstacle qui tenait nos espérances en suspens, c'est avec
magna fiducia subsigno apud te fidem pro moribus une grande confiance que je me porte garant devant vous
de l'honorabilité de mon cher Romanus. Elle est rehaussée
Romani mei, quos et liberalia studia exomant, et exi- encore par son goût des nobles études, par sa tendresse
mia pietas, quœ hanc ipsam matris liberalitatem, et filiale si délicate, qui lui a valu la largesse de sa mère, dont
statim patris haereditatem, et adoptionem a vitrico meruit je viens de parler, l'avantage de recueillir sur-le-champ
la succession de son père, et la faveur d'être adopté par
Auget hsec et natalium et paternarum facultatum splen-
son beau-père. Ajoutez à ces mérites l'éclat de sa famille
dor. Quibus singulis multum commendationis accessu- et des talents de son père. J'espère assez en votre bien-
rum etiam ex meis precibus indulgentise tuae credo. veillance pour penser que mes prières donneront beau-
Rogo ergo, domine, ut me exoptatissim* mini gratula- coup de poids à ces raisons. Je vous prie donc, seigneur,
de me mettre à même de lui adresser les félicitations qui
tionis compotem facias et honestis (ut spero) affectibus sont le plus cher de mes désirs; et, par votre condescen-
meis prsestes, ut non in me tantum, verum et in amico dance pour mes affections, qui sont honorables (je
gloriari judiciis tuis possim. l'espère du moins), faites que je puisse me glorifier de
votre estime non seulement pour moi, mais encore pour
un ami.

V. — C. PLINIUS TKAJANO IMPERATORI


V. — C. PLINE A L'EMPEREUR TRAJAN

Proximo anno, domine, gravissima valetudine usque L'an dernier, seigneur, une très grave maladie a mis
ma vie en danger; j'eus recours à un médecin, dont je ne
ad periculum vit» vexatus, iatralipten assumpsi, cujus
peux reconnaître dignement la sollicitude et le zèle,
sollicitudini et studio, tuse tantum indulgentise bene- si vos bontés nefm'aident à m'acquitter. Je vous prie donc
Z/0 C. PLINII SECUNDI. — LIBER X PLINE LE JEUNE. LIVRE X 271

ficio referre gratiam parem possum. Quare rogo des de lui accorder le droit de cité romaine. Il est en effet de
ei civitatem Romanam. Est enim peregrinse condicionis, condition étrangère, puisqu'il a été affranchi par une
manumissus a peregrina. Vocatur ipse Harpocras. Patro- étrangère. Lui, s'appelle Harpocras. Sa patronne était
Thermutis, femme de Théon, morte depuis longtemps.
nam habuit Thermutin Theonis, quse jampridem defuncta
Je vous prie encore de donner le droit des citoyens
est. Item rogo des jus Quiritium libertis Antoniae Maxi- romains, à Helia et à Antonia Harméridès, affranchies
millse, ornatissimse feminae, Heliœ et Antonise Harme- d'Antonia Maximilla, femme d'une grande distinction;
ridi. Quod a te, petente patrona, peto. ceci, je vous lé demande à la prière de leur maîtresse.

V I . — C. PLINIUS TRAJANO IMPERATORI VI. — C. PLINE A L'EMPEREUR TRAJAN _

Ago gratias, domine, quod et jus Quiritium libertis Je vous remercie, seigneur, d'avoir bien voulu accorder
necessarise mihi feminse, et civitatem romanam Harpo- sans retard le plein droit des citoyens aux affranchies
d'une dame de mes amies et le droit de cité romaine à mon
crati, intraliptœ meo, sine mora indulsisti. Sed cum
médecin, Harpocras. Mais quand j'ai voulu donner son
annos ejus et censum, sicut prseceperas, ederem, admo- âge et son revenu, comme vous me l'aviez recommandé,
nitus sum a peritioribus debuisse me ante ei Alexandri- des gens plus instruits que moi m'ont averti que je devais
nam civitatem impetrare, deinde Romanam, quoniam obtenir pour lui d'abord le droit de cité à Alexandrie,
esset jEgyptius. Ego autem, quia inter ^Egyptios cete- puis à Rome, puisqu'il était égyptien. Mais moi, croyant
rosque peregrinos nihil interesse credebam, contentus qu'il n'y avait aucune différence entre les Égyptiens et
les autres étrangers, je m'étais contenté de vous écrire
fueram hoc solum scribere tibi, eum scilicet a peregrina qu'il avait été affranchi par une étrangère et que sa pa-
manumissum, patronamque ejus jampridem decessisse. tronne était morte depuis longtemps. Je ne me plains pas
De qua ignorantia mea non queror, per quam stetit ut cependant de mon ignorance, puisqu'elle me permet
tibi pro eodem homine saepius obligarer. Rogo itaque, de recevoir de vous plusieurs faveurs pour le même
ut beneficio tuo légitime frui possim, tribuas ei et Alexan- homme. Je vous prie donc, pour que la loi m'autorise à
jouir de votre bienfait, de lui accorder le droit de cité à
drinam civitatem, et Romanam. Annos ejus et censum
la fois d'Alexandrie et de Rome. Pour que rien ne pût
(ne quid rursus indulgentiam tuam moraretur) libertis retarder encore l'effet de vos bontés, j'ai envoyé son âge
tuis, quibus jusseras, misi. et son revenu à vos affranchis, comme vous me l'aviez
prescrit.

VII. — TRAJANUS PLINIO


VII. — TRAJAN A PLINE

Civitatem Alexandrinam, secundum institutionem


J'ai résolu, suivant la règle établie par les empereurs
principum, non temere dare proposui. Sed cum Harpo- précédents, de ne donner le droit de cité à Alexandrie
crati, iatraliptse tuo, jam civitatem Romanam, impetra- qu'avec précaution. Mais, puisque vous avez déjà obtenu
272 G. PLINII SECUNDI. — LIBEH X PLINE L E JEUNE. — LIVRE X 273

veris, huic quoque petitioni tuse negare non sustineo. pour Harpocras, votre médecin, le droit de cité romaine,
Tu, ex quo nomo sit, notum mihi facere debebis, ut je n'ai pas le courage de dire non à votre nouvelle demande
epistulam tibi ad Pompeium Plantam, prsefectum iEgypti, Seulement vous devrez me faire savoir de quel nome il est,
amicum meum, mittam. afin que je vous envoie une lettre pour Pompéius Planta,
gouverneur d'Egypte, qui est mon ami.
V I I I . — C. PLINIUS TRAJANO IMPERATORI
VIII. — C. P L I N E A L'EMPEREUR TRAJAN
Cum divus pater tuus, domine, et oratione pulcher-
rima, et honestissimo exemplo, omnes cives ad munifl- Votre divin père, seigneur, ayant exhorté tous les
centiam esset cohortatus, petii ab eo ut statuas princi- citoyens à la magnificence par un très beau discours et
par l'exemple le plus honorable, je lui demandai la per-
pum, qu>s in longinquis agris per plures successiones
mission de transporter dans mon municipe les statues des
traditas mihi, quales acceperam, custodiebam permit-
empereurs, qui m'étaient échues dans des terres lointaines
teret in municipium transferre, adjecta sua statua. à la suite de plusieurs successions, et que je gardais
Quod ille mihi cum plemssimo testimonio indulserat, ego telles que je les avais reçues. Je le priai de m'autoriser à
statim decurionibus scripseram, ut assignarent solum, y joindre la sienne 95. Dès qu'il m'eut donné son consen-
in quo templum pecunia mea exstruerem. Illi in hono- tement, accompagné de sa plus entière approbation,
rera operis ipsius electionem loci mihi obtulerarit. Sed j'écrivis aux décurions, de m'assigner un emplacement,
primum mea, deinde patris tui valetudine, postea curis pour y faire bâtir un temple à mes frais. Eux, pour
delegati a vobis officii retentus, nunc videor commo- honorer mon entreprise, me laissèrent le choix du lieu.
dissime posse in rem prsesentem excurrere. Nam et Mais d'abord ma santé, puis celle de votre père, enfin
menstruum meum calendis septembribus finitur, et le souci de la charge que vous m'avez confiée, m'ont
sequens mensis complures dies feriatos habet. Rogo ergo retenu; aujourd'hui je crois pouvoir aisément me rendre
sur les lieux. Car mon mois de service finit aux calendes
ante omnia permittas mihi opus, quod inchoaturus sum,
de septembre et le mois suivant a beaucoup de jours
exornare et tua statua; deinde ut hoc facere quam matu- fériés. Je vous demande donc avant tout la permission
rissime possim, indulgeas commeatum. Non est autem d'orner aussi de votre statue le temple que je vais bâtir.
simplicitatis mese dissimulare apud bonitatem tuam, Je vous prie ensuite, afin que je puisse exécuter ce projet
obiter te plurimum collaturum utilitatibus rei familiaris le plus tôt possible, de m'accorder un congé. Mais il n'est
mese, Agrorum enim, quos in eadem regione possideo, pas digne de ma franchise de dissimuler à votre bonté,
locatio cum alioqu quadringenta excédât, adeo non que du même coup vous servirez beaucoup mes intérêts
potest differri, ut proximam putationem novus colonus particuliers. La location des terres, que je possède dans
facere debeat. Prseterea continuée sterilitates cogunt me le même pays, et qui d'ailleurs excède quatre cent mille
de remissionibus cogitare, quarum rationem, nisi pres- sesterces, est très pressante, car le nouveau fermier doit
faire la prochaine taille de la vigne. De plus de mauvaises
sens, mire non possum. Debebo ergo, domine, indulgen-
récoltes répétées m'obligent à songer à des remises, dont
tise tuœ, et pietatis mese celeritatem, et status ordina-
je ne puis établir le montant que sur place. Je devrai donc
tionem, si mihi ob utraque hsec dederis commeatum à votre bienveillance et le prompt accomplissement de
P L I N E LE JEUNE. T. TT. 18
274 C. PLINII SECUNDI. LIBER X PLINE LE JEUNE. LIVRE X 275

triginta dierum. Neque enim angustius tempus prsefi- mon devoir religieux et la mise en ordre de mes affaires,
nire possum, cum et municipium et agri, de quibus si vous voulez bien en vue de ce double résultat m'accorder
loquor, sint ultra centesimum et quinquagesimum lapi- un congé de trente jours. Je ne puis en effet fixer d'avance
dera. un délai plus court, vu que mon municipe et les terres,
dont je vous parle, sont à plus de cent cinquante milles.
IX. — TRAJANUS PLINIO
IX. — TRAJAN A PLINE
Et multas et omnes publicas causas petendi commeatus
Vous m'avez donné, pour obtenir votre congé, beaucoup
reddidisti mih autem vel sola voluntas tua sufîecisset. de raisons et en particulier toutes celles qui touchent à
Neque enim dubito te, ut primum potueris, ad tam dis- l'intérêt public. Mais votre désir seul m'aurait suffi; car
trictum ofncium reversurum. Statuam poni mihi a te je ne doute point qu'aussitôt que vous le pourrez, vous
eo, quo desideras loco, quamquam ejusmodi honorum n'alliez reprendre des occupations si absorbantes. Quant
à ma statue, quoique je veuille garder la plus grande
parcissimus, tamen patior, ne impedîsse cursum erga
réserve sur ce genre d'honneurs, je consens que vous la
me pietatis tuœ videar. placiez dans le lieu qui vous plaira, afin de ne pas avoir
l'air de gêner l'expression de votre affection pour moi.
X . — C. PLINIUS TRAJANO IMPERATORI
X. — C. P L I N E A L'EMPEREUR TRAJAN
Exprimere, domine, verbis non possum, quanto me Je ne peux vous exprimer, seigneur, toute la joie que
gaudio affecerint epistulœ tuse, ex quibus cognovi te m'a causée votre lettre, en m'apprenant que vous avez
Harpocrati, iatraliptse meo, etiam Alexandrinam civi- accordé à Harpocras, mon médecin, même le droit de
tatem tribuisse quamvis, secundum institutionem prin- cité à Alexandrie, quoique, selon les règles établies par
cipum, non temere eam dare proposuisses. Esse autem les autres princes, vous vous fussiez fait une loi de ne le
conférer qu'à bon escient. Je vous indique qu'Harpocras
Harpocran vopoîj ME^ÇITIXOU indico tibi. Rogo ergo, indul- est du nome de Memphis.
gentissime imperator, ut mihi ad Pompeium Plan- Je vous prie donc, empereur d'une extrême bienveil-
tain, prsefectum iEgypti, amicum tuum, sicut promi- lance, de m'envoyer comme vous me l'avez promis, une
sisti, epistulam mittas. Obviam iturus, quo maturius, lettre pour Pompéius Planta, préfet d'Egypte, votre ami.
domine, exoptatissimi adventus tui gaudio frui possim, Désirant aller à votre rencontre, seigneur, afin de jouir
le plus tôt possible de votre arrivée, impatiemment
rogo permittas mihi quam longissime occurrere tibi. attendue, je vous demande la permission d'aller au-devant
de vous aussi loin que possible.
XI. — C. PLINIUS TRAJANO IMPERATORI
XI. — C. PLINE A L'EMPEREUR TRAJAN
Proxima infirmitas mea, domine, obligavit me Pos- Par suite de ma dernière maladie, seigneur, j'ai de
tumio Marino medico; cui parem gratiam referre bene- grandes obligations au médecin Postumius Marinus; je
276 C. PLINII SECUNDI. LIBER X PLINE LE JEUNE. LIVRE X 277

flcio tuo possum, si precibus meis, ex consuetudine boni- ne puis m'en acquitter que par votre secours, si vous
tatis tuse, indulseris. Rogo ergo ut propinquis ejus des voulez bien témoigner à mes prières la faveur qu'elles
civitatem, Chrysippo Mithradatis, uxorique Chrysippi, rencontrent d'ordinaire dans votre bonté. Je vous prie
donc de donner le droit de cité à ses parents, à Chrysippe,
Stratonicas Epigoni, item liberis ejusdem Chrysippi, fils de Mithradate, à sa femme Stratonice, fille d'Ëpigone,
Epigono et Mithradati, ita ut sint in patris potestate, et en outre aux fils de ce même Chrysippe, Epigone et
utque iis in libertos servetur jus patronorum. Item rogo, Mithradate, de manière qu'ils soient en la puissance de
leur père et qu'ils gardent leur droit de patrons sur leurs
indulgeas jus Quiritium L. Satrio Abaseanto, et P. Csesio affranchis. Je vous" demande encore de concéder le plein
Phosphoro, et Ancharise Soteridi. Quod a te, volentibus droit des citoyens romains à L. Satrius Abascahtus, à
patronis, peto. Caesius Phosphorus, et à Ancharie Sotéridès. C'est avec
le consentement de leurs patrons, que je vous demande
ceci.
XII. — C. PLINIUS TRAJANO IMPERATORI
XII. — C. P L I N E A L'EMPEREUR TRAJAN
Scio, domine, mémorisa tuas, quse est benefaciendi
Je sais, seigneur, que nos prières sont gravées dans
tenacissima, preces nostras inhserere. Quia tamen in votre mémoire, si fidèle quand il s'agit de faire le bien.
hoc quoque indulsisti, admoneo simul et impense rogo, Cependant, puisque vous m'avez donné même cette per-
ut Accium Suram prsetura exornare digneris, cum mission, je vous rappelle et vous prie en même temps
locus vacet. Ad quam spem alioqui quietissimum hor- avec instance, de vouloir bien honorer Accius Sura de
la préture, puisqu'elle est vacante. Il est encouragé à
tatur et natalium splendor, et summa integritas in pau- l'espérer avec la plus grande patience d'ailleurs, et par,
pertate, et ante omnia félicitas temporum, quse bonam l'éclat de sa naissance, et par sa parfaite intégrité dans
conscientiam civium tuorum ad usum indulgentias tuse la pauvreté, et surtout par le bonheur de notre temps,
qui invite et enhardit les citoyens dont la conscience est
provocat et attollit. pure à user de votre bienveillance.

X I I I . — C. PLINIUS TRAJANO IMPERATORI X I I I . — C. PLINE A L'EMPEREUR TRAJAN

Cum sciam, domine, ad testimonium laudemque Persuadé, seigneur, que rien ne peut donner plus de
renom, ni faire plus d'honneur à mon caractère, que les
morum meorum pertinere, tam boni principis judicio marques d'estime dont m'aura honoré un si bon prince,
exornari, rogo dignitati, ad quam me provexit indul- je vous prie, de vouloir bien ajouter à la dignité, où votre
gentia tua, vel auguratum, vel septemviratum, quia bienveillance m'a déjà élevé, soit l'augurât, soit le sep-
temvirat 96 , qui sont vacants. Le droit de sacerdoce me
vacant, ajdicere digneris, ut jure sacerdotii precari deos
permettra d'adresser aux dieux au nom de l'état les prières
pro te publiée possim, quos nunc precor pietate privata. que leur adresse maintenant ma piété privée.
278 C. PLINII SECUNDI. LIBER X PLINE LE JEUNE. LIVRE X 279

' X I V . — C. PLINE A-L'EMPEREUR TRAJAN


X I V . — C. PLINIUS TRAJANO IMPERATORI
» Je félicite, excellent prince, et vous même et l'état de
Victorise tuse, optime imperator, maximse, pulcher- votre victoire si complète, si belle, si importante; et je
rima;, antiquissimse, et tuo nomine et reipublicse gratu- prie les dieux immortels de couronner tous vos projets
lor; deosque immortales precor, ut omnes cogitationes d'un succès aussi heureux, car vos rares mérites renou-
tuas tam lœtus sequatur eventus, cum virtutibus tantis vellent et accroissent la gloire de l'empire.
gloria imperii et novetur et augeatur.
\ X V . — C. PLINE A L'EMPEREUR TRAJAN

XV. — C. PLINIUS TRAJANO IMPERATORI


| Comme je suis persuadé, seigneur, que cette nouvelle
: vous intéresse, je vous annonce que je suis arrivé par mer
Quia confldo, domine, ad curam tuam pertinere, à Ephèse avec toute ma suite, après avoir passé le cap
\ Malée. Quoique je sois retenu par des vents contraires,
nuntio tibi me Ephesum cum omnibus meis feàp Maiéav je me dispose maintenant à regagner mon gouvernement,
navigasse. Quamvis contrariis ventis retentus, nunc tantôt par bateaux côtiers, tantôt par voitures. Car,
destino partim orariis navibus, partim vehiculis provin- si le voyage par terre est rendu pénible par les chaleurs,
ciam petere. Nam sicut itineri graves sestus, ita conti- les vents étésiens empêchent de faire tout le trajet par
; mer.
nuée navigationi Etesise reluctantur.
' X V I . — TRAJAN A PLINE
XVI. — TRAJANUS PLINIO
Vous avez bien fait de me donner de vos nouvelles,
mon cher Pline. Car il importe à mon affection de savoir
Recte renuntiasti mihi, Secunde carissime. Pertinet par quelle voie vous vous rendez dans votre gouverne-
enim ad animum meum quali itinere in provinciam ment. E t c'est une sage décision d'user tantôt de vais-
pervenias. Prudenter autem constituis intérim navibus, I seaux, tantôt de voitures, selon que les lieux vous y
intérim vehiculis uti, prout loca suaserint. invitent.
r
X V I I . — A. PLINE A L'EMPEREUR TRAJAN
X V I I A. — C. PLINIUS TRAJANO IMPERATORI
Si ma navigation, seigneur, avait été excellente jusqu'à
Sicut saluberrimam navigationem, domine, usque Ephèse, en revanche, dès que j'ai voulu voyager en
Ephesum expertus, ita inde, postquam vehiculis iter voiture, les chaleurs excessives et même des accès de
fièvre m'ont fatigué et j'ai dû m'arrêter à Pergame. Je
facere cœpi, gravissimis sestibus, atque etiam febriculis > n'ai guère été plus heureux, quand je suis passé sur les
vexatus Pergami substiti. Rursus, quum transissem in bateaux côtiers; car, retenu par des vents contraires,
orarias naviculas, contrariis ventis retentus, aliquanto je suis entré en Bithynie un peu plus tard que je ne l'avais
tardius quam speraveram, id est, quintodecimo calendas espéré, c'est-à-dire le quinzième jour avant les calendes
280 C. PLINII SECUNDI. LIBER X PLINE LE JEUNE. —- LIVRE X 281
97
octobres, Bithyniam intravi. Non possum tamen de d'octobre . Je ne puis pas pourtant me plaindre de
mora queri, cum mihi contigerit, quod erat auspicatis- retard, puisqu'il m'a été donné, ce qui était mon vœu le
simum, natalem tuum in provincia celebrare. Nunc rei- plus ardent, de célébrer votre anniversaire dans ma pro-
vince. Je scrute en ce moment les affaires de l'état des
publicœ Prusensium impendia, reditus, debitores- excu- Prusiens, ses dépenses, ses revenus, ses débiteurs. Plus
tio, quod ex ipso tractatu magis ac magis necessarium je les examine, plus j'en comprends la nécessité. En effet
intellego. Multse enim pecuniae variis ex causis a privatis des sommes nombreuses sont, sous divers prétextes,
detinentur; prœterea quasdam minime legitimis sump- indûment retenues par des particuliers; d'autres sortent
tibus erogantur. HECC tibi, domine, in ipso ingressu meo du trésor pour des dépenses qui n'ont rien de régulier.
Je vous écris cela, seigneur, dès mon arrivée.
scripsi.
X V I I . — B . PLINE A L'EMPEREUR TRAJAN
X V I I B . — C. PLINIUS TRAJANO IMPERATORI
C'est le quinzième jour avant les calendes d'octobre-que
Quintodecimo calendas octobres, domine, provinciam
je suis entré dans la province, et je l'ai trouvée dans les
intravi, quam in eo obsequio, in ea erga te fide, quam sentiments de soumission et de fidélité envers vous, que
de génère humano mereris, inveni. Dispice, domine, an vous méritez de tout le genre humain. Voyez, seigneur,
necessarium putes, mittere hue mensorem. Videntur si vous jugez nécessaire d'envoyer ici un ingénieur. Il
enim non médiocres pecunise posse revocari a curatoribus semble que l'on peut faire restituer des sommes impor-
tantes par les entrepreneurs, si l'on contrôle exactement
operum, si mensurse fldeliter aguntur. Ita certe prospi-
leurs travaux. Voilà du moins mon avis d'après l'examen
cio ex ratione Prusensium quam cum Maximo tracto. des finances des Prusiens que je poursuis avec Maxime.

X V I I I . — TRAJANUS PLINIO X V I I I . — TRAJAN A PLINE

Cuperem sine querella corpusculi tui, et tuorum, per- J'aurais souhaité que vous fussiez arrivé en Bithynie
venire in Bithyniam potuisses, ac simile tibi iter ab sans ennui pour votre constitution délicate, ni pour vos
Epheso ei navigationi fuisset, quam expertus usque illo gens, et que votre voyage à partir d'Ephèse eût été aussi
heureux que votre navigation jusque-là. J'ai appris par
eras. Quo autem die pervenisses in Bithyniam cognovi, votre lettre, mon bien cher Secundus, le jour de votre
Secunde carissime, litteris tuis. Provinciales, credo, arrivée en Bithynie. Les habitants de votre province
prospectum sibi a me intelligent. Nam et tu dabis ope- comprendront bientôt, je pense, que je me suis préoccupé
ram ut manifestum sit illis electum te esse, qui ad eosdem de leur bonheur. Car vous vous appliquerez, je suis sûr,
mei loco mittereris. Rationes autem in primis tibi rerum- à rendre évident à leurs yeux, que je vous ai choisi pour
me remplacer auprès d'eux 9S. Vous aurez avant tout à
publicarum excutiendse sunt : nam et esse eas vexatas éplucher les comptes de ces états : car il est clair qu'ils
satis constat. Mensores vix etiam iis operibus quœ aut sont lésés. Quant aux ingénieurs j'en ai à peine assez pour
Romse, aut in proximo flunt, sufficientes habeo. Sed in les travaux qui s'exécutent à Rome ou dans les environs.
282 C. PLINII SECUNDI. LIBER X PLINE LE JEUNE. LIVRE X 283
omni provincia invenientur, quibus credi possit, et ideo Mais dans toute la province on trouve des hommes à
non deerunt tibi, modo velis diligenter excutere. qui l'on peut se fier; vous n'en manquerez donc pas, si
vous vous donnez bien la peine d'en chercher.
XIX. — C. PLINIUS TRAJANO IMPERATORI
XIX. — C. P L I N E A L'EMPEREUR TRAJAN
Rogo, domine, consilio me regas hsesitantem, utrum
Je vous prie, seigneur, de m'éclairer de vos conseils
per publicos civitatum servos, quod usque adhuc factum,
dans un doute : dois-je faire garder les prisons dans
an per milites asservare custodias debeam. Vereor enim, chaque ville par ses esclaves publics, comme on l'a pra-
ne et per servos publicos parum fldeliter custodiantur, tiqué jusqu'ici, ou par des soldats? Je crains en effet
et non exiguum militum numerum hsec cura distringat. que les esclaves publics ne fassent une garde peu sûre,
Intérim publicis servis paucos milites addidi. Video que d'autre part ce soin ne distraie un nombre important
de soldats. En attendant une décision, j'ai ajouté quelques
tamen periculum esse, ne id ipsum utriusque neglegentise soldats aux esclaves. Mais j ' y vois un danger, c'est que
causa sit, dum communem culpam hi in illos, illi in hos cette précaution même ne devienne une cause de négli-
regerere posse confidunt. gence pour tous, en leur fournissant l'espérance de pou-
voir rejeter les uns sur les autres une faute commune.
XX. — TRAJANUS PLINIO
XX. — TRAJAN A PLINE
Nihil opus est, mi Secunde carissime, ad continendas
Il n'est pas nécessaire,, mon très cher Secundus, de
custodias plures commilitones converti. Perseveremus transformer de nombreux soldats en gardiens de prisons.
in ea consuetudine, quse isti provincise est, ut per publicos Tenons-nous en à la coutume, observée dans la province
servos custodiantur. Etenim ut fldeliter hoc faciant, in où vous êtes, d'en confier la garde à des esclaves publics.
tua severitate ac diligentia positum est. In primis enim, Il dépend de votre sévérité et de votre diligence qu'ils
sicut scribis, verendum est ne, si permisceantur servis s'en acquittent avec fidélité. Car avant tout il est à
craindre, comme vous me l'écrivez, que, si on mêle des
publicis milites, mutua inter se flducia neglegentiores
soldats aux esclaves publics, ils ne se reposent les uns
sint. Sed et illud hsereat nobis, quam paucissimos milites sur les autres et n'en deviennent plus négligents. Mais
a signis avocandos esse. surtout ne perdons pas de vue qu'il faut distraire le
moins possible de soldats de leurs drapeaux.
XXI. — C. PLINIUS TRAJANO IMPERATORI
XXI. — C. P L I N E A L'EMPEREUR TRAJAN
Gavius Bassus, prœfectus orœ ponticse, et reverentis-
Gavius Bassus, préfet de la côte du Pont, a mis beau-
sime, et officiosissime, domine, venit ad me, et compluribus coup de déférence et d'empressement, seigneur, à venir
diebus fuit mecum. Quantum perspicere potui, vir egre- me trouver et il est resté plusieurs jours avec moi. Autant
gius, et indulgentia tua dignus. Cui ego notum feci, que j'ai pu en juger, c'est un homme distingué et digne
284 C. PLINII SECUNDI. LIBER X PLINE L E JEUNE. LIVRE X 285

prsecepisse te, ut ex cohortibus, quibus me prseesse de votre bienveillance. Je lui ai notifié l'ordre par lequel
vous prescrivez que, des cohortes dont vous avez bien
voluisti, contentus esset beneficiariis decem, equitibus
voulu me confier le commandement, il se contente de
duobus, centurione uno. Respondit non sufïicere sibi dix gardes du corps " , de deux cavaliers, d'un centurion.
hune numerum, idque se scripturum tibi. Hoc in causa Il m'a répondu que ce nombre ne lui suffisait pas, et
fuit, quo minus statim revocandos putarem, quos habet qu'il vous en écrirait. Pour ce motif je n'ai pas cru devoir
supra numerum. appeler sur-le-champ les hommes qu'il a de plus.

X X I I . — TRAJAN A PLINE
X X I I . — TRAJANUS PLINIO
En effet, Gavius Bassus m'a écrit qu'il ne pouvait se
Et mihi scripsit Gavius Bassus non sufncere sibi eum contenter du nombre de gardes du corps que mes der-
nières instructions lui avaient destinés. Quelle a été ma
militum numerum, qui ut daretur illi, mandatis meis réponse, demandez-vous? Pour vous en donner connais-
edmplexus sum. Quod, quseris, scripsisse me? Ut notum sance, je l'ai fait ajouter à la suite de cette lettre. L'impor-
haberes, his litteris subjici jussi. Multum interest, tem- tant est de distinguer ce qu'exigent les circonstances 10 °,
pus poscat, anhomines jure uti latius velint. Nobis autem et ce que réclament les hommes avides d'étendre leur
utilitas demum spectanda est; et, quantum fleri potest, pouvoir plus que de droit. Pour nous, l'utilité seule doit
être notre règle et nous devons, autant que possible,
curandum ne milites a signis absint. veiller à ce que les soldats ne s'éloignent pas de leurs
enseignes.
X X I I I . — C. PLINIUS TRAJANO IMPERATORI
X X I I I . — C. P L I N E A L'EMPEREUR TRAJAN
Prusenses, domine, balineum habent et sordidum et Les Prusiens, seigneur, ont des bains misérables et
vêtus. Id itaque indulgentia tua restituere desiderant. vieux; aussi désirent-ils les remettre en état 101 ; mais
Ego tamen sestimans novum fleri debere, videris mihi j'estime qu'il faut en construire de nouveaux; et je crois
desiderio eorum indulgere posse. Erit enim pecunia ex -que vous pouvez accéder à leur désir. On aura pour les
bâtir d'abord les sommes que j'ai déjà fait restituer aux
qua fiât, primum ea, quam revocare a privatis et exigere particuliers et qui sont rentrées; ensuite celles qu'ils
jam cœpi; deinde, quam ipsi erogare in oleum soliti, avaient l'habitude de dépenser pour l'huile du bain,
parati sunt in opus balinei conferre. Quod alioqui et et qu'ils consentent, à consacrer aux travaux. C'est
dignitas civitatis, et saeculi tui nitor postulat. d'ailleurs un ouvrage que réclament à la fois la beauté
de la ville et l'éclat de votre règne.

X X I V . — TRAJANUS PLINIO X X I V . — TRAJAN A PLINE

Si instructio novi balinei oneratura vires Prusensium Si la construction de nouveaux bains ne surcharge pas
non est, possumus desiderio eorum indulgere, modo ne les forces des Prusiens, nous pouvons accéder à leur désir,
286 C. PLINII SECUNDI. — LIBER X
PLINE LE JEUNE. LIVRE X 287

quid ideo aut intribuant, aut minus illis in posterum flat pourvu que pour cet ouvrage ils n'imposent aucune con-
ad necessarias erogationes. tribution nouvelle, ou ne prennent rien qui risque de
leur faire défaut plus tard pour les dépenses nécessaires.
X X V . — C. PLINIUS TRAJANO IMPERATORI
X X V . — C. PLINE A L'EMPEREUR TRAJAN
Servilius Pudens legatus, domine, vin calendas décem-
Servilius Pudens, votre légat, seigneur, est arrivé à
bres Nicomediam venit, meque longae exspectationis Nicomédie le huitième jour avant les calendes de décem-
sollicitudine liberavit. bre et m'a délivré de l'inquiétude d'une longue attente.

X X V I . — C. PLINIUS TRAJANO IMPERATORI X X V I . — C. PLINE A L'EMPEREUR TRAJAN

Les bienfaits que vous me prodiguez, seigneur, m'ont


Rosianum Geminum, domine, artissimo vinculo mecum
uni par les liens les plus étroits avec Rosianus Géminus 102.
tua in me bénéficia junxerunt. Habui enim illum quses- Je l'ai eu pour questeur pendant mon consulat, et je l'ai
torem in consulatu, mei summe observantissimum exper- toujours trouvé plein d'attentions à mon égard. Depuis
tus. Tantam mihi post consulatum reverentiam prsestat, mon consulat il me témoigne tout autant de déférence,
ut publicse necessitudinis pignora privatis cumulet offi- et aux preuves d'amitié, qu'il m'avait données comme
ciis. Rogo ergo, ut ipse apud te, pro dignitate ejus, pre- magistrat, il met le comble par sa complaisance à titre
privé. Je vous prie donc d'accueillir ma prière en sa
cibus meis faveas, cui et, si quid mihi credis, indulgen- faveur, selon son mérite, et même, si vous avez quelque
tiam tuam dabis. Dabit ipse operam ut in his quse ei confiance en moi, vous lui accorderez votre bienveillance.
mandaveris majora mereatur. Parciorem me in laudando Il saura bien lui-même par son dévouement dans les
facit, quod spero tibi et integritatem ejus, et probitatem, fonctions que vous lui avez confiées en mériter de plus
et industriam, non solum ex ejus honoribus, quos in hautes. J'abrège son éloge, persuadé que son intégrité, sa
probité, son activité vous sont bien connues non seule-
Urbe sub oculis tuis gessit, verum etiam ex commilitio,
ment par les charges qu'il a remplies sous vos yeux à
esse notissimam. Illud unum quod propter caritatem Rome, mais encore par les campagnes qu'il a faites avec
ejus nondum mihi videor satis plene fecisse, etiam atque vous. Il n'y a qu'un devoir dont je ne crois m'être pas
etiam fado; teque, domine, rogo, gaudere me exornata encore acquitté aussi pleinement que le veut mon amitié
qusestoris mei dignitate, id est, per illum mea, quam pour lui, et je m'empresse de l'accomplir, c'est de vous
supplier, seigneur, de me donner au plus tôt la joie de
maturissime velis.
voir croître la dignité de mon questeur, c'est-à-dire la
mienne en sa personne.
X X V I I . — C. PLINIUS TRAJANO IMPERATORI
X X V I I . — G. P L I N E A L'EMPEREUR TRAJAN
Maximus, libertus et procurator tuus, domine, praeter
Maxime, votre affranchi et votre intendant, seigneur,
decem beneficiarios, quos assignari a me Gemellino, m'affirme qu'outre les dix gardes du corps que j'ai donnés,
288 C. PLINH SECUNDI. LIBER X PLINE LE JEUNE. — LIVRE X 289

optimo viro, jussisti, sibi quoque confirmât necessarios sur votre ordre, à l'excellent Gemellinus, il lui faut pour
esse milites. E x his intérim, sicut inveneram, in minis- lui aussi des soldats. J'ai cru devoir lui en laisser de ceux
terio ejus relinquendos existimavi, prœsertim cum ad que j'avais déjà trouvés attachés à son service, surtout
le voyant partir pour s'approvisionner de blé en Paphla-
frumentum comparandum iret in Paphlagoniam. Quin
gonie. E t même j ' y ai ajouté pour sa garde, deux cava-
etiam tutelse causa, quia desiderabat, addidi duos équi- liers, selon son désir. Pour l'avenir je vous prie de me
tés. In futurum quid servari velis, rogo rescribas. dire quelle conduite je dois tenir.

X X V I I I . — TRAJANUS PLINIO X X V I I I . — TRAJAN A PLINE

Pour le présent, comme Maxime, mon affranchi, par-


Nunc quidem profisciscentem ad comparationem fru- tait pour faire des provisions de blé, vous avez eu raison
mentorum Maximum, libertum meum, recte militibus de lui donner des soldats; car il accomplissait justement
jnstruxisti : fungebatur enim et ipse extraordinario une mission extraordinaire. Quand il sera revenu à ses
munere. Cum ad pristinum actum reversus fuerit, suffi- premières fonctions, il aura assez des deux soldats que
cient illi duo a te dati milites, et totidem a Virdio vous lui avez donnés, et des deux qu'il a reçus de Virdius
Gemellinus, mon intendant, dont il est le collaborateur.
Gemellino, procuratore meo, quem adjuvat.
X X I X . — C. P L I N E A L'EMPEREUR TRAJAN
X X I X . — C. PLINIUS TRAJANO IMPERATORI
Sempronius Celianus, jeune homme plein de distinc-
Sempronius Cœlianus, egregius juvenis, repertos inter tion, ayant trouvé deux esclaves parmi les recrues, me
tirones duos servos misitad me. Quorum ego supplicium les a envoyés. Mais j ' a i différé leur supplice, pour vous
consulter, vous le fondateur et le soutien de la discipline
distuli, ut te, conditorem disciplinse militaris firmato- militaire, sur la nature de la peine. J'hésite en effet sur-
remque consulerem de modo pœnse. Ipse enim dubito ob tout parce que, s'ils avaient déjà prêté le serment mili-
hoc maxime, quod, ut jam dixerant sacramentum, ita taire, ils n'étaient cependant encore versés dans aucun
nondum distributi in numéros erant. Quid ergo debeam corps de troupes. Je vous prie donc, seigneur, de m'indi-
sequi, rogo, scribas, prsesertim cum pertineat ad exem- quer le parti à prendre, surtout qu'il y va de l'exemple.
plum?
XXX. — TRAJAN A PLINE
XXX. — TRAJANUS PLINIO
C'est sur mon ordre que Sempronius Celianus vous a
envoyé les hommes au sujet desquels il faudra décider
Secundum mandata mea fecit Sempronius Cœlianus s'ils paraissent avoir mérité la peine de mort. Or il importe
mittendo ad te eos de quibus cognosci oportebit, an capi- de savoir s'ils se sont présentés volontairement, s'ils
tale supplicium meruisse videantur. Refert autem volunta- ont été choisis, ou s'ils ont été donnés comme remplaçants.
rii se obtulerint, an lecti sint, vel etiam vicarii dati. Lecti Si on les a choisis, la faute retombe sur le service de recru-
PLINE LE JEUNB. T . II. 19
290 C. PLINII SECUNDI. LIBER X PLINE LE JEUNE. LIVRE X 291

si sunt, inquisitio peccavit; si vicarii dati, pênes eosculpa tement; s'ils ont été donnés en remplacement, les cou-
est, qui dederunt; si ipsi, cum haberent condicionis suse pables sont ceux qui les ont donnés; s'ils sont venus
conscientiam, venerunt, animadvertendum in illos erit. d'eux-mêmes, avec la pleine connaissance de leur condi-
Neque enim multum interest, quod nondum per numéros tion, c'est contre eux qu'il faudra sévir. Il importe peu
en effet qu'ils n'aient encore été versés dans aucun corps :
distributi sunt : ille enim dies, quo primum probati sunt,
car du jour où ils ont été agréés, ils devaient la vérité
veritatem ab iis originis suse exegit. sur leur origine 103.

X X X I . — C. PLINE A L'EMPEREUR TRAJAN


X X X I . — C. PLINIUS TRAJANO IMPERATORI
Sans déroger à votre grandeur, il faut, seigneur, que
vous descendiez jusqu'à mes inquiétudes, puisque vous
Salva magnitudine tua, domine, descendas oportet
m'avez donné le droit de vous consulter sur mes doutes.
ad meas curas, cum jus mihi dederis referendi ad te de Dans la plupart des villes, en particulier à Nicomédie et
quibus dubito. In plerisque civitatibus, maxime Nicome- à Nicée, des hommes condamnés soit aux travaux forcés,
dise et Nicese, quidam vel in opus damnati, vel in ludum, soit aux jeux du cirque, soit à d'autres peines du même
similiaque his gênera pœnarum, publicorum servorum genre, remplissent le rôle et la fonction d'esclaves publics,
et même, à ce titre, reçoivent un salaire. Quand je l'ai
oflicio ministerioque funguntur, atque etiam, ut publici appris, j ' a i beaucoup hésité sur ce que je devais faire.
servi, annua accipiunt. Quod ego cum audissem, diu Car les rendre au supplice après un long temps, alors
multumque hœsitavi quid facere deberem. Nam et red- que la plupart sont arrivés à la vieillesse, et que leur
dere pœnee post longum tempus plerosque jam senes, conduite, m'assure-t-on, est rangée et honnête, m'a paru
bien sévère; maintenir dans des emplois publics des hom-
et, quantum aflirmatur, frugaliter modestique viventes, mes condamnés, m'a semblé peu convenable; en revanche
nimis severum arbitrabar; et in publicis officiis retinere les nourrir aux frais de l'état dans l'oisiveté, était inu-
damnatos, non satis honestum putabam. Eosdem rursus tile; et ne pas les nourrir, était même dangereux. J'ai
a republica pasci otiosos, inutile; non pasci, etiam peri- donc, par force, en attendant de vous consulter, laissé
toute l'affaire en suspens. Vous allez peut-être demander
culosum existimabam. Necessario ergo rem totam, dum
comment ils ont pu échapper aux peines auxquelles ils
te consulerem, in suspenso reliqui. Quaeres fortasse avaient été condamnés. Moi aussi je l'ai recherché;
quemadmodum evenerit, ut pœnis, in quas damnati mais je n'ai rien trouvé que j'ose vous assurer. On m'a
erant, exsolverentur. E t ergo quœsivi; sed nihil comperi, bien présenté les sentences de leur condamnation, mais
quod afflrmare tibi possim. Ut décréta, quibus damnati aucun document qui prouvât leur libération. Cependant
certains m'ont dit que, sur leurs pressantes supplications,
erant, proferebantur, ita nulla monimenta, quibus libe- les proconsuls ou les légats avaient ordonné de les relâ-
rati probarentur. Erant tamen qui dicerent, deprecantes cher. Ce qui donnait créance à ce bruit, c'est que, vrai-
jussu proconsulum legatorumve dimissos. Addebat fldem, semblablement, personne n'eût osé agir ainsi sans en
quod credibile erat, neminem hoc ausum sine auctore. avoir reçu l'ordre.
292 C. PLINII SECUNDI. LIBER X PLINE L E JEUNE. LIVRE X 293

X X X I I . — TRAJANUS PLINIO X X X I I . .— TRAJAN A PLINE

Souvenons-nous que vous avez été envoyé dans la


Meminerimus idcirco te in istam provinciam missum, province où vous êtes, parce qu'il y est apparu beaucoup
quoniam multa in ea emendanda apparuerint. Erit d'abus à réformer. L'un des premiers à réprimer, c'est
autem vel hoc maxime corrigendum, quod qui damnati que des hommes condamnés à la peine capitale, non
ad pœnam erant, non modo ea sine auctore, ut scribis, seulement en aient été libérés, sans ordre supérieur,
comme vous l'écrivez, mais encore qu'ils rentrent dans
liberati sunt, sed etiam in condicionem proborum minis-
la condition des serviteurs irréprochables. Ainsi ceux
trorum retrahuntur. Qui igitur intra hos proximos decem dont la condamnation ne remonte pas au delà des dix
annos damnati, nec ullo idoneo auctore liberati sunt, dernières années, et qui en ont été affranchis sans auto-
hos oportebit pœnse suse reddi. Si qui vetustiores inve- risation valable, devront subir leur peine. S'il s'en trouve
nientur, et senes, ante annos decem damnati, distribua- qui aient été condamnés depuis plus de dix ans, et qui
soient devenus des vieillards, répartissons-les dans des
mus illos in ea ministeria, quee non longe a pœna sint.
travaux qui se rapprochent d'une peine. On les emploie
Soient et ad balineum, ad purgationes cloacarum, item d'ordinaire à soigner les bains, à nettoyer les égouts, à
munitiones viarum et vicorum dari. réparer les routes et les chemins.

X X X I I I . — C. PLINE A L'EMPEREUR TRAJAN


X X X I I I . — C. PLINIUS TRAJANO IMPERATORI
Tandis que je visitais une autre partie de ma pro-
Cum diversam partem provincise circuirem, Nicome- vince, un immense incendie a dévoré à Nicomédie 104
dise vastissimum incendium multas privatorum domos, beaucoup de maisons particulières, et deux édifices
publics, la maison de retraite pour les vieillards et le temple
et duo publica opéra, quamquam via interjacente, Geru- d'Isis, quoiqu'ils fussent séparés par une rue. Ce qui a
sian et Iseon, absumpsit. Est autem latius sparsum, contribué à en étendre les ravages, c'est d'abord la
primum violentia venti, deinde inertia hominum, quos violence du vent, ensuite l'indifférence de la population;
satis constat otiosos et immobiles tanti nïali spectatores car il semble prouvé qu'elle s'est contentée d'assister
perstitisse. E t alioqui nullus usquam in publico sipho, à un si grand désastre, les bras croisés et sans bouger.
D'ailleurs cette ville ne possédait ni pompe, ni seaux,
nulla hama, nullum denique instrumentum ad incendia ni instruments d'aucune sorte pour combattre les incen-
compescenda. E t hsec quidem, ut jam preecepi, para- dies. On va en acquérir; j'en ai donné l'ordre. Vous, sei-
buntur. Tu, domine, dispice an instituendum putes col- gneur, examinez si vous jugez bon de créer une corpora-
legium fabrorum, dumtaxat hominum centum quinqua- tion de pompiers de cent cinquante hommes au plus.
ginta. Ego attendam ne quis, nisi faber, recipiatur, neve Je veillerai que l'on n'y reçoive que des artisans et qu'on
n'emploie pas à d'autres fins le privilège accordé. Il ne
jure concesso in aliud utatur. Nec erit difficile custodire sera pas difficile de surveiller un groupement si peu
tam paucos. nombreux.
294 C. PLINU SECUNDI. LIBER X PLINE LE JEUNE. LIVRE X 295

X X X I V . — TRAJANUS PLINIO X X X I V . — TRAJAN A PLINE

Vous avez pensé qu'on pourrait, à l'exemple de plu-


Tibi quidem, secundum exempla complurium, in men- sieurs villes, créer à Nicomédie une corporation de pom-
tem venit, posse coUegium fabrorum apud Nicomedenses piers. Mais souvenons-nous que cette province et en par-
constitui. Sed meminerimus provinciam istam, et prav ticulier ces villes ont été troublées par des associations
cipue eas civitates, ab ejusmodi factionibus esse vexatas. dé ce genre. Quelque nom que, sous n'importe quel
Quodcumque nomen ex quacumque causa dederimus iis, prétexte, nous donnions à des hommes ainsi réunis en
un corps, il s'y formera bien vite des cabales et des
qui in idem contracti fuerint, hetserise, quamvis brèves, factions. Il suffit donc d'organiser les secours propres
fient. Satius itaque est comparari ea, quse ad coercen- à combattre le feu, d'inviter les propriétaires d'immeubles
dos ignés auxilio esse possint, admonerique dominos à l'arrêter eux-mêmes, et, au besoin de faire appel au
prsediorum, ut et ipsi inhibeant, ac, si res poposcerit, concours de la population.
accursu populi ad hoc uti.
X X X V . — C. P L I N E A L'EMPEREUR TRAJAN

X X X V . — C. PLINIUS TRAJANO IMPERATORI Nous avons renouvelé, seigneur, et en même temps


acquitté nos vœux solennels pour votre conservation,
Sollemnia vota pro incolumitate tua, qua publica à laquelle est attaché le salut de l'empire, et nous avons
prié les dieux de permettre qu'ils soient toujours accom-
salus continetur, et suscipimus, domine, pariter et sol-
plis et exaucés.
vimus, precati deos ut velint ea semper solvi, semperque
signari. X X X V I . — TRAJAN A PLINE
X X X V I . — TRAJANUS PLINIO Je suis heureux, mon très cher Secundus, d'apprendre
par votre lettre, que vous et les habitants de votre pro-
E t solvisse vos cum provincialibus dis immortalibus vince, vous vous êtes acquités des vœux faits aux dieux
vota pro mea salute et incolumitate, et nuncupasse immortels pour ma conservation et mon salut, et que
libenter, mi Secunde carissime, cognovi ex litteris tuis. vous en avez fait de nouveaux.

X X X V I I . — C. P L I N E A L'EMPEREUR TRAJAN
X X X V I I . — C. PLINIUS TRAJANO IMPERATORI
Pour la construction d'un aqueduc, seigneur, les habi-
In aquseductum, domine, Nicomedenses impenderunt tants de Nicomédie ont dépensé trois millions trois cent
dix-huit mille sesterces; mais avant qu'il fût achevé,
sestertium triciens trecenta duodeviginti millia, qui imper- ils l'ont abandonné, et même démoli. Ils en ont entrepris
fectus adhuc relictus, atque etiam destructus est. Rursus in un autre et y ont consacré deux cent mille sesterces.
alium ductum erogata sunt ducenta millia. Hoc quoque Ils l'ont encore abandonné et il faut de nouvelles dépenses
296 G. PLINII SECUNDI. LIBER X PLINE LE JEUNE. LIVRE X 297

relicto, novo impendio est opus, ut aquam habeant, qui pour leur procurer de l'eau, après qu'ils ont gaspillé
tantam pecuniam maie perdiderunt. Ipse perveni ad fon- tant d'argent. Je me suis rendu moi-même à une source
très pure, d'où il semble que l'eau peut être amenée,
tem purissimum, ex quo videtur aqua debere perduci, sicut ainsi qu'on l'avait tenté tout d'abord, par un canal
initio tentatum erat, arcuato opère, ne tantum ad plana supporté par des arcades, afin qu'elle ne parvienne pas
civitatis et humilia perveniat. Manent adhuc paucissimi seulement aux quartiers de la ville qui sont dans la plaine
et bas. Quelques rares arcades subsistent encore. On peut
arcus. Possunt et erigi quidam lapide quadrato, qui ex
en bâtir quelques-unes avec la pierre de taille tirée du
superiore opère detractus est; aliqua pars, ut mihi vide- premier ouvrage. Une autre partie, à mon avis devra
tur, testaceo opère agenda erit : id enim et facilius et être construite en briques; c'est plus facile et moins
vilius. E t in primis necessarium est mitti a te vel aqui- cher. Mais surtout il faut que vous envoyiez ou un ingé-
nieur des eaux ou un architecte, pour éviter le retour
legem vel architectum, ne rursus eveniat quod accidit. de pareils déboires. Ce que je puis vous assurer, c'est
Ego illud unum affirmo, et utilitatem operis et pulchri- que l'utilité et la beauté de l'entreprise sont tout à fait
tudinem seculo tuo esse dignissimam. dignes de votre règne.

X X X V I I I . — TRAJAN A PLINE
X X X V I I I . — TRAJANUS PLINIO
Il faut prendre soin d'amener de l'eau à Nicomédie.
Gurandum est ut aqua in nicomedènsem civitatem Je suis bien convaincu que vous conduirez cette entre-
perducatur. Vere credo te ea, qua debebis, diligentia hoc prise avec tout le zèle désirable. Mais excusez ma fran-
opus aggressurum. Sed, me dius fidius, ad eamdem dili- chise, c'est aussi un soin qui vous incombe de rechercher
par la faute de qui les habitants de Nicomédie ont jus-
gentiam tuam pertinet inquirere, quorum vitio ad hoc
qu'à ce jour gaspillé tant d'argent; car il ne faut pas que
tempus tantam pecuniam Nicomedenses perdiderint, ne, les responsables aient entrepris et abandonné ces aque-
cum inter se gratificantur, et inchoaverint aquseductus, ducs afin de se faire des largesses mutuelles. Donnez-moi
et reliquerint. Quid itaque compereris, perfer in notitiam donc connaissance du résultat de votre enquête.
meam.
X X X I X . — C. PLINE A L'EMPEREUR TRAJAN

X X X I X . — C. PLINIUS TRAJANO IMPERATORI Le théâtre de Nicée, seigneur, construit en grande par-


tie, cependant encore inachevé, a déjà englouti, d'après
Theatrum, domine, Nicœœ maxima jam parte cons- ce qu'on me rapporte (car je n'en ai pas vérifié le compte),
tructum, imperf ectum tamen, sestertium, ut audio (neque plus de dix millions de sesterces; et en pure perte, je
le crains. En effet, il s'affaisse et s'entr'ouvre avec d'énor-
enim ratio plus excussa est), amplius centiens hausit :
mes fentes, soit parce que le sol est humide et mou, soit
vereor ne frustra. Ingentibus enim rimis desedit et hiat, parce que la pierre est tendre et friable. Il est urgent
sive in causa solum humidum et molle, sive lapis ipse d'examiner si on doit l'achever, l'abandonner, ou même
298 C. P U N I I SECUNDI. LIBER X PLINE LE JEUNE. LIVRE X 299

gracilis et putris. Dignum est certe deliberatione, sitne le démolir. Car. les appuis et les murs de soutènement
faciendum, an sit reîinquendum, an etiam destruendum : dont on ne cesse de l'étayer, me paraissent moins solides,
nam fulturse ac substructiones, quibus subinde suscipi- que coûteux. Des particuliers ont promis beaucoup d'ac-
tur, non tam firmse mihi, quam sumptuosse videntur. cessoires, tels que des basiliques autour du théâtre, et
Huic theatro ex privatorum pollicitationibus multa deben- une galerie pour couronner les gradins; mais tous ces
tur, ut basilicse circa, ut porticus supra caveam : qase travaux sont ajournés, tant qu'est suspendue la construc-
nunc omnia difîeruntur, cessante eo, quod ante pera- tion principale qu'il faut achever avant. Les Nicéens
ont encore entrepris avant mon arrivée la réfection de
gendum est. Idem Nicseenses gymnasium, incendio amis- leur gymnase, détruit par un incendie et ils le veulent
sum, ante adventum meum, restituere cœperunt, longe beaucoup plus vaste, avec un plus grand nombre de
numerosius laxiusque, quam fuerat, et jam aliquantum places qu'auparavant. Ils y ont déjà passablement dépensé ;
erogaverunt; periculum est ne parum utiliter. Incompo- mais il est à craindre que ce ne soit sans grande utilité.
situm enim et sparsum est. Prseterea architectus, sane C'est une œuvre sans ordonnance et sans unité. En outre
aemulus ejus a quo opus inchoatum est, affirmât parietes un architecte, rival sans doute de celui qui l'a commencé,
quamquam viginti et duos pedes latos imposita onera affirme que les murs, quoique épais de vingt-deux pieds,
sustinere non posse, quia sine ceemento medii farti, nec ne peuvent supporter le poids dont on les charge, parce
testaceo opère praecincti. Claudiopolitani quoque in de- que l'intérieur est garni de pierre sèches et que l'extérieur
presso loco, imminente etiam monte, ingens balineum n'est pas revêtu de briques. Les habitants de Claudiopolis
defodiunt magis quam sedificant, et quidem ex ea pecu- aussi creusent plutôt qu'ils ne bâtissent des bains immen-
ses dans un bas fond, dominé même par une montagne;
nia quam buleutse additi beneficio tuo, aut jam obtule- ils y consacrent l'argent que les sénateurs supplémentaires,
runt ob introitum, aut nobis exigentibus confèrent. accordés par votre faveur, ont déjà ver,sé pour leur admis-
Ergo cum timeam ne illic publica pecunia, hic, quod est sion, ou verseront dès que je le leur demanderai. Aussi
omni pecunia pretiosius, munus tuum maie collocetur, craignant que là les deniers publics, ici, ce qui est plus
cogor petere a te, non solum ob theatrum,verum etiam ob précieux que tout l'argent du monde, vos bienfaits ne
hsec balinea, mittas architectum, dispecturum utrum sit soient mal employés, je suis dans l'obligation de vous
utilius, post sumptum, qui factus est, quoquo modo demander, non seulement pour le théâtre, mais aussi
consummare opéra, ut inchoata sunt; an quse videntur pour ces bains, de m'envoyer un architecte, qui examinera
emendanda, corrigere, quse transferenda, transferre; ne, s'il vaut mieux, après la dépense déjà faite, terminer
dum servare volumus quod impensum est, maie impen- ces ouvrages tant bien que mal, tels qu'ils ont été com-
damus quod addendum est. mencés, ou faire les corrections et les transformations
qui paraîtront nécessaires. Car il faut éviter, pour vouloir
sauvegarder les dépenses faites, d'en faire de nouvelles
inutilement.
XL. — TRAJANUS PLINIO
XL. —• TRAJAN A PLINE
Quid oporteat fleri circa theatrum quod inchoatum Étant sur les lieux vous examinerez et déciderez mieux
apud Nicaeenses est, in re prœsenti optime deliberabis et que personne ce qu'il convient de faire relativement
300 G. PLINII SEGUNDI. LIBER X PLINE LE JEUNE. LIVRE X 301

constitues. Mihi sufnciet indicari cui sententise accesseris. au théâtre entrepris par les Nicéens. Il suffira que vous
Tune autem e privatis exigi opéra tibi curae sit, cum me disiez à quel parti vous êtes arrêté. Quant aux tra-
vaux promis par des particuliers, il sera temps d'en s
theatrum, propter quod illa promissa sunt, factum erit. exiger l'exécution quand le théâtre, qui en a été l'objet,
Gymnasiis indulgent Grfeculi. Ideo forsitan Nicseenses sera terminé. Ces Grecs légers ont un faible pour les
majore animo constructionem ejus aggressi sunt. Sed gymnases; et les Nicéens pourraient bien avoir entrepris
celui-ci un peu trop orgueilleusement. Mais il faut qu'ils
oportet illos eo contentos esse, quod possit illis suffleere.
sachent se contenter de ce qui peut leur suffire. Quel •
Quid Claudiopolitanis circa balineum, quod parum, ut conseil doit-on donner aux habitants de Claudiopolis
scribis, idoneo loco inchoaverunt, suadendum sit, tu au sujet de leurs bains, qu'ils ont commencés, comme
constitues. Architecti tibi déesse non possunt. Nulla vous dites, sur un emplacement peu approprié? vous en
déciderez vous-même. Vous ne pouvez manquer d'archi-
provincia est, quse non peritos ut ingeniosos homines tectes. Il n'est pas de province où l'on ne trouve soit
habeat, modo ne existimes brevius esse ab Urbe mitti, des hommes de métier, soit des hommes ingénieux, à
cum ex Grsecia etiam ad nos venire soliti sunt. moins que vous ne croyiez plus court de vous les envoyer
de Rome, quand nous les faisons venir nous-mêmes de
Grèce.
XLI. — G. PLINIUS TRAJANO IMPERATORI
XLI. — G. PLINE A L'EMPEREUR TRAJAN
Intuenti mihi et fortunée tuas et animi magnitudinem,
convenientissimum videtur demonstrare opéra non minus Quand je considère l'élévation de votre fortune et
œternitate tua, quam gloria digna, quantumque pul- de votre caractère, il me paraît tout à fait séant de vous
proposer des ouvrages dignes aussi bien de l'immorta-
chritudinis, tantum utilitatis habitura. Est in Nicome- lité que de la gloire de votre nom, et dont l'utilité égalera
densium finibus amplissimus lacus : per hune marmora, la beauté. Il y a dans le territoire de Nicomédie un lac
fructus, ligna, materiœ, et sumptu modico et labore très étendu, sur lequel les marbres, les récoltes, les bois
de chauffage et de construction sont transportés avec
usque ad viam navibus, inde magno labore, majore peu de dépense et de peine par des navires jusqu'à la
impendio, vehiculis ad mare devehuntur... Sed hoc opus route, et de là à grand peine et à plus grands frais encore
multas manus poscit : at ese pro re non desunt. Nam et par des chariots jusqu'à la mer... (Aussi s'efforcent-ils de
joindre ce lac à la mer 105.) Mais un tel travail exige beau-
in agris magna copia est hominum et maxima in civi- coup de bras; cependant l'entreprise n'en manquerait
tate, eertaque spes omnes libentissime aggressuros opus pas, car la campagne est peuplée, la ville très peuplée
omnibus fructuosum. Superest ut tu libratorem vel et l'on peut compter que tout le monde s'emploierait
très volontiers à une œuvre profitable pour tous. Il
architectum, si tibi videbitur, mittas, qui diligenter faut seulement que vous envoyiez, si vous le jugez à
exploret, sitne lacus altior mari, quem artifices regionis propos, un niveleur ou un ingénieur des ponts et chaus-
hujus quadraginta cubitis altiorem esse contendunt. Ego sées 106, pour étudier avec soin "si le lac est plus haut que
302 C. PLINII SBGUNDI. —- LIBER X PLINE LE JEUNE. LIVRE X 303

per eadem loca invenio fossam a rege percussam. Sed la mer, car les entrepreneurs de ce pays-ci assurent qu'il
incerturn, utrum ad colligendum umorem circumjacen- est plus haut de quarante coudées. Je trouve dans les
mêmes lieux un canal percé par un roi. Mais on ne sait
tium agrorum, an ad committendum flumini lacum; est
pas s'il était destiné à recueillir les eaux des terres voi-
enim imperfecta. Hoc quoque dubium, intercepto rege sines ou à joindre le lac à un fleuve; car il est inachevé.
mortalitate, an desperato operis efïectu. Sed hoc ipso Il est incertain également si ce canal a été abandonné
(feres enim me ambitiosum) pro tua gloria incitor et parce que ce roi fut surpris par la mort, ou parce qu'on
désespéra du succès. Mais c'est une raison (vous excuserez
accendor, ut cupiam peragi a te, quse tantum cœperant ma flatterie) pour que je souhaite et que je brûlé du désir
reges. de vous voir mener à bonne fin un ouvrage que des rois
n'ont pu que commencer.
X L I I . — TRAJANUS PLINIO
X L I I . — TRAJAN A PLINE.
Potest nos sollicitare lacus iste, ut committere illum Je pourrais avoir la tentation, à propos du lac dont
mari velimus; sed plane explorandum est diligenter, ne, vous me parlez, de le joindre à la mer. Mais il faut étu-
si demissus in mare fuerit, totus effluat; certe, quantum dier avec le plus grand soin s'il ne risque pas, après
avoir été relié à la mer plus basse, de s'y vider entiè-
aquarum, et unde accipiat. Poteris a Calpurnio Macro rement; et savoir avec exactitude quelle quantité d'eau
petere libratorem; et ego hinc aliquem tibi, peritum ejus il reçoit et d'où elle vient. Vous pourrez demander un
modi operum, mittam. géomètre à Calpurnius Macer; de mon côté je vous
enverrai d'ici quelqu'un qui soit expert dans ces sortes
d'ouvrages.
X L III. — G. PLINIUS TRAJANO IMPERATORI
X L III. — C. PLINE A L'EMPEREUR TRAJAN
Requirenti mihi Byzantiorum reipublicae impendia,
Comme je demandais des explications sur les dépenses
quse maxima fecit, indicatum est, domine, legatum ad publiques des Byzantins, qui sont très grandes, on
te salutandum annis omnibus cum psephismate mitti, m'a indiqué, seigneur, que tous les ans ils envoyaient
eique dari nummorum duodena millia. Memor ergo pro- pour vous offrir leurs hommages et vous en porter le
décret, un député, auquel ils donnaient douze mille
positi tui, legatum quidem retinendum, psephisma autem
sesterces. Me rappelant vos intentions, j'ai cru devoir
mittendum putavi, ut simul et sumptus levaretur, et retenir le député, mais vous envoyer le décret, afin d'allé-
impleretur publicum officium. Eidem civitati imputata ger les dépenses, tout en accomplissant ce devoir offi-
sunt terna millia, quse viatici nomine annua dabantur ciel. A la même ville a été imputée une dépense de trois
mille sesterces, que l'on donne chaque année à titre
legato eunti ad eum, qui Mœsise prseest, publiée salu- de frais de voyages à un député qui porte au gouver-
tandum. Hsec ego in posterum circumcidenda existi- neur de la Mésfe les salutations de la cité. J'ai cru bon
304 C. PLINH SECUNDI. LIBER X PLINE L E JEUNE. LIVRE X 305

mavi. Te, domine, rogo ut, quid sentias rescribendo, aut de rayer cette dépense pour l'avenir. Je vous prie,
consilium meum conflrmare, aut errorem emendare Seigneur, de me donner votre avis dans votre réponse
et de daigner confirmer ma décision ou corriger mon
digneris. erreur.
X L IV. — r TRAJANUS PLINIO X L IV. — TRAJAN A PLINE

Optime fecisti, Secunde carissime, duodena ista Byzan- Vous avez fort bien fait, mon très cher Secundus,
tiis, quse ad salutandum me in legatum impendebantur, d'épargner aux Byzantins ces douze mille sesterces
alloués au député qui m'apporte leurs hommages. Cette
remittendo. Fungetur his partibus, etsi solum eorum
mission sera remplie, même si vous m'envoyez seule-
psephisma per te missum fuerit. Ignoscet illis et Mœsiee ment leur décret. Ils seront excusés aussi par le gou-
prseses, si minus illum sumptuose coluerint. verneur de Mésie, s'ils l'honorent à moins de frais.

XLV. — C. PLINIUS TRAJANO IMPERATORI XLV. — C. P L I N E A L'EMPEREUR TRAJAN

Au sujet des passe-ports, dont le terme est expiré,


Diplomata, domine, quorum dies prseterita, an omnino
votre volonté est-elle qu'ils soient encore valables et
observari, et quamdiu velis, rogo scribas, meque hsesi- pour combien de temps? dites-le moi, je vous prie, et
tatione libères. Vereor enim, ne in alterutram partem délivrez-moi de mon hésitation. Car je crains qu'en
ignorantia lapsus, aut illicita conflrmem, aut necessaria penchant, dans mon incertitude, pour l'une ou l'autre
impediam. solution, je n'autorise une illégalité, ou je n'empêche
une décision nécessaire.
X L V I . — TRAJANUS PLINIO
X L V I . — TRAJAN A PLINE
Diplomata, quorum praeteritus est dies, îri usu esse
Les passe-ports dont le terme est expiré ne doivent plus
non debent. Ideo inter prima injungo mihi, ut per omnes
servir. Aussi une des premières obligations que je m'im-
provincias ante mittam nova diplomata, quam deside- ^-pose est-elle d'envoyer dans toutes les provinces de
rari possint. nouveaux passe-ports avant qu'on puisse en manquer.

X L V I I . — C. PLINIUS TRAJANO IMPERATORI . X L V I I . — C. P L I N E A L'EMPEREUR TRAJAN

Cum vellem Apameœ, domine, cognoscere publicos Ayant voulu connaître, seigneur, les débiteurs de la
ville d'Apaméa, ainsi que ses revenus et ses dépenses,
debitores, et reditum et impendia, responsum est mihi
on m'a répondu que tous voulaient bien que je prisse
cupere quidem universos ut a me rationes coloniœ lege- connaissance des comptes de la colonie, mais que cepen-
rentur, numquam tamen esse lectas ab ullo proconsulum, dant aucun des proconsuls ne l'avait fait avant moi;
habuisse privilêgium et vetustissimum morem arbitrio car Ia< cité avait de toute antiquité le privilège et l'habi-
P L I N E L E JEUNE.- T. ir. 20
306 C. PLINII SECUNDI. LIBER X PLINE LE JEUNE. LIVRE X 307

suo rempublicam administrare. Exegi ut quse dicebant tude de s'administrer à son gré. J'ai exigé que tout ce
quseque recitabant libello complecterentur. Quem tibi, qu'ils disaient, tout ce qu'ils exposaient oralement fût
consigné dans un mémoire écrit. Je vous l'envoie tel
qùalerh acceperam, misi, quamvis intellegerem pleraque
que je,l'ai reçu, quoique je voie fort bien que la plus
ex illo ad id, de quo quœritur, non pertinere. Te rogo, grande partie ne se rapporte point à la question. Dai-
ut mihi prœcipere digneris, quid me putes observare gnez, je vous prie, me prescrire la conduite que vous
debere : vereor enim ne aut excessisse aut non implesse croyez utile que je tienne; car je crains de paraître ou
dépasser les bornes, ou ne pas remplir toute l'étendue
officii mei partes videar. de mon devoir.

X L V I I I . — TRAJANUS PLINIO X L V I I I . — TRAJAN A PLINE

Libellus Apamenorum, quem epistulse tuse junxeras, Le mémoire des Apaméens, joint à votre lettre, me
remisit mihi necessitatem perpendendi qualia essent, dispense d'examiner la nature des raisons pour les-
quelles, d'après eux, les proconsuls de cette province
propter quse videri volunt eos, qui pro consulibus hanc
se seraient abstenus de vérifier leurs comptes, puisque
provinciam obtinuerunt, abstinuisse inspectatione ratio- à vous ils ne refusent pas de vous les laisser contrôler.
num suarum, cum ipse ut eas inspiceres non recusaverint. Pour récompenser leur droiture, je veux donc qu'ils
Remuneranda est igitur probitas eorum, ut jam nunc sachent désormais que cette inspection vous la ferez
par ma volonté, mais en sauvegardant les privilèges
sciant hoc, quod inspecturus es, ex mea voluntate, salvis dont ils jouissent.
quse habent privilegiis, esse facturum.
X L I X . — C. P L I N E A L'EMPEREUR TRAJAN
X L IX. — C. PLINIUS TRAJANO IMPERATORI
Avant mon arrivée, seigneur, les habitants de Nico-
Ante adventum meum, domine, Nicomedenses priori médie avaient entrepris d'ajouter un nouveau forum à
l'ancien, dans un coin duquel se trouve un très vieux
foro novum adjicere cœperunt, cujus in angulo est œdes
temple de la Mère Vénérable, Cybèle, qu'il faut recons-
vetustissima Matris Magnse, aut reficienda aut transfe- truire où transporter ailleurs; la raison en est surtout
renda; ob hoc prsecipue, quod est multo depressior opère qu'il est tout à fait en contre-bas du nouvel ouvrage,
dont la hauteur actuelle est considérable. En m'infor-
eo, quod nunc maxime surgit. Ego cum qusererem num
mant s'il y avait eu pour ce temple quelque acte de
esset aliqua lex dicta templo, cognovi alium hic, alium consécration légale, j'ai appris que les règles de la con-
apud nos esse morem dedicationis. Dispice ergo, domine, sécration ne sont pas les mêmes ici que chez nous. Voyez
an putes sedem, cui nulla lex dicta est, salva religione donc, seigneur, si vous jugez qu'un temple qui n'est
soumis à aucun acte légal de consécration, peut sans
posse transferri. Alioqui commodissimum est, si religio offense à la religion être transféré ailleurs. Du reste
non impedit. rien ne sera plus facile, si la religion ne s'y oppose pas.
308 C- PLINII SECUNDI. LIBER X PLINE L E JEUNE. —' LIVRE X 309

L. — TRAJANUS PLINIO L. — TRAJAN A PLINE

Potes, mi Secunde carissime, sine sollicitudine reli- Vous pouvez, mon très cher Secundus, sans vous
préoccuper de la religion, si la situation des lieux semble
gionis, si loci positio videtur hoc desiderare, sedem Matris
le demander, transférer le temple de la Mère des dieux
deum transferre in eam, quae est accommodatior. Nec dans l'emplacement qui lui convient mieux. Et ne vous
te moveat, quod lex dedicationis nulla reperitur, cum inquiétez pas, si l'on ne trouve aucune loi de consé-
cration, car le sol d'un état étranger n'est pas susceptible
solum peregrinse civitatis capax non sit dedicationis, de la consécration, telle qu'elle se fait selon notre droit.
quee fit nostro jure.
LI. — C. P L I N E A L'EMPEREUR TRAJAN
LI. — C. PLINIUS TRAJANO IMPERATORI
Il serait difficile, seigneur, d'exprimer toute la joie
Difficile est, domine, exprimere verbis, quantam per- que j'ai éprouvée, de ce que vous avez bien voulu, à
ceperim lsetitiam, quod et mini et socrui mese praestitisti, ma prière et à celle de ma belle-mère transférer son
ut affinem ejus Cœlium Clementem in hanc provinciam parent, Célius Clémens, dans cette province-ci. J'apprécie
pleinement l'étendue de la faveur dont vous m'honorez,
transferres. E x illo enim mensuram beneflcii tui penitus quand je reçois avec toute ma famille les preuves d'une
intellego, cum tam plenam indulgentiam cum tota domo bienveillance si complète. Je n'ose pas même essayer
de m'acquitter, quelque facilité que je puisse en avoir.
mea experiar : cui referre gratiam parem nec audeo qui- C'est donc aux vœux que je recours, et je prie les dieux
dem, quamvis maxime possim facile. Itaque ad vota con- de ne me rendre jamais indigne à vos yeux des bien-
faits dont vous ne cessez de me combler.
fugio, deosque precor ut iis, quse in me assidue confers,
non indignus existimer.
LU. — C. P L I N E A L'EMPEREUR TRAJAN

LU. — C. PLINIUS TRAJANO IMPERATORI


Nous avons célébré, seigneur, avec toute l'allégresse
Diem, domine, quo servasti imperium, dum suscipis, que doit inspirer votre règne, le jour où, prenant en
quanta mereris lsetitia celebravimus, precati deos, ut te main l'empire, vous l'avez sauvé; nous avons prié les
dieux de vous donner, pour le bonheur du genre humain,
generi humano, cujus tutela et securitas saluti tuse innisa dont la sûreté et la tranquillité reposent sur votre con-
est, incolumem florentemque prœstarent. Prseivimus et servation, salut et prospérité. Prononçant le premier
la formule, j'ai fait prêter serment selon l'usage solennel
commilitonibus jusjurandum more sollemni, eadem pro- à vos troupes et fait jurer fidélité aux provinciaux, qui
vincialibus certatim pietate jurantibus. ont rivalisé avec les soldats d'affection pour vous.
310 C. PLINII SBCUNDI. LIBER X PLINE LE JEUNE. — LIVRE X 311

LUI. — TRAJAN A PLINE


LUI. — TRAJANUS PLINIO
J'ai été heureux d'apprendre par votre lettre, mon
Quanta religione ac laetitia commilitones cum pro- très cher Secundus, avec quelle loyauté et quelle allé-
vincialibus, te prœeunte, diem imperii mei celebraverint, gresse mes troupes et les provinciaux ont, sous votre
libenter, mi Secunde carissime, cognovi ex litteris tuis. direction, célébré le jour de mon avènement à l'empire.

LIV. — C. PLINE A L'EMPEREUR TRAJAN


LIV. — C. PLINIUS TRAJANO IMPERATORI
Les revenus publics, seigneur, que votre prévoyance
Pecunise publicse, domine, providentia tua et minis- et mes soins ont déjà fait rentrer et continuent à faire
terio nostro et jam exactae sunt, et exiguntur; quse rentrer, risquent, je le crains, de rester en caisse sans
vereor ne otiosse jaceant. Nam et prsediorum compa- emploi. Car les occasions d'acheter des domaines sont
randorum aut nulla, aut rarissima ôccasio est; nec inve- nulles ou très rares; et l'on ne trouve personne qui
niuntur qui velint debere reipublicse, prsesertim duodenis consente à être débiteur de l'état, surtout à douze pour
pour cent, taux auquel on emprunte aux particuliers.
assibus, quanti a privatis mutuantur. Dispice ergo,
Voyez donc, seigneur, si vous jugez que l'on puisse
domine, numquid minuendam usuram, ac per hoc ido- diminuer quelque chose sur l'intérêt, et par là attirer
neos debitores invitandos, putes : et, si nec sic reperiun- des débiteurs solvables; et si, au cas où même ainsi on
tur, distribuendam inter decuriones pecuniam, ita ut n'en trouverait point, on ne peut répartir l'argent entre
recte reipublicse caveant. Quod, quamquam invitis et les décurions, en leur demandant de solides garanties
recusantibus, minus acerbum erit, leviore usura consti- envers l'état. Cette obligation, même s'ils ne s'y sou-
tuta. mettent qu'à contre cœur et en protestant, leur sera moins
amère, pourvu qu'on allège un peu l'intérêt.
LV. — TRAJANUS PLINIO
. LV. — TRAJAN A PLINE
Et ipse non aliud remedium dispicio, mi Secunde
Moi aussi, je ne vois d'autre remède, mon très cher
carissime, quam ut quantitas usurarum minuatur, quo
Secundus, que de diminuer le taux de l'intérêt, pour
facilius pecunise publicse collocentur. Modum ejus ex faciliter le placement des revenus publics. Vous en
copia eorum qui mutuabuntur, tu constitues. Invitos fixerez . vous-même le cours d'après Fafïlueiice des
ad accipiendum compellere, quod fortassis ipsis otiosum emprunteurs. Quant à forcer quelqu'un à se charger
futurum sit, non est ex justitia nostrorum temporum. malgré lui de sommes, dont il n'aurait peut-être pas l'em-
ploi, cela ne sied pas à la justice qui doit honorer mon règne.
LVI. — C. PLINIUS TRAJANO IMPERATORI
LVI. — C. PLINE A L'EMPEREUR TRAJAN

Summas, domine, gratias ago, quod inter maximas Je vous suis, seigneur, infiniment reconnaissant de
occupationes, in iis, de quibus te consului, me quoque daigner, malgré les plus hautes occupations, me guider
312 C. PLÎNtl SECUND1. — LIBER X PLINE LE JEUNE. LIVRE X 313

regere dignatus es. Quod mine quoque facias rogo. moi-même dans les affaires que je vous ai soumises.
Adiit enim me quidam indicavitque adversarios suos a Accordez-moi encore aujourd'hui la même faveur, je
vous prie. Un homme est venu me trouver et m'a exposé
Servilio Calvo, clarissimo viro, in triennium relegatos,
que ses adversaires exilés pour trois ans par Servilius
in provincia morari. Illi contra ab eodem se restitutos Calvus, homme d'un grand renom, restaient encore
affirmaverunt, edictumque recitaverunt. Qua causa dans la province. Eux au contraire m'ont soutenu que
necessarium credidi rem integram ad te referre. Nam le même Calvus les a rappelés et ils m'en ont lu le décret.
Aussi ai-je cru bon de renvoyer toute l'affaire à votre
sicut mandatis tuis cautum est, ne restituam ab alio, jugement. Car si vos instructions prescrivent que je ne
aut a me relegatos, ita de iis, quos alius relegaverit et rappelle aucun exilé condamné soit par un autre, soit
restituent, nihil comprehensum est. Ideo tu, domine, par moi, il n'y est rien dit de ceux qui auront été à la
fois exilés et rappelés par un autre que moi. C'est donc
consulendus fuisti, quid observare me velles, tam her- à vous, seigneur, que je dois demander quelle conduite
cule de his, quam de illis qui in perpetuum relegati nec vous désirez me voir tenir tant au sujet de ces derniers,
restituti, in provincia deprehenduntur. Nam hsec quoque qu'à propos de ceux qui exilés à perpétuité et non
rappelés, se trouvent quand même dans la province.
species incidit in cognitionem meam. Est enim adductus
Car ce cas aussi est soumis à ma décision. On m'a amené
ad me in perpetuum relegatus a Julio Basso proconsule. en effet un homme exilé à perpétuité par le proconsul
Ego, quia sciebam acta Bassi rescissa, datumque a Julius Bassus. Moi, sachant que les actes de Bassus ont
senatu jus omnibus, de quibus ille aliquid constituisset, été cassés, et que le sénat a donné à tous ceux qui ont
été l'objet d'une décision quelconque de ce magistrat,
ex integro agendi dumtaxat per biennium, interrogavi le droit de reprendre l'affaire dans un délai de deux
hune quem relegaverat, an adisset, docuissetque pro- ans, j'ai demandé à l'homme qu'il avait exilé, s'il s'était
consulem. Negavit. Per quod efîectum est, ut te consu- rendu devant le proconsul et lui avait exposé son cas.
Il m'a répondu que non. D'où ma consultation présente :
lerem, reddendum eum pœnœ suse, an gravius aliquid, faut-il le rendre à sa première peine, ou lui imposer une
et quid potissimum constituendum putares et in hune, peine plus grave, et laquelle de préférence, à lui-même
et in eos, si qui forte in simili condicione invenirentur. et à ceux qui peuvent se trouver dans la même situa-
Decretum Calvi et edictum, item decretum Bassi his tion? Je joins à cette lettre le décret et l'édit de Calvus,
ainsi que le décret de Bassus.
litteris subjeci.
LVII. — TRAJAN A PLINE
LVII. — TRAJANUS PLINIO
Quelle décision il faut prendre au sujet de ceux qui,
Quid in persona eorum statuendum sit, qui a Publio exilés pour trois ans par le proconsul P. Servilius Calvus,
puis rappelés par un édit du même magistrat, sont
Servilio Calvo proconsule in triennium relegati, et mox cependant restés dans la province, je vous l'écrirai
ejusdem edicto restituti, in provincia remanserunt, bientôt, quand je me serai informé auprès de Calvus
314 , C. PLINII SECUNDI. LIBER X PLINE LE JEUNE. — LIVRE x 315

.proxime tibi rescribam, cum causas hujus facti a Calvo des motifs de sa conduite. Quant à celui qui a été exilé
requisiero. Qui a Julio Basso in perpetuum relegatus à perpétuité par Julius Bassus et qui, ayant eu pen-
est, cum per biennium agendi facultatem habuerit, si dant deux ans la faculté de se pourvoir s'il se croyait
injustement exilé, ne l'a pas fait et a persisté à rester
existimat se injuria relegatum, neque id fecerit, atque
dans la province, il doit être arrêté et envoyé aux préfets
in provincia morari persévérant, vinctus mitti ad prse- de mon prétoire : car ce n'est pas assez de l'astreindre
fectos prsetorii mei débet : neque enim sufïicit, eum à sa première peine, à laquelle il s'est soustrait par
pœnœ suœ restitui, quam contumacia elusit. contumace.

L V I I I . — C. PLINE A L'EMPEREUR TRAJAN


L V I I I . — C. PLINIUS TRAJANO IMPERATORI
Comme je convoquais des juges, seigneur, pour tenir
Cum citarem judices, domine, conventum inchoaturus, ma séance, Flavius Archippus m'a demandé une dispense
Flavius Archippus vacationem petere cœpit, ut philo- à titre de'philosophe. Quelques-uns ont prétendu que
sophus. Fuerunt qui dicerent non modo liberandum eum non seulement il fallait le libérer de l'obligation de
juger, mais même le rayer tout à fait du nombre des
judicandi necessitate, sed omnino tollendum de judi- juges et l'astreindre au châtiment, auquel il s'était
cum numéro, reddendumque pœnse, quam fractis vin- soustrait en s'évadant de prison. On a lu la sentence
culis evasisset. Recitata est sententia Veli Pauli pro- du proconsul Vélius Paulus qui prouve qu'Archippus
consulis, qua probabatur Archippus crimine falsi dam- a été condamné aux mines pour crime de faux. Lui ne
produisait aucune preuve de sa réhabilitation. Il allé-
natus in metallum. Ille nihil proferebat, quo restitutum
guait cependant à défaut d'acte de réhabilitation un
se doceret. Allegabat tamen pro restitutione et libellum écrit remis par lui à Domitien, des lettres à son hon-
a se Domitiano datum, et epistulas ejus ad honorem suum neur de ce prince et un décret des Prusiens. Il y ajou-
pertinentes, et decretum Prusensium. Addebat his et tait des lettres que vous lui aviez écrites; il y ajoutait
tuas litteras scriptas sibi. Addebat et patris tui edictum, aussi un édit et une lettre de votre père, par lesquels
ce prince confirmait les faveurs accordées par Domi-
et epistulam, quibus confirmasset bénéficia a Domi-
tien. Aussi, malgré la gravité des crimes qu'on lui impute,
tiano data. Itaque, quamvis eidem talia crimina appli- je crois devoir ne rien décider, avant de vous avoir
carentur, nihil decernendum putavi, donec te consule- consulté sur un point qui me paraît mériter d'être fixé
rem de eo, quod mihi constitutione tua dignum vide- par vous. Je joins à cette lettre toutes les pièces qui
batur. Ea quse sunt utrimque recitata, his litteris subjeci. ont été lues de part et d'autre.

LETTRE DE DOMITIEN A TÉRENCE MAXIME


LETTRE DE DOMITIEN A TÉRENCE MAXIME
« Le philosophe Flavius Archippus a obtenu de moi
« Flavius Archippus philosophus impetravit a me, ut que je fisse acheter pour lui aux environs de Pruse,
agrum ei C. circa Prusiadam, patriam suam, emi jube- sa patrie, un domaine de cent mille sesterces, dont le
PLINE LE JEUNE. — LIVRE X 317
316 G. PLINII SECUNDI. — LIBER X

rem, cujus reditu suos alere posset. Quod ei prsestari revenu lui permît de nourrir sa famille. Ma volonté
est de lui en faire don. Vous porterez la somme dépensée
volo. Summam expensam liberalitati mese feres. » au compte de mes libéralités. »

LETTRE DU MÊME A LUCIUS APPIUS MAXIMUS LETTRE DU MÊME A APPIUS MAXIMUS

« Archippum philosophum, bonum virum, et profes- « Le philosophe Archippus est un honnête homme
qui honore sa profession même par son caractère; je
sioni suse etiam moribus respondentem, commendatum désire que vous vous intéressiez à lui, mon cher Maxi-
habeas velim, mi Maxime, et plenam ei humanitatem mus et que vous lui accordiez votre entière bienveil-
lance pour toutes les demandes raisonnables qu'il pourra
tuam prsestes in iis quœ verecunde a te desideraverit. »
vous adresser. »

EDICTUM DIVI NERVAE E D I T DU DIVIN NERVA

« Quœdam sine dubio, Quirites, ipsa félicitas tempo- Il est sans contredit, Romains, des vertus que le
bonheur même des temps commande et l'on ne doit pas
ruin edicit, nec spectandus est in iis bonus princeps, admirer la bonté du prince dans les actes qui paraissent
quibus illum intellegi satis est, cum hoc sibi quisque tout naturels quand on le connaît, car tous mes conci-
civium meorum spondere possit vel non admonita per- toyens ont la conviction, même sans qu'on le leur rap-
pelle, et la pleine assurance que j'ai préféré la tran-
suasio, me securitatem omnium quieti meœ prœtulisse, quillité de tous à mon repos particulier, désirant répandre
ut et libenter nova bénéficia conferrem, et ante me con- avec joie de nouveaux bienfaits, et conserver ceux qui
ont été accordés avant moi. Cependant, pour qu'aucun
cessa servarem. Ne tamen aliquam gaudiis publicis doute ne trouble la joie publique soit à cause de la
afîerat hœsitationem vel eorum qui impetraverunt diffi- défiance des bénéficiaires, soit à cause du donateur
dentia, vel ejus memoria qui prsestitit, necessarium pari- j'ai cru à la fois nécessaire et agréable d'envoyer mon
indulgence au secours de ceux qui ne sont pas rassurés.
ter credidi ac Isetum, obviam dubitantibus indulgentiam Je ne veux pas que personne pense que les faveurs
meam mittere. Nolo existimet quisquam, quse alio prin- obtenues d'un autre prince, soit à titre privé, soit à
titre public, pourraient être retirées par moi, dans le
cipe vel privatim vel publiée consecutus sit, ideo saltem
seul but de ih^ réserver le mérite de les rendre. Qu'elles
a me rescindi, ut potius mini debeat. Sint rata et certa, soient confirmées et assurées, et que la reconnaissance dé
nec gratulatio ullius instauratis egeat precibus, quem personne ne croie nécessaire d'adresser de nouvelles
prières à celui que la fortune de l'empire a regardé d'un
fortuna imperii vultu meliore respexit. Me novis bene- œil plus favorable. Qu'on me laisse employer mon
flciis vacare patiantur, et ea demum sciant roganda esse, temps à des bienfaits nouveaux, et qu'on sache qu'il
faut solliciter seulement ceux qu'on n'a pas.
quœ non habent. »
318 G. PLINII SECUNDI. LIBER X PLINE LE JEUNE. LIVRE X 319

LETTRE DU MÊME A TULLIUS JUSTUS


LETTRE DU MÊME A TULLIUS JUSTUS
« Comme toutes les dispositions prises et établies
« Cum rerum omnium, ordinatio, quae prioribus tem- dans le passé doivent être respectées, on devra se con-
poribus inchoatse consummatse sunt, observanda sit, tum former aussi aux lettres de Domitien. »
epistulis etiam Domitiani standum est. »
LIX. — C. PLINE A L'EMPEREUR TRAJAN
LIX. — C. PLINIUS TRAJANO IMPERATORI
Flavius Archippus m'a supplié, par votre salut et
votre éternité, de vous envoyer le mémoire qu'il m'a
Flavius Archippus per salutem tuam seternitatemque
•remis. J'ai cru bon de déférer à sa demande, mais en
petit a me, ut libellum, quem mihi dédit, mitterem tibi.
instruisant de cet envoi son accusatrice; j'en ai reçu
Quod ego sic roganti prsestandum putavi, ita tamen ut
aussi un mémoire que je joins à ma lettre, afin que
missurum me notum accusatrici ejus facerem, a qua et vous voyiez plus facilement, comme si vous aviez entendu
ipsa acceptum libellum his epistulis junxi, quo facilius les deux parties, la décision que vous croirez devoir
velut audita utraque parte dispiceres quid statuendum prendre.
putares.
L X . — TRAJAN A PLINE
LX. — TRAJANUS PLINIO Domitien a bien pu ignorer la vraie situation d'Archip-
pus, quand il faisait de lui tant d'éloges dans ses lettres.
Potuit quidem ignorasse Domitianus in quo statu esset Mais il est plus conforme à mon caractère de croire
Archippus, cum tam multa ad honorem ejus pertinentia qu'il a voulu aussi lui apporter le secours d'une inter-
scriberet. Sed mese naturae accommodiatus est credere, vention du prince; cela est d'autant plus vraisemblable
etiam statui ejus subventum interventu principis, prse- que l'honneur d'une statue 107 lui a été tant de fois
sertim cum etiam statuarum ei honor totiens decretus décerné par ceux qui n'ignoraient pas le jugement
sit ab iis qui non ignorabant quid de illo Paulus proconsul porté sur ce philosophe par le proconsul Paulus. Cela
pronuntiasset. Quse tamen, mi Secunde carissime, non ne doit pas cependant, mon très cher Secundus, si cet
eo pertinent, ut, si quid illi novi criminis objicitur, homme vient à être l'objet d'une nouvelle accusation,
minus de eo audiendum putes. Libellos Furiae Primse vous empêcher de le poursuivre. J'ai lu les mémoires
de Furia Prima l'accusatrice, et aussi ceux d'Archippus
accusatricis, item ipsius Archippi quos altéri epistulse tuse
lui-même que vous avez joints à votre précédente lettre.
juhxeras, legi.

LXI. — C. PLINE A L'EMPEREUR TRAJAN


LXI. — C. PLINIO TRAJANUS IMPERATORI
Dans votre admirable prévoyance, seigneur, vous crai-
Tu quidem, domine, providentissime vereris ne, com- gnez qu'une fois joint au fleuve et par suite à la mer le lac
missus flumini, atque ita mari, làcus effluat. Sed ego ne se vide. Mais étant sur les lieux, je crois avoir trouvé
320 C. PLINII SECUNDI. — LIBER X
PLINE LE JEUNE. LIVRE X 321
in re prsesenti invenisse videor, quemadmodum huic
un moyen de prévenir ce danger. On peut en effet par
periculo occurrerem. Potest enim lacus fossa usque ad un canal amener les eaux du lac jusqu'auprès du fleuve,
flumen adduci, nec tamen in flumen emitti, sed relicto mais sans les y déverser, en laissant une sorte de quai
quasi margine contineri pariter et dirimi. Sic conseque- qui les arrêtera et les séparera du fleuve. Nous obtien-
mur, ut nec... vacuo videatur flumini mixtus, et sit perinde drons ainsi que sans risquer10s de se vider, si on le joint
ac si misceatur : erit enim facile per illam brevissimam au fleuve, le lac soit cependant comme s'il y était joint :il
sera en effet facile à travers cette étroite bande de terre
terram, quœ interjacebit, advecta fossa onera trans- interposée de transborder sur le fleuve les chargements
ponere in flumen. Quod ita fiet, si nécessitas coget; et, amenés par le canal. Voilà ce que l'on pourra faire, si l'on
spero, non coget. Est enim et lacus ipse satis altus, et y est contraint, mais on n'y sera pas contraint, je l'espère.
nunc in contrariam partem flumen emittit, quod inter- Le lac en effet est par lui-même assez profond; de plus
en l'état actuel il émet en sens contraire un cours d'eau,
clusum inde, et quo volumus aversum, sine ullo detri-
qui barré de ce côté et détourné du côté où nous en avons
mento lacus tantum aquse, quantum nunc portât, effun- besoin, sans aucun inconvénient pour le lac, lui apportera
det. Prœterea per id spatium, per quod fossa facienda autant d'eau qu'il en emporte maintenant. En outre sur
est, incidunt rivi, qui, si diligenter colligantur, augebunt le parcours du canal à creuser aboutissent des ruisseaux,
illud quod lacus dederit. Enimvero si placeat fossam qui, recueillis avec soin, accroîtront le débit du lac. Tou-
tefois, si l'on préférait prolonger le canal et l'approfondir
longius ducere, et artius pressam mari œquare, nec in
jusqu'au niveau de la mer, et le faire aboutir non dans
flumen, sed in ipsum mare emittere, repercussus maris le fleuve, mais dans la mer elle-même, la résistance des
servabit et reprimet, quicquid e lacu veniet. Quorum vagues contiendrait et refoulerait toute l'eau qui viendrait
si nihil nobis loci natura prsestaret, expeditum tamen du lac. Si aucune de ces solutions n'était permise par
erat cataractis aquse cursum temperare. Verum et heec la nature des lieux, il resterait la ressource de retenir
le cours des eaux par des écluses. Mais ces moyens
et alia multo sagacius conquiret explorabitque librator,
et d'autres seront recherchés et examinés avec beaucoup
quem plane, domine, debes mittere, ut polliceris. Est plus de compétence par le géomètre, que vous m'enver-
enim res digna et magnitudine tua et cura. Ego intérim rez certainement, seigneur, comme vous me l'avez promis.
Galpurnio Macro, clarissimo viro, auctore te, scripsi ut C'est une entreprise digne de votre grandeur et de vos
libratorem quam maxime idoneum mitteret. soins. En attendant j'ai écrit, d'après vos instructions,
à l'illustre Calpurnius Macer 109 de m'envoyer un géo-
mètre aussi habile que possible.
L X I I . — TRAJANUS PLINIO
L X I I . — TRAJAN A PLINE
Manifestum est, mi Secunde carissime, nec pruden-
tiam nec diligentiam tibi defuisse circa istum lacum, Il est évident, mon très cher Secundus, que ni votre
cum tam multa provisa habeas, per qase nec periclitetur prévoyance ni votre diligence m'ont été en défaut au
sujet du lac en question, puisque vous avez prévu tant
exhauriri, et magis in usus nobis futurus sit. Elige igi-
de moyens d'éviter le danger de l'épuiser et d'en accroître
P L I N E L E JEUNE. T. n . 21
322 C. PLINII SECUNDI. LIBER X PLINE L E JEUNE. LIVRE X 323

tur id, quod prsecipue res ipsa suaserit. Calpurnium Ma- l'utilité pour nous. Choisissez donc celui que la situation
crum credo facturum ut te libratore instruat, neque conseillera de préférence aux autres. Je pense que Cal-
purnius Macer ne manquera pas de vous procurer un
provincise istœ artiflcibus carent.
géomètre; les provinces où vous êtes ne sont pas dépour-
vues de pareils techniciens.
L X I I I . — C. PLINIUS TRAJANO IMPERATORI
L X I I I . — C. P L I N E A L'EMPEREUR TRAJAN
Scripsit mini, domine, Lycormas libertus tuus, ut,
si qua legatio a Bosporo venisset Urbem petitura, usque Votre affranchi Lycormas m'a écrit, seigneur, que,
in adventum suum retineretur. E t legatio quidem, dum- si quelque ambassade du Bosphore passait ici se dirigeant
vers Rome, je la retinsse jusqu'à ce qu'il arrivât lui-
taxat in eam civitatem, in qua ipse sum, nulla adhuc
même. Or d'ambassade, du moins dans la ville où je suis
venit; sed venit tabellarius Sauromatse. Quem ego, usus il n'en est encore venu aucune; mais il est venu un
opportunitate, quam mihi casus obtulerat, cum tabella- courrier du roi Sarmate 110. J'ai cru devoir profiter de
rio, qui Lycormam ex itinere prœcessit, mittendum puta- cette occasion, offerte par Te hasard, et vous envoyer
vi, ut posses ex Lycormœ et ex régis epistulis pariter avec ce courrier, celui qui a précédé Lycormas, afin que
vous puissiez apprendre par les lettres et de Lycormas
cognoscere, quse fortasse pariter scire deberes. et du roi les nouvelles qu'il vous importe peut-être de
connaître en même temps.
L X I V . —• C. PLINIUS TRAJANO IMPERATORI
L X I V . — C. PLINE A L'EMPEREUR TRAJAN
Rex Sauromates scripsit mihi, esse qusedam, quœ
debères quam maturissime scire. Qua ex causa festina- Le roi Sarmate m'a écrit qu'il se passait certains faits
tionem tabellarii, quem ad te cum epistulis misit, diplo- dont vous deviez être instruit au plus tôt. Pour cette
raison afin de hâter le courrier qui vous porte ses dépêches,
mate adjuvi.
je le munis d'un passe-port.

LXV. — C. PLINIUS TRAJANO IMPERATORI


LXV. — C. P L I N E A L'EMPEREUR TRAJAN
Magna, domine, et ad totam provinciam pertinens Une question importante, seigneur, et qui intéresse
qusestio est de condicione et alimentis eorum, quos toute la province est celle de la condition et de l'entretien
vocant 9ps:n:oi; In qua ego, auditis constitutionibus prin- de ceux, qu'on nomme Opsrctouç (nourris). A ce sujet,
cipum, quia nihil inveniebam aut proprium, aut univer- j'ai consulté les institutions des empereurs, et n'y trou-
vant aucune décision soit particulière, soit générale, qui
sale, quod ad Bithynos ferretur, consulendum te exis-
s'appliquât aux Bithyniens, j'ai cru bon de vous demander
timayi quid observari velles, neque putavi posse me, vos intentions à cet égard. Je ne pense pas en effet pou-
in eo quod auctoritatem tuam posceret, exemplis esse voir, dans une question qui réclame l'autorité de votre
contentum. Recitabatur autem apud me edictum, quod décision, me contenter des précédents. On m'a lu, il est
324 C. PLINII SECUNDÏ. LIBER X PLINE VJE JEUNE. LIVRE X 325

dicebatur divi Augusti, ad Anniam pertinens; recitatse vrai, un édit, qu'on attribue au divin Auguste, visant
et epistulse divi Vespasiani ad Lacedsemonios, et divi Annia; on m'a lu aussi des lettres du divin Vespasien
aux Lacédémoniens, et du divin Titus aux mêmes, et aux
Titi ad eosdem et Achseos, et Domitiani ad Avidium Nigri-
Achéens, d'autres de Domitien à Avidius Nigrinus et à
num et Armenium Brocchum, proconsules, item ad Lace- Armenius Brocchus, proconsuls, ainsi qu'aux Lacédémo-
dsemonios. Quse ideo tibi non misi, quia et parum emen- niens. Je ne vous les envoie pas, parce que le texte m'en
data, et qusedam non certœ fldei videbantur, et quia paraît peu sûr, et que quelques-unes même ne semblent
vera et emendata in scriniis tuis esse credebam. pas authentiques, parce qu'aussi les textes authentiques
et sûrs se trouvent, je crois, dans vos archives.
L X V I . — TRAJANUS PLINIO
L X V I . — TRAJAN A PLINE
Qusestio ista, quse pertinet ad eos, qui liberti nati,
La question que vous posez au sujet de ceux qui nés
expositi, deinde sublati a quibusdam, et in servitute libres ont été exposés, puis recueillis par quelqu'un et
educati sunt, ssepe tractata est, nec quicquam invenitur élevés dans la servitude, a été souvent traitée. Mais
in commentariis eorum principum, qui ante me fuerunt, dans les décisions de mes prédécesseurs il ne s'en trouve
quod ad omnes provincias sit constitutum. Epistulse aucune qui s'applique à toutes les provinces. Il y a bien
des lettres de Domitien à Avidus Nigrinus et à Armenius
sane sunt Domitiani ad Avidium Nigrinum et Arme- Brocchus, que l'on devrait peut-être suivre. Mais parmi
nium Brocchum, quse fortasse debeant observari, sed les provinces dont il parle, il n'y a point la Bithynie. Je
inter eas provincias de quibus rescripsit, non est Bithynia; ne crois donc pas qu'on puisse refuser le droit de reven-
et ideo nec assertionem denegandam iis, qui ex ejusmodi diquer leur liberté à ceux qui s'appuieront sur ce motif
causa in libertatem vindicabuntur, puto, neque ipsam pour la réclamer, ni qu'ils doivent la racheter par le
remboursement des frais de leur entretien.
libertatem redimendam pretio alimentorum,

L X V I I . — G. PLINE A L'EMPEREUR TRAJAN


L X V I I . — C. PLINIUS TRAJANO IMPERATORI
L'ambassadeur du roi Sarmate s'étant, de sa propre
Legato Sauromatse régis, cum sua sponte Nicsese,
initiative, arrêté deux jours à Nicée, où il m'avait trouvé
ubi me invenerat, biduo substitisset, longiorem moram je n'ai pas cru devoir, seigneur, prolonger son séjour;
faciendam, domine, non putavi; primum, quod incertum d'abord on ne sait pas encore au juste quand arrivera
adhuc erat quando libertus tuus Lycormas venturus esset; votre affranchi Lycormas; ensuite je pars moi-même pour
deinde, quod ipse proficiscebar in diversam provincise une autre partie de la province, appelé par les obligations
de ma charge; je pense que je dois porter ces faits à
partem, ita offlcii necessitate exigente. Hsec in notitiam
votre connaissance, parce que je vous ai écrit dernière-
tuam perferenda existimavi, quia proxime scripseram, ment que Lycormas m'a demandé, s'il venait quelque
petisse Lycormam, ut legationem, si qua venisset a Bos- députation du Bosphore, de la retenir jusqu'à son arrivée
poro, usque in adventum suum retinerem. Quod diutius à lui. Or je ne vois aucune raison valable de la garder
326 C. PLINII SECUNDI. ËIBER X PLINE L E JEUNE. LIVRE X 327

faciendi nulla mihi probabilis ratio occurrit; prsesertim plus longtemps; d'autant plus que les lettres de Lycor-
mas, que je n'ai pas voulu retarder, comme je vous l'ai
cum epistulse Lycormse, quas detinere, ut ante prsedixi, dit, auront devancé de quelques jours, je pense, l'ambas-
nolui, aliquot diebus hinc legatum antecessurse videren- sadeur.
tur.
L X V I I I . — G. P L I N E A L'EMPEREUR T R A J A N
L X V I I I . — C. PLINIUS TRAJANO IMPERATORI
Quelques personnes, voyant les restes de leurs parents
en péril, par suite soit des injures du temps, soit des
Petentibus quibusdam ut sibi reliquias suorum, aut débordements du fleuve, soit de tout autre accident
propter injuriam vetustatis, aut propter fluminis incur- analogue, me demandent, en se fondant sur l'exemple
sum, aliaque his similia qusecumque, secundum exem- des autres proconsuls, la permission de tranférer ces
cendres ailleurs; mais sachant que dans notre ville pour
plum proconsulum, transferre permitterem, quia scie-
des cas de ce genre on en réfère toujours au collège des
bam in urbe nostra ex ejusmodi causa collegium pon- pontifes, j ' a i cru, seigneur, devoir vous consulter, vous
tificum adiri solere, te domine, maximum pontiflcem, grand pontife, sur la règle que vous voulez que j'observe.
consulendum putavi, quid observare me velis.
L X I X . — C. TRAJAN A PLINE

L X I X . — TRAJANUS PLINIO Il serait excessif d'imposer à des provinciaux l'obliga-


tion d'en référer aux pontifes, quand ils veulent pour
Durum est injungere necessitatem provincialibus pon- de justes motifs transférer les restes de leurs parents
tificum adeundorum, si reliquias suorum propter ali- d'un lieu dans un autre. Vous devez suivre plutôt l'exemple
de vos prédécesseurs et selon le cas de chacun donner
quas justas causas transferre ex loco in alium locum ou refuser l'autorisation.
velint. Sequenda ergo potius tibi exempla sunt eorum,
qui isti provincise prsefuerunt : ex causa cuique ita aut LXX. — C. P L I N E A L'EMPEREUR TRAJAN
permittendum, aut negandum.
Comme je cherchais à Pruse, seigneur, où pourraient
être construits les bains, que vous avez bien voulu auto-
LXX. — C. PLINIUS TRAJANO IMPERATORI riser, j ' a i choisi un emplacement sur lequel était autre-
fois une maison fort belle, me dit-on, mais aujourd'hui
Quœrenti mihi, domine, Prusse ubi posset balineum, tombée en ruines. Ce choix aura d'heureuses conséquences :
quod indulsisti fieri, placuit locus in quo fuit aliquandô d'abord un quartier d'aspect fort laid sera restauré et
la ville elle-même s'en trouvera embellie; ensuite
domus (ut audio) pulchra, nunc deformis ruinis. Per hoc aucun bâtiment n'est démoli et ceux qui tombent de
enim consequemur, ut fœdissima faciès civitatis ornetur, vieillesse seront relevés. Voici d'ailleurs la situation
atque etiam ut ipsa civitas amplietur, nec ulla sediflcia de cette maison. Claudius Polyénus l'avait léguée à
328 , C. PLINII SECUNDI. —• LIBER X PLINE L E J E U N E . — LIVRE X 329

tollantur, sed quœ sunt velustate sublapsa, relaxentur Claude César, en exprimant la volonté qu'un temple fût
in melius. Est autem hujus domus condicio talis. Lega- élevé à cet empereur dans le péristyle, et que le reste
verat eam Claudius Polysenus Claudio Csesari, jussitque de la maison fût loué. La ville en a touché quelque temps
in peristylio templum ei fleri, reliqua ex domo locari, le revenu. Puis peu à peu le pillage ou la négligence rui-
ex ea reditum aliquandiu civitas percepit. Deinde pau- nèrent entièrement cette maison- ainsi que le péristyle,
et maintenant il n'en reste plus rien que le terrain. Si
latim partim spoliata, partim neglecta, cum peristylio
vous daignez, seigneur, ou le donner ou le faire vendre
domus tota collapsa est, ac jam psene nihil ex ea, nisi à la ville, comme l'emplacement est très avantageux, elle
solum superest. Quod tu, domine, sive donaveris civitati, le recevra ainsi que le plus grand bienfait. Pour moi, si
sive venire jusseris, propter opportunitatem loci, pro vous le permettez, j'ai l'intention de mettre les bains
summo munere accipiet. Ego, si permiseris, cogito in dans la cour qui est vide ; quant à la partie où étaient les
area vacua balineum collocare; eum autem locum, in bâtiments je songe à l'entourer d'une exèdre l l x et de
quo Eedificiâ fuerunt, exedra et porticibus amplecti, portiques, et à vous les consacrer, puisque c'est à vous
quem tibi consecrare, cujus beneflcio elegans opus, dignum- qu'on devra ce bel ouvrage, digne de porter votre nom.
que nomine tuo flet. Exemplar testament], quamquam Je vous envoie une copie du testament quoiqu'elle soit
mendosum, misi tibi. E x quo cognosces, multa Polyse- pleine de fautes. Vous y apprendrez que Polyénus avait
num in ejusdem domus ornatum reliquisse, quse, ut laissé beaucoup d'objets pour orner cette maison, qui
ont péri comme la maison même. Je les rechercherai
domus ipsa, perierunt. A me tamen, in quantum potuerit,
cependant dans toute la mesure du possible.
requirentur.

L X X I . — TRAJAN A PLINE
L X X I . — TRAJANUS PLINIO
Nous pouvons nous servir, pour bâtir les bains des
Possumus apud Prusenses area ista cum domu col- Prusiens, de la cour dont vous me parlez, ruinée ainsi
lapsa, quam vacare scribis, ad exstructionem balinei que la maison, et qui est vide, dites-vous. Mais vous n'avez
uti. Illud tamen parum expressisti, an sedes in peristylio pas précisé si le temple dédié à Claude a été construit
Claudio facta esset. Nam si facta est, licet collapsa dans le péristyle. Car s'il a été construit, même ruiné
sit, religio ejus occupavit solum. aujourd'hui, la place lui reste toujours consacrée.

L X X I I . — C. P L I N E A L'EMPEREUR TRAJAN
L X X I I . —• C. PLINIUS TRAJANO IMPERATORI
Quelques-uns me pressent à propos de la reconnais-
Postulantibus quibusdam, ut de agnoscendis liberis sance des enfants et de leur rétablissement dans tous
restituendisque natalibus, et secundum epistulam Do- les droits de leur naissance, de prononcer moi-même,
mitiani scriptam Minitio Rufo, et secundum exempla en me fondant à la fois sur une lettre de Domitien à
proconsulum, ipse cognoscerem, respexi ad senatus- Minitius Rufus, et sur l'exemple des proconsuls; mais
consultum pertinens ad eadem gênera causarum, quod j'ai songé au décret du sénat qui vise ces affaires et qui
de iis tantum provinciis loquitur, quibus proconsules parle seulement des provinces administrées par des pro-
330 C. PLINII SECUNDI. LIBER X PLINE LE J E U N E . LIVRE X 331

prsesunt; ideoque rem integram distuli, dum, domine, consuls; aussi ai-je renvoyé toute la question jusqu'à
prseceperis quid observare me velis. ce que vous-même, seigneur, m'ayez prescrit la règle que
vous voulez me voir suivre.
L X X I I I . — TRAJANUS PLINIO
L X X I I I . — TRAJAN A PLINE
Si mihi senatusconsultum miseris, quod hsesitatio- Quand vous m'aurez envoyé le décret du sénat, qui
nem tibi fecit, œstimabo an debeas cognoscere de agnos- a causé vos doutes, je jugerai si vous devez prononcer
cendis liberis, et natalibus veris restituendis. sur la reconnaissance des enfants et leur rétablissement
dans tous les droits de leur naissance.
L X X I V . — C. PLINIUS TRAJANO IMPERATORI
L X X I V . — G. P L I N E A L'EMPEREUR TRAJAN
Apuleius, domine, miles, qui est in statione Nico- Apuleius, seigneur, soldat de la garnison de Nico-
medensi, scripsit mihi quemdam nomine Callidromum, médie m'a écrit qu'un nommé Callidromus, emprisonné
cum detineretur a Maximo et Dionysio pistoribus, quibus par les boulangers Maximus et Dionysius, auxquels il
opéras suas locaverat, confugisse ad tuam statuam, per- avait loué ses services, s'était enfui et avait cherché
ductumque ad magistratus indicasse servisse aliquando asile au pied de votre statue; conduit devant les magis-
Laberio Maximo, captumque a Susago in Mœsia, et a trats, il avait déclaré qu'il avait été autrefois esclave de
Decibalo muneri missum Pacoro, Parthise régi, pluri- Labérius Maximus et qu'ayant été pris par Susagus en
busque annis in ministerio ejus fuisse, deinde fugisse, Mésie, puis envoyé par Décibalus comme cadeau au
atque ita in Nicomediam pervenisse. Quem ego perduc- roi des Parthes, Pacorus, il était resté à son service
plusieurs années, puis s'était échappé et était enfin
tum ad me, cum eadem narrasset, mittendum ad te putavi.
arrivé à Nicomédie. Amené en ma présence, il m'a con-
Quod paulo tardius feci, dum requiro gemmam, quam firmé ce récit, et j ' a i cru devoir vous l'envoyer. J'ai un
sibi, habentem imaginem Pacori, et quibus insignibus peu tardé, pour faire rechercher une pierre précieuse,
ornatus fuisset, subtractam indicabat. Volui enim hanc portant l'image du roi Pacorus, revêtu de ses insignes,
quoque, si inveniri potuisset, simul mittere, sicut gle- qu'il prétendait qu'on lui avait volée. J'aurais voulu,
bulam misi, quam se ex parthico métallo attulisse si on avait pu la retrouver, vous l'envoyer aussi, en même
dicebat. Signata est anulo meo, cujus aposphragisma temps que l'envoi, que je vous ai fait, d'un lingot, rap-
quadriga. porté, disait-il, d'une mine du pays des Parthes. Il est
scellé du cachet de mon anneau, dont l'empreinte est un
quadrige.
L X X V . — C. PLINIUS TRAJANO IMPERATORI
L X X V . — C. PLINE A TRAJAN
Julius, domine, Largus ex Ponto, nondum mihi visus,
Julius Largus du Pont, seigneur, que je n'ai jamais vu,
ac ne auditus quidem (scilicet judicio tuo credidit) dis-
ni même entendu (il s'est sans doute fié à votre juge-
pensationem quamdam mihi erga te pietatis suée minis- ment sur moi) m'a confié l'administration, si j'ose dire,
332 C. PLINII SECUNDI. — LIBER X PLINE LE JEUNE. LIVRE X 333

teriumque mandavit. Rogavit enim testamento, ut et le service des derniers hommages de son affection
hsereditatem suam adirem, cerneremque; ac deinde, pour vous. Par testament il m'a prié d'accepter son héri-
praeceptis qumquaginta milibus nummum, reliquum tage et d'en prendre possession ; puis, après avoir prélevé
pour moi cinquante mille sesterces, de remettre tout le
omne Heracleotarum et Thianorum civitatibus redde- surplus aux villes d'Héraclée et de Thiane, me laissant
rem, ita ut esset arbitrii mei, utrum opéra facienda, juge soit de faire des ouvrages qui seraient consacrés à
quse honori tuo consecrarentur putarem, an instituen- votre gloire, soit d'instituer des jeux publics quinquennaux,
dos quinquennales agonas, qui Trajani appellarentur. qu'on appellerait jeux de Trajan. J'ai cru bon de porter
ces dispositions à votre connaissance, afin que surtout
Quod in notitiam tuam perferendum existimavi, ob hoc
vous voyiez quel parti je dois choisir.
maxime, ut dispiceres quid eligere debeam.
L X X V I . — TRAJAN A PLINE
L X X V I . — TRAJANUS PLINIO
Julius Largus a choisi votre loyauté, comme s'il vous
Julius Largus fidem tuam, quasi te bene nosset, ele- connaissait parfaitement. C'est donc à vous, pour immor-
git. Quid ergo potissimum ad perpetuitatem mémorise taliser sa mémoire, de voir ce qui conviendra le mieux,
ejus faciat, secundum cujusque loti, condicionem ipse d'après les conditions de chaque pays, et de suivre le
parti que vous aurez jugé le meilleur.
dispice, et quod optimum existimaveris sequere.

L X X V I I . — C. P L I N E A L'EMPEREUR TRAJAN
L X X V I I . — C. PLINIUS TRAJANO IMPERATORI
C'est avec une admirable prévoyance, seigneur, que
Providentissime, domine, fecisti, quod prsecepisti Cal- vous avez prescrit à Calpurnius Macer, homme d'un
purnio Macro, clarissimo viro, ut legionarium centurio- grand renom, d'envoyer à Byzance un centurion légion-
nem Byzantium mitteret. Dispice an etiam Juliopoli- naire. Voyez s'il n'y aurait pas lieu de prendre la même
décision en faveur aussi des habitants de Juliopolis. Leur
tanis simili ratione consulendum putes; quorum civitas,
ville, quoique très petite, supporte de très grandes
cum sit perexigua, onera maxima sustinet, tantoque charges, et elle est d'autant plus accablée d'injustices,
graviores injurias, quanto est infirmior, patitur. Quic- qu'elle est plus faible. D'ailleurs le bien que vous ferez
quid autem Juliopolitanis prsestiteris, id etiam toti aux habitants de Juliopolis profitera à toute la province;
provincise proderit. Sunt enim in capite Bithynise, plu- car ils sont à l'entrée de la Bithynie et ils fournissent le
passage aux nombreux voyageurs qui la traversent.
rimisque per eam commeantibus transitum prsebent.
L X X V I I I . — TRAJAN A PLINE
L X X V I II. — TRAJANUS PLINIO
La ville de Byzance l l a est si considérable par le con-
Ea condicio est civitatis ^Byzantiorum, confluente cours des voyageurs qui y arrivent en foule de toute
undique in eam commeantium turba, ut, secundum part, que nous avons dû, selon l'usage de nos prédéces-
334 C. PLINII SECUNDI. — LIBER X PLINE LE JEUNE. LIVRE X 335

consuetudinem prsecedentium temporum, honoribus ejus seurs, lui accorder un centurion légionnaire pour
preesidio centurionis legionarii consulendum habueri- veiller à la conservation de ses privilèges. Octroyer la
mus. Si Juliopolitanis succurrendum eodem modo puta- même faveur aux habitants de Juliopolis, ce serait nous
lier par un précédent. Beaucoup d'autres villes récla-
verimus, onerabimus nos exemplo. Plures enim, idem...
meront le même traitement avec d'autant plus de viva-
quanto infîrmiores erunt, et fiduciam diligentise tuse cité qu'elles seront plus faibles. J'ai assez de confiance
habeo, ut credam te omni ratione id acturum, ne sint dans votre activité, pour être sûr que vous n'oublierez
obnoxii injuriis. Si qui autem se contra disciplinam meam rien afin de préserver les habitants de Juliopolis de
gesserint, statim coerceantur; aut, si plus admiserint, toute injustice. Mais si quelqu'un viole mes instructions,
quam ut in re prœsenti satis puniantur, si milites erunt, qu'on le réprime aussitôt; dans le cas où la faute serait
legatis eorum quœ deprehenderis notum faciès ; aut, si in trop grave pour recevoir sur place une punition suffi-
Urbem versus venturi erunt, mini scribes. sante, si le coupable est soldat, vous informerez son
général des faits découverts, s'il doit venir à Rome, vous
m'en aviserez par lettre.
L X X I X . — C. PLINIUS TRAJANO IMPERATORI
L X X I X . — C. P L I N E A L'EMPEREUR TRAJAN
Cautum est, domine, Pompeia lege, quse Bithynis data
Il est interdit, seigneur, par la loi Pompéia, donnée
est, ne quis capiat magistratum, neve sit in senatu minor aux Bithyniens, d'exercer aucune magistrature et d'en-
annorum triginta. Eadem lege comprehensum est, ut trer au sénat avant trente ans. La même loi prescrit que
qui ceperint magistratum, sint in senatu. Secutum est dein ceux qui auront exercé une magistrature, entrent au
edictum divi Augusti, quo permisit minores magistratus sénat. Puis est venu un édit du divin Auguste, qui permit
ab annis quinque et viginti capere. Quœritur ergo an, d'exercer les magistratures inférieures dès l'âge de vingt-
qui minor triginta annorum gessit magistratus, possit a cinq ans. On demande donc si celui qui a été magistrat
censoribus in senatum legi, et, si potest, an ii quoque, avant trente ans, peut être admis par les censeurs dans
qui non gesserint, possint per eamdem interpretationem le sénat, et, au cas qu'il le puisse, si ceux-là aussi, qui
ab ea setate senatores legi, a qua illis magistratum gerere n'ont pas été magistrats, pourraient, par la même inter-
permissum est. Quod alioqui factitatum adhuc et esse prétation de la loi, être admis au sénat, dès l'âge où il
leur est possible d'exercer une magistrature. C'est d'ail-
necessarium dicitur, quia sit aliquanto melius honestorum
leurs, dit-on, une pratique courante jusqu'ici et même
hominum liberos, quam e plèbe in curiam admitti. Ego a
une nécessité, car il est préférable d'admettre dans la
destinatis censoribus quid sentirem interrogatus, eos qui- curie des jeunes gens de bonne famille plutôt que des
dem, qui minores triginta annis gessissent magistratum, plébéiens. Les censeurs nouvellement élus m'ayant de-
putabam posse in senatum, et secundum edictum Augusti, mandé mon avis, j'ai pensé que ceux qui ont été magis-
et secundum legem Pompeiam, legi, quoniam Augustus trats avant trente ans pouvaient entrer au sénat, en
gerere magistratus minoribus annis triginta permisisset, vertu à la fois de l'édit d'Auguste et de la loi Pompéia,
lex senatorem esse voluisset, qui gessisset magistratum. puisque Auguste permettait d'exercer une magistrature
De iis autem qui non gessissent, quamvis essent setatis avant trente ans et que la loi accordait l'entrée au sénat
336 C. PLINII SECUNDI. — LIBER X PLINE LE JEUNE. —• LIVRE X 337

ejusdem, cujus illi quibus gerere permissum est, hsesi- à celui qui avait été magistrat. Mais pour ceux qui n'ont
tabam. Per quod efïectum est ut te, domine, consulerem pas été magistrats, tout en ayant l'âge de ceux qui l'ont
été, j'hésite beaucoup. C'est pourquoi, seigneur, je vous
quid observari velles. Capita legis, tum edictum Augusti,
consulte sur la règle que vous voulez que je suive. Je
litteris subjeci. joins à cette lettre les titres de la loi et l'édit d'Auguste.

L X X X . — TRAJAN A PLINE
L X X X . — TRAJANUS PLINIO
Je m'associe, mon très cher Secundus, à votre inter-
Interpretationi tuœ, mi Secunde carissime... ut existimo ; prétation et je pense que le décret du divin Auguste a
hactenus edicto divi Augusti novatam esse legem Pom- modifié la loi Pompéia, en permettant d'exercer une
magistrature à ceux qui n'ont pas moins de vingt-cinq
peiam, ut magistratum quidem capere possent ii, qui
ans, et à ceux qui l'ont exercée, d'entrer au sénat de
non minores quinque et viginti annorum essent, et qui chaque ville. Mais je ne suis pas d'avis que, sans avoir
accepissent, in senatum cujusque civitatis pervenirent. été magistrats, ceux qui ont moins de trente ans, sous
Ceterum non capto magistratu, eos qui minores triginta prétexte qu'ils peuvent l'être, soient admis dans le
annorum sint, quia magistratum capere possent, in sénat de chaque pays.
curiam etiam loci cujusque non existimo legi posse.
L X X X I . — C. P L I N E A L'EMPEREUR TRAJAN

Pendant qu'à Pruse, près du mont Olympe, seigneur,


L X X X I . — C. PLINIUS TRAJANO IMPERATORI
j'expédiais quelques affaires dans la maison où je logeais,
me disposant à partir le jour même, le magistrat Asclé-
Cum Prusœ, ad Olympum, domine, publicis negotiis piade m'informa que Claudius Eumolpus faisait appel
intra hospitium, eodem die exiturus, vacarem, Ascle- à ma justice. Cocceianus Dion voulait dans le sénat de
piades magistratus indicavit appellatum me a Claudio cette ville faire recevoir un ouvrage, dont il avait été
chargé; alors Eumolpiis, soutenu par Flavius Archippus,
Eumolpo. Cum Cocceianus Dion in bule assignari civi- dit qu'il fallait demander compte à Dion de l'ouvrage,
tatis opus, cujus curam egerat, vellet, tum Eumolpus avant de le livrer a l'état, parce qu'il l'avait exécuté
assistente Flavio Archippo dixit exigendam esse a Dione autrement qu'il ne devait. Il ajouta que dans ce même
rationem operis, antequam reipublicse traderetur, quod monument on avait placé votre statue et enterré les
aliter fecisset ac debuisset. Adjecit etiam esse in eodem corps de la femme et du fils de Dion. Il me demanda
d'entendre l'affaire à mon tribunal. Je répondis que j'étais
opère positam tuam statuam, et corpora sepultorum, tout prêt et que je différerais mon départ. Alors il me
uxoris Dionis et filii; postulavitque ut cognoscerem pro pria d'accorder un délai plus long pour instruire la cause,
tribunali. Quod cum ego me protinus facturum dilatu- et de la juger dans une autre ville. J'indiquai Nicée. Là,
rumque profectionem dixissem, ut longîorem diem ad à peine avais-je pris place pour entendre l'affaire que le
même Eumolpus, sous prétexte qu'il n'était pas encore
struendam causam darem, utque in alia civitate cognos-
PUNB LE JEUNE, T. II. 22
338 C. PLINII SECUNDI. LIBER X PLINE LE JEUNE. LIVRE X 339

cerem, petiit. Ego me auditurum Nicœas respondi. Ubi prêt, demanda un sursis; Dion, au contraire, insistait
cum sedissem cogniturus, idem Eumolpus, tanquam si pour être entendu. On parla beaucoup de part et d'autre,
adhuc parum instructus, dilationem petere cœpit; contra même sur le fond. Moi, estimant qu'il fallait accorder le
Dion, ut audiretur, exigere. Dicta sunt utrimque multa, sursis et vous consulter sur une question qui pouvait
servir de précédent, je dis aux deux parties de mettre
etiam de causa. Ego cum dandam dilationem, et consu-
par écrit leurs requêtes. Je voulais en efîet que vous
lendum existimarem in re ad exemplum pertinenti dixi pussiez juger d'après leurs propres termes des raisons qu'ils
utrique parti ut postulationum suarum libellos darent. alléguaient. Dion dit qu'il donnerait son mémoire; Eumol-
Voîebam enim te ipsorum potissimum verbis ea, quse pus répondit qu'il exposerait dans le sien ce qu'il deman-
erant proposita, cognoscere. Et Dion quidem se datu- dait pour l'état; que du reste, pour les sépultures, il n'était
rum dixit; et Eumolpus respondit complexurum se pas l'accusateur de Dion, mais l'avocat de Flavius
libello, quss reipublicse peteret. Ceterum, quod ad sepul- Archippus, dont il avait suivi les instructions. Archippus,
tos pertineret, non accusatorem se, sed advocatum pour qui Eumolpus plaidait comme à Pruse, dit qu'il
Flavii Archippi, cujus mandata pertulisset. Archippus, donnerait le mémoire. Mais ni Eumolpus, ni Archippus,
cui Eumolpus sicut Prusiade, assistebat dixit se libel- même après de longs jours d'attente, ne m'ont encore
lum daturum. Ita nec Eumolpus, nec Archippus, quam remis leur mémoire. Dion m'a remis le sien, que je joins
à cette lettre. Je me suis rendu en personne sur les lieux
plurimis diebus exspectatis, adhuc mihi libellos dederunt.
et j'ai vu votre statue placée dans une bibliothèque. Quant
Dion dédit, quem huic epistulse junxi. Ipse in re prsesenti à l'ouvrage, dans lequel on dit que sont enterrés le fils et
fui, et vidi tuam quoque statuam in bibliotheca posi- la femme de Dion, il se trouve dans une cour entourée de
tam, id autem, in quo dicuntur sepulti films et uxor portiques. Je vous en prie, seigneur, daignez me guider dans
Dionis, in area collocatum, quse porticibus includitur. le jugement de cette affaire délicate; elle suscite d'ailleurs
Te domine, rogo ut me in hoc prœcipue génère cogni- une très vive curiosité, comme il est naturel, soit parce que
tionis regere digneris, cum alioqui magna sit exspectatio, le fait a été reconnu, soit parce qu'on allègue pour le
ut necesse est in ea re, quse et in confessum venit, et soutenir plus d'un exemple.
exemplis defenditur.
L X X X I I . — TRAJAN A PLINE
L X X X I I . — TRAJANUS PLINIO
Vous auriez pu ne pas hésiter, mon très cher Secundus,
dans la question sur laquelle vous avez jugé bon de me
Potuisti non hserere, mi Secunde carissime, circa id, consulter; car vous connaissez mon intention de n'user
de quo me consulendum existimasti, cum propositum ni de la crainte ni de la terreur, ni des accusations de
meum optime nosses, non ex metu nec terrore hominum, lèse-majesté pour m'attirer le respect. Laissez donc cette
aut criminibus majestatis, reverentiam nomini meo information, que je n'admettrais pas, même si elle s'ap-
acquiri. Omissa ergo ea qusestione, quam non admitte- puyait sur des exemples; mais que les comptes de l'ou-
rem, etiamsi exemplis adjuvaretur, ratio totius operis vrage exécuté sous la direction de Gocceianus Dion
efïecti sub curatura Cocceiani Dionis excutiatur, cum soient vérifiés minutieusement, puisque l'intérêt de la
340 C. PLINII SECUNDI. LIBER X
PLINE L E JEUNE. LIVRE X 341
et utilitas civitatis exigat, nec aut recuset Dion, aut debeat ville l'exige, et que Dion ne s'y oppose pas, ou ne doit
recusare. pas s'y opposer.

L X X X I I I . •— C. PLINIUS TRAJANO IMPERATORI L X X X I I I . — C. PLINE A L'EMPEREUR TRAJAN

Rogatus, domine, a Nicaeensibus publiée per ea quse Supplié, seigneur, officiellement par les Nicéens, au
mihi et sunt et debent esse sanctissima, id est, per œter- nom de ce que j'ai et dois avoir de plus sacré, c'est-à-dire
nitatem tuam salutemque, ut preces suas ad te perfer- par votre immortalité et votre salut, de vous transmettre
leurs prières, je ne crois pas qu'il me soit permis de refuser,
rem, fas non putavi negare, acceptumque ab iis libel-
et je joins à cette lettre le mémoire qu'ils m'ont remis.
lum huic epistulse junxi.

L X X X I V . — TRAJAN A PLINE
L X X X I V . — TRAJANUS PLINIO
Puisque les Nicéens affirment que le divin Auguste
Nicaeensibus, qui intestatorum civium suorum con- leur a accordé le privilège de recueillir la. succession de
cessam vindicationem bonorum a divo Augusto affir- leurs concitoyens décédés sans testament, vous devrez
mant, debebis vacare, contractis omnibus personis ad donner vos soins à cette affaire. Réunissez tous ceux
idem negotium pertinentibus, adhibitis Virdio Gemellino qu'elle intéresse, adjoignez-leur Virdius Gémellinus avec
et Epimacho, liberto meo, procuratoribus, ut, sestimatis mon affranchi Epimachus, comme mes représentants,
etiam iis quse contra dicuntur, quod optimum credide- mes intendants, et, après avoir examiné aussi les argu-
ritis statuatis. ments contraires, prenez la décision qui vous paraîtra la
meilleure.

L X X X V . — C. PLINIUS TRAJANO IMPERATORI


L X X X V . C. P L I N E A L'EMPEREUR TRAJAN

Maximum, libertum et procuratorem tuum, domine, Maxime, votre affranchi et votre intendant, seigneur,
per omne tempus quo fuimus una, probum, et indus- s'étant toujours montré, pendant tout le temps que nous
trium, et diligentem, ac, sicut rei tuas amantissimum ita avons été ensemble, honnête, actif, sérieux, et aussi
disciplinée tenacissimum expertus, libenter apud te tes- attaché à la discipline que dévoué à vos intérêts, je lui
timonio prosequor, ea fide, quam tibi debeo. en rends avec plaisir ce témoignage auprès de vous, avec
toute la fidélité que je vous dois.

L X X X V I A. — C. PLINIUS TRAJANO IMPERATORI


L X X X V I . A. — C. PLINE A L'EMPEREUR TRAJAN

Gavium Bassum, domine, pr&sfectum orse Ponticse,


J'ai trouvé, seigneur, Gavius Bassus, préfet de la
integrum, probum, industrium, atque inter ista reveren- côte du Pont, honnête, probe, habile, et avec cela très
342 C. PLINII SEGUNDI. LIBER X P U N K LE JEUNE. LIVRE X 343

tissimum mei expertus, voto pariter et sufïragio prose- respectueux pour moi : je lui accorde mes vœux et mon
quor, ea fide, quam tibi debeo. suffrage, avec la fidélité que je vous dois.

L X X X V I . B . — C. PLINE A L'EMPEREUR TRAJAN


L X X X V I B . — C. PLINIUS TRAJANO IMPERATORI
Il s'est formé en servant sous vos ordres, et il doit à vos
[...quam ea quae speret] instructum commilitio tuo, leçons d'être digne de votre bienveillance. J'ai reçu et
cujus disciplinée débet quod indulgentia tua dignus est. des soldats et des habitants, pénétrés de sa justice et de
son humanité, les plus beaux témoignages d'estime,
Apud me et milites, et pagani, a quibus justitia ejus et
qu'ils lui apportaient à l'envi soit officiellement soit à
humanitas penitus inspecta est, certatim ei qua priva- titre privé. Je porte cela à votre connaissance, avec toute
tim, qua publiée, testimonium pertribuerunt. Quod in la fidélité, que je vous dois.
notitiam tuam perfero ea fide quam tibi debeo.
L X X X V I I . — C. P L I N E SALUE L'EMPEREUR TRAJAN
LXXXVII. — C. PLINIUS TRAJANO IMPERATORI J'ai eu, seigneur, le primipilaire 113 Nymphidius Lupus
comme compagnon d'armes, lorsque j'étais moi-même
Nymphidium Lupum, domine, primipilarem, commi- tribun militaire et lui préfet de cohorte; c'est de là qu'est
litonem habui, cum ipse tribunus essem, ille prsefectus; née ma vive amitié pour lui; cette affection n'a fait que
inde familiariter diligere cœpi. Crevit postea caritas ipsa croître dans la suite par la durée même de notre mutuel
mutuse vetustate amicitise. Itaque et quieti ejus injeci attachement. Aussi ai-je osé porter la main sur sa tran-
manum, et exegi ut me in Bithynia consilio instrueret. quillité et exigé qu'il m'assistât de ses conseils en Bithy-
Quod ille amicissime, et otii et senectutis ratione post- nie. Il l'a fait avec la plus grande amabilité, et, ne tenant
compte ni de son repos ni de sa vieillesse, il est prêt à
posita, et jam fecit, et facturus est. Quibus ex causis
continuer. Pour ces motifs je partage toutes ses affec-
necessitudines ejus inter meas numéro, fllium in primis, tions, en particulier sa tendresse pour son fils, Nym-
Nymphidium Lupum, juvenem probum, industrium, et phidius Lupus, jeune homme honnête, actif, bien digne
egregio pâtre dignissimum, suffecturum indulgentise d'un père si distingué, capable de donner satisfaction à
tuse; sicut primis ejus experimentis cognoscere potes, votre bienveillance, ainsi que vous avez déjà pu vous en
cum prœfectus cohortis plenissimum testimonium merue- rendre compte à ses premiers essais de préfet de cohorte,
rit Juli Ferocis et Fusci Saïinatoris, clarissimorum viro- qui lui ont valu les plus hauts témoignages d'hommes
rum. Meum gaudium meamque gratulationem fllii... aussi éminents que Julius Ferox et Fuscus Salinator 114.
honore continerent. Les honneurs du fils, seigneur, seront pour moi un nou-
veau sujet de joie et de reconnaissance envers vous.

L X X X V I I I . — C. PLINIUS TRAJANO IMPERATORI L X X X V I I I . — C. PLINE A L'EMPEREUR TRAJAN

Opto, domine, et hune natalem, et plurimos alios quam Je vous souhaite, seigneur, de passer cet anniversaire
felicissimos agas; seternaque laude florentem virtutis de votre naissance, ainsi que beaucoup d'autres dans un
344 C. PLINII SECUNDl, LIBER X PLINE LE J E U N E . LIVRE X 345

tuse gloriam, incolumis et fortis, aliis super alia operibus parfait bonheur; que la gloire de vos vertus fleurisse
augeas. éternellement, et puissiez-vous, plein de santé et de force,
l'accroître encore en ajoutant travaux sur travaux.
L X X X I X . — TRAJANUS PLINIO
L X X X I X . — TRAJAN A PLINE
Agnosco vota tua, mi Secunde carissime, quibus pre-
Je vous reconnais, mon très cher Secundus, dans les
caris, ut plurimos et felicissimos natales, florente statu
vœux que vous formez pour que je passe dans un parfait
reipublicse nostrse, agam. bonheur une longue suite d'anniversaires, au milieu de
la prospérité de notre pays.
XC. — C. PLINIUS TRAJANO IMPERATORI
XC. — C. P L I N E A L'EMPEREUR TRAJAN
Sinopenses, domine, aqua deficiuntur. Quse videtur
Les habitants de Sinope, seigneur, manquent d'eau. Il
et bona et copiosa ab sextodecimo miliario posse per-
y en a de fort bonne et très abondante, à seize milles,
duci. Est tamen statim ab capite paulo amplius mille que l'on pourrait amener. Il se trouve cependant près de
passus locus suspectus et mollis, quem ego intérim la source un terrain peu sûr et humide, guère plus long
explorari modico impendio jussi, an recipere et sustinere de mille pas; en attendant je l'ai fait explorer sans grande
opus possit. Pecunia curantibus nobis contracta non dépense, pour savoir s'il peut recevoir et supporter les
constructions. L'argent réuni par mes soins ne manquera
deerit, si tu, domine, hoc genus operis et salubritati et pas, si vous voulez bien accorder ce travail à la salubrité
amœnitati valde sitientis coloniae indulseris. et à l'agrément de la colonie qui a grand besoin d'eau.

XCI. —• TRAJANUS PLINIO XCI. •— TRAJAN A PLINE

Ut ccepisti, Secunde carissime, explora diligenter, an Comme vous avez commencé, mon très cher Secundus,
explorez avec soin ce terrain qui vous paraît peu sûr,
locus ille, quem suspectum habes, sustinere opus aquse-
pour savoir s'il peut supporter les constructions de
ductus possit. Neque enim dubitandum puto, quin aqua l'aqueduc. Car je crois qu'il ne faut pas hésiter à amener
perducenda sit in coloniam Sinopensem, si modo et viri- de l'eau dans la colonie de Sinope, pourvu qu'elle puisse,
bus suis assequi potest, cum plurimum ea res et salu- par ses propres moyens, se procurer un avantage, qui doit
britati et voluptati ejus collatura sit. contribuer beaucoup à sa salubrité et à son agrément.

X C I I . — C. P L I N E A L'EMPEREUR TRAJAN
XCII. — C. PLINIUS TRAJANO IMPERATORI
La ville d'Amisus, libre et fédérée 116, se gouverne,
Amisenorum civitas libéra et fœderata, beneflcio grâce à votre indulgence, par ses propres lois. J'y ai
indulgentise tuœ, legibus suis utitur, In haç datum mihi reçu un mémoire officiel relatif à leurs cotisations de
346 C. PLINII SECUNDI. LIBER X PLINE LE JEUNE. LIVRE X 347
115
publiée libellum ad eranos pertinentem his litteris subjeci, secours mutuels . Je le joins à cette lettre, afin que
vous voyiez ce que l'on peut ou tolérer ou défendre et
ut tu, domine, dispiceres quid et quatenus aut permit-
dans quelle mesure.
tendum aut prohibendum putares.
XCIII. — TRAJAN A PLINE
XCIII. —- TRAJANUS PLINIO
Si les habitants d'Amisus, dont vous avez joint le
Amisenos, quorum libellum epistulse tuse junxeras, si mémoire à votre lettre, ont le droit, aux termes de leurs
legibus istorum, quibus de offlcio fœderis utuntur, con- lois, autorisées par le traité d'alliance, de s'imposer des
cessum est eranos habere, possumus quominus habeant cotisations de secours mutuels 116, nous ne pouvons pas les
en empêcher, d'autant plus facilement que ces cotisations
non impedire, eo facilius, si tali collatione, non ad turbas
sont employées, non pas à fomenter des troubles et à
et illicitos cœtus, sed ad sustinendam tenuiorum ino- former des associations illicites, mais à soulager les
piam utuntur. In ceteris civitatibus, quse nostro jure pauvres. Dans toutes les autres villes soumises à notre
obstrictse sunt, res hujusmodi prohibenda est. obéissance, cette pratique doit être interdite.

XGIV. — C. PLINIUS TRAJANO IMPERATORI XCIV. — C. PLINE A L'EMPEREUR TRAJAN

Suetonium Tranquillum, probissimum, honestissimum, Suétone, le plus désintéressé, le plus honorable, le plus
eruditissimum virum, et mores ejus secutus et studia, savant des hommes, dont j'admirais le caractère et les
travaux, depuis longtemps, seigneur, partage ma maison ;
jampridem, domine, in contubernium assumpsi; tan- et mon affection pour lui a grandi, à mesure que je l'ai
toque magis diligere eœpi, quanto hune propius inspexi. connu de plus près. Le privilège accordé à ceux qui ont
Huic jus trium liberorum necessarium faciunt duse cau- trois enfants 118 bis lui revient de droit pour un double motif.
sse. Nam et judicia amicorum promeretur, et parum D'abord il mérite toute l'estime de ses amis, ensuite son
felix matrimonium expertus est; impetrandumque a mariage n'a pas été fécond. Il faut donc qu'il obtienne de
votre bonté par mon intercession, ce que la malignité de
bonitate tua per nos habet, quod illi fortunée malignitas la fortune lui a refusé. Je sais combien est grande la
denegavit. Scio, domine, quantum beneflcium petam. faveur que je sollicite. Mais c'est à vous que je la demande,
Sed peto a te, cujus in omnibus desideriis meis plenissi- à vous dont je trouve toujours la bienveillance si com-
mam indulgentiam experior. Potes autem colligere, quan- plaisante à tous mes désirs. Vous pouvez d'ailleurs juger
topere cupiam, quod non rogarem absens, si mediocriter à quel point je désire cette grâce, que je ne demanderais
pas de loin, si je ne la désirais que médiocrement.
cuperem.
XCV. — TRAJANUS PLINIO XCV. — TRAJAN A PLINE

Quam parce hœc bénéficia tribuam, utique, mi Secunde Vous vous souvenez assurément, mon très cher Secun-
carissime, hseret tibi, cum etiam in senatu affirmare dus, combien je suis avare de ces faveurs; vous m'avez
PLINE LE JEUNE. LIVRE X 349
348 C. PLINII SECUNDI. LIBER X

soleam, non excessisse me numerum, quem apud amplis- même entendu souvent assurer le sénat, que je n'ai pas
dépassé le nombre dont j'ai déclaré à cet ordre auguste
simum ordinem suiîecturum mihi professus sum. Tuo que je me contenterais. Je souscris néanmoins à votre
tamen desiderio suscripsi; et dédisse me jus trium libe- désir; j'accorde le privilège de ceux qui ont trois enfants
rorum Suetonio Tranquillo, ea condicione qua assuevi, à Suétone, sous la condition accoutumée et j'en fais
porter la décision sur mes registres.
referri in commentarios meos jussi.
XGVI. — C. P L I N E A L'EMPEREUR TRAJAN

XGVI. — C. PLINIUS TRAJANO IMPERATORI J'ai l'habitude, seigneur, de vous consulter sur tous mes
doutes. Qui pourrait en effet mieux guider mes incerti-
Sollemne est mihi, domine, omnia, de quibus dubito, tudes ou instruire mon ignorance? Je n'ai jamais assisté
aux procès des chrétiens 117; j'ignore donc à quels faits
ad te referre. Quis enim potest melius vel cunctationem et dans quelle mesure s'applique ou la peine ou l'infor-
meam regere, vel ignorantiam instruere? Cognitionibus mation. Je n'ai pas su décider si l'on doit tenir compte
de christianis interfui numquam; ideo nescio quid et de l'âge, ou si les enfants de l'âge le plus tendre ne doivent
pas être traités autrement que les hommes faits; s'il
quatenus aut puniri soleat, aut queeri. Nec mediocriter faut pardonner au repentir, ou si celui qui a été une fois
hsesitavi, sitne aliquod discrimen setatum, an quambilet chrétien ne gagne rien à cesser de l'être; si c'est le nom
teneri nihil a robustioribus différant; detur psenitentise seul, même exempt de toute souillure, ou la souillure
attachée au nom, que l'on punit. Dans cette ignorance
venia, an ei qui omnino christianus fuit, desisse non
voici la règle que j'ai suivie à l'égard de ceux qui ont été
prosit; nomen ipsum, etiamsi flagitiis careat, an flagitia déférés à mon tribunal comme chrétiens. Je leur ai
cohserentia nomini puniantur. Intérim in iis qui ad me demandé s'ils étaient chrétiens : quand ils l'ont avoué,
tanquam christiani deferebantur, hune sum secutus j'ai répété ma question une seconde et une troisième fois,
en les menaçant du supplice; quand ils ont persisté, je
modum. Interrogavi ipsos, an essent christiani : confl- les y ai envoyés. Car, de quelque nature que fût le fait
tentes iterum ac tertio interrogavi, supplicium minatus : qu'ils avouaient, je ne doutais pas qu'on dût au moins
persévérantes duci jussi. Neque enim dubitabam, quale- punir leur résistance et leur inflexible obstination. J'en
ai réservé d'autres, possédés de la même folie, pour les
cumque esset quod faterentur, pervicaciam certe, et envoyer à Rome, car ils étaient citoyens romains. Bientôt
inflexibilem obstinationem debere puniri. Fuerunt alii la publicité même, comme il arrive, répandant la contagion
similis amentiœ, quos, quia cives romani erant, annotavi de l'accusation, elle se présenta sous un plus grand nombre
de formes. On afficha un écrit anonyme, contenant les
in Urbem remittendos. Mox ipso tractatu, ut fieri solet,
noms de beaucoup de personnes. Ceux qui niaient être
diffundente se crimine, plures species inciderunt. Propo- chrétiens, ou l'avoir été, et qui ont, suivant la formule
situs est libellus sine auctore, multorum nomina conti- que je leur dictais, invoqué les dieux, offert de l'encens et
nens. Qui negarent se esse christianos, aut fuisse, cum, du vin à votre image, que dans ce but j'avais fait apporter
350 C. PLINII SECUNDI. LIBEB X PLINE L E JEUNE. LIVRE X 351

prseeunte me, deos appellarent, et imagini tuae, quam avec les statues des dieux, qui enfin ont blasphémé le
propter hoc jusseram cum simulacris numinum afïerri, christ, tous actes auxquels on ne peut contraindre, dit-on,
aucun de ceux qui sont réellement chrétiens, j'ai pensé
ture ac vino supplicarent, prseterea maledicerent Christo,
qu'il fallait les absoudre. D'autres, cités par un dénon-
quorum nihil cogi posse dicuntur, qui sunt re vera chris- ciateur, dirent d'abord qu'ils étaient chrétiens, mais
tiani, dimittendos esse putavi. Alii ab indice nominati, aussitôt se retractèrent, assurant qu'ils l'avaient été, il
esse se christianos dixerunt, et mox negaverunt : fuisse est vrai, mais qu'ils avaient cessé de l'être, les uns depuis
quidem, sed desisse, quidam ante triennium, quidam ante trois ans, les autres depuis plus longtemps, quelques-uns
même depuis vingt ans. Tous ont adoré votre image et les
plures annos, non nemo etiam ante viginti. Hi quoque
statues des dieux; tous aussi ont blasphémé le christ.
omnes et imaginem tuam deorumque simulacra venerati Au reste ils affirmaient que toute leur faute, ou leur
sunt et Christo maledixerunt. Afflrmabant autem, hanc erreur n'avait jamais consisté qu'en ceci : ils s'assemblaient
fuisse summam vel culpse suse, vel erroris, quod essent à date fixe avant le lever du jour et chantaient chacun
soliti stato die ante lucem convenire carmenque Christo, à son tour un hymne à Christ, comme à un dieu; ils s'enga-
geaient par serment, non à quelque crime, mais à ne
quasi deo, dicere secum invicem; seque sacramento non
commettre ni vol, ni brigandage, ni adultère, à ne point
in scelus aliquod obstringere, sed ne furta, ne latrocinia, manquer à leur parole, à ne point nier un dépôt réclamé
ne adulteria committerent, ne fidem fallerent, ne deposi- en justice : ces rites accomplis, ils avaient coutume de se
tum appellati abnegarent; quibus peractis morem sibi séparer, puis de se réunir à nouveau pour prendre leur
discedendi fuisse, rursusque coeundi ad capiendum cibum, repas, qui se composait d'ailleurs de mets tout à fait
ordinaires et par suite innocents : ils avaient du reste
promiscuum tamen et innoxium ; quod ipsum f acere desisse
renoncé à toutes ces pratiques depuis mon. édit, par
post edictum meum, quo secundum mandata tua hetse- lequel, suivant vos ordres, j'avais défendu les associa-
rias esse vetueram. Quo magis necessarium credidi, ex tions. Je ne crus que plus nécessaire d'user de deux femmes
dûabus ancillis, quse ministrse dicebantur, quid esset veri esclaves, que l'on disait prêtresses de ce culte, pour
et per tormenta quœrere. Nihil aliud inveni, quam supers- découvrir la vérité même en employant la torture. Mais
je n'ai trouvé que superstition ridicule et sans bornes;
titionem pravam, immodicam. Ideo, dilata cognitione, aussi ai-je suspendu l'information pour recourir à vos
ad consulendum te decurri. Visa est enim mihi res digna avis. L'affaire m'a paru en effet mériter votre avis,
consultatione, maxime propter periclitantium numerum. surtout à cause du nombre des prévenus. Car une foule de
Multi enim omnis setatis, omnis ordinis, utriusque sexus gens de tout âge, de tout rang, de tout sexe même, sont
etiam, vocantur in periculum et vocabuntur. Neque enim impliqués dans la même prévention. Ce n'est pas seule-
ment dans les villes, mais dans les villages et dans
civitates tantum, sed vicos etiam atque agros supers- les campagnes que la contagion de cette superstition a
titionis istius contagio pervagata est; quse videtur sisti étendu ses ravages; je crois pourtant possible de l'arrêter
et corrigi posse. Certe satis constat prope jam desolata et de la guérir. Ce qui est certain c'est que les temples, qui
templa cœpisse celebrari, et sacra sollemnia diu inter- étaient presque déserts, sont de nouveau fréquentés et
missa repeti, pastumque venire victimarum cujus adhuc que les sacrifices annuels, longtemps négligés, recommen-
352 C. PLINII SECUNDI. LIBER X PLINE L E JEUNE. • LIVRE X 353

rarissimus emptor inveniebatur. E x quo facile est opinari, cent; on vend de la pâture pour victimes, qui trouvait
quse turba hominum emendari possit, si sit psenitentise auparavant de rares acheteurs. Par là il est facile de
juger quelle foule de gens on peut ramener, si l'on fait
locus.
grâce au repentir.
XGVII. — TRAJANUS PLINIO
XCVII. — TRAJAN A PLINE
Actum quem debuisti, mi Secunde, in excutiendis causis
eorum qui christiani ad te delati fuerant, secutus es. Vous avez agi comme vous deviez, mon cher Secundus,
dans l'examen des faits reprochés à ceux qui vous furent
Neque enim in universum aliquid, quod quasi certain
dénoncés comme chrétiens. Car il n'est pas possible
formam habeat, constitui potest. Conquirendi non sunt. d'établir pour tous les cas une sorte de procédure uni-
Si deferantur et arguantur, puniendi sunt; ita tamen, forme et invariable. Ne les recherchez pas; mais s'ils
ut qui negaverit se christianum esse, idque re ipsa mani- sont accusés et convaincus, punissez-les; cependant, si
festum fecerit, id est supplicando diis nostris, qamvis quelqu'un nie qu'il soit chrétien, et le prouve d'une façon
manifeste, je veux dire en invoquant nos dieux, même
suspectas in prseteritum veniam ex psenitentia impetret.
s'il a encouru des soupçons dans le passé, que son repentir
Sine auctore vero propositi libelli in nullo crimine locum obtienne grâce. Quant aux listes de dénonciations ano-
habere debent. Nam et pessimi exempli nec nostri sseculi nymes, elles ne doivent donner lieu à aucune poursuite.
est. Ce serait d'un déplorable exemple, et contraire aux maxi-
mes de notre règne.
X C V I I I . — C. PLINIUS TRÀJANO IMPERATORI
X C V I I I . — C. P L I N E A L'EMPEREUR TRAJAN
Amastrianorum civitas, domine, et elegans et ornata,
habet inter prsecipua opéra pulcherrimam, eamdemque La ville d'Amastris, seigneur, à la fois belle et riche,
longissimam plateam, cujus a latere per spatium omne compte parmi ses principaux ornements une place magni-
fique et très longue, dont un côté, sur toute sa longueur,
porrigitur nomine quidem flumen, re vera cloaca fœdis-
est bordé par ce qu'on appelle une rivière, mais qui n'est
sima ac sicut turpis et immundissima aspectu, ita pesti- en réalité qu'un cloaque infect, aussi repoussant et
lens odore tseterrimo. Quibus ex causis, non minus salu- immonde d'aspect, que malsain par ses odeurs affreuses.
britatis quam decoris interest eam contegi : quod flet, Il importe donc autant à la salubrité qu'à la beauté de le
si permiseris, curantibus nobis ne desit quoque pecunia couvrir; ce qui se fera, si vous le permettez; je veillerai
d'ailleurs que l'argent non plus ne fasse pas défaut pour
operi tam magno quam necessario. un ouvrage aussi grandiose que nécessaire.

X C I X . — TRAJANUS PLINIO X C I X . — TRAJAN A PLINE

Rationis est, mi Secunde carissime, contegi aquam Il est juste, mon très cher Secundus, de couvrir la
istam, quse per civitatem Amastrianorum fluit, si intecta rivière dont vous me parlez et qui traverse la ville
P L I N E L E JEUNE. T. n. 23
354 C. PLINII SBCUNDI. —- LIBER X PLINE LE JEUNE. — LIVRE x 355

salubritati obest. Pecunia ne huic operi desit, curaturum d'Amastris, puisque à découvert elle nuit à la santé
te sècundum diligentiam tuam certum habeo. publique. Vous veillerez, j'en suis certain, avec votre
l diligence ordinaire, que l'argent ne manque pas pour cet
[ ouvrage.
C. — C. PLINIUS TRAJANO IMPERATORI
C. — C. P L I N E A L'EMPEREUR TRAJAN
Vota, domine, priorum annorum nuncupata alacres
Nous nous sommes acquittés, seigneur, avec allégresse
lsetique persolvimus; novaque rursus, curante commili- et joie, des voeux solennels que nous avions adressés aux
tonum et provincialium pietate, suscepimus; precati deos ^ dieux pour vous les années précédentes; nous venons
ut te remque publicam florentem et incolumem ea benU d'en faire de nouveaux, auxquels les troupes et les pro-
vinciaux, se sont associés de tout cœur; nous avons prié
gnitate servarent, quam, super magnas plurimasque vir- les dieux pour vous et pour l'état, leur demandant de
tutes, prœcipua sanctitate, obsequio, deorum honoré veiller sur votre prospérité et votre conservation avec
la bienveillance que vous avez méritée par vos hautes
meruisti. et abondantes vertus, et en particulier par votre piété,
votre soumission, votre respect à leur égard.
CI. — TRAJANUS PLINIO

Suivisse vota dis immortalibus, te prseeunte, pro mea CI. — TRAJAN A PLINE

incolumitate, commilitones cum provincialibus laetis- J'apprends avec plaisir par votre lettre, mon très cher
simo consensu et in futurum nuncupasse, libenter, mi Secundus, que, à la tête des troupes et des provinciaux,
vous avez dans une allégresse unanime, acquitté envers
Secunde carissime, cognovi litteris tuis. les dieux les vœux que vous aviez formés pour ma con-
servation, et que vous en avez fait de nouveaux pour
Cil* — C. PLINIUS TRAJANO IMPERATORI
l'avenir.

Diem quo in te tutela generis hUhiani felicissima sué' Cil. — C. PLINE A L'EMPEREUR TRAJAN

cessione translata est, débita religione celebravimus, Nous avons célébré avec la vénération qu'il mérite le
jour où une heureuse succession vous a transmis la
commendantes dis, imperii tui auctoribus, et vota publicâ
tutelle du genre humain, recommandant aux dieux, qui
et gaudia. vous ont donné l'empire, et les vœux publics et la joie
de tous.
CIII. — TRAJANUS PLINIO
CIII. — TRAJAN A PLINE
Diem imperii mei débita lsetitia et religione a com-
J'apprends avec plaisir par votre lettre, mon très cher
militonibus et provincialibus, prseeunte te, celebra- Secundus, que, à la tête des troupes et des provinciaux,
356 C. PLINII SECUNDI. —• LIBER X
PLINE LE JEUNE. LIVRE X 357
tum, libenter, mi Secunde carissime, cognovi litteris
vous avez célébré avec toute la joie et la vénération
tuis.
convenables le jour de mon avènement à l'empire.
CIV. — C. PLINIUS TRAJANO IMPERATORI
CIV. — C. PLINE A L'EMPEREUR TRAJAN
Valerius, domine, Paulinus, excepto Paulino jus Lati-
Valerius Paulinus, seigneur, m'a laissé ses pouvoirs
norum suorum mini reliquit ; ex quibus rogo tribus intérim sur ses affranchis de droit latin, à l'exception de Paulinus ;
jus Quiritium des. Vereor enim, ne sit immodicum, je vous prie de donner d'abord à trois d'entre eux le
pro omnibus pariter invocare indulgentiam tuam, qua plein droit des citoyens romains. Car je craindrais qu'il
debeo tanto modestius uti, quanto pleniorem experior. n'y eût indiscrétion à faire appel pour tous à la fois à
votre bienveillance, dont je dois user avec d'autant plus
Sunt autem, pro quibus peto, C. Valerius Astrseus, de modération que vous me l'accordez plus complète.
C. Valerius Dionysius, C. Valerius Aper. Voici les noms de ceux pour qui je sollicite : C. Valerius
Arstiaeus, C. Valerius Dionysius, C. Valerius Aper " 8 .
CV. — TRAJANUS PLINIO
CV. — TRAJAN A PLINE
Cum honestissime iis, qui apud fldem tuam a Valerio
Puisque vous avez le désir si honorable de veiller aux
Paulino depositi sunt, consultum velis, matura per me; intérêts de ceux que Valerius Paulinus a confiés à votre
iis intérim, quibus nunc petisti, dédisse me jus Quiri- protection, hâtez-en l'accomplissement avec mon aide.
tium referri in commentarios meos jussi, idem facturus Pour commencer, j'ai accordé à ceux pour qui vous
in ceteris pro quibus petieris. l'avez demandé, le plein droit des citoyens romains, et
j'ai ordonné de porter la décision sur mes registres, prêt
à en faire autant pour tous les autres, quand vous me
CVI. — C. PLINIUS TRAJANO IMPERATORI le demanderez.

Rogatus, domine, a P. Accio Aquila, centurione cohor-


CVI. — C. PLINE A L'EMPEREUR TRAJAN
tis sextœ equestris, ut mitterem tibi libellum, per quem
indulgentiam pro statu Alise suœ implorât, durum putavi Accius Aquila, seigneur, centurion de la sixième cohorte
de cavalerie, m'a prié de vous transmettre une requête
negare, cum scirem quantam soleres militum precibus
où il implore votre bienveillance pour sa fille. J'ai cru
patientiam humanitatemque prsestare. qu'il y aurait de la dureté à refuser, sachant avec quelle
douceur et quelle bonté vous écoutez les prières de vos
soldats.
CVII. — TRAJANUS PLINIO
CVII. — TRAJAN A PLINE
Libellum P. Accii Aquilse, centurionis cohortis sextœ
equestris, quem mihi misisti, legi. Cujus precibus motus, J'ai lu la requête que vous m'avez envoyée de la part
de P. Accius Aquila, centurion de la sixième cohorte
358 C. PLINII SECUNDI. — LIBER X PLINE L E JEUNE. —• LIVRE X 359
dedi Alise ejus civitatem romanam. Libellum rescripti, de cavalerie; touché par ses prières, j'ai donné le droit
quem illi redderes, misi tibi. de cité romaine à sa fille. Je vous envoie le texte du
rescrit, pour que vous le lui remettiez.
CVIII. — Cl PLINIUS TRAJANO IMPERATORI
CVIII. — C. P L I N E A L'EMPEREUR TRAJAN
Quid habere juris velis et Bithynas et Ponticas civi-
tates in exigendis pecuniis, quse illis vel ex locationibus, Je vous prie, seigneur, de m'indiquer quel droit il vous
plaît qu'on accorde aux villes de Bithynie et du Pont
vel ex venditionibus aliisve causis debeantur, rogo,
pour le recouvrement des sommes qui leur sont dues soit
domine, rescribas. Ego inveni a plerisque proconsulibus pour des loyers, soit pour des ventes, soit pour d'autres
concessam ei protopraxian, eamque pro lege valuisse. causes. Je vois que la plupart des proconsuls leur ont
Existimo tamen tua providentia constituendum aliquid reconnu un privilège sur les autres créanciers et que
et sanciendum, per quod utilitatibus eorum in perpe- cette pratique a pris force de loi. J'estime cependant
qu'il serait digne de votre prévoyance, d'établir quelque
tuum consulatur. Nam quse sunt ab aliis institua, sint règlement définitif, qui assure à jamais leurs intérêts.
licet sapienter indulta, brevia tamen et infirma sunt, Car les décisions des autres, même nées d'une sagesse
nisi illis tua contingat auctoritas. indulgente, sont de courte durée et sans force, si votre
autorité ne les confirme.

CIX. — TRAJANUS PLINIO


CIX. — TRAJAN A P L I N E
Quo jure uti debeant Bithynse vel Ponticse civitates
in iis pecuniis, quse ex quaque causa reipublicse debe- Le droit à accorder aux villes de Bithynie et du Pont
sur les sommes qui leur sont dues pour une cause quel-
buntur, ex lege cujusque animadvertendum est. Nam conque, doit être déterminé d'après les lois propres à
sive habent privilegium, quo ceteris creditoribus ante- chacune d'elles. Car si elles ont le privilège de passer
ponantur, custodiendun est; sive non habent, in inju- avant les autres créanciers, il faut le leur conserver; si
riam privatorum id dari a me non oportebit, elles ne l'ont pas, il ne convient pas que je le leur
donne au préjudice des particuliers.

CX. — C. PLINIUS TRAJANO IMPERATORI


CX. —• C. P L I N E A L'EMPEREUR TRAJAN

Ecdicus, domine, Amisenorum civitatis petebat


Le syndic de la ville d'Amisus poursuit devant moi
apud me a Julio Pisone denariorum circiter quadraginta Julius Pison en restitution de quarante mille deniers
milia, donata ei publiée ante viginti annos, bule et environ, qui lui ont été donnés par la ville il y a vingt
ecclesia consentiente, nitebaturque mandatis tuis, quibus ans, avec le consentement de son sénat et de l'assemblée
ejusmodi donationes vetantur. Piso contra plurima se du peuple; il se fonde sur vos édits qui interdisent ces
360 C PLINII SECUNDI. LIBER X PLINE LE JEUNE. LIVRE X 361

in rempublicam contulisse, ac prope totas facultates sortes de donations. Pison répond qu'il a fourni beaucoup
erogasse diçebat. Addebat etiam temporis spatium pos- à la ville, et qu'il a presque dépensé toute sa fortune pour
elle. Il s'appuie en outre sur le long espace de temps
tulabatque ne id, quod pro multis et olim accepisset,
écoulé, et supplie qu'on ne lui arrache pas, avec ce qui
cum eversione reliquœ dignitatis reddere cogeretur. Qui- lui reste de moyens de vivre dignement, une somme
bus ex causis integram cognitionem differendam exis- qu'il a reçue en retour de tant d'autres et depuis si long-
temps. Aussi ai-je cru bon de suspendre tout jugement,
timavi, ut te, domine, consulerem quid sequendum
afin de vous consulter, seigneur, sur la conduite à suivre.
putares.

CXI. — TRAJANUS PLINIO CXI. — TRAJAN A P L I N E

Sicut largitiones ex ptiblico fleri mandata prohibent, Il est vrai que mes édits interdisent les largesses faites
avec les deniers publics; mais, pour ne pas ruiner la
ita, ne multorum securitas subruatur, factas ante ali- tranquillité de nombreux particuliers, il sied de ne pas
quantum temporis retractari atque in irritum vindicari révoquer et annuler celles qui ont été accordées depuis
non oportet. Quicquid ergo ex hac causa actum ante un certain temps. Ainsi donc laissons là toutes les mesures
de ce genre prises il y a vingt ans. J'ai à cœur l'intérêt
viginti annos erit, omittamus. Non minus enim hominibus
des habitants, autant que celui du trésor public de
cujusque loci, quam pecunise publies consultum volo. chaque pays.

CXII. — C. PLINIUS TRAJANO IMPERATORI CXII. — G. P L I N E A L'EMPEREUR TRAJAN

Lex Pompeia, domine, qua Bithyni et Pontici utun- La loi Pompéia " , seigneur, qui est en vigueur dans
tur, eos, qui in bulen a censoribus leguntur, dare pecuniam la Bithynie et le Pont, n'assujettit pas ceux qui sont
choisis par les censeurs pour faire partie du sénat, à
non jubet. Sed ii, quos indulgentia tua quibusdam civi- donner de l'argent. Mais les sénateurs que votre bien-
tatibus super legitimum numerum adjicere permisit, et veillance a permis à quelques villes d'ajouter au nombre
singula milia denariorum, et bina intulerunt. Anicius légal, ont versé au trésor soit mille, soit deux mille
deniers. Plus tard le proconsul Anicius Maximus a invité
deinde Maximus proconsul eos etiam qui a censoribus
même ceux qui étaient choisis par les censeurs, dans
legerentur, dumtaxat in paucissimis civitatibus, aliud très peu de villes il est vrai, à verser, les uns plus, les
aliis, jussit inferre. Superest ergo ut ipse dispicias, an autres moins. C'est donc à vous de décider, si, dans
in omnibus civitatibus certum aliquid omnes, qui deinde toutes les villes, tous ceux qui désormais seront choisis
comme sénateurs, doivent verser une somme fixe pour
buleutse leguntur, debeant pro introitu dare. Nam quod leur admission. Car toute mesure destinée à durer tou-
in perpetuum rtiansurum est a te constitui decet, cujus jours doit être prise par vous, dont les actes et les paroles
factis dictisque debetur œternitas. sont assurés de l'éternité.
362 G. PLINII SECUNDI. LIBER X PLINE LE JEUNE. LIVRE X 363

CXIII. — TRAJANUS PLINIO CXIII. — TRAJAN A PLINE

Honorarium decurionatus omnes, qui in quaque civi- Il ne m'est pas possible dé décider en général si le don
pour l'admission au sénat est dû, ou non, par tous ceux
tate Bithynise decuriones fmnt, inferre debeant, necne, qui, dans chaque ville de Bithynie, sont nommés sénateurs.
in universum a me non potest statui. Id ergo quod Mais, pour nous en tenir à ce qui est toujours le plus
semper tutissimum est, sequendam cujusque civitatis sûr, je crois qu'il faut suivre la loi de chaque ville, du
moins à l'égard de ceux qui sont nommés malgré eux
legem puto, sed adversus eos, qui inviti fmnt decuriones...
sénateurs. Je pense que les censeurs devront faire en
id existimo acturos, ut praefatio ceteris prseferatur. sorte de préférer aux autres ceux qui sont disposés à
accepter.
X C X I V . — C. PLINIUS TRAJANO IMPERATORI
C X I V . — C. P L I N E A L'EMPEREUR TRAJAN
Lege, domine, Pompeia, permissum Bithynicis civita-
La loi Pompéia, seigneur, permet aux villes de Bithynie
tibus, adscribere sibi quos vellent cives, dum ne quem d'admettre ceux qu'elles veulent au nombre de leurs
earum civitatum, quse sunt in Bithynia. Eadem lege citoyens, pourvu qu'ils ne soient pas de quelque autre
sancitur, quibus de causis e senatu a censoribus ejician- ville de Bithynie. La même loi énonce les raisons qui
autorisent les censeurs à exclure quelqu'un du sénat. De
tur. Inde me quidam ex censoribus consulendum puta- là quelques censeurs ont cru bon de me demander s'ils
verunt, an ejicere deberent eum, qui esset alterius civi- devaient exclure du sénat un homme qui était d'une
tatis. Ego, quia lex sicut adscribi civem alienum vetabat, cité étrangère. Or, si la loi défend d'admettre comme
citoyen un homme d'une ville étrangère, elle n'ordonne
ita ejici e senatu ob hanc causam non jubebat, prseterea
pas de l'exclure du sénat pour ce motif; de plus quelques
quod adfirmababatur mihi in omni çivitate prurimos uns m'affirment que dans toute ville il se trouve nombre
esse buleutas ex aliis civitatibus, futurumque ut multi de sénateurs qui sont citoyens d'autres villes, que beau-
homines, multeeque civitates concuterentur eaque pars coup de familles, beaucoup de villes seraient boulever-
sées, qu'enfin cette partie de la loi depuis longtemps
legis jampridem consensu quodam exolevisset, neces- d'un accord tacite, est tombée en désuétude; j ' a i donc
sarium existimavi consulere te, quid servandum putares. pensé que je devais vous consulter sur le parti à prendre.
Capita legis his litteris subjeci. Je joins à cette lettre les divers titres de la loi.

CXV. — TRAJAN A P L I N E
CXV. —- TRAJANUS PLINIO
C'est avec raison, mon très cher Secundus, que vous
Merito hsesisti, Secunde carissime, quid a te resçribi avez hésité sur la réponse à faire aux censeurs, qui vous
oporteret censoribus consulentibus, an legerent in sena- demandaient s'ils pouvaient choisir pour sénateurs des
364 C. PLINII SECUNDI. LIBER X PLINE L E JEUNE. LIVRE X 365

tum aliarum civitatum, ejusdem tamen provincial, cives. citoyens d'autres villes que la leur, mais de même pro-
vince; car vous pouviez être partagé entre l'autorité de
Nam et legis auctoritas, et longa consuetudo usurpata la loi et une longue habitude qui avait prévalu contre
contra legem, in diversum movere te potuit. Mihi hoc elle. Voici le moyen terme que je crois devoir prendre :
temperamentum ejus placuit, ut ex prseterito nihil nova- ne touchons point au passé; laissons dans leur état ceux
qui ont été faits sénateurs, même contre la loi, de quelque
remus, sed manerent, quamvis contra legem adsciti,
ville qu'ils soient citoyens; mais pour l'avenir suivons
quarumcumque civitatum cives; in futurum autem lex exactement la loi Pompéia, dont nous ne pourrions faire
Pompeia observaretur, cujus vim si rétro quoque veli- remonter l'effet dans le passé, sans causer beaucoup de
mus custodire, multa necesse est perturbari. troubles.

C X V I . — C. PLINE A L'EMPEREUR TRAJAN


C X V I . — C. PLINIUS TEAJANO IMPERATORI
Quand on prend la robe virile, quand on se marie,
Qui virilem togam sumunt, vel nuptias faciunt, vel quand on entre en fonctions, quand on dédie quelque
ineunt magistratum, vel opus publicum dedicant, soient ouvrage public, la coutume est d'inviter tous les sénateurs
et un grand nombre de plébéiens, et de donner à chacun
totam bulen, atque etiam a plèbe non exiguum nume- deux deniers, quelquefois un seul. Je vous prie de me
rum vocare, binosque denarios, vel singulos dare; quod dire si vous jugez qu'il faut maintenir cette pratique et
an celebrandum, et quatenus putes, rogo scribas. Ipse dans quelle mesure. Car pour moi, si je crois qu'il n'y
a pas d'imprudence, surtout dans les occasions solennelles,
enim, sicut arbitror, non imprudenter, preesertim ex sol-
à autoriser ces invitations, je crains cependant que ceux
lemnibus causis, concedendum jus invitationis, ita vereor, qui invitent jusqu'à mille personnes et parfois plus, ne
ne ii qui mille hommes, interdum etiam plures, vocant, dépassent les bornes et n'aient l'air de procéder à des
modum excedere, et in speciem dianomes incidere videan- distributions d'argent séditieuses.
tur.
C X V I I . — TRAJAN A PLINE
CXVII. — TRAJANUS PLINIO
Vous avez raison de craindre que ces invitations,dont
le nombre des invités est excessif, et qui rassemblent, pour
Merito vereris, ne in speciem dianomes incidat invi-
des distributions de jetons habituelles, non des particu-
tatio, quss et in numéro modum excedit, et quasi per liers isolés, invités par connaissance, mais pour ainsi
corpora, non viritim singulos ex notitia, ad sollemnes dire des corps entiers de citoyens, ne prennent l'allure
sportulas contrahit. Sed ego ideo prudentiam tuam elegi, de répartitions de subsides séditieux. Mais j ' a i choisi
votre sagesse précisément pour que vous présidiez vous-
ut formandis istius provincise moribus ipse moderareris, même à la formation des mœurs de cette province, et y
et ea constitueres quse ad perpetuam ejus provincise fondiez les institutions qui peuvent lui procurer une
quietem essent profutura. perpétuelle tranquillité.
366 C. PLINII SECUNDI. —• LIBER X PLINE L E JEUNE. — LIVRE X 367

C X V I I I . — C. P L I N E A L'EMPEREUR TRAJAN
C X V I I I . — C. PLINIUS TRAJANO IMPERATORI
Les athlètes, seigneur, prétendent que le prix que vous
Athletœ, domine, ea quœ pro iselasticis certaminibus avez établi pour les combats isélastisques 12°, leur est dû
constituisti, deberi sibi putant statim ex eo die quo sunt dès le jour où ils ont été couronnés; car il importe peu
quel jour ils font leur entrée solennelle dans leur patrie,
coronati; nihil enim referre, quando sint patriam invecti,
mais quel jour ils ont remporté la victoire, qui leur per-
sed quando certamine vicerint, ex quo invehi possint. met de faire cette entrée. Moi au contraire j'écris « appelés
Ego contra scribo « iselasticorum nomine » ; itaque vehe- iselastiques »; aussi suis-je tout à fait indécis si pour ces
vainqueurs il ne faudrait pas plutôt considérer le mo-
menter addubitem, an sitpotius idtempus, quo slo^Wav, ment où ils ont fait leur entrée triomphale. Ces athlètes
intuendum. Iidem obsonia petunt pro eo agone, qui a demandent aussi leurs frais de table pour le combat,
que vous avez rendu depuis isélastique, bien qu'ils aient
te iselasticus factus est, quamvis vicerint, antequam été vainqueurs avant qu'il ne le fût devenu. Ils allèguent
fieret. Aiunt enim congruens esse, sicut non datur sibi qu'il est logique, puisqu'on ne les leur donne pas pour
pro iis certaminibus quœ esse iselastica, postquam vice- les combats, qui ont Cessé d'être iselastiques, depuis
qu'ils ont remporté la victoire, de les leur donner pour ceux
runt, desierunt, ita pro iis dari, quœ esse cœperunt. Hic qui l'ont été depuis. Sur ce point aussi mon embarras
quoque non mediocriter hœreo, ne cujusquam rétro est grand : une décision peut-elle avoir un effet rétroactif,
et doit-on donner un prix, qui n'était pas dû, au moment
habeatur ratio, dandumque quod tune, cum viiicerent, de la victoire? Je vous prie donc de guider mon hésita-
non debebâtur. Rogo êrgo, ut dubitationem meam regere, tion, c'est-à-dire, de vouloir bien préciser l'étendue de vos
id est, bénéficia tua interpretari ipse digneris, faveurs.

C X I X . — TRAJAN A PLINE
C X I X . — TRAJANUS PLINIO
La récompense des combats iselastiques ne me paraît
due que du jour où le vainqueur a fait sa propre entrée
Iselasticum tune primum mihi videtur incipere deberi,
dans sa ville. Les frais de table pour les combats que j'ai
cum quis in civitatem suam ipse sl^Xauev. Obsonia eorum bien voulu rendre iselastiques, ne sont pas dus rétroac-
certaminum quae iselastica esse placuit mihi, si ante ise- tivement pour le temps où ils ne l'étaient pas.Et les pré-
tentions des athlètes ne peuvent s'appuyer sur le fait
lastica non fuerunt, rétro non debentur. Nec proflcere qu'ils ont cessé de recevoir ces frais de table pour les
pro desidèrio âthletarùm potest, quod éorum quœ postea combats qui n'ont pas été maintenus iselastiques par
ma loi, après que ces athlètes avaient pris leur repos.
iselastica lege constitui, quam quierant esse desierunt : Car même si les conditions des combats changent, on
mutata enim condicione certaminum, nihilominus, quœ ne leur demande pas de recommencer ceux qu'ils ont sou-
tenus auparavant.
ante peregerant, non revocantur.
368 C. PLINII SECUNDI. LIBER X PLINE LE JEUNE. LIVRE X 369

CXX. — C. PLINIUS TRAJANO IMPERATORI CXX. — C. P L I N E A L'EMPEREUR TRAJAN

Jusqu'à ce jour, seigneur, je n'ai accordé à personne


Usque in hoc tempus, domine, neque cuiquam diplo-
de passe-port 121 de faveur, ni donné de mission à per-
mata commodavi, neque in rem ullam, nisi tuam, misi. sonne, si ce n'est pour vos affaires. Mais une nécessité
Quam perpétuant servationem meam qusedam nécessitas imprévue m'a forcé de manquer à cette réserve, que je
rupit. Uxori enim meee, audita morte avi, volenti ad m'étais toujours imposée. Ma femme ayant appris la
amitam suam excurrere, usum eorum negare durum mort de son aïeul a voulu se rendre au plus tôt auprès
de sa tante, et j'ai cru qu'il serait cruel de lui refuser
putavi, çum talis ofïicii gratia in celeritate consisteret,
cette facilité, puisque le mérite d'une pareille attention
sciremque te rationem itineris probaturum, cujus causa résidait dans la diligence, et puisque je savais que vous
erat pietas. Heec scripsi, quia mihi parum gratus tibi approuveriez un voyage dont la raison était un devoir
fore videbar, si dissimulassem inter alia bénéficia hoc de piété familiale. Je vous en informe, seigneur, parce
unum quoque me debere indulgentiee tuse, quod fiducia que je croirais manquer de gratitude, si je dissimulais
que, parmi tous vos bienfaits, je dois celui-ci aussi à
ejus, quasi consulto te, non dubitavi facere, quod si
votre bonté, d'avoir osé, confiant en elle, faire, comme
consuluissem, sero fecissem. si je vous avais consulté, ce que j'aurais fait trop tard,
en voulant vous consulter.
C X X I . — TRAJANUS PLINIO
C X X I . — TRAJAN A PLINE
Merito habuisti, Secunde carissime, fiduciam animi
Vous avez eu raison, mon très cher Secundus, de
mei. Nec dubitandum fuisset, si exspectasses donec me compter sur mon affection; vous n'aviez même pas à
consuleres, an iter uxoris tuse diplomatibus, quse ofïicio hésiter, si vous attendiez de me consulter sur la facilité
tuo dedi, adjuvandum esset, cum apud amitam suam à donner à votre femme de voyager avec une lettre de
uxor tua deberet etiam celeritate gratiam adventus sui service, puisque je les ai remises à votre discrétion; car
augere. c'était un devoir pour votre femme d'accroître aux yeux
de sa tante par sa diligence même le plaisir de son arrivée.

P L I N E L E J E U N E . T. n.
NOTES

1. La comperendinatio (comperendinus dies) était une remise


au surlendemain par engagement des deux parties.
2. V. note 44 du t. I. pour la durée de la clepsydre.
3. V. précédemment la lettre V, 20 et pour la suite du procès,
VI, 1 3 ; VII, 10.
4. V. même livre, lettre 6.
5. Cf. lettre II, 1.
6. Personnage consulaire, commandant la garde urbaine,
véritable préfet de police.
7. Trajan faisait alors la guerre aux Daces (106-107).
8. La première éruption du Vésuve eut lieu le 24 août 79 ap.
J.-C. La lettre III, 5 nous a fait connaître le genre de vie de
Pline l'Ancien et la liste de ses œuvres.
9. Vaisseau de guerre léger à deux rangs de rames.
10. Pline le naturaliste n'a sans doute pas été asphyxié par
l'effet du volcan; il a peut-être succombé à une syncope ou
tout autre malaise subit, auquel l'exposait son état de santé
révélé par une phrase précédente.
11. Probablement Maecilius Nepos. Cf. IV, 26.
12. Cf. Cicéron Pro Murena, 33-36.
13. Voici une cause inattendue de Vie chère, comme on dirait
aujourd'hui.
14. V. lettre V I , 16 : Intérim Miseni ego et mater...
15. Virgile. Enéide II, 12
16. Après Térence, la comédie s'était abaissée jusqu'aux mimes
et même, sous l'empire, jusqu'aux pantomimes. La tragédie
était réservée pour les lectures de société. Ainsi se terminait
l'histoire du théâtre latin.
17. Le consulat n'étant plus dès lors qu'une preuve de la
faveur impériale, chacun de ces magistrats faisait sa cour en
proposant l'attribution au prince de quelque honneur nouveau.
18. C'est déjà le ton du Panégyrique de Trajan.
372 NOTES
NOTES 373
19. Lire sur cet illustre personnage le XVI* livre des Annales 40. Les Procurateurs impériaux étaient chargés, dans les
de Tacite. provinces, au nom de l'empereur, de répartir les impôts et d'ordon-
20. Lettre un peu décousue, qui semble répondre, sans enchaî- nancer les dépenses.
nement, à divers sujets proposés successivement par Fabatus. 41. On lit dans Sainte-Beuve, Port-Royal, t. III, 1. 3, un ingé-
21. Gentumcellae, les cent chambres, est le nom ancien de nieux commentaire de cette lettre.
Civita Vecchia. Trajan y avait une villa.
42. Cf. IV, 30. Ce sont ici quatre histoires de fantômes que
22. Aux termes de la loi, la femme adultère était condamnée Pline propose à l'interprétation de son savant ami.
à la perte d'une grande partie de ses biens, et à la relégation
dans une île. Elle devait porter la tenue des courtisanes. 43. C'est l'affranchi de Claude, dont Suétone et Tacite- nous
font connaître la toute-puissance, et contre qui s'indigne Pline.
23. Il ne s'agit pas du rhéteur latin, maître de Pline. Cf. plus loin VIII, 6.
24. Virgile. Enéide VIII, 439. 44. Nous ne connaissons guère que par cette lettre et par
25. Cf. I, 16. On peut, d'après les détails donnés par Pline, une inscription la brillante carrière de ce personnage, porteur
imaginer les dispositions de la Basilique. d'un grand nom.
26. Une véritable machine à calculer semblait nécessaire. 45. Lire J. V. Le Clerc. Journaux chez les Romains. Ces jour-
27. Le privatus judex était désigné par le préteur (cf. VII, 6, naux contenaient non seulement les actes officiels, mais cer-
8 et 10). tains faits du jour. Ils étaient publiés sous forme de libelli, ou
28. Fils d'Asinius Pollion. Lire le récit de Tacite (Annales V I , affichés à la porte de monuments publics. Nous ne pouvons
savoir si Tacite a relaté le fait que lui signale son ami puisque
23). nous n'avons que les premiers livres des Histoires.
29. Cf. précédemment lettres V, 20; VI, 13 et 29.
46. Homère. Iliade IX, 319.
30. Cette lettre contient tous les conseils pratiques qu'un
maître averti peut donner à un débutant dans la carrière de 47. Les Daces habitaient sur la rive gauche du Danube infé-
l'éloquence. Sur Fuscus Salinator, cf. V I , 1 1 . rieur. Trajan pénétra à plusieurs reprises chez eux, en fran-
chissant le fleuve, s'empara de leur capitale, vainquit leur roi
31. Cf. une lettre précédente, VII, 11, à Fabatus. Décibale qui se tua, et réduisit le pays en province (102 à 105).
32. Le Jus trium liberomm accordait des privilèges aux pères Il célébra un triomphe grandiose. Les événements furent repré-
de familles nombreuses. L'empereur pouvait l'accorder par sentés en relief sur la Colonne Trajane. Mais il n'est guère pos-
faveur à des gens qui n'avaient pas d'enfants, comme Pline sible de noter toutes les opérations militaires auxquelles Pline
ou comme l'historien Suétone (X, 94). fait allusion en style pompeux au début de cette lettre. On
, 33. En présence du magistrat, un citoyen romain touche voit que c'est un poème que Caninius se propose d'écrire.
avec une baguette symbolique un esclave qui se trouve ainsi 47 bis. Pline ajoute : En vertu du droit des poètes, après avoir
affranchi (manumissus). La lettre 32 du même livre nous apprend invoqué les dieux, et parmi eux le héros dont vous allez dire les
que ces affranchissements ont été faits. actions, les œuvres et les desseins, détachez les amarres, déployez
34. Cicéron de Oratore I, 33. Stilus optimus et praestantissi- vos voiles, et voguez plus que jamais au gré de votre génie. Ne
mus dicendi effector et magister. puis-je moi aussi, parlant à un poète, user à mon tour d'images
poétiques ?
35. Cf. I, 8. Les empereurs avaient organisé un système de
prêts à des propriétaires. Pour la vente par mancipation, con- 48. Le forum Julium. Le forum de César, celui d'Auguste,
sulter : Dâremberg et Saglio. Dict. hist. et celui de Trajan étaient au nord du grand Forum. Les tribu-
36. Atrium de Vesta, adossé au Palatin, et regardant le forum. naux se trouvaient dans les basiliques de ces forums.
37. Cf. plus loin IX, 23. 49. Affluent du Tibre, en Ombrie. A sa source se trouvait
un temple du dieu, avec un oracle fréquenté, ainsi que de petites
38. Suétone (Aug. 44) parle de pontificales ludi d'où les femmes chapelles consacrées à d'autres sources. Cette jolie description
étaient écartées. révèle, comme quelques autres, chez Pline, un vif sentiment
39. C. Cassius Longinus, chef de l'École Cassienne, était un de la nature,
jurisconsulte célèbre (I, 17) qui périt sous Néron. 50. Cf. I, 17 et V, 8.
374 NOTES NOTES 375
51. Pline a eu déjà recours (I, 22) à l'érudition de ce juriscon- 69. Ainsi parle l'un des deux pères de la comédie de Térence
sulte, célèbre alors. Il le consulte ici sur un point de droit séna- les Adelphes.
torial assez délicat.
70. Helvidius, fils d'Helvidius Priscus, accusé par le sénateur
52. Les consuls avaient ce pouvoir. Les sénateurs anciens Publius Certus en 93 avait été condamné à mort (Cf. III, 1 1 ;
magistrats donnaient leur avis. Certains autres se contentaient, IV, 21; VII, 30 et les notes sur Arria et sur Fannia).
pour voter, de passer de droite à gauche.
71. Selon l'usage, le deuil confinait les Romains dans leur
53. Pline fut en 105 curator riparum et alvei Tiberis et cloaca- demeure.
rum urbis. 72. Cf. I, 12 et V, 1.
54. Comme son frère, désigné plus loin, il avait passé par 73. Enéide VI, 105.
toutes les magistratures sous Néron, Vespasien et Domitien,
et même gouverné la province d'Afrique. 74. Personnage connu comme délateur.
55. Il sera obligé d'effacer, pour employer le papier à écrire 75. Homère. Iliade VIII, 102.
de nouveau, s'il n'a pas de quoi en acheter. 76. Un sénateur absent devait, sous peine d'amende, pro-
duire une excuse.
56. On n'écrirait pas autrement aujourd'hui.
77. Cf. plusieurs lettres précédentes, et surtout la descrip
57. Le lac Vadimon, célèbre dans la guerre contre les Étrusques, tion détaillée qu'on lit dans la lettre V, 6. Cf. aussi plus loin IX,
était près du municipe d'Amérie. 36.
58. Cf. Sénèque : De ira, II, 8. 78. Ce sont les divertissements qui accompagnaient les soupers
59. Beaucoup de personnages ne nous sont ainsi connus que et qui constituaient ce qu'on appelait les acroamata; nous savons
par les renseignements que donne Pline à leur sujet. cependant, d'après la lettre VIII, 21, qu'il pouvait y en avoir
60. Quinctilius Maximus. Même observation que pour le d'un ordre plus relevé.
précédent. Destinataire de plusieurs lettres. 79. Sur Verginius Rufus, cf. II, 1, V I , 10. — Et sur Julius
61. Cf. une lettre de Cicéron à son frère Quintus. Frontinus, IV, 8.
Pline fait l'éloge de la Grèce proprement dite, province séna- 80. Cf. note 1 1 .
toriale, dont Corinthe était la tête. Il veut respecter les noms 81. Cf. la lettre précédente, IX, 21.
grecs des divinités. 82. Cf. sur les opinions littéraires de Pline, la lettre I, 20.
62. Vibius Maximus, qui fut préfet d'Egypte après Planta, 83. Homère, Iliade X X I , 388 et V, 356.
en 104.
63. Convenant donc aussi peu que possible à la vie d'un soldat 84. Ces citations de Démosthène sont extraites des discours
en campagne. sur la couronne, sur l'Ambassade, la deuxième Olynthienne, etc.
Celles d'Eschine sont tirées des harangues contre Ctésiphon
64. Tiron était gouverneur de Bithynie en 107. et contre Timarque.
65. Plus de deux cent mille spectateurs trouvaient place 85. Personnage totalement inconnu, et dont le nom d'ailleurs
dans le Grand Cirque. Les concurrents se distinguaient par varie dans les manuscrits. Douze pour cent était le taux le plus
les quatre couleurs, bleu, vert, rouge et blanc. L'engouement élevé autorisé par la loi : Pline plaisante sur sa modération.
que signale Pline est-il bien différent de ce que l'on constate 86. Cf. une histoire analogue rapportée par Pline l'Ancien
aujourd'hui?
Hist. Nat., IX, 8. Hippone est aujourd'hui Bône.
66. Cf. II, 8; VI, 24; VII, 1 1 . 87. Cf. Lettres V, 3; VII, 17, etc.
67. Ces mots rappellent la dernière phrase de la lettre I, 6; 88. Cf. III, 19. Les baux étaient d'ordinaire de cinq ans.
à Tacite. Cf. Dialogue des Orateurs, 9.
89. Nunc est une conjecture qui permet de donner un sens
68. La multiplication des copies et la vente des livres étaient à ce passage. Les manuscrits donnent à cette place non, qui
parfaitement organisées à Rome et dans les provinces. Lire sur est inexplicable.
ce sujet : Gow et S. Reinach Minerva p. 23 sqq. et E. Egger. 90. Nerva, avant sa mort (janv. 98) avait adopté M. Vulpius
Histoire du Livre IV, p. 46 sqq. Trajanus, déjà illustre comme général.
376; NOTES NOTES 377

91. Julius Servianus était beau-frère du futur empereur Hadrien. 110. Les Sarmates habitaient, plus au nord que les Scythes,
92. Magistrature créée par les empereurs. Pline l'exerçait la plaine qui s'étend entre le Dnieper et le Don.
quand il plaida contre Marius Priscus (Cf. II, 11). 111. On appelait exèdre une galerie couverte et garnie de bancs
ou de sièges, que l'on ménageait devant les maisons pour s'y
93. Ami intime de Pline, qui lui a adressé diverses lettres. réunir.
Cf. II, 13 pour la carrière de ce personnage. Trajan fît droit
à la demande de Pline. 112. Byzance, en Thrace, auj. Constantinople. Le texte pré-
sente à la quatrième ligne de cette lettre une lacune dont on
94. L'émancipatio était une vente fictive par laquelle elle peut seulement deviner le sens général. Il en est de même au
aliénait son droit. début des lettres 80 et 86.
95. Le culte divin rendu aux empereurs, même de leur vivant, 113. Le centurion de la première cohorte, puisqu'à ce moment
date d'Auguste, si l'on ne veut pas remonter jusqu'à Romulus- la division en hastati, principes et triarii a disparu. Cf. note 64.
Quirinus, et aux plus vieilles traditions italiennes.
114. Julius Ferox qui fut proconsul d'Asie (cf. II, 11), et Fuscus
96. Pline fut nommé augure cf. IV, 8. Quant aux Septemviri Salinator, autre grand personnage (cf. VI, 1 1 ; VII, 9; IX, 36
epulonum (cf. II, 11) ils étaient chargés des repas sacrés au et 40) furent amis et correspondants de Pline.
Gapitole. 115. Les cités fédérées battaient monnaie et jugeaient chez
97. Donc, le 17 septembre, de l'an 111 probablement. elles. Un citoyen exilé de Rome pouvait s'établir dans la ville
98. Pline avait le titre de legatus Caesaris pro praetore, et alliée avec droit de cité; mais l'autorité de Rome était toujours
gouvernait ainsi la Bithynie et le Pont. maintenue par quelque clause réservée. Amisus était une ville
99. Les Bénéficiaires sont des soldats attachés à la personne du Pont.
d'un chef, ou gardes du corps. 116. Eranos est le mot grec qui désigne la cotisation. Il s'est
100. Texte incertain et incomplet. Nous adoptons la correc- appliqué à des associations dont les membres, par exemple,
tion d'Orelli. recevaient une subvention en cas de maladie.
101. Le texte présente certainement des lacunes qu'on n'a 116 bis. Cf. note 22.
pas pu combler. Nous donnons le sens général probable. 117. Lettre célèbre. V. la notice sur Pline le Jeune-
102. Plusieurs lettres lui sont adressées. On manque de ren- 118. Les provinces pouvaient obtenir le droit latin, c'est-à-dire
seignements certains sur ce que devint par la suite cet ancien les privilèges accordés jadis aux Latins proprement dits, puis
questeur de Pline. facilement le droit de cité complet, que Caracalla (211-217)
103. Les esclaves ne pouvaient entrer dans l'armée. Ce fut accorda à tous les habitants de l'empire.
exceptionnellement qu'on en recruta après Cannes. Il y eut 119. Pompée avait été gouverneur de la Bithynie, du Pont
des esclaves dans les armées de Marius et de Pompée. et de la Cilicie.
104. Capitale de la Bithynie, aujourd'hui Ismid. Gerusian et 120. Terme grec désignant ce qui concerne le triomphe des
Iseion sont la transcription de noms grecs. Autres villes de Bithynie, athlètes et la récompense qui leur est octroyée officiellement.
nommées par Pline : Pruse, Sinope, Claudiopolis, Amastris, Nicée. 121. Passe port, permis donnant droit d'user, pour un par-
Pruse est aujourd'hui Brousse. cours déterminé, des moyens de transport de l'état (Saglio).
105. Le texte présente ici une lacune qu'un éditeur a comblée Cf. Lettre LXIV.
de la façon que nous traduisons en italique.
106. Les professions d'architecte et d'ingénieur n'étaient pas
nettement séparées.
107. Ils voulaient par là remercier Domitien d'avoir réhabilité
Archippus, flatteurs aussi malhonnêtes que le prince.
108. Le texte présente une lacune. Nous donnons le sens
d'après le contexte.
109. Gouverneur de la Mésie inférieure, à cette époque.
TABLE DES MATIÈRES

LIVRE SIXIÈME
Pages
I. Pline à Tiron. Les regrets de l'absence. . . . 3
II. — Arrien. Les avocats et les claqueurs. . 3
III. — Vérus. La terre de la nourrice de Pline. 7
IV. — Calpurnie. La vive attente 9
V. — Ursus. Dispute entre Népos et Celsus. 9
VI. — Fundanus. Recommandation 11
VII. — Calpurnia. L'épanchement intime. . . 15
VIII. — Priscus. L'amitié de Pline pour Atilius
Crescens 15
IX. — Tacite. La protection assurée 17
X. — Albin. Le tombeau de Verginius Rufus. 19
XI. — Maxime. Les deux jeunes avocats. . . 19
XII. — Fabatus. L'encouragement au bien. . . 21
XIII. — Ursus. Suite de l'affaire des Bithyniens. 23
XIV. — Mauricus. La visite sans gêne 25
XV. — Romanus. La lecture i n t e r r o m p u e . . . 25
XVI. —• Tacite. La mort de Pline l'Ancien. . . 25
XVII. — Restitutas. L'indifférence pour les lec-
tures publiques 33
XVIII. — Sabinus. Le procès des Firmiens. . . . 35
XIX. — Népos. Cause de l'augmentation du prix
des terres 35
XX. — Tacite. Dangers de Pline le Jeune pen-
dant l'éruption du Vésuve . . . . 37
XXI. — Caninius. Succès de Verginius Romanus
dans le genre comique 45
XXII. — Tiron. La confiance aveugle 47
XXIII. — Triarius. La fraternité littéraire. . . . 49
XXIV. — Macer. Acte de dévouement obscur. . 49
XXV. — Hispanus. La disparition d'un chevalier
romain 51
XXVI. — Servien. Félicitation sur un mariage. . 53
XXVII. — Sévérus. Honneurs dus à Trajan. . . . 53
380 TABLE DES MATIÈRES TABLE DES MATIÈRES 381
Pages Pages

XXVIII. Pline à Pontius. L'officieuse prodigalité . . . . 55 X X X I . Pline à Cornutus. Éloge de Claudius PoUion. . . 129
XXIX. — Quadratus. Le choix des causes pour un XXXII. — Fabatus. Un affranchissement d'esclaves. 131
avocat 55 XXXIII. — Tacite. Confidence 133
XXX. — Fabatus. L'intendant d'une villa . . . 59
XXXI. — Cornélien. Les travaux d'un prince avec
un de ses sujets 61 LIVRE HUITIÈME
XXXII. — Quintilien. Le présent délicat 65
XXXIII. — Romanus. Le grand succès oratoire . . 67 I. Pline à Septicius. Le lecteur malade 137
XXXIV. — Maxime. Un combat de gladiateurs . . 69 II. — Calvisius. La justice distributive . . . . 137
III. — Sparsus. Le dernier ouvrage 141
IV. — Caninius. La guerre contre les Daces . . 141
LIVRE SEPTIÈME V. — Géminus. L'ami compatissant 143
VI. — Montanus. Les honneurs funèbres. . . . 145
VII. — Tacite. La critique difficile. . . . . . . 151
I. Pline à Géminus. Le malade impatient. . . . . 73 VIII. — Romanus. Le Clitumne et ses bords . . . 153
II. — Justus. L'envoi différé 75 IX. -— Ursus. Les devoirs de l'amitié 155
III. — Présens. Les loisirs de la campagne . . . 75 X. — Fabatus. Consolation . . . 157
IV. — Pontius. Goût de Pline pour la poésie . . 77 XI. — Hispulla. La convalescence 157
V. —• Calpurnie. L'époux affectueux., . . . . 79
XII. — Minutien. La reconnaissance 159
VI. — Macrinus. Le procès de Varénus. . . . 81
XIII. — Génialis. L'exemple paternel 161
VII. — Saturninus. L'amitié et les affaires . . . 85
XIV. — Ariston. La consultation 161
VIII. — Priscus. La correspondance active. . . . 85
XV. — Junior. Le paquet de livres 173
IX. — Fuscus. Plan d'études 85
XVI. -— Paternus. Les pertes domestiques. . . . 173
X. — Macrinus. Fin du procès de Varénus et
XVII. — Macrinus. L'inondation 175
des Bithyniens 91
XVIII. — Rufin. Le testament de Domitius Tullus. 177
XI. — Fabatus. Vente d'une terre 91
XIX. — Maxime. Le charme des belles-lettres. . 181
XII. — Minucius. Le mémoire promis 93
XX. —• Gallus. Le lac Vadimon 183
XIII. — Férox. L'énigme 95
XXI. — Arrien. La pièce nouvelle 187
XIV. — Corellia. La lutte délicate 95
XXII. — Géminus. L'indulgence pour les défauts 189
XV. — Saturninus. Les occupations diverses . . 97
XXIII. —'• Marcellin. Éloge de Junius Avitus . . . 191
XVI. — Fabatus. L'obligeance entre a m i s . . . . 97
XXIV. — Maxime. Le gouvernement de l'Achaïe. . 193
XVII. — Celer. Utilité des lectures publiques. . . 99
XVIII. — Caninius. Le don patriotique 103 LIVRE NEUVIÈME
XIX. — Priscus. La maladie d'une femme célèbre. 105
XX. — Tacite. L'amitié de Tacite et de Pline . . 109 I. Pline à Maxime. La publication opportune . . . 199
XXI. — Cornutus. L'ophtalmie . . . . . . . . 111 II. — Sabinus. Les lettres courtes 199
XXII. — Falcon. Le tribun accompli. . . . . . . 111 III. — Paulinus. L'amour de la gloire 201
XXIII. — Fabatus. La course pénible 113 IV. — Macrinus. Le long plaidoyer 203
XXIV. — Géminus. Le testament de Quadratilla. . 113 V. — Tiron. La balance égale 203
XXV. — Rufus. Le savant ignoré 117
VI. — Calvisius. Les amusements frivoles . . . 203
XXVI. — Maxime. Les mortels parfaits. . . . ; . 119
VJI. — Romanus. Les deux villas 205
XXVII. —. Sura. Les revenants 119
VIII. — Augurinus. L'échange d'éloges . . . . 207
XXVIII. — Septicius. La véritable amitié 125
IX. — Colon. La douleur partagée 207
XXIX. — Montanus. L'épitaphe d'un affranchi . . 127
XXX. — Génitor. Pline et ses fermiers 127
382 TABLE DES MATIÈRES TABLE DES MATIÈRES 383

Pages Pages

X. Pline à Tacite. Occupations de Pline à la cam- III. Pline à Trajan. Il lui explique les motifs de sa
pagne 209 conduite _ 267
XI. — Géminus. Les libraires de Lyon. . . . 211 IIIJ. Trajan à Pline. Réponse approbative . . . . . 267
XII. — Junior. Sévérité d un père 211 IV. Pline à Trajan. Il le prie d'admettre Voconius
XIII. — Quadratus. La vengeance d'Helvidius . 213 au nombre des sénateurs 267
XIV. — Tacite. Regard jeté sur la postérité. . . 223 V. Pline à Trajan. Il lui demande le droit de cité en
XV. — Falcon. Lu liberté à la campagne . . . 223 faveur de son médecin Harpocras et de deux
XVI. — Maximilien. Le gibier nouveau. . . . 223 femmes affranchies 269
XVII. — Génitor. Les bouffons à table 225 VI. Pline à Trajan. Remercîment 271
XVIII. — Sabinus. L'heureuse mémoire 225 VII. Trajan à Pline. Consentement 271
XIX — Ruson. La renommée . 227 VIII. Pline à Trajan. Il lui demande un congé. . . . 273
XX. — Venator. Les vendanges 229 IX. Trajan à Pline. Congé accordé . . . . . . . . 275
XXI. — Sabinien. Le pardon 229 X. Pline à Trajan. Remercîment . . . . . . . . 275
XXII. — Sévérus. Le parent de Properce . . . . 231 XI. Pline à Trajan. Suppliques diverses 275
XXIII. — Maxime. La vanité littéraire 233 XII. Pline à Trajan. Requête 277
XXIV. — Sabinien. La recommandation fruc- XIII. Pline à Trajan. Supplique personnelle 277
tueuse 235 XIV. Pline à Trajan. Il le félicite d'une victoire . . . 279
XXV. — XV. Pline à Trajan. Avis 279
Maximilien. Les passereaux et les
XXVI. — colombes 235 XVI. Trajan à Pline. Approbation 279
XXVII. — Lupercus. La hardiesse o r a t o i r e . . . . 237 XVHa. Pline à Trajan. Il lui mande son arrivée en
XXVIII. — Paternus. Importance de l'histoire. . . 243 Bithynie et en quel état il a trouvé cette pro-
XXIX. — Romanus. Les trois lettres 245 vince 279
XXX. — Rusticus. La critique indulgente. . . . 247 XVII6. Pline à Trajan. Premières mesures à.prendre. . 281
XXXI. — Géminus. La vraie libéralité 247 XVIII. Trajan à Pline. Encouragement flatteur. . . . 281
XXXII. — Sardus. Éloges et r e m e r c î m e n t s . . . . 249 X I X . Pline à Trajan. Difficulté à résoudre 283
XXXIII. — Titien. La vie o i s i v e . . . . . . . . . 249 X X . Trajan à Pline. Solution 283
XXXIV. — Caninius. L'enfant et le dauphin . . . 251 X X I . Pline à Trajan. Question douteuse 283
XXXV. — Suétone. Un doute à éclaircir 255 X X I I . Trajan à Pline. Explication 285
XXXVI. — Appius. Le coup de lime 255 XXIII. Pline à Trajan. Demande de construction d'un
Fuscus. Vie de Pline en été dans sa villa nouveau bain à Pruse 285
XXXVII. — XXIV. Trajan à Pline. Demande accordée 285
de Toscane. 255
XXXVIII. — Paulinus. Exigence des fermiers de X X V . Pline à Trajan. Avis . 287
XXXIX. — Pline 259 X X V I . Pline à Trajan. Il demande de l'avancement
XL. — Saturnin. Le livre de Rufus 261 pour son questeur 287
Mustius. Reconstruction d'un temple . 261 X X V I I . Pline à Trajan. Avis 287
Fuscus. Vie de Pline en hiver dans sa XXVIII. Trajan à Pline. Approbation de l'empereur. . . 289
villa de Laurente 263 X X I X . Pline à Trajan. Consultation 289
LIVRE DIXIÈME X X X . Trajan à Pline. Éclaircissement donné par le
prince 289
XXXI. 1 Pline à Trajan. Consultation au sujet de certains
I. Pline à l'empereur Trajan. Il le félicite sur son
condamnés 291
avènement au trône 265
X X X I I . Trajan à Pline. Éclaircissement 293
II. Pline à Trajan. Il le remercie de lui avoir
X X X I I I . Pline à Trajan. Projet d'une assurance contre
accordé un privilège 265
l'incendie 293
X X X I V . Trajan à Pline. Instruction donnée à ce sujet. . 295
X X X V . Pline à Trajan. Vœux pour l'empereur. * . . . 295
384 TABLE DES MATIÈRES
TABLE DES MATIÈRES 385
Pages
Pages
X X X V I . Trajan à Pline. Remercîment du prince . . . . 295
X X X V I I . Pline à Trajan. Demande de construction d'un LXXIII. Trajan à Pline. Décision ajournée 331
aqueduc 295 LXXIV. Pline à Trajan. Avis 331
X X X V I I I . Trajan à Pline. Demande accordée 297 L X X V . Pline à Trajan. Souhaits et testament de
X X X I X . Pline à Trajan. Gymnase à Nicée, des bains à Julius Largus 331
Claudiopolis 297 L X X V I . Trajan à Pline. Autorisation d'aecepter. . . 333
XL. Trajan à Pline. Instruction donnée à ce sujet . 299 L X X V I I . Pline à Trajan. Un centurion à Juliopolis . . 333
XLI. Pline à Trajan. Projet de canal 301 LXXVIII. Trajan à Pline. Refui du prince 333
XLII. Trajan à Pline. Instruction relative à ce projet 303 L X X I X . Pane à Trajan. Consultation sur la loi Pom-
XLIII. Pline à Trajan. Économie proposée 303 peia 335
XLIV. Trajan à Pline. Approbation . . . . . . . . 305 L X X X . Trajan à Pline. Réponse négative 337
XLV. Pline à Trajan. Les passeports périmés peuvent- L X X X I . Pline à Trajan. Pline soumet un doute. . . . 337
ils servir? 305 L X X X I I . Trajan à Pline. Décision de l'empereur . . . 339
XLVI. Trajan à Pline. Réponse négative 305 L X X X I I I . Pline à Trajan. Envoi des félicitations des
XLVII. Pline à Trajan. Consultation au sujet de la ville Nicéens 341
d'Apamée 305 L X X X I V . Trajan à Pline-. Question à examiner . . . . 341
XLVIII. Trajan à Pline. Instruction donnée à ce sujet . 307 L X X X V . Pline à Trajan. Certificat 341
XLIX. Pline à Trajan. Consultation au sujet du trans- LXXXVIa. Pline à Trajan. Certificat 341
fert d'un temple 307 LXXXVI6. Pline à Trajan^'Certificat . 343
L. Trajan à Pline. Autorisation du prince . . . . 309 L X X X V I I . Pline à Tra/an^Recommandation 343
LI. Pline à Trajan. Remercîment pour une faveur L X X X V I I I . Pline à Trajan. Souhaits d'anniversaire . . . 343x
accordée 309 L X X X I X . Trajan à Pline. Reinercîments de l'empereur. 345
L U . Pline à Trajan. Célébration de l'anniversaire XC. Pline à Trajan. Un aqueduc à Sinope . . . . 345
impérial 309 XCI. Trajan à Pline. Demande accordée . . . . . 345
LUI. Trajan à Pline. Remercîment du prince. . . . 311 XCII. Pline à Trajan. Requête au sujet de la ville
LIV. Pline à Trajan. Placement des deniers publics. 311 d'Amise 345
LV. Trajan à Pline. Consentement accordé. . . . 311 XCIII. Trajan à Pline. Autorisation de l'empereur. . 347
LVI. Pline à Trajan. Du sort de quelques bannis. 311 XCIV. Pline à Trajan. Requête en faveur de Suétone 347
LVII. Trajan à Pline. Distinction sur la pénalité XCV. Trajan à Pline. Consentement de l'empereur. 347
encourue 313 XCVI. Pline à Trajan. Conduite de Pline envers les
LVIII. Pline à Trajan. Affaire de Flavius Archippus . 315 chrétiens 349
LIX. Pline à Trajan. Envoi de deux requêtes. . . . 319 XCVII. Trajan à Pline. Approbation de l'empereur. . 353
L X . Trajan à Pline. Réhabilitation accordée . . . 319 XCVIII. Pline à Trajan. Travaux de voirie à Amastris. 353
LXI. Pline à Trajan. Le canal de Nicomédie à la mer. 319 XCIX. Trajan à Pline. Demande accordée ....'."" 353
LXII. Trajan à Pline. Acceptation de l'empereur . . 321 C. Pline à Trajan. Vœux officiels 353
LXIII. Pline à Trajan. Avis 323 CI. Trajan à Pline. Remercîment 355
LXIV Pline à Trajan. Avis 323 Cil. Pline à Trajan. Solennisation d'anniversaire. 355
LXV. Pline à Trajan. Au sujet des enfants entretenus 323 CIII. Trajan à Pline. Remercîment 355
LXVI. Trajan à Pline. Explication de l'empereur. . . 325 GIV. Pline à Trajan. Requête pour les enfants de
LXVII. Pline à Trajan. Avis 325 Valerius Paulinus 357
LXVIII. Pline à Trajan. Les Rithyniens et les cendres de CV. Trajan à Pline. Demande accordée 357
leurs parents 327 CVI. Trajan à Pline. Requête d'Accius Aquila . . 357
LXIX. Trajan à Pline. Réponse affirmative 327 CVII. Trajan à Pline. Demande accordée 357
L X X . Pline à Trajan. Un bain è Pruse 327 CVIII. Pline à Trajan.' Requête pour les villes de la
L X X I . Trajan à Pline. Autorisation accordée . . . . 329 province 359
L X X I I . Pline à Trajan. Reconnaissance des enfants. . 329 CIX. Trajan à Pline. Refus de l'empereur 359
PLINE LE JEUNE. T. n. 25
386 TABLE DES MATIÈRES

Pages

GX. Pline à Trajan. Requête en faveur de Julius


Piso 359
CXI. Trajan à Pline. Demande accordée 361
GXII. Pline à Trajan. Consultation au sujet des séna-
teurs de Bithynie 361
CXIII. Trajan à Pline. Avis de l'empereur 363
GXIV. Pline à Trajan. Consultation sur le même sujet 363
GXV. Trajan à Pline. Réponse 363
GXVI. Pline à Trajan. Au sujet. d'assemblées trop
nombreuses 365
CXVII. Trajan à Pline. Approbation donnée à Pline . 365
CXVIII. Pline à Trajan. Au sujet des récompenses aux
athlètes 367
CXIX. Trajan à Pline. Avis de l'empereur 367
CXX. Pline à Trajan. Passeport pour sa femme Cal-
purnie 369
GXXI. Trajan à Pline. Approbation . 369
NOTES , . 371
Paris (France). — Imp. PAUL DUPONT (Cl.). — 35.11.31.

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