Emc Lien Social
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les professionnels de l’éducation
VOIE GÉNÉRALE
ET TECHNOLOGIQUE
2DE 1RE TLE
THÈME ANNUEL
LA SOCIÉTÉ, LES SOCIÉTÉS
Sommaire
Cadre général et finalités de l’enseignement moral et civique 2
Cet enseignement vise à construire une réflexion dans le cadre de l’appartenance à une
société démocratique. Celle-ci est à considérer comme un objet d’étude et un cadre de
questionnement.
Le raisonnement sur les années du lycée conduit à considérer la personne dans ses libertés,
dans une société et dans un cadre politique. Le professeur construit le jugement, l’engagement
des élèves, et considère le droit et la règle. Il doit ainsi avoir conscience des émotions et des
vertus que supposent l’attachement à un régime démocratique selon la sensibilité des élèves.
« Les valeurs, les principes et les notions étudiées dans le cadre de l’enseignement moral
et civique se doivent d’être incarnés. » Le professeur s’attachera à étudier des institutions
majeures où elles s’expriment, des obligations du citoyen, les choix qui s’offrent à chacun, à
présenter quelques figures de femmes et d’hommes engagés et à contextualiser son propos
en relation avec des événements et des enjeux contemporains.
La formation du sens critique peut être développée en mettant en évidence des principes
qui fondent nos institutions. Pour cela, il semble nécessaire de considérer les différences qui
existent entre ces principes et les réalités sociales comme les pratiques que l’on peut observer.
La mobilisation des textes juridiques et constitutionnels n’est pas un objectif en soi, elle est
un support pour aborder les dispositifs et leurs mises en œuvre concrètes. Par exemple,
considérer le texte de loi et sa jurisprudence. Le professeur a toute latitude de faire réfléchir
sur la différence entre le droit et le fait, le légitime et le légal, l’idéal et la réalité. Il fait aborder
ainsi la complexité des réalités morales et sociales et renforce la dimension formative de cet
enseignement qui contribue à préparer les élèves dans leur devenir d’individus autonomes
et responsables de leurs choix comme acteurs.
L’enseignement moral et civique vise, enfin, à construire la culture civique des élèves
en considérant des savoirs, des notions et pratiques. Il se situe résolument à la croisée
de plusieurs disciplines dont le regard devra être convoqué par les professeurs. Les notions
à mobiliser sont des objets complexes tels que la tolérance, la laïcité, l’État de droit, la famille,
l’intégration, la Nation, etc., elles enrichissent l’étude du thème annuel en l’enracinant dans
ce qui lui donne son sens.
Les démarches pédagogiques choisies (études et/ou exposés et/ou discussions argumentées
ou débats réglés) favorisent l’approfondissement de la réflexion. Cet enseignement contribue
au développement des compétences orales des élèves à travers notamment la pratique
de l’argumentation. Celle-ci conduit à préciser sa pensée et à expliciter son raisonnement
de manière à convaincre. Pour renforcer la compréhension des valeurs, des principes,
des limites de leur mise en œuvre comme de l’engagement nécessaire pour les faire vivre
ou les renforcer, le professeur peut développer un « projet de l’année ». Celui-ci s’effectue
en classe mais peut devenir un projet qui se concrétise également en dehors de la classe,
en offrant aux élèves des possibilités d’expérimenter des formes d’engagement et la
connaissance de ses règles.
Le lien social est une condition et aussi le résultat de notre activité. Faire société, établir
et entretenir des liens, se lier, se délier, rompre s’il le faut, sont une nécessité vitale et une
ressource morale particulièrement sensible à l’adolescence, ce moment où le lycéen quitte
l’univers de son enfance, bientôt celui de sa famille, fait l’expérience d’un nouveau rapport
à lui-même, à son corps et aux autres, éprouve ses capacités et envisage son avenir au
sein de la société. Vivre en société, c’est interférer et pouvoir passer d’une société à l’autre
tout en préservant ses liens et sa cohérence intérieure. La socialisation est un processus
qui n’est jamais achevé. Notre plasticité en est l’effet tout comme l’avantage sélectif que
la collaboration a conféré à notre espèce. Aucune autre n’a besoin d’un tel temps pour le soin
donné à ses semblables, le développement de ses capacités et le contrôle de ses actions.
Ce besoin se poursuit jusqu’à la fin de notre vie tant au point de vue individuel que collectif.
Le lien social ne se maintient qu’en se retissant sans cesse. Kant affirme que « l’homme ne
devient homme que par l’éducation ». L’enseignement moral et civique est l’occasion pour
l’élève d’y réfléchir et de réaliser la part que prend le partage des normes et des valeurs,
des rôles et des pratiques dans la vie des organisations et des institutions.
La société, les sociétés se construisent sur des oppositions et des antinomies dont elles
sont elles-mêmes constituantes. Trois tensions spécifiques peuvent être dégagées :
• nature et culture : l’homme est un animal social soutenait déjà Aristote. Pour lui, la société
était naturelle à l’homme car antérieure et supérieure à ses membres comme l’organisme
l’est à ses organes. Liens familiaux, échanges commerciaux et institutions politiques sont
des réalités qui excèdent les individus et qui déterminent leurs vies. Mais elles s’appuient
sur leurs sentiments et sur des dispositions internes, sans doute génétiques, qu’elles
développent et sans lesquelles il n’y aurait pas de société. L’étude du comportement animal
confirme le caractère social de notre espèce. Cependant, les défenseurs du culturalisme
et de l’origine artificielle de la société font remarquer que les conventions que nous
respectons le plus sont celles dont nous avons le moins conscience. Pas de sociétés sans
institutions et sans l’histoire et les continuelles transformations dont elles sont affectées.
Elles seront au cœur de l’étude : code civil et filiation, organisation du travail, fixation des
frontières et des modes de circulation des personnes et des biens, invention de voies
et de moyens nouveaux de communication, effets de la mondialisation sur les sociétés.
Les élèves doivent comprendre que l’idée de contrat social est un effort des sociétés pour
affronter ces changements et s’approprier les conventions qui les constituent : réciprocité
des droits et des devoirs, égale dignité des personnes, intégration sociale et sentiment
d’appartenance, ou, selon la logique de Marcel Mauss, inséparabilité de l’acte de donner,
de recevoir et de rendre sans lesquels il n’y aurait pas d’engagement ni de société.
• unité et division : il est exact que toute société est divisée : qu’il s’agisse de classes,
d’ordres, de rôles, du partage sexué des tâches, de l’opposition entre riches et en pauvres,
ville et campagne, sédentaires et nomades, nationaux et étrangers. Ces distinctions
peuvent être fonctionnelles. Elles peuvent également être conflictuelles. Il arrive que
l’homme soit « un loup pour l’homme » mais alors, réduite à cette extrémité, sa vie est,
comme l’écrivait Hobbes, « solitaire, besogneuse, pénible, quasi animale et brève ». Car il
ne saurait y avoir société sans coopération ni entraide, en particulier en direction de ceux
qui sont les plus fragiles. Pas de société sans justice, sans réparation et compensation.
Pas de société sans solidarité ni hospitalité mais pas de société, non plus, sans mode
d’expression des désaccords qui participent et sont le ferment d’une concorde civile.
L’étude de la fonction de régulation des institutions et des pratiques sociales constitue
un enjeu pédagogique important. Les sociétés s’effondrent par l’interdiction de tout
désaccord, le refus de toute division et par l’incapacité de pouvoir les surmonter. Les
sociétés sont travaillées aussi par des formes de domination, d’exclusion et de relégation.
Cependant, la division et le conflit peuvent avoir des aspects positifs comme dans le sport
ou l’économie, où l’émulation et la concurrence sont des moteurs.
Cette solidarité en acte, par-delà les textes et les principes qui la commandent, les structures
où elle s’incarne, constitue le premier fondement et la raison d’être des sociétés. Car une
société est plus une machine qu’un organisme dont l’état premier serait un équilibre adapté
à son milieu, et où le dysfonctionnement et la crise seraient l’exception. Les sociétés,
au contraire, doivent en permanence inventer les moyens de résoudre les difficultés qu’elles
rencontrent (et souvent qu’elles produisent) et faire face à l’ampleur des tâches complexes
Retrouvez éduscol sur qui leur sont dévolues. Permettre aux élèves de comprendre cela est au fond une leçon
d’optimisme, d’engagement et de lucidité.
Les fragilités liées aux mutations économiques : régions en crise, chômage, transformations
du monde du travail, inégalités et expression du sentiment de déclassement.
Il est possible de dire soit que nous assistons à la fin du social au profit de l’économie, soit
à sa pénétration par des techniques de contrôle et de gestion. Celles-ci, souvent d’une haute
technicité, à la mesure de nos difficultés à résoudre le problème du chômage et des inégalités,
achoppent devant leurs effets sur les individus et les bouleversements qu’ils provoquent
en eux. Elles mettent fortement en danger le principe de l’égalité, principe fondateur de nos
sociétés et ont tendance à fracturer des groupes aux destins si divers derrière une apparente
similitude. Étudier précisément les causes et les remèdes de tels phénomènes peut être
le moyen de corriger certains discours simplistes et d’espérer contrer les réflexes qui en tirent
parti pour agir plus efficacement. C’est aussi prendre conscience de l’ampleur de la tâche.
Pourront être étudiés : la fin des idéologies sociales, les nouvelles formes de mobilisation
sociale, l’égalité des chances dans sa perception et sa réalité, la méritocratie républicaine
et les grands corps de l’État.
Robert CASTEL, Les métamorphoses de la question sociale, une chronique du salariat, Fayard,
1995, 494 p.
Anne DEVILLE, présentation de l’ouvrage d’Irène THÉRY, « Le démariage : justice et vie privée »
(Paris, Odile Jacob, 1993, 396 p.), Droit et Société, année 1994, 28, pp. 744-747.