4 Hydrocéphalie
4 Hydrocéphalie
4 Hydrocéphalie
Hydrocéphalie
D. Chauvet, A.-L. Boch
Plan ■ Introduction
¶ Introduction 1
Définition 1 Définition
Épidémiologie 1
L’hydrocéphalie (hýdôr : eau et kéfalé : tête) est une patholo-
¶ Physiologie du liquide cérébrospinal et physiopathologie
gie connue depuis l’Antiquité, mais sa définition précise donne
de l’hydrocéphalie 2
encore lieu à controverses. En effet, il s’agit d’un syndrome
Production du liquide cérébrospinal 2
polymorphe, rassemblant des affections diverses du point de
Résorption du liquide cérébrospinal 2
vue étiologique, clinique, radiologique, évolutif... Devant une
Physiopathologie de l’hydrocéphalie 2
telle variabilité, il serait plus juste d’employer le pluriel, et de
¶ Terminologie et étiologies 2 parler non pas de l’hydrocéphalie, mais des hydrocéphalies. Le
Terminologie 2 point commun à ces affections est un trouble de l’hydrodyna-
Étiologies 3 mique du liquide cérébrospinal (LCS) : une difficulté de transit
¶ Clinique 3 du LCS entre son point de production dans les ventricules et
Aigu et subaigu 4 son point de résorption dans le système circulatoire aboutit à
Chronique 4 son accumulation dans l’espace intracrânien, sous un régime de
¶ Paraclinique 4 pression élevé au moins à un moment donné. On peut ainsi
Scanner 4 définir l’hydrocéphalie comme une distension active du système
Imagerie par résonance magnétique 5 ventriculaire cérébral, soumis à un régime de pression anorma-
Ponction lombaire 5 lement élevé [1].
¶ Stratégie thérapeutique 5
Traitement de la cause 5
Dérivations du liquide cérébrospinal 5
Épidémiologie
Ventriculocisternostomie endoscopique (VCS) 5
Des données épidémiologiques incluant tous les types
¶ Complications 6 d’hydrocéphalie n’auraient que peu de sens tant cette patholo-
Complications générales 6 gie englobe des entités différentes. À titre d’exemple, l’incidence
Complications des dérivations internes 6 des formes congénitales est de 0,4 à 0,8/1 000 naissances [2] et
¶ Conclusion 7 la prévalence des formes chroniques de l’adulte (dites « à
pression normale ») est de 1,4 % [3].
■ Terminologie et étiologies
5 Terminologie
Éliminons tout d’abord deux entités pour lesquelles le terme
« hydrocéphalie » est employé à mauvais escient :
• l’hydrocéphalie externe qui caractérise l’élargissement des
espaces sous-arachnoïdiens en regard des lobes frontaux chez
le nourrisson. Dans ce cas, les ventricules sont de taille
normale et il n’y a aucun retentissement clinique ;
• l’hydrocéphalie ex vacuo qui définit une augmentation de la
taille des ventricules à la suite d’une perte de substance
cérébrale (atrophie cérébrale). Il s’agit là d’une observation
Figure 1. Schéma des ventricules. Vue latérale stricte gauche. 1. Ven-
radiologique classique chez les sujets âgés, qui ne doit pas
tricule latéral ; 2. foramen de Monro ; 3. IIIe ventricule ; 4. aqueduc de
prêter à confusion avec une véritable hydrocéphalie
Sylvius ; 5. IVe ventricule.
puisqu’elle n’a pas de sanction thérapeutique.
Tableau 1.
Signes cliniques de l’hydrocéphalie.
Nourrisson Enfant Adulte
Aigu Baisse de la vigilance HTIC : céphalées, nausées- HTIC : céphalées, nausées-vomissements, troubles visuels
Regard en « coucher de soleil » vomissements, troubles visuels
Fontanelle bombante
Turgescence des veines du scalp
Chronique Macrocrânie Troubles sphinctériens Triade de Hakim et Adams : troubles de la marche-troubles des
Disjonction des sutures Régression des acquisitions fonctions supérieures-troubles sphinctériens
enrichir la description radiologique : la taille des cornes relié à une poche de recueil externe, permettant un contrôle de
temporales (normalement virtuelles) supérieure à 2 mm, l’index la PIC. La hauteur de la poche de recueil par rapport à la tête
bifrontal (correspondant au rapport de la plus grande mesure du patient conditionne la quantité de LCS dérivée chaque jour.
des cornes frontales sur le diamètre endocrânien sur le même Les dérivations ventriculaires externes sont souvent posées dans
plan) supérieur à 0,5 et l’élargissement du V3 qui prend un le cadre de l’urgence (inondation ventriculaire hémorragique,
aspect ballonné. ventriculite, décompensation d’un kyste colloïde, etc.), pour des
L’évolutivité de l’hydrocéphalie est appréciée sur les signes de hydrocéphalies aiguës susceptibles d’avoir une évolution
résorption transépendymaire, hypodensités périventriculaires en favorable, avant ou après traitement spécifique de la cause
regard des cornes frontales et occipitales. Ces images semblent (exérèse d’une tumeur, résorption d’une hémorragie). Elles
traduire un transsudat liquidien du ventricule vers le paren- peuvent aussi être nécessaires en cas d’infection de valve de
chyme, dont l’interprétation est délicate (signe d’adaptation ou dérivation interne. Cette complication impose l’ablation du
d’évolutivité ?). matériel implanté, une antibiothérapie adaptée, puis une
réinternalisation d’un système de drainage. La dérivation
Imagerie par résonance magnétique ventriculaire externe est un dispositif contraignant, qui expose
à des risques infectieux. Il doit donc être géré avec beaucoup de
L’IRM caractérise l’hydrocéphalie de la même façon que le rigueur (jamais hors d’un service spécialisé), et laissé en place le
scanner d’un point de vue morphologique. Elle est plus sensible moins longtemps possible. Une difficulté de sevrage fait poser
que le scanner, explorant notamment mieux la fosse postérieure l’indication d’une dérivation interne.
. et l’aqueduc de Sylvius. Les signes de résorption transépendy- La dérivation lombaire externe est aussi un cathéter relié à
maire sont bien visibles sur des séquences T2 fluid attenuated une poche de recueil, implanté par ponction dans la région
inversion recovery (Flair) sous la forme d’un hypersignal. lombaire. Réservée aux hydrocéphalies communicantes, elle est
Pour apprécier l’évolution de la maladie, une étude volumé- moins employée que la dérivation ventriculaire externe. Les
trique précise des ventricules peut être réalisée. Certaines difficultés de manipulations (risques d’arrachage, risques
séquences dites « de flux » permettent d’étudier les courants d’hyper- ou d’hypodrainage, infections) sont les mêmes que
circulatoires du LCS [12]. Ces acquisitions dynamiques (ciné- pour une dérivation ventriculaire externe.
IRM) valident la perméabilité des ventriculocisternostomies
(VCS), sachant qu’un flux au niveau de la stomie est parfois vu Interne
en séquence pondérée T2.
Le but des dérivations internes est de drainer continuellement
le LCS en excès vers un site anatomique pouvant accueillir ce
Ponction lombaire surplus liquidien. Plusieurs sites ont été utilisés sans réussite par
La ponction lombaire n’est réalisée qu’après élimination des le passé (uretère, plèvre, etc.). De nos jours, les trois principales
contre-indications, notamment une hydrocéphalie obstructive dérivations internes sont les dérivations ventriculopéritonéale,
sur un obstacle dans la fosse postérieure (risque d’engagement). lombopéritonéale et ventriculoatriale. Ces différentes options
Particulièrement utilisée dans l’hydrocéphalie chronique de permettent au chirurgien un choix fonction des antécédents et
l’adulte, elle est pratiquée de façon déplétive (soustraction de 30 risques du patient. Dans tous les cas, le système se compose
à 40 ml avec une grosse aiguille) pour prédire l’efficacité d’une d’un cathéter proximal qui est introduit dans l’espace ventri-
dérivation interne du LCS. Un examen systématique biochimi- culaire (ou sous-arachnoïdien pour la dérivation lombo-
que et bactériologique élimine des pathologies inflammatoires péritonéale) avec un point d’entrée osseux coronal ou lamb-
et permet de connaître la protéinorachie qui, si elle est élevée, doïde, d’un corps de valve dont les caractéristiques déterminent
peut obstruer les systèmes de dérivation. Une efficacité de trois le seuil d’évacuation du LCS et d’un cathéter distal implanté
ponctions lombaires soustractives consécutives est un bon dans le péritoine (dérivation ventriculopéritonéale) ou l’oreil-
argument pour la mise en place d’une dérivation interne. lette droite par le biais de la veine jugulaire interne (dérivation
De la même manière, certains préfèrent à la ponction lom- ventriculoatriale). Le LCS se résorbe alors soit par le biais du
baire une dérivation lombaire externe qui est posée au bloc péritoine pour les dérivations ventriculopéritonéales (création
opératoire et laissée en place quelques jours. Durant cette d’une minime ascite, cliniquement non apparente, et résorption
période, l’amélioration des symptômes constitue un facteur par un mécanisme de membrane semi-perméable), soit dans le
prédictif de réussite d’une dérivation interne. sang veineux pour les dérivations ventriculoatriales.
Des études manométriques sont parfois menées dans un but Les laboratoires ont développé plusieurs types de corps de
de compréhension physiopathologique ; leur interprétation reste valve : à pression d’ouverture fixe, à pression d’ouverture
difficile et réservée aux équipes expérimentées. réglable de l’extérieur et à débit régulé ; le but étant de repro-
duire des conditions d’hydrodynamique proche de la physiolo-
gie, et ce quelle que soit la position du patient. En effet, les
■ Stratégie thérapeutique dérivations peuvent induire un effet de siphonage quand le
patient est en orthostatisme, par un mécanisme de vases
communicants. Nous parlons plus loin des complications
Traitement de la cause possiblement liées à cet « hyperdrainage ». Il est à noter que les
Le traitement de l’étiologie de l’hydrocéphalie doit être valves réglables doivent faire l’objet d’une vérification après
évoqué de principe, afin d’éviter la pose de dérivations internes réalisation d’une IRM (les ondes magnétiques pouvant dérégler
inutiles. En pratique, il s’agit principalement des exérèses de le mécanisme interne). De récentes valves insensibles à l’IRM
tumeurs responsables des hydrocéphalies par obstruction. La ont été mises au point.
cure d’une malformation de Chiari ou d’un kyste arachnoïdien
entre dans ce cadre. Ces opérations peuvent suffire à traiter Ventriculocisternostomie endoscopique (VCS)
l’hydrocéphalie (avec l’aide parfois d’un traitement médicamen-
teux par acétazolamide), mais une dérivation du LCS est parfois Il s’agit de créer une voie de dérivation du LCS au sein même
requise dans un second temps. de l’espace intracrânien, par la réalisation d’un orifice faisant
communiquer le V3 avec les citernes de la base. Ce geste présente
l’avantage de ne pas laisser en place de matériel étranger. Il est
Dérivations du liquide cérébrospinal particulièrement indiqué dans les sténoses de l’aqueduc malfor-
matives, mais sa réalisation s’étend aux hydrocéphalies sur
Externe
processus tumoraux de la région mésencéphalique et de la fosse
La dérivation ventriculaire externe est un cathéter inséré postérieure. Récemment, la VCS a été employée pour traiter des
chirurgicalement dans la corne frontale du ventricule latéral et hydrocéphalies chroniques de l’adulte [13].
Bilan :
- biologie (NFS, CRP)
- radiographies de tout le trajet de la dérivation
- scanner cérébral sans i.v.
Hypodrainage Hyperdrainage
Figure 3. Arbre décisionnel. Prise en charge d’une suspicion de dysfonction de dérivation. HTIC : hypertension intracrânienne ; i.v. : injection intraveineuse ;
NFS : numération-formule sanguine ; CRP : C reactive protein ; DVE : dérivation ventriculaire externe.
[17] Tuli S, Drake J, Lawless J, Wigg M, Lamberti-Pasculli M. Risk factors [19] Chauvet D, Sichez JP, Boch AL. Hématome extradural précoce après
for repeated cerebrospinal shunt failures in pediatric patients with dérivation interne du liquide céphalorachidien pour hydrocéphalie non
hydrocephalus. J Neurosurg 2000;92:31-8. communicante. Neurochirurgie 2009;5:350-3.
[18] Boch AL, Hermelin E, Sainte-Rose C, Sgouros S. Mechanical [20] Riffaud L, Moughty C, Henaux PL, Haegelen C, Morandi X. Acquired
dysfunction of ventriculoperitoneal shunts caused by calcification of Chiari I malformation and syringomyelia after valveless
the silicone rubber catheter. J Neurosurg 1998;88:975-82. lumboperitoneal shunt in infancy. Pediatr Neurosurg 2008;44:229-33.
D. Chauvet.
A.-L. Boch (a-laure.boch@psl.aphp.fr).
Service de neurochirurgie, Bâtiment Babinski, Groupe hospitalier Pitié-Salpêtrière, 47-83, boulevard de l’Hôpital, 75013 Paris, France.
Toute référence à cet article doit porter la mention : Chauvet D., Boch A.-L. Hydrocéphalie. EMC (Elsevier Masson SAS, Paris), Traité de Médecine Akos,
5-0821, 2011.