Tumeurs de L'orbite de L'adulte Classification

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Tumeurs de l’orbite de l’adulte : classification


Orbital tumors in adults: classification
A. Ducasse

Les tumeurs de l’orbite de l’adulte sont très variées, faites des différents tissus que l’on peut rencontrer au
sein de l’orbite. Certaines tumeurs sont bénignes, d’autres sont malignes. Certaines sont fréquentes, d’autres
beaucoup plus rares. Parmi les tumeurs les plus fréquentes, il faut citer les lymphomes, en général lymphomes
de bas grade à cellules B pouvant s’intégrer dans le cadre d’un lymphome généralisé et devant comporter, une
fois le diagnostic assuré par la biopsie, un bilan général à la recherche de lésions abdominothoraciques. Leur
traitement en général est confié à des hématologues : chimio- ou radiothérapie. D’autres tumeurs fréquentes
existent : les méningiomes, les tumeurs d’origine oto-rhino-laryngologique, les tumeurs de la glande lacrymale,
Mots-clés : les hémangiomes caverneux, les métastases. D’autres tumeurs chez l’adulte peuvent être de diagnostic plus
Tumeur de l’orbite difficile car plus rarement rencontrées : les rhabdomyosarcomes, les gliomes, les histiocytoses X, les tumeurs
Lymphome d’origine osseuse comme les ostéomes ou les ostéosarcomes, les tumeurs d’origine mésenchymateuse, certaines
Méningiome tumeurs nerveuses comme les schwannomes, les paragangliomes, les tumeurs vasculaires comme les héman-
Tumeurs d’origine ORL giopéricytomes ou encore les hémangioendothéliomes malins ou angiosarcomes. Le diagnostic étiologique est
Tumeurs de la glande lacrymale donc extrêmement difficile. Il est orienté par l’imagerie et la ponction-biopsie si celle-ci est réalisable.
© 2015 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

The orbital tumors in adults vary greatly, depending on the different tissues encountered in the orbit. Some
tumors are benign while others are malignant. Some are common, others much rarer. Lymphomas are among
the most common tumors; they are generally low-grade B-cell lymphomas that can be integrated as part of
a generalized lymphoma, requiring, once the diagnosis is confirmed by the biopsy, a general assessment in
search of abdomino-thoracic lesions. Treatment is usually carried out by hematologists: chemo- or radiothe-
Keywords: rapy. Other common tumors are: meningiomas, tumors of ORL origins, tumors of the lacrimal gland, cavernous
Orbital tumors hemangiomas, metastases. Other tumors in adults may be more difficult to diagnose because rarely encounte-
Lymphoma red: rhabdomyosarcomas, gliomas, histiocytosis X, bone-related tumors such as osteosarcomas or osteomas,
Meningioma tumors of mesenchymal origin, some nerve tumors such as schwannomas, paragangliomas, and vascular
Tumors of ORL origin tumors such as hemangiopericytomas, malignant hemangiosarcomas or haemangioendotheliomas. Etiologic
Tumors of the lacrimal gland diagnosis is extremely difficult. It is guided by imaging and, if feasible, by needle biopsy.
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Plan être congénitales ou embryonnaires, comme les tératomes ou


les kystes dermoïdes. Certains kystes dermoïdes peuvent se ren-
■ Classification 1 contrer chez l’adulte. Il s’agit en général de kystes dermoïdes
situés profondément à l’intérieur de l’orbite et se révélant tardive-
■ Tumeurs primitives 1 ment par des phénomènes inflammatoires, voire une fistulisation
Tumeurs mésenchymateuses 1 cutanée. Ils se développent à l’intérieur de l’orbite, érodant les
Tumeurs nerveuses 3 parois osseuses avec exophtalmie lentement progressive. Le scan-
Tumeurs vasculaires 6 ner et l’échographie permettent de localiser cette masse kystique,
Tumeurs osseuses ou cartilagineuses 8 au contenu souvent irrégulier, avec fréquemment un niveau
Tumeurs de la glande lacrymale 10 liquidien. Une extension en particulier vers la fosse temporale,
Tumeurs hématologiques 12 ou la fosse cérébrale moyenne, et une compression du nerf
Histiocytoses 15 optique peuvent conduire à des signes oculaires avec baisse de
Mélanomes orbitaires primitifs 15 l’acuité visuelle, une gêne à la mastication et l’apparition d’une
■ Tumeurs propagées à l’orbite 15 exophtalmie pulsatile. Du point de vue pathogénique, ces kystes
À partir du globe oculaire 16 dermoïdes sont liés à l’incarcération d’un résidu ectodermique
À partir des paupières 16 lors de la formation de l’orbite osseuse. Ils n’ont aucune tendance
À partir de la conjonctive 16 à la guérison spontanée et doivent être retirés chirurgicalement
À partir de la sphère oto-rhino-laryngologique 16 (Fig. 1).
À partir du système nerveux 18 Les hémangiomes capillaires, les rhabdomyosarcomes, les lym-
À partir des voies lacrymales 18 phangiomes, les gliomes du nerf optique sont des tumeurs assez
■ Tumeurs secondaires : métastases 18 spécifiques de l’enfant, de même que certaines métastases, comme
Tumeurs sur cavité anophtalme 19 celles des neuroblastomes, du sarcome d’Ewing ou les tumeurs de
Wilms (néphroblastomes). En matière de tumeur propagée, le réti-
noblastome, tumeur préférentiellement de l’enfant, peut envahir
l’orbite.
Bien que pouvant se rencontrer chez l’adulte, ces tumeurs plus
 Classification spécifiques de l’enfant ne sont pas traitées ici.

Plusieurs classifications des tumeurs orbitaires existent. Habi-


tuellement, on sépare les tumeurs primitives, bénignes et malignes
des tumeurs propagées d’origine sinusienne, cérébrale ou palpé-  Tumeurs primitives
broconjonctivale, et des tumeurs secondaires métastatiques. En ce
qui concerne les tumeurs primitives, chacun des composants de Tumeurs mésenchymateuses
l’orbite peut être responsable : os, nerf, glande lacrymale, etc.
En pathologie orbitaire, les tumeurs de l’adulte sont diffé- Développées à partir du tissu conjonctif, elles peuvent être
rentes des tumeurs de l’enfant. Chez l’enfant, les tumeurs peuvent bénignes ou malignes.

EMC - Ophtalmologie 1
Volume 12 > n◦ 2 > avril 2015
http://dx.doi.org/10.1016/S0246-0343(15)70093-6
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CD68. L’évolution est marquée par la possibilité d’une extension


orbitaire avec compression du nerf optique. Certains histiocy-
tomes deviennent malins et peuvent entraîner des métastases
(moins de 10 %). On parle d’histiocytofibrome malin. Le traite-
ment est seulement chirurgical : exérèse large de la tumeur pour
éviter les récidives. En cas d’histiocytofibrome malin, une exenté-
ration est réalisée, complétée pour certains auteurs par une radio-
et une chimiothérapie.

Fibrosarcomes
Rares chez l’adulte, ces tumeurs malignes ont un taux de survie
à cinq ans de 60 %. Elles évoluent rapidement et s’étendent vers
l’endocrâne. Radiologiquement, elles sont mal limitées, infiltrant
les structures orbitaires et osseuses avec souvent une ostéolyse
marquée. En tomodensitométrie, la tumeur est hyperdense avec
forte prise de contraste, diminuant en cas de nécrose tumorale.
L’imagerie par résonance magnétique (IRM) précise au mieux
l’extension vers l’endocrâne.
Habituellement primitifs, les fibrosarcomes peuvent également
être secondaires à une localisation périorbitaire, sinusienne,
Figure 1. Kyste dermoïde de l’adulte situé profondément dans l’orbite.
nasale ou à une irradiation. Leur pronostic est alors encore plus
Noter le niveau liquidien.
réservé.
Le traitement consiste en l’exérèse la plus complète et la plus
Fibromes précoce possible. Les récidives sont fréquentes en cas de chirur-
gie incomplète avec, pour certains, augmentation du degré de
Ce sont des tumeurs bénignes bien différenciées, encapsu- malignité. On peut les rapprocher des mésenchymomes, tumeurs
lées, constituées par des fibrocytes dans du collagène. Rares au malignes de type sarcome, très rares au niveau orbitaire.
niveau orbitaire, ces tumeurs touchent plus particulièrement
les hommes jeunes avant 30 ans, atteignant préférentiellement
les quadrants supérieurs de l’orbite. Certains peuvent pré- Rhabdomyomes
senter radiologiquement des calcifications intratumorales et
Tumeurs rares développées à partir des muscles oculomoteurs,
une hypervascularisation, se manifestant par une prise de
les rhabdomyomes sont constitués de fibres musculaires dif-
contraste en tomodensitométrie et en échodoppler couleur.
férenciées. On peut les rapprocher des sarcomes épithélioïdes
D’évolution lente, le traitement est chirurgical : exérèse in
développés sur les gaines des tendons de l’extrémité distale
toto, intracapsulaire. Certains fibromes sont l’expression d’une
des membres. Les rhabdomyosarcomes sont exceptionnels chez
fibromatose.
l’adulte.

Tumeur fibreuse solitaire de l’orbite


C’est une tumeur mésenchymateuse rare, fréquemment obser- Léiomyomes, léiomyosarcomes
vée au niveau pleural. Rapportée pour la première fois au niveau Le léiomyome est une tumeur bénigne développée à partir des
orbitaire en 1994 par Dorfman, 55 cas seulement seraient rappor- muscles lisses des vaisseaux, parfois douloureuse. Rare, survenant
tés dans la littérature jusque fin 2008 [1, 2] . Il s’agit d’une tumeur entre 40 et 60 ans, elle comporte histologiquement des cellules
bien limitée, souvent lobulée et de couleur pâle, de consistance fusiformes à cytoplasme filamenteux positif pour le trichrome.
ferme. Le diagnostic est le plus souvent histologique, après étude Son traitement est chirurgical : excision large pour éviter les réci-
immunohistochimique (fortement CD34+ ). Tumeur de type inter- dives. Le léiomyosarcome, exceptionnel dans l’orbite, survenant
médiaire ayant un potentiel important de récidive locale et parfois après 70 ans, est une tumeur maligne d’origine musculaire lisse.
de métastase, les critères histologiques d’agressivité comportent Elle métastase de façon fréquente ; le traitement est l’exentération
une densité cellulaire élevée, un pléomorphisme nucléaire, une en cas d’atteinte orbitaire étendue.
nécrose tumorale, la présence de plus de quatre mitoses par
dix champs en fort grossissement et un aspect infiltrant des
lésions. Lipomes, liposarcomes
Les lipomes orbitaires sont fréquemment rencontrés dans le
Myxomes quadrant temporal, saillant sous la conjonctive. Constitués de
Tumeurs bénignes, d’origine embryonnaire, les myxomes lobules graisseux encapsulés, séparés par des cloisons fibreuses,
touchent surtout les femmes entre 30 et 40 ans. D’évolution lente, c’est une masse molle jaunâtre. La tomodensitométrie confirme
ce sont des tumeurs molles, grisâtres, gélatineuses, mal limitées, leur aspect graisseux uniforme et montre leur extension posté-
souvent rencontrées au niveau de la partie supérieure de l’orbite. rieure éventuelle. En cas de gêne fonctionnelle, le traitement
Leur traitement est chirurgical, avec une exérèse aussi large que est l’exérèse, rarement complète, en prenant soin de ne pas
possible afin d’éviter les récidives. Une composante fibreuse asso- léser les culs-de-sac conjonctivaux ni les muscles oculomoteurs
ciée constitue le fibromyxome. (Fig. 2).
Les liposarcomes sont exceptionnels. Madge et al. [3] rapportent
six nouveaux cas de liposarcomes et effectuent une revue de la
Histiocytomes fibreux littérature. Trente-sept cas avaient auparavant été décrits. Tumeurs
Encore dénommés xanthofibromes, ces tumeurs sont assez fré- plus fréquentes chez la femme, les liposarcomes se manifestent
quentes au niveau orbitaire. C’est la plus fréquente des tumeurs par une exophtalmie quasi constante, peu douloureuse (7 cas sur
mésenchymateuses. Rares avant 40 ans, ils se présentent comme 37), avec souvent une diplopie (16 cas sur 37). En IRM, la tumeur
une tumeur bénigne, d’évolution lente, adhérant au périoste, présente un signal de haute intensité en T1 et un bas signal en
refoulant les structures normales, situés le plus souvent dans le T2, ressemblant à de la graisse. La localisation préférentielle est
quadrant supéromédial de l’orbite. La tumeur est parfois palpable, intraconique (15 cas sur 37), puis supérieure (10 cas sur 37). Les
ferme. Radiologiquement, cette tumeur est bien limitée, prenant métastases sont fréquentes, principalement au niveau pulmonaire
le contraste de façon homogène. Histologiquement, la tumeur est ou cérébral. Le traitement est le plus souvent une exentération,
constituée de fibroblastes et d’histiocytes positifs pour les CD45 et parfois complétée par une radiothérapie.

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Schwannomes (neurilemmomes)
Tumeurs bénignes développées à partir d’un nerf périphérique,
les schwannomes sont formés à partir de cellules de Schwann. Ces
tumeurs touchent les deux sexes, entre 30 et 50 ans, et peuvent
se voir dans le cadre d’une neurofibromatose. En général uniques,
encapsulées, leur évolution est lente. Le schwannome peut être
intra- ou extraconique, naissant à partir de tous les nerfs intraor-
bitaires, hormis le nerf optique dépourvu de cellules de Schwann.
On a même décrit un schwannome situé au niveau de la fosse
de la glande lacrymale. Les schwannomes qui représentent 8 % de
toutes les tumeurs intracrâniennes surviennent le plus souvent sur
le nerf vestibulaire, le nerf trijumeau et enfin le nerf facial. En ce
qui concerne les nerfs crâniens oculomoteurs, le nerf oculomoteur
(III) est le plus fréquemment touché, suivi par le nerf trochléaire
(IV) et le nerf abducens (VI). Elmalem et al. [6] ont retrouvé dans
Figure 2. Lipome orbitaire temporal droit. la littérature 44 cas de schwannome du nerf trochléaire dont 31
étaient prouvés histologiquement. L’existence d’un schwannome
sur un nerf oculomoteur est rare en dehors de la neurofibromatose.
Les schwannomes se traduisent habituellement par une para-
lysie du nerf correspondant, avec diplopie. Les lésions ont
manifestement un potentiel d’augmentation et peuvent éventuel-
lement présenter une transformation maligne, rare.
L’aspect clinique n’a rien de particulier, avec une exophtal-
mie indolore et des signes compressifs. À la tomodensitométrie,
la masse hyperdense prend fortement le contraste avec parfois
une lyse osseuse périlésionnelle. En IRM, on note des zones cellu-
laires solides en isosignal, en écho de spin T1 et en hyposignal, en
écho de spin T2, et des zones myxoïdes kystiques en hyposignal T1
et hypersignal T2. L’IRM ne permet toutefois pas de le différen-
cier d’un neurofibrome. Le principal diagnostic différentiel est
l’hémangiome caverneux. L’IRM permet en général de reconnaître
ces deux entités.
Histologiquement, il s’agit d’une tumeur jaunâtre, compor-
tant des axes solides avec des noyaux en palissade et des zones
Figure 3. Gliome orbitaire de l’adulte, bénin.
myxoïdes, sans axone. Ces lésions sont positives pour la pro-
téine S100, la vimentine et le CD68. On y retrouve des cellules
fusiformes dites d’Antoni A et B.
Tumeurs nerveuses Le traitement est chirurgical et consiste en l’exérèse de la
tumeur : aisée si la tumeur est petite car encapsulée ; plus difficile
Gliomes du nerf optique (Fig. 3) si elle est volumineuse.
Il s’agit habituellement d’une tumeur bénigne de l’enfant, évo- Une forme de schwannome est le schwannome à cellules gra-
lutive (75 % surviennent avant l’âge de 10 ans, 90 % avant 20 ans). nulaires (myoblastome), tumeur rare, bénigne ou maligne, avec
Cette tumeur entre souvent dans le cadre d’une neurofibroma- un éventuel potentiel métastatique.
tose de type 1 (maladie de von Recklinghausen) et est en fait un
astrocytome pilocytique. Naissant habituellement au niveau du
chiasma optique ou du nerf optique intracrânien, elle s’étend
Neurofibromes
dans l’orbite. Hoyt [4] cité par Dutton considérait ces gliomes du Tumeurs bénignes constituées de cellules de Schwann et de
nerf optique comme des hamartomes. Pour d’autres auteurs [5] , cellules nerveuses, elles se rencontrent habituellement lors de
il s’agit non pas d’hamartomes mais de véritables néoplasies. Il neurofibromatose. La recherche de lésions cutanées de type
semblerait que, chez les patients porteurs d’une neurofibroma- « taches de café au lait » oriente le diagnostic.
tose de type 1, une chimiothérapie amènerait une amélioration Il peut s’agir d’un neurofibrome solitaire unique, le plus souvent
ou au moins une stabilisation de l’acuité visuelle. Le gliome du rencontré dans la région supérieure de l’orbite, évoluant lente-
nerf optique est plus rare chez l’adulte ; il peut être bénin et ment, responsable d’une exophtalmie non douloureuse. Dans le
alors identique aux formes de l’enfant, mais il est plus souvent cadre de la maladie de von Recklinghausen, on rencontre plus fré-
malin, très évolutif, entraînant rapidement le décès du patient. quemment des neurofibromes diffus infiltrant l’orbite, et surtout
Les premiers cas ont été rapportés par Hoyt en 1973 [4] . Cette des neurofibromes (névromes) plexiformes, pathognomoniques
tumeur touche plus souvent l’homme à partir de 40 ans que la de la maladie, à la fois au niveau orbitaire et palpébral. C’est une
femme. Elle présente un début brutal avec une baisse rapide de tumeur moniliforme, indolore, molle, donnant à la palpation une
l’acuité visuelle, uni- ou bilatérale, associée à une dyschromatop- sensation de « cordons de ficelles » ou de « nouilles ». D’évolution
sie, des déficits campimétriques, une exophtalmie, des douleurs lente, elle peut entraîner un ptosis et envahir la fosse temporale.
marquées, une ophtalmoplégie, un œdème et des hémorragies À la tomodensitométrie, la masse est homogène, prenant modéré-
papillaires par gêne circulatoire. La cécité uni- puis bilatérale est ment le contraste avec des limites nettes en cas de lésion solitaire,
rapide. L’atteinte du nerf optique intracrânien ou du chiasma plus floue en cas de forme diffuse ou plexiforme. Dans le cas de
entraîne des signes neurologiques associés ; le gliome peut éga- la neurofibromatose, on peut parfois noter une dysplasie de la fis-
lement s’étendre en arrière vers l’hypothalamus et le troisième sure orbitaire supérieure qui peut être importante, avec protrusion
ventricule. Histologiquement, c’est un glioblastome multiforme. de l’hémisphère temporal dans l’orbite, gliomes optochiasma-
L’association, contrairement aux formes de l’enfant, avec la neu- tiques et astrocytomes cérébraux. À l’IRM, le neurofibrome est en
rofibromatose est exceptionnelle. Le traitement repose sur une isosignal ou discret hypersignal T1, en hypersignal parfois hété-
radiothérapie et une chimiothérapie, une chirurgie d’exérèse par rogène T2. Histologiquement, la tumeur est constituée de cellules
voie neurochirurgicale si elle s’avère réalisable. L’IRM en préopé- fusiformes, disposées en cordes au sein d’un stroma myxoïde et
ratoire et en postopératoire permet de confirmer la résection en d’axones, sans véritable capsule. Le traitement est l’exérèse dans
totalité de la tumeur. Malgré cela, l’évolution fatale est constante les formes solitaires, facilitée par l’existence d’un plan de clivage,
en 6 à 12 mois (8,7 mois en moyenne). rarement réalisée en cas de forme diffuse ou plexiforme, l’exérèse

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A B
Figure 4. Méningiome des gaines du nerf optique.
A. Tomodensitométrie, coupe axiale. Calcifications sur le nerf optique gauche épaissi.
B. IRM coupe axiale. Épaississement du nerf optique gauche. Noter l’aspect en rail.

totale étant le plus souvent impossible. L’exérèse partielle ne doit une atrophie optique. Parfois des plis choroïdiens et des anasto-
être envisagée qu’en cas de retentissement fonctionnel important. moses entre la vascularisation rétinienne et choroïdienne (shunts
Ces tumeurs sont en général hypervascularisées. optociliaires) sont visibles cliniquement ou en angiographie.
La symptomatologie dépend en fait du siège du méningiome,
Ganglioneuromes les localisations postérieures entraînant une compression plus
rapide du nerf optique. L’évolution se fait lentement vers
Tumeurs bénignes rares, elles naîtraient du ganglion ciliaire et
une baisse d’acuité visuelle définitive avec atrophie optique
peuvent être associées à une neurofibromatose.
et compression des nerfs oculomoteurs au niveau de l’apex
orbitaire.
Paragangliomes La tomodensitométrie montre un épaississement du nerf
Encore dénommés chémodectomes, ce sont des tumeurs optique, fusiforme ou irrégulier, plus ou moins centré par rapport
bénignes développées à partir du système nerveux autonome. au nerf. À un stade précoce, on peut voir le nerf optique normal
Rares dans l’orbite, elles ont toujours été décrites comme adhé- au sein de la tumeur, mais cet aspect n’a rien de spécifique. Plus
rentes à un muscle oculomoteur. L’excision chirurgicale doit être spécifique est un aspect en rail, assez bien visible sur les tomoden-
totale. Quelques cas de formes alvéolaires (sarcomes alvéolaires) sitométries : la lésion est spontanément hyperdense entourant le
ont été rapportés. Il s’agit d’une tumeur maligne à potentiel nerf hypodense (avec un aspect en cocarde) et prend fortement le
métastatique. Le traitement comprend l’exentération avec radio- contraste. On peut noter parfois des calcifications à l’intérieur du
thérapie complémentaire. nerf optique. En IRM, le nerf optique paraît normal, bien visible, à
l’intérieur de la tumeur qui est souvent excentrée par rapport à lui.
Tumeurs nerveuses malignes Elle prend fortement le contraste après injection de gadolinium.
L’IRM permet de bien analyser la portion intracanalaire du nerf et
En dehors du gliome malin, on peut rencontrer dans l’orbite précise ainsi l’extension postérieure du méningiome. Un examen
des neurofibrosarcomes ou schwannomes malins, des sarcomes intéressant est la scintigraphie aux récepteurs de la somatostatine
neurogéniques, survenant en général chez des patients atteints (ocréotide).
de neurofibromatose. Les récidives sont fréquentes, même après Du point de vue anatomopathologique, on différencie les
chirurgie, de même que les métastases. Le pronostic est mauvais. méningiomes méningothéliomateux, fibromateux, psammoma-
teux et angiomateux. Les première et troisième formes se
Méningiomes rencontreraient de façon primitive dans l’orbite. Une biopsie est
Ils représentent entre 3 et 8,9 % des tumeurs de l’orbite. Dans très rarement réalisée.
les études récentes, et notamment celle que nous avions réali- Le traitement dépend du siège et de l’extension du méningiome.
sée, c’est la deuxième tumeur rencontrée chez l’adulte après les L’exérèse chirurgicale par une orbitotomie soit latérale, soit supé-
lymphomes. Ils sont plus fréquents chez la femme et en cas de rieure, en respectant le nerf optique s’il est encore fonctionnel,
neurofibromatose. en le sacrifiant dans le cas contraire, est rarement réalisée hor-
Il faut distinguer les méningiomes orbitaires développés à par- mis en cas de risque d’extension intracrânienne. Les récidives
tir des gaines du nerf optique de ceux développés sur les parois sont fréquentes en cas d’exérèse incomplète. Actuellement, c’est
osseuses, en particulier la grande aile de l’os sphénoïde. la radiothérapie qui est utilisée en première intention, surtout s’il
s’agit de sujet âgé, associée à une surveillance clinique, campi-
Méningiomes des gaines du nerf optique (Fig. 4) métrique et radiographique tous les six mois. L’équipe de Saeed
À prédominance féminine [7] , ces méningiomes sont relati- et al. [8] préconise la radiothérapie comme le traitement primitif
vement fréquents, représentant 2 % des tumeurs orbitaires et des méningiomes des gaines du nerf optique. Cette radiothérapie
42 % de celles du nerf optique. Ils peuvent se situer sur tout peut être conventionnelle ou stéréotaxique. L’équipe rémoise de
le trajet du nerf optique, mais sont le plus souvent rencon- Litré et al. [9] a présenté d’excellents résultats avec une radiothé-
trés dans sa portion intraorbitaire. La tumeur enserre le nerf rapie stéréotaxique fractionnée. Il a été décrit des exceptionnels
optique sans pénétrer à l’intérieur. Il existe deux pics d’âge de méningiomes malins.
prédilection : avant 10 ans ou entre 30 et 50 ans. Quelques cas
bilatéraux ont été décrits. Cliniquement, les signes ophtalmolo-
giques prédominent avec une baisse de l’acuité visuelle associée Méningiomes des parois (Fig. 5)
à des déficits campimétriques et parfois une amaurose transi- Ils sont beaucoup plus fréquents que les méningiomes
toire. L’exophtalmie axile et les troubles oculomoteurs sont plus des gaines du nerf optique. Touchant surtout le sexe fémi-
tardifs et modérés, les douleurs rares. Un œdème palpébral est nin (3 femmes pour 1 homme), leur évolution est lente, marquée
possible. Au fond d’œil on retrouve un œdème papillaire, parfois par des poussées évolutives lors des grossesses, ce qui suggère

4 EMC - Ophtalmologie
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A B C

D E F

G H
Figure 5. Méningiome des parois.
A. Méningiome sphénoïdal gauche responsable d’une discrète exophtalmie, mais surtout d’un ptosis.
B. Réaction inflammatoire sur un méningiome en plaque de la grande aile du sphénoïde avec un chémosis important.
C. Méningiome ayant abouti à une exophtalmie avec fonte purulente du globe qui doit être énucléé.
D. Tomodensitométrie, coupe coronale montrant l’épaississement osseux au niveau du sphénoïde, mais également la partie méningiomateuse attenant à l’os
sous le plafond orbitaire.
E. Tomodensitométrie, coupe axiale. Ostéoméningiome droit avec condensation osseuse et méningiome développé plutôt vers la fosse temporale.
F. Tomodensitométrie, coupe axiale. Énorme méningiome occupant pratiquement toute la base de l’hémicrâne gauche, entraînant une exophtalmie très
importante.
G. Tomodensitométrie, coupe axiale. Ostéoméningiome gauche refoulant le muscle droit latéral avec exophtalmie.
H. Aspect postopératoire chez une patiente ayant subi une décompression orbitaire par un abord supérieur.

une hormonodépendance de ces tumeurs. Des récepteurs spéci- la fosse temporale. Dans une série portant sur 23 cas, l’équipe
fiques aux estrogènes mais également à d’autres substances y ont Franquet et al. [11] rapporte les éléments suivants : exophtalmie
d’ailleurs été retrouvés [10] . dans 18 cas, comblement de la fosse temporale dans 12 cas, baisse
Les méningiomes peuvent naître de la paroi médiale de l’orbite : d’acuité visuelle dans 11 cas, douleurs orbitaires dans sept cas,
face latérale de l’ethmoïde ou gouttière olfactive. Ils se mani- œdème palpébral dans cinq cas. Au fond d’œil, il existait un
festent alors par des signes rhinologiques ou une anosmie. Plus œdème papillaire de stase dans cinq cas, une altération du champ
fréquemment, ils naissent des ailes du sphénoïde, en particulier visuel était présente chez 15 patients avec des potentiels évoqués
de la grande aile. Le retentissement visuel dépend de leur situa- visuels anormaux dans 11 cas. L’extension du processus se fait de
tion. Plus ils sont médiaux, plus les signes de compression du proche en proche, atteignant le canal optique et la fosse tem-
nerf optique et d’atteinte de la fissure orbitaire supérieure sont porale, expliquant cette symptomatologie. Radiologiquement, on
précoces. Une forme particulière est représentée par le ménin- peut noter sur des radiographies standards une hyperostose, avec
giome en plaque située sur la paroi latérale de la grande aile une ostéocondensation au niveau des ailes du sphénoïde. On
du sphénoïde. Cela entraîne une baisse progressive de la vision, peut également noter une ostéolyse localisée. Cela est dû au fait
aboutissant à une cécité avec atrophie optique, avec parfois un qu’histologiquement les canaux de Havers de l’os sont envahis
véritable syndrome de Foster-Kennedy (œdème papillaire contro- par la tumeur avec une destruction osseuse remplacée par une
latéral), une exophtalmie souvent axile et une tuméfaction de ostéogenèse hyperostosante. En tomodensitométrie, on note une

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21-650-A-30  Tumeurs de l’orbite de l’adulte : classification

A B
Figure 6. Varice orbitaire.
A. Varice saillant dans le cul-de-sac inférieur, du côté gauche.
B. Imagerie par résonance magnétique, coupe axiale. Varice orbitaire du côté gauche. On voit bien la varice appendue à la veine ophtalmique supérieure.

augmentation osseuse, irrégulière, avec constamment une aug- Tumeurs neuroectodermiques primitives
mentation de la densité osseuse, généralement hétérogène. À côté de l’orbite
de cette augmentation traduisant un ostéome, il existe une masse
Des tumeurs neuroectodermiques primitives de l’orbite ont été
charnue correspondant au méningiome qui prend le contraste
décrites chez l’adulte. Ces tumeurs sont proches des sarcomes
et qui est adhère à l’os ostéomateux. L’extension à l’intérieur
d’Ewing de l’enfant. Elles sont différenciées par des caractères
de l’orbite va progressivement refouler les structures orbitaires,
génétiques, histologiques, en particulier une immunopositivité au
notamment le muscle droit latéral. Elle refoule également le
CD99.
contenu de la fosse temporale et donc l’hémisphère cérébral.
L’association condensation osseuse ostéomateuse et masse char-
nue méningiomateuse prenant le contraste est caractéristique
d’un ostéoméningiome. L’IRM permet de préciser l’extension des Tumeurs vasculaires
lésions. La masse est en isosignal par rapport au muscle en T1
et en hypersignal en T2. Elle prend fortement le contraste après Les tumeurs d’origine vasculaire ont fait l’objet récemment de
injection de gadolinium. nombreux travaux, en particulier sous la direction de Jack Root-
Le traitement est discuté. L’exérèse par voie neurochirurgi- man [15] qui classe les malformations vasculaires orbitaires en trois
cale permet une décompression du canal optique et de l’orbite. groupes :
Elle est toutefois rarement totale du fait de l’extension du • un type 1 sans flux : ce sont des lésions présentant essentielle-
processus et les récidives sont fréquentes. Dans une étude por- ment de petites connections avec le système vasculaire et qui
tant sur 66 cas opérés et suivis pendant quatre ans, l’équipe comprennent les lymphangiomes et des malformations veino-
Saeed et al. [12] note, après chirurgie, un arrêt de la détérioration lymphatiques combinées ;
visuelle chez 61 % des patients, une augmentation de la vision • un type 2 où le flux est surtout veineux ; il s’agit de lésions dila-
chez 30 % et une diminution de 3 mm de l’exophtalmie chez tables ayant une communication directe et riche avec le système
85 %. Une récidive est survenue chez 17 % des patients. Mari- veineux, et des anomalies non dilatables qui ont des commu-
niello et al. [13] , sur 66 patients, retrouvent une ablation tumorale nications minimes avec le système veineux. Dans ce groupe,
complète dans 44 cas et incomplète dans 20 cas. Cinquante-deux l’auteur inclut les varices orbitaires ;
patients, soit 42,3 %, ont présenté une récidive tumorale. Pour • un type 3 : des lésions correspondant à des malformations arté-
Cannon et al. [14] , la chirurgie était envisagée seulement lors de rioveineuses caractérisées par un haut flux direct traversant la
détérioration de la fonction visuelle et a consisté chez 12 patients lésion.
en 12 décompressions orbitaires latérales et 6 décompressions du Les hémangiomes caverneux sont des malformations qui pré-
nerf optique. Ces auteurs notent une diminution de l’exophtalmie sentent un flux lent direct à travers la lésion et sont donc
chez la moitié des patients, deux améliorations de l’acuité visuelle, considérés comme appartenant au groupe 3. Les lymphangiomes,
cinq acuités visuelles stables et cinq détériorations progressives tumeurs plus spécifiques de l’enfant, ne sont pas abordés ici.
malgré la chirurgie. Dans une série de 148 patients, l’équipe de Mavrikakis et al. [16]
La chirurgie est délabrante et cosmétiquement difficilement retrouvait 67 malformations veineuses, 69 malformations veino-
acceptée par les patients. Malgré l’amélioration de la fonc- lymphatiques combinées et 12 malformations artérioveineuses.
tion visuelle et la diminution de la masse tumorale, des
chirurgies secondaires reconstructrices sont souvent nécessaires.
Les complications chirurgicales, la fréquence des récidives et
Varices orbitaires (Fig. 6)
l’évolution lente ont amené certains auteurs à envisager d’autres Relativement fréquentes, il s’agit d’une dilatation pathologique
traitements. Si la radiothérapie nécessite des doses trop impor- d’une veine. Ces varices peuvent être congénitales, idiopathiques
tantes vis-à-vis du nerf optique, les traitements à visée hormonale, ou post-traumatiques. On les rencontre dans les deux sexes, sou-
antiprogestérone, pourront peut-être ralentir l’évolution tumo- vent entre 20 et 30 ans, presque toujours unilatérales, le côté
rale [10] . gauche étant le plus souvent atteint.

6 EMC - Ophtalmologie
Tumeurs de l’orbite de l’adulte : classification  21-650-A-30

Signes cliniques
La varice se manifeste par une exophtalmie intermittente, pos-
sédant un caractère postural. Elle apparaît lors d’efforts physiques
ou de manœuvres d’hyperpression veineuse céphalique, type
manœuvre de Valsalva. Elle peut également apparaître lors des cris
ou lors des pleurs, surtout chez l’enfant. L’exophtalmie survient
par crises courtes durant quelques heures. Entre les crises, l’œil
reprend une position normale avec même parfois une énophtal-
mie. La fréquence des crises est très variable, le temps qui les sépare
peut parfois aller jusqu’à plusieurs années. L’exophtalmie doit être
recherchée en modifiant la posture du patient : en procubitus et
par une manœuvre de Valsalva avec compression des veines jugu-
laires. Certaines varices se révèlent par un hématome orbitaire ou
palpébral avec hémorragie sous-conjonctivale, ou encore par un
tableau de thrombophlébite aiguë. Parfois, elles entraînent une
diplopie ou une baisse d’acuité visuelle. Certaines varices secon-
daires à un shunt artérioveineux peuvent présenter un thrill ou un
souffle.
Imagerie
L’échodoppler couleur montre une masse bien limitée, peu Figure 7. Vasodilatation en tête de méduse chez une patiente présen-
échogène et homogène, présentant souvent des phlébolithes, cal- tant une fistule durale droite.
cifications confirmées par tomodensitométrie. L’IRM en décubitus
puis en procubitus avec manœuvre de Valsalva montre les varia-
tions de volume de la lésion et signe le diagnostic. En décubitus,
l’examen peut être normal. La masse est en isosignal par rapport au
muscle en T1, en hypersignal T2. Des zones thrombosées peuvent
être décelées. Dans quelques cas, une phlébographie orbitaire peut
être nécessaire pour confirmer le diagnostic.
Le traitement dépend de la symptomatologie fonctionnelle et
de la gêne cosmétique. L’abstention est le plus souvent réali-
sée, sinon le traitement est chirurgical : exérèse après ligature des
pédicules d’apport, parfois facilitée par une embolisation préopé-
ratoire [17] .

Fistules artérioveineuses orbitaires (Fig. 7)


A
Rares, ces malformations mettent en communication des
artères et des veines sans interposition de capillaires. Elles peuvent
être congénitales ou le plus souvent post-traumatiques. Le tableau
clinique ressemble à celui d’une fistule carotidocaverneuse :
exophtalmie pulsatile avec dilatation des vaisseaux conjonctivaux
en tête de méduse, douleurs orbitaires, céphalées, parfois diplo-
pie. On voit parfois la masse visible sous la paupière, bleuâtre,
présentant à la fois un thrill et un souffle. C’est l’artériographie
carotidienne, l’angio-IRM ou l’angioscanner qui vont montrer
la localisation exacte de la lésion, le siège et la taille du shunt,
l’origine des pédicules artériels et veineux intéressés. Ces malfor-
mations peuvent se manifester sur un mode aigu ou simuler une
hémorragie intraorbitaire avec perte visuelle par hyperpression au
niveau de l’apex orbitaire, responsable d’une neuropathie optique
ischémique [18] .
Le traitement de ces malformations complexes est difficile à
schématiser, d’autant qu’elles peuvent intéresser des structures
périorbitaires. En général, une embolisation des pédicules nour- B
riciers est réalisée avant tout abord chirurgical. Parfois un abord Figure 8. Hémangiome caverneux.
neurochirurgical est nécessaire [19] . A. Tomodensitométrie, coupe sagittale montrant la masse intraconique,
juste en arrière du globe oculaire.
Anévrismes artériels B. Aspect peropératoire après ablation de l’hémangiome.
Très rares au niveau orbitaire, ils siègent sur l’artère ophtalmique
ou l’artère lacrymale. L’exophtalmie est inconstante et certains se
révèlent par une baisse d’acuité visuelle rapide et définitive. C’est aucune tendance à la régression, contrairement aux hémangiomes
l’artériographie carotidienne ou l’angio-IRM qui affirme la lésion, capillaires de l’enfant. En général, il s’agit d’une tumeur unique,
son siège, les éventuelles possibilités d’embolisation ou de ligature unilatérale, mais des cas de tumeurs multiples ont été décrits. La
chirurgicale du pédicule nourricier. tumeur peut être intraconique ou extraconique ; le plus souvent,
elle est intraconique rétro-oculaire. Dans de rares cas, elle peut
Hémangiomes caverneux (Fig. 8) s’étendre vers l’endocrâne à travers la fissure orbitaire supérieure.

L’hémangiome caverneux représente la tumeur bénigne pri- Signes cliniques


mitive la plus fréquente chez l’adulte. On note une certaine Ils apparaissent progressivement. Certains hémangiomes caver-
prédominance féminine vers la cinquantaine. C’est une tumeur neux sont de découverte fortuite lors d’imagerie pratiquée pour
bien encapsulée, d’évolution lente, longtemps asymptomatique, une autre raison, alors dénommés accidentalomes. Cliniquement,
constituée de larges espaces sanguins limités par de fines travées lorsqu’ils se manifestent, c’est par une exophtalmie lentement
contenant des fibres musculaires lisses, recouvertes de cellules progressive, axile en cas de localisation intraconique, non axile
endothélilales aplaties. L’évolution est inéluctable et la tumeur n’a en cas de siège extraconique. En cas de tumeur intraconique,

EMC - Ophtalmologie 7
21-650-A-30  Tumeurs de l’orbite de l’adulte : classification

l’exophtalmie comprime le globe oculaire et le nerf optique,


et entraîne une hypermétropie induite, une baisse d’acuité
visuelle avec au fond d’œil des plis choroïdiens, éventuellement
un œdème papillaire, une hypertonie oculaire. La localisation
extraconique provoque, elle, une diplopie par perte de parallé-
lisme des axes visuels. Rarement, en cas de situation antérieure, la
tumeur est visible à travers la conjonctive, se présentant comme
une tuméfaction rougeâtre ou palpable, sous la forme d’une masse
mobile, assez ferme, lisse. La survenue d’une hémorragie intra-
tumorale peut provoquer une exophtalmie aiguë. La survenue
d’hémorragies sous-conjonctivales est assez évocatrice.
Imagerie
L’échographie montre une masse bien limitée, très échogène,
avec alternance de zones faiblement et fortement échogènes. Elle
montre de larges espaces vasculaires contenant un flux lent, bien Figure 9. Hémangiopéricytome. Imagerie par résonance magnétique,
mis en évidence au Doppler couleur. En tomodensitométrie, la coupe coronale. Forte prise de contraste de la tumeur située à la fois en
lésion est bien limitée, encapsulée, hyperdense, se rehaussant légè- intra- et en extraconique inférieur.
rement après injection, mais moins que les muscles adjacents. On
peut parfois constater la présence de phlébolithes au sein de la
tumeur. L’IRM permet un bilan préopératoire précis ; on voit très distance. La récidive est extrêmement fréquente malgré une prise
bien les espaces vasculaires remplis de produit de contraste, sépa- en charge chirurgicale à type d’exentération. Du point de vue ima-
rés par les septas. La lésion est en isosignal par rapport au muscle gerie, ces tumeurs prennent fortement le contraste aussi bien en
en T1 et en hypersignal en T2. L’injection de gadolinium aug- tomodensitométrie qu’en IRM. Elles sont hypervascularisées en
mente de façon hétérogène le signal. Rarement une artériographie échodoppler couleur.
est nécessaire pour confirmer le diagnostic.
Traitement
Tumeurs osseuses ou cartilagineuses
Il est uniquement chirurgical : exérèse en totalité de la tumeur,
facilitée par l’existence d’une capsule. L’exérèse est en général Ostéomes
aidée par l’utilisation d’une cryode ou éventuellement par la
Ils prennent naissance à partir de n’importe quel sinus, fron-
vidange de l’hémangiome. La coagulation du ou des pédicules
tal, ethmoïdal, maxillaire ou sphénoïdal. Ce sont des tumeurs
nourriciers limite les risques d’hémorragie peropératoire. Les réci-
bénignes qui se développent vers la cavité orbitaire. D’évolution
dives sont exceptionnelles, la transformation maligne inexistante.
lente, longtemps asymptomatiques, ils peuvent se manifester par
L’indication opératoire doit tenir compte de la symptomatolo-
la survenue d’une mucocèle si l’ostéome bloque le drainage du
gie présentée par le patient et de la localisation de la tumeur ;
sinus.
en cas de forme paucisymptomatique, de tumeur de petite taille,
La tumeur se manifeste habituellement avant 50 ans, le plus
postérieure, l’abstention est souvent requise.
souvent chez l’homme. L’association avec une polypose intesti-
nale pouvant dégénérer sur un mode malin réalise le syndrome
Hémangiopéricytomes (Fig. 9) de Gardner et impose un bilan digestif.
L’hémangiopéricytome a un pronostic beaucoup plus réservé La tomodensitométrie montre une ostéocondensation intrasi-
que l’hémangiome caverneux. Histologiquement, il s’agit de capil- nusienne, ronde, sessile ou pédiculée.
laires noyés dans une prolifération de péricytes, entourés d’une L’ostéome du sinus frontal, le plus fréquent, peut parfois être
capsule moins marquée que pour l’hémangiome caverneux. Cette palpé, sous la forme d’une masse dure, indolore, à la partie supé-
tumeur bleutée présente une disposition vasculaire en fougère, rieure du canthus médial. Il peut refouler le globe oculaire en
avec des cellules fusiformes en amas denses, positives pour la réti- bas et en dehors, comme une mucocèle, et s’associer également
culine et le CD34. Elle peut être bénigne ou maligne. Il ne semble à des signes oto-rhino-laryngologiques (ORL) : épistaxis, sinusite
pas exister de corrélation entre le taux de mitose et l’évolution ou obstruction nasale.
ultérieure. On oppose les formes primitives aux formes propagées La localisation ethmoïdale postérieure ou sphénoïdale peut se
à partir d’une structure de voisinage ou métastasées à partir d’un développer vers le canal optique avec compression du nerf optique
hémangiopéricytome situé à distance. Là encore la localisation ou vers la fissure orbitaire supérieure. Le diagnostic différentiel
peut être intra- ou extraconique, souvent supérieure, responsable avec un méningiome peut être difficile. La masse est parfois visible
alors d’une masse palpébrale. L’aspect clinique ressemble à celui en rhinoscopie.
d’un hémangiome caverneux avec toutefois une évolution un peu Le traitement est la simple surveillance dans les formes anté-
plus rapide, et la possibilité de rupture spontanée et de méta- rieures, asymptomatiques ; il est chirurgical avec exérèse précoce
stases à distance. En imagerie, la tumeur est moins bien limitée totale dans les formes postérieures à risque visuel. L’abord se fait
qu’un hémangiome caverneux et prend beaucoup plus fortement habituellement par voie endonasale, endosinusienne, ORL. En cas
le contraste en tomodensitométrie. L’échodoppler couleur montre d’exérèse incomplète, des récidives sont possibles.
l’hypervascularisation tumorale.
Traitement Ostéoblastomes
Il est chirurgical ; l’exérèse doit être totale, si possible en respec- Constitués de tissus osseux et fibreux, contenant des ostéo-
tant la capsule. La biopsie est contre-indiquée en raison des risques blastes, les ostéoblastomes sont des tumeurs osseuses bénignes,
hémorragiques et de dissémination. Les récidives sont fréquentes très rares au niveau orbitaire. Ils touchent des sujets jeunes, avant
en cas d’exérèse incomplète, parfois tardives, nécessitant alors un 30 ans, tout comme les fibromes ossifiants auxquels ils sont parfois
traitement radical avec exentération en l’absence de métastases. rattachés. Du point de vue imagerie, on note une zone centrale
Certains auteurs conseillent la radiothérapie s’il existe des méta- d’ostéolyse peu dense, entourée d’une zone d’ostéocondensation
stases. circulaire ; l’exérèse chirurgicale est conseillée.

Hémangioendothéliomes malins Kystes osseux anévrismaux


ou angiosarcomes (Fig. 10) Pathologie plutôt de l’adolescent ou de l’adulte jeune, ces kystes
Ces tumeurs sont liées à la prolifération de cellules endo- sont rares au niveau orbitaire, le plus souvent rencontrés au niveau
théliales malignes. Rares au niveau de l’orbite, elles ont une de l’os frontal. Il s’agit d’une dystrophie osseuse pseudotumorale
évolution assez rapide, infiltrant l’orbite et pouvant métastaser à comportant une cavité centrale souvent polykystique contenant

8 EMC - Ophtalmologie
Tumeurs de l’orbite de l’adulte : classification  21-650-A-30

A B
Figure 10. Hémangioendothéliome malin ou angiosarcome.
A. Angiosarcome orbitaire inférieur gauche ayant entraîné une nécrose cutanée.
B. Imagerie par résonance magnétique en image de perfusion–diffusion du même patient qui montre la prise de contraste importante de l’angiosarcome,
traduisant son hypervascularisation.

du sang frais. À la tomodensitométrie, la lésion est hyperdense qui le plus souvent n’empêche pas l’issue fatale. Radiothérapie et
et prend fortement le contraste de manière hétérogène avec une chimiothérapie n’ont pas fait la preuve de leur efficacité.
ostéolyse sans rupture corticale. L’exérèse chirurgicale, même
incomplète, est indiquée et permet la guérison. Chondromes
D’origine cartilagineuse, ces tumeurs bénignes sont rares au
Tumeurs à cellules géantes (tumeurs niveau de l’orbite, prenant souvent leur origine sur la trochlée du
à myéloplaxes ou ostéoclastomes) muscle oblique supérieur ou sur la caroncule. Rencontrées après
Exceptionnelle dans l’orbite, il s’agit d’une tumeur rougeâtre, 40 ans, leur évolution est lente, parfois douloureuse. Radiologi-
friable, limitée par une coque osseuse très mince, pouvant se quement, c’est une tumeur dense, moins dense que l’os adjacent,
rompre. Survenant chez l’adulte jeune après 20 ans, elle se avec parfois des calcifications. L’exérèse complète a été recom-
manifeste radiologiquement par une zone d’ostéolyse. Histologi- mandée en raison des risques de récidive et de transformation
quement, certaines tumeurs sont malignes avec présence d’atypies maligne.
cellulaires et possibilité de métastases, en particulier pulmonaires.
Le traitement consiste en une exérèse soigneuse avec curetage Chondrosarcomes
osseux, avec, pour certains auteurs, une radiothérapie complé- Rarement primitifs, ils se développent souvent sur une mala-
mentaire. Les récidives sont fréquentes, en général liées à une die de Paget ou après une radiothérapie, ou proviennent de
exérèse insuffisante, et peuvent conduire à une exentération. Les l’extension d’une tumeur sinusienne. Proches histologiquement
métastases sont imprévisibles. de l’ostéosarcome, leur pronostic serait toutefois un peu meilleur
On peut en rapprocher les tumeurs brunes de du fait de l’évolution plus lente.
l’hyperparathyroïdie, encore appelées tumeurs osseuses de À point de départ situé au niveau de la paroi médiale de l’orbite,
von Recklinghausen ou ostéites fibrokystiques qui se présentent ils entraînent rapidement exophtalmie et douleurs. Ils peuvent
également sous la forme d’une ostéolyse. Exceptionnelles au se manifester par des signes rhinologiques : obstruction nasale,
niveau de l’orbite, le dosage de la parathormone permet le épistaxis. Radiologiquement, l’ostéolyse anarchique prédomine.
diagnostic. Le traitement est l’excision chirurgicale large. Les récidives sont
fréquentes. Radiothérapie et chimiothérapie sont peu efficaces.
Angiomes osseux Le pronostic reste sombre du fait du risque d’extension intracrâ-
Ce sont des tumeurs vasculaires intraosseuses bénignes, prenant nienne ; en revanche les métastases sont plus rares.
fortement le contraste en tomodensitométrie. Une artériographie Le chondrosarcome mésenchymateux touche la femme jeune ;
peut permettre une éventuelle embolisation. histologiquement, ces tumeurs sont constituées de cellules mésen-
chymateuses indifférenciées et de cartilage. L’exérèse large avec
exentération orbitaire est conseillée. Les métastases sont possibles.
Ostéosarcomes ou sarcomes ostéogéniques
Tumeur maligne de très mauvais pronostic, l’ostéosarcome orbi- Maladie de Paget ou ostéite déformante
taire est rare, secondaire le plus souvent à une irradiation orbitaire,
Elle peut toucher l’orbite et être responsable d’une exophtalmie.
en particulier pour rétinoblastome. Le délai d’apparition de la
Des dégénérescences malignes sont possibles sur ce terrain.
tumeur est variable, et est en général tardif, supérieur à cinq ans.
Certains cas ont été décrits, se développant sur une maladie de
Paget. La lésion est située le plus souvent au niveau du sphénoïde.
Dysplasie fibreuse
Cliniquement, l’évolution est rapide : exophtalmie, déplace- Il s’agit d’une dystrophie osseuse bénigne caractérisée histolo-
ment du globe, associé à des douleurs et souvent un œdème giquement par la présence d’un tissu fibreux associé à du tissu
palpébral, puis rapidement apparaissent une altération de l’état osseux sans ostéoblaste. Touchant préférentiellement l’adolescent
général, une extension intracrânienne ou des métastases sur- ou l’adulte jeune, parfois associée à la maladie de von Recklin-
tout pulmonaires, conduisant au décès du patient, souvent dans ghausen, elle peut être monostotique, ne touchant qu’un seul os,
l’année suivant l’apparition de la tumeur. La tomodensitométrie ou polyostotique, touchant plusieurs os. Elle est liée à une ostéoge-
montre une ostéocondensation souvent anarchique avec rupture nèse formant des travées osseuses mais sans ostéoblaste. Lorsqu’il
de la corticale osseuse, calcifications péritumorales et parfois zones s’agit d’une forme monostotique, elle est le plus souvent unila-
d’ostéolyse associées. Le traitement consiste en une excision large térale, touchant par ordre de fréquence décroissant l’os frontal,

EMC - Ophtalmologie 9
21-650-A-30  Tumeurs de l’orbite de l’adulte : classification

A B C
Figure 11. Tumeur de la glande lacrymale.
A. Volumineux dacryops droit.
B. Adénome pléomorphe droit. Noter l’aspect de
la paupière déformée en S.
C. Adénome pléomorphe droit vu de profil.
D. Masse lacrymale gauche visible dans le cul-
de-sac supérieur.
E. Imagerie par résonance magnétique en T1,
coupe axiale. Masse lacrymale ; l’ablation de
cette masse conclut à une sarcoïdose.

D E

le maxillaire ou l’ethmoïde. Elle se présente comme une masse sur la moitié latérale de la paupière supérieure qui prend un aspect
avec déviation du globe oculaire vers le bas, souvent un larmoie- assez typique en S. Ces tuméfactions sont palpables au niveau
ment par compression du conduit lacrymonasal, une exophtalmie de l’angle supérolatéral de l’orbite, et parfois même visibles en
non axile, indolore. Elle peut parfois entraîner une compression retournant la paupière supérieure.
du nerf optique au sein du canal optique. Elle engendre une asy- De très nombreux processus peuvent entraîner une tuméfac-
métrie faciale souvent inesthétique. Le risque de transformation tion lacrymale. Teo et al. [21] , sur 66 patients présentant une masse
maligne existe, il est faible, estimé à 0,5 %, mais peut augmen- lacrymale, retrouvent une prédominance féminine (84 %), une
ter jusqu’à 15 % en cas de radiothérapie. L’évolution est lente, atteinte bilatérale dans 30 % des cas. Par ordre de fréquence, il
s’arrêtant en général à la fin de l’adolescence ; elle peut parfois être s’agissait d’une dacryoadénite chronique (46 %), de troubles lym-
réactivée lors de grossesse. Du point de vue imagerie, l’os touché phoprolifératifs (38 %), d’un adénome pléomorphe (10 %), puis
est épaissi d’une manière souvent inhomogène avec des foyers de façon beaucoup plus rare d’un carcinome adénoïde kystique.
lytiques et parfois des aspects kystiques donnant un aspect de Parmi les causes non tumorales de tuméfaction lacrymale uni-,
verre dépoli ou pagetoïde avec alternance de zones transparentes parfois bilatérale, on retrouve les dacryoadénites qui entrent
et d’hyperdensité. Cette maladie peut entraîner une micro-orbite dans le cadre des orbitopathies inflammatoires idiopathiques,
avec hypoplasie du sinus frontal du côté atteint. les atteintes de maladies systémiques comme la sarcoïdose qui
Dans une étude portant sur 42 patients, Rahman et al. [20] font partie des orbitopathies inflammatoires spécifiques. Les lym-
retrouvent une atteinte unilatérale dans 88 % des cas ; lorsque phomes localisés à la glande lacrymale seront traités avec les
l’atteinte est bilatérale, il s’agit le plus souvent d’un syndrome lymphomes orbitaires. On oppose classiquement les tumeurs épi-
d’Albright. L’os frontal était le plus atteint, dans 64 % des cas, puis théliales et les tumeurs non épithéliales.
le sphénoïde, dans 57 % des cas ; dans 76 % des cas l’atteinte était
monostotique. Le patient présentait une asymétrie faciale dans
Tumeurs non épithéliales
90 % des cas, une atteinte radiologique du canal optique dans 37 %
des cas avec une atrophie optique dans 19 % des cas. Elles peuvent être bénignes, exceptionnelles, représentées par
L’abstention thérapeutique est la règle lors de dysplasie peu des fibromes, des angiomes de la glande. On peut les rappro-
symptomatique. En cas de forme symptomatique, la résection cher des dacryops, relativement fréquents, constituant un kyste
chirurgicale est indiquée, l’exérèse devant être totale du fait du pseudotumoral touchant toute ou partie de la glande lacrymale
risque de récidive en cas d’excision partielle. La radiothérapie est palpébrale dont l’aspect kystique peut être confirmé en échogra-
contre-indiquée du fait du risque de transformation maligne sous phie et éventuellement en tomodensitométrie.
la forme d’un sarcome. Certaines hyperplasies lymphoïdes bénignes, souvent bilaté-
Le fibrome ossifiant est une forme de dysplasie fibreuse congé- rales, ne peuvent être affirmées que par une biopsie. Associées à
nitale. Le syndrome d’Albright associe une dysplasie fibreuse, une une infiltration des glandes salivaires, elles réalisent le syndrome
puberté précoce et des taches cutanées pigmentées. Il touche prin- de Mikulitz.
cipalement les femmes. Lorsqu’elles sont malignes, ce sont principalement des lym-
phomes localisés à la glande lacrymale (cf. infra), beaucoup plus
rarement des métastases.
Tumeurs de la glande lacrymale (Fig. 11)
Extrêmement fréquentes, les tuméfactions de la glande lacry-
Tumeurs épithéliales
male sont responsables d’une exophtalmie non axile avec un Beaucoup plus fréquentes, elles peuvent également être
globe dévié en bas et en dedans, avec souvent un ptosis portant bénignes ou malignes. Weis et al. [22] , reclassant 118 tumeurs sur

10 EMC - Ophtalmologie
Tumeurs de l’orbite de l’adulte : classification  21-650-A-30

la base de la classification de l’Organisation mondiale de la santé Tableau 1.


(OMS) concernant les tumeurs des glandes salivaires, retrouvent Classification TNM de l’American Journal Committee on Cancer [25] .
par ordre de fréquence un adénome pléomorphe (48 %), puis un T1 ≤ 2,5 cm Limitée à la glande
carcinome adénoïde kystique (32 %), un carcinome à l’intérieur
T2 ≤ 2,5 cm Atteignant le périoste
d’un adénome pléomorphe (8 %), un adénocarcinome (3 %), un
carcinome mucoépidermoïde (2 %) et des tumeurs beaucoup plus T3 De 2,5 à 5 cm
rares. T3a Limitée à la glande
T3b Atteignant le périoste
Tumeurs épithéliales bénignes T4 > 5 cm
Adénomes monomorphes ou simples
T : tumeur ; N : adénopathie ; M : métastase à distance.
Ils sont très rares.
Adénomes pléomorphes
Ce sont des tumeurs mixtes bénignes. Très fréquents, ils repré- Histologiquement, les cellules tumorales, organisées en tubules,
sentent plus de 40 % des tumeurs épithéliales lacrymales. Localisés limitent des cavités contenant un matériel de type mucipare
habituellement à la portion orbitaire de la glande, ils atteignent (PAS+). Histologiquement, l’aspect peut être cribriforme en
beaucoup plus rarement sa portion palpébrale. « fromage suisse » ou de type basaloïde. L’aspect semble corréler
Touchant plus souvent l’homme et le côté droit, ces tumeurs au taux de survie qui est de 70 % à cinq ans pour les cribri-
apparaissent entre 20 et 70 ans ; elles sont en général unilatérales, formes et seulement de 5 à 20 % à cinq ans pour les basaloïdes.
encapsulées. Cliniquement, elles se présentent comme les autres Ces tumeurs sont positives pour la protéine S100, l’actine, la
tumeurs lacrymales, avec toutefois une évolution lente et peu ou kératine. La tumeur est infiltrante et envahit le périoste, l’os, les
pas de douleurs. vaisseaux et les nerfs, expliquant les douleurs. Radiologiquement,
Histologiquement, cette tumeur comporte une prolifération les signes évocateurs sont l’existence de signes osseux : zones
de cellules épithéliales bénignes dans un stroma de cellules d’ostéolyse ou d’ostéocondensation, et présence de calcifications
fusiformes, avec parfois présence de cartilage, d’os, limitée par intratumorales très évocatrices. En tomodensitométrie, la lésion
une pseudocapsule. Ces tumeurs sont positives pour la kéra- est spontanément hyperdense, prenant fortement le produit de
tine, l’actine, la myosine, la protéine S100. Radiologiquement contraste. Elle est mal limitée et peut envahir le muscle droit
en tomodensitométrie, la masse apparaît bien limitée, spontané- latéral. En IRM, le signal n’est pas spécifique en hyposignal T1 et
ment hyperdense, prenant modérément le contraste, parfois de hyposignal T2. L’IRM visualise au mieux l’extension vers la fosse
façon très hétérogène. Elle engendre un élargissement de la fos- temporale, la dure-mère ou l’endocrâne. L’évolution est péjorative
sette lacrymale avec érosion osseuse, souvent limité par un liseré avec un risque métastatique et de récidive important. La survie
plus dense, mais ne présentant jamais d’ostéolyse ni de calcifica- moyenne est de trois à cinq ans. Le traitement est classiquement
tions intratumorales. L’IRM ne permet pas de différencier cette chirurgical : exérèse aussi large que possible, parfois exentération
lésion d’une lésion maligne. La prise de contraste est hétérogène d’emblée, voire exentération élargie, au toit, à la paroi latérale de
après injection de gadolinium. l’orbite et au muscle temporal. Le traitement est complété par une
Le traitement est chirurgical : classiquement, il faut réaliser une radiothérapie externe, les cylindromes étant plus ou moins radio-
exérèse en bloc de la tumeur, en respectant la capsule. Toute ponc- sensibles. L’American Joint Committee on Cancer [25] donne une
tion ou biopsie est formellement contre-indiquée du fait du risque classification TNM (tumeur, adénopathie, métastase) concernant
de dissémination orbitaire et de récidive. On utilise habituelle- ces adénocarcinomes kystiques. La prise en charge de 53 patients,
ment une orbitotomie latérale de type Krönlein, de même que dont 38 patients (72 %) avaient d’emblée un stade supérieur à T3,
pour les autres tumeurs lacrymales. a été la suivante : 20 ont subi une exentération orbitaire et une
L’effraction capsulaire ou une biopsie augmenterait le nombre radiothérapie postopératoire, six ont subi une exentération sans
de récidives. Leur fréquence passerait de 3 à 32 % en cas de biop- radiothérapie et 12 ont eu une chirurgie conservatrice du globe
sie [23] . La biopsie est considérée comme facteur de récidive et oculaire. Les patients ayant eu une chirurgie conservatrice ont
même de transformation maligne secondaire. Cela est actuel- présenté un risque de récidive plus important que ceux exen-
lement discuté (cf. infra). En cas de récidive, le traitement est térés. Seulement quatre patients des 20 exentérés ayant eu une
chirurgical : exérèse en totalité avec éventuellement résection radiothérapie ont présenté une récidive locale. Globalement, les
osseuse, parfois exentération. La transformation maligne est pos- patients présentant une tumeur de stade T3, plus importante, ont
sible mais tardivement, parfois 20 à 30 ans plus tard. un pronostic nettement moins bon que ceux ayant une tumeur
inférieure au stade T3 (Tableau 1).
Adénomes oxyphiles ou oncocytomes Williams et al. [26] notent une atteinte osseuse de la fosse de la
Très rares, d’évolution très lente, ces tumeurs sont reconnues glande lacrymale radiologiquement visible chez 13 patients sur 17
par l’anatomopathologiste devant la présence de grandes cellules (76,5 %), confirmée histologiquement chez 11 patients. Globale-
à cytoplasme éosinophile : les oncocytes. Le traitement est chirur- ment, 14 patients sur les 17 présentaient une invasion de la fosse
gical. de la glande lacrymale retrouvée chirurgicalement (82,3 %). Pour
eux, l’atteinte osseuse se voit dans toutes les tumeurs, y compris
Tumeurs épithéliales malignes dans les plus petites (T1). Le Tourneau et al. [27] , de l’Institut
Ce sont des carcinomes, plus rares que les tumeurs bénignes. Curie à Paris, proposent pour les patients à haut risque de récur-
Elles touchent des adultes jeunes, souvent avant 30 ans, ou plus rence, en complément de la chirurgie et de la radiothérapie, une
âgés, après 50 ans. Comparées aux adénomes pléomorphes, leur chimiothérapie à base de cisplatine qui augmenterait la radiosen-
évolution est plus rapide, avec une symptomatologie évoluant sur sibilité. Cette chimiothérapie a donné des résultats en matière de
quelques mois, et surtout des douleurs quasi constantes. carcinome adénoïde salivaire. Elle n’est pas dénuée de toxicité
générale. Gensheimer et al. [28] rapportent 11 cas de carcinomes
Carcinomes adénoïdes kystiques ou cylindromes adénoïdes kystiques de la glande lacrymale traités par radiothéra-
pie à base de neutrons, le plus souvent après chirurgie. Pour eux,
(adénocarcinomes kystiques) cette radiothérapie permet un contrôle excellent à cinq ans. Sur les
Les carcinomes adénoïdes kystiques de la glande lacrymale 11 patients, trois ont présenté une récidive locale, quatre des méta-
représenteraient 1,6 % de toutes les tumeurs orbitaires et 76 % stases à distance et six sont décédés, deux patients ont dû subir une
des tumeurs malignes épithéliales de la glande [24] . Survenant chez énucléation. D’autres radiothérapies à haute dose par électrons,
l’adulte jeune, en moyenne 40 ans, avec une prédominance fémi- par photons, ont été proposées, de même que des chimiothé-
nine, ces tumeurs sont d’évolution rapide, sur quelques mois, avec rapies intracarotidiennes précédant une exentération. Tous ces
des phénomènes douloureux. Les signes visuels à type de diplo- traitements donnent des résultats moyens. Le petit nombre de
pie, de baisse de l’acuité visuelle sont plus précoces que lors de ces tumeurs ne permet pas des analyses statistiques comparées.
tumeurs bénignes. Dans la plupart des cas, une extension périneurale vers le sinus

EMC - Ophtalmologie 11
21-650-A-30  Tumeurs de l’orbite de l’adulte : classification

caverneux est responsable de récidives multiples, douloureuses, Tableau 2.


avec des extensions intracrâniennes et une mortalité avant dix Schéma décisionnel de Rose [22] .
ans. –1 +1
Signes cliniques
Carcinomes dans un adénome pléomorphe
Durée < 10 mois > 10 mois
Parfois appelées tumeurs mixtes malignes, elles sont quel- Douleur Présente Absente
quefois de découverte histologique au sein d’un adénome
Déficit sensitif Présent Absent
pléomorphe typique : on découvre des foyers carcinomateux
plus ou moins étendus, présentant toutes les caractéristiques Signes radiologiques
des tumeurs malignes. Ailleurs, c’est l’aggravation rapide de la Masse bien limitée ronde ou ovale Absente Présente
symptomatologie clinique d’une tumeur apparemment bénigne, Moulage de la masse sur le globe ou la Présent Absent
notamment l’apparition de douleurs ou de signes inflammatoires paroi latérale
qui le font évoquer. Radiologiquement, on peut noter une rup- Calcification Présente Absente
ture capsulaire, des signes d’envahissement osseux : ostéolyse ou
Invasion osseuse Présente Absente
ostéocondensation, parfois des calcifications intratumorales. Le
pronostic devient réservé du fait de l’extension locale et du risque Durée des signes par rapport au Grande Petite tumeur
métastatique. Il est toutefois meilleur que celui des carcinomes volume tumoral tumeur
adénoïdes kystiques, avec une survie moyenne de 12 ans. Le trai- Durée courte Durée longue
tement est chirurgical : exérèse totale, parfois exentération, voire Score entre –8 et +2 : biopsie (carcinome probable)
exentération élargie. Score entre –6 et +2 : biopsie (tumeur mixte maligne probable)
Score entre +3 et +8 : excision sans biopsie (tumeur mixte bénigne
Adénocarcinomes probable)

Plus rares que les cylindromes, ils touchent l’adulte à partir de


40 ans. Le pronostic reste réservé, avec des métastases fréquentes.
est indéfendable de réaliser une biopsie de la masse lacrymale si
Lorsqu’il est peu différencié, il réalise l’épithélioma atypique
l’imagerie suggère un adénome pléomorphe, cela afin de garder
infiltrant. Le traitement comporte une exentération avec radio-
toutes ses chances au patient pour une guérison complète de la
thérapie complémentaire.
tumeur.
Épithéliomas
Malpighiens ou végétants intracanalaires, ces tumeurs malignes
Tumeurs hématologiques
sont rares. Lymphomes non hodgkiniens (Fig. 12)
Les lymphomes sont des tumeurs très fréquentes. Leur inci-
Carcinomes mucoépidermoïdes
dence augmenterait de 3 à 4 % par an, avec une augmentation
Tumeurs très rares, touchant plutôt la femme, elles représen- cumulée de 50 % durant les 15 à 20 dernières années. Ils sont
teraient 2 % des tumeurs épithéliales. Les métastases sont rares considérés actuellement comme la cinquième ou sixième tumeur
et tardives. C’est l’histologie qui affirme le caractère mucoépider- maligne chez l’adulte.
moïde en montrant des cellules mucipares prenant le PAS au sein La localisation orbitaire est devenue actuellement la tumeur pri-
d’une prolifération carcinomateuse. Le traitement est identique à mitive de l’orbite la plus fréquente chez l’adulte. Cette atteinte
celui des carcinomes adénoïdes kystiques. peut être uni- ou bilatérale, associée ou non à une atteinte systé-
mique généralisée qu’il faut toujours rechercher. C’est l’une des
Conduite à tenir devant une tumeur lacrymale rares tumeurs bilatérales rencontrées au niveau orbitaire avec les
métastases. Cliniquement et histologiquement, les lymphomes
La présence d’une masse située au niveau de la glande lacrymale
posent des problèmes de diagnostic différentiel, parfois difficile
confirmée par l’imagerie pose toujours un problème diagnos-
avec les hyperplasies lymphoïdes (surtout en cas de forme à petites
tique. Il peut en effet s’agir d’une dacryoadénite, d’une sarcoïdose,
cellules) et les orbitopathies inflammatoires idiopathiques, ces
d’une hyperplasie lymphoïde, d’un lymphome ou d’un adé-
deux entités pouvant secondairement se transformer en lym-
nome pléomorphe. Classiquement, la biopsie permet de faire la
phome.
différence ; elle était jusqu’à présent contre-indiquée en cas de sus-
Les lymphomes peuvent toucher toutes les structures orbitaires :
picion d’adénome pléomorphe ; le praticien se trouvait devant un
la conjonctive, la glande lacrymale, les muscles oculomoteurs,
dilemme : réaliser une biopsie par un abord simple ne permettant
etc. Soixante-dix pour cent des lymphomes sont de siège plutôt
pas une exérèse en totalité en cas de tumeur bénigne, ou envi-
antérieur, 28 % sont bilatéraux. La localisation est le plus souvent
sager d’emblée l’exérèse large par une orbitotomie avec dépose
extraconique, pouvant s’étendre en intraconique. La glande lacry-
osseuse. Les caractères cliniques, évolutifs, l’existence de douleurs,
male est le siège de la tumeur dans environ 50 % des cas (27 cas
les signes radiologiques peuvent orienter la décision mais ne per-
pour Rassmussen au Danemark [32] ). L’atteinte des muscles ocu-
mettent jamais une certitude préopératoire. Différents schémas,
lomoteurs est plus rare : 47 cas décrits dans la littérature d’après
dont ceux de Stewart, de Wright, de Rose, peuvent guider ce choix.
Watkins et al. [33] et cinq cas décrits par Izambart et al. [34] .
Nous retiendrons le schéma décisionnel de Rose (Tableau 2).
Schématiquement, trois éléments permettent de penser à une Classification
évolution maligne : une évolution courte et rapide, de moins d’un Les classifications des lymphomes ont été nombreuses par le
an, l’existence de phénomènes douloureux, l’existence de signes passé (Knowles et al. [35] , classification REAL [revised European
osseux en imagerie (ostéolyse ou ostéocondensation). Ces trois American lymphoma]) mais le consensus actuel est d’utiliser la clas-
éléments orientent plutôt, s’ils sont présents, vers une tumeur sification proposée par l’OMS en 2001 et réactualisée en 2008 [36] .
maligne, et conduisent à réaliser une biopsie. Au contraire, en D’une manière générale, il existe une grande variété de lym-
cas de tumeur d’évolution lente depuis plus d’un an, non dou- phomes et un certain nombre d’entre eux concerne les atteintes
loureuse, sans signe osseux en imagerie, il faut plutôt penser à un orbitaires. On distingue les lymphomes issus des lymphocytes B et
adénome pléomorphe. Cette question a été récemment rediscutée ceux, beaucoup moins fréquents mais habituellement plus agres-
dans la littérature à la suite des publications de Jack Rootman [29] . sifs, issus des lymphocytes T. La classification des lymphomes est
Pour Lai et al. [30] , une biopsie préopératoire peut être envisagée basée sur les caractéristiques morphologiques et immunophéno-
pour toutes les masses de la glande lacrymale. Si une résection typiques de l’infiltration tumorale, le plus souvent au niveau
est ensuite nécessaire, ces auteurs conseillent d’exciser de façon ganglionnaire, et sa transposition aux lymphomes extraganglion-
précautionneuse le trajet de la biopsie pour s’assurer d’une abla- naires, comme les lymphomes orbitaires, est parfois mal aisée.
tion complète de la tumeur. À l’inverse, Rose [31] maintient qu’il Pour les lymphomes de phénotype B, on distingue les lymphomes

12 EMC - Ophtalmologie
Tumeurs de l’orbite de l’adulte : classification  21-650-A-30

A B C

D E F

G H
Figure 12. Lymphome.
A. Patiente adressée pour ptosis bilatéral. Lymphome bilatéral.
B. Imagerie par résonance magnétique, coupe coronale, même patiente, montrant un lymphome supérieur bilatéral évolué.
C. Lymphome orbitaire inférieur gauche se manifestant principalement par un globe oculaire refoulé vers le haut et des signes inflammatoires.
D. Lymphome orbitaire supérieur inflammatoire, adressé pour ptosis.
E. Imagerie par résonance magnétique en T2, coupe axiale. Lymphome occupant la quasi-totalité de l’espace rétro-oculaire.
F. Imagerie par résonance magnétique en T1, coupe coronale. Lymphome supérieur refoulant et écrasant le globe oculaire.
G. Aspect typique de lymphome lors d’une orbitotomie antérieure.
H. Lymphome orbitaire à cellules T.

issus du centre germinatif : lymphomes folliculaires, lymphomes B les lymphomes B à petites cellules, il existe un risque de transfor-
à grandes cellules, de ceux qui sont issus de la couronne péri- mation histologique en un lymphome B à grandes cellules après
folliculaire : lymphomes à cellules du manteau ou des zones plusieurs années dans 15 à 20 % des cas.
interfolliculaires : lymphome de la zone marginale. Lorsqu’il s’agit Demirci et al. [37] , sur 106 cas, notent que 16 % vont développer
de lymphomes de la zone marginale développés dans les tissus un lymphome généralisé dans les 152 mois du suivi, principale-
non ganglionnaires, on utilise alors le terme de lymphome de la ment sous la forme d’adénopathies abdominales.
zone marginale de type MALT (mucosa associated lymphoid tissue). Les lymphomes folliculaires et à cellules du manteau peuvent
Le type de lymphome le plus souvent rencontré au niveau orbi- aussi concerner l’orbite. Ces deux types de lymphome ont des
taire et conjonctival est le lymphome de type MALT, représentant caractéristiques morphologiques immunophénotypiques (expres-
40 à 60 % des localisations orbitaires. Il touche les deux sexes sion du CD10 pour les folliculaires, du CD5 pour les lymphomes
vers 60 ans. Il s’agit d’un lymphome extraganglionnaire à petites à cellules du manteau) et cytogénétiques (translocation [t14;18])
cellules B, de morphologie pléomorphe, représentant 7 à 8 % de pour les folliculaires et ([t11;14]) pour les lymphomes à cellules
l’ensemble des lymphomes de type B. Les lymphomes de MALT du manteau. Ces deux formes sont exceptionnellement localisées
peuvent concerner un certain nombre de tissus tels que l’estomac, au niveau orbitaire, mais se voient au cours d’une atteinte systé-
le poumon, les glandes salivaires. Si un lien très fort entre les lym- mique, soit d’emblée, soit lors d’une rechute (en particulier pour
phomes MALT de l’estomac et la colonisation de la muqueuse les lymphomes à cellules du manteau). Rasmussen et al. [38] notent
gastrique par Helicobacter pylori a pu être démontré, certains agents que les lymphomes à cellules du manteau orbitaire ou annexiel
infectieux ont été incriminés dans la genèse des lymphomes orbi- surviennent chez des patients de plus de 60 ans, de façon bilatérale
taires (Chlamydia psittaci, Borrelia et éventuellement Chlamydia dans 70 % des cas.
trachomatis). Ces lymphomes sont habituellement très radiosen- Les lymphomes diffus à grandes cellules B, qui représentent
sibles. Ils ont un bon pronostic même si une diffusion systémique 30 à 40 % des lymphomes non hodgkiniens systémiques, sont
est observée jusque dans 50 % des cas à dix ans. Comme pour tous beaucoup plus rares au niveau orbitaire ; ils peuvent survenir de

EMC - Ophtalmologie 13
21-650-A-30  Tumeurs de l’orbite de l’adulte : classification

novo ou résulter de la transformation d’un lymphome B de bas polyclonale. En cas de lymphome, on retrouve des lymphocytes
grade, comme souligné plus haut. Leur comportement clinique bien différenciés associés à des plasmocytes, des macrophages,
est plus agressif, avec des signes compressifs plus rapides. Ces lym- des éosinophiles et des follicules avec des centres germinaux
phomes de haut grade de malignité présentent plusieurs variances comportant une activité mitotique. En cas d’hyperplasie lym-
morphologiques : centroblastiques, immunoblastiques ou anapla- phoïde atypique, il existe également une prolifération diffuse mais
siques. sans centres germinaux, avec des lymphocytes de caractère plus
Un autre lymphome à cellules B de haut grade de malignité est mature. Ce sont les lymphomes de type MALT qui posent le plus
le lymphome de Burkitt, très agressif, avec un temps de double- de problèmes de diagnostic différentiel avec les hyperplasies lym-
ment habituellement court. Il touche préférentiellement l’enfant phoïdes, l’immunohistochimie objective en cas de lymphome,
et l’adolescent. une restriction de chaîne légère lambda ou kappa (␭ ou ␬), et la
À côté de ces lymphomes à cellules B, il existe des lymphomes à biologie moléculaire met en évidence un réarrangement clonal B.
cellules T, plus rares d’une manière générale (15 % de l’ensemble
des lymphomes) et très rares au niveau orbitaire, alors habituel- Traitement
lement associés à une diffusion systémique ganglionnaire et/ou La découverte d’un lymphome orbitaire impose un bilan
viscérale. Leur diagnostic peut être malaisé sur le plan histopatho- général complet avec hémogramme, biopsie ostéomédullaire,
logique. Pour les lymphomes à cellules NK, associés dans 100 % examen ORL, tomodensitométrie thoracique et abdominale, élec-
des cas au virus d’Epstein-Barr (EBV), l’atteinte orbitaire est une trophorèse des protéines, lactodéshydrogénase (LDH), bêta-2
atteinte de contiguïté d’un lymphome issu du nasopharynx, du microglobulinémie, sérologies virales et éventuellement ponction
palais ou des fosses nasales, et qui habituellement présentent des lombaire, afin de différencier les formes purement orbitaires de
ulcérations très nécrotiques et une lyse osseuse. celles entrant dans le cadre d’un lymphome généralisé.
Schématiquement, le risque de développement d’un lymphome
Signes cliniques
systémique est plus important en cas de localisation orbitaire,
D’évolution relativement lente, les lymphomes se manifestent en particulier lacrymale, qu’en cas de localisation conjonctivale,
par une exophtalmie progressive, non douloureuse, peu inflam- mais moins qu’en cas de lymphome palpébral.
matoire, s’étendant parfois à la paupière ou à la conjonctive, Le traitement est mis en route par les hématologistes et dépend
réalisant des tumeurs orbitopalpébrales ou orbitoconjonctivales. du type histologique du lymphome, des données du bilan
L’existence au niveau conjonctival, d’une tuméfaction de colora- d’extension et bien sûr du contexte général. Les moyens thérapeu-
tion rose saumonée, est tout à fait caractéristique du lymphome. tiques sont représentés par la radiothérapie et la chimiothérapie
Selon la localisation et l’étendue de la masse lymphomateuse, souvent associées, dans le contexte des lymphomes B, à l’anticorps
les signes cliniques seront différents : signes compressifs en cas monoclonal contre l’antigène CD20 (rituximab).
de lymphome orbitaire diffus avec signes visuels et signes ocu- Dans les lymphomes MALT localisés, on réalise en général une
lomoteurs à type de diplopie, apparition d’une masse en cas de radiothérapie car ces tumeurs sont très radiosensibles, sauf en cas
localisation plus antérieure, aspect de tuméfaction de la glande d’exérèse possible complète d’une petite lésion. La dose habituelle
lacrymale, non spécifique. est comprise entre 20 et 30 Gy. Certaines équipes ont proposé une
Imagerie chimiothérapie seule ou des anticorps monoclonaux seuls. Le pro-
En tomodensitométrie, on note souvent une masse diffuse, nostic est en général excellent. La radiothérapie à doses limitées
homogène, mal limitée, s’étendant en coulée, en particulier le permet un contrôle local dans la très grande majorité des cas, avec
long de la paroi latérale de l’orbite avec augmentation de la den- bien sûr les risques inhérents de cette radiothérapie.
sité des tissus mous sans atteinte osseuse. Le lymphome semble se Dans les formes MALT avancées, le traitement est en général une
mouler sur les composants intraorbitaires, que ce soit les muscles, chimiothérapie associée à un anticorps monoclonal. Le pronostic
le globe, etc., et les refoule modérément. En cas de forme de haut est généralement bon même si l’éradication de la maladie n’est
grade de malignité, il peut exister une ostéolyse ou une extension généralement pas possible.
extraorbitaire. En cas de forme antérieure, l’échographie montre Dans les localisations des lymphomes à cellules du manteau ou
une masse tissulaire pseudoencapsulée, plus ou moins vascula- des folliculaires qui sont généralement associées à une atteinte
risée en échodoppler couleur. L’IRM précise l’extension et les systémique, une chimiothérapie et des anticorps appropriés au
répercussions possibles sur les structures orbitaires. La masse est type de lymphome sont utilisés.
classiquement en isosignal par rapport aux muscles en T1, en Pour les lymphomes B à grandes cellules, qu’ils soient localisés
hyposignal T2. ou à un stade avancé, on réalise habituellement une chimiothéra-
pie associée à des anticorps CD20 ; l’intensité de la chimiothérapie
Biopsie étant adaptée au score pronostique (fonction de l’âge, des LDH, du
La biopsie est le temps capital du diagnostic. Elle doit être adres- stade et de l’état général). Habituellement, en France, on ne réalise
sée en état frais, afin de pouvoir congeler une partie de la tumeur pas de radiothérapie dans les formes localisées de lymphomes B à
pour les études ultérieures, suffisante pour permettre une étude grandes cellules, qu’elles soient ganglionnaires ou extraganglion-
histologique avec des immunomarquages par anticorps mono- naires. Ces formes à grandes cellules ont une guérison possible,
clonaux permettant un typage précis du lymphome. En cas de avec un pourcentage dépendant du score pronostique : 75 à 95 %
lymphome, la prolifération est monoclonale alors qu’elle est poly- des formes localisées à LDH normal et 50 % des formes avancées,
clonale en cas d’hyperplasie lymphoïde. globalement, guérissent.
Actuellement, une biopsie en cas de suspicion de lym- Dans un groupe de 122 patients, l’équipe de Jack Rootman [39]
phome doit comporter non seulement une étude histologique et notait 80 % de lymphomes de type MALT, 7 % de lymphomes
anatomopathologique du tissu mais également une étude cyto- agressifs (lymphomes diffus à grandes cellules B, lymphomes
génétique et de biologie moléculaire, avec cytométrie de flux immunoblastiques et lymphomes du manteau). Il notait sur un
et PCR. Ces examens ont pour objectif de démontrer la clona- suivi de cinq ans une progression de la maladie chez 24,4 %
lité de la prolifération lymphoïde, soit par immunohistochimie des patients, le plus souvent retrouvée dans les lymphomes de
(expression prédominante d’une chaîne légère des immunoglo- type non MALT. Dans une autre série [40] concernant les lym-
bulines kappa ou lambda [␬ ou ␭] pour les lymphomes B), soit par phomes diffus à grandes cellules B, sur 37 patients, 11 avaient
PCR, et de rechercher des anomalies cytogénétiques permettant une atteinte systémique lors du diagnostic. Le traitement était
de démontrer la clonalité et de préciser le type du lymphome une chimiothérapie chez 25 patients ; un traitement par rituximab
(par exemple translocation t[8;14]) dans le lymphome de Bur- avec chimiothérapie chez 14 patients et une radiothérapie chez
kitt. Ils permettent un diagnostic plus précis et surtout, dans 19 patients. Au cours du suivi, neuf patients décédèrent ; le pro-
les cas difficiles, de différencier les hyperplasies lymphoïdes et nostic étant moins bon pour les patients présentant une atteinte
les véritables lymphomes. Des études génétiques et de biologie systémique (survie de 36 % selon les courbes de Kaplan-Meier, 0 %
moléculaire ont montré dans les lymphomes des anomalies chro- de survivants pour ceux qui avaient un antécédent connu de lym-
mosomiques et que 90 % des tuméfactions de type lymphomateux phome systémique antérieur). Pour les formes purement locales
présentaient une sécrétion monoclonale, et 10 % une sécrétion (57 %), la radiothérapie associée au rituximab permettait d’obtenir

14 EMC - Ophtalmologie
Tumeurs de l’orbite de l’adulte : classification  21-650-A-30

un taux de 100 % de survivants. Stacy et al. [41] , sur 20 cas de lym-


phome diffus à grandes cellules B, retrouvaient une positivité au
CD20 pour tous les cas.

Maladie de Hodgkin
L’atteinte orbitaire y est exceptionnelle et tardive.

Tumeurs plasmocytaires ou plasmocytomes


Proliférations monoclonales de plasmocytes, les plasmocy-
tomes regroupent des atteintes diffuses généralisées : le myélome
et des atteintes localisées, en général uniques, le plasmocytome.
Plasmocytomes orbitaires isolés
Rares, ils se révèlent par une gammapathie monoclonale à
l’électrophorèse des protéines. Ils touchent plutôt des hommes,
après 50 ans. Le traitement est la radiothérapie avec toutefois
un risque de récidives, ou une exérèse chirurgicale. L’évolution Figure 13. Histiocytose X. Tomodensitométrie, coupe coronale mon-
ultérieure vers un myélome dans un délai variable est toujours trant l’aspect mité, grignoté du plafond orbitaire gauche.
possible.
Myélomes multiples (maladie de Kahler) les tables interne et externe, avec une image souvent caractéris-
Touchant les adultes à partir de 40 ans, surtout des hommes, tique « en grelot ». Dans les formes survenant avant l’âge de 2 ans,
ils représentent 10 à 15 % des tumeurs hématopoïétiques et 1 % la survie n’est que de 50 % contre 87 % dans les formes survenant
des tumeurs malignes. L’atteinte orbitaire est rare, avec en tomo- après 2 ans. Le traitement est le plus souvent l’abstention théra-
densitométrie des géodes osseuses et un aspect pseudoencapsulé. peutique en cas de granulome isolé asymptomatique ; parfois, en
Il s’agit d’une prolifération médullaire maligne de plasmocytes cas de doute diagnostique, une biopsie puis une exérèse chirur-
responsables de la destruction osseuse et sécrétant une immu- gicale avec curetage soigneux de la géode peuvent être réalisées
noglobuline monoclonale. L’évolution est souvent fatale (la ou une injection de corticoïdes ou éventuellement une radiothé-
moyenne de survie est actuellement de sept ans alors qu’elle rapie. Dans les formes diffuses de l’enfant, une chimiothérapie
était de trois ans il y a 15 ans pour cette maladie incurable). En est en général nécessaire. Pour Vosoghi et al. [42] , sur 24 patients,
IRM, l’aspect ressemble à celui des lymphomes. L’atteinte du tissu l’âge moyen au moment du diagnostic était de 2 ans. Neuf patients
mou est plus rare. Elle s’accompagne d’une hypercalcémie, d’une présentaient une atteinte orbitaire. L’atteinte était unifocale dans
hypercalciurie. neuf cas, multifocale dans sept cas. Par ordre de fréquence, la loca-
lisation se situait au niveau de l’os frontal (6 cas) puis au niveau de
Maladie de Waldenström (macroglobulinémie) l’os zygomatique (3 cas), du sphénoïde (3 cas), de l’os maxillaire
Elle peut toucher la glande lacrymale et les tissus mous orbi- (2 cas).
taires. À côté des histiocytoses langerhansiennes, il existe également
des histiocytoses non langerhansiennes représentées par les xan-
Leucémies thogranulomes. Parmi eux, il faut citer :
• le xanthogranulome juvénile, lésion ne présentant pas
L’infiltration orbitaire y est tardive. d’érosion osseuse, positif à la protéine S100 ;
• le xanthogranulome de l’adulte, se présentant sous la forme
Chloromes (sarcomes granulocytiques) d’une lésion dense, progressivement développée, souvent
Il s’agit d’une localisation orbitaire au cours d’une leucé- fibroscléreuse, pouvant toucher l’orbite mais également le
mie aiguë, le plus souvent chez un enfant. Radiologiquement, médiastin, le péricadre, la plèvre, la région périrénale et l’espace
l’ostéolyse prédomine et la biopsie fera le diagnostic. rétropéritonéal ;
• la maladie de Rosai-Dorfman qui touche l’enfant et l’adulte
jeune avec des adénopathies cervicales ; la biopsie rapporte éga-
Histiocytoses (Fig. 13) lement un tissu positif pour la protéine S100 ;
• la maladie d’Erdheim-Chester, caractérisée par la présence
L’histiocytose est une prolifération monoclonale d’histiocytes
d’histiocytes spumeux avec des cellules géantes dites de Tou-
anormaux dérivés des cellules de Langerhans. Les histiocy-
ton. Cette maladie réalise une atteinte polyviscérale touchant
toses à cellules de Langerhans, autrefois appelées histiocytoses X,
le côlon, la plèvre, le cœur, le foie, la peau, les espaces
regroupent plusieurs tableaux caractérisés par une prolifération
rétropéritonéaux et périaortiques. Elle peut s’associer à une neu-
clonale de cellules, CD1a+ , positives à la protéine S100 et présen-
rofibromatose de type 1. L’atteinte orbitaire est rare, sous la
tant des aspects histologiques typiques dits en granules de Birbeck.
forme d’une masse rétrobulbaire souvent bilatérale. Le diagnos-
On note une prédominance masculine, avec une atteinte prin-
tic se fait par biopsie ; le pronostic de cette affection doit être
cipalement dans l’enfance ou l’adolescence (3,7 hommes pour
réservé.
1 femme). On distingue ainsi :
• la forme localisée ou granulome éosinophile, rencontrée prin-
cipalement chez l’adulte jeune ;
• les formes de l’enfant représentant deux maladies : la maladie
Mélanomes orbitaires primitifs (Fig. 14)
de Hand-Schüller-Christian, forme diffuse associant une exoph- Excessivement rares [43] , les mélanomes primitifs de l’orbite
talmie bilatérale, des lésions osseuses crâniennes, un diabète peuvent se voir à tout âge. Ils sont le plus souvent intraconiques,
insipide avec polyurie, polydipsie et la maladie de Letterer- sans aucune caractéristique spécifique du point de vue clinique. Le
Siwe, forme aiguë disséminée ayant le plus mauvais pronostic : diagnostic est fait lors de la biopsie. La tumeur peut être achrome.
survenant en général avant 2 ans, elle comporte une atteinte Le traitement est chirurgical : exérèse totale ou exentération.
polyviscérale : hépato- et splénomégalies, adénopathies, ané-
mie conduisant au décès du patient.
L’atteinte orbitaire se localise le plus souvent au niveau de la
partie supérolatérale de l’orbite osseuse en regard de la glande  Tumeurs propagées à l’orbite
lacrymale. Radiologiquement, elle se traduit pas des géodes
osseuses bien visibles en tomodensitométrie, géodes à contour Dans un certain nombre de cas, la tumeur orbitaire n’est en fait
irrégulier sans condensation périlésionnelle. L’ostéolyse touche que la propagation d’une tumeur de voisinage.

EMC - Ophtalmologie 15
21-650-A-30  Tumeurs de l’orbite de l’adulte : classification

À partir des paupières (Fig. 15)


Toutes les tumeurs malignes palpébrales peuvent envahir
l’orbite, mais cela est surtout fréquent pour les carcinomes épi-
dermoïdes, les mélanomes, les tumeurs à cellules de Merckel et les
carcinomes sébacés. Les carcinomes basocellulaires, tumeurs les
plus fréquentes, peuvent également envahir l’orbite, surtout en
cas de tumeurs du canthus médial récidivant après une première
chirurgie incomplète. L’imagerie précise au mieux l’extension
orbitaire et guide la reprise chirurgicale si elle est possible, sinon
une exentération avec radiothérapie complémentaire est réalisée,
n’empêchant pas toujours l’issue fatale.

À partir de la conjonctive
Toutes les tumeurs malignes d’origine conjonctivale, carci-
nomes épidermoïdes, mélanomes, prenant issue en particulier des
culs-de-sac ou de la caroncule, peuvent s’étendre à l’orbite, sur-
tout si elles ont été négligées. Soysal et al. [44] retrouvent 21 cas
de tumeurs orbitaires propagées à partir d’une tumeur conjoncti-
vale sur 151 cas, soit 14 %. Il s’agit le plus souvent de carcinomes
épidermoïdes (17 cas), puis de mélanomes (4 cas). Cela doit ame-
Figure 14. Mélanome orbitaire primitif à un stade évolué. ner à une prise en charge la plus radicale possible des tumeurs
conjonctivales dans un premier temps chirurgical afin d’éviter une
récidive avec extension orbitaire. En cas d’extension, le traitement
est l’énucléation élargie ou l’exentération.

À partir de la sphère
À partir du globe oculaire oto-rhino-laryngologique
Le rétinoblastome chez l’enfant et le mélanome de l’uvée chez
l’adulte peuvent envahir l’orbite, soit d’emblée, soit secondaire- Le point de départ peut être sinusien, nasal ou pharyngé, struc-
ment après une énucléation, que ce soit des mélanomes à point de tures qui sont très proches de l’orbite. Ces tumeurs propagées
départ choroïdien ou ciliaire. L’extension orbitaire par effraction sont assez fréquentes et bien souvent découvertes devant des
sclérale d’un mélanome uvéal doit être recherchée avant toute thé- signes ophtalmologiques : exophtalmie, diplopie, baisse d’acuité
rapeutique. L’échographie en mode B montre cette extériorisation visuelle.
sous forme de plages hypoéchogènes sans renforcement posté-
rieur. En cas d’extension de petite taille, la tomodensitométrie ou Mucocèles sinusiennes (Fig. 16)
l’IRM peuvent être prises en défaut. En cas d’atteinte orbitaire, Dues à une non-ventilation du sinus, elles sont liées à
l’approche thérapeutique doit être modifiée et s’orienter vers une l’accumulation de mucus à l’intérieur de la cavité sinusienne.
énucléation élargie avec radiothérapie complémentaire. Les réci- D’évolution lente, elles finissent par repousser et éroder les parois
dives orbitaires de mélanome énucléé peuvent survenir quelques osseuses et pénètrent ainsi dans l’orbite. Elles peuvent être fron-
mois, voire quelques années, après l’énucléation et se mani- tales, ethmoïdales ou frontoethmoïdales, se manifestant parfois
festent souvent par une expulsion de l’implant intraténonien par une masse palpable occupant le quadrant supéromédial de
posé, avec réapparition d’une exophtalmie sur la cavité équipée l’orbite et refoulant le globe oculaire en bas et en dehors. Elles
d’une prothèse. L’imagerie confirme le diagnostic. Le traitement peuvent également être maxillaires, plus rares, refoulant le globe
est alors l’exentération et la radiothérapie après ablation de vers le haut ; elles peuvent enfin être sphénoïdales, entraînant une
l’implant. compression du nerf optique avec une baisse de l’acuité visuelle.

A B
Figure 15. Tumeur propagée de paupière.
A. Tumeur orbitaire liée à la propagation d’un carcinome épidermoïde de la paupière supérieure gauche.
B. Énorme carcinome basocellulaire négligé ayant envahi l’orbite gauche.

16 EMC - Ophtalmologie
Tumeurs de l’orbite de l’adulte : classification  21-650-A-30

A B C

D E
Figure 16. Mucocèle sinusienne.
A. Mucocèle ethmoïdofrontale supérieure droite entraînant un déplacement du globe oculaire en dehors.
B. Énorme mucocèle frontale entraînant une distopie du globe oculaire gauche.
C. Tomodensitométrie, coupe sagittale. Noter l’énorme développement du sinus frontal et le refoulement de l’encéphale.
D. Tableau de cellulite orbitaire liée à la fistulisation d’une mucocèle ethmoïdofrontale droite. Noter la cicatrice cutanée post-traumatique en regard du sinus
frontal.
E. Aspect peropératoire d’une mucocèle frontale retirée par orbitotomie antérieure.

Elles touchent surtout l’adulte présentant des antécédents sinu- Tumeurs malignes des sinus (Fig. 17)
siens, de traumatisme facial ou de chirurgie endosinusienne.
Les tumeurs malignes des sinus, qu’elles soient maxillaires,
L’examen rhinoscopique peut montrer la masse au niveau des
frontales, éthmoïdales ou sphénoïdales, peuvent envahir l’orbite.
fosses nasales ; la surinfection est possible, conduisant à une
Il s’agit le plus souvent de carcinomes épidermoïdes, de
mucopyocèle.
carcinomes adénoïdes kystiques ou d’adénocarcinomes. Les tra-
vailleurs du bois (ébénistes) sont particulièrement exposés aux
Imagerie
tumeurs de l’ethmoïde et l’interrogatoire doit rechercher cette
L’échographie montre une lésion kystique bien limitée, non notion. Cliniquement, il s’agit d’une masse rapidement évolutive,
vascularisée en échodoppler couleur. La tomodensitométrie développée au niveau de la paroi médiale de l’orbite avec par-
montre une tumeur homogène, peu dense, ne se modifiant pas fois une dacryocystite aiguë et une extension vers l’endocrâne.
ou peu après injection, sauf parfois au niveau de sa coque. En cas En imagerie, l’ostéolyse prédomine avec en tomodensitométrie
de mucopyocèle, l’aspect est moins typique car le contenu prend une masse volumineuse mal limitée, à contenu hétérogène, pre-
lui aussi le contraste. L’échographie montre également les parois nant fortement le contraste. En IRM, on note l’extension vers
osseuses qui peuvent être discontinues avec des fragments osseux l’endocrâne et on différencie la masse tumorale (en signal inter-
isolés. En IRM, la lésion est bien limitée, de signal variable en T1 médiaire T1, peu intense en T2 prenant le gadolinium) des liquides
selon le contenu (mucus, sang, pus) en hyposignal T2, parfois en rétentionnels ou des lésions réactionnelles en hypersignal T2. Le
hypersignal en cas de mucopyocèle. Histologiquement, la paroi traitement est chirurgical et l’exérèse large, parfois à triple équipe
de ces mucocèles est constituée d’un épithélium colonnaire cilié, ORL, ophtalmologique et neurochirurgicale, complétée par une
pseudostratifié, de type respiratoire. chimiothérapie ou une radiothérapie, mais le pronostic reste mau-
vais.
Évolution
L’évolution est lente, masquée parfois par une rupture avec un
tableau aigu de type cellulite orbitaire ou une fistulisation cutanée.
Fibromes nasopharyngiens
Le traitement est chirurgical : évacuation du contenu, résection Tumeurs bénignes du cavum, hypervascularisées survenant
de la coque et rétablissement d’une ventilation normale du sinus chez les jeunes garçons, elles se manifestent habituellement par
par un drainage endonasal. L’abord de la mucocèle peut se faire des épistaxis. L’évolution est marquée par une lyse osseuse avec
soit par une orbitotomie supéromédiale, soit par voie endonasale possible envahissement orbitaire. Tomodensitométrie et IRM pré-
endoscopique. Certaines mucocèles frontales érodent le plafond cisent l’extension tumorale. L’artériographie est ici importante,
orbitaire et viennent au contact de la dure-mère qu’il faut respec- montrant les pédicules nourriciers et permettant une embolisa-
ter. Dans quelques cas exceptionnels, on est amené à combler le tion préopératoire.
sinus par de la graisse ou par du muscle afin d’éviter une récidive.
Tumeurs malignes du nasopharynx
Papillomes inversés et de l’oropharynx
Ces tumeurs d’origine sinusienne peuvent envahir l’orbite. Ce Elles envahissent l’orbite par la fissure orbitaire supérieure, la
sont des tumeurs potentiellement malignes et l’exérèse doit être fosse ptérygopalatine ou les fosses nasales, voire par l’ethmoïde.
effectuée en totalité. Ces cancers du cavum touchent surtout les adultes jeunes. Leur

EMC - Ophtalmologie 17
21-650-A-30  Tumeurs de l’orbite de l’adulte : classification

Figure 18. Carcinome épidermoïde du sac lacrymal gauche récidivant


au niveau orbitaire.
Figure 17. Tumeur maligne des sinus. Extension orbitaire d’un carci-
nome épidermoïde du sinus maxillaire.

type histologique est variable : carcinome épidermoïde, adénocar-  Tumeurs secondaires : métastases
cinome, lymphome, plasmocytome, etc. En imagerie, l’ostéolyse
est importante, bien vue en tomodensitométrie. Le traitement (Fig. 19 à 21)
associe chirurgie d’exérèse large et radiothérapie, avec un pronos-
tic réservé. Relativement fréquentes, plus fréquentes que les métastases
au niveau palpébral, les métastases orbitaires se rencontrent sur-
tout après 50 ans. Dans 75 % des cas, la tumeur primitive est
À partir du système nerveux connue mais les métastases peuvent parfois la révéler, impo-
sant sa recherche par un bilan général complet comprenant une
Certaines tumeurs endocrâniennes situées au niveau de la tomodensitométrie thoracoabdominale, un examen ORL, gyné-
base du crâne peuvent se propager dans l’orbite ; c’est déjà le cologique, etc. La tumeur peut être unique, cas le plus fréquent,
cas des méningiomes, des chondromes, des chordomes, mais ou multiple, parfois mais rarement bilatérale. Une des localisa-
également de l’esthésioneuroblastome qui pénètre dans l’orbite tions préférentielles concerne les muscles oculomoteurs car ils
après effraction de la lame criblée de l’ethmoïde, entraînant sont hypervascularisés ; un deuxième site est la moelle osseuse
épistaxis et anosmie. Les tumeurs hypophysaires envahissent rare- de l’os sphénoïde avec lyse de la paroi latérale. Enfin, elle peut
ment l’orbite. Dans tous ces cas, l’imagerie – tomodensitométrie être intra- ou extraconique. La symptomatologie est fonction du
et IRM – permettra un bilan précis de l’extension tumorale siège, du nombre et du volume des localisations secondaires.
et l’établissement d’une stratégie thérapeutique chirurgicale ou La plupart entraînent une exophtalmie tumorale souvent dou-
radiothérapique. loureuse, parfois œdémateuse, avec des signes inflammatoires
et une ophtalmoplégie. Toutefois, certaines formes à type de
À partir des voies lacrymales (Fig. 18) squirrhes de cancer du sein peuvent être responsables d’une
énophtalmie. À l’imagerie, il existe souvent une ostéolyse avec
Anatomiquement parlant, l’appareil lacrymal n’appartient pas destruction osseuse parfois une ostéocondensation. En tomo-
à l’orbite ; il en est séparé par le septum orbitaire. Néanmoins, densitométrie, la masse prend fortement le contraste ; elle est
les tumeurs du sac lacrymal peuvent se manifester par une symp- plus ou moins limitée avec parfois des calcifications intratumo-
tomatologie de type orbitaire avec une masse palpable située au rales. En IRM, elle présente souvent un isosignal T1 et un fort
niveau du canthus médial. Il existe souvent, mais de façon non hypersignal T2, et prend fortement le gadolinium. L’IRM pré-
constante, un larmoiement, parfois une hémolacrymie ou un cise l’extension possible vers le cavum ou le sinus caverneux.
tableau de dacryocystite aiguë ou chronique. Les tumeurs du sac Les cancers primitifs les plus fréquemment en cause sont le can-
peuvent être bénignes ou malignes [45] . cer du sein chez la femme, le cancer bronchique chez l’homme.
Les tumeurs bénignes qui posent rarement des problèmes En cas de cancer du sein, il faut rechercher des récepteurs aux
de confusion avec les tumeurs orbitaires sont représentées par estrogènes parfois différents de ceux du cancer d’origine, per-
des papillomes, des oncocytomes, des histiocytomes fibreux ou mettant d’envisager éventuellement une hormonothérapie. Pour
des hémangiopéricytomes ; les tumeurs malignes par des carci- Bonavolonta et al. [47] , les tumeurs primitives étaient un can-
nomes épidermoïdes, oncocytiques, des adénocarcinomes, des cer du sein dans 39 % des cas, d’origine indéterminée dans
carcinomes mucoépidermoïdes ou des carcinomes adénoïdes kys- 17 %, un cancer rénal dans 11 %, un cancer pulmonaire dans
tiques, des mélanomes ou des lymphomes relativement fréquents. 8 %.
Radiologiquement, la tomodensitométrie, éventuellement cou- Dans une étude australienne [48] portant sur 80 patients présen-
plée à un dacryoscanner, montre une masse dense, solide, prenant tant une métastase orbitaire, il y avait 44 cas de sujets masculins
le contraste. L’IRM précisera l’extension au-delà du sac ; une rhi- avec une moyenne d’âge de 60 ans. Les signes cliniques com-
noscopie peut également mettre en évidence la masse à l’intérieur portaient une exophtalmie (63 %), une déviation strabique avec
de la fosse nasale [46] . diplopie le plus souvent (62 %), une baisse d’acuité visuelle (41 %),
Le traitement est chirurgical : exérèse tumorale emportant le des douleurs (42 %). Les cancers d’origine étaient un cancer du
sac lacrymal suivie ou non, suivant les auteurs, d’une dacryo- sein chez 29 % des patients, un mélanome chez 20 %, un cancer
cystorhinostomie, parfois nécessité d’une exentération. En cas de prostatique chez 13 %, puis venaient les tumeurs carcinoïdes, les
lymphome ou de certaines tumeurs malignes, une radiothérapie carcinomes épidermoïdes cutanés, les cancers du poumon, de la
ou une chimiothérapie complémentaires peuvent être utilisées. parotide ou du côlon. En fait, tous les cancers primitifs peuvent
Les récidives sont possibles et le pronostic réservé. métastaser à l’orbite et des métastases ont été décrites à partir

18 EMC - Ophtalmologie
Tumeurs de l’orbite de l’adulte : classification  21-650-A-30

Figure 19. Métastase orbitaire gauche d’un cancer du sein.

de mélanomes choroïdiens controlatéraux. Plus récemment, une Figure 21. Métastase d’un cancer bronchopulmonaire du côté gauche.
métastase secondaire à un carcinome de Merkel cutané a été rap-
portée.
En cas de cancer du sein, il s’agit le plus souvent d’un cancer probablement à partir de fragments de conjonctive incarcérés
connu pris en charge parfois de nombreuses années antérieu- dans l’orbite ou sur des corps étrangers, en particulier en plomb
rement. Les cancers bronchopulmonaires touchent l’homme à après tentative de suicide. C’est l’imagerie qui permet de trancher :
partir de 30 ans. Les métastases sont précoces et le pronostic beau- les kystes ont un contenu liquidien bien mis en évidence en écho-
coup plus réservé. Les cancers digestifs, gastriques ou coliques graphie ou en tomodensitométrie alors que les récidives tumorales
peuvent provoquer parfois une métastase énophtalmiante. Il faut sont des tumeurs solides, pleines. La surinfection et la fistulisa-
ajouter à cette longue liste les cancers du rectum, du pancréas, du tion du kyste sont toujours possibles. Smit et al. [49] retrouvent ces
foie, les cancers du rein, du testicule et de la thyroïde. kystes chez 3 % des patients énucléés.
Le délai de survenue des métastases est extrêmement variable Le traitement consiste en une exentération en cas de récidive
selon la tumeur en cause et son type histologique. tumorale, en une ablation in toto en cas de kystes après ablation
Le traitement est difficile à codifier ; il dépend des possibilités d’un éventuel implant.
thérapeutiques vis-à-vis de la tumeur primitive, de l’existence ou
non d’autres métastases, du siège et de l’extension de la métastase
orbitaire ; le plus souvent, il n’est que palliatif, associant radio-
thérapie, chimiothérapie et hormonothérapie visant la tumeur
primitive.
“ Points essentiels
• Grande variabilité des tumeurs orbitaires.
Tumeurs sur cavité anophtalme • Prédominance des lymphomes.
La survenue d’une tumeur sur une cavité anophtalme est sou- • Puis des méningiomes, des tumeurs propagées à partir
vent découverte tardivement du fait de l’absence de signes visuels. de la sphère ORL ou des paupières et de la conjonctive et
C’est l’expulsion d’un implant ténonien ou une instabilité d’une des métastases.
prothèse qui amènent le patient à consulter. Sur les cavités non
appareillées, le diagnostic est souvent encore plus tardif, le patient
consultant pour des douleurs ou une surinfection locale. La pre-
mière hypothèse à envisager est celle d’une récidive tumorale
si l’énucléation a été réalisée pour une tumeur oculaire, rétino-
blastome ou mélanome par exemple. La seconde est celle d’une Déclaration d’intérêts : l’auteur déclare ne pas avoir de liens d’intérêts en rela-
tumeur kystique, kyste d’inclusion s’étant développé lentement, tion avec cet article.

A B
Figure 20. Métastase orbitaire droite d’un cancer du rein (A, B).

EMC - Ophtalmologie 19
21-650-A-30  Tumeurs de l’orbite de l’adulte : classification

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Tumeurs de l’orbite de l’adulte : classification  21-650-A-30

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Issy-les-Moulineaux: Elsevier Masson; 2012. 2nd ed. Philadelphia: Lippincott, Williams and Wilkins, 2008.

A. Ducasse, Professeur des Universités, praticien hospitalier, membre associé du Collège médical français des professeurs d’anatomie, chef de service
(ducasse.alain@wanadoo.fr).
Service d’ophtalmologie, Hôpital Robert-Debré, CHRU de Reims, avenue du Maréchal-Koenig, 51092 Reims, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : Ducasse A. Tumeurs de l’orbite de l’adulte : classification. EMC - Ophtalmologie 2015;12(2):1-21 [Article
21-650-A-30].

Disponibles sur www.em-consulte.com


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