O - Didriche, Autorités de Police Générale
O - Didriche, Autorités de Police Générale
O - Didriche, Autorités de Police Générale
août 2020
Généralités 1 - 5
Généralités
1. Distinction police administrative générale et polices spéciales. - Lorsque sont abordées les autorités
de police administrative dans les ouvrages spécialisés, il est de coutume de distinguer la police
générale et les polices spéciales. Il est vrai que le droit de la police administrative repose sur une
distinction entre ces deux formes d'intervention, qui ont la même finalité (prévenir les troubles à
l'ordre public), mais qui ont pour différence notable de ne pas relever des mêmes autorités. Là encore,
et malheureusement comme souvent dans la vie administrative, la difficulté est ainsi de savoir « qui
fait quoi », d'autant que certaines autorités de police générale disposent, par ailleurs, de pouvoirs de
police spéciale. Nous pouvons, pour illustrer, citer un exemple (parmi beaucoup d'autres !) : le maire
est autorité de police générale, sur le fondement de l'article L. 2212-2 du code général des
collectivités territoriales (CGCT), mais dispose également d'un pouvoir de police spéciale en matière
d'immeubles menaçant ruine, fondé sur l'article L. 2213-24 du CGCT, et exercé dans les conditions
fixées par les articles L. 511-1 à L. 511-4 du code de la construction et de l'habitation (CCH). Cette
dualité de pouvoirs crée, en pratique, une situation juridique assez subtile, lorsqu'un maire doit
intervenir en cas de péril d'immeuble (V. Édifices menaçant ruine [Cont. adm.]). En effet, lorsque l'état de
péril est justifié par une cause étrangère à l'immeuble, le maire doit appliquer ses pouvoirs de police
générale. A contrario, lorsque l'état de péril trouve sa source dans une cause propre à l'immeuble, il
doit appliquer ses pouvoirs de police spéciale pour les immeubles menaçant ruine (CE 27 juin 2005,
Ville d'Orléans, req. no 262199 , Lebon ; AJDA 2005. 1647 ). On comprend bien, à la lumière de cet
exemple, que la répartition des pouvoirs entre autorités de police est parfois délicate. Les autorités de
police spéciale tendent, en outre, à se multiplier, dans des matières très diverses.
2. Diversité des polices spéciales. - Comme son nom l'indique, une police spéciale est, à la différence
de la police générale, spécialisée, c'est-à-dire limitée à un domaine particulier. Elle porte donc sur un
ordre public spécial. Les exemples sont nombreux, et certaines polices spéciales sont fréquemment
sources de contentieux. Par exemple, l'article L. 211-1 du code du cinéma et de l'image animée confie
la police du cinéma au ministre de la Culture. Il est intéressant de noter que, dans ce cas de figure, le
ministre n'a pas, par ailleurs, la qualité d'autorité de police générale (à la différence du maire, pour les
immeubles menaçant ruine évoqués ci-dessus), mais est uniquement titulaire d'un pouvoir de police
spéciale, confié par la loi. Concrètement, au titre de sa police spéciale du cinéma, le ministre est
chargé de délivrer les visas d'exploitation pour la représentation cinématographique. Sa décision de
classification d'un film peut être contestée devant le juge administratif (CE 1er juin 2015, Assoc.
Promouvoir, req. no 372057 , Lebon ; AJDA 2015. 1599, note M. le Roy . – CE 28 sept. 2016, Min. de
la Culture et de la communication, req. no 395535 , Lebon ; AJDA 2016. 2278, concl. A. Bretonneau
; D. 2016. 2323, note B. Quiriny ; D. 2017. 1727, obs. P. Bonfils et A. Gouttenoire ; Dalloz IP/IT
2016. 606, obs. L. Franceschini ). Dans un tout autre domaine, le code des postes et des
communications électroniques – donc, le législateur ; il est en effet important de rappeler qu'une
police spéciale est toujours fondée sur des dispositions législatives – a confié au ministre chargé des
communications électroniques, ainsi qu'à l'Autorité de régulation des communications électroniques
et des postes (ARCEP), une police spéciale. Ces deux exemples n'ont d'ailleurs pas été choisis par
hasard puisqu'ils permettent d'illustrer les difficultés pouvant survenir en matière de répartition des
pouvoirs entre autorités de polices générale et spéciales.
3. Concurrence entre polices. - Parfois, une autorité de police générale peut en effet être tentée
d'intervenir alors même qu'il existe, dans le domaine concerné, une police spéciale. La jurisprudence a
reconnu, de longue date, une possibilité de concurrence (on parle parfois de « concours ») entre
pouvoirs de police. Ainsi, il a été jugé « qu'un maire, responsable du maintien de l'ordre dans sa
commune, peut donc interdire sur le territoire de celle-ci la représentation d'un film auquel le visa
ministériel d'exploitation a été accordé mais dont la projection est susceptible d'entraîner des troubles
sérieux ou d'être, à raison du caractère immoral dudit film et de circonstances locales, préjudiciable à
l'ordre public » (CE 18 déc. 1959, Sté « Les Films Lutetia », req. nos 36385 et 36428, Lebon). En
application de cette jurisprudence, la police spéciale du cinéma ne prive donc pas le maire de la
possibilité d'intervenir, sur le fondement de circonstances locales. Il est à noter qu'ici, c'est un ordre
public immatériel (V. infra, no 58), plus précisément la moralité qui motive la mesure de police, et pas
des risques d'atteintes à l'ordre public dans sa dimension non matérielle « classique » (risques de
manifestations, de débordements, de rixes…). Récemment, le Conseil d'État s'est montré plus réticent à
accepter l'intervention d'une autorité de police générale lorsqu'il existe une police spéciale. Ainsi, il a
été jugé que « si les articles L. 2212-1 et L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales
habilitent le maire à prendre les mesures de police générale nécessaires au bon ordre, à la sûreté, à la
sécurité et à la salubrité publiques, celui-ci ne saurait, sans porter atteinte aux pouvoirs de police
spéciale conférés aux autorités de l'État, adopter sur le territoire de la commune une réglementation
portant sur l'implantation des antennes relais de téléphonie mobile et destinée à protéger le public
contre les effets des ondes émises par ces antennes » (CE 26 oct. 2011, Cne de Saint-Denis, req.
no 326492 , Lebon ; AJDA 2011. 2039 ; AJDA 2011. 2219, chron. J.-H. Stahl et X. Domino ;
D. 2012. 2128, obs. B. Mallet-Bricout et N. Reboul-Maupin ; RDI 2012. 153, obs. A. Van Lang ; AJCT
2012. 37, obs. M. Moliner-Dubost ). En suivant des raisonnements identiques, et sur des sujets tout
aussi sensibles, la Haute juridiction administrative a censuré des arrêtés « anti-OGM » (CE 24 déc.
2012, Cne de Valence, req. no 342990, Lebon ; AJDA 2012. 1764 ; AJDA 2012. 2122, note
E. Untermaier ; D. 2014. 104, obs. F. G. Trébulle ; AJCT 2013. 57, obs. M. Moliner-Dubost ; RFDA
2013. 367, chron. C. Mayeur-Carpentier, L. Clément-Wilz et F. Martucci ; Constitutions 2012. 651, obs.
N. Huten ; RTD eur. 2013. 880, obs. A. Bouveresse ), et certains juges du fond ont annulé des
arrêtés « anti-pesticides » (TA Rennes, 25 oct. 2019, Préfet d'Île-et-Vilaine, req. no 1904029, AJDA 2019.
2148 ).
4. Il était nécessaire, même si le champ d'étude de la présente rubrique se limite aux autorités de
police générale, de rappeler ce contexte d'ensemble, et d'attirer plus précisément l'attention des
lecteurs sur l'existence de polices spéciales, avec lesquelles les titulaires de pouvoirs de police
administrative générale peuvent parfois entrer en concurrence.
5. De manière classique, il conviendra, afin de présenter de façon complète les autorités qui disposent,
en droit français, d'un pouvoir de police générale, de distinguer celles relevant de l'État (V. infra, nos 6
s.), de celles relevant des collectivités territoriales (V. infra, nos 30 s.). Nous constaterons ainsi qu'il
existe des autorités de police au niveau des trois méthodes d'organisation administrative qui se
combinent en France (centralisation, déconcentration et décentralisation).
6. Nous nous intéresserons donc tout d'abord à l'État, en évoquant les autorités de police générale au
niveau central (V. infra, nos 7 s.), puis au niveau déconcentré (V. infra, nos 15 s.).
10. Autorité « résiduelle » ? - Malgré l'évolution décrite ci-dessus, le président de la République est
parfois présenté comme une autorité de police générale. Cette approche repose, certes, sur des
arguments juridiques, mais de portée assez limitée. Au final, force est en effet de constater que le chef
de l'État n'est, sous la Ve République, qu'une autorité de police disposant d'un pouvoir très résiduel. Sa
« compétence » résulte tout d'abord de l'article 13 de la Constitution, qui précise qu'il signe les
décrets délibérés en conseil des ministres (ces décrets peuvent, parfois, constituer des mesures de
police administrative). Dans ce cas de figure, si le président est, en droit, l'auteur du décret, il n'en
définit néanmoins pas le contenu, ce qui tend à confirmer le caractère limité de son pouvoir. L'article
16 lui confère, par ailleurs, le soin d'intervenir à la place des autorités administratives en cas de
circonstances exceptionnelles.
après 1958. Dans un contentieux relatif à un décret abaissant de 80 à 70 km/h la vitesse maximale sur
le boulevard périphérique de Paris, la Haute juridiction a ainsi rappelé qu'« il appartient au Premier
ministre, en vertu de ses pouvoirs propres, d'édicter les mesures de police applicables à l'ensemble du
territoire », mais a également précisé qu'il lui est loisible « dans l'exercice de cette compétence, de
fixer sur le territoire national des limites de vitesse de circulation différentes applicables à des types
de voies distincts » (CE 15 oct. 2015, Automobile club des avocats et a., req. nos 375027, 382372 et
382380, Lebon ; AJDA 2015. 1955 ). Une compétence à dimension nationale n'exclut donc pas des
adaptations locales. Le Conseil constitutionnel se réfère également, dans sa jurisprudence, aux
pouvoirs propres du chef du gouvernement (Cons. const. 20 juill. 2000, Douste-Blazy, no 2000-434 DC
, D. 2001. 1839, obs. D. Ribes ).
12. Articulation avec la compétence législative. - Par ailleurs, le Conseil d'État a expressément jugé
que le champ de compétence confié, par la Constitution de 1958, au pouvoir législatif, n'avait pas
retiré au chef du gouvernement ses pouvoirs de police générale. La Haute juridiction administrative a,
au-delà de ce rappel, plus généralement précisé les modalités d'articulation entre les compétences du
Premier ministre et celles du législateur. Ainsi, « en donnant compétence au législateur pour fixer “les
règles concernant (…) les garanties fondamentales accordées aux citoyens pour l'exercice des libertés
publiques”, l'article 34 de la Constitution n'a pas retiré au chef du gouvernement les attributions de
police générale qu'il exerçait antérieurement ; qu'il appartient dès lors au Premier ministre, en vertu
des articles 21 et 37 de la Constitution, de prendre les mesures de police applicables à l'ensemble du
territoire et justifiées par les nécessités de l'ordre public, au nombre desquelles figurent les impératifs
de santé publique ; que, lorsque le législateur est intervenu dans ce domaine, il incombe au Premier
ministre d'exercer son pouvoir de police générale sans méconnaître la loi ni en altérer la portée »
(CE 19 mars 2007, Lebon ; RFDA 2007. 770, concl. L. Derepas ; RFDA 2007. 1283, chron. A. Roblot-
Troizier ; RTD eur. 2008. 835, chron. D. Ritleng, A. Bouveresse et J.-P. Kovar ).
13. Ministres. - Les ministres peuvent se voir confier, par la loi, des pouvoirs de police spéciale
(V. supra, nos 2 et 3). Par contre, ils ne disposent pas de pouvoir de police générale. Même le ministre
de l'Intérieur, qui joue pourtant un rôle important en matière de sécurité dans la mesure où les forces
de l'ordre sont placées sous son autorité, ne dispose, en dehors de toute habilitation expresse du chef
de l'État ou du gouvernement, d'aucun titre lui permettant de prendre des mesures de police à portée
nationale.
14. Préfets. - Il est, à ce stade des développements, intéressant d'évoquer le cas des préfets, qui ont
conservé, toujours pour citer l'arrêt « Labonne », une « compétence pleine et entière pour ajouter à la
réglementation générale ». Il existe donc, également, des autorités de police générale au niveau
déconcentré.
15. Dresser le panorama des autorités de police générale implique aussi, d'évoquer les autorités
administratives dépourvues d'un tel pouvoir, en particulier lorsque lesdites autorités ont, pourtant, le
« vent en poupe ». Dans cette partie consacrée à la déconcentration administrative, nous évoquerons
donc, tout d'abord, le cas du préfet de région (V. infra, nos 16 s.), qui ne dispose d'aucun pouvoir de
police générale. Le préfet de département est ainsi, au niveau déconcentré, la seule autorité de police
17. Autorité du préfet de région. - Il est désormais acquis que le préfet de région dispose d'une
autorité sur les préfets de département. Pendant longtemps, la formulation des textes laissait planer
un doute. La situation a été clarifiée par le décret no 2004-374 du 29 avril 2004 relatif aux pouvoirs
des préfets, à l'organisation et à l'action des services de l'État dans les régions et départements. Ce
décret précise, dans son article 2 I, que le préfet de région « a autorité sur les préfets de
département ». Cette autorité « ne peut être déléguée ».
18. Quid de la police administrative ? - Au regard de cette affirmation textuelle, dénuée d'ambiguïté,
on pouvait logiquement s'attendre à ce que le préfet de région dispose, au moins à travers l'exercice
de l'autorité qui lui est reconnue sur les préfets de département, d'une capacité d'intervention en
matière de police administrative. Or, une lecture complète des dispositions de l'article 2 I du décret du
29 avril 2004 précité supra démontre qu'il n'en est rien, et que les préfets de département sont au
contraire « autonomes » en la matière. L'article précise, certes, comme indiqué, que le préfet de région
a une autorité sur les préfets de département, mais est immédiatement ajoutée une réserve, puisque
ladite autorité ne s'exerce pas « dans les matières définies aux articles 10, 11 et 11-1 ». Cette mention
est lourde de conséquences dans la matière qui nous intéresse. L'article 11 précise en effet que « Le
préfet de département a la charge de l'ordre public et de la sécurité des populations. Il est
responsable, dans les conditions fixées par les lois et règlements relatifs à l'organisation de la défense
et de la sécurité nationale, de la préparation et de l'exécution des mesures de sécurité intérieure, de
sécurité civile et de sécurité économique qui concourent à la sécurité nationale. Il est tenu informé
par l'autorité militaire de toutes les affaires qui peuvent avoir une importance particulière dans le
département ». Concrètement, les pouvoirs de police administrative confiés au préfet de département
échappent donc, par exception, à l'autorité du préfet de région. Il en va par ailleurs de même de la
police spéciale des étrangers (Décr. 29 avr. 2004, art. 11-1).
20. Délégation. - Les pouvoirs de police administrative générale du préfet lui étant attribués
21. Hypothèses d'intervention du préfet. - Le CGCT prévoit plusieurs cas dans lesquels le préfet
dispose de pouvoirs en matière de police municipale (CGCT, art. L. 2215-1 ). La police municipale est
en effet, prioritairement, assurée par le maire, mais le représentant de l'État est habilité à intervenir
dans diverses hypothèses. Il dispose donc d'un pouvoir de substitution.
22. Carence d'un maire. - Tout d'abord, l'article L. 2215-1 1o du CGCT offre la possibilité au préfet
d'intervenir lorsqu'un maire n'a pas agi pour prévenir les troubles à l'ordre public. L'article dispose en
effet que « Le représentant de l'État dans le département peut prendre, pour toutes les communes du
département ou plusieurs d'entre elles, et dans tous les cas où il n'y aurait pas été pourvu par les
autorités municipales, toutes mesures relatives au maintien de la salubrité, de la sûreté et de la
tranquillité publiques ». Avant d'agir en réaction à un tel constat de carence, le préfet doit toutefois
« prévenir » le maire concerné, puisque l'article précise que « Ce droit ne peut être exercé par le
représentant de l'État dans le département à l'égard d'une seule commune qu'après une mise en
demeure au maire restée sans résultat ». C'est sur ce fondement que, par exemple, le préfet de Loire-
Atlantique était intervenu pour interdire le spectacle « Le mur », à Saint-Herblain, dans l'affaire ayant
donné lieu au premier arrêt du Conseil d'État sur les spectacles de « Dieudonné » (CE, ord., 9 janv.
2014, Ministre de l'Intérieur c/ Les Productions de la Plume (Sté), req. no 374508 , Lebon ; AJDA 2014.
79 ; AJDA 2014. 866 ; AJDA 2014. 129, tribune B. Seiller ; AJDA 2014. 473, tribune C. Broyelle ,
note J. Petit ; D. 2014. 86, obs. J.-M. Pastor ; D. 2014. 155, point de vue R. Piastra ; D. 2014. 200,
entretien D. Maus ; AJCT 2014. 157, obs. G. Le Chatelier ; Légipresse 2014. 76 et les obs. ;
Légipresse 2014. 221, comm. D. Lochak ; RFDA 2014. 87, note O. Gohin ). Puisqu'il agit par
substitution, l'intervention du préfet n'impacte pas le régime de responsabilité administrative. En cas
de décision fautive (lorsque l'acte de police est illégal, par exemple, puisque par principe toute
illégalité est nécessairement fautive…), c'est donc bien la responsabilité de la commune qui sera mise
en cause, dès lors que la substitution a été réalisée régulièrement, c'est-à-dire en respectant
l'obligation de mettre en demeure le maire (CE 16 févr. 1979, Malisson, req. no 00139 ).
23. Communes limitrophes. - La deuxième hypothèse est liée à l'ampleur géographique du risque de
trouble à l'ordre public. En effet, comme toute entité administrative, la compétence d'un maire en sa
qualité d'autorité de police administrative est limitée territorialement. Il peut seulement prendre des
mesures qui s'appliquent sur le territoire de sa commune. Un arrêté de police municipale ne pourra
donc pas concerner une partie – ni a fortiori l'ensemble ! – du territoire de la commune voisine, sauf à
être exposé à un fort risque d'annulation pour incompétence, vice qui, faut-il le rappeler, constitue un
moyen d'ordre public (le juge doit, en effet, relever d'office l'incompétence de l'auteur d'un acte
administratif, sans qu'on puisse lui reprocher d'avoir statué ultra petita). C'est pour répondre à cette
limitation ratione loci de la compétence de l'autorité de police municipale que l'article L. 2215-1 2o du
CGCT prévoit que « Si le maintien de l'ordre est menacé dans deux ou plusieurs communes
limitrophes, le représentant de l'État dans le département peut se substituer, par arrêté motivé, aux
maires de ces communes pour l'exercice des pouvoirs mentionnés aux 2o et 3o de l'article L. 2212-2 et
à l'article L. 2213-23 ». L'article L. 2212-2 2o vise un certain nombre d'atteintes à la tranquillité
publique (rixes et disputes accompagnées d'ameutement, attroupements, rassemblements
nocturnes…). L'article L. 2212-2 3o concerne le maintien de l'ordre dans les endroits de grands
rassemblements (foires, marchés, spectacles…). Enfin, l'article L. 2213-23 concerne la police des
baignades et de certaines activités nautiques. Lorsqu'il se substitue aux maires sur le fondement du
2o de l'article L. 2215-1 du CGCT, le préfet doit expliquer pourquoi dans son arrêté. L'article prévoit
effectivement une exigence de motivation. Ce pouvoir de substitution s'exerce en dehors de toute
carence et n'est pas subordonné à une mise en demeure.
24. Mesures excédant une commune. - Dans le même ordre d'idées, l'article L. 2215-1 3o du CGCT
prévoit que « Le représentant de l'État dans le département est seul compétent pour prendre les
mesures relatives à l'ordre, à la sûreté, à la sécurité et à la salubrité publiques, dont le champ
d'application excède le territoire d'une commune ». L'application de certains actes de police peut
effectivement devoir s'étendre au-delà du territoire d'une seule commune. Dans une telle hypothèse,
les maires des communes concernées, pris individuellement, ne sont pas compétents pour agir. Par
ailleurs, il n'existe pas, en l'état du droit, et à la différence des polices spéciales (V. infra, nos 62 s.), de
possibilité de transférer le pouvoir de police générale des maires aux présidents d'établissements
publics de coopération intercommunale. Encore faudrait-il, d'ailleurs, pour qu'un tel transfert puisse
être efficace, c'est-à-dire qu'il permette de gérer les risques de troubles à l'ordre public excédant le
territoire d'une commune, que toutes les communes concernées soient membres de la même structure
intercommunale… Par conséquent, la solution trouvée par le législateur a été de prévoir un pouvoir
d'intervention, au profit du préfet.
25. Réquisition. - Pour terminer sur le contenu de l'article L. 2215-1 du CGCT, il faut préciser que le
4o attribue un pouvoir de réquisition au préfet, en cas d'urgence, lorsque l'atteinte constatée ou
prévisible au bon ordre, à la salubrité, à la tranquillité et à la sécurité publiques l'exige et que ses
moyens ne lui permettent plus de poursuivre les objectifs pour lesquels il détient des pouvoirs de
police. Cet article peut, par exemple, trouver à s'appliquer en cas de survenance de « marées noires ».
Le préfet doit prendre un arrêté motivé, qui fixe la nature des prestations requises, la durée de la
mesure de réquisition, ainsi que les modalités de son application. La réquisition peut porter sur des
biens, des services ou des personnes. L'article L. 2215-1 4o définit, dans ses alinéas 4 à 7, les modalités
de rétribution. Il est intéressant de relever que le code prévoit la possibilité, pour la personne requise,
de demander au juge administratif, dans les 48 heures suivant la mesure de publicité de l'arrêté de
réquisition, de lui accorder une provision. Le requérant doit dans ce cas introduire un référé-provision
(CJA, art. R. 541-1 s.).
26. Autres cas de substitution. - Le législateur, en complément de l'article L. 2215-1, a multiplié, dans
des domaines plus ciblés, les cas dans lesquels le préfet peut se substituer à l'autorité de police
municipale. Cette faculté reste toutefois encadrée car le préfet doit motiver sa décision. Celle-ci ne
peut par ailleurs être prise qu'après une mise en demeure restée infructueuse. Par exemple, l'article
L. 2215-3 du CGCT permet au préfet d'interdire, pour une ou plusieurs communes, « l'accès de
certaines voies ou de certaines portions de voies ou de certains secteurs de la ou des communes aux
véhicules dont la circulation sur ces voies ou dans ces secteurs est de nature à compromettre soit la
tranquillité publique, soit la protection des espèces animales ou végétales, soit la protection des
espaces naturels, des paysages ou des sites ou leur mise en valeur à des fins esthétiques, écologiques,
agricoles, forestières ou touristiques ». Dans ces secteurs, le préfet peut également délimiter les
horaires d'accès et définir un niveau de nuisance sonore. Ces dispositions ne concernent toutefois pas
les véhicules administratifs, et ne peuvent s'appliquer de manière permanente à ceux utilisés à des
fins professionnelles de recherche, d'exploitation ou d'entretien des espaces naturels. Sans transition,
mais dans un tout autre registre néanmoins, nous pouvons signaler que l'article L. 2213-7 du CGCT
prévoit, pour sa part, la possibilité pour le préfet de se substituer au maire pour l'inhumation d'une
personne décédée. En application de l'article L. 2215-7 du CGCT, le préfet peut, en outre, en cas de
refus du maire non justifié par l'intérêt général, accorder des permissions de voirie ayant pour objet
l'établissement dans le sol de la voie publique des canalisations destinées au passage ou à la
conduite de l'eau ou du gaz.
27. Régime de police d'État. - L'article L. 2214-1 du CGCT précise que le régime de la police d'État peut
être établi dans une commune en fonction de ses besoins en matière de sécurité, appréciés au regard
de la population, de la situation de la commune dans un ensemble urbain et des caractéristiques de la
délinquance. C'est plus précisément les articles R. 2214-1 et R. 2214-2 du CGCT qui définissent, en
complément de ces critères généraux, les conditions d'établissement du régime. Il est obligatoire pour
les communes chefs-lieux de département (CGCT, art. R. 2214-1 ). Il est par ailleurs envisageable,
sans pour autant qu'il s'agisse d'une obligation, dans une commune ou un ensemble de communes
formant un ensemble urbain répondant à deux conditions : la population, en tenant compte de
l'importance de la population saisonnière, est supérieure à 20 000 habitants ; les caractéristiques de
la délinquance sont celles des zones urbaines (CGCT, art. R. 2214-2 ). L'institution, dans une
commune, du régime de la police d'État a des impacts importants sur l'exercice des pouvoirs de police
administrative. Dans ce cas, les forces de police de l'État sont chargées d'exécuter les arrêtés de police
du maire. Par ailleurs, le soin de réprimer les atteintes à la tranquillité publique, mis en « temps
normal » à la charge du maire par l'article L. 2212-2 du CGCT (voir le 2o de cet article), incombe dans
ce cas exclusivement à l'État, c'est-à-dire, à son représentant, le préfet, sauf en ce qui concerne les
troubles de voisinage. L'État (dans les faits, toujours le préfet…) a, en outre, la charge du bon ordre
quand il se fait occasionnellement des grands rassemblements d'hommes. Par contre, comme le
précise, in fine, l'article L. 2214-4 « Tous les autres pouvoirs de police énumérés aux articles L. 2212-2,
L. 2212-3 et L. 2213-9 sont exercés par le maire y compris le maintien du bon ordre dans les foires,
marchés, réjouissances et cérémonies publiques, spectacles, jeux, cafés, églises et autres lieux
publics ».
28. Contrôle de légalité. - Pour être complet sur les pouvoirs du préfet en matière de police
administrative, il ne faut pas oublier que si, depuis l'acte I de décentralisation de 1982-83, il n'exerce
plus de tutelle sur les collectivités territoriales (et n'a donc plus le pouvoir d'annuler leurs actes de
police, y compris pour des motifs d'opportunité), il est en revanche en charge du contrôle de légalité
de certaines de leurs décisions. Dans le cadre de ce contrôle, le représentant de l'État n'agit certes pas
en tant qu'autorité de police, mais cette prérogative peut tout même l'amener à influer sur des
mesures de police administrative. Il n'est d'ailleurs pas rare que des déférés préfectoraux concernent
des actes de police. L'« influence » du préfet peut, dans ce cas précis, potentiellement déboucher sur la
suspension, parfois partielle (exemple : CE, ord., 9 juill. 2001, Préfet du Loiret, req. no 235638 ,
Lebon ; AJDA 2002. 351, note G. Armand ; D. 2002. 1582, note A. Legrand ; RDSS 2001. 826, obs.
F. Monéger ), de l'acte, et/ou son annulation, par le juge administratif. L'article L. 2131-2 du CGCT,
relatif au contrôle de légalité des actes communaux, précise, dans son 2o, que sont soumises à
l'obligation de transmission au représentant de l'État « Les décisions réglementaires et individuelles
prises par le maire dans l'exercice de son pouvoir de police ». Toutes les mesures de police sont donc
concernées, sans que leur nature individuelle ou réglementaire n'ait un impact sur l'obligation de
transmission. La suite de l'article restreint, toutefois, de manière non négligeable, le périmètre de
l'obligation, en disposant que sont exclues les décisions relatives à la circulation et au stationnement
(très importantes, sur le plan quantitatif !), ainsi que celle relatives à l'exploitation, par les
associations, de débits de boissons pour la durée des manifestations publiques qu'elles organisent
(cette exception est quantitativement moins sensible…).
29. Nous achevons, avec cette partie consacrée au préfet, la présentation des autorités de police
générale de l'État. Il a ainsi pu être constaté que des titulaires de pouvoirs de police administrative
générale évoluaient tant au niveau central, qu'au niveau déconcentré. Toujours sur le plan local, mais
en abandonnant cette fois-ci la personnalité morale de l'État, il est intéressant de relever que la
décentralisation fournit, elle aussi, son « lot » d'autorités de police générale. Nous nous intéresserons
donc, dans la suite des développements, aux collectivités territoriales.
30. Parmi les exécutifs des collectivités territoriales, un seul n'a pas la qualité d'autorité de police.
Nous évoquerons donc, tout d'abord, l'exclusion du président du conseil régional (V. infra, nos 31 s.),
pour ensuite évoquer le pouvoir – assez circonscrit – de police administrative générale du président
du conseil départemental (V. infra, nos 33 s.) et, enfin, aborder, plus longuement, celui du maire (V. infra,
nos 43 s.).
31. Pouvoirs classiques. - Le président du conseil régional dispose des pouvoirs classiques d'un
exécutif de collectivité territoriale. À ce titre, il a la qualité d'autorité territoriale et est donc,
juridiquement, le responsable hiérarchique du personnel régional. Il gère, par conséquent, la carrière
des agents (nomination, avancement, changements d'affectation, mesures disciplinaires…). En sa
qualité d'autorité exécutive, il prépare et exécute les délibérations du conseil régional, et représente la
collectivité dans la vie juridique (pour ester en justice, ou en signant les contrats…). Les attributions
du président du conseil régional ressemblent donc très fortement à celles des autres exécutifs locaux,
et en particulier – cette comparaison étant la plus pertinente, dans la mesure où, notamment, les
régimes des délégations de pouvoir dont ces deux exécutifs peuvent bénéficier sont très proches –, du
président du conseil départemental. Toutefois, une différence non négligeable existe : le président du
conseil régional ne dispose d'aucun pouvoir de police administrative, qu'elle soit générale ou spéciale.
32. Région et police administrative. - Force est donc de constater que les autorités décentralisées
régionales ne sont pas mieux loties, en termes de pouvoirs de police administrative, que les autorités
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déconcentrées du même niveau territorial. Si la région, envisagée lato sensu (c'est-à-dire, à la fois
comme une collectivité territoriale et comme une circonscription administrative de l'État), est
incontestablement l'échelon privilégié pour le développement économique et l'aménagement durable
du territoire, elle apparaît toutefois comme un « parent pauvre » en matière de sécurité et de
tranquillité publiques. Il n'est toutefois pas illogique que l'échelon local disposant du territoire le plus
vaste soit dépourvu de pouvoirs de police, dans la mesure où les politiques de prévention des troubles
à l'ordre public supposent une logique de proximité, par définition plus difficile à appréhender sur des
périmètres régionaux, en particulier depuis qu'ils ont été redécoupés en janvier 2016.
33. À la différence d'un président de région, un président de conseil départemental dispose d'un
pouvoir de police administrative. Mais, précisons-le d'emblée, il est bien moins large que celui dont est
investi l'édile municipal (V. infra, nos 43 s).
34. Gestion du domaine départemental. - L'article L. 3221-4 du CGCT précise que le président du
conseil départemental gère le domaine départemental. Il ajoute qu'« À ce titre, il exerce les pouvoirs
de police afférents à cette gestion, notamment en ce qui concerne la circulation sur ce domaine, sous
réserve des attributions dévolues aux maires par le présent code et au représentant de l'État dans le
département ainsi que du pouvoir de substitution du représentant de l'État dans le département
prévu à l'article L. 3221-5 ». Compte tenu de la limitation découlant de la formulation du CGCT,
certains auteurs considèrent que les prérogatives confiées au président du conseil départemental, en
matière de police administrative, correspondent davantage à une police spéciale qu'à de la police
générale. Il est vrai que l'exécutif départemental ne se voit pas confier, par la loi, de pouvoirs lui
permettant de prévenir tous types de troubles à l'ordre public et d'assurer ainsi le bon ordre, la sureté,
la sécurité et la tranquillité publiques (pour reprendre la formule utilisée pour définir l'objet de la
police municipale, V. art. L. 2212-2 du CGCT et infra, nos 48 s.) sur le territoire de sa collectivité.
35. Voirie. - Pour éclairer la lecture de l'article L. 3221-4 du CGCT, il faut préciser que les
départements sont gestionnaires d'un important réseau routier. Le domaine public routier du
département s'est en effet substantiellement élargi depuis que l'État lui a transféré, dans le cadre de
l'acte II de la décentralisation, de nombreuses routes nationales. En application de l'article
susmentionné, le pouvoir de police du président est donc, matériellement, limité à la gestion du
domaine, et notamment, à la circulation sur celui-ci. La voirie n'est pas explicitement visée mais, en
creux, l'on comprend qu'il s'agit du support principal d'exercice de la police départementale. Si, sur le
plan matériel, le champ de cette police apparaît réduit, elle donne lieu, en pratique, au regard du
périmètre du domaine concerné (les routes départementales se sont « multipliées » en 2004, du fait
de l'acte II…), à un nombre d'actes quantitativement important, et parfois sensibles, comme l'ont
attesté les débats autour du (re)passage – ou non – à une limitation de vitesse à 90 km/h…
36. Limitation de vitesse. - Sur ce sujet, il convient d'indiquer que la loi no 2019-1428 du 24 décembre
2019 d'orientation des mobilités (dite « LOM »), par le biais de son article 36, a introduit, dans le CGCT,
un article L. 3221-4-1 (qui suit donc, immédiatement, dans le code, l'article sur lequel portaient les
développements précédents). Celui-ci dispose que « Le président du conseil départemental ou,
lorsqu'il est l'autorité détentrice du pouvoir de police de la circulation, le maire ou le président de
l'établissement public de coopération intercommunale peut fixer, pour les sections de routes hors
agglomération relevant de sa compétence et ne comportant pas au moins deux voies affectées à un
même sens de circulation, une vitesse maximale autorisée supérieure de 10 km/h à celle prévue par le
code de la route. Cette décision prend la forme d'un arrêté motivé, pris après avis de la commission
départementale de la sécurité routière, sur la base d'une étude d'accidentalité portant sur chacune des
sections de route concernées ».
37. Exemples jurisprudentiels « positifs ». - Pour illustrer le champ d'application des pouvoirs de police
du président du conseil départemental, quelques illustrations jurisprudentielles se révèlent
pertinentes. Il a ainsi été jugé que le président du conseil général (ancien nom de l'exécutif du
département, avant que l'article 1er de loi no 2013-403 du 17 mai 2013 relative à l'élection des
conseillers départementaux, des conseillers municipaux et des conseillers communautaires, et
modifiant le calendrier électoral, ne fasse évoluer les dénominations des élections et organes
départementaux), agissant au titre de la police de la conservation du domaine public, peut interdire la
circulation aux véhicules lourds, afin de sauvegarder l'état de la chaussée et de préserver ainsi la
circulation des usagers, alors même que cette mesure de police a pour conséquence de limiter les
coûts prévisibles de réfection de ces chaussées (CE 20 oct. 1995, Dpt des Alpes-de-Haute-Provence,
req. no 154868 ). Par ailleurs, le président du conseil départemental apprécie seul l'opportunité de la
création d'un carrefour sur une route départementale permettant l'accès direct à un chemin rural
(CAA Nantes, 14 févr. 2006, req. no 04NT01028 ).
39. Routes départementales en agglomération. - Il est en effet essentiel de préciser qu'à l'intérieur
des agglomérations, c'est le maire qui est compétent pour prendre les mesures de police applicables
sur les routes départementales. L'article L. 2213-1 du CGCT précise ainsi que « Le maire exerce la
police de la circulation sur les routes nationales, les routes départementales et l'ensemble des voies
publiques ou privées ouvertes à la circulation publique à l'intérieur des agglomérations, sous réserve
des pouvoirs dévolus au représentant de l'État dans le département sur les routes à grande
circulation ». Sur une route départementale, le maire peut donc, puisqu'il dispose de la police de la
circulation, réglementer la vitesse, mais aussi accorder des permis de stationnement, c'est-à-dire des
autorisations d'occupation de voirie, sans ancrage au sol (exemple : installation d'une terrasse de café,
voir, au sujet toutefois d'une route nationale, mais la logique est totalement transposable, CE 14 juin
1972, Elkoubi, req. no 83682 , Lebon). Par contre, c'est bien le président du conseil départemental qui
exerce, y compris sur les routes départementales à l'intérieur des agglomérations, la police de la
conservation. Il délivrera, à ce titre, les autorisations d'occupation avec ancrage, appelées permissions
de voirie (CE 15 nov. 2006, Dpt de Meurthe-et-Moselle, req. no 265453 , Lebon ; AJDA 2006. 2209 ).
S'agissant des travaux portant sur ces mêmes routes (réparation des « nids de poules », réfection et/ou
aménagement de voiries…), ils sont évidemment de la responsabilité de leur propriétaire, le
département. Les pouvoirs du maire ne lui permettent notamment pas de décider, même dans un but
de sécurité, d'apporter des modifications dans l'assiette des voies départementales – en l'espèce, il
s'agissait d'une implantation de passages surélevés sur des chemins départementaux – sans l'accord
du président du conseil départemental (CE 29 juill. 1994, Cne de Magalas, req. nos 123812 ).
40. Pouvoir de substitution du préfet. - À l'instar de ce qui existe au niveau communal (V. supra, nos 22
s.), le CGCT a également prévu la possibilité, pour les préfets, en matière de police, de se substituer
aux présidents de conseils départementaux « défaillants ». L'article L. 3221-5 prévoit ainsi que « Le
représentant de l'État dans le département peut, dans le cas où il n'y aurait pas été pourvu par le
président du conseil départemental, et après une mise en demeure restée sans résultat, exercer les
attributions dévolues au président du conseil départemental en matière de police en vertu des
dispositions de l'article L. 3221-4 ». Une mise en demeure préalable de l'autorité de police
normalement compétente est donc, là aussi, nécessaire.
41. Délégation. - Pour conclure ces développements consacrés aux pouvoirs de police administrative
du président du conseil départemental, il est utile d'évoquer le sujet de la délégation. Un exécutif de
collectivité peut en effet, en application du CGCT, déléguer ses fonctions à un membre de l'assemblée
délibérante. Certains cadres territoriaux peuvent, quant à eux, bénéficier d'une délégation de
signature. S'agissant de la matière qui nous intéresse ici, le juge administratif a précisé que si le
président du conseil général (la décision a été rendue avant la loi no 2013-403 du 17 mai 2013
relative à l'élection des conseillers départementaux, des conseillers municipaux et des conseillers
communautaires, et modifiant le calendrier électoral, mais la solution est là encore transposable) peut
déléguer une partie de ses fonctions en matière de police à un vice-président ou à d'autres membres
du conseil général, il ne peut le faire au bénéfice des responsables des services du département (TA
Grenoble, 7 juill. 2000, req. no 97399).
42. Dans la dernière partie de cette rubrique, nous nous intéresserons au maire qui, compte tenu de sa
qualité d'acteur local de proximité – et donc, d'interlocuteur privilégié des administrés –, est
incontestablement l'autorité de police du « quotidien ». Nous n'évoquerons ici que les grands principes
qu'il convient d'avoir à l'esprit pour comprendre en quoi le maire est une autorité de police générale
incontournable.
45. Consultation du conseil municipal. - Les pouvoirs de police administrative constituant des pouvoirs
propres, que le maire exerce à titre personnel, le conseil municipal n'a pas, non plus, à être consulté.
De ce fait, un arrêté pris au vu d'une délibération est illégal. Une décision du Conseil d'État, rendue en
1997, illustre parfaitement le risque découlant d'une telle pratique. La Haute Juridiction a jugé « qu'il
ressort du registre de ses délibérations que le 30 juin 1989 le conseil municipal de Montreuil-sur-
Eure “après en avoir délibéré… décide de limiter à 9 tonnes le poids total des véhicules empruntant la
partie du chemin départemental 303-7 dans l'agglomération de Cocherelle, route de Muzy” ; que, dans
ces conditions, en signant le même jour un arrêté qui vise ladite délibération et en exécute
intégralement les dispositions, le maire de Montreuil-sur-Eure doit être regardé comme n'ayant pas
usé lui-même de la compétence qu'il tenait de l'article L. 131-3 précité mais comme s'étant estimé lié
par la délibération du conseil municipal et s'étant borné à en assurer l'exécution ; que la Société
Cochery-Bourdin-Chaussée est fondée dès lors à soutenir que l'arrêté attaqué est entaché d'excès de
pouvoir » (CE 31 janv. 1997, Sté Cochery-Bourdin-Chaussée, req. no 144797 ).
46. Délégation. - En matière de police administrative, et comme pour tous ses pouvoirs propres, le
maire peut déléguer ses fonctions à des membres du conseil municipal, qu'ils aient ou non la qualité
d'adjoints (CGCT, art. L. 2122-18 ), ou procéder à une délégation de signature au profit de certains
agents (CGCT, art. L. 2122-19 ). S'agissant de cette dernière hypothèse, seuls les directeurs généraux
des services et directeurs généraux adjoints des services, les directeurs généraux et directeurs des
services techniques et les responsables de services communaux peuvent en bénéficier. Comme tout
arrêté de délégation, un arrêté délégant des pouvoirs ou une signature en matière de police doit être
régulièrement publié, et précis. Il doit être dépourvu d'ambiguïté. Une affaire jugée en 1994 par le
Conseil d'État donne un exemple de situation ambiguë. L'arrêt précise : « que par un arrêté en date du
28 mars 1989, M. Z…, premier adjoint au maire de Lyon, a reçu de celui-ci délégation pour les
fonctions relatives notamment à la police municipale, à la circulation et au stationnement ; que
l'arrêté du maire en date du 12 avril 1991 qui a donné délégation à M. X, conseiller municipal, pour
“seconder” M. Z…, dans ces mêmes fonctions, n'a eu ni pour objet ni pour effet de conférer à M. X le
pouvoir de prendre des décisions au nom du maire ; qu'ainsi M. X n'était pas compétent pour signer
l'arrêté du 17 décembre 1991 portant réglementation de la circulation et du stationnement sur
l'avenue du Maréchal Leclerc » (CE 3 juin 1994, Ville de Lyon, req. no 139261 ).
47. Fondement. - Le fondement légal du pouvoir de police générale du maire est ancien. L'exécutif de
la commune est en effet investi d'une compétence de police administrative générale depuis la célèbre
loi municipale du 5 avril 1884. Aujourd'hui, c'est l'article L. 2212-1 du CGCT, premier article du
chapitre consacré dans ce code à la « Police municipale », qui pose les bases, en précisant que « Le
maire est chargé, sous le contrôle administratif du représentant de l'État dans le département, de la
police municipale, de la police rurale et de l'exécution des actes de l'État qui y sont relatifs ». Il n'est
pas inintéressant de relever que l'article rappelle que le maire a la charge de ces missions « sous le
contrôle administratif du représentant de l'État », ce qui tend à confirmer, comme nous l'évoquions
précédemment (V. supra, no 28), que, par le biais du contrôle de légalité, le préfet peut concrètement
influer sur l'exercice des pouvoirs de police (même si, en l'occurrence, il n'en est pas l'acteur principal,
mais le « contrôleur »). Dans un autre registre, l'article L. 2211-1 du CGCT précise, plus globalement,
que « Le maire concourt à la politique de prévention de la délinquance dans les conditions prévues à
la section 1 du chapitre II du titre III du livre Ier du code de la sécurité intérieure ». La sécurité et la
prévention de la délinquance relèvent ainsi clairement, aujourd'hui, d'une logique de coproduction de
l'action publique.
48. Objet. - C'est le célèbre article L. 2212-2 du CGCT qui précise la finalité des pouvoirs de police
générale du maire. Il dispose, en son alinéa 1er, que « La police municipale a pour objet d'assurer le
bon ordre, la sûreté, la sécurité et la salubrité publiques ». Cette disposition est le support de ce qu'il
est traditionnellement convenu d'appeler la « trilogie municipale » (qui se compose de la tranquillité
– même si elle n'est pas explicitement mentionnée dans le texte –, de la sécurité et de la salubrité
publiques). Les alinéas suivants donnent des exemples plus précis, mais non exhaustifs (compte tenu
de l'utilisation, classique en droit, de l'adverbe « notamment », qui permet de faire comprendre que
l'énumération ne sera pas limitative…), de cas dans lesquels le maire peut être amené à exercer ses
pouvoirs de police générale. Pour illustrer notre propos, nous mentionnerons ci-dessous les situations
citées par le code, qui comprennent parfois de charmantes formules surannées (n'oublions pas que le
texte d'origine date du XIXe siècle…). La police municipale comprend donc notamment les champs
d'intervention inventoriés ci-après.
49. Sûreté et commodité du passage. - « Tout ce qui intéresse la sûreté et la commodité du passage
dans les rues, quais, places et voies publiques, ce qui comprend le nettoiement, l'éclairage,
l'enlèvement des encombrements, la démolition ou la réparation des édifices menaçant ruine,
l'interdiction de rien exposer aux fenêtres ou autres parties des édifices qui puisse nuire par sa chute
ou celle de rien jeter qui puisse endommager les passants ou causer des exhalaisons nuisibles »
(CGCT, art. L. 2212-2 1o). Le spectre de cet alinéa est large, mais les pouvoirs confiés procèdent
finalement de la même volonté, pour le législateur, d’autoriser le maire à agir pour faire de sa
commune un endroit sûr, où il est agréable de vivre !
50. Répression des atteintes à la tranquillité. - « Le soin de réprimer les atteintes à la tranquillité
publique telles que les rixes et disputes accompagnées d'ameutement dans les rues, le tumulte excité
dans les lieux d'assemblée publique, les attroupements, les bruits, y compris les bruits de voisinage,
les rassemblements nocturnes qui troublent le repos des habitants et tous actes de nature à
compromettre la tranquillité publique » (CGCT, art. L. 2212-2 2o). Le maire peut donc par ailleurs,
sur le fondement de cette disposition, intervenir, à titre préventif, pour éviter tous types de
« débordements ».
51. Bon ordre dans les rassemblements. - « Le maintien du bon ordre dans les endroits où il se fait de
grands rassemblements d'hommes, tels que les foires, marchés, réjouissances et cérémonies publiques,
spectacles, jeux, cafés, églises et autres lieux publics » (CGCT, art. L. 2212-2 3o). Grâce au 3°de
l’article L. 2212-2 du CGCT, l’édile municipal a les moyens juridiques de réguler les regroupements. Il
est en effet acquis que le risque d’atteintes à l’ordre public est proportionnel au nombre de personnes
se regroupant dans un même endroit…
52. Inspection. - « L'inspection sur la fidélité du débit des denrées qui se vendent au poids ou à la
mesure et sur la salubrité des comestibles exposés en vue de la vente » (CGCT, art. L. 2212-2 4o).
Voilà, typiquement, un exemple de formulation qui peut, aujourd'hui, sembler légèrement datée… Et,
pour être très concret, ce n’est pas la disposition de l’article L. 2212-2 qui est mobilisée le plus
fréquemment par l’autorité de police municipale…
53. Accidents, fléaux calamiteux et pollutions. - « Le soin de prévenir, par des précautions convenables,
et de faire cesser, par la distribution des secours nécessaires, les accidents et les fléaux calamiteux
ainsi que les pollutions de toute nature, tels que les incendies, les inondations, les ruptures de digues,
les éboulements de terre ou de rochers, les avalanches ou autres accidents naturels, les maladies
épidémiques ou contagieuses, les épizooties, de pourvoir d'urgence à toutes les mesures d'assistance
et de secours et, s'il y a lieu, de provoquer l'intervention de l'administration supérieure » (CGCT,
art. L. 2212-2 5o). La police générale du maire comprend donc aussi une dimension sanitaire, même
si, en la matière, il existe, à titre principal, des polices « dédiées » relevant des autorités de l’État (V.
not. Police de l'urgence sanitaire [Pol. adm.]).
54. Troubles mentaux. - « Le soin de prendre provisoirement les mesures nécessaires contre les
personnes atteintes de troubles mentaux dont l'état pourrait compromettre la morale publique, la
sécurité des personnes ou la conservation des propriétés » (CGCT, art. L. 2212-2 6o). Assurer le suivi
des personnes atteintes de troubles mentaux, et apporter, en tant que de besoin, les réponses
adaptées à leur état de santé est, en pratique, une mission délicate, mais relève de la mission générale
de prévention des atteintes à l’ordre public confiée aux maires.
55. Animaux. - « Le soin d'obvier ou de remédier aux événements fâcheux qui pourraient être
occasionnés par la divagation des animaux malfaisants ou féroces » (CGCT, art. L. 2212-2 7o).
56. Champ d'application large. - Au-delà de cette liste non limitative, la consultation du nombre
d'annotations comprises, dans le CGCT, sous l'article L. 2212-2, confirme, si besoin en était, que le
pouvoir de police municipale a un champ d'application très large. Au final, le maire peut intervenir à
chaque fois qu'une autre autorité n'est pas expressément investie d'un pouvoir pour garantir l'ordre
public sur le territoire communal.
57. Ordre public immatériel. - Le périmètre d'intervention de l'autorité de police municipale est
d'autant plus large que la notion d'ordre public a, au fil du temps, connu une évolution significative.
Originellement circonscrite à une dimension matérielle, dans le cadre de laquelle les pouvoirs de
police ne pouvaient servir qu'à éviter les risques de manifestations « agitées », débordements ou
affrontements, la notion a toutefois, par petites touches jurisprudentielles successives,
progressivement pris en compte des considérations morales. Les auteurs classiques rejetaient
pourtant cette approche, et réfutaient l'existence d'un ordre public moral (par crainte – assez logique
– des risques de dérives, s'il était reconnu aux autorités de police la qualité de « gardiens de la bonne
morale », c'est-à-dire, finalement, le pouvoir de dire aux gens ce qu'ils doivent penser…). Dans un arrêt
de 1924 (assez tôt, donc…), le Conseil d'État a reconnu qu'un maire pouvait se fonder sur « le caractère
brutal et parfois sauvage » des combats de boxe, qu'il considérait comme « contraires à l'hygiène
morale », pour les interdire, par arrêté (CE 7 nov. 1924, Club indépendant sportif châlonnais, req.
no 78468). Selon la Haute juridiction, ces motifs ne pouvaient être regardés comme étrangers à l'ordre
public. Il s'agit, d'une certaine manière, de l'acte de naissance d'un ordre public immatériel, c'est-à-dire
de la possibilité pour les autorités de police d'intervenir pour protéger des « valeurs ». Dans une
importante décision de 1959, le Conseil d'État confirme que la moralité constitue une composante de
l'ordre public, en acceptant qu'un maire interdise la projection d'un film, sur le territoire de sa
commune, à raison de son caractère immoral et de circonstances locales (CE 18 déc. 1959, Sté « Les
Films Lutetia », req. nos 36385 et 36428, Lebon). Aujourd'hui, l'analyse de la jurisprudence démontre
que la notion de moralité n'est plus utilisée en tant que telle, mais a été « absorbée » par le concept
de dignité humaine. Depuis 1995 (CE 27 oct. 1995, Cne de Morsang-sur-Orge, req. no 136727 , Lebon
et les concl. ; AJDA 1995. 942 ; AJDA 1995. 878, chron. J.-H. Stahl et D. Chauvaux ; AJDA 2014. 106,
chron. M. Franc ; D. 1995. 257 ; RFDA 1995. 1204, concl. P. Frydman ), le respect de la dignité
humaine a permis un développement substantiel de l'ordre public immatériel (CE, ord., 11 janv. 2014,
Les Productions de la Plume (Sté), Dieudonné M'Bala M'Bala ; AJDA 2014. 79 ; AJDA 2014. 866 ;
AJDA 2014. 129, tribune B. Seiller ; AJDA 2014. 473, tribune C. Broyelle , note J. Petit ; AJCT 2014.
157, obs. G. Le Chatelier ; Légipresse 2014. 76 et les obs.), grâce notamment à une utilisation
assez « intensive » de la procédure de référé-liberté, prévue à l'article L. 521-2 du code de justice
administrative, par les justiciables.
58. Territoire. - Les pouvoirs de police du maire s'exercent uniquement sur le territoire de la commune,
mais sur tout le territoire de la commune. Ils s'appliquent ainsi aux dépendances du domaine public
de l'État ouvertes à la circulation générale ou à la promenade publique comme, notamment, les
parties des quais d'un port maritime (CE 17 janv. 1986, Mansuy, req. no 55713 ).
60. Intercommunalité et police générale. - Tout d'abord, il faut rappeler que le fait qu'une commune
soit membre d'une structure de coopération intercommunale ne retire pas au maire son pouvoir de
police administrative générale, qui ne peut en effet faire l'objet d'un transfert à l'EPCI. Il en va
néanmoins différemment des polices spéciales.
logique que le niveau ayant la responsabilité d'exercer une compétence dispose également du pouvoir
de réglementer l'activité concernée (c'est-à-dire, qu'il détienne la police spéciale afférente). Toutefois,
pendant longtemps, il y a eu déconnexion entre les transferts de compétences et l'exercice des polices
spéciales. Un EPCI pouvait ainsi être compétent dans un domaine, mais la police spéciale être restée
dans les mains des maires des communes. Les inconvénients – et la faible cohérence… – d'une telle
situation se révélaient assez évidents. Aujourd'hui, la situation est réglée par l'article L. 5211-9-2 du
CGCT qui, en résumé, prévoit que le transfert de certaines compétences à l'EPCI entraîne le transfert
des pouvoirs de polices spéciales des maires dans les matières concernées. Sont visées les
compétences suivantes : assainissement, collecte des déchets ménagers, réalisation d'aires d'accueil
ou de terrains de passage des gens du voyage, voirie (ce qui renvoie aux polices de la circulation et du
stationnement, mais aussi aux prérogatives en matière de délivrance des autorisations de
stationnement aux exploitants de taxis), habitat… Par ailleurs, indépendamment de tout transfert de
compétence, l'article L. 5211-9-2 I B, alinéa 1er, précise que « Les maires des communes membres d'un
établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre peuvent transférer au
président de cet établissement les prérogatives qu'ils détiennent en application de l'article 23 de la
loi no 95-73 du 21 janvier 1995 d'orientation et de programmation relative à la sécurité pour assurer
la sécurité des manifestations culturelles et sportives organisées dans des établissements
communautaires ».
62. Renonciation. - Le principe est donc le suivant : le transfert de l'une de ces compétences entraîne,
de plein droit, le transfert des polices spéciales des maires des communes membres vers le président
de l'EPCI. Toutefois, même si cette règle apparaît incontestablement logique, c'était sans compter sur
la volonté du législateur de préserver, autant que possible, les prérogatives des maires, et de favoriser,
sur ces questions, l'accord de volontés plutôt que les transferts imposés autoritairement, sans
possibilité d'opposition. Le III de l'article prévoit ainsi que les maires peuvent s'opposer, pour « les
compétences mentionnées au A du I » (CGCT, art. L. 5211-9-2, I, A ), au transfert du pouvoir de police,
dans un délai de six mois, à compter de l'élection du président ou du transfert de la compétence. En
cas d'opposition d'un ou de plusieurs maires, le président peut, lui-même, renoncer au transfert.
63. Police intercommunale. - Autre fait marquant de l'époque actuelle, en l'occurrence de la montée en
puissance de l'intercommunalité, est qu'il est désormais possible de créer des polices
« intercommunales ». L'article L. 512-2 du code de la sécurité intérieure précise en effet que « le
président d'un établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre peut recruter, à
son initiative ou à la demande des maires de plusieurs communes membres, un ou plusieurs agents
de police municipale en vue de les mettre en tout ou partie à la disposition de l'ensemble des
communes et d'assurer, le cas échéant, l'exécution des décisions qu'il prend au titre des pouvoirs de
police qui lui ont été transférés en application de l'article L. 5211-9-2 du code général des
collectivités territoriales ». Le niveau communal n'a donc plus le monopole de la création de services
de police, dans un cadre décentralisé. Le législateur a évidemment encadré ce type de recrutement,
qui doit être « autorisé par délibérations concordantes de l'organe délibérant de l'établissement public
de coopération intercommunale à fiscalité propre et de deux tiers au moins des conseils municipaux
des communes représentant plus de la moitié de la population totale de celles-ci ou de la moitié au
moins des conseils municipaux des communes représentant les deux tiers de la population totale de
celles-ci ». Par ailleurs, sur le plan procédural, « Le conseil municipal de chaque commune membre
dispose d'un délai de trois mois, à compter de la notification au maire de la délibération de l'organe
délibérant de l'établissement public de coopération intercommunale, pour se prononcer sur la
décision de recrutement proposée. À défaut de délibération dans ce délai, sa décision est réputée
favorable ». Il est à noter que ces conditions sont les mêmes que celles s'appliquant aux transferts de
compétences des communes vers les EPCI.
65. Pouvoirs du préfet de police. - Cette spécificité parisienne n'est pas récente puisque l'article
L. 2512-13 du CGCT dispose que « Dans la Ville de Paris, le préfet de police exerce les pouvoirs et
attributions qui lui sont conférés par l'arrêté des consuls du 12 messidor an VIII qui détermine les
fonctions du préfet de police à Paris et par les textes qui l'ont modifié ainsi que par les articles
L. 2512-7, L. 2512-14 et L. 2512-17 ». Il ressort de l'article L. 2512-14 que le préfet de Paris dispose
d'un pouvoir assez large (parfois décisionnel, parfois consultatif) en matière de circulation et de
stationnement. L'article L. 2512-17 lui confie le secours et la défense contre l'incendie.
66. Pouvoirs du maire. - Au final, dans la capitale, l'exercice des pouvoirs de police administrative
découle d'une subtile répartition entre les attributions du préfet de police et celles du maire. C'est
finalement ce qu'il faut comprendre, à la lecture de l'article L. 2512-13 du CGCT, lorsqu'il précise, dans
son V, que « Les pouvoirs dévolus au maire par l'article L. 2212-2-1 sont exercés à Paris par le préfet
de police et le maire de Paris, dans la limite de leurs attributions respectives ». L'édile municipal n'est,
en tout état de cause, pas privé de tout pouvoir. Le II du même article indique que le maire de Paris
est chargé de la police municipale en matière : « 1o De salubrité sur la voie publique ; 2o De salubrité
des bâtiments à usage principal d'habitation et bâtiments à usage partiel ou total d'hébergement en
application des articles L. 2212-2 et L. 2212-4 du présent code et des articles L. 1311-1 et L. 1311-2
du code de la santé publique, sous réserve des dispositions prévues au dernier alinéa du I de l'article
L. 123-3 et au VI de l'article L. 123-4 du code de la construction et de l'habitation. Lorsque ces
immeubles menacent ruine, il exerce les pouvoirs de police définis aux articles L. 129-1 à L. 129-4-1
et L. 511-7 du même code et à l'article L. 2213-24 du présent code et prescrit les mesures de sûreté
exigées par les circonstances, en cas de danger grave ou imminent menaçant ces immeubles ; 3o De
bruits de voisinage ; 4o De police des funérailles et des lieux de sépulture en application des articles
L. 2213-7 à L. 2213-10 du présent code ainsi que de la police mentionnée au second alinéa du 2o du
présent II en ce qui concerne les monuments funéraires menaçant ruine ; 5o De maintien du bon ordre
dans les foires et marchés ; 6o De police des baignades en application de l'article L. 2213-23 du
présent code ; 7o De police de la conservation dans les dépendances domaniales incorporées au
domaine public de la Ville de Paris dans les conditions définies au 3o de l'article L. 2215-1 et aux
articles L. 3221-4 et L. 3221-5 du présent code ; 8o De défense extérieure contre l'incendie en
application de l'article L. 2213-32 du présent code ».
67. Jurisprudence. - En guise de conclusion, nous évoquerons une dernière jurisprudence qui a, d'une
part, l'intérêt d'illustrer les potentielles difficultés découlant de cette répartition des pouvoirs
spécifiques à la Ville de Paris et, d'autre part, l'avantage de donner envie d'aller flâner dans un
quartier célèbre mais néanmoins « folklorique »… Dans une décision du 11 février 1998, le Conseil
d'État a ainsi jugé que l'arrêté allouant les emplacements aux peintres de la place du Tertre relevait
bien de la compétence du maire (CE 11 févr. 1998, Ville de Paris c/ Assoc. pour la défense des droits
des artistes peintres sur la place du Tertre, Lebon ; AJDA 1998. 523, concl. G. Bachelier ; RDI 1998.
224, obs. J.-B. Auby et C. Maugüé ; RTD com. 1998. 841, obs. G. Orsoni ).
Index alphabétique
■ Carence 22, 23
■ Concurrence 3, 4
■ Constitution 7, 9 s.
■ Incompétence 23, 44
■ Intercommunalité 60 s.
■ Limitation de vitesse 36
■ Maire 43 s.
■ Ministres 13
■ Paris 65
■ Polices spéciales 1, 2, 62
■ Pouvoirs propres 8 s.
■ Préfets
de département 19 s.
de région 16 s.
■ Premier ministre 11 s.
■ Président
de la République 8 s.
du conseil départemental 33 s.
du conseil régional 31 s.
■ Réquisition 25
■ Substitution 21 s., 40
■ Voirie 35 s.