Mécanique de La Rupture: Jean-Luc ENGERAND

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Mécanique de la rupture

par Jean-Luc ENGERAND


Ingénieur de l’École Polytechnique et de l’École Nationale Supérieure de l’Aéronautique
et de l’Espace
Chef du Département Technique à la société Messier-Bugatti

1. Définitions.................................................................................................. B 5 060 - 2
2. Énergie de rupture ................................................................................... — 2
2.1 Théorie de Griffith (paramètre G ) .............................................................. — 2
2.2 Application à un cas simple........................................................................ — 2
3. Mécanique élastique linéaire de la rupture ...................................... — 3
3.1 Théorie d’Irwin (paramètre K ).................................................................... — 3
3.2 Facteur d’intensité des contraintes ............................................................ — 3
3.3 Exemples d’application ............................................................................... — 4
3.4 Relations entre G et K.................................................................................. — 4
3.5 Méthodes de calcul du facteur K ................................................................ — 6
4. Mécanique élasto-plastique de la rupture ........................................ — 6
4.1 Position du problème .................................................................................. — 6
4.2 Étendue de la zone plastique...................................................................... — 6
4.3 Profil équivalent d’Irwin .............................................................................. — 7
4.4 Modèle de Dugdale-Barenblatt................................................................... — 8
4.5 Notion du COD............................................................................................. — 8
4.6 Intégrale de Rice .......................................................................................... — 8
5. Propagation brutale des fissures......................................................... — 8
5.1 Critère d’énergie G c et critère de contrainte K c ....................................... — 8
5.2 Ténacité du matériau................................................................................... — 9
5.3 Cas des contraintes planes (courbes R ) .................................................... — 9
6. Propagation lente des fissures............................................................. — 9
6.1 Lois de Paris et de Forman ......................................................................... — 9
6.2 Facteurs d’influence .................................................................................... — 10
7. Application à la conception des structures aéronautiques......... — 10
7.1 Aspects réglementaires............................................................................... — 10
7.2 Méthodes de tolérance aux dommages .................................................... — 10
7.3 Exemples d’application ............................................................................... — 11
7.3.1 Panneau raidi de voilure .................................................................... — 11
7.3.2 Structure de fuselage ......................................................................... — 11
7.3.3 Structures épaisses ............................................................................ — 11
Références bibliographiques ......................................................................... — 12
11 - 1990

a mécanique de la rupture (Fractures Mechanics) est une étude qui met en


L jeu les paramètres habituels de la mécanique à partir d’une discontinuité
existante : fissure ou défaut. Elle permet dans certains cas de prévoir, en
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fonction des dimensions d’une fissure et de l’état de chargement, la vitesse de


propagation de la fissure et la dimension à partir de laquelle cette fissure peut
entraîner une rupture brutale.

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1. Définitions 2. Énergie de rupture


En ne considérant que les fissures planes se propageant dans 2.1 Théorie de Griffith (paramètre G )
leur propre plan, on montre que l’état le plus général de propaga-
tion se ramène à la superposition de trois modes (figure 1) : C’est à Griffith [1] que l’on doit en 1920 l’approche énergétique
— mode I (mode par ouverture) : les surfaces de la fissure se de la mécanique de la rupture. Dans un milieu solide élastique
déplacent dans des directions opposées et perpendiculairement au linéaire (avec la limite élastique conventionnelle à 0,2 % R e égale
plan de fissure ; à la résistance à la rupture R r), contenant une fissure de surface A
— mode II (glissement de translation) : les surfaces de la fissure et soumis à un champ de forces F e, la progression de la fissure est
se déplacent dans le même plan et dans une direction perpendicu- stable tant que l’énergie libérée par l’extension de cette fissure est
laire au front de fissure ; absorbée par la création de nouvelles surfaces.
— mode III (glissement de rotation) : les surfaces de la fissure Si nous supposons que les forces extérieures F e dérivent d’un
se déplacent dans le même plan et dans une direction parallèle au potentiel V, un accroissement virtuel δA d’aire fissurée libère une
front de la fissure. énergie G δ A telle que :
La rupture plate correspond au mode I ; la rupture inclinée aux δP = – G δ A
modes II et III.
Nota : la rupture de mode I est généralement la plus dangereuse, ce qui explique le et P = W + V = W – Te
développement particulier donné à l’étude de ce mode de rupture, en général.
avec P énergie potentielle totale de la structure fissurée,
On distingue les fissures superficielles, les fissures internes, les
fissures traversantes sous forme semi-elliptique, elliptique ou en W énergie de déformation élastique,
coin, etc. (figure 2). Ces fissures sont généralement planes, Te travail des forces extérieures,
c’est-à-dire que leurs deux faces sont très voisines d’un plan moyen G paramètre qui peut s’exprimer en J/m2 ou en N/m, cor-
et se rejoignent selon un bord anguleux. respondant à une énergie libérée par unité de surface,
parfois appelée force d’extension de la fissure.
Il existe un seuil critique G c au-delà duquel une extension de la
fissure libère plus d’énergie qu’elle n’en absorbe, et la fissure est
instable pour G tel que :
G δ A > G c δA

2.2 Application à un cas simple

La figure 3 représente une éprouvette d’épaisseur constante e ,


contenant une fissure de longueur a, soumise à une force constante
F dont le point d’application se déplace suivant une loi linéaire :
z = C (a)F
avec C (a) compliance.
À un accroissement virtuel δa de la fissure, correspond :
variation de l′énergie
1

δW = δ ----- Fz
2  de déformation élastique

δT e = δ ( Fz ) = F δz travail de la force extérieure

Figure 1 – Modes d’ouvertures de fissures

Figure 2 – Types de fissures Figure 3 – Éprouvette d’essai

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Dans ce cas, l’énergie libérée par unité de surface G vaut :

F 2 dC
G = --------- ----------
2e da
C’est une relation très générale, valable en théorie linéaire pour
tous les chargements et déplacements.

Figure 4 – Point M repéré en coordonnées polaires


3. Mécanique élastique
linéaire de la rupture
Tableau 1 – Champs des contraintes et des déplacements
3.1 Théorie d’Irwin (paramètre K ) au voisinage de l’extrémité de fissure (1)
Mode I
En 1957, Irwin [2] [3] donna, pour les milieux bidimensionnels
relativement simples et en ignorant les phénomènes plastiques en θ 3θ
fond de fissure, la forme du premier terme, singulier, du dévelop- 1 – sin ----- sin --------
σ xx 2 2
pement limité des contraintes au voisinage d’un front de fissure. KI θ θ 3θ
1
τ xy = ----------------- cos ----- sin ----
2 - cos --------
– --- 2πr 2 2
Le champ singulier en r 2 des contraintes s’exprime sous la σ yy θ 3θ
forme : 1 + sin ----- sin --------
2 2
K
σ ij ( r, θ ) = ----------------- f ij ( θ ) + ε ( r )
2πr θ
2 θ- 
2  χ – 1 + 2 sin ----
cos ----
KI -
ux r
r et θ étant les coordonnées polaires du point considéré (figure 4) = ---------- --------- 2
par rapport au fond de la fissure, i et j indiquant les différentes uy 2G 2π θ θ
composantes de contraintes : sin -----  χ + 1 – 2 cos ----- 
2
2 2
σxx , σyy et τxy (dans le plan) Mode II
Le champ des déplacements s’exprime, quant à lui, sous la θ θ 3θ
forme :
σ xx 2 
– sin ----- 2 + cos ----- cos --------
2 2 
r K II θ θ 3θ
u i = K --------- g i ( θ )
2π τ xy = -----------------
2πr 2 
cos ----- 1 – sin ----- sin --------
2 2 
σ yy θ θ 3θ
Le paramètre K , qui fait la synthèse à lui tout seul de la géomé- sin ----- cos ----- cos --------
trie de la pièce fissurée, de la longueur de la fissure et du charge- 2 2 2
ment appliqué, est appelé facteur d’intensité des contraintes.
Les facteurs K I , K II , K III sont définis respectivement pour les θ θ
modes I, II et III décrits au paragraphe 1. ux K II r
= ------------ --------- 2 
sin ----- χ + 1 + 2 cos 2 -----
2 
Le tableau 1 fournit le résultat de l’analyse des contraintes et des 2G 2π θ θ
 
uy
déplacements au voisinage de l’extrémité de fissure, dans le cas – cos ----- χ – 1 – 2 sin 2 -----
2 2
d’un milieu bidimensionnel élastique, et ce pour chacun des trois
modes définis précédemment. Mode III
Rappelons que chacune des expressions indiquées dans ce
tableau, relative au champ des contraintes, est le premier terme θ
τ xz K III – sin -----
d’un développement en série. = ----------------- 2
τ yz 2πr θ
cos -----
2
3.2 Facteur d’intensité des contraintes K III r θ
u z = 2 ----------- --------- sin -----
G 2π 2
L’expérience a montré que la progression des fissures et la résis-
σ zz = 0 en contrainte plane
tance résiduelle d’une structure possédant un défaut sont très bien
gouvernées par le facteur d’intensité des contraintes K . = ν ( σ xx + σ yy ) en déformation plane
L’hypothèse d’un milieu bidimensionnel élastique permet de
déterminer l’expression de K par la théorie de l’élasticité plane [4] [5]. E
(1) G = ----------------------
- module de cisaillement du matériau
2(1 + ν)
■ Expression de K dans le cas d’une plaque infinie comportant
une fissure de longueur 2a avec E module d’Young du matériau,
ν coefficient de Poisson du matériau.
Hypothèses : Le coefficient χ vaut : χ = 3 – 4ν en déformation plane ;
— état de traction pure, avec une contrainte σ ∞ (très loin de la 3–ν
χ = --------------- en contrainte plane.
fissure) suivant l’axe y (figure 4) ; 1+ν
— fissure infiniment mince, de longueur 2a , de direction per-
pendiculaire à la contrainte σ ; Le facteur d’intensité des contraintes s’exprime par :
— corps totalement élastique ;
— état de contraintes planes (CP). K I = σ ∞ πa

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■ Expression de K dans le cas général 3.3 Exemples d’application


D’une manière générale, K s’exprime sous la forme :
Si le problème général tridimensionnel est souvent complexe et
K = ασ πa si la détermination du facteur K requiert un calcul numérique délicat
(§ 3.5), bon nombre de problèmes types ont été résolus et les
α étant un facteur dit de correction. solutions font l’objet de formulaires dont les plus usités sont rappelés
Pour chaque cas particulier, il convient de déterminer α ; α en références [6] [7] [8]. On peut également consulter les documents
dépend de la nature de la fissure et des sollicitations extérieures. [9] [10] [11].
Le facteur d’intensité des contraintes ne doit pas être confondu Les tableaux 2 et 3 fournissent des exemples assez généraux de
avec le facteur de concentration de contraintes K t qui donne la valeurs de K pour des fissures respectivement non traversantes et
contrainte maximale sur un défaut de rayon de courbure non nul traversantes.
(article Concentration de contraintes [BM 5 040] dans ce traité ). K t Le tableau 4 fournit des valeurs de K dans d’autres configurations
est d’ailleurs sans dimension, alors que K s’exprime en N · m–3/2 ou assez courantes de fissures traversantes et en bordure d’alésages
de chapes. On trouvera dans le tableau 5 les courbes donnant α dans
en hbar ⋅ mm , l’unité la plus usuelle étant le MPa ⋅ m sachant
deux cas usuels de fissures.
que 1 MPa ⋅ m = 3,16 hbar ⋅ mm = 0,91 ksi ⋅ in .

(0)
3.4 Relations entre G et K
Tableau 2 – Facteur d’intensité des contraintes KI Le facteur d’intensité de contraintes K est relié au facteur G (et
pour des fissures elliptiques non traversantes (1) ce quel que soit le mode I, II, III) par les relations :

K2
Fissure elliptique interne
Fissure semi-elliptique G = --------- ( 1 – ν 2 ) en déformations planes (DP)
superficielle E
K2 en contraintes planes (CP)
G = ---------
E

avec E module d’Young du matériau,


ν coefficient de Poisson du matériau.
(0)

Tableau 3 – Facteur d’intensité des contraintes KI


pour des fissures traversantes (1)

 ϕ2 pour une fissure interne A Fissure dans une plaque B Fissure traversante
πa  de largeur finie w sur un bord libre
K I = σ ---------- avec Q =  ϕ2
Q  ------------- pour une fissure superficielle
 1,21


π
-----
c2 – a2 1,65
- sin 2 θ  -
1/2 a
 1 – -------------------- ≈ 1 + 1,464  ----
2
ϕ = dθ
0 c2 c

πa 1
K I = ψ πa K I = σ --------- avec Q = --------2-
Q ψ

(1) Sans le terme correctif de plasticité défini au paragraphe 4.3.

(1) Sans le terme correctif de plasticité défini au paragraphe 4.3.

(0)

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Tableau 4 – Exemples de formules de facteurs d’intensité de contraintes (fissures traversantes)


Type de fissure Description Expression de K
Fissure au bord d’un trou dans un milieu infini K = ασ πa
uniformément chargé
a
 
0,873 4
avec α ----- = --------------------------------- + 0,676 2
r a
0,324 6 + -----
r
(formule de Grant)

Fissures diamétralement opposées dans un K = ασ πa


milieu uniformément chargé
a
 
0,686 6
avec α ----- = --------------------------------- + 0,943 9
r a
0,277 2 + -----
r
(formule de Grant)

Fissure au bord d’un trou chargé (effort P ) K = ασ m πa


P
avec σ m = ----------- contrainte de matage,
2re
e épaisseur de la pièce,
α facteur donné sous forme
de courbe (tableau 5).

Fissure sur un bord d’alésage d’une chape K = ασ


droite concentrique m πa
P
avec σ m = ------------- contrainte de matage,
2er i
e épaisseur de la chape,
α facteur donné sous forme
de courbe (tableau 5).
(0)

Tableau 5 – Facteurs de correction  dans deux cas usuels


Fissure sur un bord d’alésage de chape concentrique Fissure au bord d’un trou chargé
(avec r i et r e rayons respectivement interne et externe de la chape)

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3.5 Méthodes de calcul du facteur K

On a vu au paragraphe 3.3 qu’il existait des solutions analytiques


à certains problèmes plans particuliers. Mais les problèmes qui se
posent aux bureaux d’études sont souvent difficiles, car les solides
ont des dimensions finies et les fissures se trouvent souvent dans
les régions soumises à des contraintes non uniformes, par exemple
au voisinage d’une concentration de contraintes.
En se limitant au mode I, bon nombre de problèmes peuvent
être néanmoins résolus grâce à des formulaires référencés au
paragraphe 3.3. À noter qu’il existe actuellement des progiciels [12]
[13] qui informatisent ces recueils de solutions.
Dans le cas où les formulaires ne répondent pas aux problèmes
pratiques (y compris les problèmes plans) parce que les conditions
aux limites ou les chargements ne sont pas ceux rencontrés, il
convient alors d’utiliser les fonctions de poids introduites par
Bueckner [14] et par Rice [15] qui ne dépendent que de la géométrie
du solide fissuré. Le facteur d’intensité des contraintes peut être cal-
culé par une quadrature :

KI =
2
-----
π

0

M ( x )p ( x )dx
Figure 5 – Définition des paramètres permettant le calcul
des facteurs K

avec M (x ) fonction de poids qui ne dépend que de la géométrie,


 profondeur de la fissure,
p (x ) pression appliquée sur la fissure.
4. Mécanique élasto-plastique
Pour un développement plus complet de cette méthode de de la rupture
calcul, le lecteur se reportera à l’ouvrage de Labbens [16].
Enfin, pour des problèmes tridimensionnels, il faut souvent 4.1 Position du problème
recourir à des méthodes numériques complexes parmi lesquelles
la méthode des éléments finis est la plus connue. Moyennant un Dans le plan de la fissure, la courbe représentant :
maillage suffisamment fin et l’emploi d’éléments finis spéciaux de
front de fissure tenant compte de la singularité en 1 r , on arrive KI
σ y = -----------------
à connaître les contraintes en avant du front de fissure et les 2πr
déplacements sur la fissure pour calculer, par extrapolation, les
facteurs d’intensité de contraintes comme les limites définies par a l’allure donnée sur la figure 6.
les équations suivantes : On constate que lorsque r → 0 la contrainte devient infinie, ce
qui est en contradiction avec la théorie de l’élasticité.
K I = lim ( σ zz 2πr ) = lim
r→0 r→0 
E
-------------------------
2(1 – ν 2) z
-u
π
--------
2r  Il faut donc modifier le modèle de calcul pour tenir compte du
phénomène de plasticité en déterminant l’importance et la forme
θ = 0 θ = π de la zone plastique au moyen des critères de dimensionnement
usuels de la Résistance des Matériaux et en corrigeant le facteur


π d’intensité des contraintes précédent K .

E
K II = lim ( τ zn 2πr ) = lim -------------------------
-u --------
r→0 r→0 2(1 – ν 2) n 2r
θ = 0 θ = π
4.2 Étendue de la zone plastique
K III = lim ( τ zt 2πr ) = lim
r→0 r→0  2(1 + ν)
E
----------------------- u t
π
--------
2r  Autour du fond de fissure, il existe une zone de déformation plas-
θ = 0 θ = π
tique dont la frontière est le lieu des points où le champ de
les différents termes des expressions précédentes étant indiqués contraintes satisfait un critère de limite élastique R e. On détermine
sur la figure 5. l’étendue de la zone plastique par l’utilisation des critères de Tresca
et de Von Mises.
Dans le cas du mode I et en utilisant les équations du
paragraphe 3.1, on obtient les résultats suivants concernant la limite
de zone de déformation plastique :
2
KI
- f ( θ ) = rE f ( θ )
r = ----------------
2
2πR e

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Figure 6 – Courbe  y = f (r )

avec f (θ ) fonction présentant les quatre formes possibles


données par le tableau suivant : (0)

Contraintes planes Déformations planes

θ
 θ

2
θ
 θ

Critère 2
de Tresca cos 2 ----- 1 + sin ----- cos 2 ----- 1 – 2 ν + sin -----
2 2 2 2

θ θ
Critère de
Von Mises
θ
 θ
cos 2 ----- 1 + 3 sin 2 -----
2 2  cos 2 ----- ( 1 – 2 ν ) 2 + 3 sin 2 -----
2 2

Figure 7 – Étendue des zones plastiques selon les deux critères


La figure 7 montre l’étendue des zones plastiques et, en particulier,
la différence entre l’état de déformations planes et l’état de
contraintes planes.
En particulier sur l’axe Bx (θ = 0), on obtient :

 rE en contraintes planes
r = 
 rE ( 1 – 2 ν ) 2 en déformations planes

2
KI
en posant r E = ----------------
2
-.
2πR e
L’existence de la forte tri-axialité en déformations planes (au
cœur de la structure) tend donc à diminuer considérablement la
dimension de la zone plastique par rapport à celle régnant en
contraintes planes (près de la surface de la structure), dans un rap-
port proche de 6.

4.3 Profil équivalent d’Irwin

La zone plastique à fond de fissure est en fait plus étendue, car


le matériau doit supporter localement une force supplémentaire cor-
respondant à l’aire hachurée (figure 8). D’après Irwin [2], la structure
se comporte comme si elle contenait une fissure de longueur effec-
tive a eff égale à :
a eff = a + rE
Par exemple, l’expression de KI correspondant au cas d’une plaque
infinie (§ 3.2) est modifiée comme suit :
2
KI
KI = σ∞ π ( a + rE ) avec r E = ----------------
2
2πR e
Figure 8 – Modèle simple de déformation plastique à la pointe
De façon plus générale, le facteur d’intensité des contraintes doit de la fissure, avec ou sans correction d’Irwin
être corrigé pour tenir compte de la plasticité en extrémité de fissure.

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Ainsi, les expressions données dans les tableaux 2 et 3 doivent être


corrigées en remplaçant respectivement le terme ϕ 2 ou ψ 2 par :

σ 2
ϕ 2 – 0,212 --------
Re  
σ 2
et ψ 2 – 0,212 --------
Re  

4.4 Modèle de Dugdale-Barenblatt Figure 9 – Front de fissure pour la définition de l’intégrale de Rice

Ce modèle donne l’évolution de la zone plastique qui prolonge


une fissure le longueur 2a dans une tôle mince de grandes dimen-
sions, soumise à une contrainte homogène σ. Il consiste à poser que, Cette intégrale est indépendante du contour et l’on montre que
dans une longueur R D en extrémité de fissure, la contrainte σ est si la plasticité est suffisamment confinée :
égale à la limite d’élasticité R e , ce qui conduit à l’expression
K2
suivante : J = G = ---------
E′
1 avec E ’ = E (module d’Young) en contraintes planes ;
R D = a -------------------------------- – 1
πσ

cos ------------
2R e  E
E ′ = -----------------
1 – ν2
en déformations planes.

4.5 Notion du COD


5. Propagation brutale
On montre que la plastification produit un émoussement du fond
de fissure dont les surfaces s’écartent à ce niveau de δ, appelé COD
des fissures
(Crack Opening Displacement).
À partir des expressions des termes de déplacement ui données 5.1 Critère d’énergie G c
au paragraphe 3.1 et de la prise en compte de la correction de zone et critère de contrainte K c
plastique, cette valeur δ s’exprime sous la forme :
Ce paragraphe examine les paramètres qui régissent l’apparition
Re πσ
 
8 de la propagation brutale d’une fissure, paramètres qui permettent
δ = – ----- a -------- ln cos ------------
π E 2 Re de quantifier la résistance résiduelle d’une pièce endommagée.
■ Critère d’énergie (Griffith)
Pour une contrainte σ assez petite devant Re , δ vaut alors :
Il y a rupture lorsque le paramètre G (§ 2.1) atteint une valeur
2 critique G c.
KI
δ ≈ ------------ avec K I = σ πa Pour les corps fragiles (verre par exemple), en supposant, de
ER e
plus, que l’on est en mode I et déformations planes, Griffith prend
Ainsi, la mesure expérimentale de δ permet le calcul de K I . pour cette valeur critique l’énergie de surface des surfaces créées,
soit :
G Ic = 2γ s

4.6 Intégrale de Rice γ s étant la densité d’énergie superficielle.


Pour les corps métalliques, dont la rupture s’accompagne, en
Rice [15] a défini une intégrale curviligne le long d’un contour fond de fissure, d’une forte déformation plastique, le critère de
fermé Γ entourant le front de fissure (figure 9), qui est définie de Griffith est modifié sous la forme :
la façon suivante :
G Ic = 2γ s + γ p
J = Γ
∂ u ds
w dy – t ⋅ ---------
∂x  γ p étant l’énergie de déformation plastique par unité de surface ; γ p
est très grand par rapport à γ s , le rapport pouvant atteindre 1 000.
avec Γ contour qui entoure la fissure, ■ Critère de contrainte (Irwin)
w densité d’énergie de déformation, Il y a rupture lorsque le paramètre K (§ 3.1) atteint une valeur cri-
t vecteur de contrainte sur le contour, tique K c . Dans le cas du mode I, K c dépend de l’épaisseur de la
pièce (figure 10) et tend, lorsque l’épaisseur augmente, vers une
u vecteur déplacement, limite K Ic , dite facteur d’intensité des contraintes critique en mode
I et déformations planes ; cette quantité est une caractéristique du
ds élément de contour.
matériau, appelée ténacité.
Les paramètres K c et G c sont liés par les relations définies au
paragraphe 3.4.

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Figure 10 – Dépendance de K c en fonction de l’épaisseur de la pièce

5.2 Ténacité du matériau Figure 11 – Courbe R

La ténacité du matériau K I c représente le « minimum


minimorum » des valeurs critiques K c qui dépendent de l’épaisseur La propagation est stable tant que G (a ) > R (a ).
et du mode de rupture. Elle permet de chiffrer l’aptitude du matériau L’instabilité apparaît lorsque :
à la résistance à la propagation des fissures, et est considérée comme
∂G ∂R
 ---------
∂a 
=  --------- 
une caractéristique intrinsèque du matériau dans un état bien défini
(température, traitement thermique donné, etc.). G(a ) = R(a ) et -
σc ∂a σc

K Ic est homogène à σ πa et s’exprime en MPa · m (unité ■ Utilisation des courbes


pratiquée couramment) ou bien en hbar · mm ou encore en L’évolution de G (ou de K ) étant connue, on translate latéra-
lement la courbe R jusqu’à obtenir la tangence qui correspond à
ksi · in (ouvrages anglo-saxons).
l’instabilité K c .
La ténacité dépend, pour un alliage donné, du sens du prélè-
vement et des traitements thermiques. Les courbes représentées en pointillé G σ1 ( a ) et G σ2 ( a ) schéma-
D’une manière générale, K Ic diminue quand R e augmente. tisent des étapes intermédiaires lors de la montée en charge d’un
essai de résistance résiduelle.
Le critère K < K Ic peut s’appliquer de deux manières :
— pour une fissure de longueur 2a donnée, on détermine la
contrainte maximale avant rupture brutale ;
— pour une contrainte donnée appliquée à la pièce, on déter-
mine la longueur critique 2a c de la fissure qui entraîne la rupture.
6. Propagation lente
des fissures
5.3 Cas des contraintes planes 6.1 Lois de Paris et de Forman
(courbes R )
Avant rupture finale, les dommages se développent sous l’effet
Nous venons de voir que les conditions d’instabilité des pièces de charges appliquées sous la forme de fissures dont l’orientation
fissurées suffisamment épaisses (en pratique, e  6 mm ) sont est liée au champ des contraintes qui règnent localement dans la
définies avec une bonne précision par la ténacité K Ic . pièce.
Autrement dit, lorsque l’on applique à la pièce un chargement Les lois qui suivent, essentiellement empiriques, permettent de
résiduel de façon progressive pour ne pas introduire d’effet dyna- déterminer le taux de propagation da / dn pendant la phase de pro-
mique, le critère de rupture s’écrit : pagation de la fissure, avec a longueur de la fissure et n nombre
K < K Ic pas de propagation de cycles appliqués.
Citons :
K = K Ic rupture instable
da
— la loi de Paris : --------- = C ( ∆ K ) m
En revanche, pour les pièces de faible épaisseur où l’état de dn
contraintes planes domine, le critère de rupture s’écrit :
da C ( ∆ K )m
— la loi de Forman : --------- = ------------------------------------------
K < K c possibilité de propagation « stable » dn (1 – R ) K c – ∆ K
K = K c instabilité avec ∆K = Kmax – Kmin variation de K pour un cycle de
K c dépend du matériau, de l’épaisseur de la pièce, de la longueur charge donné,
initiale de la fissure, etc. Dans tous les cas, K c > K Ic . C, m caractéristiques du matériau,
La valeur critique K c (ou G c par la relation G = K 2/E ) s’obtient K min
par comparaison de deux courbes G (a ) et R (a ) (figure 11) comme rapport R = ---------------
-
K max
suit :
G énergie disponible pour la fissuration, dépendant des forces La loi de Forman présente l’avantage de prendre en compte
extérieures et de l’élasticité de la pièce (correspond au facteur l’effet de la contrainte moyenne grâce à l’introduction du rapport R
d’intensité de contraintes appliqué K ) ; et traduit l’accélération brutale de la vitesse de fissuration lorsque
K tend vers sa valeur critique K c .
R énergie nécessaire à la fissuration, son évolution en fonction
de la fissuration ne dépendant que du matériau et de son m est de l’ordre de 4 pour les alliages d’aluminium, et de 3 pour
épaisseur et non de la longueur initiale a 0 de la fissure au les aciers.
moment où est appliquée la charge.

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En ce qui concerne C , différentes expressions, tirées de l’exploi- JAR 25 (Joint Airworthiness Requirements) en Europe, les défini-
tation des résultats expérimentaux, ont été données. À titre indicatif, tions de ces trois concepts sont les suivantes :
C ≈ 10–8 pour les alliages d’aluminium en choisissant comme unité — safe-life : la structure doit être exempte de fissures détectables
pendant toute sa durée d’utilisation ;
le MPa · m pour le facteur d’intensité des contraintes.
— fail-safe : après toute rupture complète d’un élément simple
Le nombre de cycles n , nécessaire pour que la fissure progresse ou toute rupture partielle évidente, la structure doit être capable de
de sa longueur initiale a i à sa longueur finale a f , est obtenu par tenir un niveau de charge résiduelle imposé (dite charge limite ) ;
intégration de l’équation précédente. — tolérance aux dommages : dans toute zone vitale, tout
La prévision de la longueur admissible a f = a c se fait en utilisant dommage (de fatigue, accidentel ou de maintenance) doit être sûre-
les notions de ténacité K Ic ou de courbe R , comme vu aux para- ment détecté avant qu’il n’atteigne une taille critique au-delà de
graphes précédents. laquelle la structure ne tient plus les charges limites résiduelles.

6.2 Facteurs d’influence 7.2 Méthodes de tolérance


aux dommages
Les lois de propagation en fatigue ainsi que les seuils d’instabilité
K c sont influencés par des paramètres tels que : La justification en tolérance aux dommages d’une structure
— l’environnement : la constante C des lois de propagation d’avion (élément de voilure, fuselage, dérive, attache-moteur, etc.)
dépend de l’environnement, une fissure pouvant se propager plus impose donc de supposer l’existence de défauts. Elle comprend les
rapidement en présence d’un milieu corrosif qu’en ambiance étapes suivantes :
protégée ; — détermination des éléments significatifs a priori critiques ;
— la température : l’effet le plus important concerne la ténacité — détermination des charges et de la répartition des contraintes ;
qui peut être réduite dans certains cas (aciers en particulier) dans — détermination des vitesses d’endommagement (de la longueur
des proportions considérables lorsque la température est infé- initiale de la fissure L 0 à la longueur critique L c ) ;
rieure à la température de transition. À l’inverse, une température — détermination des longueurs de dommages sûrement
supérieure à l’ambiante augmente de façon générale la ductilité et détectables L D ;
la ténacité des matériaux, bien que certains aciers et réfractaires — détermination des longueurs critiques de dommages sous les
présentent un domaine de température intermédiaire où ces pro- charges de tenue résiduelles imposées ;
priétés chutent ; — détermination du programme d’inspection (seuil, périodicité).
— la séquence de chargement : les lois de Paris et de Forman
La démonstration doit supposer l’existence d’un dommage détec-
restent valables tant que le facteur d’intensité de contraintes Kmax
table pour tout élément significatif, quelle que soit sa probabilité
est une fonction croissante du nombre de cycles. Dans le cas de char-
d’occurrence. De plus, il convient de prendre en compte la possibilité
gements quelconques, ces lois peuvent donner des résultats très
de dommages multiples.
erronés ; cela provient de l’effet de mémoire associé à la zone plas-
tique à la pointe de la fissure. C’est ainsi qu’une surcharge effectuée La figure 12 illustre le cheminement décrit ci-dessus, en particu-
lors d’un essai de fatigue peut avoir comme effet de bloquer la fissure lier, la périodicité d’inspection P définie par :
momentanément, ou de ralentir sa vitesse de propagation. Ce phé-
nomène de retard de propagation engendré par l’application d’une Nc – ND
P = ----------------------
-
surcharge trouve son explication par la création d’un champ de k
contraintes résiduelles de compression en tête de fissure, dès le
déchargement consécutif à cette surcharge. Différents modèles ont avec ND nombre de vols correspondant à une détection sûre du
été élaborés afin de tenir compte d’effets de l’histoire des charges défaut,
(telles que surcharges) pour la propagation d’une fissure. Citons les Nc nombre de vols correspondant à L c ,
modèles de Wheeler [17], Willenborg [18] et Elber [19]. k coefficient de sécurité (en général, de l’ordre de 3).

7. Application à la conception
des structures
aéronautiques
7.1 Aspects réglementaires
Les réglementations relatives à la justification des structures des
aéronefs, civils ou militaires, ont évolué par étapes successives
depuis deux décennies, parfois pour prendre en compte les
enseignements tirés d’incidents en service.
C’est ainsi, notamment, qu’à partir de 1974 (aux États-Unis) et 1980
(en Europe), des exigences de tolérance aux dommages ont suc-
cessivement remplacé des exigences safe-life ou fail-safe . Extraites
des principales normes aéronautiques de l’aviation civile, à savoir
les normes FAR 25 (Federal Aviation Regulation) aux États-Unis et Figure 12 – Périodicité d’inspection

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La tolérance aux dommages repose sur les propriétés du maté-


riau et de la structure et constitue une application directe des
notions de mécanique de la rupture :
— il y a propagation brutale lorsque K = ασ πa = K c ;
K min
 
da
— le taux de propagation est défini par : --------- = f ∆K, --------------- .
dn K max
À noter que les règlements stipulent qu’en cas de détection véri-
table d’un défaut, le niveau de résistance initial de la pièce saine
doit être restauré afin de satisfaire l’exigence de tenue des charges
dites extrêmes (égales aux charges limites x coefficient de sécurité
de 1,5 dans le cas des règlements précités).
Figure 13 – Panneau autoraidi

7.3 Exemples d’application


7.3.1 Panneau raidi de voilure
Le panneau raidi constitue la structure de référence pour l’ana-
lyse des structures minces aéronautiques.
Considérons le panneau de la figure 13 ; la présence d’une fissure
dans la tôle crée un accroissement du niveau de contrainte au voi-
sinage de l’extrémité de la fissure. Cette perturbation est un phé-
nomène local ; on conçoit donc que, lorsque la longueur 2a de la
fissure est faible par rapport au pas 2b des raidisseurs, le Figure 14 – Variation de C R en fonction de a
comportement du panneau doit être très proche de celui du panneau
non raidi.
Par contre, au fur et à mesure que la longueur 2a croît, c’est-à-dire La présence d’une courbure se traduit par la relation expérimen-
que l’extrémité de la fissure se rapproche du raidisseur, le surcroît tale suivante :
de contrainte peut être absorbé par le raidisseur ; cela se traduit par ( K c ) plan
une intensité de contrainte plus faible dans la tôle raidie que dans ( K c ) courbe = -----------------------
-
10a
le panneau non raidi. La présence du raidisseur a donc une influence 1 + ----------
r cyl
sur la propagation de la fissure et la résistance résiduelle du panneau.
Ce phénomène est très important : le raidisseur joue le rôle de ralen- avec K c facteur d’intensité critique des contraintes,
tisseur ou d’arrêt de fissure, et c’est en cela qu’une telle structure
r cyl rayon du cylindre,
peut être justifiée de « tolérance aux dommages ». De plus, les carac-
téristiques du raidisseur ont une influence sur le déchargement de a demi-longueur de la fissure,
la tôle dans le raidisseur. Plus le raidisseur est fort, plus l’affaiblis- et ( K c ) plan = ασ πa
sement de l’intensité de contrainte doit être élevé. En contrepartie,
le déchargement de la tôle provoque une surcharge du raidisseur. La présence de la pression crée des effets secondaires qui rendent
Ces notions conduisent à définir le paramètre suivant : absolument nécessaires les essais de développement et de
vérification.
K panneau raidi
C R ( a ) = -------------------------------------------
-
K panneau non raidi
7.3.3 Structures épaisses
C R dépend de la fissure et des caractéristiques géométriques et
métallurgiques du raidisseur. L’intérêt de la solution raidi pour la Certains éléments de structures (atterrisseurs) sont des pièces
tolérance aux dommages réside dans le fait que C R < 1. épaisses, qui présentent un caractère particulier. Alors que les
La figure 14 donne l’allure de la courbe C R (a ) pour deux types fissures sur les structures minces traversent l’épaisseur de la pièce,
de raidisseurs. les fissures sur structures épaisses sont :
— soit des défauts de surface de forme elliptique ;
— soit des défauts internes ;
7.3.2 Structure de fuselage — soit des fissures à des trous chargés.
Les tableaux 2 et 4 permettent le calcul du facteur K pour certains
Les structures de fuselage ne sont plus planes et sont soumises des cas considérés ci-dessus. En ce qui concerne la résistance
à la pression qui s’exerce perpendiculairement à la surface. résiduelle, elle est directement gouvernée par la ténacité du
matériau K Ic .

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