Algebre 31 VP

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Valeurs propres,

vecteurs propres

Dans ce chapitre, nous allons définir et étudier les valeurs propres et les vecteurs propres d’une matrice.
Ce chapitre peut être vu comme un cours minimal pour comprendre la diagonalisation ou comme une
introduction à la théorie de la réduction des endomorphismes.

Notations.
K est un corps. Dans les exemples de ce chapitre, K sera R ou C. Les matrices seront des éléments de Mn (K),
c’est-à-dire des matrices carrées, de taille n × n, à coefficients dans K.

1. Valeurs propres et vecteurs propres

1.1. Motivation
Voici deux transformations simples définies par une matrice :
1.       
x 2 0 x 2x
h: 7→ =
y 0 2 y 2y
L’application h est une homothétie de R2 (centrée à l’origine). Si D est une droite passant par l’origine,
alors elle est globalement invariante par cette transformation, c’est-à-dire si P ∈ D alors h(P) ∈ D (mais
on n’a pas h(P) = P). On retient ici que n’importe quel vecteur xy est envoyé sur son double 2 xy .
 

2.       
x 2 0 x 2x
k: 7→ =
y 0 3 y 3y
L’application k n’est plus une homothétie. Cependant l’axe (O x) est globalement invariant par k ; de
même, l’axe (O y) est globalement invariant. On retient qu’un vecteur du type ( 0x ) est envoyé sur son
double 2 ( 0x ), alors qu’un vecteur du type 0y est envoyé sur son triple 3 0y .
 

Pour une matrice quelconque, il s’agit de voir comment on se ramène à ces situations géométriques simples.
C’est ce qui nous amène à la notion de vecteurs propres et valeurs propres.

1.2. Définitions

Définition 1.
Soit A ∈ Mn (K).
• λ est dite valeur propre de la matrice A s’il existe un vecteur non nul X ∈ Kn tel que
AX = λX .

• Le vecteur X est alors appelé vecteur propre de A associé à la valeur propre λ.


VALEURS PROPRES, VECTEURS PROPRES 1. VALEURS PROPRES ET VECTEURS PROPRES 2

1.3. Exemples
Exemple 1.
Soit A ∈ M3 (R) la matrice
 
1 3 3
A = −2 11 −2 .
8 −7 6
 
−1
• Vérifions que X 1 = 0  est vecteur propre de A.

1
En effet,
      
1 3 3 −1 2 −1
AX 1 = −2 11 −2
   0 = 0 = −2 0  = −2X 1 .
   
8 −7 6 1 −2 1
Donc X 1 est un vecteur
  propre de A associé à la valeur propre λ 1 = −2.
0
• Vérifions que X 2 =  1  est vecteur propre de A.
−1
On calcule AX 2 et on vérifie que :
AX 2 = 13X 2
Donc X 2 est un vecteur propre de A associé à la valeur propre λ2 = 13.
• Vérifions que λ3 = 7 est valeur propre de A. 
x1
Il s’agit donc de trouver un vecteur X 3 =  x 2  tel que AX 3 = 7X 3 .
x3
    
1 3 3 x1 x1
AX 3 = 7X 3 ⇐⇒ −2 11 −2
   x2 = 7 x2
 
8 −7 6 x3 x3
x 1 + 3x 2 + 3x 3
   
7x 1
⇐⇒ −2x 1 + 11x 2 − 2x 3  = 7x 2 
8x 1 − 7x 2 + 6x 3 7x 3
 −6x 1 + 3x 2 + 3x 3 = 0

⇐⇒ −2x 1 + 4x 2 − 2x 3 = 0
8x 1 − 7x 2 − x 3 = 0

¦€ t Š ©
On résout ce système linéaire et on trouve comme ensemble de solutions : t | t ∈ R . Autrement dit,
  t
1
les solutions sont engendrées par le vecteur X 3 = 1.
1
On vient de calculer que AX 3 = 7X 3 . Ainsi X 3 est un vecteur propre de A associé à la valeur propre
λ3 = 7.
Exemple 2.
Soit  
0 1
A= .
1 1
p
1+ 5
Le réel α = 2 est une valeur propre de A. En effet :
   
1 1
A =α
α α
VALEURS PROPRES, VECTEURS PROPRES 1. VALEURS PROPRES ET VECTEURS PROPRES 3

Exemple 3.
Soit
cos θ − sin θ
 
0
Aθ = sin θ
 cos θ 0
0 0 1
€0Š
la matrice de la rotation de l’espace d’angle θ et d’axe (Oz). Soit X 3 = 0 . Alors Aθ X 3 = X 3 . Donc X 3 est
1
un vecteur propre de Aθ et la valeur propre associée est 1.
Exemple 4.
Soit  
0 1
A= .
−1 −1
p 2π
Le complexe j = − 12 + i 2
3
= ei 3 est une valeur propre de A. En effet :
   
1 1
A =j
j j

1.4. Cas d’une matrice diagonale


Le cas idéal est celui d’une matrice diagonale. Il est en effet très facile de lui trouver des valeurs propres et
des vecteurs propres. C’est le but de la « diagonalisation » de se ramener à ce cas !
Exemple 5 (Cas d’une matrice diagonale).
Soit A la matrice diagonale
λ1
 
0 ··· 0···
0
 λ2 0 ···
0 
 . .. .. .. 
..
A =  .. . . .
.  .
 
0 · · · 0 λn−1 0 
0 ··· ··· 0 λn
Alors les scalaires λ1 , . . . , λn sont des valeurs propres de A, admettant respectivement comme vecteurs
propres associés :
   
1 0
0  .. 
X1 =  .  ··· Xn =  .  .
   
 ..   0
0 1
.
..
0
La preuve est immédiate. Le vecteur X i =  1  (où toutes les coordonnées sont nulles, sauf 1 en position i)
0
..
.
vérifie en effet
.  . 
λ1 0 · · · · · · .. ..

0
 0 λ2 0 ··· 0  0  0 
    

 .. . . . . . ..     
AX i =  . λi  = λi X i .
=
. . .. .  1 
  

 0 · · · 0 λn−1 0  0  0   

.. ..
0 ··· ... 0 λn . .
Conclusion : les éléments diagonaux sont des valeurs propres de A! On verra plus loin dans ce chapitre qu’il
n’y a pas d’autres valeurs propres.
VALEURS PROPRES, VECTEURS PROPRES 1. VALEURS PROPRES ET VECTEURS PROPRES 4

1.5. Les vecteurs propres forment une famille libre

Théorème 1.
Soit A ∈ Mn (K). Soient λ1 , λ2 , . . . , λ r des valeurs propres distinctes de A, et soit X i un vecteur propre associé
à λi (pour 1 6 i 6 r). Alors les vecteurs X 1 , X 2 , . . . , X r sont linéairement indépendants.

Démonstration. Raisonnons par récurrence sur r, le nombre de valeurs propres.


• Initialisation. Pour r = 1, la famille constituée du seul vecteur {X 1 } est toujours une famille libre, car
X 1 est non nul.
• Hérédité. Supposons que X 1 , X 2 , . . . , X r−1 soient des vecteurs propres linéairement indépendants
(où r > 2 est fixé). Soit λ r une autre valeur propre, et soit X r un vecteur propre associé. Soient
α1 , α2 , . . . , α r−1 , α r ∈ K tels que
α1 X 1 + α2 X 2 + · · · + α r−1 X r−1 + α r X r = 0. (1)
Ainsi

A α1 X 1 + α2 X 2 + · · · + α r−1 X r−1 + α r X r = 0
donc
α1 AX 1 + α2 AX 2 + · · · + α r−1 AX r−1 + α r AX r = 0.
Comme les X i sont des vecteurs propres, alors
α1 λ1 X 1 + α2 λ2 X 2 + · · · + α r−1 λ r−1 X r−1 + α r λ r X r = 0. (2)
À partir des équations (1) et (2), on calcule l’expression (2) − λ r (1) :
α1 (λ1 − λ r )X 1 + α2 (λ2 − λ r )X 2 + · · · + α r−1 (λ r−1 − λ r )X r−1 = 0 (3)
(le vecteur X r n’apparaît plus dans cette identité). Comme la famille {X 1 , X 2 , . . . , X r−1 } est une famille
libre, alors la combinaison linéaire nulle (3) implique que tous ses coefficients sont nuls :
α1 (λ1 − λ r ) = 0 α2 (λ2 − λ r ) = 0 ··· α r−1 (λ r−1 − λ r ) = 0
Mais comme les valeurs propres sont distinctes alors λi − λ r 6= 0 (pour i = 1, . . . , r − 1). Ainsi
α1 = 0 α2 = 0 ··· α r−1 = 0.
En se souvenant qu’un vecteur propre n’est pas le vecteur nul, alors l’équation (1) implique en plus
α r = 0.
Bilan : on vient de prouver que la famille {X 1 , X 2 , . . . , X r } est une famille libre.
• Conclusion. Par le principe de récurrence, des vecteurs propres associés à des valeurs propres distinctes
sont linéairement indépendants.

Mini-exercices.
  
1. Soit A = 23 54 . Montrer que X 1 = 11 et X 2 = −3
5
sont des vecteurs propres de A. Quelles sont les
p2 p2
  
valeurs propres associées ? Même question avec A = −1 3 , X1 =
2 −1
5−1 , X 2 = − 5−1 .
€ −1 −1 0 Š
2. Soit A = 0 −2 0 . Montrer que λ1 = −2, λ2 = −1 et λ3 = 0 sont valeurs propres de A. Pour chaque
−1 0 0
valeur propre, trouver un vecteur propre associé.
3. Quelles sont les valeurs propres et les vecteurs propres de la matrice identité I n ? Et de la matrice
nulle 0n ?
4. Montrer qu’une matrice A ∈ Mn (K) a au plus n valeurs propres distinctes (utiliser un résultat du
cours).
€ 5 −7 7 Š € 3 Š €0Š €5Š
5. Soit A = 0 5 0 . Montrer que les vecteurs X 1 = −1 , X 2 = 2 , X 3 = 1 sont vecteurs propres de
0 7 −2 −1 2 1
A. Montrer que {X 1 , X 2 , X 3 } ne forme pas une famille libre. Est-ce que cela contredit un résultat du
VALEURS PROPRES, VECTEURS PROPRES 2. POLYNÔME CARACTÉRISTIQUE 5

cours ?

2. Polynôme caractéristique
Comment trouver les valeurs propres d’une matrice parmi tous les éléments de K ?

2.1. Caractérisation des valeurs propres


Voici le résultat fondamental pour déterminer les valeurs propres.
Proposition 1.
Soient A ∈ Mn (K) et λ ∈ K. Alors :
λ est une valeur propre de A ⇐⇒ det(A − λI n ) = 0.

Rappel : I n est la matrice identité de taille n × n ; quel que soit le vecteur X ∈ Kn , I n · X = X .

Démonstration.
λ est une valeur propre de A ⇐⇒ ∃X ∈ Kn \ {0}, AX = λX
n
⇐⇒ ∃X ∈ K \ {0}, (A − λI n )X = 0
⇐⇒ Ker(A − λI n ) 6= {0}
⇐⇒ A − λI n n’est pas injective
⇐⇒ A − λI n n’est pas inversible
⇐⇒ det(A − λI n ) = 0.

2.2. Polynôme caractéristique


Nous transformons la caractérisation précédente en un outil pratique :
Définition 2.
Soit A ∈ Mn (K). Le polynôme caractéristique de A est

χA(X ) = det(A − X I n ).

La proposition 1 devient alors :

λ valeur propre de A ⇐⇒ χA(λ) = 0

Remarque.
• La matrice A − X I n est à coefficients dans K[X ], donc son déterminant χA(X ) appartient à K[X ].
• On notera aussi souvent χA(λ) = det(A − λI n ) comme un polynôme en λ, plutôt que χA(X ).
• Pour tout λ ∈ K, det(λI n − A) = (−1)n χA(λ).

La matrice A étant de taille n × n, alors le polynôme caractéristique de A est un polynôme de degré n. Cela
conduit aux propriétés suivantes :
Corollaire 1.
• Soit A ∈ Mn (K). Alors A admet au plus n valeurs propres.
• Si le corps K = C, alors toute matrice A ∈ Mn (C) admet au moins une valeur propre.
VALEURS PROPRES, VECTEURS PROPRES 2. POLYNÔME CARACTÉRISTIQUE 6

En effet, nous savons qu’un polynôme de degré n a au plus n racines. Et sur C un polynôme non constant
admet toujours au moins une racine.
Proposition 2.
Deux matrices semblables ont le même polynôme caractéristique. Autrement dit, si B = P −1 AP alors
χA(X ) = χB (X ).

Démonstration. On écrit
B − X I n = P −1 AP − X (P −1 I n P) = P −1 (A − X I n )P.
Mais on sait que le déterminant vérifie det(M N ) = det(M )·det(N ) pour toutes matrices M et N et det(M −1 ) =
1
det(M ) pour une matrice M inversible. Donc
1
χB (X ) = det(B − X I n ) = · det(A − X I n ) · det(P) = det(A − X I n ) = χA(X ).
det(P)

2.3. Exemples
Reprenons les exemples du début de ce chapitre et traitons-les en utilisant le polynôme caractéristique.
Exemple 6.
 
1 3 3
A = −2 11 −2
8 −7 6
Alors

χA(X ) = det(A − X I3 )
   
1 3 3 1 0 0
= det −2 11 −2 − X 0 1 0
8 −7 6 0 0 1

1 − X 3 3

= −2
11 − X −2
8 −7 6 − X
= ···
= −X 3 + 18X 2 − 51X − 182
= −(X + 2)(X − 7)(X − 13).
Donc les valeurs propres sont :
−2, 7 et 13.
Exemple 7.
 
0 1
A=
1 1
Alors p  p 
1+ 5

0 − X 1 1− 5
2
χA(X ) = = X −X −1= X − X−
1 1 − X 2 2
donc les valeurs propres sont :
p p
1− 5 1+ 5
et .
2 2
VALEURS PROPRES, VECTEURS PROPRES 2. POLYNÔME CARACTÉRISTIQUE 7

Exemple 8.
 
0 1
A=
−1 −1
Alors :
0 − X 1
χA(X ) = = X 2 + X + 1 = (X − j)(X − j̄)
−1 −1 − X
p
où j = − 12 + i 23 . Bilan :
• sur K = R, la matrice A n’a aucune valeur propre,
• sur K = C, la matrice A a deux valeurs propres : j et j̄.
Exemple 9.

cos θ − sin θ
 
A=
sin θ cos θ
Alors :
cos θ − X − sin θ

χA(X ) = = X 2 − 2 cos(θ )X + 1 = (X − ei θ )(X − e− i θ ).
sin θ cos θ − X
Sur C, les valeurs propres sont e− i θ et ei θ .
Exemple 10 (Cas des matrices triangulaires).
Soit A une matrice triangulaire supérieure
 
a11 a12 · · · · · · · · · a1n
22 · · · · · · · · · a2n 
 0 a 

 . .. .. .. 
 .. . . . 
A= . ..  .
 
 .. .. ..
. . . 
 
 .. .. .. .. 
 . . . . 
0 · · · · · · · · · 0 ann
Alors

a − X a12 ··· ··· ··· a1n
11
0
a22 − X ··· ··· ··· a2n

. .. .. ..
..

. . . Yn Yn
χA(X ) = . = (aii − X ) = (−1) n
(X − aii ).

.. .. ..
.. . . .
i=1 i=1
.. .. .. ..
. . . .

0 ··· ··· ··· 0 ann − X
Le calcul de ce déterminant se fait d’abord en développant la première colonne, puis par récurrence.
L’ensemble des valeurs propres est donc {aii | 1 6 i 6 n}. On retient :

Les valeurs propres d’une matrice triangulaire sont exactement ses éléments diagonaux.

2.4. Coefficients du polynôme caractéristique


La somme et le produit des valeurs propres peuvent se calculer facilement à partir de la matrice.
Proposition 3.
Si une matrice A ∈ Mn (K) admet n valeurs propres alors :

La somme des valeurs propres vaut tr A.


VALEURS PROPRES, VECTEURS PROPRES 2. POLYNÔME CARACTÉRISTIQUE 8

Le produit des valeurs propres vaut det A.

Rappel : la trace de A, tr A, est la somme des coefficients diagonaux de A.


Cette proposition est évidente pour une matrice diagonale. Elle se démontre aussi facilement si la matrice
est diagonalisable. Nous allons ici déduire cette proposition d’un résultat plus général sur les coefficients du
polynôme caractéristique.
Proposition 4.
Soit A ∈ Mn (K). Soit χA(X ) son polynôme caractéristique. C’est un polynôme de degré n qui vérifie :
χA(X ) = (−1)n X n + (−1)n−1 (tr A)X n−1 + · · · + det A.

Exemple 11.  
a b
Voici le cas n = 2. Soit A = . On a
c d

a − X b
χA(X ) = = (a − X )(d − X ) − bc = X 2 − (a + d) X + |ad {z
− bc} .
c d − X | {z }
tr A det A

Exemple 12.
Si λ1 , λ2 , . . . , λn ∈ K sont les valeurs propres de A, alors le polynôme caractéristique s’écrit aussi
χA(X ) = (−1)n (X − λ1 )(X − λ2 ) · · · (X − λn ).
En développant cette expression, on trouve
€ Š
χA(X ) = (−1)n X n − (λ1 + · · · + λn )X n−1 + · · · + (−1)n (λ1 · λ2 · · · λn ) .
En identifiant ce polynôme avec l’expression de la proposition 4, on obtient la proposition 3.
Voici les grandes lignes de la preuve de la proposition 4 (on reviendra sur cette preuve dans le chapitre
suivant « Diagonalisation »).

Démonstration. Si A = (ai j )16i, j 6n , on a



a11 − X a12 ··· a1n

a
21 a22 − X ··· a2n
χA(X ) = . .

.. .. ..
.. . . .

a
n1 an2 · · · ann − X
On a alors :
• Le polynôme χA(X ) est de degré n.
• Les termes de degré n et n − 1 proviennent du produit
(a11 − X ) · · · (ann − X ) = (−1)n X n + (−1)n−1 (tr A)X n−1 + · · ·
• Le terme constant, quant à lui, est donné par χA(0) = det A.

2.5. Matrice compagnon


Est-ce que n’importe quel polynôme peut être réalisé comme polynôme caractéristique ? La réponse est oui !
Proposition 5.
Soit P(X ) = X n + cn−1 X n−1 + · · · + c1 X + c0 ∈ K[X ]. Soit A ∈ Mn (K) la matrice compagnon du polynôme
VALEURS PROPRES, VECTEURS PROPRES 2. POLYNÔME CARACTÉRISTIQUE 9

P:  
0 · · · · · · 0 −c0
. .. .. 
1 . . . . 

 . . . .. 
A = 0 . . . . ..

. 

. . .. 
 .. .. ... 0 . 
0 · · · 0 1 −cn−1
Alors

χA(X ) = (−1)n P(X ).

Démonstration. La preuve est par récurrence sur n > 1.


Initialisation. Si n = 1 alors la matrice compagnon est la matrice A = (−c0 ), de taille 1 × 1. Ainsi det(A −
X I1 ) = det(−c0 − X ) = −X − c0 = −P(X ).
Hérédité. Fixons n > 2 et supposons la formule vraie pour des matrices compagnons de taille (n−1)×(n−1).
Alors :
χA(X ) = det(A − X I n )

−X 0 · · · 0 −c
0
1 ... ...
.. ..
. .

..
= 0 ... ... 0 on développe par rapport à la première ligne :

.
.. ..

.. ..
. . −X

. .

0 ··· 0 1 −X − cn−1

−X 0 · · · 0 −c 1 −X 0 · · · 0
1
1 ... ...
.. .. .. .. .. ..
. .
0
. . . .
. . . . . . .
= (−X ) 0 .. .. 0 .. n
+(−1) c0 .. .. . . . . 0

.. .. ..

.. .. .. ..
. . −X . .

. . . −X

0 ··· 0 1 −X − cn−1 0 · · · · · · 0 1
| {z } | {z }
polynôme caractéristique associé à une =1
matrice compagnon de taille (n − 1) × (n − 1)
€ Š
= (−X ) (−1)n−1 (X n−1 + cn−1 X n−2 + · · · + c1 ) + (−1)n c0 × 1 par hypothèse de récurrence
= (−1)n (X n + cn−1 X n−1 + · · · + c1 X + c0 )
= (−1)n P(X )
Conclusion. Par le principe de récurrence, la proposition est vérifiée pour tout n > 1.

Exemple 13.
Soit A la matrice :  
0 ··· ··· 0 1
. ..
1 . . . 0
 
 .. .. .. .. 
A= 0 . . . .  ∈ Mn (C)

. .
. . . . . 0 ... 

 ..
0 ··· 0 1 0
Alors χA(X ) = (−1) (X − 1). Les valeurs propres de A sont donc les racines n-ièmes de l’unité.
n n
VALEURS PROPRES, VECTEURS PROPRES 3. DIAGONALISER À LA MAIN 10

Mini-exercices.
1. Calculer le polynôme caractéristique
 −3 −1des matrices suivantes, et en déduire leurs valeurs propres :
  −6 3 −7  0 0‹
A = 7 4 , B = 5 0 5 , C = 0 0 −1 2 .
23 1 −3 0 0
5 −1 6 0 0 5 2
2. Calculer,
 a11 aà12 la main, les coefficients du polynôme caractéristique d’une matrice A de taille 3 × 3 :
a13 
A = aa21 aa22 aa23 .
31 32 33

3. Trouver plusieurs matrices de taille 2 × 2 dont la somme des valeurs propres fait 6 et le produit des
valeurs propres fait 2.
4. Trouver une matrice, ni diagonale ni triangulaire, dont le polynôme caractéristique est (X − 1)2 (X 2 +
X + 1). Trouver une matrice, ni diagonale ni triangulaire, dont l’ensemble des valeurs propres est
{0, 1, −1, i, − i}.

3. Diagonaliser à la main
Nous avons vu qu’une matrice A et une matrice semblable P −1 AP ont le même polynôme caractéristique,
donc les mêmes valeurs propres. Nous allons voir un critère simple (mais pas le plus général) pour obtenir
une matrice P −1 AP qui est diagonale, les coefficients diagonaux étant les valeurs propres de A.

3.1. Matrice diagonalisable

Définition 3.
Soit A ∈ Mn (K). On dit que A est diagonalisable sur K s’il existe une matrice P ∈ Mn (K) inversible telle
que P −1 AP soit une matrice diagonale.

Il y a beaucoup d’intérêt à se ramener à une matrice diagonale. Voici juste une application.
Exemple 14.
Soient 1
− 27
    
1 2 1 1 −1
A= P= P = 7
.
3 −4 −3 21 6
7
2
7
Alors
(−5)k
   
−1 −5 0 0
D=P AP = donc k
D = .
0 2 0 2k
La matrice D étant diagonale, la matrice A est diagonalisable. Calculons maintenant Ak .
Comme D = P −1 AP alors A = P DP −1 , donc
Ak = (P DP −1 )k = (P DP −1 )(P DP −1 ) · · · (P DP −1 ) = P D k P −1 .
| {z }
k occurrences
D’où 6 1 2 2
× 2k + × (−5)k × 2k − × (−5)k

A =k 7
3
7
3
7
1
7
6 .
7 × 2k − 7 × (−5)k 7 × 2k + 7 × (−5)k

3.2. Un critère pour diagonaliser


Comment trouver cette matrice P qui permet de diagonaliser ?
Nous allons donner une méthode sous l’hypothèse que la matrice admette n valeurs propres distinctes. Nous
verrons des critères plus puissants dans les chapitres suivants.
VALEURS PROPRES, VECTEURS PROPRES 3. DIAGONALISER À LA MAIN 11

Proposition 6.
Soit A ∈ Mn (K) une matrice. Supposons que A admette n valeurs propres distinctes λ1 , . . . , λn ∈ K. Soient
X 1 , . . . , X n des vecteurs propres associés. Alors :
• La matrice A est diagonalisable.
• Si on note P la matrice dont les vecteurs colonnes sont les (X 1 , . . . , X n ), alors D = P −1 AP est la matrice
diagonale formée des valeurs propres de A.

Démonstration.
• Par le théorème 1, la famille (X 1 , . . . , X n ) est une famille libre, car les valeurs propres sont distinctes.
Comme cette famille possède n éléments, c’est une base de Kn .
• La matrice P est inversible car ses vecteurs colonnes forment une base de Kn . On pose D = P −1 AP.
.
..
0
• Notons (Y1 , . . . , Yn ) la base canonique de K : Yi =  1  (où le 1 est en position i). On remarque que la
n
0
..
.
multiplication M Yi renvoie la i-ème colonne de la matrice M . En particulier, PYi = X i et donc Yi = P −1 X i .
Calculons DYi pour chaque 1 6 i 6 n :
DYi = (P −1 AP)Yi = (P −1 A)PYi
= (P −1 A)X i = P −1 (AX i )
= P −1 (λi X i ) = λi P −1 X i
= λi Yi
Nous avons utilisé le fait que X i est un vecteur propre associé à 
la valeur
 propre λi . Ainsi on vient de
..
.
0
prouver que la i-ème colonne de D, qui est DYi , est aussi λi Yi =  λi 
 .
0 
..
.
La matrice D est donc bien la matrice diagonale dont les coefficients sont les λi :
 
λ1 0 · · · 0
. 
 0 λ2 . . . .. 

D= . .

..

 .. . . . 0

0 ··· 0 λn

3.3. Méthode pour diagonaliser


Soit A ∈ Mn (K) une matrice carrée n × n. Pour essayer de la diagonaliser :
1. On calcule d’abord son polynôme caractéristique χA(X ).
2. On cherche les racines de χA(X ) : ce sont les valeurs propres de A.
On suppose ici que l’on a trouvé n valeurs propres distinctes : λ1 , . . . , λn .
3. Pour chaque valeur propre λi de A, on cherche un vecteur propre X i .
4. Soit P la matrice dont les vecteurs colonnes sont les (X 1 , . . . , X n ). Alors D = P −1 AP est la matrice
diagonale :  
λ1 0 · · · 0
. 
 0 λ2 . . . .. 

D=  .. . . . .


 . . . 0
0 ··· 0 λn
VALEURS PROPRES, VECTEURS PROPRES 3. DIAGONALISER À LA MAIN 12

3.4. Exemples
Exemple 15.
Diagonalisons la matrice
 
4 −2
A= .
1 1
1. Pour cela, on détermine ses valeurs propres :
4 − λ −2

det(A − λI) = = (4 − λ)(1 − λ) + 2 = λ2 − 5λ + 6 = (λ − 2)(λ − 3).
1 1 − λ
2. Ainsi, la matrice A admet deux valeurs propres distinctes, qui sont λ1 = 2 et λ2 = 3. Par la proposition 6,
elle est diagonalisable.
3. Déterminons une base de vecteurs propres. Tout d’abord pour λ1 = 2 :
    
4 −2 x 2x
= ⇐⇒ x = y,
1 1 y 2y

d’où le vecteur propre X 1 = 11 associé à la valeur propre λ1 = 2. Pour la valeur propre λ2 = 3 :
    
4 −2 x 3x
= ⇐⇒ x = 2 y,
1 1 y 3y

d’où le vecteur propre X 2 = 21 associé à la valeur propre λ2 = 3.
4. Dans la base (X 1 , X 2 ), la matrice s’écrit
 
2 0
D= .
0 3
Plus précisément D = P −1 AP, où
   
1 2 −1 −1 2
P= et P = .
1 1 1 −1

Exemple 16.
Soit  
1 0 0
A = 5 −4 0 .
6 −6 2
Démontrons que A est diagonalisable et trouvons une matrice P telle que P −1 AP soit diagonale.

1. Commençons par calculer le polynôme caractéristique de A :



1 − X 0 0

χA(X ) = 5 −4 − X 0 = −(X − 1)(X + 4)(X − 2)
6 −6 2 − X
2. Les racines du polynôme caractéristique, et donc les valeurs propres de A, sont les réels λ1 = 1, λ2 = −4
et λ3 = 2. Il y a trois valeurs propres distinctes, et donc par la proposition 6, la matrice est diagonalisable.
3. Déterminons des vecteurs propres associés. Par exemple, pour λ2 = −4 :
5x = 0
     
1 0 0 x −4x
x = 0
 
5 −4 0  y  = −4 y  ⇐⇒ 5x = 0 ⇐⇒
y = z
6 −6 2 z −4z 6x − 6 y + 6z = 0

¦€ 0 Š © €0Š
L’ensemble des solutions est donc t | t ∈ R . D’où le vecteur propre X 2 = 1 associé à la valeur
t 1
propre λ2 = −4.
VALEURS PROPRES, VECTEURS PROPRES 3. DIAGONALISER À LA MAIN 13

De même, on trouve X 1 (associé à λ1 = 1) et X 3 (associé à λ3 = 2) :


     
1 0 0
X1 = 1  X2 = 1  X 3 = 0

0 1 1
4. La base (X 1 , X 2 , X 3 ) diagonalise la matrice A, c’est-à-dire D = P −1 AP avec
     
1 0 0 1 0 0 1 0 0
D = 0 −4 0 et P = 1 1 0 P −1 = −1 1 0 .
0 0 2 0 1 1 1 −1 1

Mini-exercices.
 −4 5 0 
1. Soit A = 0 1 0 . Calculer les valeurs propres de A. Trouver un vecteur propre pour chaque valeur
−7 7 3
propre. Trouver une matrice P telle que D = P −1 AP soit une matrice diagonale. Calculer P −1 . Calculer
D k (k ∈ N). En déduire Ak .
 1 −2 0 0 ‹
2. Même exercice avec A = −1 1 0 0
0 0 1 −3 .
0 0 −3 1
3. Dans le cas d’une matrice A ∈ Mn (K) ayant n valeurs propres distinctes, donner une nouvelle preuve
des assertions : « La somme des valeurs propres vaut tr A. » et « Le produit des valeurs propres vaut
det A. »
4. Soit T une matrice triangulaire, non diagonale, dont les coefficients sur la diagonale sont tous 1.
Montrer qu’elle n’est pas diagonalisable. Indications : (a) Quelles sont les valeurs propres de T ? (b)
Si T était diagonalisable en une matrice D, que vaudrait D ? (c) À quoi pourrait être semblable cette
matrice D ?

Auteurs du chapitre
D’après un cours de Sandra Delaunay et un cours d’Alexis Tchoudjem.
Revu et augmenté par Arnaud Bodin.
Relu par Stéphanie Bodin et Vianney Combet.

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