Chapitre 3

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Chapitre III :

La régulation par l’Etat

Section I : l’évolution du rôle de l’Etat


Pendant longtemps, sous l’influence de la pensée classique le rôle de l’Etat devait se limiter à
ce que l’on appelle les fonctions régaliennes. Mais au début du 20ème siècle et surtout à la
suite de la crise 1929 l’Etat s’est trouvé dans l’obligation d’élargir sa sphère d’influence, se
muant ainsi de l’Etat gendarme à l’Etat providence. Depuis les années 80, un désengagement
de l’Etat a été observé dans plusieurs domaines de l’activité économique et sociale, suite à la
crise de l’Etat providence trop interventionniste.

A/ Les fonctions de l’Etat gendarme

Dans la conception libérale, l’Etat ne doit pas chercher à agir à la place des agents
économiques pour ne pas perturber les lois de l’économie de marché. Il est chargé du
maintien de l’ordre interne (police), de la défense de la nation contre les autres notions
(armée), du bon fonctionnement de la justice et de l’administration générale permettant de
faire régner la sécurité des biens et des personnes

L’Etat agit par conséquent comme gendarme de l’activité économique en accomplissant ces
fonctions régaliennes.

B/ Les fonctions de l’Etat providence

Depuis le 19ème siècle, les fonctions régaliennes ne représentent plus le seul domaine
d’intervention de l’Etat, d’autres fonctions vont prendre du poids. L’idée que l’Etat puisse
intervenir dans l’économie en se substituant aux mécanismes de marché s’est donc
progressivement développée, pour s’imposer dans la deuxième moitié du XXème siècle.

Une nouvelle conception de l’intervention publique est donc apparue : l’Etat doit jouer un
rôle actif dans la recherche du progrès économique et social. C’est l’Etat providence.

L’intervention de l’Etat se justifie généralement pour trois raisons essentielles.

1/ la fonction de redistribution :

L’économie du marché était toujours critiquée puisqu’elle est susceptible d’engendrer une
distribution très inégale des revenus. La plupart des économistes considèrent que l’Etat doit
jouer un rôle important dans la répartition secondaire des revenus.
La protection sociale s’est donc développée avec l’Etat providence après la deuxième guerre
mondiale. Elle se traduit par la prise en charge par l’Etat de risques sociaux tels que la
maladie, la vieillesse et le chômage. Autrement dit, le système redistributif opère des
prélèvements (impôt direct, impôt indirect et cotisations sociales) sur les revenus primaires et
fournit des revenus de transfert (prestations, aides…) et des services collectifs aux ménages.

Cette redistribution permet de réduire les inégalités et d’accroitre la consommation totale.

2/ la fonction d’allocation ou d’affection des ressources :

Cette fonction traduit l’intervention de l’Etat en tant que producteur de biens et services
collectifs.

Plusieurs arguments justifient l’existence de l’Etat producteur :

- L’insuffisante rentabilité de certaines activités de service public (éclairage public, les


routes) n’attire pas les entreprises privées nues par la recherche du profit et exige leur
prise en charge par l’Etat.
- Pour les activités de réseaux (électricité, transport ferroviaire,…) l’ampleur des
infrastructures et des équipements conduit spontanément à une situation de monopole.
Ce monopole a un pouvoir énorme dont il peut abuser au détriment de la collectivité,
ce qui nécessite l’intervention de l’Etat.
- L’importance stratégique de certaines activités (armement, recherche, éduction,
justice)
3/ la fonction de régulation :

La fonction de stabilisation ou de régulation sert à lutter contre les déséquilibres


économiques. Cette fonction est à la recherche du plein emploi, de la croissance, de la
compétitivité nationale et de la maitrise de l’inflation. Ce rôle régulateur de l’Etat est assuré
dans le cadre d’une politique économique globale.
Dans certains pays, l’intervention de l’Etat dépasse ces trois fonctions (allocation,
redistribution et régulation). Elle va plus loin et touche à la planification et la nationalisation
d’entreprises.
La nationalisation consiste à transférer juridiquement à la collectivité la propriété d’une
entreprise ou d’un groupe d’entreprises.

La planification repose sur un document, le plan, qui présente les grandes orientations
économiques et sociales pour l’avenir. Elle traduit la volonté de l’Etat d’orienter, voire de
diriger, largement l’activité économique.

C/ La crise de l’Etat providence

1/ La mise en cause de l’Etat providence :

Suite à la crise de 1974 (baisse du taux de croissance, l’aggravation du chômage,


l’inflation…) l’interventionnisme de l’Etat était accusé. Plusieurs reproches ont été adressés à
l’Etat-providence :
- En accomplissant sa fonction de redistribution, l’Etat providence voit ses dépenses
augmenter :
 Augmentation des dépenses de santé avec l’âge des individus et au fur et à
mesure que le niveau de vie progresse.
 Les dépenses d’allocation chômage ne cessent d’augmenter en raison de la
hausse du taux de chômage et de sa durée.
 Les dépenses de retraites augmentent aussi suite à l’allongement de l’espérance
de vie.
 Les ressources propres de l’Etat ne couvrent pas le montant de ces dépenses ce
qui entraine une dette publique de plus en plus lourde voire intournable
- Le développement et la généralisation de la protection sociale ont engendré une
mentalité d’assisté (les travailleurs privés d’emplois peuvent se montrer moins pressés
de trouver un autre poste).
- La hausse des cotisations sociales principales à la charge de l’employeur pèse sur les
coûts salariaux ce qui justifie la substitution du capital au travail.
- La hausse des impôts serait un frein à l’incitation à l’investissement et à l’embauche,
ce qui aboutit à la réduction de l’activité économique.
- L’entreprise publique est considérée comme une entreprise inefficace. Cette dernière
pose des contradictions. En effet l’entreprise nationalisée doit être considérée comme
une entreprise comme les autres puisqu’elle est dans l’obligation d’équilibrer ses
comptes, mais c’est également une entreprise différente qui a ses propres logiques
(intégrer l’intérêt général dans ses décisions)
La régulation de l’Etat a donc révélé ses limites. Plusieurs économistes mettent en cause la
légitimité de l’intérêt général.

2/ le désengagement de l’Etat :

Depuis les années 80, l’Etat n’est plus considéré comme le garant de l’intérêt général, il cède
sa place au marché. Le rejet de l’Etat-providence se traduit dans les faits par :

- Un mouvement de privatisation.
- Une déréglementation afin d’assurer une plus grande liberté aux entreprises et une
plus grande flexibilité aux mécanismes du marché.
- Un ralentissement de la redistribution, des aides sociales et des subventions aux
entreprises.
- Une tentative de baisse des taux de prélèvement obligatoire.
- Une lutte contre le déficit budgétaire et les déficits des organismes sociaux.

Depuis la moitié des années 90, l’action de l’Etat semble être en partie réhabilitée, les
privatisations se poursuivent, mais le rôle social de l’Etat se renforce et certaines de ses
interventions économiques sur la croissance semblent de nouveau légitimes.
Section II : Qu'est-ce que la politique économique

A/ Définition

Selon la définition d'Eliane Mossé, une politique économique est « un ensemble de décision
cohérentes prises par les pouvoirs publics, et visant, à l'aide de divers instruments, à
atteindre des objectifs relatifs à la situation économique d'un pays. La poursuite des
objectifs pouvant être recherchée à plus ou moins long terme ». Cette définition montre que
la politique économique se place dans un cadre interventionniste contraire au "laisser faire,
laisser passer".

La politique économique vise, à long terme, à rechercher un certain nombre de finalités. On


recense traditionnellement, la solidarité nationale, la justice sociale, la réduction des inégalités
et l'amélioration de la qualité et du niveau de vie. Les finalités se distinguent des objectifs en
ce sens que les objectifs ne constituent que des étapes conduisant vers les finalités. Les
instruments, pour leur part, représentent les moyens qui permettent d'atteindre les objectifs.

B/ les objectifs de la politique économique:

Jan Tinbergen (1961) distingue quatre grands objectifs de toute politique économique.

Premier objectif: la croissance du PIB

Un taux de croissance élevé du PIB permet la création d'emplois, améliore la consommation


et le niveau de vie des ménages et entraine une hausse des investissements.

Second objectif: La recherche du plein-emploi et la réduction du taux de chômage.

Le plein emploi est défini comme étant une situation de chômage zéro, situation où tous les
demandeurs d'emploi trouveraient un travail. Aujourd'hui le plein-emploi est hors de portée;
l'objectif prioritaire des Etats est plutôt la réduction du chômage.

Croissance et emploi sont donc deux objectifs liés : sans croissance le chômage augmente.
Mais aujourd'hui cette liaison est moins forte vu la croissance du nombre des demandeurs
d'emploi sur le marché du travail et les gains de productivité obtenus grâce à l'automatisation.

Troisième objectif: la stabilité des prix

Il est peu probable que l'on puisse atteindre une stabilité parfaite du niveau général des prix
(ou inflation zéro): l'objectif est plutôt la désinflation qui améliore la compétitivité-prix des
produits nationaux et le solde de la balance commerciale.

Quatrième objectif : la recherche de l'équilibre de la balance des transactions courantes

L'équilibre extérieur pèse sur le taux de croissance: Un pays déficitaire est contraint de réduire
le volume de ses importations ce qui pourrait mener à freiner son activité. Ainsi les objectifs
«stabilité » des prix" et "équilibre des échanges extérieurs" vont également de pair : une
inflation inférieure à celle du reste du monde favorise la compétitivité et permet de rétablir
l'équilibre de la balance commerciale.

Ces quatre objectifs sont représentés graphiquement par le carré de magique de Nicholas
Kaldor :

Source : http://www.glossaire-international.com/

C/ la politique conjoncturelle et la politique structurelle

1/ la politique conjoncturelle

Ayant une portée à court terme, les politiques conjoncturelles cherchent essentiellement à
infléchir les fluctuations des principales variables macro-économiques en vue de réaliser
objectifs économiques fondamentaux: assurer une croissance économique, faire reculer le
chômage, limiter l'inflation et rétablir l'équilibre extérieur.

2/ la politique structurelle

Alors que les politiques conjoncturelles ont une portée à court terme, les politiques
structurelles ont des incidences à long terme sur le fonctionnent de l'activité économique.
Elles s'attachent à modifier et à améliorer les structures en place. Elles agissent sur:

- Le tissu économique et industriel en vue de renforcer ou d'améliorer les


performances globales et sectorielles de l'industrie, et plus largement de l'appareil
productif.

- L'environnement et l'aménagement du territoire en vue de limiter la pollution


d'environnement et la dégradation de l'écosystème et développer l'infrastructure
- La protection sociale pour garantir l'individu contre certains risques.
- L'emploi afin de lutter contre le chômage
A ces quatre objectifs, Xavier Greffe (1988) ajoute la stabilité du taux de change.
Section III : les instruments des politiques conjoncturelles

Pour modifier l'orientation de la conjoncture, les politiques conjoncturelles utilisent plusieurs


moyens parmi lesquels la politique budgétaire, la politique monétaire.

A/ La politique budgétaire

La politique budgétaire s'appuie sur l'élaboration du budget de l'Etat qui n'est autre que la
prévision de l'ensemble des recettes et dépenses de l'Etat pour l'année.

Le budget constitue un instrument de politique économique en ce sens qu'il agit sur l'activité
économique.

L'Etat orientera ses recettes et ses dépenses en fonction de ces objectifs. En effet, le niveau et
les modalités des impôts ont une influence évidente sur l'activité économique (par exemple un
système centré sur l'impôt sur le revenu a un effet redistributif. Par contre un système centré
sur la TVA vise à promouvoir les investissements).

Par ailleurs, la structure des dépenses reflète les priorités de l'Etat: éduction, défense, santé,
emploi, subventions pour aider les entreprises en difficulté, redistribution des revenus aux
catégories défavorisées…

B/ La politique monétaire

La politique monétaire consiste à ajuster la quantité de monnaie en circulation avec les


besoins de l'activité économique. Elle vise la stabilité interne de la monnaie par la régulation
de la masse monétaire. En effet, la quantité de monnaie en circulation dans l'économie ne doit
être ni trop importante pour éviter les phénomènes inflationnistes, et en quantité suffisante
pour que les transactions entre les agents économiques puissent s'opérer.

La régulation de la masse monétaire consiste essentiellement à contrôler la création de


monnaie. La source principale de création monétaire étant le crédit.

Pour contrôler donc l’octroi des crédits, les autorités monétaires disposent d'un ensemble de
moyen d'intervention:

1/ l'encadrement du crédit

Les autorités monétaires fixent une limite maximale au taux de progression des crédits
consentis par les banques, par rapport à une période de référence. Ce système permet de
limiter l'accroissement de la masse monétaire.

2/ les réserves obligatoires:

Les banques sont obligées de déposer à la Banque Centrale des réserves, en compte rémunéré.
La Banque Centrale en faisant varier à la hausse le taux de réserves obligatoires augmente le
besoin de liquidité des banques et ainsi freine leur pouvoir de création monétaire
3/ l'intervention sur le marché monétaire:

La Banque Centrale exerce un contrôle sur l'octroi des crédits en intervenant dans les deux
compartiments du marché monétaire: le marché interbancaire, sur lequel se rencontrent l'offre
et la demande de liquidité des banques, et le marché monétaire sur lequel banques mais aussi
entreprises et Etat échangent des titres.

La Banque Centrale peut intervenir en ponctionnant ou en injectant des liquidités : elle fait
ainsi monter ou descendre le taux d'intérêt, facilitant ou entravant le refinancement des
banques et par conséquent le crédit.

Section IV: les différentes formes de politique conjoncturelle


Les deux formes de politique conjoncturelle sont la politique de relance et la politique de
rigueur.

A/ la politique de relance

Une politique de relance est une politique qui a pour but de relancer l'activité économique,
c.à.d. la croissance de la production, et donc de l'emploi, par un soutien de la demande des
ménages et des entreprises. Elle repose sur des politiques monétaire et budgétaire
expansionnistes.

Selon Keynes l'Etat doit intervenir sur les composantes de la demande globale:

1/ l'investissement : c'est le moyen le plus efficace pour assurer la reprise. L'Etat intervient:

 Directement en décidant d'accroitre les dépenses d'investissement public (politique de


déficit budgétaire)
 Indirectement en incitant les entreprises à investir. L'Etat adopte une politique
monétaire (baisse du taux d'intérêt), une politique budgétaire (octroi de subventions,
allègements fiscaux…) et une politique du commerce extérieur (mesures
protectionnistes pour protéger les entreprises contre la concurrence étrangère)

2/ la consommation

Pour relancer la consommation des ménager, l'Etat dispose de plusieurs moyens:


augmentation de salaires, recrutement de fonctionnaires, politique de redistribution,
encouragement des crédits à la consommation, réduction des impôts…

Si la politique de relance a des effets positifs sur l'activité économique, l'emploi et le revenu
des ménages elle peut favoriser les poussées inflationnistes et peut aboutir à une dégradation
de l'équilibre extérieur en raison du progrès des importations.
B/ La politique de rigueur :

Politique de rigueur et politique d'austérité sont deux appellations d'une même politique, la
politique de stabilisation. Cette politique vise à mettre en place la dynamique de l'austérité
pour limiter la hausse des prix et restaurer l'équilibre commercial.

L'Etat adopte à cet effet plusieurs mesures dont:

- La limitation de la progression des revenus


- L'accroissement des impôts
- La réduction des dépenses publiques et la baisse du déficit budgétaire
- Le contrôle de l'évolution de la masse monétaire notamment par des taux d'intérêt
élevés.
Toutefois la politique de rigueur présente deux risques: le freinage de la croissance
économique et l'aggravation du problème du chômage.

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