Thèse.2014.Procès Équitable
Thèse.2014.Procès Équitable
Thèse.2014.Procès Équitable
Membres du jury :
- -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
Avertissement
L’Université Paris II Panthéon-Assas n’entend donner aucune approbation ni
improbation aux opinions émises dans cette thèse ; ces opinions doivent être
considérées comme propres à leur auteur.
-1-
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
-2-
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
Remerciements
Pour l’intérêt qu’ils ont porté à mon travail, leur bienveillance et leur
disponibilité, je tiens à exprimer toute ma reconnaissance aux professeurs de
l’Université de la Polynésie française et, plus particulièrement, à monsieur Marc
Debène, monsieur Alain Moyrand et monsieur Jean-Paul Pastorel.
Merci à monsieur Régis Chang, monsieur Cyril Conreux et madame Aline Sue,
cadres dirigeants de la Caisse de prévoyance sociale, pour m’avoir accordé ces
quelques mois de disponibilité qui m’ont permis d’achever plus sereinement ma
recherche.
Et surtout, parce qu’ils m’ont aidée à surmonter les difficultés, les périodes de
doute et de découragement, j’exprime ma profonde gratitude à Matahiarii et à mes
chers parents pour leur patience, leur indéfectible soutien, leur compréhension, leur
aide discrète et constante, leur regard toujours positif.
-3-
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
Résumé
Droit au procès équitable et autorité administrative
Descripteurs :
Accusation en matière pénale - Administration-juge - Article 6 - Autorité
administrative - Autorité administrative indépendante - Contestation sur des droits et
obligations de caractère civil - Droit au procès équitable - Fonction contentieuse -
Fonction répressive - Garanties procédurales - Juridictionnalisation - Pénalité
fiscale - Sanction administrative - Subjectivisation.
-4-
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
Abstract
Right to a fair trial and Administrative Authority
The right to a fair trial is enshrined in the article 6§1 of the European
Convention on Human Rights and irradiates now all French law. In the context of the
subjectivization of the law, administrative law is also subject to this "unstoppable
rise of disputes in the name of the right to a fair trial" (Mrs. KOERING-JOULIN).
This assertion is particularly true regarding the powers of sanction and the
settlement of disputes granted to the administrative authorities. The European
definition of the right to a fair trial applied by the Court of Cassation and adapted by
the Council of State allows a wide application of this right.
So, given the current state of the administrative case law, the right to a fair
trial can be usefully claimed against independent administrative authorities as regard
either their law enforcement activities or litigation practice. And the tax
administration has also been compelled to respect this fundamental right for eight
years now.
In line with this settled jurisprudence, the extension of the right to a fair trial
to all the administrative authorities may be the way of the future.
But such an evolution raises a few questions.
Isn't the increasing jurisdictionalization of the administration activities as a
result of the right to a fair trial an inconsistency in itself? Doesn't it go against the
primary goal of the outsourcing of the administrative penalties? More fundamentally,
doesn't subjecting the administrative authorities to the specific principles of court
procedures participate in reinstating some confusion between administration and
jurisdiction? Isn’t it the rebirth, under a new form, of the administrator-judge we
thought was long gone?
Keywords:
Criminal Charge - Administration-juge - Article 6 - Administrative authority -
Independent administrative authority - Determination of the rights and obligations of
civil nature - The right to a fair trial - Contentious function - Repressive function -
Procedural guarantees - Jurisdictionalization - Fiscal penalty - Administrative
penalty - Subjectivization.
-5-
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
Principales abréviations
-6-
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
-7-
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
no ............................. numéro
-8-
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
-9-
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
- 10 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
Sommaire
INTRODUCTION GÉNÉRALE ............................................................................... 13
PARTIE 1......................................................................................................................40
L’applicabilité conflictuelle du droit au procès équitable aux autorités
administratives
Chapitre 1 .....................................................................................................................46
Une définition matérielle et autonome des conditions d’applicabilité de l’article 6
C.E.D.H. Dans les jurisprudences européenne et judiciaire
Section 1 .........................................................................................................................48
L’applicabilité de principe de l’article 6 C.E.D.H. aux autorités administratives
décidant en matière pénale ou civile au sens de la convention
Section 2 ....................................................................................................................... 101
L’inapplicabilité exceptionnelle de l’article 6 C.E.D.H. aux autorités administratives
Conclusion .................................................................................................................. 138
Chapitre 2 ................................................................................................................... 139
Une définition principalement organique des conditions d’applicabilité de l’article 6
C.E.D.H. dans la jurisprudence administrative
Section 1 ....................................................................................................................... 142
L’inapplicabilité de principe de l’article 6 c.e.d.h. aux autorités administratives
décidant en matière civile ou pénale au sens de la convention
Section 2 ....................................................................................................................... 171
L’applicabilité exceptionnelle de l’article 6 c.e.d.h. à certaines catégories d’autorités
administratives décidant en matière pénale et civile au sens de la convention
Conclusion .................................................................................................................. 198
PARTIE 2.................................................................................................................... 200
L’application consensuelle des exigences du procès équitable aux autorités
administratives
Chapitre 1 ................................................................................................................... 202
Une application souple des garanties du procès équitable aux autorités
administratives par le juge européen
Section 1 ....................................................................................................................... 203
L’application des garanties du procès équitable différée au stade juridictionnel
Section 2 ....................................................................................................................... 243
L’application exceptionnelle des garanties du procès équitable au stade administratif
Conclusion .................................................................................................................. 257
Chapitre 2 ................................................................................................................... 258
Une application mécanique de certaines garanties du procès équitable à certaines
autorités administratives par les juges français
Section 1 ....................................................................................................................... 262
Une solution allant au-delà des exigences induites par la jurisprudence européenne
Section 2 ....................................................................................................................... 303
Une solution ne bouleversant pas les lignes résultant de la jurisprudence
administrative antérieure
Conclusion .................................................................................................................. 333
CONCLUSION GÉNÉRALE ................................................................................... 334
- 11 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
- 12 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
INTRODUCTION GENERALE
1
À la différence des autres traités internationaux, l’intitulé « Droit à un procès équitable » est
expressément employé à l’article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de
l’homme et des libertés fondamentales.
2
La Déclaration Universelle des Droits de l’Homme du 10 décembre 1948 est le premier texte à
avoir exprimé la nécessité du procès équitable en son article 10. Elle est un texte de référence
pour les autres instruments internationaux de protection des droits de l’homme. Elle est d’ailleurs
directement à l’origine du Pacte international relatif aux droits civils et politiques du 16 décembre
1966, qui pose le droit à un procès équitable en son article 14. Le droit au procès équitable est
également garanti par l’article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de
l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950. Plus récemment, le droit au procès
équitable a été consacré par l’article 47 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union
européenne du 7 décembre 2000.
3
L’article 6 § 1 C.E.D.H. énonce en ce sens : « Toute personne a droit à ce que sa cause soit
entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant
et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de
caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle. » De
la même manière, l’article 14 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques prévoit :
« Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement et publiquement par un
- 13 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
tribunal compétent, indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera soit du bien-fondé de
toute accusation en matière pénale dirigée contre elle, soit des contestations sur ses droits et
obligations de caractère civil. »
4
L’article 31 § 1 de la Convention de Vienne du 23 mai 1969 stipule : « Un traité doit être
interprété de bonne foi suivant le sens ordinaire à attribuer aux termes du traité dans leur
contexte et à la lumière de son objet et de son but. »
5
DUPUY Pierre-Marie, Droit international public, 7 ème éd., Paris, Dalloz, 2004, n o 308.
- 14 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
Aussi, après nous être attaché à en définir le cadre juridique (I), nous
préciserons quels peuvent être les enjeux (II) et les lignes directrices (III) d’une
étude consacrée au droit au procès équitable et aux autorités administratives.
6
GUINCHARD Serge, « Le procès équitable : garantie formelle ou droit substantielle ? », in
Mélanges Guy FARJAT, Éd. Frison-Roche, 1999, p. 142.
7
« Dans près d’un tiers des arrêts de violation rendus en 2013, la Cour a conclu à la violation de
l’article 6 (droit à un procès équitable) de la Convention, qu’il s’agisse d’équité ou de durée de
procédure. Par ailleurs, environ 50 % des violations constatées par la Cour concernaient
l’article 6 ou l’article 3 (interdiction de la torture et des traitements inhumains ou dégradants) »,
in La CEDH en faits & chiffres 2013, Cour européenne des droits de l’homme, 2013.
8
CEDH, 27 juin 1968, no 2122/64, Wemhoff c/ Allemagne, série A, n o 7, § 8. Voir également :
CEDH, 21 février 1975, n o 4451/70, Golder c/ Royaume-Uni, § 34, G.A.C.E.D.H., 5 ème éd., 2009,
p. 275 ; A.F.D.I., 1975, p. 330, PELLOUX Robert.
- 15 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
conservatrice, surtout pour les dispositions dont le sens peut être incertain et là où
des interprétations extensives pourraient aboutir à imposer aux États contractants
des obligations qu’ils n’ont pas vraiment voulu assumer ou qu’ils n’ont pas eu
conscience d’assumer » 9.
Sur cette base, les organes de la Convention ont, sans relâche, élargi de façon
très significative le domaine de garantie de cette stipulation, à tel point qu’elle a pu
être présentée comme « un texte capital » 11 puis comme un « article attrape-tout » 12.
Pour ce faire, la Cour de Strasbourg a conféré aux notions d’« accusation en
matière pénale » et de « contestation sur des droits et des obligations de caractère
civil » un rôle décisif dans la définition du champ d’application du droit au procès
équitable. Elle les a érigées en critère exclusif d’applicabilité de l’article 6 C.E.D.H. 13
9
Opinion dissidente jointe à l’arrêt Golder c/ Royaume-Uni, 21 février 1975, série A, n o 18, p. 52.
10
CEDH, 17 janvier 1970, no 2689/65, Delcourt c/ Belgique, § 25, C.D.E., 1971, p. 203, obs.
MARCUS-HELMONS Silvio.
11
Répertoire pratique du droit belge, complément, tome III, V o, Droit de la défense, n o 11, cité par
VELU Jacques et ERGEC René, La Convention européenne des droits de l’homme, Bruylant,
Bruxelles, 1990, p. 335, § 381.
12
SUDRE Frédéric, « L’arrêt de la Cour européenne des droits de l’homme du 27 février 1992,
Société Stenuit c/ France : à propos des droits de l’entreprise », Semaine juridique, éd. gén.,
supplément 4/92, 9 juillet 1992, p. 26 à p. 30.
13
CEDH, 16 juillet 1971, n o 2614/65, Ringeisen c/ Autriche, série A, n o 13, § 94, A.F.D.I., 1974,
p. 334 à p. 354, « L’affaire Ringeisen devant la C.E.D.H. », PELLOUX Robert ; R.G.D.I.P.,
1974, p. 864 à p. 865, VALLEE Charles ; C.D.E., 1974, p. 384 à p. 393, obs. MARCUS-
HELMONS Silvio ; CEDH, 21 février 1975, n o 4451/70, Golder c/ Royaume-Uni, § 36,
G.A.C.E.D.H., 5 ème éd., P.U.F., 2009, p. 275 ; A.F.D.I., 1975, p. 330, PELLOUX Robert. Voir
également : CEDH, 23 juin 1981, nos 6878/75, 7238/75, Le Compte, Van Leuven et De Meyere
c/ Belgique, § 50, G.A.C.E.D.H., p. 218 ; C.D.E., 1982, p. 201, COHEN-JONATHAN Gérard ;
J.D.I., 1982, p. 216, ROLLAND Patrice ; CEDH, 22 octobre 1984, no 8790/79, Sramek
c/ Autriche, J.D.I., 1985, p. 1070, obs. TAVERNIER Paul ; CEDH, 20 novembre 1995,
- 16 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
et les a dotées d’une définition de nature matérielle, différente de celle retenue dans
les ordres juridiques des États membres 14.
La première question qui vient alors à l’esprit est la suivante : les autorités
administratives peuvent-elles être amenées à statuer sur le bien-fondé d’« accusation
en matière pénale » ou à se prononcer sur des « contestations sur des droits et des
obligations de caractère civil » ?
- 17 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
L’applicabilité du droit au procès équitable dans son volet civil suppose, quant
à elle, « l’existence d’une contestation » 17 ayant « pour objet la détermination de
droits de caractère privé » 18. Concernant le premier élément, la Cour de Strasbourg
s’accommode d’un simple différend réel et sérieux 19. S’agissant du second aspect,
« seul compte le caractère du droit qui se trouve en cause » 20, peu importe que l’acte
affectant le droit considéré soit de nature administrative ou encore que la mesure
litigieuse relève d’une activité de puissance publique 21. Face à la pénétration
croissante du droit public dans la sphère des droits privés résultant du développement
de l’interventionnisme étatique, les juges européens ont estimé opportun de
« procéder à un recadrage des frontières entre droit privé et droit public, qui ne
passent plus par la nature des parties en cause ou des organes administratifs ou
juridictionnels en cause, mais bien par celle du droit revendiqué par le requérant » 22.
16
DELMAS-MARTY Mireille et TEITGEN-COLLY Catherine, Punir sans juger ? De la répression
administrative au droit administratif pénal, Economica, 1992.
17
CEDH, 3 avril 2012, n o 37575/04, Boulois c/ Luxembourg, § 90.
18
CEDH, 28 juin 1978, no 6232/73, König c/ Allemagne, § 88, Cahiers de droit européen, 1979,
p. 474, obs. COHEN-JONATHAN Gérard ; A.F.D.I., 1979, p. 348, obs. PELLOUX Robert ;
Journal de droit international, 1980, p. 460, obs. ROLLAND Patrice.
19
CEDH, 23 septembre 1982, n os 7151/75, 7152/75, Sporrong et Lönnroth c/ Suède, § 81, A.F.D.I.,
1985, p. 415, obs. COUSSIRAT-COUSTERE Vincent ; G.A.C.E.D.H., 5 ème éd., 2009, p. 702.
20
CEDH, 16 juillet 1971, n o 2614/65, Ringeisen c/ Autriche, § 94, précité.
21
CEDH, 16 juillet 1971, n o 2614/65, Ringeisen c/ Autriche, § 94, série A, no 13, § 94, A.F.D.I.,
1974, p. 334 à p. 354, « L’affaire Ringeisen devant la C.E.D.H. », PELLOUX Robert ;
R.G.D.I.P., 1974, p. 864 à p. 865, VALLEE Charles ; C.D.E., 1974, p. 384 à p. 393, obs.
MARCUS-HELMONS Silvio. Voir également : CEDH, 28 juin 1978, n o 6232/73, König
c/ Allemagne, § 90, précité.
22
GONZALEZ Gérard, « Le sens européen de la notion de « contestation sur des droits et
obligations de caractère civil », in L’extension des garanties du procès équitable hors les
juridictions ordinaires : les contraintes européennes, Institut de droit européen des droits de
l’homme, Avril 2002, p. 14. Voir également en ce sens : DUGRIP Olivier, « L’applicabilité de
l’article 6 de la CEDH aux juridictions administratives », R.U.D.H., 1991, p. 336 et spécialement
p. 343 ; SOYER Jean-Claude et de SALVIA Michel, « Article 6 », in La CEDH, commentaire
article par article, PETTITI Louis-Edmond, DECAUX Emmanuel, IMBERT Pierre-Henri (dir.),
2 ème éd., Paris, Economica, 1999, p. 251 ; MILANO Laure, Le droit à un tribunal au sens de la
Convention européenne des droits de l’Homme, L.G.D.J., 2006, p. 120, n o 165.
- 18 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
Il est vrai qu’à partir de l’an VIII, notre droit administratif s’est attaché à
spécialiser les fonctions de chacun : au juge, le contentieux et à l’administration,
l’action 25. « Le progrès patiemment poursuivi par les générations de juristes qui se
sont succédées en France a [alors] consisté à séparer dans l’administration le
pouvoir de juger du pouvoir d’administrer » 26, soulignait Léon MICHOUD. Cette
spécialisation a conduit la doctrine du XIXème siècle à assimiler abusivement
« juridiction » et « contentieux » et à considérer, par conséquent, qu’un organe investi
d’une fonction contentieuse ne pouvait qu’être un juge. Pour les publicistes de
l’époque, l’acte juridictionnel était une notion purement matérielle. Selon eux, la
fonction juridictionnelle consistait principalement à dire le droit, à trancher des
questions contentieuses 27 et la qualité de juge devait être attribuée à ceux qui
23
Voir sur ce sujet : GOUBERT Pierre, L'Ancien Régime : les pouvoirs, Armand Colin, Paris, 1979,
p. 9 ; LEGENDRE Pierre, Histoire de l’administration de 1750 à nos jours, P.U.F. Paris, 1968,
p. 277 ; MESTRE Jean-Louis, « Intendants et contentieux administratif au XVIII e siècle », Revue
administrative, n o 1, novembre, 2004, p. 639.
24
TRUCHET Didier, « Recours administratif », Répertoire de contentieux administratif, n o 21.
25
Voir sur ce sujet : CHEVALLIER Jacques, L'élaboration historique du principe de séparation de
la juridiction administrative et de l'administration active, Thèse, L.G.D.J., 1970 ; CHEVALLIER
Jacques, « Fonction contentieuse et fonction juridictionnelle », in Mélanges Stassinopoulos,
L.G.D.J., 1974, p. 275 ; BRISSON Jean-François, Les recours administratifs en droit public
français. Contribution à l’étude du contentieux administratif non juridictionnel, Thèse, L.G.D.J.,
1996 ; OSPINA GARZON Andrés Fernando, L’activité contentieuse de l’administration en droit
français colombien, Thèse, Paris 2, 2012.
26
MICHOUD Léon, « Étude sur le pouvoir discrétionnaire de l'administration », R.G.A., 1914,
p. 194.
27
AUCOC Léon, Conférences, 3 ème éd., 1885, T. 1, p. 458 ; de SAINT-GIRONS Antoine, Droit
public français : Essai sur la séparation des pouvoirs dans l’ordre politique, administratif et
- 19 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
judiciaire, Paris, 1881, p. 509 ; BATBIE Anselme, Traité théorique et pratique de droit public et
administratif, 2 ème éd., 1885-1886, T. 3, p. 406.
28
HENRION DE PANSEY Pierre-Paul-Nicolas, De l’autorité judiciaire en France, 1810 ;
MACAREL Louis-Antoine, Éléments de jurisprudence administrative, extraits des décisions
rendues par le Conseil d'État en matière contentieuse, 1818, p. 4.
29
JACQUELIN René, De la juridiction administrative dans le droit constitutionnel, Thèse, 1891,
p. 159.
30
DUCROCQ Théophile, Cours de Droit administratif, 5 ème éd., T. 1, Ernest Thorin, Paris, 1877,
p. 373.
31
CHEVALLIER Jacques, « Réflexions sur l’arrêt « Cadot », Droits, 1989, n o 9, p. 88
- 20 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
pour autant devoir être considérés comme des juges 32, les auteurs, encore marqués par
l’assimilation des notions de contentieux et de juridiction, ont cherché à occulter le
caractère contentieux de la fonction administrative de résolution des litiges et, plus
largement, l’existence du contentieux administratif non tranché par la juridiction
administrative. C’est ainsi que pour Émile ARTUR 33, « l’administrateur et le juge
tout en prononçant les mêmes questions et tout en paraissant exercer la même
fonction exercent deux fonctions essentiellement différentes ». En effet, expliquait-il,
« juger c’est dire le droit en vue d’en assurer le respect. Administrer c’est pourvoir à
l’organisation et au fonctionnement des services publics ». Plus précisément, si
« l’administrateur est obligé de trancher des questions de droit », c’est parce que
« cela est nécessaire à la fonction administrative », parce qu’il y est obligé pour
assurer la marche des services publics », « alors que le juge recherche le droit et le
proclame uniquement pour lui assurer protection et réparation ». Quand
l’administration tranche un contentieux, poursuivait M. ARTUR, « (…) il ne manque
rien pour que l’on ait affaire à du contentieux administratif, qu’une autorité
contentieuse » 34. Cette définition a été reprise et développée par Léon MARIE 35.
D’après lui, le juge a essentiellement pour mission de dire le droit alors que
l’administrateur doit seulement assurer la marche du service public qui lui est confié.
C’est cette différence qui fonde « la supériorité considérable du point de vue de la
réalisation du droit » du recours juridictionnel sur le recours administratif ; « elle
permet de cumuler les deux recours sur une même question et d’user du recours
32
LAFERRIÈRE, Traité de la juridiction administrative et des recours contentieux, Tome 1, 2ème
éd., 1896, p. 208 et p. 436 à p. 464. Examinant les cas où les « textes spéciaux ont consacré le
droit de décision des ministres dans des matières déterminées », LAFERRIÈRE écrit : « les
décisions que les ministres rendent en ces matières ont assurément un caractère contentieux…
mais il ne s’ensuit pas qu’elles aient le caractère de véritables actes de juridiction et que les
textes précités aient exceptionnellement donné le rôle d’un juge au Ministre. Il est naturel, en
effet, que les ministres, en leur qualité de chefs et de surveillants responsables de certains
services confiés à des délégués électifs, aient le droit de vérifier de la légalité du titre que ces
délégués invoquent pour remplir un office public ». Et de reconnaître, « qu’il y a là non des
jugements, mais des vérifications et des décisions d’ordre administratif qui peuvent donner lieu à
une instance devant le Conseil d’État ».
33
ARTUR Émile, « Séparation des pouvoirs et séparation des fonctions », R.D.P., 1900, I, p. 266.
34
ARTUR Émile, « Séparation des pouvoirs et séparation des fonctions », R.D.P., 1900, I, p. 250 et
p. 251.
35
MARIE Léon, Le droit positif et la Juridiction Administrative (Conseil d'état et Conseils de
préfecture) : étude critique de législation et de jurisprudence, 1903, p. 628 et p. 629.
- 21 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
contentieux après avoir employé le recours gracieux ; il n’y a pas en effet double
emploi ; la question soulevée ne se présente pas sous le même aspect dans les deux
cas ». Au début du XXe siècle, Paul BERGERON 36 récusait encore la fonction
contentieuse du recours administratif fondant cette institution exclusivement sur le
principe hiérarchique. De même, Pierre de FONT–RÉAULX affirmait, en 1930, « que
sans la forme juridictionnelle, il ne peut être question d’acte ou de fonction
contentieuse » 37.
36
BERGERON Paul, Le recours hiérarchique, Thèse, Paris, 1923, p. 7.
37
DE FONT-RÉAULX Pierre, Le contrôle juridictionnel du Conseil d’État sur les décisions des
autres tribunaux, Paris, 1930, p. 48.
38
GOHIN Olivier (compilateur et commentateur), « Le Contentieux administratif : I. La juridiction
administrative », Documents d’études, n o 2.09, La documentation Française, éd. 1997, p. 2.
39
DEBBASCH Charles et RICCI Jean-Claude, Contentieux administratif, 7 ème éd., Dalloz, Paris,
1999, p. 1 ; AUBY Jean-Marie et AUBY Jean- Bernard, Institutions administratives, 6 ème éd.
Précis, Dalloz, Paris, 1991, p. 219 ; PACTEAU Bernard, Traité du Contentieux administratif,
P.U.F., Paris, 2008, p. 16.
40
On doit à Jean-Marie AUBY l’expression de « procédure administrative « non contentieuse » qui
l’utilise pour la première fois par, en 1956 : « La procédure administrative non contentieuse », D.,
1956, chr., p. 27. Avant lui, Georges LANGROD avait utilisé l’expression de « procédure
administrative », sans un autre adjectif : « Procédure administrative et droit administratif »,
R.D.P., 1948, p. 549-556. Par la suite, le terme a été adopté par le Conseil d’État, à la fin des
années 1950 (Voir en ce sens : ISAAC Guy, La procédure administrative non contentieuse,
Thèse, L.G.D.J., Paris, 1968, p. 59). La doctrine a généralisé l’utilisation de cette expression:
Yves GAUDEMET, Traité de Droit Administratif., 16 ème éd., T. 1, L.G.D.J. 2001., p. 459 et p.
612 ; WALINE Jean, Droit administratif, 22 ème éd. Dalloz, 2008., p. 506 ; Olivier GOHIN, «
Regards de travers sur une mal- aimée : la procédure administrative non contentieuse en droit
comparé (Luxembourg, Belgique, France) », in Mélanges en l’honneur de Jacqueline MORAND-
DEVILLER - confluences - , Montchrestien, 2007, p. 351-366.
41
Voir en ce sens : JEZE Gaston, « L’acte juridictionnel et la classification des recours
contentieux », R.D.P., 1909, p. 667-695 ; RIVERO Jean, Droit administratif, 13 ème éd., p. 263 ;
GAUDEMET Yves, Traité de Droit Administratif, 16 ème éd., T. 1, L.G.D.J. Paris, 2001, p. 441 ;
- 22 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
- 23 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
Par suite, l’article 6 C.E.D.H., tel qu’il est interprété par les juges européens,
trouve à s’appliquer à condition, bien évidemment, que la contestation portée devant
l’administration mette en cause un droit de caractère privé. Tel est le cas, par
exemple, des recours administratifs dirigés contre une décision de retrait d’une
licence de boisson 47 ou de refus d’octroi d’un permis de construire 48, et de manière
générale à toutes les contestations portant sur un droit affectant le droit de propriété
ou une liberté professionnelle, qui sont évidemment civils.
Or, il convient de rappeler que les décisions rendues par la Cour européenne
des droits de l’homme, organe juridictionnel, s’imposent aux parties aux litiges 49. Il
s’agit là d’une différence majeure d’avec le Comité des droits de l’homme, qui n’est
qu'un organe consultatif dont les constatations « n'ont pas une force obligatoire » 50.
Par ailleurs, l’article 6 C.E.D.H. a une portée beaucoup plus étendue que
l’article 47 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne du
7 décembre 2000, laquelle est opposable aux États membres seulement depuis 2009 et
« uniquement lorsqu’ils mettent en œuvre le droit de l’Union » 51.
46
CHEVALLIER Jacques, « Fonction contentieuse et fonction juridictionnelle », in Mélanges
Stassinopoulos, L.G.D.J., 1974, p. 275.
47
CEDH, 07 juillet 1989, n o 10873/84, Tre Traktörer AB c/ Suède, Série A, n o 159, § 43
48
CEDH, 25 octobre 1989, n o 10842/84, Allan Jacobsson c/ Suède, Série A, n o 163.
49
Article 43 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés
fondamentales.
50
COHEN-JONATHAN Gérard, « Quelques observations sur le Comité des droits de l’homme des
Nations Unies », in Humanité et Droit international, Mélanges offerts à René-Jean Dupoy,
Pedone, Paris, 1991, p. 95.
51
Article 51 § 1 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne.
- 24 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
Il s’agit incontestablement d’un sujet qui a suscité une riche littérature 52,
notamment dans les années 2000, peu de temps après que le Conseil d’État a admis,
pour la première fois, l’applicabilité de l’article 6 C.E.D.H. en dehors de la sphère
juridictionnelle, aux autorités administratives indépendantes répressives. Illustration
éclatante de l’influence strasbourgeoise, l’arrêt « Didier » 53 du 3 décembre 1999
marque une véritable rupture avec la jurisprudence administrative antérieure. Jusqu’à
cette date, le Conseil d’État avait toujours réservé l’applicabilité du droit au procès
équitable aux seuls organismes juridictionnels 54. On lit, par exemple, sous la plume
52
FRISSON-ROCHE Marie-Anne, « Les autorités de régulation confrontées à la C.E.D.H. », L.P.A.,
10 février 1997, p. 17 ; BRISSON Jean-François, « Les pouvoirs de sanction des autorités de
régulation et l’article 6 § 1 de la Convention européenne des droits de l’homme. À propos d’une
divergence entre le Conseil d’État et la Cour de cassation », A.J.D.A., 20 novembre 1999, p. 847 ;
GUYOMAR Mattias et COLLIN Pierre, « L’application de l’article 6 § 1 C.E.D.H. aux autorités
de régulation : la position du Conseil d’État », L.P.A., 11 mai 2000, p. 3 ; ETOA Samuel et
MOULIN Jean-Marc, « L’application de la notion conventionnelle de procès équitable aux
autorités administratives indépendantes en droit économique et financier », C.R.D.F., n o 1, 2002,
p. 47 ; ZAVOLI Philippe, « L’emprise de la Convention européenne des droits de l’homme sur les
autorités de régulation ou le jeu des apparences », J.C.P., Cahiers de Droits de l’Entreprise, n o 2,
année 2004, p. 6 ; COLLET Martin, « Autorités de régulation et procès équitable », A.J.D.A.,
2007, p. 80 ; IDOUX Pascale, « Autorités administratives indépendantes et garanties
procédurales », R.F.D.A., 2010, p. 920 ; KOVAR Jean-Philippe, « La soumission des autorités de
régulation aux garanties du procès équitable », Revue de Droit bancaire et financier, mai 2010,
n o 3.
53
CE, Ass., 3 décembre 1999, n o 207434, Jean-Louis Didier, R.F.D.A., 2000 p. 584, concl. SEBAN
Alain ; D., 2000, p. 62, obs. BOIZARD M. ; A.J.D.A., 2000, p. 126, chron. GUYOMAR Mattias
et COLLIN Pierre ; R.A,. 2000, n o 313, p. 42, BRIERE J.-M., « L'arrêt Didier du 3 décembre
1999 : La guerre de tranchées » ; Bulletin Joly Bourse et produits financiers, 2000, n o 1, p. 29-38,
comm. BIENVENU PERROT Annick ; L.P.A., 11 mai 2000, n o 94, p. 3, comm. BONICHOT
Jean-Claude.
54
CE, Avis, Sect., 31 mars 1995, n o 164008, SARL Auto-Industrie Méric, Rec., p. 154 ; A.J.D.A.,
1995, p. 480 ; A.J.D.A., p. 739, note DREIFUSS Muriel ; R.F.D.A., 1995, p. 1172,
chr. LABAYLE Henri et SUDRE Frédéric ; R.J.F., 5/95, n o 623, p. 326, concl. Jacques ARRIGHI
DE CASANOVA.
- 25 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
55
BONICHOT Jean-Claude, « L’application de l’article 6 § 1 de la C.E.D.H. aux autorités de
régulation : la position du Conseil d’État », L.P.A., no 94, 11 mai 2000, p. 3.
56
BONICHOT Jean-Claude, « L’application de l’article 6 § 1 de la C.E.D.H. aux autorités de
régulation : la position du Conseil d’État », L.P.A., no 94, 11 mai 2000, p. 3.
57
CE, 27 février 2006, no 257964, Krempff, JurisData n o 2006-080865 ; Droit fiscal, 2006, n o 29,
comm. 513, conclusion OLLEON Laurent ; R.J.F., 5/2006, n o 649 ; CE, 11 décembre 2006,
no 278806, Pessey, JurisData no 2006-081071 ; Droit fiscal, 2007, no 8, comm. 212 ; R.J.F.,
3/2007, n o 380 ; CE, 24 mars 2006, n o 257330, S.A. Martell and Co, R.D.F., n o 39, 28 septembre
2006, p. 1673 ; CE, 26 mai 2008, n o 288583, Société Norelec; Droit fiscal, 2008, no 28,
comm. 411, conclusions SÉNERS François.
58
CE, 26 mai 2008, n o 288583, Société Norelec, n o 2008-081339 ; Droit fiscal, 2008, n o 28,
comm. 411, conclusions SÉNERS François.
- 26 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
Strasbourg du 3 mai 2001, « J.B. contre Suisse » 59. Dans cette affaire, les juges
européens ont reconnu la contrariété à l’article 6 C.E.D.H. d’une pénalité fiscale
infligée par l’administration, en raison de graves pressions exercées par cette dernière
contre le contribuable et qui ont été considérées comme contraires aux droits de
garder le silence et de ne pas contribuer à sa propre incrimination.
59
CEDH, 3 mai 2001, n o 31827/96, J.B. c/ Suisse.
60
CE, 21 décembre 2012, no 362347, Société Canal Plus, R.F.D.A., 2013, p. 70, concl. DAUMAS
Vincent ; DOMINO Xavier et BRETONNEAU Aurélie, « Concentrations : affaires Canal plus,
décodage », A.J.D.A., 2013, p. 215.
- 27 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
Ainsi que l’a souligné à juste titre M. JEGOUZO, « le paradoxe est donc qu'au
moment même où elles se développent les sanctions administratives doivent se couler
61
Voir en ce sens : DELMAS-MARTY Mireille et TEITGEN-COLLY Catherine, Punir sans juger ?
De la répression administrative au droit administratif pénal, Economica, Paris, 1992, p. 18 ;
CONSEIL D’ÉTAT, Les pouvoirs de l’administration dans le domaine des sanctions, La
documentation française, 1995, p. 70 et suivantes ; ROBERT Jacques-Henri., « L’alternative entre
les sanctions pénales et les sanctions administratives », A.J.D.A., 2001, n o spécial, p. 90 et
suivantes ; SAUVE Jean-Marc, « Les sanctions administratives en droit public français »,
A.J.D.A., 2001, n o spécial, p. 19.
62
Portant sur des contentieux parfois techniques, elle est mieux acceptée car elle est réputée infligée
par un auteur disposant de la compétence technique et de l'expérience pratique recquises pour
apprécier les fautes commises et proportionner la sanction à celles-ci. Elle peut frapper aussi,
depuis très longtemps, les personnes morales, alors que ces dernières ne peuvent être pénalement
responsables que depuis l'entrée en vigueur du nouveau Code pénal, le 1 er mars 1994.
63
Elles peuvent être prononcées en évitant toutes les étapes de la procédure pénale. Elles permettent
de faire face rapidement à des contentieux de masse comme en matière d'impôt ou de sécurité
routière.
64
Elle permet d’éviter les délais que la saisine du juge pénal comporte. Elle est immédiatement
exécutoire et le reste, sauf prononcé du sursis à exécution. Enfin, la sanction administrative
parvient, mieux sans doute que la sanction pénale, à atteindre le double objectif sous-jacent à
toute punition : la « rétribution » du comportement fautif, mais aussi la prévention de celui-ci.
65
Voir en ce sens : DELMAS-MARTY Mireille et TEITGEN-COLLY Catherine, Punir sans juger ?
- de la répression administrative au droit administratif pénal, Economica, Paris, 1992, p. 18 ;
CONSEIL D’ÉTAT, Les pouvoirs de l’administration dans le domaine des sanctions, La
documentation française, 1995, p. 70 et suivantes; ROBERT Jacques-Henri., « L’alternative entre
les sanctions pénales et les sanctions administratives », A.J.D.A., 2001, n o spécial, p. 90 et
suivantes ; SAUVE Jean-Marc, « Les sanctions administratives en droit public français »,
A.J.D.A., 2001, n o spécial, p. 19.
- 28 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
dans des procédures qui les rapprochent de la sanction pénale, ce qui pose le
problème de leur efficacité, de leur spécificité, aujourd'hui, de leur maintien,
demain » 66.
66
JEGOUZO Yves, « Les sanctions administratives, actualité et perspectives », A.J.D.A., 2001, p. 1.
67
Concl. GUYOMAR Matthias, sur CE, Sect., 27 octobre 2006, n os 276069, 277198 et 277460,
Parent et autres, A.J.D.A., 2007, p. 80, note COLLET Martin ; L.P.A., 2007, n o 133, note
DUBRULLE Jean-Baptiste.
68
Voir sur ce sujet : CHEVALLIER Jacques, L'élaboration historique du principe de séparation de
la juridiction administrative et de l'administration active, L.G.D.J., 1970.
- 29 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
laquelle s’est cristallisée dans le système de l’administrateur juge entériné par les
révolutionnaires 69.
En 1790, encore profondément marquée par les abus qui avaient été commis
par les Parlements de l'Ancien Régime, l’Assemblée constituante a refusé d’attribuer
aux tribunaux « ordinaires », c’est-à-dire judiciaires, le règlement du contentieux
administratif. La loi des 16-24 août 1790 proclame, en ce sens, que « Les fonctions
judiciaires sont distinctes et demeureront toujours séparées des fonctions
administratives. Les juges ne pourront, à peine de forfaiture, troubler, de quelque
manière que ce soit, les opérations des corps administratifs, ni citer devant eux les
administrateurs pour raison de leurs fonctions. » 70. Les Constituants ont également
rejeté la proposition qui leur avait été faite de créer des tribunaux administratifs.
Selon eux, de tels organismes présentaient le défaut majeur de rappeler l’institution
fréquente de « juridictions d’exception » sous l'Ancien Régime. En définitive, la
compétence en matière de contentieux administratif est confiée à des collèges,
composés de membres de l’administration elle-même, ainsi qu’au gouvernement.
Ainsi, la loi des 6, 7 et 11 septembre 1790 attribue, au niveau territorial, le traitement
de certaines réclamations contre l’administration aux autorités locales. La loi des 7 et
14 octobre 1790 réserve au Roi, chef de l’administration générale, les réclamations
d’incompétence. Enfin, le décret du 16 fructidor an III dispose de façon très claire :
« Défenses itératives sont faites aux tribunaux de connaître des actes
d’administration, de quelque espèce qu’ils soient ». Aussi étrange que cela puisse
paraître, l’œuvre révolutionnaire s’inscrit donc dans le prolongement de la
tradition monarchique. Elle perpétue « la politique constante de l’Ancien Régime,
telle qu’elle avait notamment été exprimée par Richelieu dans l’édit de Saint-
Germain de février 1641 et, vingt ans plus tard, par Louis XIV, dans l’arrêt du
69
Voir sur ce sujet : GOYARD Claude, La compétence des tribunaux judiciaires en matière
administrative, Montchrestien, 1962 ; LEGENDRE Pierre, Histoire de l’administration de 1750
à nos jours, P.U.F., 1968 ; CHEVALLIER Jacques, L'élaboration historique du principe de
séparation de la juridiction administrative et de l'administration active, L.G.D.J., 1970 ;
GUGLIELMI Gilles, La notion d’administration publique dans la théorie juridique française. de
la révolution à l’arrêt Cadot (1789-1889), L.G.D.J., 1991 ; BURDEAU François, Histoire de
l’administration française du XVIIIe siècle à nos jours, Montchrestien, 1991.
70
Article 13 du titre II de la loi sur l’organisation judiciaire des 16 et 24 août 1790.
- 30 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
71
CHAPUS René, Droit du contentieux administratif, Montchrestien, 12 ème éd., n o 30, p. 44.
72
CHAPUS René, Droit du contentieux administratif, Montchrestien, 12 ème éd., n o 30, p. 44.
73
Voir sur ce sujet : ISAAC Guy, La procédure administrative non contentieuse, L.G.D.J., 1968.
Voir également sur ce sujet : LANGROD Gérard, « Procédure administrative et Droit
administratif », R.D.P., 1948, p. 549 ; FETTU Abel, La justice retenue, sa disparition dans le
contentieux administratif, Thèse, Rennes, 1919 ; BIATARANA Jean, Les tribunaux administratifs
spéciaux et la séparation entre l’administration et de la juridiction, Thèse, Bordeaux, 1935 ;
AUBY Jean-Marie, « La procédure administrative non contentieuse », D., 1956, chr. VII ;
RIVERO Jean, « Le système français de protection des administrés contre l’arbitraire
administratif à l’épreuve des faits », in Mélanges Dabin, Bruxelles, 1963, t. II, p. 819 ;
SANDEVOIR Pierre, Études sur le recours de pleine juridiction, L.G.D.J., 1964 ; CHEVALLIER
Jacques, L'élaboration historique du principe de séparation de la juridiction administrative et de
l'administration active, L.G.D.J., 1970.
74
CHEVALLIER Jacques, L'élaboration historique du principe de séparation de la juridiction
administrative et de l'administration active, L.G.D.J., 1970, p. 82.
75
Voir en ce sens les travaux de GABOLDE Jean, « De la juridiction de l’Intendant au Conseil de
préfecture », in Bulletin de la Société des antiquaires de Normandie, t. LIII, 1955-1956, p. 330
et s.
- 31 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
Pour atteindre ces objectifs procéduraux, deux décrets furent alors adoptés.
76
PEZOUS, Discussion sur le vote de la loi des 6 juillet et 11 septembre 1790, Séance du 9 août.
77
Voir sur ce sujet : ISAAC Guy, La procédure administrative non contentieuse, Thèse, L.G.D.J.,
1968. Nul mieux que lui n’a su, effectivement, rappeler que l’émergence de la Juridiction
administrative et sa séparation d’avec l’Administration se sont faites, en dehors de toute
consécration organique préalable, sur la seule base d’une différenciation procédurale.
78
Rapport sur la création des Conseils de préfecture, séance du 18 pluviôse an VIII.
79
PELET DE LA LOZÈRE Joseph, « Opinions de Napoléon », Paris, 1833, p. 183.
- 32 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
80
FETTU Abel, La justice retenue, sa disparition dans le contentieux administratif, Thèse, Rennes,
1919, p. 48.
81
LABAYLE Joseph, La décision préalable, Thèse, Paris, 1907, p. 162 ; APPLETON Jacques,
R.G.D., 1898, p. 208.
82
SANDEVOIR Pierre, Études sur le recours de pleine juridiction, L.G.D.J., 1964, p. 184. Voir
également dans le même sens : CHAPUS René, Droit du contentieux administratif,
Montchrestien, 12 ème éd., p. 70 et p. 71, n o 66.
83
CHEVALLIER Jacques, L’élaboration historique du principe de séparation de la juridiction
administrative et de l’administration active, L.G.D.J., 1970, p. 95.
- 33 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
D’un autre côté, il faut bien reconnaître qu’en dehors du droit au procès
équitable, il existe déjà une certaine juridictionnalisation d’au moins une partie de la
procédure administrative. Certaines des exigences énoncées à l’article 6 C.E.D.H.
trouvent ainsi à s’appliquer aux autorités administratives répressives en vertu du seul
droit interne. Tel est le cas des principes des droits de la défense 85 et d’impartialité 86,
lesquels constituent, en vertu de la jurisprudence administrative, des principes
généraux du droit opposables aux autorités administratives répressives. De la même
manière, dans la jurisprudence constitutionnelle, le principe du partage du pouvoir de
sanction en faveur des autorités administratives est admis sous réserve de
l’application des principes fondamentaux du droit pénal et de la procédure pénale 87.
84
ISAAC Guy, La procédure administrative non contentieuse, L.G.D.J., 1968, p. 27.
85
CE, Sect., 17 juin 1930, Rebeyrolles, Rec., p. 76 ; CE, Sect., 5 mai 1944, Dame Veuve Trompier-
Gravier, Rec., p. 133.
86
CE, 20 décembre 1872, Ville de Reims ; CE, Sect., 20 juin 1958, Louis, Rec., p. 368 ; CE, 17 juin
1927, Vaulot, Rec., p. 683 ; CE Sect., 9 novembre 1966, Commune de Clohars-Carnoët ; CE,
8 janvier 1992, n o 96654, Me Serondi-Babonaux.
87
Décision n o 76-70 DC du 2 décembre 1976, Rec., p. 39 ; Décision n o 80-127 DC du 20 janvier
1981, RIVERO Jean, « Autour de la loi sécurité et liberté. « Filtrer le moustique et laisser passer
le chameau » ? », A.J.D.A., 1981, p. 275 ; PHILIP Loïc, R.D.P., 1981, p. 651 ; Décision n o 2000-
433 DC du 27 juillet 2000, Loi modifiant la loi n o 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la
- 34 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
Ainsi, « la sanction susceptible d’être infligée (doit être) exclusive de toute privation
de liberté et (…) l’exercice du pouvoir (doit être) assorti par la loi de mesures
destinées à sauvegarder les droits et libertés constitutionnellement garantis ». Parmi
ces dernières, figure le respect des principes fondamentaux du droit pénal et de la
procédure pénale. Une sanction ayant le caractère d’une punition « ne peut être
infligée qu’à la condition que soient respectés le principe de la légalité des délits et
des peines, le principe de nécessité des peines, le principe de non rétroactivité de la
loi pénale d’incrimination plus sévère, (…) le respect du principe des droits de la
défense » 88, mais également le principe de la présomption d’innocence 89. En outre, la
personne sanctionnée doit avoir la possibilité d’exercer un recours de pleine
juridiction 90 à l’encontre de la sanction administrative et d’en demander le sursis à
l'exécution 91.
- 35 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
Il fût un temps où le Conseil d’État les avait même érigées en critère exclusif
de la qualification de juridiction. Ainsi, au lendemain de la première guerre mondiale,
lorsque le législateur multipliait les interventions pour organiser des procédures de
réclamations devant des commissions administratives spécialisées 93, le Conseil
d’État, appelé à connaître des recours formés contre les actes rendus par ces autorités,
a préféré découvrir systématiquement en elles des juridictions administratives
spéciales 94. Pourtant, il faut bien admettre que ces organismes, composés le plus
souvent d’administrateurs actifs, relevant des ministères ou des services
administratifs et chargés de résoudre des litiges principalement techniques en suivant
une procédure définie par le pouvoir exécutif, se rattachaient davantage à
l’administration. Pour justifier cette qualification juridictionnelle, le Conseil d’État
s’est fondé essentiellement sur la procédure de recours instituée devant ces autorités.
Dans son arrêt « Martin » du 1er avril 1938, la haute juridiction affirme, en ce sens,
« qu’il résulte de l’article 1er de la loi du 6 juillet 1934 dont les dispositions ont été
précisées par le décret pris en Conseil d’État le 5 septembre suivant, dans ses
articles 7 à 14, que la commission de révision des marchés constitue une juridiction
administrative ». Or, les articles 7 à 14 du décret du 5 septembre 1934 ne faisaient
que définir les formes et la procédure d’instruction des recours adressés à ladite
commission. Les garanties procédurales protectrices pour les droits et intérêts des
particuliers sont ainsi devenues le critère déterminant de la qualité de juridiction. Plus
encore, elles ont même semblé constituer la propriété exclusive de la juridiction, de
sorte que quand elles parvenaient jusqu’à l’administration, elles convertissaient sa
4 janvier 1985, n o 43953, M. BODET ; CE, 13 février 1987, n o 53118, M. LANIAUD ; Voir
également sur ce point : GOHIN Olivier, « Qu’est-ce qu’une juridiction ? », Droits, 1989, p. 93.
93
Voir, par exemple : l’article 12 de la loi du 27 juillet 1917 qui institue un recours devant le
Conseil supérieur de l’office national des pupilles de la nation ; la loi du 31 mars 1919 qui prévoit
un recours devant la cour régionale des pensions ; l’article 126 de la loi du 31 mai 1933 qui met
en place un recours devant la commission supérieure de révisions des pensions de guerre ; la loi
du 21 juillet 1922 qui prévit un recours devant la commission supérieure des soins gratuits.
94
Voir sur ce sujet : LAFERRIÈRE Jean, R.D.P., 1919, p. 129 ; ARNAUD Pierre, Les commissions
administratives à caractère juridictionnel, Thèse, Paris, 1938 ; MABILEAU Jean, De la
distinction des actes d’administration active et des actes administratifs juridictionnels, Thèse,
Paris, 1943, p. 116 à p. 234.
- 36 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
nature. L’arrêt « Leroux » 95 du 12 juillet 1929 est, à cet égard, significatif. Après
avoir constaté le caractère administratif de la Chambre du contentieux administratif
de l’Office supérieur des Assurances de la Moselle, le Conseil d’État juge que
« ladite chambre statue selon une procédure juridictionnelle ; qu’elle constitue, dès
lors, une juridiction administrative spéciale ». Cette position jurisprudentielle a été
fort bien relayée par certains auteurs de l’époque. C’est ainsi que M. DE FONT-
RÉAULX soulignait que les règles de procédure constituent « des indices très
précieux quand il s’agit de déterminer quels sont les organes juridictionnels » 96.
C’est dire aussi que l’irruption du droit au procès équitable dans la sphère
administrative implique d’examiner de nouveau l’une des questions classiques de
notre droit public, celle des critères de la distinction entre autorité administrative et
autorité juridictionnelle.
Dans un premier temps, il nous a paru nécessaire de tracer avec précision les
frontières du droit au procès équitable.
La définition des critères d’applicabilité de l’article 6 § 1 C.E.D.H., telle
qu’elle résulte des jurisprudences européenne, judiciaire et administrative, est,
effectivement, une étape indispensable pour deux raisons. D’une part, elle permet
d’identifier les organes susceptibles d’être concernés par les garanties de l’article 6
C.E.D.H., ce qui est essentiel pour apprécier l’influence de cette stipulation sur les
autorités administratives. D’autre part, elle permet de mettre en exergue les
95
CE, 12 juillet 1929, Leroux, Rec., p. 710.
96
DE FONT-RÉAULX Pierre, Le contrôle du Conseil d’État sur les décisions des autres tribunaux
administratifs, Thèse, Sirey, 1930, p. 46 à p. 47.
- 37 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
97
CEDH, 16 juillet 1971, n o 2614/65, Ringeisen c/ Autriche, précité : CEDH, 21 février 1975,
n o 4451/70, Golder c/ Royaume-Uni, § 36, précité, CEDH, 23 juin 1981, n os 6878/75, 7238/75, Le
Compte, Van Leuven et De Meyere c/ Belgique, § 50, précité ; CEDH, 22 octobre 1984,
n o 8790/79, Sramek c/ Autriche, précité ; CEDH, 20 novembre 1995, n o 19589/92, British-
American Tobacco Company Ltd c/ Pays-Bas, précité.
98
CE, Avis, Sect., 31 mars 1995, n o 164008, SARL Auto-Industrie Méric, précité.
99
En matière répressive : CE, Ass., 3 décembre 1999, no 207434, Jean-Louis Didier, précité. En
matière contentieuse : CE, 21 décembre 2012, n o 362347, Société Canal Plus, précité.
100
CE, 27 février 2006, n o 257964, Krempff, précité ; CE, 11 décembre 2006, n o 278806, Pessey,
précité ; CE, 24 mars 2006, no 257330, S.A. Martell and Co, précité ; CE, 26 mai 2008,
n o 288583, Société Norelec, précité.
- 38 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
- 39 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
PARTIE 1
Pourtant, quelques années après son institution, la Cour de Strasbourg n’a pas
hésité à se détacher de cette lecture classique de l’article 6 § 1 C.E.D.H., nonobstant
quelques opinions dissidentes formulées en son sein 103, pour faire prévaloir une
101
KELSEN Hans, Théorie pure du droit, traduction française par EISENMANN Charles, Paris,
Dalloz, 1962, p. 454.
102
L’article 31 § 1 de la Convention de Vienne du 23 mai 1969 stipule : « Un traité doit être
interprété de bonne foi suivant le sens ordinaire à attribuer aux termes du traité dans leur
contexte et à la lumière de son objet et de son but. »
103
Voir l’opinion du juge Gérald FITZMAURICE se déclarant partisan d’une « interprétation
prudente et conservatrice, surtout pour les dispositions dont le sens peut être incertain et là où
des interprétations extensives pourraient aboutir à imposer aux États contractants des
obligations qu'ils n'ont pas vraiment voulu assumer ou qu'ils n'ont pas eu conscience
d'assumer » sur CEDH, 21 février 1975, n o 4451/70, Golder c/ Royaume-Uni ; Voir également
l’opinion du juge Giuseppe SPERDUTI soulignant que « le principe de séparation de
l'Administration et du juge a été consacré principalement en matière civile. Il n'est pas absent,
- 40 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
on le verra, de la matière pénale. On pourrait être amené à penser que, au dire de la Cour, toute
procédure, susceptible d'avoir des répercussions sur des procédures administratives internes,
rentre parmi celles que règle l'article 6, paragraphe 1, si bien que tout État partie à la
Convention devrait se faire un devoir de s'en tenir aux prescriptions de ce même paragraphe lors
du déroulement des procédures en question. Contre une telle manière de raisonner, il faut
s'élever résolument. Une telle atteinte à l'autonomie des États, notamment dans le domaine
administratif est très peu convenable » sur CEDH, rapport, 8 octobre 1983, Benthem c/ Pays-
Bas, série B n o 50, p. 41.
104
EISSEN Marc-André, Jurisprudence relative à l’article 6 de la Convention, Strasbourg, Conseil
de l’Europe, 1985, p. 2 ; COHEN-JONATHAN Gérard, « 50 ème anniversaire de la Convention
européenne des droits de l’homme », R.G.D.I.P., 2000, p. 849 ; SUDRE Frédéric,
« L’interprétation dynamique de la Cour européenne des droits de l’homme », in L’office du
juge, Actes du colloque tenu à Paris les 29 et 30 septembre 2006.
105
CEDH, 27 juin 1968, no 2122/64, Wemhoff c/ Allemagne, série A, no 7, § 8.
106
SUDRE Frédéric, « L’interprétation dynamique de la Cour européenne des droits de l’homme »,
in L’office du juge, Actes du colloque tenu à Paris les 29 et 30 septembre 2006.
107
KLINKERT Cathy, La notion de société démocratique dans la jurisprudence de la Cour
européenne des droits de l’homme, Mémoire, I.E.P. Strasbourg, 1980 ; FABRE-ALIBERT
Véronique, « La notion de « société démocratique » dans la jurisprudence de la Cour européenne
des droits de l’homme », R.T.D.H., 1998, p. 465-496.
108
CEDH, 7 décembre 1976, nos 5095/71, 5920/72, 5926/72, Kjeldsen, Busk Madsen et Pedersen
c/ Danemark, § 50 et § 53, C.D.E., 1978, p. 359, obs. COHEN-JONATHAN Gérard ;
G.A.C.E.D.H., 5ème éd., 2009, p. 594.
- 41 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
Cet idéal apparaît dans l’œuvre prétorienne strasbourgeoise, comme l’un des
fils conducteurs 110 commandant cette interprétation téléologique, et par là même,
comme « une référence normative essentielle » 111, propice au développement des
droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Or, selon les juges européens, au cœur des principes garantissant une telle
société, figure la prééminence du droit 112, dont l’un des premiers corollaires est le
droit au procès équitable 113. A cet égard, on comprend mieux la conception
dynamique et foisonnante développée par les juges européens autour de l’article 6 § 1
C.E.D.H. et révélée, notamment, à travers l’adoption d’une lecture matérielle et
autonome des conditions d’applicabilité de cette stipulation (Chapitre 1).
109
CEDH, 7 juillet 1989, n o 14038/88, Soering c/ Royaume-Uni, § 87, J.C.P., 1990, p. 3452, note
LABAYLE Henri ; R.S.C., 1989, p. 786, PETTITI Louis-Edmond ; R.G.D.I.P., 1990, p. 103,
SUDRE Frédéric ; R.T.D.H., 1990, p. 5, GANSHOF VAN DER MEERSCH Walter- Jean ;
G.A.C.E.D.H., 5 ème éd., 2009, p. 163.
110
AGUILA Yann, « Cinq questions sur l'interprétation constitutionnelle », R.F.D.C., 1995, no 21,
p. 13.
111
GÉRARD Philippe, L’esprit des droits. Philosophie des droits de l’homme, Publication des
facultés universitaires de Saint-Louis, 2007, p. 2006.
112
CEDH, 26 avril 1979, n o 6538/74, Sunday Times c/ Royaume-Uni, § 55 ; CEDH, 21 février 1975,
n o 4451/70, Golder c/ Royaume-Uni, § 34, G.A.C.E.D.H., 5 ème éd., 2009, p. 275 ; A.F.D.I., 1975,
p. 330, PELLOUX Robert ; CEDH, 29 novembre 1988, n os 11209/84, 11234/84, 11266/84,
11386/85, Brogan et autres c/ Royaume-Uni, § 58, R.T.D.Eur., 1989, p. 163, obs. COHEN-
JONATHAN Gérard.
113
CEDH, 9 octobre 1979, n o 6289/73, Airey c/ Irlande, § 24, A.F.D.I., 1980, p. 323, obs.
PELLOUX Robert ; C.D.E., 1980, p. 470, obs. COHEN-JONATHAN Gérard : « eu égard à la
place éminente que le droit à un procès équitable occupe dans une société démocratique ».
114
Voir le colloque organisé par l’Institut de droit européen des Droits de l’homme, Montpellier,
13 et 14 mars 1998 ; SUDRE Frédéric, « L’influence de la Convention européenne des droits de
l’homme sur l’ordre juridique interne », R.U.D.H., 1991, p. 259, spécialement p. 271 ;
ROLLAND Patrice, « L’interprétation de la Convention », R.U.D.H., 1991, p. 280.
- 42 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
115
SUDRE Frédéric, « Chronique », R.F.D.A., 1997, p. 966.
116
VELU Jacques et ERGEC Rusen, La convention européenne des droits de l’homme, Bruylant,
Bruxelles, 1990, p. 1077 et suivantes, n os 1234 à 1241.
117
La doctrine de « l’autorité de la chose interprétée » a été développée par le professeur Jean
BOULOUIS : « À propos de la fonction normative de la jurisprudence, remarques sur l’œuvre
jurisprudentielle de la CJCE », in Mélanges Waline, L.G.D.J., 1974, t. 1, p. 149. Le professeur
Jacques VELU a, par la suite, défini la doctrine de la chose interprétée comme « l’autorité
propre de la jurisprudence de la Cour en tant que celle-ci interprète les dispositions de la
Convention » : « Les effets des arrêts de la CEDH », in Introduire un recours à Strasbourg, éd.
Nemesis., 1986, n° 37 p. 186. Sur cette question, voir également : COHEN-JONATHAN Gérard,
La convention européenne des droits de l’homme, Economica, 1989, p. 252-253 ; DUBOUIS
Louis, « La portée des instruments internationaux de protection des droits de l’homme dans
l’ordre juridique français », in Les droits de l’homme dans le droit national en France et en
Norvège, SMITH Eivind et BADINTER Robert (dir.), Economica, P.U.A.M., 1990, p. 147-148.
118
À la différence du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, la Convention n’a pas
institué un mécanisme de renvoi préjudiciel en interprétation devant la Cour de Strasbourg.
119
La mission de la Cour se limite, en vertu de l’article 41 de la Convention, à dire « s’il y a eu
violation de la Convention ou de ses Protocoles », et dans l’affirmative, à accorder, « s’il y a
lieu, à la partie lésée une satisfaction équitable ». L’article 46 § 1 de la Convention, selon lequel
« Les Hautes Parties contractantes s'engagent à se conformer aux arrêts définitifs de la Cour
dans les litiges auxquels elles sont parties. », ne prévoit qu’un effet « inter partes » de l’autorité
de la chose jugée par la Cour de Strasbourg.
120
L’article 59 du statut de la Cour international de justice prévoit, en effet, que « la décision de la
Cour n’est obligatoire que pour les parties en litige et pour le cas qui a été décidé ».
121
POTVIN Laurence, L’effet des jurisprudences européennes sur la jurisprudence du Conseil
d’État, Thèse, Paris, 1994 ; SERMET Laurent, Convention européenne des droits de l’homme et
contentieux administratif français, Thèse, Economica, 1996 ; BRACONNIER Stéphane,
Jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme et droit administratif français,
Thèse, Bruylant, 1997 ; VELU Jacques et ERGEC Rusen, La convention européenne des droits
de l’homme, Bruylant, Bruxelles, 1990, p. 1077 et suivantes, n os 1234-1241 ; GUINCHARD
Serge, DELICOSTOPOULOS Constantin-S, DOUCHY-OUDOT Mélina, FERRAND Frédérique,
Droit processuel : Droit commun et droit comparé du procès équitable, Dalloz, 2007, p. 220,
n° 128 ; SUDRE Frédéric, Droit européen et international des droits de l’homme, P.U.F., 9 ème
éd., 2009, p. 740-744, spécialement n o 342 ; PACTEAU Bernard, « Le juge administratif français
et l’interprétation européenne », in L’interprétation de la Convention européenne des droits de
l’homme, Actes du colloque de l’institut de droit européen des droits de l’homme, SUDRE
- 43 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
omnes des arrêts européens 122 aux partisans du pouvoir d’interprétation autonome des
juridictions internes 123. Parmi ces derniers, le professeur René CHAPUS a défendu
avec une particulière fermeté l’autonomie interprétative des juridictions nationales
qui « statuant au nom du peuple français, ne sont en rien subordonnées à quelque
juridiction extérieure que ce soit » 124. Le professeur François RIGAUX a abondé dans
le même sens, en soulignant qu’ « à la primauté de la Convention sur la loi interne,
ne correspond aucune primauté de la Cour européenne sur les juridictions internes ».
Et d’ajouter, « si la Cour européenne n’est pas liée par ses propres précédents,
pourquoi voudrait-on que ceux-ci eussent une force supérieure dans un autre ordre
juridique ?» 125
Le Conseil d’État s’est très tôt rallié à ce dernier courant doctrinal en affirmant
très explicitement qu’il ne s’estimait nullement lié par les interprétations dégagées
par la Cour 126. Contrairement à son homologue judiciaire, dont les décisions se
- 44 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
C’est dans cette mesure que, depuis plus de trente ans, s’est cristallisée entre la
Cour de Strasbourg et la haute juridiction administrative une divergence de
jurisprudences quant aux critères de l’applicabilité du droit au procès équitable.
- 45 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
CHAPITRE 1
127
CEDH, 9 octobre 1979, n o 6289/73, Airey c/ Irlande, § 24, précité ; CEDH, 28 octobre 1998,
n o 22924/93, Aït-Mouhoub c/ France, § 52, J.D.I., 1999, p. 271 à p. 272, obs. BACHELET Olivier ;
D., 1999, somm., p. 268, obs. RENUCCI Jean-François ; R.S.C., 1999, p. 399, obs. KOERING-JOULIN
Renée ; THOMAS Didier, « Droit à un procès équitable », R.D.P., no 3, 1999, p. 886 ; CEDH,
29 juin 2011, n o 34869/05, Sabeh El Leil c/ France, § 50, Revue mensuelle du JurisClasseur,
2011, n os 8-9, p. 17 et p. 18, note FRICERO Natalie.
128
SOYER Jean-Claude et DE SALVIA Michel, « Article 6 », in La convention européenne des
droits de l’homme, commentaire article par article, PETTITI Louis-Edmond, DECAUX
Emmanuel, IMBERT Pierre-Henri (dir.), Economica, 1995, p. 251 ; GUINCHARD Serge,
« Le procès équitable : droit fondamental ? », A.J.D.A., 20 juillet/20 août 1998, numéro spécial,
p. 191, spécialement p. 192-193 et « Le procès équitable : garantie formelle ou droit
substantiel ? », in Mélanges Guy Farjat, édit. Frison-Roche, 1999, p. 142 ; SUDRE Frédéric,
« L’influence de la CEDH sur l’ordre juridique interne », R.U.D.H., 1991, p. 267 et Droit
européen et international des droits de l’homme, P.U.F., 9 ème éd., 2009, p. 355, n° 206 ; Gérard
COHEN-JONATHAN, « Conclusions générales », in Les nouveaux développements du procès
équitable au sens de la convention européenne des droits de l’homme, Actes du colloque du
22 mars 1996 en la grande chambre de la Cour de cassation, Bruxelles, Bruylant, 1996, p. 159
et spécialement p. 162.
- 46 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
- 47 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
SECTION 1
129
CEDH, 8 juin 1976, n os 5100/71, 5101/71, 5102/71, 5354/72, 5370/72, Engel et Autres c/ Pays-
Bas, A.F.D.I., 1977, p. 480, obs. PELLOUX Robert ; Cahiers de droit européen, 1978, p. 368,
note COHEN-JONATHAN Gérard ; CEDH, 27 février 1980, no 6903/75, Deweer c/ Belgique,
C.D.E., 1982, p. 196, obs. COHEN-JONATHAN Gérard ; A.F.D.I., 1981, p. 286, note
PELLOUX Robert ; J.D.I., 1982, p. 197, obs. ROLLAND Patrice ; CEDH, 29 juin 2011,
n o 34869/05, Sabeh El Leil c/ France, précité.
- 48 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
Tels furent les mots employés par le professeur Étienne Picard pour introduire
sa remarquable étude sur « La juridiction administrative et les exigences du Procès
équitable » réalisée en 1993 dans le cadre d’un colloque intéressant le droit français
et la Convention européenne des droits de l’homme.
Mais en regardant bien, on découvre finalement qu’un élément n’a été que trop
rarement mis en exergue par les auteurs. Il s’agit de l’indifférence du juge
strasbourgeois à l’égard de la nature de l’organisme appelé à statuer quant à la
130
PICARD Étienne, « La juridiction administrative et les exigences du Procès équitable », in
Le droit français et la convention européenne des droits de l'homme - 1974-1992, Actes du
colloque tenu à Montpellier, février 1993, Strasbourg, N.P. Engel, 1994, p. 217 et, plus
précisément, p. 253.
131
On pense aux articles réguliers des Professeurs Gérard GONZALEZ et Frédéric SUDRE publiés
à la Revue du droit public et de la science politique en France et à l'étranger, à ceux des
Professeurs Henri LABAYLE, Frédéric SUDRE, Laurent SERMET et de M. Joël
ANDRIANTSIMBAZOVINA à la Revue française de droit administratif, à ceux du professeur
Jean-François FLAUSS à la revue Actualité juridique du droit administratif, à ceux du professeur
Gérard COHEN-JONATHAN à la revue Cahiers de droit européen, à ceux des professeurs
Vincent COUSSIRAT-COUSTERE et Robert PELLOUX publiés à l’Annuaire français de droit
international, ainsi qu’à ceux des professeurs Patrice ROLLAND et Paul TAVERNIER publiés à
la revue Journal du droit international.
- 49 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
La plupart des études, analyses et commentaires 132, s’ils définissent les critères
d’applicabilité du droit au procès équitable en se référant exclusivement aux notions
de « contestations sur des droits et obligations de caractère civil » et d’ « accusations
en matière pénale » et, s’ils traitent du « droit à un tribunal » au titre des garanties
offertes par l’article 6 C.E.D.H., ne justifient aucunement de cette présentation au
regard des données jurisprudentielles européennes.
132
GROTRIAN Andrew, L'article 6 de la Convention européenne des Droits de l'homme, Conseil de
l'Europe, Direction des droits de l'homme, 1994 ; SOYER Jean-Claude et DE SALVIA Michel,
« Article 6 », in La CEDH, commentaire article par article, PETTITI Louis-Edmond, DECAUX
Emmanuel, IMBERT Pierre-Henri (dir.), 2 ème éd., Paris, Economica, 1999, p. 239 à 279 ;
GUINCHARD Serge, DELICOSTOPOULOS Constantin-S, DOUCHY-OUDOT Mélina,
FERRAND Frédérique, Droit processuel : Droit commun et droit comparé du procès équitable,
Dalloz, 2007, p. 125-208 ; SUDRE Frédéric, Droit européen et international des droits de
l’homme, Coll. Droit fondamental, P.U.F., 9 ème éd., 2008, p. 353 ; DEGOFFE Michel,
« L’ambiguïté de la sanction administrative », A.J.D.A., numéro spécial, 20 octobre 2001, p. 27 ;
ETOA Samuel et MOULIN Jean-Marc, « L'application de la notion conventionnelle de procès
équitable aux autorités administratives indépendantes en droit économique et financier »,
C.R.D.F., n° 1, 2002, p. 53 ; ZAVOLI Philippe, « L’emprise de la Convention européenne des
droits de l’homme sur les autorités de régulation », J.C.P., Cahiers de Droit de l’Entreprise,
2004, n° 2, p. 6 ; EVEILLARD Gweltaz, « L’application de l’article 6 de la Convention
européenne des droits de l’homme à la procédure administrative non contentieuse », A.J.D.A.,
22 mars 2010, p. 531 ; COSTA Jean-Paul, « Le droit au juge indépendant et impartial en matière
administrative. Le principe vu par la Cour européenne des droits de l’homme », A.J.D.A., 20 juin
2011, p. 514. Voir, pour une présentation ignorant l’absence de critère organique d’applicabilité
de l’article 6 C.E.D.H. dans la jurisprudence européenne : DUGRIP Olivier, « L’applicabilité de
l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme aux juridictions administratives »,
R.U.D.H., 1991, p. 336 ; BONICHOT Jean-Claude, « Les sanctions administratives en droit
français et la convention européenne des droits de l’homme », A.J.D.A., 20 octobre 2001, numéro
spécial p. 73 et tout particulièrement p. 74.
133
MILANO Laure, Le droit à un tribunal au sens de la Convention européenne des droits de
l’Homme, Thèse Montpellier, SUDRE Frédéric (dir.), L.G.D.J., 2006, p. 354, n o 437 ; PICARD
Étienne, « La juridiction administrative et les exigences du procès équitable », in Le droit
français et la convention européenne des droits de l'homme - 1974-1992, Actes du colloque tenu
à Montpellier, février 1993, Strasbourg, N.P. Engel, 1994, p. 217 ; SUDRE Frédéric et
- 50 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
- 51 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
Cette liste jurisprudentielle n'a pas vocation à être exhaustive, bien entendu, et
les exemples pourraient être multipliés 142. En réalité, l’analyse du corpus prétorien
européen démontre que la notion de « tribunal » intervient postérieurement à la
résolution positive de l’applicabilité de l’article 6 C.E.D.H., c’est-à-dire au stade de
l’observation de cette stipulation et de la détermination d’une éventuelle violation du
droit au procès équitable.
138
CEDH, 22 octobre 1984, n o 8790/79, Sramek c/ Autriche, § 34 et 35, précité.
139
CEDH, 20 novembre 1995, n o 19589/92, British-American Tobacco Company Ltd c/ Pays-Bas,
§ 67, précité.
140
CEDH, 22 octobre 1984, n o 8790/79, Sramek c/ Autriche, § 37 à 42, précité.
141
CEDH, 29 juin 2011, no 34869/05, Sabeh El Leil c/ France, § 40, précité.
142
CEDH, 10 février 1983, n os 7299/75, 7496/76, Albert et Le Compte c/ Belgique, J.D.I., 1985,
p. 212, obs. ROLLAND Patrice et TAVERNIER Paul ; CEDH, 28 juin 1984, n os 7819/77,
7878/77, Campbell et Fell c/ Royaume-Uni, C.D.E., 1986, p. 213, note COHEN-JONATHAN
Gérard ; A.F.D.I., 1985, p. 394, obs. COUSSIRAT-COUSTERE Vincent ; J.D.I., 1986, p. 1058,
ROLLAND Patrice et TAVERNIER Paul ; CEDH, 26 juin 1986, n os 8543/79, 8674/79, 8675/79,
8685/79, Van Marle et autres c/ Pays Bas, C.D.E., 1988, p. 446, obs. COHEN-JONATHAN
Gérard ; A.F.D.I., 1987, p. 329, obs. COUSSIRAT-COUSTERE Vincent ; J.D.I., 1987, p. 785,
obs. ROLLAND Patrice et TAVERNIER Paul ; CEDH, 19 avril 1994, n o 16034/90, Van de Hurk
c/ Pays-Bas, A.J.D.A., 1995, p. 124, spéc. p. 138, obs. FLAUSS Jean-François ; J.T.D.E., 1995,
p. 60, obs. LAMBERT Pierre.
- 52 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
143
CEDH, 23 juin 1981, n os 6878/75, 7238/75, Le Compte, Van Leuven et De Meyere, § 54 et § 55,
précité.
144
CEDH, 21 février 1975, n o 4451/70, Golder c/ Royaume-Uni, § 26 à § 36, précité ; Voir
également : CEDH, 23 juin 1981, n os 6878/75, 7238/75, Le Compte, Van Leuven et De Meyere
c/ Belgique § 54 et § 55, précité ; CEDH, 23 septembre 1982, n os 7151/75, 7152/75, Sporrong et
Lönnroth c/ Suède, § 84, A.F.D.I., 1985, p. 415, obs. COUSSIRAT-COUSTERE Vincent ;
- 53 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
G.A.C.E.D.H., 2 ème éd., p. 529 ; CEDH, 10 février 1983, nos 7299/75, 7496/76, Albert et
Le Compte c/ Belgique, § 31, précité ; CEDH, 22 mai 2003, n o 41666/98, Kyrtatos c/ Grèce, § 30
à § 32, R.J.E., 2004, p. 176 à p. 179, obs. WINIDOERFFER Y. ; CEDH, 29 juin 2011,
n o 34869/05, Sabeh El Leil c/ France, § 46, précité.
145
CEDH, 21 février 1975, n° 4451/70, Golder c/ Royaume-Uni, § 34, précité ; Voir PELLOUX
Robert, « L’affaire Golder devant la Cour européenne des droits de l’homme », A.F.D.I., 1975,
p. 330, et plus précisément p. 333.
146
CEDH, 21 février 1975, n° 4451/70, Golder c/ Royaume-Uni, § 35, précité.
147
CEDH, 29 novembre 1988, n os 11209/84, 11234/84, 11266/84, 11386/85, Brogan et autres
c/ Royaume-Uni, § 58, précité. Pour une démonstration du rôle matriciel et essentiel du principe
de la prééminence du droit dans la jurisprudence européenne : SOUVIGNET Xavier, La
prééminence du droit dans le droit de la Convention européenne des droits de l'homme, Bruylant,
Thèse, 2012 ; PICARD Étienne, « La juridiction administrative et les exigences du Procès
équitable », in Le droit français et la convention européenne des droits de l'homme - 1974-1992,
Actes du colloque tenu à Montpellier, février 1993, Strasbourg, N.P. Engel, 1994, p. 217-283,
plus précisément p. 223 ; WACHSMANN Patrick, « La prééminence du droit dans la jurisprudence de
la Cour européenne des droits de l’homme », in Recueil d’études à la mémoire de Jacques Schwob,
Le droit des organisations internationales, Bruxelles, Bruylant, 1997, p. 260 ; SUDRE Frédéric,
« Le recours aux « notions autonomes », in L'interprétation de la convention européenne
des droits de l'homme, SUDRE Frédéric (dir.), Bruxelles, Bruylant, 1998, p. 114 à 118 ; PICARD
Étienne, « La juridiction administrative et les exigences du Procès équitable », in Le droit
- 54 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
Strasbourg entre, d’une part, ce principe fondateur et, d’autre part, son interprétation
originale de l’article 6 § 1 C.E.D.H., n’en est pas pour autant, de prime abord,
évident. La doctrine 148 ne l’a d’ailleurs jamais explicité.
Pour l’étayer, il faut alors tout de suite préciser que, selon la Cour, figure
parmi les caractéristiques de base du principe de la prééminence du droit, celui de la
séparation des pouvoirs. Ce dernier, qui inspire de nombreux arrêts protégeant le
fonctionnement judiciaire contre toute ingérence du pouvoir législatif ou exécutif 149,
fait particulièrement florès dans la jurisprudence strasbourgeoise 150. La Cour a ainsi
pu juger que « le principe de la prééminence du droit et la notion de procès équitable
consacrés par l’article 6 C.E.D.H. s’opposent, sauf pour d’impérieux motifs d’intérêt
français et la convention européenne des droits de l'homme - 1974-1992, Actes du colloque tenu
à Montpellier, février 1993, Strasbourg, N.P. Engel, 1994, p. 217 et, plus précisément, p. 223.
148
SUDRE Frédéric et PICHERAL Caroline, « Un critère organique secondaire », in L’extension
des garanties du procès équitable hors les juridictions ordinaires : les contraintes européennes,
Institut de droit européen des droits de l’homme, Avril 2002, SUDRE Frédéric (dir.), p. 47.
149
CEDH, 24 novembre 1994, n o 15287/89, Beaumartin c/ France, § 38, J.C.P., 1995, I, 3823, obs.
SUDRE Frédéric ; CEDH, 9 décembre 1994, n o 13427/87, Stran Greek Refineries et Stratis
Andreadis c/ Grèce, § 49, J.C.P., éd. gén., 1995, I, p. 3823, SUDRE Frédéric ; R.T.D. Civ., 1995,
p. 652, obs. ZENATI Frédéric ; CEDH, 22 octobre 1997, nos 97/1996/716/913, Papageorgiou
c/ Grèce, § 37, D., 1998, p. 209, obs. FRICERO Natalie; CEDH, 23 octobre 1997, n os 21319/93,
21449/93, 21675/93, Building Societies c/ Royaume-Uni, § 112, R.F.D.A., 1998, p. 990, note
SERMET Laurent ; CEDH, 28 octobre 1999, n os 24846/94 et 34165/96 à 34173/96, Zielinski et
Pradal & Gonzales c/ France, § 57, D., 2000, p. 187 et p. 188, obs. FRICERO Natalie ; R.F.D.A.,
2000, p. 289, note MATHIEU Bertrand et p. 1254 note BOLLE Stéphane ; R.T.D. Civ., 2000, p. 436,
obs. MARGUENAUD Jean-Pierre ; CEDH, 28 mai 2002, n o 46295/99, Stafford c/ Royaume-Uni,
§ 78, J.C.P., éd. gén., 2002, I, 157, n o 7, SUDRE Frédéric ; R.T.D.H., 2003, p. 931, MASSIAS
Florence ; CEDH, 6 mars 2003, nos 39343/98, 39651/98, 43147/98 et 46664/99, Kleyn et autres
c/ Pays-Bas, §. 193 et §. 200, J.C.P., éd. gén., 2003, I, 160, n o 7, obs. SUDRE Frédéric ; CEDH,
12 mai 2005, n o 46221/99, Öcalan c/ Turquie, §. 112 et 114, J.C.P., éd. gén., 2003, I, 160, n o 1,
obs. SUDRE Frédéric ; R.G.D.I.P., 2003, p. 472, obs. WECKEL Philippe ; D., 2003, Somm.,
p. 2267, obs. RENUCCI Jean-François ; D., 2004, p. 1101, obs. CÉRÉ Jean-Paul.
150
CEDH, 24 novembre 1994, n o 15287/89, Beaumartin c/ France, § 38, précité ; CEDH, 9 décembre
1994, n o 13427/87, Stran Greek Refineries et Stratis Andreadis c/ Grèce, § 49, précité ; CEDH,
28 octobre 1999, n os 24846/94 et 34165/96 à 34173/96, Zielinski et Pradal & Gonzales c/ France,
§ 57, précité ; CEDH, 28 mai 2002, n o 46295/99, Stafford c/ Royaume-Uni, § 78, précité ;
CEDH, 6 mars 2003, n os 39343/98, 39651/98, 43147/98 et 46664/99, Kleyn et autres c/ Pays-Bas,
§. 193 et §. 200, précité ; CEDH, 12 mai 2005, n o 46221/99, Öcalan c/ Turquie, §. 112 et 114,
précité ; Voir également les opinions partiellement dissidentes communes à M. Rozakis, sir
Nicolas Bratza, M. Bonello, M. Loucaides et M me Jočienė, sur CEDH, 6 octobre 2005,
n o 11810/03, Maurice c/ France, et sur CEDH, 6 octobre 2005, n o 1513/03, Draon c/ France,
R.C.A., 2005, comm. n o 327, obs. RADE Christophe; D., 2005, p. 2546, obs. DE MONTECLER
Marie-Christine ; R.T.D. Civ., 2005, p. 743, obs. MARGUENAUD Jean-Pierre.
- 55 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
Or, l’affirmation selon laquelle, seuls des organismes présentant les qualités
d’un tribunal peuvent, en principe, se prononcer sur le « bien-fondé d’une accusation
en matière pénale » ou sur une « contestation sur des droits et obligations de caractère
civil », peut être fondée sur une conception rigide du principe de la séparation des
pouvoirs, dès lors qu’est reconnue, en amont, la nature fondamentalement
juridictionnelle des fonctions répressive et contentieuse.
Appréciée à la lumière de ces deux éléments 152, la référence faite par la Cour
au principe de la prééminence du droit comme élément dictant son interprétation
singulière de l’article 6 § 1 C.E.D.H. devient alors d’une limpidité naturelle.
151
CEDH, 9 décembre 1994, n o 13427/87, Stran Greek Refineries et Stratis Andreadis c/ Grèce,
§ 49, précité ; CEDH, 28 octobre 1999, n os 24846/94 et 34165/96 à 34173/96, Zielinski et Pradal
& Gonzales c/ France, § 57, précité.
152
La thèse de la nature fondamentalement juridictionnelle des fonctions répressive et contentieuse,
d’une part, et le principe de la séparation des pouvoirs, d’autre part.
153
CHAPUS René, « Qu’est-ce qu’une juridiction ? La réponse de la jurisprudence administrative »,
in Recueil d’études en hommage à Charles Eisenmann, Cujas, Paris, 1977, p. 236 et suivantes.
- 56 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
Dès lors, on comprend mieux les vastes réflexions 156 suscitées par
l’attribution 157 à certaines autorités administratives d’un pouvoir de punir exercé à
154
Voir GUINCHARD Audrey, Les enjeux du pouvoir de répression en matière pénale. Du modèle
judiciaire à l'attraction d'un système unitaire, L.G.D.J., 2003, p. 32 à p. 42, spécialement, n os 50
à 53 et n o 71. L’auteur démontre, après avoir analysé les lois et les travaux préparatoires relatifs,
que dès le début de la Révolution, le pouvoir de répression est considéré comme un pouvoir
juridictionnel.
155
COLLIARD Claude-Albert, La sanction administrative, Extrait des annales de la faculté de droit
d’Aix en Provence, 1943, n o 36, p. 1 et s. ; GUINCHARD Audrey, Les enjeux du pouvoir de
répression en matière pénale. Du modèle judiciaire à l'attraction d'un système unitaire, L.G.D.J.,
2003, p. 27, spécialement, no 42.
156
MÜNCH Jean-Pierre, La sanction administrative, Paris, Thèse, 1947 ; MOURGEON Jacques,
La répression administrative, L.G.D.J., 1967, p. 8 et p. 9 ; LEFONDRÉ Michel, Recherche sur
les sanctions administratives et leur nature juridique, Thèse, Caen, 1973 ; DOARE Ronan, Les
sanctions administratives (contribution à l'étude du renouveau de la répression administrative),
Thèse, Rennes, 1994, p. 13 ; DELLIS Georges, Droit pénal et droit administratif : L’influence
des principes du droit pénal sur le droit administratif répressif, L.G.D.J., 1997, p. 57, no 90 ;
SAILLARD Alban, L’appropriation des règles pénales par le juge administratif répressif, Thèse,
Orléans, 2000 ; GUINCHARD Audrey, Les enjeux du pouvoir de répression en matière pénale.
Du modèle judiciaire à l'attraction d'un système unitaire, L.G.D.J., 2003, p. 32 à p. 42,
spécialement, nos 50 à 53 et no 71 ; DOUËB Frédéric, Les sanctions pécuniaires des autorités
administratives, Paris, Thèse, 2003, p. 91 ; COLLIARD Claude-Albert, La sanction
administrative, Extrait des annales de la faculté de droit d’Aix en Provence, 1943, n o 36, p. 3 et
s. ; WALINE Marcel, Traité élémentaire de Droit administratif, 3 ème éd., 1950, p. 427 et s. ;
AUBY Jean-Marie et DRAGO Roland, Traité de Contentieux administratif, 3 ème éd., 1984, t. II,
p. 329 ; DEGOFFE Michel, Le droit de la sanction non pénale, Economica, 2000 ; DE CORAIL
Jean-Louis, « Administration et sanction. Réflexions sur le fondement du pouvoir administratif
de répression », in Mélanges René Chapus, Montchrestien, 1992, p. 103 et s. ; VARINARD
André, « Introduction », in La sanction : Colloque du 27 novembre 2003 à l’université Jean-
Moulin Lyon 3, L’Harmattan, 2007, p. 31 ; DEGOFFE Michel, « La sanction à caractère punitif
selon le Conseil constitutionnel », in La sanction : Colloque du 27 novembre 2003 à l’université
Jean-Moulin Lyon 3, L’Harmattan, 2007, p. 47 et spé. p. 65 ; HUBRECHT Hubert-Gérald, « La
notion de sanction administrative », L.P.A., 1990, n o 8, numéro spécial, p. 6 ; QUASTANA
Jacques, « La sanction administrative est-elle encore une décision de l’administration ? »,
A.J.D.A., 2001, p. 141.
157
Sur l’aspect historique des sanctions administratives : DOARE Ronan, Les sanctions
administratives (contribution à l'étude du renouveau de la répression administrative), Thèse,
- 57 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
- 58 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
Si ces décisions ont paru, de prime abord, manifester une véritable condamna-
tion de la répression administrative par le Conseil constitutionnel, en réalité, ce der-
nier ne faisait que signaler son adhésion à la thèse de la nature fondamentalement
juridictionnelle de la répression, laquelle, en elle-même, n’interdit pas l’exercice d’un
pouvoir répressif par l’administration. En effet, dans leur jurisprudence ultérieure, les
juges constitutionnels ont définitivement consacré la constitutionnalité de la
répression administrative. En proclamant que « Le principe de la séparation des
pouvoirs, non plus qu’aucun principe ou règle de valeur constitutionnelle, ne fait
obstacle à ce qu’une autorité administrative agissant dans le cadre de prérogatives
de puissance publique, puisse exercer un pouvoir de sanction dès lors, d’une part,
que la sanction susceptible d’être infligée est exclusive de toute privation de liberté
et, d’autre part, que l’exercice du pouvoir de sanction est assorti par la loi de
mesures destinées à sauvegarder les droits et libertés constitutionnellement
garantis » 164, les juges constitutionnels ont ainsi opté pour une présentation
moderne 165 de l’œuvre de Montesquieu, qui autorise, sous certaines conditions, le
partage organique d’un pouvoir naturellement considéré comme relevant de la
162
Décision n o 82-155 D.C. du 30 décembre 1982 « Loi de finances rectificative pour 1982 »,
s’agissant d’un système d’amendes fiscales, R.J.C., I, p. 149 ; R.D.P., 1983, p. 333, p., chr. AVRIL
Pierre et GICQUEL Jean ; Revue administrative, 1983, p. 142, comm. de VILLIERS Michel.
163
Décision n o 84-181 D.C. des 10-11 octobre 1984, Loi sur les entreprises de presse, Rec., p. 73 ;
A.J.D.A., 1984, p. 684 , note BIENVENU Jean-Jacques ; DE VILLIERS Michel, « La décision du
Conseil Constitutionnel des 23 et 24 octobre sur les entreprises de presse », Revue
administrative, 1984, p. 580 ; Pouvoirs, 1985, n° 33, p. 163, « Chronique constitutionnelle »,
AVRIL Pierre et GICQUEL Jean ; R.D.P., 1986, p. 395, obs. FAVOREU Louis ; FAVOREU
Louis et PHILIP Louis, Grandes décisions du Conseil constitutionnel, p. 599, n o 36.
164
Décision n o 89-260 D.C., 28 juillet 1989, Rec., 71 ; R.F.D.A., 1989, p. 671, obs. GENEVOIS
Bruno ; TEITGEN-COLLY Catherine, « Sanctions administratives et autorités administratives
indépendantes », L.P.A., 17 janvier 1990, p. 33.
165
EISENMANN Charles, « L’esprit des lois et la séparation des pouvoirs », in Mélanges Carré de
Malberg, Paris, Sirey, 1933, p. 165. L’auteur démontre que dans la pensée de Montesquieu, seule
la non-confusion des pouvoirs au profit d’un même organe est préconisée, sans, pour autant, que
cela n’interdise, sous certaines conditions, la participation de l’organe exécutif aux diverses
fonctions étatiques.
- 59 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
166
HUBRECHT Hubert-Gérald, « La notion de sanction administrative », L.P.A., 17 janvier 1990,
n o 8, p. 6 ; MODERNE Franck, « Sanctions administratives et protection des libertés
individuelles au regard de la Convention européenne des droits de l’homme », L.P.A., 17 janvier
1990, n o 9, p. 15 ; TEITGEN-COLLY Catherine, « Sanctions administratives et autorités
administratives indépendantes », L.P.A., 17 janvier 1990, no 8, p. 25 ; ROBERT Jacques, « Les
sanctions administratives et le juge constitutionnel », L.P.A., 17 janvier 1990, n o 8, p. 42 ;
SAUVE Jean-Marc, « Les sanctions administratives en droit public français », A.J.D.A., 2001,
p. 16 ; MIGNON Emmanuelle, « L'ampleur, le sens et la portée des garanties en matière de
sanctions administratives », A.J.D.A., 2001, p. 99.
167
Voir en se sens : Introduction générale, I, p. 19 à p. 29.
168
Sur le Conseil constitutionnel et l’interprétation européenne : COHEN-JONATHAN Gérard, « La
place de la Convention européenne des droits de l’homme dans l’ordre juridique français », in
Droit français et CEDH, SUDRE Frédéric (dir.), Engel, 1994, p. 1 ; GREWE Constance, « Le
juge constitutionnel et l’interprétation constitutionnelle», in L’interprétation de la Convention
européenne des droits de l’homme, SUDRE Frédéric (dir.), Bruylant, 1998, p. 199 ; BADINTER
Robert et GENEVOIS Bruno, « Normes de valeur constitutionnelle et degré de protection des
droits fondamentaux », R.U.D.H., 1990, p. 264 ; GREWE Constance et RUIZ FABRI Hélène,
« Le Conseil constitutionnel et l’intégration européenne », R.U.D.H., 1992, p. 287 ;
ANDRIANTSIMBAZOVINA Joël, « La prise en compte de la Convention européenne des droits
de l'homme par le Conseil constitutionnel, continuité ou évolution ? », Cahiers du Conseil
constitutionnel, n° 18, juillet 2005.
- 60 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
sur une « contestation sur des droits et des obligations de caractère civil », de satis-
faire aux prescriptions protectrices de l’article 6 C.E.D.H.
C’est dans cette mesure qu’il convient d’accorder une place toute particulière à
la signification revêtue par les notions d’accusation en matière pénale ou de
contestation sur des droits et des obligations de caractère civil en droit européen.
L’« autonomisation » 169 des notions de « contestation sur des droits et des
obligations de caractère civil » et d’« accusation en matière pénale » à laquelle a
procédé la Cour de Strasbourg (A), lui a permis « d’introduire le cheval de Troie du
procès européen » 170 dans de nombreux pans de l’action administrative (B).
169
Terme employé par Frédéric SUDRE : « Le recours aux notions autonomes », in Frédéric
SUDRE (dir.), L’interprétation de la Convention, coll. Droit et Justice, éd. Bruylant, 1998, p. 96
et suivantes.
170
PICARD Étienne, « La juridiction administrative et les exigences du Procès équitable », in Le
droit français et la convention européenne des droits de l'homme - 1974-1992, Actes du colloque
tenu à Montpellier, février 1993, Strasbourg, N.P. Engel, 1994, p. 217, plus précisément p. 243.
171
KOERING-JOULIN Renée et TRUCHE Pierre, « Retour sur le champ pénal européen », in
Mélanges Louis-Edmond Pettiti, Bruylant, Bruxelles, 1999, p. 513.
- 61 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
Dès lors, il ne s’agit pas de jeter un jour nouveau sur la définition des termes
de « contestation sur des droits et des obligations de caractère civil » et
d’« accusation en matière pénale », au sens de la C.E.D.H. Pour reprendre à nouveau
les propos du professeur Étienne Picard, « tout a été dit, et l’a fort bien été (…) et
l’on vient simplement plus tard, non pour redire, si possible, mais, après avoir tout
de même rappelé l’essentiel, (…) pour relever les innovations et envisager d’autres
172
GROUPE DE RECHERCHES DROITS DE L’HOMME ET LOGIQUES JURIDIQUES, « La
« matière pénale » au sens de la Convention européenne des droits de l’homme, flou du droit
pénal», Revue de sciences criminelles, 1987, p. 819 et suivantes ; VELU Jacques et ERGERC
Rusen, La convention européenne des droits de l’homme, Bruylant, Bruxelles, 1990, p. 367 et
suivantes ; GROTRIAN Andrew, L'article 6 de la Convention européenne des Droits de
l'homme, Conseil de l'Europe, Direction des droits de l'homme, 1994, p. 21 ; PICARD Étienne,
« La juridiction administrative et les exigences du Procès équitable », in Le droit français et la
convention européenne des droits de l'homme - 1974-1992, Actes du colloque tenu à Montpellier,
février 1993, Strasbourg, N.P. Engel, 1994, p. 217 ; ALLIX Dominique, « Le droit à un procès
pénal équitable. De l’accusation en matière pénale à l’égalité des armes », Revues Justices, 1998,
n o 10, p. 30 ; SOYER Jean-Claude et de SALVIA Michel, « Article 6 », in La CEDH,
commentaire article par article, PETTITI Louis-Edmond, DECAUX Emmanuel, IMBERT
Pierre-Henri (dir.), 2 ème éd., Paris, Economica, 1999, p. 239 à 279 ; MILANO Laure, Le droit à
un tribunal au sens de la Convention européenne des droits de l’Homme, Thèse Montpellier,
SUDRE Frédéric (dir.), L.G.D.J., 2006, p. 97 et suivantes ; PETTITI Christophe, « La notion
autonome de droit de caractère civil : vers une conception restrictive ? » et TAGARAS Haris,
« La notion d’accusation en matière pénale et les droits de l’accusé », in Le procès équitable et
la protection juridictionnelle du citoyen, Actes du colloque organisé à Bordeaux les 29 et 30
septembre 2000, Institut des droits de l’homme des avocats européens et Institut des droits de
l’homme du Barreau de Bordeaux, p. 23 ; GONZALES Gérard, « Le sens européen de la notion
de contestation sur des droits et obligations de caractère civil », p. 11 et ECOCHARD Bertrand,
« Le sens européen de la notion de matière pénale », p. 28, in L’extension des garanties du
procès équitable hors les juridictions ordinaires : les contraintes européennes, Institut de droit
européen des droits de l’homme, Avril 2002 ; MASSIAS Florence, « Le champ pénal européen
selon la Cour européenne des droits de l’homme : interprétation autonome et applicabilité des
articles 6 et 7 de la Convention européenne des droits de l’homme », in Mélanges en l’honneur
du professeur Reynald Ottenhof, Dalloz, 2006, p. 87 ; GUINCHARD Serge,
DELICOSTOPOULOS Constantin-S, DOUCHY-OUDOT Mélina, FERRAND Frédérique, Droit
processuel : Droit commun et droit comparé du procès équitable, Dalloz, 2007, p. 125 à p. 208 ;
SUDRE Frédéric, Droit européen et international des droits de l’homme, P.U.F., 9 ème éd., 2009,
p. 351 et suivantes ; Voir également les articles réguliers des Professeurs Gérard GONZALEZ et
Frédéric SUDRE publiés dans la Revue du droit public et de la science politique en France et à
l'étranger, ceux des Professeurs
Henri LABAYLE, Frédéric SUDRE, Laurent SERMET et M. Joël ANDRIANTSIMBAZONIVA
dans la Revue française de droit administratif et, ceux du professeur Jean-François FLAUSS
dans l’Actualité juridique du droit administratif.
- 62 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
173
Rapport de la Commission, § 91.
174
EISSEN Marc-André, « Jurisprudence relative à l’article 6 de la Convention », Cour européenne
des droits de l’homme, 1985, p. 3 ; GONZALEZ Gérard, « Le sens européen de la notion de
« contestation sur des droits et obligations de caractère civil », in L’extension des garanties du
procès équitable hors les juridictions ordinaires : les contraintes européennes, Institut de droit
européen des droits de l’homme, Avril 2002, p. 11 ; SOYER Jean-Claude et DE SALVIA Michel,
« Article 6 », La Convention européenne des droits de l'homme, Commentaire article par article,
PETTITI Louis-Edmond, DECAUX Emmanuel et IMBERT Pierre-Henri (dir.), Economica,
2 ème éd., 1999, p. 239 et s., plus précisément p. 249.
175
DUGRIP Olivier, « L’applicabilité de l’article 6 de la CEDH aux juridictions administratives »,
R.U.D.H., 1991, p. 336 et spécialement p. 339.
176
GROUPE DE RECHERCHES DROITS DE L’HOMME ET LOGIQUES JURIDIQUES, « La
« matière pénale » au sens de la Convention européenne des droits de l’homme, flou du droit
pénal », Revue de sciences criminelles, 1987, p. 819 et suivantes ; VELU Jacques et ERGERC
Rusen, La convention européenne des droits de l’homme, Bruylant, Bruxelles, 1990, p. 390,
n o 438 ; KOERING-JOULIN Renée et TRUCHE Pierre, « Retour sur le champ pénal européen »,
in Mélanges Louis-Edmond Pettiti, Bruylant, Bruxelles, 1999, p. 513 ; TAGARAS Haris, « La
notion d’accusation en matière pénale et les droits des accusés », in Le procès équitable et la
protection juridictionnelle du citoyen, Actes du colloque organisé à Bordeaux les 29 et
30 septembre 2000, Institut des droits de l’homme des avocats européens et Institut des droits de
l’homme du barreau de Bordeaux, p. 43 et plus précisément p. 45 à p. 47 ; ECOCHARD
Bertrand, « Le sens européen de la notion de matière pénale », in L’extension des garanties du
procès équitable hors les juridictions ordinaires : les contraintes européennes, Institut de droit
européen des droits de l’homme, Avril 2002, p. 28 et p. 35 à p. 38 ; GUINCHARD Serge,
DELICOSTOPOULOS Constantin-S, DOUCHY-OUDOT Mélina, FERRAND Frédérique, Droit
processuel : Droit commun et droit comparé du procès équitable, Dalloz, 2007, p. 163 et p. 164.
177
Rapport de la Commission, § 91.
- 63 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
C’est en ce sens que se sont également prononcés certains juges européens des droits
de l’homme dans le cadre de leurs opinions dissidentes 178.
178
Voir également les opinions dissidentes de certains juges au sein de la Cour qui dénoncent le manque de
cohérence : celles du Juge PETTITI sous CEDH, 19 février 1998, no 20124/92, Higgins c/ France,
R.T.D. Civ., 1999, p. 516, obs. MARGUENAUD Jean-Pierre ; J.C.P., 1999, I, p. 105, obs. SUDRE
Frédéric ; R.D.P., 1999, no 3, p. 855, HUGON Christine : « En tout cas, une affaire telle celle du cas
Higgins souligne la controverse sur la méthode qui consiste à utiliser trop largement l'article 6 dans sa
rédaction floue d'origine et son ambiguïté sur le concept d'équité de type anglo-saxon quand les États et
les juges sont confrontés aux systèmes de droit continental civil et aux procédures sophistiquées de
cassation de type français ou belge ne comportant pas, au surplus, de mécanismes d'autorisation de
pourvois, admis par d'autres législations et par la Convention. La dernière série des arrêts rendus par
la Cour européenne avant de laisser place à la nouvelle Cour suscite des interrogations sur
l'importance quantitative et qualitative accordée à l'article 6 dans la jurisprudence européenne
nonobstant le risque pour la Cour de se comporter en quatrième juridiction. Certes, elle est inspirée du
juste principe suivant lequel la règle procédurale est la meilleure des garanties du respect des droits.
Mais la facilité de constats de violations en ce domaine en étendant la doctrine de l'apparence a peut-
être trop orienté des choix dans les saisines, au détriment peut-être d'examens de cas de violations
potentielles portant sur le noyau dur et la hiérarchie des droits fondamentaux. » ; Celle du Juge DE
MEYER sous CEDH, 22 février 1996, no 18892/91, Putz c/ Autriche, R.T.D.H., 1997, p. 493, note
MASSIAS Florence ; R.S.C., 1997, p. 468, obs. KOERING-JOULIN Renée : s’agissant des critères de
la matière pénale formulés dans l’arrêt « Engel », « L'expérience paraît démontrer que ces critères ne
sont pas très satisfaisants ».
179
SUDRE Frédéric, « Le recours aux notions autonomes », in Frédéric SUDRE (dir.),
L’interprétation de la Convention, coll. Droit et Justice, éd. Bruylant, 1998, p. 96 et suivantes
180
CEDH, 28 juin 1978, n o 6232/73, König c/ Allemagne, § 88, Cahiers de droit européen, 1979,
p. 474, obs. COHEN-JONATHAN Gérard ; A.F.D.I., 1979, p. 348, obs. PELLOUX Robert ;
Journal de droit international, 1980, p. 460, obs. ROLLAND Patrice ;CEDH, 16 juillet 1971,
n o 2614/65, Ringeisen c/ Autriche, § 110, précité; CEDH, 8 juillet 1987, n o 10092/82, Baraona
c/ Portugal, Série A, n o 122, § 42.
181
CEDH, 8 juin 1976, n os 5100/71, 5101/71, 5102/71, 5354/72, 5370/72, Engel et autres c/ Pays-
Bas, § 8, précité; CEDH, 21 février 1984, n o 8544/79, Oztürk c/ Allemagne, § 50, G.A.C.E.D.H.,
n o 21 ; Jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme, 9 ème éd., 2004, Éditions
Sirey, n o 117, BERGER Vincent ; J.D.I., 1986, p. 1051, obs. ROLLAND Patrice et TAVERNIER
Paul ; CEDH, 28 juin 1984, n os 7819/77 et 7878/77, Campbell et Fell c/ Royaume-Uni, § 68,
précité ; CEDH, 27 août 1991, n o 13057/87, Demicoli c/ Malte, § 31, J.D.I., 1992, p. 792, note
DECAUX Emmanuel ; Pour une reconnaissance explicite, voir : CEDH, 28 juin 1978,
n o 6232/73, König c/ Allemagne, § 88, précité ; CEDH, 27 février 1980, no 6903/75, Deweer
c/ Belgique, § 42, précité.
- 64 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
SUDRE dans une étude pionnière 182 sur « Le recours aux notions autonomes »183,
cette technique utilisée par le juge européen vise à doter « une notion conventionnelle
[…] d’une définition de nature matérielle, différente de celle retenue par le droit
interne de l’État défendeur, afin de réaliser l’applicabilité d’un droit qui participe de
la prééminence du droit » 184.
Or, au grand dam de la doctrine, les juges strasbourgeois n’ont jamais livré la
définition européenne de la notion de « droits et obligations de caractère civil » 185 (1).
Quant aux termes d’« accusation en matière pénale », si leur acception européenne a
été précisée par la Cour, le maniement des critères d’identification de cette notion en
révèle les limites (2). Par ailleurs, les indications fournies par les travaux
préparatoires sur l’article 6 C.E.D.H. sont de peu de secours, puisque, comme l’ont
182
La plupart des études intéressant l’article 6 C.E.D.H., soit ne comporte aucune définition de la
technique des notions autonomes, soit en adopte une vision assez simplificatrice en se bornant à
la présenter comme celle visant à donner une définition uniforme des engagements des États
contractants. Voir en ce sens : EVRIGENIS D., « Réflexions sur la dimension nationale de la
C.E.D.H. », in Conseil de l’Europe, Actes du colloque sur la C.E.D.H. par rapport à d’autres
instruments internationaux pour la protection des droits de l’homme, Strasbourg, 1979, p. 71 ;
Opinion concordante du juge LAGERGREN sur CEDH, 28 mai 1985, no 8225/78, Ashingdane
c/ Royaume-Uni : « Une interprétation « autonome » des concepts de la Convention signifie en
réalité une interprétation uniforme résultant, pour reprendre les termes du Préambule, d’« une
conception commune et [d’] un commun respect des droits de l’homme (...) » protégés. » ;
EISSEN Marc-André. « La C.E.D.H. », R.D.P., Novembre –Décembre 1986, p. 1584 ;
ROLLAND Patrice, « L’interprétation de la C.E.D.H. », R.U.D.H. 1991, p. 280 et spécialement
p. 283 ; DUGRIP Olivier, « L’applicabilité de l’article 6 de la C.E.D.H. aux juridictions
administratives », R.U.D.H. 1991, p. 336, spécialement p. 339 ; ANDRIANTSIMBAZOVINA
Joël, « La fin d’une résistance du Conseil d’État de France à la chose interprétée par la Cour
européenne des droits de l’homme : l’application de l’article 6 § 1° de la convention européenne
des droits de l’homme aux juridictions disciplinaires », R.T.D.H. 1998, p. 365 et spécialement
p. 370 ; PETTITI Christophe, « La notion autonome de droit de caractère civil : vers une
conception restrictive ? », Le procès équitable et la protection juridictionnelle du citoyen, Actes
du colloque organisé à Bordeaux les 29 et 30 septembre 2000, Institut des droits de l’homme des
avocats européens et l’Institut des droits de l’homme du Barreau de Bordeaux, p. 23 ;
GROTRIAN Andrew, L'article 6 de la Convention européenne des Droits de l'homme, Conseil de
l'Europe, Direction des droits de l'homme, 1994.
183
SUDRE Frédéric, « Le recours aux notions autonomes », in Frédéric SUDRE (dir.),
L’interprétation de la Convention, coll. Droit et Justice, Bruylant, 1998, p. 96 et suivantes.
184
Cette définition est reprise par le professeur Gérard GONZALEZ, R.D.P., 2000, n° 3, p. 711 à
716, spécialement p. 713 et p. 714.
185
CEDH, 23 octobre 1985, n o 8848/80, Benthem c/ Pays-Bas, § 35, précité.
- 65 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
déjà souligné de nombreux auteurs 186, les débats ayant eu lieu devant l’Assemblée
consultative du Conseil de l’Europe n’ont pas abordé ce problème.
C’est par touches successives que la Cour de Strasbourg est venue étayer la
notion de « contestation sur des droits et des obligations de caractère civil ». Cette
jurisprudence au « compte-gouttes » a suscité pléthore d’objurgations dénonçant son
manque de lisibilité et de clarté 187, parfois même son défaut de cohérence 188.
L’une des questions les plus délicates et épineuses 189 qui surgissent sur le
terrain de la Convention réside dans la détermination du caractère civil d’un droit. La
186
VELU Jacques et ERGERC Rusen, La convention européenne des droits de l’homme, Bruylant,
Bruxelles, 1990, p. 338, n o 386 ; VELU Jacques, « Le problème de l’application aux juridictions
administratives des règles de la Convention européenne des Droits de l’homme relatives à la
publicité des audiences et des jugements », Revue de droit international et de droit comparé,
1961, p. 129 ; SPERDUTI G., « Recherche d’une méthode appropriée aux fins de la
détermination de la notion de « droits et obligations de caractère civil » dans la Convention
européenne des Droits de l’homme », Riviosta di diritto internazionale, 1989, n o 4, p. 761,
spécialement p. 769 ; DUGRIP Olivier, « L’applicabilité de l’article 6 de la C.E.D.H. aux
juridictions administratives », R.U.D.H., 1991, p. 336 et spécialement p. 339 ; MILANO Laure,
Le droit à un tribunal au sens de la Convention européenne des droits de l’Homme, Thèse
Montpellier, SUDRE Frédéric (dir.), L.G.D.J., 2006, p. 114, n o 157.
187
FLAUSS Jean-François, « Actualité de la Convention européenne des droits de l’homme »,
A.J.D.A., 20 décembre 1996, p. 1005 ; TAVERNIER Paul, « Faut-il réviser l’article 6 de la
C.E.D.H. ? (à propos du champ d’application de l’article 6 ) », in Mélanges Louis-Edmond
Pettiti, Bruylant, Bruxelles, 1998, p. 707 à p. 720 ; HAÏM Victor, « Faut-il supprimer la Cour
européenne des droits de l’homme », D., 2001, Chronique, p. 2988 à p. 2994.
188
COHEN-JONATHAN Gérard, « Quelques considérations sur l’autorité des arrêts de la Cour
européenne des droits de l’homme », in Liber amicorum Marc-André Eissen, Bruylant, L.G.D.J.,
1995, p. 569 ; FLAUSS Jean-François, « Actualité de la Convention européenne des droits de
l’homme », A.J.D.A., 20 décembre 1996, p. 1006 et p. 1007 ; FLAUSS Jean-François, « Actualité
de la Convention européenne des droits de l’homme (septembre 2007 - février 2008) », A.J.D.A.,
26 mai 2008, p. 978.
189
EISSEN Marc-André, Jurisprudence relative à l’article 6 de la Convention, Strasbourg, Conseil
de l’Europe, 1985, p. 3 ; VELU Jacques et ERGERC Rusen, La convention européenne des droits
de l’homme, Bruylant, Bruxelles, 1990, p. 374, n o 419; SOYER Jean-Claude et de SALVIA
Michel, « Article 6 », in La CEDH, commentaire article par article, PETTITI Louis-Edmond,
DECAUX Emmanuel, IMBERT Pierre-Henri (dir.), 2 ème éd., Paris, Economica, 1999, p. 239 à
279 ; DUGRIP Olivier, « L’applicabilité de l’article 6 de la C.E.D.H. aux juridictions
administratives », R.U.D.H., 1991, p. 342 ; MILANO Laure, Le droit à un tribunal au sens de la
Convention européenne des droits de l’homme, L.G.D.J., 2006, p. 99 et p. 112 et suivantes ;
GONZALES Gérard, « Le sens européen de la notion de « contestations sur des droits et
- 66 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
difficulté est telle, qu’elle en fait d’ailleurs « oublier le premier membre de phrase
relatif aux notions de « contestations sur des droits et des obligations » 190. Pourtant,
lorsqu’elle est saisie au titre de la matière civile, la Cour de Strasbourg se prononce
d’abord sur l’existence d’une « contestation relative à un droit ».
obligations de caractère civil », L’extension des garanties du procès équitable hors les
juridictions ordinaires : les contraintes européennes, Institut de droit européen des droits de
l’homme, Avril 2002, p. 12 ; PETTITI Christophe, « La notion autonome de droit de caractère
civil : vers une conception restrictive », in Le procès équitable et la protection juridictionnelle
du citoyen, Actes du colloque organisé à Bordeaux les 29 et 30 septembre 2000, Institut des
droits de l’homme des avocats européens et l’Institut des droits de l’homme du Barreau de
Bordeaux, p. 29; EISSEN Marc-André, Jurisprudence relative à l’article 6 de la Convention,
Strasbourg, Conseil de l’Europe, 1985, p. 3 ; PICARD Étienne, « La juridiction administrative et
les exigences du Procès équitable », in Le droit français et la convention européenne des droits
de l'homme - 1974-1992, Actes du colloque tenu à Montpellier, février 1993, Strasbourg , N.P.
Engel, 1994, p. 239 et p. 240 ; PICARD Étienne, « La juridiction administrative et les exigences
du Procès équitable », in Le droit français et la convention européenne des droits de l'homme -
1974-1992, Actes du colloque tenu à Montpellier, février 1993, Strasbourg, N.P. Engel, 1994,
p. 217 et, plus précisément, p. 239.
190
MILANO Laure, Le droit à un tribunal au sens de la Convention européenne des droits de
l’Homme, Thèse Montpellier, SUDRE Frédéric (dir.), L.G.D.J., 2006, p. 99, n o 136.
191
“In the determination of his civil rights and obligations”.
192
CEDH, 23 juin 1981, nos 6878/75, 7238/75, Le Compte, Van Leuven et De Meyere c/ Belgique,
§ 40 à 45, précité.
193
CEDH, 23 juin 1981, nos 6878/75, 7238/75, Le Compte, Van Leuven et De Meyere c/ Belgique,
§ 40 à 45, précité.
194
CEDH, 23 septembre 1982, n os 7151/75, 7152/75, Sporrong et Lönnroth c/ Suède, § 81, A.F.D.I.,
1985, p. 415, obs. COUSSIRAT-COUSTERE Vincent.
195
CEDH, 23 juin 1981, nos 6878/75, 7238/75, Le Compte, Van Leuven et De Meyere c/ Belgique,
§ 40 à 45, précité ; CEDH, 27 novembre 1991, n o 12565/86, Oerlmans c/ Pays-Bas, A.J.D.A.,
- 67 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
La contestation « peut porter aussi bien « sur l’existence même d’un droit »
que sur son étendue ou ses modalités d’exercice » 196. De même, « elle peut concerner
tant des « points de fait » que « des questions juridiques » 197. Toutefois, la Cour
considère que « l’article 6 paragraphe 1 ne se contente […] pas d’un lien ténu ni de
répercussions lointaines : des droits et obligations de caractère civil doivent
constituer l’objet - ou l’un des objets - de la contestation ; l’issue de la procédure
doit être directement déterminante pour un tel droit » 198. En d’autres termes, « il faut
que la procédure tende à obtenir une réponse, qui sera décisive, sur le sort de ce
droit ou de cette obligation » 199. Pour autant, la Cour n’hésite pas à dissocier, comme
l’a très justement exprimé Madame Laure MILANO, « l’objet direct [de la procédure
en cause] et l’enjeu ou les conséquences de cette procédure sur les droits du
requérant » 200. Ce faisant, l’applicabilité de l’article 6 C.E.D.H. a pu être étendue au
contentieux constitutionnel préjudiciel, dans la mesure où « l’annulation, par le
Tribunal constitutionnel, des normes [législatives] controversées aurait amené les
juges civils à accueillir les prétentions » [des requérants] et « était l’unique moyen -
indirect - dont ils disposaient pour se plaindre d’une atteinte à leur droit de
propriété » 201. Ce « raisonnement en cascade » 202, qui permet à la Cour d’appliquer
20 janvier 1992, p. 15, obs. FLAUSS Jean-François ; CEDH, 28 juin 1990, n o 12258/86, Skärby
c/ Suède, Série A, n o 180-B, § 28.
196
CEDH, 23 octobre 1985, n o 8848/80, Benthem c/ Pays-Bas, § 32, précité.
197
CEDH, 23 juin 1981, nos 6878/75, 7238/75, Le Compte, Van Leuven et De Meyere c/ Belgique,
§ 51, précité ; CEDH, 10 février 1983, n os 7299/75 et 7496/76, Albert et Le Compte, § 29 et § 36,
précité ; CEDH, 23 octobre 1985, n o 8848/80, Benthem c/ Pays-Bas, § 32, précité.
198
CEDH, 16 juillet 1971, n o 2614/65, Ringeisen c/ Autriche, § 94, précité ; CEDH, 23 juin 1981,
n os 6878/75 et 7238/75, Le Compte, Van Leuven et De Meyere, § 47, précité ; CEDH 23 octobre
1985, n o 8848/80, Benthem c/ Pays-Bas, § 32, précité.
199
SOYER Jean-Claude et de SALVIA Michel, « Article 6 », in La CEDH, commentaire article par
article, PETTITI Louis-Edmond, DECAUX Emmanuel, IMBERT Pierre-Henri (dir.), 2 ème éd.,
Paris, Economica, 1999, p. 239 à 279.
200
MILANO Laure, Le droit à un tribunal au sens de la Convention européenne des droits de
l’Homme, Thèse Montpellier, SUDRE Frédéric (dir.), L.G.D.J., 2006, p. 104, n o 145.
201
CEDH, 23 juin 1993, n o 12952/87, Ruiz-Mateos c/ Espagne, § 59, R.F.D.C., 1994, p. 175, obs.
COHEN-JONATHAN Gérard ; A.J.D.A., 20 janvier 1994, p. 19, « L’applicabilité de l’article 6-1
au contentieux constitutionnel préjudiciel », FLAUSS Jean-François ; R.F.D.A., n o 10, novembre-
décembre 1994, p. 1185, « Jurisprudence de la Cour européenne des Droits de l’homme et droit
administratif », LABAYLE Henri et SUDRE Frédéric.
- 68 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
202
KASTANAS Elias, Unité et diversité : notions autonomes et marge d’appréciation des États
dans la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme, Bruylant, Bruxelles, 1996,
p. 383.
203
KASTANAS Elias, Unité et diversité : notions autonomes et marge d’appréciation des États
dans la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme, Bruylant, Bruxelles, 1996,
p. 383.
204
CEDH, 28 septembre 1995, n o 14570/89, Procola c/ Luxembourg, § 39 ; FLAUSS Jean-François,
« L’applicabilité de l’article 6-1 au contentieux de l’excès de pouvoir », A.J.D.A., 20 février
1995, p. 131 et « L’applicabilité de l’article 6-1 aux contentieux de la validité des règlements
administratifs », A.J.D.A., 20 mai 1996, p. 379 ; R.F.D.A., 1996, p. 777, obs. AUTIN Jean-Louis et
SUDRE Frédéric ; J.C.P., éd. gén., 1996, I, 3910, n o 23, SUDRE Frédéric.
205
CEDH, 28 octobre 1998, n o 22924/93, Aït-Mouhoub c/ France, § 45, précité.
206
CEDH, 28 octobre 1998, n o 22924/93, Aït-Mouhoub c/ France, § 44, précité.
207
S’agissant du terme d’« obligation », il n’appelle guère d’observation particulière dans la mesure
où, pour reprendre les propos des Professeurs Jacques VELU et Rusen ERGEC, il « apparaît ici
comme la face passive du « droit », in VELU Jacques et ERGEC Rusen, La convention
européenne des droits de l’homme, Bruylant, Bruxelles, 1990, p. 372, n os 417.
- 69 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
être soutenue de « manière défendable » 209 par le requérant, « qu'il soit ou non
protégé, de surcroît, par la Convention » 210. La Cour précise, à cet égard, qu’elle « ne
saurait créer, par voie d’interprétation de l’article 6 § 1, un droit matériel n’ayant
aucune base légale dans l’État concerné » 211. Il n’en demeure pas moins que les juges
européens font prévaloir une conception souple du critère de la « défendabilité » du
droit. Ainsi, comme l’ont précisément expliqué les Professeurs Jacques VELU et
Rusen ERGEC, « les organes de la Convention prennent en considération le droit
interne pour conclure à l’existence ou non d’un « droit », sans pour autant s’estimer
liés par les qualifications du droit interne. Il suffit, dans cette perspective, que le
requérant établisse une « apparence de droit » (cf. arrêt Baraona du 8 juillet 1987,
Série A, no 122, p. 17, § 41). Là où le droit interne confère à l’autorité un pouvoir
discrétionnaire à l’effet d’accorder aux administrés des « avantages », les organes de
la Convention n’en relèvent pas moins l’existence de « droits » dans le chef de ceux-
ci. Même lorsque le droit interne n’assigne apparemment aucune borne à ce pouvoir
discrétionnaire, la Cour se réfère aux « principes juridiques et administratifs
généralement reconnus » pour observer que « les autorités ne jouissaient pas d’une
latitude illimitée à cet égard » (à propos d’une procédure portant sur le retrait d’une
licence de transport public) (arrêt Pudas du 27 octobre 1987, Série A, no 125, p. 15,
§ 34). »
208
CEDH, 21 septembre 1994, n o 17101/90, Fayed c/ Royaume-Uni, § 65, Gazette du Palais, 1995,
p. 521, note FLECHEUX Olivier : « les organes de la Convention ne sauraient créer, par voie
d’interprétation de l’article 6, paragraphe 1, un droit matériel de caractère civil n’ayant aucune
base légale dans l’État concerné ».
209
CEDH, 12 octobre 1992, no 11955/86, Salerno c/ Italie, § 14, A.J.D.A., 20 février 1993, obs.
FLAUSS Jean-François, p. 108 ; CEDH, 21 février 1986, n o 8793/79, James et autres
c/ Royaume-Uni, § 81 ; C.D.E. 1988, p. 479, COHEN-JONATHAN Gérard ; J.D.I., 1987, p. 772,
ROLLAND Patrice et TAVERNIER Paul ; CEDH, 10 mai 2001, no 29392/95, Z. et autres c/
Royaume-Uni, § 87, J.C.P., éd. gén., 2001, I, 342, obs. SUDRE Frédéric ; CEDH, 21 novembre
2001, n o 31253/96, Mc Elhinney c/ Irlande, § 23, J.C.P.., éd. gén., 2002, I, 105, p. 129, no 8, obs.
SUDRE Frédéric.
210
CEDH, 12 octobre 1992, n o 11955/86, Salerno c/ Italie, § 14, précité.
211
CEDH, 19 octobre 2005, n o 32555/96, Roche c/ Royaume-Uni, § 116 et § 117, J.C.P., 2006, éd. G,
I, 109, n° 4, p. 187, obs. SUDRE Frédéric ; CEDH, 14 décembre 2006, no 1398/03, Markovic et
autres c/ Italie, § 93, J.D.I., 2007, p. 677, obs. TAVERNIER Paul ; R.F.D.A., 2008, p. 728, note
VONSY Moea.
- 70 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
Reste l’étape la plus délicate 212, celle qui consiste à déterminer si le droit en
cause revêt un « caractère civil ».
Cette position, adoptée pour la première fois en 1978 dans l’arrêt « König
c/ Allemagne », paraît, du reste, fort logique face au développement, à cette époque,
de l’interventionnisme étatique. Comme l’ont relevé nombre d’auteurs 217, la
212
EISSEN Marc-André, Jurisprudence relative à l’article 6 de la Convention, Strasbourg, Conseil
de l’Europe, 1985, p. 3 ; VELU Jacques et ERGERC Rusen, La convention européenne des droits
de l’homme, Bruylant, Bruxelles, 1990, p. 374 n o 419 ; DUGRIP Olivier, « L’applicabilité de
l’article 6 de la CEDH aux juridictions administratives », R.U.D.H., 1991, p. 342 ; SOYER Jean-
Claude et de SALVIA Michel, « Article 6 », in La CEDH, commentaire article par article,
PETTITI Louis-Edmond, DECAUX Emmanuel, IMBERT Pierre-Henri (dir.), 2 ème éd., Paris,
Economica, 1999, p. 251 ; MILANO Laure, MILANO Laure, Le droit à un tribunal au sens de
la Convention européenne des droits de l’Homme, L.G.D.J., 2006, p. 99, n o 136.
213
CEDH, 16 juillet 1971, n o 2614/65, Ringeisen c/ Autriche, § 94, précité.
214
CEDH, 16 juillet 1971, n o 2614/65, Ringeisen c/ Autriche, § 94, précité.
215
CEDH, 28 juin 1978, no 6232/73, König c/ Allemagne, § 90, précité.
216
PICARD Étienne, « La juridiction administrative et les exigences du Procès équitable », in Le
droit français et la convention européenne des droits de l'homme - 1974-1992, Actes du colloque
tenu à Montpellier, février 1993, Strasbourg, N.P. Engel, 1994, p. 235 ; Voir également DUGRIP
Olivier, « L’applicabilité de l’article 6 de la CEDH aux juridictions administratives », R.U.D.H.,
1991, p. 336 et spécialement p. 343 : « Seule compte la nature, privée, du droit en cause. (…) le
rapport juridique affectant les droits peut être de droit public. L’appartenance au droit public du
rapport juridique affectant les droits n’est pas de nature à priver ces derniers de leur caractère
privé. »
217
DUGRIP Olivier, « L’applicabilité de l’article 6 de la CEDH aux juridictions administratives »,
R.U.D.H., 1991, p. 336 et spécialement p. 343 ; SOYER Jean-Claude et de SALVIA Michel,
- 71 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
pénétration croissante du droit public dans la sphère des droits privés a nécessité
« dans l’optique de l’applicabilité de l’article 6 (de) procéder à un recadrage des
frontières entre droit privé et droit public, qui ne passent plus par la nature des
parties en cause ou des organes administratifs ou juridictionnels en cause, mais bien
par celle du droit revendiqué par le requérant » 218. Elle a toutefois soulevé certaines
objurgations, et plus particulièrement celles des juridictions nationales 219.
- 72 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
doctrinales 222, qui ont été, pour la plupart, contredites par la jurisprudence
européenne.
C’est, en effet, au gré des affaires qui lui étaient soumises que la Cour de
Strasbourg est venue préciser quels étaient les contours de cette catégorie européenne.
Elle y a notamment fait figurer, sans grande surprise, les droits individuels de
nature personnelle 223, tels que le droit au respect de la vie familiale 224, les droits qui
se rattachent à l’état et la capacité des personnes 225, les droits de la personnalité 226, et
plus récemment, le droit à la liberté 227 ou le droit de poursuivre des études
supérieures 228.
222
FAWCETT J.E.S., The application of the European convention on human rights, Oxford, 1987,
p. 143 : l’auteur propose une approche organique, selon laquelle doit être considérée comme une
contestation de caractère civil, celle tranchée par les juridictions ordinaires ; RASENACK Chr.,
“Civil rights and obligations” or “ droits et obligations de caractère civil”. Two crucial legal
determinations in art. 6 (1) of the European convention for the protection of human rights and
fundamental freedoms”, R.D.H., 1970, p. 64: selon l’auteur, le terme « civil » recouvrirait tout le
contentieux des relations interindividuelles ou ceux opposant les particuliers à la puissance
publique agissant jure gestionis et non jure imperii ; CASTBERG F., The European Convention
on Human Rights, Leyde, 1974, p. 112 : les notions de « droits et obligations de caractère civil »
désigneraient les droits ayant leur origine dans le droit privé, par opposition à ceux ayant leur
source dans le droit public ; VELU et ERGERC, « La Convention européenne des droits de
l’homme et la procédure pénale belge », in Mélanges offerts à Polys Modinos, Paris, 1968,
p. 268 : le terme « civil » recouvrerait tout ce qui ne relève pas du « pénal ».
223
CEDH, 30 octobre 2003, n o 41576/98, Ganci c/ Italie, § 25, D., 2004, p. 1102, obs. CÉRÉ Jean-
Paul ; CEDH, 17 septembre 2009, n o 74912/01, Enea c/ Italie, § 103, R.F.D.A., mai-juin 2010,
p. 589, LABAYLE Henri et SUDRE Frédéric.
224
CEDH, 8 juillet 1987, H. c/ Royaume-Uni, Série A, n o 120, § 69.
225
CEDH, 26 juillet 2011, n o 34805/06, T. C. et H. C. c/ Turquie : action en désaveu de paternité ;
CEDH, 19 novembre 1984, n o 8777/79, Rasmussen c/ Danemark, § 32, A.F.D.I., 1985, p. 403,
COUSSIRAT-COUSTERE Vincent ; J.D.I., 1986, p. 1074, obs. ROLLAND Patrice et
TAVERNIER Paul: actions relatives à la tutelle et au droit de visite des parents ; CEDH,
24 février 1995, n o 16424/90, Mc Michael c/ Royaume-Uni, D., 1995, p. 449, note HUYETTE
Michel : placement des enfants en foyer ; CEDH, 9 octobre 1979, n o 6289/73, Airey c/ Irlande,
§ 21, précité: le droit d’obtenir la séparation de corps d’avec son mari ; CEDH, 24 octobre 1979,
n o 6301/73, Winterwerp c/ Pays-Bas, § 73, A.F.D.I., 1980, p. 324, note PELLOUX Robert ;
C.D.E., 1980, p. 464, note COHEN-JONATHAN Gérard : la capacité de gérer en personne son
patrimoine.
226
CEDH, 21 février 1975, Golder c/ Royaume-Uni, précité et CEDH, 29 octobre 1991,
n o 11826/85, Helmers c/ Suède, § 27 : le droit de jouir d’une bonne réputation ; CEDH,
17 septembre 2009, n o 74912/01, Enea c/ Italie, précité : le placement sous un régime spécial de
détention et des restrictions qui pourraient l’accompagner.
227
CEDH, 7 janvier 2003, no 39282/98, Laidin c/ France.
228
CEDH, 23 septembre 2008, n o 9907/02, Araç c/ Turquie, R.D.P., 2009, n o 3, p. 905, GONZALES
Gérard.
- 73 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
229
Elle y a également intégré les droits « de nature patrimoniale » . Tel est le
cas du droit de propriété 230, du droit à réparation fondé sur une atteinte à des droits de
nature personnelle et patrimoniale 231, du droit de vivre dans un environnement sain 232
à condition qu’il existe des menaces précises et imminentes concernant personnelle-
ment les requérants 233, notamment pour leur droit de propriété 234.
229
CEDH, 13 juillet 1983, n o 8737/79, Zimmerman et Steiner c/ Suisse, Série A, no 66, § 22.
230
CEDH, 8 juillet 1987, no 10092/82, Baraona c/ Portugal, précité.
231
CEDH, 6 mai 1981, no 7759/77, Bucholz c/ Allemagne, Série A, no 42, § 46 ; CEDH, 8 juillet
1987, n o 10092/82, Baraona c/ Portugal, § 42 à § 44, précité.
232
CEDH, 6 mai 1981, no 7759/77, Bucholz c/ Allemagne, § 46, précité ; CEDH, 8 juillet 1987,
no 10092/82, Baraona c/ Portugal, § 42 à § 44, précité.
233
En l’absence de menaces précises et imminentes concernant personnellement les justiciables, la
Cour refuse de retenir le qualificatif civil : CEDH, 26 août 1997, n o 22110/93, Balmer-Schafroth
c/ Suisse, A.J.D.A., 1997, p. 980, obs. FLAUSS Jean-François.
234
CEDH, 25 novembre 1993, n o 14282/88, Zander c/ Suède, A.J.D.A., 20 janvier 1994, p. 21,
« L’applicabilité de l’article 6-1 aux recours des tiers contre les décisions administratives »,
FLAUSS Jean-François ; CEDH, 29 février 2000, n o 45053/98, Association des amis de
St Raphaël et de Fréjus c/ France, R.D.P., 2010, n o 3, p. 866, GONZALES Gérard.
235
CEDH, 26 juin 1986, n os 8543/79, 8674/79, 8675/79, 8685/79, Van Marle et autres c/ Pays-Bas,
C.D.E., 1988, p. 446, COHEN-JONATHAN Gérard ; A.F.D.I., 1987, p. 329, COUSSIRAT-
COUSTERE Vincent ; J.D.I., 1987, p. 785, obs. ROLLAND Patrice et TAVERNIER Paul ;
CEDH, 23 octobre 1985, n o 8848/80, Benthem c/ Pays-Bas (nature patrimoniale), C.D.E., 1988,
p. 449, COHEN-JONATHAN Gérard.
236
CEDH, 23 juin 1981, n os 6878/75, 7238/75, Le Compte, Van Leuven et De Meyere c/ Belgique
précités ; CEDH, 30 novembre 1987, no 8950/80, H. c/ Belgique, précité.
237
CEDH, 29 mai 1986, no 8562/79, Feldbrugge c/ Pays-Bas, J.D.I., 1987, p. 779, note
TAVERNIER Paul.
238
CEDH, 26 février 1993, Salesi c/ Italie, Droit Ouvrier, 1995, p. 493, obs. BONNECHERE
Michèle.
239
Réglementation et contrôle par les organes de l’État, caractère obligatoire de l’assurance, prise
en charge de la protection sociale par la personne publique.
- 74 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
doctrinaux 241 n’ont pas tardé à pointer l’empirisme et le caractère casuistique de cette
méthode. Le professeur Gérard Gonzales soulignait, en ce sens, « une certaine
imprévisibilité de la jurisprudence européenne » en matière sociale dans la mesure où
sont considérés comme facteurs déterminants « des éléments qui peuvent varier d’un
système de sécurité sociale à un autre et même d’une catégorie de droits à l’autre
dans le cadre d’un même système » 242. Quelques années plus tard, la Cour a
finalement décidé de se fonder exclusivement sur « la nature subjective et
patrimoniale » 243 des droits relatifs au bénéfice de prestations d’assurance sociale ou
d’allocations d’aide sociale, pour justifier l’applicabilité du droit au procès équitable
au titre de la matière civile. Dans sa décision « Schuler-Zgraggen c/ Suisse » 244, la
Cour a proclamé que l'applicabilité du droit au procès équitable constitue désormais
la règle dans le domaine de l'assurance sociale « y compris même de l'aide sociale ».
Et comme dans les affaires précédentes, l’élément décisif justifiant cette applicabilité
« réside dans la circonstance que malgré les aspects de droit public signalés par le
Gouvernement, la requérante ne se voyait pas seulement concernée dans ses rapports
avec l'administration en tant que telle, mais aussi atteinte dans ses moyens
d'existence ; elle invoquait un droit subjectif de caractère patrimonial, résultant des
règles précises d'une loi fédérale ».
Riches ont, alors, été les écrits mettant en exergue l’attractivité de ce qui est
désormais considéré comme un nouveau critère unificateur et révélateur du caractère
civil d’un droit : sa nature patrimoniale 245. En revanche, plus rare, pour ne pas dire
240
Caractère personnel et patrimonial du droit, rattachement à un contrat de travail.
241
ANDRIANTSIMBAZOVINA Joël, in Les grands arrêts de la Cour européenne des droits de
l’homme, SUDRE Frédéric et MARGUENAUD Jean-Pierre (dir.), p. 166.
242
GONZALEZ Gérard, « Le sens européen de la notion de « contestation sur des droits et
obligations de caractère civil », in L’extension des garanties du procès équitable hors les
juridictions ordinaires : les contraintes européennes, Institut de droit européen des droits de
l’homme, Avril 2002, p. 15.
243
CEDH, 26 février 1993, Salesi c/ Italie, précité.
244
CEDH, 24 juin 1993, no 14518/89, Schuler-Zgraggen c/ Suisse, Justices, 1995, no 1, p. 168, obs.
COHEN-JONATHAN Gérard et FLAUSS Jean-François.
245
GONZALEZ Gérard, « Le sens européen de la notion de « contestation sur des droits et
obligations de caractère civil », in L’extension des garanties du procès équitable hors les
juridictions ordinaires : les contraintes européennes, Institut de droit européen des droits de
- 75 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
Sur ce dernier point, il nous faut souligner, en premier lieu, que c’est
essentiellement s’agissant, d’une part, du droit d’exercer ou de continuer à pratiquer
une profession libérale et, d’autre part, des droits relatifs aux allocations prévues par
les régimes de sécurité sociale ou de l’aide sociale, que la Cour a usé de la notion de
patrimonialité. Et on en veut pour preuve que, dans d’autres domaines où la
procédure litigieuse avait incontestablement des enjeux patrimoniaux pour le
requérant, les juges européens ont balayé d’un revers de main l’utilité de cet aspect en
déclarant que « le fait de démontrer qu’un litige est de nature « patrimoniale » n’est
pas suffisant à lui seul pour entraîner l’applicabilité de l’article 6 § 1 sous son aspect
« civil ». La Cour en a jugé ainsi quant aux procédures de redressement fiscal 246 et
quant au contentieux électoral portant sur le paiement des sommes correspondant au
dépassement du plafond des dépenses électorales autorisées ou sur le remboursement
par l'État desdites dépenses 247. De même, dans le cadre du contentieux de la fonction
publique portant sur des emplois comportant une participation directe ou indirecte à
- 76 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
248
CEDH, 8 décembre 1999, n o 28541/95, Pellegrin c/ France, A.J.D.A., 2000, p. 530, chr. FLAUSS
Jean-François ; D., 2000, p. 181, RENUCCI Jean-François ; J.C.P., 2000, I, no 203, note SUDRE
Frédéric ; L.P.A., mai 2000, p. 98, MELLERAY Fabrice ; R.D.P., 2000, p. 711, note
GONZALEZ Gérard ; R.T.D.H., 2000, n o 44, p. 819, note WASCHMANN Patrick.
249
GUINCHARD Serge, DELICOSTOPOULOS Constantin-S, DOUCHY-OUDOT Mélina,
FERRAND Frédérique, Droit processuel : Droit commun et droit comparé du procès équitable,
Dalloz, 2007, p. 138, b) ; SUDRE Frédéric, Droit européen et international des droits de
l’homme, P.U.F., 9 ème éd., p. 362, no 207.
250
MILANO Laure, Le droit à un tribunal au sens de la Convention européenne des droits de
l’Homme, Thèse Montpellier, SUDRE Frédéric (dir.), L.G.D.J., 2006, p. 143, n o 195.
251
CEDH, 18 janvier 2000, n o 39288/98, Association Ekin c/ France.
252
PICARD Etienne, « Juridiction administrative et procès équitable », in Le droit français et la
convention européenne des droits de l'homme - 1974-1992, Actes du colloque tenu à Montpellier,
février 1993, Strasbourg, N.P. Engel, 1994, p. 217, et plus précisément p. 240, 3) ; SUDRE
Frédéric, Droit européen et international des droits de l’homme, P.U.F., 9 ème éd., p. 354 à p. 363,
n o 206 à n o 207.
253
CEDH, 28 octobre 1999, n o 40772/98, Paneenko c/ Lettonie ; CEDH, 9 juillet 2002, n o 42197/98,
Salvetti c/ Italie ; SUDRE Frédéric, « Les droits sociaux et la Convention européenne des droits
- 77 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
Cour avait déjà souligné que « nulle cloison étanche ne sépare la sphère des droits
économiques et sociaux du domaine de la Convention. » 254
- 78 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
est un droit patrimonial au sens de l’article 1 du protocole 1 » 259, selon lequel « toute
personne physique ou morale a droit au respect de ses biens ». ou, en d’autres termes,
au respect du droit de propriété 260.
Ce faisant, les juges européens n’ont pas hésité à passer outre « nos
classifications juridiques formelles, nos clivages interdisciplinaires rigidifiés par la
tradition et la répartition des compétences juridictionnelles ».
259
CEDH, 18 septembre 1996, n o 17371/90, Gaygusuz c/ Autriche, § 41, précité.
260
De manière itérative, la Cour européenne rappelle que l’article 1 du protocole 1 « … garantit en
substance le droit de propriété » : CEDH, 13 juin 1979, n o 6833/74, Marckx c/ Belgique, § 63,
A.F.D.I., 1980 p. 317, obs. PELLOUX Robert ; C.D.E., 1980, p. 473, note COHEN-JONATHAN
Gérard ; J.D.I., 1982, p. 183, ROLLAND Patrice ; CEDH, 24 octobre 1984, no 9118/80, Agosi
c/ Royaume-Uni, Série A, n o 108, § 48 ; CEDH, 28 octobre 1987, n o 8695/79, Inze c/ Autriche,
§ 38, C.D.E., 1988, p. 477, COHEN-JONATHAN Gérard.
261
PICARD Étienne, « Juridiction administrative et procès équitable », in Le droit français et la
convention européenne des droits de l'homme - 1974-1992, Actes du colloque tenu à Montpellier,
février 1993, Strasbourg , N.P. Engel, 1994, p. 217, et plus précisément p. 239.
262
PICARD Étienne, « Juridiction administrative et procès équitable », in Le droit français et la
convention européenne des droits de l'homme 1974-1992, Actes du colloque tenu à Montpellier,
février 1993, Strasbourg , N.P. Engel, 1994, p. 238 et p. 239.
263
SUDRE Frédéric, Droit européen et international des droits de l’homme, P.U.F., 9 ème éd., p. 355,
n o 206.
- 79 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
264
CEDH, 27 février 1980, no 6903/75, Deweer c/ Belgique, § 46, précité ; CEDH, 16 octobre 2009,
n o 30400/02, Baka c/ Roumanie, § 49.
265
CEDH, 10 décembre 1982, n os 7604/76, 7719/76, 7781/77, 7913/77, Foti et autres c/ Italie,
Série A, n o 56, § 52 ; CEDH, 10 décembre 1982, n o 8304/78, Corigliano c/ Italie, Série A, n o 57,
§ 34.
266
VELU Jacques et ERGERC Rusen, La convention européenne des droits de l’homme, Bruylant,
Bruxelles, 1990, p. 367 et suivantes ; SOYER Jean-Claude et de SALVIA Michel, « Article 6 »,
in La CEDH, commentaire article par article, PETTITI Louis-Edmond, DECAUX Emmanuel,
IMBERT Pierre-Henri (dir.), 2 ème éd., Paris, Economica, 1999, p. 239 à 279 ; MILANO Laure, Le
droit à un tribunal au sens de la Convention européenne des droits de l’Homme, Thèse
Montpellier, SUDRE Frédéric (dir.), L.G.D.J., 2006, p. 148 et suivantes ; TAGARAS Haris, « La
notion d’accusation en matière pénale et les droits de l’accusé », in Le procès équitable et la
protection juridictionnelle du citoyen, Actes du colloque organisé à Bordeaux les 29 et 30
septembre 2000, Institut des droits de l’homme des avocats européens et l’Institut des droits de
l’homme du Barreau de Bordeaux, p. 23 ; GROTRIAN Andrew, L'article 6 de la Convention
européenne des Droits de l'homme, Conseil de l'Europe, Direction des droits de l'homme, 1994 ;
ECOCHARD Bertrand, « Le sens européen de la notion de matière pénale », p. 28, in L’extension
des garanties du procès équitable hors les juridictions ordinaires : les contraintes européennes,
Institut de droit européen des droits de l’homme, Avril 2002 ; GUINCHARD Serge,
DELICOSTOPOULOS Constantin-S, DOUCHY-OUDOT Mélina, FERRAND Frédérique, Droit
processuel : Droit commun et droit comparé du procès équitable, Dalloz, 2007, p. 125 à p. 208 ;
SUDRE Frédéric, Droit européen et international des droits de l’homme, P.U.F., 9 ème éd., 2009,
p. 353 ; PICARD Étienne, « La juridiction administrative et les exigences du Procès équitable »,
in Le droit français et la convention européenne des droits de l'homme - 1974-1992, Actes du
colloque tenu à Montpellier, février 1993, Strasbourg , N.P. Engel, 1994, p. 217 ; « La « matière
pénale » au sens de la Convention européenne des droits de l’homme, flou du droit pénal »,
Groupe de recherches droits de l’homme et logiques juridiques, Revue de sciences criminelles,
1987, p. 819 et suivantes ; MASSIAS Florence, « Le champ pénal européen selon la Cour
européenne des droits de l’homme : interprétation autonome et applicabilité des articles 6 et 7 de
la Convention européenne des droits de l’homme », in Mélanges en l’honneur du professeur
- 80 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
matière civile ». Pour apprécier si une accusation est susceptible d’être subsumée
sous l’acception européenne de la matière pénale, la Cour de Strasbourg recourt à
trois critères formulés pour la première fois dans le célèbre arrêt « Engel et autres
c/ Pays-Bas » du 8 juin 1976 267 et réaffirmés avec une particulière constance 268.
- 81 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
sens européen: CEDH, 28 octobre 1999, Escoubet c/ Belgique, J.C.P., 2000, I, p. 203, obs.
SUDRE Frédéric ; A.J.D.A., 2000, p. 532, obs. FLAUSS Jean-François.
274
CEDH, 08 juin 1976, n os 5100/71, 5101/71, 5102/71, 5354/72, 5370/72, Engel et autres, § 82 et
§ 83, précité ; CEDH, 9 octobre 2003, n os 39665/98 et 40086/98, Ezeh et Connors c/ Royaume-
Uni, § 82, J.C.P., 2004, I, p. 107, note SUDRE Frédéric ; A.J.D.A., 2004, p. 534, chr. FLAUSS Jean-
François ; Dr. pén., juin 2004, p. 6, note VERGES Etienne ; Actualité juridique pénale, 2004, p. 6, obs.
CÉRÉ Jean-Paul ; R.S.C., 2004, p. 173, obs. MASSIAS Florence ; R.D.P., 2004, no 3, p. 808,
PICHERAL Caroline.
275
CEDH, 21 février 1984, n o 8544/79, Oztürk c/ Allemagne, § 53, précité.
276
TAGARAS Haris, « La notion d’accusation en matière pénale et les droits des accusés », in Le
procès équitable et la protection juridictionnelle du citoyen, Actes du colloque organisé à
Bordeaux les 29 et 30 septembre 2000, Institut des droits de l’homme des avocats européens et
Institut des droits de l’homme du barreau de Bordeaux, p. 43 et plus précisément p. 49.
- 82 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
important » 277. Mais, elle a également reconnu que « la faiblesse relative de l’enjeu
ne saurait retirer à une infraction son caractère pénal intrinsèque » 278, laissant ainsi
présager d’un subjectivisme 279 certain quant à l’appréciation de la gravité d’une
sanction, à tout le moins, d’une incertitude notable quant à l’utilisation de ce dernier
critère.
Dans ses opinions dissidentes sur l’arrêt « Putz c/ Autriche » 280 du 22 février
1996, le juge De MEYER a ainsi clairement exprimé son insatisfaction à l’égard de
chacun de ces trois critères.
277
CEDH, 8 juin 1976, n os 5100/71, 5101/71, 5102/71, 5354/72, 5370/72, Engel et autres, § 82 et
83, précité.
278
CEDH, 21 février 1984, n o 8544/79, Oztürk c/ Allemagne, § 54, précité ; CEDH, 25 août 1987,
n o 9912/82, Lütz c/ Allemagne, § 55, J.D.I., 1988, p. 874, obs. ROLLAND Patrice et TAVERNIER
Paul; CEDH, 23 novembre 2006, n o 73053/01, Jussila c/ Finlande, § 38, J.D.I., 2007, p. 709, obs.
TOUZE Sébastien ; J.C.P., 2007, I, p. 106 nº 4, obs. SUDRE Frédéric; A.J.D.A., 30 avril 2007, p. 902
et s., note FLAUSS Jean-François; R.T.D.H., 2008, p. 239, obs. COSTEA Ioana.
279
ECOCHARD Bertrand, « Le sens européen de la matière pénale », in L’extension des garanties
du procès équitable hors les juridictions ordinaires : les contraintes européennes, Institut de
droit européen des droits de l’homme, Avril 2002, p. 34.
280
CEDH, 22 février 1996, n o 18892/91, Putz c/ Autriche, R.T.D.H., 1997, p. 493, note MASSIAS
Florence ; R.S.C., 1997, p. 468, obs. KOERING-JOULIN Renée : s’agissant des critères de la
matière pénale formulés dans l’arrêt « Engel », « L'expérience paraît démontrer que ces critères
ne sont pas très satisfaisants ».
- 83 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
281
CEDH, 22 février 1996, n o 18892/91, Putz c/ Autriche, précité. En l’espèce, la Cour de
Strasbourg a refusé de qualifier de « pénales » au sens de l’article 6 C.E.D.H., les amendes,
assorties de peines subsidiaires d'emprisonnement, qui avaient été prononcées à l’encontre du
requérant pour avoir adressé à diverses reprises, tantôt lors de l'audience, tantôt dans un écrit de
procédure, des reproches à ses juges.
282
CEDH, 22 mai 1990, n o 11034/84, Weber c/ Suisse, série A, n o 177. En l’espèce, le volet pénal
de l’article 6 C.E.D.H. a été jugé applicable à l’amende infligée par le président de la Cour de
cassation pénale du canton de Vaud à un plaignant qui avait violé le secret d'une enquête.
- 84 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
000 près de 9 800. » Le juge termine par une série de questions qui achèvent de
démontrer la faiblesse de ce dernier critère : « Faut-il vraiment admettre qu'on n'a
pas le droit d'être jugé convenablement lorsqu'il ne s'agit que d'une petite amende ou
d'une brève période d'emprisonnement ? Et où se situe alors le seuil de sévérité à
partir duquel on peut invoquer ce droit ? À quel montant ? À quel nombre de jours de
détention ? »
Outre ces griefs, qui ne nous retiendront guère tant ils ont été souvent
développés et repris 283, un certain flottement jurisprudentiel quant au caractère
alternatif ou cumulatif des deux derniers critères a également, pendant un temps, pu
être observé 284. Finalement, la Cour européenne est venue expressément énoncer,
dans un arrêt « Ezeh et Connors c/ Royaume-Uni », rendu en grand-chambre, le
9 octobre 2003, que « les deuxième et troisième critères sont alternatifs et pas
nécessairement cumulatifs » 285. Et d’ajouter, « pour que l’article 6 s’applique, il
suffit que l’infraction en cause soit par nature pénale au regard de la convention, ou
ait exposé l’intéressé à une sanction qui, par sa nature et son degré de gravité,
ressortit en général à la matière pénale ».
283
PICARD Étienne, « La juridiction administrative et les exigences du Procès équitable », in Le
droit français et la convention européenne des droits de l'homme - 1974-1992, Actes du colloque
tenu à Montpellier, février 1993, Strasbourg, N.P. Engel, 1994, p. 217 et plus précisément
p. 248 ; TAGARAS Haris, « La notion d’accusation en matière pénale et les droits de l’accusé »,
in Le procès équitable et la protection juridictionnelle du citoyen, Actes du colloque organisé à
Bordeaux les 29 et 30 septembre 2000 par l’Institut des droits de l’homme des avocats européens
et l’Institut des droits de l’homme du barreau de Bordeaux, Bruylant, 2001, p. 13 à p. 36, plus
précisément p. 17 et suivantes ; ECOCHARD Bertrand, « Le sens européen de la notion de
matière pénale », in L’extension des garanties du procès équitable hors les juridictions
ordinaires : les contraintes européennes, Institut de droit européen des droits de l’homme, Avril
2002, p. 35 à p. 38 ; KOERING-JOULIN Renée et TRUCHE Pierre, « Retour sur le champ pénal
européen », in Mélanges Pettiti, Bruylant, Bruxelles, 1999, p. 513 et suivantes.
284
KOERING-JOULIN Renée et TRUCHE Pierre, « Retour sur le champ pénal européen », in
Mélanges Pettiti, Bruylant, Bruxelles, 1999, p. 524 ; ECOCHARD Bertrand, « Le sens européen
de la notion de matière pénale », in L’extension des garanties du procès équitable hors les
juridictions ordinaires : les contraintes européennes, Institut de droit européen des droits de
l’homme, Avril 2002, p. 36 et suivantes ; SAILLARD Alban, L’appropriation des règles pénales
par le juge administratif répressif, Thèse, Orléans, 2000, p. 140 ; MILANO Laure, Le droit à un
tribunal au sens de la Convention européenne des droits de l’Homme, Thèse Montpellier,
SUDRE Frédéric (dir.), L.G.D.J., 2006, p. 158 et suivantes, n os 212, 213.
285
CEDH, 9 octobre 2003, n os 39665/98 et 40086/98, Ezeh et Connors c/ Royaume-Uni, § 86,
précité ; rappelé dans CEDH, 23 novembre 2006, n o 73053/01, Jussila c/ Finlande, § 31, précité.
- 85 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
286
CEDH, 21 février 1984, n o 8544/79, Oztürk c/ Allemagne, précité.
287
CEDH, 28 juin 1984, nos 7819/77 et 7878/77, Campbell et Fell c/ Royaume-Uni, précité.
288
CEDH, 24 février 1994, no 12547/86, Bendenoun c/ France, § 47, A.F.D.I., 1994, p. 658, obs.
COUSSIRAT-COUSTERE Vincent ; A.J.D.A., 1994, p. 512, obs. FLAUSS Jean-François ;
J.C.P., I, 1995, p. 3823, SUDRE Frédéric ; GOULARD Guillaume, « Convention européenne des
droits de l’homme et contentieux administratif de l’impôt », L.P.A., 6 juillet 1994, p. 27 ;
R.F.D.A., novembre-décembre 1995, n o 6, p. 1182, MAUBLANC-FERNANDEZ Lucienne et
MAUBLANC Jean-Pierre ; CEDH, 10 juin 1996, no 19380/92, Benham c/ Royaume-Uni, § 56,
R.S.C., 1997, p. 455, obs. KOERING-JOULIN Renée; J.D.I., 1997, p. 220, note POUTIERS Mikaël;
CEDH, 24 septembre 1997, n o 18996/91, Garyfallou AEBE c/ Grèce, § 33, R.G.D.P., 1998, p. 250,
obs. FLAUSS Jean-François.
- 86 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
289
CEDH, 23 juin 1981 nos 6878/75 et 7238/75, Le Compte, Van Leuven et de Meyer c/ Belgique,
§ 41, précité ; CEDH, 10 février 1983, n os 7299/75 et 7496/76, Albert et Le Compte c/ Belgique,
§ 25, précité.
290
CEDH, 23 juin 1981, nos 6878/75 et 7238/75, Le Compte, Van Leuven et de Meyer c/ Belgique,
§ 41, précité ; CEDH, 10 février 1983, n os 7299/75 et 7496/76, Albert et Le Compte c/ Belgique,
§ 25, précité.
291
CEDH, 23 juin 1981, nos 6878/75 et 7238/75, Le Compte, Van Leuven et de Meyer c/ Belgique,
§ 11 ; CEDH, 10 février 1983, n os 7299/75 et 7496/76, Albert et Le Compte c/ Belgique, précité.
292
CEDH, 17 mars 1997, n o 18725/91, Neigel c/ France, § 43 et 44, J.C.P., 1998, I, p. 107, n o 16,
obs. SUDRE Frédéric, R.G.D.P., 1998, p. 251, FLAUSS Jean-François ; R.T.D.H., 1998, p. 303,
YERNAULT Dimitri ; R.F.D.A., 1998, p. 1196, note LABAYLE Henri et SUDRE Frédéric.
293
Tel que le paiement d’un salaire : CEDH, 02 septembre 1997, n o 25574/94, De Santa c/ Italie,
Rec. 1997-V, p. 1663, § 18 ; CEDH, 02 septembre 1997, n o 25586/94, Lapalorcia c/ Italie, Rec.
- 87 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
- 88 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
il n'a pas apporté en la matière plus de certitudes » 298. Tout d’abord, « il n'est pas
[toujours] aisé de déterminer quels sont la nature et le statut des fonctions d'un
requérant ; de même, la catégorie à laquelle celui-ci appartient au sein de la fonction
publique n'est pas toujours facile à distinguer sur la base de son rôle effectif. Dans
certains cas, le degré d'appartenance à un secteur spécifique de la fonction publique
qui suffit pour exclure l'applicabilité de l'article 6 indépendamment de la nature des
responsabilités de l'intéressé n'apparaît pas clairement » 299. Enfin, selon les
fonctions occupées, et pour un même litige, l’article 6 C.E.D.H. peut être,
paradoxalement, déclaré applicable ou non.
C’est pourquoi, les juges de Strasbourg ont, depuis quelques années, adopté
une nouvelle approche en renversant la présomption initiale d’inapplicabilité de cette
stipulation aux contentieux de la fonction publique. « Il appartient désormais à l'État
défendeur de démontrer, premièrement, que d'après le droit national un requérant
fonctionnaire n'a pas le droit d'accéder à un tribunal, et, deuxièmement, que
l'exclusion des droits garantis à l'article 6 est fondée s'agissant de ce
fonctionnaire. » 300. En application de cette nouvelle présomption, il a été récemment
jugé que l’article 6 C.E.D.H. pouvait s’appliquer à la procédure de licenciement d’un
ancien salarié qui exerçait les fonctions de chef comptable à l’ambassade du Koweït
et qui contestait le montant des indemnités qui lui avaient été reversées 301, ou encore
à une procédure disciplinaire menée contre un juge 302.
298
CEDH, 19 avril 2007, n o 63235/00, Vilho Eskelinen et autres c/ Finlande, § 55, R.F.D.A., 2007,
p. 1031, note GONZALEZ Gérard ; A.J.D.A., 2007, p. 1921, obs. FLAUSS Jean-François ;
A.J.D.A., 2007, p. 887, obs. BRONDEL Séverine ; R.T.D.H., 2008, p. 1125, VAN
CAMPERNOLLE Jacques ; J.C.P., 2007, I, 182, n o 3, obs. SUDRE Frédéric.
299
CEDH, 19 avril 2007, n o 63235/00, Vilho Eskelinen et autres c/ Finlande, § 52, précité.
300
CEDH, 19 avril 2007, n o 63235/00, Vilho Eskelinen et autres c/ Finlande, § 50 et § 62, précité.
301
CEDH, 29 juin 2011, no 34869/05, Sabeh El Leil c/ France, précité.
302
CEDH, 05 février 2009, n o 22330/05, Olujić c/ Croatie.
- 89 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
sur les droits patrimoniaux et privés du détenu » 303. La Cour indique à cet égard que
« toute restriction touchant les droits de caractère civil de l'individu doit pouvoir être
contestée dans le cadre d'une procédure judiciaire, et ce, en raison de la nature des
limitations (par exemple, une interdiction de bénéficier d'un nombre donné de visites
par mois des membres de la famille ou le contrôle continu de la correspondance
épistolaire et téléphonique, etc.) ainsi que des répercussions qu'elles peuvent
entraîner (par exemple, des difficultés dans le maintien des liens familiaux ou des
relations avec les tiers, l'exclusion des promenades). C'est par cette voie que peut se
réaliser le juste équilibre entre, d'une part, la prise en compte des contraintes du
monde carcéral auxquelles doit faire face l'État, et, d'autre part, la protection des
droits du détenu » 304.
En matière sociale, cette stipulation a été jugée applicable aux recours dirigés
contre les décisions administratives autorisant le licenciement d’une personne
handicapée, en application de la législation autrichienne sur le recrutement des
personnes handicapées 305. On imagine qu’une telle solution pourrait
vraisemblablement être transposée aux contestations portant sur les décisions
administratives autorisant le licenciement d’un salarié protégé en droit français.
De même, comme cela a été vu plus haut, la Cour a inclus dans le champ du
droit au procès équitable les différends portant sur les procédures relatives à l’octroi
de prestations d’assurance sociale 306 ou d’aide sociale 307.
303
CEDH, 17 septembre 2009, n o 74912/01, Enea c/ Italie, § 103 et § 107, précité.
304
CEDH, 17 septembre 2009, n o 74912/01, Enea c/ Italie, § 106, précité.
305
CEDH, 28 juin 1990, no 11761/85, Obermeier c/ Autriche, Série A, no 179.
306
Quant aux allocations d’assurance-maladie : CEDH, 29 mai 1986, n o 8562/79, Feldbrugge
c/ Pays-Bas, J.D.I., 1987, p. 779, note TAVERNIER Paul ; G.A.C.E.D.H., n o 18 ; Quant à
l’octroi d’une pension complémentaire de veuve : CEDH, 29 mai 1986, no 9384/81, Deumeland
c/ Allemagne, précité.
307
CEDH, 26 février 1993, n o 13023/8, Salesi c/ Italie, § 19, Droit Ouvrier, 1995, p. 493, note
BONNECHERE Michèle.
- 90 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
notamment des arrêts « Allan Jacobsson » 308 et « Mats Jacobsson » 309, rendus
respectivement le 25 octobre 1989 et le 28 juin 1990 et relatifs à une interdiction
municipale de construire, que : « le « droit » à construire sur son terrain revêt un
« caractère civil » aux fins de l’article 6 paragraphe 1. Ni la généralité des
interdictions de construire ni le double fait que la planification relève, comme le
soutient le Gouvernement, du droit public et qu’une interdiction de bâtir représente
un élément nécessaire de l’aménagement urbain, n’y changent rien » 310. Plus
récemment, il a été jugé que l’article 6 § 1 s’appliquait dans le cadre d’un recours
exercé par une association locale de protection de l’environnement à l’encontre d’une
décision administrative accordant un permis d’urbanisme à une société aux fins de
l’extension du centre d’enfouissement des déchets 311.
308
CEDH, 25 octobre 1989, n o 10842/84, Allan Jacobsson c/ Suède, Série A, n o 163.
309
CEDH, 28 juin 1990, no 11309/84, Mats Jacobsson c/ Suède, Série A, n o 180, § 34.
310
CEDH, 25 octobre 1989, n o 10842/84, Allan Jacobsson c/ Suède, § 73, précité.
311
CEDH, 24 février 2009, n o 49230/07, L'Érablière A.S.B.L. c/ Belgique, § 28 et § 30, D., 2009,
Panorama, 2448, obs. TRÉBULLE François-Guy ; J.C.P., 2009-143, p. 37, n o 6, obs. SUDRE
Frédéric.
312
CEDH, 24 novembre 1994, n o 15287/89, Beaumartin c/ France, précité ; CEDH, 23 septembre
1982, n os 7151/75 et 7152/75, Sporrong et Lönnroth c/ Suède, précité ; CEDH, 21 février 1990,
n o 11855/85, Håkansson et Sturesson c/ Suède, R.T.D.Eur., 1991, p. 491, obs. FLAUSS Jean-
François : CEDH, 23 juin 1993, n o 12952/87, Ruiz-Mateos c/ Espagne, précité.
313
CEDH, 26 mars 1992, no 11760/85, Éditions Périscope c/ France, R.F.D.A., septembre-octobre
1993, p. 977, LABAYLE Henri et SUDRE Frédéric ; J.C.P., 1993, I, 3654, obs. SUDRE
Frédéric.
- 91 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
314
CEDH, 27 octobre 1987, n o 10426/83, Pudas c/ Suède, Série A, no 125, § 30 et § 38.
315
CEDH, 07 juillet 1989, n o 10873/84, Tre Traktörer AB c/ Suède, Série A, n o 159, § 43.
316
Sur l’autorisation de mettre en service une installation de vente de gaz de pétrole liquéfié pour
véhicules automobiles : CEDH, 23 octobre 1985, n o 8848/80, Benthem c/ Pays-Bas, § 36, précité.
317
CEDH, 18 novembre 2003, n o 46809/99, Loiseau c/ France, D., 2004, Somm., 990, obs. BIRSAN
Corneliu.
318
CEDH, 21 février 1984, n o 8544/79, Oztürk c/ Allemagne, § 48 et 50, précité.
- 92 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
À cet égard, une distinction peut être établie selon la nature du contentieux en
cause.
Ayant déjà admis l’applicabilité de l’article 6 au titre du volet civil 319, la Cour
ne jugeait pas utile de se prononcer du point de vue de la matière pénale. Elle relevait
que « les garanties du paragraphe 1 de l’article 6 valent en matière civile aussi bien
que dans le domaine pénal. Quant aux paragraphes 2 et 3, alinéas a), b) et d), […]
les principes consacrés par eux se trouvent déjà contenus dans la notion de procès
équitable qui se dégage du paragraphe 1 » 320.
Mais dans une affaire « Moullet c/ France » 321, la Cour, s’appuyant sur les
deuxième et troisième « critères Engel », a jugé qu' « une mesure de mise à la retraite
d'office, quand bien même elle constitue la sanction la plus grave dans l'échelle des
sanctions disciplinaires, est une sanction caractéristique d'une infraction
disciplinaire ne pouvant se confondre avec une peine ». Et d’ajouter : « les
procédures relatives aux sanctions disciplinaires ne portent pas, en principe, sur le
« bien-fondé » d'une « accusation en matière pénale », de sorte que l'article 6 § 2 ne
trouve pas à s'appliquer en général à ce type de litige. Les dispositions de l'article
6 § 2 n'ont en effet ni pour objet ni pour effet d'interdire à l'autorité investie du
pouvoir disciplinaire de sanctionner les faits reprochés à un agent public dès lors
que ces faits sont régulièrement établis ».
Les juges européens ont, toutefois, précisé que cette solution devait être
nuancée, dans l’hypothèse où la décision administrative interne contiendrait « une
déclaration imputant une responsabilité pénale au requérant pour les faits reprochés
dans le cadre de la procédure administrative [disciplinaire]». Il s’agit alors
d’examiner si les autorités nationales ont su maintenir leur décision dans un domaine
319
CEDH, 10 février 1983, n os 7299/75 et 7496/76, Albert et Le Compte c/ Belgique, § 30, précité.
320
CEDH, 23 juin 1981, n os 6878/75 et 7238/75, Le Compte, Van Leuven et De Meyere c/ Belgique,
§ 53, précité.
321
CEDH, 13 septembre 2007, n o 27521/04, Moullet c/ France.
- 93 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
purement administratif ou, de façon plus concrète, si « par les termes employés dans
la motivation de sa décision », la juridiction administrative « a créé entre la
procédure pénale et la procédure administrative consécutive un lien manifeste
justifiant que l'on étende à la seconde le champ d'application de l'article 6 § 2 ».
322
CEDH, 8 juin 1976, n os 5100/71, 5101/71, 5102/71, 5354/72, 5370/72, Engel et autres c/ Pays-
Bas, précité.
323
CEDH, 28 juin 1984, nos 7819/77 et 7878/77, Campbell et Fell c/ Royaume-Uni, § 69, précité.
324
CEDH, 28 juin 1984, n os 7819/77 et 7878/77, Campbell et Fell c/ Royaume-Uni, § 69, précité ;
CEDH, 9 octobre 2003, n os 39665/98 et 40086/98, Ezeh et Connors c/ Royaume-Uni, § 69,
précité.
325
CEDH, 28 juin 1984, nos 7819/77 et 7878/77, Campbell et Fell c/ Royaume-Uni, précité.
- 94 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
326
CEDH, 11 juin 2009, no 5242/04, Dubus c/ France, D., 2009, p. 2247, note COURET Alain ;
J.C.P., éd. gén., 2009, 2081, note PAILLER Pauline ; Revue de droit bancaire et financier, 2009,
comm. 111, note CREDOT Francis Jean et SAMIN Thierry ; Banque et Droit, no 126, 2009,
p. 16, obs. BONNEAU Thierry.
327
CEDH, 3 décembre 2002, no 53892/00, Lilly c/ France.
328
CEDH, 27 août 2002, n o 58188/00, Didier c/ France, Rec. 2002-VII ; J.C.P., éd. gén., 2003, I,
109, obs. SUDRE Frédéric ; J.C.P., éd. gén., 2003, II, 10177, note GONZALES Gérard.
- 95 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
Tel est le cas des amendes administratives. La Cour énonce en effet que « le
caractère général de la norme et le but, à la fois préventif et répressif, de la sanction
[qui] suffisent à établir, aux fins de l’article 6, la nature pénale de l’infraction
litigieuse. » 331. Dès lors, « il ne s’impose pas d’examiner « de surcroît » le
manquement [litigieux] « sous l’angle du dernier des critères énoncés » 332. Ainsi, « la
faiblesse relative de l’enjeu [...] ne saurait retirer à une infraction son caractère
pénal intrinsèque » 333.
Dans une affaire « Malige c/ France », la Cour a aussi inclus dans le champ
d’application de l’article 6 § 1 C.E.D.H. les sanctions administratives prononçant un
retrait de points du permis de conduire. Pour ce faire, la Cour souligne que cette
décision « peut entraîner à terme la perte de la validité du permis de conduire. Or, il
est incontestable que le droit de conduire un véhicule à moteur se révèle de grande
utilité pour la vie courante et l’exercice d’une activité professionnelle ». La Cour en
a déduit que « si la mesure de retrait présente un caractère préventif, elle revêt
également un caractère punitif et dissuasif et s’apparente donc à une peine
329
CEDH, 27 septembre 2011, n o 43509/08, A. Menarini Diagnostics S.R.L. c/ Italie.
330
Autorità Garante della Concorrenza e del Mercato.
331
CEDH, 21 février 1984, n° 8544/7921, Oztürk c/ Allemagne, § 53, précité ; rappelé dans CEDH,
25 août 1987, n o 9912/82, Lutz c/ Allemagne, J.D.I., 1988, p. 874, obs. ROLLAND Patrice et
TAVERNIER Paul.
332
CEDH, 21 février 1984, n° 8544/7921, Oztürk c/ Allemagne, § 54, précité ; rappelé dans CEDH,
25 août 1987, n o 9912/82, Lutz c/ Allemagne, précité.
333
CEDH, 21 février 1984, n° 8544/7921, Oztürk c/ Allemagne, §54, rappelé dans CEDH, 25 août
1987, n o 9912/82, Lutz c/ Allemagne, précité.
- 96 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
En l’espèce, quatre éléments ont été jugés décisifs pour trancher la question de
l’applicabilité de cette stipulation. La Cour relève, tout d’abord, que la loi qui prévoit
cette pénalité concerne tous les citoyens en leur qualité de contribuables. Puis, elle
souligne que les majorations d’impôt ne tendent pas à la réparation pécuniaire d’un
préjudice, mais visent à punir, pour empêcher la réitération des agissements
334
CEDH, 23 septembre 1998, n o 27812/95, Malige c/ France, Gazette du Palais, 2-3 décembre
1998, p. 34 à p. 35, BERTHELOT T. P. et RIO Y ; J.C.P., 1999, II, 10086, note SUDRE
Frédéric ; D., 1999, Somm., p. 267, obs. RENUCCI Jean-François ; R.S.C., 1999, p. 398, obs.
KOERING-JOULIN Renée ; Revue de sciences criminelles, 2000, p. 145, MASSIAS Florence.
335
CEDH, 28 octobre 1999, n o 26780/95, Escoubet c/ Belgique, J.C.P., 2000, I., p. 203, obs.
SUDRE Frédéric ; J.D.I., 2000, p. 128, obs. O.B.
336
CEDH, 24 février 1994, n o 12547/86, Bendenoun c/ France, J.C.P., 1995, I, 3823. SUDRE
Frédéric ; J.C.P., 1995, II, 22372, note FROMMEL Stefan N.; J.D.E., 1994, p. 41, M. B. ; R.J.F.,
4/94, n o 503, p. 279, chr. GOULARD Guillaume ; A.J.D.A., p. 512, chr. FLAUSS Jean-François ;
A.F.D.I., 1994, p. 658, obs. COUSSIRAT-COUSTERE Vincent ; J.D.I., 1995, p. 752, obs.
DECAUX Emmanuel et TAVERNIER Paul ; R.S.C., 1995, p. 388, obs. MASSIAS Florence ;
Gazette du Palais, 27-28 septembre 1995, p. 19, PETTITI Christophe.
- 97 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
incriminés. Elle poursuit en observant que les majorations litigieuses sont fondées sur
une norme de caractère général, dont le but est à la fois préventif et répressif. Elle
note, enfin, l’ampleur considérable des montants ainsi exigés. Et de préciser :
« L’ensemble de ces éléments additionnés et combinés confère à l’« accusation »
litigieuse un « caractère pénal » au sens de l’article 6 paragraphe 1, lequel trouvait
donc à s’appliquer » 337.
Cependant, dans une affaire « Morel c/ France » 339, jugée le 3 juin 2003, la
Cour, semblant omettre son précédent « Janosevic », est revenue à sa jurisprudence
« Bendenoun ». Elle a, une fois de plus, fait prévaloir le degré de sévérité de la
sanction encourue pour apprécier l’applicabilité du droit au procès équitable, et ce,
alors même que les autres conditions tirées de la jurisprudence « Engel » étaient
satisfaites : généralité de la norme, sanction dépourvue de caractère indemnitaire
poursuivant un but préventif et répressif. Elle a ainsi jugé que l’article 6 § 1 C.E.D.H.
ne s’applique pas à une majoration d’impôt de 10 % qui est de « faible importance »
et qui est donc « loin de revêtir l’« ampleur considérable » des sommes sur lesquelles
337
CEDH, 24 février 1994, n o 12547/86, Bendenoun c/ France, précité.
338
CEDH, 23 juillet 2002, n o 34619/97, Janosevic c/ Suède, Rec. 2002-VII ; J.C.P., 2003, I, 109,
no 13, obs. SUDRE Frédéric.
339
CEDH, 3 juin 2003, n o 54559/00, Morel c/ France.
- 98 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
[…] [elle] s’était fondée dans l’arrêt Bendenoun pour retenir le « caractère pénal »
de l’affaire ».
340
CEDH 23 novembre 2006, n o 73053/01, Jussila c/ Finlande, § 35 et § 36, J.D.I., 2007, p. 709,
obs. TOUZE Sébastien ; J.C.P., 2007, I, 106, nº 4, obs. SUDRE Frédéric ; R.T.D.H., 2008,
p. 239, obs. COSTEA Ioana.
- 99 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
intérêts de retard en sont exclues 341, dans la mesure où ces dernières « sont destinées
essentiellement à réparer le préjudice pécuniaire subi par les autorités fiscales plutôt
qu’à empêcher la réitération de l’infraction ».
Certains auteurs considèrent même qu’en définitive, « tout ce qui n’est pas
« pénal » est aujourd’hui « civil » au sens de l’article 6 § 1 C.E.D.H. » 343.
341
CEDH, 3 décembre 2002, no 52938/99, Mieg de Boofzheim c/ France.
342
CHAPUS René, Droit du contentieux administratif, Montchrestien, 7 ème éd., 1998, p. 115, n o 144.
Dans la 12 ème édition de son ouvrage, le Professeur fait une observation identique en soulignant
que « sa jurisprudence [celle de la Cour européenne] fait apparaître le contentieux administratif
(selon le droit national) comme laminé entre les concepts autonomes que l’on sait. », in Droit du
contentieux administratif, Montchrestien, 12 ème éd., p. 146, n o 152.
343
SUDRE Frédéric, Droit européen et international des droits de l’homme, P.U.F., 9 ème éd., 2009,
p. 364, no 207 ; DE MEYER Jan, Opinion séparée sur CEDH, 30 novembre 1987, n o 8950/80, H.
c/ Belgique : Voir, également, en ce sens les auteurs cités par VELU Jacques et ERGEC Rusen,
La convention européenne des droits de l’homme, Bruylant, Bruxelles, 1990, p. 376, n os 421 :
VELU Jacques, « La Convention européenne des droits de l’homme et les garanties
fondamentales des parties dans le procès civil », in Les garanties fondamentales des parties dans
le procès civil, Milan, 1973, p. 254 à p. 333, plus précisément p. 268 ; VAN DIJK P., « The
Benthem Case and its Aftermath in the Netherlands », N.I.L.R., 1987, p. 5 à p. 24, plus
précisément p. 19 ; BUERGENTHAL Th. et KEWENIG W., « Zum Begriff der Civil Rights in
Artikel 6 Absatz 1 der Europäischen Menschenrechtskonvention », Archiv des Völkerrechts,
1966-1976, p. 393 à p. 411, plus précisément p. 409.
344
SUDRE Frédéric, Droit européen et international des droits de l’homme, P.U.F., 9 ème éd., 2009,
p. 740-744, plus précisément p. 362.
- 100 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
SECTION 2
Cette analyse, qui a, sans nul doute, le mérite d’exprimer à quel point
l’applicabilité du droit au procès équitable est extrêmement étendue, doit toutefois
être tempérée.
345
SUDRE Frédéric, Droit européen et international des droits de l’homme, P.U.F., 9 ème éd., 2009,
p. 364, n o 207 ; Voir également, KOERING-JOULIN Renée, « Introduction générale », in Les
nouveaux développements du procès équitable au sens de la convention européenne des droits de
l’homme, Actes du colloque du 22 mars 1996 en la grande chambre de la Cour de cassation,
Bruxelles, Bruylant, 1996, p. 9, spécialement p. 11 et p. 12 ; Gérard COHEN-JONATHAN,
« Conclusions générales », in Les nouveaux développements du procès équitable au sens de la
convention européenne des droits de l’homme, Actes du colloque du 22 mars 1996 en la grande
chambre de la Cour de cassation, Bruxelles, Bruylant, 1996, p. 159 et spécialement p. 162.
346
SUDRE Frédéric, Droit européen et international des droits de l’homme, P.U.F., 9 ème éd., 2009,
p. 354 et p. 355, n o 205 et no 206 et p. 362, no 207.
- 101 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
En rappelant dans son arrêt « Ferrazzini c/ Italie » du 12 juillet 2001 347, que
« le principe selon lequel les notions autonomes contenues dans la Convention
doivent être interprétées à la lumière des conditions de vie actuelles dans les sociétés
démocratiques n’autorise pas la Cour à interpréter l’article 6 § 1 comme si l’adjectif
« civil », avec les limites que pose nécessairement cet adjectif à la catégorie des
« droits et obligations » à laquelle s’applique cet article, ne figurait pas dans le
texte », la Cour de Strasbourg a su couper court aux diatribes dirigées contre sa
conception autonome de la « matière civile », jugée parfois trop englobante 348.
347
CEDH, 12 juillet 2001, n o 44759/98, Ferrazzini c/ Italie, § 30, D.F., 2002, p. 438, note GÉRARD
Laurence ; J.C.P., 2002, I, 105, n o 6, obs. SUDRE Frédéric ; J.D.I., 2002, p. 261, obs.
TAVERNIER Paul ; Procédures, 2002, com. n o 40, PIERRE Jean-Luc.
348
SOYER Jean-Claude et DE SALVIA Michel, « Article 6 », La Convention européenne des droits
de l'homme, Commentaire article par article, PETTITI Louis-Edmond, DECAUX Emmanuel et
IMBERT Pierre-Henri (dir.), Economica, 2 ème éd., 1999, p. 239 et s., plus précisément p. 251 à
p. 253.
349
DE MEYER Jan, Opinion séparée sur CEDH, 30 novembre 1987, no 8950/80, H c/ Belgique :
Voir, également, en ce sens les auteurs cités par VELU Jacques et ERGEC Rusen, La convention
européenne des droits de l’homme, Bruylant, Bruxelles, 1990, p. 376, nos 421 : VELU Jacques,
« La Convention européenne des droits de l’homme et les garanties fondamentales des parties
dans le procès civil », in Les garanties fondamentales des parties dans le procès civil, Milan,
1973, p. 254 à p. 333, plus précisément p. 268 ; VAN DIJK P., « The Benthem Case and its
Aftermath in the Netherlands », N.I.L.R., 1987, p. 5 à p. 24, plus précisément p. 19 ;
BUERGENTHAL Th. et KEWENIG W., « Zum Begriff der Civil Rights in Artikel 6 Absatz
- 102 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
Pourtant, la portée de l’arrêt « Ferrazzini » est loin d’être novatrice. Elle doit,
en outre, être relativisée. Tout d’abord, la solution qui y est énoncée repose sur une
jurisprudence déjà ancienne intervenue dans des contextes variés 352. Ensuite, cette
« exemption » concerne, d’une part, un nombre restreint de décisions administratives
(1) et, d’autre part, le seul volet civil de l’article 6 § 1 C.E.D.H. (2).
- 103 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
Au risque de nous voir reprocher la banalité de nos propos, tant ce qui suit a
déjà été mis en exergue par une importante partie de la doctrine 353, il nous faut
rappeler que seules quatre catégories de décisions administratives ne sont pas
soumises au jeu de l’article 6 § 1 C.E.D.H. invoqué au titre de la matière civile.
353
VELU Jacques et ERGERC Rusen, La convention européenne des droits de l’homme, Bruylant,
Bruxelles, 1990, p. 380, n o 425 ; SUDRE Frédéric, Droit européen et international des droits de
l’homme, P.U.F., 9 ème éd., 2009, p. 362 à p. 364, n o 207 ; MILANO Laure, Le droit à un tribunal
au sens de la Convention européenne des droits de l’Homme, Thèse Montpellier, SUDRE
Frédéric (dir.), L.G.D.J., 2006, p. 144, n o 197 ; GONZALES Gérard, « Le sens européen de la
notion de « contestations sur des droits et obligations de caractère civil », in L’extension des
garanties du procès équitable hors les juridictions ordinaires : les contraintes européennes,
Institut de droit européen des droits de l’homme, avril 2002, SUDRE Frédéric (dir.), p. 25 à p.
27 ; GUINCHARD Serge, DELICOSTOPOULOS Constantin-S, DOUCHY-OUDOT Mélina,
FERRAND Frédérique, Droit processuel : Droit commun et droit comparé du procès équitable,
Dalloz, 2007, p. 152 et p. 157, n o 100, à p. 158, no 98 ; SOYER Jean-Claude et DE SALVIA
Michel, « Article 6 », La Convention européenne des droits de l'homme, Commentaire article par
article, PETTITI Louis-Edmond, DECAUX Emmanuel et IMBERT Pierre-Henri (dir.),
Economica, 2 ème éd., 1999, p. 253 ; GROTRIAN Andrew, L'article 6 de la Convention
européenne des Droits de l'homme, Conseil de l'Europe, Direction des droits de l'homme, 1994,
p. 18 et p. 19.
354
CEDH, 21 octobre 1997, n o 24194/94, Pierre-Bloch c/ France, Cahiers du Conseil
constitutionnel, 1998, n o 4, p. 123, note FLAUSS Jean-François ; R.T.D.H., 1998, p. 339 et
suivantes, obs. FLAUSS Jean-François ; A.J.D.A., 20 décembre 1997, p. 982, obs. FLAUSS Jean-
François ; A.J.D.A., 1998, p. 65, note BURGORGUE-LARSEN Laurence ; R.F.D.A., 1998,
p. 999, note JEAN Pascal.
355
CEDH, 5 octobre 2000, n o 39652/98, Maaouia c/ France, § 40, précité.
356
CEDH, 12 juillet 2001, n o 44759/98, Ferrazzini c/ Italie, précité.
357
CEDH, 19 avril 2007, n o 63235/00, Vilho Eskelinen et autres c/ Finlande, § 55, R.F.D.A., 2007,
p. 1031, note GONZALEZ Gérard ; A.J.D.A., 2007, p. 1921, obs. FLAUSS Jean-François ;
A.J.D.A., 2007, p. 887, obs. BRONDEL Séverine ; R.T.D.H., 2008, p. 1125, obs. VAN
CAMPERNOLLE Jacques ; J.C.P., 2007, I, 182, n o 3, obs. SUDRE Frédéric.
- 104 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
Trois ans plus tard, la décision « Maaouia c/ France » énonce qu’une mesure
d'interdiction du territoire français ne porte pas sur des droits et obligations de
caractère civil.
Tel est également le cas des décisions prises en matière fiscale 358. Si certains
auteurs ont cru « qu’un premier pas avait été franchi, en ce qui concerne la
reconnaissance du caractère civil, au sens de la convention, de certains contentieux
fiscaux, avec la décision Périscope c/ France » dans la mesure où « la Cour assimile
à un droit de « caractère civil » au sens de l'article 6, le droit à indemnité pour faute
de l'administration en matière d'allégements fiscaux et de dégrèvements postaux vis-
à-vis d'éditeurs concurrents » 359, c’est, nous semble-t-il, au détriment de la
distinction entre, d’une part, le contentieux fiscal, entendu comme le contentieux de
l’assiette et du recouvrement des impositions, qui échappe à l’empire de l’article 6
C.E.D.H., volet civil, et, d’autre part, le contentieux de la responsabilité
administrative, pour lequel l’applicabilité de cette stipulation est clairement reconnue
dans la jurisprudence européenne.
360
Enfin, par un arrêt « Vilho Eskelinen et autres c/ Finlande » du 19 avril
2007, il a été jugé que le statut de fonctionnaire d’un requérant peut suffire à le
soustraire à la protection offerte par le volet civil de l’article 6 C.E.D.H. si, d’une
part, le droit interne de l’État concerné a expressément exclu l’accès à un tribunal
s’agissant du poste ou de la catégorie de salariés en question et si, d’autre part, cette
dérogation repose sur des motifs liés à l’intérêt de l’État.
358
CEDH, 12 juillet 2001, n o 44759/98, Ferrazzini c/ Italie, précité.
359
BATJOM Bruno, « Le contentieux administratif face à l’article 6 § 1 de la convention
européenne des droits de l’homme », L.P.A., 24 mars 1995, n o 36, p. 11.
360
CEDH, 19 avril 2007, n o 6323500, Vilho Eskelinen et autres c/ Finlande ; R.F.D.A., 2007,
p. 1031, note GONZALES Gérard ; J.C.P., 2007, I, 182, SUDRE Frédéric ; A.J.D.A., 2007, p. 60,
p. 1360, note ROLLIN François et p. 1921, note, FLAUSS Jean-François ; A.J.F.P., 2007, p. 246,
note FITTE-DUVAL Alice ; R.D.P., 2008, n o 3, p. 951, note GONZALES Gérard.
- 105 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
L’« immunité » accordée à ces diverses décisions administratives n’a pas été
sans soulever une certaine incompréhension doctrinale 361, notamment au regard de la
définition européenne de la matière civile.
361
GUINCHARD Serge, DELICOSTOPOULOS Constantin-S, DOUCHY-OUDOT Mélina,
FERRAND Frédérique, Droit processuel : Droit commun et droit comparé du procès équitable,
Dalloz, 2007, p. 220, n° 128 ; SUDRE Frédéric, Droit européen et international des droits de
l’homme, P.U.F., 9 ème éd., 2009, p. 153 et p. 154, n o 98.
362
Voir également en ce sens : FLAUSS Jean-François, A.J.D.A., 20 juillet/20 août 1994, p. 513. Le
professeur Jean-François FLAUSS a avoué « ne pas très bien comprendre que la matière fiscale
entre dans le champ d’application de l’article 1 du protocole additionnel, en ce qu’elle intéresse
le droit de chacun au respect de ses biens (13 mai 1976, X. c/ Autriche, req. n o 6087/73, DR 5,
p. 10 ; 3 mars 1983, X. c/ Belgique, req. n o 9553/81, non publié) et que corrélativement une
contestation d’ordre fiscal puisse être considérée comme ne portant pas sur un objet patrimonial
au sens de l’article 6-1 ».
363
CEDH, 26 mars 1992, n o 11760/85, Éditions Périscopes c/ France.
364
SOYER Jean-Claude et DE SALVIA Michel, « Article 6 », La Convention européenne des droits
de l'homme, Commentaire article par article, PETTITI Louis-Edmond, DECAUX Emmanuel et
IMBERT Pierre-Henri (dir.), Economica, 2 ème éd., 1999, p. 253.
365
SAROLÉA Sylvie, « Les droits procéduraux du demandeur d'asile au sens des articles 6 et 13 de
la Convention européenne des droits de l'homme », R.T.D.H., 1999, n o 37, p. 129 et suivantes.
- 106 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
Nous admettons sans conteste que ces diverses procédures affectent soit le
patrimoine du justiciable, soit un droit dont la nature privée ne saurait prêter à
discussion 366. D’ailleurs, la Cour de Strasbourg le reconnaît expressément, soulignant
à propos de la matière fiscale ou encore de la procédure électorale qu’elle « avait
aussi un enjeu patrimonial ». Quant aux mesures de police portant sur l’entrée, le
séjour ou l’éloignement des étrangers, les juges européens relèvent également leurs
« conséquences importantes sur la vie privée et familiale » et sur d’éventuelles
« expectatives en matière d'emploi » 367.
Mais il faut également rappeler 368 que pour les juges européens, les éventuelles
répercussions de ces procédures sur des droits patrimoniaux ou sur le droit au respect
de la vie privée ou familiale ne constituent pas, en tant que telles, une circonstance
suffisante pour conclure au caractère civil des procédures litigieuses.
366
Le droit de propriété, le droit au respect de la vie privée ou familiale.
367
CEDH, 5 octobre 2000, n o 39652/98, Maaouia c/ France, § 38, précité.
368
Voir Partie 1, Chapitre 1, Section 1, II, A, 1.
369
CEDH, 9 décembre 1994, Schouten et Meldrum c/ Pays-Bas, § 50, précité ; CEDH, 12 juillet
2001, n o 44759/98, Ferrazzini c/ Italie, § 25, précité.
370
CEDH, 12 juillet 2001, n o 44759/98, Ferrazzini c/ Italie, § 29, précité.
371
CEDH, 21 octobre 1997, n o 24194/94, Pierre-Bloch c/ France, § 50.
- 107 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
D’une part, les juges strasbourgeois n’ont, par le passé, prêté que très peu
d’attention à la volonté des États d’exclure certains litiges, et notamment ceux
opposant les particuliers à l’administration 372, du champ d’application du droit au
procès équitable.
372
Voir GÉRARD Laurence, « Sur l’applicabilité de l’article 6, volet civil, de la CEDH aux
contentieux fiscaux. (À propos de l’arrêt CEDH, 12 juillet 2001, Ferrazzini c/ Italie) », Revue de
droit fiscal, année 2002, no 10, p. 438, et plus précisément p. 444 à 446.
373
FLAUSS Jean-François, A.J.D.A., 20 décembre 2000, p. 1011. Pour l’auteur, « il est peut-être
quelque peu hasardeux de vouloir transformer le Protocole n o 7 en moyen d'interprétation
authentique d'une disposition de la Convention, alors même que quatorze États parties ne l'ont
pas encore ratifié. En outre, les champs d'application des garanties prévues par l'article 6(1) et
l'article 1 du Protocole n o 7 ne sont pas identiques : ces deux dispositions poursuivent des
objectifs différents. C'est dire que la Cour a versé dans une démarche éminemment syncrétique.
Enfin, l'appel au Protocole n o 7 est opéré dans une perspective fondamentalement conservatrice
(au sens premier du terme), qualifiée par certains de régressive (v. dans ce sens l'opinion
dissidente commune à MM. Loucaides et Traja). À titre de comparaison, on rappellera que
l'ancienne Cour se refusait à admettre qu'un protocole (en l'occurrence l'article 5 du Protocole
n o 7) puisse être invoqué comme une lex specialis opposable à une interprétation évolutive d'une
disposition de la Convention » (v. sur ce point CEDH, 22 février 1994, Burghartz c/ Suisse,
Actualité de la CEDH, A.J.D.A., 1994, p. 511) ».
- 108 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
équivaut pour les auteurs du Protocole à donner leur aval à cette interprétation ou
témoigne de leur intention de la préserver ou d'éviter que la jurisprudence de la Cour
n'évolue sur le même sujet. De plus, ce rapport ne saurait impliquer (comme la
majorité l'affirme) que l'article 1 du Protocole no 7 a été adopté parce que les Hautes
Parties contractantes, « conscient(e)s que l'article 6 § 1 ne s'appliquait pas aux
procédures d'expulsion d'étrangers », ont souhaité prendre des mesures spécifiques
dans ce domaine. Rien dans le texte de l'article 1 du Protocole no 7 ne vient
corroborer cette conclusion. D'ailleurs, la nature des garanties minimales spécifiques
prévues par lui ne fournit aucun élément donnant à penser qu'elles étaient censées
combler une lacune due à l'absence, à l'article 6, de garanties judiciaires en matière
d'expulsion des étrangers. Encore une fois, l'article 1 du Protocole no 7 tendait à
édifier face à l'administration une protection qui ne pouvait en aucun cas se
substituer aux garanties judiciaires de l'article 6 ni même minimiser les effets
négatifs qu'entraînerait l'absence de ces dernières. La protection dont il s'agit peut
fort bien venir compléter les garanties judiciaires de l'article 6. »
- 109 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
374
FLAUSS Jean-François, « L’applicabilité de l’article 6-1 au contentieux des mesures
d’éloignement des étrangers », A.J.D.A., 20 décembre 2000, p. 1011.
375
SUDRE Frédéric, Droit européen et international des droits de l’homme, P.U.F., 9 ème éd., 2009,
p. 362, no 207 ; LABAYLE Henri et SUDRE Frédéric, R.F.D.A., novembre - décembre 2001
p. 1252 ; Voir également GUINCHARD Serge, DELICOSTOPOULOS Constantin-S, DOUCHY-
OUDOT Mélina, FERRAND Frédérique, Droit processuel : Droit commun et droit comparé du
procès équitable, Dalloz, 2007, p. 157, n o 100 : « Reste encore en-dehors du champ
d’application de l’article 6 en matière civile et selon la jurisprudence européenne, (…) tout ce
qui touche au pouvoir discrétionnaire de l’administration » ; SUDRE Frédéric, Droit européen
et international des droits de l’homme, P.U.F., 9 ème éd., 2009, p. 362, n o 207.
376
Commission, 9 novembre 1987, no 13162/87, P. c/ Royaume-Uni ; 16 octobre 1986, n o 12122/86,
Lukka c/ Royaume-Uni ; 17 octobre 1986, n o 12364/86, A. Kilic c/ Suisse : « Les procédures
suivies par les pouvoirs publics pour décider du point de savoir si un étranger doit être autorisé
à rester dans un pays ou en être expulsé sont des actes discrétionnaires, de caractère
administratif, qui n’emportent pas décision d’une contestation sur des droits de caractère civil
au sens de l’article 6, paragraphe 1 er de la Convention ».
- 110 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
démontré 377, l’ensemble des décisions administratives prises dans le cadre d’une
compétence discrétionnaire et traduisant l’exercice de prérogatives de puissance
publique ne bénéficient pas de ce seul fait d’une immunité quant à l’applicabilité de
l’article 6 § 1 C.E.D.H. au titre de la matière civile.
Par conséquent, il nous semble que la définition des droits de caractère public
doit répondre à une acception plus restrictive. Selon nous, sont étrangères aux
contestations sur des droits et des obligations de caractère civil, les procédures qui
affectent « les prérogatives régaliennes de l’État » 379, « la souveraineté de l’État
dans son étroite spécificité » 380, « le noyau dur de l’imperium étatique » 381, « le cœur
de l’imperium étatique » 382. À cet égard, il ressort de l’analyse des arrêts « Pierre-
Bloch c/ France », « Maaouia c/ France », « Ferrazzini c/ Italie » et « Vilho Eskelinen
et autres c/ Finlande » précités que la Cour refuse d’accoler le qualificatif « civil »
377
Voir Partie 1, Chapitre 1, Section 1, II, A, 1 ; CEDH, 18 janvier 2000, n o 39288/98, Association
Ekin c/ France sur l’applicabilité de l’article 6 § 1 C.E.D.H., volet civil, à une mesure de police
administrative édictée en matière de publications étrangères.
378
GÉRARD Laurence, « Sur l’applicabilité de l’article 6, volet civil, de la CEDH aux contentieux
fiscaux. (À propos de l’arrêt CEDH, 12 juillet 2001, Ferrazzini c/ Italie) », Revue de droit fiscal,
année 2002, n o 10, p. 443 ; Voir également l’opinion dissidente du Juge LORENZEN jointe à
l’arrêt « Ferrazzini c/ Italie » : « les changements intervenus dans la législation française
notamment pour encadrer les pouvoirs de l’administration dans les procédures fiscales, aussi
bien administratives que contentieuses, ont fortement réduit le pouvoir discrétionnaire de l’État
dans ce domaine ».
379
GONZALES Gérard, « Le sens européen de la notion de contestation sur des droits et obligations
de caractère civil », in L’extension des garanties du procès équitable hors les juridictions
ordinaires : les contraintes européennes, Institut de droit européen des droits de l’homme, avril
2002, p. 25.
380
LE GALL Jean-Pierre, « A quel moment le contradictoire ? Une application de la Convention
européenne des droits de l’homme », in Les nouveaux développements du procès équitable au
sens de la convention européenne des droits de l’homme, Actes du colloque du 22 mars 1996 en
la grande chambre de la Cour de cassation, Bruxelles, Bruylant, 1996, p. 57.
381
SOYER Jean-Claude et DE SALVIA Michel, « Article 6 », La Convention européenne des droits
de l'homme, Commentaire article par article, PETTITI Louis-Edmond, DECAUX Emmanuel et
IMBERT Pierre-Henri (dir.), Economica, 2 ème éd., 1999, p. 239 et s., plus précisément p. 251.
382
MILANO Laure, Le droit à un tribunal au sens de la Convention européenne des droits de
l’Homme, Thèse Montpellier, SUDRE Frédéric (dir.), L.G.D.J., 2006, p. 120, n o 164.
- 111 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
aux droits qui ne peuvent être définis, détenus et exercés que par l’autorité souveraine
dans la mesure où ils constituent soit des « droits - participation au pouvoir » 383,
selon l’expression du professeur Étienne Picard 384, soit des droits « attributs de la
souveraineté » en ce qu’ils incarnent la marque de l’indépendance étatique, de la
gouvernance 385. En ce sens, ils se différencient des droits qui découlent d’un
interventionnisme étatique croissant dans les relations de droit privé et pour lesquels
la Cour de Strasbourg retient la qualification de « droits civils » au sens de la
Convention. Telle est, à tout le moins, la caractéristique commune aux contentieux
qui échappent, dans la jurisprudence européenne, à l’empire de l’article 6 C.E.D.H.,
volet civil.
383
Tels que les droits civiques.
384
PICARD Étienne, « La juridiction administrative et les exigences du procès équitable », in Le
droit français et la convention européenne des droits de l'homme - 1974-1992, Actes du colloque
tenu à Montpellier, février 1993, Strasbourg, N.P. Engel, 1994, p. 217, plus précisément p. 235 et
p. 236.
385
Armée, sécurité intérieure, frontière, monnaie et imposition.
- 112 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
- 113 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
titre pertinent du code électoral et étaient prononcées par les juridictions pénales de
droit commun.
386
Voir Titre 1, Chapitre 1, Section 1, II, B, 2 ; CEDH, 24 février 1994, n o 12547/86, Bendenoun
c/ France, J.C.P., 1995, I, 3823, SUDRE Frédéric ; J.C.P., 1995, II, 22372, note FROMMEL
Stefan N.; J.D.E., 1994, p. 41, M. B. ; R.J.F., 4/94, no 503, p. 279, chr. GOULARD Guillaume ;
A.J.D.A., p. 512, chr., FLAUSS Jean-François ; A.F.D.I., 1994, p. 658, obs. COUSSIRAT-
COUSTERE Vincent ; J.D.I., 1995, p. 752, obs. DECAUX Emmanuel et TAVERNIER Paul ;
R.S.C., 1995, p. 388, obs. MASSIAS Florence ; Gazette du Palais, 27 et 28 septembre 1995,
p. 19, PETTITI Christophe.
387
CEDH, 11 janvier 2000, n o 41544/98, « Le Meignen c/ France », R.J.F., 03/2001, no 426.
388
GONZALES Gérard, « Le sens européen de la notion de contestation sur des droits et obligations
de caractère civil », in L’extension des garanties du procès équitable hors les juridictions
ordinaires : les contraintes européennes, Institut de droit européen des droits de l’homme, avril
2002, p. 28.
- 114 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
389
Voir Titre 1, Chapitre 1, Section 1, II, B, 2 ; CEDH, 13 septembre 2007, n o 27521/04, Moullet
c/ France, A.J.D.A., 26 mai 2008, p. 985, note FLAUSS Jean-François.
390
Voir Titre 1, Chapitre 1, Section 1, II, B, 2 ; CEDH, 8 juin 1976, n os 5100/71, 5101/71, 5102/71,
5354/72, 5370/72, Engel et autres c/ Pays-Bas, A.F.D.I., 1977, p. 480, obs. PELLOUX Robert ;
Cahiers de droit européen, 1978, p. 368, note COHEN-JONATHAN Gérard.
391
MILANO Laure, Le droit à un tribunal au sens de la Convention européenne des droits de
l’Homme, Thèse Montpellier, SUDRE Frédéric (dir.), L.G.D.J., 2006, p. 144, n o 197.
392
MILANO Laure, Le droit à un tribunal au sens de la Convention européenne des droits de
l’Homme, Thèse Montpellier, SUDRE Frédéric (dir.), L.G.D.J., 2006, p. 145, n o 197.
- 115 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
393
SUDRE Frédéric, Droit européen et international des droits de l’homme, P.U.F., 9 ème éd., 2009,
p. 362, n o 207.
394
GONZALES Gérard, « Le sens européen de la notion de « contestations sur des droits et
obligations de caractère civil », in L’extension des garanties du procès équitable hors les
juridictions ordinaires : les contraintes européennes, Institut de droit européen des droits de
l’homme, avril 2002, SUDRE Frédéric (dir.), p. 25.
395
A.J.D.A., 20 mai 1996, p. 378.
- 116 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
fonctionnaires est sans doute l’une de celles qui a connu ces dernières années les
avancées les plus notables. » 396
Il est vrai que ces trente dernières années ont été marquées par un
développement significatif du droit au procès équitable aux litiges opposant l’État à
ses agents, certains auteurs allant même jusqu’à parler de « civilisation du
contentieux de la fonction publique » 397.
396
GONZALES Gérard, « Nouveau revirement jurisprudentiel en matière d’applicabilité de l’article
6-1 de la Convention, dans son volet civil aux fonctionnaires », R.F.D.A., septembre - octobre
2007, p. 1031.
397
FLAUSS Jean-François, « Actualité de la CEDH », A.J.D.A., 1996, p. 378 et p. 1010 et A.J.D.A.,
1997, p. 983.
398
CEDH, 28 août 1986, n os 9704/82 et 9228/80, Kosiek et Glasenapp c/ Allemagne.
399
Voir également KASTANAS Elias, Unité et diversité : notions autonomes et marges
d'appréciations des États dans la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme,
Bruxelles, Bruylant, 1996, p. 397 ; KOERING-JOULIN Renée, « Introduction générale », in Les
nouveaux développements du procès équitable au sens de la Convention européenne des droits
de l'homme, Bruxelles, Bruylant, 1996, p. 9-25 ; FLAUSS Jean-François, « Convention
européenne des droits de l'homme et répression disciplinaire dans la fonction publique
française », R.T.D.H., 1996, p. 201-228.
- 117 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
disparu par la suite. Il ne s’agit donc point d’une lacune fortuite des instruments
européens ». Au terme de ce rappel historique, la Cour conclut que « les États
contractants n'ont pas voulu s'engager à reconnaître dans la Convention ou ses
Protocoles un droit d'accès à la fonction publique ».
400
CEDH, 26 novembre 1992, n os 12490/86 et 11519/85, Giancarlo Lombardo et Francesco
Lombardo c/ Italie, § 16 et § 17; CEDH, 24 août 1993, n o 14399/88, Massa c/ Italie, § 26 ;
CEDH, 17 mars 1997, n o 18725/91, Neigel c/France, § 43 et § 44.
401
CEDH, 24 avril 1998, n o 28054/95, Mavronichis c/ Chypre : action indemnitaire introduite suite
à une décision juridictionnelle ayant annulé le refus illégal opposé à un candidat à un emploi
public; CEDH, 9 juin 1998, n o 25549/94, Cazenave de La Roche c/ France: recours en dommages
et intérêts en vue d’obtenir réparation du préjudice causé par une décision de radiation dont
l’illégalité avait été constatée par le juge administratif.
402
CEDH, 2 septembre 1997, n o 25839/94, Nicodemo c/ Italie ; CEDH, 29 juillet 1998, n o 25554/94,
Le Calvez c/France ; CEDH, 24 août 1998, n os 24271/94 et 26106/95, Couez et Benkessiouer
c/ France.
403
KISSANGOULA Justin, « Remarques sur une jurisprudence européenne controversée :
l'application de l'article 6, paragraphe 1 de la Convention européenne des droits de l'homme au
contentieux de la fonction publique », R.F.D.A., 2000, p. 1268.
- 118 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
404
FLAUSS Jean-François, A.J.D.A., 20 décembre 1998, p. 987 ; LABAYLE Henri et SUDRE
Frédéric, R.F.D.A., 1999, n o 15, juillet - août 1999, p. 792, « Jurisprudence de la Cour
européenne des droits de l’homme et droit administratif », p. 792, plus précisément p. 793 ;
MELLERAY Fabrice, « L’adoption d'un critère fonctionnel d'applicabilité de l'article 6 § 1 de la
C.E.D.H. au contentieux des agents publics », L.P.A., 17 mai 2000 ; PETTITI Christophe, « La
notion autonome de droit de caractère civil : vers une conception restrictive ? », in Le procès
équitable et la protection juridictionnelle du citoyen, Actes du colloque organisé à Bordeaux les
29 et 30 septembre 2000 par l’Institut des droits de l’homme des avocats européens et l’Institut
des droits de l’homme du barreau de Bordeaux, Bruylant, 2001, p. 29 à p. 42.
405
La décision « Le Calvez c/ France » du 29 juillet 1998 est, à cet égard, topique. En l’espèce, un
fonctionnaire placé d’office en position de disponibilité avait engagé contre l’État une procédure
de versement d’indemnités de maladie et de compensation de salaire. Constatant que l’intéressé
avait été atteint dans ses moyens d’existence, la Cour a retenu l’existence d’une contestation sur
des droits et des obligations de caractère civil, occultant, par là-même, le fait que la perte du
droit à indemnité faisait suite à une décision relative à la carrière du fonctionnaire.
406
Notamment quant au critère fondé sur la nature patrimoniale du litige dans la mesure où une
décision relative au « recrutement », à la « carrière » et à la « cessation d’activité » d’un
fonctionnaire a presque toujours des conséquences pécuniaires.
- 119 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
Les juges européens ont alors affirmé, dans leur arrêt « Pellegrin c/ France »
du 8 décembre 1999, que « sont (désormais) seuls soustraits au champ d’application
de l’article 6 § 1 de la Convention les litiges des agents publics dont l’emploi est
caractéristique des activités spécifiques de l’administration publique dans la mesure
où celle-ci agit comme détentrice de la puissance publique chargée de la sauvegarde
des intérêts généraux de l’État ou des autres collectivités publiques ». En revanche,
les litiges relatifs aux pensions « relèvent tous du domaine de l’article 6 § 1, parce
que, une fois admis à la retraite, l’agent a rompu le lien particulier qui l’unit à
l’administration, il se trouve dès lors (…) dans une situation qui est tout à fait
comparable à celle d’un salarié de droit privé : le lien spécial de confiance et de
loyauté avec l’État a cessé d’exister, et l’agent ne peut plus détenir de parcelle de la
souveraineté de l’État ».
407
Il est vrai que cette approche fonctionnelle apparaissait déjà dans la jurisprudence antérieure
mais son emploi restait incohérent. Ainsi, dans ses arrêts « Benkessiouer c/ France », « Couez
c/ France », « Le Calvez c/ France » précités, la Cour souligne, pour étayer l’applicabilité du
volet civil de l’article 6 § 1 C.E.D.H. que l’intéressé revendiquait un droit essentiellement
patrimonial « qui ne mettait pas en cause principalement les prérogatives de l’administration ».
En revanche, dans leur arrêt « Maillard c/ France » du 9 juin 1998, les juges européens ont ignoré
ce critère fonctionnel. En l’espèce, était en cause un militaire de carrière qui contestait sa
notation pour l'année 1983 et les conséquences de celle-ci sur son avancement. Devant la Cour,
le gouvernement français faisait valoir que « le litige opposant M. Maillard au ministre de la
Défense avait trait au déroulement de la carrière du premier et ne présentait qu’un aspect
patrimonial « très accessoire » » et qu’en tout état de cause, « se trouvait en jeu l’« imperium de
la puissance publique » dans ses aspects les plus fondamentaux ». La Cour se borne à rappeler
que « les contestations concernant le recrutement, la carrière et la cessation d'activité des
fonctionnaires sortent, en règle générale, du champ d'application de l'article 6 § 1 ». Il en va
néanmoins autrement lorsque les revendications litigieuses ont trait à un droit « purement
patrimonial » – comme le paiement d’un salaire ou d'une pension – ou tout au moins
« essentiellement patrimonial ». Cela vaut pour les militaires de carrière français tel
M. Maillard, les droits et obligations professionnelles de ceux-ci étant régis par le « statut
général des militaires ». En définitive, pour reprendre les termes de monsieur Justin
Kissangoula, « la position finalement adoptée par la Cour dans son arrêt Pellegrin c/ France du
8 décembre 1999 n'en (était) pas moins inscrite dans une certaine logique « refoulée » de la
jurisprudence de la Cour ».
408
MELLERAY Fabrice, « L’adoption d'un critère fonctionnel d'applicabilité de l'article 6 § 1 de la
C.E.D.H. au contentieux des agents publics », L.P.A., 17 mai 2000 ; FLAUSS Jean-François,
- 120 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
A.J.D.A., 20 juin 2000, p. 531 ; HAÏM Victor, « Faut-il supprimer la Cour européenne des droits
de l’homme ? », D., 2001, chr., p. 2991 à p. 2992.
409
Opinion dissidente commune à messieurs les juges COSTA, WILDHABER, TÜRMEN,
BORREGO et madame la juge JOCINE.
410
FLAUSS Jean-François, « Actualité de la CEDH », A.J.D.A., 1996, p. 378 et p. 1010 et A.J.D.A.,
1997, p. 983.
411
Voir les opinions dissidentes communes à messieurs les juges COSTA, WILDHABER, TÜRMEN,
BORREGO et madame la juge JOCINE sur CEDH, 19 avril 2007, no 6323500, Vilho Eskelinen et
autres c/ Finlande : “6. Quoi qu’il en soit, nous ne voyons pas quelle nécessité, théorique ou pratique,
obligeait à abandonner en l’espèce la jurisprudence Pellegrin. Celle-ci a été depuis sept ans appliquée
par la Cour, sans réelles difficultés et, comme on pouvait s’y attendre et le souhaiter, elle n’a pas
restreint, mais plutôt étendu l’application des garanties de l’article 6 § 1. Les catégories d’agents
soustraits à ces garanties, telles que la police dans son ensemble, sont limitées par rapport à la totalité
des agents publics (pour des exemples, voir le paragraphe 52 de l’arrêt). La certitude juridique a
certainement progressé, si on compare la situation avec celle antérieure à l’arrêt Pellegrin. Quant à se
fonder sur l’argument tiré de l’existence d’un accès à un tribunal interne, il ne nous convainc pas.
Comme l’indique à juste titre l’article 53 de la Convention, rien n’interdit à une Haute Partie
contractante de reconnaître dans son droit des libertés ou des garanties supérieures à celles conférées
par la Convention ; en outre, comme les systèmes juridiques varient d’un État à l’autre, le raisonnement
du présent arrêt risque d’avoir pour effet de faire dépendre l’applicabilité de l’article 6 § 1 aux litiges
entre l’État et ses agents de l’accès à un tribunal pour ces litiges, tel qu’il existe ou non selon le droit
national. En somme, au lieu de l’« interprétation autonome » (par la Cour), que celle-ci estimait
important de dégager, aux fins de l’article 6 § 1 (voir l’arrêt Pellegrin, § 63), le présent arrêt pousse à
une interprétation dépendante et variable, pour ne pas dire aléatoire, c’est-à-dire arbitraire. C’est à
nos yeux un retour en arrière peu opportun. 7. Pour conclure, la Cour a renversé une jurisprudence
bien établie. Elle a certes le droit de le faire (même si celle-ci était relativement récente). Mais, en
général, elle procède ainsi lorsqu’il y a des développements nouveaux, lorsqu’un besoin nouveau
apparaît. Tel n’est pas le cas ici. Renoncer à un précédent solide, dans de pareilles conditions, crée une
incertitude juridique, et rendra à notre avis difficile pour les États de connaître l’étendue de leurs
obligations.”
- 121 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
412
CEDH, 19 avril 2007, n o 6323500, Vilho Eskelinen et autres c/ Finlande ; R.F.D.A., 2007,
p. 1031, note GONZALES Gérard ; J.C.P., 2007, I, 182, SUDRE Frédéric ; A.J.D.A., 2007, p. 60,
p. 1360, note ROLLIN François et p. 1921, note, FLAUSS Jean-François ; A.J.F.P., 2007, p. 246,
note FITTE-DUVAL Alice ; R.D.P., 2008, n o 3, p. 951, note GONZALES Gérard.
413
GONZALES Gérard, « Nouveau revirement jurisprudentiel en matière d’applicabilité de
l’article 6-1 de la Convention, dans son volet civil aux fonctionnaires », R.F.D.A., septembre -
octobre 2007, p. 1031. L’auteur souligne, à très juste titre, qu’en plus de renverser le principe
d’exclusion, la Cour renverse les critères habituels d’applicabilité de l’article 6 § 1 C.E.D.H. en
érigeant l’accès à un tribunal comme condition de l’applicabilité du volet civil de cette
stipulation aux fonctionnaires. Voir en ce sens : Titre 1, Chapitre 1, Section 1, I, A, 1.
414
CEDH, 29 juin 2011, no 34869/05, Sabeh El Leil c/ France.
415
CEDH, 05 février 2009, n o 22330/05, Olujić c/ Croatie, A.J.D.A., 2009, p. 879, obs. FLAUSS
Jean-François.
416
CEDH, 11 septembre 2007, n o 59773/00, Suküt c/ Turquie.
417
CEDH, 11 décembre 2007, n o 3964/05, Apay c/ Turquie.
- 122 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
Il faut bien convenir qu’au fil des arrêts rendus par la Cour, l’inapplicabilité
du droit au procès équitable, versant civil, aux contentieux de la fonction est devenue
de plus en plus résiduelle. De ce point de vue, la jurisprudence rendue en ce domaine
apparaît comme un témoignage éloquent de l’interprétation évolutive et extensive
dont cette stipulation fait l’objet.
Sur le premier point, certains auteurs 418 se sont déjà prononcés. En revanche,
la littérature est plus rare, pour ne pas dire inexistante, quant au second point.
418
GONZALES Gérard, « Le sens européen de la notion de « contestations sur des droits et
obligations de caractère civil », in L’extension des garanties du procès équitable hors les
juridictions ordinaires : les contraintes européennes, Institut de droit européen des droits de
l’homme, avril 2002, SUDRE Frédéric (dir.), p. 25 et p. 26.
419
GONZALES Gérard, « Le sens européen de la notion de « contestations sur des droits et
obligations de caractère civil », in L’extension des garanties du procès équitable hors les
juridictions ordinaires : les contraintes européennes, Institut de droit européen des droits de
l’homme, avril 2002, SUDRE Frédéric (dir.), p. 25 ; Voir également en ce sens : FLAUSS Jean-
François, « Applicabilité de l’article 6-1 au contentieux du séjour des étrangers », A.J.D.A.,
20 juin 2000, p. 532.
- 123 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
D’une part, il relève que dans son arrêt « Ferrazzini c/ Italie », la Cour a
admis, pour la première fois, la recevabilité de la requête. Contrairement à sa
jurisprudence antérieure, les juges européens n’ont pas déclaré le moyen tenant à la
violation du droit au procès équitable, invoqué au titre de la matière civile,
« irrecevable comme étant incompatible ratione materiae avec les dispositions de la
Convention ».
Cet élément nous paraît plus décisif, d’autant que nombreuses sont les raisons
qui pourraient inciter la Cour à revoir certains aspects de l’applicabilité du volet civil
de l’article 6 §1 C.E.D.H. aux matières régaliennes. Dans leur opinion dissidente
commune à l’arrêt « Ferrazzini », les six juges minoritaires ont, par exemple, fait
valoir que « L’article 6 de la Convention constitue une garantie procédurale, qui
consacre principalement le droit à l’accès à un tribunal et le droit de bénéficier
d’une procédure judiciaire équitable dans un délai raisonnable. À cet égard, il y a eu
en fait des évolutions importantes dans le domaine fiscal depuis l’élaboration de la
Convention. Alors qu’à cette époque il y avait peu de chances de pouvoir obtenir un
contrôle judiciaire – ou un contrôle tout court – des décisions administratives
touchant la fiscalité, il est à présent reconnu, du moins dans la grande majorité des
420
CEDH, 23 février 2006, n o 25632/02, Stere et autres c/ Roumanie, § 33 ; Voir SID AHMED
Karim, « Stere et autres c/ Roumanie ou une illustration supplémentaire de l’application timorée
de l’article 6-1 à la matière fiscale par la Cour européenne », Revue de droit fiscal, n o 9, 1 er mars
2007, p. 9.
- 124 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
États contractants, que les litiges en matière fiscale peuvent être réglés dans le cadre
d’une procédure devant les juridictions ordinaires. Dès lors, il est difficile de
comprendre pourquoi il serait toujours nécessaire d’accorder aux États des
prérogatives spéciales en vertu de la Convention dans ce domaine, et donc de dénier
aux justiciables, dans le cadre des procédures fiscales, les garanties procédurales
élémentaires consacrées par l’article 6 § 1. (…) le besoin d’une telle protection
existe manifestement – par exemple pour éviter la combinaison d’une longue
procédure et d’une obligation de payer des impôts avant le règlement définitif d’un
litige concernant la légalité de la décision fiscale. » Pour d’autres, la solution issue
de l’arrêt « Ferrazzini » aboutit à une solution pernicieuse, pour le moins fâcheuse.
En ce sens, M. Karim Sid Ahmed souligne que « Cette jurisprudence engendre (…)
de sérieuses incohérences. Ainsi le contribuable malhonnête passible de sanctions de
nature pénale bénéficiera de l’article 6-1 sous son volet pénal. Ce qui ne sera pas le
cas du contribuable qui conteste simplement sa responsabilité fiscale ». Et d’ajouter :
« Les incidences de cette jurisprudence constante de la Cour européenne confortée
par un arrêt Jussila c/ Finlande du 23 novembre 2006 sont, sans conteste,
désastreuses dans des pays tels que la Roumanie qui ont accédé tardivement à la
démocratie et dont les principes de l’État de droit, comme l’indépendance et
l’impartialité des juges ne reçoivent pas encore une application aussi forte et
vigoureuse que dans les pays voisins d’Europe de l’Ouest » 421. Quelques
commentateurs 422 de la jurisprudence strasbourgeoise ont également souligné que
l’exclusion de l’applicabilité du volet civil de l’article 6 § 1 C.E.D.H. aux matières
régaliennes revient à priver des garanties du procès équitable « les justiciables qui en
ont le plus besoin », et ce afin de préserver une distinction « civil - public », au prix
d’une certaine interprétation de la Convention. En ce sens, le juge de Meyer dans son
opinion dissidente sur l’arrêt « Pierre-Bloch c/ France » souligne qu’ « en matière de
droits de l’homme et notamment lorsqu’il s’agit de décider de contestations sur des
421
SID AHMED Karim, « Stere et autres c/ Roumanie ou une illustration supplémentaire de
l’application timorée de l’article 6-1 à la matière fiscale par la Cour européenne », Revue de
droit fiscal, n o 9, 1 er mars 2007, p. 11 et p. 13.
422
GUINCHARD Serge, DELICOSTOPOULOS Constantin-S, DOUCHY-OUDOT Mélina,
FERRAND Frédérique, Droit processuel : Droit commun et droit comparé du procès équitable,
Dalloz, 2007, p. 157, n o 100.
- 125 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
droits ou des obligations, rien ne permet de traiter ceux qui prétendent pouvoir se
prévaloir d’un droit « politique », tels ceux qui se portent candidats lors d’une
élection, mieux ou moins bien que les autres citoyens » 423.
423
CEDH, 21 octobre 1997, n o 24194/94, Pierre-Bloch c/ France, précité.
424
ANDRIANTSIMBAZOVINA Joël, G.A.C.E.D.H., 4 ème éd., p. 233.
425
Opinion du juge DE MEYER sur CEDH, 19 avril 1993, n o 13942/88, Kraska c/ Suisse.
426
Celle de l’autonomisation, d’une part, et celle de l’interprétation téléologique et dynamique,
d’autre part.
427
Opinion du juge DE MEYER sur CEDH, 19 avril 1993, Kraska c/ Suisse.
428
CEDH, 9 décembre 1994, Schouten et Meldrum c/ Pays-Bas, § 50, R.T.D.H., 1996. p. 79, note
PETTITI Christophe ; CEDH, 12 juillet 2001, no 44759/98, Ferrazzini c/ Italie, précité.
- 126 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
Sur ce point, il y a fort à parier que le juge judiciaire français, gardien naturel
des libertés individuelles, ne demeure en reste de cet élan protecteur, celui-ci ayant
toujours fait preuve d’une grande réceptivité à l’égard des interprétations
strasbourgeoises.
429
Voir en ce sens : GONZALES Gérard, « Nouveau revirement jurisprudentiel en matière
d’applicabilité de l’article 6-1 de la Convention dans son volet civil aux fonctionnaires »,
R.F.D.A., septembre - octobre 2007, p. 1031, plus précisément p. 1034 et p. 1035.
- 127 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
Sans surprise véritable 430, le juge judiciaire « s’est montré sensible aux
solutions jurisprudentielles » 431 émanant des organes de la Convention.
Comme l’a déjà mis en évidence une abondante littérature 432, la jurisprudence
judiciaire relative aux sanctions administratives prononcées par feu la Commission
des opérations de bourse démontre nettement la retranscription tant par les juges du
430
Comme l’avait déjà fait observer le professeur Jean-François FLAUSS, dans un arrêt de la
première chambre civile du 10 janvier 1984, « Renneman », la Cour de cassation n’avait pas
hésité à se référer très expressément à l’autorité de la Convention telle qu’interprétée par la Cour
européenne : « Dualité des ordres de juridictions et CEDH », Gouverner, Administrer, Juger. Liber
Amicorum Jean Waline, Dalloz, 2002, p. 538 ; Voir également en ce sens, GUINCHARD Serge,
« L’application de la Convention européenne par le juge judiciaire », Europe, 1999, n o 10 bis,
hors-série, octobre, p. 18 : l’auteur présente le juge judiciaire « comme un juge qui va au bout de
l’autorité de la Convention » ; GUINCHARD Serge, DELICOSTOPOULOS Constantin-S,
DOUCHY-OUDOT Mélina, FERRAND Frédérique, Droit processuel : Droit commun et droit
comparé du procès équitable, Dalloz, 2007, p. 222.
431
ZAVOLI Philippe, « L’emprise de la convention européenne des droits de l’homme sur les
autorités de régulation ou le jeu des apparences », J.C.P., Cahiers de Droit de l’entreprise, 2004,
n o 2, p. 6, et plus précisément p. 8.
432
MILANO Laure, « Le contentieux de la régulation administrative », in L’extension des garanties
du procès équitable hors les juridictions ordinaires : les contraintes européennes, Institut de
droit européen des droits de l’homme, Avril 2002, SUDRE Frédéric (dir.), p. 67 à p. 74 ;
ZAVOLI Philippe, « L’emprise de la convention européenne des droits de l’homme sur les
autorités de régulation ou le jeu des apparences », J.C.P., Cahiers de Droit de l’entreprise, 2004,
n o 2, p. 6, et plus précisément p. 8 ; BRISSON Jean-François, « Les pouvoirs de sanction des
autorités de régulation et l’article 6 § 1 de la Convention européenne des droits de l’homme »,
A.J.D.A., 20 novembre 1999, p. 847 ; LAFORTUNE Maurice-Antoine, « L’application de la
convention européenne des droits de l’homme aux procédures de sanctions administratives »,
Revue de droit bancaire et de la bourse, no 76, p. 217.
- 128 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
second degré (1) que par la haute juridiction judiciaire (2) de la définition
strasbourgeoise de la matière pénale.
Par cinq arrêts rendus le 12 janvier 1994 433, la Cour d’appel de Paris a jugé
que les sanctions prononcées par la Commission des opérations de bourse, « bien que
de nature administrative, visent comme en matière pénale, par leur montant élevé
(dix millions de francs ou le décuple des profits réalisés) et la publicité qui leur est
donnée, à punir les auteurs de faits contraires aux normes générales édictées par les
règlements de la Commission et à dissuader les opérateurs de se livrer à de telles
pratiques ».
433
CA Paris, 1ère Ch., sect., 12 janvier 1992, Schwartzmann, Friedland Investissement, Métrologie
Internationale, Fraiberger, Haddad ; R.J.D.A., 11/94, n° 1149, p. 884 ; Rev. dr. bancaire, 1994, 37,
obs. GERMAIN Michel et FRISON-ROCHE Marie-Anne ; Bull. Joly Bourse, 1994, § 20, note
DECOOPMAN Nicole.
434
Ainsi, dans les décisions « Haddad » et «Schwartzmann », les sanctions infligées étaient
respectivement de 350.000 francs et de 50.000 francs.
- 129 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
Cette décision est apparue d’autant plus audacieuse que la Commission des
opérations de bourse avait toujours dénié l’applicabilité du droit au procès équitable à
la procédure qu’elle suivait pour infliger des sanctions, et ce compte de la nature
administrative de ces dernières.
Les arrêts qui suivent sont beaucoup plus laconiques quant au raisonnement
suivi par la Cour de Cassation pour qualifier les sanctions administratives prononcées
par les autorités de régulation d’« accusations en matière pénale » au sens de la
435
Cass. Com., 9 avril 1996, Haddad c/ Agent judiciaire du Trésor, J.C.P., éd. gén., n o 26, IV, 1996,
p. 169.
436
Conclusions PINIOT M.-A., R.J.D.A., 5/96, p. 438.
- 130 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
Convention. Ainsi dans les décisions « Conso » du 18 juin 1996 437 et « Oury » du
1 er décembre 1998 438, les juges judiciaires se bornent à relever que sont assimilées à
une accusation en matière pénale au sens de l’article 6 § 1 C.E.D.H., « les poursuites
en vue de sanctions pécuniaires ayant le caractère d’une punition prononcées par
une autorité administrative ».
Il est parfois même arrivé que la Cour de cassation ne prenne pas le soin de
justifier la subsomption des sanctions administratives dans la catégorie européenne
des « accusations en matière pénale » et ce, au grand dam des commentateurs de la
jurisprudence judiciaire 439. Tel est le cas dans les arrêts « Oury c/ Agent judiciaire du
Trésor» du 5 février 1999 440 et « Société Campenon Bernard S.G.E. et autres » 441 du
5 octobre 1999 portant sur les sanctions pécuniaires infligées respectivement par la
COB et par le Conseil de la Concurrence.
Pour autant, les conclusions prononcées par l’avocat général dans l’affaire
« Oury » viennent compenser la brièveté des motifs et du dispositif de l’arrêt.
Monsieur Maurice-Antoine LAFORTUNE se réfère expressément à l’interprétation
de la Cour de Strasbourg quant à la notion d’« accusation en matière pénale ».
437
Cass. Com., 18 juin 1996, no 94-14178, M. Conso c/ COB, Bull. Civ., IV, n o 179, p. 155.
438
Cass. Com., 1 er décembre 1998, n o 96-20189, M. Oury c/ Agent judiciaire du Trésor, Bull. Civ.,
IV, no 238 ; J.C.P. 1999, II, 10057, note GARAUD Éric.
439
GARAUD Éric, note sur Cass. Com., 1 er décembre 1998, no 96-20189, Oury c/ Agent judiciaire
du Trésor, J.C.P., éd. gén., 1999, p. 591 ; BRISSON Jean-François, « Les pouvoirs de sanction
des autorités de régulation et l’article 6 § 1 de la CEDH », A.J.D.A., 1999, p. 847, plus
précisément p. 848 ; DE CHAISEMARTIN Arnaud, « Les enseignements du contrôle
juridictionnel sur les procédures de sanction des autorité de marché », Justice et cassation,
Dalloz, 2005, p. 30 et plus précisément p. 33 ; MILANO Laure, « Le contentieux de la régulation
administrative », in L’extension des garanties du procès équitable hors les juridictions
ordinaires : les contraintes européennes, Institut de droit européen des droits de l’homme, Avril
2002, SUDRE Frédéric (dir.), p. 70.
440
Cass., Ass. Plén., 5 février 1999, n o 97-16.441, COB c/ Oury, Bull. AP, n o 1, p. 1 ; Gaz. Pal. 24
et 25 février 1999, p. 8, concl. LAFORTUNE Maurice-Antoine ; J.C.P. 1999. II. 10060, note
MATSOPOULOU Haratini ; D., 1999, Somm. 249, obs. BON-GARCIN Isabelle ; FRISON-
ROCHE Marie-Anne, « Les autorités de régulation confrontées à la Convention européenne des
droits de l'homme », L.P.A., 10 février 1999 n° 29, p. 17 ; L.P.A., 10 février 1999, p. 14, note
DUCOULOUX-FAVARD Claude.
441
Cass. Com., nos 97-15617, 97-5626, 97-15632, 97-15673 ,97-15760, 97-15777 97-15805, 97-
15826, 97-15836, 97-15852, 97-15871, 97-15932, 97-16004, 97-16330, S.N.C. Campenon
Bernard S.G.E. et autres, Bull. Civ., IV, n o 158, p. 133 ; Gaz. Pal. 1 et 2 décembre 1999, p. 9,
concl. LAFORTUNE Maurice-Antoine ; note FLECHEUX Olivier ; J.C.P. 2000, II, 10255, note
CADOU Éléonore ; D. 1999.44, obs. NIBOYET Marie-Laure ; L.P.A., 1999, n° 206, p. 4, note
DUCOULOUX-FAVARD Claude.
- 131 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
En outre, la rédaction des arrêts rendus par la Cour d’appel de Paris est
dépourvue de toute ambiguïté quant à la nature pénale au sens de la Convention, des
sanctions pécuniaires prononcées par la Commission. Par exemple, dans un arrêt
« Debus » 442 du 2 juillet 1999, les juges du fond, après avoir visé l’article 6 C.E.D.H.,
énoncent clairement qu’« au sens de ce texte sont assimilées à une accusation en
matière pénale les poursuites engagées en vue de sanctions pécuniaires ayant le
caractère d’une punition prononcée par une autorité administrative, telles celles que
peut infliger la COB ». Précisons, à toutes fins utiles, que la Cour de cassation a
approuvé cette motivation.
442
CA Paris, 2 juillet 1999, n o RG 1998/17861, Debus, L.P.A., 15 octobre 1999, p. 7, note
DUCOULOUX-FAVARD Claude.
443
Cass. Crim., 28 janvier 1991, n o 90-81526, Lavignes, Bull. Crim., 1991, n o 44; Dr. fisc., 1991,
no 21-22, comm. 1160, R.J.F., 4/1991, no 528, p. 304.
- 132 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
444
SURREL Hélène, « Le contentieux des amendes fiscales », in L’extension des garanties du
procès équitable hors les juridictions ordinaires : les contraintes européennes, Institut de droit
européen des droits de l’homme, Avril 2002, SUDRE Frédéric (dir.), p. 86, plus précisément
p. 87.
- 133 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
Cependant, cette décision est très vite apparue comme une solution isolée au
sein d’un corpus prétorien judiciaire faisant la part belle au critère matériel européen.
445
Cass. Crim., 28 janvier 1991, n o 90-81526, Lavignes, Bull. Crim., 1991, n o 44.
446
DREIFUSS Muriel, Note sur CE Avis, Sect., 31 mars 1995, Ministre du Budget c/ S.A.R.L.
Auto-Industrie Méric., A.J.D.A., 20 octobre 1995, p. 739 et plus précisément p. 743.
447
Cass. Com., 1 er décembre 1998, n o 96-20189, M. Oury c/ Agent judiciaire du Trésor, Bull. Civ.,
IV, n o 283, p. 237 ; revue Lamy Droit des affaires, n o 13, n o 788 ; L.P.A., 15 janvier 1999, p. 5,
note DUCOULOUX-FAVARD Claude.
- 134 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
cause la véracité des informations publiées par l’intéressé avant que sa culpabilité ne
soit établie, la Cour d’appel de Paris a violé l'article 6 § 1 et 2 CEDH.
Le principe est posé : une autorité administrative dont la décision porte sur une
« accusation en matière pénale » au sens de la Convention, est tenue de respecter les
prescriptions de l’article 6 C.E.D.H.
Dans un arrêt du 15 janvier 1999 449, la Cour d’appel de Paris affirme, après
avoir assimilé la sanction litigieuse à une « accusation en matière pénale » au sens de
la Convention, que « dans l’exercice de son pouvoir de sanction, cette autorité [la
commission des opérations de bourse] est tenue au respect des garanties ci-dessus
énoncées [l’article 6-1 et 2 de la CEDH] » 450.
448
Note sous CA Paris, 2 juillet 1999, n o RG 1998/17861, Bull. Joly Bourse, 1999, p. 498.
449
CA Paris, 1 ère ch. H., 15 juin 1999, S.A. Canal Plus c/ SNC Télévision par Satellite (TPS) et A.,
J.C.P., éd. G, n os 7-8, II, 10254, 2000, p. 306.
450
Cette formulation est de nouveau employée le 2 juillet 1999 : CA Paris, 2 juillet 1999, no RG
1998/17861, Debus, J.C.P., éd. G, 2000, J., p. 85, note ROBINEAU S ; Bull. Joly bourse, 1999,
p. 494, note RONTCHEVSKY ; Revue de droit bancaire et bourse, 1999, p. 124, note
GERMAIN Michel et FRISON-ROCHE Marie-Anne.
451
Cass. Com., 5 février 1999, COB c/ Oury et Agent judiciaire du Trésor, Gaz. Pal., 24-25 février
1999, p. 8 ; concl. Maurice-Antoine LAFORTUNE, note Jean-Marie DEGUELDRE, Luc
GRAMBLAT et Martine HERBIERE ; L.P.A., 10 février 1999, p. 3, note DUCOULOUX-
FAVARD Claude.
- 135 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
est confirmé par les hauts magistrats au terme d’une rédaction qui a pu étonner la
doctrine, en tant qu’elle ne comporte aucune formulation de principe. Le professeur
Jean-François BRISSON souligne, à cet égard, que « les arrêts du 5 février 1999
n’ont extérieurement rien de l’arrêt de principe : à aucun moment, l’assemblée
plénière (…) ne se prononce sur la nature institutionnelle de l’autorité de
régulation ; à aucun moment non plus n’est explicité l’application de l’article 6 § 1
aux sanctions administratives (…) » 452. Pour autant, les conclusions prononcées par
monsieur Maurice-Antoine LAFORTUNE révèlent clairement l’exclusivité accordée
au critère matériel d’applicabilité de l’article 6 C.E.D.H. L’avocat général y affirme
que « le caractère punitif et dissuasif des sanctions pécuniaires susceptibles d’être
infligées par la COB pour manquements à ses règlements justifie, comme en matière
pénale, le respect par l’autorité de sanction de la présomption d’innocence dont
bénéficie la personne poursuivie ». Ainsi que l’a expliqué le professeur Marie-Anne
FRISON-ROCHE, « Avec l'arrêt Oury, la Cour de cassation s'est placée dans la
logique du droit européen (…) La Cour européenne des droits de l'homme et la Cour
de cassation font une ellipse et disent : « la personne est sanctionnée, donc j'applique
l'article 6 ». Autrement dit, cet article n'est pas applicable à telle ou telle forme
d'organisme, mais à chaque fois qu'une sanction est prononcée. » 453
452
BRISSON Jean-François, « Les pouvoirs de sanction des autorités de régulation et l’article 6 § 1
de la Convention européenne des droits de l’homme », A.J.D.A., 20 novembre 1999, p. 847.
453
FRISON-ROCHE Marie-Anne, « Les autorités de régulation confrontées à la Convention
européenne des droits de l’Homme », L.P.A., 10 février 1999, no 29.
454
BRISSON Jean-François, « Les pouvoirs de sanction des autorités de régulation et l’article 6 § 1
de la Convention européenne des droits de l’homme », A.J.D.A., 20 novembre 1999, p. 847.
455
Cass. Com., 5 octobre 1999, n os 97-15617, 97-5626, 97-15632, 97-15673, 97-15760, 97-15777,
97-15805, 97-15826, 97-15836, 97-15852, 97-15871, 97-15932, 97-16004, 97-16330, S.N.C.
Campenon Bernard S.G.E et autres, Bull. Civ., IV, n o 158, p. 133, Revue Lamy droit des affaires,
1999, n o 21, n o 1318, obs. STORRER Pierre ; J.C.P., éd. gén., 2000, II, n o 10255, note CADOU
Éléonore.
- 136 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
investigations utiles pour l'instruction des faits dont le Conseil est saisi, est contraire
à cette stipulation.
456
CANIVET Guy, « La procédure de sanction administrative des infractions boursières à l’épreuve
des garanties fondamentales », R.J.D.A., 5/96, p. 426 et plus précisément p. 431.
457
LAFORTUNE Maurice-Antoine, « L’application de la Convention européenne des droits de
l’homme aux procédures de sanctions administratives », Revue de droit bancaire, novembre –
décembre 1999, n o 76, p. 217 et plus précisément p. 220 ; BRISSON Jean-François, « Les
pouvoirs de sanction des autorités de régulation et l’article 6 § 1 de la Convention européenne
des droits de l’homme », A.J.D.A., 20 novembre 1999, p. 847 et plus précisément p. 848 ;
MARGUENAUD Jean-Pierre, « Le pouvoir de sanction des autorités administratives
indépendantes à l'épreuve de l'article 6 de la CEDH », in Mélanges J. Stoufflet, L.G.D.J., 2001,
p. 220 ; Voir également GOYARD Claude, La compétence des tribunaux judiciaires en matière
administrative, Thèse, Montchrestien, p. 84.
458
BRISSON Jean-François, « Les pouvoirs de sanction des autorités de régulation et l’article 6 § 1
de la Convention européenne des droits de l’homme », A.J.D.A., 20 novembre 1999, p. 847, et
plus précisément p. 848.
459
BRISSON Jean-François, « Les pouvoirs de sanction des autorités de régulation et l’article 6 § 1
de la Convention européenne des droits de l’homme », A.J.D.A., 20 novembre 1999, p. 847, et
plus précisément p. 848.
- 137 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
CONCLUSION
Les effets de cette vague déferlante du droit au procès équitable se sont fait
profondément ressentir devant les juridictions de l’ordre judiciaire. Gardiennes des
libertés individuelles, ces dernières n’ont effectivement pas souhaité demeurer en
reste de cet élan protecteur et ont transposé l’interprétation matérielle et autonome de
la Cour de Strasbourg.
460
VON JHERING Rudolf, L’esprit du droit romain dans les diverses phases de son développement,
3 ème éd., traduction par de MEULENAEREO O., 1877, t. III, Paris, Maresc, p. 158.
- 138 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
CHAPITRE 2
461
CE, Ass., 20 octobre 1989, n o 108243, Nicolo, J.C.P., 1989, II, 21371 ; R.F.D.A., 1989, p. 824,
GENEVOIS Bruno ; R.F.D.A., p. 993, FAVOREU Louis ; R.F.D.A., p. 1000, note DUBOUIS
Louis ; A.J.D.A, 1989, p. 756, chr. HONORAT Edmond et BAPTISTE Éric ; A.J.D.A, 1989,
p. 788, note SIMON Denys ; R.T.D.Eur., 1989, p. 787, ISAAC Guy ; R.G.D.I.P., 1989, p. 91,
note BOULOUIS Nicolas ; L.P.A., 15 novembre 1989, note GRUBER ; L.P.A., 11 décembre
1989, comm. LEBRETON Gilles ; L.P.A., 7 février 1990, comm. FLAUSS Jean-François ;
J.C.P., 1990, I, 3429, comm. CALVET Hugues ; D., 1990, chr. KOVAR Robert, p. 57 et note
SABOURIN Paul ; Pour l’application par le Conseil d’État de la Convention à l’encontre de la
loi postérieure : CE, Ass., 21 décembre 1990, Confédération nationale des associations familiales
catholiques et autres, Rec. p. 368.
462
Expression de monsieur Bernard STIRN.
463
Entendue comme la possibilité pour les particuliers de s’en prévaloir utilement devant le juge
national, non seulement à l’encontre des dispositions normatives de droit interne, mais aussi
directement à l’encontre d’actes individuels.
464
Voir en ce sens ABRAHAM Ronny, « L’applicabilité directe de la Convention devant la
juridiction administrative », R.U.D.H., 1991, p. 275 ; FLAUSS Jean-François, « Le juge
administratif français et la Convention européenne des droits de l’homme », A.J.D.A.,
20 juillet / 20 août 1983, p. 387, plus précisément p. 387 et suivantes ; SERMET Laurent,
Convention européenne des droits de l’homme et contentieux administratif, Economica, Centre
d'Études et de Recherches Internationales et Communautaires - Université d'Aix-Marseille III,
1999, p. 2.
465
D’une part, la Convention européenne a été incorporée dans l’ordre juridique interne en vertu de
l’article 55 de la Constitution. D’autre part, il est également admis que ses stipulations présentent
un caractère « auto-suffisant » pour créer des droits au profit des particuliers.
- 139 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
466
ABRAHAM Ronny, « L’applicabilité directe de la Convention devant la juridiction
administrative », R.U.D.H., 1991, p. 275 ; Voir également M. SAUVE Jean-Marc, « Le Conseil
d’État et l’application de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des
libertés fondamentales », Intervention prononcée dans le cadre du colloque sur Les 60 ans de la
Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales,
Colloque organisé par l’Université de Paris 3 Sorbonne nouvelle, Sénat, 9 avril 2010.
467
PACTEAU Bernard, « Le juge administratif français et l’interprétation européenne », in
L’interprétation de la Convention européenne des droits de l’homme. Actes du colloque des 13 et
14 mars 1998, SUDRE Frédéric (dir.), Bruylant, 1998, p. 257.
468
PACTEAU Bernard, « Le juge administratif français et l’interprétation européenne », in
L’interprétation de la Convention européenne des droits de l’homme. Actes du colloque des 13 et
14 mars 1998, SUDRE Frédéric (dir.), Bruylant, 1998, p. 257.
469
PACTEAU Bernard, « Le juge administratif français et l’interprétation européenne », in
L’interprétation de la Convention européenne des droits de l’homme. Actes du colloque des 13 et
14 mars 1998, SUDRE Frédéric (dir.), Bruylant, 1998, p. 254.
470
PACTEAU Bernard, « Le juge administratif français et l’interprétation européenne », in
L’interprétation de la Convention européenne des droits de l’homme. Actes du colloque des 13 et
14 mars 1998, SUDRE Frédéric (dir.), Bruylant, 1998, p. 254.
471
Cité par ROUSSEAU Charles, Traité de Droit international public, 1970, t. I, Paris, Sirey,
p. 269.
- 140 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
- 141 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
SECTION 1
Nos précédents développements 472 nous ont permis de démontrer que dans les
jurisprudences européenne et judiciaire, la qualité de tribunal d’un organe n’est pas, en
principe 473, une condition de l’applicabilité de l’article 6 C.E.D.H., mais une conséquence
de cette applicabilité.
Comme l’a justement expliqué madame le professeur Anne-Marie Frison-Roche,
dans l'esprit du droit européen, « on analyse la situation effective de la personne qui se
trouve en face de l'organe, et ce qui est susceptible de lui arriver; si la décision prise « fait
mal » et ne se justifie pas par la réparation d'un préjudice, on appelle cela une sanction et
par conséquent, on déclenche l'article 6. Le fait que l'organisme ait tel ou tel statut
n'interfère pas. Du coup, ces droits européens sont en quelque sorte archaïques puisqu'ils
font l'économie des qualifications, mais ils sont aussi extrêmement efficaces. »474
En d’autres termes, lorsque la Cour de Strasbourg s’interroge sur le point de
savoir si un organisme peut être regardé comme un « tribunal au sens de »,
l’applicabilité de l’article 6 § 1 a déjà été préalablement admise.
472
Voir Partie 1, Chapitre 1, Section 1, I.
473
Seul un arrêt s’est distingué de cette ligne jurisprudentielle. Dans sa décision « Didier
c/ France » du 27 août 2002, la Cour de Strasbourg a, en effet, qualifié le conseil des marchés
financiers de tribunal au sens de l’article 6, puis a vérifié que la procédure suivie devant lui se
conformait à l’article 6. Certains auteurs ont ainsi relevé le caractère mouvant de la
jurisprudence européenne. Il n’en demeure pas moins que cette solution singulière demeure
isolée.
474
FRISON-ROCHE Marie-Anne, « Les autorités de régulation confrontées à la Convention
européenne des droits de l'homme », L.P.A., 10 février 1999, n o 29, p. 17.
- 142 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
Une autre condition est, en effet, exigée et, même, examinée prioritairement par
le juge administratif. Elle tient à la nature de l’organisme à l’encontre duquel est
soulevé le moyen tiré de la méconnaissance du droit au procès équitable (I).
- 143 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
Les formulations employées par les hauts magistrats n’ont cessé d’évoluer au
fil des années pour exprimer, de plus en plus explicitement, l’importance accordée au
critère organique dans la détermination de l’applicabilité de cette stipulation.
475
BONICHOT Jean-Claude, « L’application de l’article 6 § 1 de la C.E.D.H. aux autorités de
régulation : la position du Conseil d’État », L.P.A., no 94, 11 mai 2000, p. 3.
476
BONICHOT Jean-Claude, « L’application de l’article 6 § 1 de la C.E.D.H. aux autorités de
régulation : la position du Conseil d’État », L.P.A., no 94, 11 mai 2000, p. 3.
- 144 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
En 1983 477, dans un arrêt « Société Arthur Martin », le Conseil d’État déclare
inopérant le moyen tiré de la violation du droit au procès équitable, soulevé à
l’encontre de l’article 14 du décret du 25 octobre 1977, aux termes duquel « les
séances de la commission de la concurrence et celles de ses sections ne sont pas
publiques ». Pour parvenir à une telle solution, les hauts magistrats se bornent à
signaler que la procédure en vigueur devant la commission est « une procédure
administrative et non une procédure pénale ».
L’arrêt « Lecun » 479, rendu en Assemblée le 1er mars 1991, est quant à lui
beaucoup moins explicite.
477
CE 27 avril 1983, no 23485, Société Arthur Martin.
478
CE 10 mai 1989, no 64127, Boublil.
479
CE, Ass., 1 er mars 1991, n o 112820, Lecun, Rec., p. 70 ; R.F.D.A., 1991, p. 612, concl. M. DE
SAINT-PULGENT ; A.J.D.A., 1991, p. 401, chr. SCHWARTZ René et MAUGÜE Christine.
- 145 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
L’arrêt « Hade et Compagnie », rendu le 15 avril 1992 480 est, à cet égard,
significatif. Les hauts magistrats y énoncent que « les dispositions de l'article 6-1 de
la Convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales, sont
applicables aux seules procédures contentieuses suivies devant les juges statuant en
matière pénale ou tranchant des contestations sur les droits et obligations de
caractère civil » et en déduisent que « le moyen tiré de la violation par
l'administration de ces dispositions doit être écarté comme inopérant ».
480
CE, 15 avril 1992, n o 65563, Hade et Compagnie.
481
CE, Avis, Sect., 31 mars 1995, n o 164008, SARL Auto-Industrie Méric, Rec., p. 154 ; A.J.D.A.,
1995, p. 480 ; A.J.D.A., p. 739, note DREIFUSS Muriel ; R.F.D.A., 1995, p. 1172, chr.
- 146 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
Les arrêts qui ont suivi ont pérennisé cette formulation 482. Celle-ci apparaît
désormais comme une « motivation de principe », s’agissant de la question de
l’applicabilité de l’article 6 C.E.D.H. aux autorités administratives.
LABAYLE Henri et SUDRE Frédéric ; R.J.F., 5/95, n o 623, p. 326, concl. ARRIGHI DE
CASANOVA Jacques.
482
CE, 11 mai 2011, n o 334654, M. Sharif A, à propos de la procédure suivie par la commission de
recours contre les décisions de refus de visas d’entrée en France : « considérant que les
stipulations de l’article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et
des libertés fondamentales ne sont applicables qu'aux procédures contentieuses suivies devant
les juridictions lorsqu'elles statuent sur des droits et obligations de caractère civil ou sur des
accusations en matière pénale et non aux procédures administratives ; (…) » ; CE, 7 août 2008,
n o 310220, Fédération chrétienne des témoins de Jéhovah de France, à propos d’une décision de
la mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires : « Il résulte du
texte même de l’article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et
des libertés fondamentales, que l'ensemble de ses stipulations n'est applicable qu'aux procédures
contentieuses suivies devant les juridictions lorsqu'elles statuent sur des droits et obligations de
caractère civil ou sur des accusations en matière pénale ;(…) ».
483
GUYOMAR Mattias, « Le principe vu par le Conseil d’État », A.J.D.A., 20 juin 2001 p. 518, et
plus précisément p. 520.
- 147 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
484
CE, 11 juillet 2012, n o 347146, Section française de l'observatoire international des prisons.
485
SCHOETTL Jean-Éric et HUBAC Sylvie, « La publicité des débats devant les juridictions
disciplinaires », A.J.D.A., 20 octobre 1984, p. 539, et plus précisément p. 543 ; BRISSON Jean-
François, « Les pouvoirs de sanction des autorités de régulation et l’article 6 § 1 de la
Convention européenne des droits de l’homme », A.J.D.A., 20 novembre 1999, p. 847 ;
GUYOMAR Mattias, « Le principe vu par le Conseil d’État », A.J.D.A., 20 juin 2001, p. 518.
486
MILANO Laure, « Le contentieux de la régulation administrative », in L’extension des garanties
du procès équitable hors les juridictions ordinaires : les contraintes européennes, Institut de
droit européen des droits de l’homme, Avril 2002, SUDRE Frédéric (dir.), p. 64 à p. 87, plus
précisément p. 74 à p. 78 ; ETOA Samuel et MOULIN Jean-Marc, « L’application de la notion
conventionnelle de procès équitable aux autorités administratives indépendantes en droit
économique et financier », C.R.D.F., n o 1, 2002, p. 48, plus précisément p. 53 ; ZAVOLI
Philippe, « L’emprise de la Convention européenne des droits de l’homme sur les autorités de
régulation ou le jeu des apparences », J.C.P. Cahiers de Droit de l’entreprise, n o 2, 2004, p. 6 et
plus précisément, p. 9 ; BRISSON Jean-François, « Les pouvoirs de sanction des autorités de
régulation et l’article 6 § 1 de la Convention européenne des droits de l’homme », A.J.D.A., 20
novembre 1999, p. 847 et plus précisément, p. 852.
- 148 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
Ces opinions révèlent, selon nous, une confusion entre deux notions pourtant
bien différenciées dans la jurisprudence européenne : d’une part, celle relative à
l’applicabilité de l’article 6 C.E.D.H. et, d’autre part, celle portant sur l’application
des garanties du procès équitable.
487
BONICHOT Jean-Claude, « Interview : l'application de l'article 6 § 1 de la C.E.D.H. aux
autorités de régulation : la position du Conseil d'État », L.P.A., n o 11, janvier 1999, p. 10.
488
Mattias GUYOMAR, « Le droit au juge indépendant et impartial en matière administrative. Le
principe vu par le Conseil d’État », in Variations autour d’un droit commun, Mireille DELMAS-
MARTY, Xavier DIJON, Bénédicte FAUVARQUE-COSSON, Rosalind GREENSTEIN, Jean-
Louis HALPERIN, Marie-Laure IZORCHE, Christophe JAMIN, Otto PFERSMANN, Société de
Législation Comparée, 2001, p. 71.
489
LAURÉOTE Xavier, « Le procès équitable devant le juge administratif français », in Procès
équitable et enchevêtrement des espaces normatifs : Travaux de l'atelier de droit international
de l'UMR de Droit comparé de Paris, Hélène RUIZ FABRI (dir.), Société de législation
comparée, 1 er mai 2003, p. 89, et plus précisément, p. 91 et p. 92.
- 149 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
490
CEDH, 23 juin 1981, n os 6878/75 ; 7238/75, Le Compte, Van Leuven et De Meyere c/ Belgique,
§ 51, G.A.C.E.D.H., 5 ème éd., 2009, p. 218 ; C.D.E., 1982, p. 201, COHEN-JONATHAN Gérard ;
J.D.I., 1982, p. 216, ROLLAND Patrice.
- 150 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
Bien que l’opposition entre le Conseil d’État et la Cour de Strasbourg est donc
plus nuancée qu’il n’y paraît, elle n’en demeure pas moins réelle. La question qui se
pose est celle du bien-fondé de cette interprétation de l’article 6 § 1 C.E.D.H., suivie
isolément par le juge administratif, mêlant considérations matérielles et organiques.
491
Cet aspect fera l’objet de développements ultérieurs.
492
CE, Ass., 3 décembre 1999, n o 207434, Didier, Rec., p. 399 ; A.J.D.A., 2000, p. 130, obs.
GUYOMAR Mattias et COLLIN Patrick ; J.C.P., éd. gén., 2000, II, 10267, note SUDRE
Frédéric ; R.F.D.A., 2000, p. 584, conclusions Alain SEBBAN ; R.F.D.A., 2000, p. 1061, note
SERMET Laurent.
493
PACTEAU Bernard, « Le juge administratif français et l’interprétation européenne », in
L’interprétation de la Convention européenne des droits de l’homme. Actes du colloque des 13 et
14 mars 1998, SUDRE Frédéric (dir.), Bruylant, 1998, p. 258.
- 151 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
Cette impression est d’autant plus forte que certains auteurs 495 se sont attachés
à mettre en évidence l’autorité de chose interprétée des arrêts rendus par la Cour de
494
PACTEAU Bernard, « Le juge administratif français et l’interprétation européenne », in
L’interprétation de la Convention européenne des droits de l’homme. Actes du colloque des 13 et
14 mars 1998, SUDRE Frédéric (dir.), Bruylant, 1998, p. 261.
495
VAN DER MEERSCH Ganshof, « Aspects de la mise en œuvre d’une sauvegarde collective des
droits de l’homme en droit international. La Convention européenne des droits de l’homme », in
Mélanges Dehousse, Paris-Bruxelles, Nathan-Labor, 1979, p. 199 ; ANDRIANTSIMBAZOVINA
Joël, L'autorité des décisions de justice constitutionnelles et européennes sur le juge
administratif français, Paris, L.G.D.J., 1998, p. 987-989 ; GUINCHARD Serge,
DELICOSTOPOULOS Constantin-S, DOUCHY-OUDOT Mélina, FERRAND Frédérique, Droit
processuel : droit commun et droit comparé du procès équitable, Dalloz, 2007, p. 223, n o 128 ;
MARCUS-HELMONS Silvio, note sur Cour de cassation Belgique 21 janvier 1982, C.D.E.,
1983, p. 347 ; SUDRE Frédéric, « L’influence de la Convention européenne des droits de
l’homme sur l’ordre juridique interne », R.U.D.H., 1991, p. 259 ; DELICOSTOPOULOS Ionnis
- 152 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
Bien que ces éléments puissent certainement rendre les juges internes plus
réceptifs à l’égard de la lecture européenne, ils ne nous semblent pas suffisants, d’un
strict point de vue juridique, à les contraindre dans leur interprétation. La thèse de
l’effet erga omnes de l’interprétation donnée par la Cour se heurte, en effet, à de
profondes objections déjà mises en exergue par les tenants 497 du pouvoir
d’interprétation souverain du juge administratif. Soulignons, sur ce point, que le juge
administratif reste maître de son interprétation dès lors qu’il n’existe pas, dans le
système de la Convention européenne des droits de l’homme, de mécanisme de renvoi
préjudiciel en interprétation. En outre, la Cour de Strasbourg, n’est pas le juge ultime
d’appel ou de cassation des arrêts des juges nationaux et donc ne peut pas être
considérée comme leur juge supérieur ou suprême.
Ces deux arguments ont été largement repris par les hauts magistrats de l’ordre
administratif qui ne s’estiment nullement liés par les solutions européennes 498.
S., Un pouvoir de « pleine juridiction » pour la Cour européenne des droits de l’homme, Harvard
Jean Monnet Working Paper, série 8/1998, nos 9-10.
496
SUDRE Frédéric, « L’influence de la Convention européenne des droits de l’homme sur l’ordre
juridique interne », R.U.D.H., 1991, p. 264.
497
DUMON Frédéric, concl. sur Cass., 21 janvier 1982, Journ. Trib., 1982, p. 438-446 ; CHAPUS
René, Droit du contentieux administratif, Montchrestien, 7 ème éd., 1997, n os 145 et suivants ;
RIGAUX François, « L’interprétation judiciaire d’une norme empruntée à un autre ordre
juridique. À propos des arrêts du 21 janvier 1982 », Liber Amicorum Frédéric Dumon, Anvers,
1983, p. 1211 ; PACTEAU Bernard, « Le juge administratif français et l’interprétation
européenne », p. 262 et suivantes, in L’interprétation de la Convention européenne des droits de
l’homme. Actes du colloque des 13 et 14 mars 1998, SUDRE Frédéric (dir.), Bruylant, 1998.
498
LABETOULLE Daniel, concl., sur CE, 27 octobre 1978, Debout, Rec., p. 395 ; GENEVOIS
Bruno, concl. sur CE, Ass., 11 juillet 1984, n o 41744, Subrini, Rec., p. 259 ; ARRIGHI DE
CASANOVA Jacques, concl. sur CE, Avis, Sect., 31 mars 1995, n o 164008, Ministre du Budget
c/ Méric ; BACHELIER Gilles, concl. sur CE, 24 novembre 1997, Ministre de l’Économie et des
Finances, Droit fiscal, 1998, n o 8, p. 277-280.
- 153 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
499
PACTEAU Bernard, « Le juge administratif français et l’interprétation européenne », in
L’interprétation de la Convention européenne des droits de l’homme. Actes du colloque des 13 et
14 mars 1998, SUDRE Frédéric (dir.), Bruylant, 1998, p. 259 ; VELU Jacques, « A propos de
l’autorité jurisprudentielle des arrêts de la cour européenne des droits de l’homme : vues de droit
comparé sur des évolutions en cours », Nouveaux itinéraires en droit. Hommage à François
Rigaux, Bruylant, 1993, p. 527 à p. 562.
500
GENEVOIS Bruno, concl. sur CE, Ass., 11 juillet 1984, n o 41744, Subrini.
501
Article 5 du Code civil : Il est défendu aux juges de prononcer par voie de disposition générale et
réglementaire sur les causes qui leur sont soumises.
502
Cour permanente de justice internationale, affaire des minorités allemandes en Haute Silésie -
série A/B n o 40 p. 19 et article 63 du statut de la Cour internationale de justice : « 1. Lorsqu'il
s'agit de l'interprétation d'une convention à laquelle ont participé d'autres États que les parties
en litige, le Greffier les avertit sans délai. 2. Chacun d'eux a le droit d'intervenir au procès et,
s'il exerce cette faculté, l'interprétation contenue dans la sentence est également obligatoire à
son égard. »
503
Article 32 : « 1. La compétence de la Cour s'étend à toutes les questions concernant
l'interprétation et l'application de la Convention et de ses Protocoles qui lui seront soumises dans
les conditions prévues par les articles 33, 34, 46 et 47. 2. En cas de contestation sur le point de
savoir si la Cour est compétente, la Cour décide. »
504
Article 41 : « Si la Cour déclare qu'il y a eu violation de la Convention ou de ses Protocoles, et si
le droit interne de la Haute Partie contractante ne permet d'effacer qu'imparfaitement les
conséquences de cette violation, la Cour accorde à la partie lésée, s'il y a lieu, une satisfaction
équitable. »
- 154 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
mettent en exergue l’article 46 505 de la Convention, qui pose l’obligation pour les
Hautes Parties contractantes de se conformer aux décisions de la Cour, mais
uniquement, « dans les litiges auxquels elles sont parties ». Enfin, ils constatent que
les juridictions nationales qui ont eu à se prononcer, ont tranché implicitement ou
expressément dans le sens de l’effet relatif des arrêts de la Cour de Strasbourg 506. Le
Conseil d’État n’apporte ainsi aucun crédit significatif à la théorie de l’autorité de la
chose interprétée par la Cour. Dès lors, on saisit mieux comment le juge administratif
s’autorise à se détacher de la lecture européenne.
505
Article 46 : « 1. Les Hautes Parties contractantes s'engagent à se conformer aux arrêts
définitifs de la Cour dans les litiges auxquels elles sont parties. 2. L'arrêt définitif de la Cour
est transmis au Comité des Ministres qui en surveille l'exécution. 3. Lorsque le Comité des
Ministres estime que la surveillance de l’exécution d’un arrêt définitif est entravée par une
difficulté d’interprétation de cet arrêt, il peut saisir la Cour afin qu’elle se prononce sur cette
question d’interprétation. La décision de saisir la Cour est prise par un vote à la majorité des
deux tiers des représentants ayant le droit de siéger au Comité. 4. Lorsque le Comité des
Ministres estime qu’une Haute Partie contractante refuse de se conformer à un arrêt définitif
dans un litige auquel elle est partie, il peut, après avoir mis en demeure cette partie et par
décision prise par un vote à la majorité des deux tiers des représentants ayant le droit de siéger
au Comité, saisir la Cour de la question du respect par cette partie de son obligation au regard
du paragraphe 1. 5. Si la Cour constate une violation du paragraphe 1, elle renvoie l’affaire au
Comité des Ministres afin qu’il examine les mesures à prendre. Si la Cour constate qu’il n’y a
pas eu violation du paragraphe 1, elle renvoie l’affaire au Comité des Ministres, qui décide de
clore son examen ».
506
Cour de Cassation de Belgique, 21 janvier 1982, C.D.E., 1983, p. 347 ; Cour Suprême
d’Autriche, 17 février 1982, J. Dr. Int., 1983, p. 619.
507
Cass. Crim., 3 février 1993, n o 92-83443, Kemmache, Bull. Crim., n o 57, p. 132 ; Cass. Crim.,
4 mai 1994, n o 93-84547, Saïdi, Bull. Crim., n o 166, p. 381 ; J.C.P., 1994, II, 22349, note
CHAMBON Pierre ; D., 1995, J., p. 80 et suivantes, note RENUCCI Jean-François.
508
GUINCHARD Serge, « Application de la CEDH par le juge judiciaire », Rapport au colloque
organisé par l’Université Panthéon-Assas, Paris II et l’Institut Alain Poher au Sénat, à l’occasion
du XXV ème anniversaire de la ratification, par la France, de la Convention européenne des droits
de l’homme, publié à la Revue Europe, n o hors-série, octobre 1999, p. 15.
- 155 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
Selon les rares auteurs qui ont approfondi la question, il ne s’agit là que d’une
position symbolique destinée à préserver l’autonomie de la juridiction
administrative 511, son indépendance juridictionnelle, « face à une juridiction
européenne qui se livre à une interprétation des traités parfois exagérément
créatrice. » 512
509
MILANO Laure, « Le contentieux de la régulation administrative », in L’extension des garanties
du procès équitable hors les juridictions ordinaires : les contraintes européennes, Institut de
droit européen des droits de l’homme, Avril 2002, SUDRE Frédéric (dir.), p. 74 à p. 78 ;
GUINCHARD Serge, DELICOSTOPOULOS Constantin-S, DOUCHY-OUDOT Mélina,
FERRAND Frédérique, Droit processuel : Droit commun et droit comparé du procès équitable,
Dalloz, 2007, p. 229, n o 131.
510
FLAUSS Jean-François, « Dualité des ordres de juridiction et CEDH », in Mélange en l’honneur
de Jean Waline, p. 538 ; ZAVOLI Philippe, « L’emprise de la Convention européenne des droits
de l’homme sur les autorités de régulation ou le jeu des apparences », J.C.P. Cahiers de Droit de
l’entreprise, no 2, 2004, p. 6 et plus précisément, p. 9.
511
SCHOETTL Jean-Éric et HUBAC Sylvie, « La publicité des débats devant les juridictions
disciplinaires », A.J.D.A., 20 octobre 1984, p. 539, plus précisément p. 543 ; PACTEAU Bernard,
« Le juge administratif français et l’interprétation européenne », in L’interprétation de la
Convention européenne des droits de l’homme. Actes du colloque des 13 et 14 mars 1998,
SUDRE Frédéric (dir.), Bruylant, 1998, p. 258 ; ANDRIANTSIMBAZOVINA Joël, R.F.D.A.,
septembre - octobre. 1998, p. 978.
512
SCHOETTL Jean-Éric et HUBAC Sylvie, « La publicité des débats devant les juridictions
disciplinaires », A.J.D.A., 20 octobre 1984, p. 539, plus précisément p. 543.
- 156 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
fondamentaux, où les juges nationaux ont, eux acquis des titres historiques en
rendant concrètement cette justice, au quotidien depuis deux siècles » 513.
513
PICARD Etienne, « La juridiction administrative et les exigences du Procès équitable », in Le
droit français et la Convention européenne des droits de l'homme 1974-1992. Actes du colloque
de Montpellier, février 1993, Strasbourg, éd. N.P. Engel, 1994, p. 217.
514
Voir, par exemple, l’intervention de M. Jean-Marc SAUVE prononcée dans le cadre de la
Conférence nationale des présidents des juridictions administratives, à Bordeaux le vendredi
10 septembre 2010, sur La justice administrative à l’aube de la décennie 2010 : quels enjeux ?
Quels défis ?
515
SUDRE Frédéric, « L’influence de la Convention européenne des droits de l’homme sur l’ordre
juridique interne », R.U.D.H., 1991, p. 259, plus précisément p. 262.
516
PICARD Etienne, « La juridiction administrative et les exigences du Procès équitable », in Le
droit français et la Convention européenne des droits de l'homme 1974-1992. Actes du colloque
de Montpellier, février 1993, Strasbourg, éd. N.P. Engel, 1994, p. 217, plus précisément p. 221 à
p. 222 ; voir également en ce sens, PACTEAU Bernard, « Le juge administratif français et
l’interprétation européenne », in L’interprétation de la Convention européenne des droits de
l’homme. Actes du colloque des 13 et 14 mars 1998, SUDRE Frédéric (dir.), Bruylant, 1998,
p. 258.
- 157 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
pour excès de pouvoir, en ont fait sa gloire en Europe et dans une partie du monde.
Ainsi, la Haute assemblée a été non pas, certes, la mère de l’État de droit, mais, si
l’on ose dire, sa jeune nourrice, attentionnée et toujours vigilante, qui a atteint en
même temps que lui une certaine maturité et qui l’a conduit jusqu’à ce que le Conseil
constitutionnel prenne le relais pour l’amener à un perfectionnement dont elle savait,
non sans amertume, qu’elle n’était pas en mesure de lui procurer. » Par suite, la
lecture particulièrement généreuse proposée par la Cour de Strasbourg des conditions
d’applicabilité de l’article 6 C.E.D.H., a pu faire craindre à la haute juridiction
administrative, « soucieuse de ménager son propre rôle historique de maître d’œuvre
du droit public en France » 517, une dévalorisation de son action jurisprudentielle en
matière de protection des droits des administrés et consécutivement de sa
prééminence d’antan.
517
PACTEAU Bernard, « Le juge administratif français et l’interprétation européenne », in
L’interprétation de la Convention européenne des droits de l’homme. Actes du colloque des 13 et
14 mars 1998, SUDRE Frédéric (dir.), Bruylant, 1998, p. 258.
518
PICARD Etienne, « La juridiction administrative et les exigences du Procès équitable », in Le
droit français et la Convention européenne des droits de l'homme 1974-1992. Actes du colloque
de Montpellier, février 1993, Strasbourg, éd. N.P. Engel, 1994, p. 217, plus précisément p. 227.
519
Voir en ce sens : SAUVE Jean-Marc, « Le Conseil d’État et l’application de la Convention
européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales », intervention
prononcée à l’occasion du Colloque organisé au Sénat le 9 avril 2010 sur Les 60 ans de la
Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;
SUDRE Frédéric, « L’influence de la Convention européenne des droits de l’homme sur l’ordre
juridique interne », R.U.D.H., 1991, numéro spécial sur « Le juge administratif français et la
CEDH », p. 266.
- 158 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
520
BONICHOT Jean-Claude, « Interview : l'application de l'article 6 § 1 de la C.E.D.H. aux autorités de
régulation : la position du Conseil d'État », L.P.A., no 11, janvier 1999, p. 10.
521
BONICHOT Jean-Claude, « Interview : l'application de l'article 6 § 1 de la C.E.D.H. aux autorités de
régulation : la position du Conseil d'État », L.P.A., no 11, janvier 1999, p. 10 ; Voir également :
BRISSON Jean-François, « Les pouvoirs de sanction des autorités de régulation et l’article 6 § 1 de la
Convention européenne des droits de l’homme », A.J.D.A., 20 novembre 1999, p. 847 et plus
précisément, p. 853.
522
DE SILVA Isabelle, conclusions sur CE, 7 décembre 2005, n os 270424, 270425, 270426, 270427,
270428, 270429, Société RYAN AIR, Rec., p. 554.
- 159 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
Les premiers arrêts rendus par le Conseil d’État mettent clairement en exergue
l’exigence du critère matériel comme condition d’applicabilité du droit au procès équitable.
Ainsi, quatre ans après la ratification de la Convention européenne par la France, la
haute juridiction administrative a été invitée, pour la première fois, à se prononcer sur
l’applicabilité de l’article 6 § 1 C.E.D.H. à la procédure disciplinaire suivie par le Conseil
national de l’Ordre des médecins. Selon le requérant, la mesure litigieuse avait été prise en
méconnaissance de l’article 6 C.E.D.H., compte tenu de l’absence de publicité des
audiences devant cet organisme juridictionnel. Le Conseil d’État rejette cet argument dans
- 160 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
523
CE, Sect., 27 octobre 1978, Debout, précité. Voir également : CE, 14 janvier 1980, Putot ; CE,
28 janvier 1981, Wetzel ; CE, 20 avril 1984, M. Pye André ; CE, Ass., 11 juillet 1984, no 41744,
Subrini, précité.
524
CE, 21 mars 1980, M. Pebre ; CE, 28 mars 1980, M. Glodt ; CE, 25 avril 1980, M. Deselle.
- 161 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
C.E.D.H. ne se limite pas aux seuls litiges susceptibles d’être tranchés par les juridictions
civiles ou pénales.
Il est vrai que la rédaction de l’arrêt « Debout » précité ne manifeste pas avec
évidence l’opposition entre le Conseil d’État et la Cour de Strasbourg sur le contenu
des notions de « contestation sur des droits et obligations de caractère civil » et
d’« accusation en matière pénale ».
525
CEDH, 8 juin 1976, n os 5100/71, 5101/71, 5102/71, 5354/72, 5370/72, Engel et autres c/ Pays-
Bas, précité.
526
CEDH, 16 juillet 1971, n o 2614/65, Ringeisen c/ Autriche, précité.
- 162 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
Cour de Strasbourg ne s’était pas encore prononcée sur le caractère civil de certaines
mesures disciplinaires.
Par conséquent, le Conseil d’État ne pouvait plus juger, sauf à manifester son
indifférence à l’égard des solutions européennes relatives à l’autonomie des matières
civile et pénale, que les mesures disciplinaires, portant sur le droit d’exercer une
profession, n’impliquent pas l’applicabilité de l’article 6 C.E.D.H., sous l’angle civil.
Pourtant, les arrêts « M. Pye » 529 et « M. Subrini » 530, rendus respectivement le 20
avril et le 11 juillet 1984, et relatifs à une radiation du tableau ainsi qu’à une peine de
suspension de trois mois prises par le Conseil national de l’Ordre des médecins,
reprennent à l’identique la motivation utilisée dans la décision « Debout » et écartent
l’applicabilité de l’article 6 C.E.D.H.
527
CEDH, 23 juin 1981 nos 6878/75 et 7238/75, Le Compte, Van Leuven et de Meyer c/ Belgique,
précité, § 42.
528
Cass. Civ. 1 ère, 10 janvier 1984, no 82-16968, Me Renneman, Bull. Civ., I, n o 8, p. 6 ; Cass. Civ.
1 ère, 22 janvier 1985, no 84-10160, M. W., Bull. Civ., I, no 29, p. 28 ; Cass. Civ. 1 ère, 10 mars
1987, n o 84-17458, M. Haoro, Bull. Civ., I, n o 87, p. 64 ; Cass. Civ. 1 ère , 12 juillet 1989, n° 88-
12067, M. X., Bull. Civ., I, n o 288, p. 191.
529
CE, 20 avril 1984, n o 44288, M. Pye, précité.
530
CE, Ass., 11 juillet 1984, n o 41744, n o 41744, M. Subrini, précité.
- 163 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
Cette réticence manifeste des hauts magistrats quant à l’autonomie des notions
de matières « civile » et « pénale » ressort d’ailleurs clairement des conclusions
rendues par monsieur CHAHID-NOURAÏ sur l’arrêt Boisard du 28 septembre
1984 531. Se référant à l’arrêt « Subrini », il rappelle à la formation de jugement du
Conseil d’État : « vous avez jugé tout récemment que les termes utilisés par la
convention devaient être interprétés en cas de doute dans le sens qu’ils ont en France
et non dans un sens « autonome » comme l’estime la cour européenne des droits de
l’homme ».
Mais, dans les années 1990, cette préoccupation ne semble plus constituer un
obstacle dirimant. À cette époque, on constate, en effet, une volonté apparente du
Conseil d’État de manier son pouvoir autonome d’interprétation avec le souci, évoqué
par monsieur LABETOULLE, d’éviter, toute solution qui, d’une part, serait
531
CE, 28 septembre 1984, no 41335, Boisard, R.J.F., 11/1984, no 1367, p. 696.
532
Voir en ce sens, COHEN-JONATHAN Gérard, La Convention européenne des droits de
l’homme, Economica, 1989, p. 195 et p. 394 ; EISSEN Marc-André, Cour européenne des droits
de l’homme : jurisprudence relative à l’article 6 de la Convention, 1985 ; FLAUSS Jean-
François, « Le contentieux administratif français et l’article 6 (1) de la Convention européenne
des droits de l’homme. Perspectives ouvertes par l’arrêt H. c/ France du 24 octobre 1989 »,
L.P.A., 1989, n o 151, p. 10 et plus précisément, p. 13 ; WOEHRLING Jean-Marie, « Le juge
administratif français et les dispositions de la Convention européenne des droits de l’Homme
relatives aux accusations « en matière pénale », R.F.D.A., mai - juin 1994, p. 414 et suivantes.
- 164 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
Par leur décision d’Assemblée « Maubleu » 537 du 14 février 1996, qui admet
l’applicabilité de l’article 6 C.E.D.H. aux juridictions disciplinaires, les hauts
magistrats consacrent définitivement 538 la réception du concept européen de
533
Conclusions sur CE, Sect., 27 octobre 1978, Debout, précité.
534
CE, Avis, 31 mars 1995, précité.
535
CE, 2 juin 1989, n o 66604, de Saint Pern.
536
Même raisonnement s’agissant des amendes infligées par la Cour de discipline budgétaire
financière : CE, Sect., 30 octobre 1998, n o 203848, Lorenzi, Rec., p. 374 ; pour les amendes
infligées par la Cour des comptes : CE, 16 novembre 1998, n o 172820, SARL Deltana et
M. Perrin ; pour la contribution spéciale prévue par l’article L.341-7 du code du travail : CE,
Sect., 28 juillet 1999, n o 188.973, G.I.E. Mumm-Perrier-Jouët.
537
CE Ass., 14 février 1996, Maubleu, Rec., p. 34 ; R.F.D.A., 1996, p. 1186, concl.
SANSON Marc ; A.J.D.A., 1996, p. 403 et p. 358, chr. STAHL Jacques-Henri et CHAUVAUX
Didier ; J.C.P., 1996, éd. gén., II, 22669, note LASCOMBE Michel et VION Daniel ; A.J.D.A.,
1996, spéc., p. 378, FLAUSS Jean-François.
538
Confirmé par CE, 29 juillet 2002, n o 234591, M. Daniel B. : « les sanctions prononcées par la
chambre nationale de discipline des experts-comptables peuvent comporter l'interdiction
d'exercice de cette profession et sont susceptibles de porter ainsi atteinte à un droit de caractère
civil au sens des stipulations de l'article 6 § 1 de la convention précitée ; que, par suite, les
stipulations de cet article imposent le respect devant la chambre nationale de discipline des
experts-comptables du principe de publicité des décisions de justice ».
- 165 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
« contestation sur des droits et des obligations à caractère civil » et acceptent ainsi de
mettre un terme à cette « tradition juridique hostile à la publicité des débats devant
les juridictions disciplinaires » 539.
Quelques années plus tard, le Conseil d’État reconnaît dans un arrêt « Mme
Lambert » 540 qu’une contestation relative au droit d'un militaire de percevoir un
élément de sa rémunération, dont les conditions d'attribution sont fondées sur des
critères objectifs, porte sur des droits et obligations de caractère civil au sens de la
Convention.
Ce revirement de jurisprudence a été fort bien relayé par la doctrine qui a mis
en exergue « l’importance du chemin parcouru entre le moment où le Conseil d’État
refusait totalement et inlassablement l’approche européenne de la notion de droits et
obligations de caractère civil en matière disciplinaire et celui où il juge, à l’instar de
la Cour européenne des droits de l’homme, que les décisions des instances
disciplinaires des ordres professionnels sont susceptibles de porter atteinte à
l’exercice de pratiquer les professions concernées » 541.
539
HUBAC Sylvie et SCHOETTL Jean-Éric, chr. sur CE, Ass., 11 juillet 1984, Subrini, A.J.D.A.,
1984, p. 539 et suivantes et plus précisément, p. 543.
540
CE, Ass., 5 décembre 1997, n o 140032, Madame Lambert.
541
ANDRIANTSIMBAZOVINA Joël, « La fin d’une résistance du Conseil d’État de France à la
chose interprétée par la Cour européenne des droits de l’homme : l’application de l’article 6, 1°
de la convention européenne des droits de l’homme aux juridictions disciplinaires » , R.T.D.H.,
1998, n o 34, p. 365; Voir également : STIRN Bernard, « Le Conseil d’État et l’Europe »,
Mélanges en l'honneur de Guy Braibant, 1996, Paris, Dalloz, p. 668 et « Le droit à un procès
équitable », R.F.D.A., septembre – octobre 2000, p. 1062.
542
LAURÉOTE Xavier, « Le procès équitable devant le juge administratif », in Procès équitable et
enchevêtrement des espaces normatifs, Travaux de l'atelier de droit international de l'UMR de
droit comparé de Paris », RUIZ FABRI Hélène (dir.), 2003, p. 89, plus précisément p. 90 ;
GUYOMAR Mattias, « Le droit au juge indépendant et impartial en matière administrative. Le
- 166 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
En réalité, une telle évolution était somme toute prévisible. Plusieurs éléments
pouvaient, en effet, laisser présager ce rapprochement.
principe vu par le Conseil d’État, in Variation autour d’un droit commun : travaux
préparatoires, DELMAS-MARTY Mireille, DIJON Xavier, FAUVARQUE-COSSON Bénédicte,
GREENSTEIN Rosalind, HALPERIN Jean-Louis, IZORCHE Marie-Laure, JAMIN Christophe,
PFERSMANN Otto, p. 67, plus précisément p. 68 ; BRISSON Jean-François, « Les pouvoirs de
sanction des autorités de régulation et l’article 6 § 1 de la Convention européenne des droits de
l’homme. À propos d’une divergence entre le Conseil d’État et la Cour de cassation », A.J.D.A.,
20 novembre 1999, p. 847 et, plus précisément, p. 850.
543
LABETOULLE Daniel, concl. sur CE, Sect., 27 octobre 1978, Debout, précitées.
544
GENEVOIS Bruno, concl. sur CE, Ass., 11 juillet 1984, n o 41744, Subrini, précitées.
545
Voir en ce sens ANDRIANTSIMBAZOVINA Joël, « La fin d’une résistance du Conseil d’État de
France à la chose interprétée par la Cour européenne des droits de l’homme : l’application de
l’article 6, 1° de la convention européenne des droits de l’homme aux juridictions
disciplinaires », R.T.D.H., 1998, n o 34, p. 365 et, plus précisément, p. 370 ; WOEHRLING Jean-
Marie, « Le juge administratif français et les dispositions de la Convention européenne des droits
- 167 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
craindre. Le Conseil d’État s’est finalement rendu compte que « les garanties
attachées à l’article 6 n’étaient pas révolutionnaires, qu’elles ne bouleversaient pas
l’acquis jurisprudentiel et ne remettaient pas en cause la spécificité du procès
administratif » 546.
Enfin, comme l’on fait observer à juste titre certains auteurs 549, il ne faut pas
négliger l’influence du « dialogue des juges » dans le renversement de la
jurisprudence administrative sur la notion d’« accusation en matière pénale ». Dès
1982, le Conseil constitutionnel a en effet énoncé 550que « les principes posés par
l’article 8 de la Déclaration des droits de l’Homme et du Citoyen en matière pénale
de l’Homme relatives aux accusations « en matière pénale », R.F.D.A., mai - juin 1994, p. 414, et
plus précisément, p. 419.
546
THOMASSET-PIERRE Sylvie, L’autorité de régulation boursière face aux garanties
processuelles fondamentales, L.G.D.J., 2001, p. 154 ; WOEHRLING Jean-Marie, « Le juge
administratif français et les dispositions de la Convention européenne des droits de l’Homme
relatives aux accusations « en matière pénale », R.F.D.A., mai - juin 1994, p. 414 et plus
précisément, p. 419.
547
SANSON Marc, concl. sur CE, 14 février 1996, n o 132369, Maubleu ; GENEVOIS Bruno, concl.
sur CE, Ass., 11 juillet 1984, Subrini, précité ; ANDRIANTSIMBAZOVINA Joël, « La fin d’une
résistance du Conseil d’État de France à la chose interprétée par la Cour européenne des droits de
l’homme : l’application de l’article 6, 1° de la convention européenne des droits de l’homme aux
juridictions disciplinaires », R.T.D.H., 1998, p. 377 et suivantes.
548
PACTEAU Bernard, « Le juge administratif français et l’interprétation européenne », in L’interprétation
de la Convention européenne des droits de l’homme. Actes du colloque des 13 et 14 mars 1998, SUDRE
Frédéric (dir.), Bruylant, 1998, p. 258.
549
SERMET Laurent, « Bilan de la jurisprudence du Conseil d’État sur l’application de l’article 6
de la Convention européenne des droits de l’homme », R.F.D.A., septembre - octobre 1997,
p. 1013.
550
Décision no 82-155 DC du 30 décembre 1982.
- 168 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
ne concernent pas seulement les peines appliquées par les juridictions répressives,
mais s'étendent nécessairement à toute sanction ayant le caractère d'une punition,
même si le législateur a cru devoir laisser le soin de la prononcer à une autorité de
nature non judiciaire, sous réserve, en matière fiscale, des majorations de droits et
intérêts de retard ayant le caractère d'une réparation pécuniaire ». Dans une
décision du 29 décembre 1989, ils retiennent l’inconstitutionnalité d’une amende
fiscale encourue en cas de divulgation du montant du revenu d’une personne, dont le
mode de recouvrement n'astreint nullement au respect des droits de la défense 551.
La même solution 552 prévaut s’agissant de la création d’une taxe additionnelle sur les
tickets du pari-mutuel. Le 24 février 1994 553, la Cour de Strasbourg consacre
l’applicabilité de l’article 6 C.E.D.H. à une majoration d’impôt présentant un
caractère punitif, en la différenciant de pénalités visant la réparation pécuniaire d’un
préjudice.
Au fil des années, les relations entre le juge administratif français et la Cour de
Strasbourg se sont nettement apaisées. Cette évolution a d’ailleurs retenu l’attention
de l’ensemble des observateurs de la jurisprudence administrative. Tous ont ainsi pu
noter qu’« une paix qui est aussi un dialogue des juges nationaux et européens » s’est
551
Décision no 89-268 DC du 29 décembre 1989, R.J.F., 2/90, n o 195.
552
Décision no 90-285 DC du 28 décembre 1990, Recueil Conseil constitutionnel, p. 95.
553
CEDH, 24 février 1994, no 12547/86, Bendenoun c/ France, précité ; CEDH, 3 juin 2003,
n o 54559/00, Morel c/ France, R.J.F., 11/03, no 1337 ; CEDH, 23 novembre 2006, n o 73053/01,
Jussila c/ France, J.D.I., 2007, p. 709, obs. TOUZE Sébastien ; J.C.P., 2007, I, 106, nº 4,
obs. SUDRE Frédéric ; R.T.D.H., 2008, p. 239, obs. COSTEA Ioana.
554
Dès 1982, le Conseil constitutionnel applique les principes de l’article 8 de la D.D.H.C. à toute
sanction ayant le caractère d’une punition : Décision n o 82-155 DC du 30 décembre 1982, Rec.
p. 88. Or, les critères dégagés par le Conseil constitutionnel pour qualifier une mesure comme
ayant un caractère pénal rejoignent largement se consacrer par la Cour de Strasbourg. Sont pris
en compte, d’une part, l’objet et la gravité de la mesure, et, d’autre part, sa finalité punitive et
dissuasive.
- 169 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
555
PACTEAU Bernard, « Le juge administratif français et l’interprétation européenne », in L’interprétation
de la Convention européenne des droits de l’homme. Actes du colloque des 13 et 14 mars 1998, SUDRE
Frédéric (dir.), Bruylant, 1998, p. 258.
556
ANDRIANTSIMBAZOVINA Joël et SERMET Laurent, « Jurisprudence administrative et Convention
européenne des droits de l’homme », R.F.D.A., septembre - octobre 2004, p. 992.
- 170 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
SECTION 2
Sans aller jusque-là, il faut reconnaître que le juge administratif français tient
de plus en plus compte de la jurisprudence européenne.
557
PACTEAU Bernard, « Le juge administratif français et l’interprétation européenne », in L’interprétation
de la Convention européenne des droits de l’homme. Actes du colloque des 13 et 14 mars 1998, SUDRE
Frédéric (dir.), Bruylant, 1998, p. 258.
558
COSTA Jean-Paul, « Interview », A.J.D.A., 2007, p. 60.
- 171 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
559
CE, 4 avril 1999, nos 182421 et 184097, G.I.E. Oddo Futures.
- 172 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
décisions de sanction prises par cette même autorité administrative 560. Pour ce faire,
le Conseil d’État avait suivi la solution énoncée dans son célèbre avis du 31 mars
1995 « Ministre du Budget c/ SARL Auto-Industrie Méric » 561, selon lequel
« l’ensemble de ces stipulations n’est applicable qu’aux procédures contentieuses
suivies devant les juridictions lorsqu’elles statuent sur des droits et obligations de
caractère civil ou sur des accusations en matière pénale ».
560
CE, 4 mai 1998, no 164294, Société de bourse Patrice Wargny.
561
CE, Avis, Sect., 31 mars 1995, no 164008, SARL Auto-Industrie Méric, Rec., p. 154 ; A.J.D.A., 1995,
p. 480 ; A.J.D.A., p. 739, note DREIFUSS Muriel ; R.F.D.A., 1995, p. 1172, chr. LABAYLE Henri et
SUDRE Frédéric ; R.J.F., 5/95, no 623, concl. ARRIGHI DE CASANOVA Jacques, p. 326.
562
CE, Ass., 3 décembre 1999, no 207434, Jean-Louis Didier, R.F.D.A., 2000, p. 584, concl. SEBAN
Alain ; D., 2000, p. 62, obs. BOIZARD M.; A.J.D.A., 2000, p. 126, chr. GUYOMAR Mattias et
COLLIN Pierre ; R.A., 2000, no 313, p. 42, BRIERE J.-M., « L'arrêt Didier du 3 décembre 1999 : La
guerre de tranchées » ; Bulletin Joly Bourse et produits financiers, 2000, no 1, p. 29-38, comm.
BIENVENU PERROT Annick ; L.P.A., 11 mai 2000, no 94, p. 3, comm. BONICHOT Jean-Claude.
- 173 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
563
CE, 22 novembre 2000, no 207697, Société Crédit Agricole Indosuez Cheuvreux, Rec., p. 537.
564
SUDRE Frédéric, note, J.C.P., éd. gén., II, 10267, 2000, p. 509.
- 174 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
C’est également l’avis du professeur SERMET 565. D’après lui, « l’arrêt Didier
revient ainsi sur la séparation classique entre activité administrative et activité
juridictionnelle car, en abandonnant le critère organique, le Conseil d’État ne se
contente pas de renouveler les conditions d’applicabilité de l’article 6 ; il entame un
processus de juridictionnalisation partielle de l’activité administrative, qui consiste à
vérifier que l’article 6 est respecté durant la phase administrative. »
Tel est l’enseignement qui résulte de l’arrêt « Caisse de Crédit mutuel de Bain-
Trèsboeuf » 566, rendu le même jour que la décision « Didier ». En l’espèce, alors que
l’article 6 C.E.D.H., invoqué à l’encontre de la C.N.I.L., était matériellement
inapplicable pour défaut tant de la matière « civile » que de la matière « pénale », le
Conseil d’État préfère recourir au critère organique afin de déclarer cette stipulation
inopérante. Les hauts magistrats relèvent, en ce sens, que « la décision attaquée
n'émane pas d'un tribunal au sens de l'article 6-1 de la convention européenne de
sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ».
Dans une décision « Société Athis » 567 du 22 juin 2001, relative à une mesure
de retrait d’agrément prononcée par la Commission des opérations de bourse, le
Conseil d’État réitère sa formulation de principe résultant de l’avis « SARL Auto-
Industrie Méric ». Il énonce que « ces stipulations, sous réserve de ce qui a été dit ci-
dessus [en référence à l’applicabilité de l’article 6 C.E.D.H. lorsque l’autorité
565
SERMET Laurent, « Le droit à un procès équitable », R.F.D.A., 2000, p. 1060 et
particulièrement, p. 1062.
566
CE, Ass., 3 décembre 1999, n os 197060, 197061, Caisse de crédit mutuel de Bain-Trèsboeuf.
567
CE, 22 juin 2001, n o 193392, Société Athis.
- 175 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
568
Laure MILANO, « Le contentieux de la régulation administrative », in L’extension des garanties
du procès équitable hors les juridictions ordinaires : les contraintes européennes, Institut de
droit européen des droits de l’homme, avril 2002, SUDRE Frédéric (dir.), p. 83 : « on ne saurait
déduire de l’arrêt Didier que « l’invocabilité de l’article 6 § 1 ne repose plus sur la preuve du
critère organique et que la démonstration du critère matériel suffise dans tous les cas ».
569
Voir en ce sens : CE, 22 novembre 2000, n o 207697, Société crédit agricole Indosuez
Cheuvreux ; CE, 10 mai 2004, no 241587, Crédit du Nord ; CE, 6 janvier 2006, n o 279596,
Société Lebanese Communication Group ; CE, Sect., 27 octobre 2006, n os 276069, 277198 et
277460, Parent et autres ; CE, Sect., 26 juillet 2007, n o 293624, Sté Global Equities ; CE,
23 avril 2009, n os 314921, 314920, 314919, 314918, Compagnie Blue Line ; CE, 28 décembre
2009, n o 301654, M. Bernard.
- 176 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
570
À cet égard, il nous faut souligner notre désaccord avec la professeure Laure MILANO qui,
faisant sienne les observations formulées par messieurs COLLIN et GUYOMAR suite à l’arrêt
Didier, écrit que « pour que le moyen tiré de l’article 6 § 1 C.E.D.H. soit opérant, il faut, d’une
part, que l’organisme administratif à l’encontre duquel il est soulevé présente des
caractéristiques l’assimilant à une quasi-juridiction et, d’autre part, que le vice allégué soit de
nature à compromettre de manière irrémédiable la procédure » ( « Le contentieux de la
régulation administrative », in L’extension des garanties du procès équitable hors les juridictions
ordinaires : les contraintes européennes, Institut de droit européen des droits de l’homme, Avril
2002, SUDRE Frédéric (dir.), p. 83). Selon nous, cette analyse procède une fois de plus à une
confusion entre, d’une part, les critères d’applicabilité de l’article 6 C.E.D.H., qui déterminent le
caractère opérant de l’article 6 C.E.D.H., et, d’autre part, l’application des garanties du procès
équitable qui dépend de la reconnaissance préalable de l’invocabilité de cette stipulation. Cette
lecture peut également résulter d’une confusion entre la notion de « moyen rejeté car inopérant »
et celle de « moyen rejeté car non-fondé ». En effet, même si le vice allégué n’est pas de nature à
compromettre de manière irrémédiable la procédure, cela n’empêche pas le Conseil d’État de
reconnaître, au préalable, le caractère opérant de l’article 6 C.E.D.H. En revanche, cela le
conduira au rejet du moyen tiré de la violation du droit au procès équitable comme non fondé.
571
CE sect., 20 octobre 2000, Société Habib Bank Limited, Rec., p. 433 ; J.C.P., éd. gén., 2000, II,
no 10.459, LAMY François ; J.C.P., éd. gén., 2001, I, 104459, LOUVARIS Antoine ; A.J.D.A.,
2000, p. 1001, chr. GUYOMAR Mattias et COLLIN Pierre ; A.J.D.A., p. 1071, note SUBRA DE
BIEUSSES Pierre.
- 177 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
Avec la décision « Société Habib Bank Limited », le Conseil d’État opère une
distinction entre les deux notions. Plus précisément, il reconnaît désormais à la notion
de « tribunal » une signification autonome. Cette différenciation ressort d’ailleurs
clairement de l’arrêt « Lefebvre », du 6 novembre 2000 572. Il y est jugé : « lorsque la
section disciplinaire du Conseil national de l'Ordre des médecins se prononce, en
application de l'article L. 415 précité du code de la santé publique, en matière
d'inscription au tableau de l'ordre, elle prend une décision administrative et n'a le
caractère ni d'une juridiction ni d'un tribunal au sens du 1er paragraphe de
l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des
libertés fondamentales ».
572
CE, 6 février 2000, n o 196407, Lefebvre : « lorsque la section disciplinaire du Conseil national
de l'Ordre des médecins se prononce, en application de l'article L. 415 précité du code de la
santé publique, en matière d'inscription au tableau de l'ordre, il prend une décision
administrative et n'a le caractère ni d'une juridiction ni d'un tribunal au sens du 1er paragraphe
de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés
fondamentales ».
- 178 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
573
CE, 30 juillet 2003, n o 253973, Observatoire international des prisons, section française.
574
CE, 31 mars 2006, no 276605, Robert.
575
CE, 4 avril 2008, no 308561, Stade rennais football club.
576
CE, 16 juillet 2014, n o 358235.
577
TEITGEN-COLLY Catherine, « Sanctions administratives et autorités administratives
indépendantes », L.P.A., 17 janvier 1990, no 8, p. 25 ; AUTIN Jean-Louis, « Du juge
administratif aux autorités administratives indépendantes : un autre mode de régulation »,
R.D.P., septembre-octobre 1988, p. 1213, plus précisément p. 1217 ; SABOURIN Paul, « Les
autorités administratives indépendantes, une catégorie nouvelle », A.J.D.A., 20 mai 1983, p. 275 ;
POESY René, « La nature juridique de l’Autorité de la concurrence », A.J.D.A., 2 mars 2009,
p. 347 ; POCHARD Marcel, « Autorités administratives indépendantes et pouvoir de sanction »,
A.J.D.A., 20 octobre 2001, numéro spécial, p. 107 ; GAVALDA Christian et LUCAS DE
LEYSSAC Claude, « Commentaire de la loi du 30 décembre 1985 portant amélioration de la
concurrence. Fin ou lever de rideau ? », D., 1986, chr., p. 187 où les auteurs dénoncent
« l’inanité de la notion » ; HOLLEAUX A. , « Les nouvelles lois relatives à la liberté de
communication », L.P.A., 8 février 1987, où l’auteur affirme que la notion d’autorité
- 179 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
administrative indépendante « n’existe guère que pour les professeurs et les naïfs » ; PUTMAN
Emmanuel, Contentieux économique, P.U.F., 1998/177, qui dénonce « le règne de
l’ambiguïté » ; CHEVALLIER Jacques, « Réflexions sur l’institution des autorités
administratives indépendantes », J.C.P., 1986, I, 3254 et « Le statut des autorités administratives
indépendantes : harmonisation ou diversification », R.F.D.A., septembre-octobre 2010, p. 896 ;
GUEDON Marie-José, Les autorités administratives indépendantes, L.G.D.J., Coll. Systèmes,
1991, p. 7, selon laquelle la notion d’autorité administrative indépendante « n’en est pas moins
énigmatique du point de vue juridique ».
578
QUILICHINI Paul, « Réguler n’est pas juger. Réflexions sur la nature du pouvoir de sanction des
autorités de régulation économique. », A.J.D.A., 2004, p. 1060. Voir également en ce sens :
POCHARD Marcel, « Autorités administratives indépendantes et pouvoir de sanction », A.J.D.A.,
20 octobre 2001, numéro spécial, p. 107 ; EVEILLARD Gweltaz, « L’application de l’article 6
de la Convention européenne des droits de l’homme à la procédure administrative non
contentieuse », A.J.D.A., 22 mars 2010, p. 532
- 180 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
pas à y répondre 579. Le moyen tiré de la violation de l’article 6 C.E.D.H. était déclaré,
à leur égard, inopérant sur le fondement de la jurisprudence « SARL Auto-Industrie
Méric ».
Cette solution pouvait apparaître pour le moins étrange puisque comme l’a
justement fait remarquer le professeur EVEILLARD, « à l’instar des procédures
juridictionnelles civiles », les procédures civiles conduites devant les autorités
administratives indépendantes « ont pour objet de régler, en droit, un litige entre
particuliers. Dès lors qu’elles sont prononcées par une autorité indépendante et
collégiale, elles semblent bien satisfaire aux trois critères de l’arrêt Didier ».
579
CE, 22 novembre 2000, no 211285, Mutuelle inter-jeunes et Abed, Rec., p. 554 ; A.J.D.A., 2001, p. 387,
concl. BOISSARD Sylvie; CE, 22 juin 2001, no 193392, Société Athis ;CE, 11 juin 2003, no 240512,
Électricité de France et Société nationale d’électricité et de thermique : « Considérant que si, eu égard à
sa nature, à sa composition et à ses attributions, une autorité administrative peut, lorsqu’elle inflige une
sanction, être regardée comme un tribunal décidant du bien fondé d’accusations en matière pénale au
sens des stipulations précitées, ces dernières, sous réserve de ce qui a été dit ci-dessus, n’énoncent
aucune règle ni aucun principe dont le champ d’application s’étendrait au-delà des procédures
contentieuses suivies devant les juridictions et qui gouvernerait l’élaboration ou le prononcé de
décisions par les autorités administratives qui en sont chargées par la loi ; Considérant qu’il résulte de
ce qui précède que les moyens tirés de ce que la décision attaquée prise par le comité institué en
application de l’article 50 précité de la loi du 10 février 2000, qui constitue une autorité administrative
au regard du droit interne, aurait porté atteinte aux droits et obligations de caractère civil d’EDF sans
respecter les exigences de l’article 6-1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de
l’homme et des libertés fondamentales sont inopérants ».
580
CE, 21 décembre 2012, n o 353856, Société Groupe Canal Plus c/ Sté Vivendi Universal.
581
DAUMAS Vincent, concl. sur CE, 21 décembre 2012, n o 353856, Société Groupe Canal Plus
c/ Sté Vivendi Universal.
- 181 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
décision prise par un organe sur des droits et des obligations de caractère civil
entrait dans ce champ d’application » 582. Il faut attendre l’année 2012 pour que la
Cour de Strasbourg réaffirme clairement, en formation de grande chambre, que
l’applicabilité de l’article 6 § 1 C.E.D.H. dans son volet civil suppose l’existence
d’une contestation 583. C’est la raison pour laquelle quelques mois plus tard, le Conseil
d’État a accepté d’étendre l’applicabilité du droit au procès équitable aux autorités
administratives indépendantes appelées à trancher des « contestations sur des droits et
des obligations de caractère civil ».
582
DAUMAS Vincent, concl. sur CE, 21 décembre 2012, n o 353856, Société Groupe Canal Plus
c/ Sté Vivendi Universal.
583
CEDH, Gr. Ch., 3 avril 2012, n o 37575/04, Boulois c/ Luxembourg, § 90.
- 182 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
584
Partie 2, Chapitre 1, Section 1, I, A, 1.
- 183 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
585
SUDRE Frédéric et PICHERAL Caroline, « Un critère organique secondaire », in L’extension
des garanties du procès équitable hors les juridictions ordinaires : les contraintes européennes,
Institut de droit européen des droits de l’homme, Avril 2002, SUDRE Frédéric (dir.), p. 46-47.
586
CE, Sect., 27 octobre 2006, n os 276069, 277198 et 277460, Parent et autres, A.J.D.A., 2007,
p. 80, note COLLET Martin ; L.P.A., 2007, n o 133, note DUBRULLE Jean-Baptiste.
587
Concl. sur CE, 31 janvier 2007, n o 290567, Compagnie Corse Air International SA.
- 184 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
champ d’application de l’article 6§1. Pour déterminer si le litige est dans le champ
d’application de l’article 6§1, la Cour se contente d’examiner s’il porte sur des
« droits et obligations de caractère civil » ou sur « le bien-fondé d’une accusation
en matière pénale ». Lorsque la Cour s’interroge sur le point de savoir si un
organisme peut être regardé comme un « tribunal au sens de », la question de
l’applicabilité de l’article 6§1 est déjà résolue positivement ; elle se livre alors à
l’examen de fond de la conformité de la procédure aux principes de cet article, pour
s’assurer que les garanties de l’article 6 ont été respectées. »
588
Voir par exemple, s’agissant d’une sanction pénitentiaire : CE, 30 juillet 2003, n o 253973,
Observatoire international des prisons, section française.
- 185 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
Dans un arrêt « Compagnie Blue Line » du 23 avril 2009 591, le Conseil d’État
vise uniquement le critère tiré de « la nature, la composition, et les attributions » de
l’autorité de contrôle des nuisances sonores aéroportuaires. Récemment, la haute
juridiction administrative a confirmé le maintien du critère d’applicabilité de l’article
6 C.E.D.H. fondé sur la notion de « tribunal au sens de » 592.
Ainsi, dans un arrêt « Société Etna Finance et M. Brat » 593, rendu le 10 mai
2004, l’applicabilité de l’article 6 C.E.D.H. est résolue positivement eu égard « à la
nature, à la composition et aux attributions » de la Commission des opérations de
589
CE, Sect., 27 octobre 2006, précité.
590
CE, 19 février 2008, n o 311974, Société Profil France.
591
CE, 23 avril 2009, n o 314921, Compagnie Blue Line.
592
CE, 10 octobre 2011, no 334720 ; CE, 28 décembre 2012, n o 356355, SAS Jaly ; CE, 23 octobre
2013, n o 353603, Société Distribution Casino France ; CE, 26 février 2014, n o 356006,
Association des viticulteurs d'Alsace.
593
CE, 10 mai 2004, n o 247130, Sté Etna Finance et M. Brat.
- 186 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
594
CE, 10 mai 2004, n o 241587, Sté Crédit du Nord.
595
CE, 17 novembre 2004, n o 261349, Armand M.
596
CE, 23 mars 2005, no 260673, Sté financière Hottinguer.
597
CE, 2 novembre 2005, no 271202, Sté banque privée Fideuram Wargny.
- 187 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
À cet égard, on peut être surpris par la position plus récente de la haute
juridiction administrative sur les sanctions fiscales et le droit au procès équitable,
laquelle, sans aucun souci de ménagement au regard du critère tiré de la nature
juridictionnelle de l’organisme en cause, reconnaît l’applicabilité de l’article 6
C.E.D.H. à l’administration fiscale.
598
CE, 22 février 2006, n o 276719, M. Hutt.
599
CE, 31 mars 2006, no 276605, Robert.
600
CE, 2 octobre 2006, no 282028, Krikorian.
- 188 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
A. Une solution reposant sur une lecture inédite des conditions d’applicabilité
du droit au procès équitable
601
On vise ici les seules pénalités et majorations fiscales présentant un caractère punitif et visant à
empêcher la réitération des agissements qu’elles visent, par opposition aux intérêts de retard ou
aux majorations ayant le caractère d'une simple réparation pécuniaire.
602
TA Strasbourg, 30 juillet 1993, n os 924675 et 924676, SARL Coe c/ Préfet du Bas-Rhin.
- 189 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
603
On vise ici les seules pénalités et majorations fiscales présentant un caractère punitif et visant à
empêcher la réitération des agissements qu’elles visent, par opposition aux intérêts de retard ou
aux majorations ayant le caractère d'une simple réparation pécuniaire.
604
Voir également : CE, 27 mars 2000, n o 187703, S.A.R.L. Maurel et fils, R.J.F., 5/00, n o 985,
concl. ARRIGHI DE CASANOVA Jacques : « les stipulations de l'article 6-1 précitées ne sont,
en particulier, pas invocables à l’encontre de la procédure par laquelle l'administration fiscale
établit des pénalités ».
605
CE, 27 février 2006, n o 257964, Krempff, JurisData no 2006-080865 ; Droit fiscal, 2006, n o 29,
comm. 513, conclusion OLLEON Laurent ; R.J.F., 5/2006, n o 649.
- 190 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
C’est, donc, contre toute-attente que le Conseil d’État affirme que « les
principes qu’elles [les stipulations de l’article 6 § 1] énoncent sont applicables à la
contestation de ces pénalités devant les juridictions compétentes, y compris en tant
qu’elle concerne la procédure d’établissement des pénalités ».
Quelques mois plus tard, cette solution est confirmée dans un arrêt « Pessey »
du 11 décembre 2006 607, selon lequel les principes posés par l’article 6 § 1 « sont
applicables à la contestation des pénalités fiscales, qui constituent des accusations en
matière pénale au sens de ce texte, devant les juridictions compétentes, y compris en
tant qu’elle concerne la procédure d’établissement des pénalités ».
Par une décision « S.A. Martell » du 24 mars 2006 608, le Conseil d’État a
implicitement jugé que le deuxième paragraphe de l’article 6 C.E.D.H., relatif à la
protection de la présomption d’innocence jusqu’à la condamnation, est applicable non
seulement à la procédure suivie devant le juge, mais également à la procédure
administrative d’imposition.
606
SERMET Laurent, « Bilan de la jurisprudence du Conseil d’État sur l’application de l’article 6
de la Convention européenne des droits de l’homme », R.F.D.A., 1997, p. 1010 ;
ANDRIANTSIMBAZOVINA Joël et SERMET Laurent, « Droit administratif et Convention
européenne des droits de l'homme. Jurisprudence administrative et Convention européenne des
droits de l'homme », R.F.D.A., 2000, p. 1059.
607
CE, 11 décembre 2006, no 278806, Pessey, JurisData n° 2006-081071 ; Droit fiscal, 2007, n o 8,
comm. 212 ; R.J.F., 3/2007, n o 380.
608
CE, 24 mars 2006, n o 257330, S.A. Martell and co, Droit fiscal, n o 39, 28 septembre 2006,
p. 1673.
609
CE, 26 mai 2008, précité, JurisData n o 2008-081339 ; Droit fiscal, 2008, n o 28, comm. 411,
conclusions SÉNERS François, note PIERRE Jean-Louis ; R.J.F. 9/2008, n o 981.
- 191 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
610
EVEILLARD Gweltaz « L’application de l’article 6 de la Convention européenne des droits de
l’homme à la procédure administrative non contentieuse », A.J.D.A., 22 mars 2010, p. 532.
611
Note sur CE, 24 mars 2006, n o 257300, SA Mertell and Co, R.D.F., n° 39, 28 septembre 2006,
p. 1673.
- 192 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
612
CE, 24 mars 2006, SA Martell and Co, précité.
613
CEDH, 29 août 1997, n o 20919/92, E.L., R.L. et J.O.-L. c/ Suisse.
614
CEDH, 23 juillet 2002, n o 34619/97, Janosevic c/ Suède.
615
CE, 11 décembre 2006, Pessey, précité.
- 193 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
raisonnement suivi pour parvenir à une telle solution mérite d’être cité en ce qu’il
paraît lénifier complètement la jurisprudence traditionnelle de la haute juridiction
administrative sur l’inapplicabilité de principe de l’article 6 C.E.D.H. aux autorités
administratives. Le commissaire du gouvernement rappelle à la formation de
jugement : « Si dans un premier temps, vous aviez jugé que l’article 6 § 1 ne
s’appliquait pas à la phase administrative de la procédure conduisant au prononcé
de sanctions fiscales mais uniquement à la phase contentieuse (CE Section, 31 mars
1995, Ministre du Budget c/ SARL Auto-Méric), vous avez abandonné ce
raisonnement opposant phase administrative et phase contentieuse après la décision
de la C.E.D.H. admettant l’applicabilité de l’article 6-1 à la procédure suivie devant
la commission des infractions fiscales (C.E.D.H., 26 septembre 1996, Miailhe
c/ France) ; et c’est ainsi que vous avez jugé que l’article 6-1 est applicable à la
procédure suivie en matière disciplinaire devant une autorité administrative, telle
que le Conseil des marchés financiers (CE, Assemblée, 3 décembre 1999, Didier).
Et dans le même sens vous avez jugé applicables à la procédure administrative des
pénalités fiscales les stipulations de l’article 6-2 (CE 24 mars 2006, SA Martell),
comme les stipulations de l’article 6-1 (CE 27 février 2006, Krempff). Le vrai
partage n’est pas entre procédure administrative, qui échapperait aux stipulations de
l’article 6-1, et procédure juridictionnelle qui y serait soumise, mais entre matières
relevant ou ne relevant pas du champ d’application de cet article : vous admettez
l’application de l’article 6-1 aux procédures administratives lorsqu’il s’agit de
procédures débouchant sur des sanctions, ou de procédures disciplinaires. Il est vrai
en revanche que vous jugez de manière constante que l’article 6-1 inapplicable dans
le contentieux de l’assiette de l’impôt (CE 26 novembre 1999, Guénoun …). Sur ce
point, la Cour européenne des droits de l’homme a confirmé votre jurisprudence en
jugeant que le contentieux de l’assiette en matière fiscale échappe au champ des
droits et obligations de caractère civil (C.E.D.H., 12 juillet 2001, Ferrazzini c/ Italie)
… Bref contrairement à ce qu’affirme l’arrêt de la cour les stipulations de l’article 6
ne sont nullement inapplicables aux procédures administratives ».
- 194 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
Le Conseil d’État s’accorde donc avec le juge européen pour reconnaître qu’en
matière fiscale, l’inobservation dès la phase administrative de certaines des garanties
de l’article 6 C.E.D.H. peut compromettre irrémédiablement le caractère équitable de
la procédure juridictionnelle. Or, un procès fiscal peut emporter des conséquences
financières désastreuses.
616
CEDH, 3 mai 2001, n o 31827/96, J.B. c/ Suisse.
- 195 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
617
Voir Partie 1, Chapitre 2, Section 2, I, A, 1 ; BONICHOT Jean-Claude, « Les sanctions
administratives en droit français et la Convention européenne des droits de l’homme – De la
prévention pour les adaptations à l’adaptation préventive », A.J.D.A., 20 octobre 2001, numéro
spécial. Voir également en ce sens : ZAVOLI Philippe, « L’emprise de la CEDH sur les autorités
de régulation ou le jeu des apparences », précité, p. 9 ; LAURÉOTE Xavier, « Le procès
équitable devant le juge administratif français », in Procès équitable et enchevêtrement des
espaces normatifs, Hélène RUIZ FABRI (dir.), p. 92.
618
Voir en ce sens : EVEILLARD Gweltaz « L’application de l’article 6 de la Convention
européenne des droits de l’homme à la procédure administrative non contentieuse », A.J.D.A.,
22 mars 2010, p. 532.
- 196 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
- 197 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
CONCLUSION
- 198 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
619
DE SILVA Isabelle, concl. sur CE, 31 janvier 2007, Compagnie Corsair International SA.
- 199 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
PARTIE 2
Nous avons démontré que dans l’esprit de la Cour, la qualité de « tribunal » n’est
nullement une condition d’applicabilité de l’article 6 C.E.D.H. Seule compte l’existence
d’une « contestation sur des droits et des obligations de caractère civil » ou d’une
« accusation en matière pénale ». Par ailleurs, le juge européen retient une conception
extensive des matières « pénale » et « civile », de sorte qu’il admet l’invocabilité de
l’article 6 C.E.D.H. à l’encontre de procédures inédites et variées 620.
620
Voir Partie 1, Chapitre 1, Section 1, II, B.
621
Voir Partie 1, Chapitre 2, Section 1, I, B, 2.
622
SAUVE Jean-Marc, « Les sanctions administratives en droit public français. État des lieux,
problèmes et perspectives. », A.J.D.A., 20 octobre 2001, n o spécial, p. 23.
- 200 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
Celle-ci n’a pourtant pas eu lieu. Bien au contraire, un véritable dialogue s’est
engagé.
- 201 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
CHAPITRE 1
- 202 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
SECTION 1
- 203 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
C’est dans son arrêt « Didier c/ France » rendu le 27 août 2002 que la Cour de
Strasbourg a, pour la première fois, explicitement consacré l’autonomie de la notion
de « tribunal » 624.
Il est vrai que la Cour avait déjà affirmé de longue date que « par "tribunal"
l’article 6 paragraphe 1 n’entend pas nécessairement une juridiction de type
623
Voir Partie 1, Chapitre 1, Section 1, I, A.
624
Voir en ce sens : CEDH, 27 août 2002, n o 58188/00, Didier c/ France, § 3, Rec., 2002-VII ;
J.C.P., éd. gén., 2003, I, 109, obs. SUDRE Frédéric ; J.C.P., éd. gén., 2003, II, 10177, note
GONZALES Gérard.
- 204 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
classique, intégrée aux structures judiciaires ordinaires du pays » 625. C’est ainsi que
dès 1984, le juge européen avait érigé en « tribunal » un organisme non qualifié de
juridiction en droit interne 626. Dix ans plus tard, elle avait refusé cette appellation au
Conseil d’État français qui avait renvoyé au ministre des affaires étrangères le soin
d’interpréter les stipulations d’un traité dont le sens n’était pas clair 627. Pour ce faire,
elle avait estimé que l’obligation pour la haute juridiction administrative française de
s’en remettre à une autorité relevant du pouvoir exécutif, afin de résoudre le problème
juridique qui lui était posé, révélait un défaut d’indépendance incompatible avec la
notion de « tribunal ».
Pour certains auteurs, selon lesquels les notions autonomes constituent une
technique tendant à « assurer une interprétation cohérente et unifiée du traité face
625
Voir en ce sens : CEDH, 28 juin 1984, n os 7819/77,7878/77, Campbell et Fell c/ Royaume-Uni,
C.D.E., 1986, p. 213, note COHEN-JONATHAN Gérard ; A.F.D.I., 1985, p. 394, obs.
COUSSIRAT-COUSTERE Vincent ; J.D.I., 1986, p. 1058, ROLLAND Patrice et TAVERNIER
Paul.
626
Voir en ce sens : CEDH, 28 juin 1984, n os 7819/77,7878/77, Campbell et Fell c/ Royaume-Uni,
précité.
627
Voir en ce sens : CEDH, 24 novembre 1994, n o 15287/89, Beaumartin c / France, J.C.P., 1995, I,
3823, obs. SUDRE Frédéric.
628
CEDH, 8 juin 1976, n os 5100/71, 5101/71, 5102/71, 5354/72, 5370/72, Engel et autres c/ Pays-
Bas, § 8, précité; CEDH, 21 février 1984, n o 8544/79, Oztürk c/ Allemagne, § 50, G.A.C.E.D.H.,
no 21 ; Jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme, 9ème éd., 2004, éditions
Sirey, n o 117, BERGER Vincent ; J.D.I., 1986, p. 1051, obs. ROLLAND Patrice et TAVERNIER
Paul ; CEDH, 28 juin 1984, n os 7819/77 et 7878/77, Campbell et Fell c/ Royaume-Uni, § 68,
précité ; CEDH, 27 août 1991, n o 13057/87, Demicoli c/ Malte, § 31, J.D.I., 1992, p. 792, note
DECAUX Emmanuel. Pour une reconnaissance explicite, voir : CEDH, 28 juin 1978, n o 6232/73,
König c/ Allemagne, § 88, précité ; CEDH, 27 février 1980, n o 6903/75, Deweer c/ Belgique,
§ 42, précité.
629
CEDH, 28 juin 1978, n o 6232/73, König c/ Allemagne, § 88, précité ; CEDH, 16 juillet 1971,
n o 2614/65, Ringeisen c/ Autriche, § 110, précité ; CEDH, 8 juillet 1987, n o 10092/82, Baraona
c/ Portugal, Série A, n o 122, § 42.
- 205 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
630
ROLLAND Patrice, « L’interprétation de la CEDH », R.U.D.H., 1991, p. 280 et plus précisément
p. 283.
631
GANSHOF VAN DER MEERSCH Walter Jean, « Le caractère autonome des termes et la marge
d’appréciation des gouvernements dans l’interprétation de la Convention », Mélanges Wiarda,
Carl Heymanns Verlag, 1988, p. 201 et p. 220 ; COHEN-JONATHAN Gérard, La Convention
Européenne des Droits de l’Homme, Economica, 1989, p. 195 ; EISSEN Marc-André, La Cour
Européenne des Droits de l’Homme, R.D.P., 1986, p. 1539 à p. 1597 ; ROLLAND Patrice,
« L’interprétation de la CEDH », R.U.D.H., 1991, p. 280 et plus précisément p. 283. ;
MATSCHER Franz, « La notion de « tribunal » au sens de la Convention européenne des droits
de l’homme », in Les nouveaux développements du procès équitable au sens de la convention
européenne des droits de l’homme, Actes du colloque du 22 mars 1996 en la grande chambre de
la Cour de cassation, Bruxelles, Bruylant, 1996, p. 29 et spécialement p. 32.
632
Voir nos développements précédents : Partie 1, Chapitre 1, Section 1, II, A.
633
SUDRE Frédéric, « Le recours aux « notions autonomes » », in L'interprétation de la convention
européenne des droits de l'homme, SUDRE Frédéric (dir.), Bruxelles, Bruylant, 1998, p. 93, et
plus précisément p. 105 à p. 106.
634
SUDRE Frédéric, Droit européen et international des droits de l’homme, P.U.F., 9 ème éd., 2012,
p. 374.
- 206 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
décision sur la recevabilité de la requête dans l’affaire Didier » 635. Aussi, il est
difficile de mesurer la portée de cette jurisprudence. D’ailleurs, cette question n’a fait
l’objet d’aucune intervention doctrinale. La démonstration faite par Frédéric SUDRE
demeure actuellement l’un des seuls travaux d’ensemble sur la notion d’autonomie en
droit de la Convention européenne. Il faut cependant reconnaître que la décision
« Didier c/ France » apporte une sérieuse exception à la définition des notions
autonomes proposée par Frédéric SUDRE.
Mais, à nos yeux, le débat doit se situer beaucoup plus en amont. Plus
précisément, il convient de s’interroger sur l’existence même d’une notion
européenne de « tribunal » ou, en d’autres termes, sur la réelle autonomie de ce
concept. Bien que le droit au tribunal au sens de la jurisprudence strasbourgeoise ait
été abondamment traité 636, aucun auteur n’a abordé cette question.
635
MILANO Laure, Le droit à un tribunal au sens de la Convention européenne des droits de
l’Homme, Thèse Montpellier, SUDRE Frédéric (dir.), L.G.D.J., 2006, p. 351.
636
GROTRIAN Andrew, L'article 6 de la Convention européenne des Droits de l'homme, Conseil de
l'Europe, Direction des droits de l'homme, 1994, p. 16 ; SOYER Jean-Claude et DE SALVIA
Michel, « Article 6 », in La CEDH, commentaire article par article, PETTITI Louis-Edmond,
DECAUX Emmanuel, IMBERT Pierre-Henri (dir.), 2 ème éd., Paris, Economica, 1999 ; MILANO
Laure, Le droit à un tribunal au sens de la Convention européenne des droits de l’Homme,
précitée; SUDRE Frédéric et PICHERAL Caroline, « Un critère organique secondaire », in
L’extension des garanties du procès équitable hors les juridictions ordinaires : les contraintes
européennes, Institut de droit européen des droits de l’homme, avril 2002, SUDRE Frédéric
(dir.), p. 41 ; TULKENS Françoise et LOTARSKI Jaroslaw, « Le tribunal indépendant et
impartial à la lumière de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme »,
Mélanges Van Compernolle, Bruylant, 2005, p. 731.
637
SUDRE Frédéric, « Le recours aux « notions autonomes », in L'interprétation de la convention
européenne des droits de l'homme, SUDRE Frédéric (dir.), Bruxelles, Bruylant, 1998.
- 207 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
Cela tient au fait que les critères employés par le juge strasbourgeois pour attribuer à
un organe l’appellation de « tribunal » correspondent à ceux utilisés dans notre droit
interne pour définir la « juridiction ».
638
L’autorité régionale autrichienne ne fait pas partie des juridictions de l’État autrichien.
639
CEDH, 22 octobre 1984, n o 8790/79, Sramek c/ Autriche, § 36 ; CEDH, 27 août 1991,
n o 13057/87, Demicoli c/ Malte, § 39, note DECAUX Emmanuel, J.D.I., 1992, p. 792 ; CEDH,
29 avril 1988, n o 10328/83, Belilos c/ Suisse, § 64 ; CEDH, 30 novembre 1987, n o 8950/80, H
c/ Belgique, § 50.
640
MILANO Laure, Le droit à un tribunal au sens de la Convention européenne des droits de
l’Homme, précitée, p. 346, no 426.
641
CEDH, 25 novembre 1994, n o 12884/87, Ortenberg c/ Autriche, § 31 à § 34.
642
Il existe diverses approches du critère matériel. DUGUIT Léon, Traité de droit constitutionnel,
Tome 2, La théorie générale de l’État, 1928, p. 423 : « L’acte juridictionnel est l’acte d’ordre
juridique accompli par un agent public, comme conséquence logique de la constatation qu’il a
faite qu’il y avait ou non violation du droit objectif ou atteinte à une situation objective ou à une
situation subjective. » ; BONNARD Roger, Précis de droit administratif, 1940, p. 70 : « L’acte
juridictionnel est un acte juridique composé d’une constatation portant sur une contestation
soulevée et d’une décision qui tranche définitivement la contestation. » ; VIZIOZ Henri, Revue
Générale du Droit, 1929, p. 22-23 : « Il y a juridiction toutes les fois que l’agent public
intervient pour trancher une question de droit, pour se prononcer sur une prétention d’ordre
juridique, en faisant une contestation portant sur la légalité d’un acte ou d’une situation
- 208 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
- 209 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
néerlandais d’appel économique dont la décision peut être privée d’effets par une
autorité administrative 649. La Cour a également jugé qu’un simple avis consultatif ne
permet pas d’assurer « la solution juridictionnelle du litige voulu par l’article 6 -
1 » 650.
D’autre part, seuls méritent une telle appellation les organes répondant « à une
série d’autres exigences, indépendance à l’égard de l’exécutif comme des parties en
cause, durée du mandat des membres, garanties offertes par la procédure, dont
plusieurs figurent dans le texte même de l’article 6 § 1 C.E.D.H. » 651. Par la suite, la
Cour est venue ajouter à ces prescriptions celles tenant à « l’origine légale de la
juridiction, (…) l’impartialité, l’application d’une procédure légale » 652. Pour
apprécier la similitude des notions de « tribunal » et de « juridiction », il nous faut
rapidement présenter le contenu de ces garanties, qui feront l’objet de
développements ultérieurs plus approfondis. Le juge européen entend la notion
d’indépendance dans un sens large, puisque cette garantie doit exister « à l’égard de
l’exécutif comme à l’égard des parties en cause ». Selon le juge européen,
« L'indépendance du tribunal par rapport aux parties et à l'exécutif implique que,
s'agissant d'une question qui entre dans la compétence du tribunal, la solution d'un
litige ne saurait lui être dictée ni par l'une des parties ni par une autorité relevant de
l'exécutif » 653. Quant à l’exigence d’impartialité, elle s’apprécie de diverses manières.
La Cour retient une approche à la fois objective, amenant à rechercher si l’autorité en
cause « offrait des garanties suffisantes pour exclure à cet égard tout doute légitime »
et subjective, visant à « déterminer ce que tel juge pensait dans son for intérieur en
telle circonstance » 654. L’impartialité implique notamment « l’absence de préjugés ou
649
CEDH, 19 avril 1994, n o 16034/90, Van de Hurk c/ Pays-Bas, § 45 à 52, précité.
650
CEDH, 23 octobre 1985, n o 8848/80, Benthem c/ Pays-Bas, § 39, précité.
651
CEDH, 18 juin 1971, nos 2832/66, 2835/66, 2899/66, De Wilde, Ooms et Versyp c/ Belgique,
§ 76 et § 78 ; CEDH, 5 novembre 1981, n o 7215/75, X. c/ Royaume-Uni, § 53.
652
CEDH, 25 septembre 2008, n o 42132/06, Paraponiaris c/ Grèce, § 21, précité et CEDH, 31 août
2006, n o 17263/02, Landolt c/ Suisse, précité.
653
CEDH, 3 février 2003, n o 49636/99, Chevrol c/ France, D. 2003, J., p. 931, note MOUTOUH
Hugues ; A.J.D.A., 2003, p. 1984, note RAMBAUD Thierry.
654
CEDH, 1er octobre 1982, n o 8692/79, Piersack c/ Belgique, § 30.
- 210 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
de parti pris » 655. Selon la Cour, la légalité du tribunal « reflète le principe de l'État
de droit, inhérent à tout le système de la Convention et de ses protocoles. En effet, un
organe n'ayant pas été établi conformément à la volonté du législateur, serait
nécessairement dépourvu de la légitimité requise dans une société démocratique pour
entendre la cause des particuliers » 656. Cette garantie « a pour objet d’éviter que
l’organisation du système (…) ne soit laissée à la discrétion de l’Exécutif et de faire
en sorte que cette matière soit régie par une loi du Parlement » 657. Aussi, l’organe
doit être créé par une loi et son organisation générale doit être régie par une loi 658.
Les « garanties offertes par la procédure » ont fait l’objet de peu de développements
dans la jurisprudence strasbourgeoise. Selon Franz MATSCHER, juge à la Cour
européenne, cette formulation implique que « les décisions soient prises en
appliquant des normes matérielles en vigueur à des faits établis conformément aux
règles de procédure prévues et en accordant aux comparants le droit à être
entendu » 659. En vertu de cette exigence, la Cour a jugé que les procédures arbitraires
sont contraires à l’article 6 § 1 C.E.D.H., lequel impose le respect du principe du
contradictoire 660, le droit de récusation 661 et la motivation des décisions 662.
655
CEDH, 1er octobre 1982, n o 8692/79, Piersack c/ Belgique, § 30.
656
CEDH, 28 novembre 2002, n o 58442/00, Lavents c/ Lettonie, § 114.
657
CEDH, 22 juin 2000, n os 32492/96, 32547/96, 32548/96, 33209/96, 33210/96, Coëme et autres
c/ Belgique, Rec., 2000-VII, § 98 ; chr. TAVERNIER Paul, J.D.I., 2001, p. 184 à p. 186.
658
CEDH, 28 novembre 2002, n o 58442/00, Lavents c/ Lettonie, § 114.
659
MATSCHER Franz, « La notion de tribunal au sens de la Convention européenne des droits de
l’homme », in Les nouveaux développements du procès équitable au sens de la convention
européenne des droits de l’homme, Actes du colloque du 22 mars 1996 en la grande chambre de
la Cour de cassation, Bruxelles, Bruylant, 1996, p. 29.
660
CEDH, 7 avril 2005, n o 28338/02, Jarnevic et Profit c/ Grèce.
661
CEDH, 30 novembre 1987, H. c/ Belgique, précité.
662
CEDH, 30 novembre 1987, H. c/ Belgique, précité.
663
Légalité du tribunal, indépendance, impartialité.
664
Garanties offertes par la procédure.
665
SUDRE Frédéric et PICHERAL Caroline, « Un critère organique secondaire », in L’extension
des garanties du procès équitable hors les juridictions ordinaires, précité, p. 43.
- 211 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
666
Voir Partie 1, Chapitre 1, Section 1, II, B, 2.
667
CE, Ass., 12 juillet 1969, no 72480, L’Étang, Rec., p. 388 ; A.J.D.A., 1969, p. 559, DEWOST
Jean-Louis et DENOIX de SAINT-MARC Renaud ; R.D.P., 1970, p. 387, WALINE Marcel ; CE,
4 janvier 1985, n o 43953, M. BODET ; CE, 13 février 1987, n o 53118, M. LANIAUD.
668
Voir HAURIOU Maurice, Éléments du contentieux, Rec. académie législative Toulouse, 1905,
p. 41 ; CARRE DE MALBERG Raymond, Contribution à la théorie générale de l’État, T. 1,
1920, p. 697 et p. 785 ; CHEVALLIER Jacques, « Fonction contentieuse et fonction
juridictionnelle », Mélanges Stassinopoulos, L.G.D.J., 1974, p. 288 ; GOHIN Olivier, « Qu’est-
ce qu’une juridiction ? », Droits, 1989, p. 93 ; KLAOUSEN Patrick, « Réflexions sur la
définition de la notion de juridiction dans la jurisprudence du Conseil d’État », L.P.A., 30 juillet
1993, p. 25 ; AUBY Jean-Bernard, « Autorité administrative et autorité juridictionnelle »,
A.J.D.A., p. 91.
669
CARRE DE MALBERG Raymond, Contribution à la théorie générale de l’État, précitée, p 697
et p. 785 : « L’indépendance des tribunaux devient le fondement même et la source de la notion
de juridiction. » ; KELSEN Hans, « Aperçu d’une théorie générale de l’État », traduction
Eisenmann, R.D.P., 1926, p. 611 ; MERKL, Allgemeines Verwaltungsrecht, 1927, p. 36.
670
LAMPUE Pierre, « La notion d’acte juridictionnel », R.D.P., 1946, p. 5-67, plus précisément
p. 44.
- 212 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
671
CARRE DE MALBERG Raymond, Contribution à la théorie générale de l’État, T. I, 1920,
p 782.
672
CHEVALLIER Jacques, « Fonction contentieuse et fonction juridictionnelle », Mélanges
Stassinopoulos, L.G.D.J., 1974, p. 289.
673
CEDH, 22 octobre 1984, Sramek, § 36, précité ; CEDH, 23 octobre 1985, n o 8848/80, Benthem
c/ Pays-Bas, § 40, C.D.E., 1988, p. 449, COHEN-JONATHAN Gérard ; CEDH, 30 novembre
1987, H. c/ Belgique, § 50, précité.
674
L’autorité formelle de la chose jugée doit être distinguée de l’autorité matérielle de la chose
jugée. Cette distinction a été remarquablement résumée par le professeur LAMPUÉ dans son
étude sur « La notion d’acte juridictionnel », précitée. Selon l’auteur, la première vise le
caractère définitif et immuable de la décision du juge, « en ce sens que, sauf par le jeu de la voie
de recours, elle ne peut plus être révoquée ou modifié, que le procès dont elle a été
l’aboutissement ne peut plus être recommencé et que toute action qi tendrait à la remettre en
cause est irrecevable ». La seconde correspond au caractère obligatoire des dispositions du
jugement et à l’obligation de les respecter et de les appliquer. En ce sens, l’autorité matérielle de
la chose jugée « n’est pas spéciale à l’acte juridictionnel, car la force juridique appartient, à des
degrés divers, à tous les actes juridiques et elle n’est pas autre chose que leur validité » ; Voir
également, BONNARD Roger, Le contrôle juridictionnel de l’administration, 1934, p. 84 et
Précis de droit administratif, 4ème éd., 1943, p. 109.
675
JEZE Gaston, « L`acte juridictionnel et la classification des recours contentieux », R.D.P., 1909,
p. 667 et Les principes généraux du droit administratif, 3 ème éd., t. I, 1925, p. 48 ; JAPIOT,
Traité élémentaire de procédure civile et commerciale, 3 ème éd., 1935, p. 125 : « le jugement est
essentiellement caractérisé par l’autorité de la chose jugée, c’est-à-dire par le fait qu’il met fin
irrévocablement au litige, du moins lorsqu’il n’est pas susceptible d’une voie de recours » ;
WALINE Marcel, « Critère des actes juridictionnels », R.D.P., 1933, p. 565 à 572 : « le juge
public, c’est celui dont les actes peuvent acquérir l’autorité de chose jugée s’il n’est pas formé
contre eux de recours en temps utile ou si ces recours échouent ».
676
LAMPUÉ Pierre, « La notion d’acte juridictionnel », R.D.P., 1946, p. 5-67, plus précisément
p. 50.
- 213 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
677
CE, Sect., 20 novembre 1970, Bouez et UNEF, Rec., p. 690 ; Note CHEVALLIER Jacques,
A.J.D.A., 1971, p. 483 ; CHAPUS René, Droit du contentieux administratif, Montchrestien,
12 ème éd., p. 115 ; SUDRE Frédéric et PICHERAL Caroline, « Un critère organique secondaire »,
in L’extension des garanties du procès équitable hors les juridictions ordinaires, précité, p. 44.
678
Article 20 de la Constitution : « le Gouvernement dispose de l’administration ».
- 214 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
pourquoi leur nature « quasi-juridictionnelle » fait toujours débat 679. D’ailleurs, s’il
est effectivement arrivé que la Cour de Strasbourg qualifie de « tribunal » des organes
qui, en droit interne, n’appartiennent pourtant pas à la catégorie des juridictions, on
observe que cette appellation a été conférée à des autorités dont la nature
administrative est âprement discutée.
679
Voir nos développements précédents : Partie 1, Chapitre 2, Section 2, I.
680
SERMET Laurent, L’incidence de la Convention européenne des droits de l’homme sur le
contentieux administratif français, Thèse, Economica, 1996.
681
Sur la question de la juridictionnalisation de la sanction administrative : TUOT Thierry, « Quel
avenir pour le pouvoir de sanction des autorités administratives indépendantes ? Les organismes
de régulation économique. », A.J.D.A., 2001, p. 135.
- 215 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
Cette solution a été réitérée quelques années plus tard dans le domaine des
sanctions administratives prononcées en matière d’infraction à la circulation routière
et dans celui des sanctions fiscales.
682
SAUVE Jean-Marc, « Les sanctions administratives en droit public français. État des lieux,
problèmes et perspectives. », A.J.D.A., 20 octobre 2001, n o spécial, p. 23.
683
CEDH, 23 juin 1981, n os 6878/75, 7238/75, Le Compte, Van Leuven et De Meyere c/ Belgique,
§ 51, précité.
- 216 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
Dans l’une et l’autre de ces affaires, la Cour a énoncé que les sanctions
infligées aux requérants par des autorités administratives soulevaient une « accusation
en matière pénale ». Comme l’article 6 § 1 C.E.D.H. était en cause, la Cour a eu à se
prononcer sur le point de savoir si les administrés avaient bénéficié de l’examen de
leur cause par un tribunal réunissant les conditions énoncées par cette stipulation.
Quant aux premières mesures, la Cour juge que « le législateur qui soustrait
certains comportements à la catégorie des infractions pénales du droit interne peut
servir à la fois l’intérêt de l’individu (voir, mutatis mutandis, l’arrêt Engel et autres
précité, ibidem, p. 33, § 80) et les impératifs d’une bonne administration de la
justice, notamment dans la mesure où il décharge les autorités judiciaires de la
poursuite et de la répression de manquements, nombreux mais de peu d’importance, à
des règles de la circulation routière. La Convention ne va pas à l’encontre des
tendances à la « décriminalisation » existant - sous des formes fort diverses - dans
les États membres du Conseil de l’Europe. […] Eu égard au grand nombre des
infractions légères, notamment dans le domaine de la circulation routière, un État
contractant peut avoir de bons motifs de décharger ses juridictions du soin de les
poursuivre et de les réprimer. Confier cette tâche, pour de telles infractions, à des
autorités administratives ne se heurte pas à la Convention» 684.
Quant aux secondes, elle souligne qu’« eu égard au grand nombre des
infractions du type visé à l’article 1729 par. 1 du code général des impôts […], un
État contractant doit avoir la liberté de confier au fisc la tâche de les poursuivre et
de les réprimer, même si la majoration encourue à titre de sanction peut être lourde.
Pareil système ne se heurte pas à l’article 6 de la Convention » 685.
684
CEDH, 21 février 1984, n o 8544/79, Oztürk c/ Allemagne, § 49 et § 56, G.A.C.E.D.H., n° 21 ;
Jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme, 9ème éd., 2004, Éditions Sirey,
no 117, BERGER Vincent ; J.D.I., 1986, p. 1051, obs. ROLLAND Patrice et TAVERNIER Paul.
685
CEDH, 24 février 1994, no 12547/86, Bendenoun c/ France, § 46, A.F.D.I., 1994, p. 658, obs.
COUSSIRAT-COUSTERE Vincent ; A.J.D.A., 1994, p. 512, obs. FLAUSS Jean-François ;
J.C.P., I, 1995, p. 3823, SUDRE Frédéric ; GOULARD Guillaume, « Convention européenne des
droits de l’homme et contentieux administratif de l’impôt », L.P.A., 6 juillet 1994, p. 27 ;
R.F.D.A., novembre-décembre 1995, n o 6, p. 1182, MAUBLANC-FERNANDEZ Lucienne et
MAUBLANC Jean-Pierre.
- 217 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
686
A.J.D.A., 20 février 2000, p. 127 et plus précisément, p. 128.
687
CEDH, 10 février 1983, n os 7299/75 et 7496/76, Albert et Le Compte, § 29, J.D.I., 1985, p. 212,
obs. ROLLAND Patrice et TAVERNIER Paul.
- 218 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
688
Voir également SUDRE Frédéric, « Le droit à un procès équitable hors les juridictions
ordinaires », in Au carrefour des droits : mélanges en l’honneur de Louis Dubouis, Dalloz, 2002,
p. 205 et s.
689
CEDH, 23 octobre 1995, no 15523/89, Schmautzer c/ Autriche, § 34, J.C.P., éd. gén., 1996, I,
3910, obs. SUDRE Frédéric.
690
CEDH, 14 novembre 2000, n o 35115/97, Riepan c/ Autriche, § 39, Rec., 2000, XII, p. 173.
691
CEDH, 29 octobre 2009, n o 49037/06, Chaudet c/ France, § 36, § 37, § 38.
- 219 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
693
Certains auteurs en ont déduit que le juge européen avait recours à un
critère organique tiré du statut juridictionnel de l’organisme statuant en matière
pénale ou civile « pour déterminer l'étape de la procédure à laquelle est exigé le
692
SOYER Jean-Claude et DE SALVIA Michel, « Article 6 », in La CEDH, commentaire article
par article, PETTITI Louis-Edmond, DECAUX Emmanuel, IMBERT Pierre-Henri (dir.), 2 ème
éd., Paris, Economica, 1999.
693
QUILICHINI Paul, « Réguler n’est pas juger », A.J.D.A., 2004, p. 1060 ; SUDRE Frédéric et
PICHERAL Caroline, « Un critère organique secondaire », in L’extension des garanties du
procès équitable hors les juridictions ordinaires : les contraintes européennes, Institut de droit
européen des droits de l’homme, avril 2002, SUDRE Frédéric (dir.), p. 46.
- 220 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
D’une part, on comprend mal quel serait l’intérêt pour la Cour de Strasbourg
de réintroduire, au stade de l’application des garanties du procès équitable, un critère
organique, et ce en vue d’exclure les autorités administratives du respect des
exigences découlant de cette stipulation, alors qu’elle écarte ce même critère au stade
de la détermination de l’applicabilité de l’article 6 C.E.D.H.
D’autre part, deux décisions rendues par la Cour de Strasbourg sont venues
contredire cette proposition doctrinale.
694
SUDRE Frédéric et PICHERAL Caroline, « Un critère organique secondaire », in L’extension
des garanties du procès équitable hors les juridictions ordinaires : les contraintes européennes,
Institut de droit européen des droits de l’homme, avril 2002, SUDRE Frédéric (dir.), p. 46 et
p. 48.
- 221 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
n’était pas en cause la phase préalable à la saisine du juge pénal, mais une procédure
administrative fiscale. Pourtant, la Cour de Strasbourg y a jugé que le droit au procès
équitable avait été méconnu, faute pour l’administration fiscale de ne pas avoir
respecté, ab initio, le droit de garder le silence et le droit de ne pas contribuer à sa
propre incrimination.
695
CEDH, 3 mai 2001, no 31827/96, J.B. c/ Suisse, obs. SUDRE Frédéric, J.C.P., 2001, I, n o 13,
p. 342.
696
SUDRE Frédéric et PICHERAL Caroline, « Un critère organique secondaire », in L’extension
des garanties du procès équitable hors les juridictions ordinaires : les contraintes européennes,
Institut de droit européen des droits de l’homme, Avril 2002, SUDRE Frédéric (dir.), p. 41, p. 56
et suivantes.
697
CEDH, 19 décembre 1997, n o 20772/92, Helle c/ Finlande, § 45, Rec., 1997, VII, p. 2930 ;
R.G.D.P., 1998, p. 239, obs. FLAUSS Jean-François.
- 222 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
II. Une inobservation des règles du procès équitable pouvant être compensée
par un contrôle ultérieur de pleine juridiction
Il n’en est rien. La notion de « pleine juridiction » est l’une des plus
controversées de la jurisprudence européenne (A), tant les exigences des organes de
la Convention quant à cette garantie sont difficiles à saisir et à systématiser (B).
- 223 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
La plupart d’entre eux se borne à souligner que le tribunal doit être compétent
pour « se prononcer sur l’ensemble des questions de fait et de droit, posées par le
litige » 703. En reprenant cette formulation, issue de la jurisprudence européenne, ils
évitent de se prononcer précisément sur l’intensité du contrôle qui doit être effectué
pour satisfaire à l’exigence de « pleine juridiction ».
698
MILANO Laure, Le droit à un tribunal au sens de la Convention européenne des droits de
l’Homme, Thèse Montpellier, SUDRE Frédéric (dir.), L.G.D.J., 2006, p. 388.
699
SUDRE Frédéric, Note sur Cass. Com., 29 avril 1997, n o 95-20001, Ferreira c/ DGI, J.C.P.,
éd. gén., 1997, no 43, p. 469.
700
MAMONTOFF Catherine, « La notion de pleine juridiction au sens de l'article 6 de la
Convention européenne des droits de l'homme et ses implications en matière de sanctions
administratives », R.F.D.A., 1999, p. 1004.
701
Voir également FLAUSS Jean-François, « Actualité de la Convention européenne des droits de
l’homme, A.J.D.A., 1994, p. 28.
702
La question d’une gradation de l’intensité du contrôle opéré n’a, bien évidemment, pas lieu
d’être s’agissant des éléments de droit. Soit la juridiction est compétente pour contrôler les
erreurs de droit, soit elle ne l’est pas, mais il ne saurait y avoir de « demi-contrôle ».
703
CHAPUS René, Droit du contentieux administratif, 12 ème éd., Montchrestien, n o 139, p. 130 ;
DEROUIN Philippe, « L’apport du droit pénal au régime juridique des sanctions fiscales, L.P.A.,
6 octobre 1993, no 120, p. 72 et p. 73.
- 224 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
D’autres 704 vont un peu plus loin dans l’analyse, en soulignant que la Cour peut
exiger un contrôle normal sur les éléments de fait ou se satisfaire, dans certaines
hypothèses, d’un contrôle moins approfondi. Ce constat n’est cependant suivi
d’aucune étude identifiant les critères sur lesquels cette échelle de contrôle est
fondée.
En définitive, rares 705 sont ceux qui se sont aventurés à rechercher la grille de
lecture suivie par les juges européens. Et pour cause, comme nous le verrons, la
jurisprudence strasbourgeoise en la matière est au pire confuse et, au mieux,
complexe.
704
FLAUSS Jean-François, « Actualité de la Convention européenne des droits de l’homme,
A.J.D.A., 1994, p. 28, précité ; SUDRE Frédéric, Note sur Cass. Com., 29 avril 1997, n o 95-
20001, Ferreira c/ DGI, J.C.P., éd. gén., 1997, n o 43, p. 469, précité ; MAMONTOFF Catherine,
« La notion de pleine juridiction au sens de l'article 6 de la Convention européenne des droits de
l'homme et ses implications en matière de sanctions administratives », R.F.D.A., 1999, p. 1004,
précité.
705
MILANO Laure, Le droit à un tribunal au sens de la Convention européenne des droits de
l’Homme, Thèse Montpellier, SUDRE Frédéric (dir.), L.G.D.J., 2006, p. 368 et suivantes ;
TINIÈRE Romain, « La notion de « pleine juridiction » au sens de la Convention européenne des
droits de l’homme et l’office du juge administratif », R.F.D.A., 2009, p. 729.
706
CHAPUS René, Droit du contentieux administratif, 12 ème éd., Montchrestien, n o 139, p. 130,
précité ; MELCHIOR Michel, « La notion de compétence de pleine juridiction en matière civile
dans la jurisprudence de la Cour EDH », in Mélanges Jacques VELU, Présence du droit public et
des droits de l’homme, Bruylant, 1992, t. 3, p. 1327 à p. 1346.
- 225 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
707
VAN DROOGHENBROECK Sébastien, « De vraies sanctions administratives ou des sanctions
pénales camouflées ? Réflexion à propos de la jurisprudence récente de la Cour européenne des
droits de l’Homme », Revue de la faculté de droit de l’université de Liège, 2005, p. 467.
708
SUDRE Frédéric, note sur Cass. Com., 29 avril 1997, n o 95-20001, Ferreira c/ DGI, J.C.P., éd.
gén., 1997, no 43, p. 469, précitée ; MAMONTOFF Catherine, « La notion de pleine juridiction
au sens de l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme et ses implications en
matière de sanctions administratives », R.F.D.A., 1999, p. 1004, précité ; MILANO Laure, Le
droit à un tribunal au sens de la Convention européenne des droits de l’Homme, Thèse
Montpellier, SUDRE Frédéric (dir.), L.G.D.J., 2006, p. 368 et suivantes, précitée ; TINIÈRE
Romain, « La notion de « pleine juridiction » au sens de la Convention européenne des droits de
l’homme et l’office du juge administratif », R.F.D.A., 2009, p. 729, précité.
709
CE, 24 septembre 2003, Société Paolo Nancéienne, R.J.F., 12/03, n o 1393.
710
CE, Sect., 8 novembre 1974, Sieur X, Rec. p. 547 ; Dr. fisc., 1975, n o 44, comm. 1430 ; R.J.F.,
janv. 1975, n o 17 : « il n'appartient pas au juge d'accorder par mesure de bienveillance la
réduction d'une pénalité légalement encourue ; une telle demande relève de la juridiction
gracieuse, c'est-à-dire du pouvoir de modération ou de remise des pénalités conféré au fisc par
- 226 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
la loi » (LPF, art. L. 247) ; CE, avis, 5 avril 1996, Houdmond, Dr. fisc., 1996, n o 25, comm. 765,
concl. ARRIGHI DE CASANOVA Jacques ; R.J.F., 1996, n o 607, p. 311, chr. AUSTRY
Stéphane ; « L'application du principe de la rétroactivité in mitius aux sanctions fiscales »,
R.F.D.A., 1997, p. 843, chr. PETIT Jacques ; CE, avis, 8 juillet 1998, n o 195664, Fattell, Rec.
Leb., p. 257 ; R.J.F., 8-9/98, n o 970, p. 637, conclusions Jacques Arrighi de Casanova ; CE,
Sect., 28 juillet 1999, n o 88973, GIE Mumm-Perrier-Jouet, A.J.D.A., 1999, p. 783, chr.
FOMBEUR Pascale et GUYOMAR Mattias ; CE, 30 novembre 2007, n o 292705, Société Sideme,
Dr. fisc., 2008, n o 7, comm. 178, concl. OLLEON Laurent ; R.J.F., 2/08, p. 83, note
BURGUBURU Julie.
711
CE, 30 novembre 2007, Société Sideme, précité ; CE, 26 mai 2008, n o 288583, Société Norelec,
Dr. fisc., 2008, n o 28, comm. 411, concl. SÉNERS François ; COLLIN Pierre, « Procédures
fiscales : l’année 2008 », Dr. fisc., 2009, n o 9, p. 221.
- 227 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
712
TINIÈRE Romain, « La notion de « pleine juridiction » au sens de la Convention européenne des
droits de l’homme et l’office du juge administratif », R.F.D.A., 2009, p. 729, précité ; Voir
également FLAUSS Jean-François, A.J.D.A., 1994, p. 28, précité : selon l’auteur, la
jurisprudence européenne n’autorise « guère des conclusions fermes et définitives quant à
l’étendue (voir la nature) du contrôle juridictionnel imposé par l’article 6, paragraphe 1 ».
713
CEDH, 23 octobre 1995, nos 15523/89, 15527/89, 15963/90, 16713/90, 16718/90, 16841/90,
Schmautzer, Umlauft, Gradinger, Pramstaller, Palaoro et Pfarrmeier c/ Autriche, série A n os 328
A-C et 329 A-C.
714
CEDH, 23 octobre 1995, Schmautzer c/ Autriche, § 36, précité.
715
TINIÈRE Romain, « La notion de « pleine juridiction » au sens de la Convention européenne des
droits de l’homme et l’office du juge administratif », R.F.D.A., 2009, p. 729 ; Voir également, en
ce sens, MILANO Laure, Le droit à un tribunal au sens de la Convention européenne des droits
de l’Homme, Thèse Montpellier, SUDRE Frédéric (dir.), L.G.D.J., 2006, p. 368 et suivantes,
précitée.
716
VAN DROOGHENBROECK Sébastien, « De vraies sanctions administratives ou des sanctions
pénales camouflées ? Réflexion à propos de la jurisprudence récente de la Cour européenne des
droits de l’Homme », Revue de la faculté de droit de l’université de Liège, 2005, p. 467.
- 228 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
717
CEDH, 4 mars 2004, no 47650/99, Silvester’s Horeca Service c/ Belgique, § 27.
718
CEDH, 30 novembre 2006, n o 75101/01, Grecu c/ Roumanie, § 62.
719
CEDH, 27 octobre 1993, no 14448/88, Dombo Beheer N.V. c/ Pays-Bas, § 42, A.J.D.A., 1994,
p. 16, chr. FLAUSS Jean-François ; CEDH, 23 octobre 1995, n o 15963/90, Gradinger
c/ Autriche, § 44, précité ; CEDH, 23 octobre 1995, n o 16718/90, Palaoro c/ Autriche, § 43,
précité ; CEDH, 23 octobre 1995, no 16841/90, Pfarrmeier c/ Autriche, § 40, précité ; CEDH,
23 octobre 1995, n o 16713/90, Pramstaller c/ Autriche, § 41, précité ; CEDH, 23 octobre 1995,
n o 15523/89, Schmautzer c/ Autriche, § 36, précité.
- 229 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
720
Voir sur cette distinction : ELVINGER Marc, « Le contentieux de l'annulation des actes
administratifs face à l'exigence du recours de pleine juridiction au sens de la Convention
européenne des droits de l'homme», Bull. dr. h., no 5, 1996, p. 95.
721
CEDH, 23 juin 1981, n os 6878/75, 7238/75, Le Compte, Van Leuven et De Meyere c/ Belgique,
§ 33, G.A.C.E.D.H., n o 17 ; CEDH, 10 février 1983, n os 7299/75, 7496/76, Albert et Le Compte
c/ Belgique, § 37, J.D.I., 1985, p. 212, obs. ROLLAND Patrice et TAVERNIER Paul ; CEDH,
26 septembre 1995, n o 18160/91, Diennet c/ France, § 34, J.C.P., éd. gén., 1996, I, 3910, n o 25,
obs. SUDRE Frédéric ; CEDH, 27 juillet 2006, n o 69742/01, Gubler c/ France, § 26 ; CEDH,
24 septembre 2009, n o 32976/04, Mérigaud c/ France.
- 230 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
722
CEDH, 8 juillet 1987, n os 9276/81, 9580/81, 9749/82, 9840/82, 10496/83, O., H., W., B. et R.
c/ Royaume-Uni, § 63.
723
ELVINGER Marc, « Le contentieux de l’annulation des actes administratifs individuels face à
l’exigence du contrôle de pleine juridiction au sens de la CEDH », Bull. dr. h., 1996, p. 94.
724
CEDH, 29 octobre 2009, n o 49037/06, Chaudet c/ France, § 37.
725
CEDH, 22 novembre 1995, n o 19178/91, Bryan c/ Royaume-Uni, § 44.
- 231 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
souvent, par affirmation plutôt que par démonstration. Dans l’ensemble du corpus
prétorien européen, seuls quatre arrêts, comportent des éléments de réponse quant aux
facteurs pris en compte par les juges strasbourgeois pour établir cette échelle de
contrôle. Ces décisions portent sur des contentieux s’inscrivant tous dans le champ
européen de la matière « civile » mais mettant en cause des droits relevant tantôt du
« noyau dur des droits civils » tantôt du droit administratif traditionnel 726.
Aux termes de ces arrêts, pour rechercher si le contrôle offert par le tribunal
national sur les éléments de fait est suffisant, « il échet de considérer des questions
telles que l’objet de la décision attaquée, la méthode suivie pour parvenir à cette
décision et la teneur du litige » 727. Au titre de « l’objet de la décision », deux aspects
sont étudiés. D’une part, la Cour de Strasbourg s’attache à la nature du droit en cause.
À cet égard, elle recherche si la décision attaquée a été prise dans le cadre de
l’exercice d’une activité relevant traditionnellement du droit administratif ou, au
contraire, met en jeu des intérêts exclusivement privés 728. D’autre part, les juges
européens tiennent compte de la technicité de la matière dans laquelle la décision
litigieuse est intervenue 729. Le second critère renvoie à la nature « quasi-judiciaire »
de la procédure au terme de laquelle la décision attaquée a été prise. La Cour de
Strasbourg apprécie les garanties offertes au requérant lors de la procédure
administrative ou disciplinaire préalable 730. Quant à la question relative à « la teneur
726
CEDH, 22 novembre 1995, n o 19178/91, Bryan c/ Royaume-Uni, précité relatif à un contentieux
de l’urbanisme ; CEDH, 7 novembre 2000, n o 35605/97, Kingsley c/ Royaume-Uni : l'espèce
porte sur la réglementation de l'industrie des jeux ; CEDH, 4 octobre 2001, no 33776/96, Potocka
et autres c/ Pologne : reconnaissance d’un droit de propriété temporaire sur des terrains
appartenant au requérant et qui avaient été frappés d’expropriation ; CEDH, 9 janvier 2013,
n o 21722/11, Oleksandr Volkov c/ Ukraine : était en cause la révocation du requérant de son
poste de juge.
727
CEDH, 22 novembre 1995, n o 19178/91, Bryan c/ Royaume-Uni, § 44 à § 47, précité ; CEDH,
7 novembre 2000, n o 35605/97, Kingsley c/ Royaume-Uni, précité, § 52, précité ; CEDH,
4 octobre 2001, no 33776/96, Potocka et autres c/ Pologne, § 53, précité ; CEDH, 9 janvier 2013,
n o 21722/11, Oleksandr Volkov c/ Ukraine, § 123, précité.
728
CEDH, 22 novembre 1995, n o 19178/91, Bryan c/ Royaume-Uni, précité, § 47 ; CEDH,
7 novembre 2000, n o 35605/97, Kingsley c/ Royaume-Uni, précité, § 53 ; CEDH, Gr. Ch., 28 mai
2002, n o 35605/97, Kingsley c/ Royaume-Uni, § 32.
729
CEDH, 22 novembre 1995, n o 19178/91, Bryan c/ Royaume-Uni, précité, § 47 ; CEDH,
7 novembre 2000, n o 35605/97, Kingsley c/ Royaume-Uni, précité, § 53.
730
CEDH, 22 novembre 1995, n o 19178/91, Bryan c/ Royaume-Uni, précité, § 46 et § 47 ; CEDH,
7 novembre 2000, n o 35605/97, Kingsley c/ Royaume-Uni, précité, § 54 ; CEDH, Gr. Ch., 28 mai
- 232 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
du litige », elle consiste à vérifier que la juridiction a « examiné point par point tous
les moyens présentés par le requérant sur le fond, sans jamais se voir contraint de
décliner sa compétence pour y répondre ou pour établir les faits » 731.
- 233 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
736
Voir également, en ce sens, MILANO Laure, Le droit à un tribunal au sens de la Convention
européenne des droits de l’Homme, précitée, p. 368 et suivantes ; TINIÈRE Romain, « La notion
de « pleine juridiction » au sens de la Convention européenne des droits de l’homme et l’office
du juge administratif », R.F.D.A., 2009, p. 729, précité.
737
MATSCHER Franz, « La notion de « tribunal » au sens de la Convention européenne des droits
de l’homme », Les nouveaux développements du procès équitable au sens de la Convention
européenne des droits de l’homme, Bruxelles, Bruylant, 1996, p. 29.
738
Opinion partiellement dissidente du juge MATSCHER jointe à l’arrêt CEDH, 23 juin 1981,
n os 6878/75, 7238/75, Le Compte, Van Leuven et De Meyere c/ Belgique, précité.
739
SUDRE Frédéric, Droit européen et international des droits de l’homme, P.U.F., 9 ème éd., 2009,
p. 364, n o 207.
740
MATSCHER Franz, « La notion de « tribunal » au sens de la Convention européenne des droits
de l’homme », Les nouveaux développements du procès équitable au sens de la Convention
européenne des droits de l’homme, Bruxelles, Bruylant, 1996, p. 47.
- 234 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
741
ELVINGER Marc, « Le contentieux de l'annulation des actes administratifs face à l'exigence du
recours de pleine juridiction au sens de la Convention européenne des droits de l'homme», Bull.
dr. h., n o 5, 1996, p. 108 à p. 111.
742
CEDH, 29 octobre 2009, n o 49037/06, Chaudet c/ France, précité.
743
CEDH, 9 janvier 2013, no 21722/11, Oleksandr Volkov c/ Ukraine, § 125, précité.
- 235 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
mesure contestée est jugée suffisante tant dans les affaires portant sur des contentieux
de pur droit public 744 que dans celles mettant en jeu des droits exclusivement civils 745.
744
CEDH, 21 septembre 1993, no 12235/86, Zumtobel c/ Autriche, précité ; CEDH, 25 novembre
1994, no 12884/87, Ortenberg c/ Autriche, précité ; CEDH, 26 avril 1995, no 16922/90, Fischer
c/ Autriche, précité ; CEDH, 28 février 1996, n o 22108/93, Escarrat c/ France ; CEDH,
7 novembre 2000, n o 35605/97, Kingsley c/ Royaume-Uni, précité.
745
CEDH, 29 octobre 2009, n o 49037/06, Chaudet c/ France, précité ; CEDH, 9 janvier 2013,
n o 21722/11, Oleksandr Volkov c/ Ukraine, précité.
746
Par exemple, dans le cadre de la matière civile : CEDH, 17 décembre 1996, n o 20641/92, Terra
Woningen B. V. c/ Pays-Bas, § 52 ; CEDH, 12 avril 2007, n o 66455/01, Bulinwar Ood et
Hrusanov c/ Bulgarie, § 35. Voir, dans le cadre de la matière pénale : CEDH, 4 juin 2006,
- 236 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
fait sont, en matière « pénale », entendues plus strictement que dans le contentieux
« civil ».
Dans ces affaires, la Cour a suivi l’avis rendu par la Commission selon
laquelle « bien qu’en matière civile un contrôle quelque peu restreint des décisions
prises par les autorités administratives puisse, en certaines circonstances, satisfaire
aux exigences de l’article 6 de la Convention, les affaires pénales pourraient
nécessiter une approche différente. Lorsqu’un défendeur souhaite qu’un tribunal
statue sur le bien-fondé d’une accusation en matière pénale portée à son encontre,
rien ne peut limiter la portée du contrôle requis des décisions des autorités
administratives ».
- 237 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
matière pénale. Il s’agit là d’une différence majeure avec la matière civile, pour
laquelle un simple pouvoir d’annulation suffit.
Quelles sont donc les raisons qui expliquent cette distinction, laquelle ne
trouve pas d’« appui dans le libellé ni dans l’objet de l’article 6 C.E.D.H. » 749 ?
Pour certains, rien ne justifie que « dans une affaire de caractère
« administratif » en droit interne, mais « pénal » au regard de la Convention, les
garanties offertes par le tribunal qui doit contrôler la décision ultime rendue par les
instances administratives différent de celles exigées pour une affaire
« administrative » en droit interne, mais « civile » au sens de la Convention ».
Au contraire, pour d’autres auteurs, plusieurs motifs peuvent être avancés en
faveur de la détention d’un pouvoir de réformation par le juge administratif statuant
sur une décision administrative relevant de la matière pénale au sens de la
Convention.
Un argument textuel a ainsi été soulevé. En ce sens, Mme Laure MILANO a
pu souligner qu’eu égard à l’acception matérielle de la notion d’accusation en matière
pénale, laquelle fait intervenir l’étude du contenu de l’acte d’ « accusation » mais
aussi des conséquences de cet acte sur la situation juridique du justiciable, « la
faculté de décider du bien-fondé de l’accusation paraît inclure l’examen du bien-
fondé de la poursuite et du bien-fondé de la peine, c’est-à-dire l’appréciation de
l’adéquation entre la peine et la gravité de la sanction » 750.
Des motifs d’efficacité ont également été invoqués par les auteurs 751.
M. ELVINGER et Mme MAMONTOFF, suivis par Mme MILANO, ont notamment
fait observer que « la sanction administrative est un domaine où le simple pouvoir
d’annuler avec renvoi de l’affaire à l’administration, peut ne pas être satisfaisant. En
749
Voir l’opinion séparée du juge Martens jointe aux arrêts CEDH, 23 octobre 1995, Schmautzer
c/ Autriche, précité et CEDH, 23 octobre 1995, Pramstaller c/ Autriche, précité.
750
MILANO Laure, Le droit à un tribunal au sens de la Convention européenne des droits de
l’Homme, Thèse Montpellier, SUDRE Frédéric (dir.), L.G.D.J., 2006, p. 381 et suivantes.
751
ELVINGER Marc, « Le contentieux de l'annulation des actes administratifs face à l'exigence du
recours de pleine juridiction au sens de la Convention européenne des droits de l'homme», Bull.
dr. h., n o 5, 1996, p. 108 ; MAMONTOFF Catherine, « La notion de pleine juridiction au sens de
l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme et ses implications en matière de
sanctions administratives », R.F.D.A., 1999, p. 1004 ; MILANO Laure, Le droit à un tribunal au
sens de la Convention européenne des droits de l’Homme, précitée, p. 381 et suivantes.
- 238 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
À nos yeux, la principale raison qui justifie cette différence de traitement tient
à la spécificité de la matière « pénale » 752. Selon nous, la Cour, en opérant une telle
distinction, manifeste, une fois de plus, son adhésion à la thèse de la nature
fondamentalement juridictionnelle de la répression. Comme nous l’avons vu 753, au
terme de cette conception, l’acte punitif relève par essence de la fonction
juridictionnelle et, plus précisément, de la mission naturelle du juge pénal. En ce
sens, il apparaît comme une « anomalie juridique » 754, une forme de « justice hors du
juge » 755 lorsqu’il est prononcé par l’Administration. Consécutivement, il implique,
au stade du contrôle juridictionnel, la détention par le juge ordinaire de pouvoirs
correspondant à ceux du juge répressif, dont le pouvoir de réformation de la sanction.
752
Voir également en ce sens : MAMONTOFF Catherine, « La notion de pleine juridiction au sens
de l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme et ses implications en matière
de sanctions administratives », précité, p. 1004 ; MILANO Laure, Le droit à un tribunal au sens
de la Convention européenne des droits de l’Homme, précitée, p. 381 et suivantes.
753
Voir en ce sens : Partie 1, Chapitre 1, Section 1, I, B, 2.
754
MAMONTOFF Catherine, « La notion de pleine juridiction au sens de l’article 6 de la
Convention européenne des droits de l’homme et ses implications en matière de sanctions
administratives », R.F.D.A., 1999, p. 1004.
755
DELVOLVÉ Pierre, « La justice hors du juge », Cahiers de droit de l'entreprise, 1984,
n o supplémentaire, n° 4, p. 16.
- 239 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
Dans son arrêt « Jussila c/ Finlande » 756 du 23 juin 2006, les juges européens
ont transposé à la matière « pénale » le système de gradation des exigences afférentes
au droit au procès équitable qu’elle avait consacré en matière « civile ». Elle affirme,
en effet, que « les garanties offertes par le volet pénal de l’article 6 ne doivent pas
nécessairement s’appliquer dans toute leur rigueur » au prononcé de sanctions qui
n’appartiennent pas au noyau dur du droit pénal, telles que les contraventions
administratives, les punitions pour manquement à la discipline pénitentiaire, les
infractions douanières, les sanctions pécuniaires infligées pour violation du droit de la
concurrence et les amendes infligées par des juridictions financières. Cette solution
peut se justifier, tout comme en matière civile, par le souci de « compenser
l’élargissement incessant (…) [de la notion] de matière pénale » 757 à des matières qui,
en droit interne, n’en relèvent pas formellement.
756
CEDH, 23 novembre 2006, n o 73053/01, Jussila c/ Finlande, § 43, CEDH 2006-XIII.
757
TULKENS Françoise et KOERING-JOULIN Renée, « Le juge. Système continental », in Les
principes communs d’une justice des États de l’Union européenne, Colloque organisé par la Cour
de cassation, La documentation française, 2001, p. 54.
758
CEDH, 7 juin 2012, n o 4837/06, Ségame c/ France, § 31 à § 37.
- 240 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
matière de pénalités, substituer un taux inférieur à un taux supérieur pour autant que
la loi le prévoit » 759. Ils notent, à cet égard, qu’il s’agit de « pouvoirs étendus ».
La Cour en vient à l’examen du grief relatif à l’absence de détention d’un
pouvoir de modulation de l’amende fiscale par le juge administratif français, faute de
dispositions légales le permettant.
Elle conclut qu’il n’y a pas, en l’espèce, violation de l’article 6 § 1 C.E.D.H.
Pour ce faire, elle s’appuie sur trois considérations principales qui confirment
l’arrêt rendu par le Conseil d’État sur cette même affaire 760. Elle relève que « la loi
elle-même proportionne dans une certaine mesure l’amende à la gravité du
comportement du contribuable, puisque celle-ci est fixée en pourcentage des droits
éludés, dont en l’espèce la requérante a pu amplement discuter l’assiette ». Se
référant à sa jurisprudence « Jussila c/ Finlande » précitée, elle reconnaît ensuite « le
caractère particulier du contentieux fiscal impliquant une exigence d’efficacité
nécessaire pour préserver les intérêts de l’État et observe, en outre, que ce
contentieux ne fait pas partie du noyau dur du droit pénal au sens de la
Convention ». Enfin, elle constate « que le taux de l’amende, fixé à 25 %, n’apparaît
pas disproportionné ».
759
CEDH, 7 juin 2012, n o 4837/06, Ségame c/ France, § 56.
760
CE, 27 juin 2008, n o 301343, Société Ségame, R.J.F., 11/08, no 1213.
- 241 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
Sans entrer dans une étude au cas par cas, on peut observer que le contrôle
opéré par le juge administratif français ne satisfait pas toujours aux exigences
européennes de la « pleine juridiction » 761, telles qu’elles viennent d’être présentées.
761
Sur cette question : MAMONTOFF Catherine, « Une judiciarisation tributaire de l’existence
d’un contrôle de pleine juridiction », in L’extension des garanties du procès équitable hors les
juridictions ordinaires : les contraintes européennes, Institut de droit européen des droits de
l’homme, avril 2002, SUDRE Frédéric (dir.), p. 182 ; TINIÈRE Romain, « La notion de « pleine
juridiction » au sens de la Convention européenne des droits de l’homme et l’office du juge
administratif », R.F.D.A., 2009, p. 729.
762
CE, 28 décembre 2001, n o 225189, Commune de Saint-Jory, Rec., p. 681 ; B.J.C.L., 2002, p. 28,
concl. SÉNERS François.
763
CEDH, 26 octobre 1993, n o 15058/89, Darnell c/ Royaume-Uni, A. 272.
- 242 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
SECTION 2
764
SUDRE Frédéric, Droit européen et international des droits de l’homme, P.U.F., 9 ème éd., 2009,
p. 371. Selon l’auteur, « L’article 6, par contre, n’impose pas que les procédures de première
instance, en matière civile ou pénale, devant des organes qui ne sont pas intégrés aux
« structures judiciaires ordinaires » - tels organes administratifs ou disciplinaires – remplissent
les exigences du procès équitable. Le juge européen, de longue date, admet que des « impératifs
de souplesse et d’efficacité » peuvent justifier l’intervention d’organes non juridictionnels ne
satisfaisant pas aux garanties de l’article 6 : dans ce cas, le justiciable doit disposer d’un
recours devant un organe judiciaire indépendant, doté de la plénitude de juridiction et offrant
les garanties de l’article 6 § 1 ». Voir également : COSTA Jean-Paul, « L’application du
contradictoire dans l’article 6 § 1 de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de
l’homme », R.F.D.A., 2001, p. 30 : « enfin, l'article 6 s'applique en matière contentieuse et non
administrative ou précontentieuse (Benthem c/ Pays-Bas, 1985, Imbrioscia c/ Suisse, 1993),
encore que, au moins en ce qui concerne le respect du délai raisonnable, et pour autant que
l'article 6 soit applicable au litige, on tienne compte du délai enregistré dans la phase
précontentieuse (X., 1992) comme de celui enregistré dans l'exécution de la décision de justice
(Hornsby c/ Grèce, 1997). »
765
Une lecture attentive des arrêts rendus avant la décision Imbrioscia c/ Suisse pouvait déjà laisser
présager du principe d’application immédiate des garanties de l’article 6 C.E.D.H. en cas
d’atteinte irréversible au caractère équitable de la procédure. Voir en ce sens : CEDH, 25 février
1993, n o 10828/84, Funke c/ France.
766
CEDH, 24 novembre 1993, n o 13972/88, Imbrioscia c/ Suisse, § 36, Série A, n o 275 ;
Rev. science crim., 1994, p. 144, obs. PETTITI Louis-Edmond ; Rev. science crim., 1994, p. 362,
obs. KOERING-JOULIN Renée.
- 243 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
Selon cet arrêt, lorsque l’inobservation des garanties du procès équitable par
l’autorité administrative revêt un caractère de gravité tel qu’elle est insusceptible
d’être compensée pendant la phase juridictionnelle, il y a lieu de faire exception à la
jurisprudence « Le Compte, Van Leuven et De Meyere c/ Belgique » 767. Pour la Cour
de Strasbourg, « si la garantie des droits doit tenir compte des exigences d’efficacité
de la procédure administrative, l’efficacité ne peut justifier tous les manquements à
l’équité procédurale. » 768
767
CEDH, 23 juin 1981, n os 6878/75, 7238/75, Le Compte, Van Leuven et De Meyere c/ Belgique,
§ 33, G.A.C.E.D.H., no 17.
768
BRISSON Jean-François, « Les pouvoirs de sanction des autorités de régulation et l’article 6 § 1
de la Convention européenne des droits de l’homme. À propos d’une divergence entre le Conseil
d’État et la Cour de cassation », A.J.D.A., 20 novembre 1999, p. 852.
769
CEDH, 24 novembre 1993, n o 13972/88, Imbrioscia c/ Suisse, § 36, Série A, n o 275, Rev. science
crim., 1994, p. 144, obs. PETTITI Louis-Edmond ; Rev. science crim., 1994, p. 362, obs.
KOERING-JOULIN Renée.
- 244 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
Cette analyse doctrinale, formulée fin 1999 et reprise au début des années
2000, se trouvait, il est vrai, nettement confortée par la position adoptée jusqu’alors
par les organes de la Convention.
770
BRISSON Jean-François, « Les pouvoirs de sanction des autorités de régulation et l’article 6 § 1
de la Convention européenne des droits de l’homme. À propos d’une divergence entre le Conseil
d’État et la Cour de cassation », A.J.D.A., 20 novembre 1999, p. 852.
771
SERMET Laurent, « Le droit à un procès équitable », R.F.D.A., 2000, p. 1059.
- 245 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
772
CEDH, 23 octobre 1995, n os 15523/89, 15527/89, 15963/90, 16713/90, 16718/90, 16841/90,
Schmautzer, Umlauft, Gradinger, Pramstaller, Palaoro et Pfarrmeier c/ Autriche, série A n os 328
A-C et 329 A-C, précités.
773
Voir en ce sens : l’interprétation européenne de la notion de pleine juridiction en matière pénale
étudiée dans la section précédente (Partie 2, Chapitre 1, Section 1, II, B, 2).
774
CEDH, 10 février 1995, no 15175/89, Allenet de Ribemont c/ France, § 35, R.T.D.H., 1995,
p. 661 à p. 672, note SPIELMANN Dean.
775
CEDH, 8 février 1996, n o 18731/91, John Murray c/ Royaume-Uni, § 63, Rec. Cour. eur. D. H,
1996, I, p. 30 ; J.L.M.B., 1997, p. 52, obs. NEVE Marc et SADZOT Alain, « Le droit au silence
et le droit à l’assistance d’un avocat dès les premiers stades de la procédure » ; R.S.C., 1997,
p. 476, obs. KOERING-JOULIN Renée.
776
CEDH, 8 février 1996, n o 18731/91, John Murray c/ Royaume-Uni, § 63, Rec. Cour. eur. D. H,
1996, I, p. 30 ; J.L.M.B., 1997, p. 52, obs. NEVE Marc et SADZOT Alain, « Le droit au silence
et le droit à l’assistance d’un avocat dès les premiers stades de la procédure » ; R.S.C., 1997,
p. 476, obs. KOERING-JOULIN Renée.
- 246 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
Onze mois plus tard, les juges européens ont requis l’observation du droit de
se taire et de ne point contribuer à sa propre incrimination au stade de l’enquête
préalable à la saisine du juge pénal 778.
Depuis cette date, les juges européens n’ont pas désavoué la thèse selon
laquelle les phases préalables à la saisine du juge pénal constituent le domaine
privilégié d’application du principe posé par la décision « Imbrioscia c/ Suisse ».
Par ailleurs, seul un arrêt 781 est intervenu, après la décision « Bendenoun
c/ France », pour imposer le respect du droit de garder le silence et du droit de ne pas
contribuer à sa propre incrimination à l’administration fiscale. Ainsi que l’a relevé
monsieur Vincent SEPULCHRE, étaient en cause, « des amendes administratives
777
CEDH, 6 juin 2000, n o 28135/95, Magee c/ Royaume-Uni, § 46, R.S.C., 2001, p. 881, obs.
TULKENS Françoise.
778
CEDH, 17 décembre 1996, n o 19187/91, Saunders c/ Royaume-Uni, § 68, § 71 et § 72, Rec.
CEDH, 1996, A, VI, p. 2045 ; J.C.P., éd. gén., 1997, I, 4000, n o 18, SUDRE Frédéric ;
R.S.C., 1997, p. 476, obs. KOERING-JOULIN Renée.
779
CEDH, 11 décembre 2008, n o 4268/04, Panovits c/ Chypre, § 65.
780
CEDH, 27 novembre 2008, no 36391/02, Salduz c/ Turquie, § 55, précité ; voir également : CEDH,
27 octobre 2011, no 25303/08, Stojkovic c/ France et Belgique, § 49 et § 50, R.T.D.H., 2012, p. 369, obs.
PALVADEAU Emmanuelle, « Droit à un procès équitable et responsabilité des États en cas de
commission rogatoire internationale ».
781
CEDH, 3 mai 2001, J.-B. c/ Suisse, Rec. CEDH, 2001, A, III-IV, p. 455 ; J.C.P., éd. gén., 2001, I,
p. 342, chronique SUDRE Frédéric.
- 247 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
infligées (…) au contribuable, pour non communication des documents, sans aucune
condamnation par une juridiction pénale et sans même de procédure pénale » 782.
782
SEPULCHRE Vincent, Droits de l'homme et libertés fondamentales en droit fiscal, éd. Larcier, Coll. de
droit fiscal, p. 313.
783
SUDRE Frédéric et PICHERAL Caroline, « Un critère organique secondaire », in L’extension
des garanties du procès équitable hors les juridictions ordinaires, SUDRE Frédéric (dir.), p. 58 et
p. 59.
784
CEDH, 19 juillet 1995, n o 17506/90, Kerojärvi c/ Finlande, R.T.D.H., 1996, p. 206 et s., obs.
YERNAULT Dimitri, « Libertés classiques et droits dérivés : le cas de l’accès aux documents
administratifs ».
785
CEDH, 24 février 1995, no 16424/90, Mc Michael c/ Royaume-Uni, D., 1995, p. 449, note
HUYETTE Michel ; A.J.D.A., 1995, p. 719, « Actualité de la CEDH ».
- 248 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
assurances puis devant la Cour suprême est en cause parce que le requérant s’est vu
refuser, devant ces juridictions, la communication d’une copie des dossiers
administratifs et médicaux le concernant.
786
CEDH, 24 février 1994, n o 12547/86, Bendenoun c/ France, J.D.E., 1994, p. 41, obs. M. B. ;
J.C.P., 1995, I, 3823, n o 16, obs. SUDRE Frédéric.
787
CEDH, 22 septembre 1994, n o 13616/88, Hentrich c/ France, A.J.D.A., 1995, p. 212, chr.
FLAUSS Jean-François ; D., 1995, p. 465, note FIORINA D.; G.A.J.F., 5 ème éd., 2009, n o 5.
788
CEDH, 26 septembre 1996, n o 18978/91, Miailhe c/ France, R.J.F., 1996, n o 1375.
- 249 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
présenter sa cause dans des conditions qui ne la placent pas dans une situation de net
désavantage par rapport à son adversaire ».
789
GUYOMAR Mattias et COLLIN Pierre, « Diverses application du principe d’impartialité »,
A.J.D.A., 2000, p. 126.
790
CEDH, 3 mai 2001, J.-B. c/ Suisse, Rec. CEDH, 2001, A, III-IV, p. 455 ; J.C.P., éd. gén., 2001, I,
p. 342, chronique SUDRE Frédéric.
791
SEPULCHRE Vincent, Droits de l'homme et libertés fondamentales en droit fiscal, éd. Larcier, Coll. de
droit fiscal, p. 313.
- 250 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
792
CEDH, 24 novembre 1993, n o 13972/88, Imbrioscia c/ Suisse, § 38, précité ; CEDH, 8 février
1996, no 18731/91, John Murray c/ Royaume-Uni, § 63, précité ; CEDH, 6 juin 2000,
n o 28135/95, Magee c/ Royaume-Uni, § 41, précité ; CEDH, 11 juillet 2000, n o 20869/92, Dikme
c/ Turquie, Rec. CEDH, 2000, VIII ; CEDH, 16 octobre 2001, n o 39846/98, Brennan c/ Royaume-
Uni, § 45, Rec. CEDH, 2001, X ; CEDH, 3 juin 2003, n o 33343/96, Pantea c/ Roumanie ; § 287,
Rec. CEDH, 2003, VI ; J.C.P., éd. gén., 2003. I, 160, n° 3, chr. SUDRE Frédéric ; D., 2003,
p. 2268, obs. RENUCCI Jean-François ; CEDH, 20 avril 2004, n os 29486/95, 29487/95,
29853/95, Mamac et autres c/ Turquie, § 47 ; CEDH, 22 avril 2004, n o 36115/97, Sarikaya
- 251 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
c/ Turquie, § 65 ; CEDH, Gr Ch., 12 mai 2005, n o 46221/99, Öcalan c/ Turquie, § 135, J.T.D.E.,
2005, p. 191; J.T., 2005, p. 752, obs. KRENC Frédéric.
793
CEDH, 6 juin 2000, n o 28135/95, Magee c/ Royaume-Uni, § 45.
- 252 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
considérations. Ils relèvent, tout d’abord, que « le requérant n’a fait aucun aveu
l’incriminant lors des interrogatoires de police qui ont eu lieu pendant la période
d’ajournement ». Ils constatent ensuite que le requérant « a formulé ses premiers
aveux lors de l’interrogatoire du 22 octobre 1990 (…), alors qu’il ne lui était plus
interdit de consulter un solicitor ». Enfin, ils soulignent qu’« il n’a pas non plus été
tiré la moindre conclusion des déclarations ou omissions du requérant au cours des
vingt-quatre premières heures ».
- 253 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
À cet égard, nous ne pouvons que marquer notre désaccord avec Mme
QUILICHINI qui, dans un article paru en 2004, laisse entendre le contraire 795 et ne
fait pas état de la démarche casuistique adoptée par la Cour de Strasbourg.
794
Voir en ce sens : CEDH, 11 juillet 2000, no 20869/92, Dikme c/ Turquie, précité ; CEDH,
16 octobre 2001, n o 39846/98, Brennan c/ Royaume-Uni, précité.
795
QUILICHINI Paule, « Réguler n’est pas juger. Réflexions sur la nature du pouvoir de sanction
des autorités de régulation économique », A.J.D.A., 2004, p. 1060.
796
MILANO Laure, Le droit à un tribunal au sens de la convention européenne des droits de
l’homme, L.G.D.J., 2006.
797
CEDH, 19 décembre 1997, n o 20772/92, Helle c/ Finlande, § 46 ; CEDH, 20 novembre 1995,
n o 19589/92, British-American Tobacco Company Ltd c/ Pays-Bas », § 78 ; CEDH, 26 août
1997, n o 22839/93, De Haan c/ Pays-Bas, § 52.
- 254 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
Dans une telle perspective, précisons qu’il y a lieu d’exclure les exigences
d’indépendance et d’impartialité dont le respect ne saurait être exigé des organes
administratifs. En effet, ainsi que nous venons de le rappeler 799, la jurisprudence « Le
Compte, Van Leuven et De Meyere c/ Belgique » est précisément intervenue afin de
798
CEDH, 23 octobre 1995, Schmautzer, Umlauft, Gradinger, Pramstaller, Palaoro et Pfarrmeier
c/ Autriche, respectivement § 34, § 37, § 42 et § 39, § 41 et § 38 ; CEDH 27 septembre 2011,
n o 43509/08, A. Menarini Diagnostics S.R.L. c/ Italie.
799
Voir nos développements précédents sur ce point : Partie 2, Chapitre 1, Section 1, I.
- 255 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
800
CEDH, 14 novembre 2000, n o 35115/97, Riepan c/ Autriche, § 39, Rec. CEDH, 2000, XII.
- 256 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
CONCLUSION
- 257 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
CHAPITRE 2
L’analyse des corpus prétoriens judiciaire et administratif démontre que les hauts
magistrats français ont parfaitement intégré l’approche globale de la Cour européenne
consacrée par la décision « Le Compte, Van Leuven et De Meyere c/ Belgique »801.
Par son arrêt « Haddad c/ Agent judiciaire du Trésor »802 du 9 avril 1996, la Cour
de cassation a ainsi pu juger que « l'intervention préalable dans la procédure répressive
d'une autorité administrative qui, comme la Commission [des opérations de bourse], ne
satisfait pas sur tous leurs aspects aux prescriptions de forme du paragraphe 1er de
l'article 6 de la Convention » n’est pas de nature à priver la personne poursuivie de son
droit au procès équitable dès lors que « les décisions prises par celle-ci subissent a
posteriori, sur des points de fait, des questions de droit ainsi que sur la proportionnalité de
la sanction prononcée avec la gravité de la faute commise, le contrôle effectif d'un organe
judiciaire offrant toutes les garanties d'un tribunal au sens du texte susvisé ». Ce faisant,
elle a écarté le grief tiré de la violation de l’article 6 C.E.D.H. faute pour la Commission
d’avoir tenu une audience publique.
On retrouve la même motivation dans les décisions rendues par les juges judiciaires
relatives à l’examen de la procédure répressive suivie par le Conseil de la concurrence 803.
801
CEDH, 23 juin 1981, n os 6878/75, 7238/75, Le Compte, Van Leuven et De Meyere c/ Belgique,
G.A.C.E.D.H., no 17 ; C.D.E., 1982, p. 201, COHEN-JONATHAN Gérard ; J.D.I., 1982, p. 216,
ROLLAND Patrice.
802
Cass. Com., 9 avril 1996, no 94-11323, Haddad c/ Agent judiciaire du Trésor, J.C.P., éd. gén.,
no 26, IV, 1996, p. 169.
803
Voir également dans le même sens : Cass. Com., 5 octobre 1999, n os 97-15617, 97-5626, 97-
15632, 97-15673, 97-15760, 97-15777, 97-15805, 97-15826, 97-15836, 97-15852, 97-15871, 97-
15932, 97-16004, 97-16330, S.N.C. Campenon Bernard SGE et autres, Bull. Civ., IV, n o 158,
p. 133 ; Gaz. Pal., 1 et 2 décembre 1999, p. 9, concl. LAFORTUNE Maurice-Antoine ; note
FLECHEUX Olivier; J.C.P., 2000, II, 10255, note CADOU Éléonore; D., 1999, p. 44, obs.
- 258 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
C’est dans son arrêt « Jean-Louis Didier » 804 du 3 décembre 1999 que le
Conseil d’État a, pour la première fois, fait jouer la possibilité offerte par la
jurisprudence strasbourgeoise de repousser l’obligation de se conformer aux garanties
du procès équitable au stade juridictionnel de la procédure. Immédiatement après
avoir admis l’applicabilité de l’article 6 C.E.D.H. au Conseil des marchés financiers,
la haute juridiction administrative a déclaré que « compte tenu du fait que sa décision
peut faire l'objet d'un recours de plein contentieux devant le Conseil d'État, la
circonstance que la procédure suivie devant [cette autorité] « ne serait pas en tous
points conforme aux prescriptions de l'article 6-1 précité n'est pas de nature à
entraîner dans tous les cas une méconnaissance du droit à un procès équitable ».
Cette formulation a par la suite été employée dans nombres d’arrêts relatifs à
l’application du droit au procès équitable aux autorités administratives indépendantes
statuant en matière pénale au sens de la Convention 805.
- 259 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
Il n’en est rien. Contre toute attente, le Conseil d’État a rendu certaines
garanties du procès équitable mécaniquement opposables aux autorités
administratives qui prennent des décisions relevant du volet « pénal » de l’article 6
C.E.D.H.
21 décembre 2012, n o 353856, Société Groupe Canal Plus c/ Sté Vivendi Universal, (rendu à
propos d’une sanction prononcée par l'Autorité de la concurrence).
806
BONICHOT Jean-Claude, « Interview : l’application de l’article 6 § 1 de la C.E.D.H. aux
autorités de régulation : la position du Conseil d’État », L.P.A., 11 mai 2000.
807
Voir en ce sens : Partie 1, Chapitre 1, Section 2, II.
808
Voir en ce sens : Partie 1, Chapitre 2, Section 1.
- 260 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
- 261 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
SECTION 1
809
CEDH, 24 novembre 1993, n o 13972/88, Imbrioscia c/ Suisse, § 36, Série A, n o 275, R.S.C.,
1994, p. 144, obs. PETTITI Louis-Edmond ; R.S.C., 1994, p. 362, obs. KOERING-JOULIN
Renée.
- 262 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
Il faut ici souligner la symétrie des solutions adoptées jusqu’à présent par les
deux ordres de juridictions. Une étude comparée des jurisprudences judiciaire et
administrative montre, en effet, que les hauts magistrats français ne s’accordent pas
seulement sur la liste des prescriptions du procès équitable systématiquement
opposables aux autorités administratives relevant du volet pénal de l’article 6
C.E.D.H. au sens de leur jurisprudence respective (A). Ces derniers s’entendent, en
outre, sur le contenu à conférer à ces diverses garanties (B).
Suivant son homologue judiciaire, le Conseil d’État a jugé que les autorités
administratives satisfaisant aux conditions d’applicabilité du volet pénal de l’article 6
C.E.D.H., telles qu’il les a définies 810, devaient systématiquement se conformer aux
principes d’impartialité, des droits de la défense, du caractère contradictoire de la
procédure et de la présomption d’innocence, garantis par l’article 6 C.E.D.H. (1).
810
Voir Partie 1, Chapitre 2, Section 2.
- 263 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
811
Cass., Ass., 5 février 1999, n o 97-16440, COB c/ Oury et agent judiciaire, Bull. AP, n o 1, p. 1 ;
Gaz. Pal., 24 et 25 février 1999, p. 8 ; D., 1999, Somm. 249, obs. BON-GARCIN Isabelle ;
L.P.A., 10 février 1999, no 29, p. 17, FRISON-ROCHE Marie-Anne, « Les autorités de régulation
confrontées à la Convention européenne des droits de l'homme » ; L.P.A., 10 février 1999, p. 14,
note DUCOULOUX-FAVARD Claude.
812
CE, Ass., 3 décembre 1999, n o 207434, Jean-Louis Didier, précité.
813
Voir en ce sens, COLLET Martin, « Autorités de régulation et procès équitable », A.J.D.A.,
15 janvier 2007, p. 80.
814
« Le droit à un procès équitable », R.F.D.A., sept.-oct. 2000, p. 1060, plus précisément p. 1064.
815
CE, Sect., 30 juillet 2003, n o 240884, Sté Dubus S.A., Rec., Tables, p. 671 ; A.J.D.A., 2004,
p. 26, note LAGET-ANNAMAYER Aurore.
- 264 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
réunis » 816, rendus le 30 juillet 2003, que « l'attribution par la loi à une autorité
administrative du pouvoir de fixer les règles dans un domaine déterminé et d'en
assurer elle-même le respect, par l'exercice d'un pouvoir de contrôle des activités
exercées et de sanction des manquements constatés, ne contrevient pas aux exigences
rappelées par l'article 6, paragraphe 1 de la convention européenne de sauvegarde
des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors que ce pouvoir de
sanction est aménagé de telle façon que soient assurés le respect des droits de la
défense, le caractère contradictoire de la procédure et l'impartialité de la
décision » 817.
816
CE, Sect., 30 juillet 2003, no 238169, Banque d’Escompte et Wormser Frères réunis, D.A., 2003,
n o 12, p. 18, comm. n o 233, note LOMBARD Martine.
817
CE, Sect., 26 juillet 2007, n o 293627, Sté Global Gestion ; CE, Sect., 26 juillet 2007, no 293626,
M. Gilles A ; CE, Sect., 26 juillet 2007, n o 293624, Sté Global Equities ; CE, Sect., 26 juillet
2007, n o 293908, M. Patrick A ; CE, 21 décembre 2012, n o 353856, Société Groupe Canal Plus.
818
S’agissant des droits de la défense : CA Paris, 21 novembre 2000, n o 2000/06426 ; CA Paris,
1 er avril 2003, no RG 2002/18613 ; CA Paris, 30 mai 2006, n o RG 2005/20727.
S’agissant du principe de la contradiction : Cass. Com., 6 février 2007, n o 05-20811, Société
Générix, Bull., 2007, IV, n o 19 ; CA Paris, 29 octobre 2008, n o RG 08/022551, Société Alliance
Développement Capital et M. Alain Dumenil ; CA Paris, 28 janvier 2009, n o RG 08/02002,
M. Bouquerod ; CA Paris, 20 octobre 2009, no RG 09/01281, M. Bonnemoy.
S’agissant du principe de l’égalité des armes : Cass. Com., 5 octobre 1999, n os 97-15617, 97-
5626, 97-15632, 97-15673, 97-15760, 97-15777, 97-15805, 97-15826, 97-15836, 97-15852, 97-
15871, 97-15932, 97-16004, 97-16330, S.N.C. Campenon Bernard SGE et autres, précité.
819
Le respect des droits de la défense, le caractère contradictoire de la procédure et l'impartialité de
la décision.
820
CE, 27 février 2006, n o 257964, Krempff, JurisData n o 2006-080865 ; Droit fiscal, 2006, n o 29,
comm. 513, conclusion OLLEON Laurent ; R.J.F., 5/2006, n o 649 ; CE, 11 décembre 2006,
no 278806, Pessey, JurisData no 2006-081071 ; Droit fiscal, 2007, n o 8, comm. 212 ; R.J.F.
3/2007, n o 380 ; CE, 26 mai 2008, n o 288583, Société Norelec, JurisData n o 2008-081339 ; Droit
fiscal 2008, n o 28, comm. 411, conclusions SÉNERS François.
- 265 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
C’est également dans le cadre d’un contentieux relatif à une sanction fiscale
que le Conseil d’État a rangé, parmi les prescriptions dont le respect ne peut pas être
différé, le droit de ne pas contribuer à sa propre incrimination garanti par « les
stipulations du 1 de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits
de l'homme et des libertés fondamentales » 824. Soulignons, à cet égard, que la Cour de
cassation n’a, pour le moment, jamais eu à juger sur ce point.
Alors qu’on pensait le débat sur la liste des garanties à effet immédiat clos,
voilà que le Conseil d’État l’a de nouveau alimenté en reconnaissant, dans son arrêt
821
CE, 27 février 2006, n o 257964, Krempff, JurisData no 2006-080865 ; Droit fiscal, 2006, n o 29,
comm. 513, conclusion OLLEON Laurent ; R.J.F., 5/2006, n o 649 ; CE, 11 décembre 2006,
no 278806, Pessey, JurisData no 2006-081071 ; Droit fiscal, 2007, no 8, comm. 212 ; R.J.F.,
3/2007, n o 380 ; CE, 26 mai 2008, n o 288583, Société Norelec, JurisData n o 2008-081339 ; Droit
fiscal 2008, n o 28, comm. 411, conclusions SÉNERS François.
822
Depuis 1996, la Cour de cassation a admis l’application du principe de la présomption
d’innocence à la Commission des opérations de bourse statuant en matière pénale au sens de la
Convention : Cass. Com., 18 juin 1996, n o 94-14178, M. Conso c/ COB, Bulletin, 1996, IV,
no 179, p. 155. Voir également en ce sens : Cass. Com, 1 er décembre 1998, n o 96-20189, M. Oury
c/ Agent judiciaire du Trésor, Bull., 1998, IV, n o 283, p. 237 ; Cass. Ass. Plén., 5 février 1999,
n o 97-16440, COB c/ Oury, Bull., 1999, A. P., n o 1, p. 1.
823
CE, 24 mars 2006, n o 257330, S.A. Martell & Co, R.J.F., 6/06, no 667; B.D.C.F., 6/06, n o 71,
concl. VALLEE Laurent.
824
CE, 17 mars 2010, n o 309197, SARL Café de la Paix, Droit fiscal, n o 21, 27 mai 2013,
comm. 336, AYRAULT Ludovic, « Obligation de révélation des bénéficiaires de revenus
distribués et droit de ne pas contribuer à sa propre incrimination ».
- 266 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
Pour l’heure, seule la Cour d’appel de Paris a apporté à cette question une
réponse partielle.
825
CE, 21 décembre 2012, n o 362347, Société Canal Plus ; R.F.D.A., 2013, p. 70, concl. DAUMAS
Vincent ; DOMINO Xavier et BRETONNEAU Aurélie, « Concentrations : affaires Canal plus,
décodage », A.J.D.A., 2013, p. 215.
826
La question ne se pose pas s’agissant des garanties relatives à la présomption d’innocence et du
droit de se taire et de ne pas contribuer à sa propre incrimination dont le domaine d’application
est circonscrit à la matière pénale.
827
CA Paris, 27 juin 2000, n o RG 2000/02659, France Télécom c/ Société Télécom Développement :
application de l’exigence d’impartialité invoquée sur le fondement de l’article 6 § 1 C.E.D.H. à
l’autorité de régulation des télécommunications « statuant sur des contestations sur ses droits et
obligations de caractère civil ».
- 267 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
Ce travail implique une étude au cas par cas de pléthores d’arrêts dans lesquels
le contenu de ces exigences est défini par touches successives et de manière
circonstanciée. Cela est manifeste s’agissant, d’une part, des droits de la défense et du
caractère contradictoire de la procédure (1) et, d’autre part, du principe d’impartialité
(2), tant les déclinaisons de ces prescriptions sont nombreuses 831.
828
CA Paris, 2 avril 2008, n o RG 07/11675.
829
Voir Partie 2, Chapitre 2, Section 1, II.
830
Voir en ce sens IDOUX Pascale, « Autorités administratives indépendantes et garanties
procédurales », R.F.D.A., 2010, p. 920.
831
En revanche, les prescriptions relatives à la présomption d’innocence et au droit de se taire et de
ne pas contribuer à sa propre incrimination ont donné lieu à une jurisprudence beaucoup moins
fournie. Quant aux premières, la haute juridiction administrative a précisé qu’en vertu de cette
garantie, il est interdit de faire peser sur la personne poursuivie la charge de la preuve :
CE, 24 mars 2006, n o 257330, S.A. Martell & Co, précité. La Cour de cassation a jugé que
méconnaissaient l’article 6 § 2 C.E.D.H. les propos tenus publiquement par le président de la
- 268 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
Mais une fois réalisée, cette analyse permet de constater la cohérence des
solutions adoptées par les hautes juridictions nationales.
Commission des opérations de bourse, entre la délibération ouvrant la procédure aux fins de
sanctions et le prononcé de la sanction prise à l’encontre de la personne poursuivie, et aux termes
desquelles la culpabilité de cette dernière semblait avérée. La circonstance que l’auteur des
déclarations litigieuses n'ait pas participé à la délibération décidant la poursuite de la procédure,
ni à la décision sur le fond, importe peu : Cass. Com., 18 juin 1996, no 94-14178, M. Conso
c/ COB, précité, et Cass. Com, 1 er décembre 1998, n o 96-20189, M. Oury c/ Agent judiciaire du
Trésor, précité. S’agissant du droit de se taire et de ne pas contribuer à sa propre incrimination,
la haute juridiction administrative en a déduit qu’une personne poursuivie ne devait pas être
obligée de s'incriminer elle-même. Tel n’est pas le cas, juge le Conseil d’État, des dispositions de
l'article 1763 A du code général des impôts qui ont pour objet et pour effet d'inciter une personne
morale passible de l'impôt sur les sociétés à révéler, à la demande de l'administration présentée
sur le fondement de l'article 117 du même code, l'identité des bénéficiaires de l'excédent des
distributions auxquelles elle a procédé : CE, 17 mars 2010, n o 309197, SARL Café de la Paix,
précité.
832
Dans la jurisprudence administrative : CE, Sect., 27 octobre 2006, n o 276069, M. Parent et
autres, Bull., 2006, I, n o 388, p. 375 ; A.J.D.A., 2007, p. 80, note COLLET Martin ; L.P.A., 2007,
no 133, note DUBRULLE Jean-Baptiste ; Dr. Sociétés, 2007, comm. 55, note BONNEAU
Thierry ; R.D. bancaire et financier, 2007, comm. 86, note BOMPOINT Dominique. Cette
présentation vaut également devant le juge judiciaire : CA Paris, no RG 2002/18613 ; CA Paris,
30 mai 2006, n o RG 2005/20727; CA Paris, 21 novembre 2000, no RG 2000/06426.
- 269 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
C’est exactement la même solution qui prévaut devant les juges judiciaires 834.
Quant à la notification des griefs, elle ne doit être adressée qu’aux seules
personnes ayant eu un comportement actif dans les manquements reprochés. Par
conséquent, ne constitue pas une violation du droit au procès équitable la décision par
laquelle le rapporteur de l’Autorité des marchés financiers refuse de faire droit à la
demande des personnes mises en cause tendant à ce que les griefs retenus à leur
encontre soient notifiés à une autre société, laquelle n’a pas participé aux faits
litigieux 835.
833
CE, 31 mars 2004, n o 243579, Société Etna Finance et Parent, précité ; CE, 28 décembre 2009,
n o 301654, M. Bernard : « le principe du respect des droits de la défense, rappelé par l’article 6
§ 1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés
fondamentales, ne saurait être utilement invoqué à l’encontre des contrôles et des enquêtes,
préalables à la procédure de sanction ».
834
Cass. Com., 6 février 2007, n o 05-20811, Société Générix, Bull., 2007, IV, no 19: « la cour
d'appel a exactement retenu que le principe de la contradiction est sans application aux enquêtes
préalables à la notification des griefs » ; CA Paris, 29 octobre 2008, n o RG 08/022551, Société
Alliance Développement Capital et M. Alain Dumenil ; CA Paris, 28 janvier 2009, n o RG
08/02002, M. Bouquerod ; CA Paris, 20 octobre 2009, n o RG 09/01281, M. Bonnemoy.
835
CE, 29 mars 2010, nos 323354, 323488, 323491, 324395, M. Piard et Société Global Equities.
- 270 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
836
CE, Sect., 30 juillet 2003, n o 240884, Sté Dubus S.A., précité ; CE, 30 mai 2007, no 266737,
Société Dubus Management S.A., Droit des sociétés, janvier 2008, n o 1, BONNEAU Thierry.
837
Article L. 613-21 du code monétaire et financier : « Lorsqu'elle prononce une des sanctions
disciplinaires ci-dessus énumérées à l'encontre d'un prestataire de services d'investissement, la
commission bancaire en informe l'Autorité des marchés financiers ».
838
CA Paris, 12 septembre 2006, n o RG 2005/24231.
839
CE, Ass., 3 décembre 1999, n o 207434, Jean-Louis Didier, précité.
840
CE, 23 mars 2005, n o 260673, Société Financière Hottinguer, précité ; Voir également CE,
28 décembre 2009, no 301654, M. Bernard, précité : « le principe du respect des droits de la
défense, rappelé par l’article 6 § 1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de
l’homme et des libertés fondamentales, ne saurait être utilement invoqué à l’encontre des
contrôles et des enquêtes, préalables à la procédure de sanction ».
841
CE, Sect., 17 novembre 2006, no 276926, Société C.N.P. Assurances, Rec., p. 473 ; D.A., janvier
2007, n o 1.
- 271 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
financiers, laquelle ne comprenait aucun élément qui ne soit déjà contenu dans le
rapport d'enquête préalable versé au dossier.
Enfin, dans la dernière affaire, les hauts magistrats ont énoncé que l’organe
qui accepte l’ouverture de la procédure de sanction n’est pas tenu de communiquer à
la personne mise en cause le procès-verbal de la séance où l’ouverture de ladite
procédure a été décidée.
842
CE, 23 avril 2009, nos 314921, 314920, 314919, 314918, Compagnie Blue Line, précité : « les
stipulations de l'article 6 § 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme
et des libertés fondamentales n'impliquent pas que la personne poursuivie soit entendue par la
Commission nationale de prévention des nuisances [chargée d'établir la proposition de sanction]
ou par l'Autorité de contrôle des nuisances sonores aéroportuaires [chargée de statuer sur la
proposition de sanction] avant qu'une sanction lui soit infligée ».
- 272 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
L’arrêt « Société Air France S.A. » 845 du 19 janvier 2009 a également fourni
des éléments d’appréciation utiles quant à cette dernière garantie. L’affaire portait sur
la procédure disciplinaire devant l’Agence de contrôle des nuisances aéroportuaires.
L’article L. 227-4 du code de l’aviation civile investit cette autorité du pouvoir de
prononcer des amendes administratives. Mais celle-ci ne peut statuer que sur
proposition d’une autre instance collégiale, la Commission nationale de prévention
des nuisances. En l’occurrence, ladite Commission avait indiqué à la personne faisant
l’objet des poursuites, lors de la communication de la proposition de sanction, la date
de la réunion au cours de laquelle l’A.C.N.U.S.A. se prononcerait. Mais l’Agence
avait avancé cette date, sans le signifier à l’intéressé. Selon le Conseil d’État, cette
anticipation sans information préalable de la société défenderesse dans un délai utile
pour lui permettre de présenter ses observations, constitue une méconnaissance des
droits de la défense. Ainsi que l’expliquait le rapporteur public, les textes relatifs à la
procédure de sanction devant l’A.C.N.U.S.A. « ne déterminent aucun délai préfixe
pour produire des observations après réception de la proposition de sanction émise
843
CE, 30 mars 2007, n o 277991, Société Prédica, A.J.D.A., 2007, p. 720 ; Voir également pour un
délai de quinze jours entre la remise des pièces principales du dossier et la séance d’examen de
l’affaire : CE, 7 février 2007, n o 288373.
844
CA Paris, 12 février 2004, no RG 2004/00827.
845
CE, 19 janvier 2009, n os 315886, 315888, Société Air France S.A.
- 273 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
Devant certaines d’entre eux 847, il est même exigé que la lettre de notification
des griefs mentionne expressément ce droit. Pourtant, aux termes de la jurisprudence
administrative, cette mention ne fait pas partie des éléments qui doivent
obligatoirement figurer dans la lettre par laquelle l’administration informe la
personne poursuivie de son intention de la sanctionner et l’invite à présenter ses
observations. Tel est l’enseignement résultant de l’arrêt « Société Norelec » 848. Les
hauts magistrats estiment, en effet, que l’absence d’une telle mention ne compromet
846
CE, 23 avril 2009, n os 314921, 314920, 314919, 314918, Compagnie Blue Line, précité.
847
C’est le cas de l’Autorité de contrôle prudentiel (articles L. 612-38 et R. 612-36 du code
monétaire et financier), de l’Autorité des marchés financiers (article R. 621-38 du code
monétaire et financier), de l’Agence française de lutte contre le dopage (articles R. 232-89 et
R. 232-91 du code des sports).
848
CE, 26 mai 2008, n o 288583, Sté Norelec, précité.
- 274 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
pas les chances de la personne poursuivie d’obtenir gain de cause, avec l’assistance
d’un défenseur devant le juge. En définitive, ce qui est déterminant au regard du
respect des droits de la défense, c’est qu’il ne soit pas fait obstacle à cette
représentation.
S’agissant de l'égalité des droits pour l'audition des témoins, seules les
dispositions réglementaires du code du sport 849, lesquelles comportent une multitude
de détails sur la procédure disciplinaire devant l’Agence française de lutte contre le
dopage, prévoient explicitement cette possibilité. Il y est précisé que le président de
l'Agence peut refuser, par décision motivée, les demandes d'audition manifestement
abusives. L’article R. 232-93 dudit code va même jusqu’à indiquer que « Les frais de
déplacement des personnes dont l'audition est décidée dans les conditions prévues à
l'alinéa précédent sont pris en charge par l'agence. »
À l’instar du droit de se faire représenter, l’obligation de mentionner cette
garantie ne semble pas être considérée par les juges administratifs comme une
formalité dont le non-respect serait de nature à vicier substantiellement la procédure
administrative répressive. C’est ce que semble reconnaître M. GUYOMAR dans ses
conclusions sur l’arrêt précité « M. Parent et autres » 850, lorsqu’il note que « dans le
silence des textes, rien n’interdit aux personnes poursuivies de solliciter l’audition de
témoins, à charge pour le rapporteur ou l’autorité qui a la maîtrise de l’instruction,
d’y donner suite s’il l’estime nécessaire. »
En outre, selon cet arrêt, le droit à un procès équitable n’est méconnu que si
l’absence d’audition a préjudicié aux droits de la défense. Tel n’est pas le cas, lorsque
le rapporteur de l'affaire et la formation prononçant la sanction décident de refuser
l'audition sollicitée par la personne poursuivie, alors qu'ils n'avaient, par ailleurs,
procédé à aucune audition de témoin à charge.
849
Article R. 232-93 alinéa 2 du code du sport : « L'intéressé et son défenseur ainsi que, le cas
échéant, la ou les personnes investies de l'autorité parentale ou le représentant légal, peuvent
demander que soient entendues les personnes de leur choix dont ils communiquent le nom au
moins six jours avant la séance. Le président de l'agence peut refuser, par décision motivée, les
demandes d'audition manifestement abusives.»
850
Concl. Mattias GUYOMAR sur CE, 27 octobre 2006, no 276069, M. Parent et autres, précité.
- 275 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
Ainsi, le Conseil d’État, à l’instar des juges judiciaires et européens 853, saisit
cette garantie comme un des prolongements de l’égalité des armes. En ce sens, celle-
851
CE, 29 mars 2010, nos 323354, 323488, 323491, 324395, M. Piard et autres, précité.
852
CA Paris, 21 novembre 2000, n o RG 2000/06426 ; CA Paris, 20 octobre 2009, n o RG 08/16852,
M. Schoenlaub.
853
Selon une jurisprudence constante et abondante, « il revient aux juridictions nationales
d’apprécier les éléments rassemblés par elles et la pertinence de ceux dont les accusés
souhaitent la production. ». Dans son arrêt « Taxquet c/ Belgique » du 13 janvier 2009, la Cour
de Strasbourg rappelle ainsi que « l’article 6 § 3 d) de la Convention laisse aux juridictions
internes, toujours en principe, le soin de juger de l’utilité d’une offre de preuve par témoins. Cet
article n’exige pas la convocation et l’interrogation de tout témoin à décharge : ainsi que
l’indiquent les mots « dans les mêmes conditions », il a pour but essentiel une complète égalité
des armes en la matière. La notion d’« égalité des armes » n’épuise pourtant pas le contenu du
paragraphe 3 d) de l’article 6, pas plus que du paragraphe 1 dont cet alinéa représente une
application parmi beaucoup d’autres. En effet, il ne suffit pas de démontrer que « l’accusé » n’a
pas pu interroger un certain témoin à décharge. Encore faut-il que l’intéressé rende
vraisemblable que la convocation dudit témoin était nécessaire à la recherche de la vérité et que
le refus de l’interroger a causé un préjudice aux droits de la défense (voir, parmi d’autres, Erich
Priebke c. Italie (déc.), n o 48799/99, 5 avril 2001). Ainsi, seules des circonstances
exceptionnelles peuvent conduire la Cour à conclure à l’incompatibilité avec l’article 6 de la
- 276 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
Force est de constater que le juge administratif veille à une application juste et
équitable des principes des droits de la défense et de la contradiction. Ce dernier
porte, en effet, une appréciation mesurée sur la portée de ces garanties, évitant ainsi
leur détournement abusif par des requérants familiarisés aux arguties inutiles.
Selon les juges administratifs, mais également judiciaires 854, le respect de cette
garantie implique la condamnation de tout éventuel parti pris révélé, soit par
l’existence d’un préjugement de l’affaire, soit par celle d’un préjugé, favorable ou
défavorable, à l’égard de la personne poursuivie.
Par touches successives, le Conseil d’État est venu préciser les implications du
principe d’impartialité objective, lesquelles correspondent, en l’état actuel de la
jurisprudence, à celles retenues par la Cour de cassation.
non-audition d’une personne comme témoin » (voir Bricmont c. Belgique, arrêt du 7 juillet 1989,
série A n o 158, § 89, et plus récemment Destrehem c. France, n o 56651/00, 18 mai 2004). »
854
Pour la jurisprudence judiciaire : CA Paris, 27 juin 2000, no RG 2000/02659, France Télécom
c/ Société Télécom Développement, précité.
855
CE, 26 juillet 2007, n o 293624, Société Global Equities, précité ; CE, 26 juillet 2007, n o 293626,
M. Gilles A., précité ; CE, 26 juillet 2007, n o 293627, Société Global Gestion, précité ; CE,
26 juillet 2007, n o 293908, Patrick A., précité.
- 277 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
856
CE, 30 juillet 2003, Banque d’Escompte et Wormser Frères réunis, précité.
857
CE, Ass., 3 décembre 1999, n o 207434, Jean-Louis Didier, précité.
858
CA Paris, 7 mars 2000, n o de RG 1999/15862 ; CA Paris, 30 mai 2006, n o RG 2005/20727.
859
CA Paris, 7 mars 2000, n o de RG 1999/15862.
- 278 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
rapport à faire une présentation objective des faits en cause mais les a également
qualifiés - comme il lui appartenait, d'ailleurs, de le faire - n'est pas d'avantage
constitutive d'une méconnaissance du principe d'impartialité » 860. Les conclusions
prononcées par M. GUYOMAR 861 sur les arrêts « M. Wargny », « M. Witvoet » et
« Société Banque privée Fideuram Wargny », rendus le 2 novembre 2005, ont
parfaitement mis en lumière le bien-fondé de cette position. Le rapporteur public fait
observer que « Le rapport est l’un des éléments du dossier, soumis au contradictoire,
au vu duquel la formation décidant d’infliger une sanction se prononce. Il est donc
nécessaire que le rapporteur prenne parti sur la nature et la qualification des faits
susceptibles d’être retenus et cela ne saurait compromettre l’impartialité de la
commission. » Observons que les juges judiciaires adoptent la même solution 862.
860
CE, 27 octobre 2004, n o 257366, Mme Thizeau ; CE, 23 mars 2005, n o 260673, Société
Financière Hottinguer, précité ; CE, 2 novembre 2005, n o 270825, M. Olivier Wargny ; CE,
2 novembre 2005, n o 270826, M. Gérard Witvoet ; CE, 2 novembre 2005, n o 271202, Société
Banque privée Fideuram Wargny, précité.
861
CE, 2 novembre 2005, no 270825, M. Olivier Wargny, précité ; CE, 2 novembre 2005, n o 270826,
M. Gérard Witvoet, précité ; CE, 2 novembre 2005, no 271202, Société Banque privée Fideuram
Wargny, précité.
862
CA Paris, 12 septembre 2006, n o RG 2005/24231.
- 279 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
fondement des mêmes faits » et après qu’il a, lui-même, proposé une telle extension,
« n’est pas par elle-même contraire au principe d’impartialité » 863.
C’est ensuite la participation du rapporteur au délibéré qui a fait couler beaucoup
d’encre.
Pendant longtemps, le Conseil d’État et la Cour de cassation se sont opposés sur ce
point.
Selon la jurisprudence administrative, la seule qualité de rapporteur chargé de
l’instruction n’interdit pas cette participation dans la mesure où elle n’implique pas une
prise de position sur la culpabilité. Pour constituer un manquement au principe
d’impartialité, il faudrait que s’y ajoutent certains pouvoirs, relevant des fonctions de
poursuites, tels que les pouvoirs de saisine de l’organe répressif, de formulation des griefs,
de classement de l’affaire, de prise de mesures de contrainte 864.
Quant à la haute juridiction judiciaire, elle a jugé, dans un premier état de sa
jurisprudence, que la participation du rapporteur chargé de procéder à l’instruction d’une
affaire et à toutes les investigations utiles au délibéré était contraire au principe
d’impartialité en tant que la fonction d’instruction impliquait, en elle-même, un
préjugement de l’affaire 865. Puis, quelques mois plus tard, dans son arrêt du 5 octobre
1999, c’est le principe de l’égalité des armes, et non plus celui d’impartialité, qui a conduit
la Chambre commerciale à ne pas admettre la participation au délibéré du Conseil de la
concurrence du rapporteur dès lors que ce rapporteur avait procédé à des investigations
utiles pour l’instruction des faits dont le Conseil était saisi. Par ailleurs, dans un arrêt du
23 mai 2000 866 portant sur la participation au délibéré du bâtonnier, les juges judiciaires
ont adopté une motivation conforme à l’esprit de la jurisprudence du Conseil d’État. En
effet, pour accueillir le grief relatif à la violation du principe d’impartialité, les hauts
863
Concl. M. Mattias GUYOMAR, sur CE, 28 décembre 2009, n o 305621, Société Refco Securities.
864
CE, Ass., 3 décembre 1999, n o 207434, Jean-Louis Didier, précité ; CE, 22 octobre 2000,
n o 207697, Société agricole Indosuez Cheuvreux, précité ; CE, 31 mars 2004, n o 243579, Société
Etna Finance, précité ; CE, 17 novembre 2004, no 261349, M. Mimran ; CE, 23 mars 2005,
n o 260673, Société financière Hottinguer, précité.
865
Cass., Ass., 5 février 1999, n o 97-16.440, COB c/ Oury et agent judiciaire, Bull. AP, no 1, p. 1 ;
Gaz. Pal., 24 et 25 février 1999, p. 8 ; D., 1999, Somm. 249, obs. BON-GARCIN Isabelle ;
L.P.A., 10 février 1999, no 29, p. 17, FRISON-ROCHE Marie-Anne, « Les autorités de régulation
confrontées à la Convention européenne des droits de l'homme » ; L.P.A., 10 février 1999, p. 14,
note DUCOULOUX-FAVARD Claude.
866
Cass. Civ. 1ère , 23 mai 2000, n o 97-19169, M. P,, Bull., no 151.
- 280 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
magistrats se sont fondés, non pas sur la circonstance que le bâtonnier avait procédé à
l’enquête, mais exclusivement sur le fait que le bâtonnier cumulait les fonctions d’organe
de poursuite et de jugement. Ainsi, il semblerait que la Cour de cassation ait rejoint la
position de son homologue administratif. Une décision du 13 juillet 2004 confirme ce point
de vue. La Cour de cassation y affirme que la participation du rapporteur au délibéré du
Conseil de la concurrence constitue un manquement au principe de l’égalité des armes 867,
et non pas à celui d’impartialité, alors que c’est la violation de cette dernière garantie qui
était invoquée par les requérants.
Il n’en demeure pas moins qu’il s’agit là d’une différence majeure avec la
jurisprudence administrative qui, jusqu’à présent, n’a jamais sanctionné une telle
participation sur le fondement du principe de l’égalité des armes. Un alignement sur la
position judiciaire reste toutefois envisageable. En effet, le dernier arrêt rendu par le
Conseil d’État sur la participation du rapporteur au délibéré date du 23 mars 2005 868.
Depuis, est intervenu le décret du 1er août 2006 869 qui écarte devant les tribunaux
administratifs et les cours administratives d’appel la présence du rapporteur public au
délibéré. Auparavant, l'ancien article R. 731-7 du code de justice administrative, tel qu'il
résultait du décret du 19 décembre 2005, disposait : « [Le commissaire du gouvernement]
assiste au délibéré. Il n'y prend pas part ». Aussi, le Conseil d’État ne pouvait pas
reconnaître que la participation du rapporteur au délibéré tenu devant les autorités
administratives indépendantes répressives méconnaît le droit au procès équitable, sauf à
désavouer parallèlement le fonctionnement de la justice administrative.
867
Cass. Com, 13 juillet 2004, n os 03-11430, 03-11431, 03-11433, 03-11492, 03-11512, 03-11513,
03-11516, 03-11517, 03-11618, 03-11280, Bull., 2004, IV, n o 163, p. 175.
868
CE, 23 mars 2005, no 260673, Société financière Hottinguer, précité.
869
Décret n o 2006-964 du 1 er août 2006, modifiant la partie réglementaire du code de justice
administrative.
- 281 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
saisine et des conditions de sa régularité 870, l’arrêt « Société Habib Bank Limited » du
22 octobre 2000 affirme que ce pouvoir n’est pas en soi contraire au droit au procès
équitable dès lors que l’acte par lequel l’organisme se saisit d’office ne donne pas à
penser que les faits visés sont d’ores et déjà établis ou que leur caractère
répréhensible au regard des règles ou principes à appliquer est d’ores et déjà
reconnu 871. En outre, la circonstance que cet acte ait été signé par le président de la
formation ayant prononcé la sanction litigieuse, non pas en cette qualité, mais en tant
que président de l’autorité administrative indépendante, ne saurait révéler un
quelconque préjugement de l’affaire 872.
870
Cass. Civ. 1ère , 13 novembre 1996, no 94-15252, D., 1997, IR, p. 2.
871
CE, 20 octobre 2000, n o 180122, Société Habib Bank Limited, J.C.P., éd. gén., 2000, II,
n o 10.459, concl. LAMY François ; CE, 30 juillet 2003, n o 247488, Société Compagnie française
de change ; CE, 30 août 2003, n o 248686, Société Comptoir français de l’or ; CE, 4 février 2005,
n o 269001, Société GSD Gestions, précité; CE, 6 janvier 2006, n o 279596, Société Lebanese
Communication Group, précité ; CE, 30 mars 2007, no 277991, Société Prédica, précité ; CE,
19 février 2008, n o 311974, Société Profil France ; CE, 22 novembre 2011, no 323612, Union
mutualiste générale de prévoyance.
872
CE, Sect., 4 février 2005, n o 269001, Société GSD Gestions, précité.
873
Tels que, par exemple, le Conseil supérieur de l’audiovisuel (article 42 de la loi n o 86-1067 du
30 septembre 1986 modifiée relative à la liberté de la communication), la Commission nationale
de l’informatique et des libertés (article 73 du décret no 2005-1309 du 20 octobre 2005 pris pour
l'application de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux
libertés), l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (article L. 36-
11 du code des postes et des communications électroniques).
874
CE, 6 janvier 2006, n o 279596, Société Lebanese Communication Group, précité.
- 282 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
concurrence de membres qui avaient, dans le cadre d’une autre procédure visant à
l’obtention de mesures conservatoires, déjà reconnu le caractère prohibé d'une partie
des faits dénoncés, emporte violation du principe d’impartialité objective 875.
875
Cass. Com., 9 octobre 2001, n o 98-22015, Bull., 2001, IV, n o 160, p. 152 ; CA Paris, 25 mars
2008, n o RG 07/04789.
876
Concl. Sylvie HUBAC sur CE, Sect., 27 avril 1988, n o 66650, Sophie, Lebon, p. 160, concl.
HUBAC ; A.J.D.A., 1988, p. 446, chr. AZIBERT Michel et DE BOISDEFFRE Martine.
877
Concl. Mattias GUYOMAR sur CE, Sect., 27 octobre 2006, no 276069, M. Parent et autres,
précité.
878
En tout état de cause, nous n’avons pas trouvé de décisions rendues par les juges judiciaires
relatives au grief tiré de la méconnaissance du principe d’impartialité subjective par une autorité
administrative indépendante statuant en matière pénale.
879
CE, Sect., 27 octobre 2006, n o 276069, M. Parent et autres, précité.
880
CE, 30 mai 2007, n o 288538, Société Europe, Finance et Industrie et M. Thannberger, JurisData,
no 2007-072024 ; Rev. AMF, n o 37, juin 2007, p. 289 ; Banque et droit, 2007, n o 114, p. 23, obs.
de VAUPLANE Hubert, DAIGRE Jean-Jacques, de SAINT-MARS B. et BORNET Jean-Pierre.
- 283 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
881
Inspirée du droit anglo-américain, selon l'adage désormais célèbre « Justice must not only be
done, it must also be seen to be done», la théorie des apparences traduit une conception d'une
justice qui se donne à voir. Apparue pour la première fois dans l’arrêt « Delcourt c/ Belgique »,
reprise dans la décision « Borgers c/ Belgique » du 30 octobre 1991, elle connait un large écho
dans le cadre d’affaires mettant en jeu l’impartialité objective des juridictions, où la Cour lui
attribue une place déterminante en raison de « la sensibilité accrue du public aux garanties d'une
bonne justice ». Le respect de cette garantie fait, en effet, l’objet d’un double contrôle. D’une
part, les juges européens contrôlent la réalité de l’impartialité fonctionnelle de l’organisme
juridictionnel mis en cause. D’autre part, ils vérifient l’apparence d’impartialité. En d’autres
termes, l’autorité doit non seulement être effectivement impartiale, mais encore elle doit
apparaître comme offrant des garanties telles que tout doute légitime sur son impartialité peut
être regardé comme exclu. La participation du commissaire du gouvernement au délibéré illustre
parfaitement ce raisonnement en deux temps. Dans son arrêt « Kress c/ France » du 7 juin 2011,
la Cour reconnaît l'impartialité et l'indépendance du commissaire du gouvernement. Mais, même
si elle admet que sa présence au délibéré présente des avantages techniques pour les juges
appelés à opiner, cela ne l’empêche pas de retenir une violation de l’article 6 § 1 C.E.D.H., du
fait de cette participation. Pour ce faire, les juges européens ont fait prévaloir les apparences sur
la réalité. À cet égard, ils relèvent qu’ « en s’exprimant publiquement sur le rejet ou
l’acceptation des moyens présentés par l’une des parties, le commissaire du gouvernement
pourrait être légitimement considéré par les parties comme prenant fait et cause pour l’une
d’entre elles. » Pour la Cour, « un justiciable non rompu aux arcanes de la justice administrative
peut assez naturellement avoir tendance à considérer comme un adversaire un commissaire du
gouvernement qui se prononce pour le rejet de son pourvoi. À l’inverse, il est vrai, un justiciable
qui verrait sa thèse appuyée par le commissaire le percevrait comme son allié. »
- 284 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
Par quatre arrêts rendus le 26 juillet 2007 882, le Conseil d’État a été appelé, pour la
première fois, à statuer sur le moyen tiré de la violation du principe d’impartialité par le
rapporteur désigné pour conduire la procédure d’instruction devant l’Autorité des marchés
financiers. Celui-ci avait exercé des fonctions d’administrateur puis de conseiller du
président au sein d’une entreprise et d’une de ses filiales, qui étaient les principales
concurrentes de la société mise en cause dans le cadre d’opérations de courtage à l’origine
de la procédure disciplinaire. Dans la continuité de leur jurisprudence « Société Banque
privée Fideuram Wargny »883 du 2 novembre 2005, par laquelle il a été affirmé que « les
conditions dans lesquelles le rapporteur a été nommé peuvent être mises en cause à
l’occasion d’un recours », les hauts magistrats accueillent ce moyen, alors même que les
dispositions du code monétaire et financier 884 écartent le rapporteur de la séance de
délibération de la Commission des sanctions. Ils suivent, en ce sens, les conclusions de leur
rapporteur public. M. GUYOMAR avait pointé l’importance du rôle occupé par le
rapporteur dans le déroulement de la procédure disciplinaire. Rappelant les termes de
l’article R. 621-39 du code monétaire et financier 885, il soulignait que « le rapporteur
dispose d’attributions si déterminantes pour le déroulement de la procédure qu’il doit
882
CE, 26 juillet 2007, n o 293624, Société Global Equities, précité ; CE, 26 juillet 2007, n o 293626,
M. Gilles A, précité ; CE, 26 juillet 2007, n o 293627, Société Global Gestion, précité ; CE,
26 juillet 2007, n o 293908, M. Piard, précité.
883
CE, 2 novembre 2005, no 271202, Société Banque privée Fideuram Wargny, précité.
884
Article L. 621-15 du code monétaire et financier : « La commission des sanctions statue par
décision motivée, hors la présence du rapporteur. »
885
« I.- Le président de la commission des sanctions attribue l'affaire soit à cette dernière soit à
l'une de ses sections. Il désigne le rapporteur. Celui-ci procède à toutes diligences utiles. Il peut
s'adjoindre le concours des services de l'Autorité des marchés financiers. La personne mise en
cause et le membre du collège mentionné au troisième alinéa du I de l'article L. 621-15 ou son
représentant désigné en application de cette disposition peuvent être entendus par le rapporteur
à leur demande ou si celui-ci l'estime utile. Le rapporteur peut également entendre toute
personne dont l'audition lui paraît utile. Lorsqu'il estime que les griefs doivent être complétés ou
que les griefs sont susceptibles d'être notifiés à une ou plusieurs personnes autres que celles
mises en cause, le rapporteur saisit le collège. Le collège statue sur cette demande du rapporteur
dans les conditions et formes prévues à l'article R. 621-38. Le délai prévu au troisième alinéa de
l'article R. 621-38 est applicable en cas de notification complémentaire des griefs.
II.- Le rapporteur consigne par écrit le résultat de ces opérations dans un rapport. Celui-ci est
communiqué à la personne mise en cause par lettre recommandée avec demande d'avis de
réception, remise en main propre contre récépissé ou acte d'huissier. Le rapport est également
communiqué au membre du collège mentionné au troisième alinéa du I de l'article L. 621-15 ou à
son représentant désigné en application de cette disposition, qui peut présenter par écrit ses
observations sur le rapport. Ces observations écrites sont communiquées à la personne mise en
cause. ».
- 285 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
886
CE, 23 avril 2009, n o 314920, Compagnie Blue Line, précité.
887
Article L. 621-2 du code monétaire et financier relatif à la composition de la commission des
sanctions de l’Autorité des marchés financiers : « […] 3º Six membres désignés, à raison de leur
compétence financière et juridique ainsi que de leur expérience en matière d'appel public à
l'épargne et d'investissement de l'épargne dans des instruments financiers, par le ministre chargé
de l'économie après consultation des organisations représentatives des sociétés industrielles et
commerciales dont les titres font l'objet d'appel public à l'épargne, des sociétés de gestion
d'organismes de placements collectifs et des autres investisseurs, des prestataires de services
d'investissement, des entreprises de marché, des chambres de compensation, des gestionnaires de
systèmes de règlement livraison et des dépositaires centraux ; 4º Deux représentants des salariés
- 286 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
- 287 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
Si les juges judiciaire (1) et administratif (2) ont imposé le respect ab initio
des principes d’impartialité, des droits de la défense, du caractère contradictoire de la
procédure, de la présomption d’innocence, du droit de se taire et de ne pas contribuer
à sa propre incrimination, c’est parce qu’ils ont estimé que ces prescriptions étaient si
importantes que leur inobservation au stade administratif serait de nature à affecter de
manière irréversible l’ensemble de la procédure.
C’est dans son arrêt « C.O.B. c/ Oury » 888, rendu le 5 février 1999, que la Cour
de cassation a jugé, pour la première fois, que le principe d’impartialité devait être
respecté dès la phase administrative de la procédure répressive menée par une autorité
888
Cass., Ass. Plén., 5 février 1999, n o 97-16440, COB c/ Oury, Bull. AP, no 1, p. 1 ; Gaz. Pal. 24 et
25 février 1999, p. 8, concl. LAFORTUNE Maurice-Antoine ; J.C.P., 1999, II, 10060, note
MATSOPOULOU Haratini ; D., 1999, Somm. 249, obs. BON-GARCIN Isabelle ; FRISON-
ROCHE Marie-Anne, « Les autorités de régulation confrontées à la Convention européenne des
droits de l'homme », L.P.A., 10 février 1999 n o 29, p. 17 ; L.P.A., 10 février 1999, p. 14, note
DUCOULOUX-FAVARD Claude.
- 288 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
Quant à la jurisprudence ultérieure, elle n’est pas davantage plus claire quant
aux points de savoir sur quel fondement et pourquoi l’obligation de respecter ce
principe ainsi que celui des droits de la défense et de la contradiction est imposée dès
la phase administrative.
Mais, à nos yeux, il ne fait aucun doute que cette obligation a été formulée en
application de l’article 6 § 1 C.E.D.H. et compte-tenu du principe énoncé par la Cour
de Strasbourg dans son arrêt « Imbrioscia c/ Suisse ».
Il s’agit, d’une part, des conclusions prononcées par l’avocat général sur
l’arrêt « C.O.B. c/ Oury ». Si ces dernières ne mentionnent pas expressément l’arrêt
« Imbrioscia c/ France », elles nous paraissent en être directement inspirées. Dans son
rapport, M. LAFORTUNE opère une distinction entre les prescriptions de pure forme
et les prescriptions touchant au fond. L’autorité administrative n’est pas tenue de
respecter les premières dès lors que sa décision subit un contrôle ultérieur de pleine
juridiction. En revanche, les secondes, qui correspondent aux exigences dont
l’inobservation est de nature à affecter le contenu de la décision sans qu’un contrôle
de pleine juridiction puisse corriger l’irrégularité ainsi commise, doivent, de ce fait,
être respectées dès le premier maillon de la chaîne procédurale. L’esprit de la
jurisprudence « Imbrioscia c/ Suisse » nous semble ici manifeste : la Cour de
cassation exige le respect du principe d’impartialité énoncé à l’article 6 C.E.D.H. dès
la phase administrative de la procédure dans la mesure où une solution contraire
aboutirait, selon elle, à vicier irrémédiablement le caractère équitable du procès.
- 289 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
889
Cass. Com., 5 octobre 1999, n os 97-15617, 97-5626, 97-15632, 97-15673, 97-15760, 97-15777,
97-15805, 97-15826, 97-15836, 97-15852, 97-15871, 97-15932, 97-16004, 97-16330, S.N.C.
Campenon Bernard SGE et autres, Bull. Civ., IV, n o 158, p. 133 ; Gaz. Pal., 1 et 2 décembre
1999, p. 9, concl. LAFORTUNE Maurice-Antoine ; J.C.P., 2000, II, 10255, note
CADOU Éléonore ; D., 1999, p. 44, obs. NIBOYET Marie-Laure ; L.P.A., 1999, n° 206, p. 4,
note DUCOULOUX-FAVARD Claude
- 290 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
Aussi, avons-nous beaucoup de mal à expliquer cette solution, qui nous paraît,
en définitive, fort incohérente et qui, par ailleurs, n’a encore jamais fait l’objet d’une
confirmation solennelle par la Cour de cassation.
890
CA Paris, 27 juin 2000, n o RG 2000/02659, France Télécom c/ Société Télécom Développement :
application de l’exigence d’impartialité invoquée sur le fondement de l’article 6 § 1 C.E.D.H. à
l’autorité de régulation des télécommunications « statuant sur des contestations sur ses droits et
obligations de caractère civil ».
891
CA Paris, 2 avril 2008, n o RG 07/11675.
- 291 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
Les premières décisions rendues par le Conseil d’État sur l’application immédiate
du principe d’impartialité aux autorités administratives indépendantes statuant en matière
pénale au sens de la Convention ont donné lieu aux mêmes difficultés d’interprétations que
celles relevées devant le juge judiciaire.
892
CE, Ass., 3 décembre 1999, n o 207434, Jean-Louis Didier, précité.
893
SUDRE Frédéric, « Note : A propos d’un bric à brac jurisprudentiel : le respect des garanties du
procès équitable par les autorités administratives indépendantes exerçant un pouvoir de
sanction. », J.C.P., éd. gén., n o 10, 8 mars 2000, p. 424, plus précisément p. 427.
894
SERMET Laurent, « Le droit à un procès équitable », R.F.D.A., septembre - octobre 2000,
p. 1060 et plus précisément p. 1062.
895
SEBAN Alain, concl. sur CE, Ass., 3 décembre 1999, Jean-Louis Didier, précité, R.F.D.A., 2000,
p. 584.
896
CE, Avis, Sect., 31 mars 1995, n o 164008, SARL Auto-Industrie Méric ; Rec., p. 154 ; A.J.D.A.,
1995, p. 480 ; A.J.D.A., p. 739, note DREIFUSS Muriel ; R.F.D.A., 1995, p. 1172, chr.
LABAYLE Henri et SUDRE Frédéric ; R.J.F. 5/95, n o 623, concl. Jacques ARRIGHI DE
CASANOVA, p. 326.
- 292 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
897
BONICHOT Jean-Claude, « L’application de l’article 6 § 1 de la CEDH aux autorités de
régulation », L.P.A., 11 mai 2000.
898
GUYOMAR Mattias, « Le droit au juge indépendant et impartial en matière administrative. Le
principe vu par le Conseil d’État », in Variations autour d’un droit commun, DELMAS-MARTY
Mireille, DIJON Xavier, FAUVARQUE-COSSON Bénédicte, GREENSTEIN Rosalind,
HALPERIN Jean-Louis, IZORCHE Marie-Laure, JAMIN Christophe, PFERSMANN Otto,
Société de Législation Comparée, 2001, p. 73.
899
Voir sur ce point : Partie 1 (Introduction) et Partie 1, Chapitre 2, Section 1, I, B, 1.
900
CE, 28 octobre 2002, no 222188, M. Christian X, A.J.D.A., 2002, p. 1492, COSTA Delphine ;
R.D.P., 2002, p. 1607, note PRETOT Xavier.
- 293 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
prévues par les dispositions précitées de l'article L. 310-18 du code des assurances,
la commission de contrôle des assurances doit être regardée comme un tribunal au
sens des stipulations de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des
droits de l'homme et des libertés fondamentales, auquel s'impose l'exigence
d'impartialité, laquelle s'apprécie objectivement ». La décision n’établit ainsi aucun
lien entre l’applicabilité immédiate du principe d’impartialité défini par l’article 6
C.E.D.H. et l’irréversibilité de l’atteinte portée au caractère équitable du procès. Les
conclusions de M. VALLÉE sont, en revanche, beaucoup plus riches
d’enseignements. Le rapporteur public précise à la formation de jugement qu’il s’agit
d’« une irrégularité dont vous savez qu’elle est au nombre de celles auxquelles il ne
peut être remédié devant le juge car l’inobservation de ce principe compromet
gravement le caractère équitable du procès. »
De la même manière, c’est à la lumière des conclusions rendues sur les arrêts
de Section « Crédit du Nord » 901 du 10 mai 2004 et « Parent » 902 du 27 octobre 2006,
que l’influence du principe consacré dans la jurisprudence « Imbrioscia c/ Suisse » se
manifeste.
901
CE, Sect., 10 mai 2004, n o 241587, Crédit du Nord, Tables, p. 692 ; D.F., n o 28, 10 juillet 2008,
comm. 411, note PIERRE.
902
CE, Sect., 27 octobre 2006, n o 276069, M. Parent et autres, précité.
- 294 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
Dans ses conclusions sur l’arrêt « Compagnie Corse Air International S.A. » 903
du 31 janvier 2007, Mme DE SILVA rappelle cette logique. S’adressant à la
formation de jugement, elle lui fait observer : « vous vous reconnaissez un pouvoir de
modulation ou de tri au sein des principes et garanties de l’article 6 § 1. Ainsi, vous
n’appliquez pas de façon mécanique l’intégralité des règles et garanties de
l’article 6 ; vous opérez à cet égard un tri sélectif en fonction de la nature de la
903
CE, 31 janvier 2007, no 290567, Compagnie Corse Air International S.A., D.A., mars 2007,
no 52 ; R.F.D.A., 2007, p 757, concl. DA SILVA Isabelle.
- 295 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
décision prise. Seuls peuvent être utilement invoqués dans ce cadre certains vices ou
violations des principes de l’article 6 § 1, dans la mesure où la méconnaissance
desdites garanties compromettrait de façon irrémédiable le caractère équitable de la
procédure. »
C’est avec la décision « Société Norelec » 904 du 26 mai 2008, rendue dans le
domaine des sanctions fiscales, que la réception du principe issu de la jurisprudence
« Imbrioscia c/ Suisse » par le juge administratif se manifeste avec éclat. Il y est jugé
que « la mise en œuvre de cette procédure pourrait, dans certains cas, emporter des
conséquences de nature à porter atteinte de manière irréversible au caractère
équitable d'une procédure ultérieurement engagée devant le juge de l'impôt ».
904
CE, 26 mai 2008, n o 288583, Société Norelec, précité.
905
GONZALEZ Gérard, « Le moment du procès équitable », in L’extension des garanties du procès
équitable hors les juridictions ordinaires : les contraintes européennes, Institut de droit
européen des droits de l’homme, Avril 2002, SUDRE Frédéric (dir.), p. 204.
906
SAUVE Jean-Marc, « Les sanctions administratives en droit public français. État des lieux,
problèmes et perspectives », A.J.D.A., 2001, p. 16.
907
GONZALES Gérard, « Le moment du procès équitable », in L’extension des garanties du procès
équitable hors les juridictions ordinaires : les contraintes européennes, Institut de droit
européen des droits de l’homme, Avril 2002, SUDRE Frédéric (dir.), p. 199.
- 296 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
Tels sont les quelques qualificatifs employés par les auteurs pour décrire la
jurisprudence judiciaire relative à l’application mécanique des principes
d’impartialité, de la contradiction et des droits de la défense aux autorités
administratives indépendantes statuant en matière « pénale ».
Les mêmes causes produisant les mêmes effets, l’arrêt « Jean-Louis Didier » et
ses prolongements jurisprudentiels ont inéluctablement suscité les mêmes
914
observations .
908
THOMASSET-PIERRE Sylvie, L’autorité de régulation boursière face aux garanties
processuelles fondamentales, L.G.D.J., 2001, n o 280, p. 151.
909
GONZALES Gérard, « Le moment du procès équitable », in L’extension des garanties du procès
équitable hors les juridictions ordinaires : les contraintes européennes, Institut de droit
européen des droits de l’homme, Avril 2002, SUDRE Frédéric (dir.), p. 200.
910
BRISSON Jean-François, « Les pouvoirs de sanction des autorités de régulation et l’article 6 § 1
de la Convention européenne des droits de l’homme », A.J.D.A., 1999, p. 847.
911
GONZALES Gérard, « Le moment du procès équitable », in L’extension des garanties du procès
équitable hors les juridictions ordinaires : les contraintes européennes, Institut de droit
européen des droits de l’homme, Avril 2002, SUDRE Frédéric (dir.), p. 199.
912
FLAUSS Jean-François, « Dualité des ordres de juridiction et Convention européenne des droits
de l’homme », in Gouverner, Administrer, Juger. Liber Amicorum Jean Waline, Dalloz, 2002,
p. 540.
913
ZAVOLI Philippe, « L’emprise de la convention européenne des droits de l’homme sur les
autorités de régulation ou le jeu des apparences », J.C.P., Cahier de droit de l’entreprise, n o 2,
2004, p. 6 et plus précisément p. 8.
914
SERMET Laurent, « Le droit au procès équitable », R.F.D.A., septembre-octobre 2000, p. 1064 ;
FERRARI-BREEUR Christine, « La contradiction et le pouvoir de sanction de
l’Administration », R.F.D.A., janvier- février 2001, p. 33.
- 297 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
Pour autant, en déduire que « les juridictions nationales ne sont pas allées au-
delà des exigences européennes » nous paraît procéder d’une appréciation tronquée
de la jurisprudence strasbourgeoise. Une lecture comparée des jurisprudences
nationale et européenne démontre clairement que les hauts magistrats français ont
conféré au principe consacré par l’arrêt « Imbrioscia c/ Suisse » une portée beaucoup
plus contraignante que celle résultant de la lecture strasbourgeoise.
915
GONZALES Gérard, « Le moment du procès équitable », in L’extension des garanties du procès
équitable hors les juridictions ordinaires : les contraintes européennes, Institut de droit
européen des droits de l’homme, Avril 2002, SUDRE Frédéric (dir.), p. 199.
916
ETOA Samuel et MOULIN Jean-Marc, « L’application de la notion conventionnelle de procès
équitable aux autorités administratives indépendantes en droit économique et financier »,
C.R.D.F., no 1, 2002, p. 57.
- 298 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
Par ailleurs, les juges européens n’ont jamais imposé, y compris après avoir
rendu leur arrêt « Imbrioscia c/ Suisse », le respect du principe d’impartialité aux
autorités administratives statuant en matière pénale au sens de la Convention, ni
même l’observation des droits de la défense, bien au contraire. Ainsi, dans sa décision
« Helle c/ Finlande » 920 du 19 décembre 1997, la Cour de Strasbourg a clairement
affirmé que « d'après sa jurisprudence constante, une violation de l'article 6 § 1 de la
Convention ne peut être fondée sur le manque allégué d'indépendance ou
d'impartialité d'un organe juridictionnel, ni sur le manquement par cet organe à une
garantie procédurale essentielle si la décision rendue était soumise au contrôle
subséquent d'un organe judiciaire doté de la plénitude de juridiction et offrant les
garanties de l'article 6 ». La Cour a rappelé ce principe dans une décision récente,
917
Voir en ce sens : Partie 2, Chapitre 1, Section 2.
918
Voir en ce sens, Partie 2, Chapitre 2, Section 2, I, A.
919
Voir en ce sens : Partie 2, Chapitre 1, Section 2.
920
CEDH, 22 novembre 1995, n o 19178/91, Bryan c/ Royaume-Uni, Série A, no 335-A, p. 15 ;
CEDH, 20 novembre 1995, n o 19589/92, British-American Tobacco Company Ltd c/ Pays-Bas,
§ 78 ; CEDH, 26 août 1997, n o 22839/93, De Haan c/ Pays-Bas, § 52, R.G.D.P. 1998, p. 219 et
spéc. p. 234, obs. FLAUSS Jean-François ; J.C.P., 1998, I, n o 107, n o 26, obs. SUDRE Frédéric ;
GUINCHARD Serge, in Mégacode de procédure civile, 1999, comm. sous art. 366, n o 012 ;
VINCENT Jean et GUINCHARD Serge, Procédure civile, Dalloz, 1999, no 1339 ; CEDH,
19 décembre 1997, n o 20772/92, Helle c/ Finlande, § 46, Recueil, 1997, VIII.
- 299 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
921
CEDH, 23 octobre 1995, Schmautzer, Umlauft, Gradinger, Pramstaller, Palaoro et Pfarrmeier
c/ Autriche, respectivement § 34, § 37, § 42 et § 39, § 41 et § 38, J.C.P., éd. gén., 1996, I, 3910,
obs. SUDRE Frédéric ; CEDH 27 septembre 2011, n o 43509/08, A. Menarini Diagnostics S.R.L.
c/ Italie.
922
CE, 21 décembre 2012, n o 362347, Société Canal Plus, précité.
- 300 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
Au regard de ce qui précède, nous ne pouvons que nous rallier à la thèse selon
laquelle les hauts magistrats français ont adopté une interprétation plus contraignante
de l’arrêt « Imbrioscia c/ Suisse » que celle prévalant dans la jurisprudence
européenne. Reste à déterminer les raisons justifiant cette position ?
Il est vrai que rien n’empêche la Cour de cassation et le Conseil d’État, en tant
que juges de droit commun de la Convention, d’adopter une lecture plus constructive
que celle proposée par la Cour de Strasbourg. C’est ce que M. RENUCCI a
parfaitement souligné en indiquant, à propos de l’article 53 de la Convention 926, que
« les droits garanties par la Convention sont un standard minimum de sorte que si un
923
CEDH, 26 août 1997, n o 84/1996/673/895, De Haan c/ Pays-Bas, § 52 à § 54, précité.
924
CEDH, 7 novembre 2000, no 35605/97, Kingsley c/ Royaume-Uni, § 58.
925
CEDH, 22 mars 2005, n o 46601/99, M. S. c/ Finland, § 35 et § 36.
926
« Aucune des dispositions de la présente Convention ne sera interprétée comme limitant ou
portant atteinte aux droits de l’homme et aux libertés fondamentales qui pourraient être
reconnus conformément aux lois de toute Partie contractante ou à toute autre Convention à
laquelle cette Partie contractante est partie. »
- 301 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
État ne peut les transgresser, rien ne peut l’empêcher d’aller encore plus loin pour
assurer une meilleure protection des droits de l’homme.» 927
Mais cette démarche volontariste est tout de même bien surprenante venant du
juge administratif, lequel s’est toujours montré réfractaire à l’application du droit au
procès équitable à l’administration 928. Pourtant, aucune réflexion doctrinale n’a été
menée sur les raisons ayant conduit le Conseil d’État a dépassé les exigences
résultant de la jurisprudence strasbourgeoise.
Nous n’en sommes pas persuadés, même s’il est exact qu’un véritable dialogue
des juges s’est amorcé depuis plusieurs années 929.
927
RENUCCI Jean-François, Droit européen des droits de l’homme, L.G.D.J., 1999, § 239.
928
Voir en ce sens : Partie 1, Chapitre 2, Section 1.
929
Voir en ce sens, SAUVE Jean-Marc, « Le Conseil d’État et la Convention européenne de
sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales », Intervention dans le cadre du
colloque organisé par l’Université Paris 3 Sorbonne nouvelle sur Les 60 ans de la Convention
européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, Sénat, 9 avril
2010.
- 302 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
SECTION 2
930
FERRARI-BREEUR Christine, « La contradiction et le pouvoir de sanction de
l’Administration », R.F.D.A., janvier- février 2001, p. 33.
931
Concl. Mattias GUYOMAR sur CE, Sect., 27 octobre 2006, no 276069, M. Parent et autres,
précité.
932
Cass., Com., 13 juillet 2004, n os 03-11280, 03-11430, 03-11431, 03-11433, 03-11492, 03-11512,
03-11513, 03-11516, 03-11517, 03-11618, Bulletin, 2004, IV, n o 163, p. 175.
- 303 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
de la procédure répressive n’a jamais été imposé par le droit interne en tant qu’elles
sont spécifiques à la procédure juridictionnelle (II).
- 304 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
Or, s’il est vrai que les principes généraux des droits de la défense et
d'impartialité ont, depuis fort longtemps, un champ d’application bien plus vaste que
celui résultant de l’applicabilité de l’article 6 C.E.D.H. (1), il faut reconnaître que la
jurisprudence administrative s’en est durablement tenue à une conception somme
toute réductrice de l’obligation d’impartialité. À cet égard, on peut considérer que la
Convention a été un ferment déterminant d’approfondissement des droits et des
garanties déjà reconnus en droit interne (2).
933
CE, 30 mai 2007, Sté Europe, finance et industrie et M. Thannberger, Rec., T. p. 695.
934
CE, Sect., 27 octobre 2006, Parent et autres, précité. Sur ces points, voir également SUDRE
Frédéric, « Du dialogue des juges à l’euro-compatibilité », in Le dialogue des juges. Mélanges en
l’honneur du président B. Genevois, Dalloz 2008, p. 1015 à 1032.
- 305 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
section du 17 juin 1930, « Rebeyrolles » 935. Mais leur véritable consécration au rang
de principe général du droit date du célèbre arrêt « Dame Veuve Trompier-
Gravier » 936 rendu le 5 mai 1944 et relatif au retrait d’une autorisation de vente de
journaux dans un kiosque motivé par la faute de l’intéressée.
935
CE, Sect., 17 juin 1930, Rebeyrolles, Rec., p. 76.
936
CE, Sect., 5 mai 1944, Dame Veuve Trompier-Gravier, Rec., p. 133.
937
CE, Ass., 16 décembre 1955, Dame Bourokba, Rec., p. 590.
938
CE, 23 novembre 1956, Fock-Piou, Rec., Tables, p. 717.
939
CE, 11 décembre 1946, Dames Hubert et Crépelle, Rec., p. 300.
940
CE, Sect. 25 avril 1958, Société « Laboratoires Geigy », Rec., p. 236.
941
CE, 3 décembre 1947, Canderatz, Rec., p. 456.
- 306 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
942
CE, Sect., 5 mai 1944, Dame Veuve Trompier-Gravier, précité : retrait de l’autorisation
d’occupation temporaire du domaine public justifié par la faute commise par l’occupant ; CE,
Sect., 8 janvier 1960, Ministre de l’Intérieur c/ Rohmer et Faist, Rec., p. 12 et CE, Ass., 13 juillet
1967, Allegretto, Rec., p. 315 : décisions interdisant l’exercice d’une profession motivée par le
comportement de l’intéressé ; CE, 16 juin 1978, Ville de Villeurbanne c/ Dame Pignal, Rec.,
Tables, p. 687 : retrait de l’autorisation d’exploiter un taxi motivé par l’insuffisance de garanties
de moralité de l’intéressé.
943
CE., Sect., 12 juin 1959, Ministre de la Santé publique c/ Prat Flottes, Rec., p. 361 : arrêté
ordonnant la fermeture d’un établissement antituberculeux dans l’intérêt de la sauvegarde de la
santé publique ; CE, 6 juin 1976, Dame Vatin, Rec., T., p. 733 : arrêté prescrivant la fermeture
d’une maison de retraire dans l’intérêt de la sécurité publique.
944
Concl. Daniel LABETOULLE sur CE, Sect., 7 avril 1975, n o 86202, Bouché.
945
CE, 3 mai 1950, Caudriller, Rec., p. 245: refus d’habiliter un organisme à stocker des denrées
alimentaires ; CE, 19 novembre 1958, Obadia, Rec., p. 566 : refus d’agréer un contrat conclu
entre un médecin et une institution de médecine sociale ; CE, 15 juillet 1957, Société mutuelle
immobilière et Roqueplo, Rec., p. 484 : refus d’agréer un organisme de crédit immobilier.
946
CE, 9 décembre 1974, Matheray dit Philippe Clay, Rec., T., p. 830 : décision évinçant un artiste
des programmes de la radiodiffusion télévision française pour une période de 7 mois ; CE,
16 avril 1975, Secrétaire d’État à la culture c/ Association dite « la comédie de Borges », Rec.,
p. 234 : décision retirant à une association le titre de centre dramatique national bien que ce titre
n’avait pas d’existence consacrée par un texte législatif ou réglementaire ; CE, 24 juillet 1987,
- 307 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
- 308 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
951
CE, 20 décembre 1872, Ville de Reims ; CE, Sect., 20 juin 1958, Louis, Rec., p. 368.
952
CE, 17 juin 1927, Vaulot, Rec., p. 683 ; CE Sect., 9 novembre 1966, Commune de Clohars-
Carnoët ; CE, 8 janvier 1992, n o 96654, Me Serondi-Babonaux.
953
CE 10 février 1922, Aldeguer et Branlière, Lebon, p. 127 ; CE, 4 mai 1928, Dobler, Lebon,
p. 558 ; CE, 30 janvier 1931, Vaulot, Lebon, p. 113 ; CE, 24 mai 1935, Lamoudi Lamine ; CE,
1 er mars 1940, Société des secteurs électriques de Provence, Lebon, p. 85.
954
Concl. CAHEN-SALVADOR Georges sur CE, 26 décembre 1925, no 88369, Rodière, R.D.P.,
1926, p. 35.
955
Michel DEGOFFE, « L’impartialité de la décision administrative », R.F.D.A., 1998, p. 711.
956
CE, 4 mars 1949, Trèbes, Rec., p. 105.
- 309 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
le corps des administrateurs civils et dans laquelle figuraient des représentants des
fonctionnaires « qui par leur ancienneté légèrement supérieure ou inférieure » à
celles des requérants se trouvaient en concurrence directe dans leur carrière avec eux
« ne pouvaient présenter les caractère de liberté et d’impartialité ». Quelques mois
957
plus tard, le 29 avril 1949, la décision de section « Bourdeaux » affirme que les
principes généraux du droit interdisent à un agent de se prononcer au sein d'une
commission d’épuration sur des faits qu'il a lui-même dénoncés. En 1965, dans l’arrêt
« Fédération nationale des transporteurs routiers », le Conseil d’État souligne
« l’obligation d’impartialité qui incombe aux comités techniques départementaux des
transports, comme à tout organisme administratif ».
957
CE, Sect., 29 avril 1949, Bourdeaux, Rec., p. 488.
958
Décision n o 89-260 D.C., 28 juillet 1989, cons. 44, Rec., p. 71 ; R.F.D.A., 1989, p. 671,
obs. GENEVOIS Bruno ; TEITGEN-COLLY Catherine, « Sanctions administratives et autorités
administratives indépendantes », L.P.A., 17 janvier 1990, p. 33.
959
CE, 14 décembre 1988, n o 59743, Durand ; CE, 1 er mars 1991, n o 112820, Lecun ; CE, 14 juin
1991, n os 107365, 107859, 110270, 114646, Association Radio Solidarité ; CE, 30 novembre
1994, n o 136539, M. Bonnet ; CE, 27 octobre 1999, n o 196251, Fédération française de football ;
CE, 22 juin 2001, n o 193392, Société Athis ; CE, 13 décembre 2002, n o 241195, M. Fague ; CE,
3 décembre 1999, Caisse de Crédit mutuel Bain-Trèsboeuf.
960
CE, 7 juillet 2000, no 187002, M. Wentzinger ; CE, 25 mai 1998, n os 151121,151123, Tchen,
Rec., Tables, p. 975.
961
CE, 24 juillet 2009, n o 307335, UNSA-Fonctionnaires.
- 310 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
Bien évidemment, les décisions de refus 965 ou de retrait 966 d’une autorisation
doivent être rendues au terme d’une procédure respectueuse du principe
d’impartialité. Il a été jugé que la procédure de vérification de comptabilité en
matière fiscale doit également présenter toutes les garanties d’impartialité requises
pour être tenue pour régulière 967.
962
CE, 1 er avril 1998, no 136091, Iguacel et Comets.
963
CE, 23 janvier 1998, n o 179579, Mlle Goyer ; CE, 4 février 2000, n o 181442, Mme Nehme ; CE,
6 juillet 2001, n o 219290, Giardina ; CE, 28 avril 2004, no 257385, M. Brangier.
964
CE, 26 février 1975, n o 92894, Sieur Banquels de Marque ; CE, 5 mai 1995, n o 155820,
M. Burruchaga ; CE, 23 octobre 1995, n os 154401, 154490, 154493, 154515, 154524, Association
Artus et autres ; CE, 23 mars 1998, n o 174770, Association Thomer environnement, association
pour la protection de l'environnement de la forêt du parc et Mme Oger ; CE, 20 septembre 1999,
n o 156968, Association Zone Z.A.C. ; CE, 2 juillet 2001, n o 221481, Fédération française de
Football ; CE, 6 juillet 2001, n o 209591, Société les tubes de Bobigny ; CE, 11 janvier 2008,
n o 292493, M. Lesage et M. et Mme De Bouard, A.J.D.A., 2008, p. 69, observations ROYER E. ;
Environnement, no 3, 2008, p. 41, note TROUILLY P. ; CE, 30 décembre 2010, n o 338273,
Société Métropole Télévision (M6).
965
CE, 11 février 2011, n os 319828, 326062, Société Aquatrium.
966
CE, 11 janvier 2008, n os 298497, 298498, Société Route Logistique Transports.
967
CE, 1 er décembre 2008, n o 292166, Ministre de l’économie, des finances et de l’industrie c/ SCI
Strasbourg, R.J.F., 2/09, no 142, p. 104.
- 311 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
968
AUTIN Jean-Louis et SUDRE Frédéric, « La dualité fonctionnelle du Conseil d’État en question
devant la Cour européenne des droits de l’homme. À propos de l’arrêt Procola c/ Luxembourg du
28 septembre 1995 », R.F.D.A., 1996, p. 777.
969
CE 21 novembre 1986, Benkhala c/ Min. Intérieur, Lebon, p. 353 ; Dr. Adm., 1987, n o 29.
970
CE, Sect., 27 avril 1988, Sophie, précité.
971
CE, Sect., 27 avril 1988, Sophie, précité.
972
CE, Sect., 24 janvier 1980, Gadiaga, Rec., p. 44, note ROUGEVIN-BAVILLE Michel ; A.J.D.A.,
1980, p. 283, chr. ROBINEAU Yves et FEFFER Marc-André ; D., 1980, p. 270, note PEISER
Gustave.
- 312 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
Cette rigueur accrue dont le Conseil d’État fait désormais preuve dans
l’appréciation de la portée du principe général d’impartialité ne se manifeste pas
seulement dans le cadre de l’exercice par une autorité administrative d’un pouvoir de
sanction. Elle s’étend à l’ensemble de l’action administrative où la méconnaissance
du principe général d’impartialité est soulevée.
973
CE, 26 septembre 2008, n o 306922, Assistance publique hôpitaux de Paris, Lebon 321 ; J.C.P.
Adm., 2008, p. 2282, concl. Catherine DE SALINS.
974
CE, 12 février 2007, n o 290164, Société Les Laboratoires Jolly-Jatel et autres, Lebon, Tables,
p. 1085 ; Voir également : CE, 11 février 2011, Société Aquatrium, précité.
975
CE, 28 décembre 2007, n o 282921, Syndicat des sylviculteurs du sud-ouest. Voir également : CE,
11 janvier 2008, n o 292493, Lesage, précité ; CE, 16 novembre 1998, Mme Bastard-Valentinis,
Rec., p. 414 ; CE, 10 décembre 1997, Société coopérative ouvrière de lamanage, Rec., Tables.,
p. 659 ; CE, 13 novembre 1989, Ministre de l’éducation nationale c/ Navarro, Rec., Tables,
p. 719.
- 313 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
même que le permis avait été délivré par son successeur. La haute juridiction
administrative en a profité pour souligner que « le principe d’impartialité, qui
garantit aux administrés que toute autorité administrative, individuelle ou collégiale,
est tenue de traiter leurs affaires sans préjugés ni partis pris, doit être respecté
durant l’intégralité de la procédure d’instruction et de délivrance d’un permis de
construire, y compris, dès lors, dans la phase de consultation précédant la prise de
décision » 976.
S’il a fallu attendre un arrêt du 30 janvier 2012 pour que le Conseil d’État
énonce, pour la première fois, dans une formulation de principe, que « le respect du
principe général des droits de la défense implique que la personne concernée, après
avoir été informée des griefs formulés à son encontre, soit mise à même de demander
la communication de son dossier et dispose de la faculté de pouvoir présenter
utilement ses observations avant que l'autorité disposant du pouvoir de sanction se
prononce » 977, cette triple exigence découlait déjà d’une jurisprudence ancienne.
976
CE, 22 février 2008, n o 291372, « Association Air pur environnement d’Hermeville et ses
environs », B.J.D.U., 2008, p. 105, concl. AGUILA Yann.
977
CE, 30 janvier 2012, n o 349009, Ministre de l’intérieur, de l’outre-mer, des collectivités
territoriales et de l’immigration.
978
CE, Sect., 25 avril 1958, Société laboratoires Geigy, Lebon, p. 243.
- 314 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
979
CE, Sect., 8 novembre 1963, Ministre de l’agriculture c/ Coopérative d’insémination artificielle
de la Vienne, Rec., p. 532 ; D., 1964, p. 492, note MAESTRE ; A.J., 1964, p. 28, chr. FOURRE
et PUYBASSET.
980
CE, Sect., 20 janvier 1956, Nègre.
- 315 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
Or, tant dans l’hypothèse d’une violation législative des droits de la défense
(1), que dans celle d’une méconnaissance par la loi du principe d’impartialité (2), un
requérant peut avoir recours à ce dispositif.
981
Loi organique n o 2009-1523 du 10 décembre 2009 relative à l’application de l’article 61-1 de la
Constitution.
- 316 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
fondamentaux reconnus par les lois de la République » 982, sans préciser d’ailleurs de
quelle loi républicaine il s’agissait. Depuis une décision du 30 mars 2006 983, il les
déduit de la garantie des droits proclamée par l’article 16 de la Déclaration des droits
de l’Homme et du Citoyen 984.
982
Décision n o 76-70 DC du 2 décembre 1976, Rec., p. 39 ; Voir également : Décision n o 95-360 DC
du 2 février 1995, PICARD Etienne, J.C.P., 1995, I, 3840 ; RENOUX Thierry, R.F.D.C., 1995,
p. 405 ; BERTRAND Mathieu et VERPEAUX Michel, L.P.A., 20 octobre 1995, p. 4 ; Décision
n o 99-416 DC 23 juillet 1999, GAY Laurence, R.F.D.C., 1999, p. 809 ; MATHIEU Bertrand,
L.P.A., 20 octobre 1999, p. 23.
983
Décision n o 2006-535 DC du 30 mars 2006, Rec., p. 50 ; Décision n o 2010-32 QPC du
22 septembre 2010, HECKEMAN Lise, « Inconstitutionnalité de la retenue douanière »,
R.F.D.C., no 85, janvier 2011, p. 134-137.
984
Décision no 2010-32 QPC du 22 septembre 2010, précité.
985
Décision no 2000-433 DC du 27 juillet 2000, Loi modifiant la loi n o 86-1067 du 30 septembre
1986 relative à la liberté de communication, cons. 50, JACQUINOT Nathalie, R.F.D.C., 2001,
n o 45, p. 86 ; Décision n o 97-389 DC du 22 avril 1997, Loi portant diverses dispositions relatives
à l’immigration, cons. 3, LECUCQ Olivier, R.F.D.C., 1997, p. 571 ; Décision no 2010-69 QPC
du 26 novembre 2010, PERRIER Jean-Baptiste, « Communication d'informations et présomption
d'innocence », R.F.D.C., juillet 2011, n o 87, p. 574 ; Décision n o 2010-38 QPC du 29 septembre
2010.
986
Décision n o 76-70 DC du 2 décembre 1976, précité ; Décision n o 80-127 DC du 20 janvier 1981,
RIVERO Jean, « Autour de la loi sécurité et liberté. « Filtrer le moustique et laisser passer le
chameau » ? », A.J.D.A., 1981, p. 275 ; PHILIP Loïc, R.D.P., 1981, p. 651.
987
Décision n o 77-83 DC du 20 juillet 1977, Rec., p. 39 ; Décision n o 85-182 DC du 18 janvier
1985 ; Décision n o 84-184 DC du 29 décembre 1984, ETIEN Robert, « Jurisprudence financière
du Conseil constitutionnel », Revue administrative, 1985, p. 140 ; FAVOREU Louis,
R.D.P., 1986, p. 395 ; PHILIP Loïc, R.D.P., 1985, p. 651, FOUQUET Olivier, « Pouvoirs
d'investigation de l'administration fiscale (art. 94 de la loi de finance pour 1985) »,
R.F.D.A., 1985, p. 756 ; Décision n o 86-224 DC du 23 janvier 1987, Rec., p. 8 ; Décision n o 88-
248 DC du 17 janvier 1989 à propos du CSA, , AVRIL Pierre et GICQUEL Jean, Pouvoirs, 1989,
n o 50, p. 193 ; AUTIN Jean-Louis, « La décision du Conseil constitutionnel relative au Conseil
Supérieur de l'Audiovisuel », Revue administrative, 1989, p. 223 ; FAVOREU Louis, Revue du
droit public, 1989, p. 429 et suiv ; Décision n o 90-285 DC du 28 décembre 1990, FAVOREU
Louis, R.F.D.C., 1991, p. 145 ; PHILIP Loïc, R.F.D.C., 1991, p. 136 ; Décision n o 89-268 DC du
29 décembre 1989, AVRIL Pierre et GICQUEL Jean, Pouvoirs, 1990, n o 53, p. 164, p. 182,
p. 191 ; PHILIP Loïc, R.F.D.C., 1990, p. 122 ; Décision n o 92-307 DC du 25 février 1992,
AVRIL Pierre et GICQUEL Jean, Pouvoirs, 1992, n o 62, p. 173, p. 189 à p. 192.
988
Décision no 88-248 DC du 17 janvier 1989, AVRIL Pierre et GICQUEL Jean, Pouvoirs, 1989,
n o 50, p. 193 ; AUTIN Jean-Louis, « La décision du Conseil constitutionnel relative au Conseil
Supérieur de l'Audiovisuel », Revue administrative, 1989, p. 223 ; FAVOREU Louis,
- 317 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
défense au sein des principes constitutionnels qui doivent être respectés par le
législateur en matière de sanctions administratives.
Il s’agit là, à n’en pas douter, du noyau dur des droits de la défense. Celui-ci
peut être enrichi en fonction du pouvoir répressif de l’organe administratif. Ainsi,
dans sa décision du 23 janvier 1987 relative au Conseil de la concurrence 993, le
R.D.P., 1989, p. 429 et suiv ; Décision n o 92-307 DC du 25 février 1992, AVRIL Pierre et
GICQUEL Jean, Pouvoirs, 1992, n o 62, p. 516.
989
Décision no 84-182 DC du 18 janvier 1985, précité.
990
Décision no 88-248 DC du 17 janvier 1989, précité.
991
Décision n o 99-424 DC du 29 décembre 1999, BUISSON Jacques, « La dérive de l'égalité devant
l'impôt (à propos de la décision n o 99-424 DC) », R.D.P., 2000, p. 9 ; DOUAT Etienne, « Le
Conseil constitutionnel s'oppose à la création d'un nouvel impôt », L.P.A., 2000, n o 89, 4 mai
2000, p. 4 ; PHILIP Loïc, R.F.D.C., 2000, p. 132.
992
Décision no 2006-535 DC du 30 mars 2006, BRONDEL Séverine, « Le Conseil constitutionnel
valide la loi égalité des chances », A.J.D.A., 2006, n o 14, p. 732 ; PRETOT Xavier, « Les
garanties du salarié face au licenciement ont-elles une base constitutionnelle ? À propos de la
décision du Conseil constitutionnel relative au CPE », Droit social, 2006, n o 5, p. 494-504 ;
Décision no 2011-631 DC du 9 juin 2011, TCHEN Vincent, « De la pratique des QPC en droit
des étrangers à la réforme du 16 juin 2011 », Constitutions, 2011, n° 4, p. 581-588.
993
Décision no 86-224 DC du 23 janvier 1987, Rec., p. 8.
- 318 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
994
Décision no 99-424 DC du 29 décembre 1999, précité.
995
Décision no 89-260 DC du 28 juillet 1989, GENEVOIS Bruno, « Le Conseil constitutionnel, la
séparation des pouvoirs et la séparation des autorités administratives et judiciaires »,
R.F.D.A., 1989, p. 671 ; AVRIL Pierre et GICQUEL Jean, Pouvoirs, 1990, no 52, p. 189. Voir
également : Décision n o 95-360 DC du 2 février 1995, PICARD Etienne, J.C.P., 1995, I, 3840 ;
RENOUX Thierry, R.F.D.C., 1995, p. 405 ; BERTRAND Mathieu et VERPEAUX Michel,
L.P.A., 20 octobre 1995, p. 4 ; Décision n o 2002-461 DC du 29 août 2002, SCHOETTL Jean-
Éric, « La loi d'orientation et de programmation pour la justice devant le Conseil
constitutionnel », L.P.A., 5 septembre 2002, p. 4 ; PENA-GAIA Annabelle, R.F.D.C., 2003,
p. 363-373 ; Décision n o 2010-612 DC du 5 août 2010.
996
Décision no 89-260 DC du 28 juillet 1989, précitée.
- 319 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
997
Décision n o 2012-280 QPC du 12 octobre 2012, Revue Lamy de la concurrence, janvier-mars
2013, no 34, p. 89-90, « La juridictionnalisation continue des autorités administratives
indépendantes », ROUSSEAU Dominique ; L.P.A., 6 mai 2013, no 90, p. 9 à p. 11, « Autorité de
la concurrence : constitutionnalité de l’organisation et du pouvoir de sanction », SORAYA
Messaï-Bahri.
- 320 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
Elle n’a donc emporté aucune rupture avec le droit national antérieur, comme
en témoigne encore le refus ultérieur des hauts magistrats d’appliquer parmi les
garanties du procès équitable celles dont le respect est réservé, en contentieux
administratif, aux juridictions.
Plusieurs années après avoir rendu son arrêt « Jean-Louis Didier », le Conseil
d’État a refusé d’appliquer aux autorités administratives indépendantes répressives
les garanties du procès équitable qu’il estime être spécifiquement attachées à
l’exercice de procédures juridictionnelles (A). Ce faisant, il a introduit, à côté de la
notion d’atteinte irréversible, un nouveau critère de tri des garanties du procès
- 321 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
Trois ans après, la Cour de cassation a retenu la même solution 999. Elle a
effectivement écarté le moyen tiré de la violation du droit au procès équitable du fait
de l’inobservation par la Commission des opérations de bourse du principe de la
publicité des audiences. Depuis lors, cette jurisprudence, qui a été étendu au Conseil
de la concurrence, est demeurée constante 1000.
998
CEDH, 28 octobre 1993, Imbrioscia c/ Suisse, Série A, n o 275, R.S.C., 1994, p. 144, obs.
PETTITI Louis-Edmond ; R.S.C., 1994, p. 362, obs. KOERING-JOULIN Renée ; CEDH,
12 juillet 2001, n o 33071/96, Malhous c/ République Tchèque.
999
Cass. Com., 9 avril 1996, n o 94-11323, Haddad c/ Agent judiciaire du Trésor, précité.
1000
Cass. Com., 5 octobre 1999, n os 97-15617, 97-5626, 97-15632, 97-15673, 97-15760, 97-15777,
97-15805, 97-15826, 97-15836, 97-15852, 97-15871, 97-15932, 97-16004, 97-16330, S.N.C.
Campenon Bernard SGE et autres, précité ; Cass. Com., 28 janvier 2003, n o 01-0028, Bull., IV,
n o 12, p. 14 ; Cass. Com., 28 juin 2005, n o 04-13.91, Bull., IV, n o 137, p. 145.
- 322 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
Ce n’est qu’en 2004 que le Conseil d’État a été, pour la première fois, saisi de
cette question.
Pour justifier cette solution, certains auteurs ont affirmé que les juges français
avaient profité de la souplesse de la jurisprudence européenne pour juger que
« l’absence de publicité des audiences devant les autorités de régulation n’entraînait
pas de facto une violation de l’article 6 puisqu’il pouvait y avoir en quelque sorte
rattrapage devant eux » 1005. En d’autres termes, la Cour de cassation et le Conseil
d’État auraient différé le respect de cette garantie au stade juridictionnel, parce qu’ils
estimeraient que son inobservation durant la phase administrative de la procédure
1001
CE, Sect., 10 mai 2004, n o 241587, Crédit du Nord, précité.
1002
CE, 2 novembre 2005, n o 271202, Société Banque privée Fideuram Wargny, précité et CE,
29 octobre 2013, n o 356108, SAS EIM France.
1003
CE, 31 mars 2005, no 260673, Société financière Hottinguer, précité.
1004
CE, Sect., 27 octobre 2006, n o 276069, M. Parent et autres, précité.
1005
ZAVOLI Philippe, « L’emprise de la Convention européenne des droits de l’homme sur les
autorités de régulation ou le jeu des apparences », J.C.P, Cahiers de Droit de l’Entreprise, 2004,
n o 2, p. 10.
- 323 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
1006
Cass. Com., 5 octobre 1999, n os 97-15617, 97-5626, 97-15632, 97-15673, 97-15760, 97-15777,
97-15805, 97-15826, 97-15836, 97-15852, 97-15871, 97-15932, 97-16004, 97-16330, S.N.C.
Campenon Bernard S.G.E et autres, Bull., 1999, IV, n o 159, p. 135 ; Cass. Com., 28 janvier
2003, n o 01-00.28, Bull., IV, n o 12, p. 14 ; Cass. Com., 28 juin 2005, no 04-1391, Bull., IV,
n o 137, p. 145.
- 324 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
Mais en dehors de ces deux décisions, il ressort des termes mêmes des arrêts
rendus par le Conseil d’État que l’inapplication ab initio des garanties précitées est
fondée sur le fait qu’il s’agit de règles propres à la procédure juridictionnelle.
1007
CE, 29 octobre 2013, n o 356108, SAS EIM France.
1008
CE, 31 mars 2005, no 260673, Société financière Hottinguer, précité.
1009
CE, 2 novembre 2005, no 271202, Société Banque privée Fideuram Wargny, précité.
- 325 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
D’ailleurs, c’est déjà en ce sens que M. GUYOMAR avait conclu sur l’arrêt
« Crédit du Nord » précité. Le rapporteur public avait, notamment, fait observer que
« les autorités administratives qui doivent être regardées comme des « tribunaux au
sens de l’article 6 § 1 de la C.E.D.H. » n’ont pas pour autant l’obligation de statuer
publiquement dès lors qu’elles ne sont pas des juridictions ». Et d’ajouter quelques
lignes après : « Les autorités administratives, même celles qui doivent être regardées
comme des tribunaux au sens de l’article 6 § 1 comme le conseil de discipline, n’ont
pas à respecter le principe du secret du délibéré qui ne gouverne que les procédures
contentieuses. Il en irait autrement si le secret du délibéré avait été posé par un texte
mais ce n’est pas le cas. Pour le reste, s’appliquent seuls les principes qui
gouvernent l’action administrative « pour la raison même que ces autorités ne sont
pas exactement des tribunaux » pour reprendre les termes du professeur Delvolvé. »
1010
CE, Sect., 27 octobre 2006, n o 276069, M. Parent et autres, précité.
- 326 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
1011
Voir en ce sens : Partie 1, Chapitre 1, Section 1.
1012
Voir en ce sens : Partie 1, Chapitre 1, Section 2, II.
- 327 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
« procès équitable », plus précisément, les règles qui « s'appliquent aux juridictions
dans le cadre d'un procès » 1013.
1013
BONICHOT Jean-Claude, « L’application de l’article 6 § 1 de la C.E.D.H. aux autorités de
régulation : la position du Conseil d’État», L.P.A., n o 94, 11 mai 2000, p. 3.
1014
BONICHOT Jean-Claude, « Les sanctions administratives en droit français et la Convention
européenne des droits de l’homme », A.J.D.A., 2001, p. 73.
- 328 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
est une chose, la procédure administrative, même très formalisée, en est une autre et
le régime des décisions prises est évidemment fondamentalement différent. Ces
autorités administratives ne sont donc pas soumises à l’article 6 dans leur
intégralité, pour la raison même qu’elles ne sont pas exactement des tribunaux ».
1015
Voir en ce sens : Partie 2, Chapitre 1, Section 1, II.
1016
CE, Sect., 22 juin 2007, n o 272650, Arfi ; R.F.D.A., 2007, p. 1199, concl. GUYOMAR Mattias ;
CE, Sect., 12 octobre 2009, M. Petit, A.J.D.A., 2009, p. 2163. Le Conseil d'État est revenu sur
ses décisions antérieures qui retenaient le contrôle restreint : CE, 19 novembre 2004, n o 263459,
Marcon, Lebon, p. 862 (relatif à une mesure de radiation infligées aux membres d'une profession
réglementée) ; CE, 27 mai 2009, no 310493, Hontang ; D.A., 2009, n° 104, note MELLERAY
François (portant sur une décision de révocation sans suspension des droits à pension prononcée
à l’encontre des magistrats) ; CE, 2 mars 2010, no 324439, Fédération française d'athlétisme ;
LIEBER S.-J. et BOTTEGHI Damien, « Le juge, le maire et l'athlète : vers un contrôle normal
sur les sanctions disciplinaires envers les maires et les sportifs », A.J.D.A., 2010, p. 664
(concernant une suspension de compétition contre les sportifs relevant de fédérations agréées et
qui échouent le test anti-dopage) ; CE, 2 mars 2010, n o 328843, M. Dalongeville ; LIEBER S.-J.
et BOTTEGHI Damien, « Le juge, le maire et l'athlète : vers un contrôle normal sur les
- 329 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
Pour trier au sein des garanties du procès équitable, celles dont l’application
doit être immédiate, le Conseil d’État procède donc à une distinction entre, d’une
part, les règles spécifiques à la procédure juridictionnelle et, d’autre part, les règles
qui ne sont pas spécifiques à cette procédure.
À nos yeux, pour déterminer si la règle du procès équitable, dont le respect est
sollicité doit être appliquée ab initio, le Conseil d’État ne se borne pas seulement à
vérifier la nature fondamentalement juridictionnelle ou non de la garantie invoquée. Il
suit un raisonnement échelonné, qui est d’ailleurs largement ignoré de la doctrine 1017.
sanctions disciplinaires envers les maires et les sportifs », A.J.D.A., 2010, p. 664 (portant sur la
révocation d’un maire prononcée sur le fondement de l'article L. 2122-16 du code général des
collectivités territoriales). Pour l’heure, seules les sanctions disciplinaires infligées aux détenus
et aux militaires continuent de faire l’objet d’un contrôle restreint : CE, 20 mai 2011, n o 326084,
Letona Biteri, Lebon, p. 246 ; A.J.D.A., 2011, p. 1056 et p. 1364, chr. DOMINO Xavier et
BRETONNEAU Aurélie ; A.J. pénal, 2012, p. 177, obs. HERZOG-EVANS Martine ; R.S.C.,
2012, p. 208, chr. PONCELA Pierrette ; CE, Ass., 17 février 1995, no 107766, Hardouin, Lebon,
p. 82 ; A.J.D.A., 1995, p. 421 et p. 379, chr. TOUVET Laurent et STAHL Jacques-Henri ; D.,
1995, p. 381, note BELLOUBET-FRIER Nicole ; R.F.D.A., 1995, p. 353, concl. FRYDMAN
Patrick ; R.S.C., 1995, p. 381, obs. COUVRAT Pierre ; CE, 12 janvier 2011, no 338461, Matelly,
Lebon, p. 3 ; A.J.D.A., 2011, p. 5 et p. 623, note AUBIN Emmanuel.
1017
EVEILLARD Gweltaz, « L’application de l’article 6 de la Convention européenne des droits de
l’homme à la procédure administrative non contentieuse », A.J.D.A., 2010, p. 531 ; IDOUX
Pascal, « Autorités administratives indépendantes et garanties procédurales », R.F.D.A., 2010,
p. 920. Pour ces auteurs, devant la juridiction administrative, le tri entre les garanties
immédiates et les garanties différées s’opère uniquement au regard de la notion de vice
irréversible.
- 330 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
Aussi, affirmer que devant le juge administratif, toutes les garanties autres que
celles spécifiques à la procédure juridictionnelle trouvent à s’appliquer aux autorités
administratives relevant du volet pénal de l’article 6 C.E.D.H. n’est pas faux. Il faut,
en effet, reconnaître qu’en définitive, le Conseil d’État admet l’application immédiate
de toutes les prescriptions du procès équitable qui ne sont pas exclusivement
réservées aux juridictions.
C’est pourquoi il est préférable d’indiquer que sont appliquées aux autorités
administratives pour lesquelles le Conseil d’État a admis l’applicabilité de l’article 6
C.E.D.H., les garanties qui ne sont pas propres à la procédure juridictionnelle et dont
l’inobservation est de nature à vicier définitivement le caractère équitable du procès.
À l’appui de cette affirmation, on peut citer les conclusions formulées par Mme
Isabelle Da Silva sous l’arrêt précité « Compagnie Corse Air Internationale S.A. »1018
du 31 janvier 2007. Le rapporteur public y fait observer, d’une part, que « la
méconnaissance d’un principe de l’article 6 ne peut être utilement invoquée, dans le
cadre de la jurisprudence Didier, si ce principe n’a vocation à régir que le
1018
CE, 31 janvier 2007, n o 290567, Compagnie Corse Air International S.A., précité.
- 331 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
- 332 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
CONCLUSION
- 333 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
CONCLUSION GÉNÉRALE
La majorité des auteurs 1019 s’est, en effet, focalisée sur cet aspect, faisant
observer qu’« avec l’arrêt Didier, le Conseil d’État (a entamé) un processus de
1019
STASIAK Frédéric, Nature des autorités de régulation à pouvoir répressif et garanties
fondamentales de la personne, Thèse, Nancy, p. 109 ; MILANO Laure, « Le contentieux de la
régulation administrative », in L’extension des garanties du procès équitable hors les
juridictions ordinaires : les contraintes européennes, Institut de droit européen des droits de
l’homme, Avril 2002, SUDRE Frédéric (dir.), p. 85 ; GONZALEZ Gérard, « Le moment du
procès équitable », in L’extension des garanties du procès équitable hors les juridictions
- 334 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
Bien qu’ayant été au cœur des débats, l’affirmation selon laquelle l’application
du droit au procès équitable aux autorités administratives constitue un facteur de
juridictionnalisation de l’administration nous paraît toutefois devoir être
considérablement nuancée. D’une part, cette position doctrinale présente le défaut
majeur de reposer sur une conception exclusivement juridictionnelle des principes des
droits de la défense, de l’impartialité et de la contradiction, laquelle apparaît,
aujourd’hui, largement dépassée (A). D’autre part, l’analyse du droit positif démontre
clairement que le scénario de la juridictionnalisation relève davantage de la fiction
que de la réalité (B).
ordinaires : les contraintes européennes, Institut de droit européen des droits de l’homme, Avril
2002, SUDRE Frédéric (dir.), p. 203 ; BONICHOT Jean-Claude, « Interview : l'application de
l'article 6 § 1 de la C.E.D.H. aux autorités de régulation : la position du Conseil d'État », L.P.A.,
n o 11, janvier 1999, p. 10 ; BRISSON Jean-François, « Les pouvoirs de sanction des autorités de
régulation et l’article 6 § 1 de la Convention européenne des droits de l’homme. À propos d’une
divergence entre le Conseil d’État et la Cour de cassation », A.J.D.A., 20 novembre 1999, p. 847
et plus précisément p. 852 ; ANDRIANTSIMBAZOVINA Joël, « Droit administratif et
Convention européenne des droits de l'homme, Jurisprudence administrative et Convention
européenne des droits de l'homme », R.F.D.A., 2000, p. 1059 et, plus précisément, p. 1062 ;
THUOT Thierry, « Quel avenir pour le pouvoir de sanction des autorités administratives
indépendantes ? », A.J.D.A., 2001, p. 135 ; GUYOMAR Mattias, « La sanction administrative »,
L.P.A., 12 janvier 2006, n o 9, p. 7 ; QUASTANA Jacques, « La sanction administrative est-elle
encore une décision de l’administration. Rapport général », A.J.D.A., 2001 ; JEGOUZO Yves,
« Les sanctions administratives, actualité et perspective », A.J.D.A., 2001, p. 1 ; QUILICHINI
Paule, « Réguler n’est pas juger. Réflexions sur la nature du pouvoir de sanction des autorités de
régulation économique », A.J.D.A., 2004, p. 1060 ; CHAGNOLLAUD Dominique, « La sanction
(administrative) et le juge constitutionnel : Montesquieu, malgré tout ? », Justice et cassation,
D., 2005, p. 26 et plus précisément p. 28.
1020
ANDRIANTSIMBAZOVINA Joël, « Droit administratif et Convention européenne des droits de
l'homme, Jurisprudence administrative et Convention européenne des droits de l'homme »,
précité, p. 1062.
1021
Cass., Ass. Plén., 5 février 1999, n o 97-16.441, COB c/ Oury, Bull. AP, no 1, p. 1 ; Gaz. Pal.,
24 et 25 février 1999, p. 8, concl. LAFORTUNE Maurice-Antoine ; J.C.P., 1999, II, 10060, note
MATSOPOULOU Haratini ; D., 1999, Somm. 249, obs. BON-GARCIN Isabelle ; FRISON-
ROCHE Marie-Anne, « Les autorités de régulation confrontées à la Convention européenne des
droits de l'homme », L.P.A., 10 février 1999, no 29, p. 17 ; L.P.A., 10 février 1999, p. 14, note
DUCOULOUX-FAVARD Claude.
1022
BRISSON Jean-François, « Les pouvoirs de sanction des autorités de régulation et l’article 6 § 1
de la Convention européenne des droits de l’homme. À propos d’une divergence entre le Conseil
d’État et la Cour de cassation », A.J.D.A., 20 novembre 1999, p. 847.
- 335 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
1023
GUYOMAR Mattias et COLLIN Patrick, obs. sur CE, Ass., 3 décembre 1999, Jean-Louis
Didier, A.J.D.A., 20 février 2000, p. 126 et, plus précisément, p. 129 ; THUOT Thierry, « Quel
avenir pour le pouvoir de sanction des autorités administratives indépendantes ? », précité ;
Mattias GUYOMAR, « Le droit au juge indépendant et impartial en matière administrative. Le
principe vu par le Conseil d’État », in Variations autour d’un droit commun, Mireille DELMAS-
MARTY, Xavier DIJON, Bénédicte FAUVARQUE-COSSON, Rosalind GREENSTEIN, Jean-
Louis HALPERIN, Marie-Laure IZORCHE, Christophe JAMIN, Otto PFERSMANN (dir.),
Société de Législation Comparée, 2001, p. 71 ; THOMASSET-PIERRE Sylvie, L’autorité de
régulation boursière face aux garanties processuelles fondamentales, L.G.D.J., 2001, p. 247.
1024
KLAOUSEN Patrick, « Réflexions sur la définition de la notion de juridiction dans la
jurisprudence du CE », L.P.A., 30 juillet 1993, no 91, p. 22 ; DOARE Ronan, Les sanctions
administratives (contribution à l'étude du renouveau de la répression administrative), Thèse,
Rennes, 1994, p. 13 ; BRISSON Jean-François, « Les pouvoirs de sanction des autorités de
régulation et l’article 6 § 1 de la Convention européenne des droits de l’homme », précité,
p. 846 ; Mattias GUYOMAR, « Le droit au juge indépendant et impartial en matière
administrative. Le principe vu par le Conseil d’État », in Variations autour d’un droit commun,
précité, p. 71 ; EVEILLARD Gweltaz, « L’application de l’article 6 de la Convention
européenne des droits de l’homme à la procédure administrative non contentieuse », A.J.D.A.,
2010, p. 531.
- 336 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
Il est vrai que cette identification des principes des droits de la défense,
d’impartialité et de la contradiction à la procédure juridictionnelle peut se prévaloir,
en droit administratif français, d’une longue tradition historique et jurisprudentielle
(1). Cependant, elle apparaît aujourd’hui datée (2), de sorte qu’elle ne nous semble
plus pouvoir conforter la thèse d’une juridictionnalisation de l’administration
provoquée par la diffusion de ces garanties en dehors de la sphère juridictionnelle.
1025
Voir en ce sens : Introduction générale, II, p. 32 à p. 34.
- 337 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
1026
RIVERO Jean, « Le système français de protection des administrés contre l’arbitraire
administratif à l’épreuve des faits », in Mélanges Dabin, Bruxelles, 1963, t. II, p. 819.
1027
DE GÉRANDO Joseph-Marie, « Cours », Thémis, t. IV, 1822.
1028
RIVERO Jean, « Le système français de protection des administrés contre l’arbitraire
administratif à l’épreuve des faits », précité, p. 820.
1029
Voir en ce sens : Introduction générale, II, p. 35 à p. 37.
1030
ISAAC Guy, La procédure administrative non contentieuse, Thèse, L.G.D.J., 1968, p. 31.
- 338 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
En affirmant que le caractère non juridictionnel d’un organisme tient, non pas
aux formes mais à la « nature de la matière » dans laquelle il décide, l’arrêt
d’assemblée « de Bayo » 1035 du 12 décembre 1953 met un terme à la prépondérance
des considérations formelles et procédurales dans la qualification de juridiction. Le
Conseil d’État reconnaît enfin que « l’octroi des garanties d’une procédure de type
juridictionnel n’a rien d’incompatible avec le fonctionnement d’un organisme de
caractère administratif » 1036. Pour autant, cette nouvelle position jurisprudentielle ne
va pas suffire à altérer le monopole procédural de la juridiction, lequel se maintient
sur le plan théorique. En effet, si le Conseil d’État admet désormais le débordement
des droits de la défense, d’impartialité et de la contradiction hors du domaine
juridictionnel, ce n’est que dans les matières qu’il considère comme « quasi-
juridictionnelles » et parce que précisément, elles se situent à la frontière du
1031
CE, 20 juin 1913, Téry, Rec., p. 736, concl. CORNEILLE Louis-François ; CE, 7 février 1947,
d’Aillières, R.D.P., 1947, p. 68, note WALINE Marcel.
1032
CE, 24 juillet 1934, Ducos, D., 1934, p. 577.
1033
CE, 8 janvier 1959, Commissaire du Gouvernement près le Conseil supérieur de l’ordre des
experts comptables, D., 1960, p. 42, note DEBBASCH Charles.
1034
ISAAC Guy, La procédure administrative non contentieuse, thèse précitée, p. 32.
1035
CE, 12 décembre 1953, de Bayo, Rec., p. 544 ; R.F.D.A., 1954, p. 3, concl. CHARDEAU
Jacques ; A.J.D.A., 1954, II, p. 138, note de SOTO Jean et II bis, p. 2, chr. GAZIER François et
LONG Marceau.
1036
CHARDEAU Jacques, concl. sur CE, 2 mars 1956, Société électrique du Cambrésis, C.J.E.G.,
1956, p. 181.
- 339 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
juridictionnel 1037. Les explications fournies par Raymond ODENT sur le fondement
de la jurisprudence relative aux « droits de la défense devant l’administration
active » 1038 expriment clairement ce point de vue. C’est « un phénomène de
contamination, d’irradiation (…) dans certaines matières qui, par leur nature,
s’apparentent à celles relevant du domaine juridictionnel ; les autorités
administratives se trouvent ainsi (…) en présence du problème des droits de la
défense ; (…) dans ces hypothèses, (…) l’essentiel des garanties reconnues à la
défense dans la procédure contentieuse a été transposée dans la procédure purement
administrative » 1039, indique-t-il. Et d’ajouter, « En raison de leur nature, de leur
objet, les décisions juridictionnelles doivent être précédées d’un débat contradictoire.
C’est aussi en raison de leur nature et de leur objet que certaines décisions
administratives ne peuvent intervenir qu’après une instruction contradictoire ».
Poursuivant sur le caractère artificiel de la distinction entre l’activité juridictionnelle
et l’activité administrative, il note à cet égard : « en pratique, des activités
intermédiaires auraient indifféremment pu être rangées soit parmi les activités
juridictionnelles soit parmi les activités administratives ; le régime disciplinaire dans
la fonction publique fournit un exemple de ces matières mixtes ».
1037
C’est ainsi que dans son arrêt « Dame Veuve Trompier-Gravier » du 5 mai 1944, le Conseil
d’État consacre explicitement l’obligation pour l’administration de se conformer aux droits de la
défense lorsqu’elle prononce à l’encontre d’un administré une sanction administrative générale
(CE, 5 mai 1944, no 69751, Dame Veuve Trompier-Gravier, Rec., p. 133). Un an plus tard, la
haute juridiction administrative étend l’application de cette garantie aux décisions prises par
l’administration en matière disciplinaire. Par sa décision « Aramu » du 26 octobre 1945, elle
souligne, en effet, « qu’il résulte des principes généraux du droit applicables même en l’absence
de texte qu’une sanction ne peut à ce titre être prononcée légalement sans que l’intéressé ait été
mis en demeure de présenter utilement sa défense » (CE, Ass., 26 octobre 1945, Aramu, Rec.,
p. 213). L’arrêt du 22 mai 1946 « Maillou », rendu dans le cadre d’un contentieux relatif à
l’épuration, retient la même solution (CE, 22 mai 1946, Maillou, Rec., Tables, p. 470).
1038
ODENT Raymond, Les droits de la défense, E.D.C.E., 1953, p. 60. Voir également en ce sens :
CHENOT Bernard, concl. sur CE, 5 mai 1944, Veuve Trompier-Gravier, R.D.P., 1944, p. 256.
1039
ODENT Raymond, Les droits de la défense, précité, p. 60.
- 340 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
D’une part, les obstacles, qui se sont dressés dans l’appréhension des principes
d’impartialité, des droits de la défense et du contradictoire libérée du prisme
juridictionnel, ont pour la plupart été levés. Tout d’abord, l’existence et
1040
Voir en ce sens : Partie 1, Chapitre 2, Section 1, I.
1041
Voir en ce sens : Partie 1, Chapitre 2, Section 2, I.
1042
Voir en ce sens : Partie 1, Chapitre 2, Section 2, I, A, 2.
- 341 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
1043
Décision no 80-119 DC du 22 juin 1980, obs. CARCASSONNE Guy, A.J.D.A., 1980, p. 602 ;
FAVOREU Louis, R.D.P., 1980, p. 1658 ; HAMON Léo, D., 1981, IR, p. 356 ; Décision n o 86-
224 DC du 23 janvier 1987, obs. CHEVALLIER Jacques, A.J.D.A., 1987, p. 345 ; FAVOREU
Louis, « Le principe de séparation des autorités administratives et judiciaires n'a pas valeur
constitutionnelle », R.F.D.A., 1987, p. 301 ; GENEVOIS Bruno, « Le Conseil constitutionnel et
le principe de séparation des autorités administratives et judiciaires », R.F.D.A., 1987, p. 287 ;
GAUDEMET Yves, R.D.P., 1987, p. 1341 ; Décision no 2009-595 DC du 3 décembre 2009 sur
la loi organique relative à l'application de l'article 61-1 de la Constitution, Cons. n o 3,
GENEVOIS Bruno, « Le contrôle a priori de constitutionnalité au service du contrôle a
posteriori. À propos de la décision n° 2009-595 DC du 3 décembre 2009 », R.F.D.A., 2010,
p. 1 ; ROUX Jérôme, « La question prioritaire de constitutionnalité à la lumière de la décision
du Conseil constitutionnel du 3 décembre 2009 », R.D.P., 2010, p. 233 ; JAN Pascal, « La
question prioritaire de constitutionnalité », L.P.A., 18 décembre 2009, p. 6.
1044
Concl. CHARDEAU Jacques sur CE, 2 mars 1956, Société électrique du Cambrésis, C.J.E.G.,
1956, p. 181.
1045
Voir sur ce point : Partie 2, Chapitre 2, Section 2, I, A, 1.
1046
Article 8 du décret n o 83-1025 du 28 novembre 1983 concernant les relations entre
l'administration et les usagers.
1047
Loi n o 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les
administrations.
- 342 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
procédure juridictionnelle, ils ne sont pas pour autant des garanties spécifiques aux
procédures juridictionnelles, et ce à la différence de la publicité des débats, de la
motivation des décisions et du droit à l’assistance gratuite d’un avocat 1048. Notre droit
semble donc bien s’être libéré de ses préventions séculaires sur l’exclusivité du lien
entre les droits de la défense, les principes d’impartialité et de la contradiction et la
procédure juridictionnelle.
1048
Voir sur ce point : Partie 2, Chapitre 2, Section 2, II, A, 2.
1049
DELVOLVÉ Pierre, « La justice hors du juge », Cahiers de droit de l'entreprise, 1984,
n o supplémentaire, n o 4, p. 16.
1050
QUASTANA Jacques, « La sanction administrative est-elle encore une décision de
l’administration ? Rapport général », précité, p. 141 ; ARPAILLANGE Pierre, « Introduction »,
L.P.A., 17 janvier 1990, n o spécial sur les sanctions administratives, p. 3 ; CHAUMONT Jean-
Pierre, « Présentation générale », L.P.A., 17 janvier 1990, n o spécial sur les sanctions
administratives, p. 5.
1051
CHAUMONT Jean-Pierre, « Présentation générale », L.P.A., 17 janvier 1990, n o spécial sur les
sanctions administratives, p. 5.
1052
JEGOUZO Yves, « Les sanctions administratives, actualité et perspective », A.J.D.A., 2001,
p. 1.
1053
THUOT Thierry, « Quel avenir pour le pouvoir de sanction des autorités administratives
indépendantes ? », précité, p. 135 ; QUASTANA Jacques, « La sanction administrative est-elle
encore une décision de l’administration ? Rapport général », précité, p. 141.
- 343 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
D’autre part, elle s’inscrit en porte à faux avec l’évolution générale du droit,
laquelle témoigne, au contraire, d’un mouvement tendant à limiter la prolifération des
juridictions administratives spéciales et à privilégier notamment la voie de la
« déjuridictionnalisation » (2).
- 344 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
Deuxièmement, ainsi que l’a fait observer M. SAUVE 1055, la haute juridiction
administrative « retient une conception pragmatique » du contenu des droits de la
défense et du principe d’impartialité afin d’éviter tout formalisme qui nuirait à
l’efficacité de l’action administrative. L’absence d’audition d’un témoin par la
Commission des sanctions de l’autorité des marchés financiers viole l’article 6
C.E.D.H. uniquement s’il est établi qu’elle a préjudicié aux droits de la défense 1056.
De même, la violation du principe d’impartialité des juridictions par la Commission
bancaire n’interdit pas que les poursuites soient éventuellement reprises par
l’Autorité de contrôle prudentiel sur le fondement des opérations de contrôle menées
par la Commission bancaire.
1054
Voir en ce sens : Partie 2, Chapitre 2, Section 2, II.
1055
SAUVE Jean-Marc, « Autorités administratives, droits fondamentaux et opérateurs
économiques », Colloque du 12 octobre 2012 organisé par la Société de législation comparée à
Paris.
1056
CE, 29 mars 2010, nos 323354, 323488, 323491, 324395, M. Piard et autres.
- 345 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
artificiellement, des juridictions partout et l'État ne peut les multiplier car il n'en a
pas les moyens. « Juridictionnaliser » à l'excès n'est pas de bonne administration et
ne peut, dans le fond, que ternir l'image du juge dans le public » 1057. Interrogé deux
ans plus tard sur les raisons pour lesquelles le Conseil d’État se montre si réticent à
l'idée que les autorités administratives puissent être analysées ou traitées d'un point
de vue procédural comme des juridictions, M. BONICHOT a, dans la droite ligne de
son intervention précédente, précisé que « le législateur, en qualifiant ces organismes
d'autorités administratives, a clairement montré sa volonté de créer des organes
administratifs et non pas des juridictions. Ensuite, il faut se garder de
juridictionnaliser à l'excès l'action administrative. Il est vrai que le C.S.A., le C.M.F.
ou encore la C.O.B. prennent des décisions très importantes ; mais il est non moins
vrai que lorsqu'un préfet statue sur une demande de permis de construire, il porte
également atteinte à des droits. Nul ne songerait cependant à prétendre qu'il se
comporte comme une juridiction ! Nous devons éviter d'aller dans le sens d'une
« juridictionnalisation rampante » de l'administration. Ce serait illusoire et
dangereux ». Et d’ajouter « qu'il y a lieu d'éviter la banalisation des juridictions. Ce
serait rabaisser celles-ci dans l'ordre des institutions. » 1058 Cette prise de position,
qui reflète parfaitement l'avis le plus répandu au sein du Conseil d’État, s’inscrit dans
la droite ligne de la jurisprudence administrative actuelle qui témoigne d’une plus
grande sévérité dans l’octroi de la qualité d’organe juridictionnel.
1057
BONICHOT Jean-Claude, « L’article 6 de la C.E.D.H. », L.P.A., 15 janvier 1999, n o 11, p. 8.
1058
BONICHOT Jean-Claude, « Interview : L’application de l’article 6 § 1 aux autorités de
régulation : la position du Conseil d’État », L.P.A., 11 mai 2000.
- 346 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
pour faire face à l’encombrement des juridictions ordinaires 1059 en les déchargeant de
contentieux transitoires ou très techniques et destinées à offrir aux administrés les
garanties de la procédure juridictionnelle 1060, ces instances se sont rapidement
révélées être une source de complication des règles de répartition des
compétences 1061, d’écartèlement du contentieux, d’« émiettement préjudiciable à
l’unité de la justice et à la cohérence de la jurisprudence » 1062. À ces critiques bien
connues, s’ajoute une difficulté liée à l’applicabilité de l’article 6 C.E.D.H. Le
fonctionnement et la composition des juridictions administratives spécialisées, et
notamment le cumul des fonctions réalisées en leur sein, font peser sur la France un
risque sérieux de condamnation au regard de l’exigence européenne d’impartialité
structurelle. Une menace identique résulte de la composition des juridictions
administratives spécialisées, dont les membres sont le plus souvent issus de la
profession ou du secteur de la compétence de la juridiction. Or, l’exercice ultérieur
d’un contrôle de cassation peut se révéler insuffisant au regard de l’exigence
européenne de « pleine juridiction » pour rattraper les manquements des juridictions
administratives spécialisées aux garanties du procès équitable.
C’est dans ce cadre que depuis les années 1950, le Conseil d’État a entamé une
politique jurisprudentielle visant à « enrayer la prolifération des juridictions
administratives spécialisées » 1063. Pour ce faire, il a écarté « peu à peu la technique
du faisceau d’indices, propre en définitive, à multiplier les juridictions
administratives spécialisées, pour ne plus retenir qu’un seul critère : la volonté du
1059
« La raison principale qui a engagé le Parlement à s’engager dans cette voie est que, votant des
lois qui doivent donner lieu à un contentieux nouveau abondant, il y a un moyen de ne pas
augmenter encore l’encombrement du Conseil d’État », Julien LAFERRIÈRE, « Chronique
législative, 2 ème étude », R.D.P., 1921, p. 128.
1060
Voir en ce sens : DEGOFFE Michel, La juridiction administrative spécialisée, thèse précitée,
p. 377 : « La faiblesse de la procédure administrative non contentieuse, cause de la
prolifération des juridictions administratives spécialisées » ; ISAAC Guy, La procédure
administrative non contentieuse, thèse précitée, p. 32 : « Le caractère opportuniste de la
jurisprudence en la matière ne paraît faire doute (…) Le plus souvent le Conseil d’État fit d’une
commission une juridiction (…) parce qu’il voulait protéger les assujettis à cette commission
(…) ».
1061
CHAPUS René, Droit du contentieux administratif, 12 ème éd., Montchrestien, p. 99, n o 97.
1062
DELVOLVÉ Pierre, « Rapport de synthèse », Colloque du 15 octobre 2004 sur l’avenir des
tribunaux administratifs, J.C.P. A, 2005, p. 1302.
1063
GOHIN Olivier, « Qu’est-ce qu’une juridiction pour le juge français ? », Droits, Revue
française de théorie juridique, 1989, no 9, p. 103 et p. 104.
- 347 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
1064
DEGOFFE Michel, La juridiction administrative spécialisée, Bibliothèque de droit public,
t. 186, L.G.D.J., Paris, 1996, p. 539.
1065
CE, Sect., 2 février 1945, Moineau, Rec., p. 27.
1066
CE, Ass., 12 décembre 1953, de Bayo, Rec., p. 544 ; Voir dans le même sens : CE, Sect., 9 mars
1962, Doux, Rec., p. 160 ; CE, 31 mai 1963, Conseil national de l’Ordre des médecins
c/ Bourbouloux, Rec., p. 338.
1067
Dans les années 1980, la haute juridiction administrative privilégie la qualification de recours
administratif préalable obligatoire à propos de la procédure menée devant la Commission
supérieure de la carte d’identité des journalistes professionnels contre les décisions de refus de
renouvellement de la carte professionnelle : CE, 29 juin 1983, Forest, Rec., p. 279 ; CE, 26 avril
1985, Malle, Rec., p. 139.
1068
CONSEIL D’ÉTAT, Les juridictions administratives spéciales, Études et documents, 1973,
fasc., no 26, p. 197 : « ce n’est, en définitive, que dans des domaines limités et au cas très
exceptionnels (…) qu’il serait possible de substituer à l’administration, un organisme
juridictionnel (…) le législateur ne devrait aussi n’accueillir qu’avec circonspection la création
d’organismes juridictionnels destinés à se substituer au juge de droit commun (…) ».
1069
CONSEIL D’ÉTAT, Section du rapport et des études, L'avenir des juridictions spécialisées dans
le domaine social, E.D.C.E., 2004, p. 55 et p. 56.
- 348 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
1070
SAUVE Jean-Marc, « Éditorial », in Rapport public 2008, Conseil d’État, La Documentation
française, Paris, 2008, p. 9.
1071
Ordonnance n° 2014-691 du 26 juin 2014 portant suppression des compétences contentieuses et
disciplinaires du Conseil supérieur de l'éducation et des conseils académiques de l'éducation
nationale.
- 349 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
1072
CHAPUS René, « Qu’est-ce qu’une juridiction ? La réponse de la jurisprudence
administrative », Mélanges Eisenmann, Éd. Cujas, 1975, p. 292.
- 350 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
juridictions, avec l’Administration qui est capable de régler elle-même des dossiers
complexes en droit mais aussi en équité.
Il est vrai que depuis le milieu du XXe siècle, on observe un courant législatif
en faveur du redéploiement des pouvoirs de l’administration en matière contentieuse
et répressive, qui s’accompagne, parallèlement, de l’affirmation de certaines garanties
processuelles en faveur des administrés (A). Replacée dans ce contexte, la
jurisprudence administrative relative au droit au procès équitable et aux autorités
administratives apparaît comme une réponse à cette réminiscence, sous une forme
évidemment nouvelle, du système de l’administration-juge, laquelle n’est pas sans
relancer de nouveau certaines interrogations quant aux critères de la distinction entre
autorité administrative et autorité juridictionnelle (B).
1073
GAUDEMET Yves, « Préface » à la thèse de Georges DELLIS, Droit pénal et droit
administratif, L.G.D.J., Paris, 1997.
- 351 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
1074
SAUVE Jean-Marc, « Les sanctions administratives en droit public français. État des lieux,
problèmes et perspectives », précité, p. 16. Les auteurs qui se sont intéressés à ce phénomène
ont montré que la répression administrative est une activité que l’administration a exercée de
façon ininterrompue depuis l’Ancien Régime : MOURGEON Jacques, La répression
administrative, L.G.D.J., 1965, p. 182 et s. ; LEFONDRÉ Michel, Recherche sur les sanctions
administratives et leur nature juridique, Thèse, Caen, 1973, p. 13 et suivantes ; DELMAS-Marty
Mireille et TEITGEN-COLLY Catherine, Punir sans juger : de la répression administrative au
droit administratif pénal, Paris, Economica, 1992, p. 12 et suivantes ; GUINCHARD Audrey,
Les enjeux du pouvoir de répression en matière pénale : du modèle judiciaire à l'attraction d'un
système unitaire, Thèse, L.G.D.J., 2003, p. 41 à p. 54.
1075
Voir en ce sens : Partie 1, Chapitre 1, Section 1, I, B, 2.
1076
Voir en ce sens : Partie 2, Chapitre 1, Section 1.
1077
SAUVE Jean-Marc, « Les sanctions administratives en droit public français. État des lieux,
problèmes et perspectives », précité, p. 16.
1078
CONSEIL D’ÉTAT, Les pouvoirs de l’administration dans le domaine des sanctions, La
documentation française, 1995.
- 352 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
1079
Voir : Introduction générale, I, p. 19 à p. 23.
1080
Voir en ce sens : BRISSON Jean-François, Les recours administratifs en droit public français.
Contribution à l’étude du contentieux administratif non juridictionnel, Thèse, L.G.D.J., 1996,
p. 4, qui fait remarquer que le succès du recours juridictionnel, « en tant qu’il s’est
immédiatement présenté comme l’instrument le plus perfectionné de la protection des citoyens
contre l’administration », a largement détourné l’attention de la doctrine pour les modes non
juridictionnels de règlements des litiges considérés comme des formes de valeur juridique
inférieure.
1081
AUBY Jean-Marie, Note sur CE, 30 juin 1950, Quéralt, S., 1951, III, p. 85.
1082
AUBY Jean-Marie, Note sur CE, 30 juin 1950, Quéralt, précitée.
1083
Voir en ce sens, BRISSON Jean-François, Les recours administratifs en droit public français.
Contribution à l’étude du contentieux administratif non juridictionnel, thèse précitée, p. 120.
- 353 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
succédé, ces dernières années, un intérêt croissant pour ce mode non juridictionnel de
règlement des différends 1084. Les préoccupations liées à l’encombrement des
juridictions administratives 1085, au flux grandissant des litiges administratifs et le
refus de multiplier à l’infini les juridictions administratives spécialisées ont stimulé la
réflexion sur les moyens de «régler autrement les conflits » 1086 que par la voie
juridictionnelle. Les recours administratifs préalables obligatoires, au départ conçus
comme de simples moyens de prévention du contentieux 1087, sont désormais
1084
Ainsi qu’en témoigne la multiplication des recherches sur ce sujet : GUILLIEN Raymond,
« Essai sur une réforme générale du contentieux administratif », D., 1955, p. 97 ; AUBY Jean-
Marie, « Les recours administratifs », A.J.D.A., 1955, I, p. 117 à p. 124 ; CHABANOL Daniel,
« Barrages contre le contentieux », Droit fiscal, 1986, p. 993 ; COURTIN (M), « Les recours
précontentieux, une voie vers le désengorgement des Tribunaux administratifs », Gaz. Pal.,
1987, I, doctrine, p. 467 ; BRISSON Jean-François, « Régler autrement les litiges : les recours
gracieux et hiérarchiques, voie alternative de protection des administrés ? », R.D.P., 1996,
p. 793 ; AUBY Jean-Marie « Les recours administratifs préalables », A.J.D.A., 1997, p. 10 ;
PÉLISSIER Gérard, « Pour une revalorisation de la spécificité des recours administratifs »,
R.F.D.A., 1998, p. 317 ; PISSALOUX Jean-Luc, « Une expérience réussie : le recours
administratif préalable des militaires », A.J.D.A., 2005, p. 1042 ; GONOD Pascale, « Le
règlement non contentieux des litiges ; les recours administratifs », Cahiers de la fonction
publique, avril 2005, p. 4 ; SAUVE Jean-Marc, « Entretien », A.J.D.A., 2007, p. 556 ;
BONICHOT Jean-Claude, « Le recours administratif préalable obligatoire : dinosaure juridique
ou panacée administrative ? », Mélanges en l’honneur de Daniel Labetoulle, Dalloz, 2007,
p. 81 ; CONSEIL D’ÉTAT, Les recours administratifs préalables obligatoires, E.D.C.E., 2008 ;
JEANNARD Sébastien, Le recours administratif dans le système juridique français, L.G.D.J.,
2013 ; BRISSON Jean-François, Les recours administratifs en droit public français.
Contribution à l’étude du contentieux administratif non juridictionnel, thèse précitée ;
PREVEDOUROU Eugénie, Les recours administratifs obligatoires : étude comparée des droits
allemand et français, Thèse, L.G.D.J., 1996 ; OSPINA GARZON Andrés Fernando, L’activité
contentieuse de l’administration en droit français colombien, Thèse, Paris II, 2012.
1085
C’est la légitimité du juge et l’État de droit même qui est mis en question par l’encombrement
des juridictions. Voir en ce sens, GAUDEMET Yves, « Crise du juge et contentieux
administratif en Droit français », in La crise du juge, L.G.D.J., Paris 1996, p. 92 : « Parce que
son intervention, pour dénouer le procès, est trop souvent inefficace, le juge est privé de la
légitimité que confère seule la confiance des justiciables » ; Olivier GOHIN, Contentieux
administratif, 6 ème éd. Litec, Paris, 2009., p. 147 : « L’encombrement de la justice française –
notamment – n’est donc que la conséquence d’un dysfonctionnement de l’État de droit, en
France ».
1086
CONSEIL D’ÉTAT, Régler autrement les conflits : Conciliation, transaction, arbitrage en
matière administrative, E.D.C.E., 1993.
1087
L’idée de la prévention administrative des litiges apparaît dans une série d’études du Conseil
d’État : CONSEIL D’ÉTAT, Pour la prévention du contentieux administratif, E.D.C.E., 1981,
p. 299 ; CONSEIL D’ÉTAT, Pour la prévention du contentieux administratif, E.D.C.E., 1988,
p. 17 ; CONSEIL D’ÉTAT, Régler autrement les conflits : conciliation, transaction, arbitrage
en matière administrative, étude précitée. C’est également cette idée qui prévaut lors de
l’adoption de la loi n° 81-1127 du 31 décembre 1987 : « Pour éviter le développement des
recours contentieux alors que beaucoup de litiges pourraient se régler à l’avantage de tous par
des voies non contentieuses, il est prévu, à l’exemple de ce qui se fait en matière fiscale, de
mettre en place des procédures de recours administratif ou de conciliation (…) », « Projet de loi
- 354 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
portant réforme du contentieux – Exposé des motifs », p. 450 ; Voir également : CHABANOL
Daniel, « Barrages contre le contentieux », Droit fiscal, précité ; COURTIN (M), « Les recours
précontentieux, une voie vers le désengorgement des Tribunaux administratifs », précité,
p. 467 ; BRONDEL Séverine, « Le juge administratif face à une forte montée des recours »,
A.J.D.A. 2005, p. 572 ; BONICHOT Jean-Claude, « Le recours administratif préalable
obligatoire : dinosaure juridique ou panacée administrative ? », précité, p. 81.
1088
AUBY Jean-Marie, « Les recours administratifs préalables », précité, p. 10 ; STIRN Bernard et
FORMERY Simon, « La déjudiciarisation d’un certain nombre de contentieux est devenue une
nécessité », J.C.P., A., 2008, n o 2051 ; CONSEIL D’ÉTAT, Les recours administratifs
préalables obligatoires à la saisine du juge : un mode souple de règlement des conflits, 2008.
1089
CONSEIL D’ÉTAT, Les recours administratifs préalables obligatoires à la saisine du juge : un
mode souple de règlement des conflits, étude précitée.
1090
CE, Ass., 31 octobre 1975, Société Coq-France, Rec., p. 534 ; Droit Fiscal, 1975, p. 51,
conclusions LATOURNERIE Roger ; A.J.D.A., 1976, p. 314, note CASTAGNEDE Bernard.
1091
SAUVE Jean-Marc, « Entretien », A.J.D.A., 2007, p. 556. Aux termes des recherches réalisées
par M. Pierre-François RACINE, dans cette matière,« toutes juridictions (…) confondues, à
peine 20 000 affaires sont portées chaque année devant le juge, alors que, dans le même laps de
temps, l’administration fiscale reçoit plus de 4 millions de réclamations ». (in Libertés et droits
fondamentaux, sous la direction de CABRILLAC Rémy, FRISON-ROCHE Marie-Anne et
REVET Thierry, Dalloz, 2010).
1092
Loi n° 70-1318 du 31 décembre 1970 portant réforme hospitalière.
1093
Article D.250-5 Code de procédure pénale.
- 355 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
rendues contre les militaires ou encore dans le contentieux des visas 1094. Dans son
étude de 2008 consacrée aux recours administratifs préalables obligatoires 1095, le
Conseil d’État a manifesté une véritable reconsidération à l’égard de ce procédé. Il a
reconnu que par cette voie, le citoyen dispose d’un moyen simple, peu coûteux et
rapide d’obtenir la réformation d’une décision avec des chances raisonnables de
succès ou, à tout le moins, une meilleure explication de celle-ci. Il a d’ailleurs
proposé d’étendre ces recours dans des domaines qui représentent près du tiers du
contentieux en premier ressort devant les tribunaux administratifs. Il s’agit du droit
de la fonction publique, du droit des étrangers, des invalidations de permis de
conduire suite à la perte de tous leurs points par les conducteurs. Depuis lors, la loi
du 17 mai 2011 a simplement prévu une expérimentation pour une durée de trois ans
pour certains agents de la fonction publique.
1094
Décret du 10 novembre 2000 instituant une commission de recours contre les décisions de refus
de visa codifié à l’article D.211-5 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit
d’asile.
1095
CONSEIL D’ÉTAT, Les recours administratifs préalables obligatoires à la saisine du juge : un
mode souple de règlement des conflits, étude précitée.
- 356 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
administratives sont un danger pour la liberté des citoyens, et, si elles sont en fait
nécessaires dans l’intérêt de la sécurité publique, il n’en demeure pas moins
nécessaire de procurer aux administrés le maximum de garanties contre
l’arbitraire » 1096. Ajoutons qu’à défaut de garanties procédurales, l’exercice d’un
pouvoir de sanction par l’administration peut apparaître « non sans raison évocatrice
davantage d'un État de police que de droit » 1097.
1096
WALINE Marcel, Note sur CE, 4 mars 1960, Sieur Lévy, R.D.P., 1960, p. 1030.
1097
TEITGEN-COLLY Catherine, « Les instances de régulation et la Constitution », R.D.P., 1990,
p. 153, spécialement p. 191.
1098
Voir en ce sens : Introduction générale, II, p. 34 à 35.
- 357 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
1099
Les critères de distinction des autorités administratives et juridictionnelles ont donné lieu à
l'époque contemporaine à de nombreuses et importantes recherches. Si les auteurs qui se sont
intéressés à ce sujet n'aboutissent pas exactement au même résultat mais leurs vues sont assez
convergentes.
1100
CE, Ass., 12 décembre 1953, De Bayo, précité.
1101
WALINE Marcel, note sur CE, 27 mai 1955, EDF, R.D.P., 1955, p. 728.
- 358 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
1102
Il est vrai que cette règle ne s’applique pas à l’Autorité des marchés financiers qui bénéficie
d’une autonomie financière assurée grâce au prélèvement obligatoire opéré sur les opérateurs du
secteur.
- 359 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
il semble plus juste de considérer que ces autorités relèvent davantage du principe
d’autonomie que de celui d’indépendance au sens strict 1103.
1103
Voir en ce sens : QUILICHINI Paule, « Réguler n’est pas juger. Réflexions sur la nature du
pouvoir de sanction des autorités de régulation économique », A.J.D.A., 2004, p. 1060.
1104
WALINE Marcel, « Du critère des actes juridictionnels », R.D.P., 1933, p. 572.
- 360 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
BIBLIOGRAPHIE
- 361 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
GAUDEMET Yves, Traité de Droit Administratif, Tome 1, L.G.D.J., 16ème éd., 2001.
GOUBERT Pierre, L'Ancien Régime : les pouvoirs, Armand Colin, Paris, 1979.
- 362 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
JEZE Gaston, Les principes généraux du droit administratif, Tome I, Éd. M. Giard,
3ème éd., 1925.
- 363 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
SUDRE Frédéric, Droit européen et international des droits de l’homme, Coll. Droit
fondamental, P.U.F., 9ème éd., 2009.
VEDEL Georges et DELVOLVÉ Pierre, Droit administratif, Tome II, P.U.F., 1990.
VON JHERING Rudolf, L’esprit du droit romain dans les diverses phases de son
développement, Tome III, 3 ème éd., traduction par de MEULENAEREO O., 1877,
Paris, Éd. Maresc.
WALINE Marcel, Traité élémentaire de Droit administratif, Sirey, 3ème éd., 1950.
- 364 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
2. THÈSES ET MÉMOIRES
- 365 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
- 366 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
- 367 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
3. RAPPORTS PUBLICS
- 368 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
ARTUR Émile, « Séparation des pouvoirs et séparation des fonctions », R.D.P., 1900,
I, p. 233.
- 369 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
- 370 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
BRONDEL Séverine, « Le juge administratif face à une forte montée des recours »,
A.J.D.A., 2005, p. 572.
- 371 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
COURTIN M., « Les recours précontentieux, une voie vers le désengorgement des
Tribunaux administratifs », Gaz. Pal., 1987, I, doctrine, p. 467.
- 372 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
- 373 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
GANSHOF VAN DER MEERSCH Walter Jean, « Le caractère autonome des termes
et la marge d’appréciation des gouvernements dans l’interprétation de la
Convention », in Mélanges Wiarda, Carl Heymanns Verlag, 1988, p. 201.
- 374 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
- 375 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
HAÏM Victor, « Faut-il supprimer la Cour européenne des droits de l’homme ? », D.,
2001, chr., p. 2988.
- 376 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
- 377 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
MASSIAS Florence, « Le champ pénal européen selon la Cour européenne des droits
de l’homme : interprétation autonome et applicabilité des articles 6 et 7 de la
Convention européenne des droits de l’homme », in Mélanges en l’honneur du
professeur Reynald Ottenhof, Dalloz, 2006, p. 87.
- 378 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
européennes, Institut de droit européen des droits de l’homme, Avril 2002, SUDRE
Frédéric (dir.), p. 64.
PRETOT Xavier, « Les garanties du salarié face au licenciement ont-elles une base
constitutionnelle ? À propos de la décision du Conseil constitutionnel relative au
CPE », Droit social, 2006, no 5, p. 494.
- 379 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
QUILICHINI Paul, « Réguler n’est pas juger. Réflexions sur la nature du pouvoir de
sanction des autorités de régulation économique. », A.J.D.A., 2004, p. 1060.
SAROLÉA Sylvie, « Les droits procéduraux du demandeur d'asile au sens des articles
6 et 13 de la Convention européenne des droits de l'homme », R.T.D.H., 1999, no 37,
p. 129.
SAUVE Jean-Marc, « Les sanctions administratives en droit public français. État des
lieux, problèmes et perspectives », A.J.D.A., 20 octobre 2001, no spécial, p. 16.
- 380 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
- 381 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
SUDRE Frédéric, « Note : A propos d’un bric à brac jurisprudentiel : le respect des
garanties du procès équitable par les autorités administratives indépendantes exerçant
un pouvoir de sanction. », J.C.P., La semaine juridique, Edition générale, n o 10,
8 mars 2000, p. 424.
SUDRE Frédéric, « La protection des droits sociaux par la Cour européenne des
droits de l’homme : un exercice de « jurisprudence fiction » ? », R.T.D.H., 2003,
p. 755.
- 382 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
- 383 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
- 384 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
AGUILA Yann, concl. sur CE, 22 février 2008, no 291372, « Association Air pur
environnement d’Hermeville et ses environs », B.J.D.U., 2008, p. 105.
ARRIGHI DE CASANOVA Jacques, concl. sur CE, avis, 5 avril 1996, Houdmond,
Dr. fisc. 1996, no 25, comm. 765.
ARRIGHI DE CASANOVA Jacques, concl. sur CE, avis, 8 juillet 1998, no 195664,
Fattell, R.J.F., 8-9/98, no 970, p. 637.
CHARDEAU Jacques, concl. sur CE, 12 décembre 1953, de Bayo, R.F.D.A., 1954,
p. 3.
CHENOT Bernard, concl. sur CE, 5 mai 1944, Veuve Trompier-Gravier, R.D.P.,
1944, p. 256.
DA SILVA Isabelle, concl. sur CE, 31 janvier 2007, no 290567, Compagnie Corse Air
International S.A., R.F.D.A., 2007, p 757.
DAUMAS Vincent, concl. sur CE, 21 décembre 2012, no 362347, Société Canal Plus.
R.F.D.A., 2013, p. 70.
DE SALINS Catherine, concl. sur CE, 26 sept. 2008, no 306922, Assistance publique
hôpitaux de Paris, J.C.P. Adm., 2008, 2282.
DUMON Frédéric, concl., sur Cass., 21 janvier 1982, Journ. Trib., 1982, p. 438.
FRYDMAN Patrick, concl. sur CE, Ass., 17 février 1995, n o 107766, Hardouin,
R.F.D.A., 1995, p. 353.
- 385 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
GUYOMAR Mattias, concl. sur CE, Sect., 22 juin 2007, no 272650, Arfi, R.F.D.A.,
2007, p. 1199.
LABETOULLE Daniel, concl. sur CE, 27 octobre 1978, Debout, Rec., p. 395.
LAMY François, concl. sur CE sect., 20 octobre 2000, Société Habib Bank Limited,
J.C.P., éd. gén., 2000, II, no 10.459.
LATOURNERIE Roger, concl. sur CE, Ass., 31 octobre 1975, Société Coq-France,
Droit Fiscal, 1975, p. 51.
OLLEON Laurent, concl. sur CE, 27 février 2006, no 257964, Krempff, Droit fiscal,
2006, no 29, comm. 513.
OLLEON Laurent, concl. sur CE, 30 novembre 2007, no 292705, Société Sideme,
Droit fiscal, 2008, no 7, comm. 178.
PINIOT M.-A., concl. Cass. Com., 9/04/1996, Haddad c/ Agent judiciaire du Trésor,
R.J.D.A., 5/96, p. 438.
SANSON Marc, concl. sur CE Ass., 14 février 1996, Maubleu, R.F.D.A., 1996,
p. 1186.
SEBAN Alain, concl. sur CE, Sect., 3 décembre 1999, no 207434, Jean-Louis Didier,
R.F.D.A., 2000 p. 584.
SEBAN Alain, concl. sur CE, Sect., 22 novembre 2000, no 207697, Société Crédit
Agricole Indosuez Cheuvreux, C.J.E.G., 2001, p. 68.
SÉNERS François, concl. sur CE, 26 mai 2008, no 288583, Société Norelec, Droit
fiscal, 2008, no 28, comm. 411.
VALLEE Laurent, concl. sur CE, 24 mars 2006, no 257330, S.A. Martell & Co,
B.D.C.F., 6/06, no 71.
- 386 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
AUBY Jean-Marie, note sur CE, 30 juin 1950, Quéralt, S., 1951, III, p. 85.
AUSTRY Stéphane, chr. sur CE, avis, 5 avril 1996, Houdmond, R.J.F., 1996, n o 607,
p. 311.
AVRIL Pierre et GICQUEL Jean, chr. sur la décision no 82-155 D.C. du 30 décembre
1982 « Loi de finances rectificative pour 1982 », R.D.P., 1983, p. 333.
AZIBERT Michel et DE BOISDEFFRE Martine, chr. sur CE, Sect., 27 avril 1988,
n o 66650, Sophie, A.J.D.A., 1988, p. 446.
BIENVENU Jean-Jacques, note sur décision no 84-181 D.C. des 10-11 octobre 1984,
Loi sur les entreprises de presse, A.J.D.A., 1984, p. 684.
BIENVENU PERROT Annick, comm. sur CE, Ass., 3 décembre 1999, no 207434,
Jean-Louis Didier, Bulletin Joly Bourse et produits financiers, 2000, no 1, p. 29.
BOIZARD M., obs. sur CE, Ass., 3 décembre 1999, no 207434, Jean-Louis Didier,
D., 2000, p. 62.
BOLLE Stéphane, note sur CEDH, 28 octobre 1999, nos 24846/94 et 34165/96 à
34173/96, Zielinski et Pradal & Gonzales c/ France, R.F.D.A., 2000, p. 1254.
- 387 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
BON-GARCIN Isabelle, obs. sur Cass. Ass. Plén., 5 février 1999, no 97-16.441, COB
c/ Oury, D., 1999, Somm. 249.
BONNEAU Thierry, note sur CE, 4 février 2005, no 269001, Société GSD Gestion,
Droit des sociétés, 2005, comm. 197.
BONNEAU Thierry, obs. sur CEDH, 11 juin 2009, no 5242/04, Dubus c/ France,
Banque et Droit, no 126, 2009, p. 16.
BONNECHERE Michèle, obs. sur CEDH, 26 février 1993, Salesi c/ Italie, Droit
Ouvrier, 1995, p. 493.
BOULOUIS Nicolas, note sur CE, Ass., 20 octobre 1989, no 108243, Nicolo,
R.G.D.I.P., 1989, p. 91.
BRONDEL Séverine, obs. sur CEDH, 19 avril 2007, no 63235/00, Vilho Eskelinen et
autres c/ Finlande, A.J.D.A., 2007, p. 887.
BURGUBURU Julie, note sur CE, 30 novembre 2007, no 292705, Société Sideme,
R.J.F., 2/08, p. 83.
CADOU Éléonore, note sur Cass. Com., 5 octobre 1999, nos 97-15.617, S.N.C.
Campenon Bernard S.G.E, J.C.P., éd. gén., 2000, II, n o 10255.
CALVET Hugues, comm. CE, Ass., 20 octobre 1989, no 108243, Nicolo, J.C.P.,
1990, I, 3429.
CASTAGNEDE Bernard, note sur CE, Ass., 31 octobre 1975, Société Coq-France,
A.J.D.A., 1976, p. 314.
CÉRÉ Jean-Paul, obs. sur CEDH, 9 octobre 2003, nos 39665/98 et 40086/98, Ezeh et
Connors c/ Royaume-Uni, Actualité juridique pénale, 2004, p. 6.
CÉRÉ Jean-Paul, obs. sur CEDH, 12 mai 2005, no 46221/99, Öcalan c/ Turquie, D.,
2004, p. 1101.
CÉRÉ Jean-Paul, obs. sur CEDH, 30 octobre 2003, no 41576/98, Ganci c/ Italie, § 25,
D., 2004, p. 1102.
CHAMBON Pierre, note sur Cass. Crim., 4 mai 1994, Saïdi, J.C.P., 1994, II, 22349.
CHEVALLIER Jacques, note sur CE, Sect., 20 novembre 1970, Bouez et UNEF,
A.J.D.A., 1971, p. 483.
- 388 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
COHEN-JONATHAN Gérard, obs. sur CEDH, 8 juin 1976, nos 5100/71, 5101/71,
5102/71, 5354/72, 5370/72, Engel et autres c/ Pays-Bas, C.D.E., 1978, p. 368.
COHEN-JONATHAN Gérard, obs. sur CEDH, 23 juin 1981, nos 6878/75, 7238/75,
Le Compte, Van Leuven et De Meyere c/ Belgique, C.D.E., 1982, p. 201.
COHEN-JONATHAN Gérard, note sur CEDH, 28 juin 1984, nos 7819/77, 7878/77,
Campbell et Fell c/ Royaume-Uni, C.D.E., 1986, p. 213.
COHEN-JONATHAN Gérard., obs. sur CEDH, 26 juin 1986, nos 8543/79, 8674/79,
8675/79, 8685/79, Van Marle et autres c/ Pays Bas, C.D.E., 1988, p. 446.
- 389 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
COLLET Martin, note sur CE, Sect., 27 octobre 2006, nos 276069, 277198 et 277460,
Parent et autres, A.J.D.A., 2007, p. 80.
COSTA Delphine, note sur CE, 28 octobre 2002, no 222188, M. Laurent, A.J.D.A.,
p. 1492.
COSTEA Ioana, obs. sur CEDH, 23 novembre 2006, no 73053/01, Jussila c/ Finlande,
R.T.D.H., 2008, p. 239.
COURET Alain, note sur CEDH, 11 juin 2009, no 5242/04, Dubus c/ France, D.,
2009, p. 2247.
COUVRAT Pierre, note sur CE, Ass., 17 février 1995, no 107766, Hardouin, R.S.C.,
1995, p. 381.
CREDOT Francis Jean et GÉRARD Yves, obs. sur CE, 31 mars 2004, no 243579,
n o 247130, Société Etna Finance, Rev. Droit bancaire et financier, no 5,
septembre/octobre 2004, p. 319.
CREDOT Francis Jean et SAMIN Thierry, note sur CEDH, 11 juin 2009, no 5242/04,
Dubus c/ France, Revue de droit bancaire et financier, 2009, comm. 111.
- 390 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
DECAUX Emmanuel, note sur CEDH, 27 août 1991, no 13057/87, Demicoli c/ Malte,
J.D.I., 1992, p. 792.
DECOOPMAN Nicole, obs. sur CE, 4 février 2005, no 269001, Société GSD Gestion,
B.J.B., mai-juin 2005, p. 227.
DOMINO Xavier et BRETONNEAU Aurélie, chr. sur CE, 20 mai 2011, n o 326084,
Letona Biteri, A.J.D.A., 2011, p. 1364.
DREIFUSS Muriel, note sur CE, Avis, Sect., 31 mars 1995, n o 164008, Ministre du
Budget c/ SARL Auto-Industrie Méric, A.J.D.A., 20 octobre 1995, p. 739 et plus
précisément p. 743.
DUBRULLE Jean-Baptiste, note sur CE, Sect., 27 octobre 2006, n os 276069, 277198
et 277460, Parent et autres, L.P.A., 2007, no 133.
DUCOULOUX-FAVARD Claude, note sur CA, Paris, 2 juillet 1999, Debus, L.P.A.,
15 octobre 1999, p. 7.
DUCOULOUX-FAVARD Claude, note sur Cass. Com., 1er décembre 1998, no 96-
20.189, L.P.A., 15 janvier 1999, p. 5.
FAVOREU Louis, obs. sur décision no 80-119 DC du 22 juin 1980, R.D.P., 1980,
p. 1658.
FIORINA D., note sur CEDH, 22 septembre 1994, no 13616/88, Hentrich c/ France,
D., 1995, p. 465.
FITTE-DUVAL Alice, note sur CEDH, 19 avril 2007, no 6323500, Vilho Eskelinen et
autres c/ Finlande, A.J.F.P., 2007, p. 246.
- 391 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
FLAUSS Jean-François, obs. sur CEDH, 19 avril 1994, no 16034/90, Van de Hurk
c/ Pays-Bas, A.J.D.A., 1995, p. 124.
FLAUSS Jean-François, obs. sur CEDH, 24 août 1998, nos 24271/94 et 26106/95,
Couez et Benkessiouer c/ France, A.J.D.A., 20 décembre 1998, p. 987.
- 392 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
FLAUSS Jean-François, note sur CE Ass., 14 février 1996, Maubleu, A.J.D.A., 1996,
spéc., p. 378.
FLAUSS Jean-François, chr. sur CEDH, 9 octobre 2003, nos 39665/98 et 40086/98,
Ezeh et Connors c/ Royaume-Uni, A.J.D.A., 2004, p. 534.
FLAUSS Jean-François, note sur CEDH, 19 avril 2007, no 6323500, Vilho Eskelinen
et autres c/ Finlande, A.J.D.A., 2007, p. 60.
FOMBEUR Pascale et GUYOMAR Mattias, chr. sur CE, Sect., 28 juillet 1999,
no 88973, GIE Mumm-Perrier-Jouet, A.J.D.A., 1999, p. 783.
FRICERO Natalie, note sur CEDH, 29 juin 2011, no 34869/05, Sabeh El Leil
c/ France, Revue mensuelle du JurisClasseur, 2011, nos 8-9, p. 17.
GAIA Patrick, obs. sur la décision no 92-307 DC du 25 février 1992, R.F.D.C., 1992,
p. 311.
- 393 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
GANSHOF VAN DER MEERSCH Walter- Jean, note sur CEDH, 7 juillet 1989,
n o 14038/88, Soering c/ Royaume-Uni, R.T.D.H., 1990, p. 5.
GARAUD Éric, note sur Cass. Com., 1/12/1998, Oury c/ Agent judiciaire du Trésor,
J.C.P., éd. gén., 1999, p. 591.
GAUDEMET Yves, obs. sur décision no 86-224 DC du 23 janvier 1987, R.D.P., 1987,
p. 1341.
GAY Laurence, obs. sur décision no 99-416 DC 23 juillet 1999, R.F.D.C., 1999,
p. 809.
GENEVOIS Bruno, obs. sur décision no 89-260 D.C., 28 juillet 1989, R.F.D.A., 1989,
p. 671.
GÉRARD Laurence, note sur CEDH, 12 juillet 2001, no 44759/98, Ferrazzini c/ Italie,
Revue de droit fiscal, 2002, p.438.
GONZALES Gérard, note sur EDH, 27 août 2002, no 58188/00, Didier c/ France,
J.C.P., éd. gén., 2003, II, 10177.
GONZALES Gérard, note sur CEDH, 19 avril 2007, no 6323500, Vilho Eskelinen et
autres c/ Finlande, R.F.D.A., 2007, p. 1031.
GONZALES Gérard, note sur CEDH, 19 avril 2007, no 6323500, Vilho Eskelinen et
autres c/ Finlande, R.D.P., 2008, no 3, p. 951.
GONZALES Gérard, obs. sur CEDH, 23 septembre 2008, Araç c/ Turquie, R.D.P.,
2009, no 3, p. 905.
GONZALES Gérard, obs. sur CEDH, 29 février 2000, Association des amis de
St Raphaël et de Fréjus c/ France, R.D.P., 2010, no 3, p. 866.
GRUBER, note sur CE, Ass., 20 octobre 1989, no 108243, Nicolo, L.P.A.,
15 novembre 1989.
GUYOMAR Mattias et COLLIN Pierre, chr. sur CE sect., 20 octobre 2000, Société
Habib Bank Limited, A.J.D.A., 2000, p. 1001.
- 394 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
GUYOMAR Mattias et COLLIN Pierre, obs. sur CE, Ass., 3 décembre 1999,
no 207434, Jean-Louis Didier, A.J.D.A., 20 février 2000, p. 126.
HAMON Léo, obs. sur décision no 80-119 DC du 22 juin 1980, D., 1981, IR, p. 356.
HERZOG-EVANS Martine, obs. sur CE, 20 mai 2011, n o 326084, Letona Biteri, A.J.
pénal, 2012, p. 177.
HONORAT Edmond et BAPTISTE Éric, chr. sur CE, Ass., 20 octobre 1989,
n o 108243, Nicolo, A.J.D.A, 1989, p. 756.
HUBAC Sylvie et SCHOETTL Jean-Éric, chr. sur CE, Ass., 11 juillet 1984, Subrini,
A.J.D.A., 1984, p. 539.
HUGON Christine. obs. sur CEDH, 19 février 1998, n o 20124/92, Higgins c/ France,
R.D.P., 1999, no 3, p. 855.
ISAAC Guy, note sur CE, Ass., 20 octobre 1989, n o 108243, Nicolo, R.T.D.Eur.,
1989, p. 787.
JEAN P., note sur CEDH, 21 octobre 1997, no 24194/94, Pierre-Bloch c/ France,
R.F.D.A., 1998, p. 999.
LABAYLE Henri, note sur CEDH, 7 juillet 1989, no 14038/88, Soering c/ Royaume-
Uni, J.C.P., 1990, p. 3452.
- 395 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
LABAYLE Henri et SUDRE Frédéric, obs. sur CEDH, 26 mars 1992, no 11760/85,
Éditions Périscope c/ France, R.F.D.A., septembre-octobre 1993, p. 977.
LABAYLE Henri et SUDRE Frédéric, chr. sur CE, Avis, Sect., 31 mars 1995,
n o 164008, SARL Auto-Industrie Méric, R.F.D.A., 1995, p. 1172.
LABAYLE Henri et SUDRE Frédéric, obs. sur CEDH, 17 mars 1997, no 18725/91,
Neigel c/ France, R.F.D.A., 1998, p. 1196.
LAMBERT Pierre, obs. sur CEDH, 19 avril 1994, no 16034/90, Van de Hurk c/ Pays-
Bas, J.T.D.E., 1995, p. 60.
LASCOMBE Michel et VION Daniel note sur CE Ass., 14 février 1996, Maubleu,
J.C.P., 1996, éd. gén., II, 22669.
LEBRETON Gilles, comm. CE, Ass., 20 octobre 1989, no 108243, Nicolo, L.P.A.
11 décembre 1989.
LECUCQ Olivier, obs. sur décision no 97-389 DC du 22 avril 1997, Loi portant
diverses dispositions relatives à l’immigration, R.F.D.C., 1997, p. 571.
LOMBARD Martine, note sur CE, Sect., 30 juillet 2003, no 238169, Banque
d’Escompte et Wormser Frères réunis, D.A., 2003, no 12, p. 18, comm. no 233.
LOUVARIS Antoine, note sur CE sect., 20 octobre 2000, Société Habib Bank
Limited, J.C.P., éd. gén., 2001, I, 104459.
- 396 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
MASSIAS Florence, note sur CEDH, 22 février 1996, n o 18892/91, Putz c/ Autriche,
R.T.D.H., 1997, p. 493.
MASSIAS Florence, obs. sur CEDH, 9 octobre 2003, nos 39665/98 et 40086/98, Ezeh
et Connors c/ Royaume-Uni, R.S.C., 2004, p. 173.
MATHIEU Bertrand, note sur CEDH, 28 octobre 1999, nos 24846/94 et 34165/96 à
34173/96, Zielinski et Pradal & Gonzales c/ France, R.F.D.A., 2000, p. 289.
MATSOPOULO Haratini, note sur Cass. Ass. Plén., 5 février 1999, n o 97-16.441,
COB c/ Oury, J.C.P., 1999, II, 10060.
MAYAUD Yves, note sur la décision no 99-411 DC du 16 juin 1999, D., 1999,
p. 589.
- 397 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
MELLERAY François, note sur CE, 27 mai 2009, no 310493, Hontang, D.A., 2009,
n° 104.
MOUTOUH Hugues, note sur CEDH, 3 février 2003, no 49636/99, Chevrol c/ France,
D., 2003, J., p. 931.
NIBOYET Marie-Laure, obs. sur Cass. Com. 5 octobre 1999, no 97-15.617, S.N.C.
Campenon Bernard S.G.E, D., 1999, p. 44.
PAILLER Pauline, note sur CEDH, 11 juin 2009, no 5242/04, Dubus c/ France,
J.C.P., éd. gén., 2009, 2081.
PEISER Gustave, note sur CE, Sect., 24 janvier 1980, Gadiaga, D., 1980, p. 270.
PELLOUX Robert, obs. sur CEDH, 21 février 1975, no 4451/70, Golder c/ Royaume-
Uni, A.F.D.I., 1975, p. 330, et plus précisément p. 333.
PELLOUX Robert, obs. sur CEDH, 8 juin 1976, nos 5100/71, 5101/71, 5102/71,
5354/72, 5370/72, Engel et autres c/ Pays-Bas, A.F.D.I., 1977, p. 480.
PELLOUX Robert, obs. sur CEDH, 28 juin 1978, no 6232/73, König c/ Allemagne,
A.F.D.I., 1979, p. 348.
PELLOUX Robert, obs. sur CEDH, 13 juin 1979, Marckx c/ Belgique, A.F.D.I.,
1980, p. 317.
PELLOUX Robert, obs. sur CEDH, 9 octobre 1979, n o 6289/73, Airey c/ Irlande,
A.F.D.I., 1980, p. 323.
PELLOUX Robert, obs. sur CEDH, 27 février 1980, no 6903/75, Deweer c/ Belgique,
A.F.D.I., 1981, p. 286.
- 398 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
PHILIP Loïc, obs. sur décision n o 84-184 DC du 29 décembre 1984, R.D.P., 1985,
p. 651.
PHILIP Loïc, obs. sur décision n o 90-285 DC du 28 décembre 1990, R.F.D.C., 1991,
p. 136.
PHILIP Loïc, obs. sur décision n o 99-424 DC du 29 décembre 1999, R.F.D.C., 2000,
p. 132.
PICARD Etienne, obs. sur décision no 95-360 DC du 2 février 1995, J.C.P., 1995,
I, 3840.
PIERRE Jean-Luc, note sur CEDH, 12 juillet 2001, no 44759/98, Ferrazzini c/ Italie,
Procédures, 2002, com. no 40.
PIERRE Jean-Luc, note sur CE, Sect., 10 mai 2004, no 241587, Crédit du Nord, D.F.,
no 28, 10 juillet 2008, comm. 411.
PONCELA Pierrette, chr. sur CE, 20 mai 2011, n o 326084, Letona Biteri R.S.C.,
2012, p. 208.
POUTIERS Mikaël, note sur CEDH, 10 juin 1996, no 19380/92, Benham c/ Royaume-
Uni, J.D.I., 1997, p. 220.
PRETOT Xavier, note sur CE, 28 octobre 2002, no 222188, M. Laurent, R.D.P., 2002,
p. 1607.
RAMBAUD Thierry, note sur CEDH, 3 février 2003, no 49636/99, Chevrol c/ France,
A.J.D.A., 2003, p. 1984.
RENOUX Thierry, obs. sur décision no 95-360 DC du 2 février 1995, R.F.D.C., 1995,
p. 405.
RENUCCI Jean-François, note sur Cass. Crim., 4 mai 1994, Saïdi, D., 1995, J., p. 80.
- 399 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
ROBINEAU S., note sur CA, Paris, 2 juillet 1999, Debus, J.C.P., éd. gén, 2000, J.,
p. 85.
ROBINEAU Yves et FEFFER Marc-André, chr. sur CE, Sect., 24 janvier 1980,
Gadiaga, A.J.D.A., 1980, p. 283.
ROLLAND Patrice et TAVERNIER Paul, note sur CEDH, 28 juin 1984, nos 7819/77,
7878/77, Campbell et Fell c/ Royaume-Uni, J.D.I., 1986, p. 1058.
ROLLAND Patrice et TAVERNIER Paul, obs. sur CEDH, 26 juin 1986, n os 8543/79,
8674/79, 8675/79, 8685/79, Van Marle et autres c/ Pays Bas, J.D.I., 1987, p. 785.
ROLLAND Patrice et TAVERNIER Paul, obs. sur CEDH, 25 août 1987, no 9912/82,
Lütz c/ Allemagne, J.D.I., 1988, p. 874.
ROLLAND Patrice, obs. sur CEDH, 28 juin 1978, no 6232/73, König c/ Allemagne,
Journal de droit international, 1980, p. 460.
ROLLAND Patrice, obs. sur CEDH, 23 juin 1981, nos 6878/75, 7238/75, J.D.I., 1982,
p. 216.
ROLLAND Patrice, obs. sur CEDH, 13 juin 1979, Marckx c/ Belgique, J.D.I., 1982,
p. 183.
ROLLAND Patrice, obs. sur CEDH, 27 février 1980, no 6903/75, Deweer c/ Belgique,
J.D.I., 1982, p. 197.
ROLLIN François, note sur CEDH, 19 avril 2007, no 6323500, Vilho Eskelinen et
autres c/ Finlande, A.J.D.A., 2007, p. 60, p. 1360.
RONTCHEVSKY Nicolas, note sur CA, Paris, 2 juillet 1999, Debus, Bull. Joly
bourse, 1999, p. 494.
RONTCHEVSKY Nicolas, obs. sur CE, 4 février 2005, n o 269001, Société GSD
Gestion, R.T.D. Com., 2005, p. 384.
- 400 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
ROYER E., obs. sur CE, 11 janvier 2008, no 292493, M. Lesage et M. et Mme De
Bouard, A.J.D.A., 2008, p. 69.
SALOMON Jean, note sur CE, Sect., 22 novembre 2000, no 207697, Société Crédit
Agricole Indosuez Cheuvreux, J.C.P., 2000, 10531.
SCHWARTZ René et MAUGÜE Christine, chr. sur CE Ass., 1er mars 1991,
no 112820, Lecun, A.J.D.A., 1991, p. 401.
SÉNERS François, concl. sur CE, 28 décembre 2001, no 225189, Commune de Saint-
Jory, B.J.C.L., 2002, p. 28.
SERMET Laurent, note sur CE, Ass., 3 décembre 1999, n o 207434, Jean-Louis
Didier, R.F.D.A., 2000, p. 1061.
SERMET Laurent, note sur CEDH, 23 octobre 1997, nos 21319/93, 21449/93,
21675/93, Building Societies c/ Royaume-Uni, R.F.D.A., 1998, p. 990.
SIMON Denys, note sur CE, Ass., 20 octobre 1989, n o 108243, Nicolo, A.J.D.A,
1989, p. 788.
SOREL Jean-Marc, note sur la décision no 86-224 DC du 23 janvier 1987, Rev. adm.,
1988, p. 29.
STORRER Pierre, obs. sur Cass. Com., 5 octobre 1999, nos 97-15.617 et autres,
Revue Lamy droit des affaires, 1999, no 21, no 1318.
SUBRA DE BIEUSSES Pierre, note sur CE sect., 20 octobre 2000, Société Habib
Bank Limited, A.J.D.A., 2000, p. 1071.
SUDRE Frédéric, note sur CEDH, 7 juillet 1989, no 14038/88, Soering c/ Royaume-
Uni, R.G.D.I.P., 1990, p. 103.
- 401 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
SUDRE Frédéric, obs. sur CEDH, 26 mars 1992, no 11760/85, Éditions Périscope
c/ France, J.C.P., 1993, I, 3654.
SUDRE Frédéric, obs. sur CEDH, 9 décembre 1994, no 13427/87, Stran Greek
Refineries et Stratis Andreadis c/ Grèce, J.C.P., éd. gén., 1995, I, p. 3823.
SUDRE Frédéric, note sur Cass. Com., 29 avril 1997, Ferreira c/ DGI, J.C.P., éd.
gén., 1997, no 43, p. 469.
SUDRE Frédéric, obs. sur CEDH, 17 mars 1997, no 18725/91, Neigel c/ France,
J.C.P., 1998, I, p. 107, no 16.
SUDRE Frédéric, obs. sur CEDH, 26 août 1997, no 22839/93, De Haan c/ Pays-Bas,
J.C.P. 1998, I, no 107, no 26.
SUDRE Frédéric, obs. sur CEDH, 19 février 1998, no 20124/92, Higgins c/ France,
J.C.P., 1999, I, p. 105.
SUDRE Frédéric, note sur CEDH, 23 septembre 1998, no 27812/95, Malige c/ France,
J.C.P., 1999, II, 10086.
SUDRE Frédéric, obs. sur CEDH, 24 août 1998, n° 26106/95, Benkessiouer c/France,
J.C.P., 1999, I, p. 105, no 23.
SUDRE Frédéric, note sur CE, 22 novembre 2000, no 207697, Société Crédit
Agricole Indosuez Cheuvreux, J.C.P., éd. gén., II, 10267, 2000, p. 509.
SUDRE Frédéric, note sur CEDH, 8 décembre 1999, no 28541/95, Pellegrin c/ France,
J.C.P., 2000, I, no 203.
- 402 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
SUDRE Frédéric, note sur CE, Ass., 3 décembre 1999, no 207434, Jean-Louis Didier,
J.C.P., éd. gén., 2000, II, 10267.
SUDRE Frédéric, obs. sur CEDH, 28 octobre 1999, Escoubet c/ Belgique, J.C.P.,
2000, I, p. 203.
SUDRE Frédéric, obs. sur CEDH, 3 mai 2001, no 31827/96, J.B. c/ Suisse J.C.P.,
2001, I, n o 13, p. 342.
SUDRE Frédéric, chr. sur CEDH, 3 mai 2001, J.-B. c/ Suisse, J.C.P., 2001, éd. gén, I,
p. 342.
SUDRE Frédéric, note sur CEDH, 12 juillet 2001, no 44759/98, Ferrazzini c/ Italie,
J.C.P., 2002, I, 105, no 6.
SUDRE Frédéric, obs. sur CEDH, 28 mai 2002, no 46295/99, Stafford c/ Royaume-
Uni, J.C.P., éd. gén., 2002, I, 157, no 7.
SUDRE Frédéric, obs. sur CEDH, 27 août 2002, no 58188/00, Didier c/ France,
J.C.P., éd. gén., 2003, I, 109.
SUDRE Frédéric, chr. sur CEDH, 3 juin 2003, no 33343/96, Pantea c/ Roumanie,
J.C.P., éd. gén, 2003. I, 160, n° 3.
SUDRE Frédéric, obs. sur CEDH, 23 juillet 2002, no 34619/97, Janosevic c/ Suède,
J.C.P., 2003, I, 109, no 13.
SUDRE Frédéric, obs. sur CEDH, 12 mai 2005, no 46221/99, Öcalan c/ Turquie,
J.C.P., éd. gén., 2003, I, 160, no 1.
SUDRE Frédéric, obs. sur CEDH, 6 mars 2003, nos 39343/98, 39651/98, 43147/98 et
46664/99, Kleyn et autres c/ Pays-Bas, J.C.P., éd. gén., 2003, I, 160, no 7.
SUDRE Frédéric, obs. sur CEDH, 9 octobre 2003, nos 39665/98 et 40086/98, Ezeh et
Connors c/ Royaume-Uni, J.C.P., 2004, I, p. 107.
SUDRE Frédéric, obs. sur CEDH, 19 octobre 2005, no 32555/96, Roche c/ Royaume-
Uni, J.C.P., 2006, éd. G, I, 109, n° 4, p. 187.
SUDRE Frédéric, note sur CEDH, 19 avril 2007, no 6323500, Vilho Eskelinen et
autres c/ Finlande, J.C.P., 2007, I, p. 182, no 3.
- 403 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
SUDRE Frédéric, obs. sur CEDH, 24 février 2009, no 49230/07, L'Érablière A.S.B.L.
c/ Belgique, J.C.P., 2009-143, p. 37, no 6.
TAVERNIER Paul, note sur CEDH, 29 mai 1986, no 8562/79, Feldbrugge c/ Pays-
Bas, J.D.I., 1987, p. 779.
TAVERNIER Paul, chr. Sur CEDH, 22 juin 2000, Coëme et autres c/ Belgique,
J.D.I., 2001, p. 184 à p. 186.
TAVERNIER Paul, note sur CEDH, 12 juillet 2001, no 44759/98, Ferrazzini c/ Italie,
J.D.I., 2002, p. 261.
TROUILLY P., note sur CE, 11 janvier 2008, no 292493, M. Lesage et M. et Mme De
Bouard, Environnement, no 3, 2008, p. 41.
TULKENS Françoise, note sur CEDH, 6 juin 2000, no 28135/95, Magee c/ Royaume-
Uni, § 46, R.S.C., 2001, p. 881.
VALLEE Charles, obs. sur CEDH, 16 juillet 1971, no 2614/65, Ringeisen c/ Autriche,
R.G.D.I.P., 1974, p. 864.
VAN CAMPERNOLLE Jacques, obs. sur CEDH, 19 avril 2007, no 63235/00, Vilho
Eskelinen et autres c/ Finlande, R.T.D.H., 2008, p. 1125.
VERGES Etienne, note sur CEDH, 9 octobre 2003, nos 39665/98 et 40086/98, Ezeh et
Connors c/ Royaume-Uni, Dr. pén., juin 2004, p. 6.
VONSY Moea, obs. sur CEDH, 14 décembre 2006, no 1398/03, Markovic et autres
c/ Italie, R.F.D.A., 2008, p. 728.
WALINE Marcel, note sur CE, 7 février 1947, d’Aillières, R.D.P., 1947, p. 68.
WALINE Marcel, note sur CE, 27 mai 1955, EDF, R.D.P., 1955, p. 728.
- 404 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
WALINE Marcel, note sur CE, 4 mars 1960, Sieur Lévy, R.D.P., 1960, p. 1030.
WALINE Marcel, note sur CE, Ass., 12 juillet 1969, no 72480, L’Étang, R.D.P.,
1970, p. 387.
WECKEL Philippe, obs. sur CEDH, 12 mai 2005, no 46221/99, Öcalan c/ Turquie,
R.G.D.I.P., 2003, p. 472.
WINIDOERFFER Y., obs. sur CEDH, 22 mai 2003, no 41666/98, Kyrtatos c/ Grèce,
§ 30 à § 32, R.J.E., 2004, p. 176.
YERNAULT Dimitri, obs. sur CEDH, 17 mars 1997, no 18725/91, Neigel c/ France,
R.T.D.H., 1998, p. 303.
ZENATI Frédéric, obs. sur CEDH, 9 décembre 1994, no 13427/87, Stran Greek
Refineries et Stratis Andreadis c/ Grèce, R.T.D. civ., 1995, p. 652.
- 405 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
- 406 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
- 407 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
- 408 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
- 409 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
CEDH, 21 octobre 1997, no 24194/94, Pierre-Bloch c/ France, 76, 103, 104, 107, 126.
CEDH, 22 octobre 1997, nos 97/1996/716/913, Papageorgiou c/ Grèce, 55.
CEDH, 23 octobre 1997, nos 21319/93, 21449/93, 21675/93, Building Societies
c/ Royaume-Uni, 55.
CEDH, 19 décembre 1997, no 20772/92, Helle c/ Finlande, 222, 254, 299.
CEDH, 24 avril 1998, no 28054/95, Mavronichis c/ Chypre, 118.
CEDH, 9 juin 1998, no 25549/94, Cazenave de La Roche c/ France, 88, 118.
CEDH, 29 juillet 1998, no 25554/94, Le Calvez c/ France, 88, 119, 120.
CEDH, 24 août 1998, n° 26106/95, Benkessiouer c/ France, 88, 118, 120.
CEDH, 24 août 1998, n° 24271/94, Couez c/ France, 88, 118, 120.
CEDH, 23 septembre 1998, no 27812/95, Malige c/ France, 97.
CEDH, 28 octobre 1998, no 22924/93, Aït-Mouhoub c/ France, 46, 69.
CEDH, 28 octobre 1999, nos 24846/94 et 34165/96 à 34173/96, Zielinski et Pradal &
Gonzales c/ France, 55, 56.
CEDH, 28 octobre 1999, no 40772/98, Paneenko c/ Lettonie, 77, 78.
CEDH, 28 octobre 1999, no 26780/95, Escoubet c/ Belgique, 82, 97.
CEDH, 8 décembre 1999, no 28541/95, Pellegrin c/ France, 77, 88, 103, 120.
CEDH, 11 janvier 2000, no 41544/98, Le Meignen c/ France, 114.
CEDH, 18 janvier 2000, no 39288/98, Association Ekin c/ France, 77, 111.
CEDH, 29 février 2000, no 45053/98, Association des amis de St Raphaël et de Fréjus
c/ France, 74.
CEDH, 6 juin 2000, no 28135/95, Magee c/ Royaume-Uni, 247, 251, 252.
CEDH, 22 juin 2000, nos 32492/96, 32547/96, 32548/96, 33209/96, 33210/96, Coëme
et autres c/ Belgique, 211.
CEDH, 11 juillet 2000, no 20869/92, Dikme c/ Turquie, 251, 254.
CEDH, 5 octobre 2000, no 39652/98, Maaouia c/ France, 103, 104, 107.
CEDH, 7 novembre 2000, no 35605/97, Kingsley c/ Royaume-Uni, 232, 236, 301.
CEDH, 14 novembre 2000, no 35115/97, Riepan c/ Autriche, 219, 256.
CEDH, 18 janvier 2001, no 27238/95, Chapman c/ Royaume-Uni, 233.
CEDH, 3 mai 2001, no 31827/96, J.B. c/ Suisse, 27, 195, 222.
CEDH, 10 mai 2001, no 29392/95, Z. et autres c/ Royaume-Uni, 70.
CEDH, 12 juillet 2001, no 44759/98, Ferrazzini c/ Italie, 76, 102, 104, 105, 107, 108,
111, 126.
CEDH, 12 juillet 2001, no 33071/96, Malhous c/ République Tchèque, 322.
CEDH, 4 octobre 2001, no 33776/96, Potocka et autres c/ Pologne, 232, 233.
CEDH, 16 octobre 2001, no 39846/98, Brennan c/ Royaume-Uni, 251, 254.
- 410 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
- 411 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
- 412 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
3. CONSEIL CONSTITUTIONNEL
Décision no 76-70 DC du 2 décembre 1976, 34, 317.
Décision no 77-83 DC du 20 juillet 1977, 317.
Décision no 80-127 DC du 20 janvier 1981, 34, 317.
Décision no 82-155 DC du 30 décembre 1982, 168, 169.
Décision no 84-184 DC du 29 décembre 1984, 317.
Décision no 85-182 DC du 18 janvier 1985, 317.
Décision no 86-224 DC du 23 janvier 1987, 35, 317, 318, 342.
Décision no 88-248 DC du 17 janvier 1989, 317, 318.
Décision no 89-268 DC du 29 décembre 1989, 169, 317.
Décision no 90-285 DC du 28 décembre 1990, 169, 317.
Décision no 92-307 DC du 25 février 1992, 35, 317, 318.
Décision no 93-325 DC du 13 août 1993, 35.
Décision no 95-360 DC du 2 février 1995, 317, 319.
Décision no 97-389 DC du 22 avril 1997, 35, 317.
Décision no 99-411 DC du 16 juin 1999, 35.
Décision no 99-416 DC 23 juillet 1999, 317.
Décision no 99-424 DC du 29 décembre 1999, 318, 319.
Décision no 2000-433 DC du 27 juillet 2000, 34, 317.
Décision no 2002-461 DC du 29 août 2002, 319.
Décision no 2006-535 DC du 30 mars 2006, 317, 318.
Décision no 2010-612 DC du 5 août 2010, 319.
Décision no 2010-32 QPC du 22 septembre 2010, 317.
Décision no 2010-38 QPC du 29 septembre 2010, 35, 317.
Décision no 2010-69 QPC du 26 novembre 2010, 35, 317.
Décision no 2011-631 DC du 9 juin 2011, 318.
Décision no 2012-280 QPC du 12 octobre 2012, 320.
- 413 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
4. CONSEIL D’ÉTAT
CE, 20 décembre 1872, Ville de Reims, 34, 309.
CE, 20 juin 1913, Téry, 339.
CE, 10 février 1922, Aldeguer et Branlière, 309.
CE, 17 juin 1927, Vaulot, 34, 309.
CE, 4 mai 1928, Dobler, 309.
CE, 12 juillet 1929, Leroux, 37.
CE, Sect., 17 juin 1930, Rebeyrolles, 34, 306.
CE, 30 janvier 1931, Vaulot, 309.
CE, 24 juillet 1934, Ducos, 339.
CE, 24 mai 1935, Lamoudi Lamine, 309.
CE, 1er mars 1940, Société des secteurs électriques de Provence, 309.
CE, Sect., 5 mai 1944, no 69751, Dame Veuve Trompier-Gravier, 340.
CE, Sect., 2 février 1945, Moineau, 348.
CE, Ass., 26 octobre 1945, Aramu, 340.
CE, 22 mai 1946, Maillou, 340.
CE, 11 décembre 1946, Dames Hubert et Crépelle, 306.
CE, 7 février 1947, d’Aillières, 339.
CE, 3 décembre 1947, Canderatz, 306.
CE, 4 mars 1949, Trèbes, 309.
CE, Sect., 29 avril 1949, Bourdeaux, 310.
CE, 3 mai 1950, Caudriller, 307.
CE, Sect., 20 février 1953, Dame Cozic- Savoure, 308.
CE, Ass., 12 décembre 1953, de Bayo, 339, 348, 358.
CE, Ass., 16 décembre 1955, Dame Bourokba, 306.
CE, Sect., 20 janvier 1956, Nègre, 315.
CE, 23 novembre 1956, Fock-Piou, 306.
CE, 15 juillet 1957, Société mutuelle immobilière et Roqueplo, 307.
CE, Sect. 25 avril 1958, Société « Laboratoires Geigy », 306.
CE, Sect., 20 juin 1958, Louis, 34, 309.
CE, 19 novembre 1958, Obadia, 307.
CE, 8 janvier 1959, Commissaire du Gouvernement près le Conseil supérieur de
l’ordre des experts comptables, 339.
CE., Sect., 12 juin 1959, Ministre de la Santé publique c/ Prat Flottes, 307.
- 414 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
- 415 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
- 416 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
- 417 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
- 418 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
- 419 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
CE, 21 décembre 2012, no 353856, Société Groupe Canal Plus c/ Sté Vivendi
Universal, 181, 182, 260, 265.
CE, 28 décembre 2012, no 356355, SAS Jaly, 186.
CE, 23 octobre 2013, no 353603, Société Distribution Casino France, 186.
CE, 29 octobre 2013, no 356108, SAS EIM France, 323, 325.
CE, 26 février 2014, no 356006, Association des viticulteurs d'Alsace, 186, 179.
5. COUR DE CASSATION
Cass. Civ. 1ère, 10 janvier 1984, no 82-16968, Me Renneman, 163.
Cass. Civ. 1ère, 22 janvier 1985, no 84-10160, M. W., 163.
Cass. Civ. 1ère, 10 mars 1987, no 84-17458, M. Haoro, 163.
Cass. Civ. 1ère, 12 juillet 1989, n° 88-12067, M. X, 163.
Cass. Crim., 28 janvier 1991, no 90-81526, Lavignes, 132, 134.
Cass. Crim., 3 février 1993, no 92-83443, Kemmache, 155.
Cass. Crim., 4 mai 1994, no 93-84547, Saïdi, 155.
Cass. Com., 9 avril 1996, no 94-11323, Haddad c/ Agent judiciaire du Trésor, 130,
258, 322.
Cass. Com., 18 juin 1996, no 94-14178, M. Conso c/ COB: 131, 266, 269.
Cass. Civ. 1 ère, 13 novembre 1996, no 94-15252, 282.
Cass. Com., 29 avril 1997, no 95-20001, Ferreira c/ DGI: 224, 225, 227.
Cass. Com., 1er décembre 1998, no 96-20189, M. Oury c/ Agent judiciaire du Trésor,
131, 134, 266, 269.
Cass. Ass. Plén., 5 février 1999, no 97-16441, COB c/ Oury et agent judiciaire, 131,
135, 264, 266, 280, 288, 335.
Cass. Com., 5 octobre 1999, nos 97-15617, 97-5626, 97-15632, 97-15673, 97-15760,
97-15777 97-15805, 97-15826, 97-15836, 97-15852, 97-15871, 97-
15932, 97-16004, 97-16330, S.N.C. Campenon Bernard S.G.E et autres,
136, 258, 265, 290, 322, 324.
Cass. Civ. 1ère, 23 mai 2000, no 97-19169, M. P., 280.
Cass. Com., 9 octobre 2001, no 98-22015, 283.
Cass. Com., 28 janvier 2003, no 01-0028, 322, 324.
Cass. Com, 13 juillet 2004, nos 03-11430, 03-11431, 03-11433, 03-11492, 03-11512,
03-11513, 03-11516, 03-11517, 03-11618, 03-11280, 281, 303.
Cass. Com., 28 juin 2005, no 04-1391, 322, 324.
Cass. Com., 6 février 2007, no 05-20811, Société Générix, 265, 270.
- 420 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
- 421 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
- 422 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
282, 283, 289, 291, 293, 300, 308, 313, 314, 315, 318, 320, 322, 343, 344, 351, 357,
434, 440.
Autorité administrative indépendante, 96, 171, 176, 180, 214, 255, 264, 271, 273,
282, 283, 289, 291, 300, 315, 320.
Autorité de la chose interprétée, 43, 154, 155, 170, 293.
Autorité de la chose jugée, 43, 213.
Autorité des marchés financiers, 345.
Autorité juridictionnelle, 32, 37, 212, 343, 351.
Avocat, 130, 131, 136, 221, 245, 246, 247, 252, 253, 289, 323, 324, 326, 343, 379
Commissaire du gouvernement, 26, 146, 159, 162, 167, 172, 181, 190, 192, 193, 195,
281, 284, 292, 309.
Commission bancaire, 271.
Commission des opérations de bourse, 135.
Commission européenne des droits de l’homme, 167.
Conditions d’applicabilité, 11, 42, 47, 51, 132, 135, 137, 138, 144, 145, 148, 150,
151, 152, 155, 156, 158, 159, 160, 161, 174, 175, 183, 188, 189, 192, 194, 196, 197,
201, 263, 288, 327, 432, 434.
Conseil de la concurrence, 319.
Conseil des marchés financiers, 142.
Constitution, 69, 337.
Contentieux administratif, 19, 21, 22, 23, 30, 31, 33, 37, 43, 44, 86, 100, 105, 139,
144, 153, 164, 198, 214, 215, 217, 224, 225, 321, 347, 353, 354.
Contentieux constitutionnel, 68.
Contentieux de l’urbanisme, 90, 232.
Contentieux de la fonction publique, 76, 87, 89, 103, 115, 116, 117, 118, 121, 123.
Contentieux de la responsabilité administrative, 91, 105, 106.
Contentieux des étrangers, 103, 110, 127.
Contentieux disciplinaire, 95, 96, 115.
Contentieux électoral, 76, 103, 107, 123.
Contentieux fiscal, 31, 105, 106, 112, 114, 241.
Contestation, 16, 17, 18, 24, 38, 46, 48, 51, 53, 54, 56, 61, 62, 63, 66, 67, 68, 69, 71,
72, 73, 75, 80, 83, 87, 89, 91, 100, 106, 110, 111, 114, 119, 147, 150, 151, 154, 160,
161, 162, 163, 164, 165, 166, 171, 176, 180, 181, 183, 191, 198, 200, 204, 205, 208,
216, 218, 327.
Contestation sur des droits et obligations de caractère civil, 17, 18, 56, 62, 63, 72, 75,
83, 111, 114, 150, 151, 160, 161, 162, 163, 164, 176, 183, 205.
- 423 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
Contradiction, 28, 34, 141, 152, 213, 265, 268, 269, 270, 277, 288, 289, 290, 291,
297, 298, 303, 335, 336, 337, 338, 339, 341, 342, 343, 344, 357.
Contrôle juridictionnel, 22, 131, 213, 218, 221, 222, 223, 224, 228, 230, 231, 234,
235, 239, 329, 353.
Contrôle ultérieur de pleine juridiction, 203, 223, 243, 262, 289, 291, 301, 329.
Convention européenne, 43, 46, 49, 50, 54, 61, 62, 63, 65, 66, 69, 71, 72, 76, 77, 79,
80, 85, 100, 101, 102, 104, 105, 111, 112, 128, 145, 146, 147, 166, 167, 168, 173,
175, 178, 179, 181, 187, 188, 206, 207, 211, 254, 265, 266, 270, 271, 272, 294, 295,
297, 303, 319.
Critère formel, 358.
Critère matériel, 38, 52, 134, 136, 142, 146, 147, 150, 160, 170, 173, 176, 178, 183,
198, 208, 358, 359.
Critère organique, 50, 51, 55, 135, 144, 148, 149, 159, 160, 175, 176, 178, 183, 184,
199, 207, 211, 212, 214, 220, 221, 222, 248.
- 424 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
Égalité des armes, 62, 221, 265, 276, 280, 281, 359.
Garanties procédurales, 25, 34, 36, 90, 125, 203, 262, 266, 268, 287, 315, 330, 336,
337, 338, 340, 343, 344, 350, 351, 356, 357.
- 425 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
Lecture matérielle, 17, 42, 132, 133, 135, 137, 148, 150, 155, 160, 174, 194, 327.
Lecture organique, 27, 148, 189, 196, 326.
Lecture téléologique, 15.
- 426 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
Peine, 30, 93, 94, 96, 113, 133, 163, 238, 255, 300, 309, 355.
Pénalité fiscale, 27, 191, 192, 195.
Plein contentieux, 259, 294, 325.
Plénitude de juridiction, 219, 222, 223, 225, 226, 228, 229, 243, 255, 299.
Prééminence du droit, 42, 54, 55, 56, 65.
Primauté, 44, 139.
Principe du contradictoire, 133, 134, 211, 249, 270, 272, 339.
Principes constitutionnels, 81, 318.
Principes généraux du droit, 34, 213, 292, 303, 305, 309, 315, 340.
Procéduralisation, 351, 358.
Procédure administrative contentieuse, 22, 198.
Procédure administrative juridictionnelle, 22, 345.
Procédure administrative non contentieuse, 22, 31, 32, 34, 50, 180, 192, 196, 330,
336, 338, 339, 344, 347.
Procédure administrative non juridictionnelle, 176, 177, 334, 345.
Procédure contradictoire, 269, 308, 318.
Procédure juridictionnelle, 14, 28, 29, 34, 37, 145, 194, 195, 203, 214, 248, 249, 254,
255, 304, 321, 322, 325, 327, 328, 330, 331, 337, 343, 344, 347, 358.
Proportionnalité, 230, 236, 241, 258, 329
Protocole, 79, 106, 108, 109, 110, 127
Publicité des audiences, 33, 66, 160, 256, 322, 323, 324, 328.
Puissance publique, 18, 59, 71, 73, 77, 79, 88, 107, 110, 111, 115, 120, 157, 162.
Punition, 28, 35, 131, 132, 165, 169, 317, 318, 319, 320.
- 427 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
Rapporteur public, 27, 273, 279, 281, 285, 294, 295, 300, 301, 326, 331.
Recours administratif, 19, 20, 21, 23, 24, 87, 178, 348, 349, 353, 354, 355, 356.
Recours contentieux, 21, 22, 213, 354.
Recours de plein contentieux, 259, 294, 325.
Recours de pleine juridiction, 31, 33, 35, 230, 235, 238, 290, 322, 329.
Recours en annulation, 134.
Recours gracieux, 22, 23, 29, 178, 354.
Recours hiérarchique, 20, 22, 178, 355.
Recours juridictionnel, 21, 189, 293, 353.
Recours pour excès de pouvoir, 69, 145, 158, 235.
Recours préalable, 23.
Règles d’organisation procédurale, 35.
Règles générales de procédure, 338.
Renvoi préjudiciel, 43, 153.
Réparation, 21, 74, 97, 99, 118, 133, 142, 169, 189, 190, 248.
Répression administrative, 18, 28, 57, 59, 204, 218, 336, 343, 352.
Revirement de jurisprudence, 166, 173.
Sanction administrative, 28, 35, 50, 57, 58, 60, 95, 137, 189, 200, 215, 238, 335, 340,
343.
Sanction disciplinaire, 115.
Sanction fiscale, 227, 266.
Sanction pécuniaire, 95, 135.
Sanction pénale, 28, 29, 103, 271.
Satisfaction équitable, 43, 154.
Secret du délibéré, 326.
Sécurité sociale, 75, 76, 349, 355.
Séparation des pouvoirs, 19, 31, 55, 56, 58, 59, 209, 319, 357.
Subjectivisation, 4, 357.
Subsidiaire, 86, 178, 183.
Traité, 14, 15, 16, 40, 41, 43, 154, 205, 207.
- 428 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
Tribunal au sens de, 18, 50, 51, 62, 66, 67, 68, 71, 72, 76, 77, 80, 85, 103, 104, 111,
115, 142, 175, 177, 179, 182, 183, 184, 185, 186, 187, 188, 196, 207, 208, 211, 220,
224, 225, 226, 228, 234, 238, 239, 254, 273, 294, 323, 324, 341.
Tribunal indépendant, 13, 14, 40, 207.
- 429 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
AVERTISSEMENT __________________________________________________ 1
REMERCIEMENTS _________________________________________________ 3
RESUME ___________________________________________________________ 4
ABSTRACT ________________________________________________________ 5
SOMMAIRE _______________________________________________________ 11
PARTIE 1 _________________________________________________________ 40
L’APPLICABILITÉ CONFLICTUELLE DU DROIT AU PROCÈS ÉQUITABLE
AUX AUTORITÉS ADMINISTRATIVES ......................................................................40
CHAPITRE 1 ______________________________________________________ 46
UNE DÉFINITION MATÉRIELLE ET AUTONOME DES CONDITIONS
D’APPLICABILITÉ DE L’ARTICLE 6 C.E.D.H. DANS LES JURISPRUDENCES
EUROPÉENNE ET JUDICIAIRE ...................................................................................46
SECTION 1 .......................................................................................................... 48
L’applicabilité de principe de l’article 6 C.E.D.H. aux autorités administratives
décidant en matière pénale ou civile au sens de la Convention .........................................48
I. Une indifférence manifeste du juge européen quant à la nature de
l’organisme appelé à statuer ...................................................................... 49
- 430 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
- 431 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
- 432 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
- 433 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
- 434 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
- 435 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
- 436 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
- 437 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
- 438 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014
- 439 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014