Thèse.2014.Procès Équitable

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Université Panthéon-Assas

école doctorale Georges Vedel


Thèse de doctorat / décembre 2014

Thèse de doctorat en droit public


soutenue le 3 décembre 2014

Droit au procès équitable et autorité


administrative

Auteur : Julie CORNU

Sous la direction de Monsieur Jacques PETIT

Membres du jury :

Madame Camille BROYELLE


Professeur à l’Université Paris II Panthéon-Assas
Monsieur Gweltaz EVEILLARD
Professeur à l’Université Rennes 1. Rapporteur
Monsieur Jacques PETIT
Professeur à l’Université Rennes 1. Directeur de thèse
Monsieur Pierre SERRAND
Professeur à l’Université d’Orléans. Rapporteur
Monsieur Charles VAUTROT-SCHWARZ
Professeur à l’Université Paris XI Paris-Sud
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014

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CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014

Avertissement
L’Université Paris II Panthéon-Assas n’entend donner aucune approbation ni
improbation aux opinions émises dans cette thèse ; ces opinions doivent être
considérées comme propres à leur auteur.

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CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014

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CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014

Remerciements

Je remercie mon directeur de thèse, monsieur le professeur Jacques Petit, qui


malgré la distance, m’a accompagnée durant ces six années en me témoignant
confiance et soutien.

Pour l’intérêt qu’ils ont porté à mon travail, leur bienveillance et leur
disponibilité, je tiens à exprimer toute ma reconnaissance aux professeurs de
l’Université de la Polynésie française et, plus particulièrement, à monsieur Marc
Debène, monsieur Alain Moyrand et monsieur Jean-Paul Pastorel.

Merci à tous les membres du Tribunal administratif de la Polynésie française :


les conseils toujours sages de monsieur Chanserey Mum, rapporteur public ; les
encouragements de madame Marie-Christine Lubrano, rapporteur ; la bienveillance
de madame Dona Germain, greffière en chef.

Merci à monsieur Régis Chang, monsieur Cyril Conreux et madame Aline Sue,
cadres dirigeants de la Caisse de prévoyance sociale, pour m’avoir accordé ces
quelques mois de disponibilité qui m’ont permis d’achever plus sereinement ma
recherche.

Merci pour leur sollicitude à mes amis.

Et surtout, parce qu’ils m’ont aidée à surmonter les difficultés, les périodes de
doute et de découragement, j’exprime ma profonde gratitude à Matahiarii et à mes
chers parents pour leur patience, leur indéfectible soutien, leur compréhension, leur
aide discrète et constante, leur regard toujours positif.

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CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014

Résumé
Droit au procès équitable et autorité administrative

Principe trouvant une expression solennelle à l’article 6 C.E.D.H., le droit au


procès équitable irradie aujourd’hui l’ensemble de notre droit interne. Dans un
contexte de subjectivisation du droit, le droit administratif n’échappe pas à cette
« irrésistible extension du contentieux du procès équitable » (Mme KOERING-
JOULIN).
Cette assertion trouve une manifestation éclatante quant aux pouvoirs de
sanctions et de règlement des différends reconnus aux autorités administratives. La
définition européenne du champ d’application du droit au procès équitable, suivie
par la Cour de cassation et adaptée par le Conseil d’État, permet, en effet, à
l'article 6 précité de faire florès en ce domaine. Ainsi, en l’état actuel de la
jurisprudence administrative, le moyen tiré de la violation de cette stipulation peut
utilement être invoqué à l’encontre des autorités administratives indépendantes, tant
dans le cadre de leur activité répressive que contentieuse. Depuis maintenant huit
ans, le respect de cette garantie s’impose à la procédure d’établissement des
sanctions fiscales.
A suivre cette ligne jurisprudentielle, l’extension du droit au procès équitable
à l’ensemble des autorités administratives répressives voire contentieuses pourrait
être la voie de l’avenir. Une telle évolution n’est toutefois pas sans soulever certaines
questions.
La processualisation croissante de la répression administrative, sous l’effet du
droit au procès équitable, n’est-elle pas une contradiction en soi ? Ne va-t-elle pas à
rebours de l’objectif initialement poursuivi par l’externalisation de la sanction ? Plus
fondamentalement, l’assujettissement de l’administration aux garanties spécifiques à
la procédure juridictionnelle ne participe-t-il pas au rétablissement d’une certaine
confusion entre l’administration et la juridiction ? N'y a-t-il pas là renaissance, sous
une forme évidemment nouvelle, de la figure que l'on croyait révolue de
l'administrateur-juge ?

Descripteurs :
Accusation en matière pénale - Administration-juge - Article 6 - Autorité
administrative - Autorité administrative indépendante - Contestation sur des droits et
obligations de caractère civil - Droit au procès équitable - Fonction contentieuse -
Fonction répressive - Garanties procédurales - Juridictionnalisation - Pénalité
fiscale - Sanction administrative - Subjectivisation.

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CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014

Abstract
Right to a fair trial and Administrative Authority

The right to a fair trial is enshrined in the article 6§1 of the European
Convention on Human Rights and irradiates now all French law. In the context of the
subjectivization of the law, administrative law is also subject to this "unstoppable
rise of disputes in the name of the right to a fair trial" (Mrs. KOERING-JOULIN).
This assertion is particularly true regarding the powers of sanction and the
settlement of disputes granted to the administrative authorities. The European
definition of the right to a fair trial applied by the Court of Cassation and adapted by
the Council of State allows a wide application of this right.
So, given the current state of the administrative case law, the right to a fair
trial can be usefully claimed against independent administrative authorities as regard
either their law enforcement activities or litigation practice. And the tax
administration has also been compelled to respect this fundamental right for eight
years now.
In line with this settled jurisprudence, the extension of the right to a fair trial
to all the administrative authorities may be the way of the future.
But such an evolution raises a few questions.
Isn't the increasing jurisdictionalization of the administration activities as a
result of the right to a fair trial an inconsistency in itself? Doesn't it go against the
primary goal of the outsourcing of the administrative penalties? More fundamentally,
doesn't subjecting the administrative authorities to the specific principles of court
procedures participate in reinstating some confusion between administration and
jurisdiction? Isn’t it the rebirth, under a new form, of the administrator-judge we
thought was long gone?

Keywords:
Criminal Charge - Administration-juge - Article 6 - Administrative authority -
Independent administrative authority - Determination of the rights and obligations of
civil nature - The right to a fair trial - Contentious function - Repressive function -
Procedural guarantees - Jurisdictionalization - Fiscal penalty - Administrative
penalty - Subjectivization.

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Principales abréviations

Adm. ........................ Administratif


A.F.D.I. ................... Annuaire français de droit international
A.J.D.A. ................... Actualité juridique du droit administratif
A.J.F.P. .................... Actualité juridique-Fonctions publiques
Ass. : ........................ Assemblée

B.D.C.F. .................. Bulletin des conclusions fiscales


B.I.C.C. ................... Bulletin d’information de la Cour de cassation
B.J.C.L. ................... Bulletin juridique des collectivités locales
Bull. ......................... Bulletin
Bull. dr. h. ................ Bulletin d’information sur les droits de l’Homme

CAA ........................ Cour administrative d’appel


Cass. ........................ Cour de cassation
C.D.E. ...................... Cahiers de droit européen
CE ........................... Conseil d'état
CEDH ...................... Cour européenne des droits de l'homme
C.E.D.H. .................. Convention européenne des droits de l'homme
Ch. Civ. ................... Chambre civile
C.J.E.G. ................... Cahiers juridiques de l'électricité et du gaz
C.R.D.F. .................. Cahiers de la recherche sur les droits fondamentaux
chr. .......................... chronique
CJCE ....................... Cour de justice des communautés européennes
comm. ...................... commentaire
concl. ....................... conclusion
cons. ........................ considérant
Cons. const. ............. Conseil constitutionnel
cont. ......................... contentieux
Ch. Crim. ................. Chambre criminelle

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CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014

D.A. ......................... Droit administratif


D.D.H.C. .................. Déclaration des droits de l’Homme et du Citoyen
dir. ........................... direction
Doctr. ...................... Doctrine
Dr. fisc. . ................... Droit fiscal

E.D.C.E. .................. Études et documents du Conseil d'État


Éd. ........................... Éditeur
éd. ........................... édition
eur. .......................... Européen

G.A.C.E.D.H. ........... Grands arrêts de la Cour européenne des droits de l'homme


G.A.J.F. ................... Grands arrêts de la jurisprudence financière
gén. .......................... Général
Gr. Ch. ..................... Grande Chambre

I.E.P. . ...................... Institut d’études politiques


Impr. ........................ Imprimeur - Imprimerie

J.C.P. ....................... Juris classeur périodique / La semaine juridique


J.D.I. ........................ Journal du droit international
J.D.E. ....................... Journal de droit européen
J.L.M.B. ................... Revue de Jurisprudence de Liège, Mons et Bruxelles
J.T.D.E. ................... Journal des tribunaux Droit européen
Journ. ....................... Journal
Jur. .......................... Juridique

Leb. ......................... Recueil Lebon


L.G.D.J. ................... Librairie générale de droit et de jurisprudence
L.P.A. ...................... Les Petites Affiches
L.P.F. ....................... Livre des procédures fiscales

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no ............................. numéro

obs. .......................... observations, commentaires doctrinaux

p. ............................. page - pages


pén. .......................... pénal
plén. ......................... plénière
P.U.A.M. ................. Presses Universitaires d'Aix-Marseille
P.U.F. ...................... Presses universitaires de France

Q.P.C. ...................... Question Prioritaire de Constitutionnalité

R.A. ......................... Revue administrative


R.D.F. ...................... Revue de droit fiscal
R.D.H. ..................... Revue des droits de l’Homme
R.D.L.F. ................... Revue des droits et libertés fondamentaux
R.D.P. ...................... Revue du droit public et de la science politique en France et à
l’étranger
Rec. ......................... Recueil
Req. ......................... Requête
Rev. ......................... Revue
R.F.D.A. .................. Revue française de droit administratif
R.F.D.C. .................. Revue française de droit constitutionnel
R.G.A. ..................... Revue générale d’administration
R.G.D. ..................... Revue générale du droit
R.G.D.I.P. ................ Revue générale de droit international public
R.G.D.P. .................. Revue générale des procédures
R.J.C. ....................... Recueil de jurisprudence constitutionnelle
R.J.D.A. ................... Revue de jurisprudence de droit des affaires
R.J.E. ....................... Revue juridique de l'environnement
R.J.F. ....................... Revue de jurisprudence fiscale
R.S.C. ...................... Revue de science criminelle et de droit pénal comparé

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R.T.D.Com .............. Revue trimestrielle de droit commercial et de droit


économique
R.T.D.Civ. ............... Revue trimestrielle de droit civil
R.T.D.Eur. ............... Revue trimestrielle de droit européen
R.T.D.H. .................. Revue trimestrielle des droits de l'homme
R.U.D.H. .................. Revue universelle des droits de l'homme

Sect. ......................... Section


Somm. ..................... Sommaire
Spéc. ........................ Spécialement
Suiv. ........................ Suivant

Trib. ......................... Tribunal

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CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014

Sommaire
INTRODUCTION GÉNÉRALE ............................................................................... 13
PARTIE 1......................................................................................................................40
L’applicabilité conflictuelle du droit au procès équitable aux autorités
administratives
Chapitre 1 .....................................................................................................................46
Une définition matérielle et autonome des conditions d’applicabilité de l’article 6
C.E.D.H. Dans les jurisprudences européenne et judiciaire
Section 1 .........................................................................................................................48
L’applicabilité de principe de l’article 6 C.E.D.H. aux autorités administratives
décidant en matière pénale ou civile au sens de la convention
Section 2 ....................................................................................................................... 101
L’inapplicabilité exceptionnelle de l’article 6 C.E.D.H. aux autorités administratives
Conclusion .................................................................................................................. 138
Chapitre 2 ................................................................................................................... 139
Une définition principalement organique des conditions d’applicabilité de l’article 6
C.E.D.H. dans la jurisprudence administrative
Section 1 ....................................................................................................................... 142
L’inapplicabilité de principe de l’article 6 c.e.d.h. aux autorités administratives
décidant en matière civile ou pénale au sens de la convention
Section 2 ....................................................................................................................... 171
L’applicabilité exceptionnelle de l’article 6 c.e.d.h. à certaines catégories d’autorités
administratives décidant en matière pénale et civile au sens de la convention
Conclusion .................................................................................................................. 198
PARTIE 2.................................................................................................................... 200
L’application consensuelle des exigences du procès équitable aux autorités
administratives
Chapitre 1 ................................................................................................................... 202
Une application souple des garanties du procès équitable aux autorités
administratives par le juge européen
Section 1 ....................................................................................................................... 203
L’application des garanties du procès équitable différée au stade juridictionnel
Section 2 ....................................................................................................................... 243
L’application exceptionnelle des garanties du procès équitable au stade administratif
Conclusion .................................................................................................................. 257
Chapitre 2 ................................................................................................................... 258
Une application mécanique de certaines garanties du procès équitable à certaines
autorités administratives par les juges français
Section 1 ....................................................................................................................... 262
Une solution allant au-delà des exigences induites par la jurisprudence européenne
Section 2 ....................................................................................................................... 303
Une solution ne bouleversant pas les lignes résultant de la jurisprudence
administrative antérieure
Conclusion .................................................................................................................. 333
CONCLUSION GÉNÉRALE ................................................................................... 334

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INTRODUCTION GENERALE

N’y a-t-il pas un certain paradoxe à s’intéresser au droit au procès équitable et


aux autorités administratives ?
Le droit au procès équitable ne constituerait-il pas, comme son nom l’indique,
un principe directeur du procès ? Par là même, ne serait-il pas réservé exclusivement
à la sphère juridictionnelle ?

Dérivant de l’article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits


de l’homme et des libertés fondamentales 1, l’expression de « droit au procès
équitable » est couramment employée par la doctrine pour désigner le droit reconnu
par divers textes internationaux 2 à ce que sa cause soit entendue équitablement et
publiquement, par un tribunal indépendant et impartial, notamment lorsqu’est en jeu
une contestation sur des droits et obligations de caractère civil ou une accusation en
matière pénale 3.

1
À la différence des autres traités internationaux, l’intitulé « Droit à un procès équitable » est
expressément employé à l’article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de
l’homme et des libertés fondamentales.
2
La Déclaration Universelle des Droits de l’Homme du 10 décembre 1948 est le premier texte à
avoir exprimé la nécessité du procès équitable en son article 10. Elle est un texte de référence
pour les autres instruments internationaux de protection des droits de l’homme. Elle est d’ailleurs
directement à l’origine du Pacte international relatif aux droits civils et politiques du 16 décembre
1966, qui pose le droit à un procès équitable en son article 14. Le droit au procès équitable est
également garanti par l’article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de
l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950. Plus récemment, le droit au procès
équitable a été consacré par l’article 47 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union
européenne du 7 décembre 2000.
3
L’article 6 § 1 C.E.D.H. énonce en ce sens : « Toute personne a droit à ce que sa cause soit
entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant
et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de
caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle. » De
la même manière, l’article 14 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques prévoit :
« Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement et publiquement par un

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Ce principe impose, sur le fondement des articles 6 de l’instrument


conventionnel précité, 14 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques
et 47 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, le respect d’un
certain nombre d’exigences inhérentes à la procédure juridictionnelle telles que le
droit à un tribunal établi par la loi, le droit à un délai raisonnable de jugement, le
respect des droits de la défense, le droit à l’aide juridictionnelle, le respect de la
présomption d’innocence.

Ainsi défini, le droit au procès équitable apparaît intimement lié à


l’organisation et au fonctionnement des juridictions. La référence qu’il contient à la
notion de « tribunal indépendant et impartial » et les garanties qui lui sont attachées,
donnent effectivement à penser qu’il constitue une règle de procédure opposable aux
seuls organismes juridictionnels. Une telle lecture peut d’ailleurs se prévaloir de la
Convention de Vienne sur le droit des traités qui privilégie, à travers son article 31
§ 1 4, une interprétation textuelle des engagements internationaux, « expression
formelle de l’intention des parties » 5 selon les termes du professeur Pierre-Marie
DUPUY.

Dès lors, on pourrait légitimement penser qu’a contrario, le droit au procès


équitable n’est pas susceptible de concerner, de près ou de loin, les autorités
administratives. Pourtant, la jurisprudence des organes de contrôle des instruments
internationaux et, plus particulièrement, celle de la Cour européenne des droits de
l’homme, ont rapidement montré que tel pouvait être le cas.

tribunal compétent, indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera soit du bien-fondé de
toute accusation en matière pénale dirigée contre elle, soit des contestations sur ses droits et
obligations de caractère civil. »
4
L’article 31 § 1 de la Convention de Vienne du 23 mai 1969 stipule : « Un traité doit être
interprété de bonne foi suivant le sens ordinaire à attribuer aux termes du traité dans leur
contexte et à la lumière de son objet et de son but. »
5
DUPUY Pierre-Marie, Droit international public, 7 ème éd., Paris, Dalloz, 2004, n o 308.

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CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014

Ce dernier constat ne peut qu’aviver l’intérêt du juriste, ne serait-ce qu’au


regard des implications pouvant résulter de l’intrusion de cette garantie dans la sphère
administrative.

Aussi, après nous être attaché à en définir le cadre juridique (I), nous
préciserons quels peuvent être les enjeux (II) et les lignes directrices (III) d’une
étude consacrée au droit au procès équitable et aux autorités administratives.

I. Cadre de la présente recherche

Placé entre les mains des organes de la Convention, le droit au procès


équitable s’est révélé être « un véritable Univers en expansion » 6 pour reprendre la
formule du professeur Serge GUINCHARD. L’article 6 C.E.D.H. est, en effet,
rapidement devenu l’objet de développements considérables, qui en ont fait une
stipulation particulièrement attractive 7.

Dès 1968, la Cour européenne exprime clairement l’orientation qu’elle entend


donner à sa jurisprudence. Dans son arrêt « Wemhoff c/ Allemagne » 8, elle affirme, à
propos de l’instrument conventionnel, que « s’agissant d'un traité normatif, il y a lieu
[…] de rechercher quelle est l'interprétation la plus propre à atteindre le but et à
réaliser l'objet de ce traité et non celle qui donnerait l'étendue la plus limitée aux
engagements des Parties ».

Privilégiant une lecture téléologique de la Convention, la Cour européenne


n’hésite pas à écarter le principe d’interprétation favorable à la souveraineté étatique
soutenu par le juge FITZMAURICE, partisan d’une « interprétation prudente et

6
GUINCHARD Serge, « Le procès équitable : garantie formelle ou droit substantielle ? », in
Mélanges Guy FARJAT, Éd. Frison-Roche, 1999, p. 142.
7
« Dans près d’un tiers des arrêts de violation rendus en 2013, la Cour a conclu à la violation de
l’article 6 (droit à un procès équitable) de la Convention, qu’il s’agisse d’équité ou de durée de
procédure. Par ailleurs, environ 50 % des violations constatées par la Cour concernaient
l’article 6 ou l’article 3 (interdiction de la torture et des traitements inhumains ou dégradants) »,
in La CEDH en faits & chiffres 2013, Cour européenne des droits de l’homme, 2013.
8
CEDH, 27 juin 1968, no 2122/64, Wemhoff c/ Allemagne, série A, n o 7, § 8. Voir également :
CEDH, 21 février 1975, n o 4451/70, Golder c/ Royaume-Uni, § 34, G.A.C.E.D.H., 5 ème éd., 2009,
p. 275 ; A.F.D.I., 1975, p. 330, PELLOUX Robert.

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conservatrice, surtout pour les dispositions dont le sens peut être incertain et là où
des interprétations extensives pourraient aboutir à imposer aux États contractants
des obligations qu’ils n’ont pas vraiment voulu assumer ou qu’ils n’ont pas eu
conscience d’assumer » 9.

L’équation est posée : la dimension « droits fondamentaux de l’individu » doit


prévaloir sur la dimension « traité international ». Elle est aussitôt appliquée à
l’article 6 C.E.D.H. Dans un arrêt « Delcourt c/ Belgique », rendu le 17 janvier 1970,
les juges européens indiquent que « Dans une société démocratique au sens de la
Convention, le droit à une bonne administration de la justice occupe une place si
éminente qu’une interprétation restrictive de l’article 6 § 1 ne correspondrait pas au
but et à l’objet de cette disposition. » 10

Sur cette base, les organes de la Convention ont, sans relâche, élargi de façon
très significative le domaine de garantie de cette stipulation, à tel point qu’elle a pu
être présentée comme « un texte capital » 11 puis comme un « article attrape-tout » 12.
Pour ce faire, la Cour de Strasbourg a conféré aux notions d’« accusation en
matière pénale » et de « contestation sur des droits et des obligations de caractère
civil » un rôle décisif dans la définition du champ d’application du droit au procès
équitable. Elle les a érigées en critère exclusif d’applicabilité de l’article 6 C.E.D.H. 13

9
Opinion dissidente jointe à l’arrêt Golder c/ Royaume-Uni, 21 février 1975, série A, n o 18, p. 52.
10
CEDH, 17 janvier 1970, no 2689/65, Delcourt c/ Belgique, § 25, C.D.E., 1971, p. 203, obs.
MARCUS-HELMONS Silvio.
11
Répertoire pratique du droit belge, complément, tome III, V o, Droit de la défense, n o 11, cité par
VELU Jacques et ERGEC René, La Convention européenne des droits de l’homme, Bruylant,
Bruxelles, 1990, p. 335, § 381.
12
SUDRE Frédéric, « L’arrêt de la Cour européenne des droits de l’homme du 27 février 1992,
Société Stenuit c/ France : à propos des droits de l’entreprise », Semaine juridique, éd. gén.,
supplément 4/92, 9 juillet 1992, p. 26 à p. 30.
13
CEDH, 16 juillet 1971, n o 2614/65, Ringeisen c/ Autriche, série A, n o 13, § 94, A.F.D.I., 1974,
p. 334 à p. 354, « L’affaire Ringeisen devant la C.E.D.H. », PELLOUX Robert ; R.G.D.I.P.,
1974, p. 864 à p. 865, VALLEE Charles ; C.D.E., 1974, p. 384 à p. 393, obs. MARCUS-
HELMONS Silvio ; CEDH, 21 février 1975, n o 4451/70, Golder c/ Royaume-Uni, § 36,
G.A.C.E.D.H., 5 ème éd., P.U.F., 2009, p. 275 ; A.F.D.I., 1975, p. 330, PELLOUX Robert. Voir
également : CEDH, 23 juin 1981, nos 6878/75, 7238/75, Le Compte, Van Leuven et De Meyere
c/ Belgique, § 50, G.A.C.E.D.H., p. 218 ; C.D.E., 1982, p. 201, COHEN-JONATHAN Gérard ;
J.D.I., 1982, p. 216, ROLLAND Patrice ; CEDH, 22 octobre 1984, no 8790/79, Sramek
c/ Autriche, J.D.I., 1985, p. 1070, obs. TAVERNIER Paul ; CEDH, 20 novembre 1995,

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et les a dotées d’une définition de nature matérielle, différente de celle retenue dans
les ordres juridiques des États membres 14.

Cette lecture matérielle et autonome a permis aux organes de la Convention de


rendre le droit au procès équitable opposable, par principe, à l’encontre de toute
procédure intervenant en matière « civile » ou « pénale » au sens de la Convention, et
ce quelle que soit la nature des organes devant lesquels la procédure se déroule.

La première question qui vient alors à l’esprit est la suivante : les autorités
administratives peuvent-elles être amenées à statuer sur le bien-fondé d’« accusation
en matière pénale » ou à se prononcer sur des « contestations sur des droits et des
obligations de caractère civil » ?

Au regard de la définition strasbourgeoise de ces notions, la réponse semble


assurément positive.

Appréciant l’existence d’une « accusation en matière pénale » par rapport à


l’effet répressif de la mesure litigieuse et à sa gravité 15, les juges européens ont pu
intégrer nombre de sanctions administratives ou même disciplinaires dans le champ
d’application du droit au procès équitable. Cette orientation jurisprudentielle est
apparue d’autant plus nécessaire pour la Cour de Strasbourg que les États membres de

n o 19589/92, British-American Tobacco Company Ltd c/ Pays-Bas, A.J.D.A., 1996, p. 379 et


p. 380, obs. FLAUSS Jean-François.
14
S’agissant de l’autonomisation de la notion de « contestation sur des droits et obligations de
caractère civil » : CEDH, 28 juin 1978, n o 6232/73, König c/ Allemagne, § 88, Cahiers de droit
européen, 1979, p. 474, obs. COHEN-JONATHAN Gérard ; A.F.D.I., 1979, p. 348, obs.
PELLOUX Robert ; Journal de droit international, 1980, p. 460, obs. ROLLAND Patrice ;CEDH,
16 juillet 1971, n o 2614/65, Ringeisen c/ Autriche, § 110, précité ; CEDH, 8 juillet 1987,
n o 10092/82, Baraona c/ Portugal, Série A, n o 122, § 42. S’agissant de l’autonomisation de la
notion d’ « accusation en matière pénale » : CEDH, 8 juin 1976, n os 5100/71, 5101/71, 5102/71,
5354/72, 5370/72, Engel et autres c/ Pays-Bas, § 8, A.F.D.I., 1977, p. 480, obs. PELLOUX
Robert ; Cahiers de droit européen, 1978, p. 368, note COHEN-JONATHAN Gérard ; CEDH,
21 février 1984, n o 8544/79, Oztürk c/ Allemagne, § 50, G.A.C.E.D.H., 5ème éd., 2009, p. 255 ;
Jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme, 9 ème éd., 2004, Éditions Sirey,
no 117, BERGER Vincent ; J.D.I., 1986, p. 1051, obs. ROLLAND Patrice et TAVERNIER Paul ;
CEDH, 27 août 1991, n o 13057/87, Demicoli c/ Malte, § 31, J.D.I., 1992, p. 792, note DECAUX
Emmanuel ; Pour une reconnaissance explicite, voir : CEDH, 28 juin 1978, n o 6232/73, König
c/ Allemagne, § 88, précité.
15
CEDH, 8 juin 1976, n os 5100/71, 5101/71, 5102/71, 5354/72, 5370/72, Engel et autres c/ Pays-
Bas, § 82, A.F.D.I., 1977, p. 480, obs. PELLOUX Robert ; Cahiers de droit européen, 1978,
p. 368, note COHEN-JONATHAN Gérard.

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CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014

la Convention ont majoritairement opté pour une politique de dépénalisation des


sanctions. La France n’a pas échappé à ce phénomène d’externalisation de la
répression, lequel, compte tenu de son ampleur, a d’ailleurs conduit la doctrine à se
demander s’il était désormais possible de « punir sans juger » 16 ?

L’applicabilité du droit au procès équitable dans son volet civil suppose, quant
à elle, « l’existence d’une contestation » 17 ayant « pour objet la détermination de
droits de caractère privé » 18. Concernant le premier élément, la Cour de Strasbourg
s’accommode d’un simple différend réel et sérieux 19. S’agissant du second aspect,
« seul compte le caractère du droit qui se trouve en cause » 20, peu importe que l’acte
affectant le droit considéré soit de nature administrative ou encore que la mesure
litigieuse relève d’une activité de puissance publique 21. Face à la pénétration
croissante du droit public dans la sphère des droits privés résultant du développement
de l’interventionnisme étatique, les juges européens ont estimé opportun de
« procéder à un recadrage des frontières entre droit privé et droit public, qui ne
passent plus par la nature des parties en cause ou des organes administratifs ou
juridictionnels en cause, mais bien par celle du droit revendiqué par le requérant » 22.

16
DELMAS-MARTY Mireille et TEITGEN-COLLY Catherine, Punir sans juger ? De la répression
administrative au droit administratif pénal, Economica, 1992.
17
CEDH, 3 avril 2012, n o 37575/04, Boulois c/ Luxembourg, § 90.
18
CEDH, 28 juin 1978, no 6232/73, König c/ Allemagne, § 88, Cahiers de droit européen, 1979,
p. 474, obs. COHEN-JONATHAN Gérard ; A.F.D.I., 1979, p. 348, obs. PELLOUX Robert ;
Journal de droit international, 1980, p. 460, obs. ROLLAND Patrice.
19
CEDH, 23 septembre 1982, n os 7151/75, 7152/75, Sporrong et Lönnroth c/ Suède, § 81, A.F.D.I.,
1985, p. 415, obs. COUSSIRAT-COUSTERE Vincent ; G.A.C.E.D.H., 5 ème éd., 2009, p. 702.
20
CEDH, 16 juillet 1971, n o 2614/65, Ringeisen c/ Autriche, § 94, précité.
21
CEDH, 16 juillet 1971, n o 2614/65, Ringeisen c/ Autriche, § 94, série A, no 13, § 94, A.F.D.I.,
1974, p. 334 à p. 354, « L’affaire Ringeisen devant la C.E.D.H. », PELLOUX Robert ;
R.G.D.I.P., 1974, p. 864 à p. 865, VALLEE Charles ; C.D.E., 1974, p. 384 à p. 393, obs.
MARCUS-HELMONS Silvio. Voir également : CEDH, 28 juin 1978, n o 6232/73, König
c/ Allemagne, § 90, précité.
22
GONZALEZ Gérard, « Le sens européen de la notion de « contestation sur des droits et
obligations de caractère civil », in L’extension des garanties du procès équitable hors les
juridictions ordinaires : les contraintes européennes, Institut de droit européen des droits de
l’homme, Avril 2002, p. 14. Voir également en ce sens : DUGRIP Olivier, « L’applicabilité de
l’article 6 de la CEDH aux juridictions administratives », R.U.D.H., 1991, p. 336 et spécialement
p. 343 ; SOYER Jean-Claude et de SALVIA Michel, « Article 6 », in La CEDH, commentaire
article par article, PETTITI Louis-Edmond, DECAUX Emmanuel, IMBERT Pierre-Henri (dir.),
2 ème éd., Paris, Economica, 1999, p. 251 ; MILANO Laure, Le droit à un tribunal au sens de la
Convention européenne des droits de l’Homme, L.G.D.J., 2006, p. 120, n o 165.

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Là encore, cette définition, indifférente à la nature des rapports juridiques ou


de l’intervention portant atteinte au droit considéré, a largement contribué à la
diffusion du droit au procès équitable dans la sphère administrative. L’idée que
l’administration ait le pouvoir de trancher des contestations au terme d’une démarche
juridique est, effectivement, loin d’être inconnue de notre droit administratif 23. Elle
résulte de la possibilité offerte aux administrés, dès la Révolution et issue d’une
longue tradition de recours au Roi, d’adresser « une réclamation à une autorité
administrative en vue de régler un différend né d'une décision juridique émanant de
cette autorité administrative ou d'une autre autorité administrative » 24.

Il est vrai qu’à partir de l’an VIII, notre droit administratif s’est attaché à
spécialiser les fonctions de chacun : au juge, le contentieux et à l’administration,
l’action 25. « Le progrès patiemment poursuivi par les générations de juristes qui se
sont succédées en France a [alors] consisté à séparer dans l’administration le
pouvoir de juger du pouvoir d’administrer » 26, soulignait Léon MICHOUD. Cette
spécialisation a conduit la doctrine du XIXème siècle à assimiler abusivement
« juridiction » et « contentieux » et à considérer, par conséquent, qu’un organe investi
d’une fonction contentieuse ne pouvait qu’être un juge. Pour les publicistes de
l’époque, l’acte juridictionnel était une notion purement matérielle. Selon eux, la
fonction juridictionnelle consistait principalement à dire le droit, à trancher des
questions contentieuses 27 et la qualité de juge devait être attribuée à ceux qui

23
Voir sur ce sujet : GOUBERT Pierre, L'Ancien Régime : les pouvoirs, Armand Colin, Paris, 1979,
p. 9 ; LEGENDRE Pierre, Histoire de l’administration de 1750 à nos jours, P.U.F. Paris, 1968,
p. 277 ; MESTRE Jean-Louis, « Intendants et contentieux administratif au XVIII e siècle », Revue
administrative, n o 1, novembre, 2004, p. 639.
24
TRUCHET Didier, « Recours administratif », Répertoire de contentieux administratif, n o 21.
25
Voir sur ce sujet : CHEVALLIER Jacques, L'élaboration historique du principe de séparation de
la juridiction administrative et de l'administration active, Thèse, L.G.D.J., 1970 ; CHEVALLIER
Jacques, « Fonction contentieuse et fonction juridictionnelle », in Mélanges Stassinopoulos,
L.G.D.J., 1974, p. 275 ; BRISSON Jean-François, Les recours administratifs en droit public
français. Contribution à l’étude du contentieux administratif non juridictionnel, Thèse, L.G.D.J.,
1996 ; OSPINA GARZON Andrés Fernando, L’activité contentieuse de l’administration en droit
français colombien, Thèse, Paris 2, 2012.
26
MICHOUD Léon, « Étude sur le pouvoir discrétionnaire de l'administration », R.G.A., 1914,
p. 194.
27
AUCOC Léon, Conférences, 3 ème éd., 1885, T. 1, p. 458 ; de SAINT-GIRONS Antoine, Droit
public français : Essai sur la séparation des pouvoirs dans l’ordre politique, administratif et

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statuaient sur le contentieux. Or, les ministres étaient fréquemment appelés à se


prononcer sur des recours portés devant eux par voie hiérarchique. En pareil cas, la
décision administrative porte sur un litige dont les éléments de fait se trouvent déjà
constitués, sur une réclamation basée sur une violation de droit. Elle a donc au fond
une nature identique à la décision par laquelle un juge dit le droit 28. C’est ce qui
explique que la doctrine administrativiste, imbue de la notion matérielle de l’acte
juridictionnel, attribuait la qualité de juge aux ministres et à d’autres administrateurs.
En ce sens, René JACQUELIN estimait encore en 1891 que « le ministre est juge
toutes les fois qu’il tranche une affaire contentieuse » 29. De cette assimilation trop
stricte de la fonction contentieuse à la fonction juridictionnelle, provient le
scepticisme ambiant de l’époque à l’égard des recours administratifs qui étaient alors
considérés comme une survivance de la théorie du ministre-juge. « Un pas de plus
dans la voie du progrès consisterait, suivant nous, à faire complètement disparaître
les attributions contentieuses des administrateurs (…) » 30 écrivait Théophile
DUCROCQ en 1877.

Les arrêts « Bougard » du 24 juin 1881 et « Cadot » de 1889, qui dénient au


ministre saisi d’un recours hiérarchique la qualité de juge, auraient dû permettre d’en
finir avec cette confusion et de distinguer entre les procédés juridictionnels et non
juridictionnels de solution des litiges administratifs. Mais la véritable portée de ces
décisions n’a pas été comprise 31. La condamnation de la théorie de l’administrateur-
juge a été interprétée comme l’exclusion de tout contentieux devant l’administration.
À l’exception d’Édouard LAFERRIÈRE, qui reconnaissait que les ministres
pouvaient être appelés à rendre des décisions ayant un caractère contentieux sans

judiciaire, Paris, 1881, p. 509 ; BATBIE Anselme, Traité théorique et pratique de droit public et
administratif, 2 ème éd., 1885-1886, T. 3, p. 406.
28
HENRION DE PANSEY Pierre-Paul-Nicolas, De l’autorité judiciaire en France, 1810 ;
MACAREL Louis-Antoine, Éléments de jurisprudence administrative, extraits des décisions
rendues par le Conseil d'État en matière contentieuse, 1818, p. 4.
29
JACQUELIN René, De la juridiction administrative dans le droit constitutionnel, Thèse, 1891,
p. 159.
30
DUCROCQ Théophile, Cours de Droit administratif, 5 ème éd., T. 1, Ernest Thorin, Paris, 1877,
p. 373.
31
CHEVALLIER Jacques, « Réflexions sur l’arrêt « Cadot », Droits, 1989, n o 9, p. 88

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CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014

pour autant devoir être considérés comme des juges 32, les auteurs, encore marqués par
l’assimilation des notions de contentieux et de juridiction, ont cherché à occulter le
caractère contentieux de la fonction administrative de résolution des litiges et, plus
largement, l’existence du contentieux administratif non tranché par la juridiction
administrative. C’est ainsi que pour Émile ARTUR 33, « l’administrateur et le juge
tout en prononçant les mêmes questions et tout en paraissant exercer la même
fonction exercent deux fonctions essentiellement différentes ». En effet, expliquait-il,
« juger c’est dire le droit en vue d’en assurer le respect. Administrer c’est pourvoir à
l’organisation et au fonctionnement des services publics ». Plus précisément, si
« l’administrateur est obligé de trancher des questions de droit », c’est parce que
« cela est nécessaire à la fonction administrative », parce qu’il y est obligé pour
assurer la marche des services publics », « alors que le juge recherche le droit et le
proclame uniquement pour lui assurer protection et réparation ». Quand
l’administration tranche un contentieux, poursuivait M. ARTUR, « (…) il ne manque
rien pour que l’on ait affaire à du contentieux administratif, qu’une autorité
contentieuse » 34. Cette définition a été reprise et développée par Léon MARIE 35.
D’après lui, le juge a essentiellement pour mission de dire le droit alors que
l’administrateur doit seulement assurer la marche du service public qui lui est confié.
C’est cette différence qui fonde « la supériorité considérable du point de vue de la
réalisation du droit » du recours juridictionnel sur le recours administratif ; « elle
permet de cumuler les deux recours sur une même question et d’user du recours

32
LAFERRIÈRE, Traité de la juridiction administrative et des recours contentieux, Tome 1, 2ème
éd., 1896, p. 208 et p. 436 à p. 464. Examinant les cas où les « textes spéciaux ont consacré le
droit de décision des ministres dans des matières déterminées », LAFERRIÈRE écrit : « les
décisions que les ministres rendent en ces matières ont assurément un caractère contentieux…
mais il ne s’ensuit pas qu’elles aient le caractère de véritables actes de juridiction et que les
textes précités aient exceptionnellement donné le rôle d’un juge au Ministre. Il est naturel, en
effet, que les ministres, en leur qualité de chefs et de surveillants responsables de certains
services confiés à des délégués électifs, aient le droit de vérifier de la légalité du titre que ces
délégués invoquent pour remplir un office public ». Et de reconnaître, « qu’il y a là non des
jugements, mais des vérifications et des décisions d’ordre administratif qui peuvent donner lieu à
une instance devant le Conseil d’État ».
33
ARTUR Émile, « Séparation des pouvoirs et séparation des fonctions », R.D.P., 1900, I, p. 266.
34
ARTUR Émile, « Séparation des pouvoirs et séparation des fonctions », R.D.P., 1900, I, p. 250 et
p. 251.
35
MARIE Léon, Le droit positif et la Juridiction Administrative (Conseil d'état et Conseils de
préfecture) : étude critique de législation et de jurisprudence, 1903, p. 628 et p. 629.

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CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014

contentieux après avoir employé le recours gracieux ; il n’y a pas en effet double
emploi ; la question soulevée ne se présente pas sous le même aspect dans les deux
cas ». Au début du XXe siècle, Paul BERGERON 36 récusait encore la fonction
contentieuse du recours administratif fondant cette institution exclusivement sur le
principe hiérarchique. De même, Pierre de FONT–RÉAULX affirmait, en 1930, « que
sans la forme juridictionnelle, il ne peut être question d’acte ou de fonction
contentieuse » 37.

Aujourd’hui, le droit français conserve certains stigmates de cette confusion


passée. L’analyse de la terminologie juridique le démontre nettement. Selon la
« conception généralement adoptée » 38, le contentieux administratif est la solution
par voie juridictionnelle des litiges administratifs, celui qui est porté devant une
juridiction administrative 39. De même, il est d’usage en droit français d’utiliser, pour
désigner la procédure administrative juridictionnelle, l’expression de « procédure
administrative contentieuse », par opposition à la « procédure administrative non
contentieuse » 40, et de réserver aux seuls recours portés devant le juge le label de
« recours contentieux » 41. L’assimilation de la fonction contentieuse à la fonction

36
BERGERON Paul, Le recours hiérarchique, Thèse, Paris, 1923, p. 7.
37
DE FONT-RÉAULX Pierre, Le contrôle juridictionnel du Conseil d’État sur les décisions des
autres tribunaux, Paris, 1930, p. 48.
38
GOHIN Olivier (compilateur et commentateur), « Le Contentieux administratif : I. La juridiction
administrative », Documents d’études, n o 2.09, La documentation Française, éd. 1997, p. 2.
39
DEBBASCH Charles et RICCI Jean-Claude, Contentieux administratif, 7 ème éd., Dalloz, Paris,
1999, p. 1 ; AUBY Jean-Marie et AUBY Jean- Bernard, Institutions administratives, 6 ème éd.
Précis, Dalloz, Paris, 1991, p. 219 ; PACTEAU Bernard, Traité du Contentieux administratif,
P.U.F., Paris, 2008, p. 16.
40
On doit à Jean-Marie AUBY l’expression de « procédure administrative « non contentieuse » qui
l’utilise pour la première fois par, en 1956 : « La procédure administrative non contentieuse », D.,
1956, chr., p. 27. Avant lui, Georges LANGROD avait utilisé l’expression de « procédure
administrative », sans un autre adjectif : « Procédure administrative et droit administratif »,
R.D.P., 1948, p. 549-556. Par la suite, le terme a été adopté par le Conseil d’État, à la fin des
années 1950 (Voir en ce sens : ISAAC Guy, La procédure administrative non contentieuse,
Thèse, L.G.D.J., Paris, 1968, p. 59). La doctrine a généralisé l’utilisation de cette expression:
Yves GAUDEMET, Traité de Droit Administratif., 16 ème éd., T. 1, L.G.D.J. 2001., p. 459 et p.
612 ; WALINE Jean, Droit administratif, 22 ème éd. Dalloz, 2008., p. 506 ; Olivier GOHIN, «
Regards de travers sur une mal- aimée : la procédure administrative non contentieuse en droit
comparé (Luxembourg, Belgique, France) », in Mélanges en l’honneur de Jacqueline MORAND-
DEVILLER - confluences - , Montchrestien, 2007, p. 351-366.
41
Voir en ce sens : JEZE Gaston, « L’acte juridictionnel et la classification des recours
contentieux », R.D.P., 1909, p. 667-695 ; RIVERO Jean, Droit administratif, 13 ème éd., p. 263 ;
GAUDEMET Yves, Traité de Droit Administratif, 16 ème éd., T. 1, L.G.D.J. Paris, 2001, p. 441 ;

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CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014

juridictionnelle transparaît également dans le cadre de la pratique administrative.


Celle-ci s’est longtemps caractérisée par un échec des recours administratifs 42. A cet
égard, les auteurs qui se sont intéressés à cette question ont mis en évidence que si
« l’administration s’en remet trop souvent au contentieux » 43 et qu’ « elle ne répond
pas aux recours gracieux et hiérarchiques », c’est notamment parce qu’elle estime
que cette fonction n’est pas la sienne mais celle de son homologue juridictionnel 44.
On trouve également l’expression de cette conception dominante dans un certain
nombre de commentaires doctrinaux. La résolution administrative des litiges par
l’administration est souvent considérée comme une anomalie, comme une
réminiscence d’époques, aujourd’hui, révolues. En ce sens, M. LEMOYNE de
FORGES a pu se demander, à propos de la loi du 31 décembre 1987 portant réforme
du contentieux administratif et de son article 13, si « ce faisant, le législateur
(n’introduisait) pas une complication procédurale anormale, voir rétrograde dans la
mesure où l’obligation du recours préalable (réintroduisait) le concept
45
d’administrateur juge (…) » .

Pourtant, la doctrine contemporaine a parfaitement su montrer que « la


fonction juridictionnelle n’est qu’une modalité possible d’exercice de la fonction
contentieuse, (laquelle) peut être également assurée par des organes

VEDEL Georges et DELVOLVÉ Pierre, Droit administratif, Tome 2, 1990, p. 23 : « Section 2 /


Distinction des recours administratifs et des recours contentieux » ; BENOIT Francis-Paul, Le
droit administratif français, Dalloz, 1968, p. 373 ; FRIER Pierre-Laurent et PETIT Jacques,
Précis de droit administratif, 6 ème éd., Montchrestien, p. 443 ; WALINE Jean, Droit administratif,
22 ème éd. Dalloz, Paris, 2008, p. 584 ; LASSERRE Bruno, « Recours », Répertoire Dalloz
contentieux adm.
42
Voir sur ce point : CONSEIL D’ÉTAT, Étude sur la prévention du contentieux administratif,
E.D.C.E., 1980-1981, p. 304 ; CONSEIL D’ÉTAT, Régler autrement les conflits : conciliation,
transaction, arbitrage en matière administrative, La documentation française, 1993 ; Rapport du
Sénat n o 400, Commission d’enquête sur le fonctionnement des juridictions administratives et
l’exécution de leurs décisions ainsi que sur les services chargés du contentieux administratif dans
les administrations publiques, 1991-1992, p. 45 et suivantes.
43
Rapport du Sénat n o 400, précité, p. 45 et suivantes, précité.
44
Voir en ce sens : BRISSON Jean-François, Les recours administratifs en droit public français.
Contribution à l’étude du contentieux administratif non juridictionnel, L.G.D.J., 1996, p. 16.
45
LEMOYNE DE FORGES Jean-Michel, « Recours pour excès de pouvoir », Répertoire Dalloz,
cont. adm., p. 54.

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administratifs » 46. Consécutivement, chaque fois qu’une autorité administrative est


appelée à se prononcer sur une réclamation sur la base du droit, elle peut être
regardée comme exerçant une fonction contentieuse.

Par suite, l’article 6 C.E.D.H., tel qu’il est interprété par les juges européens,
trouve à s’appliquer à condition, bien évidemment, que la contestation portée devant
l’administration mette en cause un droit de caractère privé. Tel est le cas, par
exemple, des recours administratifs dirigés contre une décision de retrait d’une
licence de boisson 47 ou de refus d’octroi d’un permis de construire 48, et de manière
générale à toutes les contestations portant sur un droit affectant le droit de propriété
ou une liberté professionnelle, qui sont évidemment civils.

Au regard de ce qui précède, force est de constater que l’œuvre


strasbourgeoise est parvenue à établir un lien solide entre le droit au procès équitable
et les autorités administratives.

Or, il convient de rappeler que les décisions rendues par la Cour européenne
des droits de l’homme, organe juridictionnel, s’imposent aux parties aux litiges 49. Il
s’agit là d’une différence majeure d’avec le Comité des droits de l’homme, qui n’est
qu'un organe consultatif dont les constatations « n'ont pas une force obligatoire » 50.

Par ailleurs, l’article 6 C.E.D.H. a une portée beaucoup plus étendue que
l’article 47 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne du
7 décembre 2000, laquelle est opposable aux États membres seulement depuis 2009 et
« uniquement lorsqu’ils mettent en œuvre le droit de l’Union » 51.

46
CHEVALLIER Jacques, « Fonction contentieuse et fonction juridictionnelle », in Mélanges
Stassinopoulos, L.G.D.J., 1974, p. 275.
47
CEDH, 07 juillet 1989, n o 10873/84, Tre Traktörer AB c/ Suède, Série A, n o 159, § 43
48
CEDH, 25 octobre 1989, n o 10842/84, Allan Jacobsson c/ Suède, Série A, n o 163.
49
Article 43 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés
fondamentales.
50
COHEN-JONATHAN Gérard, « Quelques observations sur le Comité des droits de l’homme des
Nations Unies », in Humanité et Droit international, Mélanges offerts à René-Jean Dupoy,
Pedone, Paris, 1991, p. 95.
51
Article 51 § 1 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne.

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C’est la raison pour laquelle nous mènerons notre recherche exclusivement à


l’aune du droit au procès équitable tel qu’il est garanti par l’article 6 C.E.D.H.

II. Intérêt de la présente recherche

Le débat relatif au droit au procès équitable et aux autorités administratives


peut apparaître, à première vue, comme l’un de ces thèmes récurrents sur lesquels une
importante partie de la doctrine s’est déjà penchée.

Il s’agit incontestablement d’un sujet qui a suscité une riche littérature 52,
notamment dans les années 2000, peu de temps après que le Conseil d’État a admis,
pour la première fois, l’applicabilité de l’article 6 C.E.D.H. en dehors de la sphère
juridictionnelle, aux autorités administratives indépendantes répressives. Illustration
éclatante de l’influence strasbourgeoise, l’arrêt « Didier » 53 du 3 décembre 1999
marque une véritable rupture avec la jurisprudence administrative antérieure. Jusqu’à
cette date, le Conseil d’État avait toujours réservé l’applicabilité du droit au procès
équitable aux seuls organismes juridictionnels 54. On lit, par exemple, sous la plume

52
FRISSON-ROCHE Marie-Anne, « Les autorités de régulation confrontées à la C.E.D.H. », L.P.A.,
10 février 1997, p. 17 ; BRISSON Jean-François, « Les pouvoirs de sanction des autorités de
régulation et l’article 6 § 1 de la Convention européenne des droits de l’homme. À propos d’une
divergence entre le Conseil d’État et la Cour de cassation », A.J.D.A., 20 novembre 1999, p. 847 ;
GUYOMAR Mattias et COLLIN Pierre, « L’application de l’article 6 § 1 C.E.D.H. aux autorités
de régulation : la position du Conseil d’État », L.P.A., 11 mai 2000, p. 3 ; ETOA Samuel et
MOULIN Jean-Marc, « L’application de la notion conventionnelle de procès équitable aux
autorités administratives indépendantes en droit économique et financier », C.R.D.F., n o 1, 2002,
p. 47 ; ZAVOLI Philippe, « L’emprise de la Convention européenne des droits de l’homme sur les
autorités de régulation ou le jeu des apparences », J.C.P., Cahiers de Droits de l’Entreprise, n o 2,
année 2004, p. 6 ; COLLET Martin, « Autorités de régulation et procès équitable », A.J.D.A.,
2007, p. 80 ; IDOUX Pascale, « Autorités administratives indépendantes et garanties
procédurales », R.F.D.A., 2010, p. 920 ; KOVAR Jean-Philippe, « La soumission des autorités de
régulation aux garanties du procès équitable », Revue de Droit bancaire et financier, mai 2010,
n o 3.
53
CE, Ass., 3 décembre 1999, n o 207434, Jean-Louis Didier, R.F.D.A., 2000 p. 584, concl. SEBAN
Alain ; D., 2000, p. 62, obs. BOIZARD M. ; A.J.D.A., 2000, p. 126, chron. GUYOMAR Mattias
et COLLIN Pierre ; R.A,. 2000, n o 313, p. 42, BRIERE J.-M., « L'arrêt Didier du 3 décembre
1999 : La guerre de tranchées » ; Bulletin Joly Bourse et produits financiers, 2000, n o 1, p. 29-38,
comm. BIENVENU PERROT Annick ; L.P.A., 11 mai 2000, n o 94, p. 3, comm. BONICHOT
Jean-Claude.
54
CE, Avis, Sect., 31 mars 1995, n o 164008, SARL Auto-Industrie Méric, Rec., p. 154 ; A.J.D.A.,
1995, p. 480 ; A.J.D.A., p. 739, note DREIFUSS Muriel ; R.F.D.A., 1995, p. 1172,
chr. LABAYLE Henri et SUDRE Frédéric ; R.J.F., 5/95, n o 623, p. 326, concl. Jacques ARRIGHI
DE CASANOVA.

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CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014

du commissaire du gouvernement Jean-Claude BONICHOT que l’article 6 C.E.D.H.


définit « les principes qui doivent gouverner un « procès équitable » 55, plus
précisément, les règles qui « s’appliquent aux juridictions dans le cadre d’un
procès » 56.

Il n’en demeure pas moins que la question de l’application du droit au procès


équitable aux autorités administratives reste bel et bien posée et, ce qui est
évidemment plus intéressant, l’est depuis quelque temps dans des termes
sensiblement renouvelés. Ces dernières années, la jurisprudence administrative a
effectivement connu deux rebondissements majeurs qui méritent et appellent de
nouvelles analyses.

Le premier résulte dans l’assujettissement de l’administration fiscale au


respect de l’article 6 C.E.D.H. Par une série d’arrêts rendus en 2006 57, le Conseil
d’État a reconnu l’opposabilité de cette stipulation au stade de la procédure
administrative d’établissement des sanctions fiscales. Pour ce faire, la haute
juridiction administrative a privilégié le critère d’applicabilité matériel qui prévaut
dans la jurisprudence européenne, et ce au détriment de sa lecture juridictionnelle du
droit au procès équitable. Il s’agit là d’une avancée jurisprudentielle considérable.
Pour en mesurer la portée, il faut rappeler que jusqu’alors, la seule exception
concédée par le Conseil d’État au principe de l’inapplicabilité du droit au procès
équitable à l’administration concernait les autorités administratives indépendantes
exerçant une fonction répressive. Il ressort des conclusions prononcées par
M. SÉNERS 58 que ce revirement a été déclenché par un arrêt de la Cour de

55
BONICHOT Jean-Claude, « L’application de l’article 6 § 1 de la C.E.D.H. aux autorités de
régulation : la position du Conseil d’État », L.P.A., no 94, 11 mai 2000, p. 3.
56
BONICHOT Jean-Claude, « L’application de l’article 6 § 1 de la C.E.D.H. aux autorités de
régulation : la position du Conseil d’État », L.P.A., no 94, 11 mai 2000, p. 3.
57
CE, 27 février 2006, no 257964, Krempff, JurisData n o 2006-080865 ; Droit fiscal, 2006, n o 29,
comm. 513, conclusion OLLEON Laurent ; R.J.F., 5/2006, n o 649 ; CE, 11 décembre 2006,
no 278806, Pessey, JurisData no 2006-081071 ; Droit fiscal, 2007, no 8, comm. 212 ; R.J.F.,
3/2007, n o 380 ; CE, 24 mars 2006, n o 257330, S.A. Martell and Co, R.D.F., n o 39, 28 septembre
2006, p. 1673 ; CE, 26 mai 2008, n o 288583, Société Norelec; Droit fiscal, 2008, no 28,
comm. 411, conclusions SÉNERS François.
58
CE, 26 mai 2008, n o 288583, Société Norelec, n o 2008-081339 ; Droit fiscal, 2008, n o 28,
comm. 411, conclusions SÉNERS François.

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CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014

Strasbourg du 3 mai 2001, « J.B. contre Suisse » 59. Dans cette affaire, les juges
européens ont reconnu la contrariété à l’article 6 C.E.D.H. d’une pénalité fiscale
infligée par l’administration, en raison de graves pressions exercées par cette dernière
contre le contribuable et qui ont été considérées comme contraires aux droits de
garder le silence et de ne pas contribuer à sa propre incrimination.

Le second se situe dans le prolongement de la décision précitée « Didier »


puisqu’il consacre la possibilité pour les justiciables d’invoquer l’article 6 C.E.D.H. à
l’encontre de la procédure suivie par les autorités administratives indépendantes dans
l’exercice de leur fonction contentieuse 60. Une fois de plus, les conclusions du
rapporteur public sur l’arrêt « Société Canal Plus » du 21 décembre 2012 font
clairement apparaître la volonté de la haute juridiction administrative de se
rapprocher de la démarche strasbourgeoise.

Ces récentes innovations jurisprudentielles témoignent de ce que le juge


administratif français tient désormais de plus en plus compte de l’interprétation
européenne du droit au procès équitable, n’hésitant pas, pour ce faire, à tempérer
sérieusement sa lecture organique de l’article 6 C.E.D.H.

En ce sens, elles pourraient être appréhendées comme l’antichambre d’une


évolution plus générale vers une interprétation exclusivement matérielle des critères
d’applicabilité de l’article 6 C.E.D.H. ou, à tout le moins, vers une extension du
champ d’application du droit au procès équitable à l’ensemble des autorités
administratives infligeant des sanctions.

Or, cette rencontre entre le droit au procès équitable et les autorités


administratives n’est pas sans soulever un certain nombre de difficultés.

Elle aboutit, tout d’abord, à une situation pour le moins étrange.

59
CEDH, 3 mai 2001, n o 31827/96, J.B. c/ Suisse.
60
CE, 21 décembre 2012, no 362347, Société Canal Plus, R.F.D.A., 2013, p. 70, concl. DAUMAS
Vincent ; DOMINO Xavier et BRETONNEAU Aurélie, « Concentrations : affaires Canal plus,
décodage », A.J.D.A., 2013, p. 215.

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CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014

L’impératif d’efficacité inhérent à la fonction répressive est l’une des


principales raisons ayant conduit à privilégier l’établissement de sanctions
administratives plutôt que pénales 61. Les sanctions administratives présentent,
effectivement, des avantages réels en termes de pertinence 62, de simplicité 63 et
d'efficacité 64 par rapport à la sanction pénale, laquelle pâtit de la lenteur et de la
lourdeur de la procédure juridictionnelle 65.

De ce point de vue, on peut se demander si la processualisation croissante de


l’activité répressive de l’administration, sous l’effet du droit au procès équitable,
n’est pas une contradiction en soi. Plus précisément, l’irruption du droit au procès
équitable dans la sphère administrative ne va-t-elle pas à rebours de l’objectif
initialement prévu ? Quel devient, en effet, l’intérêt d’externaliser la sanction dès lors
que l’on applique aux autorités administratives répressives les mêmes exigences
procédurales que celles imposées au juge ?

Ainsi que l’a souligné à juste titre M. JEGOUZO, « le paradoxe est donc qu'au
moment même où elles se développent les sanctions administratives doivent se couler

61
Voir en ce sens : DELMAS-MARTY Mireille et TEITGEN-COLLY Catherine, Punir sans juger ?
De la répression administrative au droit administratif pénal, Economica, Paris, 1992, p. 18 ;
CONSEIL D’ÉTAT, Les pouvoirs de l’administration dans le domaine des sanctions, La
documentation française, 1995, p. 70 et suivantes ; ROBERT Jacques-Henri., « L’alternative entre
les sanctions pénales et les sanctions administratives », A.J.D.A., 2001, n o spécial, p. 90 et
suivantes ; SAUVE Jean-Marc, « Les sanctions administratives en droit public français »,
A.J.D.A., 2001, n o spécial, p. 19.
62
Portant sur des contentieux parfois techniques, elle est mieux acceptée car elle est réputée infligée
par un auteur disposant de la compétence technique et de l'expérience pratique recquises pour
apprécier les fautes commises et proportionner la sanction à celles-ci. Elle peut frapper aussi,
depuis très longtemps, les personnes morales, alors que ces dernières ne peuvent être pénalement
responsables que depuis l'entrée en vigueur du nouveau Code pénal, le 1 er mars 1994.
63
Elles peuvent être prononcées en évitant toutes les étapes de la procédure pénale. Elles permettent
de faire face rapidement à des contentieux de masse comme en matière d'impôt ou de sécurité
routière.
64
Elle permet d’éviter les délais que la saisine du juge pénal comporte. Elle est immédiatement
exécutoire et le reste, sauf prononcé du sursis à exécution. Enfin, la sanction administrative
parvient, mieux sans doute que la sanction pénale, à atteindre le double objectif sous-jacent à
toute punition : la « rétribution » du comportement fautif, mais aussi la prévention de celui-ci.
65
Voir en ce sens : DELMAS-MARTY Mireille et TEITGEN-COLLY Catherine, Punir sans juger ?
- de la répression administrative au droit administratif pénal, Economica, Paris, 1992, p. 18 ;
CONSEIL D’ÉTAT, Les pouvoirs de l’administration dans le domaine des sanctions, La
documentation française, 1995, p. 70 et suivantes; ROBERT Jacques-Henri., « L’alternative entre
les sanctions pénales et les sanctions administratives », A.J.D.A., 2001, n o spécial, p. 90 et
suivantes ; SAUVE Jean-Marc, « Les sanctions administratives en droit public français »,
A.J.D.A., 2001, n o spécial, p. 19.

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CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014

dans des procédures qui les rapprochent de la sanction pénale, ce qui pose le
problème de leur efficacité, de leur spécificité, aujourd'hui, de leur maintien,
demain » 66.

Parallèlement, l’application du droit au procès équitable aux autorités


administratives peut se révéler malaisée, voire impossible dans la mesure où
« l’application à une procédure administrative de principes conçus pour une
procédure juridictionnelle n’est pas naturelle » 67. Comment, en effet, imposer aux
autorités administratives certaines des garanties du procès équitable qui se heurtent
fondamentalement à leur nature juridique et au régime auquel le droit interne les
soumet pour garantir l’efficacité de leur action ?

Par exemple, en cas de recours gracieux, c’est-à-dire de recours porté devant


l’auteur même de la décision contestée, donc devant l’une des parties au litige,
comment exiger que cette autorité soit impartiale ? Comment même exiger qu’elle
soit indépendante, s’il s’agit d’une autorité prise dans une hiérarchie administrative ?

Dès lors, la question se pose de savoir jusqu’où une autorité administrative


peut se voir imposer les mêmes règles que celles mises en œuvre devant les
juridictions.

Plus fondamentalement, l’obligation faite aux autorités administratives de se


conformer à des règles procédurales traditionnellement réservées aux autorités
juridictionnelles a, pour le droit français, une résonance historique forte. Cette
situation renvoie à la question des rapports entre l’administration et la juridiction. Nul
n’ignore, à cet égard, que la tradition du droit public français est marquée par une
certaine confusion de la fonction administrative et de la fonction juridictionnelle 68,

66
JEGOUZO Yves, « Les sanctions administratives, actualité et perspectives », A.J.D.A., 2001, p. 1.
67
Concl. GUYOMAR Matthias, sur CE, Sect., 27 octobre 2006, n os 276069, 277198 et 277460,
Parent et autres, A.J.D.A., 2007, p. 80, note COLLET Martin ; L.P.A., 2007, n o 133, note
DUBRULLE Jean-Baptiste.
68
Voir sur ce sujet : CHEVALLIER Jacques, L'élaboration historique du principe de séparation de
la juridiction administrative et de l'administration active, L.G.D.J., 1970.

- 29 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014

laquelle s’est cristallisée dans le système de l’administrateur juge entériné par les
révolutionnaires 69.

En 1790, encore profondément marquée par les abus qui avaient été commis
par les Parlements de l'Ancien Régime, l’Assemblée constituante a refusé d’attribuer
aux tribunaux « ordinaires », c’est-à-dire judiciaires, le règlement du contentieux
administratif. La loi des 16-24 août 1790 proclame, en ce sens, que « Les fonctions
judiciaires sont distinctes et demeureront toujours séparées des fonctions
administratives. Les juges ne pourront, à peine de forfaiture, troubler, de quelque
manière que ce soit, les opérations des corps administratifs, ni citer devant eux les
administrateurs pour raison de leurs fonctions. » 70. Les Constituants ont également
rejeté la proposition qui leur avait été faite de créer des tribunaux administratifs.
Selon eux, de tels organismes présentaient le défaut majeur de rappeler l’institution
fréquente de « juridictions d’exception » sous l'Ancien Régime. En définitive, la
compétence en matière de contentieux administratif est confiée à des collèges,
composés de membres de l’administration elle-même, ainsi qu’au gouvernement.
Ainsi, la loi des 6, 7 et 11 septembre 1790 attribue, au niveau territorial, le traitement
de certaines réclamations contre l’administration aux autorités locales. La loi des 7 et
14 octobre 1790 réserve au Roi, chef de l’administration générale, les réclamations
d’incompétence. Enfin, le décret du 16 fructidor an III dispose de façon très claire :
« Défenses itératives sont faites aux tribunaux de connaître des actes
d’administration, de quelque espèce qu’ils soient ». Aussi étrange que cela puisse
paraître, l’œuvre révolutionnaire s’inscrit donc dans le prolongement de la
tradition monarchique. Elle perpétue « la politique constante de l’Ancien Régime,
telle qu’elle avait notamment été exprimée par Richelieu dans l’édit de Saint-
Germain de février 1641 et, vingt ans plus tard, par Louis XIV, dans l’arrêt du

69
Voir sur ce sujet : GOYARD Claude, La compétence des tribunaux judiciaires en matière
administrative, Montchrestien, 1962 ; LEGENDRE Pierre, Histoire de l’administration de 1750
à nos jours, P.U.F., 1968 ; CHEVALLIER Jacques, L'élaboration historique du principe de
séparation de la juridiction administrative et de l'administration active, L.G.D.J., 1970 ;
GUGLIELMI Gilles, La notion d’administration publique dans la théorie juridique française. de
la révolution à l’arrêt Cadot (1789-1889), L.G.D.J., 1991 ; BURDEAU François, Histoire de
l’administration française du XVIIIe siècle à nos jours, Montchrestien, 1991.
70
Article 13 du titre II de la loi sur l’organisation judiciaire des 16 et 24 août 1790.

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CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014

Conseil du roi du 8 juillet 1661 » 71. La juridiction administrative, c’est alors


essentiellement, l’administration qui se juge. L’action et la juridiction sont réunies
entre les mains de l’administration. Et ce faisant, les Constituants ne considèrent pas
porter atteinte au principe de la séparation des pouvoirs consacré à l’article 16 de la
Déclaration de 1789 comme pierre angulaire de toute société légitimement constituée.
Juger l’administration « est conçu comme devant aller de pair avec l’action
d’administrer ; et par suite, comme devant être inclus dans les attributions des
administrateurs eux-mêmes » 72.

Or, il convient de souligner qu’à cette époque, c’est l’indétermination


procédurale qui règne en contentieux administratif 73. Au cours de la période
révolutionnaire, « rendre la Justice (administrative) est (effectivement) une opération
administrative comme une autre qui ne nécessite aucune formalité spéciale » 74.
Aucune distinction n’est opérée entre les affaires administratives et les affaires
contentieuses, à l’exception du contentieux fiscal où les administrateurs-juges
recourent à des registres à colonnes et où est consacré le principe de la publicité des
séances 75. Toutes les décisions, quelles qu’elles soient, comportent une procédure
identique à celle prévalant en matière administrative. En consacrant le principe de la
séparation des autorités administratives et judiciaires, les révolutionnaires ont
effectivement voulu que les administrateurs actifs, qui paraissaient plus à même que

71
CHAPUS René, Droit du contentieux administratif, Montchrestien, 12 ème éd., n o 30, p. 44.
72
CHAPUS René, Droit du contentieux administratif, Montchrestien, 12 ème éd., n o 30, p. 44.
73
Voir sur ce sujet : ISAAC Guy, La procédure administrative non contentieuse, L.G.D.J., 1968.
Voir également sur ce sujet : LANGROD Gérard, « Procédure administrative et Droit
administratif », R.D.P., 1948, p. 549 ; FETTU Abel, La justice retenue, sa disparition dans le
contentieux administratif, Thèse, Rennes, 1919 ; BIATARANA Jean, Les tribunaux administratifs
spéciaux et la séparation entre l’administration et de la juridiction, Thèse, Bordeaux, 1935 ;
AUBY Jean-Marie, « La procédure administrative non contentieuse », D., 1956, chr. VII ;
RIVERO Jean, « Le système français de protection des administrés contre l’arbitraire
administratif à l’épreuve des faits », in Mélanges Dabin, Bruxelles, 1963, t. II, p. 819 ;
SANDEVOIR Pierre, Études sur le recours de pleine juridiction, L.G.D.J., 1964 ; CHEVALLIER
Jacques, L'élaboration historique du principe de séparation de la juridiction administrative et de
l'administration active, L.G.D.J., 1970.
74
CHEVALLIER Jacques, L'élaboration historique du principe de séparation de la juridiction
administrative et de l'administration active, L.G.D.J., 1970, p. 82.
75
Voir en ce sens les travaux de GABOLDE Jean, « De la juridiction de l’Intendant au Conseil de
préfecture », in Bulletin de la Société des antiquaires de Normandie, t. LIII, 1955-1956, p. 330
et s.

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CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014

les juges de vider les litiges, se voient débarrasser « de tout l’appareil de la


chicane » 76.

En réalité, l’émergence de la Juridiction administrative et sa séparation d’avec


l’Administration se feront, en dehors de toute consécration organique préalable, sur la
seule base d’une différenciation procédurale 77.

Déjà, sous la Constitution de l’an VIII, la séparation organique entre


l’administration active et l’administration contentieuse 78, qui est marquée par la
création du Conseil d’État et des conseils de préfecture, vise à offrir aux administrés
des garanties de procédure. « Remettre le contentieux de l’administration à un
Conseil de Préfecture a paru nécessaire pour garantir les parties intéressées de
jugements rendus sur des rapports et des avis de bureaux », déclarait
M. ROEDERER, rapporteur devant le Corps législatif de la loi du 28 pluviôse
an VIII.

De même, la spécialisation juridictionnelle opérée en 1806 au sein du Conseil


d’État intervient parce que l’Empereur, rapporte l’un de ses conseillers, « reconnut
que dans le nombre des affaires sur lesquelles il statuait chaque jour d’après l’avis
du Conseil d’État, il y en avait beaucoup qui intéressaient l’honneur ou la fortune
des citoyens et qui devaient être instruites autrement qu’une autorisation de coupe de
bois ou un règlement sur la voirie. Il fallait organiser dans le sein du Conseil d’État
un tribunal qui procéderait selon les formes ordinaires de la justice et qui entendrait
surtout les parties » 79.

Pour atteindre ces objectifs procéduraux, deux décrets furent alors adoptés.

Le premier, celui du 11 juin 1806, confie l’instruction des affaires


contentieuses à une formation nouvelle et spécialisée : la commission du contentieux.
« Quoique dépourvue d’autorité juridictionnelle et restreinte à une besogne de

76
PEZOUS, Discussion sur le vote de la loi des 6 juillet et 11 septembre 1790, Séance du 9 août.
77
Voir sur ce sujet : ISAAC Guy, La procédure administrative non contentieuse, Thèse, L.G.D.J.,
1968. Nul mieux que lui n’a su, effectivement, rappeler que l’émergence de la Juridiction
administrative et sa séparation d’avec l’Administration se sont faites, en dehors de toute
consécration organique préalable, sur la seule base d’une différenciation procédurale.
78
Rapport sur la création des Conseils de préfecture, séance du 18 pluviôse an VIII.
79
PELET DE LA LOZÈRE Joseph, « Opinions de Napoléon », Paris, 1833, p. 183.

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CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014

préparation, la commission du contentieux apparaît comme le germe fécond et


puissant qui, se développant avec le temps, a transformé le Conseil d’État » 80
soulignait Abel FETTU. Avec l’institution de cette commission en son sein,
l’organisation du Conseil d’État commence à répondre à la distinction de sa mission
contentieuse et de ses attributions consultatives. Jusque-là, qu’il s’agisse ou non de
contentieux, les affaires étaient d’abord instruites par une des cinq sections du
Conseil d’État puis délibérées par l’assemblée générale sans réelle différenciation
procédurale.

Le second, celui du 22 juillet 1806, instaure la saisine directe et comporte une


définition de la procédure à observer qui est désormais contradictoire et dont les
règles sont directement inspirées du règlement du Conseil du roi de 1738.

Ces réformes ont constitué « un grand pas » 81 dans l’évolution de la justice


retenue vers un rapprochement de plus en plus intime avec la justice déléguée. « En
1806 », écrit le professeur SANDEVOIR, « le Conseil d’État n’était déjà plus un
simple « service du contentieux », déjà, il devenait un juge » 82. Avec l’instauration
d’organes spécialisés dans la solution des litiges administratifs, même aux pouvoirs
encore réduits et étroitement liés à l’administration active, c’est « l’instrument des
progrès futurs de la juridiction administrative [qui] est créé » 83.

Les innovations procédurales introduites par les ordonnances des 2 février et


12 mars 1831 vont largement contribuer à renforcer ce sentiment. L’organisation de
la publicité des audiences, la reconnaissance du droit pour les avocats de compléter
leurs mémoires écrits par des explications orales, la nomination de trois commissaires
du Roi chargés de conclure en séance selon la loi et leur conscience ainsi que la non-
participation des conseillers d’État en service extraordinaire aux délibérations de

80
FETTU Abel, La justice retenue, sa disparition dans le contentieux administratif, Thèse, Rennes,
1919, p. 48.
81
LABAYLE Joseph, La décision préalable, Thèse, Paris, 1907, p. 162 ; APPLETON Jacques,
R.G.D., 1898, p. 208.
82
SANDEVOIR Pierre, Études sur le recours de pleine juridiction, L.G.D.J., 1964, p. 184. Voir
également dans le même sens : CHAPUS René, Droit du contentieux administratif,
Montchrestien, 12 ème éd., p. 70 et p. 71, n o 66.
83
CHEVALLIER Jacques, L’élaboration historique du principe de séparation de la juridiction
administrative et de l’administration active, L.G.D.J., 1970, p. 95.

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CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014

l’assemblée générale en matière contentieuse, permettent au Conseil d’État de se


distinguer définitivement de l’Administration et d’affirmer, là encore, son caractère
juridictionnel. Au final, « l’attribution d’un pouvoir de décision propre avec
l’abandon du principe de la justice retenue aura une importance seulement
théorique » 84, le Conseil d’État présentant, bien avant ces dispositions, les traits
d’une véritable juridiction.

C’est donc le développement progressif de certaines garanties procédurales


telles que les principes d’impartialité et de la contradiction, lorsque l’administration
agit comme juge, qui a lentement sonné le glas de la confusion entre la fonction
juridictionnelle et la fonction administrative active. De ce point de vue, il n’est pas
absurde de redouter que l’expansion du droit au procès équitable devant les autorités
administratives participe au rétablissement de cette confusion passée. En d’autres
termes, l’application d'une procédure juridictionnelle aux autorités administratives ne
risque-t-elle pas d’entraîner une juridictionnalisation de l’administration ?

D’un autre côté, il faut bien reconnaître qu’en dehors du droit au procès
équitable, il existe déjà une certaine juridictionnalisation d’au moins une partie de la
procédure administrative. Certaines des exigences énoncées à l’article 6 C.E.D.H.
trouvent ainsi à s’appliquer aux autorités administratives répressives en vertu du seul
droit interne. Tel est le cas des principes des droits de la défense 85 et d’impartialité 86,
lesquels constituent, en vertu de la jurisprudence administrative, des principes
généraux du droit opposables aux autorités administratives répressives. De la même
manière, dans la jurisprudence constitutionnelle, le principe du partage du pouvoir de
sanction en faveur des autorités administratives est admis sous réserve de
l’application des principes fondamentaux du droit pénal et de la procédure pénale 87.

84
ISAAC Guy, La procédure administrative non contentieuse, L.G.D.J., 1968, p. 27.
85
CE, Sect., 17 juin 1930, Rebeyrolles, Rec., p. 76 ; CE, Sect., 5 mai 1944, Dame Veuve Trompier-
Gravier, Rec., p. 133.
86
CE, 20 décembre 1872, Ville de Reims ; CE, Sect., 20 juin 1958, Louis, Rec., p. 368 ; CE, 17 juin
1927, Vaulot, Rec., p. 683 ; CE Sect., 9 novembre 1966, Commune de Clohars-Carnoët ; CE,
8 janvier 1992, n o 96654, Me Serondi-Babonaux.
87
Décision n o 76-70 DC du 2 décembre 1976, Rec., p. 39 ; Décision n o 80-127 DC du 20 janvier
1981, RIVERO Jean, « Autour de la loi sécurité et liberté. « Filtrer le moustique et laisser passer
le chameau » ? », A.J.D.A., 1981, p. 275 ; PHILIP Loïc, R.D.P., 1981, p. 651 ; Décision n o 2000-
433 DC du 27 juillet 2000, Loi modifiant la loi n o 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la

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CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014

Ainsi, « la sanction susceptible d’être infligée (doit être) exclusive de toute privation
de liberté et (…) l’exercice du pouvoir (doit être) assorti par la loi de mesures
destinées à sauvegarder les droits et libertés constitutionnellement garantis ». Parmi
ces dernières, figure le respect des principes fondamentaux du droit pénal et de la
procédure pénale. Une sanction ayant le caractère d’une punition « ne peut être
infligée qu’à la condition que soient respectés le principe de la légalité des délits et
des peines, le principe de nécessité des peines, le principe de non rétroactivité de la
loi pénale d’incrimination plus sévère, (…) le respect du principe des droits de la
défense » 88, mais également le principe de la présomption d’innocence 89. En outre, la
personne sanctionnée doit avoir la possibilité d’exercer un recours de pleine
juridiction 90 à l’encontre de la sanction administrative et d’en demander le sursis à
l'exécution 91.

Il reste que les règles d’organisation procédurale constituent, dans la


jurisprudence administrative, un indice de la nature juridictionnelle d’un organisme 92.

liberté de communication, cons. n o 50, JACQUINOT Nathalie, R.F.D.C., 2001, n o 45, p. 86 ;


Décision n o 97-389 DC du 22 avril 1997, Loi portant diverses dispositions relatives à
l’immigration, cons. 3, LECUCQ Olivier, R.F.D.C., 1997, p. 571 ; Décision n o 2010-69 QPC du
26 novembre 2010, PERRIER Jean-Baptiste, « Communication d'informations et présomption
d'innocence », R.F.D.C., juillet 2011, n o 87, p. 574 ; Décision n o 2010-38 QPC du 29 septembre
2010.
88
Décision n o 92-307 DC du 25 février 1992, cons. n o 25, R.F.D.C., 1992, p. 311, obs. GAIA
Patrick ; Pouvoirs, 1992, n o 62, p. 173, p. 189 à p. 192, obs. AVRIL Pierre et GICQUEL Jean ;
Voir également : décision n o 93-325 DC du 13 août 1993, Rec. Cons. const., p. 224 ; A.J.D.A.,
1994, p. 97, note TEITGEN-COLLY Catherine ; L.P.A., 9 septembre 1993, n o 108, p. 4, note
MATHIEU Bertrand et VERPEAUX Michel ; R.D.P., 1994, p. 5, note LUCHAIRE François ;
R.F.D.A., 1993, p. 871, note GENEVOIS Bruno.
89
Décision n o 99-411 DC du 16 juin 1999, Rec. Cons. const., p. 75 ; A.J.D.A., 1999, p. 694, note
SCHOETTL Jean-Marc ; D. , 1999, p. 589, note MAYAUD Yves ; D. , 2000, Somm., 113, note
ROUJOU de BOUBÉE Gabriel ; R.D.P., 1999, p. 1287, note LUCHAIRE François ; R.F.D.C.,
1999, p. 587, note SCIORTINO-BAYARD Stéphan.
90
Décision no 93-325 DC du 13 août 1993, précitée.
91
Décision n o 86-224 DC du 23 janvier 1987, Rec. Cons. const., p. 8 ; A.J.D.A., 1987, p. 345, note
CHEVALLIER Jacques ; D. , 1988, p. 117, note LUCHAIRE François ; J.C.P., 1987, II, 20854,
note SESTIER Jean-François ; L.P.A., 12 février 1987, p. 21, note SELINSKY Véronique; Rev.
adm., 1988, p. 29, note SOREL Jean-Marc ; R.F.D.A., 1987, p. 287, note GENEVOIS Bruno ;
R.F.D.A., 1987, p. 301, note FAVOREU Louis ; R.D.P., 1987, p. 1341, note GAUDEMET Yves.
92
CE, Ass., 12 juillet 1969, n o 72480, L’Étang, Rec., p. 388 ; A.J.D.A., 1969, p. 559, DEWOST
Jean-Louis et DENOIX de SAINT-MARC Renaud ; R.D.P., 1970, p. 387, WALINE Marcel ; CE,

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CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014

Il fût un temps où le Conseil d’État les avait même érigées en critère exclusif
de la qualification de juridiction. Ainsi, au lendemain de la première guerre mondiale,
lorsque le législateur multipliait les interventions pour organiser des procédures de
réclamations devant des commissions administratives spécialisées 93, le Conseil
d’État, appelé à connaître des recours formés contre les actes rendus par ces autorités,
a préféré découvrir systématiquement en elles des juridictions administratives
spéciales 94. Pourtant, il faut bien admettre que ces organismes, composés le plus
souvent d’administrateurs actifs, relevant des ministères ou des services
administratifs et chargés de résoudre des litiges principalement techniques en suivant
une procédure définie par le pouvoir exécutif, se rattachaient davantage à
l’administration. Pour justifier cette qualification juridictionnelle, le Conseil d’État
s’est fondé essentiellement sur la procédure de recours instituée devant ces autorités.
Dans son arrêt « Martin » du 1er avril 1938, la haute juridiction affirme, en ce sens,
« qu’il résulte de l’article 1er de la loi du 6 juillet 1934 dont les dispositions ont été
précisées par le décret pris en Conseil d’État le 5 septembre suivant, dans ses
articles 7 à 14, que la commission de révision des marchés constitue une juridiction
administrative ». Or, les articles 7 à 14 du décret du 5 septembre 1934 ne faisaient
que définir les formes et la procédure d’instruction des recours adressés à ladite
commission. Les garanties procédurales protectrices pour les droits et intérêts des
particuliers sont ainsi devenues le critère déterminant de la qualité de juridiction. Plus
encore, elles ont même semblé constituer la propriété exclusive de la juridiction, de
sorte que quand elles parvenaient jusqu’à l’administration, elles convertissaient sa

4 janvier 1985, n o 43953, M. BODET ; CE, 13 février 1987, n o 53118, M. LANIAUD ; Voir
également sur ce point : GOHIN Olivier, « Qu’est-ce qu’une juridiction ? », Droits, 1989, p. 93.
93
Voir, par exemple : l’article 12 de la loi du 27 juillet 1917 qui institue un recours devant le
Conseil supérieur de l’office national des pupilles de la nation ; la loi du 31 mars 1919 qui prévoit
un recours devant la cour régionale des pensions ; l’article 126 de la loi du 31 mai 1933 qui met
en place un recours devant la commission supérieure de révisions des pensions de guerre ; la loi
du 21 juillet 1922 qui prévit un recours devant la commission supérieure des soins gratuits.
94
Voir sur ce sujet : LAFERRIÈRE Jean, R.D.P., 1919, p. 129 ; ARNAUD Pierre, Les commissions
administratives à caractère juridictionnel, Thèse, Paris, 1938 ; MABILEAU Jean, De la
distinction des actes d’administration active et des actes administratifs juridictionnels, Thèse,
Paris, 1943, p. 116 à p. 234.

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CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014

nature. L’arrêt « Leroux » 95 du 12 juillet 1929 est, à cet égard, significatif. Après
avoir constaté le caractère administratif de la Chambre du contentieux administratif
de l’Office supérieur des Assurances de la Moselle, le Conseil d’État juge que
« ladite chambre statue selon une procédure juridictionnelle ; qu’elle constitue, dès
lors, une juridiction administrative spéciale ». Cette position jurisprudentielle a été
fort bien relayée par certains auteurs de l’époque. C’est ainsi que M. DE FONT-
RÉAULX soulignait que les règles de procédure constituent « des indices très
précieux quand il s’agit de déterminer quels sont les organes juridictionnels » 96.

C’est dire aussi que l’irruption du droit au procès équitable dans la sphère
administrative implique d’examiner de nouveau l’une des questions classiques de
notre droit public, celle des critères de la distinction entre autorité administrative et
autorité juridictionnelle.

III. Axes de recherche

Au regard des considérations qui précèdent, on mesure toute l’importance de


définir l’emprise exacte du droit au procès équitable sur les autorités administratives.

Cet objectif commande notre démarche.

Dans un premier temps, il nous a paru nécessaire de tracer avec précision les
frontières du droit au procès équitable.
La définition des critères d’applicabilité de l’article 6 § 1 C.E.D.H., telle
qu’elle résulte des jurisprudences européenne, judiciaire et administrative, est,
effectivement, une étape indispensable pour deux raisons. D’une part, elle permet
d’identifier les organes susceptibles d’être concernés par les garanties de l’article 6
C.E.D.H., ce qui est essentiel pour apprécier l’influence de cette stipulation sur les
autorités administratives. D’autre part, elle permet de mettre en exergue les

95
CE, 12 juillet 1929, Leroux, Rec., p. 710.
96
DE FONT-RÉAULX Pierre, Le contrôle du Conseil d’État sur les décisions des autres tribunaux
administratifs, Thèse, Sirey, 1930, p. 46 à p. 47.

- 37 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014

différences et les ressemblances de lectures dont fait l’objet le droit au procès


équitable et, par suite, de se prononcer sur les évolutions jurisprudentielles à venir.

A cet égard, nous pourrons observer que l’applicabilité du droit au procès


équitable à l’administration constitue l’un des points de divergence les plus marqués
entre, d’une part, les instances de Strasbourg et la Cour de cassation et, d’autre part,
la haute juridiction administrative française. Pour les premières, l’applicabilité du
droit au procès équitable dépend exclusivement de l’existence d’une « accusation en
matière pénale » ou d’une « contestation sur des droits et des obligations de caractère
civil » 97. Une autorité satisfaisant à ce critère matériel, se trouvera ainsi happée dans
le champ d’application du droit au procès équitable. Au contraire, pour le Conseil
d’État, la démonstration de ce critère matériel ne suffit pas. Une autre condition est
exigée, et même examinée prioritairement par le juge administratif pour rendre
l’article 6 C.E.D.H. opposable. Elle tient à la nature juridictionnelle de l’organisme à
l’encontre duquel est soulevé le moyen tiré de la méconnaissance de cette
stipulation 98.

Nous verrons toutefois que ce conflit d’interprétation s’est nettement apaisé


ces dernières années. Le juge administratif a, en effet, concédé des exceptions
notables à sa lecture juridictionnelle du droit au procès équitable en admettant
l’applicabilité de l’article 6 C.E.D.H. aux autorités administratives indépendantes 99 et
à l’administration fiscale 100. Ce constat nous mènera avec d’autant plus d’intérêt au
second temps de notre recherche.

97
CEDH, 16 juillet 1971, n o 2614/65, Ringeisen c/ Autriche, précité : CEDH, 21 février 1975,
n o 4451/70, Golder c/ Royaume-Uni, § 36, précité, CEDH, 23 juin 1981, n os 6878/75, 7238/75, Le
Compte, Van Leuven et De Meyere c/ Belgique, § 50, précité ; CEDH, 22 octobre 1984,
n o 8790/79, Sramek c/ Autriche, précité ; CEDH, 20 novembre 1995, n o 19589/92, British-
American Tobacco Company Ltd c/ Pays-Bas, précité.
98
CE, Avis, Sect., 31 mars 1995, n o 164008, SARL Auto-Industrie Méric, précité.
99
En matière répressive : CE, Ass., 3 décembre 1999, no 207434, Jean-Louis Didier, précité. En
matière contentieuse : CE, 21 décembre 2012, n o 362347, Société Canal Plus, précité.
100
CE, 27 février 2006, n o 257964, Krempff, précité ; CE, 11 décembre 2006, n o 278806, Pessey,
précité ; CE, 24 mars 2006, no 257330, S.A. Martell and Co, précité ; CE, 26 mai 2008,
n o 288583, Société Norelec, précité.

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CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014

On ne peut, effectivement, évaluer l’emprise exacte du droit au procès


équitable sur les autorités administratives sans chercher à déterminer les garanties du
procès équitable opposables aux autorités administratives. Cette partie de notre étude
est importante puisqu’elle permet de mesurer concrètement les conséquences de
l’irruption du droit au procès équitable dans la sphère administrative.

Nous pourrons constater que la Cour de Strasbourg, le Conseil d’État et la


Cour de cassation ont tranché en faveur d’une application mesurée des exigences du
droit au procès équitable. C’est ainsi qu’en l’état actuel des jurisprudences
européenne et française, seules certaines des garanties énoncées à l’article 6 C.E.D.H.
peuvent être utilement invoquées contre les autorités administratives. Les autres
demeurent inopposables.

Dès lors, il ne sera pas superflu, après avoir étudié l’applicabilité et


l’application des exigences du droit au procès équitable aux autorités administratives,
de se demander en concluant si l’emprise du droit au procès équitable sur les autorités
administratives conduit réellement à troubler la distinction entre l’administration et la
juridiction.

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CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014

PARTIE 1

L’APPLICABILITÉ CONFLICTUELLE DU DROIT AU PROCÈS


ÉQUITABLE AUX AUTORITÉS ADMINISTRATIVES

« Toutes les normes juridiques appellent une interprétation en tant qu'elles


doivent être appliquées » 101.

Tel est le constat formulé sous la plume de Hans KELSEN, il y a plus de


cinquante ans déjà, et qui trouve une manifestation particulièrement éclatante à
travers l’application de l’article 6 § 1 C.E.D.H., confluent remarquable du pouvoir
d'interprétation des juges européens et nationaux.

De prime abord, la rédaction de cette stipulation, en tant qu’elle fait référence


à la notion de « tribunal indépendant et impartial », semble réserver l’applicabilité du
droit au procès équitable aux seules procédures contentieuses suivies devant les
juridictions. Une telle approche peut d’ailleurs se prévaloir de la Convention de
Vienne sur le droit des traités, qui sans ignorer les interprétations systématique et
téléologique, incite, à travers son article 31 § 1 102, à adopter une interprétation
textuelle des engagements internationaux.

Pourtant, quelques années après son institution, la Cour de Strasbourg n’a pas
hésité à se détacher de cette lecture classique de l’article 6 § 1 C.E.D.H., nonobstant
quelques opinions dissidentes formulées en son sein 103, pour faire prévaloir une

101
KELSEN Hans, Théorie pure du droit, traduction française par EISENMANN Charles, Paris,
Dalloz, 1962, p. 454.
102
L’article 31 § 1 de la Convention de Vienne du 23 mai 1969 stipule : « Un traité doit être
interprété de bonne foi suivant le sens ordinaire à attribuer aux termes du traité dans leur
contexte et à la lumière de son objet et de son but. »
103
Voir l’opinion du juge Gérald FITZMAURICE se déclarant partisan d’une « interprétation
prudente et conservatrice, surtout pour les dispositions dont le sens peut être incertain et là où
des interprétations extensives pourraient aboutir à imposer aux États contractants des
obligations qu'ils n'ont pas vraiment voulu assumer ou qu'ils n'ont pas eu conscience
d'assumer » sur CEDH, 21 février 1975, n o 4451/70, Golder c/ Royaume-Uni ; Voir également
l’opinion du juge Giuseppe SPERDUTI soulignant que « le principe de séparation de
l'Administration et du juge a été consacré principalement en matière civile. Il n'est pas absent,

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CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014

interprétation finaliste du texte conventionnel 104. Dans un arrêt « Wemhoff


c/ Allemagne » du 27 juin 1968, elle affirme de manières prétorienne et péremptoire
que « S’agissant d'un traité normatif, il y a lieu […] de rechercher quelle est
l'interprétation la plus propre à atteindre le but et à réaliser l'objet de ce traité et
non celle qui donnerait l'étendue la plus limitée aux engagements des Parties » 105. Ce
faisant, et comme l’a pertinemment relevé le professeur Frédéric SUDRE, « la Cour
européenne des droits de l'Homme […] sans négliger la nature internationale de
l'instrument conventionnel et les contraintes qui en découlent » a manifesté la préva-
lence qu’elle entendait accorder à « la dimension droits de l’homme sur la dimension
« traité international » 106.

Dans le cadre de cette interprétation finaliste, la notion de société


démocratique, consacrée dans le préambule du Traité, revêt, aux yeux de la Cour, un
caractère déterminant 107 en tant que reflet de « l’esprit général » 108 de la Convention.
Le principe est clairement posé dans l’affaire « Soering c/ Royaume-Uni » jugée
le 7 juillet 1989 : « La Convention doit se lire en fonction de son caractère
spécifique, de façon à rendre concrètes et effectives les exigences de protection des

on le verra, de la matière pénale. On pourrait être amené à penser que, au dire de la Cour, toute
procédure, susceptible d'avoir des répercussions sur des procédures administratives internes,
rentre parmi celles que règle l'article 6, paragraphe 1, si bien que tout État partie à la
Convention devrait se faire un devoir de s'en tenir aux prescriptions de ce même paragraphe lors
du déroulement des procédures en question. Contre une telle manière de raisonner, il faut
s'élever résolument. Une telle atteinte à l'autonomie des États, notamment dans le domaine
administratif est très peu convenable » sur CEDH, rapport, 8 octobre 1983, Benthem c/ Pays-
Bas, série B n o 50, p. 41.
104
EISSEN Marc-André, Jurisprudence relative à l’article 6 de la Convention, Strasbourg, Conseil
de l’Europe, 1985, p. 2 ; COHEN-JONATHAN Gérard, « 50 ème anniversaire de la Convention
européenne des droits de l’homme », R.G.D.I.P., 2000, p. 849 ; SUDRE Frédéric,
« L’interprétation dynamique de la Cour européenne des droits de l’homme », in L’office du
juge, Actes du colloque tenu à Paris les 29 et 30 septembre 2006.
105
CEDH, 27 juin 1968, no 2122/64, Wemhoff c/ Allemagne, série A, no 7, § 8.
106
SUDRE Frédéric, « L’interprétation dynamique de la Cour européenne des droits de l’homme »,
in L’office du juge, Actes du colloque tenu à Paris les 29 et 30 septembre 2006.
107
KLINKERT Cathy, La notion de société démocratique dans la jurisprudence de la Cour
européenne des droits de l’homme, Mémoire, I.E.P. Strasbourg, 1980 ; FABRE-ALIBERT
Véronique, « La notion de « société démocratique » dans la jurisprudence de la Cour européenne
des droits de l’homme », R.T.D.H., 1998, p. 465-496.
108
CEDH, 7 décembre 1976, nos 5095/71, 5920/72, 5926/72, Kjeldsen, Busk Madsen et Pedersen
c/ Danemark, § 50 et § 53, C.D.E., 1978, p. 359, obs. COHEN-JONATHAN Gérard ;
G.A.C.E.D.H., 5ème éd., 2009, p. 594.

- 41 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014

êtres humains et afin de promouvoir les idéaux et valeurs d’une société


démocratique. » 109

Cet idéal apparaît dans l’œuvre prétorienne strasbourgeoise, comme l’un des
fils conducteurs 110 commandant cette interprétation téléologique, et par là même,
comme « une référence normative essentielle » 111, propice au développement des
droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Or, selon les juges européens, au cœur des principes garantissant une telle
société, figure la prééminence du droit 112, dont l’un des premiers corollaires est le
droit au procès équitable 113. A cet égard, on comprend mieux la conception
dynamique et foisonnante développée par les juges européens autour de l’article 6 § 1
C.E.D.H. et révélée, notamment, à travers l’adoption d’une lecture matérielle et
autonome des conditions d’applicabilité de cette stipulation (Chapitre 1).

Logiquement et rationnellement, on aurait pu supposer que l’interprétation


strasbourgeoise des conditions d’applicabilité de l’article 6 C.E.D.H. trouverait un
large écho dans l’ordre juridique interne 114, et ce, afin d’éviter tout risque de

109
CEDH, 7 juillet 1989, n o 14038/88, Soering c/ Royaume-Uni, § 87, J.C.P., 1990, p. 3452, note
LABAYLE Henri ; R.S.C., 1989, p. 786, PETTITI Louis-Edmond ; R.G.D.I.P., 1990, p. 103,
SUDRE Frédéric ; R.T.D.H., 1990, p. 5, GANSHOF VAN DER MEERSCH Walter- Jean ;
G.A.C.E.D.H., 5 ème éd., 2009, p. 163.
110
AGUILA Yann, « Cinq questions sur l'interprétation constitutionnelle », R.F.D.C., 1995, no 21,
p. 13.
111
GÉRARD Philippe, L’esprit des droits. Philosophie des droits de l’homme, Publication des
facultés universitaires de Saint-Louis, 2007, p. 2006.
112
CEDH, 26 avril 1979, n o 6538/74, Sunday Times c/ Royaume-Uni, § 55 ; CEDH, 21 février 1975,
n o 4451/70, Golder c/ Royaume-Uni, § 34, G.A.C.E.D.H., 5 ème éd., 2009, p. 275 ; A.F.D.I., 1975,
p. 330, PELLOUX Robert ; CEDH, 29 novembre 1988, n os 11209/84, 11234/84, 11266/84,
11386/85, Brogan et autres c/ Royaume-Uni, § 58, R.T.D.Eur., 1989, p. 163, obs. COHEN-
JONATHAN Gérard.
113
CEDH, 9 octobre 1979, n o 6289/73, Airey c/ Irlande, § 24, A.F.D.I., 1980, p. 323, obs.
PELLOUX Robert ; C.D.E., 1980, p. 470, obs. COHEN-JONATHAN Gérard : « eu égard à la
place éminente que le droit à un procès équitable occupe dans une société démocratique ».
114
Voir le colloque organisé par l’Institut de droit européen des Droits de l’homme, Montpellier,
13 et 14 mars 1998 ; SUDRE Frédéric, « L’influence de la Convention européenne des droits de
l’homme sur l’ordre juridique interne », R.U.D.H., 1991, p. 259, spécialement p. 271 ;
ROLLAND Patrice, « L’interprétation de la Convention », R.U.D.H., 1991, p. 280.

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CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014

« cacophonie interprétative » 115 ou encore d’« anarchie jurisprudentielle peu


compatible avec l’objet et le but du traité » 116.

Mais d’un point de vue strictement juridique, la question de « l’autorité de la


chose interprétée » 117 des arrêts de la Cour, entendue comme l’obligation pour les
juridictions nationales de suivre l’interprétation européenne d’une stipulation
lorsqu’elles sont saisies ultérieurement d’affaires mettant en cause cette stipulation,
est beaucoup plus délicate qu’il n’y paraît. Le silence 118 et l’insuffisance 119 du texte
conventionnel combiné à l’absence de la règle stare decisis en droit international
général 120, ont nourri d’abondantes réflexions 121 opposant les tenants de l’effet erga

115
SUDRE Frédéric, « Chronique », R.F.D.A., 1997, p. 966.
116
VELU Jacques et ERGEC Rusen, La convention européenne des droits de l’homme, Bruylant,
Bruxelles, 1990, p. 1077 et suivantes, n os 1234 à 1241.
117
La doctrine de « l’autorité de la chose interprétée » a été développée par le professeur Jean
BOULOUIS : « À propos de la fonction normative de la jurisprudence, remarques sur l’œuvre
jurisprudentielle de la CJCE », in Mélanges Waline, L.G.D.J., 1974, t. 1, p. 149. Le professeur
Jacques VELU a, par la suite, défini la doctrine de la chose interprétée comme « l’autorité
propre de la jurisprudence de la Cour en tant que celle-ci interprète les dispositions de la
Convention » : « Les effets des arrêts de la CEDH », in Introduire un recours à Strasbourg, éd.
Nemesis., 1986, n° 37 p. 186. Sur cette question, voir également : COHEN-JONATHAN Gérard,
La convention européenne des droits de l’homme, Economica, 1989, p. 252-253 ; DUBOUIS
Louis, « La portée des instruments internationaux de protection des droits de l’homme dans
l’ordre juridique français », in Les droits de l’homme dans le droit national en France et en
Norvège, SMITH Eivind et BADINTER Robert (dir.), Economica, P.U.A.M., 1990, p. 147-148.
118
À la différence du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, la Convention n’a pas
institué un mécanisme de renvoi préjudiciel en interprétation devant la Cour de Strasbourg.
119
La mission de la Cour se limite, en vertu de l’article 41 de la Convention, à dire « s’il y a eu
violation de la Convention ou de ses Protocoles », et dans l’affirmative, à accorder, « s’il y a
lieu, à la partie lésée une satisfaction équitable ». L’article 46 § 1 de la Convention, selon lequel
« Les Hautes Parties contractantes s'engagent à se conformer aux arrêts définitifs de la Cour
dans les litiges auxquels elles sont parties. », ne prévoit qu’un effet « inter partes » de l’autorité
de la chose jugée par la Cour de Strasbourg.
120
L’article 59 du statut de la Cour international de justice prévoit, en effet, que « la décision de la
Cour n’est obligatoire que pour les parties en litige et pour le cas qui a été décidé ».
121
POTVIN Laurence, L’effet des jurisprudences européennes sur la jurisprudence du Conseil
d’État, Thèse, Paris, 1994 ; SERMET Laurent, Convention européenne des droits de l’homme et
contentieux administratif français, Thèse, Economica, 1996 ; BRACONNIER Stéphane,
Jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme et droit administratif français,
Thèse, Bruylant, 1997 ; VELU Jacques et ERGEC Rusen, La convention européenne des droits
de l’homme, Bruylant, Bruxelles, 1990, p. 1077 et suivantes, n os 1234-1241 ; GUINCHARD
Serge, DELICOSTOPOULOS Constantin-S, DOUCHY-OUDOT Mélina, FERRAND Frédérique,
Droit processuel : Droit commun et droit comparé du procès équitable, Dalloz, 2007, p. 220,
n° 128 ; SUDRE Frédéric, Droit européen et international des droits de l’homme, P.U.F., 9 ème
éd., 2009, p. 740-744, spécialement n o 342 ; PACTEAU Bernard, « Le juge administratif français
et l’interprétation européenne », in L’interprétation de la Convention européenne des droits de
l’homme, Actes du colloque de l’institut de droit européen des droits de l’homme, SUDRE

- 43 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014

omnes des arrêts européens 122 aux partisans du pouvoir d’interprétation autonome des
juridictions internes 123. Parmi ces derniers, le professeur René CHAPUS a défendu
avec une particulière fermeté l’autonomie interprétative des juridictions nationales
qui « statuant au nom du peuple français, ne sont en rien subordonnées à quelque
juridiction extérieure que ce soit » 124. Le professeur François RIGAUX a abondé dans
le même sens, en soulignant qu’ « à la primauté de la Convention sur la loi interne,
ne correspond aucune primauté de la Cour européenne sur les juridictions internes ».
Et d’ajouter, « si la Cour européenne n’est pas liée par ses propres précédents,
pourquoi voudrait-on que ceux-ci eussent une force supérieure dans un autre ordre
juridique ?» 125

Le Conseil d’État s’est très tôt rallié à ce dernier courant doctrinal en affirmant
très explicitement qu’il ne s’estimait nullement lié par les interprétations dégagées
par la Cour 126. Contrairement à son homologue judiciaire, dont les décisions se

Frédéric (dir.), Bruxelles, Bruylant, 1998, p. 251 ; MARGUENAUD Jean-Pierre, « L’effectivité


des arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme en France », in Le procès équitable et la
protection juridictionnelle du citoyen, Actes du colloque organisé à Bordeaux les 29 et
30 septembre 2000 par l’Institut des droits de l’homme des avocats européens et l’Institut des
droits de l’homme du barreau de Bordeaux, Bruylant, 2001, p. 137 ; ROLLAND Patrice,
« L’interprétation de la Convention », R.U.D.H., 1991, n o spécial sur Le juge administratif
français et la Convention européenne des droits de l’homme, p. 280 ; RENUCCI Jean-François,
« La portée des arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme. », Dalloz, 1993, Jur., p. 515.
122
ANDRIANTSIMBAZOVINA Joël, L'autorité des décisions de justice constitutionnelles et euro-
péennes sur le juge administratif français, Paris, L.G.D.J., 1998, p. 987-989 ; GUINCHARD
Serge, DELICOSTOPOULOS Constantin-S, DOUCHY-OUDOT Mélina, FERRAND Frédérique,
Droit processuel : droit commun et droit comparé du procès équitable, Dalloz, 2007, p. 223,
n o 128 ; Silvio MARCUS-HELMONS, Note sur Cour de cassation Belgique 21 janvier 1982,
C.D.E., 1983, p. 347 ; SUDRE Frédéric, « L’influence de la Convention européenne des droits de
l’homme sur l’ordre juridique interne », R.U.D.H., 1991, numéro spécial sur « Le juge
administratif français et la C.E.D.H. », p. 259 ; DELICOSTOPOULOS Ionnis S., Un pouvoir de
« pleine juridiction » pour la Cour européenne des droits de l’homme, Harvard Jean Monnet
Working Paper, série 8/1998, n os 9-10.
123
DUMON Frédéric, concl. sur Cass., 21 janvier 1982, Journ. Trib., 1982, p. 438-446.
124
CHAPUS René, Droit du contentieux administratif, Montchrestien, 7 ème éd., 1997, n os 145 et
suivants.
125
RIGAUX François, « L’interprétation judiciaire d’une norme empruntée à un autre ordre juri-
dique. À propos des arrêts du 21 janvier 1982 », Liber Amicorum Frédéric Dumon, Anvers,
1983, p. 1211.
126
LABETOULLE Daniel, concl. sur CE, 27 octobre 1978, Debout, Rec., p. 395 ; GENEVOIS
Bruno, concl. sur CE, Ass., 11 juillet 1984, n o 41744, Subrini, Rec., p. 259 ; BACHELIER Gilles,
concl. sur CE, 24 novembre 1997, Ministre de l’Économie et des Finances, Droit fiscal, 1998, n o
8, p. 277-280 ; POTVIN Laurence, L’effet des jurisprudences européennes sur la jurisprudence

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CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014

conforment généralement aux standards strasbourgeois, le juge administratif a ainsi


retenu une interprétation strictement littérale de l’article 6 C.E.D.H., le conduisant à
privilégier un critère d’applicabilité organique à rebours des solutions européennes
(Chapitre 2).

C’est dans cette mesure que, depuis plus de trente ans, s’est cristallisée entre la
Cour de Strasbourg et la haute juridiction administrative une divergence de
jurisprudences quant aux critères de l’applicabilité du droit au procès équitable.

du Conseil d’État, L.G.D.J., 1999 ; ABRAHAM Ronny, « Le juge administratif français et la


Cour de Strasbourg », in Quelle Europe pour les droits de l’homme ?, TAVERNIER Paul (dir.),
Bruylant, 1996, p. 244 ; ROLLAND Patrice, « L’interprétation de la Convention », R.U.D.H.,
1991, p. 280.

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CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014

CHAPITRE 1

UNE DÉFINITION MATÉRIELLE ET AUTONOME DES


CONDITIONS D’APPLICABILITÉ DE L’ARTICLE 6 C.E.D.H.
DANS LES JURISPRUDENCES EUROPÉENNE ET JUDICIAIRE

Le premier paragraphe de l’article 6 C.E.D.H. fixe les conditions qui président


à l’applicabilité de cette stipulation.

Conformément à l’objet et au but de la Convention et compte tenu de la place


éminente occupée par le droit au procès équitable dans une société démocratique 127,
la Cour de Strasbourg a interprété ce premier alinéa en vue d’étendre
substantiellement l’applicabilité du droit au procès équitable 128. Pour ce faire, les
juges européens ont érigé les notions d’ « accusation en matière pénale » et de
« contestation sur des droits et des obligations de caractère civil » en critère exclusif
d’applicabilité du droit au procès équitable, tout en les libérant de la signification
qu’elles revêtent traditionnellement dans les ordres juridiques des États membres.

127
CEDH, 9 octobre 1979, n o 6289/73, Airey c/ Irlande, § 24, précité ; CEDH, 28 octobre 1998,
n o 22924/93, Aït-Mouhoub c/ France, § 52, J.D.I., 1999, p. 271 à p. 272, obs. BACHELET Olivier ;
D., 1999, somm., p. 268, obs. RENUCCI Jean-François ; R.S.C., 1999, p. 399, obs. KOERING-JOULIN
Renée ; THOMAS Didier, « Droit à un procès équitable », R.D.P., no 3, 1999, p. 886 ; CEDH,
29 juin 2011, n o 34869/05, Sabeh El Leil c/ France, § 50, Revue mensuelle du JurisClasseur,
2011, n os 8-9, p. 17 et p. 18, note FRICERO Natalie.
128
SOYER Jean-Claude et DE SALVIA Michel, « Article 6 », in La convention européenne des
droits de l’homme, commentaire article par article, PETTITI Louis-Edmond, DECAUX
Emmanuel, IMBERT Pierre-Henri (dir.), Economica, 1995, p. 251 ; GUINCHARD Serge,
« Le procès équitable : droit fondamental ? », A.J.D.A., 20 juillet/20 août 1998, numéro spécial,
p. 191, spécialement p. 192-193 et « Le procès équitable : garantie formelle ou droit
substantiel ? », in Mélanges Guy Farjat, édit. Frison-Roche, 1999, p. 142 ; SUDRE Frédéric,
« L’influence de la CEDH sur l’ordre juridique interne », R.U.D.H., 1991, p. 267 et Droit
européen et international des droits de l’homme, P.U.F., 9 ème éd., 2009, p. 355, n° 206 ; Gérard
COHEN-JONATHAN, « Conclusions générales », in Les nouveaux développements du procès
équitable au sens de la convention européenne des droits de l’homme, Actes du colloque du
22 mars 1996 en la grande chambre de la Cour de cassation, Bruxelles, Bruylant, 1996, p. 159
et spécialement p. 162.

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CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014

Le croisement de cette approche résolument matérielle et autonome des


conditions d’applicabilité de l’article 6 C.E.D.H. a permis à la Cour de Strasbourg de
reconnaître l’invocabilité du droit au procès équitable à l’encontre des autorités
administratives décidant en matière civile ou pénale au sens de la Convention
(Section 1).

Ce n’est qu’à titre exceptionnel et dans le cadre d’hypothèses strictement


cantonnées que les juges européens acceptent d’écarter l’applicabilité de l’article 6
C.E.D.H. aux autorités administratives, dont les décisions répondent pourtant à la
définition européenne des matières pénale et civile (Section 2).

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CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014

SECTION 1

L’applicabilité de principe de l’article 6 C.E.D.H. aux autorités admi-


nistratives décidant en matière pénale ou civile au sens de la
Convention

Lorsqu’elle est saisie sur le fondement du droit au procès équitable, la Cour de


Strasbourg veille à structurer son raisonnement en deux temps. La grande majorité de
ses arrêts 129 révèle, en effet, qu’elle prend toujours soin de différencier, à l’intention
des parties au litige, d’une part, la détermination de l’applicabilité de
l’article 6 C.E.D.H., entendue comme le caractère qui permet à cette stipulation d’être
opérante et, d’autre part, celle de son application, comprise comme la mise en œuvre
de cette norme juridique dont l’invocabilité a été préalablement admise.

C’est ainsi que l’applicabilité de l’article 6 C.E.D.H. conditionne l’application


des garanties offertes par cette stipulation.

Ce mode d’emploi conduit les juges européens à rechercher, en premier lieu, si


le litige qui leur est soumis satisfait aux critères d’applicabilité de
l’article 6 C.E.D.H. Ils mettent alors en œuvre leur conception autonome des notions
d’« accusation en matière pénale » ou de « contestation sur des droits et des
obligations de caractère civil » (II), sans qu’aucune donnée organique n’interfère à ce
stade (I).

129
CEDH, 8 juin 1976, n os 5100/71, 5101/71, 5102/71, 5354/72, 5370/72, Engel et Autres c/ Pays-
Bas, A.F.D.I., 1977, p. 480, obs. PELLOUX Robert ; Cahiers de droit européen, 1978, p. 368,
note COHEN-JONATHAN Gérard ; CEDH, 27 février 1980, no 6903/75, Deweer c/ Belgique,
C.D.E., 1982, p. 196, obs. COHEN-JONATHAN Gérard ; A.F.D.I., 1981, p. 286, note
PELLOUX Robert ; J.D.I., 1982, p. 197, obs. ROLLAND Patrice ; CEDH, 29 juin 2011,
n o 34869/05, Sabeh El Leil c/ France, précité.

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CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014

I. Une indifférence manifeste du juge européen quant à la nature de


l’organisme appelé à statuer

Bien que mentionnée au sein du paragraphe premier de l’article 6 C.E.D.H.,


la qualité de tribunal de l’organisme appelé à statuer ne commande pas l’applicabilité
de cette stipulation (A). En réalité, les juges européens appréhendent cet élément
comme l’une des garanties du droit au procès équitable offertes aux particuliers (B).

A. L’exclusion de la notion de tribunal comme condition d’applicabilité de


l’article 6 C.E.D.H.

« Tout est dit … et l’on vient trop tard ! » 130

Tels furent les mots employés par le professeur Étienne Picard pour introduire
sa remarquable étude sur « La juridiction administrative et les exigences du Procès
équitable » réalisée en 1993 dans le cadre d’un colloque intéressant le droit français
et la Convention européenne des droits de l’homme.

Depuis lors, l’abondance des réflexions doctrinales sur le droit au procès


équitable et les illustres plumes 131 qui ont fait de ce sujet un de leur champ
d’investigation privilégié tendraient à conforter une telle assertion.

Mais en regardant bien, on découvre finalement qu’un élément n’a été que trop
rarement mis en exergue par les auteurs. Il s’agit de l’indifférence du juge
strasbourgeois à l’égard de la nature de l’organisme appelé à statuer quant à la

130
PICARD Étienne, « La juridiction administrative et les exigences du Procès équitable », in
Le droit français et la convention européenne des droits de l'homme - 1974-1992, Actes du
colloque tenu à Montpellier, février 1993, Strasbourg, N.P. Engel, 1994, p. 217 et, plus
précisément, p. 253.
131
On pense aux articles réguliers des Professeurs Gérard GONZALEZ et Frédéric SUDRE publiés
à la Revue du droit public et de la science politique en France et à l'étranger, à ceux des
Professeurs Henri LABAYLE, Frédéric SUDRE, Laurent SERMET et de M. Joël
ANDRIANTSIMBAZOVINA à la Revue française de droit administratif, à ceux du professeur
Jean-François FLAUSS à la revue Actualité juridique du droit administratif, à ceux du professeur
Gérard COHEN-JONATHAN à la revue Cahiers de droit européen, à ceux des professeurs
Vincent COUSSIRAT-COUSTERE et Robert PELLOUX publiés à l’Annuaire français de droit
international, ainsi qu’à ceux des professeurs Patrice ROLLAND et Paul TAVERNIER publiés à
la revue Journal du droit international.

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CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014

détermination de l’applicabilité de l’article 6 C.E.D.H., laquelle ressort pourtant


clairement de l’analyse jurisprudentielle européenne.

La plupart des études, analyses et commentaires 132, s’ils définissent les critères
d’applicabilité du droit au procès équitable en se référant exclusivement aux notions
de « contestations sur des droits et obligations de caractère civil » et d’ « accusations
en matière pénale » et, s’ils traitent du « droit à un tribunal » au titre des garanties
offertes par l’article 6 C.E.D.H., ne justifient aucunement de cette présentation au
regard des données jurisprudentielles européennes.

En définitive, seuls quelques auteurs se sont attachés à démontrer, à la lumière


du corpus prétorien strasbourgeois, que l’article 6 C.E.D.H. est utilement invocable
devant l’administration, même si la reconnaissance de cette applicabilité n’entraîne
pas, comme conséquence mécanique, l’application des garanties du droit au procès
équitable à la procédure administrative 133.

132
GROTRIAN Andrew, L'article 6 de la Convention européenne des Droits de l'homme, Conseil de
l'Europe, Direction des droits de l'homme, 1994 ; SOYER Jean-Claude et DE SALVIA Michel,
« Article 6 », in La CEDH, commentaire article par article, PETTITI Louis-Edmond, DECAUX
Emmanuel, IMBERT Pierre-Henri (dir.), 2 ème éd., Paris, Economica, 1999, p. 239 à 279 ;
GUINCHARD Serge, DELICOSTOPOULOS Constantin-S, DOUCHY-OUDOT Mélina,
FERRAND Frédérique, Droit processuel : Droit commun et droit comparé du procès équitable,
Dalloz, 2007, p. 125-208 ; SUDRE Frédéric, Droit européen et international des droits de
l’homme, Coll. Droit fondamental, P.U.F., 9 ème éd., 2008, p. 353 ; DEGOFFE Michel,
« L’ambiguïté de la sanction administrative », A.J.D.A., numéro spécial, 20 octobre 2001, p. 27 ;
ETOA Samuel et MOULIN Jean-Marc, « L'application de la notion conventionnelle de procès
équitable aux autorités administratives indépendantes en droit économique et financier »,
C.R.D.F., n° 1, 2002, p. 53 ; ZAVOLI Philippe, « L’emprise de la Convention européenne des
droits de l’homme sur les autorités de régulation », J.C.P., Cahiers de Droit de l’Entreprise,
2004, n° 2, p. 6 ; EVEILLARD Gweltaz, « L’application de l’article 6 de la Convention
européenne des droits de l’homme à la procédure administrative non contentieuse », A.J.D.A.,
22 mars 2010, p. 531 ; COSTA Jean-Paul, « Le droit au juge indépendant et impartial en matière
administrative. Le principe vu par la Cour européenne des droits de l’homme », A.J.D.A., 20 juin
2011, p. 514. Voir, pour une présentation ignorant l’absence de critère organique d’applicabilité
de l’article 6 C.E.D.H. dans la jurisprudence européenne : DUGRIP Olivier, « L’applicabilité de
l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme aux juridictions administratives »,
R.U.D.H., 1991, p. 336 ; BONICHOT Jean-Claude, « Les sanctions administratives en droit
français et la convention européenne des droits de l’homme », A.J.D.A., 20 octobre 2001, numéro
spécial p. 73 et tout particulièrement p. 74.
133
MILANO Laure, Le droit à un tribunal au sens de la Convention européenne des droits de
l’Homme, Thèse Montpellier, SUDRE Frédéric (dir.), L.G.D.J., 2006, p. 354, n o 437 ; PICARD
Étienne, « La juridiction administrative et les exigences du procès équitable », in Le droit
français et la convention européenne des droits de l'homme - 1974-1992, Actes du colloque tenu
à Montpellier, février 1993, Strasbourg, N.P. Engel, 1994, p. 217 ; SUDRE Frédéric et

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CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014

Pourtant, les arrêts européens manifestent nettement cette approche exclu-


sivement matérielle des conditions d’applicabilité de l’article 6 C.E.D.H.

La décision « Golder c/ Royaume-Uni » 134 du 21 février 1975 est, à cet égard,


riche d’enseignements. Il y est jugé que les requérants ont droit à l’examen de leur
cause par un tribunal remplissant les conditions de l’article 6 § 1 C.E.D.H. dès lors
que la contestation des décisions prises à leur encontre peut être considérée comme
relative à des droits et obligations de caractère civil. Aussi, comme l’avaient déjà
indiqué les juges européens dans leur arrêt « Ringeisen c/ Autriche » 135 du 16 juillet
1971, pour que l’article 6 s’applique, « peu importe la nature de l’autorité compé-
tente en la matière (juridiction de droit commun, organe administratif, etc.) ».

L’économie de l’article 6 § 1 C.E.D.H. est clairement posée : l’applicabilité de


cette stipulation doit être admise à l’encontre de tous organismes qui décident soit en
matière « civile », soit en matière « pénale », quand bien même ces autorités n’ont
pas la qualité de tribunal au sens de la jurisprudence européenne.

C’est ce que sont venus confirmer, de manière particulièrement évocatrice,


les arrêts « Sramek c/ Autriche » 136 et « Affaire British-American Tobacco
Company Ltd c/ Pays-Bas » 137, rendus respectivement le 22 octobre 1984 et le

PICHERAL Caroline, « Un critère organique secondaire », in L’extension des garanties du


procès équitable hors les juridictions ordinaires : les contraintes européennes, Institut de droit
européen des droits de l’homme, Avril 2002, SUDRE Frédéric (dir.), p. 46-47 ; SUDRE Frédéric,
« À propos d’un bric-à-brac jurisprudentiel : le respect des garanties du procès équitable par les
autorités administratives indépendantes exerçant un pouvoir de sanction », J.C.P., éd. gén., n°
10, 8 mars 2000, p. 424, spécialement n° 8 ; PELLOUX Robert, « L’affaire Ringeisen devant la
Cour européenne des droits de l’homme », A.F.D.I., 1974, Volume 20, n o 20, p. 334 et, plus
précisément, p. 340 et p. 341.
134
CEDH, 21 février 1975, no 4451/70, Golder c/ Royaume-Uni, § 36, G.A.C.E.D.H., 5 ème éd.,
P.U.F., 2009, p. 275 ; A.F.D.I., 1975, p. 330, PELLOUX Robert : le droit de jouir d’une bonne
réputation. Voir également : CEDH, 23 juin 1981, nos 6878/75, 7238/75, Le Compte, Van Leuven
et De Meyere c/ Belgique, § 50, G.A.C.E.D.H., n° 17 ; C.D.E., 1982, p. 201, COHEN-
JONATHAN Gérard ; J.D.I., 1982, p. 216, ROLLAND Patrice.
135
CEDH, 16 juillet 1971, n o 2614/65, Ringeisen c/ Autriche, série A, n o 13, § 94, A.F.D.I., 1974,
p. 334 à p. 354, « L’affaire Ringeisen devant la C.E.D.H. », PELLOUX Robert ; R.G.D.I.P.,
1974, p. 864 à p. 865, VALLEE Charles ; C.D.E., 1974, p. 384 à p. 393, obs. MARCUS-
HELMONS Silvio.
136
CEDH, 22 octobre 1984, n o 8790/79, Sramek c/ Autriche, J.D.I., 1985, p. 1070, obs.
TAVERNIER Paul.
137
CEDH, 20 novembre 1995, n o 19589/92, British-American Tobacco Company Ltd c/ Pays-Bas,
A.J.D.A., 1996, p. 379 et p. 380, obs. FLAUSS Jean-François.

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CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014

20 novembre 1995. La Cour de Strasbourg y reconnaît l’applicabilité de l’article 6 § 1


C.E.D.H. à l’Autorité régionale des transactions immobilières 138, qui n’a pas la
qualité de juridiction dans l’ordre juridique autrichien, ainsi qu’à l’Office des
brevets 139, considéré comme un organe administratif en droit néerlandais. Plus
encore, dans la première affaire, après avoir examiné la composition de l’Autorité
régionale des transactions immobilières au regard des principes d’indépendance et
d’impartialité, les juges européens concluent à une violation du droit au procès
équitable 140.

Plus récemment, dans un arrêt « Sabeh El Leil c/ France », la Cour de


Strasbourg a rappelé l’exclusivité du critère matériel d’applicabilité du droit au
procès équitable en se bornant à rechercher « si le litige en question portait sur un
droit de caractère civil au sens de l’article 6 § 1 ». 141

Cette liste jurisprudentielle n'a pas vocation à être exhaustive, bien entendu, et
les exemples pourraient être multipliés 142. En réalité, l’analyse du corpus prétorien
européen démontre que la notion de « tribunal » intervient postérieurement à la
résolution positive de l’applicabilité de l’article 6 C.E.D.H., c’est-à-dire au stade de
l’observation de cette stipulation et de la détermination d’une éventuelle violation du
droit au procès équitable.

138
CEDH, 22 octobre 1984, n o 8790/79, Sramek c/ Autriche, § 34 et 35, précité.
139
CEDH, 20 novembre 1995, n o 19589/92, British-American Tobacco Company Ltd c/ Pays-Bas,
§ 67, précité.
140
CEDH, 22 octobre 1984, n o 8790/79, Sramek c/ Autriche, § 37 à 42, précité.
141
CEDH, 29 juin 2011, no 34869/05, Sabeh El Leil c/ France, § 40, précité.
142
CEDH, 10 février 1983, n os 7299/75, 7496/76, Albert et Le Compte c/ Belgique, J.D.I., 1985,
p. 212, obs. ROLLAND Patrice et TAVERNIER Paul ; CEDH, 28 juin 1984, n os 7819/77,
7878/77, Campbell et Fell c/ Royaume-Uni, C.D.E., 1986, p. 213, note COHEN-JONATHAN
Gérard ; A.F.D.I., 1985, p. 394, obs. COUSSIRAT-COUSTERE Vincent ; J.D.I., 1986, p. 1058,
ROLLAND Patrice et TAVERNIER Paul ; CEDH, 26 juin 1986, n os 8543/79, 8674/79, 8675/79,
8685/79, Van Marle et autres c/ Pays Bas, C.D.E., 1988, p. 446, obs. COHEN-JONATHAN
Gérard ; A.F.D.I., 1987, p. 329, obs. COUSSIRAT-COUSTERE Vincent ; J.D.I., 1987, p. 785,
obs. ROLLAND Patrice et TAVERNIER Paul ; CEDH, 19 avril 1994, n o 16034/90, Van de Hurk
c/ Pays-Bas, A.J.D.A., 1995, p. 124, spéc. p. 138, obs. FLAUSS Jean-François ; J.T.D.E., 1995,
p. 60, obs. LAMBERT Pierre.

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CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014

B. L’appréhension de la notion de tribunal comme conséquence de


l’applicabilité de l’article 6 C.E.D.H.

« Le droit à un tribunal » constitue la première des garanties offertes par le


droit au procès équitable.

Sur ce point, la jurisprudence européenne ne souffre d’aucune hésitation 143 :


lorsqu’un justiciable fait l’objet d’une accusation en matière pénale ou d’une
contestation sur ses droits ou ses obligations de caractère civil, au sens de la
Convention, il doit pouvoir s’adresser à un tribunal.

Cette interprétation de l’article 6 § 1 C.E.D.H., qui de prime abord, peut


paraître originale au regard de la rédaction de cette stipulation (1), repose en réalité
sur une conception très traditionnelle de la fonction juridictionnelle (2).

1. Une interprétation de l’article 6 § 1 C.E.D.H. pouvant passer pour


singulière

La formulation de principe, employée pour la première fois dans la décision


« Golder c/ Royaume-Uni » du 21 février 1975, traduit parfaitement le rôle joué par
la notion de « tribunal » dans la jurisprudence européenne, non pas comme critère
d’applicabilité du droit au procès équitable, mais comme conséquence de cette
applicabilité. Selon cet arrêt, « L’article 6 paragraphe 1 garantit à chacun le droit à
ce qu’un tribunal connaisse de toute contestation relative à ses droits et obligations
de caractère civil. Il consacre de la sorte le « droit à un tribunal », dont le droit
d’accès, à savoir le droit de saisir le tribunal en matière civile, ne constitue qu’un
aspect. À cela s’ajoutent les garanties prescrites par l’article 6 paragraphe 1 quant à
l’organisation et à la composition du tribunal et quant au déroulement de l’instance.
Le tout forme en bref le droit à un procès équitable. » 144

143
CEDH, 23 juin 1981, n os 6878/75, 7238/75, Le Compte, Van Leuven et De Meyere, § 54 et § 55,
précité.
144
CEDH, 21 février 1975, n o 4451/70, Golder c/ Royaume-Uni, § 26 à § 36, précité ; Voir
également : CEDH, 23 juin 1981, n os 6878/75, 7238/75, Le Compte, Van Leuven et De Meyere
c/ Belgique § 54 et § 55, précité ; CEDH, 23 septembre 1982, n os 7151/75, 7152/75, Sporrong et
Lönnroth c/ Suède, § 84, A.F.D.I., 1985, p. 415, obs. COUSSIRAT-COUSTERE Vincent ;

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CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014

À la base de cette interprétation singulière de l’article 6 § 1 C.E.D.H., qui


place le droit à un tribunal au cœur, non pas des critères d’applicabilité de cette
stipulation, mais des garanties qu’elle offre aux particuliers victimes d’une
« accusation en matière pénale » ou d’une « contestation sur des droits et des
obligations de caractère civil », figure la volonté de garantir la prééminence du droit.
La Cour le reconnaît très explicitement en soulignant qu’« il paraît à la fois naturel
et conforme au principe de la bonne foi (article 31 paragraphe 1 de la Convention de
Vienne) d’avoir égard à ce motif [la prééminence du droit], hautement proclamé, en
interprétant les termes de l’article 6 paragraphe 1 dans leur contexte et à la lumière
de l’objet et du but de la Convention » 145. Et d’ajouter : « si ce texte passait pour
concerner exclusivement le déroulement d’une instance déjà engagée devant un
tribunal, un État contractant pourrait, sans l’enfreindre, supprimer ses juridictions
ou soustraire à leur compétence le règlement de certaines catégories de différends de
caractère civil pour le confier à des organes dépendant du gouvernement » 146.

S’il est vrai que le principe de la prééminence du droit exerce un véritable


magistère d’influence dans l’œuvre prétorienne européenne au point d’apparaître
comme l’un des piliers de la société démocratique 147, le lien établi par la Cour de

G.A.C.E.D.H., 2 ème éd., p. 529 ; CEDH, 10 février 1983, nos 7299/75, 7496/76, Albert et
Le Compte c/ Belgique, § 31, précité ; CEDH, 22 mai 2003, n o 41666/98, Kyrtatos c/ Grèce, § 30
à § 32, R.J.E., 2004, p. 176 à p. 179, obs. WINIDOERFFER Y. ; CEDH, 29 juin 2011,
n o 34869/05, Sabeh El Leil c/ France, § 46, précité.
145
CEDH, 21 février 1975, n° 4451/70, Golder c/ Royaume-Uni, § 34, précité ; Voir PELLOUX
Robert, « L’affaire Golder devant la Cour européenne des droits de l’homme », A.F.D.I., 1975,
p. 330, et plus précisément p. 333.
146
CEDH, 21 février 1975, n° 4451/70, Golder c/ Royaume-Uni, § 35, précité.
147
CEDH, 29 novembre 1988, n os 11209/84, 11234/84, 11266/84, 11386/85, Brogan et autres
c/ Royaume-Uni, § 58, précité. Pour une démonstration du rôle matriciel et essentiel du principe
de la prééminence du droit dans la jurisprudence européenne : SOUVIGNET Xavier, La
prééminence du droit dans le droit de la Convention européenne des droits de l'homme, Bruylant,
Thèse, 2012 ; PICARD Étienne, « La juridiction administrative et les exigences du Procès
équitable », in Le droit français et la convention européenne des droits de l'homme - 1974-1992,
Actes du colloque tenu à Montpellier, février 1993, Strasbourg, N.P. Engel, 1994, p. 217-283,
plus précisément p. 223 ; WACHSMANN Patrick, « La prééminence du droit dans la jurisprudence de
la Cour européenne des droits de l’homme », in Recueil d’études à la mémoire de Jacques Schwob,
Le droit des organisations internationales, Bruxelles, Bruylant, 1997, p. 260 ; SUDRE Frédéric,
« Le recours aux « notions autonomes », in L'interprétation de la convention européenne
des droits de l'homme, SUDRE Frédéric (dir.), Bruxelles, Bruylant, 1998, p. 114 à 118 ; PICARD
Étienne, « La juridiction administrative et les exigences du Procès équitable », in Le droit

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CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014

Strasbourg entre, d’une part, ce principe fondateur et, d’autre part, son interprétation
originale de l’article 6 § 1 C.E.D.H., n’en est pas pour autant, de prime abord,
évident. La doctrine 148 ne l’a d’ailleurs jamais explicité.

Pour l’étayer, il faut alors tout de suite préciser que, selon la Cour, figure
parmi les caractéristiques de base du principe de la prééminence du droit, celui de la
séparation des pouvoirs. Ce dernier, qui inspire de nombreux arrêts protégeant le
fonctionnement judiciaire contre toute ingérence du pouvoir législatif ou exécutif 149,
fait particulièrement florès dans la jurisprudence strasbourgeoise 150. La Cour a ainsi
pu juger que « le principe de la prééminence du droit et la notion de procès équitable
consacrés par l’article 6 C.E.D.H. s’opposent, sauf pour d’impérieux motifs d’intérêt

français et la convention européenne des droits de l'homme - 1974-1992, Actes du colloque tenu
à Montpellier, février 1993, Strasbourg, N.P. Engel, 1994, p. 217 et, plus précisément, p. 223.
148
SUDRE Frédéric et PICHERAL Caroline, « Un critère organique secondaire », in L’extension
des garanties du procès équitable hors les juridictions ordinaires : les contraintes européennes,
Institut de droit européen des droits de l’homme, Avril 2002, SUDRE Frédéric (dir.), p. 47.
149
CEDH, 24 novembre 1994, n o 15287/89, Beaumartin c/ France, § 38, J.C.P., 1995, I, 3823, obs.
SUDRE Frédéric ; CEDH, 9 décembre 1994, n o 13427/87, Stran Greek Refineries et Stratis
Andreadis c/ Grèce, § 49, J.C.P., éd. gén., 1995, I, p. 3823, SUDRE Frédéric ; R.T.D. Civ., 1995,
p. 652, obs. ZENATI Frédéric ; CEDH, 22 octobre 1997, nos 97/1996/716/913, Papageorgiou
c/ Grèce, § 37, D., 1998, p. 209, obs. FRICERO Natalie; CEDH, 23 octobre 1997, n os 21319/93,
21449/93, 21675/93, Building Societies c/ Royaume-Uni, § 112, R.F.D.A., 1998, p. 990, note
SERMET Laurent ; CEDH, 28 octobre 1999, n os 24846/94 et 34165/96 à 34173/96, Zielinski et
Pradal & Gonzales c/ France, § 57, D., 2000, p. 187 et p. 188, obs. FRICERO Natalie ; R.F.D.A.,
2000, p. 289, note MATHIEU Bertrand et p. 1254 note BOLLE Stéphane ; R.T.D. Civ., 2000, p. 436,
obs. MARGUENAUD Jean-Pierre ; CEDH, 28 mai 2002, n o 46295/99, Stafford c/ Royaume-Uni,
§ 78, J.C.P., éd. gén., 2002, I, 157, n o 7, SUDRE Frédéric ; R.T.D.H., 2003, p. 931, MASSIAS
Florence ; CEDH, 6 mars 2003, nos 39343/98, 39651/98, 43147/98 et 46664/99, Kleyn et autres
c/ Pays-Bas, §. 193 et §. 200, J.C.P., éd. gén., 2003, I, 160, n o 7, obs. SUDRE Frédéric ; CEDH,
12 mai 2005, n o 46221/99, Öcalan c/ Turquie, §. 112 et 114, J.C.P., éd. gén., 2003, I, 160, n o 1,
obs. SUDRE Frédéric ; R.G.D.I.P., 2003, p. 472, obs. WECKEL Philippe ; D., 2003, Somm.,
p. 2267, obs. RENUCCI Jean-François ; D., 2004, p. 1101, obs. CÉRÉ Jean-Paul.
150
CEDH, 24 novembre 1994, n o 15287/89, Beaumartin c/ France, § 38, précité ; CEDH, 9 décembre
1994, n o 13427/87, Stran Greek Refineries et Stratis Andreadis c/ Grèce, § 49, précité ; CEDH,
28 octobre 1999, n os 24846/94 et 34165/96 à 34173/96, Zielinski et Pradal & Gonzales c/ France,
§ 57, précité ; CEDH, 28 mai 2002, n o 46295/99, Stafford c/ Royaume-Uni, § 78, précité ;
CEDH, 6 mars 2003, n os 39343/98, 39651/98, 43147/98 et 46664/99, Kleyn et autres c/ Pays-Bas,
§. 193 et §. 200, précité ; CEDH, 12 mai 2005, n o 46221/99, Öcalan c/ Turquie, §. 112 et 114,
précité ; Voir également les opinions partiellement dissidentes communes à M. Rozakis, sir
Nicolas Bratza, M. Bonello, M. Loucaides et M me Jočienė, sur CEDH, 6 octobre 2005,
n o 11810/03, Maurice c/ France, et sur CEDH, 6 octobre 2005, n o 1513/03, Draon c/ France,
R.C.A., 2005, comm. n o 327, obs. RADE Christophe; D., 2005, p. 2546, obs. DE MONTECLER
Marie-Christine ; R.T.D. Civ., 2005, p. 743, obs. MARGUENAUD Jean-Pierre.

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CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014

général, à l’ingérence du pouvoir législatif dans l’administration de la justice dans le


but d’influer sur le dénouement judiciaire du litige » 151.

Or, l’affirmation selon laquelle, seuls des organismes présentant les qualités
d’un tribunal peuvent, en principe, se prononcer sur le « bien-fondé d’une accusation
en matière pénale » ou sur une « contestation sur des droits et obligations de caractère
civil », peut être fondée sur une conception rigide du principe de la séparation des
pouvoirs, dès lors qu’est reconnue, en amont, la nature fondamentalement
juridictionnelle des fonctions répressive et contentieuse.

Appréciée à la lumière de ces deux éléments 152, la référence faite par la Cour
au principe de la prééminence du droit comme élément dictant son interprétation
singulière de l’article 6 § 1 C.E.D.H. devient alors d’une limpidité naturelle.

2. Une interprétation reposant en réalité sur une conception


traditionnelle de la fonction juridictionnelle

Il convient de souligner que le rattachement de la répression à la fonction


juridictionnelle est loin d’être une thèse inconnue dans l’ordre juridique français.

Comme l’a magistralement exposé le professeur René CHAPUS dans une


étude consacrée à la notion de juridiction 153, elle trouve une manifestation éclatante
dans la jurisprudence administrative, laquelle démontre que « dans le silence ou
l’équivoque des textes, un organisme est qualifié de juridiction lorsqu’il exerce une
mission de répression disciplinaire ».

151
CEDH, 9 décembre 1994, n o 13427/87, Stran Greek Refineries et Stratis Andreadis c/ Grèce,
§ 49, précité ; CEDH, 28 octobre 1999, n os 24846/94 et 34165/96 à 34173/96, Zielinski et Pradal
& Gonzales c/ France, § 57, précité.
152
La thèse de la nature fondamentalement juridictionnelle des fonctions répressive et contentieuse,
d’une part, et le principe de la séparation des pouvoirs, d’autre part.
153
CHAPUS René, « Qu’est-ce qu’une juridiction ? La réponse de la jurisprudence administrative »,
in Recueil d’études en hommage à Charles Eisenmann, Cujas, Paris, 1977, p. 236 et suivantes.

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CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014

Il est vrai que l’affirmation du caractère juridictionnel de la répression bénéfi-


cie, en France, d’un fondement historique solide issu du droit de la Révolution 154, à
tel point qu’aujourd’hui encore, « à celui qui sanctionne, on demande « qui t’a fait
juge ? » À cette époque, le lien de consanguinité établi par les révolutionnaires entre
la répression et la fonction juridictionnelle est apparu naturellement, comme la consé-
quence de l’idée que des garanties particulières devaient exister dans ce domaine et
que seuls les tribunaux judiciaires, en tant qu’organes indépendants et impartiaux,
pouvaient les fournir aux justiciables 155.

Dès lors, on comprend mieux les vastes réflexions 156 suscitées par
l’attribution 157 à certaines autorités administratives d’un pouvoir de punir exercé à

154
Voir GUINCHARD Audrey, Les enjeux du pouvoir de répression en matière pénale. Du modèle
judiciaire à l'attraction d'un système unitaire, L.G.D.J., 2003, p. 32 à p. 42, spécialement, n os 50
à 53 et n o 71. L’auteur démontre, après avoir analysé les lois et les travaux préparatoires relatifs,
que dès le début de la Révolution, le pouvoir de répression est considéré comme un pouvoir
juridictionnel.
155
COLLIARD Claude-Albert, La sanction administrative, Extrait des annales de la faculté de droit
d’Aix en Provence, 1943, n o 36, p. 1 et s. ; GUINCHARD Audrey, Les enjeux du pouvoir de
répression en matière pénale. Du modèle judiciaire à l'attraction d'un système unitaire, L.G.D.J.,
2003, p. 27, spécialement, no 42.
156
MÜNCH Jean-Pierre, La sanction administrative, Paris, Thèse, 1947 ; MOURGEON Jacques,
La répression administrative, L.G.D.J., 1967, p. 8 et p. 9 ; LEFONDRÉ Michel, Recherche sur
les sanctions administratives et leur nature juridique, Thèse, Caen, 1973 ; DOARE Ronan, Les
sanctions administratives (contribution à l'étude du renouveau de la répression administrative),
Thèse, Rennes, 1994, p. 13 ; DELLIS Georges, Droit pénal et droit administratif : L’influence
des principes du droit pénal sur le droit administratif répressif, L.G.D.J., 1997, p. 57, no 90 ;
SAILLARD Alban, L’appropriation des règles pénales par le juge administratif répressif, Thèse,
Orléans, 2000 ; GUINCHARD Audrey, Les enjeux du pouvoir de répression en matière pénale.
Du modèle judiciaire à l'attraction d'un système unitaire, L.G.D.J., 2003, p. 32 à p. 42,
spécialement, nos 50 à 53 et no 71 ; DOUËB Frédéric, Les sanctions pécuniaires des autorités
administratives, Paris, Thèse, 2003, p. 91 ; COLLIARD Claude-Albert, La sanction
administrative, Extrait des annales de la faculté de droit d’Aix en Provence, 1943, n o 36, p. 3 et
s. ; WALINE Marcel, Traité élémentaire de Droit administratif, 3 ème éd., 1950, p. 427 et s. ;
AUBY Jean-Marie et DRAGO Roland, Traité de Contentieux administratif, 3 ème éd., 1984, t. II,
p. 329 ; DEGOFFE Michel, Le droit de la sanction non pénale, Economica, 2000 ; DE CORAIL
Jean-Louis, « Administration et sanction. Réflexions sur le fondement du pouvoir administratif
de répression », in Mélanges René Chapus, Montchrestien, 1992, p. 103 et s. ; VARINARD
André, « Introduction », in La sanction : Colloque du 27 novembre 2003 à l’université Jean-
Moulin Lyon 3, L’Harmattan, 2007, p. 31 ; DEGOFFE Michel, « La sanction à caractère punitif
selon le Conseil constitutionnel », in La sanction : Colloque du 27 novembre 2003 à l’université
Jean-Moulin Lyon 3, L’Harmattan, 2007, p. 47 et spé. p. 65 ; HUBRECHT Hubert-Gérald, « La
notion de sanction administrative », L.P.A., 1990, n o 8, numéro spécial, p. 6 ; QUASTANA
Jacques, « La sanction administrative est-elle encore une décision de l’administration ? »,
A.J.D.A., 2001, p. 141.
157
Sur l’aspect historique des sanctions administratives : DOARE Ronan, Les sanctions
administratives (contribution à l'étude du renouveau de la répression administrative), Thèse,

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CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014

l’encontre de personnes qui ne sont pourtant rattachées à l’administration par aucun


lien juridique spécifique, et d'une sévérité identique à celle des sanctions susceptibles
d’être prononcées par le juge pénal 158.

Si ce phénomène, qualifié par certains de « justice hors du juge » 159, a pu


soulever, au nom d’une interprétation « traditionnelle » du principe de la séparation
des pouvoirs 160, l’hostilité d’une large partie de la doctrine 161, c’est bien parce que
l’assimilation de la répression à la fonction juridictionnelle, telle qu’elle a été opérée
en 1789, est particulièrement enracinée dans la pensée juridique moderne. Elle trouve
d’ailleurs un large écho dans la jurisprudence constitutionnelle. Rappelons,
effectivement, qu’en 1982, le Conseil constitutionnel, appelé à se prononcer sur la
constitutionnalité de sanctions fiscales, a reproché implicitement au législateur
« d’avoir cru devoir laisser le soin de prononcer la sanction à une autorité non

Rennes, 1994, p. 3 ; DELMAS-MARTY et TEITGEN-COLLY, Punir sans juger ? De la


répression administrative au droit administratif pénal, Economica, 1992, p. 13 à p. 17 ;
DE CORAIL Jean-Louis, « Administration et sanction. Réflexions sur le fondement du pouvoir
administratif de répression », in Mélanges René Chapus, L.G.D.J., 1992, p. 104 ; HUBRECHT
Hubert-Gérald, « La notion de sanction administrative », L.P.A., 17 janvier 1990, n° 8, p. 6.
158
On vise ici la sanction administrative stricto sensu, encore appelée « sanction administrative à
caractère pénale » (DE JUGLART Michel, « Les sanctions administratives dans la législation
récente », J.C.P., éd. gén., 1942, I, 283), distincte de la sanction administrative disciplinaire et
de la pénalité contractuelle, lesquelles supposent l’existence d’une relation individualisée au sein
de l’État.
159
DELVOLVÉ Pierre, « La justice hors du juge », Cahiers de droit de l'entreprise, 1984,
n o supplémentaire, n o 4, p. 16.
160
Voir notamment l’étude du professeur Jean-Louis DE CORAIL, « Administration et sanction.
Réflexions sur le fondement du pouvoir administratif de répression », in Mélanges René Chapus,
L.G.D.J., 1992, p. 104. Analysant le fondement de ce pouvoir administratif répressif à vocation
générale, l’auteur constate qu’on touche ici « le délicat problème de la détermination du contenu
et des limites de la fonction administrative et de la portée qu’il faut donner au principe de la
séparation de pouvoirs ».
161
WALINE Marcel, Traité de Droit administratif, Sirey, 9 ème éd., 1963, p. 551 : « La pratique des
sanctions administratives est assez grave parce qu'elle contribue, avec les sanctions fiscales, à
la création et au développement d'un pseudo-droit pénal » ; André DE LAUBADERE, Traité
élémentaire de droit administratif, L.G.D.J., 8 ème édition, 1980, p. 333 : « le pouvoir d’infliger
des sanctions administratives d’une autorité étrangère à l’ordre des juridictions pénales est
évidemment très exorbitant et constitue une forme extrême des prérogatives susceptibles d’être
reconnues à l’administration » ; AUBY Jean-Marie et DRAGO Roland, Traité de Contentieux
administratif, 3 ème éd., 1984, t. II, p. 329 ; AUBY Jean-Marie, « Les sanctions administratives en
matière de circulation automobile », Recueil Dalloz, 1952, Chr. n o 25, p. 111 ; BOMBOIS
Thomas et DEOM Diane, « La définition de la sanction administrative », in Les sanctions
administratives, ANDERSEN Robert, DEOM (dir.) Diane, RENDERS David (dir.), Bruylant,
2007, p. 82, n o 64.

- 58 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014

judiciaire » 162. En 1984, saisi du dispositif punitif confié à la Commission nationale


de la communication et des libertés en matière de concentrations de presse, les juges
constitutionnels ont réitéré leur position en affirmant que ce type de répression « ne
saurait être confié à une autorité administrative » 163.

Si ces décisions ont paru, de prime abord, manifester une véritable condamna-
tion de la répression administrative par le Conseil constitutionnel, en réalité, ce der-
nier ne faisait que signaler son adhésion à la thèse de la nature fondamentalement
juridictionnelle de la répression, laquelle, en elle-même, n’interdit pas l’exercice d’un
pouvoir répressif par l’administration. En effet, dans leur jurisprudence ultérieure, les
juges constitutionnels ont définitivement consacré la constitutionnalité de la
répression administrative. En proclamant que « Le principe de la séparation des
pouvoirs, non plus qu’aucun principe ou règle de valeur constitutionnelle, ne fait
obstacle à ce qu’une autorité administrative agissant dans le cadre de prérogatives
de puissance publique, puisse exercer un pouvoir de sanction dès lors, d’une part,
que la sanction susceptible d’être infligée est exclusive de toute privation de liberté
et, d’autre part, que l’exercice du pouvoir de sanction est assorti par la loi de
mesures destinées à sauvegarder les droits et libertés constitutionnellement
garantis » 164, les juges constitutionnels ont ainsi opté pour une présentation
moderne 165 de l’œuvre de Montesquieu, qui autorise, sous certaines conditions, le
partage organique d’un pouvoir naturellement considéré comme relevant de la

162
Décision n o 82-155 D.C. du 30 décembre 1982 « Loi de finances rectificative pour 1982 »,
s’agissant d’un système d’amendes fiscales, R.J.C., I, p. 149 ; R.D.P., 1983, p. 333, p., chr. AVRIL
Pierre et GICQUEL Jean ; Revue administrative, 1983, p. 142, comm. de VILLIERS Michel.
163
Décision n o 84-181 D.C. des 10-11 octobre 1984, Loi sur les entreprises de presse, Rec., p. 73 ;
A.J.D.A., 1984, p. 684 , note BIENVENU Jean-Jacques ; DE VILLIERS Michel, « La décision du
Conseil Constitutionnel des 23 et 24 octobre sur les entreprises de presse », Revue
administrative, 1984, p. 580 ; Pouvoirs, 1985, n° 33, p. 163, « Chronique constitutionnelle »,
AVRIL Pierre et GICQUEL Jean ; R.D.P., 1986, p. 395, obs. FAVOREU Louis ; FAVOREU
Louis et PHILIP Louis, Grandes décisions du Conseil constitutionnel, p. 599, n o 36.
164
Décision n o 89-260 D.C., 28 juillet 1989, Rec., 71 ; R.F.D.A., 1989, p. 671, obs. GENEVOIS
Bruno ; TEITGEN-COLLY Catherine, « Sanctions administratives et autorités administratives
indépendantes », L.P.A., 17 janvier 1990, p. 33.
165
EISENMANN Charles, « L’esprit des lois et la séparation des pouvoirs », in Mélanges Carré de
Malberg, Paris, Sirey, 1933, p. 165. L’auteur démontre que dans la pensée de Montesquieu, seule
la non-confusion des pouvoirs au profit d’un même organe est préconisée, sans, pour autant, que
cela n’interdise, sous certaines conditions, la participation de l’organe exécutif aux diverses
fonctions étatiques.

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CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014

fonction juridictionnelle. Dans une étude approfondie, Madame TEITGEN-COLLY a


ainsi démontré que les positions adoptées par le Conseil constitutionnel dans sa
décision du 28 juillet 1989 impliquaient une conception de la séparation des pouvoirs
dans laquelle dominerait l’idée de non-confusion des pouvoirs au profit d’un même
organe, mais qui autoriserait une « distribution des compétences » sous certaines
conditions.

La jurisprudence ultérieure est venue confirmer cette vue, en subordonnant


l’exercice par une autorité administrative du pouvoir répressif, fonction par nature
juridictionnelle, à l’existence de garanties, aussi bien substantielles que processuelles,
destinées à assurer la protection des droits des individus 166.

De la même manière, l’identification de la fonction contentieuse à la fonction


juridictionnelle a longtemps fait florès en droit administratif 167.

Force est alors de constater que l’économie de la jurisprudence


constitutionnelle est proche de celle de la jurisprudence strasbourgeoise 168, en tant
que cette dernière impose aux autorités, de quelque nature qu’elles soient, se
prononçant sur le bien-fondé d’une « accusation en matière pénale » ou, plus encore,

166
HUBRECHT Hubert-Gérald, « La notion de sanction administrative », L.P.A., 17 janvier 1990,
n o 8, p. 6 ; MODERNE Franck, « Sanctions administratives et protection des libertés
individuelles au regard de la Convention européenne des droits de l’homme », L.P.A., 17 janvier
1990, n o 9, p. 15 ; TEITGEN-COLLY Catherine, « Sanctions administratives et autorités
administratives indépendantes », L.P.A., 17 janvier 1990, no 8, p. 25 ; ROBERT Jacques, « Les
sanctions administratives et le juge constitutionnel », L.P.A., 17 janvier 1990, n o 8, p. 42 ;
SAUVE Jean-Marc, « Les sanctions administratives en droit public français », A.J.D.A., 2001,
p. 16 ; MIGNON Emmanuelle, « L'ampleur, le sens et la portée des garanties en matière de
sanctions administratives », A.J.D.A., 2001, p. 99.
167
Voir en se sens : Introduction générale, I, p. 19 à p. 29.
168
Sur le Conseil constitutionnel et l’interprétation européenne : COHEN-JONATHAN Gérard, « La
place de la Convention européenne des droits de l’homme dans l’ordre juridique français », in
Droit français et CEDH, SUDRE Frédéric (dir.), Engel, 1994, p. 1 ; GREWE Constance, « Le
juge constitutionnel et l’interprétation constitutionnelle», in L’interprétation de la Convention
européenne des droits de l’homme, SUDRE Frédéric (dir.), Bruylant, 1998, p. 199 ; BADINTER
Robert et GENEVOIS Bruno, « Normes de valeur constitutionnelle et degré de protection des
droits fondamentaux », R.U.D.H., 1990, p. 264 ; GREWE Constance et RUIZ FABRI Hélène,
« Le Conseil constitutionnel et l’intégration européenne », R.U.D.H., 1992, p. 287 ;
ANDRIANTSIMBAZOVINA Joël, « La prise en compte de la Convention européenne des droits
de l'homme par le Conseil constitutionnel, continuité ou évolution ? », Cahiers du Conseil
constitutionnel, n° 18, juillet 2005.

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CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014

sur une « contestation sur des droits et des obligations de caractère civil », de satis-
faire aux prescriptions protectrices de l’article 6 C.E.D.H.

C’est dans cette mesure qu’il convient d’accorder une place toute particulière à
la signification revêtue par les notions d’accusation en matière pénale ou de
contestation sur des droits et des obligations de caractère civil en droit européen.

II. Une définition européenne particulièrement englobante des matières civile et


pénale

L’« autonomisation » 169 des notions de « contestation sur des droits et des
obligations de caractère civil » et d’« accusation en matière pénale » à laquelle a
procédé la Cour de Strasbourg (A), lui a permis « d’introduire le cheval de Troie du
procès européen » 170 dans de nombreux pans de l’action administrative (B).

A. Les concepts européens de « contestation sur des droits et des obligations de


caractère civil » et d’« accusation en matière pénale »

À l’occasion d’une étude menée, il y a plus de 15 ans, sur la notion


d’« accusation en matière pénale », la professeure Renée KOERING-JOULIN et
monsieur Pierre TRUCHE faisaient observer : « Il est des sujets, battus et rebattus,
dont on a parfois l’impression qu’ils n’autorisent plus aucune découverte. Tel est le
sentiment immédiatement éprouvé devant la notion de « champ » pénal au sens
171
européen du terme » . Nous ne pouvons que souscrire à ce constat et l’étendre au

169
Terme employé par Frédéric SUDRE : « Le recours aux notions autonomes », in Frédéric
SUDRE (dir.), L’interprétation de la Convention, coll. Droit et Justice, éd. Bruylant, 1998, p. 96
et suivantes.
170
PICARD Étienne, « La juridiction administrative et les exigences du Procès équitable », in Le
droit français et la convention européenne des droits de l'homme - 1974-1992, Actes du colloque
tenu à Montpellier, février 1993, Strasbourg, N.P. Engel, 1994, p. 217, plus précisément p. 243.
171
KOERING-JOULIN Renée et TRUCHE Pierre, « Retour sur le champ pénal européen », in
Mélanges Louis-Edmond Pettiti, Bruylant, Bruxelles, 1999, p. 513.

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concept européen de « contestation sur des droits et obligations de caractère civil »,


tant il est vrai que ces notions ont été largement commentées 172.

Dès lors, il ne s’agit pas de jeter un jour nouveau sur la définition des termes
de « contestation sur des droits et des obligations de caractère civil » et
d’« accusation en matière pénale », au sens de la C.E.D.H. Pour reprendre à nouveau
les propos du professeur Étienne Picard, « tout a été dit, et l’a fort bien été (…) et
l’on vient simplement plus tard, non pour redire, si possible, mais, après avoir tout
de même rappelé l’essentiel, (…) pour relever les innovations et envisager d’autres

172
GROUPE DE RECHERCHES DROITS DE L’HOMME ET LOGIQUES JURIDIQUES, « La
« matière pénale » au sens de la Convention européenne des droits de l’homme, flou du droit
pénal», Revue de sciences criminelles, 1987, p. 819 et suivantes ; VELU Jacques et ERGERC
Rusen, La convention européenne des droits de l’homme, Bruylant, Bruxelles, 1990, p. 367 et
suivantes ; GROTRIAN Andrew, L'article 6 de la Convention européenne des Droits de
l'homme, Conseil de l'Europe, Direction des droits de l'homme, 1994, p. 21 ; PICARD Étienne,
« La juridiction administrative et les exigences du Procès équitable », in Le droit français et la
convention européenne des droits de l'homme - 1974-1992, Actes du colloque tenu à Montpellier,
février 1993, Strasbourg, N.P. Engel, 1994, p. 217 ; ALLIX Dominique, « Le droit à un procès
pénal équitable. De l’accusation en matière pénale à l’égalité des armes », Revues Justices, 1998,
n o 10, p. 30 ; SOYER Jean-Claude et de SALVIA Michel, « Article 6 », in La CEDH,
commentaire article par article, PETTITI Louis-Edmond, DECAUX Emmanuel, IMBERT
Pierre-Henri (dir.), 2 ème éd., Paris, Economica, 1999, p. 239 à 279 ; MILANO Laure, Le droit à
un tribunal au sens de la Convention européenne des droits de l’Homme, Thèse Montpellier,
SUDRE Frédéric (dir.), L.G.D.J., 2006, p. 97 et suivantes ; PETTITI Christophe, « La notion
autonome de droit de caractère civil : vers une conception restrictive ? » et TAGARAS Haris,
« La notion d’accusation en matière pénale et les droits de l’accusé », in Le procès équitable et
la protection juridictionnelle du citoyen, Actes du colloque organisé à Bordeaux les 29 et 30
septembre 2000, Institut des droits de l’homme des avocats européens et Institut des droits de
l’homme du Barreau de Bordeaux, p. 23 ; GONZALES Gérard, « Le sens européen de la notion
de contestation sur des droits et obligations de caractère civil », p. 11 et ECOCHARD Bertrand,
« Le sens européen de la notion de matière pénale », p. 28, in L’extension des garanties du
procès équitable hors les juridictions ordinaires : les contraintes européennes, Institut de droit
européen des droits de l’homme, Avril 2002 ; MASSIAS Florence, « Le champ pénal européen
selon la Cour européenne des droits de l’homme : interprétation autonome et applicabilité des
articles 6 et 7 de la Convention européenne des droits de l’homme », in Mélanges en l’honneur
du professeur Reynald Ottenhof, Dalloz, 2006, p. 87 ; GUINCHARD Serge,
DELICOSTOPOULOS Constantin-S, DOUCHY-OUDOT Mélina, FERRAND Frédérique, Droit
processuel : Droit commun et droit comparé du procès équitable, Dalloz, 2007, p. 125 à p. 208 ;
SUDRE Frédéric, Droit européen et international des droits de l’homme, P.U.F., 9 ème éd., 2009,
p. 351 et suivantes ; Voir également les articles réguliers des Professeurs Gérard GONZALEZ et
Frédéric SUDRE publiés dans la Revue du droit public et de la science politique en France et à
l'étranger, ceux des Professeurs
Henri LABAYLE, Frédéric SUDRE, Laurent SERMET et M. Joël ANDRIANTSIMBAZONIVA
dans la Revue française de droit administratif et, ceux du professeur Jean-François FLAUSS
dans l’Actualité juridique du droit administratif.

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CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014

hypothèses : en un mot pour ajouter dans le temps un nouveau chaînon, à la chaîne


continue et indéfinie du savoir juridique » 173.

Or, en cette matière, l’un des sentiments unanimement partagé par la


doctrine 174 est l’incertitude qui caractérise les notions de « contestation sur des droits
et des obligations de caractère civil » et d’« accusation en matière pénale ».

Quant à la première, certains la considèrent comme « l’une des plus difficiles à


définir dans la Convention européenne » 175. Quant à la seconde, son interprétation
« soulève des difficultés non moins importantes que celles suscitées par le concept de
« droits et obligations de caractère civil » 176. La Commission, signalait, elle-même,
dans son rapport présenté le 5 octobre 1983 à l’occasion de l’affaire « Benthem
c/ Pays-Bas », qu’« il subsiste une grande incertitude sur l’étendue exacte du
domaine d’application de l’article 6 paragraphe 1, et que les États contractants ont
manifestement besoin de directives complémentaires dans un domaine qui, pour
beaucoup d’entre eux, a un impact considérable sur l’ordre juridique interne » 177.

173
Rapport de la Commission, § 91.
174
EISSEN Marc-André, « Jurisprudence relative à l’article 6 de la Convention », Cour européenne
des droits de l’homme, 1985, p. 3 ; GONZALEZ Gérard, « Le sens européen de la notion de
« contestation sur des droits et obligations de caractère civil », in L’extension des garanties du
procès équitable hors les juridictions ordinaires : les contraintes européennes, Institut de droit
européen des droits de l’homme, Avril 2002, p. 11 ; SOYER Jean-Claude et DE SALVIA Michel,
« Article 6 », La Convention européenne des droits de l'homme, Commentaire article par article,
PETTITI Louis-Edmond, DECAUX Emmanuel et IMBERT Pierre-Henri (dir.), Economica,
2 ème éd., 1999, p. 239 et s., plus précisément p. 249.
175
DUGRIP Olivier, « L’applicabilité de l’article 6 de la CEDH aux juridictions administratives »,
R.U.D.H., 1991, p. 336 et spécialement p. 339.
176
GROUPE DE RECHERCHES DROITS DE L’HOMME ET LOGIQUES JURIDIQUES, « La
« matière pénale » au sens de la Convention européenne des droits de l’homme, flou du droit
pénal », Revue de sciences criminelles, 1987, p. 819 et suivantes ; VELU Jacques et ERGERC
Rusen, La convention européenne des droits de l’homme, Bruylant, Bruxelles, 1990, p. 390,
n o 438 ; KOERING-JOULIN Renée et TRUCHE Pierre, « Retour sur le champ pénal européen »,
in Mélanges Louis-Edmond Pettiti, Bruylant, Bruxelles, 1999, p. 513 ; TAGARAS Haris, « La
notion d’accusation en matière pénale et les droits des accusés », in Le procès équitable et la
protection juridictionnelle du citoyen, Actes du colloque organisé à Bordeaux les 29 et
30 septembre 2000, Institut des droits de l’homme des avocats européens et Institut des droits de
l’homme du barreau de Bordeaux, p. 43 et plus précisément p. 45 à p. 47 ; ECOCHARD
Bertrand, « Le sens européen de la notion de matière pénale », in L’extension des garanties du
procès équitable hors les juridictions ordinaires : les contraintes européennes, Institut de droit
européen des droits de l’homme, Avril 2002, p. 28 et p. 35 à p. 38 ; GUINCHARD Serge,
DELICOSTOPOULOS Constantin-S, DOUCHY-OUDOT Mélina, FERRAND Frédérique, Droit
processuel : Droit commun et droit comparé du procès équitable, Dalloz, 2007, p. 163 et p. 164.
177
Rapport de la Commission, § 91.

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C’est en ce sens que se sont également prononcés certains juges européens des droits
de l’homme dans le cadre de leurs opinions dissidentes 178.

La difficulté tient principalement à l’« autonomisation » 179 des notions de


« droits et obligations de caractère civil » et d’« accusation en matière pénale »,
respectivement affirmée par la Cour de Strasbourg dans ses arrêts « König
c/ Allemagne » du 28 juin 1978 180 et « Engel et autres c/ Pays-Bas » du 8 juin
1976 181. La référence au droit interne présente ainsi peu d’utilité dans la recherche de
la définition de ces notions puisque comme l’a magistralement démontré Frédéric

178
Voir également les opinions dissidentes de certains juges au sein de la Cour qui dénoncent le manque de
cohérence : celles du Juge PETTITI sous CEDH, 19 février 1998, no 20124/92, Higgins c/ France,
R.T.D. Civ., 1999, p. 516, obs. MARGUENAUD Jean-Pierre ; J.C.P., 1999, I, p. 105, obs. SUDRE
Frédéric ; R.D.P., 1999, no 3, p. 855, HUGON Christine : « En tout cas, une affaire telle celle du cas
Higgins souligne la controverse sur la méthode qui consiste à utiliser trop largement l'article 6 dans sa
rédaction floue d'origine et son ambiguïté sur le concept d'équité de type anglo-saxon quand les États et
les juges sont confrontés aux systèmes de droit continental civil et aux procédures sophistiquées de
cassation de type français ou belge ne comportant pas, au surplus, de mécanismes d'autorisation de
pourvois, admis par d'autres législations et par la Convention. La dernière série des arrêts rendus par
la Cour européenne avant de laisser place à la nouvelle Cour suscite des interrogations sur
l'importance quantitative et qualitative accordée à l'article 6 dans la jurisprudence européenne
nonobstant le risque pour la Cour de se comporter en quatrième juridiction. Certes, elle est inspirée du
juste principe suivant lequel la règle procédurale est la meilleure des garanties du respect des droits.
Mais la facilité de constats de violations en ce domaine en étendant la doctrine de l'apparence a peut-
être trop orienté des choix dans les saisines, au détriment peut-être d'examens de cas de violations
potentielles portant sur le noyau dur et la hiérarchie des droits fondamentaux. » ; Celle du Juge DE
MEYER sous CEDH, 22 février 1996, no 18892/91, Putz c/ Autriche, R.T.D.H., 1997, p. 493, note
MASSIAS Florence ; R.S.C., 1997, p. 468, obs. KOERING-JOULIN Renée : s’agissant des critères de
la matière pénale formulés dans l’arrêt « Engel », « L'expérience paraît démontrer que ces critères ne
sont pas très satisfaisants ».
179
SUDRE Frédéric, « Le recours aux notions autonomes », in Frédéric SUDRE (dir.),
L’interprétation de la Convention, coll. Droit et Justice, éd. Bruylant, 1998, p. 96 et suivantes
180
CEDH, 28 juin 1978, n o 6232/73, König c/ Allemagne, § 88, Cahiers de droit européen, 1979,
p. 474, obs. COHEN-JONATHAN Gérard ; A.F.D.I., 1979, p. 348, obs. PELLOUX Robert ;
Journal de droit international, 1980, p. 460, obs. ROLLAND Patrice ;CEDH, 16 juillet 1971,
n o 2614/65, Ringeisen c/ Autriche, § 110, précité; CEDH, 8 juillet 1987, n o 10092/82, Baraona
c/ Portugal, Série A, n o 122, § 42.
181
CEDH, 8 juin 1976, n os 5100/71, 5101/71, 5102/71, 5354/72, 5370/72, Engel et autres c/ Pays-
Bas, § 8, précité; CEDH, 21 février 1984, n o 8544/79, Oztürk c/ Allemagne, § 50, G.A.C.E.D.H.,
n o 21 ; Jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme, 9 ème éd., 2004, Éditions
Sirey, n o 117, BERGER Vincent ; J.D.I., 1986, p. 1051, obs. ROLLAND Patrice et TAVERNIER
Paul ; CEDH, 28 juin 1984, n os 7819/77 et 7878/77, Campbell et Fell c/ Royaume-Uni, § 68,
précité ; CEDH, 27 août 1991, n o 13057/87, Demicoli c/ Malte, § 31, J.D.I., 1992, p. 792, note
DECAUX Emmanuel ; Pour une reconnaissance explicite, voir : CEDH, 28 juin 1978,
n o 6232/73, König c/ Allemagne, § 88, précité ; CEDH, 27 février 1980, no 6903/75, Deweer
c/ Belgique, § 42, précité.

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CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014

SUDRE dans une étude pionnière 182 sur « Le recours aux notions autonomes »183,
cette technique utilisée par le juge européen vise à doter « une notion conventionnelle
[…] d’une définition de nature matérielle, différente de celle retenue par le droit
interne de l’État défendeur, afin de réaliser l’applicabilité d’un droit qui participe de
la prééminence du droit » 184.

Or, au grand dam de la doctrine, les juges strasbourgeois n’ont jamais livré la
définition européenne de la notion de « droits et obligations de caractère civil » 185 (1).
Quant aux termes d’« accusation en matière pénale », si leur acception européenne a
été précisée par la Cour, le maniement des critères d’identification de cette notion en
révèle les limites (2). Par ailleurs, les indications fournies par les travaux
préparatoires sur l’article 6 C.E.D.H. sont de peu de secours, puisque, comme l’ont

182
La plupart des études intéressant l’article 6 C.E.D.H., soit ne comporte aucune définition de la
technique des notions autonomes, soit en adopte une vision assez simplificatrice en se bornant à
la présenter comme celle visant à donner une définition uniforme des engagements des États
contractants. Voir en ce sens : EVRIGENIS D., « Réflexions sur la dimension nationale de la
C.E.D.H. », in Conseil de l’Europe, Actes du colloque sur la C.E.D.H. par rapport à d’autres
instruments internationaux pour la protection des droits de l’homme, Strasbourg, 1979, p. 71 ;
Opinion concordante du juge LAGERGREN sur CEDH, 28 mai 1985, no 8225/78, Ashingdane
c/ Royaume-Uni : « Une interprétation « autonome » des concepts de la Convention signifie en
réalité une interprétation uniforme résultant, pour reprendre les termes du Préambule, d’« une
conception commune et [d’] un commun respect des droits de l’homme (...) » protégés. » ;
EISSEN Marc-André. « La C.E.D.H. », R.D.P., Novembre –Décembre 1986, p. 1584 ;
ROLLAND Patrice, « L’interprétation de la C.E.D.H. », R.U.D.H. 1991, p. 280 et spécialement
p. 283 ; DUGRIP Olivier, « L’applicabilité de l’article 6 de la C.E.D.H. aux juridictions
administratives », R.U.D.H. 1991, p. 336, spécialement p. 339 ; ANDRIANTSIMBAZOVINA
Joël, « La fin d’une résistance du Conseil d’État de France à la chose interprétée par la Cour
européenne des droits de l’homme : l’application de l’article 6 § 1° de la convention européenne
des droits de l’homme aux juridictions disciplinaires », R.T.D.H. 1998, p. 365 et spécialement
p. 370 ; PETTITI Christophe, « La notion autonome de droit de caractère civil : vers une
conception restrictive ? », Le procès équitable et la protection juridictionnelle du citoyen, Actes
du colloque organisé à Bordeaux les 29 et 30 septembre 2000, Institut des droits de l’homme des
avocats européens et l’Institut des droits de l’homme du Barreau de Bordeaux, p. 23 ;
GROTRIAN Andrew, L'article 6 de la Convention européenne des Droits de l'homme, Conseil de
l'Europe, Direction des droits de l'homme, 1994.
183
SUDRE Frédéric, « Le recours aux notions autonomes », in Frédéric SUDRE (dir.),
L’interprétation de la Convention, coll. Droit et Justice, Bruylant, 1998, p. 96 et suivantes.
184
Cette définition est reprise par le professeur Gérard GONZALEZ, R.D.P., 2000, n° 3, p. 711 à
716, spécialement p. 713 et p. 714.
185
CEDH, 23 octobre 1985, n o 8848/80, Benthem c/ Pays-Bas, § 35, précité.

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déjà souligné de nombreux auteurs 186, les débats ayant eu lieu devant l’Assemblée
consultative du Conseil de l’Europe n’ont pas abordé ce problème.

1. Des critères d’identification de la matière civile demeurant


relativement flous

C’est par touches successives que la Cour de Strasbourg est venue étayer la
notion de « contestation sur des droits et des obligations de caractère civil ». Cette
jurisprudence au « compte-gouttes » a suscité pléthore d’objurgations dénonçant son
manque de lisibilité et de clarté 187, parfois même son défaut de cohérence 188.

L’une des questions les plus délicates et épineuses 189 qui surgissent sur le
terrain de la Convention réside dans la détermination du caractère civil d’un droit. La

186
VELU Jacques et ERGERC Rusen, La convention européenne des droits de l’homme, Bruylant,
Bruxelles, 1990, p. 338, n o 386 ; VELU Jacques, « Le problème de l’application aux juridictions
administratives des règles de la Convention européenne des Droits de l’homme relatives à la
publicité des audiences et des jugements », Revue de droit international et de droit comparé,
1961, p. 129 ; SPERDUTI G., « Recherche d’une méthode appropriée aux fins de la
détermination de la notion de « droits et obligations de caractère civil » dans la Convention
européenne des Droits de l’homme », Riviosta di diritto internazionale, 1989, n o 4, p. 761,
spécialement p. 769 ; DUGRIP Olivier, « L’applicabilité de l’article 6 de la C.E.D.H. aux
juridictions administratives », R.U.D.H., 1991, p. 336 et spécialement p. 339 ; MILANO Laure,
Le droit à un tribunal au sens de la Convention européenne des droits de l’Homme, Thèse
Montpellier, SUDRE Frédéric (dir.), L.G.D.J., 2006, p. 114, n o 157.
187
FLAUSS Jean-François, « Actualité de la Convention européenne des droits de l’homme »,
A.J.D.A., 20 décembre 1996, p. 1005 ; TAVERNIER Paul, « Faut-il réviser l’article 6 de la
C.E.D.H. ? (à propos du champ d’application de l’article 6 ) », in Mélanges Louis-Edmond
Pettiti, Bruylant, Bruxelles, 1998, p. 707 à p. 720 ; HAÏM Victor, « Faut-il supprimer la Cour
européenne des droits de l’homme », D., 2001, Chronique, p. 2988 à p. 2994.
188
COHEN-JONATHAN Gérard, « Quelques considérations sur l’autorité des arrêts de la Cour
européenne des droits de l’homme », in Liber amicorum Marc-André Eissen, Bruylant, L.G.D.J.,
1995, p. 569 ; FLAUSS Jean-François, « Actualité de la Convention européenne des droits de
l’homme », A.J.D.A., 20 décembre 1996, p. 1006 et p. 1007 ; FLAUSS Jean-François, « Actualité
de la Convention européenne des droits de l’homme (septembre 2007 - février 2008) », A.J.D.A.,
26 mai 2008, p. 978.
189
EISSEN Marc-André, Jurisprudence relative à l’article 6 de la Convention, Strasbourg, Conseil
de l’Europe, 1985, p. 3 ; VELU Jacques et ERGERC Rusen, La convention européenne des droits
de l’homme, Bruylant, Bruxelles, 1990, p. 374, n o 419; SOYER Jean-Claude et de SALVIA
Michel, « Article 6 », in La CEDH, commentaire article par article, PETTITI Louis-Edmond,
DECAUX Emmanuel, IMBERT Pierre-Henri (dir.), 2 ème éd., Paris, Economica, 1999, p. 239 à
279 ; DUGRIP Olivier, « L’applicabilité de l’article 6 de la C.E.D.H. aux juridictions
administratives », R.U.D.H., 1991, p. 342 ; MILANO Laure, Le droit à un tribunal au sens de la
Convention européenne des droits de l’homme, L.G.D.J., 2006, p. 99 et p. 112 et suivantes ;
GONZALES Gérard, « Le sens européen de la notion de « contestations sur des droits et

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CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014

difficulté est telle, qu’elle en fait d’ailleurs « oublier le premier membre de phrase
relatif aux notions de « contestations sur des droits et des obligations » 190. Pourtant,
lorsqu’elle est saisie au titre de la matière civile, la Cour de Strasbourg se prononce
d’abord sur l’existence d’une « contestation relative à un droit ».

Soulignant l’absence de cette notion de « contestation » dans la version


anglaise de l’article 6 § 1 de la C.E.D.H. 191, les juges européens rappellent de manière
itérative que l’esprit de la Convention commande de ne pas prendre ce terme « dans
une acception trop technique et d’en donner une définition matérielle plutôt que
formelle. » 192 Plus précisément, la notion européenne de « contestation » n’implique
pas l’existence de « deux prétentions ou demandes contradictoires » 193 mais
s’accommode de la simple existence d’un différend, qui doit être réel et sérieux 194.
Consécutivement, un contentieux de nature objective portant sur la légalité d’un acte
administratif unilatéral touchant à un droit 195 peut soulever une contestation au sens
de la Convention.

obligations de caractère civil », L’extension des garanties du procès équitable hors les
juridictions ordinaires : les contraintes européennes, Institut de droit européen des droits de
l’homme, Avril 2002, p. 12 ; PETTITI Christophe, « La notion autonome de droit de caractère
civil : vers une conception restrictive », in Le procès équitable et la protection juridictionnelle
du citoyen, Actes du colloque organisé à Bordeaux les 29 et 30 septembre 2000, Institut des
droits de l’homme des avocats européens et l’Institut des droits de l’homme du Barreau de
Bordeaux, p. 29; EISSEN Marc-André, Jurisprudence relative à l’article 6 de la Convention,
Strasbourg, Conseil de l’Europe, 1985, p. 3 ; PICARD Étienne, « La juridiction administrative et
les exigences du Procès équitable », in Le droit français et la convention européenne des droits
de l'homme - 1974-1992, Actes du colloque tenu à Montpellier, février 1993, Strasbourg , N.P.
Engel, 1994, p. 239 et p. 240 ; PICARD Étienne, « La juridiction administrative et les exigences
du Procès équitable », in Le droit français et la convention européenne des droits de l'homme -
1974-1992, Actes du colloque tenu à Montpellier, février 1993, Strasbourg, N.P. Engel, 1994,
p. 217 et, plus précisément, p. 239.
190
MILANO Laure, Le droit à un tribunal au sens de la Convention européenne des droits de
l’Homme, Thèse Montpellier, SUDRE Frédéric (dir.), L.G.D.J., 2006, p. 99, n o 136.
191
“In the determination of his civil rights and obligations”.
192
CEDH, 23 juin 1981, nos 6878/75, 7238/75, Le Compte, Van Leuven et De Meyere c/ Belgique,
§ 40 à 45, précité.
193
CEDH, 23 juin 1981, nos 6878/75, 7238/75, Le Compte, Van Leuven et De Meyere c/ Belgique,
§ 40 à 45, précité.
194
CEDH, 23 septembre 1982, n os 7151/75, 7152/75, Sporrong et Lönnroth c/ Suède, § 81, A.F.D.I.,
1985, p. 415, obs. COUSSIRAT-COUSTERE Vincent.
195
CEDH, 23 juin 1981, nos 6878/75, 7238/75, Le Compte, Van Leuven et De Meyere c/ Belgique,
§ 40 à 45, précité ; CEDH, 27 novembre 1991, n o 12565/86, Oerlmans c/ Pays-Bas, A.J.D.A.,

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La contestation « peut porter aussi bien « sur l’existence même d’un droit »
que sur son étendue ou ses modalités d’exercice » 196. De même, « elle peut concerner
tant des « points de fait » que « des questions juridiques » 197. Toutefois, la Cour
considère que « l’article 6 paragraphe 1 ne se contente […] pas d’un lien ténu ni de
répercussions lointaines : des droits et obligations de caractère civil doivent
constituer l’objet - ou l’un des objets - de la contestation ; l’issue de la procédure
doit être directement déterminante pour un tel droit » 198. En d’autres termes, « il faut
que la procédure tende à obtenir une réponse, qui sera décisive, sur le sort de ce
droit ou de cette obligation » 199. Pour autant, la Cour n’hésite pas à dissocier, comme
l’a très justement exprimé Madame Laure MILANO, « l’objet direct [de la procédure
en cause] et l’enjeu ou les conséquences de cette procédure sur les droits du
requérant » 200. Ce faisant, l’applicabilité de l’article 6 C.E.D.H. a pu être étendue au
contentieux constitutionnel préjudiciel, dans la mesure où « l’annulation, par le
Tribunal constitutionnel, des normes [législatives] controversées aurait amené les
juges civils à accueillir les prétentions » [des requérants] et « était l’unique moyen -
indirect - dont ils disposaient pour se plaindre d’une atteinte à leur droit de
propriété » 201. Ce « raisonnement en cascade » 202, qui permet à la Cour d’appliquer

20 janvier 1992, p. 15, obs. FLAUSS Jean-François ; CEDH, 28 juin 1990, n o 12258/86, Skärby
c/ Suède, Série A, n o 180-B, § 28.
196
CEDH, 23 octobre 1985, n o 8848/80, Benthem c/ Pays-Bas, § 32, précité.
197
CEDH, 23 juin 1981, nos 6878/75, 7238/75, Le Compte, Van Leuven et De Meyere c/ Belgique,
§ 51, précité ; CEDH, 10 février 1983, n os 7299/75 et 7496/76, Albert et Le Compte, § 29 et § 36,
précité ; CEDH, 23 octobre 1985, n o 8848/80, Benthem c/ Pays-Bas, § 32, précité.
198
CEDH, 16 juillet 1971, n o 2614/65, Ringeisen c/ Autriche, § 94, précité ; CEDH, 23 juin 1981,
n os 6878/75 et 7238/75, Le Compte, Van Leuven et De Meyere, § 47, précité ; CEDH 23 octobre
1985, n o 8848/80, Benthem c/ Pays-Bas, § 32, précité.
199
SOYER Jean-Claude et de SALVIA Michel, « Article 6 », in La CEDH, commentaire article par
article, PETTITI Louis-Edmond, DECAUX Emmanuel, IMBERT Pierre-Henri (dir.), 2 ème éd.,
Paris, Economica, 1999, p. 239 à 279.
200
MILANO Laure, Le droit à un tribunal au sens de la Convention européenne des droits de
l’Homme, Thèse Montpellier, SUDRE Frédéric (dir.), L.G.D.J., 2006, p. 104, n o 145.
201
CEDH, 23 juin 1993, n o 12952/87, Ruiz-Mateos c/ Espagne, § 59, R.F.D.C., 1994, p. 175, obs.
COHEN-JONATHAN Gérard ; A.J.D.A., 20 janvier 1994, p. 19, « L’applicabilité de l’article 6-1
au contentieux constitutionnel préjudiciel », FLAUSS Jean-François ; R.F.D.A., n o 10, novembre-
décembre 1994, p. 1185, « Jurisprudence de la Cour européenne des Droits de l’homme et droit
administratif », LABAYLE Henri et SUDRE Frédéric.

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CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014

« l’article 6 à une procédure (...) déterminante pour une autre procédure,


déterminante à son tour pour des droits de caractère civil » 203, a également conduit à
résoudre positivement la question de l’applicabilité de l’article 6 C.E.D.H. à un
recours pour excès de pouvoir dirigé contre des arrêtés fixant des quotas laitiers dès
lors que leur annulation « aurait permis à la requérante de s'adresser aux juridictions
civiles pour récupérer le montant qu'elle estimait indûment payé » et était, par
conséquent, « l'unique moyen - indirect - dont elle disposait pour tenter d'obtenir le
remboursement des prélèvements supplémentaires » 204. De la même manière, le droit
au procès équitable a été déclaré applicable à une plainte avec constitution de partie
civile, laquelle « visait à déclencher des poursuites judiciaires afin d’obtenir une
déclaration de culpabilité » dont dépendait « l’exercice [par le requérant] de ses
droits civils en rapport avec les infractions alléguées, et notamment l’indemnisation
du préjudice financier » 205, qui est « un droit de caractère civil » 206.

Une fois l’existence d’une contestation établie, la Cour recherche si cette


dernière porte sur un droit ou une obligation 207.

Selon la jurisprudence européenne, il s’agit ici d’établir l’existence d’un droit


reconnu par la législation interne 208, à tout le moins d’un droit dont l’existence puisse

202
KASTANAS Elias, Unité et diversité : notions autonomes et marge d’appréciation des États
dans la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme, Bruylant, Bruxelles, 1996,
p. 383.
203
KASTANAS Elias, Unité et diversité : notions autonomes et marge d’appréciation des États
dans la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme, Bruylant, Bruxelles, 1996,
p. 383.
204
CEDH, 28 septembre 1995, n o 14570/89, Procola c/ Luxembourg, § 39 ; FLAUSS Jean-François,
« L’applicabilité de l’article 6-1 au contentieux de l’excès de pouvoir », A.J.D.A., 20 février
1995, p. 131 et « L’applicabilité de l’article 6-1 aux contentieux de la validité des règlements
administratifs », A.J.D.A., 20 mai 1996, p. 379 ; R.F.D.A., 1996, p. 777, obs. AUTIN Jean-Louis et
SUDRE Frédéric ; J.C.P., éd. gén., 1996, I, 3910, n o 23, SUDRE Frédéric.
205
CEDH, 28 octobre 1998, n o 22924/93, Aït-Mouhoub c/ France, § 45, précité.
206
CEDH, 28 octobre 1998, n o 22924/93, Aït-Mouhoub c/ France, § 44, précité.
207
S’agissant du terme d’« obligation », il n’appelle guère d’observation particulière dans la mesure
où, pour reprendre les propos des Professeurs Jacques VELU et Rusen ERGEC, il « apparaît ici
comme la face passive du « droit », in VELU Jacques et ERGEC Rusen, La convention
européenne des droits de l’homme, Bruylant, Bruxelles, 1990, p. 372, n os 417.

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CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014

être soutenue de « manière défendable » 209 par le requérant, « qu'il soit ou non
protégé, de surcroît, par la Convention » 210. La Cour précise, à cet égard, qu’elle « ne
saurait créer, par voie d’interprétation de l’article 6 § 1, un droit matériel n’ayant
aucune base légale dans l’État concerné » 211. Il n’en demeure pas moins que les juges
européens font prévaloir une conception souple du critère de la « défendabilité » du
droit. Ainsi, comme l’ont précisément expliqué les Professeurs Jacques VELU et
Rusen ERGEC, « les organes de la Convention prennent en considération le droit
interne pour conclure à l’existence ou non d’un « droit », sans pour autant s’estimer
liés par les qualifications du droit interne. Il suffit, dans cette perspective, que le
requérant établisse une « apparence de droit » (cf. arrêt Baraona du 8 juillet 1987,
Série A, no 122, p. 17, § 41). Là où le droit interne confère à l’autorité un pouvoir
discrétionnaire à l’effet d’accorder aux administrés des « avantages », les organes de
la Convention n’en relèvent pas moins l’existence de « droits » dans le chef de ceux-
ci. Même lorsque le droit interne n’assigne apparemment aucune borne à ce pouvoir
discrétionnaire, la Cour se réfère aux « principes juridiques et administratifs
généralement reconnus » pour observer que « les autorités ne jouissaient pas d’une
latitude illimitée à cet égard » (à propos d’une procédure portant sur le retrait d’une
licence de transport public) (arrêt Pudas du 27 octobre 1987, Série A, no 125, p. 15,
§ 34). »

208
CEDH, 21 septembre 1994, n o 17101/90, Fayed c/ Royaume-Uni, § 65, Gazette du Palais, 1995,
p. 521, note FLECHEUX Olivier : « les organes de la Convention ne sauraient créer, par voie
d’interprétation de l’article 6, paragraphe 1, un droit matériel de caractère civil n’ayant aucune
base légale dans l’État concerné ».
209
CEDH, 12 octobre 1992, no 11955/86, Salerno c/ Italie, § 14, A.J.D.A., 20 février 1993, obs.
FLAUSS Jean-François, p. 108 ; CEDH, 21 février 1986, n o 8793/79, James et autres
c/ Royaume-Uni, § 81 ; C.D.E. 1988, p. 479, COHEN-JONATHAN Gérard ; J.D.I., 1987, p. 772,
ROLLAND Patrice et TAVERNIER Paul ; CEDH, 10 mai 2001, no 29392/95, Z. et autres c/
Royaume-Uni, § 87, J.C.P., éd. gén., 2001, I, 342, obs. SUDRE Frédéric ; CEDH, 21 novembre
2001, n o 31253/96, Mc Elhinney c/ Irlande, § 23, J.C.P.., éd. gén., 2002, I, 105, p. 129, no 8, obs.
SUDRE Frédéric.
210
CEDH, 12 octobre 1992, n o 11955/86, Salerno c/ Italie, § 14, précité.
211
CEDH, 19 octobre 2005, n o 32555/96, Roche c/ Royaume-Uni, § 116 et § 117, J.C.P., 2006, éd. G,
I, 109, n° 4, p. 187, obs. SUDRE Frédéric ; CEDH, 14 décembre 2006, no 1398/03, Markovic et
autres c/ Italie, § 93, J.D.I., 2007, p. 677, obs. TAVERNIER Paul ; R.F.D.A., 2008, p. 728, note
VONSY Moea.

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Reste l’étape la plus délicate 212, celle qui consiste à déterminer si le droit en
cause revêt un « caractère civil ».

Selon la jurisprudence strasbourgeoise, « pour savoir si une contestation porte


sur la détermination d’un droit de caractère civil, seul compte le caractère du droit
qui se trouve en cause » 213. Aussi, « il n’est pas nécessaire que (...) les deux parties
au litige soient des personnes privées. Le libellé de l’article 6 paragraphe 1 est beau-
coup plus large. (...) peu importe la nature de la loi suivant laquelle la contestation
doit être tranchée (loi civile, commerciale, administrative…), et celle de l’autorité
compétente en la matière (juridiction de droit commun, organe administratif) » 214. En
d’autres termes, « si la contestation oppose un particulier à une autorité publique, il
n’est pas décisif que celle-ci ait agi comme personne privée ou en tant que détentrice
de la puissance publique » 215. Les juges strasbourgeois privilégient, de la sorte, « la
nature « civile » du droit en cause, et non la nature des rapports juridiques ou de
l’intervention affectant le droit considéré » 216.

Cette position, adoptée pour la première fois en 1978 dans l’arrêt « König
c/ Allemagne », paraît, du reste, fort logique face au développement, à cette époque,
de l’interventionnisme étatique. Comme l’ont relevé nombre d’auteurs 217, la

212
EISSEN Marc-André, Jurisprudence relative à l’article 6 de la Convention, Strasbourg, Conseil
de l’Europe, 1985, p. 3 ; VELU Jacques et ERGERC Rusen, La convention européenne des droits
de l’homme, Bruylant, Bruxelles, 1990, p. 374 n o 419 ; DUGRIP Olivier, « L’applicabilité de
l’article 6 de la CEDH aux juridictions administratives », R.U.D.H., 1991, p. 342 ; SOYER Jean-
Claude et de SALVIA Michel, « Article 6 », in La CEDH, commentaire article par article,
PETTITI Louis-Edmond, DECAUX Emmanuel, IMBERT Pierre-Henri (dir.), 2 ème éd., Paris,
Economica, 1999, p. 251 ; MILANO Laure, MILANO Laure, Le droit à un tribunal au sens de
la Convention européenne des droits de l’Homme, L.G.D.J., 2006, p. 99, n o 136.
213
CEDH, 16 juillet 1971, n o 2614/65, Ringeisen c/ Autriche, § 94, précité.
214
CEDH, 16 juillet 1971, n o 2614/65, Ringeisen c/ Autriche, § 94, précité.
215
CEDH, 28 juin 1978, no 6232/73, König c/ Allemagne, § 90, précité.
216
PICARD Étienne, « La juridiction administrative et les exigences du Procès équitable », in Le
droit français et la convention européenne des droits de l'homme - 1974-1992, Actes du colloque
tenu à Montpellier, février 1993, Strasbourg, N.P. Engel, 1994, p. 235 ; Voir également DUGRIP
Olivier, « L’applicabilité de l’article 6 de la CEDH aux juridictions administratives », R.U.D.H.,
1991, p. 336 et spécialement p. 343 : « Seule compte la nature, privée, du droit en cause. (…) le
rapport juridique affectant les droits peut être de droit public. L’appartenance au droit public du
rapport juridique affectant les droits n’est pas de nature à priver ces derniers de leur caractère
privé. »
217
DUGRIP Olivier, « L’applicabilité de l’article 6 de la CEDH aux juridictions administratives »,
R.U.D.H., 1991, p. 336 et spécialement p. 343 ; SOYER Jean-Claude et de SALVIA Michel,

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CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014

pénétration croissante du droit public dans la sphère des droits privés a nécessité
« dans l’optique de l’applicabilité de l’article 6 (de) procéder à un recadrage des
frontières entre droit privé et droit public, qui ne passent plus par la nature des
parties en cause ou des organes administratifs ou juridictionnels en cause, mais bien
par celle du droit revendiqué par le requérant » 218. Elle a toutefois soulevé certaines
objurgations, et plus particulièrement celles des juridictions nationales 219.

La référence à la nature « privée » ou « civile » 220 du droit en cause demeure,


en revanche, beaucoup plus empreint de mystère, la Cour n’en ayant jamais précisé la
définition générale et abstraite. Le terme « civil », dont la signification varie selon les
systèmes juridiques 221, a ainsi fait l’objet d’une multitude d’interprétations

« Article 6 », in La CEDH, commentaire article par article, PETTITI Louis-Edmond, DECAUX


Emmanuel, IMBERT Pierre-Henri (dir.), 2 ème éd., Paris, Economica, 1999, p. 251 ; MILANO
Laure, Le droit à un tribunal au sens de la Convention européenne des droits de l’Homme, Thèse
Montpellier, SUDRE Frédéric (dir.), L.G.D.J., 2006, p. 120, no 165.
218
GONZALEZ Gérard, « Le sens européen de la notion de « contestation sur des droits et
obligations de caractère civil », in L’extension des garanties du procès équitable hors les
juridictions ordinaires : les contraintes européennes, Institut de droit européen des droits de
l’homme, Avril 2002, p. 14.
219
ANDRIANTSIMBAZOVINA Joël, « La fin d’une résistance du Conseil d’État de France à la
chose interprétée par la Cour européenne des droits de l’homme : l’application de l’article 6 § 1
C.E.D.H. aux juridictions disciplinaires », R.T.D.H., 1998, p. 356 et spécialement p. 371 et
p. 372. L’auteur cite l’arrêt « Miltner » rendu par la Cour constitutionnelle d’Autriche le
14 octobre 1987 dans lequel les juges autrichiens n’ont pas caché leur réserve « à l’égard de la
jurisprudence extensive de la Cour européenne relative à la notion de droits et obligations à
caractère civil et à la notion d’accusation en matière pénale. (…) Selon le juge constitutionnel
autrichien, des modifications aussi significatives de l’ordre juridique d’un pays continental,
fondé sur la distinction traditionnelle entre le droit privé et le droit public, ne peuvent résulter
de la jurisprudence de la Cour européenne, mais exigent l’adoption d’un amendement par le
Parlement autrichien ».
220
Les deux qualificatifs sont employés indifféremment par la Cour : CEDH, 29 mai 1986,
Deumeland c/ République fédérale d’Allemagne, Série A, n o 100, § 60 et CEDH, 8 juillet 1987,
Baraona c/ Portugal, § 42, précité.
221
Dans les systèmes romano-germaniques, le terme civil peut revêtir deux acceptions. Dans le sens
de « privé», par opposition aux « droits publics », les droits civils désignent les droits « que les
personnes possèdent individuellement, en leur seule qualité d’êtres humains ou par suite de leurs
rapports entre elles ». Dans un sens plus étroit, « le mot civil sert à spécifier dans la
compréhension du mot « privé » ; la notion de « civil », en élaguant tout ce qui est
« commercial », « rural », « forestier », « industriel », etc. » : BECQUART J., Les mots à sens
multiples dans le droit civil français, Paris, 1973, p. 78, cité par VELU Jacques et ERGERC
Rusen, La convention européenne des droits de l’homme, Bruylant, Bruxelles, 1990, p. 375,
n o 420. Selon son acception anglo-saxonne, le terme civil recouvre les droits de la personnalité et
les droits politiques : VELU Jacques et ERGERC Rusen, La convention européenne des droits de
l’homme, Bruylant, Bruxelles, 1990, p. 374, n o 420.

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CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014

doctrinales 222, qui ont été, pour la plupart, contredites par la jurisprudence
européenne.

C’est, en effet, au gré des affaires qui lui étaient soumises que la Cour de
Strasbourg est venue préciser quels étaient les contours de cette catégorie européenne.

Elle y a notamment fait figurer, sans grande surprise, les droits individuels de
nature personnelle 223, tels que le droit au respect de la vie familiale 224, les droits qui
se rattachent à l’état et la capacité des personnes 225, les droits de la personnalité 226, et
plus récemment, le droit à la liberté 227 ou le droit de poursuivre des études
supérieures 228.

222
FAWCETT J.E.S., The application of the European convention on human rights, Oxford, 1987,
p. 143 : l’auteur propose une approche organique, selon laquelle doit être considérée comme une
contestation de caractère civil, celle tranchée par les juridictions ordinaires ; RASENACK Chr.,
“Civil rights and obligations” or “ droits et obligations de caractère civil”. Two crucial legal
determinations in art. 6 (1) of the European convention for the protection of human rights and
fundamental freedoms”, R.D.H., 1970, p. 64: selon l’auteur, le terme « civil » recouvrirait tout le
contentieux des relations interindividuelles ou ceux opposant les particuliers à la puissance
publique agissant jure gestionis et non jure imperii ; CASTBERG F., The European Convention
on Human Rights, Leyde, 1974, p. 112 : les notions de « droits et obligations de caractère civil »
désigneraient les droits ayant leur origine dans le droit privé, par opposition à ceux ayant leur
source dans le droit public ; VELU et ERGERC, « La Convention européenne des droits de
l’homme et la procédure pénale belge », in Mélanges offerts à Polys Modinos, Paris, 1968,
p. 268 : le terme « civil » recouvrerait tout ce qui ne relève pas du « pénal ».
223
CEDH, 30 octobre 2003, n o 41576/98, Ganci c/ Italie, § 25, D., 2004, p. 1102, obs. CÉRÉ Jean-
Paul ; CEDH, 17 septembre 2009, n o 74912/01, Enea c/ Italie, § 103, R.F.D.A., mai-juin 2010,
p. 589, LABAYLE Henri et SUDRE Frédéric.
224
CEDH, 8 juillet 1987, H. c/ Royaume-Uni, Série A, n o 120, § 69.
225
CEDH, 26 juillet 2011, n o 34805/06, T. C. et H. C. c/ Turquie : action en désaveu de paternité ;
CEDH, 19 novembre 1984, n o 8777/79, Rasmussen c/ Danemark, § 32, A.F.D.I., 1985, p. 403,
COUSSIRAT-COUSTERE Vincent ; J.D.I., 1986, p. 1074, obs. ROLLAND Patrice et
TAVERNIER Paul: actions relatives à la tutelle et au droit de visite des parents ; CEDH,
24 février 1995, n o 16424/90, Mc Michael c/ Royaume-Uni, D., 1995, p. 449, note HUYETTE
Michel : placement des enfants en foyer ; CEDH, 9 octobre 1979, n o 6289/73, Airey c/ Irlande,
§ 21, précité: le droit d’obtenir la séparation de corps d’avec son mari ; CEDH, 24 octobre 1979,
n o 6301/73, Winterwerp c/ Pays-Bas, § 73, A.F.D.I., 1980, p. 324, note PELLOUX Robert ;
C.D.E., 1980, p. 464, note COHEN-JONATHAN Gérard : la capacité de gérer en personne son
patrimoine.
226
CEDH, 21 février 1975, Golder c/ Royaume-Uni, précité et CEDH, 29 octobre 1991,
n o 11826/85, Helmers c/ Suède, § 27 : le droit de jouir d’une bonne réputation ; CEDH,
17 septembre 2009, n o 74912/01, Enea c/ Italie, précité : le placement sous un régime spécial de
détention et des restrictions qui pourraient l’accompagner.
227
CEDH, 7 janvier 2003, no 39282/98, Laidin c/ France.
228
CEDH, 23 septembre 2008, n o 9907/02, Araç c/ Turquie, R.D.P., 2009, n o 3, p. 905, GONZALES
Gérard.

- 73 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014

229
Elle y a également intégré les droits « de nature patrimoniale » . Tel est le
cas du droit de propriété 230, du droit à réparation fondé sur une atteinte à des droits de
nature personnelle et patrimoniale 231, du droit de vivre dans un environnement sain 232
à condition qu’il existe des menaces précises et imminentes concernant personnelle-
ment les requérants 233, notamment pour leur droit de propriété 234.

La notion de patrimonialité a, en outre, permis d’inclure au sein de la matière


« civile », des droits qualifiés d’économiques et de sociaux, en droit interne, tels que
le droit d’exercer une profession privée 235 ou le droit de continuer à pratiquer une
profession à titre libéral 236 dont l’exercice est soumis à une autorisation
administrative, ainsi que les droits relatifs à l’attribution de prestations d’assurance
sociale 237 ou d’aide sociale 238. Pour ce faire, les juges européens ont, tout d’abord, eu
recours à la méthode dite du bilan, qui consiste à mettre en balance les aspects de
droit public 239 et ceux de droit privé 240 de la situation litigieuse. Les commentateurs

229
CEDH, 13 juillet 1983, n o 8737/79, Zimmerman et Steiner c/ Suisse, Série A, no 66, § 22.
230
CEDH, 8 juillet 1987, no 10092/82, Baraona c/ Portugal, précité.
231
CEDH, 6 mai 1981, no 7759/77, Bucholz c/ Allemagne, Série A, no 42, § 46 ; CEDH, 8 juillet
1987, n o 10092/82, Baraona c/ Portugal, § 42 à § 44, précité.
232
CEDH, 6 mai 1981, no 7759/77, Bucholz c/ Allemagne, § 46, précité ; CEDH, 8 juillet 1987,
no 10092/82, Baraona c/ Portugal, § 42 à § 44, précité.
233
En l’absence de menaces précises et imminentes concernant personnellement les justiciables, la
Cour refuse de retenir le qualificatif civil : CEDH, 26 août 1997, n o 22110/93, Balmer-Schafroth
c/ Suisse, A.J.D.A., 1997, p. 980, obs. FLAUSS Jean-François.
234
CEDH, 25 novembre 1993, n o 14282/88, Zander c/ Suède, A.J.D.A., 20 janvier 1994, p. 21,
« L’applicabilité de l’article 6-1 aux recours des tiers contre les décisions administratives »,
FLAUSS Jean-François ; CEDH, 29 février 2000, n o 45053/98, Association des amis de
St Raphaël et de Fréjus c/ France, R.D.P., 2010, n o 3, p. 866, GONZALES Gérard.
235
CEDH, 26 juin 1986, n os 8543/79, 8674/79, 8675/79, 8685/79, Van Marle et autres c/ Pays-Bas,
C.D.E., 1988, p. 446, COHEN-JONATHAN Gérard ; A.F.D.I., 1987, p. 329, COUSSIRAT-
COUSTERE Vincent ; J.D.I., 1987, p. 785, obs. ROLLAND Patrice et TAVERNIER Paul ;
CEDH, 23 octobre 1985, n o 8848/80, Benthem c/ Pays-Bas (nature patrimoniale), C.D.E., 1988,
p. 449, COHEN-JONATHAN Gérard.
236
CEDH, 23 juin 1981, n os 6878/75, 7238/75, Le Compte, Van Leuven et De Meyere c/ Belgique
précités ; CEDH, 30 novembre 1987, no 8950/80, H. c/ Belgique, précité.
237
CEDH, 29 mai 1986, no 8562/79, Feldbrugge c/ Pays-Bas, J.D.I., 1987, p. 779, note
TAVERNIER Paul.
238
CEDH, 26 février 1993, Salesi c/ Italie, Droit Ouvrier, 1995, p. 493, obs. BONNECHERE
Michèle.
239
Réglementation et contrôle par les organes de l’État, caractère obligatoire de l’assurance, prise
en charge de la protection sociale par la personne publique.

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CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014

doctrinaux 241 n’ont pas tardé à pointer l’empirisme et le caractère casuistique de cette
méthode. Le professeur Gérard Gonzales soulignait, en ce sens, « une certaine
imprévisibilité de la jurisprudence européenne » en matière sociale dans la mesure où
sont considérés comme facteurs déterminants « des éléments qui peuvent varier d’un
système de sécurité sociale à un autre et même d’une catégorie de droits à l’autre
dans le cadre d’un même système » 242. Quelques années plus tard, la Cour a
finalement décidé de se fonder exclusivement sur « la nature subjective et
patrimoniale » 243 des droits relatifs au bénéfice de prestations d’assurance sociale ou
d’allocations d’aide sociale, pour justifier l’applicabilité du droit au procès équitable
au titre de la matière civile. Dans sa décision « Schuler-Zgraggen c/ Suisse » 244, la
Cour a proclamé que l'applicabilité du droit au procès équitable constitue désormais
la règle dans le domaine de l'assurance sociale « y compris même de l'aide sociale ».
Et comme dans les affaires précédentes, l’élément décisif justifiant cette applicabilité
« réside dans la circonstance que malgré les aspects de droit public signalés par le
Gouvernement, la requérante ne se voyait pas seulement concernée dans ses rapports
avec l'administration en tant que telle, mais aussi atteinte dans ses moyens
d'existence ; elle invoquait un droit subjectif de caractère patrimonial, résultant des
règles précises d'une loi fédérale ».

Riches ont, alors, été les écrits mettant en exergue l’attractivité de ce qui est
désormais considéré comme un nouveau critère unificateur et révélateur du caractère
civil d’un droit : sa nature patrimoniale 245. En revanche, plus rare, pour ne pas dire

240
Caractère personnel et patrimonial du droit, rattachement à un contrat de travail.
241
ANDRIANTSIMBAZOVINA Joël, in Les grands arrêts de la Cour européenne des droits de
l’homme, SUDRE Frédéric et MARGUENAUD Jean-Pierre (dir.), p. 166.
242
GONZALEZ Gérard, « Le sens européen de la notion de « contestation sur des droits et
obligations de caractère civil », in L’extension des garanties du procès équitable hors les
juridictions ordinaires : les contraintes européennes, Institut de droit européen des droits de
l’homme, Avril 2002, p. 15.
243
CEDH, 26 février 1993, Salesi c/ Italie, précité.
244
CEDH, 24 juin 1993, no 14518/89, Schuler-Zgraggen c/ Suisse, Justices, 1995, no 1, p. 168, obs.
COHEN-JONATHAN Gérard et FLAUSS Jean-François.
245
GONZALEZ Gérard, « Le sens européen de la notion de « contestation sur des droits et
obligations de caractère civil », in L’extension des garanties du procès équitable hors les
juridictions ordinaires : les contraintes européennes, Institut de droit européen des droits de

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CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014

inexistante, est la littérature qui s’est intéressée aux raisons et à la pertinence de


l’utilisation par les juges européens de ce nouveau « critère » pour identifier la nature
privée de droits évoluant plus ou moins largement dans des domaines de droit public.

Sur ce dernier point, il nous faut souligner, en premier lieu, que c’est
essentiellement s’agissant, d’une part, du droit d’exercer ou de continuer à pratiquer
une profession libérale et, d’autre part, des droits relatifs aux allocations prévues par
les régimes de sécurité sociale ou de l’aide sociale, que la Cour a usé de la notion de
patrimonialité. Et on en veut pour preuve que, dans d’autres domaines où la
procédure litigieuse avait incontestablement des enjeux patrimoniaux pour le
requérant, les juges européens ont balayé d’un revers de main l’utilité de cet aspect en
déclarant que « le fait de démontrer qu’un litige est de nature « patrimoniale » n’est
pas suffisant à lui seul pour entraîner l’applicabilité de l’article 6 § 1 sous son aspect
« civil ». La Cour en a jugé ainsi quant aux procédures de redressement fiscal 246 et
quant au contentieux électoral portant sur le paiement des sommes correspondant au
dépassement du plafond des dépenses électorales autorisées ou sur le remboursement
par l'État desdites dépenses 247. De même, dans le cadre du contentieux de la fonction
publique portant sur des emplois comportant une participation directe ou indirecte à

l’homme, Avril 2002, p. 15 ; KOERING-JOULIN Renée, « Introduction générale », in Les


nouveaux développements du procès équitable au sens de la convention européenne des droits de
l’homme, Actes du colloque du 22 mars 1996 en la grande chambre de la Cour de cassation,
Bruxelles, Bruylant, 1996, p. 9, spécialement p. 11 ; SUDRE Frédéric, Droit européen et
international des droits de l’homme, P.U.F., 9 ème éd., p. 354 à p. 355, no 205 ; MILANO Laure,
Le droit à un tribunal au sens de la Convention européenne des droits de l’Homme, Thèse
Montpellier, SUDRE Frédéric (dir.), L.G.D.J., 2006, p. 120, no 166 ; GUINCHARD Serge,
DELICOSTOPOULOS Constantin-S, DOUCHY-OUDOT Mélina, FERRAND Frédérique, Droit
processuel : Droit commun et droit comparé du procès équitable, Dalloz, 2007, p. 138, b).;
SOYER Jean-Claude et De SALVIA Michel, « Article 6 », in La CEDH, commentaire article par
article, PETTITI Louis-Edmond, DECAUX Emmanuel, IMBERT Pierre-Henri (dir.), 2 ème éd.,
Paris, Economica, 1999, p. 236 ; ZAVOLI Philippe, « L’emprise de la Convention européenne
des droits de l’homme sur les autorités de régulation ou le jeu des apparences », J.C.P., Cahiers
de droit de l’entreprise, n o 2, année 2004, p. 6 et plus précisément p. 7.
246
CEDH, 12 juillet 2001, n o 44759/98, Ferrazzini c/ Italie, D.F., 2002, p. 438, note GERARD
Laurence ; J.C.P., 2002, I, 105, n o 6, obs. SUDRE Frédéric ; J.D.I., 2002, p. 261, obs.
TAVERNIER Paul ; Procédures, 2002, com. n o 40, PIERRE Jean-Luc ; Voir également
BUQUICCHIO DE BOER Maud, « Tax matters and the Européen Convention of Human
Rights », in Actes du 14 ème Congrès de l’Association fiscale internationale, 1987, p. 64.
247
CEDH, 21 octobre 1997, no 24194/94, Pierre-Bloch c/ France, Cahiers du Cons. Const., 1998, n o
4, p. 123, note FLAUSS Jean-François ; A.J.D.A., 1998, p. 65, note BURGORGUE-LARSEN
Laurence ; R.F.D.A., 1998, p. 999, note JEAN P.

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CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014

l’exercice de la puissance publique, la coloration patrimoniale de la procédure n’a


pas, à elle seule, suffi à établir la nature civile du droit en cause 248. L’absence
d’influence du critère de la patrimonialité a été doctrinalement justifiée par la
particularité de ces trois matières, lesquelles sont toutes empreintes de « jus
imperii » 249. Certains auteurs en ont même déduit l’émergence d’un nouveau critère
exclusif de la matière civile : celui des prérogatives de puissance publique 250.
Pourtant, dans une décision de recevabilité « Association Ekin c/ France » 251 portant
sur une mesure de police administrative édictée en matière de publications étrangères
et visant à interdire à une société de distribuer et mettre en vente un ouvrage qu’elle
avait publié, le caractère régalien de la décision contestée n’a pas suffi à faire
obstacle à l’applicabilité de l’article 6 § 1 C.E.D.H., qui a été reconnue eu égard à la
dimension patrimoniale du litige en cause.

Au regard de ce qui précède 252, force est de constater que, contrairement à ce


qui a souvent pu être écrit, la référence à la patrimonialité n’a pas permis au droit au
procès équitable de couvrir une étendue sans fin. Dès lors, il nous semble que si la
Cour de Strasbourg a eu recours à cette notion, c’est principalement afin d’intégrer,
au sein des droits de nature « civile», certains droits économiques et sociaux, pour
lesquels l’instrument conventionnel n’offrait, jusqu’à alors, aucune protection
particulière 253. D’ailleurs, dans son arrêt « Airey c/ Irlande » du 9 octobre 1979, la

248
CEDH, 8 décembre 1999, n o 28541/95, Pellegrin c/ France, A.J.D.A., 2000, p. 530, chr. FLAUSS
Jean-François ; D., 2000, p. 181, RENUCCI Jean-François ; J.C.P., 2000, I, no 203, note SUDRE
Frédéric ; L.P.A., mai 2000, p. 98, MELLERAY Fabrice ; R.D.P., 2000, p. 711, note
GONZALEZ Gérard ; R.T.D.H., 2000, n o 44, p. 819, note WASCHMANN Patrick.
249
GUINCHARD Serge, DELICOSTOPOULOS Constantin-S, DOUCHY-OUDOT Mélina,
FERRAND Frédérique, Droit processuel : Droit commun et droit comparé du procès équitable,
Dalloz, 2007, p. 138, b) ; SUDRE Frédéric, Droit européen et international des droits de
l’homme, P.U.F., 9 ème éd., p. 362, no 207.
250
MILANO Laure, Le droit à un tribunal au sens de la Convention européenne des droits de
l’Homme, Thèse Montpellier, SUDRE Frédéric (dir.), L.G.D.J., 2006, p. 143, n o 195.
251
CEDH, 18 janvier 2000, n o 39288/98, Association Ekin c/ France.
252
PICARD Etienne, « Juridiction administrative et procès équitable », in Le droit français et la
convention européenne des droits de l'homme - 1974-1992, Actes du colloque tenu à Montpellier,
février 1993, Strasbourg, N.P. Engel, 1994, p. 217, et plus précisément p. 240, 3) ; SUDRE
Frédéric, Droit européen et international des droits de l’homme, P.U.F., 9 ème éd., p. 354 à p. 363,
n o 206 à n o 207.
253
CEDH, 28 octobre 1999, n o 40772/98, Paneenko c/ Lettonie ; CEDH, 9 juillet 2002, n o 42197/98,
Salvetti c/ Italie ; SUDRE Frédéric, « Les droits sociaux et la Convention européenne des droits

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Cour avait déjà souligné que « nulle cloison étanche ne sépare la sphère des droits
économiques et sociaux du domaine de la Convention. » 254

Apprécié sous cet angle, l’appel à la patrimonialité nous paraît particulière-


ment ingénieux. En effet, cette référence présente un intérêt certain puisqu’elle fait
largement écho au droit de propriété et, de manière plus générale, au droit au respect
des biens 255, lesquels sont des « droits de caractère « civil » par excellence » 256, et
constituent, typiquement, des droits patrimoniaux 257. A cet égard, il convient de
préciser qu’aux termes de la jurisprudence européenne, la notion de « biens » revêt
« une portée autonome, qui ne se limite pas à la propriété de biens corporels ». En
effet, pour les juges européens des droits de l’homme, « certains autres droits et
intérêts constituant des actifs peuvent aussi passer pour des droits de propriété et
258
donc pour des biens » . Déjà dans un arrêt « Van Marle et autres c/ Pays-Bas» du
26 juin 1986, la Cour avait estimé qu’une clientèle issue de l’exercice d’une
profession libérale pouvait s’analyser en « une valeur patrimoniale, donc en un bien
au sens de la première phrase de l’article 1 ». Confirmant cette approche particulière
de la notion de « bien », les juges européens ont jugé, un an plus tard, que « le droit à
l’allocation d’urgence, dans la mesure où il est prévu par la législation applicable

de l’homme », R.U.D.H., 2000, p. 28 ; DAUGAREIHL Isabelle, « La Convention européenne de


sauvegarde de droits de l’homme et des libertés fondamentales et la protection sociale »,
R.T.D.Eur., 2001, p. 129 ; SUDRE Frédéric, « La protection des droits sociaux par la Cour
européenne des droits de l’homme : un exercice de « jurisprudence fiction » ? », R.T.D.H., 2003,
p. 755 ; COSTA Jean-Paul, « La Cour européenne des droits de l’homme et la protection des
droits sociaux », R.T.D.H., n° 82, 2010, p. 207 et s.
254
CEDH, 28 octobre 1999, n o 40772/98, Paneenko c/ Lettonie ; CEDH, 9 juillet 2002, n o 42197/98,
Salvetti c/ Italie ; SUDRE Frédéric, « Les droits sociaux et la Convention européenne des droits
de l’homme », R.U.D.H., 2000, p. 28 ; DAUGAREIHL Isabelle, « La Convention européenne de
sauvegarde de droits de l’homme et des libertés fondamentales et la protection sociale »,
R.T.D.Eur., 2001, p. 129 ; SUDRE Frédéric, « La protection des droits sociaux par la Cour
européenne des droits de l’homme : un exercice de « jurisprudence fiction » ? », R.T.D.H., 2003,
p. 755 ; COSTA Jean-Paul, « La Cour européenne des droits de l’homme et la protection des
droits sociaux », R.T.D.H., n° 82, 2010, p. 207 et s.
255
CEDH, 28 septembre 1995, n o 14570/89, Procola c/ Luxembourg, § 39, précité.
256
CEDH, 4 février 2003, n o 54596/00, époux Goletto c/ France, § 12.
257
CEDH, 9 octobre 1979, n o 6289/73, Airey c/ Irlande, § 26, précité.
258
CEDH, 16 septembre 1996, n o 15777/89, Matos e Silva, Lda et autres c/ Portugal, § 75, Rec.
1996-IV, p. 1111 ; CEDH, 23 février 1995, n o 15375/89, Gasus Dosier-Und fördertechnik Gmbh
c/ Pays-Bas, § 53, A.J.D.A., 1995, p. 721, obs. FLAUSS Jean-François.

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est un droit patrimonial au sens de l’article 1 du protocole 1 » 259, selon lequel « toute
personne physique ou morale a droit au respect de ses biens ». ou, en d’autres termes,
au respect du droit de propriété 260.

En définitive, afin de légitimer le caractère « civil » de droits, pour lesquels on


pouvait ressentir quelque réticence à admettre une telle qualification, dans la mesure
où leur exercice est tributaire d’interventions a priori de la puissance publique et qui
pour cette raison, « tendent surtout à faire figure de droits accordés et non de droits
subjectifs originaires » 261, la Cour a habilement eu recours à la notion de
patrimonialité dont la principale vertu est de renvoyer au droit de propriété, lequel
« constitue l’archétype même des droits civils ou, en tout cas, l’un des plus
symboliques » 262 et fait l’objet d’une définition européenne particulièrement
extensive.

Ce faisant, les juges européens n’ont pas hésité à passer outre « nos
classifications juridiques formelles, nos clivages interdisciplinaires rigidifiés par la
tradition et la répartition des compétences juridictionnelles ».

Cette « jurisprudence neutralisante » 263 à l’égard des catégories juridiques


nationales se manifeste également quant au concept européen d’ « accusation en
matière pénale. »

259
CEDH, 18 septembre 1996, n o 17371/90, Gaygusuz c/ Autriche, § 41, précité.
260
De manière itérative, la Cour européenne rappelle que l’article 1 du protocole 1 « … garantit en
substance le droit de propriété » : CEDH, 13 juin 1979, n o 6833/74, Marckx c/ Belgique, § 63,
A.F.D.I., 1980 p. 317, obs. PELLOUX Robert ; C.D.E., 1980, p. 473, note COHEN-JONATHAN
Gérard ; J.D.I., 1982, p. 183, ROLLAND Patrice ; CEDH, 24 octobre 1984, no 9118/80, Agosi
c/ Royaume-Uni, Série A, n o 108, § 48 ; CEDH, 28 octobre 1987, n o 8695/79, Inze c/ Autriche,
§ 38, C.D.E., 1988, p. 477, COHEN-JONATHAN Gérard.
261
PICARD Étienne, « Juridiction administrative et procès équitable », in Le droit français et la
convention européenne des droits de l'homme - 1974-1992, Actes du colloque tenu à Montpellier,
février 1993, Strasbourg , N.P. Engel, 1994, p. 217, et plus précisément p. 239.
262
PICARD Étienne, « Juridiction administrative et procès équitable », in Le droit français et la
convention européenne des droits de l'homme 1974-1992, Actes du colloque tenu à Montpellier,
février 1993, Strasbourg , N.P. Engel, 1994, p. 238 et p. 239.
263
SUDRE Frédéric, Droit européen et international des droits de l’homme, P.U.F., 9 ème éd., p. 355,
n o 206.

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CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014

2. Des critères d’identification de la matière pénale présentant


certaines limites

À l’instar du concept de « contestation en matière civile », la Cour de


Strasbourg a opté pour une conception « matérielle », et non « formelle », de
l’« accusation » visée à l’article 6 § 1 C.E.D.H. Selon la jurisprudence européenne,
l’accusation se définit comme « la notification officielle, émanant de l’autorité
compétente, du reproche d’avoir accompli une infraction pénale » 264. La Cour admet
également qu’elle puisse dans certains cas prendre « la forme d’autres mesures
impliquant un tel reproche et entraînant elles aussi des répercussions importantes sur
la situation du suspect » 265.

Par ailleurs, la Cour de Strasbourg a distinctement énoncé les critères


d’identification de la « matière pénale » 266, et ce, contrairement à la notion « de

264
CEDH, 27 février 1980, no 6903/75, Deweer c/ Belgique, § 46, précité ; CEDH, 16 octobre 2009,
n o 30400/02, Baka c/ Roumanie, § 49.
265
CEDH, 10 décembre 1982, n os 7604/76, 7719/76, 7781/77, 7913/77, Foti et autres c/ Italie,
Série A, n o 56, § 52 ; CEDH, 10 décembre 1982, n o 8304/78, Corigliano c/ Italie, Série A, n o 57,
§ 34.
266
VELU Jacques et ERGERC Rusen, La convention européenne des droits de l’homme, Bruylant,
Bruxelles, 1990, p. 367 et suivantes ; SOYER Jean-Claude et de SALVIA Michel, « Article 6 »,
in La CEDH, commentaire article par article, PETTITI Louis-Edmond, DECAUX Emmanuel,
IMBERT Pierre-Henri (dir.), 2 ème éd., Paris, Economica, 1999, p. 239 à 279 ; MILANO Laure, Le
droit à un tribunal au sens de la Convention européenne des droits de l’Homme, Thèse
Montpellier, SUDRE Frédéric (dir.), L.G.D.J., 2006, p. 148 et suivantes ; TAGARAS Haris, « La
notion d’accusation en matière pénale et les droits de l’accusé », in Le procès équitable et la
protection juridictionnelle du citoyen, Actes du colloque organisé à Bordeaux les 29 et 30
septembre 2000, Institut des droits de l’homme des avocats européens et l’Institut des droits de
l’homme du Barreau de Bordeaux, p. 23 ; GROTRIAN Andrew, L'article 6 de la Convention
européenne des Droits de l'homme, Conseil de l'Europe, Direction des droits de l'homme, 1994 ;
ECOCHARD Bertrand, « Le sens européen de la notion de matière pénale », p. 28, in L’extension
des garanties du procès équitable hors les juridictions ordinaires : les contraintes européennes,
Institut de droit européen des droits de l’homme, Avril 2002 ; GUINCHARD Serge,
DELICOSTOPOULOS Constantin-S, DOUCHY-OUDOT Mélina, FERRAND Frédérique, Droit
processuel : Droit commun et droit comparé du procès équitable, Dalloz, 2007, p. 125 à p. 208 ;
SUDRE Frédéric, Droit européen et international des droits de l’homme, P.U.F., 9 ème éd., 2009,
p. 353 ; PICARD Étienne, « La juridiction administrative et les exigences du Procès équitable »,
in Le droit français et la convention européenne des droits de l'homme - 1974-1992, Actes du
colloque tenu à Montpellier, février 1993, Strasbourg , N.P. Engel, 1994, p. 217 ; « La « matière
pénale » au sens de la Convention européenne des droits de l’homme, flou du droit pénal »,
Groupe de recherches droits de l’homme et logiques juridiques, Revue de sciences criminelles,
1987, p. 819 et suivantes ; MASSIAS Florence, « Le champ pénal européen selon la Cour
européenne des droits de l’homme : interprétation autonome et applicabilité des articles 6 et 7 de
la Convention européenne des droits de l’homme », in Mélanges en l’honneur du professeur

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CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014

matière civile ». Pour apprécier si une accusation est susceptible d’être subsumée
sous l’acception européenne de la matière pénale, la Cour de Strasbourg recourt à
trois critères formulés pour la première fois dans le célèbre arrêt « Engel et autres
c/ Pays-Bas » du 8 juin 1976 267 et réaffirmés avec une particulière constance 268.

Le premier d’entre eux concerne la qualification juridique de l’infraction en


droit interne. On ne peut qu’évoquer ici la vaste synthèse menée sous la direction de
la Professeure DELMAS-MARTY 269, selon laquelle les instances européennes se
réfèrent, pour apprécier la portée des indications nationales, aux textes 270, aux
pratiques judiciaires 271 et à la doctrine 272. Ce premier critère ne possède toutefois
qu’ « une valeur formelle et relative » et ne constitue, compte tenu de l’autonomie du
concept européen d’ « accusation en matière pénale », qu’un simple point de départ
apprécié « à la lumière du dénominateur commun aux législations respectives des
divers États contractants ». Ainsi, la qualification administrative d’une procédure en
droit interne ne suffit pas à écarter l’applicabilité du droit au procès équitable. En
adoptant une telle solution, la Cour de Strasbourg a habilement évité que l’article
6 § 1 de la Convention ne devienne lettre morte, face à une politique de
dépénalisation croissante des infractions menée par les États contractants.
Inversement, la qualification pénale en droit interne d’une infraction emporte le plus
souvent 273 l’applicabilité de l’article 6 § 1 C.E.D.H.

Reynald Ottenhof, Dalloz, 2006, p. 87 ; DAURY Morgane, Des principes constitutionnels ou


internationaux , protecteurs des droits de l’homme, considérés dans leur application aux
mesures punitives, prononcées par une autorité autre que la justice pénale, Thèse, Paris II, 1992,
p. 24.
267
CEDH, 8 juin 1976, n os 5100/71, 5101/71, 5102/71, 5354/72, 5370/72, Engel et autres c/ Pays-
Bas, § 82, précité.
268
CEDH, 27 janvier 2004, n o 73797/01, Kyprianou c/ Chypre, § 31.
269
« La « matière pénale » au sens de la Convention européenne des droits de l’homme, flou du
droit pénal », Groupe de recherches droits de l’homme et logiques juridiques, Revue de sciences
criminelles, 1987, p. 827 à p. 835.
270
CEDH, 21 février 1984, n o 8544/79, Oztürk c/ Allemagne, § 58, précité.
271
CEDH, 21 février 1984, n o 8544/79, Oztürk c/ Allemagne, § 53, précité.
272
CEDH, 21 février 1984, n o 8544/79, Oztürk c/ Allemagne, § 51, précité.
273
S’agissant d’une procédure de retrait immédiat du permis de conduire, pour cause de conduite en
état d’ivresse, prévue par une loi pénale particulière, la Cour a écarté la qualification pénale au

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CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014

Plus précisément, dans l’hypothèse où le comportement incriminé conduit, en


droit interne, à une sanction ne relevant pas du droit pénal, la Cour de Strasbourg
s’intéresse au deuxième critère tiré de la nature même de l’infraction et qui
« représente un élément d’appréciation d’un plus grand poids » 274. Il a toutefois fallu
attendre plus de huit ans pour que la Cour étaye cette référence en jugeant que « le
caractère général de la norme (transgressée) à la fois préventif et répressif, de la
sanction suffit à établir, au regard de l’article 6 de la Convention, la nature pénale
de l’infraction litigieuse ». 275 Lorsque la règle de droit transgressée s’adresse à tous
les citoyens, leur prescrit un certain comportement et assortit cette exigence d’une
mesure à la fois préventive et répressive, la qualification pénale sera retenue. Pour
autant, « le caractère disciplinaire ne constitue pas (…) un indice décisif en sens
inverse car, en application notamment de l’autre indice retenu, celui du caractère
dissuasif et répressif de la sanction, rien n’exclut de conclure à la nature pénale
d’une infraction disciplinaire » 276.

Enfin, les juges européens peuvent également s’attacher à la nature et au degré


de sévérité de la sanction que risque de subir l’intéressé. C’est donc la sanction
maximale possible prévue par la loi applicable qui sera déterminante. La Cour n’a pas
manqué de préciser que « ressortissent à la « matière pénale » les privations de
liberté susceptibles d'être infligées à titre répressif, hormis celles qui par leur nature,
leur durée ou leurs modalités d'exécution ne sauraient causer un préjudice

sens européen: CEDH, 28 octobre 1999, Escoubet c/ Belgique, J.C.P., 2000, I, p. 203, obs.
SUDRE Frédéric ; A.J.D.A., 2000, p. 532, obs. FLAUSS Jean-François.
274
CEDH, 08 juin 1976, n os 5100/71, 5101/71, 5102/71, 5354/72, 5370/72, Engel et autres, § 82 et
§ 83, précité ; CEDH, 9 octobre 2003, n os 39665/98 et 40086/98, Ezeh et Connors c/ Royaume-
Uni, § 82, J.C.P., 2004, I, p. 107, note SUDRE Frédéric ; A.J.D.A., 2004, p. 534, chr. FLAUSS Jean-
François ; Dr. pén., juin 2004, p. 6, note VERGES Etienne ; Actualité juridique pénale, 2004, p. 6, obs.
CÉRÉ Jean-Paul ; R.S.C., 2004, p. 173, obs. MASSIAS Florence ; R.D.P., 2004, no 3, p. 808,
PICHERAL Caroline.
275
CEDH, 21 février 1984, n o 8544/79, Oztürk c/ Allemagne, § 53, précité.
276
TAGARAS Haris, « La notion d’accusation en matière pénale et les droits des accusés », in Le
procès équitable et la protection juridictionnelle du citoyen, Actes du colloque organisé à
Bordeaux les 29 et 30 septembre 2000, Institut des droits de l’homme des avocats européens et
Institut des droits de l’homme du barreau de Bordeaux, p. 43 et plus précisément p. 49.

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CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014

important » 277. Mais, elle a également reconnu que « la faiblesse relative de l’enjeu
ne saurait retirer à une infraction son caractère pénal intrinsèque » 278, laissant ainsi
présager d’un subjectivisme 279 certain quant à l’appréciation de la gravité d’une
sanction, à tout le moins, d’une incertitude notable quant à l’utilisation de ce dernier
critère.

Ces critères, en apparence assez simples, soulèvent, en réalité, une difficulté


patente quant à leur maniement. Certains juges européens des droits de l’homme l’ont
d’ailleurs reconnu sans ambages.

Dans ses opinions dissidentes sur l’arrêt « Putz c/ Autriche » 280 du 22 février
1996, le juge De MEYER a ainsi clairement exprimé son insatisfaction à l’égard de
chacun de ces trois critères.

S’agissant du critère tiré de la qualification juridique de l’infraction en droit


interne, le juge s’interroge sur son utilité en faisant observer, à très juste titre, qu’en
matière civile, « la nature de la loi selon laquelle la contestation doit être tranchée
importe peu quant au point de savoir s'il s'agit d'une "contestation sur des droits et
obligations de caractère civil ». Et d’ajouter « c'est en effet au regard non de la
qualification juridique, mais du contenu matériel et des effets que lui confère le droit
interne de l'État en cause qu'un droit doit être considéré ou non comme étant de
caractère civil au sens de cette expression dans la Convention. Pourquoi en serait-il
autrement lorsqu'il s'agit de déterminer ce qui relève du domaine pénal ? ».

277
CEDH, 8 juin 1976, n os 5100/71, 5101/71, 5102/71, 5354/72, 5370/72, Engel et autres, § 82 et
83, précité.
278
CEDH, 21 février 1984, n o 8544/79, Oztürk c/ Allemagne, § 54, précité ; CEDH, 25 août 1987,
n o 9912/82, Lütz c/ Allemagne, § 55, J.D.I., 1988, p. 874, obs. ROLLAND Patrice et TAVERNIER
Paul; CEDH, 23 novembre 2006, n o 73053/01, Jussila c/ Finlande, § 38, J.D.I., 2007, p. 709, obs.
TOUZE Sébastien ; J.C.P., 2007, I, p. 106 nº 4, obs. SUDRE Frédéric; A.J.D.A., 30 avril 2007, p. 902
et s., note FLAUSS Jean-François; R.T.D.H., 2008, p. 239, obs. COSTEA Ioana.
279
ECOCHARD Bertrand, « Le sens européen de la matière pénale », in L’extension des garanties
du procès équitable hors les juridictions ordinaires : les contraintes européennes, Institut de
droit européen des droits de l’homme, Avril 2002, p. 34.
280
CEDH, 22 février 1996, n o 18892/91, Putz c/ Autriche, R.T.D.H., 1997, p. 493, note MASSIAS
Florence ; R.S.C., 1997, p. 468, obs. KOERING-JOULIN Renée : s’agissant des critères de la
matière pénale formulés dans l’arrêt « Engel », « L'expérience paraît démontrer que ces critères
ne sont pas très satisfaisants ».

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CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014

Le juge poursuit en relevant les solutions paradoxales auxquelles peut aboutir


l’utilisation du deuxième critère relatif à la nature de l’infraction. Faisant
respectivement référence aux arrêts « Putz » 281 et « Weber » 282, monsieur DE
MEYER s’étonne, en effet, qu’« un comportement perturbateur ou déplacé qui
survient devant un tribunal (…) en tant qu'infraction » , [soit] d'une autre « nature »
que les comportements perturbateurs ou déplacés qui se produisent ailleurs ou que
d'autres atteintes à l'autorité de la justice, telle que la violation du secret d'une
enquête? ».

Enfin, on ne peut que souscrire aux observations formulées par


M. DE MEYER quant à l’emploi du troisième critère portant sur la nature et le degré
de sévérité de la sanction. Selon lui, celui-ci « donne lieu à d'étranges résultats ».
Dans l’affaire « Weber », le juge note que « l'amende infligée à l’intéressé était de
300 francs suisses, le maximum prévu par la loi étant de 500 francs ; elle était
convertible, en cas de non-paiement, en jours d'arrêt, à raison d'un jour pour trente
francs d'amende, ce qui représentait dix jours dans le cas de l'intéressé et seize jours
quant au maximum. » Il a été jugé « dans ce cas-là que l' « enjeu revêtait donc une
importance assez grande pour entraîner la qualification pénale, au sens de la
Convention, du manquement » qui lui était imputé. Actuellement, 300 et 500 francs
suisses correspondent respectivement à près de 1 300 et à un peu plus de 2 100
francs français. ». Dans le cas de M. Putz, étaient en cause des « amendes s'élevant à
5 000 et à 7 500 schillings autrichiens, converties respectivement en trois et en cinq
jours d'emprisonnement, en ce qui concerne les incidents d'audience, et à 10 000
schillings, en ce qui concerne les reproches écrits ; le maximum était de 10 000
schillings ou huit jours pour les premiers et de 20 000 schillings ou dix jours pour les
seconds. 5 000 schillings autrichiens valent actuellement près de 2 500 francs
français, 7 500 en valent un peu moins de 3 700, 10 000 un peu moins de 4 900 et 20

281
CEDH, 22 février 1996, n o 18892/91, Putz c/ Autriche, précité. En l’espèce, la Cour de
Strasbourg a refusé de qualifier de « pénales » au sens de l’article 6 C.E.D.H., les amendes,
assorties de peines subsidiaires d'emprisonnement, qui avaient été prononcées à l’encontre du
requérant pour avoir adressé à diverses reprises, tantôt lors de l'audience, tantôt dans un écrit de
procédure, des reproches à ses juges.
282
CEDH, 22 mai 1990, n o 11034/84, Weber c/ Suisse, série A, n o 177. En l’espèce, le volet pénal
de l’article 6 C.E.D.H. a été jugé applicable à l’amende infligée par le président de la Cour de
cassation pénale du canton de Vaud à un plaignant qui avait violé le secret d'une enquête.

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CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014

000 près de 9 800. » Le juge termine par une série de questions qui achèvent de
démontrer la faiblesse de ce dernier critère : « Faut-il vraiment admettre qu'on n'a
pas le droit d'être jugé convenablement lorsqu'il ne s'agit que d'une petite amende ou
d'une brève période d'emprisonnement ? Et où se situe alors le seuil de sévérité à
partir duquel on peut invoquer ce droit ? À quel montant ? À quel nombre de jours de
détention ? »

Outre ces griefs, qui ne nous retiendront guère tant ils ont été souvent
développés et repris 283, un certain flottement jurisprudentiel quant au caractère
alternatif ou cumulatif des deux derniers critères a également, pendant un temps, pu
être observé 284. Finalement, la Cour européenne est venue expressément énoncer,
dans un arrêt « Ezeh et Connors c/ Royaume-Uni », rendu en grand-chambre, le
9 octobre 2003, que « les deuxième et troisième critères sont alternatifs et pas
nécessairement cumulatifs » 285. Et d’ajouter, « pour que l’article 6 s’applique, il
suffit que l’infraction en cause soit par nature pénale au regard de la convention, ou
ait exposé l’intéressé à une sanction qui, par sa nature et son degré de gravité,
ressortit en général à la matière pénale ».

283
PICARD Étienne, « La juridiction administrative et les exigences du Procès équitable », in Le
droit français et la convention européenne des droits de l'homme - 1974-1992, Actes du colloque
tenu à Montpellier, février 1993, Strasbourg, N.P. Engel, 1994, p. 217 et plus précisément
p. 248 ; TAGARAS Haris, « La notion d’accusation en matière pénale et les droits de l’accusé »,
in Le procès équitable et la protection juridictionnelle du citoyen, Actes du colloque organisé à
Bordeaux les 29 et 30 septembre 2000 par l’Institut des droits de l’homme des avocats européens
et l’Institut des droits de l’homme du barreau de Bordeaux, Bruylant, 2001, p. 13 à p. 36, plus
précisément p. 17 et suivantes ; ECOCHARD Bertrand, « Le sens européen de la notion de
matière pénale », in L’extension des garanties du procès équitable hors les juridictions
ordinaires : les contraintes européennes, Institut de droit européen des droits de l’homme, Avril
2002, p. 35 à p. 38 ; KOERING-JOULIN Renée et TRUCHE Pierre, « Retour sur le champ pénal
européen », in Mélanges Pettiti, Bruylant, Bruxelles, 1999, p. 513 et suivantes.
284
KOERING-JOULIN Renée et TRUCHE Pierre, « Retour sur le champ pénal européen », in
Mélanges Pettiti, Bruylant, Bruxelles, 1999, p. 524 ; ECOCHARD Bertrand, « Le sens européen
de la notion de matière pénale », in L’extension des garanties du procès équitable hors les
juridictions ordinaires : les contraintes européennes, Institut de droit européen des droits de
l’homme, Avril 2002, p. 36 et suivantes ; SAILLARD Alban, L’appropriation des règles pénales
par le juge administratif répressif, Thèse, Orléans, 2000, p. 140 ; MILANO Laure, Le droit à un
tribunal au sens de la Convention européenne des droits de l’Homme, Thèse Montpellier,
SUDRE Frédéric (dir.), L.G.D.J., 2006, p. 158 et suivantes, n os 212, 213.
285
CEDH, 9 octobre 2003, n os 39665/98 et 40086/98, Ezeh et Connors c/ Royaume-Uni, § 86,
précité ; rappelé dans CEDH, 23 novembre 2006, n o 73053/01, Jussila c/ Finlande, § 31, précité.

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CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014

Il arrive ainsi que la Cour s’appuie tantôt exclusivement sur la nature de


l’infraction 286, tantôt exclusivement sur la gravité de la sanction 287. Mais, les juges
européens peuvent également, à titre subsidiaire, retenir une lecture cumulative 288, si
l’analyse séparée de chaque critère ne permet pas d’aboutir à une conclusion claire
quant à l’existence d’une accusation en matière pénale.

Il ne faut pas sous-estimer ce caractère alternatif dans la mesure où il a


contribué à inclure de nombreuses décisions administratives à caractère répressif dans
la notion européenne de « matière pénale ».

B. L’emprise du droit au procès équitable sur un large pan de l’activité


administrative

Le bastion administratif, dont on était persuadé, en 1950, qu’il demeurerait à


l’abri du droit au procès équitable, a finalement cédé. Les définitions européennes des
notions de contestations sur « des droits et des obligations de caractère civil » (1) et
d’ « accusation en matière pénale » (2), particulièrement englobantes, ont eu raison
de lui.

La liste des diverses décisions administratives susceptibles d’emporter


l’applicabilité de l’article 6 C.E.D.H. sous le volet civil (1) ou pénal (2) est, il est
vrai, particulièrement longue. Elle est, en outre, loin d’être parfaitement intangible ou
immuable dans la mesure où la Cour de Strasbourg tranche la question de
l’applicabilité du droit au procès équitable au terme d’une analyse in concreto.

286
CEDH, 21 février 1984, n o 8544/79, Oztürk c/ Allemagne, précité.
287
CEDH, 28 juin 1984, nos 7819/77 et 7878/77, Campbell et Fell c/ Royaume-Uni, précité.
288
CEDH, 24 février 1994, no 12547/86, Bendenoun c/ France, § 47, A.F.D.I., 1994, p. 658, obs.
COUSSIRAT-COUSTERE Vincent ; A.J.D.A., 1994, p. 512, obs. FLAUSS Jean-François ;
J.C.P., I, 1995, p. 3823, SUDRE Frédéric ; GOULARD Guillaume, « Convention européenne des
droits de l’homme et contentieux administratif de l’impôt », L.P.A., 6 juillet 1994, p. 27 ;
R.F.D.A., novembre-décembre 1995, n o 6, p. 1182, MAUBLANC-FERNANDEZ Lucienne et
MAUBLANC Jean-Pierre ; CEDH, 10 juin 1996, no 19380/92, Benham c/ Royaume-Uni, § 56,
R.S.C., 1997, p. 455, obs. KOERING-JOULIN Renée; J.D.I., 1997, p. 220, note POUTIERS Mikaël;
CEDH, 24 septembre 1997, n o 18996/91, Garyfallou AEBE c/ Grèce, § 33, R.G.D.P., 1998, p. 250,
obs. FLAUSS Jean-François.

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CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014

1. L’emprise du droit au procès équitable sur l’activité « contentieuse »


de l’administration

La matière disciplinaire illustre parfaitement l’approche casuistique suivie par


les juges européens. Si ces derniers reconnaissent que « les poursuites disciplinaires
ne conduisent pas en général à une contestation sur des « droits et obligations de
caractère civil », ils n’oublient pas de préciser qu’« il peut cependant en être
autrement dans certaines circonstances » 289.

En matière professionnelle, c’est l’« ingérence directe et substantielle » 290 de


la mesure disciplinaire dans le droit d’exercer une profession qui est capitale. Tel est
le cas d’une décision suspendant le droit d’exercer l’art médical, prononcée par un
organisme disciplinaire doté de la personnalité publique 291. En cas de recours
administratif dirigé contre une telle décision, l’article 6 C.E.D.H. trouve à
s’appliquer.

Une solution particulière se présente dans le cadre du contentieux de la


fonction publique.

Pendant longtemps, un principe général d’exclusion de l’article 6 § 1 C.E.D.H.


a prévalu s’agissant des contestations concernant le recrutement, la carrière et la
cessation d’activité des fonctionnaires 292. En revanche, l’applicabilité de cette
stipulation était admise, lorsque la revendication litigieuse intéressait directement un
droit « purement patrimonial » 293 ou « essentiellement patrimonial » 294, d’une part, et

289
CEDH, 23 juin 1981 nos 6878/75 et 7238/75, Le Compte, Van Leuven et de Meyer c/ Belgique,
§ 41, précité ; CEDH, 10 février 1983, n os 7299/75 et 7496/76, Albert et Le Compte c/ Belgique,
§ 25, précité.
290
CEDH, 23 juin 1981, nos 6878/75 et 7238/75, Le Compte, Van Leuven et de Meyer c/ Belgique,
§ 41, précité ; CEDH, 10 février 1983, n os 7299/75 et 7496/76, Albert et Le Compte c/ Belgique,
§ 25, précité.
291
CEDH, 23 juin 1981, nos 6878/75 et 7238/75, Le Compte, Van Leuven et de Meyer c/ Belgique,
§ 11 ; CEDH, 10 février 1983, n os 7299/75 et 7496/76, Albert et Le Compte c/ Belgique, précité.
292
CEDH, 17 mars 1997, n o 18725/91, Neigel c/ France, § 43 et 44, J.C.P., 1998, I, p. 107, n o 16,
obs. SUDRE Frédéric, R.G.D.P., 1998, p. 251, FLAUSS Jean-François ; R.T.D.H., 1998, p. 303,
YERNAULT Dimitri ; R.F.D.A., 1998, p. 1196, note LABAYLE Henri et SUDRE Frédéric.
293
Tel que le paiement d’un salaire : CEDH, 02 septembre 1997, n o 25574/94, De Santa c/ Italie,
Rec. 1997-V, p. 1663, § 18 ; CEDH, 02 septembre 1997, n o 25586/94, Lapalorcia c/ Italie, Rec.

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CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014

ne mettait pas, principalement, en cause des prérogatives discrétionnaires de


l’administration 295, d’autre part. Une difficulté demeurait toutefois quant au caractère
arbitraire du critère fondé sur la nature patrimoniale du litige dès lors qu’une décision
relative au « recrutement », à la « carrière » et à la « cessation d’activité » d’un
fonctionnaire a presque toujours des conséquences pécuniaires.

Insatisfaite de « l’incertitude qui [entourait] l’application des garanties de


l’article 6 § 1 aux litiges entre l’État et ses agents » 296, la Cour a adopté, dans un
arrêt « Pellegrin c/ France » 297, en date du 8 décembre 1999, un nouveau critère,
fondé sur la nature des fonctions et des responsabilités exercées par l’agent. De
manière particulièrement pédagogue, la Cour précise qu’« en pratique, […] [elle]
examinera, dans chaque cas, si l’emploi du requérant implique – compte tenu de la
nature des fonctions et des responsabilités qu’il comporte – une participation directe
ou indirecte à l’exercice de la puissance publique et aux fonctions visant à
sauvegarder les intérêts généraux de l’État ou des autres collectivités publiques. Ce
faisant, […] [elle] aura égard, à titre indicatif, aux catégories d’activités et aux
emplois énumérés par la Commission européenne dans sa communication du 18 mars
1988 et par la Cour de justice des Communautés européennes ».

Toutefois, l’utilisation de ce critère fonctionnel a rapidement révélé ses


limites. La Cour a elle-même reconnu que ce dernier « tel qu’appliqué en pratique,
n'a pas simplifié l'examen de la question de l'applicabilité de l'article 6 aux
procédures auxquelles un fonctionnaire est partie, et que, contrairement aux attentes,

1997-V, p. 1663, § 20 et 21 ; CEDH, 2 septembre 1997, no 25587/94, Abenavoli c/ Italie, Rec.


1997-V, p. 1663, § 16.
294
CEDH, 2 septembre 1997, n° 25839/94, Nicodemo c/ Italie, Rec. 1997-V, p. 1703, § 18.
295
CEDH, 24 août 1998, n° 26106/95, Benkessiouer c/ France, Rec., 1998-V, p. 2287 à p. 2288,
§ 29 et § 30, J.C.P., 1999, I, p. 105, no 23, obs. SUDRE Frédéric ; D., 1999, Somm., p. 267 obs.
RENUCCI Jean-François ; CEDH, 24 août 1998, n° 24271/94, Couez c/ France, § 25, Rec., 1998-
V, p. 2265; CEDH, 29 juillet 1998, n o 25554/94, Le Calvez c/ France, § 58 ; CEDH, 09 juin
1998, n o 25549/9, Cazenave de la Roche c/ France, Rec., 1998-III, p. 1327, § 43.
296
Notamment quant au critère fondé sur la nature patrimoniale du litige dans la mesure où une
décision relative au « recrutement », à la « carrière » et à la « cessation d’activité » d’un
fonctionnaire a presque toujours des conséquences pécuniaires.
297
CEDH, 8 décembre 1999, no 28541/95, Pellegrin c/ France, précité, § 60 et § 66.

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CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014

il n'a pas apporté en la matière plus de certitudes » 298. Tout d’abord, « il n'est pas
[toujours] aisé de déterminer quels sont la nature et le statut des fonctions d'un
requérant ; de même, la catégorie à laquelle celui-ci appartient au sein de la fonction
publique n'est pas toujours facile à distinguer sur la base de son rôle effectif. Dans
certains cas, le degré d'appartenance à un secteur spécifique de la fonction publique
qui suffit pour exclure l'applicabilité de l'article 6 indépendamment de la nature des
responsabilités de l'intéressé n'apparaît pas clairement » 299. Enfin, selon les
fonctions occupées, et pour un même litige, l’article 6 C.E.D.H. peut être,
paradoxalement, déclaré applicable ou non.

C’est pourquoi, les juges de Strasbourg ont, depuis quelques années, adopté
une nouvelle approche en renversant la présomption initiale d’inapplicabilité de cette
stipulation aux contentieux de la fonction publique. « Il appartient désormais à l'État
défendeur de démontrer, premièrement, que d'après le droit national un requérant
fonctionnaire n'a pas le droit d'accéder à un tribunal, et, deuxièmement, que
l'exclusion des droits garantis à l'article 6 est fondée s'agissant de ce
fonctionnaire. » 300. En application de cette nouvelle présomption, il a été récemment
jugé que l’article 6 C.E.D.H. pouvait s’appliquer à la procédure de licenciement d’un
ancien salarié qui exerçait les fonctions de chef comptable à l’ambassade du Koweït
et qui contestait le montant des indemnités qui lui avaient été reversées 301, ou encore
à une procédure disciplinaire menée contre un juge 302.

Toujours en matière disciplinaire, la Cour a étendu l’applicabilité du droit au


procès équitable à la contestation des mesures administratives carcérales qui imposent
aux détenus un niveau de surveillance élevée. La Cour précise qu’une telle
applicabilité doit s’apprécier en fonction des « implications pratiques de ces mesures

298
CEDH, 19 avril 2007, n o 63235/00, Vilho Eskelinen et autres c/ Finlande, § 55, R.F.D.A., 2007,
p. 1031, note GONZALEZ Gérard ; A.J.D.A., 2007, p. 1921, obs. FLAUSS Jean-François ;
A.J.D.A., 2007, p. 887, obs. BRONDEL Séverine ; R.T.D.H., 2008, p. 1125, VAN
CAMPERNOLLE Jacques ; J.C.P., 2007, I, 182, n o 3, obs. SUDRE Frédéric.
299
CEDH, 19 avril 2007, n o 63235/00, Vilho Eskelinen et autres c/ Finlande, § 52, précité.
300
CEDH, 19 avril 2007, n o 63235/00, Vilho Eskelinen et autres c/ Finlande, § 50 et § 62, précité.
301
CEDH, 29 juin 2011, no 34869/05, Sabeh El Leil c/ France, précité.
302
CEDH, 05 février 2009, n o 22330/05, Olujić c/ Croatie.

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CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014

sur les droits patrimoniaux et privés du détenu » 303. La Cour indique à cet égard que
« toute restriction touchant les droits de caractère civil de l'individu doit pouvoir être
contestée dans le cadre d'une procédure judiciaire, et ce, en raison de la nature des
limitations (par exemple, une interdiction de bénéficier d'un nombre donné de visites
par mois des membres de la famille ou le contrôle continu de la correspondance
épistolaire et téléphonique, etc.) ainsi que des répercussions qu'elles peuvent
entraîner (par exemple, des difficultés dans le maintien des liens familiaux ou des
relations avec les tiers, l'exclusion des promenades). C'est par cette voie que peut se
réaliser le juste équilibre entre, d'une part, la prise en compte des contraintes du
monde carcéral auxquelles doit faire face l'État, et, d'autre part, la protection des
droits du détenu » 304.
En matière sociale, cette stipulation a été jugée applicable aux recours dirigés
contre les décisions administratives autorisant le licenciement d’une personne
handicapée, en application de la législation autrichienne sur le recrutement des
personnes handicapées 305. On imagine qu’une telle solution pourrait
vraisemblablement être transposée aux contestations portant sur les décisions
administratives autorisant le licenciement d’un salarié protégé en droit français.

De même, comme cela a été vu plus haut, la Cour a inclus dans le champ du
droit au procès équitable les différends portant sur les procédures relatives à l’octroi
de prestations d’assurance sociale 306 ou d’aide sociale 307.

Les garanties procédurales de l’article 6 § 1 trouvent, bien évidemment, une


résonance particulière dans le cadre du contentieux de l’urbanisme. Il résulte

303
CEDH, 17 septembre 2009, n o 74912/01, Enea c/ Italie, § 103 et § 107, précité.
304
CEDH, 17 septembre 2009, n o 74912/01, Enea c/ Italie, § 106, précité.
305
CEDH, 28 juin 1990, no 11761/85, Obermeier c/ Autriche, Série A, no 179.
306
Quant aux allocations d’assurance-maladie : CEDH, 29 mai 1986, n o 8562/79, Feldbrugge
c/ Pays-Bas, J.D.I., 1987, p. 779, note TAVERNIER Paul ; G.A.C.E.D.H., n o 18 ; Quant à
l’octroi d’une pension complémentaire de veuve : CEDH, 29 mai 1986, no 9384/81, Deumeland
c/ Allemagne, précité.
307
CEDH, 26 février 1993, n o 13023/8, Salesi c/ Italie, § 19, Droit Ouvrier, 1995, p. 493, note
BONNECHERE Michèle.

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CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014

notamment des arrêts « Allan Jacobsson » 308 et « Mats Jacobsson » 309, rendus
respectivement le 25 octobre 1989 et le 28 juin 1990 et relatifs à une interdiction
municipale de construire, que : « le « droit » à construire sur son terrain revêt un
« caractère civil » aux fins de l’article 6 paragraphe 1. Ni la généralité des
interdictions de construire ni le double fait que la planification relève, comme le
soutient le Gouvernement, du droit public et qu’une interdiction de bâtir représente
un élément nécessaire de l’aménagement urbain, n’y changent rien » 310. Plus
récemment, il a été jugé que l’article 6 § 1 s’appliquait dans le cadre d’un recours
exercé par une association locale de protection de l’environnement à l’encontre d’une
décision administrative accordant un permis d’urbanisme à une société aux fins de
l’extension du centre d’enfouissement des déchets 311.

De même, l’article 6 § 1 a été jugé applicable à la contestation portant sur une


procédure d’expropriation, dans la mesure où la décision litigieuse avait des
répercussions directes sur le droit de propriété des intéressés, droit de caractère
civil 312.

Depuis le célèbre arrêt « Périscope » du 26 mars 1992 313, l’applicabilité de


l’article 6 § 1 C.E.D.H. a été étendue au contentieux de la responsabilité
administrative, en tant qu’il vise à réparer une atteinte portée à un droit subjectif.

308
CEDH, 25 octobre 1989, n o 10842/84, Allan Jacobsson c/ Suède, Série A, n o 163.
309
CEDH, 28 juin 1990, no 11309/84, Mats Jacobsson c/ Suède, Série A, n o 180, § 34.
310
CEDH, 25 octobre 1989, n o 10842/84, Allan Jacobsson c/ Suède, § 73, précité.
311
CEDH, 24 février 2009, n o 49230/07, L'Érablière A.S.B.L. c/ Belgique, § 28 et § 30, D., 2009,
Panorama, 2448, obs. TRÉBULLE François-Guy ; J.C.P., 2009-143, p. 37, n o 6, obs. SUDRE
Frédéric.
312
CEDH, 24 novembre 1994, n o 15287/89, Beaumartin c/ France, précité ; CEDH, 23 septembre
1982, n os 7151/75 et 7152/75, Sporrong et Lönnroth c/ Suède, précité ; CEDH, 21 février 1990,
n o 11855/85, Håkansson et Sturesson c/ Suède, R.T.D.Eur., 1991, p. 491, obs. FLAUSS Jean-
François : CEDH, 23 juin 1993, n o 12952/87, Ruiz-Mateos c/ Espagne, précité.
313
CEDH, 26 mars 1992, no 11760/85, Éditions Périscope c/ France, R.F.D.A., septembre-octobre
1993, p. 977, LABAYLE Henri et SUDRE Frédéric ; J.C.P., 1993, I, 3654, obs. SUDRE
Frédéric.

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CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014

De manière plus générale, l’influence croissante de l’article 6 § 1 C.E.D.H. se


manifeste encore s’agissant de l’édiction de décisions administratives portant
directement atteinte au droit d’exercer une profession libérale ou une quelconque
activité économique, tels que les retraits d’une licence de transport en commun 314 et
d’une licence autorisant la vente de boissons alcoolisées 315, ou même encore à une
autorisation administrative relative aux conditions d’exercice d’une activité 316.

Une décision administrative refusant le droit d’accès à des documents


administratifs 317 peut également déclencher l’applicabilité de l’article 6 C.E.D.H.
sous son volet civil.

Au terme de cette présentation jurisprudentielle, force est de constater


l’irrésistible extension du droit au procès équitable à l’activité contentieuse de
l’administration. Et il en est de même s’agissant de son activité répressive.

2. L’emprise du droit au procès équitable sur l’activité répressive de


l’administration

En matière pénale, la première catégorie de décisions administratives pour


lesquelles l’applicabilité de l’article 6 C.E.D.H. a été admise, a trait aux procédures
disciplinaires. Tel est l’apport de l’arrêt « Öztürk c/ Allemagne » du 21 février 1984
aux termes duquel « La Convention n’empêche pas les États de créer ou maintenir
une distinction entre droit pénal et droit disciplinaire ni d’en fixer le tracé, mais il
n’en résulte pas que la qualification ainsi adoptée soit déterminante aux fins de la
Convention » 318.

314
CEDH, 27 octobre 1987, n o 10426/83, Pudas c/ Suède, Série A, no 125, § 30 et § 38.
315
CEDH, 07 juillet 1989, n o 10873/84, Tre Traktörer AB c/ Suède, Série A, n o 159, § 43.
316
Sur l’autorisation de mettre en service une installation de vente de gaz de pétrole liquéfié pour
véhicules automobiles : CEDH, 23 octobre 1985, n o 8848/80, Benthem c/ Pays-Bas, § 36, précité.
317
CEDH, 18 novembre 2003, n o 46809/99, Loiseau c/ France, D., 2004, Somm., 990, obs. BIRSAN
Corneliu.
318
CEDH, 21 février 1984, n o 8544/79, Oztürk c/ Allemagne, § 48 et 50, précité.

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CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014

À cet égard, une distinction peut être établie selon la nature du contentieux en
cause.

S’agissant des mesures disciplinaires infligées aux fonctionnaires ou agents de


l’État et des autres personnes ou collectivités publiques, une incertitude a longtemps
régné compte tenu du silence gardé en la matière par la Cour.

Ayant déjà admis l’applicabilité de l’article 6 au titre du volet civil 319, la Cour
ne jugeait pas utile de se prononcer du point de vue de la matière pénale. Elle relevait
que « les garanties du paragraphe 1 de l’article 6 valent en matière civile aussi bien
que dans le domaine pénal. Quant aux paragraphes 2 et 3, alinéas a), b) et d), […]
les principes consacrés par eux se trouvent déjà contenus dans la notion de procès
équitable qui se dégage du paragraphe 1 » 320.

Mais dans une affaire « Moullet c/ France » 321, la Cour, s’appuyant sur les
deuxième et troisième « critères Engel », a jugé qu' « une mesure de mise à la retraite
d'office, quand bien même elle constitue la sanction la plus grave dans l'échelle des
sanctions disciplinaires, est une sanction caractéristique d'une infraction
disciplinaire ne pouvant se confondre avec une peine ». Et d’ajouter : « les
procédures relatives aux sanctions disciplinaires ne portent pas, en principe, sur le
« bien-fondé » d'une « accusation en matière pénale », de sorte que l'article 6 § 2 ne
trouve pas à s'appliquer en général à ce type de litige. Les dispositions de l'article
6 § 2 n'ont en effet ni pour objet ni pour effet d'interdire à l'autorité investie du
pouvoir disciplinaire de sanctionner les faits reprochés à un agent public dès lors
que ces faits sont régulièrement établis ».

Les juges européens ont, toutefois, précisé que cette solution devait être
nuancée, dans l’hypothèse où la décision administrative interne contiendrait « une
déclaration imputant une responsabilité pénale au requérant pour les faits reprochés
dans le cadre de la procédure administrative [disciplinaire]». Il s’agit alors
d’examiner si les autorités nationales ont su maintenir leur décision dans un domaine

319
CEDH, 10 février 1983, n os 7299/75 et 7496/76, Albert et Le Compte c/ Belgique, § 30, précité.
320
CEDH, 23 juin 1981, n os 6878/75 et 7238/75, Le Compte, Van Leuven et De Meyere c/ Belgique,
§ 53, précité.
321
CEDH, 13 septembre 2007, n o 27521/04, Moullet c/ France.

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CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014

purement administratif ou, de façon plus concrète, si « par les termes employés dans
la motivation de sa décision », la juridiction administrative « a créé entre la
procédure pénale et la procédure administrative consécutive un lien manifeste
justifiant que l'on étende à la seconde le champ d'application de l'article 6 § 2 ».

Par conséquent, la question de l’applicabilité de l’article 6 C.E.D.H., sous son


volet pénal, aux sanctions disciplinaires professionnelles ne paraît pas définitivement
tranchée.

En revanche, la Cour a reconnu l’existence d’une accusation en matière pénale


dans le cadre des infractions à la discipline militaire, impliquant l’affectation à une
unité disciplinaire, pour une période de quelques mois. La Cour juge, en effet, que de
telles mesures tendent à l'infliction de lourdes peines privatives de liberté, et ce à la
différence d’un arrêt de deux jours de rigueur, sanction privative de trop courte durée
pour ressortir à la « matière pénale » 322.

De même, dans le cadre de la discipline pénitentiaire, la Cour admet, sous


certaines réserves, l’applicabilité de l’article 6 § 1 C.E.D.H. Elle « n'ignore pas que
dans le contexte carcéral des raisons pratiques et de politique militent pour un
régime disciplinaire spécial » 323. Pour autant, elle considère que « la justice ne
saurait s'arrêter à la porte des prisons et [que] rien, dans les cas appropriés, ne
permet de priver les détenus de la protection de l'article 6 » 324. Sur cette base, elle a
jugé, dans une affaire « Campbell et Fell » du 28 juin 1984 325, qu’une perte de remise
de peine de 957 jours prononcée à l’encontre d’un détenu, pour actes de mutinerie ou
d’incitation à la mutinerie et pour voies de fait graves sur la personne d’un gardien,
relevait de la matière pénale, eu égard tant à la « gravité particulière des infractions
imputées au requérant que de la nature et de la gravité de la peine encourue ». La
Cour relève qu’« en prolongeant la détention bien au-delà de ce qui eût été le cas

322
CEDH, 8 juin 1976, n os 5100/71, 5101/71, 5102/71, 5354/72, 5370/72, Engel et autres c/ Pays-
Bas, précité.
323
CEDH, 28 juin 1984, nos 7819/77 et 7878/77, Campbell et Fell c/ Royaume-Uni, § 69, précité.
324
CEDH, 28 juin 1984, n os 7819/77 et 7878/77, Campbell et Fell c/ Royaume-Uni, § 69, précité ;
CEDH, 9 octobre 2003, n os 39665/98 et 40086/98, Ezeh et Connors c/ Royaume-Uni, § 69,
précité.
325
CEDH, 28 juin 1984, nos 7819/77 et 7878/77, Campbell et Fell c/ Royaume-Uni, précité.

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CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014

sans elle, la sanction s’est apparentée à une privation de liberté même si


juridiquement elle n’en constituait pas une ».

Enfin, l’article 6 C.E.D.H. revêt une portée considérable dans le cadre du


contentieux disciplinaire en matière bancaire, financière et boursière, compte tenu des
lourdes peines pécuniaires susceptibles d’être prononcées par certaines autorités
administratives.

Telle est la solution qui ressort de l’arrêt du 11 juin 2009, « Dubus


c/ France » 326, rendu à propos d’un blâme, sanction administrative en droit interne,
infligée par la Commission bancaire. Bien que la gravité de la sanction ainsi
prononcée puisse paraître minime, la Cour énonce que « la coloration pénale d’une
instance est subordonnée au degré de gravité de la sanction dont est a priori passible
la personne concernée (Engel et autres précité, § 82) et non à la gravité de la
sanction finalement infligée. ». Or, il appert de la lecture de l’article L. 613-21 du
C.M.F., sur le fondement duquel le blâme a été prononcé, que la société requérante
peut encourir une radiation et/ou une sanction pécuniaire au plus égale au capital
minimum auquel est astreinte la personne morale sanctionnée. Consécutivement, la
Cour a estimé que « de telles sanctions entraînent des conséquences financières
importantes, et partant, peuvent être qualifiées de sanctions pénales. » Elle a
également relevé que « le blâme qui a été prononcé était de nature à porter atteinte
au crédit de la société sanctionnée, entraînant, pour elle, des conséquences
patrimoniales incontestables ». Cette solution, qui avait déjà été énoncée s’agissant
de sanctions pécuniaires prononcées par le Conseil de la concurrence 327 et le Conseil
des marchés financiers 328, a toutefois eu le mérite d’exposer, contrairement aux
décisions antérieures, le raisonnement suivi par la Cour, pour conclure à
l’applicabilité de l’article 6 C.E.D.H. Elle trouve une confirmation récente dans un

326
CEDH, 11 juin 2009, no 5242/04, Dubus c/ France, D., 2009, p. 2247, note COURET Alain ;
J.C.P., éd. gén., 2009, 2081, note PAILLER Pauline ; Revue de droit bancaire et financier, 2009,
comm. 111, note CREDOT Francis Jean et SAMIN Thierry ; Banque et Droit, no 126, 2009,
p. 16, obs. BONNEAU Thierry.
327
CEDH, 3 décembre 2002, no 53892/00, Lilly c/ France.
328
CEDH, 27 août 2002, n o 58188/00, Didier c/ France, Rec. 2002-VII ; J.C.P., éd. gén., 2003, I,
109, obs. SUDRE Frédéric ; J.C.P., éd. gén., 2003, II, 10177, note GONZALES Gérard.

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CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014

arrêt rendu le 27 septembre 2011, « A. Menarini Diagnostics S.R.L. c/ Italie » 329.


Appliquant les critères « Engel », la Cour a retenu, en l’espèce, l’applicabilité de
l’article 6 § 1 C.E.D.H. s’agissant d’une sanction pécuniaire de six millions d’euros
pour pratiques anticoncurrentielles, infligée à une société, par l’A.G.C.M. 330, autorité
administrative indépendante italienne de régulation de la concurrence.

En dehors du contentieux disciplinaire, ce sont les sanctions administratives


prononcées à la suite d’infractions routières mineures qui entraînent le plus souvent
l’applicabilité de l’article 6 C.E.D.H.

Tel est le cas des amendes administratives. La Cour énonce en effet que « le
caractère général de la norme et le but, à la fois préventif et répressif, de la sanction
[qui] suffisent à établir, aux fins de l’article 6, la nature pénale de l’infraction
litigieuse. » 331. Dès lors, « il ne s’impose pas d’examiner « de surcroît » le
manquement [litigieux] « sous l’angle du dernier des critères énoncés » 332. Ainsi, « la
faiblesse relative de l’enjeu [...] ne saurait retirer à une infraction son caractère
pénal intrinsèque » 333.

Dans une affaire « Malige c/ France », la Cour a aussi inclus dans le champ
d’application de l’article 6 § 1 C.E.D.H. les sanctions administratives prononçant un
retrait de points du permis de conduire. Pour ce faire, la Cour souligne que cette
décision « peut entraîner à terme la perte de la validité du permis de conduire. Or, il
est incontestable que le droit de conduire un véhicule à moteur se révèle de grande
utilité pour la vie courante et l’exercice d’une activité professionnelle ». La Cour en
a déduit que « si la mesure de retrait présente un caractère préventif, elle revêt
également un caractère punitif et dissuasif et s’apparente donc à une peine

329
CEDH, 27 septembre 2011, n o 43509/08, A. Menarini Diagnostics S.R.L. c/ Italie.
330
Autorità Garante della Concorrenza e del Mercato.
331
CEDH, 21 février 1984, n° 8544/7921, Oztürk c/ Allemagne, § 53, précité ; rappelé dans CEDH,
25 août 1987, n o 9912/82, Lutz c/ Allemagne, J.D.I., 1988, p. 874, obs. ROLLAND Patrice et
TAVERNIER Paul.
332
CEDH, 21 février 1984, n° 8544/7921, Oztürk c/ Allemagne, § 54, précité ; rappelé dans CEDH,
25 août 1987, n o 9912/82, Lutz c/ Allemagne, précité.
333
CEDH, 21 février 1984, n° 8544/7921, Oztürk c/ Allemagne, §54, rappelé dans CEDH, 25 août
1987, n o 9912/82, Lutz c/ Allemagne, précité.

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CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014

accessoire. La volonté du législateur de dissocier la sanction de retrait de points des


autres peines prononcées par le juge pénal ne saurait en changer la nature » 334.

En revanche, la Cour considère que l’article 6 n’est pas applicable à une


mesure de retrait immédiat d’un permis de conduire 335, qui ne revêt pas une
coloration pénale. Selon les juges européens, il s’agit d’une « mesure préventive dont
le caractère d’urgence justifie son application immédiate et dans laquelle ne
transparaît pas le but de punir ». Si cette solution peut paraître discutable au regard
de l’affaire « Malige », elle se justifie au regard du critère tiré du degré de sévérité de
la sanction prononcée. En effet, la Cour rappelle « que la mesure de retrait immédiat
du permis de conduire est limitée dans le temps, puisqu’elle ne peut excéder quinze
jours, sauf circonstance spéciale permettant sa prolongation pour deux nouvelles
périodes de quinze jours. », pour en conclure que « L’impact de pareille mesure
n’est, par son intensité et sa durée, pas assez important pour autoriser à la qualifier
de sanction « pénale ».

Les sanctions fiscales constituent un autre pan de l’activité administrative


largement affecté par l’article 6 C.E.D.H. depuis la décision « Bendenoun
c/ France » 336.

En l’espèce, quatre éléments ont été jugés décisifs pour trancher la question de
l’applicabilité de cette stipulation. La Cour relève, tout d’abord, que la loi qui prévoit
cette pénalité concerne tous les citoyens en leur qualité de contribuables. Puis, elle
souligne que les majorations d’impôt ne tendent pas à la réparation pécuniaire d’un
préjudice, mais visent à punir, pour empêcher la réitération des agissements

334
CEDH, 23 septembre 1998, n o 27812/95, Malige c/ France, Gazette du Palais, 2-3 décembre
1998, p. 34 à p. 35, BERTHELOT T. P. et RIO Y ; J.C.P., 1999, II, 10086, note SUDRE
Frédéric ; D., 1999, Somm., p. 267, obs. RENUCCI Jean-François ; R.S.C., 1999, p. 398, obs.
KOERING-JOULIN Renée ; Revue de sciences criminelles, 2000, p. 145, MASSIAS Florence.
335
CEDH, 28 octobre 1999, n o 26780/95, Escoubet c/ Belgique, J.C.P., 2000, I., p. 203, obs.
SUDRE Frédéric ; J.D.I., 2000, p. 128, obs. O.B.
336
CEDH, 24 février 1994, n o 12547/86, Bendenoun c/ France, J.C.P., 1995, I, 3823. SUDRE
Frédéric ; J.C.P., 1995, II, 22372, note FROMMEL Stefan N.; J.D.E., 1994, p. 41, M. B. ; R.J.F.,
4/94, n o 503, p. 279, chr. GOULARD Guillaume ; A.J.D.A., p. 512, chr. FLAUSS Jean-François ;
A.F.D.I., 1994, p. 658, obs. COUSSIRAT-COUSTERE Vincent ; J.D.I., 1995, p. 752, obs.
DECAUX Emmanuel et TAVERNIER Paul ; R.S.C., 1995, p. 388, obs. MASSIAS Florence ;
Gazette du Palais, 27-28 septembre 1995, p. 19, PETTITI Christophe.

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CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014

incriminés. Elle poursuit en observant que les majorations litigieuses sont fondées sur
une norme de caractère général, dont le but est à la fois préventif et répressif. Elle
note, enfin, l’ampleur considérable des montants ainsi exigés. Et de préciser :
« L’ensemble de ces éléments additionnés et combinés confère à l’« accusation »
litigieuse un « caractère pénal » au sens de l’article 6 paragraphe 1, lequel trouvait
donc à s’appliquer » 337.

L’absence, dans cette décision, de référence expresse aux critères « Engel » a


pu laisser penser, pendant un temps, qu’en matière fiscale, la détermination de
l’applicabilité de l’article 6 C.E.D.H. reposait sur une autre méthode d’appréciation,
fondée essentiellement sur le degré de sévérité de la sanction.

L’équivoque a semblé être levée suite à l’arrêt rendu en l’affaire « Janosevic


c/ Suède » 338, relatif à une majoration d’impôt dont le montant n’était pas plafonné.
Pour reconnaître l’applicabilité de l’article 6 C.E.D.H. au titre de la matière pénale, la
Cour a fait une stricte application des critères « Engel ». Si le degré de gravité de la
sanction infligée au requérant est effectivement souligné par la Cour, elle ne l’a
retenu que comme motif supplémentaire et distinct d’attribuer à l’infraction le
caractère pénal, qu’elle avait déjà reconnu en examinant sa nature.

Cependant, dans une affaire « Morel c/ France » 339, jugée le 3 juin 2003, la
Cour, semblant omettre son précédent « Janosevic », est revenue à sa jurisprudence
« Bendenoun ». Elle a, une fois de plus, fait prévaloir le degré de sévérité de la
sanction encourue pour apprécier l’applicabilité du droit au procès équitable, et ce,
alors même que les autres conditions tirées de la jurisprudence « Engel » étaient
satisfaites : généralité de la norme, sanction dépourvue de caractère indemnitaire
poursuivant un but préventif et répressif. Elle a ainsi jugé que l’article 6 § 1 C.E.D.H.
ne s’applique pas à une majoration d’impôt de 10 % qui est de « faible importance »
et qui est donc « loin de revêtir l’« ampleur considérable » des sommes sur lesquelles

337
CEDH, 24 février 1994, n o 12547/86, Bendenoun c/ France, précité.
338
CEDH, 23 juillet 2002, n o 34619/97, Janosevic c/ Suède, Rec. 2002-VII ; J.C.P., 2003, I, 109,
no 13, obs. SUDRE Frédéric.
339
CEDH, 3 juin 2003, n o 54559/00, Morel c/ France.

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CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014

[…] [elle] s’était fondée dans l’arrêt Bendenoun pour retenir le « caractère pénal »
de l’affaire ».

C’est finalement la décision « Jussila c/ Finlande » relative à une majoration


d’impôt de 10 %, qui a définitivement tranché le débat. La Cour y affirme qu’« il
n’existe […] pas, dans [sa] jurisprudence, de précédent faisant autorité qui permet de
dire que la légèreté de la sanction constituerait, en matière fiscale ou autre, un
facteur décisif pour exclure du champ d’application de l’article 6 une infraction
revêtant par ailleurs un caractère pénal. Par conséquent, la Cour appliquera en
l’espèce les critères Engel » 340. Procédant de manière très pédagogique, les juges
européens soulignent que « la majoration d’impôt infligée à l’intéressé ne
ressortissait pas au droit pénal, mais relevait de la législation fiscale. Toutefois,
pareille considération n’est pas décisive ». Poursuivant, ils relèvent que « Le
deuxième critère, qui touche à la nature de l’infraction, est le plus important ». Ils
notent « qu’à l’instar de celles infligées dans les affaires Janosevic et Bendenoun, les
majorations d’impôt appliquées en l’espèce peuvent être considérées comme fondées
sur des dispositions juridiques générales applicables à l’ensemble des contribuables.
[…] En outre, comme le Gouvernement l’a reconnu, les majorations d’impôt ne
tendaient pas à la réparation pécuniaire d’un préjudice mais visaient pour l’essentiel
à punir pour empêcher la réitération des agissements incriminés ». Ils en concluent
que « les majorations infligées étaient fondées sur une norme poursuivant un but à la
fois préventif et répressif ». Et d’ajouter « Cette considération suffit à elle seule à
conférer à l’infraction infligée un caractère pénal. La légèreté de la sanction
litigieuse distingue la présente espèce des affaires Janosevic et Bendenoun en ce qui
concerne le troisième critère Engel mais n’a pas pour effet de l’exclure du champ
d’application de l’article 6. Cette disposition s’applique donc sous son volet pénal
nonobstant la modicité de la somme exigée au titre de la majoration d’impôt ».

Si les garanties du droit au procès équitable trouvent donc à s’appliquer aux


sanctions fiscales à coloration pénale, en revanche, les pénalités portant sur des

340
CEDH 23 novembre 2006, n o 73053/01, Jussila c/ Finlande, § 35 et § 36, J.D.I., 2007, p. 709,
obs. TOUZE Sébastien ; J.C.P., 2007, I, 106, nº 4, obs. SUDRE Frédéric ; R.T.D.H., 2008,
p. 239, obs. COSTEA Ioana.

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CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014

intérêts de retard en sont exclues 341, dans la mesure où ces dernières « sont destinées
essentiellement à réparer le préjudice pécuniaire subi par les autorités fiscales plutôt
qu’à empêcher la réitération de l’infraction ».

Au terme de cette énumération digne, il est vrai, d’un « inventaire à la


Prévert », mais qui a le mérite de témoigner de l’ampleur du champ d’application
actuel du droit au procès équitable, force est de constater, comme l’a si bien écrit le
professeur René CHAPUS, que la « la Cour européenne des droits de l’homme a
consacré des conceptions tellement extensives de la contestation civile et de
l’accusation pénale que ce qui est authentiquement administratif se trouve laminé ou
marginalisé » 342.

Certains auteurs considèrent même qu’en définitive, « tout ce qui n’est pas
« pénal » est aujourd’hui « civil » au sens de l’article 6 § 1 C.E.D.H. » 343.

Il convient cependant de nuancer cette dernière affirmation en tant qu’elle ne


reflète pas exactement la réalité jurisprudentielle. S’il est incontestable qu’un grand
nombre de matières relevant du droit administratif sont civiles ou pénales, au sens de
l’article 6 § 1 C.E.D.H., il n’en demeure pas moins que certains pans entiers de
l’intervention administrative échappent encore à l’applicabilité du droit au procès
équitable. Ainsi, il subsiste toujours « un contentieux de « pur » droit public » 344.

341
CEDH, 3 décembre 2002, no 52938/99, Mieg de Boofzheim c/ France.
342
CHAPUS René, Droit du contentieux administratif, Montchrestien, 7 ème éd., 1998, p. 115, n o 144.
Dans la 12 ème édition de son ouvrage, le Professeur fait une observation identique en soulignant
que « sa jurisprudence [celle de la Cour européenne] fait apparaître le contentieux administratif
(selon le droit national) comme laminé entre les concepts autonomes que l’on sait. », in Droit du
contentieux administratif, Montchrestien, 12 ème éd., p. 146, n o 152.
343
SUDRE Frédéric, Droit européen et international des droits de l’homme, P.U.F., 9 ème éd., 2009,
p. 364, no 207 ; DE MEYER Jan, Opinion séparée sur CEDH, 30 novembre 1987, n o 8950/80, H.
c/ Belgique : Voir, également, en ce sens les auteurs cités par VELU Jacques et ERGEC Rusen,
La convention européenne des droits de l’homme, Bruylant, Bruxelles, 1990, p. 376, n os 421 :
VELU Jacques, « La Convention européenne des droits de l’homme et les garanties
fondamentales des parties dans le procès civil », in Les garanties fondamentales des parties dans
le procès civil, Milan, 1973, p. 254 à p. 333, plus précisément p. 268 ; VAN DIJK P., « The
Benthem Case and its Aftermath in the Netherlands », N.I.L.R., 1987, p. 5 à p. 24, plus
précisément p. 19 ; BUERGENTHAL Th. et KEWENIG W., « Zum Begriff der Civil Rights in
Artikel 6 Absatz 1 der Europäischen Menschenrechtskonvention », Archiv des Völkerrechts,
1966-1976, p. 393 à p. 411, plus précisément p. 409.
344
SUDRE Frédéric, Droit européen et international des droits de l’homme, P.U.F., 9 ème éd., 2009,
p. 740-744, plus précisément p. 362.

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SECTION 2

L’inapplicabilité exceptionnelle de l’article 6 C.E.D.H. aux autorités


administratives

Présentant le champ d'application du droit au procès équitable, sous l’angle de


la matière « civile », le professeur Sudre affirmait que « le critère de l’incidence
d’une situation ou d’un acte sur les droits patrimoniaux du justiciable (...) a conduit
la juridiction européenne à procéder à une extension « tous azimuts » du champ
d'application de l'article 6 », qui « paraît avoir une vocation « attrape-tout » 345.

Cette analyse, qui a, sans nul doute, le mérite d’exprimer à quel point
l’applicabilité du droit au procès équitable est extrêmement étendue, doit toutefois
être tempérée.

En effet, on ne saurait occulter l’inapplicabilité de l’article 6 § 1 C.E.D.H. à


certains pans de l’intervention administrative, même si, on le reconnaît, les organes
de la Convention (I), suivis par le juge judiciaire français (II), ont veillé à limiter
sérieusement la portée de cette « situation d’exclusion » 346.

345
SUDRE Frédéric, Droit européen et international des droits de l’homme, P.U.F., 9 ème éd., 2009,
p. 364, n o 207 ; Voir également, KOERING-JOULIN Renée, « Introduction générale », in Les
nouveaux développements du procès équitable au sens de la convention européenne des droits de
l’homme, Actes du colloque du 22 mars 1996 en la grande chambre de la Cour de cassation,
Bruxelles, Bruylant, 1996, p. 9, spécialement p. 11 et p. 12 ; Gérard COHEN-JONATHAN,
« Conclusions générales », in Les nouveaux développements du procès équitable au sens de la
convention européenne des droits de l’homme, Actes du colloque du 22 mars 1996 en la grande
chambre de la Cour de cassation, Bruxelles, Bruylant, 1996, p. 159 et spécialement p. 162.
346
SUDRE Frédéric, Droit européen et international des droits de l’homme, P.U.F., 9 ème éd., 2009,
p. 354 et p. 355, n o 205 et no 206 et p. 362, no 207.

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I. Une inapplicabilité de l’article 6 C.E.D.H. aux autorités administratives à


relativiser

L’inapplicabilité de l’article 6 C.E.D.H. aux autorités administratives apparaît,


d’une part, comme une solution exceptionnelle, en ce que la Cour de Strasbourg en a
considérablement borné l’invocabilité (A), et, d’autre part, comme une solution
sujette à évolution, en ce que la jurisprudence rendue en cette matière présente un
caractère fluctuant (B).

A. Une inapplicabilité particulièrement cantonnée

En rappelant dans son arrêt « Ferrazzini c/ Italie » du 12 juillet 2001 347, que
« le principe selon lequel les notions autonomes contenues dans la Convention
doivent être interprétées à la lumière des conditions de vie actuelles dans les sociétés
démocratiques n’autorise pas la Cour à interpréter l’article 6 § 1 comme si l’adjectif
« civil », avec les limites que pose nécessairement cet adjectif à la catégorie des
« droits et obligations » à laquelle s’applique cet article, ne figurait pas dans le
texte », la Cour de Strasbourg a su couper court aux diatribes dirigées contre sa
conception autonome de la « matière civile », jugée parfois trop englobante 348.

Le juge européen a ainsi démontré que l’article 6 C.E.D.H. n’avait pas


vocation à s’appliquer à l’ensemble des décisions administratives, et ce contrairement
à ce que certains auteurs avaient pu soutenir 349.

347
CEDH, 12 juillet 2001, n o 44759/98, Ferrazzini c/ Italie, § 30, D.F., 2002, p. 438, note GÉRARD
Laurence ; J.C.P., 2002, I, 105, n o 6, obs. SUDRE Frédéric ; J.D.I., 2002, p. 261, obs.
TAVERNIER Paul ; Procédures, 2002, com. n o 40, PIERRE Jean-Luc.
348
SOYER Jean-Claude et DE SALVIA Michel, « Article 6 », La Convention européenne des droits
de l'homme, Commentaire article par article, PETTITI Louis-Edmond, DECAUX Emmanuel et
IMBERT Pierre-Henri (dir.), Economica, 2 ème éd., 1999, p. 239 et s., plus précisément p. 251 à
p. 253.
349
DE MEYER Jan, Opinion séparée sur CEDH, 30 novembre 1987, no 8950/80, H c/ Belgique :
Voir, également, en ce sens les auteurs cités par VELU Jacques et ERGEC Rusen, La convention
européenne des droits de l’homme, Bruylant, Bruxelles, 1990, p. 376, nos 421 : VELU Jacques,
« La Convention européenne des droits de l’homme et les garanties fondamentales des parties
dans le procès civil », in Les garanties fondamentales des parties dans le procès civil, Milan,
1973, p. 254 à p. 333, plus précisément p. 268 ; VAN DIJK P., « The Benthem Case and its
Aftermath in the Netherlands », N.I.L.R., 1987, p. 5 à p. 24, plus précisément p. 19 ;
BUERGENTHAL Th. et KEWENIG W., « Zum Begriff der Civil Rights in Artikel 6 Absatz

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CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014

Ce rappel à l’ordre opéré par les hauts magistrats strasbourgeois a rapidement


été relayé par la doctrine 350, qui a alors souligné la volonté de la Cour de
« verrouiller » 351 dorénavant l’applicabilité de l’article 6 § 1 C.E.D.H.

Pourtant, la portée de l’arrêt « Ferrazzini » est loin d’être novatrice. Elle doit,
en outre, être relativisée. Tout d’abord, la solution qui y est énoncée repose sur une
jurisprudence déjà ancienne intervenue dans des contextes variés 352. Ensuite, cette
« exemption » concerne, d’une part, un nombre restreint de décisions administratives
(1) et, d’autre part, le seul volet civil de l’article 6 § 1 C.E.D.H. (2).

1 der Europäischen Menschenrechtskonvention », Archiv des Völkerrechts, 1966-1976, p. 393 à


p. 411, plus précisément p. 409.
350
SUDRE Frédéric, Droit européen et international des droits de l’homme, P.U.F., 9 ème éd., 2009,
p. 362, n o 207 ; MILANO Laure, Le droit à un tribunal au sens de la Convention européenne des
droits de l’Homme ; Thèse Montpellier, SUDRE Frédéric (dir.), L.G.D.J., 2006, p. 144, n o 197 ;
SOYER Jean-Claude et DE SALVIA Michel, « Article 6 », La Convention européenne des droits
de l'homme, Commentaire article par article, PETTITI Louis-Edmond, DECAUX Emmanuel et
IMBERT Pierre-Henri (dir.), Economica, 2 ème éd., 1999, p. 239 et s., plus précisément p. 253.
351
SUDRE Frédéric, Droit européen et international des droits de l’homme, P.U.F., 9 ème éd., 2009,
p. 362, n o 207.
352
CEDH, 9 décembre 1994, nos 19005/91 et 19006/91, Schouten et Meldrum c/ Pays-Bas, § 50 :
« Il n’est pas davantage suffisant en soi de démontrer qu’un litige est de nature "patrimoniale".
Il peut exister des obligations "patrimoniales" à l’égard de l’État ou de ses autorités
subordonnées qui, aux fins de l’article 6 § 1 (art. 6 1), doivent passer pour relever exclusivement
du domaine du droit public et ne sont, en conséquence, pas couvertes par la notion de "droits et
obligations de caractère civil". Hormis les amendes imposées à titre de "sanction pénale", ce
sera le cas en particulier lorsqu’une obligation qui est de nature patrimoniale résulte d’une
législation fiscale ou fait autrement partie des obligations civiques normales dans une société
démocratique. ». S’agissant du contentieux électoral : CEDH, 21 octobre 1997, Pierre-Bloch
c/ France, § 51, A.J.D.A., 20 décembre 1997, p. 982, « L’applicabilité de l’article 6-1 au
contentieux électoral », FLAUSS Jean-François. S’agissant de la matière fiscale : CEDH,
20 avril 1999, n o 41601/98, Vidacar S.A. c/ Espagne. S’agissant du contentieux de la fonction
publique : CEDH, 8 décembre 1999, n o 28541/95, Pellegrin c/ France, A.F.D.I., 1999, p. 747 et
766, obs. COUSSIRAT-COUSTERE Vincent, J.D.I., 2000, p. 139, TAVERNIER Paul ;
R.F.D.A., 2000, p. 1268, obs. KISSANGOULA Jean. S’agissant du contentieux des étrangers :
CEDH, 5 octobre 2000, no 39652/98, Maaouia c/ France, D., 2001, Somm., p. 2346, obs. DE
LAMY Bertrand ; A.J.D.A., 2010 p. 997, obs. FLAUSS Jean-François ; R.T.D.H., 2002, p. 433,
TIGROUDJA Hélène.

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1. Une inapplicabilité bénéficiant à un nombre restreint de décisions


administratives

Au risque de nous voir reprocher la banalité de nos propos, tant ce qui suit a
déjà été mis en exergue par une importante partie de la doctrine 353, il nous faut
rappeler que seules quatre catégories de décisions administratives ne sont pas
soumises au jeu de l’article 6 § 1 C.E.D.H. invoqué au titre de la matière civile.

Sommairement, il s’agit des décisions étroitement liées au système électoral 354,


de celles portant sur l’entrée, le séjour et l’éloignement des étrangers 355, de celles
intervenant en matière fiscale 356, et enfin de celles concernant certains
fonctionnaires 357. La Cour considère, en effet, que ces dernières se meuvent dans la
sphère exclusive du droit public.

Concernant les premières, la Cour de Strasbourg a jugé, dans son arrêt


« Pierre-Bloch c/ France » du 21 octobre 1997, que la décision prononçant
l’inéligibilité d’un candidat à la députation pendant un an et le déclarant

353
VELU Jacques et ERGERC Rusen, La convention européenne des droits de l’homme, Bruylant,
Bruxelles, 1990, p. 380, n o 425 ; SUDRE Frédéric, Droit européen et international des droits de
l’homme, P.U.F., 9 ème éd., 2009, p. 362 à p. 364, n o 207 ; MILANO Laure, Le droit à un tribunal
au sens de la Convention européenne des droits de l’Homme, Thèse Montpellier, SUDRE
Frédéric (dir.), L.G.D.J., 2006, p. 144, n o 197 ; GONZALES Gérard, « Le sens européen de la
notion de « contestations sur des droits et obligations de caractère civil », in L’extension des
garanties du procès équitable hors les juridictions ordinaires : les contraintes européennes,
Institut de droit européen des droits de l’homme, avril 2002, SUDRE Frédéric (dir.), p. 25 à p.
27 ; GUINCHARD Serge, DELICOSTOPOULOS Constantin-S, DOUCHY-OUDOT Mélina,
FERRAND Frédérique, Droit processuel : Droit commun et droit comparé du procès équitable,
Dalloz, 2007, p. 152 et p. 157, n o 100, à p. 158, no 98 ; SOYER Jean-Claude et DE SALVIA
Michel, « Article 6 », La Convention européenne des droits de l'homme, Commentaire article par
article, PETTITI Louis-Edmond, DECAUX Emmanuel et IMBERT Pierre-Henri (dir.),
Economica, 2 ème éd., 1999, p. 253 ; GROTRIAN Andrew, L'article 6 de la Convention
européenne des Droits de l'homme, Conseil de l'Europe, Direction des droits de l'homme, 1994,
p. 18 et p. 19.
354
CEDH, 21 octobre 1997, n o 24194/94, Pierre-Bloch c/ France, Cahiers du Conseil
constitutionnel, 1998, n o 4, p. 123, note FLAUSS Jean-François ; R.T.D.H., 1998, p. 339 et
suivantes, obs. FLAUSS Jean-François ; A.J.D.A., 20 décembre 1997, p. 982, obs. FLAUSS Jean-
François ; A.J.D.A., 1998, p. 65, note BURGORGUE-LARSEN Laurence ; R.F.D.A., 1998,
p. 999, note JEAN Pascal.
355
CEDH, 5 octobre 2000, n o 39652/98, Maaouia c/ France, § 40, précité.
356
CEDH, 12 juillet 2001, n o 44759/98, Ferrazzini c/ Italie, précité.
357
CEDH, 19 avril 2007, n o 63235/00, Vilho Eskelinen et autres c/ Finlande, § 55, R.F.D.A., 2007,
p. 1031, note GONZALEZ Gérard ; A.J.D.A., 2007, p. 1921, obs. FLAUSS Jean-François ;
A.J.D.A., 2007, p. 887, obs. BRONDEL Séverine ; R.T.D.H., 2008, p. 1125, obs. VAN
CAMPERNOLLE Jacques ; J.C.P., 2007, I, 182, n o 3, obs. SUDRE Frédéric.

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CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014

démissionnaire d'office, et ce, suite au dépassement du plafond des dépenses


électorales autorisées par la loi, est étrangère aux droits et obligations de caractère
civil.

Trois ans plus tard, la décision « Maaouia c/ France » énonce qu’une mesure
d'interdiction du territoire français ne porte pas sur des droits et obligations de
caractère civil.

Tel est également le cas des décisions prises en matière fiscale 358. Si certains
auteurs ont cru « qu’un premier pas avait été franchi, en ce qui concerne la
reconnaissance du caractère civil, au sens de la convention, de certains contentieux
fiscaux, avec la décision Périscope c/ France » dans la mesure où « la Cour assimile
à un droit de « caractère civil » au sens de l'article 6, le droit à indemnité pour faute
de l'administration en matière d'allégements fiscaux et de dégrèvements postaux vis-
à-vis d'éditeurs concurrents » 359, c’est, nous semble-t-il, au détriment de la
distinction entre, d’une part, le contentieux fiscal, entendu comme le contentieux de
l’assiette et du recouvrement des impositions, qui échappe à l’empire de l’article 6
C.E.D.H., volet civil, et, d’autre part, le contentieux de la responsabilité
administrative, pour lequel l’applicabilité de cette stipulation est clairement reconnue
dans la jurisprudence européenne.
360
Enfin, par un arrêt « Vilho Eskelinen et autres c/ Finlande » du 19 avril
2007, il a été jugé que le statut de fonctionnaire d’un requérant peut suffire à le
soustraire à la protection offerte par le volet civil de l’article 6 C.E.D.H. si, d’une
part, le droit interne de l’État concerné a expressément exclu l’accès à un tribunal
s’agissant du poste ou de la catégorie de salariés en question et si, d’autre part, cette
dérogation repose sur des motifs liés à l’intérêt de l’État.

358
CEDH, 12 juillet 2001, n o 44759/98, Ferrazzini c/ Italie, précité.
359
BATJOM Bruno, « Le contentieux administratif face à l’article 6 § 1 de la convention
européenne des droits de l’homme », L.P.A., 24 mars 1995, n o 36, p. 11.
360
CEDH, 19 avril 2007, n o 6323500, Vilho Eskelinen et autres c/ Finlande ; R.F.D.A., 2007,
p. 1031, note GONZALES Gérard ; J.C.P., 2007, I, 182, SUDRE Frédéric ; A.J.D.A., 2007, p. 60,
p. 1360, note ROLLIN François et p. 1921, note, FLAUSS Jean-François ; A.J.F.P., 2007, p. 246,
note FITTE-DUVAL Alice ; R.D.P., 2008, n o 3, p. 951, note GONZALES Gérard.

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CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014

L’« immunité » accordée à ces diverses décisions administratives n’a pas été
sans soulever une certaine incompréhension doctrinale 361, notamment au regard de la
définition européenne de la matière civile.

En ce sens, les professeurs Jacques VELU et Rusen ERGEC se sont étonnés de


ce que les impositions fiscales et parafiscales, qui présentent des aspects de droit
privé en tant qu’elles affectent les droits patrimoniaux des contribuables, ne
déclenchent pas l’applicabilité du volet civil de l’article 6 § 1 C.E.D.H. 362.

Messieurs Jacques SOYER et Michel DE SALVIA ont également mis en


exergue un paradoxe entre, d’une part, une protection du procès équitable accordée à
une action reposant sur un refus de faveurs fiscales 363 et, d’autre part, une exclusion
du procès équitable s’agissant d’une contestation sur un relèvement fiscal prétendu
injustifié 364. Cependant, là encore, cette objection nous paraît contestable dès lors
qu’elle procède d’une confusion entre le contentieux fiscal et le contentieux de la
responsabilité administrative.

De la même manière, madame SAROLÉA a souligné, à propos de la police des


étrangers, que « l’inapplicabilité de l’article 6 § 1 C.E.D.H. sous l’angle civil ne
tenait pas compte de l’emprise croissante du droit au respect de la vie privée ou
familiale » 365.

361
GUINCHARD Serge, DELICOSTOPOULOS Constantin-S, DOUCHY-OUDOT Mélina,
FERRAND Frédérique, Droit processuel : Droit commun et droit comparé du procès équitable,
Dalloz, 2007, p. 220, n° 128 ; SUDRE Frédéric, Droit européen et international des droits de
l’homme, P.U.F., 9 ème éd., 2009, p. 153 et p. 154, n o 98.
362
Voir également en ce sens : FLAUSS Jean-François, A.J.D.A., 20 juillet/20 août 1994, p. 513. Le
professeur Jean-François FLAUSS a avoué « ne pas très bien comprendre que la matière fiscale
entre dans le champ d’application de l’article 1 du protocole additionnel, en ce qu’elle intéresse
le droit de chacun au respect de ses biens (13 mai 1976, X. c/ Autriche, req. n o 6087/73, DR 5,
p. 10 ; 3 mars 1983, X. c/ Belgique, req. n o 9553/81, non publié) et que corrélativement une
contestation d’ordre fiscal puisse être considérée comme ne portant pas sur un objet patrimonial
au sens de l’article 6-1 ».
363
CEDH, 26 mars 1992, n o 11760/85, Éditions Périscopes c/ France.
364
SOYER Jean-Claude et DE SALVIA Michel, « Article 6 », La Convention européenne des droits
de l'homme, Commentaire article par article, PETTITI Louis-Edmond, DECAUX Emmanuel et
IMBERT Pierre-Henri (dir.), Economica, 2 ème éd., 1999, p. 253.
365
SAROLÉA Sylvie, « Les droits procéduraux du demandeur d'asile au sens des articles 6 et 13 de
la Convention européenne des droits de l'homme », R.T.D.H., 1999, n o 37, p. 129 et suivantes.

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CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014

Nous admettons sans conteste que ces diverses procédures affectent soit le
patrimoine du justiciable, soit un droit dont la nature privée ne saurait prêter à
discussion 366. D’ailleurs, la Cour de Strasbourg le reconnaît expressément, soulignant
à propos de la matière fiscale ou encore de la procédure électorale qu’elle « avait
aussi un enjeu patrimonial ». Quant aux mesures de police portant sur l’entrée, le
séjour ou l’éloignement des étrangers, les juges européens relèvent également leurs
« conséquences importantes sur la vie privée et familiale » et sur d’éventuelles
« expectatives en matière d'emploi » 367.

Mais il faut également rappeler 368 que pour les juges européens, les éventuelles
répercussions de ces procédures sur des droits patrimoniaux ou sur le droit au respect
de la vie privée ou familiale ne constituent pas, en tant que telles, une circonstance
suffisante pour conclure au caractère civil des procédures litigieuses.

Quant aux incidences patrimoniales, soulignons que la Cour juge de manière


péremptoire et prétorienne qu’« il peut exister des obligations « patrimoniales » à
l’égard de l’État ou de ses autorités subordonnées qui, aux fins de l’article 6 § 1,
doivent passer pour relever exclusivement du domaine du droit public et ne sont, en
conséquence, pas couvertes par la notion de « droits et obligations de caractère
369
civil » . Tel est le cas, d’une part, de la matière fiscale, en tant qu’elle ressort
« encore au noyau dur des prérogatives de puissance publique » 370 et, d’autre part, du
contentieux électoral, dans la mesure où « les litiges relatifs à l’organisation du droit
de se porter candidat à une élection et de conserver son mandat est de caractère
politique » 371. C’est également lorsque « l’exercice de l’autorité étatique » est en
cause que les litiges relatifs à certains fonctionnaires ne peuvent relever de la matière
civile au sens de la Convention.

366
Le droit de propriété, le droit au respect de la vie privée ou familiale.
367
CEDH, 5 octobre 2000, n o 39652/98, Maaouia c/ France, § 38, précité.
368
Voir Partie 1, Chapitre 1, Section 1, II, A, 1.
369
CEDH, 9 décembre 1994, Schouten et Meldrum c/ Pays-Bas, § 50, précité ; CEDH, 12 juillet
2001, n o 44759/98, Ferrazzini c/ Italie, § 25, précité.
370
CEDH, 12 juillet 2001, n o 44759/98, Ferrazzini c/ Italie, § 29, précité.
371
CEDH, 21 octobre 1997, n o 24194/94, Pierre-Bloch c/ France, § 50.

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CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014

S’agissant de l’atteinte portée au droit au respect de la vie privée et familiale


par les procédures d’entrée, de séjour et d’éloignement des étrangers, la Cour écarte
cet aspect au profit d’une certaine interprétation du Protocole n° 7 de la Convention.
Selon elle, ce texte manifesterait, la volonté des États « de ne pas inclure » les
procédures d’expulsion des étrangers « dans le champ d'application de l'article 6 § 1
de la Convention ».

À ce stade, plusieurs remarques s’imposent.

Concernant le motif retenu par la Cour pour écarter l’applicabilité de l’article


6 § 1 C.E.D.H., volet civil, aux procédures d’expulsion des étrangers, il n’emporte
guère notre conviction, et ce à plusieurs égards.

D’une part, les juges strasbourgeois n’ont, par le passé, prêté que très peu
d’attention à la volonté des États d’exclure certains litiges, et notamment ceux
opposant les particuliers à l’administration 372, du champ d’application du droit au
procès équitable.

D’autre part, la Cour interprète le Protocole no 7 de manière fort discutable 373.


En ce sens, le juge LOUCAIDES soulignait, dans ses opinions dissidentes sur l’arrêt
« Maaouia c/ France », qu’il « n'est (…) pas raisonnable de supposer qu'un rapport
explicatif sur le Protocole no 7, qui comprend une déclaration d'après laquelle
l'article 1 du Protocole no 7 « ne porte pas atteinte » à l'interprétation de l'article 6
que l'on trouve dans la décision de la Commission sur la requête no 7729/76,

372
Voir GÉRARD Laurence, « Sur l’applicabilité de l’article 6, volet civil, de la CEDH aux
contentieux fiscaux. (À propos de l’arrêt CEDH, 12 juillet 2001, Ferrazzini c/ Italie) », Revue de
droit fiscal, année 2002, no 10, p. 438, et plus précisément p. 444 à 446.
373
FLAUSS Jean-François, A.J.D.A., 20 décembre 2000, p. 1011. Pour l’auteur, « il est peut-être
quelque peu hasardeux de vouloir transformer le Protocole n o 7 en moyen d'interprétation
authentique d'une disposition de la Convention, alors même que quatorze États parties ne l'ont
pas encore ratifié. En outre, les champs d'application des garanties prévues par l'article 6(1) et
l'article 1 du Protocole n o 7 ne sont pas identiques : ces deux dispositions poursuivent des
objectifs différents. C'est dire que la Cour a versé dans une démarche éminemment syncrétique.
Enfin, l'appel au Protocole n o 7 est opéré dans une perspective fondamentalement conservatrice
(au sens premier du terme), qualifiée par certains de régressive (v. dans ce sens l'opinion
dissidente commune à MM. Loucaides et Traja). À titre de comparaison, on rappellera que
l'ancienne Cour se refusait à admettre qu'un protocole (en l'occurrence l'article 5 du Protocole
n o 7) puisse être invoqué comme une lex specialis opposable à une interprétation évolutive d'une
disposition de la Convention » (v. sur ce point CEDH, 22 février 1994, Burghartz c/ Suisse,
Actualité de la CEDH, A.J.D.A., 1994, p. 511) ».

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CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014

équivaut pour les auteurs du Protocole à donner leur aval à cette interprétation ou
témoigne de leur intention de la préserver ou d'éviter que la jurisprudence de la Cour
n'évolue sur le même sujet. De plus, ce rapport ne saurait impliquer (comme la
majorité l'affirme) que l'article 1 du Protocole no 7 a été adopté parce que les Hautes
Parties contractantes, « conscient(e)s que l'article 6 § 1 ne s'appliquait pas aux
procédures d'expulsion d'étrangers », ont souhaité prendre des mesures spécifiques
dans ce domaine. Rien dans le texte de l'article 1 du Protocole no 7 ne vient
corroborer cette conclusion. D'ailleurs, la nature des garanties minimales spécifiques
prévues par lui ne fournit aucun élément donnant à penser qu'elles étaient censées
combler une lacune due à l'absence, à l'article 6, de garanties judiciaires en matière
d'expulsion des étrangers. Encore une fois, l'article 1 du Protocole no 7 tendait à
édifier face à l'administration une protection qui ne pouvait en aucun cas se
substituer aux garanties judiciaires de l'article 6 ni même minimiser les effets
négatifs qu'entraînerait l'absence de ces dernières. La protection dont il s'agit peut
fort bien venir compléter les garanties judiciaires de l'article 6. »

Permettons-nous d’ajouter que si le protocole n o 7 exprimait effectivement la


volonté des États de ne pas soumettre le droit des étrangers à l’empire de l’article 6
de la Convention, ce texte devrait aussi emporter ipso facto l’inapplicabilité de cette
stipulation au titre de la matière pénale. Or, tel n’est pas le cas en l’état actuel de la
jurisprudence strasbourgeoise. En effet, c’est uniquement après avoir constaté que
« l'interdiction du territoire ne revêt pas en général un caractère pénal dans les États
membres du Conseil de l'Europe » et que « Cette mesure qui, dans la plupart des
États, peut également être prise par l'autorité administrative, constitue, de par sa
nature, une mesure de prévention spécifique en matière de police des étrangers et ne
porte pas sur le bien-fondé d'une accusation pénale dirigée contre le requérant, au
sens de l'article 6 § 1 » que la Cour conclut que « la procédure en relèvement de cette
mesure ne saurait davantage relever du domaine pénal ». Des considérations de
stricte rigueur juridique auraient dû conduire les juges européens à déclarer la requête
« irrecevable comme étant incompatible ratione materiae avec les dispositions de la
Convention », sans rechercher au fond si la décision d’interdiction du territoire
satisfaisait aux critères « Engel ».

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CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014

Au regard de ce qui précède, il aurait été, nous semble-t-il, plus judicieux de


s’appuyer sur le caractère régalien des décisions prises en matière de séjour, d’entrée
et d’éloignement des étrangers pour justifier l’inapplicabilité du volet civil de
l’article 6 § 1 C.E.D.H. Une telle approche aurait, en effet, présenté un double mérite.
D’une part, elle aurait mis à mal l’idée selon laquelle la jurisprudence européenne en
matière de police des étrangers est « guidée par des motivations d'opportunité »374.
D’autre part, elle aurait assuré une unité jurisprudentielle, en permettant de
systématiser les motifs susceptibles de faire obstacle à la qualification civile d’un
droit.

C’est d’ailleurs la voie choisie par certains auteurs qui, décrivant la


jurisprudence européenne relative à l’inapplicabilité de l’article 6 § 1 C.E.D.H., volet
civil, se bornent à souligner que seules les procédures « de nature administrative et
discrétionnaire impliquant l’exercice de prérogatives de puissance publique »
résistent « à l’attraction de l’article 6 » 375. Le motif tiré de l’adoption du protocole
no 7 n’est jamais mentionné.

De notre point de vue, cette dernière présentation doctrinale soulève également


quelques observations.

Bien qu’elle fasse écho à la rédaction employée par la Commission européenne


dans le cadre de ses décisions portant sur le contentieux des étrangers 376, elle ne
reflète pas exactement la jurisprudence de la Cour. En effet, comme nous l’avons déjà

374
FLAUSS Jean-François, « L’applicabilité de l’article 6-1 au contentieux des mesures
d’éloignement des étrangers », A.J.D.A., 20 décembre 2000, p. 1011.
375
SUDRE Frédéric, Droit européen et international des droits de l’homme, P.U.F., 9 ème éd., 2009,
p. 362, no 207 ; LABAYLE Henri et SUDRE Frédéric, R.F.D.A., novembre - décembre 2001
p. 1252 ; Voir également GUINCHARD Serge, DELICOSTOPOULOS Constantin-S, DOUCHY-
OUDOT Mélina, FERRAND Frédérique, Droit processuel : Droit commun et droit comparé du
procès équitable, Dalloz, 2007, p. 157, n o 100 : « Reste encore en-dehors du champ
d’application de l’article 6 en matière civile et selon la jurisprudence européenne, (…) tout ce
qui touche au pouvoir discrétionnaire de l’administration » ; SUDRE Frédéric, Droit européen
et international des droits de l’homme, P.U.F., 9 ème éd., 2009, p. 362, n o 207.
376
Commission, 9 novembre 1987, no 13162/87, P. c/ Royaume-Uni ; 16 octobre 1986, n o 12122/86,
Lukka c/ Royaume-Uni ; 17 octobre 1986, n o 12364/86, A. Kilic c/ Suisse : « Les procédures
suivies par les pouvoirs publics pour décider du point de savoir si un étranger doit être autorisé
à rester dans un pays ou en être expulsé sont des actes discrétionnaires, de caractère
administratif, qui n’emportent pas décision d’une contestation sur des droits de caractère civil
au sens de l’article 6, paragraphe 1 er de la Convention ».

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CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014

démontré 377, l’ensemble des décisions administratives prises dans le cadre d’une
compétence discrétionnaire et traduisant l’exercice de prérogatives de puissance
publique ne bénéficient pas de ce seul fait d’une immunité quant à l’applicabilité de
l’article 6 § 1 C.E.D.H. au titre de la matière civile.

De surcroît, cette analyse ne permet pas de justifier l’inapplicabilité du volet


civil de cette stipulation à la matière fiscale dès lors que « l’établissement des
impositions est aujourd’hui fermement encadré par des dispositions légales
diminuant d’autant le pouvoir discrétionnaire de l’Administration » 378.

Par conséquent, il nous semble que la définition des droits de caractère public
doit répondre à une acception plus restrictive. Selon nous, sont étrangères aux
contestations sur des droits et des obligations de caractère civil, les procédures qui
affectent « les prérogatives régaliennes de l’État » 379, « la souveraineté de l’État
dans son étroite spécificité » 380, « le noyau dur de l’imperium étatique » 381, « le cœur
de l’imperium étatique » 382. À cet égard, il ressort de l’analyse des arrêts « Pierre-
Bloch c/ France », « Maaouia c/ France », « Ferrazzini c/ Italie » et « Vilho Eskelinen
et autres c/ Finlande » précités que la Cour refuse d’accoler le qualificatif « civil »

377
Voir Partie 1, Chapitre 1, Section 1, II, A, 1 ; CEDH, 18 janvier 2000, n o 39288/98, Association
Ekin c/ France sur l’applicabilité de l’article 6 § 1 C.E.D.H., volet civil, à une mesure de police
administrative édictée en matière de publications étrangères.
378
GÉRARD Laurence, « Sur l’applicabilité de l’article 6, volet civil, de la CEDH aux contentieux
fiscaux. (À propos de l’arrêt CEDH, 12 juillet 2001, Ferrazzini c/ Italie) », Revue de droit fiscal,
année 2002, n o 10, p. 443 ; Voir également l’opinion dissidente du Juge LORENZEN jointe à
l’arrêt « Ferrazzini c/ Italie » : « les changements intervenus dans la législation française
notamment pour encadrer les pouvoirs de l’administration dans les procédures fiscales, aussi
bien administratives que contentieuses, ont fortement réduit le pouvoir discrétionnaire de l’État
dans ce domaine ».
379
GONZALES Gérard, « Le sens européen de la notion de contestation sur des droits et obligations
de caractère civil », in L’extension des garanties du procès équitable hors les juridictions
ordinaires : les contraintes européennes, Institut de droit européen des droits de l’homme, avril
2002, p. 25.
380
LE GALL Jean-Pierre, « A quel moment le contradictoire ? Une application de la Convention
européenne des droits de l’homme », in Les nouveaux développements du procès équitable au
sens de la convention européenne des droits de l’homme, Actes du colloque du 22 mars 1996 en
la grande chambre de la Cour de cassation, Bruxelles, Bruylant, 1996, p. 57.
381
SOYER Jean-Claude et DE SALVIA Michel, « Article 6 », La Convention européenne des droits
de l'homme, Commentaire article par article, PETTITI Louis-Edmond, DECAUX Emmanuel et
IMBERT Pierre-Henri (dir.), Economica, 2 ème éd., 1999, p. 239 et s., plus précisément p. 251.
382
MILANO Laure, Le droit à un tribunal au sens de la Convention européenne des droits de
l’Homme, Thèse Montpellier, SUDRE Frédéric (dir.), L.G.D.J., 2006, p. 120, n o 164.

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aux droits qui ne peuvent être définis, détenus et exercés que par l’autorité souveraine
dans la mesure où ils constituent soit des « droits - participation au pouvoir » 383,
selon l’expression du professeur Étienne Picard 384, soit des droits « attributs de la
souveraineté » en ce qu’ils incarnent la marque de l’indépendance étatique, de la
gouvernance 385. En ce sens, ils se différencient des droits qui découlent d’un
interventionnisme étatique croissant dans les relations de droit privé et pour lesquels
la Cour de Strasbourg retient la qualification de « droits civils » au sens de la
Convention. Telle est, à tout le moins, la caractéristique commune aux contentieux
qui échappent, dans la jurisprudence européenne, à l’empire de l’article 6 C.E.D.H.,
volet civil.

Finalement, le caractère inopérant de l’article 6 § 1 C.E.D.H., volet civil, ne


peut être opposé qu’à un nombre limité de décisions administratives, lesquelles
peuvent, par ailleurs, être redevables du droit au procès équitable au titre de la
matière pénale.

2. Une inapplicabilité invocable au seul titre du volet civil de l’article 6


C.E.D.H.

Le caractère régalien du contentieux fiscal, électoral, de la fonction publique


et des étrangers n’entraîne pas, de ce seul fait, l’inapplicabilité du droit au procès
équitable. Il faut, effectivement, garder à l’esprit que le moyen tiré de la violation de
l’article 6 C.E.D.H. demeure opérant lorsqu’il est invoqué au titre de la matière
« pénale ». En d’autres termes, si la Cour juge que les critères « Engel » sont réunis,
les garanties du procès équitable pourront alors trouver à s’appliquer dans ces
matières.

383
Tels que les droits civiques.
384
PICARD Étienne, « La juridiction administrative et les exigences du procès équitable », in Le
droit français et la convention européenne des droits de l'homme - 1974-1992, Actes du colloque
tenu à Montpellier, février 1993, Strasbourg, N.P. Engel, 1994, p. 217, plus précisément p. 235 et
p. 236.
385
Armée, sécurité intérieure, frontière, monnaie et imposition.

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CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014

Prenons l’arrêt « Pierre-Bloch c/ France » précité. Si la Cour y juge que la


décision enjoignant au requérant le remboursement des sommes dépassant le plafond
autorisé et prononçant l’inéligibilité de l’intéressé ainsi que sa démission d’office
n’entre pas dans la matière pénale de l’article 6 § 1 C.E.D.H., c’est uniquement après
avoir effectué une analyse relativement approfondie au regard des trois critères
traditionnels d’identification de la matière pénale.

Mettant en œuvre le premier critère issu de la jurisprudence « Engel », les


juges observent que la déclaration d’inéligibilité et l’obligation de rembourser une
somme égale au montant du dépassement du plafond des dépenses électorales ne
relèvent pas, en droit interne, du droit pénal.

La Cour poursuit en examinant la nature et le degré de sévérité des trois


« sanctions » susceptibles de frapper le candidat qui ne respecte pas le plafond de
dépenses fixé par la loi. Quant à l’inéligibilité, la Cour relève que « l'objet de cette
sanction, (qui) est de forcer au respect dudit plafond », « s'inscrit ainsi directement
dans le cadre de mesures destinées à assurer le bon déroulement des élections
législatives de telle sorte que, par sa finalité, elle échappe au domaine « pénal ». En
outre, elle est limitée à un an et ne vaut que pour l’élection en cause. En revanche, la
Cour réserve le cas de l’inéligibilité, qui accompagnerait, de manière accessoire, le
prononcé d’une peine principale par une juridiction répressive. S’agissant de
l’obligation de verser au Trésor public une somme égale au montant du dépassement,
celle-ci « s'apparente à un versement à la collectivité de la somme dont le candidat
en cause a indûment tiré avantage pour solliciter les suffrages de ses concitoyens » et
« se rattache de la sorte elle aussi aux mesures destinées à assurer le bon
déroulement des élections législatives et en particulier l’égalité des candidats ».
Selon la Cour, « plusieurs éléments distinguent l’obligation litigieuse des amendes
pénales stricto sensu : elle n'est ni inscrite au casier judiciaire ni soumise au
principe du non-cumul des peines, et l'absence de paiement n'autorise pas l'exercice
de la contrainte par corps ». La troisième catégorie de sanction, celle définie à
l'article L. 113-1 du code électoral et consistant en une amende de 25.000 FRF et/ou
un emprisonnement d'un an, se distingue des précédentes. Ces dernières se voient en
effet qualifiées d’« accusations en matière pénale » au sens de la Convention, après
que la Cour ait souligné qu’elles figuraient au chapitre « Dispositions pénales » du

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CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014

titre pertinent du code électoral et étaient prononcées par les juridictions pénales de
droit commun.

En définitive, on peut affirmer que la cloison étanche, qui sépare la matière


électorale et le droit au procès équitable, sous son versant civil, tombe en matière
pénale.

Le même constat s’impose dans le cadre du contentieux fiscal. Rappelons


qu’en ce domaine, le célèbre arrêt « Bendenoun c/ France » précité 386 a consacré
l’applicabilité, au titre du volet pénal, de l’article 6 § 1 C.E.D.H. aux majorations
d’impôt infligées par l’administration fiscale pour sanctionner les redevables
coupables de manœuvres frauduleuses. Six ans plus tard, la Cour conclut à
l’applicabilité de l’article 6 § 1 C.E.D.H. à des procédures administratives se
déroulant devant la Commission des infractions fiscales 387.

Finalement, seuls les litiges fiscaux n’ayant aucune coloration pénale se


trouvent hors du champ d’application de l’article 6 § 1 C.E.D.H.

S’agissant de la décision portant interdiction de territoire, les juges européens


ont conclu à l’inapplicabilité de l’article 6 § 1 C.E.D.H., volet pénal. La Cour de
Strasbourg a, en effet, estimé qu’une telle mesure revêtait un « caractère
essentiellement préventif » et ne pouvait, par conséquent, être subsumée dans la
catégorie des « accusations en matière pénale » au sens de la C.E.D.H. C’est donc
l’absence de l’élément pénal ou punitif de la décision portant interdiction du
territoire, « par lequel se distinguent d’habitude les sanctions pénales » 388, et non le

386
Voir Titre 1, Chapitre 1, Section 1, II, B, 2 ; CEDH, 24 février 1994, n o 12547/86, Bendenoun
c/ France, J.C.P., 1995, I, 3823, SUDRE Frédéric ; J.C.P., 1995, II, 22372, note FROMMEL
Stefan N.; J.D.E., 1994, p. 41, M. B. ; R.J.F., 4/94, no 503, p. 279, chr. GOULARD Guillaume ;
A.J.D.A., p. 512, chr., FLAUSS Jean-François ; A.F.D.I., 1994, p. 658, obs. COUSSIRAT-
COUSTERE Vincent ; J.D.I., 1995, p. 752, obs. DECAUX Emmanuel et TAVERNIER Paul ;
R.S.C., 1995, p. 388, obs. MASSIAS Florence ; Gazette du Palais, 27 et 28 septembre 1995,
p. 19, PETTITI Christophe.
387
CEDH, 11 janvier 2000, n o 41544/98, « Le Meignen c/ France », R.J.F., 03/2001, no 426.
388
GONZALES Gérard, « Le sens européen de la notion de contestation sur des droits et obligations
de caractère civil », in L’extension des garanties du procès équitable hors les juridictions
ordinaires : les contraintes européennes, Institut de droit européen des droits de l’homme, avril
2002, p. 28.

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CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014

caractère régalien de cette matière, qui justifie l’inapplicabilité du volet pénal de


l’article 6 § 1 C.E.D.H.

Quant au contentieux de la fonction publique, il a été démontré plus haut que


« les procédures relatives aux sanctions disciplinaires ne portent pas, en principe,
sur le « bien-fondé » d'une « accusation en matière pénale », y compris s’agissant de
la sanction disciplinaire la plus sévère, soit la mise à la retraite d’office. Il peut en
aller autrement si la décision administrative infligeant la sanction disciplinaire
contient « une déclaration imputant une responsabilité pénale au requérant pour les
faits reprochés dans le cadre de la procédure administrative [disciplinaire] » 389.

En revanche, dans le cadre du contentieux disciplinaire des militaires, nous


savons 390 que la Cour a reconnu l’applicabilité de l’article 6 § 1 C.E.D.H. au titre de
la matière pénale, et ce bien que les militaires, qui sont soumis à un statut particulier,
exercent des fonctions relevant des « activités spécifiques » de l'État.

Il en résulte des décisions précitées que la nature éminemment régalienne d’un


droit n’est pas incompatible avec le droit au procès équitable. À cet égard, il importe
d’inviter le lecteur à la plus grande prudence quant aux affirmations suivantes :
« D’après la jurisprudence strasbourgeoise, quatre grandes catégories de
justiciables sont actuellement exclus du champ de l’article 6 : les fonctionnaires
participant à l’exercice de la puissance publique, les contribuables, les électeurs et
les étrangers. » 391, « Les arrêts Pierre-Bloch, Pellegrin et Maaouia traduisent bien la
volonté de la Cour d’écarter du champ de l’article 6 tous les domaines ressortant du
noyau dur des prérogatives de puissance publique. » 392, ou encore « Sont aujourd’hui
exclues du champ d’application de l’article 6 les procédures qualifiées par le juge

389
Voir Titre 1, Chapitre 1, Section 1, II, B, 2 ; CEDH, 13 septembre 2007, n o 27521/04, Moullet
c/ France, A.J.D.A., 26 mai 2008, p. 985, note FLAUSS Jean-François.
390
Voir Titre 1, Chapitre 1, Section 1, II, B, 2 ; CEDH, 8 juin 1976, n os 5100/71, 5101/71, 5102/71,
5354/72, 5370/72, Engel et autres c/ Pays-Bas, A.F.D.I., 1977, p. 480, obs. PELLOUX Robert ;
Cahiers de droit européen, 1978, p. 368, note COHEN-JONATHAN Gérard.
391
MILANO Laure, Le droit à un tribunal au sens de la Convention européenne des droits de
l’Homme, Thèse Montpellier, SUDRE Frédéric (dir.), L.G.D.J., 2006, p. 144, n o 197.
392
MILANO Laure, Le droit à un tribunal au sens de la Convention européenne des droits de
l’Homme, Thèse Montpellier, SUDRE Frédéric (dir.), L.G.D.J., 2006, p. 145, n o 197.

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CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014

européen « de nature administrative et discrétionnaire », impliquant l’exercice de


prérogatives de puissance publique.» 393. De telles conclusions ne valent qu’à l’égard
du volet civil de l’article 6 § 1 C.E.D.H.

En fin de compte, l’inapplicabilité de l’article 6 § 1 C.E.D.H. aux autorités


administratives présente un caractère résiduel, ce que confirment, d’ailleurs, les
évolutions les plus récentes de la jurisprudence strasbourgeoise.

B. Une inapplicabilité susceptible d’évoluer

Le tracé de la limite qui sépare, d’une part, les décisions administratives


traduisant l’exercice de fonctions régaliennes et, d’autre part, le versant civil du droit
au procès équitable est loin d’être définitif.

L’évolution de la jurisprudence strasbourgeoise en matière de contentieux de


la fonction publique le démontre nettement (1). C’est pourquoi il ne faut pas écarter
l’hypothèse d’une progression « à la marge » 394 de la matière civile (2).

1. Le contentieux de la fonction publique : une illustration éclatante


du caractère évolutif de l’interprétation européenne

En 1996, le professeur Jean-François FLAUSS écrivait : « Le contentieux de la


fonction publique est sans conteste devenu l’une des nouvelles « frontières » de
l’extension du champ d’application de l’article 6 - 1, volet civil » 395. En 2007, le
professeur Gérard GONZALES soulignait à son tour : « La situation des

393
SUDRE Frédéric, Droit européen et international des droits de l’homme, P.U.F., 9 ème éd., 2009,
p. 362, n o 207.
394
GONZALES Gérard, « Le sens européen de la notion de « contestations sur des droits et
obligations de caractère civil », in L’extension des garanties du procès équitable hors les
juridictions ordinaires : les contraintes européennes, Institut de droit européen des droits de
l’homme, avril 2002, SUDRE Frédéric (dir.), p. 25.
395
A.J.D.A., 20 mai 1996, p. 378.

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fonctionnaires est sans doute l’une de celles qui a connu ces dernières années les
avancées les plus notables. » 396

Il est vrai que ces trente dernières années ont été marquées par un
développement significatif du droit au procès équitable aux litiges opposant l’État à
ses agents, certains auteurs allant même jusqu’à parler de « civilisation du
contentieux de la fonction publique » 397.

Pour bien mesurer la portée de ce phénomène, il nous faut rappeler qu’en ce


domaine, prévalait à l’origine un principe d'exclusion « en règle générale » 398 du droit
au procès équitable 399. Telle est, en effet, la solution énoncée par la Cour, le 28 août
1986, dans son arrêt « Glasenapp c/ Allemagne ». En l’espèce, les juges européens
observent que « La Déclaration universelle des Droits de l’Homme, du 10 décembre
1948, et le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, du 16 décembre
1966, reconnaissent respectivement à « toute personne (le) droit à accéder, dans des
conditions d’égalité, aux fonctions publiques de son pays » (article 21 par. 2) et à
« tout citoyen (...) le droit et la possibilité (...) d’accéder, dans des conditions
générales d’égalité, aux fonctions publiques de son pays » (article 25) », alors que,
relèvent-ils, « pareil droit ne figure ni dans la Convention européenne ni dans aucun
de ses Protocoles additionnels. » Et d’ajouter, « De plus, c’est à dessein que les États
signataires ne l’y ont pas inclus ; le Gouvernement le souligne avec raison et les
travaux préparatoires du Protocole no 4 et du Protocole no 7 le révèlent sans
équivoque. En particulier, dans ses versions initiales ce dernier comprenait une
clause semblable aux articles 21 par. 2 de la Déclaration et 25 du Pacte ; elle a

396
GONZALES Gérard, « Nouveau revirement jurisprudentiel en matière d’applicabilité de l’article
6-1 de la Convention, dans son volet civil aux fonctionnaires », R.F.D.A., septembre - octobre
2007, p. 1031.
397
FLAUSS Jean-François, « Actualité de la CEDH », A.J.D.A., 1996, p. 378 et p. 1010 et A.J.D.A.,
1997, p. 983.
398
CEDH, 28 août 1986, n os 9704/82 et 9228/80, Kosiek et Glasenapp c/ Allemagne.
399
Voir également KASTANAS Elias, Unité et diversité : notions autonomes et marges
d'appréciations des États dans la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme,
Bruxelles, Bruylant, 1996, p. 397 ; KOERING-JOULIN Renée, « Introduction générale », in Les
nouveaux développements du procès équitable au sens de la Convention européenne des droits
de l'homme, Bruxelles, Bruylant, 1996, p. 9-25 ; FLAUSS Jean-François, « Convention
européenne des droits de l'homme et répression disciplinaire dans la fonction publique
française », R.T.D.H., 1996, p. 201-228.

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CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014

disparu par la suite. Il ne s’agit donc point d’une lacune fortuite des instruments
européens ». Au terme de ce rappel historique, la Cour conclut que « les États
contractants n'ont pas voulu s'engager à reconnaître dans la Convention ou ses
Protocoles un droit d'accès à la fonction publique ».

Mais à cette inapplicabilité « en règle générale », s’est rapidement substituée


une exclusion limitée aux contestations concernant le recrutement, la carrière et la
cessation d’activité des fonctionnaires 400. C’est ainsi qu’en dehors de ces trois
hypothèses, le moyen tiré de la violation de l’article 6 § 1 C.E.D.H., volet civil, a pu
être déclaré opérant s’agissant de revendications portant directement sur un droit
« purement patrimonial » 401 ou « essentiellement patrimonial » 402. Quant aux
considérations ayant influencé un tel changement, elles ont été remarquablement
exprimées par monsieur Justin KISSANGOULA 403. Deux éléments justifient, selon
l’auteur, l’élargissement de l’applicabilité du droit au procès équitable au contentieux
de la fonction publique. Le premier tient aux « implications de son hardiesse en
matière d'extension des garanties du droit à un procès équitable au contentieux de la
Sécurité sociale ». Il est vrai qu’« en rattachant le contentieux de la Sécurité sociale
au champ du droit privé, la Cour pouvait difficilement refuser le rattachement du
contentieux de la Sécurité sociale des fonctionnaires à ce même champ, à partir du
moment où en ce qui concerne l'appartenance à un régime de Sécurité sociale, rien
ne distingue les salariés du secteur privé des fonctionnaires : c'est en tant que
salariés que les uns et les autres appartiennent à ces régimes. De la sorte, c'est très

400
CEDH, 26 novembre 1992, n os 12490/86 et 11519/85, Giancarlo Lombardo et Francesco
Lombardo c/ Italie, § 16 et § 17; CEDH, 24 août 1993, n o 14399/88, Massa c/ Italie, § 26 ;
CEDH, 17 mars 1997, n o 18725/91, Neigel c/France, § 43 et § 44.
401
CEDH, 24 avril 1998, n o 28054/95, Mavronichis c/ Chypre : action indemnitaire introduite suite
à une décision juridictionnelle ayant annulé le refus illégal opposé à un candidat à un emploi
public; CEDH, 9 juin 1998, n o 25549/94, Cazenave de La Roche c/ France: recours en dommages
et intérêts en vue d’obtenir réparation du préjudice causé par une décision de radiation dont
l’illégalité avait été constatée par le juge administratif.
402
CEDH, 2 septembre 1997, n o 25839/94, Nicodemo c/ Italie ; CEDH, 29 juillet 1998, n o 25554/94,
Le Calvez c/France ; CEDH, 24 août 1998, n os 24271/94 et 26106/95, Couez et Benkessiouer
c/ France.
403
KISSANGOULA Justin, « Remarques sur une jurisprudence européenne controversée :
l'application de l'article 6, paragraphe 1 de la Convention européenne des droits de l'homme au
contentieux de la fonction publique », R.F.D.A., 2000, p. 1268.

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CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014

logiquement que la Commission et la Cour ont étendu les garanties du droit à un


procès équitable aux droits à pension des fonctionnaires ». Le second se rattache à
« la position adoptée par le Comité des droits de l'homme des Nations-Unies statuant
sur le terrain de l'article 14, paragraphe 1 du Pacte international relatif aux droits
civils et politiques dans le cadre d'une communication individuelle présentée par un
fonctionnaire français révoqué disciplinairement ». Il s’agit de la décision du
19 juillet 1994, « R. Casanovas c/ France », par laquelle le Comité des droits de
l'homme des Nations-Unies a proclamé qu' « une procédure de révocation dirigée
contre un fonctionnaire constituait une contestation sur les droits et obligations de
caractère civil au sens de l'article 14, paragraphe 1 du Pacte international relatif
aux droits civils et politiques ».

Cependant, le critère tiré de l’objet « essentiellement » patrimonial de la


contestation a rapidement révélé ses faiblesses 404. Son utilisation s’est, en effet,
traduite par des solutions incohérentes 405, témoignant nettement de la subjectivité de
la méthode de qualification utilisée.

Reconnaissant elle-même « l’incertitude qui [entourait] l’application des


garanties de l’article 6 § 1 aux litiges entre l’État et ses agents » 406, la Cour a décidé,

404
FLAUSS Jean-François, A.J.D.A., 20 décembre 1998, p. 987 ; LABAYLE Henri et SUDRE
Frédéric, R.F.D.A., 1999, n o 15, juillet - août 1999, p. 792, « Jurisprudence de la Cour
européenne des droits de l’homme et droit administratif », p. 792, plus précisément p. 793 ;
MELLERAY Fabrice, « L’adoption d'un critère fonctionnel d'applicabilité de l'article 6 § 1 de la
C.E.D.H. au contentieux des agents publics », L.P.A., 17 mai 2000 ; PETTITI Christophe, « La
notion autonome de droit de caractère civil : vers une conception restrictive ? », in Le procès
équitable et la protection juridictionnelle du citoyen, Actes du colloque organisé à Bordeaux les
29 et 30 septembre 2000 par l’Institut des droits de l’homme des avocats européens et l’Institut
des droits de l’homme du barreau de Bordeaux, Bruylant, 2001, p. 29 à p. 42.
405
La décision « Le Calvez c/ France » du 29 juillet 1998 est, à cet égard, topique. En l’espèce, un
fonctionnaire placé d’office en position de disponibilité avait engagé contre l’État une procédure
de versement d’indemnités de maladie et de compensation de salaire. Constatant que l’intéressé
avait été atteint dans ses moyens d’existence, la Cour a retenu l’existence d’une contestation sur
des droits et des obligations de caractère civil, occultant, par là-même, le fait que la perte du
droit à indemnité faisait suite à une décision relative à la carrière du fonctionnaire.
406
Notamment quant au critère fondé sur la nature patrimoniale du litige dans la mesure où une
décision relative au « recrutement », à la « carrière » et à la « cessation d’activité » d’un
fonctionnaire a presque toujours des conséquences pécuniaires.

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CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014

en 1999, de modifier une nouvelle fois sa jurisprudence et de privilégier une approche


fonctionnelle 407.

Les juges européens ont alors affirmé, dans leur arrêt « Pellegrin c/ France »
du 8 décembre 1999, que « sont (désormais) seuls soustraits au champ d’application
de l’article 6 § 1 de la Convention les litiges des agents publics dont l’emploi est
caractéristique des activités spécifiques de l’administration publique dans la mesure
où celle-ci agit comme détentrice de la puissance publique chargée de la sauvegarde
des intérêts généraux de l’État ou des autres collectivités publiques ». En revanche,
les litiges relatifs aux pensions « relèvent tous du domaine de l’article 6 § 1, parce
que, une fois admis à la retraite, l’agent a rompu le lien particulier qui l’unit à
l’administration, il se trouve dès lors (…) dans une situation qui est tout à fait
comparable à celle d’un salarié de droit privé : le lien spécial de confiance et de
loyauté avec l’État a cessé d’exister, et l’agent ne peut plus détenir de parcelle de la
souveraineté de l’État ».

Constatant que les agents d’autorité se trouvaient ainsi écartés du droit au


procès équitable, d’aucuns 408 ont vu dans ce revirement jurisprudentiel une régression

407
Il est vrai que cette approche fonctionnelle apparaissait déjà dans la jurisprudence antérieure
mais son emploi restait incohérent. Ainsi, dans ses arrêts « Benkessiouer c/ France », « Couez
c/ France », « Le Calvez c/ France » précités, la Cour souligne, pour étayer l’applicabilité du
volet civil de l’article 6 § 1 C.E.D.H. que l’intéressé revendiquait un droit essentiellement
patrimonial « qui ne mettait pas en cause principalement les prérogatives de l’administration ».
En revanche, dans leur arrêt « Maillard c/ France » du 9 juin 1998, les juges européens ont ignoré
ce critère fonctionnel. En l’espèce, était en cause un militaire de carrière qui contestait sa
notation pour l'année 1983 et les conséquences de celle-ci sur son avancement. Devant la Cour,
le gouvernement français faisait valoir que « le litige opposant M. Maillard au ministre de la
Défense avait trait au déroulement de la carrière du premier et ne présentait qu’un aspect
patrimonial « très accessoire » » et qu’en tout état de cause, « se trouvait en jeu l’« imperium de
la puissance publique » dans ses aspects les plus fondamentaux ». La Cour se borne à rappeler
que « les contestations concernant le recrutement, la carrière et la cessation d'activité des
fonctionnaires sortent, en règle générale, du champ d'application de l'article 6 § 1 ». Il en va
néanmoins autrement lorsque les revendications litigieuses ont trait à un droit « purement
patrimonial » – comme le paiement d’un salaire ou d'une pension – ou tout au moins
« essentiellement patrimonial ». Cela vaut pour les militaires de carrière français tel
M. Maillard, les droits et obligations professionnelles de ceux-ci étant régis par le « statut
général des militaires ». En définitive, pour reprendre les termes de monsieur Justin
Kissangoula, « la position finalement adoptée par la Cour dans son arrêt Pellegrin c/ France du
8 décembre 1999 n'en (était) pas moins inscrite dans une certaine logique « refoulée » de la
jurisprudence de la Cour ».
408
MELLERAY Fabrice, « L’adoption d'un critère fonctionnel d'applicabilité de l'article 6 § 1 de la
C.E.D.H. au contentieux des agents publics », L.P.A., 17 mai 2000 ; FLAUSS Jean-François,

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CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014

de l’applicabilité de l’article 6 § 1 C.E.D.H. Sept années d’application de la


jurisprudence « Pellegrin » ont toutefois suffi à démontrer le contraire 409, la Cour
ayant entendu strictement la notion d’agent d’autorité.

La consécration de ce critère fonctionnel, combiné au principe selon lequel les


revendications en matière de pensions portent sur un droit de caractère civil, est ainsi
apparue comme contenant « les germes de la destruction (…) du principe selon lequel
le contentieux de la fonction publique sort en règle générale du champ de garanties
de l'article 6, paragraphe 1 » 410. Mais contre toute attente 411, la Cour a donné un
ultime coup de canif à l’inapplicabilité de l’article 6 § 1 C.E.D.H. au contentieux de
la fonction publique, qui s’est révélé être beaucoup plus fatal que la brèche ouverte
par l’arrêt « Pellegrin ».

A.J.D.A., 20 juin 2000, p. 531 ; HAÏM Victor, « Faut-il supprimer la Cour européenne des droits
de l’homme ? », D., 2001, chr., p. 2991 à p. 2992.
409
Opinion dissidente commune à messieurs les juges COSTA, WILDHABER, TÜRMEN,
BORREGO et madame la juge JOCINE.
410
FLAUSS Jean-François, « Actualité de la CEDH », A.J.D.A., 1996, p. 378 et p. 1010 et A.J.D.A.,
1997, p. 983.
411
Voir les opinions dissidentes communes à messieurs les juges COSTA, WILDHABER, TÜRMEN,
BORREGO et madame la juge JOCINE sur CEDH, 19 avril 2007, no 6323500, Vilho Eskelinen et
autres c/ Finlande : “6. Quoi qu’il en soit, nous ne voyons pas quelle nécessité, théorique ou pratique,
obligeait à abandonner en l’espèce la jurisprudence Pellegrin. Celle-ci a été depuis sept ans appliquée
par la Cour, sans réelles difficultés et, comme on pouvait s’y attendre et le souhaiter, elle n’a pas
restreint, mais plutôt étendu l’application des garanties de l’article 6 § 1. Les catégories d’agents
soustraits à ces garanties, telles que la police dans son ensemble, sont limitées par rapport à la totalité
des agents publics (pour des exemples, voir le paragraphe 52 de l’arrêt). La certitude juridique a
certainement progressé, si on compare la situation avec celle antérieure à l’arrêt Pellegrin. Quant à se
fonder sur l’argument tiré de l’existence d’un accès à un tribunal interne, il ne nous convainc pas.
Comme l’indique à juste titre l’article 53 de la Convention, rien n’interdit à une Haute Partie
contractante de reconnaître dans son droit des libertés ou des garanties supérieures à celles conférées
par la Convention ; en outre, comme les systèmes juridiques varient d’un État à l’autre, le raisonnement
du présent arrêt risque d’avoir pour effet de faire dépendre l’applicabilité de l’article 6 § 1 aux litiges
entre l’État et ses agents de l’accès à un tribunal pour ces litiges, tel qu’il existe ou non selon le droit
national. En somme, au lieu de l’« interprétation autonome » (par la Cour), que celle-ci estimait
important de dégager, aux fins de l’article 6 § 1 (voir l’arrêt Pellegrin, § 63), le présent arrêt pousse à
une interprétation dépendante et variable, pour ne pas dire aléatoire, c’est-à-dire arbitraire. C’est à
nos yeux un retour en arrière peu opportun. 7. Pour conclure, la Cour a renversé une jurisprudence
bien établie. Elle a certes le droit de le faire (même si celle-ci était relativement récente). Mais, en
général, elle procède ainsi lorsqu’il y a des développements nouveaux, lorsqu’un besoin nouveau
apparaît. Tel n’est pas le cas ici. Renoncer à un précédent solide, dans de pareilles conditions, crée une
incertitude juridique, et rendra à notre avis difficile pour les États de connaître l’étendue de leurs
obligations.”

- 121 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014

Par sa célèbre décision, « Vilho Eskelinen et autres c/ Finlande » 412 du 19 avril


2007, qualifiée de « tsunami jurisprudentiel » 413, la Cour de Strasbourg a, en effet,
substitué au principe d’inapplicabilité de l’article 6 § 1 C.E.D.H. aux « agents publics
dont l’emploi est caractéristique des activités spécifiques de l’administration
publique », une présomption d’applicabilité de l’article 6 § 1 C.E.D.H. Dorénavant,
sont seuls soustraits du champ d’application du droit au procès équitable, versant
civil, les fonctionnaires qui sont privés, en droit interne, du « droit d'accéder à un
tribunal » et ce pour des « motifs objectifs liés à l’intérêt de l’État » quand l’objet du
litige est « lié à l’exercice de l’autorité publique » ou remet « en cause le lien
spécial » de confiance et de loyauté entre le fonctionnaire et l’État.

En application de cette nouvelle présomption, il a été récemment jugé que


l’article 6 C.E.D.H. s’appliquait à la procédure de licenciement d’un ancien salarié
qui exerçait les fonctions de chef comptable à l’ambassade du Koweït et qui
contestait le montant des indemnités qui lui avaient été reversées 414, ou encore à une
procédure disciplinaire menée contre un juge 415.

En revanche, échappe encore au champ d’application de l’article 6 § 1 la


décision prononçant la révocation de l’armée pour des agissements portant atteinte
« à la discipline militaire et au principe de laïcité » 416 ou la décision du Conseil
supérieur des juges et procureurs refusant de réintégrer un magistrat précédemment
démissionnaire 417.

412
CEDH, 19 avril 2007, n o 6323500, Vilho Eskelinen et autres c/ Finlande ; R.F.D.A., 2007,
p. 1031, note GONZALES Gérard ; J.C.P., 2007, I, 182, SUDRE Frédéric ; A.J.D.A., 2007, p. 60,
p. 1360, note ROLLIN François et p. 1921, note, FLAUSS Jean-François ; A.J.F.P., 2007, p. 246,
note FITTE-DUVAL Alice ; R.D.P., 2008, n o 3, p. 951, note GONZALES Gérard.
413
GONZALES Gérard, « Nouveau revirement jurisprudentiel en matière d’applicabilité de
l’article 6-1 de la Convention, dans son volet civil aux fonctionnaires », R.F.D.A., septembre -
octobre 2007, p. 1031. L’auteur souligne, à très juste titre, qu’en plus de renverser le principe
d’exclusion, la Cour renverse les critères habituels d’applicabilité de l’article 6 § 1 C.E.D.H. en
érigeant l’accès à un tribunal comme condition de l’applicabilité du volet civil de cette
stipulation aux fonctionnaires. Voir en ce sens : Titre 1, Chapitre 1, Section 1, I, A, 1.
414
CEDH, 29 juin 2011, no 34869/05, Sabeh El Leil c/ France.
415
CEDH, 05 février 2009, n o 22330/05, Olujić c/ Croatie, A.J.D.A., 2009, p. 879, obs. FLAUSS
Jean-François.
416
CEDH, 11 septembre 2007, n o 59773/00, Suküt c/ Turquie.
417
CEDH, 11 décembre 2007, n o 3964/05, Apay c/ Turquie.

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CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014

Il faut bien convenir qu’au fil des arrêts rendus par la Cour, l’inapplicabilité
du droit au procès équitable, versant civil, aux contentieux de la fonction est devenue
de plus en plus résiduelle. De ce point de vue, la jurisprudence rendue en ce domaine
apparaît comme un témoignage éloquent de l’interprétation évolutive et extensive
dont cette stipulation fait l’objet.

Une question peut alors légitimement se poser. Les matières actuellement


préservées de l’applicabilité du volet civil de l’article 6 § 1 C.E.D.H., du fait de leur
caractère régalien, n’ont-elles pas vocation à devenir, à l’instar du contentieux de la
fonction publique, redevables pour partie du droit au procès équitable ?

2. L’extension de l’applicabilité du volet civil de l’article 6 C.E.D.H.


aux matières régaliennes : une hypothèse envisageable

Envisager l’hypothèse d’une extension de l’applicabilité du droit au procès


équitable, volet civil, au contentieux électoral, à la matière fiscale et au droit des
étrangers nécessite d’apprécier la vraisemblance d’un tel revirement jurisprudentiel,
et d’autre, part, de s’interroger sur les moyens dont dispose la Cour pour y parvenir.

Sur le premier point, certains auteurs 418 se sont déjà prononcés. En revanche,
la littérature est plus rare, pour ne pas dire inexistante, quant au second point.

Selon le professeur Gérard GONZALES, « il n’est pas exclu que la matière


civile continue et progresse à la marge » 419, notamment en matière fiscale. D’après
lui, deux éléments permettent d’affirmer que le contentieux de l’assiette et du
recouvrement de l’impôt n’est pas à l’abri d’une éventuelle incursion du droit au
procès équitable.

418
GONZALES Gérard, « Le sens européen de la notion de « contestations sur des droits et
obligations de caractère civil », in L’extension des garanties du procès équitable hors les
juridictions ordinaires : les contraintes européennes, Institut de droit européen des droits de
l’homme, avril 2002, SUDRE Frédéric (dir.), p. 25 et p. 26.
419
GONZALES Gérard, « Le sens européen de la notion de « contestations sur des droits et
obligations de caractère civil », in L’extension des garanties du procès équitable hors les
juridictions ordinaires : les contraintes européennes, Institut de droit européen des droits de
l’homme, avril 2002, SUDRE Frédéric (dir.), p. 25 ; Voir également en ce sens : FLAUSS Jean-
François, « Applicabilité de l’article 6-1 au contentieux du séjour des étrangers », A.J.D.A.,
20 juin 2000, p. 532.

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CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014

D’une part, il relève que dans son arrêt « Ferrazzini c/ Italie », la Cour a
admis, pour la première fois, la recevabilité de la requête. Contrairement à sa
jurisprudence antérieure, les juges européens n’ont pas déclaré le moyen tenant à la
violation du droit au procès équitable, invoqué au titre de la matière civile,
« irrecevable comme étant incompatible ratione materiae avec les dispositions de la
Convention ».

Cependant, ce constat n’emporte pas notre conviction. Selon nous, la requête a


été déclarée recevable seulement pour permettre à la Cour de clarifier sa position
quant à l’inapplicabilité du volet civil de l’article 6 § 1 C.E.D.H. en matière fiscale.
C’est ainsi que dans un arrêt « Stere et autres c/ Roumanie » 420 du 23 février 2006,
rendu en matière fiscale, la Cour, qui était notamment saisie au titre du volet civil de
l’article 6 § 1 C.E.D.H., a déclaré « cette partie de la requête incompatible
ratione materiae avec les dispositions de la Convention au sens de l’article 35 §3 » et
l’a rejetée en application de l’article 35 § 4.

D’autre part, il fait observer que l’inapplicabilité du volet civil de l’article 6


§ 1 C.E.D.H. est loin d’avoir fait l’unanimité au sein de la Cour, la décision
« Ferrazzini » ayant été adoptée par onze voix contre six.

Cet élément nous paraît plus décisif, d’autant que nombreuses sont les raisons
qui pourraient inciter la Cour à revoir certains aspects de l’applicabilité du volet civil
de l’article 6 §1 C.E.D.H. aux matières régaliennes. Dans leur opinion dissidente
commune à l’arrêt « Ferrazzini », les six juges minoritaires ont, par exemple, fait
valoir que « L’article 6 de la Convention constitue une garantie procédurale, qui
consacre principalement le droit à l’accès à un tribunal et le droit de bénéficier
d’une procédure judiciaire équitable dans un délai raisonnable. À cet égard, il y a eu
en fait des évolutions importantes dans le domaine fiscal depuis l’élaboration de la
Convention. Alors qu’à cette époque il y avait peu de chances de pouvoir obtenir un
contrôle judiciaire – ou un contrôle tout court – des décisions administratives
touchant la fiscalité, il est à présent reconnu, du moins dans la grande majorité des

420
CEDH, 23 février 2006, n o 25632/02, Stere et autres c/ Roumanie, § 33 ; Voir SID AHMED
Karim, « Stere et autres c/ Roumanie ou une illustration supplémentaire de l’application timorée
de l’article 6-1 à la matière fiscale par la Cour européenne », Revue de droit fiscal, n o 9, 1 er mars
2007, p. 9.

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CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014

États contractants, que les litiges en matière fiscale peuvent être réglés dans le cadre
d’une procédure devant les juridictions ordinaires. Dès lors, il est difficile de
comprendre pourquoi il serait toujours nécessaire d’accorder aux États des
prérogatives spéciales en vertu de la Convention dans ce domaine, et donc de dénier
aux justiciables, dans le cadre des procédures fiscales, les garanties procédurales
élémentaires consacrées par l’article 6 § 1. (…) le besoin d’une telle protection
existe manifestement – par exemple pour éviter la combinaison d’une longue
procédure et d’une obligation de payer des impôts avant le règlement définitif d’un
litige concernant la légalité de la décision fiscale. » Pour d’autres, la solution issue
de l’arrêt « Ferrazzini » aboutit à une solution pernicieuse, pour le moins fâcheuse.
En ce sens, M. Karim Sid Ahmed souligne que « Cette jurisprudence engendre (…)
de sérieuses incohérences. Ainsi le contribuable malhonnête passible de sanctions de
nature pénale bénéficiera de l’article 6-1 sous son volet pénal. Ce qui ne sera pas le
cas du contribuable qui conteste simplement sa responsabilité fiscale ». Et d’ajouter :
« Les incidences de cette jurisprudence constante de la Cour européenne confortée
par un arrêt Jussila c/ Finlande du 23 novembre 2006 sont, sans conteste,
désastreuses dans des pays tels que la Roumanie qui ont accédé tardivement à la
démocratie et dont les principes de l’État de droit, comme l’indépendance et
l’impartialité des juges ne reçoivent pas encore une application aussi forte et
vigoureuse que dans les pays voisins d’Europe de l’Ouest » 421. Quelques
commentateurs 422 de la jurisprudence strasbourgeoise ont également souligné que
l’exclusion de l’applicabilité du volet civil de l’article 6 § 1 C.E.D.H. aux matières
régaliennes revient à priver des garanties du procès équitable « les justiciables qui en
ont le plus besoin », et ce afin de préserver une distinction « civil - public », au prix
d’une certaine interprétation de la Convention. En ce sens, le juge de Meyer dans son
opinion dissidente sur l’arrêt « Pierre-Bloch c/ France » souligne qu’ « en matière de
droits de l’homme et notamment lorsqu’il s’agit de décider de contestations sur des

421
SID AHMED Karim, « Stere et autres c/ Roumanie ou une illustration supplémentaire de
l’application timorée de l’article 6-1 à la matière fiscale par la Cour européenne », Revue de
droit fiscal, n o 9, 1 er mars 2007, p. 11 et p. 13.
422
GUINCHARD Serge, DELICOSTOPOULOS Constantin-S, DOUCHY-OUDOT Mélina,
FERRAND Frédérique, Droit processuel : Droit commun et droit comparé du procès équitable,
Dalloz, 2007, p. 157, n o 100.

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CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014

droits ou des obligations, rien ne permet de traiter ceux qui prétendent pouvoir se
prévaloir d’un droit « politique », tels ceux qui se portent candidats lors d’une
élection, mieux ou moins bien que les autres citoyens » 423.

L’ensemble de ces considérations a conduit une partie de la doctrine à


formuler la proposition provocante de proclamer un procès équitable « sans limites de
domaines » 424. Il s’agit là d’une première voie susceptible d’être empruntée par la
Cour pour étendre l’applicabilité du volet civil de l’article 6 § 1 C.E.D.H. aux
matières régaliennes. Mais cette démarche impliquerait que l’on vide complètement
de sa substance la distinction entre les droits dits « publics » par opposition aux droits
dits « civils » au sens de la Convention. Consécutivement, il y aurait lieu « de
considérer comme ayant (un) caractère (civil) tous les droits et obligations qui ne se
rapportent pas plus particulièrement à la détermination du « bien-fondé » d’une
accusation en matière pénale » 425. Or, si la Cour dispose des techniques juridiques 426
nécessaires pour parvenir à ce résultat, nous restons toutefois assez sceptiques quant à
la probabilité d’une telle évolution. En effet, bien qu’en son sein certains juges 427
aient appelé de leurs vœux l’abandon de ce qu’ils considèrent comme une
interprétation étriquée et pusillanime de la notion des « droits et obligations de
caractère civil », la Cour ne s’est jusqu’à présent jamais engagée dans cette voie. Au
contraire, elle a, à plusieurs reprises, démontré 428 son attachement à la distinction
« droits civils – droits publics ». Pareille révolution jurisprudentielle apparaît, dès
lors, peu vraisemblable.

Une autre alternative existe. La Cour pourrait étendre, pour le moins


s’inspirer, de sa jurisprudence « Vilho Eskelinen et autres c/ Finlande ». Il suffirait

423
CEDH, 21 octobre 1997, n o 24194/94, Pierre-Bloch c/ France, précité.
424
ANDRIANTSIMBAZOVINA Joël, G.A.C.E.D.H., 4 ème éd., p. 233.
425
Opinion du juge DE MEYER sur CEDH, 19 avril 1993, n o 13942/88, Kraska c/ Suisse.
426
Celle de l’autonomisation, d’une part, et celle de l’interprétation téléologique et dynamique,
d’autre part.
427
Opinion du juge DE MEYER sur CEDH, 19 avril 1993, Kraska c/ Suisse.
428
CEDH, 9 décembre 1994, Schouten et Meldrum c/ Pays-Bas, § 50, R.T.D.H., 1996. p. 79, note
PETTITI Christophe ; CEDH, 12 juillet 2001, no 44759/98, Ferrazzini c/ Italie, précité.

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CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014

alors que les juges strasbourgeois accolent une présomption d’applicabilité de


l’article 6 § 1 C.E.D.H. à l’ensemble des litiges aujourd’hui exclus du versant civil de
cette stipulation en tant qu’ils mettent en cause la souveraineté étatique. Ce faisant,
seuls se trouveraient écartés de la protection offerte par le volet civil de l’article 6 § 1
C.E.D.H., les requérants - contribuables, élus, électeurs ou étrangers- exclus de
l’accès à un tribunal par le droit interne de l’État concerné, pour des motifs liés à
l’intérêt de l’État. Cette solution moins radicale, puisqu’elle permettrait de préserver
le principe d’une distinction entre les droits publics et les droits civils, suppose
toutefois que la Cour sonne le glas de sa lecture exclusivement matérielle des critères
d’applicabilité de l’article 6 § 1 C.E.D.H. 429.

Le contentieux des étrangers semble parfaitement se prêter à une transposition


de la jurisprudence « Vilho Eskelinen et autres c/ Finlande ». Rappelons qu’en ce
domaine, la Cour s’est appuyée sur une certaine interprétation du protocole n o 7 de la
C.E.D.H. pour écarter l’applicabilité du volet civil de l’article 6 § 1 C.E.D.H. Or, à
l’origine, c’est également en faisant appel aux travaux préparatoires des Protocoles
numéros 4 et 7 que la Cour avait justifié le principe d’inapplicabilité « en règle
générale » de l’article 6 § 1 C.E.D.H., volet civil, aux litiges impliquant des
fonctionnaires.

Ainsi, la Cour dispose-t-elle des outils nécessaires pour étendre l’applicabilité


de l’article 6 C.E.D.H., sous son volet civil, aux matières régaliennes. Mais faut-il
encore qu’un tel changement de cap soit relayé par les juridictions internes.

Sur ce point, il y a fort à parier que le juge judiciaire français, gardien naturel
des libertés individuelles, ne demeure en reste de cet élan protecteur, celui-ci ayant
toujours fait preuve d’une grande réceptivité à l’égard des interprétations
strasbourgeoises.

429
Voir en ce sens : GONZALES Gérard, « Nouveau revirement jurisprudentiel en matière
d’applicabilité de l’article 6-1 de la Convention dans son volet civil aux fonctionnaires »,
R.F.D.A., septembre - octobre 2007, p. 1031, plus précisément p. 1034 et p. 1035.

- 127 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014

II. La réception par le juge judiciaire des critères européens d’applicabilité de


l’article 6 § 1 C.E.D.H.

Sans surprise véritable 430, le juge judiciaire « s’est montré sensible aux
solutions jurisprudentielles » 431 émanant des organes de la Convention.

En confirmant l’applicabilité de l’article 6 C.E.D.H. à la procédure suivie par


des autorités de régulation à l’occasion du prononcé de sanctions administratives, la
Cour de cassation a, en effet, fait sienne, d’une part, la définition européenne de la
matière pénale (A) et, d’autre part, l’acception matérielle des critères d’applicabilité
du droit au procès équitable prévalant dans la jurisprudence strasbourgeoise (B).

A. La retranscription de la définition européenne de la notion d’« accusation


en matière pénale »

Comme l’a déjà mis en évidence une abondante littérature 432, la jurisprudence
judiciaire relative aux sanctions administratives prononcées par feu la Commission
des opérations de bourse démontre nettement la retranscription tant par les juges du

430
Comme l’avait déjà fait observer le professeur Jean-François FLAUSS, dans un arrêt de la
première chambre civile du 10 janvier 1984, « Renneman », la Cour de cassation n’avait pas
hésité à se référer très expressément à l’autorité de la Convention telle qu’interprétée par la Cour
européenne : « Dualité des ordres de juridictions et CEDH », Gouverner, Administrer, Juger. Liber
Amicorum Jean Waline, Dalloz, 2002, p. 538 ; Voir également en ce sens, GUINCHARD Serge,
« L’application de la Convention européenne par le juge judiciaire », Europe, 1999, n o 10 bis,
hors-série, octobre, p. 18 : l’auteur présente le juge judiciaire « comme un juge qui va au bout de
l’autorité de la Convention » ; GUINCHARD Serge, DELICOSTOPOULOS Constantin-S,
DOUCHY-OUDOT Mélina, FERRAND Frédérique, Droit processuel : Droit commun et droit
comparé du procès équitable, Dalloz, 2007, p. 222.
431
ZAVOLI Philippe, « L’emprise de la convention européenne des droits de l’homme sur les
autorités de régulation ou le jeu des apparences », J.C.P., Cahiers de Droit de l’entreprise, 2004,
n o 2, p. 6, et plus précisément p. 8.
432
MILANO Laure, « Le contentieux de la régulation administrative », in L’extension des garanties
du procès équitable hors les juridictions ordinaires : les contraintes européennes, Institut de
droit européen des droits de l’homme, Avril 2002, SUDRE Frédéric (dir.), p. 67 à p. 74 ;
ZAVOLI Philippe, « L’emprise de la convention européenne des droits de l’homme sur les
autorités de régulation ou le jeu des apparences », J.C.P., Cahiers de Droit de l’entreprise, 2004,
n o 2, p. 6, et plus précisément p. 8 ; BRISSON Jean-François, « Les pouvoirs de sanction des
autorités de régulation et l’article 6 § 1 de la Convention européenne des droits de l’homme »,
A.J.D.A., 20 novembre 1999, p. 847 ; LAFORTUNE Maurice-Antoine, « L’application de la
convention européenne des droits de l’homme aux procédures de sanctions administratives »,
Revue de droit bancaire et de la bourse, no 76, p. 217.

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CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014

second degré (1) que par la haute juridiction judiciaire (2) de la définition
strasbourgeoise de la matière pénale.

1. Une solution inaugurée par la Cour d’appel de Paris

Par cinq arrêts rendus le 12 janvier 1994 433, la Cour d’appel de Paris a jugé
que les sanctions prononcées par la Commission des opérations de bourse, « bien que
de nature administrative, visent comme en matière pénale, par leur montant élevé
(dix millions de francs ou le décuple des profits réalisés) et la publicité qui leur est
donnée, à punir les auteurs de faits contraires aux normes générales édictées par les
règlements de la Commission et à dissuader les opérateurs de se livrer à de telles
pratiques ».

Sans conteste, les juges du second suivent, en l’espèce, la démarche


européenne fixée dans l’arrêt « Engel ». Tout d’abord, la Cour d’appel de Paris se
prononce sur la qualification en droit interne des sanctions infligées par la
Commission des opérations de bourse. Manifestement, les juges du fond s’accordent
avec leurs homologues strasbourgeois sur la « valeur formelle et relative » de cet
aspect, lequel ne fait pas obstacle à une éventuelle qualification « pénale » au sens de
la Convention. C’est ainsi qu’en dépit de la nature administrative des sanctions
litigieuses, les juges du second degré poursuivent leur analyse en s’intéressant ensuite
à leur degré de sévérité. Suivant la solution prévalant dans la jurisprudence
européenne, la Cour d’appel se fonde, non pas sur la sanction effectivement infligée,
mais sur la sanction maximale prévue par la loi 434. Enfin, les juges judiciaires mettent
en exergue le caractère à la fois dissuasif et répressif des sanctions pécuniaires
prévues par l’article 9-2 de l’ordonnance du 28 septembre 1967. Au regard de ces
éléments, la Cour d’appel de Paris conclut à l’existence d’une « accusation en matière
pénale » au sens de la Convention.

433
CA Paris, 1ère Ch., sect., 12 janvier 1992, Schwartzmann, Friedland Investissement, Métrologie
Internationale, Fraiberger, Haddad ; R.J.D.A., 11/94, n° 1149, p. 884 ; Rev. dr. bancaire, 1994, 37,
obs. GERMAIN Michel et FRISON-ROCHE Marie-Anne ; Bull. Joly Bourse, 1994, § 20, note
DECOOPMAN Nicole.
434
Ainsi, dans les décisions « Haddad » et «Schwartzmann », les sanctions infligées étaient
respectivement de 350.000 francs et de 50.000 francs.

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CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014

Cette décision est apparue d’autant plus audacieuse que la Commission des
opérations de bourse avait toujours dénié l’applicabilité du droit au procès équitable à
la procédure qu’elle suivait pour infliger des sanctions, et ce compte de la nature
administrative de ces dernières.

Toutefois, cette solution novatrice aurait pu apparaître comme une Arlésienne,


si elle n’avait pas reçu une confirmation solennelle par la plus haute juridiction de
l’ordre judiciaire. Celle-ci est intervenue par un arrêt remarqué en date du 9 avril
1996, « Haddad » 435.

2. Une solution confirmée par la Cour de cassation

Dans sa décision du 9 avril 1996, la Cour de cassation reprend à l’identique les


motifs énoncés par les juges du second degré, confirmant ainsi la réception des
critères européens de la matière pénale. C’est ce que démontrent également les
conclusions formulées par l’avocat général. Invoquant explicitement la jurisprudence
« Engel », Mme PINIOT souligne : « si l’on applique ces critères aux sanctions
administratives prononcées par la COB, on ne peut que constater, qu’à l’instar des
sanctions prononcées par le Conseil de la Concurrence auxquelles s’applique la
Convention, nous sommes en présence d’une infraction pour partie dépénalisée, mais
qui, pour relever d’une procédure administrative de sanction à la différence de la
plupart des autres Etats où elle est uniquement pénale, demeure de nature pénale en
raison du caractère général de la norme protégée et du but à la fois préventif et
répressif de la sanction ainsi qu’en raison de la gravité des peines encourues et de
leur effet dissuasif » 436.

Les arrêts qui suivent sont beaucoup plus laconiques quant au raisonnement
suivi par la Cour de Cassation pour qualifier les sanctions administratives prononcées
par les autorités de régulation d’« accusations en matière pénale » au sens de la

435
Cass. Com., 9 avril 1996, Haddad c/ Agent judiciaire du Trésor, J.C.P., éd. gén., n o 26, IV, 1996,
p. 169.
436
Conclusions PINIOT M.-A., R.J.D.A., 5/96, p. 438.

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CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014

Convention. Ainsi dans les décisions « Conso » du 18 juin 1996 437 et « Oury » du
1 er décembre 1998 438, les juges judiciaires se bornent à relever que sont assimilées à
une accusation en matière pénale au sens de l’article 6 § 1 C.E.D.H., « les poursuites
en vue de sanctions pécuniaires ayant le caractère d’une punition prononcées par
une autorité administrative ».

Il est parfois même arrivé que la Cour de cassation ne prenne pas le soin de
justifier la subsomption des sanctions administratives dans la catégorie européenne
des « accusations en matière pénale » et ce, au grand dam des commentateurs de la
jurisprudence judiciaire 439. Tel est le cas dans les arrêts « Oury c/ Agent judiciaire du
Trésor» du 5 février 1999 440 et « Société Campenon Bernard S.G.E. et autres » 441 du
5 octobre 1999 portant sur les sanctions pécuniaires infligées respectivement par la
COB et par le Conseil de la Concurrence.

Pour autant, les conclusions prononcées par l’avocat général dans l’affaire
« Oury » viennent compenser la brièveté des motifs et du dispositif de l’arrêt.
Monsieur Maurice-Antoine LAFORTUNE se réfère expressément à l’interprétation
de la Cour de Strasbourg quant à la notion d’« accusation en matière pénale ».

437
Cass. Com., 18 juin 1996, no 94-14178, M. Conso c/ COB, Bull. Civ., IV, n o 179, p. 155.
438
Cass. Com., 1 er décembre 1998, n o 96-20189, M. Oury c/ Agent judiciaire du Trésor, Bull. Civ.,
IV, no 238 ; J.C.P. 1999, II, 10057, note GARAUD Éric.
439
GARAUD Éric, note sur Cass. Com., 1 er décembre 1998, no 96-20189, Oury c/ Agent judiciaire
du Trésor, J.C.P., éd. gén., 1999, p. 591 ; BRISSON Jean-François, « Les pouvoirs de sanction
des autorités de régulation et l’article 6 § 1 de la CEDH », A.J.D.A., 1999, p. 847, plus
précisément p. 848 ; DE CHAISEMARTIN Arnaud, « Les enseignements du contrôle
juridictionnel sur les procédures de sanction des autorité de marché », Justice et cassation,
Dalloz, 2005, p. 30 et plus précisément p. 33 ; MILANO Laure, « Le contentieux de la régulation
administrative », in L’extension des garanties du procès équitable hors les juridictions
ordinaires : les contraintes européennes, Institut de droit européen des droits de l’homme, Avril
2002, SUDRE Frédéric (dir.), p. 70.
440
Cass., Ass. Plén., 5 février 1999, n o 97-16.441, COB c/ Oury, Bull. AP, n o 1, p. 1 ; Gaz. Pal. 24
et 25 février 1999, p. 8, concl. LAFORTUNE Maurice-Antoine ; J.C.P. 1999. II. 10060, note
MATSOPOULOU Haratini ; D., 1999, Somm. 249, obs. BON-GARCIN Isabelle ; FRISON-
ROCHE Marie-Anne, « Les autorités de régulation confrontées à la Convention européenne des
droits de l'homme », L.P.A., 10 février 1999 n° 29, p. 17 ; L.P.A., 10 février 1999, p. 14, note
DUCOULOUX-FAVARD Claude.
441
Cass. Com., nos 97-15617, 97-5626, 97-15632, 97-15673 ,97-15760, 97-15777 97-15805, 97-
15826, 97-15836, 97-15852, 97-15871, 97-15932, 97-16004, 97-16330, S.N.C. Campenon
Bernard S.G.E. et autres, Bull. Civ., IV, n o 158, p. 133 ; Gaz. Pal. 1 et 2 décembre 1999, p. 9,
concl. LAFORTUNE Maurice-Antoine ; note FLECHEUX Olivier ; J.C.P. 2000, II, 10255, note
CADOU Éléonore ; D. 1999.44, obs. NIBOYET Marie-Laure ; L.P.A., 1999, n° 206, p. 4, note
DUCOULOUX-FAVARD Claude.

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CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014

En outre, la rédaction des arrêts rendus par la Cour d’appel de Paris est
dépourvue de toute ambiguïté quant à la nature pénale au sens de la Convention, des
sanctions pécuniaires prononcées par la Commission. Par exemple, dans un arrêt
« Debus » 442 du 2 juillet 1999, les juges du fond, après avoir visé l’article 6 C.E.D.H.,
énoncent clairement qu’« au sens de ce texte sont assimilées à une accusation en
matière pénale les poursuites engagées en vue de sanctions pécuniaires ayant le
caractère d’une punition prononcée par une autorité administrative, telles celles que
peut infliger la COB ». Précisons, à toutes fins utiles, que la Cour de cassation a
approuvé cette motivation.

Il ne fait donc guère de doute que pour le juge judiciaire, l’applicabilité de


l’article 6 C.E.D.H. au titre de la matière pénale ne dépend pas de la seule
qualification juridique en droit interne de la décision litigieuse. Au contraire, la
nature « pénale » au sens de la Convention d’une sanction doit être appréciée au
regard des critères dégagés par les juges européens.

En ce sens, la jurisprudence judiciaire est conforme au corpus prétorien


strasbourgeois. Et il en est de même à propos de la lecture matérielle de l’article 6
C.E.D.H.

B. L’adoption d’une lecture matérielle des conditions d’applicabilité de l’article


6 C.E.D.H.

Ayant reconnu la nature pénale au sens de la Convention des sanctions


prononcées par la Commission des opérations de bourse et le Conseil de la
concurrence, il restait aux juridictions judiciaires de déterminer si cet élément
matériel était suffisant, à lui seul, à déclencher l’applicabilité de l’article 6 C.E.D.H.

Si une décision du 28 janvier 1991 443 a pu laisser présager, pendant un temps,


de la prévalence accordée par le juge judiciaire au critère d’applicabilité organique et

442
CA Paris, 2 juillet 1999, n o RG 1998/17861, Debus, L.P.A., 15 octobre 1999, p. 7, note
DUCOULOUX-FAVARD Claude.
443
Cass. Crim., 28 janvier 1991, n o 90-81526, Lavignes, Bull. Crim., 1991, n o 44; Dr. fisc., 1991,
no 21-22, comm. 1160, R.J.F., 4/1991, no 528, p. 304.

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CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014

ce, à rebours de la lecture matérielle strasbourgeoise (1), la jurisprudence ultérieure a


cependant clairement démenti cette hypothèse (2).

1. La prise en compte initiale de la nature de l’organisme

Dans l’affaire jugée le 28 janvier 1991, c’est la procédure suivie devant la


Commission des infractions fiscales, saisie sur le fondement de l’article R. 228-1 du
Livre des procédures fiscales, pour rendre un avis nécessaire à la mise en mouvement
de l’action publique à l’encontre d’un particulier soupçonné de fraude fiscale, qui
était en cause.

Devant le juge répressif, le requérant soutenait notamment que le principe du


contradictoire, prévu par l’article 6 de la Convention européenne des droits de
l’homme, avait été méconnu dans le cadre de la procédure suivie par la Commission.
À cet égard, il faisait valoir que le dossier ne comportait pas la décision du ministre,
qui avait saisi cette autorité.

En l’espèce, l’existence d’une « accusation en matière pénale » ne faisait guère


de doute. Comme l’a exposé madame Hélène SURREL 444, « au regard des critères
européens de la matière pénale, on peut observer en premier lieu que les poursuites
pour délit de fraude fiscale sont des poursuites pénales et les sanctions sont
qualifiées de pénales par le Code général des impôts (article L. 1741), en second lieu
que la norme de référence revêt un caractère général dans la mesure où elle
concerne tous les citoyens en leur qualité de contribuables et en troisième lieu que
les sanctions (qui en vertu de l’article 1741 du Code général des impôts peuvent
consister en une amende d’un montant maximum de 250 000 francs et en une peine
d’emprisonnement de cinq ans) sont rigoureuses et ont un but à la fois préventif et
répressif. Elles ne tendent pas à la réparation pécuniaire d’un préjudice mais ont
essentiellement pour but d’empêcher la réitération de tels agissements. »

444
SURREL Hélène, « Le contentieux des amendes fiscales », in L’extension des garanties du
procès équitable hors les juridictions ordinaires : les contraintes européennes, Institut de droit
européen des droits de l’homme, Avril 2002, SUDRE Frédéric (dir.), p. 86, plus précisément
p. 87.

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CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014

Dès lors, c’est principalement la question de l’applicabilité de l’article 6


C.E.D.H. à une autorité administrative, dont l’avis lie le ministre quant à son pouvoir
d’engager des poursuites, qui était en jeu.

La Cour de cassation écarte cette stipulation en énonçant que « le principe du


contradictoire, reconnu par la Convention européenne de sauvegarde des droits de
l’homme et des libertés fondamentales, ne saurait s’appliquer en l’espèce, la
Commission susvisée [la Commission des infractions fiscales] ne constituant pas un
premier degré de juridiction et l’avis qu’elle donne au ministre n’ayant pour but que
de limiter le pouvoir discrétionnaire de ce dernier d’engager des poursuites » 445.
Ainsi, avant même d’identifier une « accusation en matière pénale », les juges
judiciaires rejettent l’applicabilité de l’article 6 C.E.D.H. eu égard au caractère non
juridictionnel de la procédure litigieuse. C’est d’ailleurs ce que note la doctrine en
soulignant, à propos de cet arrêt, que la Cour de cassation a « rejoint le Conseil
d’État sur sa lecture de l’article 6 visant les seules procédures juridictionnelles » 446.

Cependant, cette décision est très vite apparue comme une solution isolée au
sein d’un corpus prétorien judiciaire faisant la part belle au critère matériel européen.

2. L’abandon définitif des considérations d’odre organique

Par un arrêt du 1 er décembre 1998 447, la Cour de cassation a en effet statué en


faveur de l’applicabilité de l’article 6 C.E.D.H. à la procédure de sanctions
administratives suivie par la Commission des opérations de bourse à l’encontre du
dirigeant d’une entreprise qui avait publié certaines informations inexactes sur les
prévisions de résultats réalisés par sa société. Sans recourir à une formulation de
principe, les hauts magistrats ont estimé qu’en rejetant le recours en annulation formé
par le dirigeant poursuivi, alors que le président de la COB avait publiquement mis en

445
Cass. Crim., 28 janvier 1991, n o 90-81526, Lavignes, Bull. Crim., 1991, n o 44.
446
DREIFUSS Muriel, Note sur CE Avis, Sect., 31 mars 1995, Ministre du Budget c/ S.A.R.L.
Auto-Industrie Méric., A.J.D.A., 20 octobre 1995, p. 739 et plus précisément p. 743.
447
Cass. Com., 1 er décembre 1998, n o 96-20189, M. Oury c/ Agent judiciaire du Trésor, Bull. Civ.,
IV, n o 283, p. 237 ; revue Lamy Droit des affaires, n o 13, n o 788 ; L.P.A., 15 janvier 1999, p. 5,
note DUCOULOUX-FAVARD Claude.

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CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014

cause la véracité des informations publiées par l’intéressé avant que sa culpabilité ne
soit établie, la Cour d’appel de Paris a violé l'article 6 § 1 et 2 CEDH.

Le principe est posé : une autorité administrative dont la décision porte sur une
« accusation en matière pénale » au sens de la Convention, est tenue de respecter les
prescriptions de l’article 6 C.E.D.H.

L’année 1999, « annus horribilis » 448 pour la Commission des opérations de


bourse marque définitivement l’indifférence du juge judiciaire quant au critère
organique dans le déclenchement de l’applicabilité de l’article 6 C.E.D.H.

Dans un arrêt du 15 janvier 1999 449, la Cour d’appel de Paris affirme, après
avoir assimilé la sanction litigieuse à une « accusation en matière pénale » au sens de
la Convention, que « dans l’exercice de son pouvoir de sanction, cette autorité [la
commission des opérations de bourse] est tenue au respect des garanties ci-dessus
énoncées [l’article 6-1 et 2 de la CEDH] » 450.

Un mois plus tard, la Cour de cassation, réunie en assemblée plénière,


consacre définitivement cette lecture matérielle des conditions d’applicabilité de
l’article 6 § 1 C.E.D.H. 451 Elle rejette le pourvoi formé par la Commission des
opérations de bourse et approuve ainsi l’arrêt rendu par la Cour d’appel de Paris qui
avait annulé une sanction pécuniaire infligée par cette autorité administrative pour
violation du principe d’impartialité. Pour ce faire, les juges du fond avaient estimé
qu’un membre de la Commission des opérations de bourse qui, dans une procédure de
sanction, avait été nommé rapporteur et était chargé de procéder à l'instruction d'une
affaire et à toutes investigations utiles, ne pouvait pas participer au délibéré. Ce motif

448
Note sous CA Paris, 2 juillet 1999, n o RG 1998/17861, Bull. Joly Bourse, 1999, p. 498.
449
CA Paris, 1 ère ch. H., 15 juin 1999, S.A. Canal Plus c/ SNC Télévision par Satellite (TPS) et A.,
J.C.P., éd. G, n os 7-8, II, 10254, 2000, p. 306.
450
Cette formulation est de nouveau employée le 2 juillet 1999 : CA Paris, 2 juillet 1999, no RG
1998/17861, Debus, J.C.P., éd. G, 2000, J., p. 85, note ROBINEAU S ; Bull. Joly bourse, 1999,
p. 494, note RONTCHEVSKY ; Revue de droit bancaire et bourse, 1999, p. 124, note
GERMAIN Michel et FRISON-ROCHE Marie-Anne.
451
Cass. Com., 5 février 1999, COB c/ Oury et Agent judiciaire du Trésor, Gaz. Pal., 24-25 février
1999, p. 8 ; concl. Maurice-Antoine LAFORTUNE, note Jean-Marie DEGUELDRE, Luc
GRAMBLAT et Martine HERBIERE ; L.P.A., 10 février 1999, p. 3, note DUCOULOUX-
FAVARD Claude.

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CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014

est confirmé par les hauts magistrats au terme d’une rédaction qui a pu étonner la
doctrine, en tant qu’elle ne comporte aucune formulation de principe. Le professeur
Jean-François BRISSON souligne, à cet égard, que « les arrêts du 5 février 1999
n’ont extérieurement rien de l’arrêt de principe : à aucun moment, l’assemblée
plénière (…) ne se prononce sur la nature institutionnelle de l’autorité de
régulation ; à aucun moment non plus n’est explicité l’application de l’article 6 § 1
aux sanctions administratives (…) » 452. Pour autant, les conclusions prononcées par
monsieur Maurice-Antoine LAFORTUNE révèlent clairement l’exclusivité accordée
au critère matériel d’applicabilité de l’article 6 C.E.D.H. L’avocat général y affirme
que « le caractère punitif et dissuasif des sanctions pécuniaires susceptibles d’être
infligées par la COB pour manquements à ses règlements justifie, comme en matière
pénale, le respect par l’autorité de sanction de la présomption d’innocence dont
bénéficie la personne poursuivie ». Ainsi que l’a expliqué le professeur Marie-Anne
FRISON-ROCHE, « Avec l'arrêt Oury, la Cour de cassation s'est placée dans la
logique du droit européen (…) La Cour européenne des droits de l'homme et la Cour
de cassation font une ellipse et disent : « la personne est sanctionnée, donc j'applique
l'article 6 ». Autrement dit, cet article n'est pas applicable à telle ou telle forme
d'organisme, mais à chaque fois qu'une sanction est prononcée. » 453

« Décidée à soumettre les autorités administratives dépendant de sa


juridiction à la dynamique européenne du procès équitable et impartial » 454, la Cour
de cassation rappelle, dans un arrêt du 5 octobre 1999 455, après avoir visé l’article 6
§ 1 C.E.D.H., que la participation du rapporteur au délibéré du Conseil de la
concurrence, serait-ce sans voix délibérative, dès lors que celui-ci a procédé à des

452
BRISSON Jean-François, « Les pouvoirs de sanction des autorités de régulation et l’article 6 § 1
de la Convention européenne des droits de l’homme », A.J.D.A., 20 novembre 1999, p. 847.
453
FRISON-ROCHE Marie-Anne, « Les autorités de régulation confrontées à la Convention
européenne des droits de l’Homme », L.P.A., 10 février 1999, no 29.
454
BRISSON Jean-François, « Les pouvoirs de sanction des autorités de régulation et l’article 6 § 1
de la Convention européenne des droits de l’homme », A.J.D.A., 20 novembre 1999, p. 847.
455
Cass. Com., 5 octobre 1999, n os 97-15617, 97-5626, 97-15632, 97-15673, 97-15760, 97-15777,
97-15805, 97-15826, 97-15836, 97-15852, 97-15871, 97-15932, 97-16004, 97-16330, S.N.C.
Campenon Bernard S.G.E et autres, Bull. Civ., IV, n o 158, p. 133, Revue Lamy droit des affaires,
1999, n o 21, n o 1318, obs. STORRER Pierre ; J.C.P., éd. gén., 2000, II, n o 10255, note CADOU
Éléonore.

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CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014

investigations utiles pour l'instruction des faits dont le Conseil est saisi, est contraire
à cette stipulation.

S’exprimant sur la position de la Cour de cassation, le Premier président Guy


CANIVET déclarait : « quant au niveau de garanties, nous avons tenté de montrer
que, quel que soit la simplicité et le caractère sommaire de la procédure que l’on
veut instituer pour de légitimes raisons de rapidité et d’efficacité, les règles
particulières ne peuvent déroger aux principes fondamentaux internes et
internationaux qui en commandent l’application » 456.

Incontestablement, en adoptant la lecture matérielle des conditions


d’applicabilité de l’article 6 C.E.D.H., la haute juridiction judiciaire entend confirmer
sa réceptivité à l’égard de la jurisprudence de ses homologues internationaux.

Ajoutons, en outre, qu’elle conforte, dans le même temps, sa mission de


gardienne naturelle de la liberté individuelle 457. D’ailleurs, c’est certainement ce
« souci de la garantie des droits » 458 qui explique l’attention particulière portée par la
Cour de cassation au respect des prescriptions de l’article 6 § 1 C.E.D.H. par
« l’ensemble des institutions statuant sur des accusations en matière pénale au-delà
donc du strict cercle des « tribunaux » 459.

456
CANIVET Guy, « La procédure de sanction administrative des infractions boursières à l’épreuve
des garanties fondamentales », R.J.D.A., 5/96, p. 426 et plus précisément p. 431.
457
LAFORTUNE Maurice-Antoine, « L’application de la Convention européenne des droits de
l’homme aux procédures de sanctions administratives », Revue de droit bancaire, novembre –
décembre 1999, n o 76, p. 217 et plus précisément p. 220 ; BRISSON Jean-François, « Les
pouvoirs de sanction des autorités de régulation et l’article 6 § 1 de la Convention européenne
des droits de l’homme », A.J.D.A., 20 novembre 1999, p. 847 et plus précisément p. 848 ;
MARGUENAUD Jean-Pierre, « Le pouvoir de sanction des autorités administratives
indépendantes à l'épreuve de l'article 6 de la CEDH », in Mélanges J. Stoufflet, L.G.D.J., 2001,
p. 220 ; Voir également GOYARD Claude, La compétence des tribunaux judiciaires en matière
administrative, Thèse, Montchrestien, p. 84.
458
BRISSON Jean-François, « Les pouvoirs de sanction des autorités de régulation et l’article 6 § 1
de la Convention européenne des droits de l’homme », A.J.D.A., 20 novembre 1999, p. 847, et
plus précisément p. 848.
459
BRISSON Jean-François, « Les pouvoirs de sanction des autorités de régulation et l’article 6 § 1
de la Convention européenne des droits de l’homme », A.J.D.A., 20 novembre 1999, p. 847, et
plus précisément p. 848.

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CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014

CONCLUSION

« Ennemie de l’arbitraire, la forme est la sœur jumelle de la liberté » 460.

Cette maxime connaît sous la plume de la juridiction européenne des droits de


l’homme une résonance puissante. Elle constitue le leitmotiv de l’œuvre prétorienne
strasbourgeoise intéressant le droit au procès équitable.

À travers le prisme européen, à la base duquel figure une interprétation


finaliste et dynamique de l’article 6 C.E.D.H., cette stipulation n’a cessé d’étendre
son emprise à des contentieux très variés. L’emprunte juridictionnelle des garanties
offertes par cette stipulation n’a pas constitué un obstacle dirimant à cet
élargissement. La Cour de Strasbourg l’a, effectivement, rapidement éludée par une
lecture strictement matérielle des conditions d’applicabilité de l’article 6 C.E.D.H.

Les effets de cette vague déferlante du droit au procès équitable se sont fait
profondément ressentir devant les juridictions de l’ordre judiciaire. Gardiennes des
libertés individuelles, ces dernières n’ont effectivement pas souhaité demeurer en
reste de cet élan protecteur et ont transposé l’interprétation matérielle et autonome de
la Cour de Strasbourg.

Au contraire, la haute juridiction administrative s’est prudemment écartée de


ce mouvement, en adoptant une lecture classique des termes de l’article
6 § 1 C.E.D.H. Selon elle, cette stipulation, appréciée d’un point de vue littéral, doit
d’abord être entendue comme visant les organes juridictionnels.

460
VON JHERING Rudolf, L’esprit du droit romain dans les diverses phases de son développement,
3 ème éd., traduction par de MEULENAEREO O., 1877, t. III, Paris, Maresc, p. 158.

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CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014

CHAPITRE 2

UNE DÉFINITION PRINCIPALEMENT ORGANIQUE DES


CONDITIONS D’APPLICABILITÉ DE L’ARTICLE 6 C.E.D.H.
DANS LA JURISPRUDENCE ADMINISTRATIVE

Aujourd’hui, la primauté normative de la Convention sur les lois internes ne


prête plus à discussion. Le célèbre arrêt « Nicolo » 461 du 20 octobre 1989 a
définitivement éteint le « brasier de discorde » 462 que l’arrêt « Syndicat Général des
fabricants de semoule de France » avait attisé entre la haute juridiction administrative
et ses homologues constitutionnels, européens et judiciaires.

De même, l’applicabilité directe 463 de l’article 6 C.E.D.H. ne soulève guère de


difficultés 464, et ce bien que la Convention ne la prévoit pas, expressis verbis. Les
deux conditions qui confèrent aux normes internationales un tel effet, sont
effectivement réunies 465. D’ailleurs, comme le faisait justement remarquer Ronny
ABRAHAM, en cette matière, « il n’y a jamais eu d’hésitation de la part du juge

461
CE, Ass., 20 octobre 1989, n o 108243, Nicolo, J.C.P., 1989, II, 21371 ; R.F.D.A., 1989, p. 824,
GENEVOIS Bruno ; R.F.D.A., p. 993, FAVOREU Louis ; R.F.D.A., p. 1000, note DUBOUIS
Louis ; A.J.D.A, 1989, p. 756, chr. HONORAT Edmond et BAPTISTE Éric ; A.J.D.A, 1989,
p. 788, note SIMON Denys ; R.T.D.Eur., 1989, p. 787, ISAAC Guy ; R.G.D.I.P., 1989, p. 91,
note BOULOUIS Nicolas ; L.P.A., 15 novembre 1989, note GRUBER ; L.P.A., 11 décembre
1989, comm. LEBRETON Gilles ; L.P.A., 7 février 1990, comm. FLAUSS Jean-François ;
J.C.P., 1990, I, 3429, comm. CALVET Hugues ; D., 1990, chr. KOVAR Robert, p. 57 et note
SABOURIN Paul ; Pour l’application par le Conseil d’État de la Convention à l’encontre de la
loi postérieure : CE, Ass., 21 décembre 1990, Confédération nationale des associations familiales
catholiques et autres, Rec. p. 368.
462
Expression de monsieur Bernard STIRN.
463
Entendue comme la possibilité pour les particuliers de s’en prévaloir utilement devant le juge
national, non seulement à l’encontre des dispositions normatives de droit interne, mais aussi
directement à l’encontre d’actes individuels.
464
Voir en ce sens ABRAHAM Ronny, « L’applicabilité directe de la Convention devant la
juridiction administrative », R.U.D.H., 1991, p. 275 ; FLAUSS Jean-François, « Le juge
administratif français et la Convention européenne des droits de l’homme », A.J.D.A.,
20 juillet / 20 août 1983, p. 387, plus précisément p. 387 et suivantes ; SERMET Laurent,
Convention européenne des droits de l’homme et contentieux administratif, Economica, Centre
d'Études et de Recherches Internationales et Communautaires - Université d'Aix-Marseille III,
1999, p. 2.
465
D’une part, la Convention européenne a été incorporée dans l’ordre juridique interne en vertu de
l’article 55 de la Constitution. D’autre part, il est également admis que ses stipulations présentent
un caractère « auto-suffisant » pour créer des droits au profit des particuliers.

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CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014

administratif », lequel a, depuis fort longtemps, accepté de faire application de


l’article 6 C.E.D.H. 466.

Si « Les noces de la Cour européenne et de nos juges [sont donc bien]


désormais célébrées » 467, une question reste toutefois posée : « ont-elles aussi été
consommées ? » 468 En d’autres termes, « le Conseil d’Etat accepte-t-il (…) que plus
de droit européen devant lui, ce soit aussi plus de jurisprudence européenne sur
lui ? » 469

Sur ce dernier point, la position adoptée par la haute juridiction administrative


a suscité des débats passionnés. Et pour cause, ainsi que le notait le professeur
Bernard PACTEAU, « l’enjeu n’est pas mince. Il tient à ce que de façon générale un
texte ne vaut que par l’interprétation qui en est donnée. Interpréter, c’est
gouverner » 470.
S’inspirant de l’enseignement de Emer DE VATTEL suivant lequel « La
première maxime générale sur l’interprétation est qu’il n’est pas permis d’interpréter
ce qui n’a pas besoin d’interprétation » 471, le Conseil d’État a, dans un premier état
de sa jurisprudence, entendu privilégier une lecture strictement textuelle de l’article 6

466
ABRAHAM Ronny, « L’applicabilité directe de la Convention devant la juridiction
administrative », R.U.D.H., 1991, p. 275 ; Voir également M. SAUVE Jean-Marc, « Le Conseil
d’État et l’application de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des
libertés fondamentales », Intervention prononcée dans le cadre du colloque sur Les 60 ans de la
Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales,
Colloque organisé par l’Université de Paris 3 Sorbonne nouvelle, Sénat, 9 avril 2010.
467
PACTEAU Bernard, « Le juge administratif français et l’interprétation européenne », in
L’interprétation de la Convention européenne des droits de l’homme. Actes du colloque des 13 et
14 mars 1998, SUDRE Frédéric (dir.), Bruylant, 1998, p. 257.
468
PACTEAU Bernard, « Le juge administratif français et l’interprétation européenne », in
L’interprétation de la Convention européenne des droits de l’homme. Actes du colloque des 13 et
14 mars 1998, SUDRE Frédéric (dir.), Bruylant, 1998, p. 257.
469
PACTEAU Bernard, « Le juge administratif français et l’interprétation européenne », in
L’interprétation de la Convention européenne des droits de l’homme. Actes du colloque des 13 et
14 mars 1998, SUDRE Frédéric (dir.), Bruylant, 1998, p. 254.
470
PACTEAU Bernard, « Le juge administratif français et l’interprétation européenne », in
L’interprétation de la Convention européenne des droits de l’homme. Actes du colloque des 13 et
14 mars 1998, SUDRE Frédéric (dir.), Bruylant, 1998, p. 254.
471
Cité par ROUSSEAU Charles, Traité de Droit international public, 1970, t. I, Paris, Sirey,
p. 269.

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CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014

C.E.D.H. En empruntant cette voie, la haute juridiction administrative a été conduite


à établir un lien de consanguinité entre la procédure contentieuse juridictionnelle et le
droit au procès équitable (Section 1), en contradiction totale avec l’interprétation
strasbourgeoise. Mais alors que ce lien paraissait indissoluble, le juge administratif a
finalement admis, il y a une dizaine d’années, certaines exceptions à l’inapplicabilité
de principe du droit au procès équitable aux autorités administratives (Section 2).

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CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014

SECTION 1

L’inapplicabilité de principe de l’article 6 C.E.D.H. aux autorités


administratives décidant en matière civile ou pénale au sens de la
Convention

Nos précédents développements 472 nous ont permis de démontrer que dans les
jurisprudences européenne et judiciaire, la qualité de tribunal d’un organe n’est pas, en
principe 473, une condition de l’applicabilité de l’article 6 C.E.D.H., mais une conséquence
de cette applicabilité.
Comme l’a justement expliqué madame le professeur Anne-Marie Frison-Roche,
dans l'esprit du droit européen, « on analyse la situation effective de la personne qui se
trouve en face de l'organe, et ce qui est susceptible de lui arriver; si la décision prise « fait
mal » et ne se justifie pas par la réparation d'un préjudice, on appelle cela une sanction et
par conséquent, on déclenche l'article 6. Le fait que l'organisme ait tel ou tel statut
n'interfère pas. Du coup, ces droits européens sont en quelque sorte archaïques puisqu'ils
font l'économie des qualifications, mais ils sont aussi extrêmement efficaces. »474
En d’autres termes, lorsque la Cour de Strasbourg s’interroge sur le point de
savoir si un organisme peut être regardé comme un « tribunal au sens de »,
l’applicabilité de l’article 6 § 1 a déjà été préalablement admise.

Compte tenu de son interprétation textuelle, le juge administratif tient un


raisonnement inverse. Si la nature du contentieux en cause constitue également une
condition d’applicabilité de l’article 6 § 1 C.E.D.H. (II), la démonstration du critère
matériel ne suffit pas, à elle seule, pour que cette stipulation puisse être utilement
invoquée.

472
Voir Partie 1, Chapitre 1, Section 1, I.
473
Seul un arrêt s’est distingué de cette ligne jurisprudentielle. Dans sa décision « Didier
c/ France » du 27 août 2002, la Cour de Strasbourg a, en effet, qualifié le conseil des marchés
financiers de tribunal au sens de l’article 6, puis a vérifié que la procédure suivie devant lui se
conformait à l’article 6. Certains auteurs ont ainsi relevé le caractère mouvant de la
jurisprudence européenne. Il n’en demeure pas moins que cette solution singulière demeure
isolée.
474
FRISON-ROCHE Marie-Anne, « Les autorités de régulation confrontées à la Convention
européenne des droits de l'homme », L.P.A., 10 février 1999, n o 29, p. 17.

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CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014

Une autre condition est, en effet, exigée et, même, examinée prioritairement par
le juge administratif. Elle tient à la nature de l’organisme à l’encontre duquel est
soulevé le moyen tiré de la méconnaissance du droit au procès équitable (I).

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CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014

I. Une applicabilité appréciée prioritairement au regard de la nature de


l’organisme appelé à statuer

Pour se prononcer sur l’applicabilité de l’article 6 C.E.D.H., le juge


administratif vérifie prioritairement que l’organisme mis en cause a la qualité de
juridiction (A).

Cette lecture des conditions d’applicabilité du droit au procès équitable, en


opposition frontale avec celle prévalant devant les juges européen et judiciaire, peut
étonner et n’a, d’ailleurs, pas manqué de retenir l’attention des observateurs vigilants
du droit européen et du contentieux administratif (B).

A. La qualité de juridiction érigée en critère d’applicabilité de l’article 6


C.E.D.H.

Selon la haute juridiction administrative, l’article 6 C.E.D.H. définit « les


principes qui doivent gouverner un « procès équitable » 475, plus précisément, les
règles qui « s’appliquent aux juridictions dans le cadre d’un procès » 476 (1), et ce,
contrairement à l’approche européenne (2).

1. Une jurisprudence particulièrement explicite quant à la prévalance


du critère organique

Les formulations employées par les hauts magistrats n’ont cessé d’évoluer au
fil des années pour exprimer, de plus en plus explicitement, l’importance accordée au
critère organique dans la détermination de l’applicabilité de cette stipulation.

475
BONICHOT Jean-Claude, « L’application de l’article 6 § 1 de la C.E.D.H. aux autorités de
régulation : la position du Conseil d’État », L.P.A., no 94, 11 mai 2000, p. 3.
476
BONICHOT Jean-Claude, « L’application de l’article 6 § 1 de la C.E.D.H. aux autorités de
régulation : la position du Conseil d’État », L.P.A., no 94, 11 mai 2000, p. 3.

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CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014

En 1983 477, dans un arrêt « Société Arthur Martin », le Conseil d’État déclare
inopérant le moyen tiré de la violation du droit au procès équitable, soulevé à
l’encontre de l’article 14 du décret du 25 octobre 1977, aux termes duquel « les
séances de la commission de la concurrence et celles de ses sections ne sont pas
publiques ». Pour parvenir à une telle solution, les hauts magistrats se bornent à
signaler que la procédure en vigueur devant la commission est « une procédure
administrative et non une procédure pénale ».

En 1989 478, dans une décision « Boublil », la haute juridiction administrative,


appelée à se prononcer sur un recours pour excès de pouvoir formé à l’encontre d’une
décision du Conseil national de l’ordre des chirurgiens-dentistes, écarte le moyen tiré
de la méconnaissance de l’article 6 C.E.D.H. comme inopérant. La motivation retenue
par les hauts magistrats établit clairement le rapport étroit entre l’applicabilité de
cette stipulation et l’existence d’un tribunal. En effet, le Conseil d’État souligne
expressément le caractère non juridictionnel de la décision attaquée, pour en déduire
l’inapplicabilité « des principes de la procédure contentieuse et, notamment, de
l’article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme ». À
travers cette formulation, le juge administratif met en lumière le lien de parenté, qui
existe, selon lui, entre les principes de la procédure juridictionnelle et ceux de
l’article 6 C.E.D.H. Par là-même, il manifeste son détachement quant à la lecture
exclusivement matérielle des conditions d’applicabilité de l’article 6 C.E.D.H.
adoptée par le juge strasbourgeois.

L’arrêt « Lecun » 479, rendu en Assemblée le 1er mars 1991, est quant à lui
beaucoup moins explicite.

Le Conseil d’État était appelé à statuer sur la conformité de la procédure


disciplinaire suivie par le Conseil des bourses de valeurs au regard de l’article 6
C.E.D.H. S’il écarte, sans surprise, l’applicabilité de cette stipulation, il ne se
prononce pas, en revanche, sur la qualification juridique de l’organisme litigieux. Il

477
CE 27 avril 1983, no 23485, Société Arthur Martin.
478
CE 10 mai 1989, no 64127, Boublil.
479
CE, Ass., 1 er mars 1991, n o 112820, Lecun, Rec., p. 70 ; R.F.D.A., 1991, p. 612, concl. M. DE
SAINT-PULGENT ; A.J.D.A., 1991, p. 401, chr. SCHWARTZ René et MAUGÜE Christine.

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CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014

se contente de relever la nature disciplinaire de la sanction litigieuse, en rappelant à


cet égard que « les dispositions de l'article 6 de la convention européenne de
sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales […] prévoient que les
contestations sur les droits et obligations de caractère civil et les accusations en
matière pénale doivent faire l'objet d'un procès équitable se déroulant en séance
publique ».

Cette motivation aurait pu laisser supposer un ralliement à la jurisprudence


européenne sur la prévalence du critère matériel. Mais les conclusions rendues par
madame de SAINT-PULGENT condamnent une telle hypothèse. En effet, après avoir
démontré la nature administrative du Conseil des bourses de valeurs et après avoir
rappelé que « la violation de l’article 6 est un moyen opérant que s’il est invoqué à
l’encontre d’une décision de nature juridictionnelle », le commissaire du
gouvernement propose de ne pas accueillir ce moyen.

En procédant à une lecture combinée des arrêts « Boublil » et « Lecun »,


l’équation suivante s’impose : « applicabilité de l’article 6 C.E.D.H. = juridiction
+ décisions en matière « civile » ou « pénale ».

Les décisions ultérieures confirment cette formule.

L’arrêt « Hade et Compagnie », rendu le 15 avril 1992 480 est, à cet égard,
significatif. Les hauts magistrats y énoncent que « les dispositions de l'article 6-1 de
la Convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales, sont
applicables aux seules procédures contentieuses suivies devant les juges statuant en
matière pénale ou tranchant des contestations sur les droits et obligations de
caractère civil » et en déduisent que « le moyen tiré de la violation par
l'administration de ces dispositions doit être écarté comme inopérant ».

Cette position jurisprudentielle a été consacrée par le célèbre avis, « SARL


Auto-Industrie Méric » 481, rendu le 31 mars 1995, relatif à la portée des dispositions

480
CE, 15 avril 1992, n o 65563, Hade et Compagnie.
481
CE, Avis, Sect., 31 mars 1995, n o 164008, SARL Auto-Industrie Méric, Rec., p. 154 ; A.J.D.A.,
1995, p. 480 ; A.J.D.A., p. 739, note DREIFUSS Muriel ; R.F.D.A., 1995, p. 1172, chr.

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CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014

de l'article 6 § 2 de la C.E.D.H. sur les conditions d'élaboration, de prononcé et de


contestation des pénalités fiscales pour manœuvres frauduleuses. Les hauts magistrats
jugent qu’« Il résulte du texte même de cet article que l'ensemble de ses stipulations
n'est applicable qu'aux procédures contentieuses suivies devant les juridictions
lorsqu'elles statuent sur des droits et obligations de caractère civil ou sur des
accusations en matière pénale ».

Les arrêts qui ont suivi ont pérennisé cette formulation 482. Celle-ci apparaît
désormais comme une « motivation de principe », s’agissant de la question de
l’applicabilité de l’article 6 C.E.D.H. aux autorités administratives.

Finalement, pour reprendre les termes du conseiller d’État, Mattias


GUYOMAR, « la règle est simple : à supposer le critère matériel rempli, l’article 6
§ 1 s’applique, par nature, aux procédures juridictionnelles et ne s’applique pas aux
procédures administratives » 483. Récemment, la haute juridiction administrative a
ainsi pu juger, aux termes d’une motivation particulièrement explicite, que « si les
sanctions disciplinaires encourues par les personnes détenues peuvent entraîner des
limitations de leurs droits et doivent être regardées de ce fait comme portant sur des
contestations sur des droits à caractère civil au sens des stipulations du paragraphe
1 de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et
des libertés fondamentales, la nature administrative de l'autorité prononçant les
sanctions disciplinaires fait obstacle à ce que les stipulations de l'article 6 de la

LABAYLE Henri et SUDRE Frédéric ; R.J.F., 5/95, n o 623, p. 326, concl. ARRIGHI DE
CASANOVA Jacques.
482
CE, 11 mai 2011, n o 334654, M. Sharif A, à propos de la procédure suivie par la commission de
recours contre les décisions de refus de visas d’entrée en France : « considérant que les
stipulations de l’article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et
des libertés fondamentales ne sont applicables qu'aux procédures contentieuses suivies devant
les juridictions lorsqu'elles statuent sur des droits et obligations de caractère civil ou sur des
accusations en matière pénale et non aux procédures administratives ; (…) » ; CE, 7 août 2008,
n o 310220, Fédération chrétienne des témoins de Jéhovah de France, à propos d’une décision de
la mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires : « Il résulte du
texte même de l’article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et
des libertés fondamentales, que l'ensemble de ses stipulations n'est applicable qu'aux procédures
contentieuses suivies devant les juridictions lorsqu'elles statuent sur des droits et obligations de
caractère civil ou sur des accusations en matière pénale ;(…) ».
483
GUYOMAR Mattias, « Le principe vu par le Conseil d’État », A.J.D.A., 20 juin 2001 p. 518, et
plus précisément p. 520.

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CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014

convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés


fondamentales soient applicables à la procédure disciplinaire dans les établissements
pénitentiaires » 484.

2. Une jurisprudence contraire à la lecture matérielle prévalant en


droit européen

L’importance ainsi accordée par le Conseil d’État au critère organique et ses


implications ont bien évidemment été soulignées par l’ensemble des commentateurs
de la jurisprudence administrative 485.

De nombreux auteurs 486 ont plus particulièrement mis en exergue l’antinomie


entre, d’une part, la lecture organique et, par là même, étroite de l’article 6 § 1
C.E.D.H. suivie par le juge administratif français et, d’autre part, l’interprétation
matérielle et englobante des conditions d’applicabilité de cette stipulation dégagée
par la Cour de Strasbourg.

Parmi ce courant doctrinal majoritaire, certains se sont toutefois singularisés


en tentant de relativiser l’importance du désaccord entre la jurisprudence
administrative et la Cour européenne sur le champ d’application organique du droit
au procès équitable.

484
CE, 11 juillet 2012, n o 347146, Section française de l'observatoire international des prisons.
485
SCHOETTL Jean-Éric et HUBAC Sylvie, « La publicité des débats devant les juridictions
disciplinaires », A.J.D.A., 20 octobre 1984, p. 539, et plus précisément p. 543 ; BRISSON Jean-
François, « Les pouvoirs de sanction des autorités de régulation et l’article 6 § 1 de la
Convention européenne des droits de l’homme », A.J.D.A., 20 novembre 1999, p. 847 ;
GUYOMAR Mattias, « Le principe vu par le Conseil d’État », A.J.D.A., 20 juin 2001, p. 518.
486
MILANO Laure, « Le contentieux de la régulation administrative », in L’extension des garanties
du procès équitable hors les juridictions ordinaires : les contraintes européennes, Institut de
droit européen des droits de l’homme, Avril 2002, SUDRE Frédéric (dir.), p. 64 à p. 87, plus
précisément p. 74 à p. 78 ; ETOA Samuel et MOULIN Jean-Marc, « L’application de la notion
conventionnelle de procès équitable aux autorités administratives indépendantes en droit
économique et financier », C.R.D.F., n o 1, 2002, p. 48, plus précisément p. 53 ; ZAVOLI
Philippe, « L’emprise de la Convention européenne des droits de l’homme sur les autorités de
régulation ou le jeu des apparences », J.C.P. Cahiers de Droit de l’entreprise, n o 2, 2004, p. 6 et
plus précisément, p. 9 ; BRISSON Jean-François, « Les pouvoirs de sanction des autorités de
régulation et l’article 6 § 1 de la Convention européenne des droits de l’homme », A.J.D.A., 20
novembre 1999, p. 847 et plus précisément, p. 852.

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CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014

Invité en 1999 à se prononcer sur l’article 6 de la C.E.D.H. dans la


jurisprudence administrative, Jean-Claude BONICHOT a déclaré que « les
juridictions administratives appliquent l'article 6 de la Convention européenne des
droits de l'homme dans sa lettre et dans son esprit, en tenant compte de
l'interprétation qui lui est donnée par la Cour de Strasbourg » 487.

En 2001, Mattias GUYOMAR a, quant à lui, affirmé, à propos du critère


organique, que la jurisprudence administrative, « selon laquelle l’article 6 § 1
s’applique, par nature, aux procédures juridictionnelles et ne s’applique pas aux
procédures administratives (…) est conforme à celle de la Cour de Strasbourg » 488.

En 2003, Xavier LAURÉOTE, définissant le champ d’application de


l’article 6 § 1 C.E.D.H., a pu écrire : « le Conseil d’État juge, conformément à
l’interprétation des juges de Strasbourg, que les exigences procédurales de l’article 6
de la Convention européenne des droits de l’homme ne s’appliquent qu’au procès et
que dès lors elles ne peuvent être opposées à des instances non juridictionnelles. Par
conséquent, la haute juridiction administrative écarte comme inopérant le moyen tiré
de la méconnaissance de ces stipulations par des autorités exerçant leur pouvoir de
sanction. » 489

Ces opinions révèlent, selon nous, une confusion entre deux notions pourtant
bien différenciées dans la jurisprudence européenne : d’une part, celle relative à
l’applicabilité de l’article 6 C.E.D.H. et, d’autre part, celle portant sur l’application
des garanties du procès équitable.

487
BONICHOT Jean-Claude, « Interview : l'application de l'article 6 § 1 de la C.E.D.H. aux
autorités de régulation : la position du Conseil d'État », L.P.A., n o 11, janvier 1999, p. 10.
488
Mattias GUYOMAR, « Le droit au juge indépendant et impartial en matière administrative. Le
principe vu par le Conseil d’État », in Variations autour d’un droit commun, Mireille DELMAS-
MARTY, Xavier DIJON, Bénédicte FAUVARQUE-COSSON, Rosalind GREENSTEIN, Jean-
Louis HALPERIN, Marie-Laure IZORCHE, Christophe JAMIN, Otto PFERSMANN, Société de
Législation Comparée, 2001, p. 71.
489
LAURÉOTE Xavier, « Le procès équitable devant le juge administratif français », in Procès
équitable et enchevêtrement des espaces normatifs : Travaux de l'atelier de droit international
de l'UMR de Droit comparé de Paris, Hélène RUIZ FABRI (dir.), Société de législation
comparée, 1 er mai 2003, p. 89, et plus précisément, p. 91 et p. 92.

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CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014

Quant à l’applicabilité de l’article 6 C.E.D.H., le raisonnement suivi par le


juge administratif se distingue nettement de celui mis en œuvre par le juge européen.
Comme il a été démontré précédemment, le premier fait dépendre le caractère opérant
de cette stipulation à la réunion de deux conditions, l’une organique et l’autre
matérielle. Au contraire, le second admet, en principe, l’invocabilité de l’article 6
C.E.D.H. à l’encontre de n’importe quel organisme dès lors que celui-ci peut être
regardé comme tranchant « une accusation en matière pénale » ou « une contestation
sur des droits et obligations de caractère civil », au sens de la Convention. Ainsi, les
jurisprudences administrative et strasbourgeoise procèdent de deux lectures
différentes des conditions d’applicabilité du droit au procès équitable, l’une
prioritairement organique, l’autre exclusivement matérielle.

En revanche, il est vrai que les jurisprudences administrative et


strasbourgeoise quant à l’application des garanties du procès équitable se rejoignent
de plus en plus. Il faut aborder cette question, même si nous l’examinerons
ultérieurement et de manière plus approfondie.

Ce rapprochement inattendu est, en réalité, le résultat d’assouplissements


apportés tant par la Cour de Strasbourg que par le Conseil d’État à leur jurisprudence
respective sur l'article 6 C.E.D.H.

En premier lieu, il importe de rappeler que le juge européen des droits de


l’homme n’a pas hésité, au stade de l’application des garanties du procès équitable, à
nuancer considérablement les conséquences résultant de sa lecture matérielle de
l’article 6 C.E.D.H. Depuis son arrêt « Le Compte, Van Leuven et De Meyere
c/ Belgique » du 23 juin 1981, la Cour de Strasbourg juge, en effet, que les instances
se déroulant devant des organes qui ne sont pas intégrés aux structures (...)
[juridictionnelles] ordinaires » 490 mais, qui satisfont au critère matériel
d’applicabilité de l’article 6 C.E.D.H., peuvent, sous certaines conditions, être
dispensées du respect des garanties du procès équitable. Il en résulte que la
reconnaissance de l’applicabilité de l’article 6 C.E.D.H. à une autorité administrative

490
CEDH, 23 juin 1981, n os 6878/75 ; 7238/75, Le Compte, Van Leuven et De Meyere c/ Belgique,
§ 51, G.A.C.E.D.H., 5 ème éd., 2009, p. 218 ; C.D.E., 1982, p. 201, COHEN-JONATHAN Gérard ;
J.D.I., 1982, p. 216, ROLLAND Patrice.

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CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014

statuant sur le bien-fondé d’une accusation en matière pénale ou d’une contestation


sur des droits et obligations de caractère civil n’implique pas, ipso facto, le respect
des exigences du procès équitable par celle-ci. Cette ligne jurisprudentielle, qui
autorise à écarter l’application des prescriptions de l’article 6 § 1 C.E.D.H. durant la
phase administrative, ou, en d’autres termes, à priver d’effet la reconnaissance de
l’applicabilité de l’article 6 C.E.D.H., aboutit finalement au même résultat que
l’affirmation par le juge administratif de l’inapplicabilité de principe de l’article 6
C.E.D.H. aux autorités administratives.

En second lieu, soulignons brièvement 491 que la haute juridiction


administrative a admis certaines exceptions quant au principe de l’inapplicabilité du
droit au procès équitable devant l’administration. En effet, le Conseil d’État a, contre
toute attente, reconnu, à partir de 1999, le caractère opérant du moyen tiré de la
violation de l’article 6 C.E.D.H. dirigé à l’encontre de certaines autorités
administratives 492. Là encore, cette position a contribué à relativiser la différence
d’approche entre les juges administratif et européen quant aux conditions
d’applicabilité de l’article 6 C.E.D.H.

Ainsi, à défaut de conformité, il existe, comme l’a si justement souligné le


professeur Bernard PACTEAU 493, une convergence des jurisprudences nationale et
européenne, mais « qui n’est jamais un alignement » et qu’on pourrait donc qualifier
de « raisonnée ».

Bien que l’opposition entre le Conseil d’État et la Cour de Strasbourg est donc
plus nuancée qu’il n’y paraît, elle n’en demeure pas moins réelle. La question qui se
pose est celle du bien-fondé de cette interprétation de l’article 6 § 1 C.E.D.H., suivie
isolément par le juge administratif, mêlant considérations matérielles et organiques.

491
Cet aspect fera l’objet de développements ultérieurs.
492
CE, Ass., 3 décembre 1999, n o 207434, Didier, Rec., p. 399 ; A.J.D.A., 2000, p. 130, obs.
GUYOMAR Mattias et COLLIN Patrick ; J.C.P., éd. gén., 2000, II, 10267, note SUDRE
Frédéric ; R.F.D.A., 2000, p. 584, conclusions Alain SEBBAN ; R.F.D.A., 2000, p. 1061, note
SERMET Laurent.
493
PACTEAU Bernard, « Le juge administratif français et l’interprétation européenne », in
L’interprétation de la Convention européenne des droits de l’homme. Actes du colloque des 13 et
14 mars 1998, SUDRE Frédéric (dir.), Bruylant, 1998, p. 258.

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CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014

B. La légitimité controversée d’une interprétation en contradiction avec la


conception européenne du droit au procès équitable

Si la lecture adoptée par le juge administratif de l’article 6 C.E.D.H. a retenu


l’attention de nombreux auteurs partagés entre louanges et critiques (1),
paradoxalement, les raisons justifiant l’atteinte portée par le Conseil d’État à l’unité
d’interprétation et d’application de la Convention ont plus rarement été analysées (2).

1. Les controverses soulevées par une telle interprétation

En 1998, dans un article intitulé « Le juge administratif et l’interprétation


européenne », le professeur Bernard PACTEAU écrivait : « Depuis vingt-cinq ans,
force est de constater que les relations entre le juge administratif français et la Cour
ont semblé faites avant tout d’opposition, d’incompréhension, voire de compétition et
de contradiction ».

Il est vrai que la définition singulière des conditions d’applicabilité du droit au


procès équitable proposée par le Conseil d’État a largement contribué à nourrir ce
sentiment d’« ignorance, de répugnance, d’irréductible volonté et pétition
d’indépendance » 494 du juge administratif à l’égard de l’interprétation
strasbourgeoise.

Cette impression est d’autant plus forte que certains auteurs 495 se sont attachés
à mettre en évidence l’autorité de chose interprétée des arrêts rendus par la Cour de

494
PACTEAU Bernard, « Le juge administratif français et l’interprétation européenne », in
L’interprétation de la Convention européenne des droits de l’homme. Actes du colloque des 13 et
14 mars 1998, SUDRE Frédéric (dir.), Bruylant, 1998, p. 261.
495
VAN DER MEERSCH Ganshof, « Aspects de la mise en œuvre d’une sauvegarde collective des
droits de l’homme en droit international. La Convention européenne des droits de l’homme », in
Mélanges Dehousse, Paris-Bruxelles, Nathan-Labor, 1979, p. 199 ; ANDRIANTSIMBAZOVINA
Joël, L'autorité des décisions de justice constitutionnelles et européennes sur le juge
administratif français, Paris, L.G.D.J., 1998, p. 987-989 ; GUINCHARD Serge,
DELICOSTOPOULOS Constantin-S, DOUCHY-OUDOT Mélina, FERRAND Frédérique, Droit
processuel : droit commun et droit comparé du procès équitable, Dalloz, 2007, p. 223, n o 128 ;
MARCUS-HELMONS Silvio, note sur Cour de cassation Belgique 21 janvier 1982, C.D.E.,
1983, p. 347 ; SUDRE Frédéric, « L’influence de la Convention européenne des droits de
l’homme sur l’ordre juridique interne », R.U.D.H., 1991, p. 259 ; DELICOSTOPOULOS Ionnis

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CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014

Strasbourg, et consécutivement l’obligation pour le juge français d’appliquer le texte


de la Convention à la lumière de la lecture européenne. Pour ce faire, deux raisons
ont généralement été invoquées : la compétence d’interprétation de la Convention
conférée par l’article 45 de celle-ci à la Cour de Strasbourg, d’une part, et la
reconnaissance du droit de recours individuel devant les organes de Strasbourg,
lequel est susceptible de conduire à une condamnation pécuniaire de l’État en cas
d’interprétation contraire à la jurisprudence européenne, d’autre part 496.

Bien que ces éléments puissent certainement rendre les juges internes plus
réceptifs à l’égard de la lecture européenne, ils ne nous semblent pas suffisants, d’un
strict point de vue juridique, à les contraindre dans leur interprétation. La thèse de
l’effet erga omnes de l’interprétation donnée par la Cour se heurte, en effet, à de
profondes objections déjà mises en exergue par les tenants 497 du pouvoir
d’interprétation souverain du juge administratif. Soulignons, sur ce point, que le juge
administratif reste maître de son interprétation dès lors qu’il n’existe pas, dans le
système de la Convention européenne des droits de l’homme, de mécanisme de renvoi
préjudiciel en interprétation. En outre, la Cour de Strasbourg, n’est pas le juge ultime
d’appel ou de cassation des arrêts des juges nationaux et donc ne peut pas être
considérée comme leur juge supérieur ou suprême.

Ces deux arguments ont été largement repris par les hauts magistrats de l’ordre
administratif qui ne s’estiment nullement liés par les solutions européennes 498.

S., Un pouvoir de « pleine juridiction » pour la Cour européenne des droits de l’homme, Harvard
Jean Monnet Working Paper, série 8/1998, nos 9-10.
496
SUDRE Frédéric, « L’influence de la Convention européenne des droits de l’homme sur l’ordre
juridique interne », R.U.D.H., 1991, p. 264.
497
DUMON Frédéric, concl. sur Cass., 21 janvier 1982, Journ. Trib., 1982, p. 438-446 ; CHAPUS
René, Droit du contentieux administratif, Montchrestien, 7 ème éd., 1997, n os 145 et suivants ;
RIGAUX François, « L’interprétation judiciaire d’une norme empruntée à un autre ordre
juridique. À propos des arrêts du 21 janvier 1982 », Liber Amicorum Frédéric Dumon, Anvers,
1983, p. 1211 ; PACTEAU Bernard, « Le juge administratif français et l’interprétation
européenne », p. 262 et suivantes, in L’interprétation de la Convention européenne des droits de
l’homme. Actes du colloque des 13 et 14 mars 1998, SUDRE Frédéric (dir.), Bruylant, 1998.
498
LABETOULLE Daniel, concl., sur CE, 27 octobre 1978, Debout, Rec., p. 395 ; GENEVOIS
Bruno, concl. sur CE, Ass., 11 juillet 1984, n o 41744, Subrini, Rec., p. 259 ; ARRIGHI DE
CASANOVA Jacques, concl. sur CE, Avis, Sect., 31 mars 1995, n o 164008, Ministre du Budget
c/ Méric ; BACHELIER Gilles, concl. sur CE, 24 novembre 1997, Ministre de l’Économie et des
Finances, Droit fiscal, 1998, n o 8, p. 277-280.

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CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014

Manifestations de cette autonomie, les arrêts relatifs à l’article 6 C.E.D.H. ne


contiennent jamais de « référence, renvoi ou même visa » 499 au corpus prétorien
strasbourgeois. Relevant l’absence de mécanisme préjudiciel devant la Cour de
Strasbourg, les hauts magistrats arguent que les décisions de cette dernière, à la
différence de celles rendues par les juges de Luxembourg, ne sont en rien revêtues de
l’autorité de la chose interprétée. Selon eux, cette théorie se heurte au principe de
l’effet relatif de l’interprétation d’une norme par une juridiction 500 consacré tant en
droit interne 501 que dans l’ordre juridique international 502. De surcroît, ils soulignent
qu’aucune stipulation conventionnelle ne déroge à cette règle, y compris
l’article 32 503, qui consacre pourtant la compétence de la Cour européenne sur
l’ensemble des affaires concernant l’interprétation et l’application du traité qui lui
sont soumises par les parties contractantes ou la Commission. À cet égard, ils font
observer que la mission de la Cour se limite, en vertu de l’article 41 504, à dire « s’il y
a eu violation de la Convention ou de ses Protocoles », et dans l’affirmative, à
accorder, « s’il y a lieu, à la partie lésée une satisfaction équitable ». Par ailleurs, ils

499
PACTEAU Bernard, « Le juge administratif français et l’interprétation européenne », in
L’interprétation de la Convention européenne des droits de l’homme. Actes du colloque des 13 et
14 mars 1998, SUDRE Frédéric (dir.), Bruylant, 1998, p. 259 ; VELU Jacques, « A propos de
l’autorité jurisprudentielle des arrêts de la cour européenne des droits de l’homme : vues de droit
comparé sur des évolutions en cours », Nouveaux itinéraires en droit. Hommage à François
Rigaux, Bruylant, 1993, p. 527 à p. 562.
500
GENEVOIS Bruno, concl. sur CE, Ass., 11 juillet 1984, n o 41744, Subrini.
501
Article 5 du Code civil : Il est défendu aux juges de prononcer par voie de disposition générale et
réglementaire sur les causes qui leur sont soumises.
502
Cour permanente de justice internationale, affaire des minorités allemandes en Haute Silésie -
série A/B n o 40 p. 19 et article 63 du statut de la Cour internationale de justice : « 1. Lorsqu'il
s'agit de l'interprétation d'une convention à laquelle ont participé d'autres États que les parties
en litige, le Greffier les avertit sans délai. 2. Chacun d'eux a le droit d'intervenir au procès et,
s'il exerce cette faculté, l'interprétation contenue dans la sentence est également obligatoire à
son égard. »
503
Article 32 : « 1. La compétence de la Cour s'étend à toutes les questions concernant
l'interprétation et l'application de la Convention et de ses Protocoles qui lui seront soumises dans
les conditions prévues par les articles 33, 34, 46 et 47. 2. En cas de contestation sur le point de
savoir si la Cour est compétente, la Cour décide. »
504
Article 41 : « Si la Cour déclare qu'il y a eu violation de la Convention ou de ses Protocoles, et si
le droit interne de la Haute Partie contractante ne permet d'effacer qu'imparfaitement les
conséquences de cette violation, la Cour accorde à la partie lésée, s'il y a lieu, une satisfaction
équitable. »

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CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014

mettent en exergue l’article 46 505 de la Convention, qui pose l’obligation pour les
Hautes Parties contractantes de se conformer aux décisions de la Cour, mais
uniquement, « dans les litiges auxquels elles sont parties ». Enfin, ils constatent que
les juridictions nationales qui ont eu à se prononcer, ont tranché implicitement ou
expressément dans le sens de l’effet relatif des arrêts de la Cour de Strasbourg 506. Le
Conseil d’État n’apporte ainsi aucun crédit significatif à la théorie de l’autorité de la
chose interprétée par la Cour. Dès lors, on saisit mieux comment le juge administratif
s’autorise à se détacher de la lecture européenne.

En revanche, le rejet de la thèse de l’effet erga omnes de l’interprétation


européenne ne permet pas de comprendre la réticence du juge administratif à l’égard
de la lecture matérielle de l’article 6 C.E.D.H. En effet, l’absence d’autorité de la
chose interprétée par la Cour de Strasbourg n’a pas empêché la Cour de cassation 507
de se mettre au diapason de la définition européenne matérielle des conditions
d’applicabilité de l’article 6 C.E.D.H., à tel point d’ailleurs que le juge judiciaire a pu
être présenté comme « un juge qui va au bout de l’autorité de la convention » 508.

505
Article 46 : « 1. Les Hautes Parties contractantes s'engagent à se conformer aux arrêts
définitifs de la Cour dans les litiges auxquels elles sont parties. 2. L'arrêt définitif de la Cour
est transmis au Comité des Ministres qui en surveille l'exécution. 3. Lorsque le Comité des
Ministres estime que la surveillance de l’exécution d’un arrêt définitif est entravée par une
difficulté d’interprétation de cet arrêt, il peut saisir la Cour afin qu’elle se prononce sur cette
question d’interprétation. La décision de saisir la Cour est prise par un vote à la majorité des
deux tiers des représentants ayant le droit de siéger au Comité. 4. Lorsque le Comité des
Ministres estime qu’une Haute Partie contractante refuse de se conformer à un arrêt définitif
dans un litige auquel elle est partie, il peut, après avoir mis en demeure cette partie et par
décision prise par un vote à la majorité des deux tiers des représentants ayant le droit de siéger
au Comité, saisir la Cour de la question du respect par cette partie de son obligation au regard
du paragraphe 1. 5. Si la Cour constate une violation du paragraphe 1, elle renvoie l’affaire au
Comité des Ministres afin qu’il examine les mesures à prendre. Si la Cour constate qu’il n’y a
pas eu violation du paragraphe 1, elle renvoie l’affaire au Comité des Ministres, qui décide de
clore son examen ».
506
Cour de Cassation de Belgique, 21 janvier 1982, C.D.E., 1983, p. 347 ; Cour Suprême
d’Autriche, 17 février 1982, J. Dr. Int., 1983, p. 619.
507
Cass. Crim., 3 février 1993, n o 92-83443, Kemmache, Bull. Crim., n o 57, p. 132 ; Cass. Crim.,
4 mai 1994, n o 93-84547, Saïdi, Bull. Crim., n o 166, p. 381 ; J.C.P., 1994, II, 22349, note
CHAMBON Pierre ; D., 1995, J., p. 80 et suivantes, note RENUCCI Jean-François.
508
GUINCHARD Serge, « Application de la CEDH par le juge judiciaire », Rapport au colloque
organisé par l’Université Panthéon-Assas, Paris II et l’Institut Alain Poher au Sénat, à l’occasion
du XXV ème anniversaire de la ratification, par la France, de la Convention européenne des droits
de l’homme, publié à la Revue Europe, n o hors-série, octobre 1999, p. 15.

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CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014

2. Les raisons justifiant une telle interprétation

Pourquoi, le juge administratif a-t-il décidé de se démarquer de la Cour


européenne dans la définition des conditions d’applicabilité du droit au procès
équitable ? C’est une question sur laquelle peu de juristes se sont penchés.

La littérature en cette matière se borne à souligner soit l’antinomie entre la


lecture du juge administratif et celle du juge strasbourgeois 509, soit à évoquer la
différence culturelle entre les deux hautes juridictions françaises à l’égard du droit
international 510.

Selon les rares auteurs qui ont approfondi la question, il ne s’agit là que d’une
position symbolique destinée à préserver l’autonomie de la juridiction
administrative 511, son indépendance juridictionnelle, « face à une juridiction
européenne qui se livre à une interprétation des traités parfois exagérément
créatrice. » 512

De manière plus détaillée, le professeur Etienne Picard a fait valoir que ce


détachement masque, en définitive, « une réticence fondamentale, à admettre qu’une
instance juridictionnelle en quelque sorte désincarnée historiquement, socialement et
politiquement, en ce qu’elle se trouve dégagée de toute implication et de toute
responsabilité réelles quant à l’harmonie d’une société et quant à l’accomplissement
de ses politiques, […] puisse lui dicter la conduite à tenir dans l’ordre des droits

509
MILANO Laure, « Le contentieux de la régulation administrative », in L’extension des garanties
du procès équitable hors les juridictions ordinaires : les contraintes européennes, Institut de
droit européen des droits de l’homme, Avril 2002, SUDRE Frédéric (dir.), p. 74 à p. 78 ;
GUINCHARD Serge, DELICOSTOPOULOS Constantin-S, DOUCHY-OUDOT Mélina,
FERRAND Frédérique, Droit processuel : Droit commun et droit comparé du procès équitable,
Dalloz, 2007, p. 229, n o 131.
510
FLAUSS Jean-François, « Dualité des ordres de juridiction et CEDH », in Mélange en l’honneur
de Jean Waline, p. 538 ; ZAVOLI Philippe, « L’emprise de la Convention européenne des droits
de l’homme sur les autorités de régulation ou le jeu des apparences », J.C.P. Cahiers de Droit de
l’entreprise, no 2, 2004, p. 6 et plus précisément, p. 9.
511
SCHOETTL Jean-Éric et HUBAC Sylvie, « La publicité des débats devant les juridictions
disciplinaires », A.J.D.A., 20 octobre 1984, p. 539, plus précisément p. 543 ; PACTEAU Bernard,
« Le juge administratif français et l’interprétation européenne », in L’interprétation de la
Convention européenne des droits de l’homme. Actes du colloque des 13 et 14 mars 1998,
SUDRE Frédéric (dir.), Bruylant, 1998, p. 258 ; ANDRIANTSIMBAZOVINA Joël, R.F.D.A.,
septembre - octobre. 1998, p. 978.
512
SCHOETTL Jean-Éric et HUBAC Sylvie, « La publicité des débats devant les juridictions
disciplinaires », A.J.D.A., 20 octobre 1984, p. 539, plus précisément p. 543.

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CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014

fondamentaux, où les juges nationaux ont, eux acquis des titres historiques en
rendant concrètement cette justice, au quotidien depuis deux siècles » 513.

Plus précisément, il nous semble que cette réserve à l’égard du modèle


européen du droit au procès équitable manifeste une certaine appréhension du juge
administratif : celle de se voir dépouiller de son rôle dans le domaine de la protection
des droits fondamentaux des administrés. Or, il importe de rappeler que la juridiction
administrative a su légitimer son existence 514 notamment en parvenant à trouver un
équilibre entre, d’une part, les libertés individuelles et, d’autre part, les prérogatives
de puissance publique destinées à assurer l’effectivité de l’intérêt général, et ce
malgré l’ombre portée en ce domaine par le juge judiciaire, gardien naturel des
libertés individuelles 515. Comme l’a magistralement mis en exergue le professeur
Etienne PICARD 516, « depuis près de deux siècles qu’il existe, et plus encore depuis
le rétablissement de la République, le Conseil d’État a lui aussi beaucoup inventé en
matière processuelle. Et il faut lui rendre cette justice que, même s’il n’a pas atteint
la perfection, c’est à lui que revient le mérite d’avoir tout mis en place pour contenir
l’Administration dans le respect du droit, sans cependant la priver de ses
prérogatives, nécessaires au demeurant au régime de droit lui-même… c’est lui qui
peu à peu l’a assujettie au principe de la légalité. C’est bien à lui que l’on doit ce
miracle du droit administratif salué par P. Weil. Et le modèle même qu’il a forgé
pour le contrôle de l’Administration, ou certains de ses fleurons, comme le recours

513
PICARD Etienne, « La juridiction administrative et les exigences du Procès équitable », in Le
droit français et la Convention européenne des droits de l'homme 1974-1992. Actes du colloque
de Montpellier, février 1993, Strasbourg, éd. N.P. Engel, 1994, p. 217.
514
Voir, par exemple, l’intervention de M. Jean-Marc SAUVE prononcée dans le cadre de la
Conférence nationale des présidents des juridictions administratives, à Bordeaux le vendredi
10 septembre 2010, sur La justice administrative à l’aube de la décennie 2010 : quels enjeux ?
Quels défis ?
515
SUDRE Frédéric, « L’influence de la Convention européenne des droits de l’homme sur l’ordre
juridique interne », R.U.D.H., 1991, p. 259, plus précisément p. 262.
516
PICARD Etienne, « La juridiction administrative et les exigences du Procès équitable », in Le
droit français et la Convention européenne des droits de l'homme 1974-1992. Actes du colloque
de Montpellier, février 1993, Strasbourg, éd. N.P. Engel, 1994, p. 217, plus précisément p. 221 à
p. 222 ; voir également en ce sens, PACTEAU Bernard, « Le juge administratif français et
l’interprétation européenne », in L’interprétation de la Convention européenne des droits de
l’homme. Actes du colloque des 13 et 14 mars 1998, SUDRE Frédéric (dir.), Bruylant, 1998,
p. 258.

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CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014

pour excès de pouvoir, en ont fait sa gloire en Europe et dans une partie du monde.
Ainsi, la Haute assemblée a été non pas, certes, la mère de l’État de droit, mais, si
l’on ose dire, sa jeune nourrice, attentionnée et toujours vigilante, qui a atteint en
même temps que lui une certaine maturité et qui l’a conduit jusqu’à ce que le Conseil
constitutionnel prenne le relais pour l’amener à un perfectionnement dont elle savait,
non sans amertume, qu’elle n’était pas en mesure de lui procurer. » Par suite, la
lecture particulièrement généreuse proposée par la Cour de Strasbourg des conditions
d’applicabilité de l’article 6 C.E.D.H., a pu faire craindre à la haute juridiction
administrative, « soucieuse de ménager son propre rôle historique de maître d’œuvre
du droit public en France » 517, une dévalorisation de son action jurisprudentielle en
matière de protection des droits des administrés et consécutivement de sa
prééminence d’antan.

Au-delà de cette première explication, qui pourrait s’analyser au demeurant


comme une simple manifestation « d’orgueil ou d’amour-propre institutionnel » 518, le
refus du juge administratif de se conformer aux analyses et conceptions de la Cour de
Strasbourg peut également se justifier, sur le fond, par le risque de dénaturation du
droit administratif. Effectivement, n’oublions pas que ce dernier et le droit de la
Convention européenne des droits de l’homme obéissent à deux logiques différentes :
« ici une exigence d’efficacité de l’action administrative au nom de l’intérêt général,
interdisant que le fonctionnement de l’administration ne soit paralysé ; là, le souci
d’assurer l’effectivité de la garantie des droits individuels dans les relations
« administrés – administration » 519. Or, l’article 6 C.E.D.H. peut apparaître comme

517
PACTEAU Bernard, « Le juge administratif français et l’interprétation européenne », in
L’interprétation de la Convention européenne des droits de l’homme. Actes du colloque des 13 et
14 mars 1998, SUDRE Frédéric (dir.), Bruylant, 1998, p. 258.
518
PICARD Etienne, « La juridiction administrative et les exigences du Procès équitable », in Le
droit français et la Convention européenne des droits de l'homme 1974-1992. Actes du colloque
de Montpellier, février 1993, Strasbourg, éd. N.P. Engel, 1994, p. 217, plus précisément p. 227.
519
Voir en ce sens : SAUVE Jean-Marc, « Le Conseil d’État et l’application de la Convention
européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales », intervention
prononcée à l’occasion du Colloque organisé au Sénat le 9 avril 2010 sur Les 60 ans de la
Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;
SUDRE Frédéric, « L’influence de la Convention européenne des droits de l’homme sur l’ordre
juridique interne », R.U.D.H., 1991, numéro spécial sur « Le juge administratif français et la
CEDH », p. 266.

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CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014

une source de complications procédurales et, consécutivement, comme un facteur de


ralentissement de la prise de décision. En ce sens, le conseiller d’État Jean-Claude
BONICHOT affirmait, au cours d’un entretien publié aux Petites affiches, qu’« il faut
se garder de juridictionnaliser à l'excès l'action administrative. (…) Nous devons
éviter d'aller dans le sens d'une «juridictionnalisation rampante » de
l'administration. Ce serait illusoire et dangereux. » 520. Ceci explique que la haute
juridiction administrative conçoive l’article 6 C.E.D.H. comme déterminant « les
règles du « procès équitable », et non les règles de fonctionnement de
l’administration publique » 521. C’est encore ce que rappelait en 2005 le commissaire
du gouvernement Isabelle De Silva en affirmant que « l’article 6 n’a pas en principe
vocation à réguler l’activité administrative » 522.

Telles nous paraissent être les principales considérations incitant le juge


administratif à faire preuve de prudence à l’égard de l’approche strasbourgeoise des
conditions d’applicabilité du droit au procès équitable.

Le critère organique est donc au cœur de la conception administrative du droit


au procès équitable, et ce, même s’il aboutit inéluctablement à limiter la portée
protectrice de l’article 6 C.E.D.H. Mais, il ne suffit pas, à lui seul, à déclencher
l’applicabilité du droit au procès équitable devant le juge administratif. En effet, le
caractère opérant de ce moyen tient également à une autre condition relative à la
nature du contentieux en cause.

520
BONICHOT Jean-Claude, « Interview : l'application de l'article 6 § 1 de la C.E.D.H. aux autorités de
régulation : la position du Conseil d'État », L.P.A., no 11, janvier 1999, p. 10.
521
BONICHOT Jean-Claude, « Interview : l'application de l'article 6 § 1 de la C.E.D.H. aux autorités de
régulation : la position du Conseil d'État », L.P.A., no 11, janvier 1999, p. 10 ; Voir également :
BRISSON Jean-François, « Les pouvoirs de sanction des autorités de régulation et l’article 6 § 1 de la
Convention européenne des droits de l’homme », A.J.D.A., 20 novembre 1999, p. 847 et plus
précisément, p. 853.
522
DE SILVA Isabelle, conclusions sur CE, 7 décembre 2005, n os 270424, 270425, 270426, 270427,
270428, 270429, Société RYAN AIR, Rec., p. 554.

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CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014

II. Une applicabilité appréciée subsidiairement au regard de la nature du


contentieux en cause

S’il a toujours existé un point d’accord entre les jurisprudences administrative


et européenne sur la nécessité du critère matériel pour déclencher l’applicabilité du
droit au procès équitable (A), la signification des notions de « contestation sur des
droits et obligations de caractère civil » et d’« accusation en matière pénale » de
l’article 6 § 1 C.E.D.H. ont, longtemps, opposé le Conseil d’État à son homologue
européen (B).

A. Une lecture matérielle du champ d’application du droit au procès équitable


en accord avec la jurisprudence européenne

Pour définir les conditions d’applicabilité du droit au procès équitable, la haute


juridiction administrative a décidé, on le sait, de s’en tenir à la lettre même de l’article
6 § 1 C.E.D.H.

En retenant une telle interprétation, le Conseil d’État a été conduit à subordonner


l’applicabilité de cette stipulation à une double condition. Outre l’établissement du critère
organique déjà étudié, il faut encore satisfaire à un critère matériel pour déclencher
l’applicabilité du droit au procès équitable. Plus précisément, le requérant doit établir que
le litige dont il saisit le juge porte sur une « accusation en matière pénale » ou sur des
« droits et obligations de caractère civil ». Sur ce dernier point, la jurisprudence
administrative ne souffre d’aucune hésitation.

Les premiers arrêts rendus par le Conseil d’État mettent clairement en exergue
l’exigence du critère matériel comme condition d’applicabilité du droit au procès équitable.
Ainsi, quatre ans après la ratification de la Convention européenne par la France, la
haute juridiction administrative a été invitée, pour la première fois, à se prononcer sur
l’applicabilité de l’article 6 § 1 C.E.D.H. à la procédure disciplinaire suivie par le Conseil
national de l’Ordre des médecins. Selon le requérant, la mesure litigieuse avait été prise en
méconnaissance de l’article 6 C.E.D.H., compte tenu de l’absence de publicité des
audiences devant cet organisme juridictionnel. Le Conseil d’État rejette cet argument dans

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CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014

la mesure où « les juridictions disciplinaires ne statuent pas en matière pénale et ne


tranchent pas des contestations sur des droits et obligations de caractère civil »523.
Il s’infère d’une lecture a contrario de l’arrêt, que le moyen tiré de la violation du
droit au procès équitable est opérant lorsqu’est en cause une accusation en matière pénale
ou une contestation sur des droits et obligations de caractère civil, devant un organe
juridictionnel.
C’est la même formulation qui sera reprise dans une série de décisions 524 portant
sur la commission juridictionnelle instituée par l’article L. 43 du code du service national.
Le Conseil d’État y juge que cet organisme « ne statue pas en matière pénale et ne tranche
pas de contestations sur des droits et obligations de caractère civil ». La haute juridiction
administrative en conclut que « les dispositions de l'article 6 de la convention ne lui sont
pas applicables. »

Cette approche matérialiste des conditions d’applicabilité de l’article 6 § 1


C.E.D.H. commune aux juridictions administrative et européenne a paradoxalement été,
pendant de nombreuses années, une source d’opposition majeure entre ces dernières. Dix-
huit ans se sont, en effet, écoulées avant que le Conseil d’État et la Cour de Strasbourg ne
s’entendent sur le sens à accorder aux notions d’« accusation en matière pénale » et de
« contestation sur des droits et obligations de caractère civil ».

B. Une intégration tardive de l’acception européenne des matières « civile » et


« pénale »

Le juge administratif a longtemps refusé de souscrire à la thèse de l’autonomie des


notions d’« accusation en matière pénale » et de « contestation sur des droits et obligations
de caractère civil » développées par les organes de Strasbourg. (1). Il faut attendre les
années 1990 pour que le Conseil d’État accepte finalement d’aligner sa jurisprudence sur
celle de la Cour européenne (2), en admettant que le champ d’application de l’article 6

523
CE, Sect., 27 octobre 1978, Debout, précité. Voir également : CE, 14 janvier 1980, Putot ; CE,
28 janvier 1981, Wetzel ; CE, 20 avril 1984, M. Pye André ; CE, Ass., 11 juillet 1984, no 41744,
Subrini, précité.
524
CE, 21 mars 1980, M. Pebre ; CE, 28 mars 1980, M. Glodt ; CE, 25 avril 1980, M. Deselle.

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CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014

C.E.D.H. ne se limite pas aux seuls litiges susceptibles d’être tranchés par les juridictions
civiles ou pénales.

1. Le rejet initial de l’acception européenne des matières « civile » et


« pénale »

Il est vrai que la rédaction de l’arrêt « Debout » précité ne manifeste pas avec
évidence l’opposition entre le Conseil d’État et la Cour de Strasbourg sur le contenu
des notions de « contestation sur des droits et obligations de caractère civil » et
d’« accusation en matière pénale ».

Quant aux conclusions du commissaire du gouvernement de l’époque, elles


semblent même témoigner, de prime abord, d’une reconnaissance de l’autonomie des
matières « civile » et « pénale ». Ainsi, après avoir mis en exergue l’interprétation
extensive de l’article 6 C.E.D.H. développée par la Cour de Strasbourg, M. Daniel
LABETOULLE relève l’autonomie reconnue en droit européen aux notions de
« contestation sur des droits et obligations de caractère civil » et d’« accusation en
matière pénale ». Il en infère la contrariété du raisonnement qui consisterait à écarter
l’applicabilité de l’article 6 C.E.D.H., en indiquant que « le Conseil national de
l’Ordre des médecins n’est ni une juridiction civile, ni une juridiction pénale ». Il
conclut cependant au rejet de l’applicabilité de l’article 6 C.E.D.H. tant sous son
volet « pénal » que « civil ». À l’aune des critères « Engel » 525, il affirme que les
juridictions disciplinaires à caractère professionnel ne statuent pas, au sens de la
Convention, en matière pénale, dès lors qu’elles ne peuvent pas prononcer de
« privations de liberté ». Se fondant sur la décision européenne « Ringeisen » 526, il
rappelle que peuvent être assimilés à des contestations sur des droits et obligations de
caractère civil, les litiges individuels concernant le droit de propriété, les contrats
administratifs, la responsabilité de la puissance publique. En revanche, les mesures
disciplinaires, qui ne valent que pour une profession ou une institution, lui paraissent
échapper de ce fait à l’emprise de l’article 6 § 1 C.E.D.H. Et il est vrai qu’en 1978, la

525
CEDH, 8 juin 1976, n os 5100/71, 5101/71, 5102/71, 5354/72, 5370/72, Engel et autres c/ Pays-
Bas, précité.
526
CEDH, 16 juillet 1971, n o 2614/65, Ringeisen c/ Autriche, précité.

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CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014

Cour de Strasbourg ne s’était pas encore prononcée sur le caractère civil de certaines
mesures disciplinaires.

Mais l’attitude du juge administratif face à l’évolution ultérieure de la


jurisprudence de la Cour a rapidement démontré son détachement à l’égard de la
signification européenne des matières civile et pénale.

En 1981, la Cour de Strasbourg érige le droit de continuer à exercer des


activités professionnelles en droit civil. Ainsi, après avoir affirmé que « Les
poursuites disciplinaires ne relèvent pas, comme telles, de la matière pénale », et
« ne constituent pas d’ordinaire une contestation sur des droits et obligations de
caractère civil », elle reconnaît l’applicabilité de l’article 6 C.E.D.H. à l’encontre
d’une décision de l’Ordre des médecins belge suspendant pour une durée de trois
mois le droit d’exercer l’art médical 527. La Cour de cassation a également admis
explicitement à plusieurs reprises, l’applicabilité de cette stipulation à la procédure
disciplinaire des avocats 528.

Par conséquent, le Conseil d’État ne pouvait plus juger, sauf à manifester son
indifférence à l’égard des solutions européennes relatives à l’autonomie des matières
civile et pénale, que les mesures disciplinaires, portant sur le droit d’exercer une
profession, n’impliquent pas l’applicabilité de l’article 6 C.E.D.H., sous l’angle civil.
Pourtant, les arrêts « M. Pye » 529 et « M. Subrini » 530, rendus respectivement le 20
avril et le 11 juillet 1984, et relatifs à une radiation du tableau ainsi qu’à une peine de
suspension de trois mois prises par le Conseil national de l’Ordre des médecins,
reprennent à l’identique la motivation utilisée dans la décision « Debout » et écartent
l’applicabilité de l’article 6 C.E.D.H.

527
CEDH, 23 juin 1981 nos 6878/75 et 7238/75, Le Compte, Van Leuven et de Meyer c/ Belgique,
précité, § 42.
528
Cass. Civ. 1 ère, 10 janvier 1984, no 82-16968, Me Renneman, Bull. Civ., I, n o 8, p. 6 ; Cass. Civ.
1 ère, 22 janvier 1985, no 84-10160, M. W., Bull. Civ., I, no 29, p. 28 ; Cass. Civ. 1 ère, 10 mars
1987, n o 84-17458, M. Haoro, Bull. Civ., I, n o 87, p. 64 ; Cass. Civ. 1 ère , 12 juillet 1989, n° 88-
12067, M. X., Bull. Civ., I, n o 288, p. 191.
529
CE, 20 avril 1984, n o 44288, M. Pye, précité.
530
CE, Ass., 11 juillet 1984, n o 41744, n o 41744, M. Subrini, précité.

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CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014

Cette réticence manifeste des hauts magistrats quant à l’autonomie des notions
de matières « civile » et « pénale » ressort d’ailleurs clairement des conclusions
rendues par monsieur CHAHID-NOURAÏ sur l’arrêt Boisard du 28 septembre
1984 531. Se référant à l’arrêt « Subrini », il rappelle à la formation de jugement du
Conseil d’État : « vous avez jugé tout récemment que les termes utilisés par la
convention devaient être interprétés en cas de doute dans le sens qu’ils ont en France
et non dans un sens « autonome » comme l’estime la cour européenne des droits de
l’homme ».

C’est effectivement la position adoptée par la haute juridiction administrative,


qui lit, à l’époque, les notions de matière « pénale » et « civile » dans leurs acceptions
prévalant en droit interne 532.

La réserve émise par le Conseil d’État à l’égard de l’interprétation européenne


autonome des notions de contestation sur des droits et obligations de caractère civil et
d’accusation en matière pénale nous paraît dictée par l’extension du champ
d’application de l’article 6 § 1 C.E.D.H. à laquelle elle aboutit. En battant en brèche
la distinction traditionnelle entre le droit privé et le droit public et, en attirant,
consécutivement, une grande partie du droit administratif traditionnel, cette approche
ample des volets civil et pénal a pu faire craindre au juge administratif un
bouleversement du contentieux administratif.

Mais, dans les années 1990, cette préoccupation ne semble plus constituer un
obstacle dirimant. À cette époque, on constate, en effet, une volonté apparente du
Conseil d’État de manier son pouvoir autonome d’interprétation avec le souci, évoqué
par monsieur LABETOULLE, d’éviter, toute solution qui, d’une part, serait

531
CE, 28 septembre 1984, no 41335, Boisard, R.J.F., 11/1984, no 1367, p. 696.
532
Voir en ce sens, COHEN-JONATHAN Gérard, La Convention européenne des droits de
l’homme, Economica, 1989, p. 195 et p. 394 ; EISSEN Marc-André, Cour européenne des droits
de l’homme : jurisprudence relative à l’article 6 de la Convention, 1985 ; FLAUSS Jean-
François, « Le contentieux administratif français et l’article 6 (1) de la Convention européenne
des droits de l’homme. Perspectives ouvertes par l’arrêt H. c/ France du 24 octobre 1989 »,
L.P.A., 1989, n o 151, p. 10 et plus précisément, p. 13 ; WOEHRLING Jean-Marie, « Le juge
administratif français et les dispositions de la Convention européenne des droits de l’Homme
relatives aux accusations « en matière pénale », R.F.D.A., mai - juin 1994, p. 414 et suivantes.

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CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014

radicalement incompatible avec la jurisprudence de la Cour, et qui, d’autre part,


marquerait une rupture trop brutale avec le droit national antérieur 533. On assiste ainsi
à l’accueil des concepts européens d’ « accusation en matière pénale » et de
« contestation sur des droits et des obligations de caractère civil ».

2. Le ralliement ultérieur à l’acception européenne des matières


« civile » et « pénale »

L’avis « SARL Auto-Industrie Méric » 534, en identifiant les majorations


d’imposition prévues à l’article 1729-1 du code général des impôts, à des accusations
en matière pénale « au sens de », démontre que la haute juridiction administrative ne
s’attache plus à la qualification pénale de la matière au regard du droit interne,
comme ce fut le cas pendant un temps 535. Elle recherche désormais si les mesures
litigieuses revêtent « le caractère d’une punition visant à empêcher la réitération des
agissements » 536 incriminés, s’inspirant ainsi des décisions « Engel » et
« Bendenoun ».

Par leur décision d’Assemblée « Maubleu » 537 du 14 février 1996, qui admet
l’applicabilité de l’article 6 C.E.D.H. aux juridictions disciplinaires, les hauts
magistrats consacrent définitivement 538 la réception du concept européen de

533
Conclusions sur CE, Sect., 27 octobre 1978, Debout, précité.
534
CE, Avis, 31 mars 1995, précité.
535
CE, 2 juin 1989, n o 66604, de Saint Pern.
536
Même raisonnement s’agissant des amendes infligées par la Cour de discipline budgétaire
financière : CE, Sect., 30 octobre 1998, n o 203848, Lorenzi, Rec., p. 374 ; pour les amendes
infligées par la Cour des comptes : CE, 16 novembre 1998, n o 172820, SARL Deltana et
M. Perrin ; pour la contribution spéciale prévue par l’article L.341-7 du code du travail : CE,
Sect., 28 juillet 1999, n o 188.973, G.I.E. Mumm-Perrier-Jouët.
537
CE Ass., 14 février 1996, Maubleu, Rec., p. 34 ; R.F.D.A., 1996, p. 1186, concl.
SANSON Marc ; A.J.D.A., 1996, p. 403 et p. 358, chr. STAHL Jacques-Henri et CHAUVAUX
Didier ; J.C.P., 1996, éd. gén., II, 22669, note LASCOMBE Michel et VION Daniel ; A.J.D.A.,
1996, spéc., p. 378, FLAUSS Jean-François.
538
Confirmé par CE, 29 juillet 2002, n o 234591, M. Daniel B. : « les sanctions prononcées par la
chambre nationale de discipline des experts-comptables peuvent comporter l'interdiction
d'exercice de cette profession et sont susceptibles de porter ainsi atteinte à un droit de caractère
civil au sens des stipulations de l'article 6 § 1 de la convention précitée ; que, par suite, les
stipulations de cet article imposent le respect devant la chambre nationale de discipline des
experts-comptables du principe de publicité des décisions de justice ».

- 165 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014

« contestation sur des droits et des obligations à caractère civil » et acceptent ainsi de
mettre un terme à cette « tradition juridique hostile à la publicité des débats devant
les juridictions disciplinaires » 539.

Quelques années plus tard, le Conseil d’État reconnaît dans un arrêt « Mme
Lambert » 540 qu’une contestation relative au droit d'un militaire de percevoir un
élément de sa rémunération, dont les conditions d'attribution sont fondées sur des
critères objectifs, porte sur des droits et obligations de caractère civil au sens de la
Convention.

Ce revirement de jurisprudence a été fort bien relayé par la doctrine qui a mis
en exergue « l’importance du chemin parcouru entre le moment où le Conseil d’État
refusait totalement et inlassablement l’approche européenne de la notion de droits et
obligations de caractère civil en matière disciplinaire et celui où il juge, à l’instar de
la Cour européenne des droits de l’homme, que les décisions des instances
disciplinaires des ordres professionnels sont susceptibles de porter atteinte à
l’exercice de pratiquer les professions concernées » 541.

Ainsi, le Conseil d’État a rejoint la position de ses homologues européens et


judiciaires, lesquels l’avaient précédé sur ce terrain. L’article 6 C.E.D.H. a désormais
vocation à s’appliquer à l’ensemble des juridictions administratives statuant sur des
« accusations en matière pénale » ou tranchant des « contestations sur les droits et
obligations de caractère civil », notions entendues au sens de la jurisprudence
européenne 542.

539
HUBAC Sylvie et SCHOETTL Jean-Éric, chr. sur CE, Ass., 11 juillet 1984, Subrini, A.J.D.A.,
1984, p. 539 et suivantes et plus précisément, p. 543.
540
CE, Ass., 5 décembre 1997, n o 140032, Madame Lambert.
541
ANDRIANTSIMBAZOVINA Joël, « La fin d’une résistance du Conseil d’État de France à la
chose interprétée par la Cour européenne des droits de l’homme : l’application de l’article 6, 1°
de la convention européenne des droits de l’homme aux juridictions disciplinaires » , R.T.D.H.,
1998, n o 34, p. 365; Voir également : STIRN Bernard, « Le Conseil d’État et l’Europe »,
Mélanges en l'honneur de Guy Braibant, 1996, Paris, Dalloz, p. 668 et « Le droit à un procès
équitable », R.F.D.A., septembre – octobre 2000, p. 1062.
542
LAURÉOTE Xavier, « Le procès équitable devant le juge administratif », in Procès équitable et
enchevêtrement des espaces normatifs, Travaux de l'atelier de droit international de l'UMR de
droit comparé de Paris », RUIZ FABRI Hélène (dir.), 2003, p. 89, plus précisément p. 90 ;
GUYOMAR Mattias, « Le droit au juge indépendant et impartial en matière administrative. Le

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CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014

En réalité, une telle évolution était somme toute prévisible. Plusieurs éléments
pouvaient, en effet, laisser présager ce rapprochement.

Tout d’abord, les conclusions 543 du président LABETOULLE sur l’arrêt


« Debout » du 27 octobre 1978 témoignaient déjà de la volonté du juge administratif
d’intégrer la Convention à l’ordre juridique interne de manière graduelle, c’est-à-dire
pas à pas. Le commissaire du gouvernement de l’époque invitait ainsi la section du
contentieux du Conseil d’État, d’une part, à « éviter toute solution qui serait
radicalement incompatible avec la jurisprudence de la Cour » mais aussi, d’autre
part, à « éviter aussi toute solution qui sur un point marquerait une rupture avec le
droit national antérieur ». Comme l’avait très bien expliqué le conseiller d’État
Bruno GENEVOIS 544, en 1984, « Faute d’une telle soumission aux interprétations de
la Cour, risquent de se faire jour autant d’interprétations de la convention qu’il y a
de pays pour l’appliquer et de survenir ce paradoxe, que les États qui ont reconnu le
caractère universel de la sauvegarde des Droits de l’homme, ou pour reprendre les
termes d’un rapport de la commission européenne des droits de l’homme, qui ont
accepté, en adhérant à la convention que s’instaure « un ordre public européen » en
matière des Droits de l’homme, entendraient cette sauvegarde dans leur idiome
particulier.» Or, l’interprétation extensive donnée par le juge européen des volets
pénal et civil, qui avait suscité la réserve du Conseil d’État vis-à-vis de l’extension du
champ d’application de l’article 6 § 1 C.E.D.H. mais également les critiques des
juridictions nationales 545, ne s’est pas révélée si réformatrice qu’on ne pouvait le

principe vu par le Conseil d’État, in Variation autour d’un droit commun : travaux
préparatoires, DELMAS-MARTY Mireille, DIJON Xavier, FAUVARQUE-COSSON Bénédicte,
GREENSTEIN Rosalind, HALPERIN Jean-Louis, IZORCHE Marie-Laure, JAMIN Christophe,
PFERSMANN Otto, p. 67, plus précisément p. 68 ; BRISSON Jean-François, « Les pouvoirs de
sanction des autorités de régulation et l’article 6 § 1 de la Convention européenne des droits de
l’homme. À propos d’une divergence entre le Conseil d’État et la Cour de cassation », A.J.D.A.,
20 novembre 1999, p. 847 et, plus précisément, p. 850.
543
LABETOULLE Daniel, concl. sur CE, Sect., 27 octobre 1978, Debout, précitées.
544
GENEVOIS Bruno, concl. sur CE, Ass., 11 juillet 1984, n o 41744, Subrini, précitées.
545
Voir en ce sens ANDRIANTSIMBAZOVINA Joël, « La fin d’une résistance du Conseil d’État de
France à la chose interprétée par la Cour européenne des droits de l’homme : l’application de
l’article 6, 1° de la convention européenne des droits de l’homme aux juridictions
disciplinaires », R.T.D.H., 1998, n o 34, p. 365 et, plus précisément, p. 370 ; WOEHRLING Jean-
Marie, « Le juge administratif français et les dispositions de la Convention européenne des droits

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CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014

craindre. Le Conseil d’État s’est finalement rendu compte que « les garanties
attachées à l’article 6 n’étaient pas révolutionnaires, qu’elles ne bouleversaient pas
l’acquis jurisprudentiel et ne remettaient pas en cause la spécificité du procès
administratif » 546.

Ensuite, et selon l’avis unanime de la doctrine, l’impératif de discipline


juridictionnel a été renforcé par la mise en place du droit de recours individuel devant
la Cour européenne des droits de l'homme 547. Ce dispositif a permis d’encourager le
juge administratif à ne pas transformer son pouvoir autonome d’interprétation « en
machine de guerre » 548. Est-il nécessaire de rappeler que le maintien de
jurisprudences contraires aux interprétations européennes peut conduire à un cinglant
désaveu des juges français par la Cour européenne des droits de l’homme, voire à
l’engagement de la responsabilité de la France sur le fondement des stipulations de
l’article 50 de la convention.

Enfin, comme l’on fait observer à juste titre certains auteurs 549, il ne faut pas
négliger l’influence du « dialogue des juges » dans le renversement de la
jurisprudence administrative sur la notion d’« accusation en matière pénale ». Dès
1982, le Conseil constitutionnel a en effet énoncé 550que « les principes posés par
l’article 8 de la Déclaration des droits de l’Homme et du Citoyen en matière pénale

de l’Homme relatives aux accusations « en matière pénale », R.F.D.A., mai - juin 1994, p. 414, et
plus précisément, p. 419.
546
THOMASSET-PIERRE Sylvie, L’autorité de régulation boursière face aux garanties
processuelles fondamentales, L.G.D.J., 2001, p. 154 ; WOEHRLING Jean-Marie, « Le juge
administratif français et les dispositions de la Convention européenne des droits de l’Homme
relatives aux accusations « en matière pénale », R.F.D.A., mai - juin 1994, p. 414 et plus
précisément, p. 419.
547
SANSON Marc, concl. sur CE, 14 février 1996, n o 132369, Maubleu ; GENEVOIS Bruno, concl.
sur CE, Ass., 11 juillet 1984, Subrini, précité ; ANDRIANTSIMBAZOVINA Joël, « La fin d’une
résistance du Conseil d’État de France à la chose interprétée par la Cour européenne des droits de
l’homme : l’application de l’article 6, 1° de la convention européenne des droits de l’homme aux
juridictions disciplinaires », R.T.D.H., 1998, p. 377 et suivantes.
548
PACTEAU Bernard, « Le juge administratif français et l’interprétation européenne », in L’interprétation
de la Convention européenne des droits de l’homme. Actes du colloque des 13 et 14 mars 1998, SUDRE
Frédéric (dir.), Bruylant, 1998, p. 258.
549
SERMET Laurent, « Bilan de la jurisprudence du Conseil d’État sur l’application de l’article 6
de la Convention européenne des droits de l’homme », R.F.D.A., septembre - octobre 1997,
p. 1013.
550
Décision no 82-155 DC du 30 décembre 1982.

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CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014

ne concernent pas seulement les peines appliquées par les juridictions répressives,
mais s'étendent nécessairement à toute sanction ayant le caractère d'une punition,
même si le législateur a cru devoir laisser le soin de la prononcer à une autorité de
nature non judiciaire, sous réserve, en matière fiscale, des majorations de droits et
intérêts de retard ayant le caractère d'une réparation pécuniaire ». Dans une
décision du 29 décembre 1989, ils retiennent l’inconstitutionnalité d’une amende
fiscale encourue en cas de divulgation du montant du revenu d’une personne, dont le
mode de recouvrement n'astreint nullement au respect des droits de la défense 551.
La même solution 552 prévaut s’agissant de la création d’une taxe additionnelle sur les
tickets du pari-mutuel. Le 24 février 1994 553, la Cour de Strasbourg consacre
l’applicabilité de l’article 6 C.E.D.H. à une majoration d’impôt présentant un
caractère punitif, en la différenciant de pénalités visant la réparation pécuniaire d’un
préjudice.

Confronté à la convergence des jurisprudences constitutionnelle 554, judiciaire


et européenne sur l’unification du concept de matière répressive, il était difficile au
Conseil d’État, dans ces conditions, de camper sur ses positions et de rester en marge
de ce mouvement de renforcement de la protection des droits fondamentaux.

Au fil des années, les relations entre le juge administratif français et la Cour de
Strasbourg se sont nettement apaisées. Cette évolution a d’ailleurs retenu l’attention
de l’ensemble des observateurs de la jurisprudence administrative. Tous ont ainsi pu
noter qu’« une paix qui est aussi un dialogue des juges nationaux et européens » s’est

551
Décision no 89-268 DC du 29 décembre 1989, R.J.F., 2/90, n o 195.
552
Décision no 90-285 DC du 28 décembre 1990, Recueil Conseil constitutionnel, p. 95.
553
CEDH, 24 février 1994, no 12547/86, Bendenoun c/ France, précité ; CEDH, 3 juin 2003,
n o 54559/00, Morel c/ France, R.J.F., 11/03, no 1337 ; CEDH, 23 novembre 2006, n o 73053/01,
Jussila c/ France, J.D.I., 2007, p. 709, obs. TOUZE Sébastien ; J.C.P., 2007, I, 106, nº 4,
obs. SUDRE Frédéric ; R.T.D.H., 2008, p. 239, obs. COSTEA Ioana.
554
Dès 1982, le Conseil constitutionnel applique les principes de l’article 8 de la D.D.H.C. à toute
sanction ayant le caractère d’une punition : Décision n o 82-155 DC du 30 décembre 1982, Rec.
p. 88. Or, les critères dégagés par le Conseil constitutionnel pour qualifier une mesure comme
ayant un caractère pénal rejoignent largement se consacrer par la Cour de Strasbourg. Sont pris
en compte, d’une part, l’objet et la gravité de la mesure, et, d’autre part, sa finalité punitive et
dissuasive.

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CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014

instaurée, faisant ainsi « échapper à l’option infernale entre souveraineté et


subordination » 555.

En 1997, le professeur Laurent SERMET, dressant un bilan de la jurisprudence


du Conseil d’État sur l’application de l’article 6 de la Convention européenne des
droits de l’homme, a souligné la mise en place d’« un dialogue fructueux entre juges
source d’une meilleure application du champ d’application de l’article 6 ». Quelques
années plus tard, en 2004, le même auteur affirme que « Le juge administratif
suprême est proche de l’acceptation pure et simple du concept d’autorité de la chose
interprétée » 556.

Et ces derniers constats ne concernent pas seulement la définition du critère


matériel d’applicabilité de l’article 6 C.E.D.H. Ils valent également s’agissant du
champ d’application organique du droit au procès équitable, lequel a connu de
profondes évolutions.

555
PACTEAU Bernard, « Le juge administratif français et l’interprétation européenne », in L’interprétation
de la Convention européenne des droits de l’homme. Actes du colloque des 13 et 14 mars 1998, SUDRE
Frédéric (dir.), Bruylant, 1998, p. 258.
556
ANDRIANTSIMBAZOVINA Joël et SERMET Laurent, « Jurisprudence administrative et Convention
européenne des droits de l’homme », R.F.D.A., septembre - octobre 2004, p. 992.

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CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014

SECTION 2

L’applicabilité exceptionnelle de l’article 6 C.E.D.H. à certaines


catégories d’autorités administratives décidant en matière pénale et
civile au sens de la Convention

En 1998, le professeur Bernard PACTEAU écrivait : « les spectateurs (des


jurisprudences administrative et strasbourgeoise) ne sont plus à compter les points
comme dans un match, à signaler les divergences entre les juges, mais plutôt à
souligner leurs rapprochements » 557. Neuf ans plus tard, le conseiller d’État Jean-
Paul COSTA confirme cette évolution en affirmant que « le Conseil d’État a presque
complètement intégré la jurisprudence de la CEDH » 558.

Sans aller jusque-là, il faut reconnaître que le juge administratif français tient
de plus en plus compte de la jurisprudence européenne.

Ce constat trouve une manifestation éclatante s’agissant de l’applicabilité


organique du droit au procès équitable, qui a fait l’objet, ces dernières années, d’une
relecture par le juge administratif.

Aujourd’hui, si le principe reste celui de l’applicabilité du droit au procès


équitable aux juridictions, le Conseil d’État a introduit deux exceptions notables à sa
conception juridictionnelle du champ d’application organique de l’article 6 C.E.D.H.
Désormais, le droit au procès équitable peut être utilement invoqué à l’encontre d’une
autorité administrative indépendante se prononçant sur le bien-fondé d’ « accusation
en matière pénale » ou sur une « contestation sur des droits et des obligations de
caractère civil » (I). En outre, l’article 6 C.E.D.H. est également un moyen opérant
lorsqu’il est soulevé à l’encontre de l’administration fiscale établissant des pénalités
fiscales (II).

557
PACTEAU Bernard, « Le juge administratif français et l’interprétation européenne », in L’interprétation
de la Convention européenne des droits de l’homme. Actes du colloque des 13 et 14 mars 1998, SUDRE
Frédéric (dir.), Bruylant, 1998, p. 258.
558
COSTA Jean-Paul, « Interview », A.J.D.A., 2007, p. 60.

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CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014

I Une applicabilité étendue aux autorités administratives indépendantes


statuant en matière « pénale » ou « civile »

En 1999, le Conseil d’État adopte une nouvelle définition de la condition


organique d’applicabilité de l’article 6 C.E.D.H. (A). Mais loin d’effacer l’opposition
avec l’approche exclusivement matérielle de l’applicabilité du droit au procès
équitable prévalant devant la Cour de Strasbourg, cette nouvelle position a conforté
les controverses autour de la conception administrative du droit au procès équitable
(B).

A. Une nouvelle lecture de la condition d’applicabilité organique du droit au


procès équitable

Si l’année 1999 marque incontestablement de profonds bouleversements dans


la jurisprudence administrative sur l’applicabilité organique du droit au procès
équitable (1), le Conseil d’État a toutefois veillé à strictement cantonner la portée du
revirement qu’il a opéré et à l’inscrire dans une certaine continuité jurisprudentielle
(2).

1. Une évolution jurisprudentielle majeure

Ignorant les conclusions prononcées par son commissaire du gouvernement,


Alain SEBAN, la formation de jugement du Conseil d’État accepte, dans une décision
« G.I.E. Oddo-Futures » 559 du 4 avril 1999, de se prononcer sur le moyen tiré de la
violation du droit au procès équitable par la procédure de sanction suivie par le
Conseil du marché à terme.

De ce point de vue, cet arrêt marque une évolution considérable de la


jurisprudence administrative relative au droit au procès équitable, qui aurait dû laisser
pantois les lecteurs les plus assidus du droit administratif. Il faut, effectivement,
rappeler qu’un an plus tôt, l’article 6 C.E.D.H. avait été déclaré inapplicable aux

559
CE, 4 avril 1999, nos 182421 et 184097, G.I.E. Oddo Futures.

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CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014

décisions de sanction prises par cette même autorité administrative 560. Pour ce faire,
le Conseil d’État avait suivi la solution énoncée dans son célèbre avis du 31 mars
1995 « Ministre du Budget c/ SARL Auto-Industrie Méric » 561, selon lequel
« l’ensemble de ces stipulations n’est applicable qu’aux procédures contentieuses
suivies devant les juridictions lorsqu’elles statuent sur des droits et obligations de
caractère civil ou sur des accusations en matière pénale ».

Cette décision est, pourtant, restée inaperçue de la doctrine. Aucun


commentaire n’est intervenu pour mettre en exergue le revirement de jurisprudence
amorcée par la haute juridiction administrative quant à sa conception juridictionnelle
du champ d’application organique de l’article 6 C.E.D.H.

La brèche portée au principe de l’inapplicabilité du droit au procès équitable


aux autorités administratives est solennellement confirmée, quelques mois plus tard,
dans le célèbre arrêt « Jean-Louis Didier » du 3 décembre 1999 562. En l’espèce, était
en cause la décision par laquelle le Conseil des marchés financiers avait retiré à un
prestataire d’investissement sa carte professionnelle pour une durée de six mois et lui
avait infligé une amende de cinq millions de francs.

Appelé à se prononcer sur le moyen tiré de la violation de l’article 6 C.E.D.H.


par cet organisme, le Conseil d’État relève, d’abord, que « quand il est saisi
d’agissements pouvant donner lieu aux sanctions prévues par l’article 69 de la loi
susvisée du 2 juillet 1996, le Conseil des marchés financiers doit être regardé comme
décidant du bien-fondé d’accusations en matière pénale au sens des stipulations
précitées de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des
libertés fondamentales ». La haute juridiction administrative met ainsi en lumière la
satisfaction du critère matériel entendu dans son sens européen. Cette démarche

560
CE, 4 mai 1998, no 164294, Société de bourse Patrice Wargny.
561
CE, Avis, Sect., 31 mars 1995, no 164008, SARL Auto-Industrie Méric, Rec., p. 154 ; A.J.D.A., 1995,
p. 480 ; A.J.D.A., p. 739, note DREIFUSS Muriel ; R.F.D.A., 1995, p. 1172, chr. LABAYLE Henri et
SUDRE Frédéric ; R.J.F., 5/95, no 623, concl. ARRIGHI DE CASANOVA Jacques, p. 326.
562
CE, Ass., 3 décembre 1999, no 207434, Jean-Louis Didier, R.F.D.A., 2000, p. 584, concl. SEBAN
Alain ; D., 2000, p. 62, obs. BOIZARD M.; A.J.D.A., 2000, p. 126, chr. GUYOMAR Mattias et
COLLIN Pierre ; R.A., 2000, no 313, p. 42, BRIERE J.-M., « L'arrêt Didier du 3 décembre 1999 : La
guerre de tranchées » ; Bulletin Joly Bourse et produits financiers, 2000, no 1, p. 29-38, comm.
BIENVENU PERROT Annick ; L.P.A., 11 mai 2000, no 94, p. 3, comm. BONICHOT Jean-Claude.

- 173 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014

apparaît déjà inédite dans la jurisprudence administrative. En effet, jusqu’alors,


lorsqu’était en cause la procédure menée devant une autorité administrative au regard
de l’article 6 C.E.D.H., le Conseil d’État procédait en premier lieu à l’examen du
critère juridictionnel pour en déduire, consécutivement, l’inapplicabilité du droit au
procès équitable.

La haute juridiction administrative constate, ensuite, que le moyen tiré de la


méconnaissance de l’article 6 C.E.D.H. peut être utilement invoqué à l’appui d’un
recours formé, devant le Conseil d’État, contre une décision du Conseil des marchés
financiers, « et alors même que ce dernier siégeant en formation disciplinaire n’est
pas une juridiction au regard du droit interne, eu égard à la nature, à la composition
et aux attributions de cet organisme ». La rupture avec la jurisprudence antérieure,
qui liait indiscutablement l’applicabilité de l’article 6 C.E.D.H. à la qualité de
juridiction, est clairement consacrée : cette stipulation est désormais opposable à
certaines autorités administratives.

Un an plus tard, le Conseil d’État confirme, dans un arrêt « Société Crédit


Agricole Indosuez Cheuvreux » 563 relatif à une sanction infligée par le Conseil des
marchés financiers, cette nouvelle ligne jurisprudentielle recourant, pour ce faire, à
une rédaction identique à celle issue de sa décision du 3 décembre 1999.

Les commentaires doctrinaux sur ce revirement qualifié de « spectaculaire »564


sont alors nombreux. Les premières analyses insistent notamment sur les nouvelles
conditions d’applicabilité de l’article 6 § 1 C.E.D.H.

Plus précisément, certains auteurs estiment que par sa décision « Didier », la


haute juridiction administrative a entendu sonner le glas de l’approche organique des
conditions d’applicabilité du droit au procès équitable. Pour ces derniers, le Conseil
d’État se conformerait désormais à la lecture matérielle prévalant chez ses
homologues européen et judiciaire.

563
CE, 22 novembre 2000, no 207697, Société Crédit Agricole Indosuez Cheuvreux, Rec., p. 537.
564
SUDRE Frédéric, note, J.C.P., éd. gén., II, 10267, 2000, p. 509.

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CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014

Telle est la position du professeur Frédéric SUDRE selon lequel « le Conseil


d’État abandonne le critère organique de juridiction qu’il privilégiait jusqu’alors et
qui le conduisait à juger l’article 6 inapplicable à une décision n’émanant pas d’une
juridiction et, partant, aux autorités administratives prononçant des sanctions. »
Quelques lignes après, le professeur souligne l’adoption par le juge administratif
d’« une acception matérielle de la règle du procès équitable ».

C’est également l’avis du professeur SERMET 565. D’après lui, « l’arrêt Didier
revient ainsi sur la séparation classique entre activité administrative et activité
juridictionnelle car, en abandonnant le critère organique, le Conseil d’État ne se
contente pas de renouveler les conditions d’applicabilité de l’article 6 ; il entame un
processus de juridictionnalisation partielle de l’activité administrative, qui consiste à
vérifier que l’article 6 est respecté durant la phase administrative. »

Mais la jurisprudence ultérieure est rapidement venue contredire ces analyses.

Tel est l’enseignement qui résulte de l’arrêt « Caisse de Crédit mutuel de Bain-
Trèsboeuf » 566, rendu le même jour que la décision « Didier ». En l’espèce, alors que
l’article 6 C.E.D.H., invoqué à l’encontre de la C.N.I.L., était matériellement
inapplicable pour défaut tant de la matière « civile » que de la matière « pénale », le
Conseil d’État préfère recourir au critère organique afin de déclarer cette stipulation
inopérante. Les hauts magistrats relèvent, en ce sens, que « la décision attaquée
n'émane pas d'un tribunal au sens de l'article 6-1 de la convention européenne de
sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ».

Dans une décision « Société Athis » 567 du 22 juin 2001, relative à une mesure
de retrait d’agrément prononcée par la Commission des opérations de bourse, le
Conseil d’État réitère sa formulation de principe résultant de l’avis « SARL Auto-
Industrie Méric ». Il énonce que « ces stipulations, sous réserve de ce qui a été dit ci-
dessus [en référence à l’applicabilité de l’article 6 C.E.D.H. lorsque l’autorité

565
SERMET Laurent, « Le droit à un procès équitable », R.F.D.A., 2000, p. 1060 et
particulièrement, p. 1062.
566
CE, Ass., 3 décembre 1999, n os 197060, 197061, Caisse de crédit mutuel de Bain-Trèsboeuf.
567
CE, 22 juin 2001, n o 193392, Société Athis.

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CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014

administrative indépendante se prononce sur le bien-fondé d’une accusation en


matière pénale au sens de la convention], n’énoncent aucune règle ou aucun principe
dont le champ d’application s’étendrait au-delà des procédures contentieuses suivies
devant les juridictions et qui gouvernerait l’élaboration ou le prononcé de décisions
par les autorités administratives qui en sont chargées par la loi ».

La doctrine a alors pu constater qu’« on ne saurait déduire de l’arrêt Didier


que l’invocabilité de l’article 6 § 1 ne repose plus sur la preuve du critère organique
et que la démonstration du critère matériel suffise dans tous les cas ». 568

En réalité, il résulte du corpus prétorien administratif que pour déterminer si le


moyen tiré de la violation du droit au procès équitable est opérant, le Conseil d’État
distingue désormais deux situations.

La première est celle où le juge administratif déduit le caractère opérant de


l’article 6 C.E.D.H. de la nature juridictionnelle de l’organisme et de l’existence
d’une « contestation sur des droits et obligations de caractère civil » ou d’une
« accusation en matière pénale ».

La seconde correspond à celle où est en cause une procédure administrative


non juridictionnelle. En pareille hypothèse, l’applicabilité de l’article 6 C.E.D.H.
dépend de la réunion de deux critères 569, l’un organique, l’autre matériel, dont la mise
en oeuvre révèle la portée particulièrement limitée du revirement introduit par la
jurisprudence « Didier ».

568
Laure MILANO, « Le contentieux de la régulation administrative », in L’extension des garanties
du procès équitable hors les juridictions ordinaires : les contraintes européennes, Institut de
droit européen des droits de l’homme, avril 2002, SUDRE Frédéric (dir.), p. 83 : « on ne saurait
déduire de l’arrêt Didier que « l’invocabilité de l’article 6 § 1 ne repose plus sur la preuve du
critère organique et que la démonstration du critère matériel suffise dans tous les cas ».
569
Voir en ce sens : CE, 22 novembre 2000, n o 207697, Société crédit agricole Indosuez
Cheuvreux ; CE, 10 mai 2004, no 241587, Crédit du Nord ; CE, 6 janvier 2006, n o 279596,
Société Lebanese Communication Group ; CE, Sect., 27 octobre 2006, n os 276069, 277198 et
277460, Parent et autres ; CE, Sect., 26 juillet 2007, n o 293624, Sté Global Equities ; CE,
23 avril 2009, n os 314921, 314920, 314919, 314918, Compagnie Blue Line ; CE, 28 décembre
2009, n o 301654, M. Bernard.

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CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014

2. Une évolution jurisprudentielle encadrée

Pour apprécier si l’article 6 C.E.D.H. peut être utilement invoqué à l’encontre


d’une procédure administrative non juridictionnelle, le Conseil d’État recourt à deux
critères cumulatifs 570.

D’une part, il vérifie si l’autorité administrative en cause peut être qualifiée de


« tribunal au sens de ».

Il faut noter que l’utilisation de l’expression « tribunal » ne figure pas dans la


décision « Didier » mais n’apparaît qu’un an plus tard à la faveur d’un obiter dictum
dans la décision « Société Habib Bank Limited » 571 du 20 octobre 2000 et a connu
depuis lors un réel succès.

Avant cet arrêt, la notion nationale de juridiction et la notion conventionnelle


de « tribunal » figurant à l’article 6 § 1 C.E.D.H. étaient confondues. La haute
juridiction administrative, au terme d’une interprétation strictement littérale de cette
stipulation, estimait que la notion de « tribunal » telle que figurant à l’article 6 § 1 de
la C.E.D.H. renvoyait à la notion nationale de « juridiction ». C’est d’ailleurs la
raison pour laquelle elle limitait l’applicabilité de cette stipulation aux seuls

570
À cet égard, il nous faut souligner notre désaccord avec la professeure Laure MILANO qui,
faisant sienne les observations formulées par messieurs COLLIN et GUYOMAR suite à l’arrêt
Didier, écrit que « pour que le moyen tiré de l’article 6 § 1 C.E.D.H. soit opérant, il faut, d’une
part, que l’organisme administratif à l’encontre duquel il est soulevé présente des
caractéristiques l’assimilant à une quasi-juridiction et, d’autre part, que le vice allégué soit de
nature à compromettre de manière irrémédiable la procédure » ( « Le contentieux de la
régulation administrative », in L’extension des garanties du procès équitable hors les juridictions
ordinaires : les contraintes européennes, Institut de droit européen des droits de l’homme, Avril
2002, SUDRE Frédéric (dir.), p. 83). Selon nous, cette analyse procède une fois de plus à une
confusion entre, d’une part, les critères d’applicabilité de l’article 6 C.E.D.H., qui déterminent le
caractère opérant de l’article 6 C.E.D.H., et, d’autre part, l’application des garanties du procès
équitable qui dépend de la reconnaissance préalable de l’invocabilité de cette stipulation. Cette
lecture peut également résulter d’une confusion entre la notion de « moyen rejeté car inopérant »
et celle de « moyen rejeté car non-fondé ». En effet, même si le vice allégué n’est pas de nature à
compromettre de manière irrémédiable la procédure, cela n’empêche pas le Conseil d’État de
reconnaître, au préalable, le caractère opérant de l’article 6 C.E.D.H. En revanche, cela le
conduira au rejet du moyen tiré de la violation du droit au procès équitable comme non fondé.
571
CE sect., 20 octobre 2000, Société Habib Bank Limited, Rec., p. 433 ; J.C.P., éd. gén., 2000, II,
no 10.459, LAMY François ; J.C.P., éd. gén., 2001, I, 104459, LOUVARIS Antoine ; A.J.D.A.,
2000, p. 1001, chr. GUYOMAR Mattias et COLLIN Pierre ; A.J.D.A., p. 1071, note SUBRA DE
BIEUSSES Pierre.

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CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014

organismes juridictionnels, sous réserve bien évidemment du respect du critère


matériel.

Avec la décision « Société Habib Bank Limited », le Conseil d’État opère une
distinction entre les deux notions. Plus précisément, il reconnaît désormais à la notion
de « tribunal » une signification autonome. Cette différenciation ressort d’ailleurs
clairement de l’arrêt « Lefebvre », du 6 novembre 2000 572. Il y est jugé : « lorsque la
section disciplinaire du Conseil national de l'Ordre des médecins se prononce, en
application de l'article L. 415 précité du code de la santé publique, en matière
d'inscription au tableau de l'ordre, elle prend une décision administrative et n'a le
caractère ni d'une juridiction ni d'un tribunal au sens du 1er paragraphe de
l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des
libertés fondamentales ».

Ce faisant, cette nouvelle dichotomie a permis au Conseil d’État, tout en


maintenant la condition organique d’applicabilité du droit au procès équitable,
d’inclure dans le champ d’application de l’article 6 C.E.D.H. certaines autorités
administratives, « eu égard à leur nature, leur composition et leurs attributions ».

Au titre du critère tiré de la « nature », c’est l’indépendance de l’autorité qui


est examinée et plus précisément son absence de soumission au pouvoir hiérarchique.
La « composition » renvoie, quant à elle, à la collégialité de l’autorité administrative.
Enfin, la référence aux « attributions » implique que l’autorité administrative soit
compétente pour se prononcer en droit sur des questions qui pourraient tout aussi bien
être tranchées par une juridiction.

Ce critère organique subsidiaire conduit à laisser hors du champ d’application


l’ensemble des autorités administratives classiques, peu importe que celles-ci
exercent des fonctions répressives ou soient appelées à se prononcer sur des recours
gracieux, des recours hiérarchiques ou encore des recours administratifs préalables

572
CE, 6 février 2000, n o 196407, Lefebvre : « lorsque la section disciplinaire du Conseil national
de l'Ordre des médecins se prononce, en application de l'article L. 415 précité du code de la
santé publique, en matière d'inscription au tableau de l'ordre, il prend une décision
administrative et n'a le caractère ni d'une juridiction ni d'un tribunal au sens du 1er paragraphe
de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés
fondamentales ».

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CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014

obligatoires. En effet, faute d’être dotées d’une indépendance suffisante à l’égard du


pouvoir politique ou encore, pour certaines, d’une composition collégiale, les
autorités administratives classiques ne peuvent pas se voir reconnaître la qualité de
tribunal au sens de l’article 6 C.E.D.H. Dans un arrêt du 30 juillet 2003, le Conseil
d’État a ainsi pu juger que « les mesures disciplinaires prises à l'égard des détenus ne
sont pas prononcées par un tribunal » et que, « par suite, le moyen tiré de la
méconnaissance, par le décret contesté, des exigences que l'article 6 de la convention
européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales
impose à un tribunal ne peut qu'être écarté » 573. Il a retenu la même solution à propos
de la commission des recours du conseil supérieur de la fonction publique
hospitalière 574, de la commission de discipline et de la commission supérieure d’appel
de la Ligue de football professionnelle 575 ou encore du conseil national de l'Ordre des
médecins 576, dans la mesure où ces autorités administratives ne présentent « ni le
caractère d'une juridiction ni celui d'un tribunal au sens desdites stipulations ».

En réalité, la haute juridiction administrative réserve la qualité de « tribunal au


sens de » aux seules autorités administratives indépendantes.

A cet égard, l’emploi de la notion de « tribunal au sens de » nous semble


particulièrement ingénieux dans la mesure où elle cristallise la frontière ténue qui
sépare les autorités administratives indépendantes des juridictions et qui a d’ailleurs
toujours suscité une riche littérature 577. D’ailleurs, ne nous y trompons pas : les

573
CE, 30 juillet 2003, n o 253973, Observatoire international des prisons, section française.
574
CE, 31 mars 2006, no 276605, Robert.
575
CE, 4 avril 2008, no 308561, Stade rennais football club.
576
CE, 16 juillet 2014, n o 358235.
577
TEITGEN-COLLY Catherine, « Sanctions administratives et autorités administratives
indépendantes », L.P.A., 17 janvier 1990, no 8, p. 25 ; AUTIN Jean-Louis, « Du juge
administratif aux autorités administratives indépendantes : un autre mode de régulation »,
R.D.P., septembre-octobre 1988, p. 1213, plus précisément p. 1217 ; SABOURIN Paul, « Les
autorités administratives indépendantes, une catégorie nouvelle », A.J.D.A., 20 mai 1983, p. 275 ;
POESY René, « La nature juridique de l’Autorité de la concurrence », A.J.D.A., 2 mars 2009,
p. 347 ; POCHARD Marcel, « Autorités administratives indépendantes et pouvoir de sanction »,
A.J.D.A., 20 octobre 2001, numéro spécial, p. 107 ; GAVALDA Christian et LUCAS DE
LEYSSAC Claude, « Commentaire de la loi du 30 décembre 1985 portant amélioration de la
concurrence. Fin ou lever de rideau ? », D., 1986, chr., p. 187 où les auteurs dénoncent
« l’inanité de la notion » ; HOLLEAUX A. , « Les nouvelles lois relatives à la liberté de
communication », L.P.A., 8 février 1987, où l’auteur affirme que la notion d’autorité

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CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014

critères, tirés de la nature, de la composition et des attributions et utilisés pour


qualifier un organisme administratif de « tribunal au sens de » correspondent à ceux
sur lesquels le juge administratif se réfère pour identifier une juridiction lorsque
celle-ci n’est pas qualifiée par les textes. En ce sens, la notion de « tribunal au sens
de » permet de justifier et légitimer l’extension de l’applicabilité de l’article 6 § 1
C.E.D.H. à cette catégorie singulière d’autorités administratives. C’est parce que « les
autorités de régulation se rapprochent des juridictions » 578 que la haute juridiction
administrative a accepté d’étendre l’applicabilité du droit au procès équitable en
dehors de la sphère juridictionnelle.

Quant au second critère, matériel, il renvoie tout simplement à l’existence


d’une « accusation en matière pénale » ou d’une « contestation sur des droits et des
obligations de caractère civil », au sens de la Convention.

Il convient, toutefois, de souligner que durant de nombreuses années, la


jurisprudence « Didier » ne trouvait à s’appliquer qu’aux décisions administratives
susceptibles d’être qualifiées d’ « accusations en matière pénale ». Jusqu’en 2012, le
Conseil d’État établissait clairement une distinction entre les autorités administratives
indépendantes prononçant des sanctions pénales au sens de la Convention et celles se
prononçant sur « des droits et obligations de caractère civil ». Alors que les premières
étaient justiciables du droit au procès équitable, les secondes, en revanche, n’avaient

administrative indépendante « n’existe guère que pour les professeurs et les naïfs » ; PUTMAN
Emmanuel, Contentieux économique, P.U.F., 1998/177, qui dénonce « le règne de
l’ambiguïté » ; CHEVALLIER Jacques, « Réflexions sur l’institution des autorités
administratives indépendantes », J.C.P., 1986, I, 3254 et « Le statut des autorités administratives
indépendantes : harmonisation ou diversification », R.F.D.A., septembre-octobre 2010, p. 896 ;
GUEDON Marie-José, Les autorités administratives indépendantes, L.G.D.J., Coll. Systèmes,
1991, p. 7, selon laquelle la notion d’autorité administrative indépendante « n’en est pas moins
énigmatique du point de vue juridique ».
578
QUILICHINI Paul, « Réguler n’est pas juger. Réflexions sur la nature du pouvoir de sanction des
autorités de régulation économique. », A.J.D.A., 2004, p. 1060. Voir également en ce sens :
POCHARD Marcel, « Autorités administratives indépendantes et pouvoir de sanction », A.J.D.A.,
20 octobre 2001, numéro spécial, p. 107 ; EVEILLARD Gweltaz, « L’application de l’article 6
de la Convention européenne des droits de l’homme à la procédure administrative non
contentieuse », A.J.D.A., 22 mars 2010, p. 532

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CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014

pas à y répondre 579. Le moyen tiré de la violation de l’article 6 C.E.D.H. était déclaré,
à leur égard, inopérant sur le fondement de la jurisprudence « SARL Auto-Industrie
Méric ».

Cette solution pouvait apparaître pour le moins étrange puisque comme l’a
justement fait remarquer le professeur EVEILLARD, « à l’instar des procédures
juridictionnelles civiles », les procédures civiles conduites devant les autorités
administratives indépendantes « ont pour objet de régler, en droit, un litige entre
particuliers. Dès lors qu’elles sont prononcées par une autorité indépendante et
collégiale, elles semblent bien satisfaire aux trois critères de l’arrêt Didier ».

Comment expliquer cette dénégation qui a duré plus de treize ans ?

La réponse apparaît dans les conclusions du commissaire du gouvernement


prononcées sur l’arrêt du 21 décembre 2012 580 qui reconnaît la possibilité d’opposer
l’article 6 C.E.D.H. aux autorités administratives indépendantes qui tranchent des
« contestations sur des droits et des obligations de caractère civil ».

Si le Conseil d’État a attendu plus de treize ans pour étendre sa jurisprudence


Didier à la matière « civile », c’est parce que « les critères utilisés par la Cour pour
définir le champ d’application des stipulations de l’article 6 § 1 C.E.D.H.
apparaissaient particulièrement flous » 581, notamment quant aux termes de
« contestation ». Et il est vrai que pendant de nombreuses années, les juges européens
ne prêtaient guère attention à ce dernier élément, « donnant le sentiment que toute

579
CE, 22 novembre 2000, no 211285, Mutuelle inter-jeunes et Abed, Rec., p. 554 ; A.J.D.A., 2001, p. 387,
concl. BOISSARD Sylvie; CE, 22 juin 2001, no 193392, Société Athis ;CE, 11 juin 2003, no 240512,
Électricité de France et Société nationale d’électricité et de thermique : « Considérant que si, eu égard à
sa nature, à sa composition et à ses attributions, une autorité administrative peut, lorsqu’elle inflige une
sanction, être regardée comme un tribunal décidant du bien fondé d’accusations en matière pénale au
sens des stipulations précitées, ces dernières, sous réserve de ce qui a été dit ci-dessus, n’énoncent
aucune règle ni aucun principe dont le champ d’application s’étendrait au-delà des procédures
contentieuses suivies devant les juridictions et qui gouvernerait l’élaboration ou le prononcé de
décisions par les autorités administratives qui en sont chargées par la loi ; Considérant qu’il résulte de
ce qui précède que les moyens tirés de ce que la décision attaquée prise par le comité institué en
application de l’article 50 précité de la loi du 10 février 2000, qui constitue une autorité administrative
au regard du droit interne, aurait porté atteinte aux droits et obligations de caractère civil d’EDF sans
respecter les exigences de l’article 6-1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de
l’homme et des libertés fondamentales sont inopérants ».
580
CE, 21 décembre 2012, n o 353856, Société Groupe Canal Plus c/ Sté Vivendi Universal.
581
DAUMAS Vincent, concl. sur CE, 21 décembre 2012, n o 353856, Société Groupe Canal Plus
c/ Sté Vivendi Universal.

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décision prise par un organe sur des droits et des obligations de caractère civil
entrait dans ce champ d’application » 582. Il faut attendre l’année 2012 pour que la
Cour de Strasbourg réaffirme clairement, en formation de grande chambre, que
l’applicabilité de l’article 6 § 1 C.E.D.H. dans son volet civil suppose l’existence
d’une contestation 583. C’est la raison pour laquelle quelques mois plus tard, le Conseil
d’État a accepté d’étendre l’applicabilité du droit au procès équitable aux autorités
administratives indépendantes appelées à trancher des « contestations sur des droits et
des obligations de caractère civil ».

Aux termes de ces développements, force est de constater que la dérogation


apportée à la jurisprudence « SARL Auto-Industrie Méric » reste limitée et ce, grâce
notamment à la notion de « tribunal au sens de ». Mais cette dernière référence
présente également de réelles limites sur lesquelles il importe de revenir, tant la
doctrine ne les a que trop peu mises en avant.

B. Une utilisation contestable de la notion de « tribunal au sens de »

Telle qu’elle est utilisée par le juge administratif, la notion de « tribunal au


sens de » aboutit à de profonds contresens au regard du corpus prétorien européen (1).
Son abandon a d’ailleurs été préconisé au sein même de la haute juridiction
administrative (2).

1. Une notion en « trompe-l’œil »

Selon nous, la notion de « tribunal au sens de » dans la jurisprudence


administrative est une notion « trompe-l’œil ».

De prime abord, elle donne l’impression d’un rapprochement avec la


jurisprudence européenne et ce, de deux points de vue.

582
DAUMAS Vincent, concl. sur CE, 21 décembre 2012, n o 353856, Société Groupe Canal Plus
c/ Sté Vivendi Universal.
583
CEDH, Gr. Ch., 3 avril 2012, n o 37575/04, Boulois c/ Luxembourg, § 90.

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CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014

D’une part, elle ouvre l’applicabilité de l’article 6 C.E.D.H. à des autorités


administratives. Or, on sait que dans la jurisprudence européenne, l’applicabilité de
l’article 6 § 1 C.E.D.H. à l’encontre des autorités administratives n’a jamais posé de
difficultés.

D’autre part, dès lors que dans la jurisprudence administrative, la notion de


juridiction au sens du droit français n’est plus synonyme de celle de tribunal au sens
de l’article 6 C.E.D.H., elle implique la reconnaissance par le Conseil d’État de
l’autonomie de la notion de « tribunal au sens de », à tout le moins l’absence de
coïncidence entre la notion nationale de juridiction et celle conventionnelle de
tribunal. Or, comme nous le démontrerons ultérieurement 584, la Cour strasbourgeoise
a très vite attribué à la notion de « tribunal » une acception européenne.

Mais en réalité, en y regardant de plus près, l’étude de la notion de « tribunal


au sens de » dans la jurisprudence administrative démontre l’opposition radicale entre
la lecture opérée par la Cour de Strasbourg et celle du Conseil d’État quant aux
critères d’applicabilité de l’article 6 C.E.D.H.

Premièrement, la notion de « tribunal au sens de » dans la jurisprudence


administrative participe, nous l’avons vu précédemment, au maintien d’une approche
organique des conditions d’applicabilité de l’article 6 C.E.D.H. Lorsque le critère
organique tiré de la nature juridictionnelle de l’organisme en cause n’est pas satisfait,
le juge administratif doit, avant d’écarter le moyen tiré de la violation du droit au
procès équitable, vérifier que l’autorité litigieuse ne peut pas être requalifiée en
« tribunal au sens de ». Il existe donc désormais un critère organique principal et un
critère organique subsidiaire à l’applicabilité de l’article 6 C.E.D.H.

Or, en vertu de la jurisprudence européenne, le caractère opérant de cette


stipulation tient uniquement à la satisfaction d’un critère matériel : l’existence
d’ « une accusation en matière pénale » ou d’ « une contestation sur des droits et
obligations de caractère civil ». Comme l’ont exposé fort clairement le professeur
Frédéric SUDRE et madame Caroline PICHERAL, dans la jurisprudence européenne,
« l’assimilation éventuelle d’un organe administratif ou disciplinaire à un tribunal

584
Partie 2, Chapitre 1, Section 1, I, A, 1.

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CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014

est une conséquence et non une condition préalable de l’applicabilité extensive de


l’article 6 » 585.

Cet aspect a d’ailleurs été souligné par certains rapporteurs publics.

En ce sens, Mattias GUYOMAR, concluant sur l’arrêt « Parent et autres » 586,


souligne : « La difficulté tient à ce que la qualification d’une autorité administrative
de « tribunal au sens de l’article 6 » semble tirer sur le plan organique les
conséquences de l’applicabilité de certaines règles du procès équitable dès la phase
administrative de la procédure. […] Cela ne doit toutefois pas nous conduire à
raisonner à l’envers : c’est parce que l’article 6 § 1 de la C.E.D.H. leur est
applicable que certains organismes peuvent être qualifiés de tribunal au sens de
l’article 6 et non l’inverse. En d’autres termes, nous réfutons l’idée que cette
qualification puisse commander, à elle seule, l’application de certaines garanties
propres aux juridictions. Cette notion de tribunal au sens de doit être comprise,
puisqu’elle existe, pour ce qu’elle est : la conséquence de l’applicabilité partielle de
l’article 6 de la C.E.D.H. et non sa condition ».

Trois ans plus tard, à l’occasion de l’affaire « Compagnie Corse Air


International SA » 587 relative aux sanctions prononcées par l’Autorité de contrôle des
nuisances sonores aéroportuaires, madame De Silva attire de nouveau l’attention de la
formation de jugement sur ce point : « La terminologie retenue par vos décisions
suscite l’interrogation et nous paraît devoir être clarifiée, en ce que vous affirmez
que ces diverses autorités administratives indépendantes sont des « tribunaux au sens
de l’article 6§1 » avant d’en déduire l’application de la jurisprudence Didier. Alors
que la portée exacte de la jurisprudence Didier est souvent mal comprise,
l’utilisation de cette notion juridique, dans ce cadre, nous paraît créer une forme de
contresens. Pour la Cour européenne, la question de savoir si un « organisme est un
tribunal au sens de l’article 6§1 » est une question de fond, et non une question du

585
SUDRE Frédéric et PICHERAL Caroline, « Un critère organique secondaire », in L’extension
des garanties du procès équitable hors les juridictions ordinaires : les contraintes européennes,
Institut de droit européen des droits de l’homme, Avril 2002, SUDRE Frédéric (dir.), p. 46-47.
586
CE, Sect., 27 octobre 2006, n os 276069, 277198 et 277460, Parent et autres, A.J.D.A., 2007,
p. 80, note COLLET Martin ; L.P.A., 2007, n o 133, note DUBRULLE Jean-Baptiste.
587
Concl. sur CE, 31 janvier 2007, n o 290567, Compagnie Corse Air International SA.

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champ d’application de l’article 6§1. Pour déterminer si le litige est dans le champ
d’application de l’article 6§1, la Cour se contente d’examiner s’il porte sur des
« droits et obligations de caractère civil » ou sur « le bien-fondé d’une accusation
en matière pénale ». Lorsque la Cour s’interroge sur le point de savoir si un
organisme peut être regardé comme un « tribunal au sens de », la question de
l’applicabilité de l’article 6§1 est déjà résolue positivement ; elle se livre alors à
l’examen de fond de la conformité de la procédure aux principes de cet article, pour
s’assurer que les garanties de l’article 6 ont été respectées. »

Deuxièmement, l’utilisation de la notion de « tribunal au sens de » par le juge


administratif ne correspond pas à la définition autonome prévalant en droit européen,
ce que n’a pas manqué de relever le professeur Gweltaz EVEILLARD. L’auteur fait
remarquer à juste titre que « la Cour européenne des droits de l’homme développe de
la notion de tribunal une conception différente de celle du droit national, définissant
le tribunal comme tout organe chargé de trancher en droit et à l’issue d’une
procédure organisée toute question relevant de sa compétence, même si cet organe
exerce par ailleurs d’autres fonctions. » Et d’ajouter, « mais elle considère également
que des organes administratifs classiques, tel qu’un ministre ou un chef d’État ne
peuvent se voir accorder cette qualification ».

Dans la jurisprudence administrative, la qualification de « tribunal au sens de »


est fondée sur une combinaison d’éléments formels et matériels tenant à la nature, la
composition et aux attributions de l’organisme. Compte-tenu des critères tirés de la
nature et de la composition, l’applicabilité de l’article 6 C.E.D.H. se trouve exclue
s’agissant d’une autorité unique et intégrée dans une hiérarchie administrative, même
si elle est investie d’un pouvoir de sanction constitutif d’une accusation en matière
pénale au sens de la C.E.D.H. 588

Finalement, il faut bien en convenir la construction juridique réalisée par le


Conseil d’État est douteuse.

588
Voir par exemple, s’agissant d’une sanction pénitentiaire : CE, 30 juillet 2003, n o 253973,
Observatoire international des prisons, section française.

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2. Une notion controversée

Au sein même de la haute juridiction administrative, cette notion a largement


fait débat. Certains rapporteurs publics ont, en effet, exprimé leur perplexité face à
cette catégorie nouvelle, allant même jusqu’à proposer son abandon, au profit de la
seule référence à la composition, la nature et les attributions des autorités
administratives concernées par le droit au procès équitable.

L’arrêt « Parent et autres » 589 précité a d’ailleurs semblé, un temps, consacrer


les conclusions de Mattias GUYOMAR en écartant le critère du « tribunal au sens
de » au profit de la seule référence à « la nature, à la composition et aux
attributions » de l’autorité administrative. Mais, cette hypothèse a été démentie par
une décision du 19 février 2008 590. La haute juridiction reconnaît à la C.N.I.L. la
qualité de tribunal dans l’exercice de son pouvoir de sanction, au sens de l’article 6
C.E.D.H.

Dans un arrêt « Compagnie Blue Line » du 23 avril 2009 591, le Conseil d’État
vise uniquement le critère tiré de « la nature, la composition, et les attributions » de
l’autorité de contrôle des nuisances sonores aéroportuaires. Récemment, la haute
juridiction administrative a confirmé le maintien du critère d’applicabilité de l’article
6 C.E.D.H. fondé sur la notion de « tribunal au sens de » 592.

En réalité, la jurisprudence administrative est particulièrement fluctuante quant


à l’emploi de cette notion.

Ainsi, dans un arrêt « Société Etna Finance et M. Brat » 593, rendu le 10 mai
2004, l’applicabilité de l’article 6 C.E.D.H. est résolue positivement eu égard « à la
nature, à la composition et aux attributions » de la Commission des opérations de

589
CE, Sect., 27 octobre 2006, précité.
590
CE, 19 février 2008, n o 311974, Société Profil France.
591
CE, 23 avril 2009, n o 314921, Compagnie Blue Line.
592
CE, 10 octobre 2011, no 334720 ; CE, 28 décembre 2012, n o 356355, SAS Jaly ; CE, 23 octobre
2013, n o 353603, Société Distribution Casino France ; CE, 26 février 2014, n o 356006,
Association des viticulteurs d'Alsace.
593
CE, 10 mai 2004, n o 247130, Sté Etna Finance et M. Brat.

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CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014

bourse et après avoir rappelé que « le Conseil de discipline de la gestion financière


doit être regardé comme décidant du bien-fondé d'accusations en matière pénale au
sens de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des
libertés fondamentales ». De manière paradoxale, la haute juridiction administrative
rend, le même jour, l’arrêt « Crédit du Nord » 594, dans lequel elle relève, à propos du
même organisme, que « les autorités administratives investies par la loi d'un pouvoir
de sanction et qui doivent, eu égard à leur nature, leur composition et leurs
attributions être regardées comme des « tribunaux » au sens de l'article 6 § 1 de la
convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés
fondamentales et comme décidant du bien-fondé d'accusations en matière pénale au
sens du même article, doivent offrir toutes les garanties d'impartialité que prévoient
ces stipulations ».

Par une décision du 17 novembre 2004 595, la haute juridiction administrative


écarte toute référence à cette notion controversée dans le cadre d’un contentieux
relatif à l’applicabilité de l’article 6 C.E.D.H. au Conseil des marchés financiers. Elle
souligne qu’« alors même que le Conseil des marchés financiers siégeant en
formation disciplinaire n’est pas une juridiction au regard du droit interne, le moyen
tiré de ce qu’il aurait statué dans des conditions qui ne respecteraient le principe
d’impartialité, peut, eu égard à la nature, à la composition et aux attributions de cet
organisme, être utilement invoqué à l’appui d’un recours formé devant le Conseil
d’État à l’encontre de sa décision ».

Le 23 mars 2005, dans un arrêt « Société financière Hottinguer » 596, le Conseil


d’État recourt au critère de « tribunal au sens de ». Quelques mois plus tard, le
2 novembre 2005, dans l’arrêt « Société banque privée Fideuram Wargny » 597, relatif
aux sanctions prononcées par l’Autorité des marchés financiers, cette référence a
disparu. Elle est de nouveau employée dans une décision du 22 février 2006,

594
CE, 10 mai 2004, n o 241587, Sté Crédit du Nord.
595
CE, 17 novembre 2004, n o 261349, Armand M.
596
CE, 23 mars 2005, no 260673, Sté financière Hottinguer.
597
CE, 2 novembre 2005, no 271202, Sté banque privée Fideuram Wargny.

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CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014

« M. Hutt » 598. Le Conseil d’État y déclare inopérant, le moyen tiré de la contrariété


de la décision litigieuse avec l’article 6 C.E.D.H., après avoir relevé que « la décision
du ministre n’émane pas d’un tribunal au sens de l’article 6 § 1 de la convention
européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ». Le
Conseil d’État s’y réfère également dans ses arrêts « Robert » 599 et « Krikorian » 600,
rendus respectivement le 31 mars 2006 et le 2 octobre 2006.

Finalement, la notion de « tribunal au sens de » demeure employée, de manière


mouvante, dans la jurisprudence administrative sur l’applicabilité de l’article 6
C.E.D.H., certainement parce que, traduisant la proximité existant entre les autorités
administratives indépendantes et les juridictions, elle conforte la lecture
juridictionnelle des conditions d’applicabilité de l’article 6 C.E.D.H. opérée par le
Conseil d’État et permet ainsi d’éviter un revirement brutal d’une jurisprudence
restée constante depuis plus de vingt ans.

À cet égard, on peut être surpris par la position plus récente de la haute
juridiction administrative sur les sanctions fiscales et le droit au procès équitable,
laquelle, sans aucun souci de ménagement au regard du critère tiré de la nature
juridictionnelle de l’organisme en cause, reconnaît l’applicabilité de l’article 6
C.E.D.H. à l’administration fiscale.

II. Une applicabilité étendue aux autorités administratives classiques


prononçant des sanctions fiscales

Depuis quelques années, le Conseil d’État reconnaît l’applicabilité de l’article


6 C.E.D.H. au stade de la procédure administrative d’établissement des sanctions
fiscales, privilégiant, pour ce faire, le critère d’applicabilité matériel (A), qui prévaut
dans la jurisprudence européenne (B).

598
CE, 22 février 2006, n o 276719, M. Hutt.
599
CE, 31 mars 2006, no 276605, Robert.
600
CE, 2 octobre 2006, no 282028, Krikorian.

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CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014

A. Une solution reposant sur une lecture inédite des conditions d’applicabilité
du droit au procès équitable

En matière fiscale, le Conseil d’État a clairement abandonné sa lecture


organique de l’article 6 C.E.D.H. (2), qui l’avait conduit pendant longtemps à
déclarer inopérant le moyen tiré de la violation de l’article 6 C.E.D.H. par
l’administration fiscale dans le prononcé de sanctions (1).

1. Une solution singulière

L’année 2006 marque un tournant majeur dans la jurisprudence administrative


sur l’applicabilité organique de l’article 6 C.E.D.H. Mettant fin à une jurisprudence
traditionnelle, le Conseil d’État reconnaît l’applicabilité de cette stipulation à une
autorité administrative classique : l’administration fiscale.

Jusqu’alors, et sous réserve de la jurisprudence issue de l’arrêt « Didier »


précité, il était jugé de manière constante que le moyen tiré de la violation du droit au
procès équitable ne pouvait être utilement invoqué que pour la phase contentieuse de
mise en cause de la sanction administrative 601, et non pour la procédure conduisant à
son prononcé.

Ainsi, régulièrement, le juge administratif rappelait que « les dispositions de


l’article 6 § 1 C.E.D.H. n’ont pas pour objet d’imposer le déroulement d’une
procédure de caractère juridictionnel avant que la sanction (administrative) soit
prononcée par l’autorité habilitée à le faire… la circonstance que la requérante n’ait
pas, avant le prononcé de la sanction administrative, bénéficié de l’ensemble des
garanties du recours juridictionnel prévues par l’article 6 de la C.E.D.H., n’est pas
en tout état de cause de nature à rétroagir sur la légalité de l’acte administratif ayant
décidé la sanction » 602.

601
On vise ici les seules pénalités et majorations fiscales présentant un caractère punitif et visant à
empêcher la réitération des agissements qu’elles visent, par opposition aux intérêts de retard ou
aux majorations ayant le caractère d'une simple réparation pécuniaire.
602
TA Strasbourg, 30 juillet 1993, n os 924675 et 924676, SARL Coe c/ Préfet du Bas-Rhin.

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CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014

Le prononcé de sanctions fiscales par l’administration 603 n’échappait pas à la


règle.

Le commissaire du gouvernement ARRIGHI DE CASANOVA, l’avait


d’ailleurs clairement rappelé dans ses conclusions rendues sur le célèbre avis de
Section du 31 mars 1995 aux termes desquelles l’article 6 C.E.D.H. « ne contient
aucune disposition qui régisse, au niveau de l’administration et hors phase
contentieuse, l’élaboration et le prononcé des pénalités pour manœuvres
frauduleuses ».

Ce principe avait encore été explicitement affirmé dans un arrêt « S.A.R.L.


Maurel et fils » du 27 mars 2000 604, relatif à des pénalités fiscales infligées en
application de l'article 1763 A du code général des impôts. La question de la
transposition de l'arrêt « Didier » à la procédure d’établissement des sanctions
fiscales avait alors été posée, par le commissaire du gouvernement, en ces termes :
« le moyen tiré de l'article 6 est inopérant car il vise la procédure d'établissement de
la pénalité. Or l'article 6 ne concerne que la procédure suivie devant les juridictions.
Cette solution n'est pas remise en cause par la jurisprudence d'Assemblée Didier, du
3 décembre dernier, qui se borne à assimiler certains organes administratifs
collégiaux à un « tribunal » au sens de l'article 6 ».

2. Une solution inattendue

Face à la constance de la position de la jurisprudence administrative, il était


difficile de présager du revirement introduit par l’arrêt « Krempff » du 27 février
2006 605. La doctrine ne l’avait d’ailleurs jamais envisagé 606.

603
On vise ici les seules pénalités et majorations fiscales présentant un caractère punitif et visant à
empêcher la réitération des agissements qu’elles visent, par opposition aux intérêts de retard ou
aux majorations ayant le caractère d'une simple réparation pécuniaire.
604
Voir également : CE, 27 mars 2000, n o 187703, S.A.R.L. Maurel et fils, R.J.F., 5/00, n o 985,
concl. ARRIGHI DE CASANOVA Jacques : « les stipulations de l'article 6-1 précitées ne sont,
en particulier, pas invocables à l’encontre de la procédure par laquelle l'administration fiscale
établit des pénalités ».
605
CE, 27 février 2006, n o 257964, Krempff, JurisData no 2006-080865 ; Droit fiscal, 2006, n o 29,
comm. 513, conclusion OLLEON Laurent ; R.J.F., 5/2006, n o 649.

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CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014

C’est, donc, contre toute-attente que le Conseil d’État affirme que « les
principes qu’elles [les stipulations de l’article 6 § 1] énoncent sont applicables à la
contestation de ces pénalités devant les juridictions compétentes, y compris en tant
qu’elle concerne la procédure d’établissement des pénalités ».

Quelques mois plus tard, cette solution est confirmée dans un arrêt « Pessey »
du 11 décembre 2006 607, selon lequel les principes posés par l’article 6 § 1 « sont
applicables à la contestation des pénalités fiscales, qui constituent des accusations en
matière pénale au sens de ce texte, devant les juridictions compétentes, y compris en
tant qu’elle concerne la procédure d’établissement des pénalités ».

Par une décision « S.A. Martell » du 24 mars 2006 608, le Conseil d’État a
implicitement jugé que le deuxième paragraphe de l’article 6 C.E.D.H., relatif à la
protection de la présomption d’innocence jusqu’à la condamnation, est applicable non
seulement à la procédure suivie devant le juge, mais également à la procédure
administrative d’imposition.

L’arrêt du 26 mai 2008, « Société Norelec » 609 a donné le dernier coup de


grâce à l’avis de Section du 31 mars 1995 et à ses implications en matière fiscale. Il y
est jugé qu’« en excluant par principe qu’un contribuable puisse invoquer la
méconnaissance des stipulations de cet article [6] pour contester la procédure
d’établissement d’une pénalité fiscale alors que la mise en œuvre de cette procédure
pourrait, dans certains cas, emporter des conséquences de nature à porter atteinte de
manière irréversible au caractère équitable d’une procédure ultérieurement engagée

606
SERMET Laurent, « Bilan de la jurisprudence du Conseil d’État sur l’application de l’article 6
de la Convention européenne des droits de l’homme », R.F.D.A., 1997, p. 1010 ;
ANDRIANTSIMBAZOVINA Joël et SERMET Laurent, « Droit administratif et Convention
européenne des droits de l'homme. Jurisprudence administrative et Convention européenne des
droits de l'homme », R.F.D.A., 2000, p. 1059.
607
CE, 11 décembre 2006, no 278806, Pessey, JurisData n° 2006-081071 ; Droit fiscal, 2007, n o 8,
comm. 212 ; R.J.F., 3/2007, n o 380.
608
CE, 24 mars 2006, n o 257330, S.A. Martell and co, Droit fiscal, n o 39, 28 septembre 2006,
p. 1673.
609
CE, 26 mai 2008, précité, JurisData n o 2008-081339 ; Droit fiscal, 2008, n o 28, comm. 411,
conclusions SÉNERS François, note PIERRE Jean-Louis ; R.J.F. 9/2008, n o 981.

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CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014

devant le juge de l’impôt, la Cour administrative d’appel a commis une erreur de


droit ».

Aujourd’hui, force est de constater que la formule traditionnelle consacrée


dans l'avis « SARL Auto-Industrie Méric », selon laquelle l’article 6 C.E.D.H. « n'est
applicable qu'aux procédures contentieuses suivies devant les juridictions », est
désormais « obsolète en ce qui concerne le cadre qui lui avait donné lieu, celui des
sanctions fiscales prononcées par des autorités administratives « classiques » 610.

Comme l’a souligné François SÉNERS, commissaire du gouvernement sur


cette affaire, il s’agit là d’une solution particulièrement originale dans la mesure où
l’article 6 C.E.D.H. est appliqué à des sanctions qui n’ont nullement été prononcées
par des juridictions ou par des organismes collégiaux s’apparentant à des « tribunaux
au sens de ». Pourtant, la doctrine ne s’en est pas particulièrement émue. La plupart
des auteurs se sont, en effet, bornés à constater la nouvelle possibilité d’invoquer
l’article 6 § 1 C.E.D.H. pour contester la procédure d’établissement d’une pénalité
fiscale 611, sans rechercher les raisons ayant conduit à un revirement d’une telle
ampleur. Nous en venons au second point.

B. Une solution inspirée de la jurisprudence strasbourgeoise

En matière fiscale, la haute juridiction administrative a finalement accepté de


s’aligner sur l’interprétation européenne des conditions d’applicabilité de l’article 6
C.E.D.H. (1), avec d’autant moins d’hésitations que le revirement opéré s’inscrit
fondamentalement dans la même logique que la jurisprudence « Didier » (2).

610
EVEILLARD Gweltaz « L’application de l’article 6 de la Convention européenne des droits de
l’homme à la procédure administrative non contentieuse », A.J.D.A., 22 mars 2010, p. 532.
611
Note sur CE, 24 mars 2006, n o 257300, SA Mertell and Co, R.D.F., n° 39, 28 septembre 2006,
p. 1673.

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CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014

1. Une solution déclenchée par l’arrêt « J.B. contre Suisse »

Selon les quelques commentaires doctrinaux publiés à la suite des arrêts


« Krempff », « Pessey », « S.A. Martell and co » et « Société Norelec », cette
jurisprudence aurait été quasiment contrainte par la Cour européenne des droits de
l'homme. Depuis quelques années, la Cour de Strasbourg s’intéresse, effectivement, à
l’établissement des pénalités fiscales dans la mesure où certains comportements de
l’administration peuvent faire irrémédiablement perdre au contribuable toute chance
d’obtenir gain de cause devant le juge. De ce fait, elle a imposé à l’administration
fiscale le respect des principes de la présomption d’innocence, du droit de garder le
silence et du droit de ne pas contribuer à sa propre incrimination.

D’ailleurs, l’influence de la jurisprudence européenne des droits de l’homme


ressort clairement de la lecture des conclusions des rapporteurs publics.

Ainsi, dans ses conclusions sur l’affaire « SA Martell and Co » 612, M.


VALLÉE dénonçait l’excessive fragilité de la jurisprudence « SARL Auto-Industrie
Méric » au regard du corpus prétorien européen, et plus précisément des arrêts « E.L.,
R.L. et J.O. –L. contre Suisse » 613 du 29 août 1997 et « Janosevic contre Suède »614
du 23 juillet 2002. La Cour de Strasbourg y avait reconnu une violation de l’article 6
C.E.D.H., résultant de l’inobservation de la présomption d’innocence par
l’administration, dans le cadre du prononcé de sanctions fiscales constitutives d’
« accusations en matière pénale ». Le commissaire du gouvernement invitait alors la
formation de jugement à renoncer à sa jurisprudence traditionnelle, compte tenu de la
position européenne.

Dans le cadre de l’arrêt « Pessey » précité 615, le commissaire du


gouvernement, Mme Marie-Hélène MITJAVILE, estimait que les juges du second
degré avaient commis une erreur de droit en jugeant que « les stipulations de l’article
6 § 1 C.E.D.H. (…) ne seraient pas applicables aux procédures administratives ». Le

612
CE, 24 mars 2006, SA Martell and Co, précité.
613
CEDH, 29 août 1997, n o 20919/92, E.L., R.L. et J.O.-L. c/ Suisse.
614
CEDH, 23 juillet 2002, n o 34619/97, Janosevic c/ Suède.
615
CE, 11 décembre 2006, Pessey, précité.

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CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014

raisonnement suivi pour parvenir à une telle solution mérite d’être cité en ce qu’il
paraît lénifier complètement la jurisprudence traditionnelle de la haute juridiction
administrative sur l’inapplicabilité de principe de l’article 6 C.E.D.H. aux autorités
administratives. Le commissaire du gouvernement rappelle à la formation de
jugement : « Si dans un premier temps, vous aviez jugé que l’article 6 § 1 ne
s’appliquait pas à la phase administrative de la procédure conduisant au prononcé
de sanctions fiscales mais uniquement à la phase contentieuse (CE Section, 31 mars
1995, Ministre du Budget c/ SARL Auto-Méric), vous avez abandonné ce
raisonnement opposant phase administrative et phase contentieuse après la décision
de la C.E.D.H. admettant l’applicabilité de l’article 6-1 à la procédure suivie devant
la commission des infractions fiscales (C.E.D.H., 26 septembre 1996, Miailhe
c/ France) ; et c’est ainsi que vous avez jugé que l’article 6-1 est applicable à la
procédure suivie en matière disciplinaire devant une autorité administrative, telle
que le Conseil des marchés financiers (CE, Assemblée, 3 décembre 1999, Didier).
Et dans le même sens vous avez jugé applicables à la procédure administrative des
pénalités fiscales les stipulations de l’article 6-2 (CE 24 mars 2006, SA Martell),
comme les stipulations de l’article 6-1 (CE 27 février 2006, Krempff). Le vrai
partage n’est pas entre procédure administrative, qui échapperait aux stipulations de
l’article 6-1, et procédure juridictionnelle qui y serait soumise, mais entre matières
relevant ou ne relevant pas du champ d’application de cet article : vous admettez
l’application de l’article 6-1 aux procédures administratives lorsqu’il s’agit de
procédures débouchant sur des sanctions, ou de procédures disciplinaires. Il est vrai
en revanche que vous jugez de manière constante que l’article 6-1 inapplicable dans
le contentieux de l’assiette de l’impôt (CE 26 novembre 1999, Guénoun …). Sur ce
point, la Cour européenne des droits de l’homme a confirmé votre jurisprudence en
jugeant que le contentieux de l’assiette en matière fiscale échappe au champ des
droits et obligations de caractère civil (C.E.D.H., 12 juillet 2001, Ferrazzini c/ Italie)
… Bref contrairement à ce qu’affirme l’arrêt de la cour les stipulations de l’article 6
ne sont nullement inapplicables aux procédures administratives ».

Si ces conclusions s’inscrivent dans le sens d’une lecture matérielle


européenne des conditions d’applicabilité de l’article 6 C.E.D.H., elles ne reflètent
toutefois pas le paysage jurisprudentiel administratif, et notamment l’emploi
traditionnel du critère juridictionnel par la haute juridiction administrative.

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CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014

À cet égard, les conclusions rendues par le commissaire du gouvernement


François SÉNERS, sur l’arrêt « Norelec » précité, s’en démarquent nettement. Ce
dernier rappelle que « La grille d’application de l’article 6 aux procédures
administratives est celle qui a été fixée par l’arrêt d’assemblée Didier : les garanties
de l’article 6 ne sont pas applicables, en principe, en amont de la procédure
juridictionnelle ». Selon lui, l’évolution dont témoignent les arrêts « Krempff »,
« Pessey », et « Société Martell and Co » a été déclenchée par un arrêt de la Cour de
Strasbourg du 3 mai 2001, « J.B. contre Suisse » 616.

En l’espèce, les juges européens avaient admis la contrariété d’une pénalité


fiscale infligée par les autorités helvétiques à l’article 6 C.E.D.H., en raison de graves
pressions exercées par ces dernières contre le contribuable au cours de la procédure
administrative, pressions qui ont été regardées comme contraires au droit au procès
équitable et plus précisément aux droits de garder le silence et de ne pas contribuer à
sa propre incrimination. Cette décision s’inscrit dans la droite ligne de la
jurisprudence « Imbrioscia c/ Suisse » du 24 novembre 1993, qui reconnaît
l’application de certaines garanties du procès équitable dès la phase antérieure à la
procédure de jugement, dans la mesure où leur méconnaissance ab initio est de nature
à compromettre gravement le caractère équitable de la procédure appréciée dans son
ensemble.

2. Une solution procédant de la même logique que la jurisprudence


« Didier »

Le Conseil d’État s’accorde donc avec le juge européen pour reconnaître qu’en
matière fiscale, l’inobservation dès la phase administrative de certaines des garanties
de l’article 6 C.E.D.H. peut compromettre irrémédiablement le caractère équitable de
la procédure juridictionnelle. Or, un procès fiscal peut emporter des conséquences
financières désastreuses.

Forts de ces constats, le juge administratif a reconnu la nécessité d’appliquer


certaines des prescriptions de l’article 6 C.E.D.H. ab initio et consécutivement a

616
CEDH, 3 mai 2001, n o 31827/96, J.B. c/ Suisse.

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CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014

admis l’opérance du moyen tiré de la violation de cette stipulation soulevé à


l’encontre de l’administration fiscale. De ce point de vue, la justification théorique de
cette jurisprudence n’est guère différente de celle ayant conduit le juge administratif à
étendre l’applicabilité de l’article 6 C.E.D.H. aux autorités administratives
indépendantes prononçant des sanctions « pénales ».

Il convient, en effet, de rappeler que c’est « pour tenir compte de l’importance


des pouvoirs reconnus à certaines autorités et des conséquences que peut avoir leur
mise en œuvre, ainsi que du fait que les débats devant ces mêmes autorités peuvent
être déterminants pour la décision à prendre » que le Conseil d’État a décidé
d’étendre l’applicabilité du droit au procès équitable aux autorités administratives
indépendantes prononçant des sanctions « pénales » au sens de la C.E.D.H. » 617.

Une dérogation au critère d’applicabilité organique du droit au procès


équitable était donc nécessaire.

Sur ce dernier point, la jurisprudence « Krempff » se démarque nettement de la


jurisprudence « Didier » 618.

Si cette dernière a également étendu l’applicabilité de l’article 6 C.E.D.H. à


une catégorie singulière d’autorités administratives, elle l’a fait tout en maintenant
une lecture organique des conditions d’applicabilité de cette stipulation, et ce en
employant la notion de « tribunal » dans un sens autonome.

S’agissant de l’administration fiscale, autorité administrative classique, le


Conseil d’État ne pouvait pas avoir recours à la notion de « tribunal au sens de ». Aux
termes de la jurisprudence administrative, cette dernière qualification, qui prend en

617
Voir Partie 1, Chapitre 2, Section 2, I, A, 1 ; BONICHOT Jean-Claude, « Les sanctions
administratives en droit français et la Convention européenne des droits de l’homme – De la
prévention pour les adaptations à l’adaptation préventive », A.J.D.A., 20 octobre 2001, numéro
spécial. Voir également en ce sens : ZAVOLI Philippe, « L’emprise de la CEDH sur les autorités
de régulation ou le jeu des apparences », précité, p. 9 ; LAURÉOTE Xavier, « Le procès
équitable devant le juge administratif français », in Procès équitable et enchevêtrement des
espaces normatifs, Hélène RUIZ FABRI (dir.), p. 92.
618
Voir en ce sens : EVEILLARD Gweltaz « L’application de l’article 6 de la Convention
européenne des droits de l’homme à la procédure administrative non contentieuse », A.J.D.A.,
22 mars 2010, p. 532.

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CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014

compte la nature, la composition et les attributions d’un organisme, est, en effet,


réservée aux autorités administratives indépendantes répressives.

C’est pourquoi, en matière de pénalités fiscales, la haute juridiction


administrative a dû renoncer à toute référence organique pour se prononcer sur
l’applicabilité de l’article 6 C.E.D.H.

Toutefois, il nous semble difficile de présenter la matière fiscale comme


l’antichambre d’une évolution plus générale vers une unité d’interprétation
jurisprudentielle des critères d’applicabilité de l’article 6 C.E.D.H. ou, en d’autres
termes, vers une généralisation d’une définition exclusivement matérielle des
conditions d’applicabilités de cette stipulation.

D’ailleurs, l’étude de la jurisprudence administrative démontre nettement que


le Conseil d’État n’a pas renoncé au principe de l’inapplicabilité de cette stipulation
aux autorités administratives.

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CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014

CONCLUSION

Guidée par une interprétation finaliste, la Cour de Strasbourg procède à une


lecture extensive du droit au procès équitable. Pour ce faire, elle a placé au cœur de
sa jurisprudence sur l’applicabilité de l’article 6 C.E.D.H., un critère matériel, tiré de
l’objet de la contestation ou de l’accusation. Elle a, en outre, développé une
interprétation autonome des champs « pénal » et « civil », englobant nombre de
sanctions prononcées par des organes administratifs. Un tel raisonnement lui a permis
de reconnaître, fréquemment, l’applicabilité de l’article 6 C.E.D.H. à des procédures
administratives non juridictionnelles.

Soucieux d’entretenir une distinction entre les actions administrative et


juridictionnelle, le juge administratif a privilégié une interprétation textuelle et
exigüe de cette stipulation. Il considère ainsi que l’article 6 C.E.D.H. vise
exclusivement la procédure administrative contentieuse.

Partant de ce constat, la haute juridiction administrative a longtemps confondu


les notions de « tribunal » et de « juridiction ». Consécutivement, la violation de cette
stipulation par une autorité administrative est souvent apparue en contentieux
administratif, comme un moyen inopérant.

Conscient de l’incompatibilité manifeste d’une telle position avec les solutions


européenne et judiciaire, le Conseil d’État a, de manière graduelle, apporté à sa
jurisprudence « SARL Auto-Industrie Méric » certains ajustements.

On assiste tout d’abord, à une appréhension de la notion de tribunal dans un


sens autonome. Cette nouvelle acception a permis au juge administratif de subsumer
dans cette catégorie juridique les autorités administratives indépendantes statuant en
matière pénale au sens de la C.E.D.H., lesquelles, d’ailleurs, « sont assez aisément

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CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014

assimilables, sinon à des juridictions au sens traditionnel » de la jurisprudence


administrative, « du moins à des autorités « quasi-juridictionnelles » 619.

L’évolution la plus notable résulte de la décision « Krempff ». Par cet arrêt, la


haute juridiction administrative a jeté un jour nouveau sur la lecture de l’article 6
C.E.D.H. Le Conseil d’État a, en effet, abandonné son critère organique, pour
admettre l’applicabilité de cet article à la procédure d’établissement des pénalités
fiscales, dont « la mise en œuvre […] est susceptible, le cas échéant, d'emporter des
conséquences de nature à porter atteinte de manière irréversible au caractère
équitable d'une procédure ultérieurement engagée devant le juge de l'impôt ».

Enfin, la jurisprudence « Didier » a récemment été étendue aux autorités


administratives indépendantes dans l’exercice de leur fonction contentieuse.

Nonobstant ces multiples efforts de rapprochement, une opposition radicale


demeure entre la Cour de Strasbourg, le juge judiciaire et le Conseil d’État, quant à la
l’interprétation de l’article 6 C.E.D.H. Plus précisément, un hiatus persiste quant aux
organes visés par le droit au procès équitable.

Celui-ci conduit inéluctablement à s’interroger sur l’application des garanties


du procès équitable par les juges européens et administratifs.

La différence de lecture existant entre les deux ordres juridictionnels quant à


l’applicabilité de l’article 6 C.E.D.H. se traduit-elle par des solutions
jurisprudentielles divergentes, quant à l’application des exigences du procès
équitable ?

619
DE SILVA Isabelle, concl. sur CE, 31 janvier 2007, Compagnie Corsair International SA.

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CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014

PARTIE 2

L’APPLICATION CONSENSUELLE DES EXIGENCES DU


PROCÈS ÉQUITABLE AUX AUTORITÉS ADMINISTRATIVES

Nous avons démontré que dans l’esprit de la Cour, la qualité de « tribunal » n’est
nullement une condition d’applicabilité de l’article 6 C.E.D.H. Seule compte l’existence
d’une « contestation sur des droits et des obligations de caractère civil » ou d’une
« accusation en matière pénale ». Par ailleurs, le juge européen retient une conception
extensive des matières « pénale » et « civile », de sorte qu’il admet l’invocabilité de
l’article 6 C.E.D.H. à l’encontre de procédures inédites et variées 620.

Il en résulte une difficulté majeure. Comment imposer à des organismes non


intégrés aux structures juridictionnelles ordinaires certaines des garanties du procès
équitable qui se heurtent fondamentalement à leur nature juridique et au régime auquel le
droit interne les soumet pour garantir l’efficacité de leur action ?

Ce problème, le juge administratif en a eu conscience très tôt 621. Le vice-président


du Conseil d’État, Jean-Marc SAUVÉ, notait en ce sens que « les stipulations de l’article 6
ne peuvent, du moins dans leur acception la plus extensive, être appliquées à la sanction
administrative, sauf à en faire une sanction juridictionnelle. Il pourrait en résulter un
risque d’ineffectivité d’une répression légitime et nécessaire et, dans une certaine mesure,
un éventuel affaiblissement de l’État de droit »622.
Aussi, afin de ne pas enserrer l’action administrative dans des contraintes
excessives, la haute juridiction administrative s’est affranchie de l’interprétation
européenne de l’article 6 C.E.D.H. en réservant initialement l’applicabilité de cette

620
Voir Partie 1, Chapitre 1, Section 1, II, B.
621
Voir Partie 1, Chapitre 2, Section 1, I, B, 2.
622
SAUVE Jean-Marc, « Les sanctions administratives en droit public français. État des lieux,
problèmes et perspectives. », A.J.D.A., 20 octobre 2001, n o spécial, p. 23.

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CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014

stipulation aux autorités juridictionnelles statuant en matière « pénale » ou « civile ».

Dès lors, cette divergence de lecture des conditions d’applicabilité de l’article 6


C.E.D.H. a pu faire craindre une véritable guerre des juges européens et administratifs
quant à l’application des garanties du procès équitable aux autorités administratives.

Celle-ci n’a pourtant pas eu lieu. Bien au contraire, un véritable dialogue s’est
engagé.

La Cour de Strasbourg a effectivement rapidement reconnu que le droit au procès


équitable ne pouvait pas raisonnablement être appliqué de manière uniforme à tout ce qui
entre dans son champ. La distinction qu’elle prend soin d’opérer entre l’« applicabilité » de
l’article 6 C.E.D.H. et l’« application » des garanties offertes par cette stipulation, lui a
permis de nuancer sérieusement les conséquences découlant d’une applicabilité étendue du
droit au procès équitable. Plus précisément, dans la jurisprudence strasbourgeoise, la
reconnaissance du caractère opérant du moyen tiré de la violation de l’article 6 C.E.D.H.
n’entraîne pas une application automatique de l’ensemble des exigences protégées par le
droit au procès équitable (Chapitre 1).

Singulièrement, le juge administratif, qui se signale par sa conception exiguë de


l’applicabilité de l’article 6 C.E.D.H. dans la sphère administrative, adopte, à l’instar de
son homologue judiciaire, une démarche beaucoup plus volontariste au stade de
l’application des garanties du procès équitable, allant parfois même au-delà des données
jurisprudentielles européennes (Chapitre 2).

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CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014

CHAPITRE 1

UNE APPLICATION SOUPLE DES GARANTIES DU PROCÈS


ÉQUITABLE AUX AUTORITÉS ADMINISTRATIVES PAR LE
JUGE EUROPÉEN

Bien que la Cour de Strasbourg et le Conseil d’État empruntent des voies


interprétatives différentes en ce qui concerne l’applicabilité du droit au procès équitable,
leurs décisions respectives aboutissent à des résultats pratiques comparables.

Cette convergence inattendue s’explique par le raisonnement européen, qui permet,


sous certaines conditions, de repousser l’obligation de se conformer aux garanties du
procès équitable jusqu’au maillon juridictionnel de la chaîne procédurale (Section 1). En
effet, si la Cour de Strasbourg reconnaît l’applicabilité de l’article 6 C.E.D.H. à une
autorité administrative, elle conçoit aussi d’en paralyser momentanément les effets, en
écartant la mise en œuvre des garanties offertes par cette stipulation devant une telle entité.
D’un point de vue concret, une telle façon de procéder engendre les mêmes effets que le
blocage immédiat par le juge administratif de l’applicabilité de l’article 6 C.E.D.H. aux
autorités administratives classiques.

Il peut cependant arriver que le juge européen exige l’application immédiate de


certaines garanties du procès équitable. Tel est notamment le cas lorsqu’il estime que
l’effectivité même du droit au procès équitable est en jeu (Section 2).

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CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014

SECTION 1

L’application des garanties du procès équitable différée au stade


juridictionnel

Lorsqu’elle est appelée à se prononcer sur la mise en œuvre des garanties


offertes par l’article 6 C.E.D.H. devant un organisme non juridictionnel, la Cour
européenne des droits de l'homme, consciente de la nécessité de procéder avec
réalisme et désireuse d’harmoniser ses solutions avec les traditions juridiques des
États contractants, ne se montre pas d’une excessive rigidité (I).

Il est vrai qu’une attitude contraire risquerait de transformer en Arlésienne


l’observation de cette stipulation dans les ordres juridiques internes. Comment, en
effet, exiger d’une autorité administrative, intégrée dans une hiérarchie
administrative, et dont la décision est contestée, le respect de garanties propres à la
procédure juridictionnelle ?

Ainsi, dans le corpus prétorien européen, « applicabilité » de l’article 6


C.E.D.H. ne rime pas avec « automaticité immédiate » du respect de ses garanties. En
réalité, la Cour de Strasbourg préfère en affranchir certaines autorités administratives,
celles dont les décisions sont susceptibles de faire l’objet d’un contrôle ultérieur de
pleine juridiction par un organe judiciaire offrant toutes les garanties procédurales
prévues à l’article 6 C.E.D.H. (II)

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CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014

I. Une interprétation souple du respect des exigences du procès équitable

Face à la généralisation de la dépénalisation et à la difficulté d’appliquer des


exigences de nature essentiellement juridictionnelle à l’administration (A), la Cour de
Strasbourg a habilement opté pour une appréciation globale du respect des garanties
du procès équitable par une procédure donnée (B).

A. La légitimation de la répression administrative ou l’impossible application


uniforme d’une norme juridique à l’applicabilité étendue

Nos précédents développements 623 nous ont permis de démontrer qu’aux


termes de la jurisprudence strasbourgeoise, la notion de « tribunal », qui figure à
l’article 6 § 1 C.E.D.H., constitue l’une des premières exigences du procès équitable
dont doit pouvoir bénéficier toute personne faisant l’objet d’une « contestation
portant sur des droits et des obligations de caractère civil » ou d’une « accusation en
matière pénale ».

Tel qu’interprété par la Cour européenne, le contenu du droit à un tribunal (1)


se révèle antinomique avec l’exercice par l’administration d’une fonction
contentieuse (2).

1. La notion de tribunal dans la jurisprudence européenne

C’est dans son arrêt « Didier c/ France » rendu le 27 août 2002 que la Cour de
Strasbourg a, pour la première fois, explicitement consacré l’autonomie de la notion
de « tribunal » 624.

Il est vrai que la Cour avait déjà affirmé de longue date que « par "tribunal"
l’article 6 paragraphe 1 n’entend pas nécessairement une juridiction de type

623
Voir Partie 1, Chapitre 1, Section 1, I, A.
624
Voir en ce sens : CEDH, 27 août 2002, n o 58188/00, Didier c/ France, § 3, Rec., 2002-VII ;
J.C.P., éd. gén., 2003, I, 109, obs. SUDRE Frédéric ; J.C.P., éd. gén., 2003, II, 10177, note
GONZALES Gérard.

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CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014

classique, intégrée aux structures judiciaires ordinaires du pays » 625. C’est ainsi que
dès 1984, le juge européen avait érigé en « tribunal » un organisme non qualifié de
juridiction en droit interne 626. Dix ans plus tard, elle avait refusé cette appellation au
Conseil d’État français qui avait renvoyé au ministre des affaires étrangères le soin
d’interpréter les stipulations d’un traité dont le sens n’était pas clair 627. Pour ce faire,
elle avait estimé que l’obligation pour la haute juridiction administrative française de
s’en remettre à une autorité relevant du pouvoir exécutif, afin de résoudre le problème
juridique qui lui était posé, révélait un défaut d’indépendance incompatible avec la
notion de « tribunal ».

Mais, jusqu’en 2002, la Cour de Strasbourg ne s’était jamais explicitement


prononcée sur l’autonomie de cette notion, et ce contrairement aux termes
d’« accusation en matière pénale » 628 ou de « contestation sur des droits et obligations
de caractère civil » 629.

Faute de qualification jurisprudentielle expresse, la doctrine était alors


partagée quant à l’autonomie de cette notion.

Pour certains auteurs, selon lesquels les notions autonomes constituent une
technique tendant à « assurer une interprétation cohérente et unifiée du traité face

625
Voir en ce sens : CEDH, 28 juin 1984, n os 7819/77,7878/77, Campbell et Fell c/ Royaume-Uni,
C.D.E., 1986, p. 213, note COHEN-JONATHAN Gérard ; A.F.D.I., 1985, p. 394, obs.
COUSSIRAT-COUSTERE Vincent ; J.D.I., 1986, p. 1058, ROLLAND Patrice et TAVERNIER
Paul.
626
Voir en ce sens : CEDH, 28 juin 1984, n os 7819/77,7878/77, Campbell et Fell c/ Royaume-Uni,
précité.
627
Voir en ce sens : CEDH, 24 novembre 1994, n o 15287/89, Beaumartin c / France, J.C.P., 1995, I,
3823, obs. SUDRE Frédéric.
628
CEDH, 8 juin 1976, n os 5100/71, 5101/71, 5102/71, 5354/72, 5370/72, Engel et autres c/ Pays-
Bas, § 8, précité; CEDH, 21 février 1984, n o 8544/79, Oztürk c/ Allemagne, § 50, G.A.C.E.D.H.,
no 21 ; Jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme, 9ème éd., 2004, éditions
Sirey, n o 117, BERGER Vincent ; J.D.I., 1986, p. 1051, obs. ROLLAND Patrice et TAVERNIER
Paul ; CEDH, 28 juin 1984, n os 7819/77 et 7878/77, Campbell et Fell c/ Royaume-Uni, § 68,
précité ; CEDH, 27 août 1991, n o 13057/87, Demicoli c/ Malte, § 31, J.D.I., 1992, p. 792, note
DECAUX Emmanuel. Pour une reconnaissance explicite, voir : CEDH, 28 juin 1978, n o 6232/73,
König c/ Allemagne, § 88, précité ; CEDH, 27 février 1980, n o 6903/75, Deweer c/ Belgique,
§ 42, précité.
629
CEDH, 28 juin 1978, n o 6232/73, König c/ Allemagne, § 88, précité ; CEDH, 16 juillet 1971,
n o 2614/65, Ringeisen c/ Autriche, § 110, précité ; CEDH, 8 juillet 1987, n o 10092/82, Baraona
c/ Portugal, Série A, n o 122, § 42.

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CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014

aux différents droits nationaux » 630, l’autonomie de la notion de « tribunal » ne faisait


guère doute 631.

Sans remettre en cause cette définition, le professeur Frédéric Sudre lui a


apporté d’intéressantes précisions dans une remarquable analyse sur « Le recours aux
« notions autonomes » ». Il a notamment démontré que ce qualificatif devait être
exclusivement réservé aux notions commandant l’applicabilité d’un droit garanti par
la Convention 632. Ce faisant, il en a logiquement déduit que le concept de
« tribunal » 633 ne pouvait pas figurer dans la liste des notions autonomes. Mais l’arrêt
« Didier c/ France », rendu quelques années après, est venu contredire cette analyse.
Dans son ouvrage général sur le « droit européen et international des droits de
l’homme », le professeur SUDRE a pris acte de la position des juges strasbourgeois
en soulignant que « le « tribunal » (…) reçoit une acception « autonome » au sens de
la Convention » 634. Il n’a toutefois pas réactualisé sa définition des notions
autonomes qu’il avait proposée dans sa célèbre étude publiée en 1998.

Faut-il désormais considérer que l’arrêt « Didier c/ France » a définitivement


battu en brèche l’étude du professeur Frédéric SUDRE ?

La réponse n’est pas évidente dans la mesure où la reconnaissance du caractère


autonome de la notion de « tribunal » est intervenue « subrepticement dans la

630
ROLLAND Patrice, « L’interprétation de la CEDH », R.U.D.H., 1991, p. 280 et plus précisément
p. 283.
631
GANSHOF VAN DER MEERSCH Walter Jean, « Le caractère autonome des termes et la marge
d’appréciation des gouvernements dans l’interprétation de la Convention », Mélanges Wiarda,
Carl Heymanns Verlag, 1988, p. 201 et p. 220 ; COHEN-JONATHAN Gérard, La Convention
Européenne des Droits de l’Homme, Economica, 1989, p. 195 ; EISSEN Marc-André, La Cour
Européenne des Droits de l’Homme, R.D.P., 1986, p. 1539 à p. 1597 ; ROLLAND Patrice,
« L’interprétation de la CEDH », R.U.D.H., 1991, p. 280 et plus précisément p. 283. ;
MATSCHER Franz, « La notion de « tribunal » au sens de la Convention européenne des droits
de l’homme », in Les nouveaux développements du procès équitable au sens de la convention
européenne des droits de l’homme, Actes du colloque du 22 mars 1996 en la grande chambre de
la Cour de cassation, Bruxelles, Bruylant, 1996, p. 29 et spécialement p. 32.
632
Voir nos développements précédents : Partie 1, Chapitre 1, Section 1, II, A.
633
SUDRE Frédéric, « Le recours aux « notions autonomes » », in L'interprétation de la convention
européenne des droits de l'homme, SUDRE Frédéric (dir.), Bruxelles, Bruylant, 1998, p. 93, et
plus précisément p. 105 à p. 106.
634
SUDRE Frédéric, Droit européen et international des droits de l’homme, P.U.F., 9 ème éd., 2012,
p. 374.

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CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014

décision sur la recevabilité de la requête dans l’affaire Didier » 635. Aussi, il est
difficile de mesurer la portée de cette jurisprudence. D’ailleurs, cette question n’a fait
l’objet d’aucune intervention doctrinale. La démonstration faite par Frédéric SUDRE
demeure actuellement l’un des seuls travaux d’ensemble sur la notion d’autonomie en
droit de la Convention européenne. Il faut cependant reconnaître que la décision
« Didier c/ France » apporte une sérieuse exception à la définition des notions
autonomes proposée par Frédéric SUDRE.

Mais, à nos yeux, le débat doit se situer beaucoup plus en amont. Plus
précisément, il convient de s’interroger sur l’existence même d’une notion
européenne de « tribunal » ou, en d’autres termes, sur la réelle autonomie de ce
concept. Bien que le droit au tribunal au sens de la jurisprudence strasbourgeoise ait
été abondamment traité 636, aucun auteur n’a abordé cette question.

Rappelons, à cet égard, que l’idée d’« autonomie substantielle» suppose


qu’une notion figurant dans la Convention soit revêtue « d’une signification propre,
distincte de celle qu’elle aurait en droit interne » 637. Ainsi, on peut parler
d’autonomisation lorsque le terme conventionnel est interprété en faisant prévaloir
une signification dont la différence avec celle qu’il revêt en droit interne apparaît
substantielle.

Or, l’étude comparative des notions de « tribunal » au sens de la Convention et


de « juridiction » en droit français démontre que ces deux notions sont assez proches.

635
MILANO Laure, Le droit à un tribunal au sens de la Convention européenne des droits de
l’Homme, Thèse Montpellier, SUDRE Frédéric (dir.), L.G.D.J., 2006, p. 351.
636
GROTRIAN Andrew, L'article 6 de la Convention européenne des Droits de l'homme, Conseil de
l'Europe, Direction des droits de l'homme, 1994, p. 16 ; SOYER Jean-Claude et DE SALVIA
Michel, « Article 6 », in La CEDH, commentaire article par article, PETTITI Louis-Edmond,
DECAUX Emmanuel, IMBERT Pierre-Henri (dir.), 2 ème éd., Paris, Economica, 1999 ; MILANO
Laure, Le droit à un tribunal au sens de la Convention européenne des droits de l’Homme,
précitée; SUDRE Frédéric et PICHERAL Caroline, « Un critère organique secondaire », in
L’extension des garanties du procès équitable hors les juridictions ordinaires : les contraintes
européennes, Institut de droit européen des droits de l’homme, avril 2002, SUDRE Frédéric
(dir.), p. 41 ; TULKENS Françoise et LOTARSKI Jaroslaw, « Le tribunal indépendant et
impartial à la lumière de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme »,
Mélanges Van Compernolle, Bruylant, 2005, p. 731.
637
SUDRE Frédéric, « Le recours aux « notions autonomes », in L'interprétation de la convention
européenne des droits de l'homme, SUDRE Frédéric (dir.), Bruxelles, Bruylant, 1998.

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CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014

Cela tient au fait que les critères employés par le juge strasbourgeois pour attribuer à
un organe l’appellation de « tribunal » correspondent à ceux utilisés dans notre droit
interne pour définir la « juridiction ».

Il résulte du corpus prétorien strasbourgeois que le juge européen réserve cette


appellation aux organes qui répondent à des exigences à la fois matérielles et
formelles.

Dans l’arrêt « Sramek c/ Autriche» rendu le 22 octobre 1984, les juges


strasbourgeois ont ainsi qualifié l’autorité régionale autrichienne 638 de « tribunal » au
sens de la Convention, eu égard à son pouvoir de « trancher, sur la base de normes
de droit et à l’issue d’une procédure organisée, toute question relevant de sa
compétence » 639. « Le premier critère retenu par la Cour pour qualifier un organe de
« tribunal » est donc un critère matériel qui tient à la mission dont l’organe a la
charge » 640. La Cour a ultérieurement précisé cette définition matérielle en exigeant
que l’organe en question soit doté d’une compétence telle qu’elle lui permette
d’examiner les points de fait comme les questions de droit 641.

À ce stade, on peut souligner la similitude de ce premier critère à celui utilisé


en droit interne pour identifier matériellement un organe juridictionnel. La fonction
juridictionnelle est communément 642 présentée comme celle consistant « à dire le
droit et à trancher les litiges » 643.

638
L’autorité régionale autrichienne ne fait pas partie des juridictions de l’État autrichien.
639
CEDH, 22 octobre 1984, n o 8790/79, Sramek c/ Autriche, § 36 ; CEDH, 27 août 1991,
n o 13057/87, Demicoli c/ Malte, § 39, note DECAUX Emmanuel, J.D.I., 1992, p. 792 ; CEDH,
29 avril 1988, n o 10328/83, Belilos c/ Suisse, § 64 ; CEDH, 30 novembre 1987, n o 8950/80, H
c/ Belgique, § 50.
640
MILANO Laure, Le droit à un tribunal au sens de la Convention européenne des droits de
l’Homme, précitée, p. 346, no 426.
641
CEDH, 25 novembre 1994, n o 12884/87, Ortenberg c/ Autriche, § 31 à § 34.
642
Il existe diverses approches du critère matériel. DUGUIT Léon, Traité de droit constitutionnel,
Tome 2, La théorie générale de l’État, 1928, p. 423 : « L’acte juridictionnel est l’acte d’ordre
juridique accompli par un agent public, comme conséquence logique de la constatation qu’il a
faite qu’il y avait ou non violation du droit objectif ou atteinte à une situation objective ou à une
situation subjective. » ; BONNARD Roger, Précis de droit administratif, 1940, p. 70 : « L’acte
juridictionnel est un acte juridique composé d’une constatation portant sur une contestation
soulevée et d’une décision qui tranche définitivement la contestation. » ; VIZIOZ Henri, Revue
Générale du Droit, 1929, p. 22-23 : « Il y a juridiction toutes les fois que l’agent public
intervient pour trancher une question de droit, pour se prononcer sur une prétention d’ordre
juridique, en faisant une contestation portant sur la légalité d’un acte ou d’une situation

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CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014

En outre, dans la jurisprudence strasbourgeoise, tout comme en droit interne,


« le rôle juridictionnel ne suffit pas » 644 à lui seul à emporter la qualification de
« tribunal ».

D’une part, selon la Cour européenne, ne peut être qualifié de « tribunal » au


sens de la Convention qu’un organe ayant la compétence de décider ou, en d’autres
termes, le pouvoir de rendre « une décision obligatoire qu’une autorité non-judiciaire
n’aurait pas le pouvoir de modifier » 645. La décision doit être « contraignante » 646. La
juge strasbourgeois souligne que « le pouvoir de rendre une décision obligatoire ne
pouvant être modifiée par une autorité non judiciaire au détriment d’une partie est
inhérent à la notion même de « tribunal », ainsi que le confirment les termes « qui
décidera » 647. Il s’agit là d’un « attribut essentiel du tribunal » 648. C’est ainsi que la
qualification de « tribunal » au sens de la Convention a été refusée au Conseil

préexistants. » ; LUREAU Pierre, De l'interprétation des règlements administratifs et de


l'appréciation de leur légalité par les tribunaux judiciaires, Thèse, 1930, p. 171 : « L’acte
juridictionnel est un acte-condition défini par le fait qu’une question de droit est posée
principalement et directement au juge comme une fin et non comme un simple moyen de
réalisation d’une activité étatique. » ; LADREIT DE LACHARRIERE René, Le contrôle
hiérarchique de l’administration dans la forme juridictionnelle, Thèse, 1938, p. 41-42 : « La
fonction juridictionnelle consiste à dire au nom de l’État les limites légales qui s’imposent à
l’activité des particuliers ou des administrateurs, soit parce que les actions exercées soulèvent
des contestations ou qu’elles sont prétendues illégales, soit parce que, préalablement à toute
action, la loi a fait un devoir à l’agent de se faire investir d’un certain statut par une décision
juridictionnelle. »
643
D’AMBRA Dominique, L’objet de la fonction juridictionnelle : dire le droit et trancher des
litiges, L.G.D.J., Paris, 1994. Voir également en ce sens : AUCOC Léon, Conférences, 3 ème éd.,
1885, T. 1, p. 458 ; de SAINT-GIRONS Antoine, Droit public français : Essai sur la séparation
des pouvoirs dans l’ordre politique, administratif et judiciaire, Paris, 1881, p. 509 ; BATBIE
Anselme, Traité théorique et pratique de droit public et administratif, 2 ème éd., 1885-1886, T. 3,
p. 406.
644
CEDH, 23 juin 1981, n os 6878/75, 7238/75, Le Compte, Van Leuven et De Meyere c/ Belgique,
§ 55, G.A.C.E.D.H., no 17 ; C.D.E., 1982, p. 201, COHEN-JONATHAN Gérard ; J.D.I., 1982,
p. 216, ROLLAND Patrice.
645
CEDH, 22 octobre 1984, Sramek, § 36, précité ; CEDH, 23 octobre 1985, n o 8848/80, Benthem
c/ Pays-Bas, § 40, C.D.E., 1988, p. 449, COHEN-JONATHAN Gérard ; CEDH, 30 novembre
1987, H. c/ Belgique, § 50, précité.
646
CEDH, 23 octobre 1985, n o 8848/80, Benthem c/ Pays-Bas, § 40, précité ; Voir également
CEDH, 25 septembre 2008, n o 42132/06, Paraponiaris c/ Grèce, § 21 et CEDH, 31 août 2006,
n o 17263/02, Landolt c/ Suisse.
647
CEDH, 25 septembre 2008, n o 42132/06, Paraponiaris c/ Grèce, § 21, précité.
648
CEDH, 19 avril 1994, n o 16034/90, Van de Hurk c/ Pays-Bas, § 52, A.J.D.A., 1995, p. 124, spéc.
p. 138, obs. FLAUSS Jean-François ; J.T.D.E., 1995, p. 60, obs. LAMBERT Pierre.

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néerlandais d’appel économique dont la décision peut être privée d’effets par une
autorité administrative 649. La Cour a également jugé qu’un simple avis consultatif ne
permet pas d’assurer « la solution juridictionnelle du litige voulu par l’article 6 -
1 » 650.

D’autre part, seuls méritent une telle appellation les organes répondant « à une
série d’autres exigences, indépendance à l’égard de l’exécutif comme des parties en
cause, durée du mandat des membres, garanties offertes par la procédure, dont
plusieurs figurent dans le texte même de l’article 6 § 1 C.E.D.H. » 651. Par la suite, la
Cour est venue ajouter à ces prescriptions celles tenant à « l’origine légale de la
juridiction, (…) l’impartialité, l’application d’une procédure légale » 652. Pour
apprécier la similitude des notions de « tribunal » et de « juridiction », il nous faut
rapidement présenter le contenu de ces garanties, qui feront l’objet de
développements ultérieurs plus approfondis. Le juge européen entend la notion
d’indépendance dans un sens large, puisque cette garantie doit exister « à l’égard de
l’exécutif comme à l’égard des parties en cause ». Selon le juge européen,
« L'indépendance du tribunal par rapport aux parties et à l'exécutif implique que,
s'agissant d'une question qui entre dans la compétence du tribunal, la solution d'un
litige ne saurait lui être dictée ni par l'une des parties ni par une autorité relevant de
l'exécutif » 653. Quant à l’exigence d’impartialité, elle s’apprécie de diverses manières.
La Cour retient une approche à la fois objective, amenant à rechercher si l’autorité en
cause « offrait des garanties suffisantes pour exclure à cet égard tout doute légitime »
et subjective, visant à « déterminer ce que tel juge pensait dans son for intérieur en
telle circonstance » 654. L’impartialité implique notamment « l’absence de préjugés ou

649
CEDH, 19 avril 1994, n o 16034/90, Van de Hurk c/ Pays-Bas, § 45 à 52, précité.
650
CEDH, 23 octobre 1985, n o 8848/80, Benthem c/ Pays-Bas, § 39, précité.
651
CEDH, 18 juin 1971, nos 2832/66, 2835/66, 2899/66, De Wilde, Ooms et Versyp c/ Belgique,
§ 76 et § 78 ; CEDH, 5 novembre 1981, n o 7215/75, X. c/ Royaume-Uni, § 53.
652
CEDH, 25 septembre 2008, n o 42132/06, Paraponiaris c/ Grèce, § 21, précité et CEDH, 31 août
2006, n o 17263/02, Landolt c/ Suisse, précité.
653
CEDH, 3 février 2003, n o 49636/99, Chevrol c/ France, D. 2003, J., p. 931, note MOUTOUH
Hugues ; A.J.D.A., 2003, p. 1984, note RAMBAUD Thierry.
654
CEDH, 1er octobre 1982, n o 8692/79, Piersack c/ Belgique, § 30.

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CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014

de parti pris » 655. Selon la Cour, la légalité du tribunal « reflète le principe de l'État
de droit, inhérent à tout le système de la Convention et de ses protocoles. En effet, un
organe n'ayant pas été établi conformément à la volonté du législateur, serait
nécessairement dépourvu de la légitimité requise dans une société démocratique pour
entendre la cause des particuliers » 656. Cette garantie « a pour objet d’éviter que
l’organisation du système (…) ne soit laissée à la discrétion de l’Exécutif et de faire
en sorte que cette matière soit régie par une loi du Parlement » 657. Aussi, l’organe
doit être créé par une loi et son organisation générale doit être régie par une loi 658.
Les « garanties offertes par la procédure » ont fait l’objet de peu de développements
dans la jurisprudence strasbourgeoise. Selon Franz MATSCHER, juge à la Cour
européenne, cette formulation implique que « les décisions soient prises en
appliquant des normes matérielles en vigueur à des faits établis conformément aux
règles de procédure prévues et en accordant aux comparants le droit à être
entendu » 659. En vertu de cette exigence, la Cour a jugé que les procédures arbitraires
sont contraires à l’article 6 § 1 C.E.D.H., lequel impose le respect du principe du
contradictoire 660, le droit de récusation 661 et la motivation des décisions 662.

De prime abord, l’intégration de ces éléments organiques 663 et procéduraux 664


dans la définition de la notion de « tribunal » peut apparaître « redondante »665.
L’article 6 C.E.D.H. prévoit déjà, en son premier et deuxième paragraphe, le respect

655
CEDH, 1er octobre 1982, n o 8692/79, Piersack c/ Belgique, § 30.
656
CEDH, 28 novembre 2002, n o 58442/00, Lavents c/ Lettonie, § 114.
657
CEDH, 22 juin 2000, n os 32492/96, 32547/96, 32548/96, 33209/96, 33210/96, Coëme et autres
c/ Belgique, Rec., 2000-VII, § 98 ; chr. TAVERNIER Paul, J.D.I., 2001, p. 184 à p. 186.
658
CEDH, 28 novembre 2002, n o 58442/00, Lavents c/ Lettonie, § 114.
659
MATSCHER Franz, « La notion de tribunal au sens de la Convention européenne des droits de
l’homme », in Les nouveaux développements du procès équitable au sens de la convention
européenne des droits de l’homme, Actes du colloque du 22 mars 1996 en la grande chambre de
la Cour de cassation, Bruxelles, Bruylant, 1996, p. 29.
660
CEDH, 7 avril 2005, n o 28338/02, Jarnevic et Profit c/ Grèce.
661
CEDH, 30 novembre 1987, H. c/ Belgique, précité.
662
CEDH, 30 novembre 1987, H. c/ Belgique, précité.
663
Légalité du tribunal, indépendance, impartialité.
664
Garanties offertes par la procédure.
665
SUDRE Frédéric et PICHERAL Caroline, « Un critère organique secondaire », in L’extension
des garanties du procès équitable hors les juridictions ordinaires, précité, p. 43.

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CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014

des garanties d’indépendance, d’impartialité, de légalité du tribunal et du respect du


caractère contradictoire de la procédure. Cette réitération présente toutefois un double
intérêt. Elle vient confirme la thèse, déjà exposée, de la nature fondamentalement
juridictionnelle de la répression et, au-delà, des fonctions contentieuses 666 . Elle
permet, ensuite, de marquer la proximité entre la notion conventionnelle de
« tribunal » et celle de « juridiction ».

Dans la jurisprudence administrative 667, cet élément formel constitue, en effet,


un indice en faveur de la reconnaissance de la nature juridictionnelle d’un organise.
La majorité doctrinale s’accorde, ainsi, pour reconnaître que « ce qui fait le caractère
propre d’une juridiction, ce n’est pas (uniquement) la mission qu’elle remplit, mais
(également) ses règles spéciales d’organisation et de procédure » 668. À ce titre,
l’indépendance de l’organisme apparaît comme le critère organique essentiel de la
notion de juridiction 669. Elle est, d’ailleurs, intimement liée à la représentation qu’on
se fait communément de la juridiction. « Cela s’explique », écrit le professeur Pierre
LAMPUÉ, « par le fait que cette indépendance est la condition de l’impartialité du
jugement, c'est-à-dire de l’application exacte et comme automatique de la loi à un
cas d’espèce, application qui doit être commandée par un raisonnement purement
logique, à l’exclusion de toute considération étrangère au droit » 670. Les organes
juridictionnels se caractérisent, en outre, par le respect de formes procédurales,

666
Voir Partie 1, Chapitre 1, Section 1, II, B, 2.
667
CE, Ass., 12 juillet 1969, no 72480, L’Étang, Rec., p. 388 ; A.J.D.A., 1969, p. 559, DEWOST
Jean-Louis et DENOIX de SAINT-MARC Renaud ; R.D.P., 1970, p. 387, WALINE Marcel ; CE,
4 janvier 1985, n o 43953, M. BODET ; CE, 13 février 1987, n o 53118, M. LANIAUD.
668
Voir HAURIOU Maurice, Éléments du contentieux, Rec. académie législative Toulouse, 1905,
p. 41 ; CARRE DE MALBERG Raymond, Contribution à la théorie générale de l’État, T. 1,
1920, p. 697 et p. 785 ; CHEVALLIER Jacques, « Fonction contentieuse et fonction
juridictionnelle », Mélanges Stassinopoulos, L.G.D.J., 1974, p. 288 ; GOHIN Olivier, « Qu’est-
ce qu’une juridiction ? », Droits, 1989, p. 93 ; KLAOUSEN Patrick, « Réflexions sur la
définition de la notion de juridiction dans la jurisprudence du Conseil d’État », L.P.A., 30 juillet
1993, p. 25 ; AUBY Jean-Bernard, « Autorité administrative et autorité juridictionnelle »,
A.J.D.A., p. 91.
669
CARRE DE MALBERG Raymond, Contribution à la théorie générale de l’État, précitée, p 697
et p. 785 : « L’indépendance des tribunaux devient le fondement même et la source de la notion
de juridiction. » ; KELSEN Hans, « Aperçu d’une théorie générale de l’État », traduction
Eisenmann, R.D.P., 1926, p. 611 ; MERKL, Allgemeines Verwaltungsrecht, 1927, p. 36.
670
LAMPUE Pierre, « La notion d’acte juridictionnel », R.D.P., 1946, p. 5-67, plus précisément
p. 44.

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CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014

« destinées à garantir aux justiciables des garanties de vérité, c’est-à-dire de


conformité à la loi ou de haute impartialité du droit qui doit leur être dit » 671. Dans
ce cadre, l’autorité chargée de juger est tenue de se conformer aux principes de
« libre contradiction, libre défense, publicité des débats, motivation, double degré de
juridiction » 672, lesquelles participent à la manifestation de la vérité. Enfin, le
caractère obligatoire de la décision « qu’une autorité non-judiciaire n’aurait pas le
pouvoir de modifier » 673 renvoie précisément, en droit interne, à la notion d’
« autorité formelle de la chose jugée » 674. Or, cette dernière est inhérente à la
définition de l’acte juridictionnel et, consécutivement, à l’attribution d’un statut
juridictionnel 675. Ce caractère contraignant est, en effet, très important, car « il
n’appartient pas aux actes émanant des autorités qui n’ont pas le pouvoir
juridictionnel, même lorsque ces actes présentent la même nature matérielle que les
jugements » 676.

671
CARRE DE MALBERG Raymond, Contribution à la théorie générale de l’État, T. I, 1920,
p 782.
672
CHEVALLIER Jacques, « Fonction contentieuse et fonction juridictionnelle », Mélanges
Stassinopoulos, L.G.D.J., 1974, p. 289.
673
CEDH, 22 octobre 1984, Sramek, § 36, précité ; CEDH, 23 octobre 1985, n o 8848/80, Benthem
c/ Pays-Bas, § 40, C.D.E., 1988, p. 449, COHEN-JONATHAN Gérard ; CEDH, 30 novembre
1987, H. c/ Belgique, § 50, précité.
674
L’autorité formelle de la chose jugée doit être distinguée de l’autorité matérielle de la chose
jugée. Cette distinction a été remarquablement résumée par le professeur LAMPUÉ dans son
étude sur « La notion d’acte juridictionnel », précitée. Selon l’auteur, la première vise le
caractère définitif et immuable de la décision du juge, « en ce sens que, sauf par le jeu de la voie
de recours, elle ne peut plus être révoquée ou modifié, que le procès dont elle a été
l’aboutissement ne peut plus être recommencé et que toute action qi tendrait à la remettre en
cause est irrecevable ». La seconde correspond au caractère obligatoire des dispositions du
jugement et à l’obligation de les respecter et de les appliquer. En ce sens, l’autorité matérielle de
la chose jugée « n’est pas spéciale à l’acte juridictionnel, car la force juridique appartient, à des
degrés divers, à tous les actes juridiques et elle n’est pas autre chose que leur validité » ; Voir
également, BONNARD Roger, Le contrôle juridictionnel de l’administration, 1934, p. 84 et
Précis de droit administratif, 4ème éd., 1943, p. 109.
675
JEZE Gaston, « L`acte juridictionnel et la classification des recours contentieux », R.D.P., 1909,
p. 667 et Les principes généraux du droit administratif, 3 ème éd., t. I, 1925, p. 48 ; JAPIOT,
Traité élémentaire de procédure civile et commerciale, 3 ème éd., 1935, p. 125 : « le jugement est
essentiellement caractérisé par l’autorité de la chose jugée, c’est-à-dire par le fait qu’il met fin
irrévocablement au litige, du moins lorsqu’il n’est pas susceptible d’une voie de recours » ;
WALINE Marcel, « Critère des actes juridictionnels », R.D.P., 1933, p. 565 à 572 : « le juge
public, c’est celui dont les actes peuvent acquérir l’autorité de chose jugée s’il n’est pas formé
contre eux de recours en temps utile ou si ces recours échouent ».
676
LAMPUÉ Pierre, « La notion d’acte juridictionnel », R.D.P., 1946, p. 5-67, plus précisément
p. 50.

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CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014

En définitive, la notion européenne de « tribunal », qui combine des


qualifications à la fois matérielle, organique et formelle, ne manque pas d’évoquer
celle de « juridiction », à ceci près que la première, à la différence de la seconde,
n’implique pas la collégialité de l’organisme 677. Aussi, l’affirmation par la Cour de
Strasbourg d’une autonomie substantielle de la notion de « tribunal » peut être
relativisée.

2. L’impossibilité pour une autorité administrative de se conformer à


la notion européenne de tribunal

Telle qu’elle vient d’être définie, la notion de tribunal fait obstacle à


l’attribution à une autorité administrative classique du pouvoir de statuer sur le bien-
fondé d’une accusation en matière pénale ou de trancher des contestations relatives à
des droits et des obligations de caractère civil, au sens de la Convention. La détention
d’une fonction contentieuse, de nature répressive ou non, par une autorité
administrative classique apparaît, en effet, contraire, dans son principe, à l’article 6
§ 1 C.E.D.H. et, plus précisément, à la garantie du droit au « tribunal » au sens de la
jurisprudence européenne. Plus précisément, les exigences d’indépendance et
d’impartialité, mais également l’autorité formelle de la chose jugée sont méconnues
s’agissant de décisions émanant d’organismes qui se rattachent au pouvoir exécutif et
qui lui sont subordonnés 678.

La situation peut être différente dans l’hypothèse où le pouvoir de statuer sur


le bien-fondé d’une accusation en matière pénale ou de trancher des contestations
relatives à des droits et des obligations de caractère civil au sens européen est confié
à une autorité administrative indépendante. Ces dernières bénéficient de garanties
d’indépendance à la fois organiquement et matériellement. En outre, la procédure
suivie par ces organismes est très proche de la procédure juridictionnelle. C’est

677
CE, Sect., 20 novembre 1970, Bouez et UNEF, Rec., p. 690 ; Note CHEVALLIER Jacques,
A.J.D.A., 1971, p. 483 ; CHAPUS René, Droit du contentieux administratif, Montchrestien,
12 ème éd., p. 115 ; SUDRE Frédéric et PICHERAL Caroline, « Un critère organique secondaire »,
in L’extension des garanties du procès équitable hors les juridictions ordinaires, précité, p. 44.
678
Article 20 de la Constitution : « le Gouvernement dispose de l’administration ».

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CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014

pourquoi leur nature « quasi-juridictionnelle » fait toujours débat 679. D’ailleurs, s’il
est effectivement arrivé que la Cour de Strasbourg qualifie de « tribunal » des organes
qui, en droit interne, n’appartiennent pourtant pas à la catégorie des juridictions, on
observe que cette appellation a été conférée à des autorités dont la nature
administrative est âprement discutée.

En dehors de la catégorie particulière des autorités administratives


indépendantes, force est de constater que la lecture strasbourgeoise de la notion de
« tribunal » conduit soit, à une condamnation de l’exercice d’une fonction
contentieuse par l’administration, en tant que « l’ensemble des exigences de
l’article 6 ne peut trouver raisonnablement application dans le cadre de procédures
simplement administratives » 680, soit à une « juridictionnalisation » des autorités
administratives 681, et ce en dépit des objectifs d’efficacité et de souplesse qui
caractérisent leur intervention.

Consciente du caractère peu satisfaisant de cette alternative, contraire à la


tradition juridique de beaucoup d’États membres du Conseil de l’Europe, la Cour de
Strasbourg a préféré s’en écarter. Elle a finalement opté pour une solution médiane,
qui lui a permis de concilier l’efficacité de l’action administrative et la garantie des
droits des justiciables.

B. L’appréciation globale du respect des garanties du procès équitable

Il ressort d’une jurisprudence constante que la reconnaissance de


l’applicabilité de l’article 6 C.E.D.H. à une procédure ne signifie pas pour autant
l’application immédiate des garanties du procès équitable à ce stade de la procédure.
La Cour européenne privilégie une position pragmatique en contrôlant le caractère
équitable du procès à la vue de l’ensemble de la procédure.

679
Voir nos développements précédents : Partie 1, Chapitre 2, Section 2, I.
680
SERMET Laurent, L’incidence de la Convention européenne des droits de l’homme sur le
contentieux administratif français, Thèse, Economica, 1996.
681
Sur la question de la juridictionnalisation de la sanction administrative : TUOT Thierry, « Quel
avenir pour le pouvoir de sanction des autorités administratives indépendantes ? Les organismes
de régulation économique. », A.J.D.A., 2001, p. 135.

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CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014

Cet aménagement indispensable (1), en tant qu’il permet « d’éviter la


reconstruction d’un système de sanction de nature quasi-juridictionnelle qui ne
correspondrait pas aux besoins de la régulation sociale » 682, n’a jamais fait l’objet
d’une remise en cause par le juge européen (2).

1. Un aménagement nécessaire à l’applicabilité étendue de l’article 6


C.E.D.H.

L’absence d’automatisme entre l’identification d’ « une contestation sur des


droits et des obligations de caractère civil » ou d’ « une accusation en matière
pénale » et l’observation immédiate des garanties du procès équitable a été posée
pour la première fois dans l’arrêt « Le Compte, Van Leuven et De Meyere
c/ Belgique » du 23 juin 1981 683.

Après avoir résolu positivement la question de l’applicabilité de l’article 6


C.E.D.H. au titre du volet civil s’agissant d’une mesure de suspension temporaire
d’exercer une profession infligée par le conseil provincial, instance administrative, la
Cour de Strasbourg affirme que « l’article 6-1, s’il consacre le droit à un tribunal,
n’astreint pas pour autant les États contractants à soumettre les contestations sur des
droits et obligations de caractère civil à des procédures se déroulant à chacun de
leurs stades devant des tribunaux conformes à ses diverses prescriptions. Des
impératifs de souplesse et d’efficacité, entièrement compatibles avec la protection des
droits de l’homme, peuvent justifier l’intervention préalable d’organes administratifs
ou corporatifs, et a fortiori d’organes juridictionnels ne satisfaisant pas sous tous
leurs aspects à ces mêmes prescriptions ».

Cette solution a été réitérée quelques années plus tard dans le domaine des
sanctions administratives prononcées en matière d’infraction à la circulation routière
et dans celui des sanctions fiscales.

682
SAUVE Jean-Marc, « Les sanctions administratives en droit public français. État des lieux,
problèmes et perspectives. », A.J.D.A., 20 octobre 2001, n o spécial, p. 23.
683
CEDH, 23 juin 1981, n os 6878/75, 7238/75, Le Compte, Van Leuven et De Meyere c/ Belgique,
§ 51, précité.

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CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014

Dans l’une et l’autre de ces affaires, la Cour a énoncé que les sanctions
infligées aux requérants par des autorités administratives soulevaient une « accusation
en matière pénale ». Comme l’article 6 § 1 C.E.D.H. était en cause, la Cour a eu à se
prononcer sur le point de savoir si les administrés avaient bénéficié de l’examen de
leur cause par un tribunal réunissant les conditions énoncées par cette stipulation.

Quant aux premières mesures, la Cour juge que « le législateur qui soustrait
certains comportements à la catégorie des infractions pénales du droit interne peut
servir à la fois l’intérêt de l’individu (voir, mutatis mutandis, l’arrêt Engel et autres
précité, ibidem, p. 33, § 80) et les impératifs d’une bonne administration de la
justice, notamment dans la mesure où il décharge les autorités judiciaires de la
poursuite et de la répression de manquements, nombreux mais de peu d’importance, à
des règles de la circulation routière. La Convention ne va pas à l’encontre des
tendances à la « décriminalisation » existant - sous des formes fort diverses - dans
les États membres du Conseil de l’Europe. […] Eu égard au grand nombre des
infractions légères, notamment dans le domaine de la circulation routière, un État
contractant peut avoir de bons motifs de décharger ses juridictions du soin de les
poursuivre et de les réprimer. Confier cette tâche, pour de telles infractions, à des
autorités administratives ne se heurte pas à la Convention» 684.

Quant aux secondes, elle souligne qu’« eu égard au grand nombre des
infractions du type visé à l’article 1729 par. 1 du code général des impôts […], un
État contractant doit avoir la liberté de confier au fisc la tâche de les poursuivre et
de les réprimer, même si la majoration encourue à titre de sanction peut être lourde.
Pareil système ne se heurte pas à l’article 6 de la Convention » 685.

684
CEDH, 21 février 1984, n o 8544/79, Oztürk c/ Allemagne, § 49 et § 56, G.A.C.E.D.H., n° 21 ;
Jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme, 9ème éd., 2004, Éditions Sirey,
no 117, BERGER Vincent ; J.D.I., 1986, p. 1051, obs. ROLLAND Patrice et TAVERNIER Paul.
685
CEDH, 24 février 1994, no 12547/86, Bendenoun c/ France, § 46, A.F.D.I., 1994, p. 658, obs.
COUSSIRAT-COUSTERE Vincent ; A.J.D.A., 1994, p. 512, obs. FLAUSS Jean-François ;
J.C.P., I, 1995, p. 3823, SUDRE Frédéric ; GOULARD Guillaume, « Convention européenne des
droits de l’homme et contentieux administratif de l’impôt », L.P.A., 6 juillet 1994, p. 27 ;
R.F.D.A., novembre-décembre 1995, n o 6, p. 1182, MAUBLANC-FERNANDEZ Lucienne et
MAUBLANC Jean-Pierre.

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CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014

Mais si la Cour de Strasbourg admet le principe même d’une répression


administrative ou celui de l’intervention d’une autorité administrative en matière
civile au sens de la Convention, elle l’associe toutefois à une condition. L’exercice
d’une fonction contentieuse ou répressive par une autorité administrative qui ne
répond pas aux prescriptions offertes aux individus par l’article 6 § 1 C.E.D.H. et qui
ne mérite donc pas l’appellation de « tribunal » ne méconnaît pas cette stipulation,
« pour autant que l’intéressé puisse saisir de toute décision ainsi prise à son encontre
[par cette autorité] un tribunal offrant les garanties de […] [ce texte] ». Il faut donc
qu’existe dans l’ordre interne un contrôle juridictionnel en aval permettant de garantir
le respect de l’article 6 C.E.D.H.

De ce système, il ressort que la Cour procède à une appréciation globale du


respect des règles protectrices du procès équitable par une procédure conduisant à
« une accusation en matière pénale » ou à « une contestation sur des droits et des
obligations de caractère civil ». La jurisprudence européenne est constante sur ce
point.

2. Un aménagement n’ayant jamais été remis en cause

Par leur décision « Albert et Le Compte » du 10 février 1983, rendue à propos


de sanctions disciplinaires, les juges européens ont expressément consacré cette
« approche synthétique, selon l’ensemble du procès en cause » 686. Appelés à statuer
sur l’application des garanties posées par l’article 6 § 1 C.E.D.H., ils ont précisé que
la Convention « commande […], pour le moins, l’un des deux systèmes suivants : ou
bien lesdites juridictions remplissent elles-mêmes les exigences de l’article 6 par. 1,
ou bien elles n’y répondent pas mais subissent le contrôle ultérieur d’un organe
judiciaire de pleine juridiction », habilité à donner au litige « une solution
juridictionnelle [...] tant sur les points de fait que sur les questions de droit » et
« présentant, lui, les garanties de cet article. » 687

686
A.J.D.A., 20 février 2000, p. 127 et plus précisément, p. 128.
687
CEDH, 10 février 1983, n os 7299/75 et 7496/76, Albert et Le Compte, § 29, J.D.I., 1985, p. 212,
obs. ROLLAND Patrice et TAVERNIER Paul.

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CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014

La jurisprudence ultérieure est venue largement confirmer le rejet d’une


démarche analytique et mécanique quant à l’observation des prescriptions du procès
équitable par des organismes non intégrés aux structures juridictionnelles
classiques 688.

Par sa décision « Schmautzer c/ Autriche », en date du 23 octobre 1995,


concernant une amende administrative infligée pour absence du port de la ceinture de
sécurité, la Cour rappelle ainsi que le respect de l’article 6 § 1 C.E.D.H. suppose
« que la décision d’une autorité administrative ne remplissant pas elle-même les
exigences de l’article 6 § 1 de la Convention subisse le contrôle ultérieur d’un
« organe judiciaire de pleine juridiction » 689.

Plus pédagogiquement encore, la Cour énonce dans sa décision « Riepan


c/ Autriche » du 14 novembre 2000 que « dans le domaine des procédures qui ne sont
qualifiées ni de « civiles » ni de « pénales » par le droit interne, mais de
disciplinaires ou administratives, il est bien établi que la mission de juger des
infractions disciplinaires ou mineures peut être dévolue à des organes professionnels
ou administratifs qui ne satisfont pas eux-mêmes aux exigences de l'article 6 § 1 de la
Convention, pour autant qu'ils soient soumis au contrôle d'un organe juridictionnel
jouissant de la plénitude de juridiction. La Cour a ainsi admis que dans ce genre de
procédures les organes inférieurs peuvent ne pas remplir les conditions requises pour
pouvoir être considérés comme des tribunaux indépendants et impartiaux, et que les
audiences organisées devant eux peuvent ne pas être publiques. » 690

Dernièrement, dans un arrêt du 29 octobre 2009, « Chaudet c/ France » 691, la


Cour a rappelé qu’une autorité administrative n’est pas obligée de se conformer à
l’ensemble des garanties de l’article 6 C.E.D.H. dès lors que sa décision « subit le
contrôle ultérieur d’un organe judiciaire de pleine juridiction ». Était en cause une

688
Voir également SUDRE Frédéric, « Le droit à un procès équitable hors les juridictions
ordinaires », in Au carrefour des droits : mélanges en l’honneur de Louis Dubouis, Dalloz, 2002,
p. 205 et s.
689
CEDH, 23 octobre 1995, no 15523/89, Schmautzer c/ Autriche, § 34, J.C.P., éd. gén., 1996, I,
3910, obs. SUDRE Frédéric.
690
CEDH, 14 novembre 2000, n o 35115/97, Riepan c/ Autriche, § 39, Rec., 2000, XII, p. 173.
691
CEDH, 29 octobre 2009, n o 49037/06, Chaudet c/ France, § 36, § 37, § 38.

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CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014

décision du Conseil médical de l’aéronautique civile déclarant l’inaptitude définitive


de la requérante à exercer sa profession d’hôtesse de l’air non imputable au service
aérien et la privant, de ce fait, du droit au versement d’une indemnité en capital.
Estimant que l'octroi de cette indemnité constituait un droit de caractère civil,
l’intéressée invoquait la violation des garanties définies à l’article 6 § 1 C.E.D.H. par
l’organisme administratif. Au contraire, le Gouvernement français faisait valoir
l’inapplicabilité de cette stipulation aux motifs que l'attribution de l'indemnité
litigieuse ne constituait pas un « droit » et que le Conseil n’était pas un tribunal au
sens de l'article 6 § 1 de la Convention. La Cour tranche en faveur de l’applicabilité
de la stipulation conventionnelle sous son volet civil. Elle en déduit que la requérante
avait dès lors droit à l’examen de sa cause par un tribunal réunissant les conditions de
l’article 6 § 1 C.E.D.H. Faisant écho à sa jurisprudence initiatrice « Le Compte, Van
Leuven et De Meyere c/ Belgique », la Cour a jugé superfétatoire « de rechercher si
le conseil médical de l'aéronautique civile répondait aux exigences de l’article 6-1 ».
Elle s’est en revanche assurée que « devant le Conseil d’État, la requérante jouissait
d’un droit à un tribunal et à une solution juridictionnelle du litige, tant pour les
points de fait que pour les questions de droit. Partant, l’article 6-1 ne s’est trouvé
respecté que si le Conseil d’État répondait à ses exigences ».

Ainsi, « les divers stades de la procédure nationale (instance de base, appel,


cassation), ne doivent pas être considérés isolément. La défaillance d’une garantie
précise lors d’un stade peut [en principe] être « rachetée » par d’autres éléments de
sauvegarde, lors d’un stade ultérieur. » 692

693
Certains auteurs en ont déduit que le juge européen avait recours à un
critère organique tiré du statut juridictionnel de l’organisme statuant en matière
pénale ou civile « pour déterminer l'étape de la procédure à laquelle est exigé le

692
SOYER Jean-Claude et DE SALVIA Michel, « Article 6 », in La CEDH, commentaire article
par article, PETTITI Louis-Edmond, DECAUX Emmanuel, IMBERT Pierre-Henri (dir.), 2 ème
éd., Paris, Economica, 1999.
693
QUILICHINI Paul, « Réguler n’est pas juger », A.J.D.A., 2004, p. 1060 ; SUDRE Frédéric et
PICHERAL Caroline, « Un critère organique secondaire », in L’extension des garanties du
procès équitable hors les juridictions ordinaires : les contraintes européennes, Institut de droit
européen des droits de l’homme, avril 2002, SUDRE Frédéric (dir.), p. 46.

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CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014

respect des garanties de l'article 6 § 1 ». Ce critère organique permettrait ainsi de


déterminer « les conditions dans lesquelles l’article 6 va s’appliquer » 694.

Nous sommes loin d’en être persuadés pour deux raisons.

D’une part, on comprend mal quel serait l’intérêt pour la Cour de Strasbourg
de réintroduire, au stade de l’application des garanties du procès équitable, un critère
organique, et ce en vue d’exclure les autorités administratives du respect des
exigences découlant de cette stipulation, alors qu’elle écarte ce même critère au stade
de la détermination de l’applicabilité de l’article 6 C.E.D.H.

D’autre part, deux décisions rendues par la Cour de Strasbourg sont venues
contredire cette proposition doctrinale.

Dans l’affaire « Imbrioscia c/ Suisse » du 24 novembre 1993, la Cour


considère que « les garanties du procès équitable, notamment celles tenant aux droits
de la défense et à l’égalité des armes, valent non seulement pour la phase de
jugement, mais peuvent aussi jouer un rôle avant la saisine du juge au fond ».

Les tenants du critère organique considèrent toutefois que cette jurisprudence


ne remet pas fondamentalement en cause la validité de ce critère. Selon eux, il
convient de ne pas donner une interprétation abusive de cet arrêt, mais plutôt d’en
circonscrire la portée à la situation particulière des interrogatoires policiers et des
enquêtes préalables à la saisine du juge pénal ordinaire. En l’espèce, le requérant se
plaignait de ne pas avoir bénéficié de l’assistance d’un avocat durant cette phase
d’instruction. Aussi, ils estiment que l’enseignement à tirer de cette décision consiste
assurément, et de façon constructive, à élever le degré des garanties du contrôle
juridictionnel pénal, sans les étendre de façon discutable à l’autorité administrative
répressive, laquelle ne peut, sans méconnaître la jurisprudence constitutionnelle,
prononcer de peines privatives de liberté.

Cette argumentation pourrait, il est vrai, emporter la conviction, mais ce serait


toutefois négliger l’apport de l’arrêt « J.B. c/ Suisse » 695 du 3 mai 2001. En l’espèce,

694
SUDRE Frédéric et PICHERAL Caroline, « Un critère organique secondaire », in L’extension
des garanties du procès équitable hors les juridictions ordinaires : les contraintes européennes,
Institut de droit européen des droits de l’homme, avril 2002, SUDRE Frédéric (dir.), p. 46 et
p. 48.

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CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014

n’était pas en cause la phase préalable à la saisine du juge pénal, mais une procédure
administrative fiscale. Pourtant, la Cour de Strasbourg y a jugé que le droit au procès
équitable avait été méconnu, faute pour l’administration fiscale de ne pas avoir
respecté, ab initio, le droit de garder le silence et le droit de ne pas contribuer à sa
propre incrimination.

Il existe donc des situations dans lesquelles l’application des garanties du


procès équitable peut être exigée devant l’autorité administrative. Consécutivement,
et sans nous engager davantage sur cette question, sur laquelle nous reviendrons, on
peut d’ores et déjà noter que le statut juridictionnel de l’organisme ne constitue pas
« un critère de détermination du champ d’application temporel des garanties du
procès équitable » 696.

Il n’en demeure pas moins que le reproche fréquemment fait au droit de la


Convention européenne d’aboutir à une juridictionnalisation excessive des autorités
administratives est contestable.

Au contraire, force est de constater que la démarche européenne constitue un


puissant catalyseur de l’approfondissement du contrôle juridictionnel sur les
décisions administratives. Si le juge veut éviter que l’administration soit soumise à
l’observation des garanties du procès équitable, il suffit, en principe, que la décision
litigieuse soit soumise « au contrôle subséquent d'un organe judiciaire doté de la
plénitude de juridiction et offrant les garanties de l'article 6 » 697. Dès lors, reste à
déterminer avec précision quelles sont les prescriptions visées par la Cour à travers
cette exigence conditionnelle.

695
CEDH, 3 mai 2001, no 31827/96, J.B. c/ Suisse, obs. SUDRE Frédéric, J.C.P., 2001, I, n o 13,
p. 342.
696
SUDRE Frédéric et PICHERAL Caroline, « Un critère organique secondaire », in L’extension
des garanties du procès équitable hors les juridictions ordinaires : les contraintes européennes,
Institut de droit européen des droits de l’homme, Avril 2002, SUDRE Frédéric (dir.), p. 41, p. 56
et suivantes.
697
CEDH, 19 décembre 1997, n o 20772/92, Helle c/ Finlande, § 45, Rec., 1997, VII, p. 2930 ;
R.G.D.P., 1998, p. 239, obs. FLAUSS Jean-François.

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CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014

II. Une inobservation des règles du procès équitable pouvant être compensée
par un contrôle ultérieur de pleine juridiction

Définir précisément le contenu de la notion de « pleine juridiction » se révèle


déterminant pour les juridictions nationales, le respect de cette garantie substantielle
leur permettant de corriger l’inobservation des règles du procès équitable par une
autorité administrative ou disciplinaire ayant préalablement statué en matière
« pénale » ou « civile » au sens de la Convention.

Par là-même, on pouvait légitimement espérer que la Cour de Strasbourg


établisse clairement ses attentes en ce domaine.

Il n’en est rien. La notion de « pleine juridiction » est l’une des plus
controversées de la jurisprudence européenne (A), tant les exigences des organes de
la Convention quant à cette garantie sont difficiles à saisir et à systématiser (B).

A. Une garantie au cœur de profondes controverses

Au titre de l’exigence de la « plénitude de juridiction », la Cour européenne


contrôle toujours deux paramètres qui lui permettent de s’assurer de l’effectivité du
contrôle exercé par la juridiction nationale sur la décision prise par un organe
administratif ou disciplinaire ne satisfaisant pas aux prescriptions du droit au procès
équitable.
Elle s’intéresse, d’une part, à l’intensité du contrôle juridictionnel opéré et,
d’autre part, à l’étendue des pouvoirs du juge.

Or, en étudiant la doctrine et le corpus prétorien français, on s’aperçoit


rapidement qu’il existe de profondes incertitudes quant à la détermination du contenu
respectif de ces deux composantes (1). Ces hésitations ne sont, en réalité, que le reflet
de la complexité de la jurisprudence strasbourgeoise en ce domaine (2).

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CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014

1. Une notion nourrissant de profondes incertitudes

« Notion empreinte d’une « obscure-clarté » 698, « exigence peu claire » 699,


« notion ambigüe » 700, jurisprudence européenne « n’autorisant guère des
701
conclusions fermes et définitives » … On l’aura compris : l’appréhension de la
notion de « pleine juridiction » et, plus précisément, des exigences qu’elle implique,
est loin d’être évidente.

Cette difficulté de systématisation se manifeste, tout d’abord, s’agissant de la


détermination des exigences relatives à l’ampleur du contrôle juridictionnel opéré sur
les éléments de fait 702.
Les auteurs qui se sont intéressés à cette question éprouvent effectivement un
réel embarras lorsqu’il s’agit de présenter la position de la Cour de Strasbourg en
cette matière.

La plupart d’entre eux se borne à souligner que le tribunal doit être compétent
pour « se prononcer sur l’ensemble des questions de fait et de droit, posées par le
litige » 703. En reprenant cette formulation, issue de la jurisprudence européenne, ils
évitent de se prononcer précisément sur l’intensité du contrôle qui doit être effectué
pour satisfaire à l’exigence de « pleine juridiction ».

698
MILANO Laure, Le droit à un tribunal au sens de la Convention européenne des droits de
l’Homme, Thèse Montpellier, SUDRE Frédéric (dir.), L.G.D.J., 2006, p. 388.
699
SUDRE Frédéric, Note sur Cass. Com., 29 avril 1997, n o 95-20001, Ferreira c/ DGI, J.C.P.,
éd. gén., 1997, no 43, p. 469.
700
MAMONTOFF Catherine, « La notion de pleine juridiction au sens de l'article 6 de la
Convention européenne des droits de l'homme et ses implications en matière de sanctions
administratives », R.F.D.A., 1999, p. 1004.
701
Voir également FLAUSS Jean-François, « Actualité de la Convention européenne des droits de
l’homme, A.J.D.A., 1994, p. 28.
702
La question d’une gradation de l’intensité du contrôle opéré n’a, bien évidemment, pas lieu
d’être s’agissant des éléments de droit. Soit la juridiction est compétente pour contrôler les
erreurs de droit, soit elle ne l’est pas, mais il ne saurait y avoir de « demi-contrôle ».
703
CHAPUS René, Droit du contentieux administratif, 12 ème éd., Montchrestien, n o 139, p. 130 ;
DEROUIN Philippe, « L’apport du droit pénal au régime juridique des sanctions fiscales, L.P.A.,
6 octobre 1993, no 120, p. 72 et p. 73.

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CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014

D’autres 704 vont un peu plus loin dans l’analyse, en soulignant que la Cour peut
exiger un contrôle normal sur les éléments de fait ou se satisfaire, dans certaines
hypothèses, d’un contrôle moins approfondi. Ce constat n’est cependant suivi
d’aucune étude identifiant les critères sur lesquels cette échelle de contrôle est
fondée.

En définitive, rares 705 sont ceux qui se sont aventurés à rechercher la grille de
lecture suivie par les juges européens. Et pour cause, comme nous le verrons, la
jurisprudence strasbourgeoise en la matière est au pire confuse et, au mieux,
complexe.

La définition des pouvoirs juridictionnels constitutifs de la plénitude de


juridiction, telle qu’entendue par la Cour de Strasbourg, est également à l’origine
d’un double désaccord.

La divergence porte, en premier lieu, sur le point de savoir si l’exigence de


pleine juridiction implique nécessairement la détention d’un pouvoir de réformation
de la décision litigieuse par l’organe juridictionnel. Selon une première école 706, la
Cour exigerait l’intervention d’un tribunal qui dispose d’un pouvoir de réformation
de la mesure contestée. Au contraire, pour M. VAN DROOGHENBROECK, « le
tribunal appelé à connaître du recours ne doit pas nécessairement avoir la
compétence de substituer sa propre décision à celle de l’Administration, s’il estime
cette dernière illégale. Il peut, le cas échéant, se borner à annuler la décision

704
FLAUSS Jean-François, « Actualité de la Convention européenne des droits de l’homme,
A.J.D.A., 1994, p. 28, précité ; SUDRE Frédéric, Note sur Cass. Com., 29 avril 1997, n o 95-
20001, Ferreira c/ DGI, J.C.P., éd. gén., 1997, n o 43, p. 469, précité ; MAMONTOFF Catherine,
« La notion de pleine juridiction au sens de l'article 6 de la Convention européenne des droits de
l'homme et ses implications en matière de sanctions administratives », R.F.D.A., 1999, p. 1004,
précité.
705
MILANO Laure, Le droit à un tribunal au sens de la Convention européenne des droits de
l’Homme, Thèse Montpellier, SUDRE Frédéric (dir.), L.G.D.J., 2006, p. 368 et suivantes ;
TINIÈRE Romain, « La notion de « pleine juridiction » au sens de la Convention européenne des
droits de l’homme et l’office du juge administratif », R.F.D.A., 2009, p. 729.
706
CHAPUS René, Droit du contentieux administratif, 12 ème éd., Montchrestien, n o 139, p. 130,
précité ; MELCHIOR Michel, « La notion de compétence de pleine juridiction en matière civile
dans la jurisprudence de la Cour EDH », in Mélanges Jacques VELU, Présence du droit public et
des droits de l’homme, Bruylant, 1992, t. 3, p. 1327 à p. 1346.

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entreprise, et à renvoyer le dossier à l’autorité administrative compétente aux fins de


nouvelle décision » 707. Enfin, selon un dernier courant doctrinal 708, il convient de
faire une distinction selon la nature de la matière en cause, civile ou pénale. En ce
sens, M. Frédéric SUDRE estime qu’un simple pouvoir d’annulation des actes
relevant de la matière civile au sens de la Convention suffit. En revanche, dans le
domaine pénal au sens de la Convention, la plénitude de juridiction impliquerait « des
pouvoirs plus importants du juge que ceux requis en matière civile : non seulement il
devrait examiner l'ensemble des faits de la cause mais aussi réformer en tous points,
en fait comme en droit, la décision entreprise ».
La seconde difficulté concerne les conséquences que la Cour de Strasbourg
attache au pouvoir de réformation. Plus précisément, le débat porte sur le point de
savoir si cette notion implique la détention d’un pouvoir juridictionnel de modulation
de la sanction infligée par l’Administration, en dehors de celui prévu par le texte
établissant la mesure punitive. Sur ce point, les hésitations de la doctrine ne font que
cristalliser la divergence de jurisprudences qui existe entre les deux ordres
juridictionnels français. La Cour de cassation estime que l’article 6 C.E.D.H.
implique la détention d’un pouvoir juridictionnel de modulation de la sanction en
fonction de l’infraction commise. À l’inverse, le Conseil d’État considère que cette
stipulation ne l’oblige pas à se reconnaître un tel pouvoir 709. Si la loi n’a prévu
aucune échelle de peines en fonction de la gravité des comportements réprimés, le
juge administratif français refuse alors de moduler les sanctions 710. La haute

707
VAN DROOGHENBROECK Sébastien, « De vraies sanctions administratives ou des sanctions
pénales camouflées ? Réflexion à propos de la jurisprudence récente de la Cour européenne des
droits de l’Homme », Revue de la faculté de droit de l’université de Liège, 2005, p. 467.
708
SUDRE Frédéric, note sur Cass. Com., 29 avril 1997, n o 95-20001, Ferreira c/ DGI, J.C.P., éd.
gén., 1997, no 43, p. 469, précitée ; MAMONTOFF Catherine, « La notion de pleine juridiction
au sens de l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme et ses implications en
matière de sanctions administratives », R.F.D.A., 1999, p. 1004, précité ; MILANO Laure, Le
droit à un tribunal au sens de la Convention européenne des droits de l’Homme, Thèse
Montpellier, SUDRE Frédéric (dir.), L.G.D.J., 2006, p. 368 et suivantes, précitée ; TINIÈRE
Romain, « La notion de « pleine juridiction » au sens de la Convention européenne des droits de
l’homme et l’office du juge administratif », R.F.D.A., 2009, p. 729, précité.
709
CE, 24 septembre 2003, Société Paolo Nancéienne, R.J.F., 12/03, n o 1393.
710
CE, Sect., 8 novembre 1974, Sieur X, Rec. p. 547 ; Dr. fisc., 1975, n o 44, comm. 1430 ; R.J.F.,
janv. 1975, n o 17 : « il n'appartient pas au juge d'accorder par mesure de bienveillance la
réduction d'une pénalité légalement encourue ; une telle demande relève de la juridiction
gracieuse, c'est-à-dire du pouvoir de modération ou de remise des pénalités conféré au fisc par

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CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014

juridiction administrative manifeste toutefois une certaine prudence dans l’expression


de son refus de conférer au juge un pouvoir de modulation. En effet, elle retient assez
facilement l’institution par la loi d’un échelonnement des peines. Par exemple, en
matière fiscale, le Conseil d’État s’appuie sur l'ensemble des sanctions susceptibles
d'être prononcées à l'encontre d'un contribuable pour un comportement afin de
reconnaître l'existence d'une modulation de ces sanctions instituée par la loi 711.
L’arrêt « Société Sideme » du 30 novembre 2007 illustre parfaitement cette méthode.
Pour établir l’existence d’un échelonnement des peines s’agissant d’une pénalité de 5
% prévue pour défaut d’auto-liquidation de la TVA intracommunautaire, le Conseil
d’État a pris en compte l’ensemble des pénalités applicables pour défaut de
déclaration d’opérations passibles de la TVA. Il a procédé de la même manière dans
son arrêt du 26 mai 2008 « Société Norelec », s’agissant de la pénalité de l’ancien
article 1740 ter du code général des impôts, réprimant le travestissement ou la
dissimulation de l’identité d’un fournisseur ou d’un client. Le Conseil d’État a
replacé cette sanction fiscale dans le cadre de pénalités variées visant des
comportements différents en matière de facturation.

Ainsi, le concept européen de « pleine juridiction » donne lieu à de multiples


interprétations qui témoignent, en réalité, de la confusion qui règne autour de cette
notion.

la loi » (LPF, art. L. 247) ; CE, avis, 5 avril 1996, Houdmond, Dr. fisc., 1996, n o 25, comm. 765,
concl. ARRIGHI DE CASANOVA Jacques ; R.J.F., 1996, n o 607, p. 311, chr. AUSTRY
Stéphane ; « L'application du principe de la rétroactivité in mitius aux sanctions fiscales »,
R.F.D.A., 1997, p. 843, chr. PETIT Jacques ; CE, avis, 8 juillet 1998, n o 195664, Fattell, Rec.
Leb., p. 257 ; R.J.F., 8-9/98, n o 970, p. 637, conclusions Jacques Arrighi de Casanova ; CE,
Sect., 28 juillet 1999, n o 88973, GIE Mumm-Perrier-Jouet, A.J.D.A., 1999, p. 783, chr.
FOMBEUR Pascale et GUYOMAR Mattias ; CE, 30 novembre 2007, n o 292705, Société Sideme,
Dr. fisc., 2008, n o 7, comm. 178, concl. OLLEON Laurent ; R.J.F., 2/08, p. 83, note
BURGUBURU Julie.
711
CE, 30 novembre 2007, Société Sideme, précité ; CE, 26 mai 2008, n o 288583, Société Norelec,
Dr. fisc., 2008, n o 28, comm. 411, concl. SÉNERS François ; COLLIN Pierre, « Procédures
fiscales : l’année 2008 », Dr. fisc., 2009, n o 9, p. 221.

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2. Une notion donnant lieu à une jurisprudence complexe

Il est vrai qu’en cette matière, la Cour européenne contribue fortement à ce


« manque flagrant de lisibilité » 712, et ce pour plusieurs raisons.

Premièrement, la Cour ne retient pas une conception uniforme de la notion de


« plénitude de juridiction ».
Plus précisément, la coloration « pénale » ou « civile » du contentieux influe
sur l’appréciation du contenu des exigences attachées à cette notion. Tel est le constat
qui résulte clairement d’une série d’affaires rendues le 23 octobre 1995 contre
l’Autriche 713, dans lesquelles la Cour européenne a jugé que la compétence de la Cour
administrative autrichienne « doit s'apprécier en tenant compte du fait qu'en l'espèce, elle
était amenée à s'exercer dans un litige de nature pénale au sens de la Convention » 714.
Il s’agit donc, pour reprendre les termes de M. TINIÈRE, d’une « notion au
contenu variant » 715.
Certains auteurs ont toutefois soutenu le contraire. En ce sens, M. VAN
DROOGHENBROECK, dans un article publié en 2005 716 sur la question particulière
de la « pleine juridiction », réfute l’idée selon laquelle une différence existerait entre
les standards « pénaux » et « civils » de l’article 6 C.E.D.H. Pour parvenir à cette
conclusion, l’auteur observe, tout d’abord, que les organes de la Convention se sont

712
TINIÈRE Romain, « La notion de « pleine juridiction » au sens de la Convention européenne des
droits de l’homme et l’office du juge administratif », R.F.D.A., 2009, p. 729, précité ; Voir
également FLAUSS Jean-François, A.J.D.A., 1994, p. 28, précité : selon l’auteur, la
jurisprudence européenne n’autorise « guère des conclusions fermes et définitives quant à
l’étendue (voir la nature) du contrôle juridictionnel imposé par l’article 6, paragraphe 1 ».
713
CEDH, 23 octobre 1995, nos 15523/89, 15527/89, 15963/90, 16713/90, 16718/90, 16841/90,
Schmautzer, Umlauft, Gradinger, Pramstaller, Palaoro et Pfarrmeier c/ Autriche, série A n os 328
A-C et 329 A-C.
714
CEDH, 23 octobre 1995, Schmautzer c/ Autriche, § 36, précité.
715
TINIÈRE Romain, « La notion de « pleine juridiction » au sens de la Convention européenne des
droits de l’homme et l’office du juge administratif », R.F.D.A., 2009, p. 729 ; Voir également, en
ce sens, MILANO Laure, Le droit à un tribunal au sens de la Convention européenne des droits
de l’Homme, Thèse Montpellier, SUDRE Frédéric (dir.), L.G.D.J., 2006, p. 368 et suivantes,
précitée.
716
VAN DROOGHENBROECK Sébastien, « De vraies sanctions administratives ou des sanctions
pénales camouflées ? Réflexion à propos de la jurisprudence récente de la Cour européenne des
droits de l’Homme », Revue de la faculté de droit de l’université de Liège, 2005, p. 467.

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CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014

abstenus, ces dernières années, de réaffirmer la possibilité d’une telle dualisation. Il


souligne, ensuite, que « sur un plan général, la Cour européenne des droits de
l’Homme considère elle-même les précédents civils et pénaux relatifs à la notion de
pleine juridiction comme parfaitement interchangeables ». À cet égard, M. VAN
DROOGHENBROECK note qu’« un arrêt « Veeber c/ Estonie » intervenant au
contentieux civil de la « pleine juridiction », appuie son raisonnement sur la
jurisprudence « Umlauft » intervenue quant à elle sous l’angle du volet pénal. À
l’inverse, le récent arrêt « pénal » « Silverster’s Horeca Service c/ Belgique » 717,
emprunte son rappel de la définition de la notion de « pleine juridiction » au
précédent « civil » Chevrol c. France ».
Pour autant, cette argumentation ne nous convainc pas. Elle repose, selon
nous, sur une présentation simplifiée, pour ne pas dire tronquée, de la jurisprudence
européenne, ce que nous démontrerons ultérieurement. En outre, la décision « Grecu
c/ Roumanie » 718 du 30 novembre 2006 est clairement venue contredire l’analyse de
M. VAN DROOGHENBROECK. En effet, dans cette espèce, les juges européens ont
expressément confirmé le principe, déjà consacré par de nombreux arrêts 719, d’un
degré d’exigences moins élevé pour les contestations relatives à des droits de
caractère « civil ».

À cette première distinction entre les contentieux civil et pénal au sens de la


Convention, s’en ajoute une seconde. L’analyse du corpus prétorien strasbourgeois
tend à démontrer que l’exigence de « pleine juridiction » est également modulée au
sein même, d’une part, de la matière civile et, d’autre part, de la matière pénale.

Enfin, dernière source de difficultés, et non des moindres : l’échelonnement


des exigences européennes relatives à la « plénitude de juridiction » est opéré par la

717
CEDH, 4 mars 2004, no 47650/99, Silvester’s Horeca Service c/ Belgique, § 27.
718
CEDH, 30 novembre 2006, n o 75101/01, Grecu c/ Roumanie, § 62.
719
CEDH, 27 octobre 1993, no 14448/88, Dombo Beheer N.V. c/ Pays-Bas, § 42, A.J.D.A., 1994,
p. 16, chr. FLAUSS Jean-François ; CEDH, 23 octobre 1995, n o 15963/90, Gradinger
c/ Autriche, § 44, précité ; CEDH, 23 octobre 1995, n o 16718/90, Palaoro c/ Autriche, § 43,
précité ; CEDH, 23 octobre 1995, no 16841/90, Pfarrmeier c/ Autriche, § 40, précité ; CEDH,
23 octobre 1995, n o 16713/90, Pramstaller c/ Autriche, § 41, précité ; CEDH, 23 octobre 1995,
n o 15523/89, Schmautzer c/ Autriche, § 36, précité.

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CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014

Cour au terme d’une analyse, tantôt substantielle, c’est-à-dire in concreto, tantôt


institutionnelle, de chaque affaire 720.

En définitive, synthétiser la notion européenne de pleine juridiction s’avère


être un exercice particulièrement délicat.

B. Une garantie difficile à systématiser

En matière civile (1), les juges européens recourent essentiellement à une


approche substantielle de la notion de pleine juridiction, ce qui rend cette dernière
beaucoup plus difficile à systématiser que lorsqu’elle intervient en matière pénale (2).

1. La notion de pleine juridiction en matière « civile »

En matière « civile », les exigences de la Cour européenne relatives à


l’ampleur du contrôle juridictionnel exercé sur les éléments de fait varient. La Cour
prescrit tantôt un plein contrôle de proportionnalité qui vise, aux termes de la
jurisprudence européenne, à s’assurer de l’adéquation de la mesure attaquée à la
situation de fait, tantôt un contrôle plus restreint qui peut s’apparenter à celui de
l’erreur manifeste d’appréciation.
Dans l’ensemble des affaires relatives aux sanctions disciplinaires infligées
aux professionnels de santé, on peut observer que les juges européens exigent un
contrôle de proportionnalité de la mesure contestée. La jurisprudence ne souffre, sur
ce point, d’aucune hésitation. En effet, la Cour condamne systématiquement
l’absence d’« appréciation de la proportionnalité entre faute et sanction » 721.

720
Voir sur cette distinction : ELVINGER Marc, « Le contentieux de l'annulation des actes
administratifs face à l'exigence du recours de pleine juridiction au sens de la Convention
européenne des droits de l'homme», Bull. dr. h., no 5, 1996, p. 95.
721
CEDH, 23 juin 1981, n os 6878/75, 7238/75, Le Compte, Van Leuven et De Meyere c/ Belgique,
§ 33, G.A.C.E.D.H., n o 17 ; CEDH, 10 février 1983, n os 7299/75, 7496/76, Albert et Le Compte
c/ Belgique, § 37, J.D.I., 1985, p. 212, obs. ROLLAND Patrice et TAVERNIER Paul ; CEDH,
26 septembre 1995, n o 18160/91, Diennet c/ France, § 34, J.C.P., éd. gén., 1996, I, 3910, n o 25,
obs. SUDRE Frédéric ; CEDH, 27 juillet 2006, n o 69742/01, Gubler c/ France, § 26 ; CEDH,
24 septembre 2009, n o 32976/04, Mérigaud c/ France.

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CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014

Il en va de même, s’agissant des décisions prises par les autorités


administratives locales en matière de placement d’enfants. En ce domaine, la Cour
affirme qu’un contrôle juridictionnel qui se limite à vérifier que « l'autorité n'a pas
agi de manière illégale, déraisonnable ou inique » est insuffisant 722. Il s’en infère que
« le contrôle de l’erreur manifeste d’appréciation [dans le choix de la mesure] est
clairement insuffisant au regard des exigences de l’article 6§1 » 723.
Tel est également l’enseignement qui peut être tiré de l’arrêt « Chaudet
c/ France » 724 du 29 octobre 2009 où était en cause une décision du conseil médical
de l’aéronautique civile déclarant la requérante inapte aux fonctions d’hôtesse de
l’air. Le contrôle effectué par le Conseil d’État sur cette mesure est jugé conforme
aux prescriptions européennes de la pleine juridiction. Pour étayer sa solution, la
Cour de Strasbourg relève que le juge administratif a pu « apprécier toutes les pièces
du dossier médical, au vu des conclusions de l’ensemble des rapports médicaux
discutés devant elle par les parties ».
Au contraire, dans les arrêts « Bryan c/ Royaume-Uni » et « Chapman
c/Royaume-Uni » rendus respectivement le 22 novembre 1995 et le 18 février 2001
et, portant sur des contentieux d’urbanisme, les juges européens ont estimé suffisant
le contrôle opéré par la High Court. Pourtant, la compétence de cette dernière en
matière de faits était restreinte 725. Elle s’était ainsi bornée à vérifier que les
constatations ou déductions de l’autorité administrative « n’étaient ni arbitraires, ni
irrationnelles ». L’exercice d’un contrôle de l’erreur manifeste d’appréciation n’est
pas sanctionné.

Si un contrôle juridictionnel restreint des décisions prises par les autorités


administratives peut, en certaines circonstances, satisfaire aux exigences de l’article 6
C.E.D.H., reste à identifier les hypothèses dans lesquelles il en est ainsi. Il s’agit
d’une question particulièrement complexe dans la mesure où la Cour procède, le plus

722
CEDH, 8 juillet 1987, n os 9276/81, 9580/81, 9749/82, 9840/82, 10496/83, O., H., W., B. et R.
c/ Royaume-Uni, § 63.
723
ELVINGER Marc, « Le contentieux de l’annulation des actes administratifs individuels face à
l’exigence du contrôle de pleine juridiction au sens de la CEDH », Bull. dr. h., 1996, p. 94.
724
CEDH, 29 octobre 2009, n o 49037/06, Chaudet c/ France, § 37.
725
CEDH, 22 novembre 1995, n o 19178/91, Bryan c/ Royaume-Uni, § 44.

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CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014

souvent, par affirmation plutôt que par démonstration. Dans l’ensemble du corpus
prétorien européen, seuls quatre arrêts, comportent des éléments de réponse quant aux
facteurs pris en compte par les juges strasbourgeois pour établir cette échelle de
contrôle. Ces décisions portent sur des contentieux s’inscrivant tous dans le champ
européen de la matière « civile » mais mettant en cause des droits relevant tantôt du
« noyau dur des droits civils » tantôt du droit administratif traditionnel 726.

Aux termes de ces arrêts, pour rechercher si le contrôle offert par le tribunal
national sur les éléments de fait est suffisant, « il échet de considérer des questions
telles que l’objet de la décision attaquée, la méthode suivie pour parvenir à cette
décision et la teneur du litige » 727. Au titre de « l’objet de la décision », deux aspects
sont étudiés. D’une part, la Cour de Strasbourg s’attache à la nature du droit en cause.
À cet égard, elle recherche si la décision attaquée a été prise dans le cadre de
l’exercice d’une activité relevant traditionnellement du droit administratif ou, au
contraire, met en jeu des intérêts exclusivement privés 728. D’autre part, les juges
européens tiennent compte de la technicité de la matière dans laquelle la décision
litigieuse est intervenue 729. Le second critère renvoie à la nature « quasi-judiciaire »
de la procédure au terme de laquelle la décision attaquée a été prise. La Cour de
Strasbourg apprécie les garanties offertes au requérant lors de la procédure
administrative ou disciplinaire préalable 730. Quant à la question relative à « la teneur

726
CEDH, 22 novembre 1995, n o 19178/91, Bryan c/ Royaume-Uni, précité relatif à un contentieux
de l’urbanisme ; CEDH, 7 novembre 2000, n o 35605/97, Kingsley c/ Royaume-Uni : l'espèce
porte sur la réglementation de l'industrie des jeux ; CEDH, 4 octobre 2001, no 33776/96, Potocka
et autres c/ Pologne : reconnaissance d’un droit de propriété temporaire sur des terrains
appartenant au requérant et qui avaient été frappés d’expropriation ; CEDH, 9 janvier 2013,
n o 21722/11, Oleksandr Volkov c/ Ukraine : était en cause la révocation du requérant de son
poste de juge.
727
CEDH, 22 novembre 1995, n o 19178/91, Bryan c/ Royaume-Uni, § 44 à § 47, précité ; CEDH,
7 novembre 2000, n o 35605/97, Kingsley c/ Royaume-Uni, précité, § 52, précité ; CEDH,
4 octobre 2001, no 33776/96, Potocka et autres c/ Pologne, § 53, précité ; CEDH, 9 janvier 2013,
n o 21722/11, Oleksandr Volkov c/ Ukraine, § 123, précité.
728
CEDH, 22 novembre 1995, n o 19178/91, Bryan c/ Royaume-Uni, précité, § 47 ; CEDH,
7 novembre 2000, n o 35605/97, Kingsley c/ Royaume-Uni, précité, § 53 ; CEDH, Gr. Ch., 28 mai
2002, n o 35605/97, Kingsley c/ Royaume-Uni, § 32.
729
CEDH, 22 novembre 1995, n o 19178/91, Bryan c/ Royaume-Uni, précité, § 47 ; CEDH,
7 novembre 2000, n o 35605/97, Kingsley c/ Royaume-Uni, précité, § 53.
730
CEDH, 22 novembre 1995, n o 19178/91, Bryan c/ Royaume-Uni, précité, § 46 et § 47 ; CEDH,
7 novembre 2000, n o 35605/97, Kingsley c/ Royaume-Uni, précité, § 54 ; CEDH, Gr. Ch., 28 mai

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du litige », elle consiste à vérifier que la juridiction a « examiné point par point tous
les moyens présentés par le requérant sur le fond, sans jamais se voir contraint de
décliner sa compétence pour y répondre ou pour établir les faits » 731.

Un réexamen de la jurisprudence européenne à l’aune de cette grille de lecture


en confirme l’effectivité.
On peut ainsi observer que lorsque sont en jeu des droits relevant du « noyau
dur des droits civils », la Cour exige un plein contrôle par la juridiction de
l’adéquation de la mesure litigieuse aux faits 732.

Pour les contentieux relevant du droit administratif traditionnel, la Cour opère


une distinction. Un contrôle restreint des faits peut suffire, si la décision litigieuse a
été adoptée dans une matière technique et si les faits ont auparavant été établis au
cours d’une procédure quasi-judiciaire respectant nombre des exigences de
l’article 6 C.E.D.H. 733. Dans le cas contraire, un contrôle plus poussé pourra être
exigé 734.

L’étude de la jurisprudence montre également que le critère tiré de « la teneur


du litige » est suffisant à lui seul pour entraîner une violation du droit au procès
équitable. Plus précisément, si la Cour constate que le juge national a « refusé
d’examiner le seul point en litige (…) contesté par la requérante », elle conclura à
une violation du droit au procès équitable, sans se référer aux autres critères 735.

2002, n o 35605/97, Kingsley c/ Royaume-Uni, § 32 ; CEDH, 12 mars 2002, n o 2352/02, Holding


and Barnes PLC c/ Royaume-Uni.
731
CEDH, 22 novembre 1995, n o 19178/91, Bryan c/ Royaume-Uni, § 47 ; CEDH, 4 octobre 2001,
n o 33776/96, Potocka et autres c/ Pologne, § 57, précité ; CEDH, 9 janvier 2013, n o 21722/11,
Oleksandr Volkov c/ Ukraine, § 127, précité.
732
CEDH, 18 janvier 2001, n o 27238/95, Chapman c/ Royaume-Uni, § 124.
733
CEDH, 22 novembre 1995, n o 19178/91, Bryan c/ Royaume-Uni, § 47 ; CEDH, 18 janvier 2001,
n o 27238/95, Chapman c/ Royaume-Uni, § 124.
734
CEDH, 14 novembre 2006, n o 60860/00, Tsfayo c/ Royaume-Uni, § 46.
735
CEDH, 26 avril 1995, Fischer c/ Autriche du 26 avril 1995, § 29, série A, n o 312, p. 17 ; CEDH,
17 décembre 1996, Terra Woningen B.V. c/ Pays-Bas, Rec., 1996-VI, p. 2122 à p. 2123, § 52 à
§ 55 ; CEDH, 20 juin 2002, n o 47760/99, Koshinas c/ Grèce, § 29 et § 30 ; CEDH, 13 février
2003, n o 49636/99, Chevrol c/ France, § 77 à § 83 ; CEDH, 27 mai 2003, n o 42930/98, Crisan
c/ Roumanie, § 29 ; CEDH, 16 septembre 2003, n o 41134/98, Glod c/ Roumanie, § 39 ; CEDH,
27 octobre 2009, n o 21737/03, Haralambie c/ Roumanie, § 54.

- 233 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014

Enfin de compte, la modulation des exigences européennes relatives à


l’intensité du contrôle opéré repose essentiellement sur la nature du contentieux
jugé 736, ce qui peut aisément se comprendre au regard de la « grande plasticité de la
matière civile », pour ne pas dire de « l’extension à outrance de la notion du
civil » 737. L’introduction « de force dans la veste de l’article 6 § 1 des situations
juridiques pour lesquelles, de toute évidence, elle n’a pas été cousue » 738 ne pouvait
qu’aboutir à une application différenciée des garanties du procès équitable, et ce afin
de rendre acceptable les conséquences de cette politique d’ « extension tous
azimuts » 739 du droit au procès équitable. Par ailleurs, cette différence de traitement
entre les contentieux de pur droit civil et ceux relevant du droit administratif
traditionnel nous paraît légitime et surtout familière. Elle peut, en effet, être
interprétée comme le souci de préserver la marge de manœuvre de l’Administration,
qui demeure la « mieux placée pour établir et apprécier les faits, ayant à sa
disposition les experts indispensables » 740. Or, ce sont des considérations identiques
qui guident le juge français de l’excès de pouvoir dans l’établissement de son échelle
de contrôle. En faisant dépendre l’intensité du contrôle exigée de la nature de la
matière à juger, la Cour de Strasbourg manifeste ainsi sa volonté de ne pas
transformer les juges nationaux en administrateurs. Le juge Franz MATSCHER s’en
est d’ailleurs félicité en affirmant : « Laissons donc l’administration administrer et
contentons-nous d’un contrôle juridictionnel efficace de la légalité de ses décisions et
du caractère correct de la procédure qu’elle a suivie ».

736
Voir également, en ce sens, MILANO Laure, Le droit à un tribunal au sens de la Convention
européenne des droits de l’Homme, précitée, p. 368 et suivantes ; TINIÈRE Romain, « La notion
de « pleine juridiction » au sens de la Convention européenne des droits de l’homme et l’office
du juge administratif », R.F.D.A., 2009, p. 729, précité.
737
MATSCHER Franz, « La notion de « tribunal » au sens de la Convention européenne des droits
de l’homme », Les nouveaux développements du procès équitable au sens de la Convention
européenne des droits de l’homme, Bruxelles, Bruylant, 1996, p. 29.
738
Opinion partiellement dissidente du juge MATSCHER jointe à l’arrêt CEDH, 23 juin 1981,
n os 6878/75, 7238/75, Le Compte, Van Leuven et De Meyere c/ Belgique, précité.
739
SUDRE Frédéric, Droit européen et international des droits de l’homme, P.U.F., 9 ème éd., 2009,
p. 364, n o 207.
740
MATSCHER Franz, « La notion de « tribunal » au sens de la Convention européenne des droits
de l’homme », Les nouveaux développements du procès équitable au sens de la Convention
européenne des droits de l’homme, Bruxelles, Bruylant, 1996, p. 47.

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CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014

Quant aux exigences relatives à l’étendue des pouvoirs du juge, la question a


pu se poser de savoir si un pouvoir d’annulation suffisait dans les matières purement
civiles.
Sur ce point, la jurisprudence européenne a longtemps manqué de précision.
Dans la plupart des affaires qui lui étaient soumises, la Cour se bornait, en effet, à
relever le caractère manifestement insuffisant du contrôle opéré, élément suffisant à
lui seul pour entraîner une violation de l’exigence de pleine juridiction, sans se
prononcer sur la détention d’un pouvoir de réformation. C’est ce qui a conduit
M. Marc ELVINGER 741, dans un article paru en 1996, à soutenir qu’un tel pouvoir
pouvait être imposé pour « les affaires à caractère civil « pur ».
Aujourd’hui, le débat n’a plus lieu d’être. La jurisprudence récente l’a
définitivement tranché. Tout d’abord, dans un arrêt « Chaudet c/ France » 742 portant
sur une décision déclarant la requérante inapte aux fonctions d’hôtesse de l’air, la
Cour de Strasbourg, après avoir validé l’intensité du contrôle juridictionnel effectué
sur les éléments de fait, a conclu au respect de l’article 6 C.E.D.H. Ce faisant, elle a
implicitement reconnu la conformité du recours pour excès de pouvoir exercé devant
le Conseil d’État et, donc du pouvoir d’annulation, à l’exigence de « pleine
juridiction ». Ensuite, dans un arrêt « Oeleksandr Volkov c/ Ukraine » 743 du 9 janvier
2013 portant sur une décision révoquant le requérant de son poste de juge, la Cour a
conclu à une violation du droit au procès équitable en relevant que la juridiction « ne
pouvait procéder à un contrôle effectif des décisions du Conseil supérieur de la
magistrature et du Parlement, compte tenu du fait qu’elle était compétente pour
déclarer ces décisions irrégulières mais non pour les annuler ».
Dès lors, il est possible d’affirmer que la nature du droit en cause n’influe pas
sur le raisonnement suivi par les juges européens. Plus précisément, l’annulation de la

741
ELVINGER Marc, « Le contentieux de l'annulation des actes administratifs face à l'exigence du
recours de pleine juridiction au sens de la Convention européenne des droits de l'homme», Bull.
dr. h., n o 5, 1996, p. 108 à p. 111.
742
CEDH, 29 octobre 2009, n o 49037/06, Chaudet c/ France, précité.
743
CEDH, 9 janvier 2013, no 21722/11, Oleksandr Volkov c/ Ukraine, § 125, précité.

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CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014

mesure contestée est jugée suffisante tant dans les affaires portant sur des contentieux
de pur droit public 744 que dans celles mettant en jeu des droits exclusivement civils 745.

En résumé, un tribunal national, saisi dans un contentieux civil au sens de la


Convention, doit, pour être considéré comme un « organe judiciaire de pleine
juridiction », être compétent pour examiner l’ensemble des moyens soulevés par le
requérant, en fait comme en droit, sans avoir à décliner sa compétence. À défaut, une
violation du droit au procès équitable sera constatée. L’intensité du contrôle sur les
éléments de fait varie en fonction de la nature du droit en cause. Dans les contentieux
qui relèvent traditionnellement du droit public, la Cour de Strasbourg exigera, en
fonction de la technicité de la matière et des garanties attachées à la procédure
administrative ou disciplinaire suivie préalablement, tantôt un contrôle minimal tantôt
un contrôle normal. En revanche, lorsque sont en jeu des intérêts exclusivement
civils, le contrôle effectué par la juridiction nationale doit porter sur la
proportionnalité de la mesure aux faits. Cette dernière doit, par ailleurs, détenir un
pouvoir d’annulation.

Ce n’est pas exactement la même définition qui s’applique en matière


« pénale ».

2. La notion de pleine juridiction en matière « pénale »

Malgré une référence commune à la « compétence pour se pencher sur toutes


les questions de fait et de droit pertinentes pour le litige dont [le tribunal] se trouve
saisi » 746, les exigences relatives à l’ampleur du contrôle exercé sur les éléments de

744
CEDH, 21 septembre 1993, no 12235/86, Zumtobel c/ Autriche, précité ; CEDH, 25 novembre
1994, no 12884/87, Ortenberg c/ Autriche, précité ; CEDH, 26 avril 1995, no 16922/90, Fischer
c/ Autriche, précité ; CEDH, 28 février 1996, n o 22108/93, Escarrat c/ France ; CEDH,
7 novembre 2000, n o 35605/97, Kingsley c/ Royaume-Uni, précité.
745
CEDH, 29 octobre 2009, n o 49037/06, Chaudet c/ France, précité ; CEDH, 9 janvier 2013,
n o 21722/11, Oleksandr Volkov c/ Ukraine, précité.
746
Par exemple, dans le cadre de la matière civile : CEDH, 17 décembre 1996, n o 20641/92, Terra
Woningen B. V. c/ Pays-Bas, § 52 ; CEDH, 12 avril 2007, n o 66455/01, Bulinwar Ood et
Hrusanov c/ Bulgarie, § 35. Voir, dans le cadre de la matière pénale : CEDH, 4 juin 2006,

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CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014

fait sont, en matière « pénale », entendues plus strictement que dans le contentieux
« civil ».

Les arrêts « Schmautzer, Umlauft, Gradinger, Pramstaller, Palaoro et


Pfarrmeier c/ Autriche » 747 précités sont, de ce point de vue, significatifs. Il y est jugé
que le contrôle opéré par la Cour administrative autrichienne ne satisfait pas à
l’exigence de pleine juridiction. Pourtant, dans un précédent civil rendu à propos de
cette même juridiction, les juges européens avaient validé le contrôle restreint exercé
sur les éléments de fait.

Dans ces affaires, la Cour a suivi l’avis rendu par la Commission selon
laquelle « bien qu’en matière civile un contrôle quelque peu restreint des décisions
prises par les autorités administratives puisse, en certaines circonstances, satisfaire
aux exigences de l’article 6 de la Convention, les affaires pénales pourraient
nécessiter une approche différente. Lorsqu’un défendeur souhaite qu’un tribunal
statue sur le bien-fondé d’une accusation en matière pénale portée à son encontre,
rien ne peut limiter la portée du contrôle requis des décisions des autorités
administratives ».

La spécificité de la notion européenne de pleine juridiction dans le domaine


« pénal » est encore plus flagrante quant aux exigences relatives à l’étendue des
pouvoirs du juge.

Dans l’ensemble des affaires rendues le 23 octobre 1995 contre l'Autriche, la


Cour affirme qu' « au titre des caractéristiques constitutives d'un tribunal de pleine
juridiction » dans la matière pénale, « figure le pouvoir de réformer en tous points, en
fait comme en droit, la décision entreprise, rendue par l'organe inférieur » 748. Cette
formulation est, depuis lors, employée de manière systématique, dans les affaires où
sont contestés les pouvoirs du juge au regard de l’exigence de pleine juridiction en

n o 47650/99, Silverster’s Horeca Service, c/ Belgique, § 27 ; CEDH, 21 mars 2006, n o 70074/01,


Valico Srl c/ Italie.
747
CEDH, 23 octobre 1995, nos 15523/89, 15527/89, 15963/90, 16713/90, 16718/90, 16841/90,
Schmautzer, Umlauft, Gradinger, Pramstaller, Palaoro et Pfarrmeier c/ Autriche, série A n os 328
A-C et 329 A-C, précité.
748
CEDH, 23 octobre 1995, Schmautzer c/ Autriche, § 36, précité.

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CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014

matière pénale. Il s’agit là d’une différence majeure avec la matière civile, pour
laquelle un simple pouvoir d’annulation suffit.

Quelles sont donc les raisons qui expliquent cette distinction, laquelle ne
trouve pas d’« appui dans le libellé ni dans l’objet de l’article 6 C.E.D.H. » 749 ?
Pour certains, rien ne justifie que « dans une affaire de caractère
« administratif » en droit interne, mais « pénal » au regard de la Convention, les
garanties offertes par le tribunal qui doit contrôler la décision ultime rendue par les
instances administratives différent de celles exigées pour une affaire
« administrative » en droit interne, mais « civile » au sens de la Convention ».
Au contraire, pour d’autres auteurs, plusieurs motifs peuvent être avancés en
faveur de la détention d’un pouvoir de réformation par le juge administratif statuant
sur une décision administrative relevant de la matière pénale au sens de la
Convention.
Un argument textuel a ainsi été soulevé. En ce sens, Mme Laure MILANO a
pu souligner qu’eu égard à l’acception matérielle de la notion d’accusation en matière
pénale, laquelle fait intervenir l’étude du contenu de l’acte d’ « accusation » mais
aussi des conséquences de cet acte sur la situation juridique du justiciable, « la
faculté de décider du bien-fondé de l’accusation paraît inclure l’examen du bien-
fondé de la poursuite et du bien-fondé de la peine, c’est-à-dire l’appréciation de
l’adéquation entre la peine et la gravité de la sanction » 750.

Des motifs d’efficacité ont également été invoqués par les auteurs 751.
M. ELVINGER et Mme MAMONTOFF, suivis par Mme MILANO, ont notamment
fait observer que « la sanction administrative est un domaine où le simple pouvoir
d’annuler avec renvoi de l’affaire à l’administration, peut ne pas être satisfaisant. En

749
Voir l’opinion séparée du juge Martens jointe aux arrêts CEDH, 23 octobre 1995, Schmautzer
c/ Autriche, précité et CEDH, 23 octobre 1995, Pramstaller c/ Autriche, précité.
750
MILANO Laure, Le droit à un tribunal au sens de la Convention européenne des droits de
l’Homme, Thèse Montpellier, SUDRE Frédéric (dir.), L.G.D.J., 2006, p. 381 et suivantes.
751
ELVINGER Marc, « Le contentieux de l'annulation des actes administratifs face à l'exigence du
recours de pleine juridiction au sens de la Convention européenne des droits de l'homme», Bull.
dr. h., n o 5, 1996, p. 108 ; MAMONTOFF Catherine, « La notion de pleine juridiction au sens de
l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme et ses implications en matière de
sanctions administratives », R.F.D.A., 1999, p. 1004 ; MILANO Laure, Le droit à un tribunal au
sens de la Convention européenne des droits de l’Homme, précitée, p. 381 et suivantes.

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CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014

effet, la réformation permet une meilleure justice, rendue plus rapidement


conformément à la CEDH sur les délais raisonnables, car l’administration peut ne
pas être prompte à prendre une nouvelle décision contraire à celle prise
initialement ». Cet argument ne nous paraît cependant guère pertinent puisque si la
décision de sanction est annulée, il n’y a pas lieu de prendre une « décision
contraire ».

À nos yeux, la principale raison qui justifie cette différence de traitement tient
à la spécificité de la matière « pénale » 752. Selon nous, la Cour, en opérant une telle
distinction, manifeste, une fois de plus, son adhésion à la thèse de la nature
fondamentalement juridictionnelle de la répression. Comme nous l’avons vu 753, au
terme de cette conception, l’acte punitif relève par essence de la fonction
juridictionnelle et, plus précisément, de la mission naturelle du juge pénal. En ce
sens, il apparaît comme une « anomalie juridique » 754, une forme de « justice hors du
juge » 755 lorsqu’il est prononcé par l’Administration. Consécutivement, il implique,
au stade du contrôle juridictionnel, la détention par le juge ordinaire de pouvoirs
correspondant à ceux du juge répressif, dont le pouvoir de réformation de la sanction.

Reste à déterminer si ce pouvoir de réformation implique la détention d’un


pouvoir de modulation de la sanction aux faits reprochés.
Alors que la jurisprudence européenne a longtemps pu apparaître comme
équivoque, pour ne pas dire contradictoire, tant les solutions adoptées différaient
d’une espèce à une autre, la Cour de Strasbourg est récemment venue clarifier sa
position.

752
Voir également en ce sens : MAMONTOFF Catherine, « La notion de pleine juridiction au sens
de l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme et ses implications en matière
de sanctions administratives », précité, p. 1004 ; MILANO Laure, Le droit à un tribunal au sens
de la Convention européenne des droits de l’Homme, précitée, p. 381 et suivantes.
753
Voir en ce sens : Partie 1, Chapitre 1, Section 1, I, B, 2.
754
MAMONTOFF Catherine, « La notion de pleine juridiction au sens de l’article 6 de la
Convention européenne des droits de l’homme et ses implications en matière de sanctions
administratives », R.F.D.A., 1999, p. 1004.
755
DELVOLVÉ Pierre, « La justice hors du juge », Cahiers de droit de l'entreprise, 1984,
n o supplémentaire, n° 4, p. 16.

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CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014

Dans son arrêt « Jussila c/ Finlande » 756 du 23 juin 2006, les juges européens
ont transposé à la matière « pénale » le système de gradation des exigences afférentes
au droit au procès équitable qu’elle avait consacré en matière « civile ». Elle affirme,
en effet, que « les garanties offertes par le volet pénal de l’article 6 ne doivent pas
nécessairement s’appliquer dans toute leur rigueur » au prononcé de sanctions qui
n’appartiennent pas au noyau dur du droit pénal, telles que les contraventions
administratives, les punitions pour manquement à la discipline pénitentiaire, les
infractions douanières, les sanctions pécuniaires infligées pour violation du droit de la
concurrence et les amendes infligées par des juridictions financières. Cette solution
peut se justifier, tout comme en matière civile, par le souci de « compenser
l’élargissement incessant (…) [de la notion] de matière pénale » 757 à des matières qui,
en droit interne, n’en relèvent pas formellement.

L’arrêt « Ségame c/ France » du 7 juin 2012, relatif à une pénalité à taux


unique de 25 % sanctionnant le non versement de la taxe sur les métaux précieux,
confirme le principe d’un degré d’exigences moins élevé en fonction de la nature de
la sanction prononcée en l’appliquant à la garantie de « pleine juridiction », et plus
précisément à la détention d’un pouvoir juridictionnel de modulation.
En l’espèce, la Cour fait preuve d’une réelle pédagogie.
Elle commence par exposer l’opposition qui existe entre la Cour de cassation
et le Conseil d’État sur la question du pouvoir juridictionnel de modulation 758.
Après avoir présenté les thèses de la requérante et du gouvernement, les juges
strasbourgeois rappellent les pouvoirs du juge administratif de pleine juridiction qui
peut « apprécier tous les éléments de fait et de droit et peut non seulement annuler ou
valider un acte administratif, mais également le réformer, voire substituer sa propre
décision à celle de l’administration et se prononcer sur les droits de l’intéressé ; en
matière fiscale, il peut décharger le contribuable des impôts et pénalités mis à sa
charge ou en modifier le montant dans la limite de l’application de la loi, et en

756
CEDH, 23 novembre 2006, n o 73053/01, Jussila c/ Finlande, § 43, CEDH 2006-XIII.
757
TULKENS Françoise et KOERING-JOULIN Renée, « Le juge. Système continental », in Les
principes communs d’une justice des États de l’Union européenne, Colloque organisé par la Cour
de cassation, La documentation française, 2001, p. 54.
758
CEDH, 7 juin 2012, n o 4837/06, Ségame c/ France, § 31 à § 37.

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CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014

matière de pénalités, substituer un taux inférieur à un taux supérieur pour autant que
la loi le prévoit » 759. Ils notent, à cet égard, qu’il s’agit de « pouvoirs étendus ».
La Cour en vient à l’examen du grief relatif à l’absence de détention d’un
pouvoir de modulation de l’amende fiscale par le juge administratif français, faute de
dispositions légales le permettant.
Elle conclut qu’il n’y a pas, en l’espèce, violation de l’article 6 § 1 C.E.D.H.

Pour ce faire, elle s’appuie sur trois considérations principales qui confirment
l’arrêt rendu par le Conseil d’État sur cette même affaire 760. Elle relève que « la loi
elle-même proportionne dans une certaine mesure l’amende à la gravité du
comportement du contribuable, puisque celle-ci est fixée en pourcentage des droits
éludés, dont en l’espèce la requérante a pu amplement discuter l’assiette ». Se
référant à sa jurisprudence « Jussila c/ Finlande » précitée, elle reconnaît ensuite « le
caractère particulier du contentieux fiscal impliquant une exigence d’efficacité
nécessaire pour préserver les intérêts de l’État et observe, en outre, que ce
contentieux ne fait pas partie du noyau dur du droit pénal au sens de la
Convention ». Enfin, elle constate « que le taux de l’amende, fixé à 25 %, n’apparaît
pas disproportionné ».

Il résulte de ce qui précède qu’en matière « pénale », une juridiction satisfait à


l’exigence de pleine juridiction lorsqu’elle est compétente pour se pencher sur toutes
les questions de fait et de droit pertinentes pour le litige dont elle se trouve saisie.
Elle doit, en outre, pouvoir exercer un contrôle normal sur la qualification juridique
des faits et contrôler la proportionnalité de la sanction infligée aux faits reprochés. Le
tribunal national doit également disposer du pouvoir non seulement d’annuler la
mesure attaquée, mais également la réformer, voire substituer sa propre décision à
celle de l’administration et se prononcer sur les droits de l’intéressé. Un pouvoir de
modulation non prévu par la législation interne n’est pas exigé dans le cadre des
litiges ne relevant pas du noyau dur du droit pénal.

759
CEDH, 7 juin 2012, n o 4837/06, Ségame c/ France, § 56.
760
CE, 27 juin 2008, n o 301343, Société Ségame, R.J.F., 11/08, no 1213.

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CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014

Sans entrer dans une étude au cas par cas, on peut observer que le contrôle
opéré par le juge administratif français ne satisfait pas toujours aux exigences
européennes de la « pleine juridiction » 761, telles qu’elles viennent d’être présentées.

L’arrêt « Commune de Saint-Jory » 762 du 28 décembre 2001 le démontre


clairement. En l’espèce, était en cause une décision de licenciement d’un
collaborateur contractuel du cabinet d’un maire. L’applicabilité du droit au procès
équitable sous l’angle du volet civil à ce type de mesure avait déjà été tranchée
positivement par la Cour de Strasbourg 763. Pourtant, le Conseil d’État a refusé
d’exercer un contrôle de la qualification juridique des faits retenue par la décision
litigieuse. Il a, en effet, estimé qu’il pouvait seulement vérifier que la décision « ne
repose pas sur un motif matériellement inexact ou une erreur de droit ou un
détournement de pouvoir ».
En pareille hypothèse, l’application des garanties du procès équitable dès la
phase administrative s’impose.

761
Sur cette question : MAMONTOFF Catherine, « Une judiciarisation tributaire de l’existence
d’un contrôle de pleine juridiction », in L’extension des garanties du procès équitable hors les
juridictions ordinaires : les contraintes européennes, Institut de droit européen des droits de
l’homme, avril 2002, SUDRE Frédéric (dir.), p. 182 ; TINIÈRE Romain, « La notion de « pleine
juridiction » au sens de la Convention européenne des droits de l’homme et l’office du juge
administratif », R.F.D.A., 2009, p. 729.
762
CE, 28 décembre 2001, n o 225189, Commune de Saint-Jory, Rec., p. 681 ; B.J.C.L., 2002, p. 28,
concl. SÉNERS François.
763
CEDH, 26 octobre 1993, n o 15058/89, Darnell c/ Royaume-Uni, A. 272.

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CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014

SECTION 2

L’application exceptionnelle des garanties du procès équitable au


stade administratif

En principe, une violation de l’article 6 C.E.D.H. ne peut être fondée sur le


non-respect par une autorité administrative des exigences du procès équitable si, et
dans la mesure où la décision litigieuse est soumise au contrôle subséquent d’un
organe judiciaire doté de la plénitude de juridiction et offrant les garanties de l’article
6 C.E.D.H.

A contrario, l’application des garanties du procès équitable s’impose dès la


phase administrative lorsque la décision rendue n’est pas susceptible de faire l’objet
d’un contrôle ultérieur de pleine juridiction.

Certains auteurs 764 présentent cette dernière situation comme la seule


hypothèse d’application immédiate des règles du procès équitable à l’administration.
Il en existe pourtant une seconde, révélée 765 par la décision « Imbrioscia c/ Suisse »766
du 24 novembre 1993.

764
SUDRE Frédéric, Droit européen et international des droits de l’homme, P.U.F., 9 ème éd., 2009,
p. 371. Selon l’auteur, « L’article 6, par contre, n’impose pas que les procédures de première
instance, en matière civile ou pénale, devant des organes qui ne sont pas intégrés aux
« structures judiciaires ordinaires » - tels organes administratifs ou disciplinaires – remplissent
les exigences du procès équitable. Le juge européen, de longue date, admet que des « impératifs
de souplesse et d’efficacité » peuvent justifier l’intervention d’organes non juridictionnels ne
satisfaisant pas aux garanties de l’article 6 : dans ce cas, le justiciable doit disposer d’un
recours devant un organe judiciaire indépendant, doté de la plénitude de juridiction et offrant
les garanties de l’article 6 § 1 ». Voir également : COSTA Jean-Paul, « L’application du
contradictoire dans l’article 6 § 1 de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de
l’homme », R.F.D.A., 2001, p. 30 : « enfin, l'article 6 s'applique en matière contentieuse et non
administrative ou précontentieuse (Benthem c/ Pays-Bas, 1985, Imbrioscia c/ Suisse, 1993),
encore que, au moins en ce qui concerne le respect du délai raisonnable, et pour autant que
l'article 6 soit applicable au litige, on tienne compte du délai enregistré dans la phase
précontentieuse (X., 1992) comme de celui enregistré dans l'exécution de la décision de justice
(Hornsby c/ Grèce, 1997). »
765
Une lecture attentive des arrêts rendus avant la décision Imbrioscia c/ Suisse pouvait déjà laisser
présager du principe d’application immédiate des garanties de l’article 6 C.E.D.H. en cas
d’atteinte irréversible au caractère équitable de la procédure. Voir en ce sens : CEDH, 25 février
1993, n o 10828/84, Funke c/ France.
766
CEDH, 24 novembre 1993, n o 13972/88, Imbrioscia c/ Suisse, § 36, Série A, n o 275 ;
Rev. science crim., 1994, p. 144, obs. PETTITI Louis-Edmond ; Rev. science crim., 1994, p. 362,
obs. KOERING-JOULIN Renée.

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CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014

Selon cet arrêt, lorsque l’inobservation des garanties du procès équitable par
l’autorité administrative revêt un caractère de gravité tel qu’elle est insusceptible
d’être compensée pendant la phase juridictionnelle, il y a lieu de faire exception à la
jurisprudence « Le Compte, Van Leuven et De Meyere c/ Belgique » 767. Pour la Cour
de Strasbourg, « si la garantie des droits doit tenir compte des exigences d’efficacité
de la procédure administrative, l’efficacité ne peut justifier tous les manquements à
l’équité procédurale. » 768

Toutefois, l’interprétation européenne de la notion d’« atteinte grave » n’a pas


conduit à annihiler la portée de la jurisprudence « Le Compte, Van Leuven et De
Meyere c/ Belgique ». Effectivement, depuis sa consécration, le principe issu de la
décision « Imbrioscia c/ Suisse », selon lequel les garanties du procès équitable
peuvent « jouer un rôle avant la saisine du juge du fond si et dans la mesure où leur
inobservation initiale risque de compromettre gravement le caractère équitable du
procès » 769, fait l’objet d’une application mesurée (I) et nuancée (II).

767
CEDH, 23 juin 1981, n os 6878/75, 7238/75, Le Compte, Van Leuven et De Meyere c/ Belgique,
§ 33, G.A.C.E.D.H., no 17.
768
BRISSON Jean-François, « Les pouvoirs de sanction des autorités de régulation et l’article 6 § 1
de la Convention européenne des droits de l’homme. À propos d’une divergence entre le Conseil
d’État et la Cour de cassation », A.J.D.A., 20 novembre 1999, p. 852.
769
CEDH, 24 novembre 1993, n o 13972/88, Imbrioscia c/ Suisse, § 36, Série A, n o 275, Rev. science
crim., 1994, p. 144, obs. PETTITI Louis-Edmond ; Rev. science crim., 1994, p. 362, obs.
KOERING-JOULIN Renée.

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CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014

I. Une application mesurée du principe issu de la jurisprudence « Imbrioscia »

L’étude du corpus prétorien européen montre que la décision « Imbrioscia


c/ Suisse » a rencontré et rencontre un vif écho essentiellement dans les affaires
mettant en cause les procédures préalables à la saisine du juge pénal (A). En
revanche, cette jurisprudence ne concerne que rarement les procédures
administratives répressives (B).

A. Une application essentiellement cantonnée aux procédures pénales


classiques

L’arrêt « Imbrioscia c/ Suisse » a été rendu dans le cadre particulier des


interrogatoires policiers et des enquêtes préalables à la saisine du juge pénal
ordinaire. En l’espèce, le requérant, poursuivi pour infraction à la loi sur les
stupéfiants, se plaignait d’une violation du droit au procès équitable, faute d’avoir pu
bénéficier de l'assistance d'un avocat lors d'interrogatoires conduits par la police, puis
par le procureur de district. Les juges européens affirment que l’article 6 C.E.D.H. ne
« se désintéresse [pas] des phases qui se déroulent avant la procédure de jugement »
tout en prenant soin de rattacher cette assertion au volet pénal de cette stipulation.

Ce faisant, cette décision a pu être présentée comme « une hypothèse


marginale et exceptionnelle » de l’application immédiate des garanties de l’article 6
C.E.D.H. Les commentateurs de la jurisprudence strasbourgeoise ont, pour la plupart
d’entre eux, estimé que l’arrêt du 24 novembre 1993 ne concernait que les « autorités
administratives instances du processus répressif » 770 et visait « à élever le niveau des
garanties juridictionnelles en matière pénale » 771.

Cette analyse doctrinale, formulée fin 1999 et reprise au début des années
2000, se trouvait, il est vrai, nettement confortée par la position adoptée jusqu’alors
par les organes de la Convention.

770
BRISSON Jean-François, « Les pouvoirs de sanction des autorités de régulation et l’article 6 § 1
de la Convention européenne des droits de l’homme. À propos d’une divergence entre le Conseil
d’État et la Cour de cassation », A.J.D.A., 20 novembre 1999, p. 852.
771
SERMET Laurent, « Le droit à un procès équitable », R.F.D.A., 2000, p. 1059.

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CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014

D’une part, la Cour de Strasbourg avait déjà eu l’occasion de retenir une


lecture plus exigeante de l’article 6 C.E.D.H. dans le cadre d’affaires pénales au sens
du droit interne. Telle est la solution qui avait effectivement prévalu dans les arrêts
« Schmautzer, Umlauft, Gradinger, Pramstaller, Palaoro et Pfarrmeier c/ Autriche »772
du 23 octobre 1995 relatifs à la notion de « pleine juridiction » étudiée
précédemment 773.

D’autre part, la décision « Imbrioscia c/ Suisse» avait été suivie d’une


jurisprudence abondante sur le respect des garanties du procès équitable lors des
enquêtes préalables à la saisine du juge pénal et, dans laquelle la Cour avait insisté
sur l’importance de cette période procédurale pour la préparation du procès.

Dans son arrêt « Allenet de Ribemont c/ France » 774 du 10 février 1995, la


Cour de Strasbourg a ainsi conclu à une violation de l’article 6 C.E.D.H. résultant du
non-respect de la présomption d’innocence lors de l’enquête pénale.

Un an plus tard, la Cour a estimé que le droit d’accès à un homme de loi


pendant la phase initiale des interrogatoires de police était, en l’espèce, nécessaire
pour assurer le caractère équitable de la procédure 775. Pour ce faire, les juges ont
relevé qu’ « une législation nationale peut attacher à l’attitude d’un prévenu à la
phase initiale des interrogatoires de police des conséquences déterminantes pour les
perspectives de la défense lors de toute procédure pénale ultérieure » 776.

772
CEDH, 23 octobre 1995, n os 15523/89, 15527/89, 15963/90, 16713/90, 16718/90, 16841/90,
Schmautzer, Umlauft, Gradinger, Pramstaller, Palaoro et Pfarrmeier c/ Autriche, série A n os 328
A-C et 329 A-C, précités.
773
Voir en ce sens : l’interprétation européenne de la notion de pleine juridiction en matière pénale
étudiée dans la section précédente (Partie 2, Chapitre 1, Section 1, II, B, 2).
774
CEDH, 10 février 1995, no 15175/89, Allenet de Ribemont c/ France, § 35, R.T.D.H., 1995,
p. 661 à p. 672, note SPIELMANN Dean.
775
CEDH, 8 février 1996, n o 18731/91, John Murray c/ Royaume-Uni, § 63, Rec. Cour. eur. D. H,
1996, I, p. 30 ; J.L.M.B., 1997, p. 52, obs. NEVE Marc et SADZOT Alain, « Le droit au silence
et le droit à l’assistance d’un avocat dès les premiers stades de la procédure » ; R.S.C., 1997,
p. 476, obs. KOERING-JOULIN Renée.
776
CEDH, 8 février 1996, n o 18731/91, John Murray c/ Royaume-Uni, § 63, Rec. Cour. eur. D. H,
1996, I, p. 30 ; J.L.M.B., 1997, p. 52, obs. NEVE Marc et SADZOT Alain, « Le droit au silence
et le droit à l’assistance d’un avocat dès les premiers stades de la procédure » ; R.S.C., 1997,
p. 476, obs. KOERING-JOULIN Renée.

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CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014

C’est la même solution qui a prévalu dans l’arrêt « Magee c/ Royaume-


Uni » 777 du 6 juin 2000.

Onze mois plus tard, les juges européens ont requis l’observation du droit de
se taire et de ne point contribuer à sa propre incrimination au stade de l’enquête
préalable à la saisine du juge pénal 778.

Depuis cette date, les juges européens n’ont pas désavoué la thèse selon
laquelle les phases préalables à la saisine du juge pénal constituent le domaine
privilégié d’application du principe posé par la décision « Imbrioscia c/ Suisse ».

En ce sens, dans un arrêt « Panovits c/ Chypre » du 11 décembre 2008, les


juges européens ont de nouveau exigé le respect du droit de bénéficier de l’assistance
d’un défenseur et du droit de se taire et de ne point contribuer à sa propre
incrimination dès le stade de l’interrogatoire de police 779.

De même, dans une affaire « Salduz c/ Turquie » du 27 novembre 2008 780, la


Cour a énoncé qu’« Il est en principe porté une atteinte irrémédiable aux droits de la
défense lorsque des déclarations incriminantes faites lors d'un interrogatoire de
police subi sans assistance possible d'un avocat sont utilisées pour fonder une
condamnation. »

Par ailleurs, seul un arrêt 781 est intervenu, après la décision « Bendenoun
c/ France », pour imposer le respect du droit de garder le silence et du droit de ne pas
contribuer à sa propre incrimination à l’administration fiscale. Ainsi que l’a relevé
monsieur Vincent SEPULCHRE, étaient en cause, « des amendes administratives

777
CEDH, 6 juin 2000, n o 28135/95, Magee c/ Royaume-Uni, § 46, R.S.C., 2001, p. 881, obs.
TULKENS Françoise.
778
CEDH, 17 décembre 1996, n o 19187/91, Saunders c/ Royaume-Uni, § 68, § 71 et § 72, Rec.
CEDH, 1996, A, VI, p. 2045 ; J.C.P., éd. gén., 1997, I, 4000, n o 18, SUDRE Frédéric ;
R.S.C., 1997, p. 476, obs. KOERING-JOULIN Renée.
779
CEDH, 11 décembre 2008, n o 4268/04, Panovits c/ Chypre, § 65.
780
CEDH, 27 novembre 2008, no 36391/02, Salduz c/ Turquie, § 55, précité ; voir également : CEDH,
27 octobre 2011, no 25303/08, Stojkovic c/ France et Belgique, § 49 et § 50, R.T.D.H., 2012, p. 369, obs.
PALVADEAU Emmanuelle, « Droit à un procès équitable et responsabilité des États en cas de
commission rogatoire internationale ».
781
CEDH, 3 mai 2001, J.-B. c/ Suisse, Rec. CEDH, 2001, A, III-IV, p. 455 ; J.C.P., éd. gén., 2001, I,
p. 342, chronique SUDRE Frédéric.

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CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014

infligées (…) au contribuable, pour non communication des documents, sans aucune
condamnation par une juridiction pénale et sans même de procédure pénale » 782.

L’extension de la jurisprudence « Imbrioscia » aux procédures pénales


classiques est donc une hypothèse fréquente. On ne peut pas en dire autant s’agissant
de la procédure administrative répressive.

B. Une application exceptionnelle à la procédure administrative répressive

Dans leur étude consacrée à « L’extension des garanties du procès équitable


hors les juridictions ordinaires » 783, publiée en 2001, M. Frédéric SUDRE et
Mme Caroline PICHERAL se sont attachés à recenser les décisions traduisant une
application de la jurisprudence « Imbrioscia » à des procédures administratives
classiques, c’est-à-dire autres que celles précédant la saisine du juge pénal. Ils en ont
dénombré six. Mais selon nous, parmi l’ensemble des arrêts mentionnés, seul un
d’entre eux peut être considéré comme procédant à cette transposition. Pour le
démontrer, il nous faut examiner la jurisprudence citée par ces auteurs.

Au titre des procédures civiles au sens de la Convention, M. SUDRE et


Mme PICHERAL relèvent les arrêts « Kerojärvi c/ Finlande » 784 du 19 juillet 1995 et
« Mc Michael c/ Royaume-Uni » 785 du 24 février 1995.

La première affaire porte sur un recours en indemnisation engagé par


M. Kerojärvi contre l’État finlandais en vue d’obtenir réparation des affections
contractées du fait de son service militaire. Or, à la lecture de cette décision, il
apparaît que seule la procédure juridictionnelle suivie devant le Tribunal des

782
SEPULCHRE Vincent, Droits de l'homme et libertés fondamentales en droit fiscal, éd. Larcier, Coll. de
droit fiscal, p. 313.
783
SUDRE Frédéric et PICHERAL Caroline, « Un critère organique secondaire », in L’extension
des garanties du procès équitable hors les juridictions ordinaires, SUDRE Frédéric (dir.), p. 58 et
p. 59.
784
CEDH, 19 juillet 1995, n o 17506/90, Kerojärvi c/ Finlande, R.T.D.H., 1996, p. 206 et s., obs.
YERNAULT Dimitri, « Libertés classiques et droits dérivés : le cas de l’accès aux documents
administratifs ».
785
CEDH, 24 février 1995, no 16424/90, Mc Michael c/ Royaume-Uni, D., 1995, p. 449, note
HUYETTE Michel ; A.J.D.A., 1995, p. 719, « Actualité de la CEDH ».

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CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014

assurances puis devant la Cour suprême est en cause parce que le requérant s’est vu
refuser, devant ces juridictions, la communication d’une copie des dossiers
administratifs et médicaux le concernant.

De la même manière, dans l’arrêt « Mc Michael c/ Royaume-Uni », ce n’est


pas l’existence d’une atteinte irréversible au caractère équitable du procès commise
lors de la phase administrative précontentieuse qui est dénoncée, mais la procédure
juridictionnelle suivie par la « commission de l’enfance » et la « Sheriff Court »,
toutes deux considérées, en droit interne, comme des juridictions. En effet, la Cour a
conclu à une violation du droit au procès équitable dans la mesure où le principe du
contradictoire, qui avait été méconnu lors de la procédure suivie par la « commission
de l’enfance », n’a pas été davantage respecté par la « Sheriff Court ».

S’agissant des procédures « pénales » au sens de la Convention, mais non du


droit interne, M. SUDRE et Mme PICHERAL retiennent les décisions « Bendenoun
c/ France » 786, « Hentrich c/ France » 787 et « Miailhe c/ France » 788, rendues
respectivement le 24 février 1994, le 22 septembre 1994 et le 26 septembre 1996.

À l’instar des arrêts « Kerojärvi c/ Finlande » et « Mc Michael c/ Royaume-


Uni », précités, la décision « Hentrich c/ France » du 22 septembre 1994 doit être
comprise comme incriminant exclusivement la procédure juridictionnelle engagée à
l’encontre de la décision du service des impôts de faire usage de son droit de
préemption. À cet égard, la Cour relève que « d’un côté, les juges du fond ont permis
à l’administration de se borner à motiver sa décision d’exercice du droit de
préemption en qualifiant d’"insuffisant le prix de cession déclaré dans l’acte" (…) ;
de l’autre, les juges du fond n’ont pas voulu permettre à la requérante d’établir que
le prix convenu entre les parties correspondait à la valeur vénale réelle du bien. »
Ainsi, la procédure juridictionnelle ne satisfait pas aux garanties de l’article 6
C.E.D.H. puisqu’elle « n’a pas offert à la requérante la possibilité raisonnable de

786
CEDH, 24 février 1994, n o 12547/86, Bendenoun c/ France, J.D.E., 1994, p. 41, obs. M. B. ;
J.C.P., 1995, I, 3823, n o 16, obs. SUDRE Frédéric.
787
CEDH, 22 septembre 1994, n o 13616/88, Hentrich c/ France, A.J.D.A., 1995, p. 212, chr.
FLAUSS Jean-François ; D., 1995, p. 465, note FIORINA D.; G.A.J.F., 5 ème éd., 2009, n o 5.
788
CEDH, 26 septembre 1996, n o 18978/91, Miailhe c/ France, R.J.F., 1996, n o 1375.

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CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014

présenter sa cause dans des conditions qui ne la placent pas dans une situation de net
désavantage par rapport à son adversaire ».

L’arrêt « Miailhe c/ France » porte sur la procédure préalable au dépôt d’une


plainte pénale pour fraude fiscale. C’est donc une phase précédant le procès pénal,
qui est, en l’espèce, visée. En ce sens, cette décision ne saurait être classée parmi
celles manifestant une extension de la jurisprudence « Imbrioscia c/ Suisse» en
dehors du cadre particulier des procédures pénales « classiques ».

Au final, seule la décision « Bendenoun c/ France » du 24 février 1994, qui


concerne une majoration d’impôts prononcée par l’administration fiscale, témoigne
d’une telle extension. La Cour y énonce que « la notion de procès équitable [peut]
comporter l’obligation pour le fisc de consentir à fournir au justiciable certaines
pièces, ou même l’intégralité de son dossier ». Ceci étant, les juges de la Convention
estiment qu’en l’espèce, il n’y a pas eu violation du droit au procès équitable.

Au regard de ce qui précède, on comprend mieux les propos de


MM. GUYOMAR et COLLIN qui, commentant la décision « Imbrioscia c/ Suisse » et
l’application de certaines exigences de l’article 6 C.E.D.H. dès la procédure
administrative, ont pu écrire, dans les années 2000, que « La Cour n'a encore jamais
donné de suites à cette réserve » 789. Pour être exact, seul un arrêt 790 est intervenu,
après la décision « Bendenoun c/ France », pour imposer le respect du droit de garder
le silence et du droit de ne pas contribuer à sa propre incrimination à l’administration
fiscale et, dans lequel étaient en cause « des amendes administratives infligées (…) au
contribuable, pour non communication des documents, sans aucune condamnation
par une juridiction pénale et sans même de procédure pénale » 791.

Au terme de cette présentation jurisprudentielle, une question se pose.


Comment expliquer que l’inobservation de certaines garanties de l’article 6 C.E.D.H.

789
GUYOMAR Mattias et COLLIN Pierre, « Diverses application du principe d’impartialité »,
A.J.D.A., 2000, p. 126.
790
CEDH, 3 mai 2001, J.-B. c/ Suisse, Rec. CEDH, 2001, A, III-IV, p. 455 ; J.C.P., éd. gén., 2001, I,
p. 342, chronique SUDRE Frédéric.
791
SEPULCHRE Vincent, Droits de l'homme et libertés fondamentales en droit fiscal, éd. Larcier, Coll. de
droit fiscal, p. 313.

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CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014

par l’administration constitue une atteinte irréversible au caractère équitable du


procès essentiellement dans le cadre de procédures préalables à la saisine du juge
pénal ? En d’autres termes, qu’est-ce qui peut justifier que le non-respect de ces
mêmes exigences devant l’autorité administrative intervenant en dehors de toute
procédure pénale, n’emporte pas de violation du droit au procès équitable ?

La doctrine ne s’est jamais interrogée.

En réalité, cette différence de traitement s’explique par le fait que la Cour


apprécie l’existence d’une atteinte irréversible au caractère équitable de la procédure
en tenant compte de l’ensemble des faits de la cause. Voilà qui nous amène au second
point.

II. Une application nuancée du principe issu de la jurisprudence « Imbrioscia »

Pour déterminer si l’irrégularité commise initialement par l’autorité


administrative est de nature à vicier irrémédiablement le caractère équitable du
procès, la Cour adopte une démarche casuistique (A). Un tel raisonnement rend
impossible, pour ne pas dire vaine, toute tentative de systématisation des garanties
susceptibles de revêtir un effet immédiat (B).

A. Une appréciation in concreto et in globo de l’existence d’une atteinte


irréversible au caractère équitable de la procédure

« Les modalités d’application de l’article 6 §§ 1 et 3c) durant l’instruction


dépendent des particularités de la procédure et des circonstances de la cause. (…) Il
s’agit de savoir dans chaque cas, si à la lumière de l’ensemble de la procédure, la
restriction a privé l’accusé d’un procès équitable » 792. Cette formule est désormais

792
CEDH, 24 novembre 1993, n o 13972/88, Imbrioscia c/ Suisse, § 38, précité ; CEDH, 8 février
1996, no 18731/91, John Murray c/ Royaume-Uni, § 63, précité ; CEDH, 6 juin 2000,
n o 28135/95, Magee c/ Royaume-Uni, § 41, précité ; CEDH, 11 juillet 2000, n o 20869/92, Dikme
c/ Turquie, Rec. CEDH, 2000, VIII ; CEDH, 16 octobre 2001, n o 39846/98, Brennan c/ Royaume-
Uni, § 45, Rec. CEDH, 2001, X ; CEDH, 3 juin 2003, n o 33343/96, Pantea c/ Roumanie ; § 287,
Rec. CEDH, 2003, VI ; J.C.P., éd. gén., 2003. I, 160, n° 3, chr. SUDRE Frédéric ; D., 2003,
p. 2268, obs. RENUCCI Jean-François ; CEDH, 20 avril 2004, n os 29486/95, 29487/95,
29853/95, Mamac et autres c/ Turquie, § 47 ; CEDH, 22 avril 2004, n o 36115/97, Sarikaya

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CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014

classique dans la jurisprudence strasbourgeoise. Elle est, en effet, régulièrement


reprise par la Cour. Elle signifie que les juges européens apprécient in concreto et in
globo l’existence d’une atteinte irréversible au caractère équitable de la procédure.

Ainsi, les organes de la Convention vérifient toujours au cas par cas si


l’inobservation initiale d’une des garanties du procès équitable risque de
compromettre gravement le caractère équitable de la procédure litigieuse considérée
dans son ensemble. Il en résulte que le principe consacré par l’arrêt de principe
« Imbrioscia c/ Suisse » donne lieu à une jurisprudence nuancée.

Une lecture comparée des décisions « Magee c/ Royaume-Uni » 793 du 6 juin


2000 « Brennan c/ Royaume-Uni » du 16 octobre 2001 et « Mamac et autres
c/ Turquie » du 20 avril 2004 illustre parfaitement les différences de résultats à
laquelle peut aboutir l’adoption d’un raisonnement in concreto.

Dans ces trois affaires, les requérants se plaignaient de ne pas avoir pu


bénéficier de l’assistance d’un avocat dès les premiers stades de l’interrogatoire de
police.

Dans la première espèce, la Cour conclut à une violation de l’article 6


C.E.D.H. Pour ce faire, elle observe que le requérant a été privé de l’assistance d’un
avocat « plus de quarante-huit heures et que les déclarations l’incriminant qu’il a
faites à la fin des vingt-quatre premières heures de sa détention, sont devenues
l’élément clé des réquisitoires et ont fondé sa condamnation ». Il en résulte que
l’inobservation initiale de la garantie énoncée à l’article 6 § 3c) a irrémédiablement
compromis le caractère équitable du procès.

Au contraire, dans l’arrêt « Brennan c/ Royaume-Uni », la Cour estime que le


refus de laisser le requérant consulter son avocat pendant les premières heures de sa
garde à vue n’a pas porté atteinte au caractère équitable de la procédure. Pour
parvenir à cette conclusion, les juges européens se fondent sur plusieurs

c/ Turquie, § 65 ; CEDH, Gr Ch., 12 mai 2005, n o 46221/99, Öcalan c/ Turquie, § 135, J.T.D.E.,
2005, p. 191; J.T., 2005, p. 752, obs. KRENC Frédéric.
793
CEDH, 6 juin 2000, n o 28135/95, Magee c/ Royaume-Uni, § 45.

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CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014

considérations. Ils relèvent, tout d’abord, que « le requérant n’a fait aucun aveu
l’incriminant lors des interrogatoires de police qui ont eu lieu pendant la période
d’ajournement ». Ils constatent ensuite que le requérant « a formulé ses premiers
aveux lors de l’interrogatoire du 22 octobre 1990 (…), alors qu’il ne lui était plus
interdit de consulter un solicitor ». Enfin, ils soulignent qu’« il n’a pas non plus été
tiré la moindre conclusion des déclarations ou omissions du requérant au cours des
vingt-quatre premières heures ».

Dans la dernière affaire, la Cour de Strasbourg estime que les requérants ne se


sont pas vus refuser un procès équitable. D’une part, elle note que ce sont des
éléments de preuves saisis par la police lors de leur arrestation, qui ont fondé leur
culpabilité et qui pouvaient être contestés devant les juridictions de fond. D’autre
part, les accusés avaient également la possibilité de discuter devant les juges les
dépositions faites lors de l’instruction préliminaire. Par ailleurs, la Cour souligne que
« les requérants n’ont soumis aucun fait susceptible de démontrer que l’absence
d’avocat lors de la garde à vue a atteint leurs droits ».

Ainsi, les juges européens sont-ils particulièrement soucieux de ne pas


imposer de manière automatique le respect ab initio de certaines garanties. C’est le
même objectif qui est poursuivi à travers le recours à une démarche in globo.

Les décisions « Dikme c/ Turquie » du 11 juillet 2000 et « Pantea


c/ Roumanie », rendue le 3 juin 2003, sont, de ce point de vue, significatives. Alors
que les requérants invoquaient une violation de l’article 6 § 3c au stade des
interrogatoires de police, la Cour observe que les procédures à l’encontre de ces
derniers sont toujours pendantes. Dans ces conditions, elle estime que le grief est
prématuré.

Au regard de la jurisprudence précitée, il est impossible d’affirmer que le droit


à l'assistance d’un avocat doit toujours bénéficier à l'« accusé » dès les phases
préalables au procès pénal.

Pareillement, il serait présomptueux de considérer que le droit de se taire et de


ne pas contribuer à sa propre incrimination doit toujours être respecté lors de la phase
précontentieuse. En effet, dès lors que la législation nationale n’attache aux aveux
obtenus pendant les interrogatoires aucune conséquence déterminante pour les

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CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014

perspectives de la défense lors de toute procédure juridictionnelle ultérieure, il y a


fort à parier que la Cour conclura à la non-violation du droit au procès équitable 794.
En revanche, si la législation autorise à tirer des conclusions en défaveur d’un
requérant qui aurait choisi de garder le silence, la Cour constatera, sans aucun doute,
une violation de l’article 6 C.E.D.H.

B. Une impossible systématisation des garanties du procès équitable à effet


immédiat

Nos développements précédents démontrent que le raisonnement in concreto et


in globo n’autorise aucune systématisation des garanties à effet immédiat par
opposition à celles à effet différé.

À cet égard, nous ne pouvons que marquer notre désaccord avec Mme
QUILICHINI qui, dans un article paru en 2004, laisse entendre le contraire 795 et ne
fait pas état de la démarche casuistique adoptée par la Cour de Strasbourg.

De la même manière, nous ne pouvons pas adhérer à la présentation faite par


Mme MILANO 796 selon laquelle seules les garanties statutaires tenant à
l’indépendance et à l’impartialité de l’organisme appelé à statuer en matière pénale
ou civile au sens de la Convention seraient exigibles dès l’origine de la procédure.
D’une part, cette solution méconnaît la démarche européenne présentée ci-dessus.
D’autre part, dans sa décision « Helle c/ Finlande » 797, la Cour de Strasbourg a pu
affirmer de manière particulièrement nette que « d'après sa jurisprudence constante,
une violation de l'article 6 § 1 de la Convention ne peut être fondée sur le manque
allégué d'indépendance ou d'impartialité d'un organe juridictionnel, ni sur le
manquement par cet organe à une garantie procédurale essentielle si la décision

794
Voir en ce sens : CEDH, 11 juillet 2000, no 20869/92, Dikme c/ Turquie, précité ; CEDH,
16 octobre 2001, n o 39846/98, Brennan c/ Royaume-Uni, précité.
795
QUILICHINI Paule, « Réguler n’est pas juger. Réflexions sur la nature du pouvoir de sanction
des autorités de régulation économique », A.J.D.A., 2004, p. 1060.
796
MILANO Laure, Le droit à un tribunal au sens de la convention européenne des droits de
l’homme, L.G.D.J., 2006.
797
CEDH, 19 décembre 1997, n o 20772/92, Helle c/ Finlande, § 46 ; CEDH, 20 novembre 1995,
n o 19589/92, British-American Tobacco Company Ltd c/ Pays-Bas », § 78 ; CEDH, 26 août
1997, n o 22839/93, De Haan c/ Pays-Bas, § 52.

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CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014

rendue était soumise au contrôle subséquent d'un organe judiciaire doté de la


plénitude de juridiction et offrant les garanties de l'article 6 ». Il pourrait nous être
objecté que cette tolérance a été posée dans des contentieux portant sur des
contestations sur des droits et obligations de caractère civil et a vocation, par
conséquent, à ne s’appliquer qu’à ce type de litige. Cependant, dans une récente
affaire « A. Menarini Diagnostics S.R.L. c. Italie », les juges européens ont affirmé
que « le respect de l’article 6 de la Convention n’exclut pas que, dans une procédure
de nature administrative, une « peine » soit infligée d’abord par une autorité
administrative. Il suppose cependant que la décision d’une autorité administrative ne
remplissant pas elle-même les conditions de l’article 6 § 1 subisse le contrôle
ultérieur d’un organe judiciaire de pleine juridiction » 798. Poursuivant, la Cour s’est
ensuite bornée à vérifier le respect des « exigences d’indépendance et
d’impartialité », non par l’autorité administrative indépendante ayant prononcée la
sanction contestée, mais par les organes juridictionnels devant lesquels la sanction
litigieuse pouvait être contestée. En outre, il convient de rappeler que c’est
précisément compte-tenu de l’incompatibilité patente entre les exigences
d’indépendance et d’impartialité et l’administration répressive, que la Cour a décidé
de faire preuve de souplesse en adoptant une approche globale du respect du procès
équitable par une procédure donnée.

En réalité, le raisonnement in concreto et in globo suivi par les juges


européens permet seulement de dresser une liste des garanties dont le respect est
susceptible d’être exigé lors des phases préalables à la procédure juridictionnelle.

Dans une telle perspective, précisons qu’il y a lieu d’exclure les exigences
d’indépendance et d’impartialité dont le respect ne saurait être exigé des organes
administratifs. En effet, ainsi que nous venons de le rappeler 799, la jurisprudence « Le
Compte, Van Leuven et De Meyere c/ Belgique » est précisément intervenue afin de

798
CEDH, 23 octobre 1995, Schmautzer, Umlauft, Gradinger, Pramstaller, Palaoro et Pfarrmeier
c/ Autriche, respectivement § 34, § 37, § 42 et § 39, § 41 et § 38 ; CEDH 27 septembre 2011,
n o 43509/08, A. Menarini Diagnostics S.R.L. c/ Italie.
799
Voir nos développements précédents sur ce point : Partie 2, Chapitre 1, Section 1, I.

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CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014

tenir compte de l’impossibilité organique et statutaire pour l’administration de se


conformer à de telles prescriptions.

De même, à la lecture de l’arrêt « Riepan c/ Autriche »800 du 14 novembre


2000, il apparaît que la publicité des audiences ne peut pas être considérée comme
une garantie dont le respect est susceptible d’être exigé dans le cadre d’une procédure
administrative traditionnelle.

Il résulte de ce qui précède que la mise en œuvre de la jurisprudence


« Imbrioscia c/ Suisse » n’a pas emporté de bouleversement du principe consacré par
l’arrêt « Le Compte, Van Leuven et De Meyere c/ Belgique ».

800
CEDH, 14 novembre 2000, n o 35115/97, Riepan c/ Autriche, § 39, Rec. CEDH, 2000, XII.

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CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014

CONCLUSION

Nous retiendrons de ces développements le pragmatisme et la souplesse qui


caractérisent la jurisprudence européenne relative à l’application des garanties du
procès équitable à l’administration.

Lucide quant à l’impossibilité structurelle pour les autorités administratives


relevant du champ d’application de l’article 6 C.E.D.H. de se conformer à l’ensemble
des prescriptions définies par cette stipulation, la Cour de Strasbourg a effectivement
décidé de faire preuve de mansuétude. Plutôt que d’imposer une juridictionnalisation
de larges pans de la vie administrative, contraire à la tradition juridique de nombreux
États membres du Conseil de l’Europe, elle a préféré admettre que l’inobservation des
règles du procès équitable par l’administration, appelée à se prononcer en matière
« pénale » ou « civile », pouvait être corrigée par l’exercice ultérieur d’un contrôle de
pleine juridiction devant un organe juridictionnel satisfaisant à l’ensemble des
garanties de l’article 6 C.E.D.H.

De cette ligne jurisprudentielle, découle une application exceptionnelle, pour


ne pas dire marginale, des exigences du procès équitable au stade administratif.

Il s’agit là d’une solution remarquable puisqu’elle permet de démentir


clairement l’hypothèse d’une juridictionnalisation de l’administration provoquée par
l’interprétation strasbourgeoise de l’article 6 C.E.D.H. Cela n’a pourtant pas empêché
les juridictions françaises de s’en écarter en rendant une partie des règles du procès
équitable systématiquement opposables à certaines autorités administratives.

- 257 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014

CHAPITRE 2

UNE APPLICATION MÉCANIQUE DE CERTAINES GARANTIES


DU PROCÈS ÉQUITABLE À CERTAINES AUTORITÉS
ADMINISTRATIVES PAR LES JUGES FRANÇAIS

L’analyse des corpus prétoriens judiciaire et administratif démontre que les hauts
magistrats français ont parfaitement intégré l’approche globale de la Cour européenne
consacrée par la décision « Le Compte, Van Leuven et De Meyere c/ Belgique »801.

Par son arrêt « Haddad c/ Agent judiciaire du Trésor »802 du 9 avril 1996, la Cour
de cassation a ainsi pu juger que « l'intervention préalable dans la procédure répressive
d'une autorité administrative qui, comme la Commission [des opérations de bourse], ne
satisfait pas sur tous leurs aspects aux prescriptions de forme du paragraphe 1er de
l'article 6 de la Convention » n’est pas de nature à priver la personne poursuivie de son
droit au procès équitable dès lors que « les décisions prises par celle-ci subissent a
posteriori, sur des points de fait, des questions de droit ainsi que sur la proportionnalité de
la sanction prononcée avec la gravité de la faute commise, le contrôle effectif d'un organe
judiciaire offrant toutes les garanties d'un tribunal au sens du texte susvisé ». Ce faisant,
elle a écarté le grief tiré de la violation de l’article 6 C.E.D.H. faute pour la Commission
d’avoir tenu une audience publique.

On retrouve la même motivation dans les décisions rendues par les juges judiciaires
relatives à l’examen de la procédure répressive suivie par le Conseil de la concurrence 803.

801
CEDH, 23 juin 1981, n os 6878/75, 7238/75, Le Compte, Van Leuven et De Meyere c/ Belgique,
G.A.C.E.D.H., no 17 ; C.D.E., 1982, p. 201, COHEN-JONATHAN Gérard ; J.D.I., 1982, p. 216,
ROLLAND Patrice.
802
Cass. Com., 9 avril 1996, no 94-11323, Haddad c/ Agent judiciaire du Trésor, J.C.P., éd. gén.,
no 26, IV, 1996, p. 169.
803
Voir également dans le même sens : Cass. Com., 5 octobre 1999, n os 97-15617, 97-5626, 97-
15632, 97-15673, 97-15760, 97-15777, 97-15805, 97-15826, 97-15836, 97-15852, 97-15871, 97-
15932, 97-16004, 97-16330, S.N.C. Campenon Bernard SGE et autres, Bull. Civ., IV, n o 158,
p. 133 ; Gaz. Pal., 1 et 2 décembre 1999, p. 9, concl. LAFORTUNE Maurice-Antoine ; note
FLECHEUX Olivier; J.C.P., 2000, II, 10255, note CADOU Éléonore; D., 1999, p. 44, obs.

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CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014

C’est dans son arrêt « Jean-Louis Didier » 804 du 3 décembre 1999 que le
Conseil d’État a, pour la première fois, fait jouer la possibilité offerte par la
jurisprudence strasbourgeoise de repousser l’obligation de se conformer aux garanties
du procès équitable au stade juridictionnel de la procédure. Immédiatement après
avoir admis l’applicabilité de l’article 6 C.E.D.H. au Conseil des marchés financiers,
la haute juridiction administrative a déclaré que « compte tenu du fait que sa décision
peut faire l'objet d'un recours de plein contentieux devant le Conseil d'État, la
circonstance que la procédure suivie devant [cette autorité] « ne serait pas en tous
points conforme aux prescriptions de l'article 6-1 précité n'est pas de nature à
entraîner dans tous les cas une méconnaissance du droit à un procès équitable ».

Cette formulation a par la suite été employée dans nombres d’arrêts relatifs à
l’application du droit au procès équitable aux autorités administratives indépendantes
statuant en matière pénale au sens de la Convention 805.

NIBOYET Marie-Laure ; L.P.A., 1999, n o 206, p. 4, note DUCOULOUX-FAVARD Claude ; CA


Paris, 7 mars 2000, no de RG 1999/15862.
804
CE, Ass., 3 décembre 1999, n o 207434, Jean-Louis Didier, Rec., p. 399 ; A.J.D.A., 2000, p. 130,
obs. GUYOMAR Mattias et COLLIN Patrick ; J.C.P., éd. gén., 2000, II, 10267, note SUDRE
Frédéric ; R.F.D.A., 2000, p. 584, conclusions SEBAN Alain, et p. 1061, note SERMET Laurent.
805
On la retrouve employée dans plusieurs arrêts. Voir, à cet égard : CE, Sect., 22 novembre 2000,
n o 207697, Société Crédit Agricole Indosuez Cheuvreux (rendu à propos d’une sanction
prononcée par le Conseil des marchés financiers), Rec., p. 537 ; A.J.D.A., 2000, p. 997, chr.
GUYOMAR Mattias et COLLIN Pierre ; C.J.E.G., 2001, p. 68, concl. SEBAN Alain ; J.C.P.,
2000, 10531, note SALOMON Jean ; CE, 31 mars 2004, no 243579, no 247130, Société Etna
Finance (rendu à propos d’une sanction prononcée par le Conseil de discipline de la gestion
financière), Rev. Droit bancaire et financier, n o 5, septembre/octobre 2004, p. 319, obs.
CREDOT F.J. et GÉRARD Yves ; CE, 4 février 2005, no 269001, Société GSD Gestion, (rendu à
propos d’une sanction prononcée par l’Autorité des marchés financiers), Droit des sociétés,
2005, comm. 197, note BONNEAU Thierry ; Banque & droit, n o 101, mai-juin 2005, p. 44, obs.
DE VAUPLANE Hubert et DAIGRE Jean-Jacques ; R.T.D. Com., 2005, p. 384, obs.
RONTCHEVSKY Nicolas ; CE, 23 mars 2005, no 260673, Société financière Hottinguer, (rendu
à propos d’une sanction prononcée par le Conseil de discipline de la gestion financière) ; CE,
2 novembre 2005, n o 271202, Société banque privée Fideuram Wargny (rendu à propos d’une
sanction prononcée par l’Autorité des marchés financiers) ; CE, 6 janvier 2006, n o 279596,
Société Lebanese Group Communication (rendu à propos d’une sanction prononcée Conseil
supérieur de l'audiovisuel), Rec., p. 1 ; A.J.D.A., 2006, p. 64 ; CE, 17 novembre 2006, n o 276926,
Société CNP Assurances, (rendu à propos d’une sanction prononcée de l'Autorité de contrôle des
assurances et des mutuelles), D.A., janvier 2007, n o 1 ; CE, 26 juillet 2007, no 293908, Patrick
A., (rendu à propos d’une sanction prononcée par l’Autorité des marchés financiers) ; CE, 23
avril 2009, n os 314921, 314920, 314919, 314918, Compagnie Blue Line, (rendu à propos d’une
sanction prononcée par l'Autorité de contrôle des nuisances sonores aéroportuaires) ; CE,
22 décembre 2011, n o 323613, Société mutualiste des étudiants de la région parisienne (rendu à
propos d’une sanction prononcée l'Autorité de contrôle des assurances et des mutuelles) ; CE,

- 259 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014

Interrogé sur sa signification, M. BONICHOT a expliqué qu’ « il s'agit d'une


référence à une jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme selon
laquelle il peut être admissible au regard de la Convention qu'une juridiction n'ait
pas respecté en tous points l'article 6 § 1, dès lors que la décision rendue par cette
juridiction est susceptible d'un recours devant une autre juridiction qui, elle, respecte
l'article 6 § 1, et à condition que cette juridiction finale ait un pouvoir total de
réappréciation en fait et en droit de la situation litigieuse initiale. C'est à cela que
fait référence le Conseil d'État » 806.

En réalité, la transposition par les juridictions françaises de la décision européenne


du 23 juin 1981 était somme toute prévisible.

La Cour de cassation a toujours manifesté une certaine révérence à l’égard des


interprétations développées par la Cour de Strasbourg 807.

Quant au Conseil d’État, qui a admis, après de longs atermoiements 808,


l’applicabilité de l’article 6 C.E.D.H. à certaines autorités administratives, il ne pouvait
qu’être séduit par cette jurisprudence qui lui donnait la possibilité de différer les effets de
l’applicabilité de cette stipulation au stade juridictionnel.

Dans ce cadre, on aurait pu légitimement penser que la haute juridiction


administrative allait profiter pleinement du pragmatisme et de la souplesse de la
jurisprudence strasbourgeoise, pour ajourner systématiquement le respect des
garanties de l’article 6 C.E.D.H. jusqu’à la phase juridictionnelle de la procédure.

Il n’en est rien. Contre toute attente, le Conseil d’État a rendu certaines
garanties du procès équitable mécaniquement opposables aux autorités
administratives qui prennent des décisions relevant du volet « pénal » de l’article 6
C.E.D.H.

21 décembre 2012, n o 353856, Société Groupe Canal Plus c/ Sté Vivendi Universal, (rendu à
propos d’une sanction prononcée par l'Autorité de la concurrence).
806
BONICHOT Jean-Claude, « Interview : l’application de l’article 6 § 1 de la C.E.D.H. aux
autorités de régulation : la position du Conseil d’État », L.P.A., 11 mai 2000.
807
Voir en ce sens : Partie 1, Chapitre 1, Section 2, II.
808
Voir en ce sens : Partie 1, Chapitre 2, Section 1.

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CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014

Suivant la voie tracée par son homologue judiciaire, la haute juridiction


administrative est ainsi allée bien au-delà des exigences européennes (Section 1),
sans pour autant bouleverser les lignes résultant de sa jurisprudence antérieure
(Section 2).

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CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014

SECTION 1

Une solution allant au-delà des exigences induites par la


jurisprudence européenne

Dans les jurisprudences françaises, les droits de la défense, le caractère


contradictoire de la procédure, l’impartialité de la décision administrative répressive,
la présomption d’innocence et le droit de se taire et de ne pas contribuer à sa propre
incrimination forment le noyau dur des garanties du procès équitable qui s’imposent
aux autorités administratives à l’égard desquelles les hautes juridictions ont admis
l’applicabilité de l’article 6 C.E.D.H. (I).

Selon les hauts magistrats français, la méconnaissance ab initio de ce lot de


garanties procédurales durant le maillon administratif de la chaîne répressive est de
nature à contaminer irrémédiablement le caractère équitable de l’ensemble de la
procédure. À cet égard, l’existence d’un contrôle ultérieur de pleine juridiction,
devant un organe juridictionnel satisfaisant à ces prescriptions conventionnelles, ne
saurait être utilement invoquée puisque, sont précisément en cause des vices
insusceptibles d’être purgés.

Inspiré de l’arrêt « Imbrioscia c/ Suisse », selon lequel les garanties du procès


équitable peuvent « jouer un rôle avant la saisine du juge du fond si et dans la
mesure où leur inobservation initiale risque de compromettre gravement le caractère
équitable du procès » 809, cette solution ne trouve pourtant aucun écho dans le corpus
prétorien européen. Par là même, elle témoigne d’une application par le Conseil
d’État et la Cour de cassation de l’article 6 C.E.D.H. bien plus contraignante que
celle qui en est faite par la Cour de Strasbourg (II).

809
CEDH, 24 novembre 1993, n o 13972/88, Imbrioscia c/ Suisse, § 36, Série A, n o 275, R.S.C.,
1994, p. 144, obs. PETTITI Louis-Edmond ; R.S.C., 1994, p. 362, obs. KOERING-JOULIN
Renée.

- 262 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014

I. Une application mécanique des principes d’impartialité, des droits de la


défense, du caractère contradictoire de la procédure, du droit de se taire et
de ne pas contribuer à sa propre incrimination et de la présomption
d’innocence

Il faut ici souligner la symétrie des solutions adoptées jusqu’à présent par les
deux ordres de juridictions. Une étude comparée des jurisprudences judiciaire et
administrative montre, en effet, que les hauts magistrats français ne s’accordent pas
seulement sur la liste des prescriptions du procès équitable systématiquement
opposables aux autorités administratives relevant du volet pénal de l’article 6
C.E.D.H. au sens de leur jurisprudence respective (A). Ces derniers s’entendent, en
outre, sur le contenu à conférer à ces diverses garanties (B).

A. Une définition convergente des garanties à effet immédiat en matière


« pénale »

Suivant son homologue judiciaire, le Conseil d’État a jugé que les autorités
administratives satisfaisant aux conditions d’applicabilité du volet pénal de l’article 6
C.E.D.H., telles qu’il les a définies 810, devaient systématiquement se conformer aux
principes d’impartialité, des droits de la défense, du caractère contradictoire de la
procédure et de la présomption d’innocence, garantis par l’article 6 C.E.D.H. (1).

En revanche, la haute juridiction administrative ne s’est encore jamais


prononcée sur l’application de ces exigences aux autorités administratives
indépendantes statuant en matière « civile » au sens de la Convention, et ce à la
différence de son homologue judiciaire (2).

810
Voir Partie 1, Chapitre 2, Section 2.

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CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014

1. Une symétrie des jurisprudences administrative et judiciaire en


matière « pénale »

À la suite de la Cour de cassation 811, le Conseil d’État a reconnu, dans sa


décision « Jean-Louis Didier » 812, le caractère opérant du moyen tiré de la violation
par une autorité administrative indépendante statuant en matière « pénale » du
principe d’impartialité énoncé à l’article 6 § 1 C.E.D.H.

Révérée au sein des grands arrêts de la jurisprudence administrative, cette


décision a toutefois suscité un certain nombre d’interrogations 813, parmi lesquelles
celle portant sur la détermination des règles du procès équitable dont le respect est
seulement facultatif, par opposition à celles qui doivent être garanties dès la phase
administrative de la procédure de sanction 814.

À l’instar des hauts magistrats judiciaires, le Conseil d’État a, pendant


longtemps, préféré apporter à cette question une réponse au compte-gouttes.
Consécutivement, la liste des prescriptions de l’article 6 C.E.D.H. à effet immédiat ne
pouvait être établie qu’au fur et à mesure des décisions rendues en ce domaine, sans
aucune certitude quant à son intangibilité.

En 2003, la haute juridiction administrative a finalement adopté une


formulation de principe destinée à systématiser les garanties du procès équitable
opposables aux autorités administratives indépendantes répressives. Synthétisant les
solutions issues de la jurisprudence antérieure, le Conseil d’État énonce, dans ses
arrêts « Société Dubus S.A. » 815 et « Banque d’Escompte et Wormser Frères

811
Cass., Ass., 5 février 1999, n o 97-16440, COB c/ Oury et agent judiciaire, Bull. AP, n o 1, p. 1 ;
Gaz. Pal., 24 et 25 février 1999, p. 8 ; D., 1999, Somm. 249, obs. BON-GARCIN Isabelle ;
L.P.A., 10 février 1999, no 29, p. 17, FRISON-ROCHE Marie-Anne, « Les autorités de régulation
confrontées à la Convention européenne des droits de l'homme » ; L.P.A., 10 février 1999, p. 14,
note DUCOULOUX-FAVARD Claude.
812
CE, Ass., 3 décembre 1999, n o 207434, Jean-Louis Didier, précité.
813
Voir en ce sens, COLLET Martin, « Autorités de régulation et procès équitable », A.J.D.A.,
15 janvier 2007, p. 80.
814
« Le droit à un procès équitable », R.F.D.A., sept.-oct. 2000, p. 1060, plus précisément p. 1064.
815
CE, Sect., 30 juillet 2003, n o 240884, Sté Dubus S.A., Rec., Tables, p. 671 ; A.J.D.A., 2004,
p. 26, note LAGET-ANNAMAYER Aurore.

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CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014

réunis » 816, rendus le 30 juillet 2003, que « l'attribution par la loi à une autorité
administrative du pouvoir de fixer les règles dans un domaine déterminé et d'en
assurer elle-même le respect, par l'exercice d'un pouvoir de contrôle des activités
exercées et de sanction des manquements constatés, ne contrevient pas aux exigences
rappelées par l'article 6, paragraphe 1 de la convention européenne de sauvegarde
des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors que ce pouvoir de
sanction est aménagé de telle façon que soient assurés le respect des droits de la
défense, le caractère contradictoire de la procédure et l'impartialité de la
décision » 817.

Tout comme dans la jurisprudence judiciaire 818, la méconnaissance de ce


triptyque protecteur 819, composante du principe de l’égalité des armes, a donc été
érigée en un moyen juridique infailliblement opérant à l’encontre des autorités
administratives indépendantes statuant en matière pénale au sens de la Convention.

Avec la reconnaissance de l’applicabilité de l’article 6 C.E.D.H. à la procédure


administrative d’établissement des pénalités fiscales 820, le Conseil d’État a élargi le

816
CE, Sect., 30 juillet 2003, no 238169, Banque d’Escompte et Wormser Frères réunis, D.A., 2003,
n o 12, p. 18, comm. n o 233, note LOMBARD Martine.
817
CE, Sect., 26 juillet 2007, n o 293627, Sté Global Gestion ; CE, Sect., 26 juillet 2007, no 293626,
M. Gilles A ; CE, Sect., 26 juillet 2007, n o 293624, Sté Global Equities ; CE, Sect., 26 juillet
2007, n o 293908, M. Patrick A ; CE, 21 décembre 2012, n o 353856, Société Groupe Canal Plus.
818
S’agissant des droits de la défense : CA Paris, 21 novembre 2000, n o 2000/06426 ; CA Paris,
1 er avril 2003, no RG 2002/18613 ; CA Paris, 30 mai 2006, n o RG 2005/20727.
S’agissant du principe de la contradiction : Cass. Com., 6 février 2007, n o 05-20811, Société
Générix, Bull., 2007, IV, n o 19 ; CA Paris, 29 octobre 2008, n o RG 08/022551, Société Alliance
Développement Capital et M. Alain Dumenil ; CA Paris, 28 janvier 2009, n o RG 08/02002,
M. Bouquerod ; CA Paris, 20 octobre 2009, no RG 09/01281, M. Bonnemoy.
S’agissant du principe de l’égalité des armes : Cass. Com., 5 octobre 1999, n os 97-15617, 97-
5626, 97-15632, 97-15673, 97-15760, 97-15777, 97-15805, 97-15826, 97-15836, 97-15852, 97-
15871, 97-15932, 97-16004, 97-16330, S.N.C. Campenon Bernard SGE et autres, précité.
819
Le respect des droits de la défense, le caractère contradictoire de la procédure et l'impartialité de
la décision.
820
CE, 27 février 2006, n o 257964, Krempff, JurisData n o 2006-080865 ; Droit fiscal, 2006, n o 29,
comm. 513, conclusion OLLEON Laurent ; R.J.F., 5/2006, n o 649 ; CE, 11 décembre 2006,
no 278806, Pessey, JurisData no 2006-081071 ; Droit fiscal, 2007, n o 8, comm. 212 ; R.J.F.
3/2007, n o 380 ; CE, 26 mai 2008, n o 288583, Société Norelec, JurisData n o 2008-081339 ; Droit
fiscal 2008, n o 28, comm. 411, conclusions SÉNERS François.

- 265 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014

cercle des autorités administratives concernées par le respect de ces garanties


procédurales 821.

Par la suite, la jurisprudence administrative est venue compléter la liste des


exigences à effet immédiat.

Alors qu’ils n’avaient jamais eu l’occasion de se prononcer sur le respect de la


présomption d’innocence par les autorités administratives indépendantes statuant en
matière pénale, et ce contrairement aux juges judiciaires 822, les hauts magistrats
administratifs ont reconnu son opposabilité à l'encontre de la phase administrative du
prononcé des pénalités fiscales 823.

C’est également dans le cadre d’un contentieux relatif à une sanction fiscale
que le Conseil d’État a rangé, parmi les prescriptions dont le respect ne peut pas être
différé, le droit de ne pas contribuer à sa propre incrimination garanti par « les
stipulations du 1 de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits
de l'homme et des libertés fondamentales » 824. Soulignons, à cet égard, que la Cour de
cassation n’a, pour le moment, jamais eu à juger sur ce point.

2. Une jurisprudence judiciaire plus mûre en matière « civile »

Alors qu’on pensait le débat sur la liste des garanties à effet immédiat clos,
voilà que le Conseil d’État l’a de nouveau alimenté en reconnaissant, dans son arrêt

821
CE, 27 février 2006, n o 257964, Krempff, JurisData no 2006-080865 ; Droit fiscal, 2006, n o 29,
comm. 513, conclusion OLLEON Laurent ; R.J.F., 5/2006, n o 649 ; CE, 11 décembre 2006,
no 278806, Pessey, JurisData no 2006-081071 ; Droit fiscal, 2007, no 8, comm. 212 ; R.J.F.,
3/2007, n o 380 ; CE, 26 mai 2008, n o 288583, Société Norelec, JurisData n o 2008-081339 ; Droit
fiscal 2008, n o 28, comm. 411, conclusions SÉNERS François.
822
Depuis 1996, la Cour de cassation a admis l’application du principe de la présomption
d’innocence à la Commission des opérations de bourse statuant en matière pénale au sens de la
Convention : Cass. Com., 18 juin 1996, n o 94-14178, M. Conso c/ COB, Bulletin, 1996, IV,
no 179, p. 155. Voir également en ce sens : Cass. Com, 1 er décembre 1998, n o 96-20189, M. Oury
c/ Agent judiciaire du Trésor, Bull., 1998, IV, n o 283, p. 237 ; Cass. Ass. Plén., 5 février 1999,
n o 97-16440, COB c/ Oury, Bull., 1999, A. P., n o 1, p. 1.
823
CE, 24 mars 2006, n o 257330, S.A. Martell & Co, R.J.F., 6/06, no 667; B.D.C.F., 6/06, n o 71,
concl. VALLEE Laurent.
824
CE, 17 mars 2010, n o 309197, SARL Café de la Paix, Droit fiscal, n o 21, 27 mai 2013,
comm. 336, AYRAULT Ludovic, « Obligation de révélation des bénéficiaires de revenus
distribués et droit de ne pas contribuer à sa propre incrimination ».

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CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014

« Société Canal Plus » du 21 décembre 2012, l’applicabilité de l’article 6 C.E.D.H.


aux autorités administratives indépendantes statuant en matière civile 825.

Aujourd’hui, la question porte sur le point de savoir si les principes


d’impartialité, des droits de la défense et du caractère contradictoire de la
procédure 826, invoqués sur le fondement de l’article 6 § 1 C.E.D.H., sont également
opposables à ces autorités. La question ne se pose bien évidemment pas s’agissant des
garanties relatives à la présomption d’innocence et du droit de se taire et de ne pas
contribuer à sa propre incrimination dont le domaine d’application est circonscrit à la
matière « pénale ».

Jusqu’à présent, la haute juridiction administrative n’a pas eu l’occasion de


trancher cette question, la jurisprudence « Société Canal Plus » n’ayant fait l’objet
d’aucune application positive. Précisions, en outre, que les conclusions prononcées
par M. Vincent DAUMAS ne comportent aucune indication sur ce point. Il serait
certes possible de raisonner hypothétiquement. Mais nous doutons sérieusement de
l’intérêt de procéder de la sorte. La doctrine ne s’y est d’ailleurs pas aventurée.

Pour l’heure, seule la Cour d’appel de Paris a apporté à cette question une
réponse partielle.

Plusieurs années après avoir reconnu l’applicabilité du droit au procès


équitable aux autorités administratives indépendantes statuant en matière civile, le
juge judiciaire leur a imposé le respect du principe d’impartialité invoqué sur le
fondement de l’article 6 § 1 C.E.D.H. 827. En revanche, il a exclu de la liste des

825
CE, 21 décembre 2012, n o 362347, Société Canal Plus ; R.F.D.A., 2013, p. 70, concl. DAUMAS
Vincent ; DOMINO Xavier et BRETONNEAU Aurélie, « Concentrations : affaires Canal plus,
décodage », A.J.D.A., 2013, p. 215.
826
La question ne se pose pas s’agissant des garanties relatives à la présomption d’innocence et du
droit de se taire et de ne pas contribuer à sa propre incrimination dont le domaine d’application
est circonscrit à la matière pénale.
827
CA Paris, 27 juin 2000, n o RG 2000/02659, France Télécom c/ Société Télécom Développement :
application de l’exigence d’impartialité invoquée sur le fondement de l’article 6 § 1 C.E.D.H. à
l’autorité de régulation des télécommunications « statuant sur des contestations sur ses droits et
obligations de caractère civil ».

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CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014

garanties à effet immédiat en matière « civile » le principe de la contradiction 828. Nos


développements ultérieurs nous permettront de revenir sur cette solution 829.

Si la jurisprudence administrative n’est pas encore suffisamment mûre pour


pouvoir se prononcer sur l’opposabilité des principes d’impartialité, des droits de la
défense et du caractère contradictoire aux autorités administratives indépendantes
statuant en matière « civile », elle comporte en revanche un luxe d’indications quant à
la portée de ces garanties invoquées dans le cadre d’une procédure administrative
répressive.

B. Une appréciation convergente des implications des garanties à effet


immédiat en matière « pénale »

Bien que plusieurs années se soient écoulées depuis la reconnaissance par le


juge administratif de l’applicabilité de l’article 6 C.E.D.H. aux autorités
administratives indépendantes et à l’administration fiscale, statuant en matière
« pénale », la systématisation du contenu des garanties qui leur sont applicables n’est
toujours pas chose aisée 830. Peu d’auteurs s’y sont d’ailleurs risqués, et ce au grand
dam des praticiens.

Ce travail implique une étude au cas par cas de pléthores d’arrêts dans lesquels
le contenu de ces exigences est défini par touches successives et de manière
circonstanciée. Cela est manifeste s’agissant, d’une part, des droits de la défense et du
caractère contradictoire de la procédure (1) et, d’autre part, du principe d’impartialité
(2), tant les déclinaisons de ces prescriptions sont nombreuses 831.

828
CA Paris, 2 avril 2008, n o RG 07/11675.
829
Voir Partie 2, Chapitre 2, Section 1, II.
830
Voir en ce sens IDOUX Pascale, « Autorités administratives indépendantes et garanties
procédurales », R.F.D.A., 2010, p. 920.
831
En revanche, les prescriptions relatives à la présomption d’innocence et au droit de se taire et de
ne pas contribuer à sa propre incrimination ont donné lieu à une jurisprudence beaucoup moins
fournie. Quant aux premières, la haute juridiction administrative a précisé qu’en vertu de cette
garantie, il est interdit de faire peser sur la personne poursuivie la charge de la preuve :
CE, 24 mars 2006, n o 257330, S.A. Martell & Co, précité. La Cour de cassation a jugé que
méconnaissaient l’article 6 § 2 C.E.D.H. les propos tenus publiquement par le président de la

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CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014

Mais une fois réalisée, cette analyse permet de constater la cohérence des
solutions adoptées par les hautes juridictions nationales.

1. La portée des principes des droits de la défense et de la


contradiction invoqués sur le fondement de l’article 6 C.E.D.H.

Sous l’égide de l’instrument conventionnel 832, la personne morale ou physique


poursuivie a le droit d’être informée dans un délai raisonnable des griefs qui lui sont
reprochés. Elle doit pouvoir consulter l’ensemble des pièces du dossier de la
procédure et faire valoir ses observations en réponse, en disposant du temps
nécessaire pour préparer sa défense et en ayant la possibilité de recourir, si besoin est,
à l’assistance d’une personne de son choix et/ou à celle d’un interprète. L'égalité des
droits pour l'audition des témoins doit être assurée. Enfin, l’ensemble de ces garanties
doit être mis en œuvre dans le cadre d’une procédure contradictoire.

Le corpus prétorien administratif comporte d’heureuses précisions sur les


implications de ces divers aspects des droits de la défense, lesquelles se révèlent être
en harmonie avec les solutions prévalant devant le juge judiciaire.

Commission des opérations de bourse, entre la délibération ouvrant la procédure aux fins de
sanctions et le prononcé de la sanction prise à l’encontre de la personne poursuivie, et aux termes
desquelles la culpabilité de cette dernière semblait avérée. La circonstance que l’auteur des
déclarations litigieuses n'ait pas participé à la délibération décidant la poursuite de la procédure,
ni à la décision sur le fond, importe peu : Cass. Com., 18 juin 1996, no 94-14178, M. Conso
c/ COB, précité, et Cass. Com, 1 er décembre 1998, n o 96-20189, M. Oury c/ Agent judiciaire du
Trésor, précité. S’agissant du droit de se taire et de ne pas contribuer à sa propre incrimination,
la haute juridiction administrative en a déduit qu’une personne poursuivie ne devait pas être
obligée de s'incriminer elle-même. Tel n’est pas le cas, juge le Conseil d’État, des dispositions de
l'article 1763 A du code général des impôts qui ont pour objet et pour effet d'inciter une personne
morale passible de l'impôt sur les sociétés à révéler, à la demande de l'administration présentée
sur le fondement de l'article 117 du même code, l'identité des bénéficiaires de l'excédent des
distributions auxquelles elle a procédé : CE, 17 mars 2010, n o 309197, SARL Café de la Paix,
précité.
832
Dans la jurisprudence administrative : CE, Sect., 27 octobre 2006, n o 276069, M. Parent et
autres, Bull., 2006, I, n o 388, p. 375 ; A.J.D.A., 2007, p. 80, note COLLET Martin ; L.P.A., 2007,
no 133, note DUBRULLE Jean-Baptiste ; Dr. Sociétés, 2007, comm. 55, note BONNEAU
Thierry ; R.D. bancaire et financier, 2007, comm. 86, note BOMPOINT Dominique. Cette
présentation vaut également devant le juge judiciaire : CA Paris, no RG 2002/18613 ; CA Paris,
30 mai 2006, n o RG 2005/20727; CA Paris, 21 novembre 2000, no RG 2000/06426.

- 269 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014

Il ressort d’une jurisprudence administrative constante 833 que le principe du


contradictoire ne concerne pas les éléments et les actes de procédure situés en amont
de la décision portant ouverture de la procédure disciplinaire. Ceux-ci n’ont donc pas
à être communiqués pour observations aux personnes mises en cause. La haute
juridiction administrative estime, en effet, que le caractère contradictoire de la
procédure administrative répressive, au cours de laquelle la personne poursuivie peut
revenir sur des données ou des appréciations contenues dans le rapport d’inspection
préalable à l’ouverture de la procédure répressive, suffit à purger le défaut de
contradictoire durant cette phase antérieure. En définitive, ce qui est décisif, c’est la
possibilité pour les intéressés d’être mis à même de présenter leurs observations
relativement aux faits et irrégularités qui leur sont opposés devant l’organe
administratif prononçant les sanctions.

C’est exactement la même solution qui prévaut devant les juges judiciaires 834.

Quant à la notification des griefs, elle ne doit être adressée qu’aux seules
personnes ayant eu un comportement actif dans les manquements reprochés. Par
conséquent, ne constitue pas une violation du droit au procès équitable la décision par
laquelle le rapporteur de l’Autorité des marchés financiers refuse de faire droit à la
demande des personnes mises en cause tendant à ce que les griefs retenus à leur
encontre soient notifiés à une autre société, laquelle n’a pas participé aux faits
litigieux 835.

833
CE, 31 mars 2004, n o 243579, Société Etna Finance et Parent, précité ; CE, 28 décembre 2009,
n o 301654, M. Bernard : « le principe du respect des droits de la défense, rappelé par l’article 6
§ 1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés
fondamentales, ne saurait être utilement invoqué à l’encontre des contrôles et des enquêtes,
préalables à la procédure de sanction ».
834
Cass. Com., 6 février 2007, n o 05-20811, Société Générix, Bull., 2007, IV, no 19: « la cour
d'appel a exactement retenu que le principe de la contradiction est sans application aux enquêtes
préalables à la notification des griefs » ; CA Paris, 29 octobre 2008, n o RG 08/022551, Société
Alliance Développement Capital et M. Alain Dumenil ; CA Paris, 28 janvier 2009, n o RG
08/02002, M. Bouquerod ; CA Paris, 20 octobre 2009, n o RG 09/01281, M. Bonnemoy.
835
CE, 29 mars 2010, nos 323354, 323488, 323491, 324395, M. Piard et Société Global Equities.

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CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014

Par ailleurs, le Conseil d’État estime que l’absence de mention de la sanction


encourue dans la notification des griefs n’entrave pas les droits de la défense 836.
Certes, cette dernière solution a été prononcée dans le cadre de la procédure suivie
par la Commission bancaire en tant qu’organe juridictionnel 837. Mais si l’absence
d’inconventionnalité est vraie à l’égard d’une telle instance, elle l’est à fortiori à
l’égard d’une autorité administrative indépendante dotée d’un pouvoir de sanction
pénale au sens de la Convention.

De la même manière, la Cour d’appel de Paris a jugé que la notification de


griefs doit uniquement comporter les agissements et leur qualification juridique et,
non les éléments de preuve qui figurent dans le rapport d'enquête préalable à
l’ouverture de la procédure de sanction 838.

S’agissant du droit d’accès à l’ensemble des pièces de la procédure, les


décisions « Didier » 839 du 3 décembre 1999, « Société Financière Hottinguer »840 du
23 mars 2005 et « Société C.N.P. Assurances » 841 du 17 novembre 2006 sont venues
éclaircir cette formalité.

En vertu de l’arrêt « Didier », n’ont pas à être « versés au dossier des


documents sans rapport avec la procédure en cours ou ne comprenant aucun élément
nouveau par rapport aux documents qui ont été communiqués à la personne
poursuivie ». Tel est le cas d’une correspondance échangée entre le président de feu
la Commission des opérations de bourse et le président de feu le Conseil des marchés

836
CE, Sect., 30 juillet 2003, n o 240884, Sté Dubus S.A., précité ; CE, 30 mai 2007, no 266737,
Société Dubus Management S.A., Droit des sociétés, janvier 2008, n o 1, BONNEAU Thierry.
837
Article L. 613-21 du code monétaire et financier : « Lorsqu'elle prononce une des sanctions
disciplinaires ci-dessus énumérées à l'encontre d'un prestataire de services d'investissement, la
commission bancaire en informe l'Autorité des marchés financiers ».
838
CA Paris, 12 septembre 2006, n o RG 2005/24231.
839
CE, Ass., 3 décembre 1999, n o 207434, Jean-Louis Didier, précité.
840
CE, 23 mars 2005, n o 260673, Société Financière Hottinguer, précité ; Voir également CE,
28 décembre 2009, no 301654, M. Bernard, précité : « le principe du respect des droits de la
défense, rappelé par l’article 6 § 1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de
l’homme et des libertés fondamentales, ne saurait être utilement invoqué à l’encontre des
contrôles et des enquêtes, préalables à la procédure de sanction ».
841
CE, Sect., 17 novembre 2006, no 276926, Société C.N.P. Assurances, Rec., p. 473 ; D.A., janvier
2007, n o 1.

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CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014

financiers, laquelle ne comprenait aucun élément qui ne soit déjà contenu dans le
rapport d'enquête préalable versé au dossier.

La deuxième espèce intéresse l’hypothèse d’une demande de complément


d’informations par l’organe chargé de se prononcer sur l’ouverture de la procédure de
sanction à celui menant l’enquête préalable et sollicitant l’ouverture de ladite
procédure. Selon les hauts magistrats administratifs, dès lors que les comptes rendus
des auditions supplémentaires effectuées suite à cette demande sont joints au dossier
remis à la personne poursuivie dès l’ouverture de la procédure disciplinaire, il ne
résulte de ce complément d'informations, qui ne constitue que le prolongement de
l'enquête initiale destinée à éclairer l’organe chargé de se prononcer sur l’ouverture
de la procédure de sanction, aucune méconnaissance du principe du contradictoire.
Par ailleurs, « est sans incidence sur la régularité de la procédure le fait que ne
figure pas au dossier le compte rendu, à supposer qu'il ait été établi, de l'entretien
qui a eu lieu entre » l’un des membres de la formation autorisant l’ouverture de la
procédure de sanction et l’un des représentants de l’organe sollicitant l’ouverture de
cette procédure, « entretien dont le seul objet était de préciser la consistance du
complément d'information sollicité ».

Enfin, dans la dernière affaire, les hauts magistrats ont énoncé que l’organe
qui accepte l’ouverture de la procédure de sanction n’est pas tenu de communiquer à
la personne mise en cause le procès-verbal de la séance où l’ouverture de ladite
procédure a été décidée.

L’arrêt « Compagnie Blue Line » du 23 avril 2009 a permis de spécifier le


droit pour la personne mise en cause de formuler des observations. En l’espèce, le
Conseil d’État a estimé que la formulation d’observations écrites durant la phase
d’instruction sur la proposition de sanction suffit à assurer le respect des droits de la
défense 842. Doit, dès lors, être déclaré non fondé le moyen tiré de ce que la procédure

842
CE, 23 avril 2009, nos 314921, 314920, 314919, 314918, Compagnie Blue Line, précité : « les
stipulations de l'article 6 § 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme
et des libertés fondamentales n'impliquent pas que la personne poursuivie soit entendue par la
Commission nationale de prévention des nuisances [chargée d'établir la proposition de sanction]
ou par l'Autorité de contrôle des nuisances sonores aéroportuaires [chargée de statuer sur la
proposition de sanction] avant qu'une sanction lui soit infligée ».

- 272 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014

devant une autorité administrative indépendante qualifiable de « tribunal au sens de la


Convention » n’aurait pas respecté les prescriptions de l’article 6 § 3 de la C.E.D.H.,
motif pris de ce que la personne mise en cause n’aurait pas été mise en mesure de
présenter des observations orales devant cette autorité avant la séance de délibération.

Quant au droit pour la personne poursuivie de disposer de temps pour se


défendre, il a été jugé que l’octroi d’un délai minimum de quinze jours à compter de
la notification des griefs, pour transmettre des observations écrites, et, la tenue de
l’audience dans un délai de huit jours au moins après l'expiration de ce premier délai,
ne méconnaissent pas le principe du respect des droits de la défense 843. Là encore,
c’est une solution analogue qui prévaut devant le juge judiciaire 844, où un délai de
douze jours a été considéré suffisant.

L’arrêt « Société Air France S.A. » 845 du 19 janvier 2009 a également fourni
des éléments d’appréciation utiles quant à cette dernière garantie. L’affaire portait sur
la procédure disciplinaire devant l’Agence de contrôle des nuisances aéroportuaires.
L’article L. 227-4 du code de l’aviation civile investit cette autorité du pouvoir de
prononcer des amendes administratives. Mais celle-ci ne peut statuer que sur
proposition d’une autre instance collégiale, la Commission nationale de prévention
des nuisances. En l’occurrence, ladite Commission avait indiqué à la personne faisant
l’objet des poursuites, lors de la communication de la proposition de sanction, la date
de la réunion au cours de laquelle l’A.C.N.U.S.A. se prononcerait. Mais l’Agence
avait avancé cette date, sans le signifier à l’intéressé. Selon le Conseil d’État, cette
anticipation sans information préalable de la société défenderesse dans un délai utile
pour lui permettre de présenter ses observations, constitue une méconnaissance des
droits de la défense. Ainsi que l’expliquait le rapporteur public, les textes relatifs à la
procédure de sanction devant l’A.C.N.U.S.A. « ne déterminent aucun délai préfixe
pour produire des observations après réception de la proposition de sanction émise

843
CE, 30 mars 2007, n o 277991, Société Prédica, A.J.D.A., 2007, p. 720 ; Voir également pour un
délai de quinze jours entre la remise des pièces principales du dossier et la séance d’examen de
l’affaire : CE, 7 février 2007, n o 288373.
844
CA Paris, 12 février 2004, no RG 2004/00827.
845
CE, 19 janvier 2009, n os 315886, 315888, Société Air France S.A.

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CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014

par la commission ». Par conséquent, « il est naturel de ne borner, dans le temps, le


délai de production des observations que par la date de réunion de l’autorité statuant
sur le cas de l’intéressé ». Or, si cette dernière fait l’objet d’une anticipation sans
information préalable, la personne poursuivie se voit priver du droit de formuler et de
produire des observations avant que l’autorité ne se réunisse.

Au contraire, à l’occasion d’une autre requête également dirigée contre une


sanction prononcée par l’A.C.N.U.S.A., le moyen tiré de ce que cette Autorité
n’aurait pas pris en considération les observations produites, le jour même de sa
réunion, par la personne mise en cause a été écarté. Les hauts magistrats ont
raisonnablement pu considérer que cet argument avait une vocation purement
dilatoire puisque la société poursuivie avait disposé de plusieurs mois pour
transmettre ses observations avant ladite réunion 846.

Le droit de se défendre soi-même ou par l’intermédiaire d’une personne de son


choix ne soulève guère de difficultés quant à sa mise en œuvre devant les autorités
administratives indépendantes susceptibles d’être qualifiées de « tribunaux » au sens
de la Convention. Cette garantie consacrée par l’article 6 § 3 C.E.D.H. est, en effet,
systématiquement prévue par les dispositions législatives et réglementaires qui
régissent ces organismes.

Devant certaines d’entre eux 847, il est même exigé que la lettre de notification
des griefs mentionne expressément ce droit. Pourtant, aux termes de la jurisprudence
administrative, cette mention ne fait pas partie des éléments qui doivent
obligatoirement figurer dans la lettre par laquelle l’administration informe la
personne poursuivie de son intention de la sanctionner et l’invite à présenter ses
observations. Tel est l’enseignement résultant de l’arrêt « Société Norelec » 848. Les
hauts magistrats estiment, en effet, que l’absence d’une telle mention ne compromet

846
CE, 23 avril 2009, n os 314921, 314920, 314919, 314918, Compagnie Blue Line, précité.
847
C’est le cas de l’Autorité de contrôle prudentiel (articles L. 612-38 et R. 612-36 du code
monétaire et financier), de l’Autorité des marchés financiers (article R. 621-38 du code
monétaire et financier), de l’Agence française de lutte contre le dopage (articles R. 232-89 et
R. 232-91 du code des sports).
848
CE, 26 mai 2008, n o 288583, Sté Norelec, précité.

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CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014

pas les chances de la personne poursuivie d’obtenir gain de cause, avec l’assistance
d’un défenseur devant le juge. En définitive, ce qui est déterminant au regard du
respect des droits de la défense, c’est qu’il ne soit pas fait obstacle à cette
représentation.

S’agissant de l'égalité des droits pour l'audition des témoins, seules les
dispositions réglementaires du code du sport 849, lesquelles comportent une multitude
de détails sur la procédure disciplinaire devant l’Agence française de lutte contre le
dopage, prévoient explicitement cette possibilité. Il y est précisé que le président de
l'Agence peut refuser, par décision motivée, les demandes d'audition manifestement
abusives. L’article R. 232-93 dudit code va même jusqu’à indiquer que « Les frais de
déplacement des personnes dont l'audition est décidée dans les conditions prévues à
l'alinéa précédent sont pris en charge par l'agence. »
À l’instar du droit de se faire représenter, l’obligation de mentionner cette
garantie ne semble pas être considérée par les juges administratifs comme une
formalité dont le non-respect serait de nature à vicier substantiellement la procédure
administrative répressive. C’est ce que semble reconnaître M. GUYOMAR dans ses
conclusions sur l’arrêt précité « M. Parent et autres » 850, lorsqu’il note que « dans le
silence des textes, rien n’interdit aux personnes poursuivies de solliciter l’audition de
témoins, à charge pour le rapporteur ou l’autorité qui a la maîtrise de l’instruction,
d’y donner suite s’il l’estime nécessaire. »

En outre, selon cet arrêt, le droit à un procès équitable n’est méconnu que si
l’absence d’audition a préjudicié aux droits de la défense. Tel n’est pas le cas, lorsque
le rapporteur de l'affaire et la formation prononçant la sanction décident de refuser
l'audition sollicitée par la personne poursuivie, alors qu'ils n'avaient, par ailleurs,
procédé à aucune audition de témoin à charge.

849
Article R. 232-93 alinéa 2 du code du sport : « L'intéressé et son défenseur ainsi que, le cas
échéant, la ou les personnes investies de l'autorité parentale ou le représentant légal, peuvent
demander que soient entendues les personnes de leur choix dont ils communiquent le nom au
moins six jours avant la séance. Le président de l'agence peut refuser, par décision motivée, les
demandes d'audition manifestement abusives.»
850
Concl. Mattias GUYOMAR sur CE, 27 octobre 2006, no 276069, M. Parent et autres, précité.

- 275 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014

Le même moyen était invoqué dans la décision « M. Piard et autres » du


29 mars 2010 851. Les personnes poursuivies reprochaient au rapporteur chargé de
l’instruction devant l’Autorité des marchés financiers de ne pas avoir entendu leurs
témoins. La haute juridiction administrative affirme de manière générale que
« l’appréciation à laquelle procède le rapporteur sur l’utilité d’entendre une
personne comme témoin, comme le contenu et les conclusions de son rapport sont, en
principe, dépourvus d’incidence sur la légalité de la décision de la commission des
sanctions, le rapport du rapporteur n’étant qu’un des éléments du dossier au vu
desquels la commission [des sanctions] se prononce ». Or, en l’espèce, le témoin dont
l’audition était sollicitée avait été largement entendu dans le cadre de l’enquête
préalable à la procédure de sanction, menée par la Commission des opérations de
bourse, et avait, durant la procédure disciplinaire, adressé au rapporteur plusieurs
courriers. De surcroît, le rapporteur disposait de nombreux autres éléments permettant
d’établir les faits relatifs aux griefs notifiés. Consécutivement, le Conseil d’État a
jugé que « l’absence d’audition de cette personne par le rapporteur n’a pas porté
atteinte au respect des droits de la défense des requérants ». Soulignons que les
juridictions judiciaires ont retenu une solution identique 852, laquelle repose sur une
motivation similaire.

Ainsi, le Conseil d’État, à l’instar des juges judiciaires et européens 853, saisit
cette garantie comme un des prolongements de l’égalité des armes. En ce sens, celle-

851
CE, 29 mars 2010, nos 323354, 323488, 323491, 324395, M. Piard et autres, précité.
852
CA Paris, 21 novembre 2000, n o RG 2000/06426 ; CA Paris, 20 octobre 2009, n o RG 08/16852,
M. Schoenlaub.
853
Selon une jurisprudence constante et abondante, « il revient aux juridictions nationales
d’apprécier les éléments rassemblés par elles et la pertinence de ceux dont les accusés
souhaitent la production. ». Dans son arrêt « Taxquet c/ Belgique » du 13 janvier 2009, la Cour
de Strasbourg rappelle ainsi que « l’article 6 § 3 d) de la Convention laisse aux juridictions
internes, toujours en principe, le soin de juger de l’utilité d’une offre de preuve par témoins. Cet
article n’exige pas la convocation et l’interrogation de tout témoin à décharge : ainsi que
l’indiquent les mots « dans les mêmes conditions », il a pour but essentiel une complète égalité
des armes en la matière. La notion d’« égalité des armes » n’épuise pourtant pas le contenu du
paragraphe 3 d) de l’article 6, pas plus que du paragraphe 1 dont cet alinéa représente une
application parmi beaucoup d’autres. En effet, il ne suffit pas de démontrer que « l’accusé » n’a
pas pu interroger un certain témoin à décharge. Encore faut-il que l’intéressé rende
vraisemblable que la convocation dudit témoin était nécessaire à la recherche de la vérité et que
le refus de l’interroger a causé un préjudice aux droits de la défense (voir, parmi d’autres, Erich
Priebke c. Italie (déc.), n o 48799/99, 5 avril 2001). Ainsi, seules des circonstances
exceptionnelles peuvent conduire la Cour à conclure à l’incompatibilité avec l’article 6 de la

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CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014

ci doit offrir à la personne mise en cause la possibilité de contester un témoignage à


charge.

Force est de constater que le juge administratif veille à une application juste et
équitable des principes des droits de la défense et de la contradiction. Ce dernier
porte, en effet, une appréciation mesurée sur la portée de ces garanties, évitant ainsi
leur détournement abusif par des requérants familiarisés aux arguties inutiles.

Qu’en est-il, dans ce cadre, de la mise en œuvre du principe d’impartialité


invoqué sur le fondement de l’article 6 § 1 C.E.D.H. ?

2. La portée du principe d’impartialité invoqué sur le fondement de


l’article 6 C.E.D.H.

Selon les juges administratifs, mais également judiciaires 854, le respect de cette
garantie implique la condamnation de tout éventuel parti pris révélé, soit par
l’existence d’un préjugement de l’affaire, soit par celle d’un préjugé, favorable ou
défavorable, à l’égard de la personne poursuivie.

Par touches successives, le Conseil d’État est venu préciser les implications du
principe d’impartialité objective, lesquelles correspondent, en l’état actuel de la
jurisprudence, à celles retenues par la Cour de cassation.

Une série de décisions rendues le 26 juillet 2007 a ainsi permis à la haute


juridiction administrative de se prononcer sur la conformité du cumul des pouvoirs
réglementaire et de sanction au sein de l’Autorité des marchés financiers 855. La haute

non-audition d’une personne comme témoin » (voir Bricmont c. Belgique, arrêt du 7 juillet 1989,
série A n o 158, § 89, et plus récemment Destrehem c. France, n o 56651/00, 18 mai 2004). »
854
Pour la jurisprudence judiciaire : CA Paris, 27 juin 2000, no RG 2000/02659, France Télécom
c/ Société Télécom Développement, précité.
855
CE, 26 juillet 2007, n o 293624, Société Global Equities, précité ; CE, 26 juillet 2007, n o 293626,
M. Gilles A., précité ; CE, 26 juillet 2007, n o 293627, Société Global Gestion, précité ; CE,
26 juillet 2007, n o 293908, Patrick A., précité.

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CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014

juridiction administrative a estimé que l’exigence d’impartialité était préservée dès


lors que « le pouvoir réglementaire est exercé, au sein de l’Autorité des marchés
financiers, par un collège, tandis que le pouvoir de sanction est exercé par une
commission des sanctions » et « qu’en vertu des dispositions de l’article L. 621-2 du
code monétaire et financier, les fonctions de membre de la commission des sanctions
sont incompatibles avec celle de membre du collège » 856.

La question du cumul de l’exercice successif des fonctions d’accusation,


d’instruction et de jugement au sein de la même autorité a également donné lieu à une
jurisprudence abondante aux termes de laquelle certaines fonctions peuvent s’avérer
être incompatibles entre elles et doivent consécutivement être exercées par des
organes différents.
Tel est le cas du cumul des fonctions d’accusation et de jugement, en tant
qu’elles conduisent à un préjugement 857. Notons, sur ce point, que la position du
Conseil d’État est conforme à celle du juge judiciaire 858. C’est ainsi que la Cour
d’appel de Paris a déjà jugé que la procédure suivie par la Commission des opérations
de bourse méconnaissait le principe d’impartialité dans la mesure où le collège de
cette autorité avait « successivement, décidé de la mise en accusation d’une société
sur des faits qu'il a constatés, formulé les griefs visant la personne poursuivie et
statué sur sa culpabilité et sanctionné cette dernière » 859.

Au contraire, les fonctions d’instruction et de jugement peuvent être


successivement exercées sous certaines réserves. À cet égard, l’exercice des fonctions
de rapporteur a nourri de nombreuses requêtes.

La qualification juridique des faits en cause par ce dernier est ainsi


régulièrement contestée comme révélant un préjugement quant à l’issue de la
procédure disciplinaire. Le Conseil d’État rejette systématiquement ce moyen en
soulignant que « la circonstance que le rapporteur ne s'est pas borné dans son

856
CE, 30 juillet 2003, Banque d’Escompte et Wormser Frères réunis, précité.
857
CE, Ass., 3 décembre 1999, n o 207434, Jean-Louis Didier, précité.
858
CA Paris, 7 mars 2000, n o de RG 1999/15862 ; CA Paris, 30 mai 2006, n o RG 2005/20727.
859
CA Paris, 7 mars 2000, n o de RG 1999/15862.

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rapport à faire une présentation objective des faits en cause mais les a également
qualifiés - comme il lui appartenait, d'ailleurs, de le faire - n'est pas d'avantage
constitutive d'une méconnaissance du principe d'impartialité » 860. Les conclusions
prononcées par M. GUYOMAR 861 sur les arrêts « M. Wargny », « M. Witvoet » et
« Société Banque privée Fideuram Wargny », rendus le 2 novembre 2005, ont
parfaitement mis en lumière le bien-fondé de cette position. Le rapporteur public fait
observer que « Le rapport est l’un des éléments du dossier, soumis au contradictoire,
au vu duquel la formation décidant d’infliger une sanction se prononce. Il est donc
nécessaire que le rapporteur prenne parti sur la nature et la qualification des faits
susceptibles d’être retenus et cela ne saurait compromettre l’impartialité de la
commission. » Observons que les juges judiciaires adoptent la même solution 862.

Le pouvoir de proposer une extension des griefs, dont peut disposer le


rapporteur, au sein de certaines autorités administratives indépendantes, a aussi
soulevé de nombreuses objections devant le juge administratif. Certains requérants y
ont vu une participation aux fonctions de poursuites, et consécutivement, une
méconnaissance du principe d’impartialité objective. La question était la suivante :
l’usage de ce pouvoir fait-il ou non obstacle, au regard du principe d’impartialité, à ce
que le même rapporteur soit désigné pour instruire la procédure ouverte
conformément à sa requête d’extension des griefs ? La haute juridiction
administrative a répondu par la négative. Pour ce faire, elle a repris à l’identique les
termes de son rapporteur public, selon lequel « la circonstance qu’un rapporteur, qui,
conformément à sa mission, a pu prendre parti sur la nature et la qualification des
faits susceptibles d'être retenus à l'encontre d’une personne mise en cause, soit
désigné pour instruire des griefs notifiés à une ou plusieurs autres personnes sur le

860
CE, 27 octobre 2004, n o 257366, Mme Thizeau ; CE, 23 mars 2005, n o 260673, Société
Financière Hottinguer, précité ; CE, 2 novembre 2005, n o 270825, M. Olivier Wargny ; CE,
2 novembre 2005, n o 270826, M. Gérard Witvoet ; CE, 2 novembre 2005, n o 271202, Société
Banque privée Fideuram Wargny, précité.
861
CE, 2 novembre 2005, no 270825, M. Olivier Wargny, précité ; CE, 2 novembre 2005, n o 270826,
M. Gérard Witvoet, précité ; CE, 2 novembre 2005, no 271202, Société Banque privée Fideuram
Wargny, précité.
862
CA Paris, 12 septembre 2006, n o RG 2005/24231.

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fondement des mêmes faits » et après qu’il a, lui-même, proposé une telle extension,
« n’est pas par elle-même contraire au principe d’impartialité » 863.
C’est ensuite la participation du rapporteur au délibéré qui a fait couler beaucoup
d’encre.
Pendant longtemps, le Conseil d’État et la Cour de cassation se sont opposés sur ce
point.
Selon la jurisprudence administrative, la seule qualité de rapporteur chargé de
l’instruction n’interdit pas cette participation dans la mesure où elle n’implique pas une
prise de position sur la culpabilité. Pour constituer un manquement au principe
d’impartialité, il faudrait que s’y ajoutent certains pouvoirs, relevant des fonctions de
poursuites, tels que les pouvoirs de saisine de l’organe répressif, de formulation des griefs,
de classement de l’affaire, de prise de mesures de contrainte 864.
Quant à la haute juridiction judiciaire, elle a jugé, dans un premier état de sa
jurisprudence, que la participation du rapporteur chargé de procéder à l’instruction d’une
affaire et à toutes les investigations utiles au délibéré était contraire au principe
d’impartialité en tant que la fonction d’instruction impliquait, en elle-même, un
préjugement de l’affaire 865. Puis, quelques mois plus tard, dans son arrêt du 5 octobre
1999, c’est le principe de l’égalité des armes, et non plus celui d’impartialité, qui a conduit
la Chambre commerciale à ne pas admettre la participation au délibéré du Conseil de la
concurrence du rapporteur dès lors que ce rapporteur avait procédé à des investigations
utiles pour l’instruction des faits dont le Conseil était saisi. Par ailleurs, dans un arrêt du
23 mai 2000 866 portant sur la participation au délibéré du bâtonnier, les juges judiciaires
ont adopté une motivation conforme à l’esprit de la jurisprudence du Conseil d’État. En
effet, pour accueillir le grief relatif à la violation du principe d’impartialité, les hauts

863
Concl. M. Mattias GUYOMAR, sur CE, 28 décembre 2009, n o 305621, Société Refco Securities.
864
CE, Ass., 3 décembre 1999, n o 207434, Jean-Louis Didier, précité ; CE, 22 octobre 2000,
n o 207697, Société agricole Indosuez Cheuvreux, précité ; CE, 31 mars 2004, n o 243579, Société
Etna Finance, précité ; CE, 17 novembre 2004, no 261349, M. Mimran ; CE, 23 mars 2005,
n o 260673, Société financière Hottinguer, précité.
865
Cass., Ass., 5 février 1999, n o 97-16.440, COB c/ Oury et agent judiciaire, Bull. AP, no 1, p. 1 ;
Gaz. Pal., 24 et 25 février 1999, p. 8 ; D., 1999, Somm. 249, obs. BON-GARCIN Isabelle ;
L.P.A., 10 février 1999, no 29, p. 17, FRISON-ROCHE Marie-Anne, « Les autorités de régulation
confrontées à la Convention européenne des droits de l'homme » ; L.P.A., 10 février 1999, p. 14,
note DUCOULOUX-FAVARD Claude.
866
Cass. Civ. 1ère , 23 mai 2000, n o 97-19169, M. P,, Bull., no 151.

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CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014

magistrats se sont fondés, non pas sur la circonstance que le bâtonnier avait procédé à
l’enquête, mais exclusivement sur le fait que le bâtonnier cumulait les fonctions d’organe
de poursuite et de jugement. Ainsi, il semblerait que la Cour de cassation ait rejoint la
position de son homologue administratif. Une décision du 13 juillet 2004 confirme ce point
de vue. La Cour de cassation y affirme que la participation du rapporteur au délibéré du
Conseil de la concurrence constitue un manquement au principe de l’égalité des armes 867,
et non pas à celui d’impartialité, alors que c’est la violation de cette dernière garantie qui
était invoquée par les requérants.
Il n’en demeure pas moins qu’il s’agit là d’une différence majeure avec la
jurisprudence administrative qui, jusqu’à présent, n’a jamais sanctionné une telle
participation sur le fondement du principe de l’égalité des armes. Un alignement sur la
position judiciaire reste toutefois envisageable. En effet, le dernier arrêt rendu par le
Conseil d’État sur la participation du rapporteur au délibéré date du 23 mars 2005 868.
Depuis, est intervenu le décret du 1er août 2006 869 qui écarte devant les tribunaux
administratifs et les cours administratives d’appel la présence du rapporteur public au
délibéré. Auparavant, l'ancien article R. 731-7 du code de justice administrative, tel qu'il
résultait du décret du 19 décembre 2005, disposait : « [Le commissaire du gouvernement]
assiste au délibéré. Il n'y prend pas part ». Aussi, le Conseil d’État ne pouvait pas
reconnaître que la participation du rapporteur au délibéré tenu devant les autorités
administratives indépendantes répressives méconnaît le droit au procès équitable, sauf à
désavouer parallèlement le fonctionnement de la justice administrative.

La faculté pour un organisme administratif pouvant être qualifié de


« tribunal » au sens de la Convention de se saisir de son propre mouvement a été
dénoncée au regard de l’interdiction du cumul des fonctions d’accusation et de
jugement. Inspiré par la Cour de Cassation pour ce qui est du principe même de l’auto

867
Cass. Com, 13 juillet 2004, n os 03-11430, 03-11431, 03-11433, 03-11492, 03-11512, 03-11513,
03-11516, 03-11517, 03-11618, 03-11280, Bull., 2004, IV, n o 163, p. 175.
868
CE, 23 mars 2005, no 260673, Société financière Hottinguer, précité.
869
Décret n o 2006-964 du 1 er août 2006, modifiant la partie réglementaire du code de justice
administrative.

- 281 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014

saisine et des conditions de sa régularité 870, l’arrêt « Société Habib Bank Limited » du
22 octobre 2000 affirme que ce pouvoir n’est pas en soi contraire au droit au procès
équitable dès lors que l’acte par lequel l’organisme se saisit d’office ne donne pas à
penser que les faits visés sont d’ores et déjà établis ou que leur caractère
répréhensible au regard des règles ou principes à appliquer est d’ores et déjà
reconnu 871. En outre, la circonstance que cet acte ait été signé par le président de la
formation ayant prononcé la sanction litigieuse, non pas en cette qualité, mais en tant
que président de l’autorité administrative indépendante, ne saurait révéler un
quelconque préjugement de l’affaire 872.

Quant à l’obligation pour certaines autorités administratives indépendantes 873


d’émettre une mise en demeure, avant l’usage de leurs pouvoirs de sanction, elle
n’entraîne pas de manquement au principe d’impartialité objective 874. Pour étayer
cette solution, le Conseil d’État fait observer que la mise en demeure vise un premier
manquement, qui ne donne pas lieu à sanction. Ainsi, la mise en œuvre ultérieure de
la procédure de sanction suppose la constatation de faits postérieurs de même nature
constitutifs d’un nouveau manquement.

A contrario, si la procédure de sanction vise des faits à l’origine de la mise en


demeure, une violation du principe d’impartialité objective sera relevée. En ce sens,
cette solution peut être rapprochée de la jurisprudence judiciaire selon laquelle la
participation au délibéré d’une procédure de sanction menée par le Conseil de la

870
Cass. Civ. 1ère , 13 novembre 1996, no 94-15252, D., 1997, IR, p. 2.
871
CE, 20 octobre 2000, n o 180122, Société Habib Bank Limited, J.C.P., éd. gén., 2000, II,
n o 10.459, concl. LAMY François ; CE, 30 juillet 2003, n o 247488, Société Compagnie française
de change ; CE, 30 août 2003, n o 248686, Société Comptoir français de l’or ; CE, 4 février 2005,
n o 269001, Société GSD Gestions, précité; CE, 6 janvier 2006, n o 279596, Société Lebanese
Communication Group, précité ; CE, 30 mars 2007, no 277991, Société Prédica, précité ; CE,
19 février 2008, n o 311974, Société Profil France ; CE, 22 novembre 2011, no 323612, Union
mutualiste générale de prévoyance.
872
CE, Sect., 4 février 2005, n o 269001, Société GSD Gestions, précité.
873
Tels que, par exemple, le Conseil supérieur de l’audiovisuel (article 42 de la loi n o 86-1067 du
30 septembre 1986 modifiée relative à la liberté de la communication), la Commission nationale
de l’informatique et des libertés (article 73 du décret no 2005-1309 du 20 octobre 2005 pris pour
l'application de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux
libertés), l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (article L. 36-
11 du code des postes et des communications électroniques).
874
CE, 6 janvier 2006, n o 279596, Société Lebanese Communication Group, précité.

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CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014

concurrence de membres qui avaient, dans le cadre d’une autre procédure visant à
l’obtention de mesures conservatoires, déjà reconnu le caractère prohibé d'une partie
des faits dénoncés, emporte violation du principe d’impartialité objective 875.

Ainsi, l’exigence d’impartialité garantie par l’article 6 § 1 C.E.D.H. étend son


emprise à l’organisation et la structure des autorités administratives indépendantes
qualifiables de « tribunal » au sens conventionnel. Plus encore, elle permet de mettre
individuellement en cause celui dont la position est susceptible de reposer sur des
considérations extérieures à l’affaire.

Il y a partialité subjective si l’auteur de la décision contestée « est intéressé


pour des raisons diverses à la décision qui sera prise » 876. Cet intérêt peut se traduire
soit de manière positive, par l’existence d’un intérêt personnel à l’affaire, soit, au
contraire, de manière négative, par la présomption d’un conflit d’intérêt ou d’une
hostilité personnelle à l’égard du destinataire de l’acte. On comprend dès lors qu’en
cette matière, « tout est affaire d’espèce et [que] les solutions retenues, si elles
doivent guider les autorités compétentes pour l’avenir, n’ont pas valeur de
précédent. » 877 Aussi, une comparaison avec les solutions prévalant devant le juge
judiciaire ne serait pas intéressante 878.

Par les décisions « M. Parent et autres » 879 et « Société Europe, Finance et


Industrie et M. Thannberger » 880, le Conseil d’État a annulé la sanction prononcée par

875
Cass. Com., 9 octobre 2001, n o 98-22015, Bull., 2001, IV, n o 160, p. 152 ; CA Paris, 25 mars
2008, n o RG 07/04789.
876
Concl. Sylvie HUBAC sur CE, Sect., 27 avril 1988, n o 66650, Sophie, Lebon, p. 160, concl.
HUBAC ; A.J.D.A., 1988, p. 446, chr. AZIBERT Michel et DE BOISDEFFRE Martine.
877
Concl. Mattias GUYOMAR sur CE, Sect., 27 octobre 2006, no 276069, M. Parent et autres,
précité.
878
En tout état de cause, nous n’avons pas trouvé de décisions rendues par les juges judiciaires
relatives au grief tiré de la méconnaissance du principe d’impartialité subjective par une autorité
administrative indépendante statuant en matière pénale.
879
CE, Sect., 27 octobre 2006, n o 276069, M. Parent et autres, précité.
880
CE, 30 mai 2007, n o 288538, Société Europe, Finance et Industrie et M. Thannberger, JurisData,
no 2007-072024 ; Rev. AMF, n o 37, juin 2007, p. 289 ; Banque et droit, 2007, n o 114, p. 23, obs.
de VAUPLANE Hubert, DAIGRE Jean-Jacques, de SAINT-MARS B. et BORNET Jean-Pierre.

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CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014

la Commission de sanction de l’Autorité des marchés financiers en raison de la


partialité d’un des membres qui avait délibéré sur les sanctions litigieuses.

Dans la première espèce, c’est un préjugé favorable qui a été dénoncé. Le


membre de la formation délibérant et la personne poursuivie avaient été ensemble
associés fondateurs d’une société anonyme et le second avait été, un temps, le salarié
du premier.

Au contraire, dans la seconde espèce, le préjugé était défavorable. L’un des


coauteurs de la sanction appartenait au comité exécutif d’un groupe bancaire français
dont l’une des filiales était impliquée dans un différend financier persistant avec la
société requérante et qui avait été porté notamment à la connaissance dudit comité.
En l’espèce, le Conseil d’État a estimé que ce soupçon de partialité résultant de cette
relation triangulaire suffisait pour obtenir l’annulation de la sanction prononcée. La
théorie de l’apparence, chère à la Cour de Strasbourg 881, l’a emporté sur l’existence
réelle d’un comportement partial.

881
Inspirée du droit anglo-américain, selon l'adage désormais célèbre « Justice must not only be
done, it must also be seen to be done», la théorie des apparences traduit une conception d'une
justice qui se donne à voir. Apparue pour la première fois dans l’arrêt « Delcourt c/ Belgique »,
reprise dans la décision « Borgers c/ Belgique » du 30 octobre 1991, elle connait un large écho
dans le cadre d’affaires mettant en jeu l’impartialité objective des juridictions, où la Cour lui
attribue une place déterminante en raison de « la sensibilité accrue du public aux garanties d'une
bonne justice ». Le respect de cette garantie fait, en effet, l’objet d’un double contrôle. D’une
part, les juges européens contrôlent la réalité de l’impartialité fonctionnelle de l’organisme
juridictionnel mis en cause. D’autre part, ils vérifient l’apparence d’impartialité. En d’autres
termes, l’autorité doit non seulement être effectivement impartiale, mais encore elle doit
apparaître comme offrant des garanties telles que tout doute légitime sur son impartialité peut
être regardé comme exclu. La participation du commissaire du gouvernement au délibéré illustre
parfaitement ce raisonnement en deux temps. Dans son arrêt « Kress c/ France » du 7 juin 2011,
la Cour reconnaît l'impartialité et l'indépendance du commissaire du gouvernement. Mais, même
si elle admet que sa présence au délibéré présente des avantages techniques pour les juges
appelés à opiner, cela ne l’empêche pas de retenir une violation de l’article 6 § 1 C.E.D.H., du
fait de cette participation. Pour ce faire, les juges européens ont fait prévaloir les apparences sur
la réalité. À cet égard, ils relèvent qu’ « en s’exprimant publiquement sur le rejet ou
l’acceptation des moyens présentés par l’une des parties, le commissaire du gouvernement
pourrait être légitimement considéré par les parties comme prenant fait et cause pour l’une
d’entre elles. » Pour la Cour, « un justiciable non rompu aux arcanes de la justice administrative
peut assez naturellement avoir tendance à considérer comme un adversaire un commissaire du
gouvernement qui se prononce pour le rejet de son pourvoi. À l’inverse, il est vrai, un justiciable
qui verrait sa thèse appuyée par le commissaire le percevrait comme son allié. »

- 284 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014

Par quatre arrêts rendus le 26 juillet 2007 882, le Conseil d’État a été appelé, pour la
première fois, à statuer sur le moyen tiré de la violation du principe d’impartialité par le
rapporteur désigné pour conduire la procédure d’instruction devant l’Autorité des marchés
financiers. Celui-ci avait exercé des fonctions d’administrateur puis de conseiller du
président au sein d’une entreprise et d’une de ses filiales, qui étaient les principales
concurrentes de la société mise en cause dans le cadre d’opérations de courtage à l’origine
de la procédure disciplinaire. Dans la continuité de leur jurisprudence « Société Banque
privée Fideuram Wargny »883 du 2 novembre 2005, par laquelle il a été affirmé que « les
conditions dans lesquelles le rapporteur a été nommé peuvent être mises en cause à
l’occasion d’un recours », les hauts magistrats accueillent ce moyen, alors même que les
dispositions du code monétaire et financier 884 écartent le rapporteur de la séance de
délibération de la Commission des sanctions. Ils suivent, en ce sens, les conclusions de leur
rapporteur public. M. GUYOMAR avait pointé l’importance du rôle occupé par le
rapporteur dans le déroulement de la procédure disciplinaire. Rappelant les termes de
l’article R. 621-39 du code monétaire et financier 885, il soulignait que « le rapporteur
dispose d’attributions si déterminantes pour le déroulement de la procédure qu’il doit

882
CE, 26 juillet 2007, n o 293624, Société Global Equities, précité ; CE, 26 juillet 2007, n o 293626,
M. Gilles A, précité ; CE, 26 juillet 2007, n o 293627, Société Global Gestion, précité ; CE,
26 juillet 2007, n o 293908, M. Piard, précité.
883
CE, 2 novembre 2005, no 271202, Société Banque privée Fideuram Wargny, précité.
884
Article L. 621-15 du code monétaire et financier : « La commission des sanctions statue par
décision motivée, hors la présence du rapporteur. »
885
« I.- Le président de la commission des sanctions attribue l'affaire soit à cette dernière soit à
l'une de ses sections. Il désigne le rapporteur. Celui-ci procède à toutes diligences utiles. Il peut
s'adjoindre le concours des services de l'Autorité des marchés financiers. La personne mise en
cause et le membre du collège mentionné au troisième alinéa du I de l'article L. 621-15 ou son
représentant désigné en application de cette disposition peuvent être entendus par le rapporteur
à leur demande ou si celui-ci l'estime utile. Le rapporteur peut également entendre toute
personne dont l'audition lui paraît utile. Lorsqu'il estime que les griefs doivent être complétés ou
que les griefs sont susceptibles d'être notifiés à une ou plusieurs personnes autres que celles
mises en cause, le rapporteur saisit le collège. Le collège statue sur cette demande du rapporteur
dans les conditions et formes prévues à l'article R. 621-38. Le délai prévu au troisième alinéa de
l'article R. 621-38 est applicable en cas de notification complémentaire des griefs.
II.- Le rapporteur consigne par écrit le résultat de ces opérations dans un rapport. Celui-ci est
communiqué à la personne mise en cause par lettre recommandée avec demande d'avis de
réception, remise en main propre contre récépissé ou acte d'huissier. Le rapport est également
communiqué au membre du collège mentionné au troisième alinéa du I de l'article L. 621-15 ou à
son représentant désigné en application de cette disposition, qui peut présenter par écrit ses
observations sur le rapport. Ces observations écrites sont communiquées à la personne mise en
cause. ».

- 285 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014

respecter l’exigence d’impartialité y compris avec les conséquences qui découlent de la


théorie des apparences. » Selon lui, « cela ne heurtera en rien la conception que l’AMF
elle-même se fait de cette fonction clef. » En effet, « l’article 111-5 du règlement général
de l’AMF dispose, dans son second alinéa, que « avant de désigner en qualité de
rapporteur un membre de la commission des sanctions, le président s’assure que celui-ci
ne risque pas de se trouver en conflits d’intérêts compte tenu des personnes faisant l’objet
de la procédure. » Trois séries d’éléments avaient alors convaincu le rapporteur public de
l’existence, dans les circonstances de l’espèce, d’un conflit d’intérêts : tout d’abord, le
caractère direct de la concurrence entre la société dans laquelle le rapporteur avait exercé et
celle mise en cause, ensuite, la nature des opérations reprochées aux personnes poursuivies
à savoir les opérations de courtage, qui constituaient précisément celles pour lesquelles la
société dans laquelle le rapporteur avait exercé était en concurrence avec celle mise en
cause, et, enfin, les relations fonctionnelles entre le rapporteur et la société à laquelle il
s’était trouvé lié à plusieurs titres : administrateur fondateur, conseiller du président,
administrateur d’une filiale.

Toutefois, de simples relations professionnelles ne suffisent pas toujours à


établir une violation du principe d’impartialité subjective. Il a ainsi été jugé que le
fait d’invoquer l’appartenance d’un des membres de la formation appelée à délibérer
à une société concurrente ne permettait pas de conclure à un manquement au principe
d’impartialité 886. La personne poursuivie doit démontrer l’existence d’un intérêt
personnel dans l’affaire en cause, en s’appuyant sur des éléments probants. Cette
solution équilibrée se justifie par l’association fréquente de personnes désignées à
raison de leur compétence professionnelle ainsi que de leur expérience au sein des
formations qui délibèrent 887.

886
CE, 23 avril 2009, n o 314920, Compagnie Blue Line, précité.
887
Article L. 621-2 du code monétaire et financier relatif à la composition de la commission des
sanctions de l’Autorité des marchés financiers : « […] 3º Six membres désignés, à raison de leur
compétence financière et juridique ainsi que de leur expérience en matière d'appel public à
l'épargne et d'investissement de l'épargne dans des instruments financiers, par le ministre chargé
de l'économie après consultation des organisations représentatives des sociétés industrielles et
commerciales dont les titres font l'objet d'appel public à l'épargne, des sociétés de gestion
d'organismes de placements collectifs et des autres investisseurs, des prestataires de services
d'investissement, des entreprises de marché, des chambres de compensation, des gestionnaires de
systèmes de règlement livraison et des dépositaires centraux ; 4º Deux représentants des salariés

- 286 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014

À travers ce guide jurisprudentiel, on peut apprécier la sagesse dont fait preuve


le juge administratif dans l’application des droits de la défense, du caractère
contradictoire de la procédure et du principe d’impartialité consacrés par l’article 6
C.E.D.H. aux autorités administratives indépendantes relevant du volet pénal de cette
stipulation. Ces garanties procédurales doivent permettre à la personne menacée par
une sanction de bénéficier d’une procédure juste et équitable, très loin du procès
kafkaïen ; mais elles ne doivent pas, pour autant, se transformer en un moyen
juridique temporisateur destiné à paralyser l’action administrative.

Il n’en demeure pas moins qu’en rendant mécaniquement opposables ces


exigences à l’encontre des autorités administratives satisfaisant aux conditions

des entreprises ou établissements prestataires de services d'investissement, des sociétés de


gestion d'organismes de placements collectifs, des entreprises de marché, des chambres de
compensation, des gestionnaires de systèmes de règlement livraison et des dépositaires centraux,
désignés par le ministre chargé de l'économie après consultation des organisations syndicales
représentatives […] » ;
Article L. 612-9 du code monétaire et financier relatif à la composition de la commission des
sanctions de l’Autorité de contrôle prudentiel : « La commission des sanctions est composée de
six membres : […] 2° Trois membres choisis en raison de leurs compétences dans les matières
utiles à l'exercice par l'Autorité de ses missions, nommés par arrêté du ministre chargé de
l'économie. […] » ;
Article L. 232-6 du code du sport relatif à la composition du collège de l'Agence française de
lutte contre le dopage : « Le collège de l'Agence française de lutte contre le dopage comprend
neuf membres nommés par décret : […] 3° Trois personnalités qualifiées dans le domaine du
sport : une personne inscrite ou ayant été inscrite sur la liste des sportifs de haut niveau fixée en
application du premier alinéa de l'article L. 221-2, désignée par le président du Comité national
olympique et sportif français ; un membre du conseil d'administration du Comité national
olympique et sportif français désigné par son président ; une personnalité désignée par le
président du Comité consultatif national d'éthique pour les sciences de la vie et de la santé. » ;
Article L. 461-1 du code du commerce relatif à la composition du collège de l’Autorité de la
concurrence : « II.- Les attributions confiées à l'Autorité de la concurrence sont exercées par un
collège composé de dix-sept membres, dont un président, nommés pour une durée de cinq ans
par décret pris sur le rapport du ministre chargé de l'économie. […]Le président est nommé en
raison de ses compétences dans les domaines juridique et économique. Le collège comprend
également : 2° Cinq personnalités choisies en raison de leur compétence en matière économique
ou en matière de concurrence et de consommation ; 3° Cinq personnalités exerçant ou ayant
exercé leurs activités dans les secteurs de la production, de la distribution, de l'artisanat, des
services ou des professions libérales. Quatre vice-présidents sont désignés parmi les membres du
collège, dont au moins deux parmi les personnalités mentionnées aux 2° et 3. » ;
Article 13 de la loi n o 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux
libertés modifiée : « I. - La Commission nationale de l’informatique et des libertés est composée
de dix-sept membres : […] 6° Trois personnalités qualifiées pour leur connaissance de
l’informatique ou des questions touchant aux libertés individuelles, nommées par décret ; 7°
Deux personnalités qualifiées pour leur connaissance de l’informatique, désignées
respectivement par le Président de l’Assemblée nationale et par le Président du Sénat. »

- 287 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014

d’applicabilité du volet pénal de l’article 6 C.E.D.H., aux sens de leurs jurisprudences


respectives, la Cour de cassation et le Conseil d’État sont allés bien au-delà des
exigences strasbourgeoises.

II. Une solution reposant sur une interprétation excessive de la jurisprudence


européenne

En affirmant que l’application ab initio des principes d’impartialité, des droits


de la défense et de la contradiction vise à garantir le caractère équitable de la
procédure (A), les hauts magistrats français ont conféré à l’arrêt « Imbrioscia
c/ Suisse » des effets plus contraignants que ceux résultant de la jurisprudence
strasbourgeoise (B).

A. Une solution visant à garantir le caractère équitable de la procédure

Si les juges judiciaire (1) et administratif (2) ont imposé le respect ab initio
des principes d’impartialité, des droits de la défense, du caractère contradictoire de la
procédure, de la présomption d’innocence, du droit de se taire et de ne pas contribuer
à sa propre incrimination, c’est parce qu’ils ont estimé que ces prescriptions étaient si
importantes que leur inobservation au stade administratif serait de nature à affecter de
manière irréversible l’ensemble de la procédure.

1. Une solution consacrée pour la première fois par la Cour de


cassation

C’est dans son arrêt « C.O.B. c/ Oury » 888, rendu le 5 février 1999, que la Cour
de cassation a jugé, pour la première fois, que le principe d’impartialité devait être
respecté dès la phase administrative de la procédure répressive menée par une autorité

888
Cass., Ass. Plén., 5 février 1999, n o 97-16440, COB c/ Oury, Bull. AP, no 1, p. 1 ; Gaz. Pal. 24 et
25 février 1999, p. 8, concl. LAFORTUNE Maurice-Antoine ; J.C.P., 1999, II, 10060, note
MATSOPOULOU Haratini ; D., 1999, Somm. 249, obs. BON-GARCIN Isabelle ; FRISON-
ROCHE Marie-Anne, « Les autorités de régulation confrontées à la Convention européenne des
droits de l'homme », L.P.A., 10 février 1999 n o 29, p. 17 ; L.P.A., 10 février 1999, p. 14, note
DUCOULOUX-FAVARD Claude.

- 288 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014

administrative indépendante, nonobstant l’existence d’un recours ultérieur de pleine


juridiction.

Cette décision n’est pas d’une grande précision quant à l’innovation


jurisprudentielle qu’elle introduit. À aucun moment, la Cour de cassation n’indique
les motifs étayant l’application immédiate de cette garantie du procès équitable à la
Commission des opérations de bourse.

Quant à la jurisprudence ultérieure, elle n’est pas davantage plus claire quant
aux points de savoir sur quel fondement et pourquoi l’obligation de respecter ce
principe ainsi que celui des droits de la défense et de la contradiction est imposée dès
la phase administrative.

Mais, à nos yeux, il ne fait aucun doute que cette obligation a été formulée en
application de l’article 6 § 1 C.E.D.H. et compte-tenu du principe énoncé par la Cour
de Strasbourg dans son arrêt « Imbrioscia c/ Suisse ».

À l’appui d’une telle affirmation, deux éléments peuvent être invoqués.

Il s’agit, d’une part, des conclusions prononcées par l’avocat général sur
l’arrêt « C.O.B. c/ Oury ». Si ces dernières ne mentionnent pas expressément l’arrêt
« Imbrioscia c/ France », elles nous paraissent en être directement inspirées. Dans son
rapport, M. LAFORTUNE opère une distinction entre les prescriptions de pure forme
et les prescriptions touchant au fond. L’autorité administrative n’est pas tenue de
respecter les premières dès lors que sa décision subit un contrôle ultérieur de pleine
juridiction. En revanche, les secondes, qui correspondent aux exigences dont
l’inobservation est de nature à affecter le contenu de la décision sans qu’un contrôle
de pleine juridiction puisse corriger l’irrégularité ainsi commise, doivent, de ce fait,
être respectées dès le premier maillon de la chaîne procédurale. L’esprit de la
jurisprudence « Imbrioscia c/ Suisse » nous semble ici manifeste : la Cour de
cassation exige le respect du principe d’impartialité énoncé à l’article 6 C.E.D.H. dès
la phase administrative de la procédure dans la mesure où une solution contraire
aboutirait, selon elle, à vicier irrémédiablement le caractère équitable du procès.

- 289 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014

Il s’agit, d’autre part, de la motivation retenue dans l’arrêt « S.N.C. Campenon


Bernard SGE et autres » 889. En l’occurrence, la Cour de cassation, bien qu’ayant pris
soin de rappeler la jurisprudence « Le Compte, Van Leuven et De Meyere », juge que
la présence lors du délibéré du rapporteur et du rapporteur général viole le texte
conventionnel. Ce faisant, les hauts magistrats reconnaissent implicitement que
l’inobservation ab initio de cette garantie est de nature à vicier définitivement le
caractère équitable de la procédure, sans qu’un recours de pleine juridiction ne puisse
ultérieurement purger cette irrégularité.

À la vue de ces considérations, force est de constater que la Cour de cassation


a imposé le respect des principes d’impartialité, des droits de la défense, de la
contradiction et de la présomption d’innocence à la Commission des opérations de
bourse et au Conseil de la concurrence, compte-tenu du principe issu de l’arrêt
« Imbrioscia c/ Suisse » selon lequel les garanties du procès équitable peuvent « jouer
un rôle avant la saisine du juge du fond si et dans la mesure où leur inobservation
initiale risque de compromettre gravement le caractère équitable du procès ».

Cette affirmation appelle deux observations.

D’une part, il n’est pas déraisonnable de considérer que si la Cour de cassation


était appelée à se prononcer sur l’application ab initio du droit de se taire et de ne pas
contribuer à sa propre incrimination, elle retiendrait une solution analogue à celle
résultant de la jurisprudence administrative. On peut, en effet, estimer, sans grand
risque d’être contredit, qu’un manquement à cette garantie est de nature à
compromettre gravement le caractère équitable du procès, ce que le juge judiciaire,
gardien de la liberté individuelle, ne saurait tolérer au regard des enjeux en cause en
matière répressive.

D’autre part, nous avons beaucoup de mal à saisir la position de la Cour


d’appel de Paris, laquelle, nous l’avons déjà indiqué, a imposé aux autorités

889
Cass. Com., 5 octobre 1999, n os 97-15617, 97-5626, 97-15632, 97-15673, 97-15760, 97-15777,
97-15805, 97-15826, 97-15836, 97-15852, 97-15871, 97-15932, 97-16004, 97-16330, S.N.C.
Campenon Bernard SGE et autres, Bull. Civ., IV, n o 158, p. 133 ; Gaz. Pal., 1 et 2 décembre
1999, p. 9, concl. LAFORTUNE Maurice-Antoine ; J.C.P., 2000, II, 10255, note
CADOU Éléonore ; D., 1999, p. 44, obs. NIBOYET Marie-Laure ; L.P.A., 1999, n° 206, p. 4,
note DUCOULOUX-FAVARD Claude

- 290 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014

administratives indépendantes statuant en matière « civile » le respect du principe


d’impartialité invoqué sur le fondement de l’article 6 § 1 C.E.D.H. 890, et non celui de
la contradiction 891. S’agissant de cette dernière garantie, les juges du fond ont fait
jouer le principe issu de la jurisprudence européenne « Le Compte, Van Leuven et De
Meyere ».

On peut donc en déduire que selon la Cour d’appel de Paris, la


méconnaissance du principe de la contradiction par une autorité administrative
indépendante statuant en matière « civile » est susceptible d’être corrigée par
l’exercice d’un contrôle ultérieur de pleine juridiction, et ce contrairement au principe
d’impartialité.

Cette solution est particulièrement troublante dès lors qu’en matière


« pénale », l’inobservation ab initio du principe de la contradiction est constitutive
d’une atteinte irréversible au caractère équitable de la procédure. Comment peut-on
expliquer que tel ne soit pas le cas en matière « civile » ? Comment se fait-il qu’en
matière « pénale », le non-respect de la contradiction au stade administratif est de
nature à faire irrémédiablement perdre au justiciable toute chance d’obtenir gain de
cause devant la juridiction, et non en matière « civile » ?

D’aucuns pourraient soutenir que la Cour d’appel a relativisé les conséquences


d’une atteinte irréversible au caractère équitable de la procédure en matière « civile »,
où les enjeux, en termes de liberté publique, ne sont pas les mêmes qu’en matière
« pénale ». Mais cette proposition ne nous satisfait pas, notamment parce qu’elle ne
permet pas d’expliquer pourquoi, dans ce cas, la Cour d’appel n’a pas ajourné le
respect du principe d’impartialité.

Aussi, avons-nous beaucoup de mal à expliquer cette solution, qui nous paraît,
en définitive, fort incohérente et qui, par ailleurs, n’a encore jamais fait l’objet d’une
confirmation solennelle par la Cour de cassation.

890
CA Paris, 27 juin 2000, n o RG 2000/02659, France Télécom c/ Société Télécom Développement :
application de l’exigence d’impartialité invoquée sur le fondement de l’article 6 § 1 C.E.D.H. à
l’autorité de régulation des télécommunications « statuant sur des contestations sur ses droits et
obligations de caractère civil ».
891
CA Paris, 2 avril 2008, n o RG 07/11675.

- 291 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014

2. Une solution suivie par le Conseil d’État

Les premières décisions rendues par le Conseil d’État sur l’application immédiate
du principe d’impartialité aux autorités administratives indépendantes statuant en matière
pénale au sens de la Convention ont donné lieu aux mêmes difficultés d’interprétations que
celles relevées devant le juge judiciaire.

La jurisprudence « Jean-Louis Didier » 892 a ainsi longtemps été à l’origine d’une


confusion doctrinale relative au fondement sur lequel le Conseil d’État avait imposé le
respect de cette exigence au Conseil des marchés financiers. La difficulté est née de ce que
l’Assemblée du contentieux a retenu le moyen tiré de la violation du « principe
d’impartialité rappelé à l’article 6 § 1 ». Certains auteurs ont alors soutenu que le terme
« rappelé » signifiait que le Conseil d’État avait prescrit le respect du principe
d’impartialité, non pas sur le fondement de la stipulation conventionnelle, mais sur celui
des principes généraux du droit 893. D’autres, au contraire, ont vu dans la décision du
3 décembre 1999 une des conséquences de la reconnaissance par le juge administratif de
l’applicabilité de l’article 6 § 1 C.E.D.H. 894 aux autorités administratives indépendantes
statuant en matière « pénale ». Les conclusions 895 du commissaire du gouvernement de
l’époque n’étaient, il est vrai, pas d’une grande utilité pour trancher ce débat. M. SEBAN,
qui s’était référé à la jurisprudence « SARL Auto-Industrie Méric » 896 pour conclure au
caractère inopérant de l’article 6 C.E.D.H., n’avait pas été suivi par la formation de
jugement.

Mais, dès l’année 2000, M. BONICHOT est venu apporter d’heureuses


précisions quant au terrain juridique sur lequel s’était placée la haute juridiction

892
CE, Ass., 3 décembre 1999, n o 207434, Jean-Louis Didier, précité.
893
SUDRE Frédéric, « Note : A propos d’un bric à brac jurisprudentiel : le respect des garanties du
procès équitable par les autorités administratives indépendantes exerçant un pouvoir de
sanction. », J.C.P., éd. gén., n o 10, 8 mars 2000, p. 424, plus précisément p. 427.
894
SERMET Laurent, « Le droit à un procès équitable », R.F.D.A., septembre - octobre 2000,
p. 1060 et plus précisément p. 1062.
895
SEBAN Alain, concl. sur CE, Ass., 3 décembre 1999, Jean-Louis Didier, précité, R.F.D.A., 2000,
p. 584.
896
CE, Avis, Sect., 31 mars 1995, n o 164008, SARL Auto-Industrie Méric ; Rec., p. 154 ; A.J.D.A.,
1995, p. 480 ; A.J.D.A., p. 739, note DREIFUSS Muriel ; R.F.D.A., 1995, p. 1172, chr.
LABAYLE Henri et SUDRE Frédéric ; R.J.F. 5/95, n o 623, concl. Jacques ARRIGHI DE
CASANOVA, p. 326.

- 292 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014

administrative pour imposer au Conseil des marchés financiers le respect du principe


d’impartialité. Le conseiller d’État explique que « le message essentiel de cet arrêt
[Jean-Louis Didier] est qu'il convient d'éviter qu'une décision rendue par une autorité
administrative le soit dans des conditions telles qu'un recours juridictionnel ultérieur
ne puisse pas ensuite satisfaire aux exigences de l'article 6 § 1. » De la sorte, il
confirme que le Conseil des marchés financiers était tenu d’observer le principe
d’impartialité en vertu de l’article 6 C.E.D.H. afin de garantir un procès équitable 897.

Deux ans plus tard, M. GUYOMAR, commentant l’arrêt « Didier », procède


aux mêmes observations. Il souligne, notamment, que l’inobservation du principe
d’impartialité est de nature à vicier la procédure de manière indélébile, raison pour
laquelle le Conseil d’État en a imposé le respect sur le fondement de l’article 6
C.E.D.H. 898

Ces précisions étaient, à l’époque, loin d’être superflues. En effet, jusqu’en


2008, le juge administratif n’était pas davantage plus précis que son homologue
judiciaire quant à l’influence du principe issu de la décision « Imbrioscia c/ Suisse »
sur son raisonnement. Manifestations éclatantes du refus d’attribuer aux décisions
européennes une autorité de la chose interprétée 899, les arrêts rendus par le Conseil
d’État ne renvoyaient jamais à la notion d’atteinte irréversible pour justifier
l’application immédiate des principes d’impartialité, des droits de la défense et du
contradictoire aux autorités administratives indépendantes statuant en matière
« pénale ».

L’arrêt « Laurent » 900 du 28 octobre 2002 illustre parfaitement ces propos. Le


Conseil d’État juge que « quand elle prononce une sanction dans les conditions

897
BONICHOT Jean-Claude, « L’application de l’article 6 § 1 de la CEDH aux autorités de
régulation », L.P.A., 11 mai 2000.
898
GUYOMAR Mattias, « Le droit au juge indépendant et impartial en matière administrative. Le
principe vu par le Conseil d’État », in Variations autour d’un droit commun, DELMAS-MARTY
Mireille, DIJON Xavier, FAUVARQUE-COSSON Bénédicte, GREENSTEIN Rosalind,
HALPERIN Jean-Louis, IZORCHE Marie-Laure, JAMIN Christophe, PFERSMANN Otto,
Société de Législation Comparée, 2001, p. 73.
899
Voir sur ce point : Partie 1 (Introduction) et Partie 1, Chapitre 2, Section 1, I, B, 1.
900
CE, 28 octobre 2002, no 222188, M. Christian X, A.J.D.A., 2002, p. 1492, COSTA Delphine ;
R.D.P., 2002, p. 1607, note PRETOT Xavier.

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CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014

prévues par les dispositions précitées de l'article L. 310-18 du code des assurances,
la commission de contrôle des assurances doit être regardée comme un tribunal au
sens des stipulations de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des
droits de l'homme et des libertés fondamentales, auquel s'impose l'exigence
d'impartialité, laquelle s'apprécie objectivement ». La décision n’établit ainsi aucun
lien entre l’applicabilité immédiate du principe d’impartialité défini par l’article 6
C.E.D.H. et l’irréversibilité de l’atteinte portée au caractère équitable du procès. Les
conclusions de M. VALLÉE sont, en revanche, beaucoup plus riches
d’enseignements. Le rapporteur public précise à la formation de jugement qu’il s’agit
d’« une irrégularité dont vous savez qu’elle est au nombre de celles auxquelles il ne
peut être remédié devant le juge car l’inobservation de ce principe compromet
gravement le caractère équitable du procès. »

De la même manière, c’est à la lumière des conclusions rendues sur les arrêts
de Section « Crédit du Nord » 901 du 10 mai 2004 et « Parent » 902 du 27 octobre 2006,
que l’influence du principe consacré dans la jurisprudence « Imbrioscia c/ Suisse » se
manifeste.

Dans la première espèce, le Conseil d’État juge que « les autorités


administratives investies par la loi d'un pouvoir de sanction et qui doivent, eu égard
à leur nature, leur composition et leurs attributions être regardées comme des
tribunaux au sens de l'article 6 § 1 de la convention européenne de sauvegarde des
droits de l'homme et des libertés fondamentales et comme décidant du bien-fondé
d'accusations en matière pénale au sens du même article, doivent offrir toutes les
garanties d'impartialité que prévoient ces stipulations ». Dans ses conclusions,
M. GUYOMAR, procédant à une synthèse de la jurisprudence administrative sur
l’article 6 C.E.D.H. et les autorités administratives indépendantes répressives, indique
qu’eu égard à l’existence d’un recours de plein contentieux devant la haute juridiction
administrative, cette dernière ne vérifie « au stade de procédures administratives se
déroulant devant un « tribunal au sens de », le respect de règles qui gouvernent le

901
CE, Sect., 10 mai 2004, n o 241587, Crédit du Nord, Tables, p. 692 ; D.F., n o 28, 10 juillet 2008,
comm. 411, note PIERRE.
902
CE, Sect., 27 octobre 2006, n o 276069, M. Parent et autres, précité.

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CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014

déroulement de procédures contentieuses que si la méconnaissance de ces règles est


de nature à vicier la procédure dès l’origine et de manière irrémédiable.». Cette
formulation témoigne parfaitement de l’adoption par la haute juridiction
administrative d’une lecture combinée des jurisprudences « Le Compte, Van Leuven
et De Meyere » et « Imbrioscia c/ Suisse ».

Dans la seconde espèce, après avoir rappelé le principe issu de décision


européenne du 23 juin 1981, le Conseil d’État juge que « Cependant - et alors même
que le conseil de discipline de la gestion financière et la commission des sanctions de
l'Autorité des marchés financiers ne sont pas des juridictions au regard du droit
interne -, l'application du principe des droits de la défense, rappelé par l'article 6,
§ 1, de la convention européenne (…) est requise pour garantir, dès l'origine de la
procédure, son caractère équitable par le respect de la conduite contradictoire des
débats. Dès lors, la méconnaissance de cette exigence peut, eu égard à la nature, à la
composition et aux attributions des organismes en cause, être utilement invoquée à
l'appui d'un recours formé, devant le Conseil d'État, à l'encontre d'une de leurs
décisions ». Mais là encore, si la notion de vice irrémédiable n’apparaît pas dans la
rédaction retenue par la formation de jugement, il y est fait expressément référence
dans les conclusions de M. GUYOMAR. Appréciant l’application immédiate des
exigences du paragraphe 3 de l’article 6 C.E.D.H., le rapporteur public énonce que
« le tri doit […] s’effectuer au regard du même critère que celui retenu s’agissant des
règles posées au paragraphe 1 : doit être en cause une exigence dont «
l’inobservation initiale risque de compromettre gravement le caractère équitable du
procès ».

Dans ses conclusions sur l’arrêt « Compagnie Corse Air International S.A. » 903
du 31 janvier 2007, Mme DE SILVA rappelle cette logique. S’adressant à la
formation de jugement, elle lui fait observer : « vous vous reconnaissez un pouvoir de
modulation ou de tri au sein des principes et garanties de l’article 6 § 1. Ainsi, vous
n’appliquez pas de façon mécanique l’intégralité des règles et garanties de
l’article 6 ; vous opérez à cet égard un tri sélectif en fonction de la nature de la

903
CE, 31 janvier 2007, no 290567, Compagnie Corse Air International S.A., D.A., mars 2007,
no 52 ; R.F.D.A., 2007, p 757, concl. DA SILVA Isabelle.

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CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014

décision prise. Seuls peuvent être utilement invoqués dans ce cadre certains vices ou
violations des principes de l’article 6 § 1, dans la mesure où la méconnaissance
desdites garanties compromettrait de façon irrémédiable le caractère équitable de la
procédure. »

C’est avec la décision « Société Norelec » 904 du 26 mai 2008, rendue dans le
domaine des sanctions fiscales, que la réception du principe issu de la jurisprudence
« Imbrioscia c/ Suisse » par le juge administratif se manifeste avec éclat. Il y est jugé
que « la mise en œuvre de cette procédure pourrait, dans certains cas, emporter des
conséquences de nature à porter atteinte de manière irréversible au caractère
équitable d'une procédure ultérieurement engagée devant le juge de l'impôt ».

Nous retiendrons de ces développements que la lecture de la décision


« Imbrioscia c/ Suisse » opérée par les juges français aboutit à une « hiérarchisation
nationale des règles du procès équitable » 905 sans équivalent dans la jurisprudence
européenne.

B. Une solution reposant sur une interprétation excessive de l’arrêt


« Imbrioscia c/ Suisse »

Si la majorité des auteurs reconnaît que « Les juridictions françaises donnent


une interprétation de l'application de l'article 6 de la Convention à des organes non
juridictionnels plus contraignante que celle de la Cour de Strasbourg » 906 (1), aucun
d’entre eux ne s’est interrogé sur les raisons justifiant cette « surenchère » 907
nationale (2).

904
CE, 26 mai 2008, n o 288583, Société Norelec, précité.
905
GONZALEZ Gérard, « Le moment du procès équitable », in L’extension des garanties du procès
équitable hors les juridictions ordinaires : les contraintes européennes, Institut de droit
européen des droits de l’homme, Avril 2002, SUDRE Frédéric (dir.), p. 204.
906
SAUVE Jean-Marc, « Les sanctions administratives en droit public français. État des lieux,
problèmes et perspectives », A.J.D.A., 2001, p. 16.
907
GONZALES Gérard, « Le moment du procès équitable », in L’extension des garanties du procès
équitable hors les juridictions ordinaires : les contraintes européennes, Institut de droit
européen des droits de l’homme, Avril 2002, SUDRE Frédéric (dir.), p. 199.

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CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014

1. Une solution ayant fait couler beaucoup d’encre

« Position jusqu’au-boutiste », « interprétation maximaliste de la


908
jurisprudence de la Cour européenne » , « conversion parfois zélée aux canons du
procès équitable européen » 909, « ralliement de la Cour de cassation aux
interprétations les plus exigeantes de la Cour européenne des droits de l'homme » 910,
« souhait de se démarquer de l’horloge strasbourgeoise, non pas en l’ignorant mais
en la devançant » 911, « politique jurisprudentielle qualifiable d’ « ultramontaine » 912
« lecture maximaliste » 913 de l’article 6 C.E.D.H.

Tels sont les quelques qualificatifs employés par les auteurs pour décrire la
jurisprudence judiciaire relative à l’application mécanique des principes
d’impartialité, de la contradiction et des droits de la défense aux autorités
administratives indépendantes statuant en matière « pénale ».

Les mêmes causes produisant les mêmes effets, l’arrêt « Jean-Louis Didier » et
ses prolongements jurisprudentiels ont inéluctablement suscité les mêmes
914
observations .

908
THOMASSET-PIERRE Sylvie, L’autorité de régulation boursière face aux garanties
processuelles fondamentales, L.G.D.J., 2001, n o 280, p. 151.
909
GONZALES Gérard, « Le moment du procès équitable », in L’extension des garanties du procès
équitable hors les juridictions ordinaires : les contraintes européennes, Institut de droit
européen des droits de l’homme, Avril 2002, SUDRE Frédéric (dir.), p. 200.
910
BRISSON Jean-François, « Les pouvoirs de sanction des autorités de régulation et l’article 6 § 1
de la Convention européenne des droits de l’homme », A.J.D.A., 1999, p. 847.
911
GONZALES Gérard, « Le moment du procès équitable », in L’extension des garanties du procès
équitable hors les juridictions ordinaires : les contraintes européennes, Institut de droit
européen des droits de l’homme, Avril 2002, SUDRE Frédéric (dir.), p. 199.
912
FLAUSS Jean-François, « Dualité des ordres de juridiction et Convention européenne des droits
de l’homme », in Gouverner, Administrer, Juger. Liber Amicorum Jean Waline, Dalloz, 2002,
p. 540.
913
ZAVOLI Philippe, « L’emprise de la convention européenne des droits de l’homme sur les
autorités de régulation ou le jeu des apparences », J.C.P., Cahier de droit de l’entreprise, n o 2,
2004, p. 6 et plus précisément p. 8.
914
SERMET Laurent, « Le droit au procès équitable », R.F.D.A., septembre-octobre 2000, p. 1064 ;
FERRARI-BREEUR Christine, « La contradiction et le pouvoir de sanction de
l’Administration », R.F.D.A., janvier- février 2001, p. 33.

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CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014

On l’aura compris : les commentaires universitaires s’accordent pour dénoncer


une « surenchère de la Cour de cassation et du Conseil d’État » 915.

Deux auteurs 916 se détachent toutefois de ce courant doctrinal majoritaire.


MM. ETOA et MOULIN estiment que les juridictions nationales ne sont pas allées
au-delà des exigences européennes. Pour eux, les hauts magistrats français, en
imposant le respect de certaines des prescriptions de l’article 6 C.E.D.H. aux autorités
administratives indépendantes répressives, n’ont fait que mettre en œuvre la réserve
contenue dans l’arrêt « Imbrioscia c/ Suisse ».

Selon nous, cette analyse est, en partie, inexacte.

Nous concédons bien volontiers que si la Cour de cassation et le Conseil


d’État ont exigé l’observation des principes d’impartialité, des droits de la défense,
du principe de la contradiction et de la présomption d’innocence, c’est en application
du principe issu de la jurisprudence « Imbrioscia c/ Suisse », rappelé ci-dessus. Nous
venons de le démontrer : la lecture des arrêts étayés par les conclusions des avocats
généraux et rapporteurs publics établit clairement que l’observation mécanique de ces
prescriptions a été imposée parce que les juridictions françaises ont estimé que leur
méconnaissance au stade administratif était de nature à affecter de manière indélébile
l’ensemble de la procédure.

Pour autant, en déduire que « les juridictions nationales ne sont pas allées au-
delà des exigences européennes » nous paraît procéder d’une appréciation tronquée
de la jurisprudence strasbourgeoise. Une lecture comparée des jurisprudences
nationale et européenne démontre clairement que les hauts magistrats français ont
conféré au principe consacré par l’arrêt « Imbrioscia c/ Suisse » une portée beaucoup
plus contraignante que celle résultant de la lecture strasbourgeoise.

915
GONZALES Gérard, « Le moment du procès équitable », in L’extension des garanties du procès
équitable hors les juridictions ordinaires : les contraintes européennes, Institut de droit
européen des droits de l’homme, Avril 2002, SUDRE Frédéric (dir.), p. 199.
916
ETOA Samuel et MOULIN Jean-Marc, « L’application de la notion conventionnelle de procès
équitable aux autorités administratives indépendantes en droit économique et financier »,
C.R.D.F., no 1, 2002, p. 57.

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CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014

MM. ETOA et MOULIN semblent ainsi ignorer que dans la jurisprudence


européenne, le principe consacré par la décision « Imbrioscia c/ Suisse » fait l’objet
d’une application limitée et nuancée. Rappelons 917, à cet égard, que jusqu’à présent,
la décision du 24 novembre 1993 a rencontré et rencontre un vif écho essentiellement
dans les affaires mettant en cause les procédures préalables à la saisine du juge pénal.
En dehors de ces dernières, elle n’a pas bouleversé la ligne jurisprudentielle résultant
de l’arrêt « Le Compte, Van Leuven, et De Meyere » 918. En outre, l’arrêt « Imbrioscia
c/ Suisse » n’a jamais abouti à une systématisation des garanties de l’article 6
C.E.D.H. dont l’application aux organes répressifs situés en dehors des juridictions
ordinaires devrait être immédiate 919. Bien au contraire, la Cour de Strasbourg
s’attache toujours au contexte juridique et factuel de chaque affaire, d’une manière si
détaillée, d’ailleurs, que l’établissement d’une ligne jurisprudentielle cohérente en
souffre souvent.

Par ailleurs, les juges européens n’ont jamais imposé, y compris après avoir
rendu leur arrêt « Imbrioscia c/ Suisse », le respect du principe d’impartialité aux
autorités administratives statuant en matière pénale au sens de la Convention, ni
même l’observation des droits de la défense, bien au contraire. Ainsi, dans sa décision
« Helle c/ Finlande » 920 du 19 décembre 1997, la Cour de Strasbourg a clairement
affirmé que « d'après sa jurisprudence constante, une violation de l'article 6 § 1 de la
Convention ne peut être fondée sur le manque allégué d'indépendance ou
d'impartialité d'un organe juridictionnel, ni sur le manquement par cet organe à une
garantie procédurale essentielle si la décision rendue était soumise au contrôle
subséquent d'un organe judiciaire doté de la plénitude de juridiction et offrant les
garanties de l'article 6 ». La Cour a rappelé ce principe dans une décision récente,

917
Voir en ce sens : Partie 2, Chapitre 1, Section 2.
918
Voir en ce sens, Partie 2, Chapitre 2, Section 2, I, A.
919
Voir en ce sens : Partie 2, Chapitre 1, Section 2.
920
CEDH, 22 novembre 1995, n o 19178/91, Bryan c/ Royaume-Uni, Série A, no 335-A, p. 15 ;
CEDH, 20 novembre 1995, n o 19589/92, British-American Tobacco Company Ltd c/ Pays-Bas,
§ 78 ; CEDH, 26 août 1997, n o 22839/93, De Haan c/ Pays-Bas, § 52, R.G.D.P. 1998, p. 219 et
spéc. p. 234, obs. FLAUSS Jean-François ; J.C.P., 1998, I, n o 107, n o 26, obs. SUDRE Frédéric ;
GUINCHARD Serge, in Mégacode de procédure civile, 1999, comm. sous art. 366, n o 012 ;
VINCENT Jean et GUINCHARD Serge, Procédure civile, Dalloz, 1999, no 1339 ; CEDH,
19 décembre 1997, n o 20772/92, Helle c/ Finlande, § 46, Recueil, 1997, VIII.

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CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014

« A. Menarini Diagnostics S.R.L. c/ Italie » 921, où était précisément en cause la


procédure de sanction menée par une autorité administrative indépendante. On peut y
lire que « le respect de l’article 6 de la Convention n’exclut pas que, dans une
procédure de nature administrative, une « peine » soit infligée d’abord par une
autorité administrative. Il suppose cependant que la décision d’une autorité
administrative ne remplissant pas elle-même les conditions de l’article 6 § 1 subisse
le contrôle ultérieur d’un organe judiciaire de pleine juridiction ». En l’espèce, la
Cour s’est donc bornée à vérifier le respect des « exigences d’indépendance et
d’impartialité », non par l’autorité administrative indépendante ayant prononcé la
sanction contestée, mais par les organes juridictionnels devant lesquels la sanction
litigieuse a été contestée.

Ces solutions n’ont au demeurant rien d’étonnant puisque c’est précisément


compte-tenu de l’incompatibilité patente entre la garantie d’impartialité et
l’administration répressive, que les organes de la Convention ont décidé, dans leur
jurisprudence « Le Compte, Van Leuven et De Meyere », de faire preuve de souplesse
en adoptant une approche globale du respect du procès équitable par une procédure
donnée.

Aussi, sommes-nous particulièrement perplexe à la lecture des conclusions de


M. Vincent DAUMAS sur l’arrêt « Société Canal Plus » du 21 décembre 2012 922. Le
rapporteur public affirme qu’aux termes de la jurisprudence strasbourgeoise, « en
matière pénale, seules certaines des exigences posées par ses stipulations [article 6
de la Convention] doivent s’appliquer à toutes les procédures entrant dans son
champ d’application. C’est le cas du principe d’impartialité (Cour EDH 26 août
1997, De Haan c/ Pays-Bas, no 84/1996/673/895, § 52-54 ; Cour EDH 7 novembre
2000, Kingsley c/ Royaume-Uni, no 35605/97, § 58) ou du respect des droits de la
défense (Cour EDH 22 mars 2005, M. S. v/ Finland, no 46601/99, § 35-36). »

921
CEDH, 23 octobre 1995, Schmautzer, Umlauft, Gradinger, Pramstaller, Palaoro et Pfarrmeier
c/ Autriche, respectivement § 34, § 37, § 42 et § 39, § 41 et § 38, J.C.P., éd. gén., 1996, I, 3910,
obs. SUDRE Frédéric ; CEDH 27 septembre 2011, n o 43509/08, A. Menarini Diagnostics S.R.L.
c/ Italie.
922
CE, 21 décembre 2012, n o 362347, Société Canal Plus, précité.

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CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014

Les références jurisprudentielles citées par le rapporteur public ne permettent


en aucun cas de conclure qu’aux termes de la jurisprudence européenne, les principes
d’impartialité et des droits de la défense auraient vocation à s’appliquer dès le
maillon administratif de la chaîne procédurale répressive. Si la Cour de Strasbourg
conclut, dans ses arrêts « De Haan c/ Pays-Bas » 923, « Kingsley c/ Royaume-Uni » 924
et « M. S. v/ Finland » 925, à une violation de l’article 6 § 1 de la Convention, c’est
parce que la condition posée par la jurisprudence « Le Compte, Van Leuven et De
Meyere » pour pouvoir reporter le respect du principe d’impartialité et des droits de
la défense au stade juridictionnel de la procédure, à savoir l’exercice d’un contrôle
ultérieur de pleine juridiction par un organe judiciaire offrant les garanties de
l’article 6 C.E.D.H., n’était pas, en l’espèce, remplie.

Au regard de ce qui précède, nous ne pouvons que nous rallier à la thèse selon
laquelle les hauts magistrats français ont adopté une interprétation plus contraignante
de l’arrêt « Imbrioscia c/ Suisse » que celle prévalant dans la jurisprudence
européenne. Reste à déterminer les raisons justifiant cette position ?

2. Une solution n’ayant jamais été justifiée

Il est vrai que rien n’empêche la Cour de cassation et le Conseil d’État, en tant
que juges de droit commun de la Convention, d’adopter une lecture plus constructive
que celle proposée par la Cour de Strasbourg. C’est ce que M. RENUCCI a
parfaitement souligné en indiquant, à propos de l’article 53 de la Convention 926, que
« les droits garanties par la Convention sont un standard minimum de sorte que si un

923
CEDH, 26 août 1997, n o 84/1996/673/895, De Haan c/ Pays-Bas, § 52 à § 54, précité.
924
CEDH, 7 novembre 2000, no 35605/97, Kingsley c/ Royaume-Uni, § 58.
925
CEDH, 22 mars 2005, n o 46601/99, M. S. c/ Finland, § 35 et § 36.
926
« Aucune des dispositions de la présente Convention ne sera interprétée comme limitant ou
portant atteinte aux droits de l’homme et aux libertés fondamentales qui pourraient être
reconnus conformément aux lois de toute Partie contractante ou à toute autre Convention à
laquelle cette Partie contractante est partie. »

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CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014

État ne peut les transgresser, rien ne peut l’empêcher d’aller encore plus loin pour
assurer une meilleure protection des droits de l’homme.» 927

Mais cette démarche volontariste est tout de même bien surprenante venant du
juge administratif, lequel s’est toujours montré réfractaire à l’application du droit au
procès équitable à l’administration 928. Pourtant, aucune réflexion doctrinale n’a été
menée sur les raisons ayant conduit le Conseil d’État a dépassé les exigences
résultant de la jurisprudence strasbourgeoise.

Ne serait-ce pas là une illustration d’un changement d’état d’esprit de la haute


juridiction administrative, laquelle se montrerait désormais plus réceptive aux canons
du droit européen ?

Nous n’en sommes pas persuadés, même s’il est exact qu’un véritable dialogue
des juges s’est amorcé depuis plusieurs années 929.

Une lecture attentive de la jurisprudence administrative interdit, en effet, toute


interprétation abusive quant à la signification qu’il convient de conférer à cette
application mécanique de certaines garanties définies à l’article 6 C.E.D.H. par le
Conseil d’État. La terminologie des arrêts, étayée par les conclusions des rapporteurs
publics révèlent, en effet, que la haute juridiction administrative requiert le seul
respect des règles du procès équitable déjà consacrées par les principes de droit
interne. Et c’est la raison pour laquelle, selon nous, le Conseil d’État n’a pas hésité à
devancer son homologue européen, cette solution ne remettant pas en cause les
traditions les mieux établies devant les autorités administratives par sa jurisprudence
antérieure.

927
RENUCCI Jean-François, Droit européen des droits de l’homme, L.G.D.J., 1999, § 239.
928
Voir en ce sens : Partie 1, Chapitre 2, Section 1.
929
Voir en ce sens, SAUVE Jean-Marc, « Le Conseil d’État et la Convention européenne de
sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales », Intervention dans le cadre du
colloque organisé par l’Université Paris 3 Sorbonne nouvelle sur Les 60 ans de la Convention
européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, Sénat, 9 avril
2010.

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CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014

SECTION 2

Une solution ne bouleversant pas les lignes résultant de la


jurisprudence administrative antérieure

Contrairement à ce qui a souvent pu être soutenu 930, la jurisprudence « Jean-


Louis Didier » n’est guère audacieuse. Et pour cause, ainsi que l’a relevé
M. GUYOMAR dans le cadre de ses conclusions formulées sur l’arrêt « M. Parent et
autres » 931, les garanties dont le juge administratif exige, « au titre de l’article 6 § 1
de la convention européenne, le respect dès la phase administrative –l’impartialité et
les droits de la défense- ne constituent que l’écho de principes de droit interne » (I).

Il est, en effet, marquant de constater que ces principes peuvent se prévaloir


d'une longue tradition dans notre droit administratif, indépendamment de toute
intervention de la Cour de Strasbourg et de toute référence ou prise en considération
de la Convention.

Ils sont d’ailleurs loin d’être méconnus de la procédure administrative


répressive. En cette matière, le Conseil constitutionnel les a érigés en principes à
valeur constitutionnelle. La Cour de cassation les qualifie de garanties fondamentales
de la procédure 932. Quant à la haute juridiction administrative, elle les range parmi la
catégorie des principes généraux du droit. D’ailleurs, cette dernière ne manque pas de
souligner très nettement l’antériorité du droit interne sur l’instrument conventionnel
en signalant qu’il s’agit de principes « rappelés » par les stipulations de l’article 6
C.E.D.H.

Inversement, les prescriptions du procès équitable que le juge administratif


refuse d’appliquer ab initio sont celles dont le respect durant la phase administrative

930
FERRARI-BREEUR Christine, « La contradiction et le pouvoir de sanction de
l’Administration », R.F.D.A., janvier- février 2001, p. 33.
931
Concl. Mattias GUYOMAR sur CE, Sect., 27 octobre 2006, no 276069, M. Parent et autres,
précité.
932
Cass., Com., 13 juillet 2004, n os 03-11280, 03-11430, 03-11431, 03-11433, 03-11492, 03-11512,
03-11513, 03-11516, 03-11517, 03-11618, Bulletin, 2004, IV, n o 163, p. 175.

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CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014

de la procédure répressive n’a jamais été imposé par le droit interne en tant qu’elles
sont spécifiques à la procédure juridictionnelle (II).

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CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014

I. L’application ab initio des seules garanties du procès équitable déjà


consacrées en droit interne

Si la jurisprudence « Didier » a eu des effets limités, elle a également eu des


effets inattendus. Elle a participé à la réaffirmation des principes généraux des droits
de la défense et d’impartialité (A) et a ainsi assuré une mise à niveau salutaire des
garanties offertes par le droit interne sur celles résultant de l’instrument
conventionnel (B).

A. Une solution ayant contribué à réaffirmer et compléter les principes


généraux des droits de la défense et d’impartialité

Lorsqu’il évoque le principe d’impartialité « résultant des principes généraux du


droit et de l’article 6 paragraphe 1er de la Convention »933 et lorsqu’il mentionne le
principe des droits de la défense « rappelé par l’article 6§1 de la Convention européenne
et précisé par le [paragraphe] 3 de l’article 6 »934, le Conseil d’État signale indirectement
l’équivalence de protection offerte par le droit interne et l’instrument conventionnel.

Or, s’il est vrai que les principes généraux des droits de la défense et
d'impartialité ont, depuis fort longtemps, un champ d’application bien plus vaste que
celui résultant de l’applicabilité de l’article 6 C.E.D.H. (1), il faut reconnaître que la
jurisprudence administrative s’en est durablement tenue à une conception somme
toute réductrice de l’obligation d’impartialité. À cet égard, on peut considérer que la
Convention a été un ferment déterminant d’approfondissement des droits et des
garanties déjà reconnus en droit interne (2).

1. Le champ d’application des principes généraux des droits de la


défense et d’impartialité

Dans le cadre de la procédure non juridictionnelle, les droits de la défense ont


été dégagés pour la première fois, il y a soixante-douze ans, par une décision de

933
CE, 30 mai 2007, Sté Europe, finance et industrie et M. Thannberger, Rec., T. p. 695.
934
CE, Sect., 27 octobre 2006, Parent et autres, précité. Sur ces points, voir également SUDRE
Frédéric, « Du dialogue des juges à l’euro-compatibilité », in Le dialogue des juges. Mélanges en
l’honneur du président B. Genevois, Dalloz 2008, p. 1015 à 1032.

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CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014

section du 17 juin 1930, « Rebeyrolles » 935. Mais leur véritable consécration au rang
de principe général du droit date du célèbre arrêt « Dame Veuve Trompier-
Gravier » 936 rendu le 5 mai 1944 et relatif au retrait d’une autorisation de vente de
journaux dans un kiosque motivé par la faute de l’intéressée.

Aux termes de cette décision, l’application des droits de la défense est


subordonnée à la réunion de deux éléments : le caractère de l’acte et la nature de ses
effets. La mesure litigieuse doit présenter, d’une part, le caractère d’une sanction, qui
doit, d’autre part, se révéler suffisamment grave.

Le premier critère a permis au Conseil d’État d’écarter du champ d’application


des droits de la défense les mesures administratives individuelles de police dans la
mesure où celles-ci sont prises en vue, non pas de sanctionner une personne, mais de
prévenir des troubles à l’ordre public. Tel est le cas d’un arrêté d’interdiction de
séjour 937, d’une mesure d’expulsion d’un étranger 938, de la décision procédant à la
fermeture d’un débit de boissons édictée afin de préserver l’ordre, la santé et la
moralité publics 939, du retrait du visa des spécialités pharmaceutiques décidé dans
l’intérêt de la sauvegarde de la santé publique 940, de l’exclusion d’un individu d’un
champ de courses 941. Le juge administratif considère, en effet, que de telles décisions
revêtent par nature, quelles que soient les circonstances de l’espèce, le caractère de
mesure de police. Pour d’autres mesures, l’identification se révèle plus délicate et
varie selon les circonstances de l’espèce. On pense, par exemple, aux mesures par
lesquelles l’administration exerce un contrôle sur l’activité professionnelle des

935
CE, Sect., 17 juin 1930, Rebeyrolles, Rec., p. 76.
936
CE, Sect., 5 mai 1944, Dame Veuve Trompier-Gravier, Rec., p. 133.
937
CE, Ass., 16 décembre 1955, Dame Bourokba, Rec., p. 590.
938
CE, 23 novembre 1956, Fock-Piou, Rec., Tables, p. 717.
939
CE, 11 décembre 1946, Dames Hubert et Crépelle, Rec., p. 300.
940
CE, Sect. 25 avril 1958, Société « Laboratoires Geigy », Rec., p. 236.
941
CE, 3 décembre 1947, Canderatz, Rec., p. 456.

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CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014

particuliers en retirant une autorisation ou un agrément. Celles-ci sont analysées


tantôt comme des sanctions 942, tantôt comme des mesures de police 943.

La seconde référence est à l’origine de la distinction entre, d’une part, les


mesures de retrait d’un avantage ou d’une qualité et, d’autre part, les mesures de
refus. Le président LABETOULLE, dans ses conclusions sur l’arrêt « Bouché » 944 du
7 avril 1975, faisait ainsi observer à propos d’une mesure de refus qu’« il est peu
vraisemblable qu’il s’agisse d’une sanction, car auparavant l’intéressé n’était pas en
contact avec l’administration dont, sauf, cas particulier, on voit mal ce qu’elle
pourrait lui reprocher a priori. Surtout, un refus n’est pas la privation de quelque
chose dont on disposait auparavant et est donc une mesure infiniment moins grave
qu’un retrait ». C’est pourquoi, le moyen tiré de la méconnaissance des droits de la
défense est en principe toujours jugé inopérant à l’encontre de telles mesures 945.

Tout en restant fidèle à cette grille d’analyse, la jurisprudence ultérieure a


élargi la portée des droits de la défense. Pour ce faire, elle a préféré à la notion de
« sanction » celle de « décisions administratives défavorables prises en considération
de la personne », lesquelles ne doivent désormais manifester qu’un certain degré de
gravité 946.

942
CE, Sect., 5 mai 1944, Dame Veuve Trompier-Gravier, précité : retrait de l’autorisation
d’occupation temporaire du domaine public justifié par la faute commise par l’occupant ; CE,
Sect., 8 janvier 1960, Ministre de l’Intérieur c/ Rohmer et Faist, Rec., p. 12 et CE, Ass., 13 juillet
1967, Allegretto, Rec., p. 315 : décisions interdisant l’exercice d’une profession motivée par le
comportement de l’intéressé ; CE, 16 juin 1978, Ville de Villeurbanne c/ Dame Pignal, Rec.,
Tables, p. 687 : retrait de l’autorisation d’exploiter un taxi motivé par l’insuffisance de garanties
de moralité de l’intéressé.
943
CE., Sect., 12 juin 1959, Ministre de la Santé publique c/ Prat Flottes, Rec., p. 361 : arrêté
ordonnant la fermeture d’un établissement antituberculeux dans l’intérêt de la sauvegarde de la
santé publique ; CE, 6 juin 1976, Dame Vatin, Rec., T., p. 733 : arrêté prescrivant la fermeture
d’une maison de retraire dans l’intérêt de la sécurité publique.
944
Concl. Daniel LABETOULLE sur CE, Sect., 7 avril 1975, n o 86202, Bouché.
945
CE, 3 mai 1950, Caudriller, Rec., p. 245: refus d’habiliter un organisme à stocker des denrées
alimentaires ; CE, 19 novembre 1958, Obadia, Rec., p. 566 : refus d’agréer un contrat conclu
entre un médecin et une institution de médecine sociale ; CE, 15 juillet 1957, Société mutuelle
immobilière et Roqueplo, Rec., p. 484 : refus d’agréer un organisme de crédit immobilier.
946
CE, 9 décembre 1974, Matheray dit Philippe Clay, Rec., T., p. 830 : décision évinçant un artiste
des programmes de la radiodiffusion télévision française pour une période de 7 mois ; CE,
16 avril 1975, Secrétaire d’État à la culture c/ Association dite « la comédie de Borges », Rec.,
p. 234 : décision retirant à une association le titre de centre dramatique national bien que ce titre
n’avait pas d’existence consacrée par un texte législatif ou réglementaire ; CE, 24 juillet 1987,

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CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014

Le recours à la notion de mesures prises en considération de la personne a


permis au Conseil d’État de tempérer l’opposition indiquée ci-dessus entre les
mesures de retrait, qui peuvent emporter l’application des droits de la défense, et les
mesures de refus, qui ne sont pas soumises en principe à cette exigence 947. Ces
dernières, lorsqu’elles reposent sur une appréciation subjective de la situation
personnelle de l’intéressé par l’administration 948, doivent se conformer au respect des
droits de la défense. Au contraire, lorsque le refus ou le retrait est justifié par un pur
motif de légalité, cette garantie ne trouve pas à s’appliquer 949.

Au final, une mesure individuelle présentant un certain degré de gravité et


prise essentiellement en considération de la personne qui en est l’objet, doit
préalablement à son adoption se conformer au principe des droits de la défense, sauf
si cette mesure constitue par nature une mesure de police 950.

n o 53676, M. VAULOT-PFISTER et Syndicat de la magistrature : décision infligeant un


avertissement à un magistrat et intervenue « pour des motifs touchant à la personne de ce
dernier ».
947
CE, Sect., 16 mars 1979, Ministre du travail c/ Stephan, Rec., p. 120.
948
CE, 24 février 1975, Dulieu, Rec., p. 152 : refus de renouveler le contrat d’un agent pour des
motifs disciplinaires ; CE, 12 juillet 1978, Boucher, Rec., p. 306 : refus de renouveler l’agrément
d’un garde particulier à raison de faits relevés contre lui.
949
CE, Sect., 20 février 1953, Dame Cozic- Savoure, Rec., p. 86 : retrait pour illégalité d’un arrêté
accordant une licence pour la création d’une officine pharmaceutique sans qu’aucun fait
personnel soit relevé à l’encontre de l’intéressé.
950
Mais, même dans cette dernière hypothèse, les effets de l’inapplication du principe général des
droits de la défense ont été considérablement tempérés par l’intervention de la loi du 12 avril
2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations 950. Selon son
article 24, dans sa rédaction en vigueur, « Exception faite des cas où il est statué sur une
demande, les décisions individuelles qui doivent être motivées en application des articles 1er et 2
de la loi n o 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à
l'amélioration des relations entre l'administration et le public n'interviennent qu'après que la
personne intéressée a été mise à même de présenter des observations écrites et, le cas échéant,
sur sa demande, des observations orales. Cette personne peut se faire assister par un conseil ou
représenter par un mandataire de son choix. L'autorité administrative n'est pas tenue de
satisfaire les demandes d'audition abusives, notamment par leur nombre, leur caractère répétitif
ou systématique. » Or, parmi les décisions soumises à l’obligation de motivation en vertu de la
loi de 1979, figurent les mesures de police. Le texte législatif, applicable à l'ensemble des
autorités administratives, réserve toutefois les cas d’urgence, de circonstances exceptionnelles,
de nécessités tenant à l’ordre public ou à la conduite des relations internationales, ainsi que des
décisions pour lesquelles des dispositions législatives ont instauré une procédure contradictoire
particulière. En ce sens, il ne fait que reprendre les dispositions abrogées de l’article 8 du décret
du 28 novembre 1983, qui exigeait déjà le respect des droits de la défense préalablement à
l’édiction d’une mesure de police par les autorités de l'État et de ses établissements publics.

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CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014

Quant à l’obligation d’impartialité, elle est également loin d’être étrangère à


l’action administrative. Le Conseil d’État veille à son respect depuis fort longtemps
tantôt sans employer expressément l’expression 951, tantôt en la formulant
952
distinctement .

Au début du vingtième siècle, le Conseil d'État consacre son application aux


jurys et conseils de discipline de la fonction publique essentiellement en l’associant à
la déontologie 953. Ainsi, dans un arrêt du 26 décembre 1925, « Rodière », le
commissaire du gouvernement CAHEN-SALVADOR 954 souligne : « sans doute, n’y
a-t-il pas de texte précis et formel qui oblige expressément les intéressés à s’abstenir
de participer aux séances dans lesquelles on statue sur leur cas ; sans doute aussi,
nous ne sommes pas ici en matière judiciaire. Mais il est des principes de moralité
qui s’imposent en dehors de tout texte écrit [...]. L’obligation pour les intéressés de
s’abstenir de figurer dans un conseil d’avancement qui statue sur leurs mérites est de
ceux-là. Il nous paraît impossible, sous peine de couvrir de graves abus, que vous
sanctionniez à l’égard des intéressés, la validité d’une délibération qu’a
nécessairement viciée la participation de ceux-là mêmes qui en sont l’objet ».

Au lendemain de la deuxième guerre mondiale, le juge administratif formule le


fondement véritable de cette garantie et son contenu. Comme a pu le souligner le
professeur DEGOFFE, « les heures sombres de l'épuration » fournissent au Conseil
d’État, « paradoxalement ou justement l'occasion de « découvrir » quelques principes
généraux du droit garants d'une bonne administration. » 955 Ainsi, l’arrêt
« Trèbes » 956 du 4 mars 1949 indique que les avis émis par une commission chargée
de présenter les mesures d’intégration des personnels du ministère des Armées dans

951
CE, 20 décembre 1872, Ville de Reims ; CE, Sect., 20 juin 1958, Louis, Rec., p. 368.
952
CE, 17 juin 1927, Vaulot, Rec., p. 683 ; CE Sect., 9 novembre 1966, Commune de Clohars-
Carnoët ; CE, 8 janvier 1992, n o 96654, Me Serondi-Babonaux.
953
CE 10 février 1922, Aldeguer et Branlière, Lebon, p. 127 ; CE, 4 mai 1928, Dobler, Lebon,
p. 558 ; CE, 30 janvier 1931, Vaulot, Lebon, p. 113 ; CE, 24 mai 1935, Lamoudi Lamine ; CE,
1 er mars 1940, Société des secteurs électriques de Provence, Lebon, p. 85.
954
Concl. CAHEN-SALVADOR Georges sur CE, 26 décembre 1925, no 88369, Rodière, R.D.P.,
1926, p. 35.
955
Michel DEGOFFE, « L’impartialité de la décision administrative », R.F.D.A., 1998, p. 711.
956
CE, 4 mars 1949, Trèbes, Rec., p. 105.

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CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014

le corps des administrateurs civils et dans laquelle figuraient des représentants des
fonctionnaires « qui par leur ancienneté légèrement supérieure ou inférieure » à
celles des requérants se trouvaient en concurrence directe dans leur carrière avec eux
« ne pouvaient présenter les caractère de liberté et d’impartialité ». Quelques mois
957
plus tard, le 29 avril 1949, la décision de section « Bourdeaux » affirme que les
principes généraux du droit interdisent à un agent de se prononcer au sein d'une
commission d’épuration sur des faits qu'il a lui-même dénoncés. En 1965, dans l’arrêt
« Fédération nationale des transporteurs routiers », le Conseil d’État souligne
« l’obligation d’impartialité qui incombe aux comités techniques départementaux des
transports, comme à tout organisme administratif ».

Depuis la décision du 28 juillet 1989 958 relative à la COB par laquelle le


Conseil constitutionnel a lui-même reconnu que tout organe administratif est soumis à
une obligation d'impartialité, la haute juridiction administrative a régulièrement
employé cette formulation dans le cadre de divers contentieux, au premier rang
desquels figurent celui des sanctions disciplinaires 959 et celui des délibérations de
jurys 960.

Le Conseil d’État est également souvent appelé à vérifier le respect de cette


garantie par les commissions statuant sur la notation des fonctionnaires ou leur
avancement 961. Selon un considérant de principe, « il découle également de cette
exigence qu'un membre d'une commission administrative paritaire ne doit pas
prendre part aux délibérations de cet organisme lorsque sa situation personnelle est

957
CE, Sect., 29 avril 1949, Bourdeaux, Rec., p. 488.
958
Décision n o 89-260 D.C., 28 juillet 1989, cons. 44, Rec., p. 71 ; R.F.D.A., 1989, p. 671,
obs. GENEVOIS Bruno ; TEITGEN-COLLY Catherine, « Sanctions administratives et autorités
administratives indépendantes », L.P.A., 17 janvier 1990, p. 33.
959
CE, 14 décembre 1988, n o 59743, Durand ; CE, 1 er mars 1991, n o 112820, Lecun ; CE, 14 juin
1991, n os 107365, 107859, 110270, 114646, Association Radio Solidarité ; CE, 30 novembre
1994, n o 136539, M. Bonnet ; CE, 27 octobre 1999, n o 196251, Fédération française de football ;
CE, 22 juin 2001, n o 193392, Société Athis ; CE, 13 décembre 2002, n o 241195, M. Fague ; CE,
3 décembre 1999, Caisse de Crédit mutuel Bain-Trèsboeuf.
960
CE, 7 juillet 2000, no 187002, M. Wentzinger ; CE, 25 mai 1998, n os 151121,151123, Tchen,
Rec., Tables, p. 975.
961
CE, 24 juillet 2009, n o 307335, UNSA-Fonctionnaires.

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CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014

directement en cause et notamment dans le cas où la commission est appelée à


émettre un avis sur sa notation » 962.

De la même manière, l’obligation d’impartialité est fréquemment invoquée en


matière d’inscription sur les listes de qualification à l’exercice de fonctions, telles
que celles de maître de conférences 963.

Les procédures d’enquête préalable à la déclaration d'utilité publique ont


également donné lieu à une jurisprudence abondante 964.

Bien évidemment, les décisions de refus 965 ou de retrait 966 d’une autorisation
doivent être rendues au terme d’une procédure respectueuse du principe
d’impartialité. Il a été jugé que la procédure de vérification de comptabilité en
matière fiscale doit également présenter toutes les garanties d’impartialité requises
pour être tenue pour régulière 967.

Il résulte de ce qui précède que le principe général d’impartialité s’impose à


l’ensemble des autorités administratives, qu’elles soient individuelles ou collégiales,
qu’elles disposent d’un pouvoir de décision ou simplement de consultation. De ce
point de vue, cette garantie couve un domaine d’intervention plus vaste que celui
résultant de l’article 6 de la C.E.D.H. tel qu’appliqué par le juge administratif.

962
CE, 1 er avril 1998, no 136091, Iguacel et Comets.
963
CE, 23 janvier 1998, n o 179579, Mlle Goyer ; CE, 4 février 2000, n o 181442, Mme Nehme ; CE,
6 juillet 2001, n o 219290, Giardina ; CE, 28 avril 2004, no 257385, M. Brangier.
964
CE, 26 février 1975, n o 92894, Sieur Banquels de Marque ; CE, 5 mai 1995, n o 155820,
M. Burruchaga ; CE, 23 octobre 1995, n os 154401, 154490, 154493, 154515, 154524, Association
Artus et autres ; CE, 23 mars 1998, n o 174770, Association Thomer environnement, association
pour la protection de l'environnement de la forêt du parc et Mme Oger ; CE, 20 septembre 1999,
n o 156968, Association Zone Z.A.C. ; CE, 2 juillet 2001, n o 221481, Fédération française de
Football ; CE, 6 juillet 2001, n o 209591, Société les tubes de Bobigny ; CE, 11 janvier 2008,
n o 292493, M. Lesage et M. et Mme De Bouard, A.J.D.A., 2008, p. 69, observations ROYER E. ;
Environnement, no 3, 2008, p. 41, note TROUILLY P. ; CE, 30 décembre 2010, n o 338273,
Société Métropole Télévision (M6).
965
CE, 11 février 2011, n os 319828, 326062, Société Aquatrium.
966
CE, 11 janvier 2008, n os 298497, 298498, Société Route Logistique Transports.
967
CE, 1 er décembre 2008, n o 292166, Ministre de l’économie, des finances et de l’industrie c/ SCI
Strasbourg, R.J.F., 2/09, no 142, p. 104.

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CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014

2. Le contenu des principes généraux des droits de la défense et


d’impartialité

L’influence de la jurisprudence strasbourgeoise et la volonté d’aligner les


implications du droit interne sur celles découlant de l’application de du texte
conventionnel ont conduit le Conseil d’État a donné un nouvel éclat au principe
général d’impartialité.

Jusqu’alors, en effet, « la jurisprudence du Conseil d’État ne témoignait pas


d’une rigueur excessive quant au contenu de l’obligation d’impartialité » 968, qu’elle
soit invoquée à l’encontre d’un organisme administratif ou juridictionnel. C’est ainsi
que le Conseil d’État avait jugé, à la fin des années 1980, que la présidence d’une
commission départementale d’expulsion 969 ou d’un conseil de discipline 970 par un
magistrat ayant eu à se prononcer, dans le cadre d’une instance pénale, sur les faits
reprochés à la personne poursuivie, « n’est par elle-même, contraire, à aucun
principe général du droit » 971. De même, admettait-il qu’un membre d’une formation
de jugement puisse siéger lors de l’examen d’un recours portant sur une décision ou
sur une question sur laquelle il avait été appelé auparavant à émettre un avis dans le
cadre des attributions administratives de la juridiction à laquelle il appartient 972.

Aujourd’hui, l’appréciation in concreto du respect de cette garantie


procédurale n’est plus aussi souple. Les décisions les plus récentes le démontrent
nettement.

Ainsi, dans son arrêt du 26 septembre 2008, la haute juridiction administrative


a estimé, contrairement à la position qui avait été la sienne vingt ans plus tôt, qu’un
membre de la commission administrative paritaire du corps des personnels infirmiers

968
AUTIN Jean-Louis et SUDRE Frédéric, « La dualité fonctionnelle du Conseil d’État en question
devant la Cour européenne des droits de l’homme. À propos de l’arrêt Procola c/ Luxembourg du
28 septembre 1995 », R.F.D.A., 1996, p. 777.
969
CE 21 novembre 1986, Benkhala c/ Min. Intérieur, Lebon, p. 353 ; Dr. Adm., 1987, n o 29.
970
CE, Sect., 27 avril 1988, Sophie, précité.
971
CE, Sect., 27 avril 1988, Sophie, précité.
972
CE, Sect., 24 janvier 1980, Gadiaga, Rec., p. 44, note ROUGEVIN-BAVILLE Michel ; A.J.D.A.,
1980, p. 283, chr. ROBINEAU Yves et FEFFER Marc-André ; D., 1980, p. 270, note PEISER
Gustave.

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CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014

siégeant en formation disciplinaire qui a proposé une sanction ne peut, sans


méconnaître le principe d’impartialité, siéger ultérieurement et sur la même affaire au
sein de l’organisme administratif devant lequel est exercé un recours contre la
sanction prononcée par ladite commission 973.

Cette rigueur accrue dont le Conseil d’État fait désormais preuve dans
l’appréciation de la portée du principe général d’impartialité ne se manifeste pas
seulement dans le cadre de l’exercice par une autorité administrative d’un pouvoir de
sanction. Elle s’étend à l’ensemble de l’action administrative où la méconnaissance
du principe général d’impartialité est soulevée.

À titre d’exemple, dans une décision du 12 février 2007, « Société Les


Laboratoires Jolly-Jatel et autres » 974, le Conseil d’État, appelé à statuer sur le cas de
la commission de transparence qui est chargée d’établir la liste des médicaments
remboursables aux assurés sociaux, a reconnu l’irrégularité d’un avis pris sur le
rapport d’un expert, alors même qu’il n’est pas membre de la commission, dans la
mesure où les liens qu’il entretient avec une entreprise intéressée par les résultats de
l’examen par la commission, « bien que déclarés par lui, [sont] suffisamment étroits
pour être, eu égard aux conditions et à l’objet de son étude, de nature à affecter
objectivement son impartialité ».

Durant la même année, la haute juridiction administrative a également censuré


la présence, lors de la séance d’un organisme qui était consulté pour un avis simple
sur la reconnaissance d’une association en qualité d’organisation professionnelle, de
plusieurs des membres de cette association 975.

Dans un arrêt du 22 février 2008, le Conseil d’État a annulé un permis de


construire au motif que le maire qui a donné son avis était intéressé au projet alors

973
CE, 26 septembre 2008, n o 306922, Assistance publique hôpitaux de Paris, Lebon 321 ; J.C.P.
Adm., 2008, p. 2282, concl. Catherine DE SALINS.
974
CE, 12 février 2007, n o 290164, Société Les Laboratoires Jolly-Jatel et autres, Lebon, Tables,
p. 1085 ; Voir également : CE, 11 février 2011, Société Aquatrium, précité.
975
CE, 28 décembre 2007, n o 282921, Syndicat des sylviculteurs du sud-ouest. Voir également : CE,
11 janvier 2008, n o 292493, Lesage, précité ; CE, 16 novembre 1998, Mme Bastard-Valentinis,
Rec., p. 414 ; CE, 10 décembre 1997, Société coopérative ouvrière de lamanage, Rec., Tables.,
p. 659 ; CE, 13 novembre 1989, Ministre de l’éducation nationale c/ Navarro, Rec., Tables,
p. 719.

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CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014

même que le permis avait été délivré par son successeur. La haute juridiction
administrative en a profité pour souligner que « le principe d’impartialité, qui
garantit aux administrés que toute autorité administrative, individuelle ou collégiale,
est tenue de traiter leurs affaires sans préjugés ni partis pris, doit être respecté
durant l’intégralité de la procédure d’instruction et de délivrance d’un permis de
construire, y compris, dès lors, dans la phase de consultation précédant la prise de
décision » 976.

Désormais, le principe d’impartialité, qu’il soit invoqué sur le fondement du droit


interne ou sur celui de l’article 6 § 1 C.E.D.H., recouvre dans la jurisprudence
administrative les mêmes exigences.

Quant au principe général des droits de la défense, l’apport de la Convention


européenne est ici minime. L’analyse jurisprudentielle montre que les implications du
principe général des droits de la défense couvrent depuis fort longtemps celles
opposables aux autorités administratives indépendantes répressives au titre de
l’article 6 § 3 C.E.D.H.

S’il a fallu attendre un arrêt du 30 janvier 2012 pour que le Conseil d’État
énonce, pour la première fois, dans une formulation de principe, que « le respect du
principe général des droits de la défense implique que la personne concernée, après
avoir été informée des griefs formulés à son encontre, soit mise à même de demander
la communication de son dossier et dispose de la faculté de pouvoir présenter
utilement ses observations avant que l'autorité disposant du pouvoir de sanction se
prononce » 977, cette triple exigence découlait déjà d’une jurisprudence ancienne.

Dès 1958, l’étude de la casuistique avait ainsi permis au président HEUMANN


de systématiser, dans ses conclusions sur l’arrêt de section, « Société laboratoires
Geigy » 978, le principe général des droits de la défense en se référant à l’avertissement

976
CE, 22 février 2008, n o 291372, « Association Air pur environnement d’Hermeville et ses
environs », B.J.D.U., 2008, p. 105, concl. AGUILA Yann.
977
CE, 30 janvier 2012, n o 349009, Ministre de l’intérieur, de l’outre-mer, des collectivités
territoriales et de l’immigration.
978
CE, Sect., 25 avril 1958, Société laboratoires Geigy, Lebon, p. 243.

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CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014

préalable, à la communication des griefs ou des motifs et à la présentation d’une


défense. À la même époque, le Conseil d’État avait, d’ailleurs, jugé que l’avis donné
par l’administration de la mesure qu’elle envisage de prendre doit être adressé dans
un délai raisonnable avant l’édiction de la mesure litigieuse, pour permettre à
l’intéressé de présenter utilement sa défense, c’est-à-dire ni trop tôt 979, ni trop tard 980.

En réalité, seule la possibilité d'avoir recours à l’assistance gratuite d'un


interprète prévue par l’article 6 § 3 C.E.D.H. n’a jamais fait l’objet d’une
consécration expresse ni au titre des principes généraux du droit, ni au titre d’une
disposition législative de portée générale.

Au regard de ce qui précède, on peut affirmer, sans risque d’être contredit,


qu’aujourd’hui, un requérant n’obtiendra pas nécessairement une protection plus
étendue en se plaçant sur le terrain de l’article 6 de la Convention, plutôt que sur
celui du seul droit interne, y compris lorsque est en cause la conventionalité d’une
disposition législative.

B. Une solution ayant abouti à minimiser les avantages découlant de


l’invocation de l’article 6 C.E.D.H.

Prenons le cas d’une sanction prononcée par une autorité administrative


indépendante répressive, conformément à la procédure définie par une loi, laquelle se
révèle être contraire au principe d’impartialité ou des droits de la défense. La
reconnaissance de ces garanties procédurales au niveau international autorise le
requérant à s’en prévaloir à l’encontre des dispositions contraires d’une loi antérieure
ou postérieure, là où celle-ci l’emporte sur les principes généraux du droit ou fait
écran sur les exigences constitutionnelles. Ainsi, l’intéressé pourra exciper de
l’inconventionnalité de la loi afin d’obtenir l’annulation de la sanction litigieuse.

979
CE, Sect., 8 novembre 1963, Ministre de l’agriculture c/ Coopérative d’insémination artificielle
de la Vienne, Rec., p. 532 ; D., 1964, p. 492, note MAESTRE ; A.J., 1964, p. 28, chr. FOURRE
et PUYBASSET.
980
CE, Sect., 20 janvier 1956, Nègre.

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CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014

Mais, l’intérêt de cette technique contentieuse est aujourd’hui


considérablement amoindri par l’introduction du mécanisme de la question prioritaire
de constitutionnalité en droit français par la révision constitutionnelle du 23 juillet
2008.

En application de l’article 61-1 de la Constitution, toute personne, à l'occasion


d'une instance en cours devant une juridiction, a la possibilité désormais de soutenir
qu’une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés
constitutionnellement garantis. Au terme d’une procédure définie par la loi organique
du 10 décembre 2009 981, le Conseil constitutionnel peut être saisi de cette question
sur renvoi du Conseil d'État ou de la Cour de cassation qui se prononce dans un délai
déterminé. Cette question de constitutionnalité est qualifiée de « prioritaire »
notamment en raison de l’article 23-5 de la loi organique précitée. Celui-ci dispose
qu’« En tout état de cause, le Conseil d'État ou la Cour de cassation doit, lorsqu'il
est saisi de moyens contestant la conformité d'une disposition législative, d'une part,
aux droits et libertés garantis par la Constitution et, d'autre part, aux engagements
internationaux de la France, se prononcer par priorité sur le renvoi de la question de
constitutionnalité au Conseil constitutionnel. »

Or, tant dans l’hypothèse d’une violation législative des droits de la défense
(1), que dans celle d’une méconnaissance par la loi du principe d’impartialité (2), un
requérant peut avoir recours à ce dispositif.

1. Les droits de la défense : un principe à valeur constitutionnelle


opposable aux autorités administratives répressives

Bien que la Constitution ne comporte aucune disposition relative au principe


des droits de la défense, les juges constitutionnels lui ont attribué depuis de
nombreuses années un caractère constitutionnel. C’est ainsi qu’en 1976, le Conseil
constitutionnel a rattaché les droits de la défense à la catégorie des « principes

981
Loi organique n o 2009-1523 du 10 décembre 2009 relative à l’application de l’article 61-1 de la
Constitution.

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CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014

fondamentaux reconnus par les lois de la République » 982, sans préciser d’ailleurs de
quelle loi républicaine il s’agissait. Depuis une décision du 30 mars 2006 983, il les
déduit de la garantie des droits proclamée par l’article 16 de la Déclaration des droits
de l’Homme et du Citoyen 984.

Aux termes de la jurisprudence constitutionnelle, le principe des droits de la


défense revêt une portée générale. Il « s'impose aux autorités disposant d'un pouvoir
de sanction » 985 ayant le caractère d’une punition, que celle-ci soit de nature pénale 986
ou non 987. En particulier, la décision du 17 janvier 1989 988 inclut les droits de la

982
Décision n o 76-70 DC du 2 décembre 1976, Rec., p. 39 ; Voir également : Décision n o 95-360 DC
du 2 février 1995, PICARD Etienne, J.C.P., 1995, I, 3840 ; RENOUX Thierry, R.F.D.C., 1995,
p. 405 ; BERTRAND Mathieu et VERPEAUX Michel, L.P.A., 20 octobre 1995, p. 4 ; Décision
n o 99-416 DC 23 juillet 1999, GAY Laurence, R.F.D.C., 1999, p. 809 ; MATHIEU Bertrand,
L.P.A., 20 octobre 1999, p. 23.
983
Décision n o 2006-535 DC du 30 mars 2006, Rec., p. 50 ; Décision n o 2010-32 QPC du
22 septembre 2010, HECKEMAN Lise, « Inconstitutionnalité de la retenue douanière »,
R.F.D.C., no 85, janvier 2011, p. 134-137.
984
Décision no 2010-32 QPC du 22 septembre 2010, précité.
985
Décision no 2000-433 DC du 27 juillet 2000, Loi modifiant la loi n o 86-1067 du 30 septembre
1986 relative à la liberté de communication, cons. 50, JACQUINOT Nathalie, R.F.D.C., 2001,
n o 45, p. 86 ; Décision n o 97-389 DC du 22 avril 1997, Loi portant diverses dispositions relatives
à l’immigration, cons. 3, LECUCQ Olivier, R.F.D.C., 1997, p. 571 ; Décision no 2010-69 QPC
du 26 novembre 2010, PERRIER Jean-Baptiste, « Communication d'informations et présomption
d'innocence », R.F.D.C., juillet 2011, n o 87, p. 574 ; Décision n o 2010-38 QPC du 29 septembre
2010.
986
Décision n o 76-70 DC du 2 décembre 1976, précité ; Décision n o 80-127 DC du 20 janvier 1981,
RIVERO Jean, « Autour de la loi sécurité et liberté. « Filtrer le moustique et laisser passer le
chameau » ? », A.J.D.A., 1981, p. 275 ; PHILIP Loïc, R.D.P., 1981, p. 651.
987
Décision n o 77-83 DC du 20 juillet 1977, Rec., p. 39 ; Décision n o 85-182 DC du 18 janvier
1985 ; Décision n o 84-184 DC du 29 décembre 1984, ETIEN Robert, « Jurisprudence financière
du Conseil constitutionnel », Revue administrative, 1985, p. 140 ; FAVOREU Louis,
R.D.P., 1986, p. 395 ; PHILIP Loïc, R.D.P., 1985, p. 651, FOUQUET Olivier, « Pouvoirs
d'investigation de l'administration fiscale (art. 94 de la loi de finance pour 1985) »,
R.F.D.A., 1985, p. 756 ; Décision n o 86-224 DC du 23 janvier 1987, Rec., p. 8 ; Décision n o 88-
248 DC du 17 janvier 1989 à propos du CSA, , AVRIL Pierre et GICQUEL Jean, Pouvoirs, 1989,
n o 50, p. 193 ; AUTIN Jean-Louis, « La décision du Conseil constitutionnel relative au Conseil
Supérieur de l'Audiovisuel », Revue administrative, 1989, p. 223 ; FAVOREU Louis, Revue du
droit public, 1989, p. 429 et suiv ; Décision n o 90-285 DC du 28 décembre 1990, FAVOREU
Louis, R.F.D.C., 1991, p. 145 ; PHILIP Loïc, R.F.D.C., 1991, p. 136 ; Décision n o 89-268 DC du
29 décembre 1989, AVRIL Pierre et GICQUEL Jean, Pouvoirs, 1990, n o 53, p. 164, p. 182,
p. 191 ; PHILIP Loïc, R.F.D.C., 1990, p. 122 ; Décision n o 92-307 DC du 25 février 1992,
AVRIL Pierre et GICQUEL Jean, Pouvoirs, 1992, n o 62, p. 173, p. 189 à p. 192.
988
Décision no 88-248 DC du 17 janvier 1989, AVRIL Pierre et GICQUEL Jean, Pouvoirs, 1989,
n o 50, p. 193 ; AUTIN Jean-Louis, « La décision du Conseil constitutionnel relative au Conseil
Supérieur de l'Audiovisuel », Revue administrative, 1989, p. 223 ; FAVOREU Louis,

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CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014

défense au sein des principes constitutionnels qui doivent être respectés par le
législateur en matière de sanctions administratives.

Quant au contenu constitutionnel de ce principe, il a clairement été résumé en


matière pénale par une décision du 18 janvier 1985 989. Les juges constitutionnels y
soulignent qu’« en prévoyant l'obligation de mettre l'intéressé en demeure de
présenter ses observations, celle de statuer par décision motivée, la faculté de
recours devant la cour d'appel et le caractère suspensif de ce recours, les
dispositions susvisées ne méconnaissent pas le principe des droits de la défense ».

S’agissant des sanctions administratives ayant le caractère d’une punition, le


Conseil constitutionnel a expressément précisé que cette garantie procédurale
impliquait le droit pour la personne poursuivie d’être « mise à même d'avoir accès au
dossier la concernant et de présenter ses observations sur le manquement qui lui est
reproché » 990 en bénéficiant pour ce faire d’un délai suffisant 991. En outre, le respect
des droits de la défense implique la mise en œuvre d'une procédure contradictoire
préalable à l’édiction de la sanction ayant le caractère d'une punition et émanant d'une
autorité administrative 992.

Il s’agit là, à n’en pas douter, du noyau dur des droits de la défense. Celui-ci
peut être enrichi en fonction du pouvoir répressif de l’organe administratif. Ainsi,
dans sa décision du 23 janvier 1987 relative au Conseil de la concurrence 993, le

R.D.P., 1989, p. 429 et suiv ; Décision n o 92-307 DC du 25 février 1992, AVRIL Pierre et
GICQUEL Jean, Pouvoirs, 1992, n o 62, p. 516.
989
Décision no 84-182 DC du 18 janvier 1985, précité.
990
Décision no 88-248 DC du 17 janvier 1989, précité.
991
Décision n o 99-424 DC du 29 décembre 1999, BUISSON Jacques, « La dérive de l'égalité devant
l'impôt (à propos de la décision n o 99-424 DC) », R.D.P., 2000, p. 9 ; DOUAT Etienne, « Le
Conseil constitutionnel s'oppose à la création d'un nouvel impôt », L.P.A., 2000, n o 89, 4 mai
2000, p. 4 ; PHILIP Loïc, R.F.D.C., 2000, p. 132.
992
Décision no 2006-535 DC du 30 mars 2006, BRONDEL Séverine, « Le Conseil constitutionnel
valide la loi égalité des chances », A.J.D.A., 2006, n o 14, p. 732 ; PRETOT Xavier, « Les
garanties du salarié face au licenciement ont-elles une base constitutionnelle ? À propos de la
décision du Conseil constitutionnel relative au CPE », Droit social, 2006, n o 5, p. 494-504 ;
Décision no 2011-631 DC du 9 juin 2011, TCHEN Vincent, « De la pratique des QPC en droit
des étrangers à la réforme du 16 juin 2011 », Constitutions, 2011, n° 4, p. 581-588.
993
Décision no 86-224 DC du 23 janvier 1987, Rec., p. 8.

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CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014

Conseil constitutionnel a estimé que, « compte-tenu de la nature non juridictionnelle


du conseil de la concurrence, de l'étendue des injonctions et de la gravité des
sanctions pécuniaires qu'il peut prononcer », le sursis à exécution d’une décision du
Conseil de la concurrence déférée au juge compétent constitue « une garantie
essentielle des droits de la défense ». Au contraire, en matière de sanctions fiscales, il
a jugé que les droits de la défense étaient « suffisamment garantis par l'application
des dispositions de l'article L. 80 D du livre des procédures fiscales, en vertu duquel,
avant la mise en recouvrement de la pénalité, le contribuable peut présenter ses
observations durant un délai de trente jours à compter de la notification des motifs
pour lesquels l'administration envisage la majoration » 994.

À travers le principe des droits de la défense, le Conseil constitutionnel veille


donc à « l'existence d'une procédure juste et équitable garantissant l'équilibre des
droits des parties » 995, lorsqu’est en cause « une sanction ayant le caractère d’une
punition ». Cette formulation, qui n’est pas sans rappeler celle de l’article 6 de la
convention européenne des droits de l’homme, démontre l’équivalence de protection
offerte au justiciable par le Conseil constitutionnel et les juges siégeant à Strasbourg.

Et il en est de même s’agissant du principe d’impartialité.

2. L’impartialité : une garantie à valeur constitutionnelle s’imposant


aux autorités administratives répressives

Dès 1989 996, le Conseil constitutionnel a énoncé que « la Commission des


opérations de bourse est, à l'instar de tout organe administratif, soumise à une

994
Décision no 99-424 DC du 29 décembre 1999, précité.
995
Décision no 89-260 DC du 28 juillet 1989, GENEVOIS Bruno, « Le Conseil constitutionnel, la
séparation des pouvoirs et la séparation des autorités administratives et judiciaires »,
R.F.D.A., 1989, p. 671 ; AVRIL Pierre et GICQUEL Jean, Pouvoirs, 1990, no 52, p. 189. Voir
également : Décision n o 95-360 DC du 2 février 1995, PICARD Etienne, J.C.P., 1995, I, 3840 ;
RENOUX Thierry, R.F.D.C., 1995, p. 405 ; BERTRAND Mathieu et VERPEAUX Michel,
L.P.A., 20 octobre 1995, p. 4 ; Décision n o 2002-461 DC du 29 août 2002, SCHOETTL Jean-
Éric, « La loi d'orientation et de programmation pour la justice devant le Conseil
constitutionnel », L.P.A., 5 septembre 2002, p. 4 ; PENA-GAIA Annabelle, R.F.D.C., 2003,
p. 363-373 ; Décision n o 2010-612 DC du 5 août 2010.
996
Décision no 89-260 DC du 28 juillet 1989, précitée.

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CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014

obligation d'impartialité pour l'examen des affaires qui relèvent de sa compétence et


aux règles déontologiques qui en découlent ». Mais en l’espèce, c’est sur le
fondement du principe des droits de la défense que les juges constitutionnels avaient
censuré le dispositif législatif autorisant cette autorité administrative indépendante à
déclencher l'ouverture de poursuites pénales et à exercer tous les droits de la partie
civile, alors qu’elle peut être appelée à prononcer, à propos des mêmes faits, des
sanctions administratives.

Beaucoup plus récemment 997, le Conseil constitutionnel, saisi d’une question


prioritaire de constitutionnalité dirigée contre les dispositions législatives du code de
commerce relative à la procédure disciplinaire suivie par l’Autorité de la concurrence,
a pu rappeler que les autorités administratives indépendantes dotées d’un pouvoir de
sanction ayant le caractère d’une punition sont tenues de respecter le principe
d’impartialité. À cette occasion, il a également apporté d’importants éclaircissements
sur le contenu de ce principe découlant de l’article 16 de la Déclaration de 1789.

En l’espèce, le Conseil constitutionnel s’est prononcé sur la conformité à la


Constitution de la confusion des fonctions de poursuite et d’instruction et du pouvoir
de sanction au sein de l’Autorité de la concurrence, d’une part, et de la faculté de
saisine d’office de l’Autorité dans le cadre du contrôle des opérations de
concentration, d’autre part.

Quant au premier aspect, le Conseil constitutionnel a procédé à un examen


attentif de l’ensemble des garanties dont le législateur a assorti les règles de
composition et de délibération de cet organisme non juridictionnel. À cet égard, il a
relevé que le code du commerce comportait un certain nombre de dispositions
destinées à garantir l’impartialité des membres du collège de l’Autorité. Il a
également retenu l’existence de dispositions propres à assurer la séparation des

997
Décision n o 2012-280 QPC du 12 octobre 2012, Revue Lamy de la concurrence, janvier-mars
2013, no 34, p. 89-90, « La juridictionnalisation continue des autorités administratives
indépendantes », ROUSSEAU Dominique ; L.P.A., 6 mai 2013, no 90, p. 9 à p. 11, « Autorité de
la concurrence : constitutionnalité de l’organisation et du pouvoir de sanction », SORAYA
Messaï-Bahri.

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CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014

fonctions d’instruction au sein de l’Autorité de la concurrence. Il en a conclu que le


principe d’impartialité n’était pas méconnu.

Quant à l’auto-saisine, le Conseil constitutionnel a adopté un raisonnement


analogue à celui suivi par le Conseil d’État sur cette question. Il a, en effet, estimé
que cette faculté ne devait pas être considérée comme un préjugement par l’autorité
de la réalité des manquements à examiner. Il a, par ailleurs, souligné que le collège de
l’Autorité de la concurrence délibérait en l’absence du rapporteur général chargé de
mener l’instruction.

En définitive, force est donc de constater que lorsqu’est en cause une


méconnaissance des droits de la défense ou du principe d’impartialité, l’invocation de
l’article 6 C.E.D.H. n’offre pas plus de garanties que celles résultant du droit interne.

De ce point de vue, la décision « Jean-Louis Didier » peut apparaître comme


un véritable coup de maître. Avec cette jurisprudence, le Conseil d’État a su emboiter
le pas à la Cour de cassation, qui avait peu avant promu les principes d’impartialité et
des droits de la défense au rang de garanties du procès équitable à effet immédiat,
mais également devancer son homologue européen, tout en confortant les solutions
qui résultaient déjà de sa jurisprudence précédente.

Elle n’a donc emporté aucune rupture avec le droit national antérieur, comme
en témoigne encore le refus ultérieur des hauts magistrats d’appliquer parmi les
garanties du procès équitable celles dont le respect est réservé, en contentieux
administratif, aux juridictions.

II. L’inapplication ab initio des garanties du procès équitable spécifiques à la


procédure juridictionnelle

Plusieurs années après avoir rendu son arrêt « Jean-Louis Didier », le Conseil
d’État a refusé d’appliquer aux autorités administratives indépendantes répressives
les garanties du procès équitable qu’il estime être spécifiquement attachées à
l’exercice de procédures juridictionnelles (A). Ce faisant, il a introduit, à côté de la
notion d’atteinte irréversible, un nouveau critère de tri des garanties du procès

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CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014

équitable à effet immédiat, parfaitement conforme à son interprétation singulière de


l’article 6 C.E.D.H. (B).

A. Une inapplication justifiée par la nature exclusivement juridictionnelle


desdites garanties

Le Conseil d’État n’est pas la seule juridiction à écarter l’application ab initio


des garanties du procès équitable propres à la procédure juridictionnelle. Sur ce point,
les jurisprudences administrative, judiciaire et européenne convergent (1), et ce alors
même qu’elles fondent cette solution sur des motifs distincts (2).

1. Une solution commune aux jurisprudences administrative,


judiciaire et européenne

Dès 1993, dans son célèbre arrêt « Imbrioscia c/ Suisse », la Cour de


Strasbourg a affirmé que la méconnaissance de la publicité des audiences par une
autorité administrative statuant en matière pénale au sens de la Convention,
n’emportait pas de violation du droit au procès équitable dès lors que cette exigence
avait pu être respectée ensuite devant un tribunal à l’occasion d’un recours de pleine
juridiction 998.

Trois ans après, la Cour de cassation a retenu la même solution 999. Elle a
effectivement écarté le moyen tiré de la violation du droit au procès équitable du fait
de l’inobservation par la Commission des opérations de bourse du principe de la
publicité des audiences. Depuis lors, cette jurisprudence, qui a été étendu au Conseil
de la concurrence, est demeurée constante 1000.

998
CEDH, 28 octobre 1993, Imbrioscia c/ Suisse, Série A, n o 275, R.S.C., 1994, p. 144, obs.
PETTITI Louis-Edmond ; R.S.C., 1994, p. 362, obs. KOERING-JOULIN Renée ; CEDH,
12 juillet 2001, n o 33071/96, Malhous c/ République Tchèque.
999
Cass. Com., 9 avril 1996, n o 94-11323, Haddad c/ Agent judiciaire du Trésor, précité.
1000
Cass. Com., 5 octobre 1999, n os 97-15617, 97-5626, 97-15632, 97-15673, 97-15760, 97-15777,
97-15805, 97-15826, 97-15836, 97-15852, 97-15871, 97-15932, 97-16004, 97-16330, S.N.C.
Campenon Bernard SGE et autres, précité ; Cass. Com., 28 janvier 2003, n o 01-0028, Bull., IV,
n o 12, p. 14 ; Cass. Com., 28 juin 2005, n o 04-13.91, Bull., IV, n o 137, p. 145.

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CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014

Ce n’est qu’en 2004 que le Conseil d’État a été, pour la première fois, saisi de
cette question.

Suivant ses homologues européens et judiciaires, il a jugé, dans son arrêt


« Crédit du Nord » 1001, qu’un requérant « n'est pas fondé à soutenir que les
stipulations de l'article 6§1 auraient été méconnues du fait du caractère non public
de la séance à l'issue de laquelle le Conseil [de discipline de la gestion financière] a
prononcé à son encontre la sanction attaquée », et ce alors même que cet organisme
« doit être regardé comme un tribunal au sens de l'article 6§1 de la convention et
comme décidant au bien-fondé d'accusation en matière pénale lorsqu'il exerce le
pouvoir disciplinaire que lui confèrent les articles L. 623-2 à L. 623-4 du code
monétaire et financier ».

Par la suite, la haute juridiction administrative a étendu cette solution aux


garanties relatives à la lecture publique de la décision de sanction 1002, à la mention
des noms des membres ayant siégé lors de la séance au cours de laquelle la mesure
répressive a été prise 1003 et au droit à l'assistance gratuite d'un avocat 1004.

2. Une solution fondée sur des motifs distincts

Pour justifier cette solution, certains auteurs ont affirmé que les juges français
avaient profité de la souplesse de la jurisprudence européenne pour juger que
« l’absence de publicité des audiences devant les autorités de régulation n’entraînait
pas de facto une violation de l’article 6 puisqu’il pouvait y avoir en quelque sorte
rattrapage devant eux » 1005. En d’autres termes, la Cour de cassation et le Conseil
d’État auraient différé le respect de cette garantie au stade juridictionnel, parce qu’ils
estimeraient que son inobservation durant la phase administrative de la procédure

1001
CE, Sect., 10 mai 2004, n o 241587, Crédit du Nord, précité.
1002
CE, 2 novembre 2005, n o 271202, Société Banque privée Fideuram Wargny, précité et CE,
29 octobre 2013, n o 356108, SAS EIM France.
1003
CE, 31 mars 2005, no 260673, Société financière Hottinguer, précité.
1004
CE, Sect., 27 octobre 2006, n o 276069, M. Parent et autres, précité.
1005
ZAVOLI Philippe, « L’emprise de la Convention européenne des droits de l’homme sur les
autorités de régulation ou le jeu des apparences », J.C.P, Cahiers de Droit de l’Entreprise, 2004,
n o 2, p. 10.

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CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014

répressive n’est pas de nature à entraîner une violation irréversible du caractère


équitable du procès. Telle est la position de M. ZAVOLI.

Les arrêts rendus jusqu’à présent par les hauts-magistrats judiciaires ne


contredisent pas cette analyse doctrinale. Pour écarter le moyen tiré de la violation du
droit au procès équitable du fait de l’absence de publicité des audiences devant le
Conseil de la concurrence, la Cour de cassation relève, en effet, que « les décisions
prises par le Conseil subissent a posteriori le contrôle effectif d’un organe judiciaire
offrant toutes les garanties d’un tribunal au sens de la Convention européenne de
sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales » 1006. Ce faisant, elle
reconnaît que le non-respect ab initio de cette garantie ne constitue pas une
irrégularité irréversible.

En revanche, dans la jurisprudence administrative, l’inapplication ab initio du


principe de la publicité des débats repose, selon nous, sur un motif autre que celui tiré
de l’absence d’atteinte irrémédiable. Et il en est de même s’agissant des règles
relatives à la lecture publique de la décision de sanction, à la mention des noms des
membres ayant siégé lors de la séance au cours de laquelle la mesure répressive a été
prise et au droit à l'assistance gratuite d'un avocat.

Il est vrai qu’une étude incomplète du corpus prétorien administratif pourrait


laisser penser le contraire.

Deux arrêts, rendus à neuf ans d’intervalle, semblent confirmer l’analyse de


M. ZAVOLI. Il s’agit des décisions précitées « Crédit du Nord » et « SAS EIM
France ».

Dans la première espèce, le Conseil d’État souligne que le requérant « n'est


pas fondé à soutenir que les stipulations de l'article 6 § 1 auraient été méconnues du
fait du caractère non public de la séance à l'issue de laquelle le Conseil [de

1006
Cass. Com., 5 octobre 1999, n os 97-15617, 97-5626, 97-15632, 97-15673, 97-15760, 97-15777,
97-15805, 97-15826, 97-15836, 97-15852, 97-15871, 97-15932, 97-16004, 97-16330, S.N.C.
Campenon Bernard S.G.E et autres, Bull., 1999, IV, n o 159, p. 135 ; Cass. Com., 28 janvier
2003, n o 01-00.28, Bull., IV, n o 12, p. 14 ; Cass. Com., 28 juin 2005, no 04-1391, Bull., IV,
n o 137, p. 145.

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CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014

discipline de la gestion financière ] a prononcé à son encontre la sanction attaquée »


dans la mesure où il existe un recours de plein contentieux devant le Conseil d’État
qui « assure le respect des garanties de l'article 6 § 1 de la convention et notamment
celui de la publicité de l'audience ».

C’est exactement la même motivation que le Conseil d’État a adopté dans la


seconde espèce, pour écarter le moyen tiré de la violation de l’article 6 C.E.D.H.
faute pour la commission des sanctions de l’Autorité des marchés financiers d’avoir
lu publiquement la décision litigieuse 1007.

Mais en dehors de ces deux décisions, il ressort des termes mêmes des arrêts
rendus par le Conseil d’État que l’inapplication ab initio des garanties précitées est
fondée sur le fait qu’il s’agit de règles propres à la procédure juridictionnelle.

L’arrêt « Société financière Hottinguer » du 23 mars 2005 est, à cet égard,


significatif. Le Conseil d’État y affirme que « le conseil de discipline de la gestion
financière n'est pas une juridiction au regard du droit interne », et déclare, par
conséquent, « inopérant le moyen tiré de ce que la décision attaquée aurait dû
mentionner les noms des membres du conseil de discipline ayant siégé lors de la
séance au cours de laquelle elle a été prise » 1008. Par ailleurs, il convient d’observer
que le moyen est jugé inopérant, et non pas simplement non-fondé. Cette précision
n’est pas dénuée d’intérêt. Elle confirme que le dispositif adopté ne repose pas sur la
mise en œuvre de la jurisprudence « Le Compte, Van Leuven et De Meyere », auquel
cas les hauts magistrats auraient déclaré le moyen non-fondé.

Quelques mois plus tard, la haute juridiction administrative énonce que « la


requérante ne saurait utilement soutenir que l’absence de lecture publique de la
décision de la commission [des sanctions de l’Autorité des marchés financiers], qui
n’est pas en droit interne une juridiction, méconnaitrait l’article 6-1 de la
convention » 1009.

1007
CE, 29 octobre 2013, n o 356108, SAS EIM France.
1008
CE, 31 mars 2005, no 260673, Société financière Hottinguer, précité.
1009
CE, 2 novembre 2005, no 271202, Société Banque privée Fideuram Wargny, précité.

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CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014

L’arrêt « Parent » 1010 du 27 octobre 2006 consacre expressément cette


approche. Le requérant se prévalait de la violation de l’article 6 § 3 C.E.D.H par
l’Autorité des marchés financiers dans l’exercice de son pouvoir de sanction en tant
qu’il n’avait pas pu bénéficier de l’assistante gratuite d’un avocat et du droit à la
détermination du choix des témoins et des conditions de leur audition. La formation
de jugement fait relève que « le droit à l'assistance gratuite d'un avocat relève des
modalités particulières propres à l'exercice de procédures juridictionnelles » de sorte
que « sa méconnaissance ne peut utilement être invoquée par des requérants à
l'encontre d'une décision de ces organismes ».

D’ailleurs, c’est déjà en ce sens que M. GUYOMAR avait conclu sur l’arrêt
« Crédit du Nord » précité. Le rapporteur public avait, notamment, fait observer que
« les autorités administratives qui doivent être regardées comme des « tribunaux au
sens de l’article 6 § 1 de la C.E.D.H. » n’ont pas pour autant l’obligation de statuer
publiquement dès lors qu’elles ne sont pas des juridictions ». Et d’ajouter quelques
lignes après : « Les autorités administratives, même celles qui doivent être regardées
comme des tribunaux au sens de l’article 6 § 1 comme le conseil de discipline, n’ont
pas à respecter le principe du secret du délibéré qui ne gouverne que les procédures
contentieuses. Il en irait autrement si le secret du délibéré avait été posé par un texte
mais ce n’est pas le cas. Pour le reste, s’appliquent seuls les principes qui
gouvernent l’action administrative « pour la raison même que ces autorités ne sont
pas exactement des tribunaux » pour reprendre les termes du professeur Delvolvé. »

En retenant cette motivation singulière, le Conseil d’État confirme qu’il n’a


pas renoncé à sa lecture organique de l’article 6 C.E.D.H. selon laquelle cette
stipulation est avant tout conçue pour les juridictions.

1010
CE, Sect., 27 octobre 2006, n o 276069, M. Parent et autres, précité.

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CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014

B. Une inapplication conforme à l’interprétation organique de l’article 6


C.E.D.H.

Fidèle à son interprétation première de l’article 6 C.E.D.H. (1), le Conseil


d’État a introduit, à côté de la notion de vice irréversible, un critère supplémentaire
de tri des garanties à effet immédiat en vue d’écarter l’application ab initio des règles
spécifiques à la procédure juridictionnelle (2).

1. Une inapplication confirmant la prévalence d’une lecture


juridictionnelle de l’article 6 C.E.D.H. dans la jurisprudence
administrative

En s’appuyant sur la nature exclusivement juridictionnelle de la garantie


invoquée pour écarter son application au stade administratif de la procédure
répressive, le Conseil d’État adopte un raisonnement qui n’a pas d’équivalent dans la
jurisprudence européenne.

Jamais, en effet, la Cour de Strasbourg ne s’est interrogée sur la nature de la


prescription invoquée pour déterminer si celle-ci avait vocation à être observée
immédiatement. Et pour cause, comme nous avons pu le voir, les juges européens ont
opté pour une lecture matérielle des conditions d’applicabilité de l’article 6 C.E.D.H.
Rappelons que selon les organes de la Convention, cette stipulation édicte des
principes qui trouvent à s’appliquer en présence d’une accusation en matière
« pénale » ou d’une contestation sur des droits et des obligations de caractère
« civil », et ce quel que soit l’organisme en cause 1011.

C’est d’ailleurs la même logique qui anime le juge judiciaire 1012.

En revanche, le Conseil d’État a toujours considéré que l’article 6 C.E.D.H.


devait être entendu comme énumérant « les principes qui doivent gouverner un

1011
Voir en ce sens : Partie 1, Chapitre 1, Section 1.
1012
Voir en ce sens : Partie 1, Chapitre 1, Section 2, II.

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CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014

« procès équitable », plus précisément, les règles qui « s'appliquent aux juridictions
dans le cadre d'un procès » 1013.

Ces divergences d’interprétation rejaillissent naturellement au moment venu


d’apprécier l’application ab initio des garanties du procès équitable spécifiques à la
procédure juridictionnelle.

Plus précisément, elles expliquent que la motivation retenue par le Conseil


d’État pour écarter l’application du principe de la publicité des audiences diffère de
celle adoptée par les juges européen et judiciaire.

Pour ces derniers, l’inapplication du principe de la publicité des audiences au


stade administratif résulte de l’intervention ultérieure d’un juge de pleine juridiction
pouvant couvrir les absences.

Pour la haute juridiction administrative, si les règles spécifiques à la procédure


juridictionnelle n’ont pas à être respectées au stade de la procédure administrative,
c’est uniquement parce qu’elles sont strictement conçues pour les juridictions et donc
qu’elles ne sont pas transposables aux autorités non juridictionnelles. Le Conseil
d’État ne s’interroge pas sur le point de savoir si leur méconnaissance ab initio est de
nature à compromettre irrémédiablement le caractère équitable de la procédure. La
question ne se pose pas puisqu’il s’agit de règles propres aux juridictions et donc
déterminantes uniquement devant de tels organismes.

La haute juridiction administrative jongle avec la nature hybride des autorités


administratives indépendantes statuant en matière « pénale ». Si ces dernières peuvent
se voir affectées par les garanties du droit au procès équitable, c’est au regard de leur
nature quasi-juridictionnelle. Pour autant, n’étant pas d’authentiques juridictions,
l’application immédiate des garanties spécifiques à la procédure juridictionnelle ne
peut pas être utilement invoquée à leur encontre. C’est ce qu’a d’ailleurs clairement
résumé Jean-Claude BONICHOT 1014 en affirmant que « la procédure juridictionnelle

1013
BONICHOT Jean-Claude, « L’application de l’article 6 § 1 de la C.E.D.H. aux autorités de
régulation : la position du Conseil d’État», L.P.A., n o 94, 11 mai 2000, p. 3.
1014
BONICHOT Jean-Claude, « Les sanctions administratives en droit français et la Convention
européenne des droits de l’homme », A.J.D.A., 2001, p. 73.

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CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014

est une chose, la procédure administrative, même très formalisée, en est une autre et
le régime des décisions prises est évidemment fondamentalement différent. Ces
autorités administratives ne sont donc pas soumises à l’article 6 dans leur
intégralité, pour la raison même qu’elles ne sont pas exactement des tribunaux ».

En vue, notamment, de garantir la conformité de cette solution


jurisprudentielle aux données du droit européen, la haute juridiction administrative
n’a d’ailleurs pas hésité à modifier sa jurisprudence traditionnelle relative à
l’intensité du contrôle juridictionnel opéré sur les sanctions administratives et
disciplinaires. À cet égard, il convient de rappeler qu’aux termes du corpus prétorien
strasbourgeois, l’inapplication des exigences du procès équitable au stade
administratif est conditionnée à l’existence d’un véritable contrôle ultérieur de pleine
juridiction devant un tribunal présentant toutes les garanties de l’article 6 C.E.D.H.
Or, la notion européenne de pleine juridiction suppose, en matière « pénale », la
détention d’un pouvoir de réformation. Elle implique, en outre, que le juge examine,
que ce soit dans le volet « pénal » ou « civil » de l’article 6 C.E.D.H., « toutes les
questions de fait et de droit pertinentes » et « apprécie la proportionnalité entre la
faute et la sanction » 1015. Consécutivement, la haute juridiction administrative a,
d’une part, développé le recours de pleine juridiction dans le cadre du contentieux des
sanctions infligées par l’administration aux administrés susceptibles de relever de la
matière pénale au sens de la Convention et, d’autre part, abandonné progressivement
le contrôle de l’erreur manifeste d’appréciation sur le choix des sanctions
disciplinaires 1016relevant du volet civil de l’article 6 C.E.D.H. au profit d’un contrôle
normal.

1015
Voir en ce sens : Partie 2, Chapitre 1, Section 1, II.
1016
CE, Sect., 22 juin 2007, n o 272650, Arfi ; R.F.D.A., 2007, p. 1199, concl. GUYOMAR Mattias ;
CE, Sect., 12 octobre 2009, M. Petit, A.J.D.A., 2009, p. 2163. Le Conseil d'État est revenu sur
ses décisions antérieures qui retenaient le contrôle restreint : CE, 19 novembre 2004, n o 263459,
Marcon, Lebon, p. 862 (relatif à une mesure de radiation infligées aux membres d'une profession
réglementée) ; CE, 27 mai 2009, no 310493, Hontang ; D.A., 2009, n° 104, note MELLERAY
François (portant sur une décision de révocation sans suspension des droits à pension prononcée
à l’encontre des magistrats) ; CE, 2 mars 2010, no 324439, Fédération française d'athlétisme ;
LIEBER S.-J. et BOTTEGHI Damien, « Le juge, le maire et l'athlète : vers un contrôle normal
sur les sanctions disciplinaires envers les maires et les sportifs », A.J.D.A., 2010, p. 664
(concernant une suspension de compétition contre les sportifs relevant de fédérations agréées et
qui échouent le test anti-dopage) ; CE, 2 mars 2010, n o 328843, M. Dalongeville ; LIEBER S.-J.
et BOTTEGHI Damien, « Le juge, le maire et l'athlète : vers un contrôle normal sur les

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CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014

2. Une inapplication impliquant un critère supplémentaire de tri des


garanties à effet immédiat dans la jurisprudence administrative

Pour trier au sein des garanties du procès équitable, celles dont l’application
doit être immédiate, le Conseil d’État procède donc à une distinction entre, d’une
part, les règles spécifiques à la procédure juridictionnelle et, d’autre part, les règles
qui ne sont pas spécifiques à cette procédure.

Pour autant, doit-on considérer que la haute juridiction administrative a


substitué ce critère de tri des garanties à effet immédiat à celui relatif à
l’irréversibilité de l’atteinte portée au caractère équitable de la procédure et, en vertu
duquel les hauts magistrats ont imposé l’application immédiate des principes
d’impartialité, des droits de la défense et du caractère contradictoire de la procédure ?

Nous ne le pensons pas.

À nos yeux, pour déterminer si la règle du procès équitable, dont le respect est
sollicité doit être appliquée ab initio, le Conseil d’État ne se borne pas seulement à
vérifier la nature fondamentalement juridictionnelle ou non de la garantie invoquée. Il
suit un raisonnement échelonné, qui est d’ailleurs largement ignoré de la doctrine 1017.

Tout d’abord, il détermine s’il s’agit d’une règle spécifique à la procédure


juridictionnelle. Dans l’affirmative, il refusera de l’appliquer. Mais, dans la négative,

sanctions disciplinaires envers les maires et les sportifs », A.J.D.A., 2010, p. 664 (portant sur la
révocation d’un maire prononcée sur le fondement de l'article L. 2122-16 du code général des
collectivités territoriales). Pour l’heure, seules les sanctions disciplinaires infligées aux détenus
et aux militaires continuent de faire l’objet d’un contrôle restreint : CE, 20 mai 2011, n o 326084,
Letona Biteri, Lebon, p. 246 ; A.J.D.A., 2011, p. 1056 et p. 1364, chr. DOMINO Xavier et
BRETONNEAU Aurélie ; A.J. pénal, 2012, p. 177, obs. HERZOG-EVANS Martine ; R.S.C.,
2012, p. 208, chr. PONCELA Pierrette ; CE, Ass., 17 février 1995, no 107766, Hardouin, Lebon,
p. 82 ; A.J.D.A., 1995, p. 421 et p. 379, chr. TOUVET Laurent et STAHL Jacques-Henri ; D.,
1995, p. 381, note BELLOUBET-FRIER Nicole ; R.F.D.A., 1995, p. 353, concl. FRYDMAN
Patrick ; R.S.C., 1995, p. 381, obs. COUVRAT Pierre ; CE, 12 janvier 2011, no 338461, Matelly,
Lebon, p. 3 ; A.J.D.A., 2011, p. 5 et p. 623, note AUBIN Emmanuel.
1017
EVEILLARD Gweltaz, « L’application de l’article 6 de la Convention européenne des droits de
l’homme à la procédure administrative non contentieuse », A.J.D.A., 2010, p. 531 ; IDOUX
Pascal, « Autorités administratives indépendantes et garanties procédurales », R.F.D.A., 2010,
p. 920. Pour ces auteurs, devant la juridiction administrative, le tri entre les garanties
immédiates et les garanties différées s’opère uniquement au regard de la notion de vice
irréversible.

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CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014

il recherchera, avant de transposer cette garantie, s’il s’agit d’une prescription du


procès équitable dont la méconnaissance ab initio est de nature à compromettre
irrémédiablement le caractère équitable de la procédure. Cette dernière étape ne doit
pas être passée sous silence.

Aussi, affirmer que devant le juge administratif, toutes les garanties autres que
celles spécifiques à la procédure juridictionnelle trouvent à s’appliquer aux autorités
administratives relevant du volet pénal de l’article 6 C.E.D.H. n’est pas faux. Il faut,
en effet, reconnaître qu’en définitive, le Conseil d’État admet l’application immédiate
de toutes les prescriptions du procès équitable qui ne sont pas exclusivement
réservées aux juridictions.

Mais cette présentation a un défaut majeur : elle procède d’une vision


simplificatrice de la jurisprudence administrative. Elle passe outre la rédaction des
arrêts étayés par les conclusions des rapporteurs publics. Comme nous l’avons
démontré précédemment, il ressort expressément des termes des décisions rendues par
la haute juridiction administrative que le respect ab initio des principes d’impartialité
et des droits de la défense a été exigé afin de ne pas compromettre définitivement le
caractère équitable de la procédure. En d’autres termes, ce n’est pas uniquement
parce que ce sont des règles non spécifiques à la procédure juridictionnelle que le
Conseil d’État a accepté de les appliquer dès la phase administrative de la procédure
de sanction.

C’est pourquoi il est préférable d’indiquer que sont appliquées aux autorités
administratives pour lesquelles le Conseil d’État a admis l’applicabilité de l’article 6
C.E.D.H., les garanties qui ne sont pas propres à la procédure juridictionnelle et dont
l’inobservation est de nature à vicier définitivement le caractère équitable du procès.
À l’appui de cette affirmation, on peut citer les conclusions formulées par Mme
Isabelle Da Silva sous l’arrêt précité « Compagnie Corse Air Internationale S.A. »1018
du 31 janvier 2007. Le rapporteur public y fait observer, d’une part, que « la
méconnaissance d’un principe de l’article 6 ne peut être utilement invoquée, dans le
cadre de la jurisprudence Didier, si ce principe n’a vocation à régir que le

1018
CE, 31 janvier 2007, n o 290567, Compagnie Corse Air International S.A., précité.

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CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014

fonctionnement des « véritables » organes juridictionnels » et, d’autre part, que


« seuls peuvent être utilement invoqués […] certains vices ou violations des principes
de l’article 6 § 1, dans la mesure où la méconnaissance desdites garanties
compromettrait de façon irrémédiable le caractère équitable de la procédure ».

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CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014

CONCLUSION

L’irruption du droit au procès équitable dans la sphère administrative n’a eu,


en définitive, que des conséquences relativement mineures sur la procédure suivie par
les autorités administratives.

L’appréciation globale du respect des exigences du procès équitable mise en


œuvre par la Cour de Strasbourg a, en effet, permis d’affaiblir considérablement les
effets résultant de la reconnaissance d’une applicabilité de principe de l’article
6 C.E.D.H. aux autorités administratives statuant en matière « pénale » ou « civile ».

De la même manière, la portée des jurisprudences administrative et judiciaire


relative à l’application du droit au procès équitable aux autorités administratives se
révèle assez limitée. En effet, bien qu’ayant décidé d’aller au-delà des exigences
induites par le corpus prétorien strasbourgeois, cette initiative n’a toutefois pas
conduit le Conseil d’État et la Cour de cassation à remettre en cause les traditions les
mieux établies devant l’administration.

L’application mécanique de certaines des garanties du procès équitable aux


autorités administratives justiciables de l’article 6 C.E.D.H., imposée par les hautes
juridictions françaises, s’est ainsi traduite par l’obligation pour l’administration de se
conformer aux seules exigences procédurales qui lui étaient déjà opposables sur le
fondement du droit interne.

Tout au plus, l’invocabilité de l’article 6 C.E.D.H. à l’encontre de certaines


autorités administratives a-t-elle permis un alignement du contenu des garanties
offertes par le droit interne sur celui résultant de l’instrument conventionnel.

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CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014

CONCLUSION GÉNÉRALE

Au terme de cette recherche, force est de constater que l’extension du droit au


procès équitable à la procédure administrative non juridictionnelle n’a pas provoqué
de modification de la physionomie formelle des autorités administratives, mais a
simplement conduit à mettre en évidence l’existence d’une convergence entre les
procédures administratives non juridictionnelle et juridictionnelle qui résultait déjà du
droit national antérieur.

C’est la raison pour laquelle la jurisprudence administrative relative au droit


au procès équitable et aux autorités administratives nous semble révéler, non pas une
progression vers une juridictionnalisation future de l’administration (I), mais une
réminiscence, sous une forme évidemment nouvelle, de la figure de l’administration-
juge (II).

I. Une jurisprudence analysée à tort comme une entreprise de


juridictionnalisation de l’administration

D’un point de vue doctrinal, le rapprochement formel entre l’administration et


la juridiction, résultant de la diffusion des garanties du droit au procès équitable dans
la sphère administrative, a communément été présenté comme une entreprise de
juridictionnalisation des autorités administratives justiciables de l’article 6 C.E.D.H.

La majorité des auteurs 1019 s’est, en effet, focalisée sur cet aspect, faisant
observer qu’« avec l’arrêt Didier, le Conseil d’État (a entamé) un processus de

1019
STASIAK Frédéric, Nature des autorités de régulation à pouvoir répressif et garanties
fondamentales de la personne, Thèse, Nancy, p. 109 ; MILANO Laure, « Le contentieux de la
régulation administrative », in L’extension des garanties du procès équitable hors les
juridictions ordinaires : les contraintes européennes, Institut de droit européen des droits de
l’homme, Avril 2002, SUDRE Frédéric (dir.), p. 85 ; GONZALEZ Gérard, « Le moment du
procès équitable », in L’extension des garanties du procès équitable hors les juridictions

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CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014

juridictionnalisation partielle de l'activité administrative, qui consiste à vérifier que


l'article 6 est respecté durant la phase administrative. » 1020 ou encore qu’avec la
décision « COB c/ Oury » 1021, « La Cour de cassation a pris le parti d’écarter la
distinction de l’administration et de la juridiction » 1022.

Bien qu’ayant été au cœur des débats, l’affirmation selon laquelle l’application
du droit au procès équitable aux autorités administratives constitue un facteur de
juridictionnalisation de l’administration nous paraît toutefois devoir être
considérablement nuancée. D’une part, cette position doctrinale présente le défaut
majeur de reposer sur une conception exclusivement juridictionnelle des principes des
droits de la défense, de l’impartialité et de la contradiction, laquelle apparaît,
aujourd’hui, largement dépassée (A). D’autre part, l’analyse du droit positif démontre
clairement que le scénario de la juridictionnalisation relève davantage de la fiction
que de la réalité (B).

ordinaires : les contraintes européennes, Institut de droit européen des droits de l’homme, Avril
2002, SUDRE Frédéric (dir.), p. 203 ; BONICHOT Jean-Claude, « Interview : l'application de
l'article 6 § 1 de la C.E.D.H. aux autorités de régulation : la position du Conseil d'État », L.P.A.,
n o 11, janvier 1999, p. 10 ; BRISSON Jean-François, « Les pouvoirs de sanction des autorités de
régulation et l’article 6 § 1 de la Convention européenne des droits de l’homme. À propos d’une
divergence entre le Conseil d’État et la Cour de cassation », A.J.D.A., 20 novembre 1999, p. 847
et plus précisément p. 852 ; ANDRIANTSIMBAZOVINA Joël, « Droit administratif et
Convention européenne des droits de l'homme, Jurisprudence administrative et Convention
européenne des droits de l'homme », R.F.D.A., 2000, p. 1059 et, plus précisément, p. 1062 ;
THUOT Thierry, « Quel avenir pour le pouvoir de sanction des autorités administratives
indépendantes ? », A.J.D.A., 2001, p. 135 ; GUYOMAR Mattias, « La sanction administrative »,
L.P.A., 12 janvier 2006, n o 9, p. 7 ; QUASTANA Jacques, « La sanction administrative est-elle
encore une décision de l’administration. Rapport général », A.J.D.A., 2001 ; JEGOUZO Yves,
« Les sanctions administratives, actualité et perspective », A.J.D.A., 2001, p. 1 ; QUILICHINI
Paule, « Réguler n’est pas juger. Réflexions sur la nature du pouvoir de sanction des autorités de
régulation économique », A.J.D.A., 2004, p. 1060 ; CHAGNOLLAUD Dominique, « La sanction
(administrative) et le juge constitutionnel : Montesquieu, malgré tout ? », Justice et cassation,
D., 2005, p. 26 et plus précisément p. 28.
1020
ANDRIANTSIMBAZOVINA Joël, « Droit administratif et Convention européenne des droits de
l'homme, Jurisprudence administrative et Convention européenne des droits de l'homme »,
précité, p. 1062.
1021
Cass., Ass. Plén., 5 février 1999, n o 97-16.441, COB c/ Oury, Bull. AP, no 1, p. 1 ; Gaz. Pal.,
24 et 25 février 1999, p. 8, concl. LAFORTUNE Maurice-Antoine ; J.C.P., 1999, II, 10060, note
MATSOPOULOU Haratini ; D., 1999, Somm. 249, obs. BON-GARCIN Isabelle ; FRISON-
ROCHE Marie-Anne, « Les autorités de régulation confrontées à la Convention européenne des
droits de l'homme », L.P.A., 10 février 1999, no 29, p. 17 ; L.P.A., 10 février 1999, p. 14, note
DUCOULOUX-FAVARD Claude.
1022
BRISSON Jean-François, « Les pouvoirs de sanction des autorités de régulation et l’article 6 § 1
de la Convention européenne des droits de l’homme. À propos d’une divergence entre le Conseil
d’État et la Cour de cassation », A.J.D.A., 20 novembre 1999, p. 847.

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CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014

A. Une interprétation fondée sur une conception juridictionnelle des principes


des droits de la défense, de l’impartialité et de la contradiction

De par la prégnance dans la doctrine publiciste française d’une approche


juridictionnelle des principes des droits de la défense, de l’impartialité et de la
contradiction, l’expansion de ces garanties procédurales devant les autorités
administratives sur le fondement du droit au procès équitable est généralement perçue
comme une entreprise de juridictionnalisation de l’administration.

Deux éléments témoignent de ce que les auteurs ne se départissent pas de


l’idée selon laquelle ces règles procédurales énoncées à l’article 6 C.E.D.H.
constituent l’apanage exclusif des instances juridictionnelles et ne se conçoivent
guère sans elles ou, à tout le moins, sans un succédané.

D’une part, l’obligation faite à certaines autorités administratives de se


conformer à certaines des prescriptions du droit au procès équitable est généralement
présentée comme une transposition de règles, non pas simplement d’origine
contentieuse, mais de nature juridictionnelle 1023.

D’autre part, le débordement de ces exigences procédurales en dehors du


domaine de la juridiction est constamment justifié par la nature quasi-juridictionnelle
soit des autorités administratives indépendantes, soit de leur activité répressive 1024.

1023
GUYOMAR Mattias et COLLIN Patrick, obs. sur CE, Ass., 3 décembre 1999, Jean-Louis
Didier, A.J.D.A., 20 février 2000, p. 126 et, plus précisément, p. 129 ; THUOT Thierry, « Quel
avenir pour le pouvoir de sanction des autorités administratives indépendantes ? », précité ;
Mattias GUYOMAR, « Le droit au juge indépendant et impartial en matière administrative. Le
principe vu par le Conseil d’État », in Variations autour d’un droit commun, Mireille DELMAS-
MARTY, Xavier DIJON, Bénédicte FAUVARQUE-COSSON, Rosalind GREENSTEIN, Jean-
Louis HALPERIN, Marie-Laure IZORCHE, Christophe JAMIN, Otto PFERSMANN (dir.),
Société de Législation Comparée, 2001, p. 71 ; THOMASSET-PIERRE Sylvie, L’autorité de
régulation boursière face aux garanties processuelles fondamentales, L.G.D.J., 2001, p. 247.
1024
KLAOUSEN Patrick, « Réflexions sur la définition de la notion de juridiction dans la
jurisprudence du CE », L.P.A., 30 juillet 1993, no 91, p. 22 ; DOARE Ronan, Les sanctions
administratives (contribution à l'étude du renouveau de la répression administrative), Thèse,
Rennes, 1994, p. 13 ; BRISSON Jean-François, « Les pouvoirs de sanction des autorités de
régulation et l’article 6 § 1 de la Convention européenne des droits de l’homme », précité,
p. 846 ; Mattias GUYOMAR, « Le droit au juge indépendant et impartial en matière
administrative. Le principe vu par le Conseil d’État », in Variations autour d’un droit commun,
précité, p. 71 ; EVEILLARD Gweltaz, « L’application de l’article 6 de la Convention
européenne des droits de l’homme à la procédure administrative non contentieuse », A.J.D.A.,
2010, p. 531.

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CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014

Il est vrai que cette identification des principes des droits de la défense,
d’impartialité et de la contradiction à la procédure juridictionnelle peut se prévaloir,
en droit administratif français, d’une longue tradition historique et jurisprudentielle
(1). Cependant, elle apparaît aujourd’hui datée (2), de sorte qu’elle ne nous semble
plus pouvoir conforter la thèse d’une juridictionnalisation de l’administration
provoquée par la diffusion de ces garanties en dehors de la sphère juridictionnelle.

1. Une conception historiquement justifiée

Deux raisons permettent d’expliquer l’identification récurrente dans la


doctrine des droits de la défense, d’impartialité et de la contradiction à la procédure
juridictionnelle.

La première est à rechercher dans les origines historiques de la Justice


administrative, et plus précisément dans les modalités de sa constitution et de son
essor, lesquelles ont largement contribué à établir un monopole procédural de fait au
profit de la juridiction. Il convient, en effet, de rappeler 1025 que ces garanties
procédurales ont été l’une des sources essentielles de l’épanouissement de la Justice
administrative. En ce sens, elles ont pu apparaître comme intimement liée au domaine
de la juridiction, comme le critère du passage de la sphère administrative à la sphère
juridictionnelle. Certes, il serait erroné de penser que durant le processus de mise en
place de la Justice administrative, le développement des garanties procédurales
protectrices des droits des administrés n’ait concerné, en droit administratif, que
l’administration contentieuse ou, en d’autres termes, ait été totalement étrangère à
l’administration active. Le professeur Jean RIVERO l’a fort bien mis en exergue, en
soulignant à propos du premier Empire, que « Les veilles procédures dont l’Empereur
a doté l’administration répondent beaucoup plus au schéma juridictionnel qu’au
schéma militaire : elles donnent sans cesse la parole à l’administré ; le style Empire,
en matière administrative, c’est la multiplication des enquêtes préalables, la publicité
des diverses phases de l’élaboration, les délais qui alourdissent les lignes de l’action
administrative comme les cuivres ciselés celles des meubles mais multiplient les

1025
Voir en ce sens : Introduction générale, II, p. 32 à p. 34.

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CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014

garanties préalables au profit des intéressés. » 1026 Et d’ajouter, « s’il y a eu, en


France, un âge d’or de la garantie préalable à la décision pour le particulier, c’est
bien celui-là ». La lecture des « Cours » 1027 de Joseph-Marie DE GÉRANDO, publiés
en 1822, dans lesquels on trouve une analyse et une description précise du contenu
des différentes règles susceptibles de former un « code de Procédure administrative »,
suffit pour s’en convaincre. Mais « Entre le système de la garantie préalable à la
décision, qui triomphe dans le droit américain et auquel Gérando, aux origines du
droit administratif, donnait la préférence et celui de la garantie postérieur à la
décision, l’évolution française a, sans hésitation, opté pour la seconde » relève Jean
RIVERO. Et d’ajouter, pour expliquer les raisons d’un tel choix, « La tradition s’est
perdue … dans les rapports avec les administrés…, le souci d’efficacité l’emportant
sur la préoccupation des garanties, le dialogue s’est progressivement éteint… car il
est apparu, au fur et à mesure des progrès du contentieux, que les garanties
préalables, avec leur lenteur et leur poids étaient d’autant moins nécessaires
qu’après coup le contrôle du juge venait en cas de besoin, rétablir le particulier dans
ses droits » 1028. Les vertus de la Justice administrative ont ainsi conduit à sous-
estimer les garanties non contentieuses préalables et à mettre à mal toute tentative
d’organisation procédurale de l’activité administrative.

La seconde raison justifiant l’assimilation récurrente des droits de la défense,


d’impartialité et de la contradiction à la juridiction tient à la jurisprudence
administrative, elle-même. Comme nous l’avons vu 1029, le Conseil d’État a érigé, dans
un premier état de sa jurisprudence, ces garanties procédurales en critère
d’identification de la juridiction. Par ailleurs, à mesure qu’il a multiplié les
juridictions administratives spéciales, le Conseil d’État a élaboré des règles générales
de procédure qui forment « un véritable code de procédure non écrit » 1030 et parmi

1026
RIVERO Jean, « Le système français de protection des administrés contre l’arbitraire
administratif à l’épreuve des faits », in Mélanges Dabin, Bruxelles, 1963, t. II, p. 819.
1027
DE GÉRANDO Joseph-Marie, « Cours », Thémis, t. IV, 1822.
1028
RIVERO Jean, « Le système français de protection des administrés contre l’arbitraire
administratif à l’épreuve des faits », précité, p. 820.
1029
Voir en ce sens : Introduction générale, II, p. 35 à p. 37.
1030
ISAAC Guy, La procédure administrative non contentieuse, Thèse, L.G.D.J., 1968, p. 31.

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CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014

lesquelles figurent la nature contradictoire de la procédure 1031, le principe


d’impartialité à travers l’affirmation du droit de récusation 1032 et du renvoi pour cause
de suspicion légitime 1033. Or, ces règles générales de procédure n’ayant vocation à
s’imposer qu’aux seuls organismes juridictionnels, l’obligation de respecter le
principe du contradictoire et d’impartialité apparaît de nouveau étroitement liée à la
qualité de juridiction. Ainsi, il semble qu’à cette époque, le juge administratif ne
conçoit pas « d’autre moyen d’accorder des garanties aux administrés qu’en les
transformant en justiciables » 1034. Mais ce faisant, il a inéluctablement contribué à
conforter le sentiment d’une incompatibilité manifeste entre l’administration et les
garanties procédurales mises en œuvre devant la juridiction.

En affirmant que le caractère non juridictionnel d’un organisme tient, non pas
aux formes mais à la « nature de la matière » dans laquelle il décide, l’arrêt
d’assemblée « de Bayo » 1035 du 12 décembre 1953 met un terme à la prépondérance
des considérations formelles et procédurales dans la qualification de juridiction. Le
Conseil d’État reconnaît enfin que « l’octroi des garanties d’une procédure de type
juridictionnel n’a rien d’incompatible avec le fonctionnement d’un organisme de
caractère administratif » 1036. Pour autant, cette nouvelle position jurisprudentielle ne
va pas suffire à altérer le monopole procédural de la juridiction, lequel se maintient
sur le plan théorique. En effet, si le Conseil d’État admet désormais le débordement
des droits de la défense, d’impartialité et de la contradiction hors du domaine
juridictionnel, ce n’est que dans les matières qu’il considère comme « quasi-
juridictionnelles » et parce que précisément, elles se situent à la frontière du

1031
CE, 20 juin 1913, Téry, Rec., p. 736, concl. CORNEILLE Louis-François ; CE, 7 février 1947,
d’Aillières, R.D.P., 1947, p. 68, note WALINE Marcel.
1032
CE, 24 juillet 1934, Ducos, D., 1934, p. 577.
1033
CE, 8 janvier 1959, Commissaire du Gouvernement près le Conseil supérieur de l’ordre des
experts comptables, D., 1960, p. 42, note DEBBASCH Charles.
1034
ISAAC Guy, La procédure administrative non contentieuse, thèse précitée, p. 32.
1035
CE, 12 décembre 1953, de Bayo, Rec., p. 544 ; R.F.D.A., 1954, p. 3, concl. CHARDEAU
Jacques ; A.J.D.A., 1954, II, p. 138, note de SOTO Jean et II bis, p. 2, chr. GAZIER François et
LONG Marceau.
1036
CHARDEAU Jacques, concl. sur CE, 2 mars 1956, Société électrique du Cambrésis, C.J.E.G.,
1956, p. 181.

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CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014

juridictionnel 1037. Les explications fournies par Raymond ODENT sur le fondement
de la jurisprudence relative aux « droits de la défense devant l’administration
active » 1038 expriment clairement ce point de vue. C’est « un phénomène de
contamination, d’irradiation (…) dans certaines matières qui, par leur nature,
s’apparentent à celles relevant du domaine juridictionnel ; les autorités
administratives se trouvent ainsi (…) en présence du problème des droits de la
défense ; (…) dans ces hypothèses, (…) l’essentiel des garanties reconnues à la
défense dans la procédure contentieuse a été transposée dans la procédure purement
administrative » 1039, indique-t-il. Et d’ajouter, « En raison de leur nature, de leur
objet, les décisions juridictionnelles doivent être précédées d’un débat contradictoire.
C’est aussi en raison de leur nature et de leur objet que certaines décisions
administratives ne peuvent intervenir qu’après une instruction contradictoire ».
Poursuivant sur le caractère artificiel de la distinction entre l’activité juridictionnelle
et l’activité administrative, il note à cet égard : « en pratique, des activités
intermédiaires auraient indifféremment pu être rangées soit parmi les activités
juridictionnelles soit parmi les activités administratives ; le régime disciplinaire dans
la fonction publique fournit un exemple de ces matières mixtes ».

Transposé sur le plan théorique, le monopole procédural de la juridiction se


trouve ainsi reconduit et le sera pour une longue période. La jurisprudence
administrative relative au droit au procès équitable est, à cet égard, significative.
Nous avons pu observer que durant des années, le Conseil d’État a réservé
l’application des garanties procédurales de l’article 6 C.E.D.H. aux seules instances

1037
C’est ainsi que dans son arrêt « Dame Veuve Trompier-Gravier » du 5 mai 1944, le Conseil
d’État consacre explicitement l’obligation pour l’administration de se conformer aux droits de la
défense lorsqu’elle prononce à l’encontre d’un administré une sanction administrative générale
(CE, 5 mai 1944, no 69751, Dame Veuve Trompier-Gravier, Rec., p. 133). Un an plus tard, la
haute juridiction administrative étend l’application de cette garantie aux décisions prises par
l’administration en matière disciplinaire. Par sa décision « Aramu » du 26 octobre 1945, elle
souligne, en effet, « qu’il résulte des principes généraux du droit applicables même en l’absence
de texte qu’une sanction ne peut à ce titre être prononcée légalement sans que l’intéressé ait été
mis en demeure de présenter utilement sa défense » (CE, Ass., 26 octobre 1945, Aramu, Rec.,
p. 213). L’arrêt du 22 mai 1946 « Maillou », rendu dans le cadre d’un contentieux relatif à
l’épuration, retient la même solution (CE, 22 mai 1946, Maillou, Rec., Tables, p. 470).
1038
ODENT Raymond, Les droits de la défense, E.D.C.E., 1953, p. 60. Voir également en ce sens :
CHENOT Bernard, concl. sur CE, 5 mai 1944, Veuve Trompier-Gravier, R.D.P., 1944, p. 256.
1039
ODENT Raymond, Les droits de la défense, précité, p. 60.

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CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014

juridictionnelles 1040. Puis c’est en se fondant sur la nature quasi-juridictionnelle des


autorités administratives indépendantes statuant en matière « pénale » que certains
rapporteurs publics administrative ont justifié l’extension du droit au procès équitable
à ces dernières 1041. Enfin, il fut un temps, qui n’est pas si ancien, où le Conseil d’État
prenait le soin de requalifier les autorités administratives justiciables de l’article 6
C.E.D.H. en « tribunal au sens de » 1042, cristallisant davantage encore le lien entre les
droits de la défense, les principes d’impartialité et de la contradiction et la juridiction.

Mais, aujourd’hui, cette référence a été abandonnée. De surcroît, l’invocation


du droit au procès équitable à l’encontre des autorités administratives indépendantes
statuant en « matière civile » a été récemment admise. Il semble donc bien que l’idée
selon laquelle certaines des exigences énoncées à l’article 6 C.E.D.H. peuvent et
doivent trouver à s’appliquer devant les autorités dont les décisions sont susceptibles
de porter atteinte au droit des particuliers et, non pas seulement devant celles qui se
situent à la limite de la frontière juridictionnelle, chemine au sein de la haute
juridiction administrative. Et pour cause, dans le contexte actuel de renforcement des
droits subjectifs, l’approche exclusivement juridictionnelle de la procédure apparaît, à
bien des égards, dépassée.

2. Une conception datée

Aujourd’hui, considérer le développement des droits de la défense, de la


contradiction et de l’impartialité devant l’administration comme un facteur de
juridictionnalisation de cette dernière nous paraît procéder d’une approche dépassée.

D’une part, les obstacles, qui se sont dressés dans l’appréhension des principes
d’impartialité, des droits de la défense et du contradictoire libérée du prisme
juridictionnel, ont pour la plupart été levés. Tout d’abord, l’existence et

1040
Voir en ce sens : Partie 1, Chapitre 2, Section 1, I.
1041
Voir en ce sens : Partie 1, Chapitre 2, Section 2, I.
1042
Voir en ce sens : Partie 1, Chapitre 2, Section 2, I, A, 2.

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CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014

l’indépendance de la juridiction administrative ont été constitutionnellement 1043


consacrées de sorte qu’insister sur la différenciation procédurale entre
l’administration et la juridiction, pour caractériser et légitimer l’existence de la
seconde vis-à-vis de la première, ne s’avère plus aussi primordial qu’auparavant.
Ensuite, comme nous l’avons vu, le Conseil d’État a explicitement reconnu qu’un
organisme pouvait présenter des caractéristiques formelles d’organisation et de
procédure analogues à celles d’une juridiction sans perdre pour autant sa nature
administrative 1044. Par ailleurs, les droits de la défense dont l’application était
initialement cantonnée aux matières considérées comme « quasi-juridictionnelles »,
trouvent désormais à s’appliquer en dehors de ces dernières. Dans les années 1970, le
Conseil d’État a reconnu l’invocabilité de cette garantie à l’encontre des « décisions
administratives défavorables prises en considération de la personne » 1045. Peu de
temps après, le pouvoir réglementaire est intervenu pour imposer le respect des droits
de la défense préalablement à l’édiction d’une mesure de police par les autorités de
l'État et de ses établissements publics 1046. La loi du 12 avril 2000 a étendu cette
obligation à l’ensemble des autorités administratives 1047. Enfin, dans le cadre de la
jurisprudence relative au droit au procès équitable et aux autorités administratives, le
Conseil d’État a reconnu explicitement que si les principes des droits de la défense,
d’impartialité et de la contradiction sont effectivement des garanties inhérentes à la

1043
Décision no 80-119 DC du 22 juin 1980, obs. CARCASSONNE Guy, A.J.D.A., 1980, p. 602 ;
FAVOREU Louis, R.D.P., 1980, p. 1658 ; HAMON Léo, D., 1981, IR, p. 356 ; Décision n o 86-
224 DC du 23 janvier 1987, obs. CHEVALLIER Jacques, A.J.D.A., 1987, p. 345 ; FAVOREU
Louis, « Le principe de séparation des autorités administratives et judiciaires n'a pas valeur
constitutionnelle », R.F.D.A., 1987, p. 301 ; GENEVOIS Bruno, « Le Conseil constitutionnel et
le principe de séparation des autorités administratives et judiciaires », R.F.D.A., 1987, p. 287 ;
GAUDEMET Yves, R.D.P., 1987, p. 1341 ; Décision no 2009-595 DC du 3 décembre 2009 sur
la loi organique relative à l'application de l'article 61-1 de la Constitution, Cons. n o 3,
GENEVOIS Bruno, « Le contrôle a priori de constitutionnalité au service du contrôle a
posteriori. À propos de la décision n° 2009-595 DC du 3 décembre 2009 », R.F.D.A., 2010,
p. 1 ; ROUX Jérôme, « La question prioritaire de constitutionnalité à la lumière de la décision
du Conseil constitutionnel du 3 décembre 2009 », R.D.P., 2010, p. 233 ; JAN Pascal, « La
question prioritaire de constitutionnalité », L.P.A., 18 décembre 2009, p. 6.
1044
Concl. CHARDEAU Jacques sur CE, 2 mars 1956, Société électrique du Cambrésis, C.J.E.G.,
1956, p. 181.
1045
Voir sur ce point : Partie 2, Chapitre 2, Section 2, I, A, 1.
1046
Article 8 du décret n o 83-1025 du 28 novembre 1983 concernant les relations entre
l'administration et les usagers.
1047
Loi n o 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les
administrations.

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CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014

procédure juridictionnelle, ils ne sont pas pour autant des garanties spécifiques aux
procédures juridictionnelles, et ce à la différence de la publicité des débats, de la
motivation des décisions et du droit à l’assistance gratuite d’un avocat 1048. Notre droit
semble donc bien s’être libéré de ses préventions séculaires sur l’exclusivité du lien
entre les droits de la défense, les principes d’impartialité et de la contradiction et la
procédure juridictionnelle.

D’autre part, il faut bien reconnaître que l’identification de ces garanties à la


procédure juridictionnelle aboutit à une impasse, à tout le moins un paradoxe. D’un
côté, à celui qui sanctionne, on demande « qui t’a fait juge ? » 1049. Face à ce que l’on
ressent comme une substitution de rôles, on préconise l’encadrement du pouvoir de
répression administrative et, consécutivement, la reconnaissance de garanties
procédurales protectrices des droits des administrés 1050. On regrette alors la faiblesse
des limites posées au développement des sanctions administratives 1051. D’un autre
côté, lorsque le législateur ou le juge administratif veille à renforcer les règles
procédurales qui entourent le prononcé des sanctions administratives, on donne à ce
qui est un « plus » l'apparence d'un « manque ». On ne se réjouit pas que les droits de
la défense, l’impartialité, la contradiction soient mieux garantis, mais on préfère
s’interroger sur les risques pour l’efficacité de l’action administrative 1052. On évoque
une transformation de l’autorité administrative en autorité juridictionnelle qui
pourrait conduire à terme à la disparition de la sanction administrative 1053.

1048
Voir sur ce point : Partie 2, Chapitre 2, Section 2, II, A, 2.
1049
DELVOLVÉ Pierre, « La justice hors du juge », Cahiers de droit de l'entreprise, 1984,
n o supplémentaire, n o 4, p. 16.
1050
QUASTANA Jacques, « La sanction administrative est-elle encore une décision de
l’administration ? Rapport général », précité, p. 141 ; ARPAILLANGE Pierre, « Introduction »,
L.P.A., 17 janvier 1990, n o spécial sur les sanctions administratives, p. 3 ; CHAUMONT Jean-
Pierre, « Présentation générale », L.P.A., 17 janvier 1990, n o spécial sur les sanctions
administratives, p. 5.
1051
CHAUMONT Jean-Pierre, « Présentation générale », L.P.A., 17 janvier 1990, n o spécial sur les
sanctions administratives, p. 5.
1052
JEGOUZO Yves, « Les sanctions administratives, actualité et perspective », A.J.D.A., 2001,
p. 1.
1053
THUOT Thierry, « Quel avenir pour le pouvoir de sanction des autorités administratives
indépendantes ? », précité, p. 135 ; QUASTANA Jacques, « La sanction administrative est-elle
encore une décision de l’administration ? Rapport général », précité, p. 141.

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CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014

En vérité, la conception juridictionnelle de ces garanties procédurales empêche


de penser le développement de la procédure administrative non contentieuse de
manière autonome. C’est pourquoi il convient de dépasser cette approche stérile. Il ne
s’agit pas de nier le mouvement de convergence entre la juridiction administrative et
l’autorité administrative. Mais plutôt que de se focaliser sur le risque de dénaturation
juridictionnelle de l’administration, nous proposons d’y voir l’élaboration d’une
procédure administrative non contentieuse respectueuse des droits fondamentaux.
Explorer cette voie suppose notamment de regarder au-delà de la ressemblance, de se
débarrasser de la fausse optique du monopole procédural de la juridiction et
d’appréhender les principes des droits de la défense, d’impartialité et de la
contradiction devant l’administration, non pas comme des garanties de nature
juridictionnelle, mais comme des principes fondamentaux qui doivent être communs à
l’action administrative et à l’action juridictionnelle toutes les fois que sont en cause
les droits et intérêts des particuliers. C’est ce à quoi, d’ailleurs, nous invite l’analyse
du droit positif, qui contredit clairement la thèse de la juridictionnalisation de
l’administration provoquée par la jurisprudence relative au droit au procès équitable
et aux autorités administratives.

B. Une interprétation contraire aux données du droit positif

L’hypothèse d’une juridictionnalisation des autorités administratives soumises


au droit au procès équitable ignore totalement les données du droit positif.

D’une part, elle ne correspond pas à la volonté actuelle de la haute juridiction


administrative, qui s’oppose à un alignement complet de la procédure administrative
sur la procédure juridictionnelle (1).

D’autre part, elle s’inscrit en porte à faux avec l’évolution générale du droit,
laquelle témoigne, au contraire, d’un mouvement tendant à limiter la prolifération des
juridictions administratives spéciales et à privilégier notamment la voie de la
« déjuridictionnalisation » (2).

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CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014

1. Le refus du Conseil d’État d’aligner la procédure administrative


non juridictionnelle sur la procédure administrative juridictionnelle

Nos précédents développements nous ont permis de constater que le Conseil


d’État prend de nombreuses précautions afin que l’application du droit au procès
équitable aux autorités administratives ne soit pas perçue comme une remise en cause
de la distinction entre l’administration et la juridiction.

Premièrement, le Conseil d’État refuse, comme nous l’avons vu 1054,


d’appliquer l’ensemble des règles procédurales de l’article 6 C.E.D.H. aux autorités
administratives justiciables du droit au procès équitable. Il exclut l’application des
garanties qu’il estime être spécifiques à la juridiction.

Deuxièmement, ainsi que l’a fait observer M. SAUVE 1055, la haute juridiction
administrative « retient une conception pragmatique » du contenu des droits de la
défense et du principe d’impartialité afin d’éviter tout formalisme qui nuirait à
l’efficacité de l’action administrative. L’absence d’audition d’un témoin par la
Commission des sanctions de l’autorité des marchés financiers viole l’article 6
C.E.D.H. uniquement s’il est établi qu’elle a préjudicié aux droits de la défense 1056.
De même, la violation du principe d’impartialité des juridictions par la Commission
bancaire n’interdit pas que les poursuites soient éventuellement reprises par
l’Autorité de contrôle prudentiel sur le fondement des opérations de contrôle menées
par la Commission bancaire.

Par ailleurs, certains membres du Conseil d’État ont expressément écarté la


thèse de la juridictionnalisation des autorités administratives soumises à une partie
des exigences du droit au procès équitable. S’exprimant, en 1999, sur l’article 6
C.E.D.H. et les décisions des autorités administratives, le conseiller d’État Jean-
Claude BONICHOT a notamment fait observer qu’ « On ne peut voir,

1054
Voir en ce sens : Partie 2, Chapitre 2, Section 2, II.
1055
SAUVE Jean-Marc, « Autorités administratives, droits fondamentaux et opérateurs
économiques », Colloque du 12 octobre 2012 organisé par la Société de législation comparée à
Paris.
1056
CE, 29 mars 2010, nos 323354, 323488, 323491, 324395, M. Piard et autres.

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CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014

artificiellement, des juridictions partout et l'État ne peut les multiplier car il n'en a
pas les moyens. « Juridictionnaliser » à l'excès n'est pas de bonne administration et
ne peut, dans le fond, que ternir l'image du juge dans le public » 1057. Interrogé deux
ans plus tard sur les raisons pour lesquelles le Conseil d’État se montre si réticent à
l'idée que les autorités administratives puissent être analysées ou traitées d'un point
de vue procédural comme des juridictions, M. BONICHOT a, dans la droite ligne de
son intervention précédente, précisé que « le législateur, en qualifiant ces organismes
d'autorités administratives, a clairement montré sa volonté de créer des organes
administratifs et non pas des juridictions. Ensuite, il faut se garder de
juridictionnaliser à l'excès l'action administrative. Il est vrai que le C.S.A., le C.M.F.
ou encore la C.O.B. prennent des décisions très importantes ; mais il est non moins
vrai que lorsqu'un préfet statue sur une demande de permis de construire, il porte
également atteinte à des droits. Nul ne songerait cependant à prétendre qu'il se
comporte comme une juridiction ! Nous devons éviter d'aller dans le sens d'une
« juridictionnalisation rampante » de l'administration. Ce serait illusoire et
dangereux ». Et d’ajouter « qu'il y a lieu d'éviter la banalisation des juridictions. Ce
serait rabaisser celles-ci dans l'ordre des institutions. » 1058 Cette prise de position,
qui reflète parfaitement l'avis le plus répandu au sein du Conseil d’État, s’inscrit dans
la droite ligne de la jurisprudence administrative actuelle qui témoigne d’une plus
grande sévérité dans l’octroi de la qualité d’organe juridictionnel.

2. Le refus du Conseil d’État de multiplier les juridictions


administratives spécialisées

L’époque où la haute juridiction administrative attribuait assez facilement le


caractère juridictionnel à des organismes dont le législateur n’avait pas précisé la
nature apparaît, aujourd’hui, bel et bien révolue. Et pour cause, le foisonnement des
juridictions administratives spécialisées présente de sérieux inconvénients qui
viennent considérablement relativiser l’intérêt de tels organismes. Créées à l’origine

1057
BONICHOT Jean-Claude, « L’article 6 de la C.E.D.H. », L.P.A., 15 janvier 1999, n o 11, p. 8.
1058
BONICHOT Jean-Claude, « Interview : L’application de l’article 6 § 1 aux autorités de
régulation : la position du Conseil d’État », L.P.A., 11 mai 2000.

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CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014

pour faire face à l’encombrement des juridictions ordinaires 1059 en les déchargeant de
contentieux transitoires ou très techniques et destinées à offrir aux administrés les
garanties de la procédure juridictionnelle 1060, ces instances se sont rapidement
révélées être une source de complication des règles de répartition des
compétences 1061, d’écartèlement du contentieux, d’« émiettement préjudiciable à
l’unité de la justice et à la cohérence de la jurisprudence » 1062. À ces critiques bien
connues, s’ajoute une difficulté liée à l’applicabilité de l’article 6 C.E.D.H. Le
fonctionnement et la composition des juridictions administratives spécialisées, et
notamment le cumul des fonctions réalisées en leur sein, font peser sur la France un
risque sérieux de condamnation au regard de l’exigence européenne d’impartialité
structurelle. Une menace identique résulte de la composition des juridictions
administratives spécialisées, dont les membres sont le plus souvent issus de la
profession ou du secteur de la compétence de la juridiction. Or, l’exercice ultérieur
d’un contrôle de cassation peut se révéler insuffisant au regard de l’exigence
européenne de « pleine juridiction » pour rattraper les manquements des juridictions
administratives spécialisées aux garanties du procès équitable.

C’est dans ce cadre que depuis les années 1950, le Conseil d’État a entamé une
politique jurisprudentielle visant à « enrayer la prolifération des juridictions
administratives spécialisées » 1063. Pour ce faire, il a écarté « peu à peu la technique
du faisceau d’indices, propre en définitive, à multiplier les juridictions
administratives spécialisées, pour ne plus retenir qu’un seul critère : la volonté du

1059
« La raison principale qui a engagé le Parlement à s’engager dans cette voie est que, votant des
lois qui doivent donner lieu à un contentieux nouveau abondant, il y a un moyen de ne pas
augmenter encore l’encombrement du Conseil d’État », Julien LAFERRIÈRE, « Chronique
législative, 2 ème étude », R.D.P., 1921, p. 128.
1060
Voir en ce sens : DEGOFFE Michel, La juridiction administrative spécialisée, thèse précitée,
p. 377 : « La faiblesse de la procédure administrative non contentieuse, cause de la
prolifération des juridictions administratives spécialisées » ; ISAAC Guy, La procédure
administrative non contentieuse, thèse précitée, p. 32 : « Le caractère opportuniste de la
jurisprudence en la matière ne paraît faire doute (…) Le plus souvent le Conseil d’État fit d’une
commission une juridiction (…) parce qu’il voulait protéger les assujettis à cette commission
(…) ».
1061
CHAPUS René, Droit du contentieux administratif, 12 ème éd., Montchrestien, p. 99, n o 97.
1062
DELVOLVÉ Pierre, « Rapport de synthèse », Colloque du 15 octobre 2004 sur l’avenir des
tribunaux administratifs, J.C.P. A, 2005, p. 1302.
1063
GOHIN Olivier, « Qu’est-ce qu’une juridiction pour le juge français ? », Droits, Revue
française de théorie juridique, 1989, no 9, p. 103 et p. 104.

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CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014

législateur de créer une juridiction. (…) il renonce, en principe, à « découvrir » des


juridictions » 1064. Alors qu’elle avait jugé, dans un arrêt de Section du 2 février 1945
« Moineau » 1065, que les décisions prises par la Chambre de discipline du Conseil
national de l’Ordre des médecins, en matière d’inscription au tableau, étaient de
nature juridictionnelle, la haute juridiction administrative est revenue, dans sa
décision du 12 décembre 1953, « de Bayo » 1066, sur cette qualification. Et les
exemples en ce sens sont nombreux 1067.

En 1973, dans une étude consacrée aux juridictions administratives


spéciales 1068, le Conseil d’État a expressément recommandé de limiter le recours à
cette catégorie à des cas très exceptionnels. Interrogé en 2004 sur l’avenir des
juridictions spécialisées dans le domaine social 1069, le Conseil d’État a sollicité
l’intervention du législateur afin d’œuvrer dans le sens d’une simplification du
schéma juridictionnel. Dans ce cadre, il a notamment évoqué la possibilité d’un
transfert intégral du contentieux social aux juridictions administratives de droit
commun et l’institution d’un recours administratif préalable obligatoire. Les propos
tenus par M. SAUVE dans le rapport public publié en 2008 confirment que l’unité de

1064
DEGOFFE Michel, La juridiction administrative spécialisée, Bibliothèque de droit public,
t. 186, L.G.D.J., Paris, 1996, p. 539.
1065
CE, Sect., 2 février 1945, Moineau, Rec., p. 27.
1066
CE, Ass., 12 décembre 1953, de Bayo, Rec., p. 544 ; Voir dans le même sens : CE, Sect., 9 mars
1962, Doux, Rec., p. 160 ; CE, 31 mai 1963, Conseil national de l’Ordre des médecins
c/ Bourbouloux, Rec., p. 338.
1067
Dans les années 1980, la haute juridiction administrative privilégie la qualification de recours
administratif préalable obligatoire à propos de la procédure menée devant la Commission
supérieure de la carte d’identité des journalistes professionnels contre les décisions de refus de
renouvellement de la carte professionnelle : CE, 29 juin 1983, Forest, Rec., p. 279 ; CE, 26 avril
1985, Malle, Rec., p. 139.
1068
CONSEIL D’ÉTAT, Les juridictions administratives spéciales, Études et documents, 1973,
fasc., no 26, p. 197 : « ce n’est, en définitive, que dans des domaines limités et au cas très
exceptionnels (…) qu’il serait possible de substituer à l’administration, un organisme
juridictionnel (…) le législateur ne devrait aussi n’accueillir qu’avec circonspection la création
d’organismes juridictionnels destinés à se substituer au juge de droit commun (…) ».
1069
CONSEIL D’ÉTAT, Section du rapport et des études, L'avenir des juridictions spécialisées dans
le domaine social, E.D.C.E., 2004, p. 55 et p. 56.

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la juridiction administrative 1070 constitue l’une des préoccupations actuelles du


Conseil d’État.

Le législateur va dans le même sens.

Ces dernières années ont été marquées par un mouvement tendant à la


suppression des juridictions administratives spécialisées, qui s’est traduit tantôt par le
transfert de leur compétence au profit des juridictions ordinaires et la mise en place
simultanément d’une procédure de recours administratif préalable obligatoire, tantôt
par la transformation des procédures juridictionnelles devant ces instances
spécialisées en procédures administratives et la soumission de ces dernières au
contrôle de droit commun de la juridiction administrative.

Privilégiant la première option, la loi du 1 er décembre 2008 a confié le


contentieux concernant le revenu de solidarité active aux tribunaux administratifs tout
en prévoyant une procédure de recours administratif préalable obligatoire auprès du
président du conseil général. Auparavant, le contentieux des décisions relatives au
revenu minimum d’insertion et à l’allocation de parent isolé relevait de deux
juridictions spéciales différentes : la commission départementale d’aide sociale pour
les premières et le tribunal des affaires de sécurité sociale pour les secondes.

Illustrant la seconde approche, celle d’une déjuridictionnalisation du


contentieux, la loi d'orientation et de programmation pour la refondation de l'école de
la République du 8 juillet 2013 a autorisé le Gouvernement à supprimer, par voie
d'ordonnance, les compétences contentieuses et disciplinaires du Conseil supérieur de
l'éducation et des conseils académiques de l'éducation nationale, lesquels constituent,
lorsqu'ils exercent ces compétences, des juridictions administratives spécialisées.
L’ordonnance du 26 juin 2014 1071 prévoit en ce sens que les procédures
juridictionnelles devant les conseils académiques de l'éducation nationale et, en appel
de leurs décisions, devant le Conseil supérieur de l'éducation sont remplacées par des
procédures administratives soumises au contrôle de droit commun de la juridiction

1070
SAUVE Jean-Marc, « Éditorial », in Rapport public 2008, Conseil d’État, La Documentation
française, Paris, 2008, p. 9.
1071
Ordonnance n° 2014-691 du 26 juin 2014 portant suppression des compétences contentieuses et
disciplinaires du Conseil supérieur de l'éducation et des conseils académiques de l'éducation
nationale.

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CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014

administrative. Plus précisément, les compétences dévolues aux conseils académiques


de l'éducation nationale pour prononcer des sanctions disciplinaires à l’encontre de
certains personnels des établissements d’enseignement privés seront désormais
confiées au recteur dont la décision, prise après avis du conseil académique de
l'éducation nationale, pourra être déférée devant la juridiction administrative de droit
commun. Il en est de même s’agissant des compétences des conseils académiques de
l'éducation nationale pour statuer sur les décisions d’opposition à l’ouverture d’un
établissement d’enseignement privé. Par voie de conséquence, les compétences
contentieuses du Conseil supérieur de l'éducation, qui statuait en appel sur les
décisions juridictionnelles des conseils académiques de l'éducation nationale, sont
également supprimées. Par ailleurs, les compétences que le Conseil supérieur de
l'éducation détenait en matière de relèvement des exclusions, déchéances et
incapacités seront confiées au ministre de l’éducation nationale.

Force est de constater que de nos jours, la lutte contre l’encombrement de la


juridiction administrative passe par l’émergence d’une nouvelle culture juridique
favorisant l’essor des fonctions contentieuse et répressive au profit de
l’administration et le renforcement des garanties procédurales opposables à
l’administration. Les propos tenus par René CHAPUS, en 1975, qui préconisait le
développement des garanties processuelles devant l’administration plutôt que de
privilégier la « juridictionnalisation de l’action administrative » 1072, semblent, enfin,
avoir été entendus et suivis d’effets.

Aussi, appréciée à la lumière des éléments qui précèdent, la jurisprudence


administrative relative au droit au procès équitable et aux autorités administratives ne
saurait être interprétée comme un facteur de juridictionnalisation. Bien au contraire,
partant du principe que les droits de la défense, les exigences d’impartialité et du
contradictoire ne constituent pas l’apanage exclusif de la juridiction, le mouvement
de renforcement et de rayonnement de ces garanties procédurales devant
l’administration, résultant de la jurisprudence administrative, nous paraît suivre la
volonté actuelle des pouvoirs publics de renouer, à une époque d’engorgement des

1072
CHAPUS René, « Qu’est-ce qu’une juridiction ? La réponse de la jurisprudence
administrative », Mélanges Eisenmann, Éd. Cujas, 1975, p. 292.

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CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014

juridictions, avec l’Administration qui est capable de régler elle-même des dossiers
complexes en droit mais aussi en équité.

II. Une jurisprudence reflétant la réminiscence de la figure de l’administration-


juge

Aujourd’hui, « l’administration- quoiqu’on en dise – est plus forte et plus


sollicitée qu’elle ne l’a jamais été » 1073. Tel est le constat opéré par le professeur
Yves GAUDEMET invité, en 1997, à préfacer la thèse de M. DELLIS intitulé « Droit
pénal et droit administratif ».

Il est vrai que depuis le milieu du XXe siècle, on observe un courant législatif
en faveur du redéploiement des pouvoirs de l’administration en matière contentieuse
et répressive, qui s’accompagne, parallèlement, de l’affirmation de certaines garanties
processuelles en faveur des administrés (A). Replacée dans ce contexte, la
jurisprudence administrative relative au droit au procès équitable et aux autorités
administratives apparaît comme une réponse à cette réminiscence, sous une forme
évidemment nouvelle, du système de l’administration-juge, laquelle n’est pas sans
relancer de nouveau certaines interrogations quant aux critères de la distinction entre
autorité administrative et autorité juridictionnelle (B).

A. Une procéduralisation liée à la montée en puissance des fonctions répressive


et contentieuse de l’Administration

Ces trente dernières années, l’exercice d’une activité répressive et contentieuse


par l’administration a connu un développement exponentiel. Intimement liée à la crise
contemporaine de la Justice, cette évolution, qui conduit à confier à l’administration
l’exercice de fonctions identiques à celles de son homologue juridictionnel, explique
la diffusion dans la sphère administrative des garanties procédurales inhérentes à la
juridiction. L’identité des fonctions exercées par les autorités administratives et les
autorités juridictionnelles (1) impose, en effet, une ressemblance procédurale (2).

1073
GAUDEMET Yves, « Préface » à la thèse de Georges DELLIS, Droit pénal et droit
administratif, L.G.D.J., Paris, 1997.

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1. Une convergence matérielle

Si la répression administrative constitue un « mode ancien et traditionnel de


régulation administrative » 1074, elle a toutefois connu, à partir des années 1980, un
développement sans précédent. À cette époque, la reconnaissance de la
constitutionnalité 1075 et de la conventionnalité 1076 du partage du pouvoir répressif en
faveur de l’administration a permis aux sanctions administratives de s’intégrer
définitivement dans notre système juridique et de s’y déployer. Depuis lors, le
courant législatif en faveur des sanctions administratives n’a cessé de se renforcer, à
tel point d’ailleurs qu’elles sont devenues aujourd’hui une donnée incontournable de
notre droit positif. Leur champ d’application s'est élargi, « suivant en cela des
tendances assez marquées dans les grandes démocraties et les grands États de
droit » 1077. Dans le même temps, les autorités titulaires d’un pouvoir de répression se
sont diversifiées notamment avec l'entrée en force des autorités administratives
indépendantes. En 1995, le Conseil d’État 1078 avait dénombré près de cinq cents
dispositifs de sanctions administratives dans l’ordre juridique. Aujourd’hui, on les
retrouve dans la plupart des branches du droit. Sept secteurs sont particulièrement
concernés : les impôts, les cotisations et aides sociales ; la santé publique ; le travail
et la formation professionnelle ; la culture, l'information et la communication ; le
secteur financier et des marchés ; les transports et la circulation ; l’environnement.

1074
SAUVE Jean-Marc, « Les sanctions administratives en droit public français. État des lieux,
problèmes et perspectives », précité, p. 16. Les auteurs qui se sont intéressés à ce phénomène
ont montré que la répression administrative est une activité que l’administration a exercée de
façon ininterrompue depuis l’Ancien Régime : MOURGEON Jacques, La répression
administrative, L.G.D.J., 1965, p. 182 et s. ; LEFONDRÉ Michel, Recherche sur les sanctions
administratives et leur nature juridique, Thèse, Caen, 1973, p. 13 et suivantes ; DELMAS-Marty
Mireille et TEITGEN-COLLY Catherine, Punir sans juger : de la répression administrative au
droit administratif pénal, Paris, Economica, 1992, p. 12 et suivantes ; GUINCHARD Audrey,
Les enjeux du pouvoir de répression en matière pénale : du modèle judiciaire à l'attraction d'un
système unitaire, Thèse, L.G.D.J., 2003, p. 41 à p. 54.
1075
Voir en ce sens : Partie 1, Chapitre 1, Section 1, I, B, 2.
1076
Voir en ce sens : Partie 2, Chapitre 1, Section 1.
1077
SAUVE Jean-Marc, « Les sanctions administratives en droit public français. État des lieux,
problèmes et perspectives », précité, p. 16.
1078
CONSEIL D’ÉTAT, Les pouvoirs de l’administration dans le domaine des sanctions, La
documentation française, 1995.

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CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014

Parallèlement à ce phénomène de renforcement du pouvoir administratif en


matière répressive, on observe une autre tendance qui confirme le redéploiement de
l’action administrative. Il s’agit de la consécration et de l’extension de la fonction
contentieuse des autorités administratives.

Si l’administration a, depuis fort longtemps, intégré des aspects juridictionnels


à son activité, cette réalité a longtemps fait l’objet d’une sous-estimation générale en
droit administratif français, pour ne pas dire d’un certain scepticisme. Cette situation
tient en grande partie à l’assimilation abusive des fonctions contentieuse et
juridictionnelle, qui a longtemps caractérisé le droit administratif français 1079, mais
aussi à « l’essor remarquable du contrôle juridictionnel de l’administration, (qui) a
provoqué par contrecoup la régression des procédures non juridictionnelles de
contrôle » 1080. Il faut également souligner que pendant de nombreuses années, le
Conseil n'a pas souhaité chercher à étendre le rôle de l'administration dans le
règlement des litiges. Il ne s’est que très peu préoccupé de la mise en place d’un
régime procédural des recours administratifs, participant ce faisant au maintien de
leur « caractère rudimentaire et défectueux » 1081. Comment justifier cette position ?
Elle peut s’expliquer par le fait qu’historiquement, « l’extension des pouvoirs du
Conseil d’État, le caractère de droit commun de sa compétence se sont affirmés au
détriment de la juridiction ministérielle » 1082. Aussi, en excluant toute organisation
procédurale des recours administratifs préalables, le Conseil d’État a pu s’assurer une
compétence contentieuse exclusive 1083.

Aujourd’hui, la situation a changé. À la longue tradition d’indifférence


généralisée à l’égard des recours administratifs et de leur fonction contentieuse, a

1079
Voir : Introduction générale, I, p. 19 à p. 23.
1080
Voir en ce sens : BRISSON Jean-François, Les recours administratifs en droit public français.
Contribution à l’étude du contentieux administratif non juridictionnel, Thèse, L.G.D.J., 1996,
p. 4, qui fait remarquer que le succès du recours juridictionnel, « en tant qu’il s’est
immédiatement présenté comme l’instrument le plus perfectionné de la protection des citoyens
contre l’administration », a largement détourné l’attention de la doctrine pour les modes non
juridictionnels de règlements des litiges considérés comme des formes de valeur juridique
inférieure.
1081
AUBY Jean-Marie, Note sur CE, 30 juin 1950, Quéralt, S., 1951, III, p. 85.
1082
AUBY Jean-Marie, Note sur CE, 30 juin 1950, Quéralt, précitée.
1083
Voir en ce sens, BRISSON Jean-François, Les recours administratifs en droit public français.
Contribution à l’étude du contentieux administratif non juridictionnel, thèse précitée, p. 120.

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CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014

succédé, ces dernières années, un intérêt croissant pour ce mode non juridictionnel de
règlement des différends 1084. Les préoccupations liées à l’encombrement des
juridictions administratives 1085, au flux grandissant des litiges administratifs et le
refus de multiplier à l’infini les juridictions administratives spécialisées ont stimulé la
réflexion sur les moyens de «régler autrement les conflits » 1086 que par la voie
juridictionnelle. Les recours administratifs préalables obligatoires, au départ conçus
comme de simples moyens de prévention du contentieux 1087, sont désormais

1084
Ainsi qu’en témoigne la multiplication des recherches sur ce sujet : GUILLIEN Raymond,
« Essai sur une réforme générale du contentieux administratif », D., 1955, p. 97 ; AUBY Jean-
Marie, « Les recours administratifs », A.J.D.A., 1955, I, p. 117 à p. 124 ; CHABANOL Daniel,
« Barrages contre le contentieux », Droit fiscal, 1986, p. 993 ; COURTIN (M), « Les recours
précontentieux, une voie vers le désengorgement des Tribunaux administratifs », Gaz. Pal.,
1987, I, doctrine, p. 467 ; BRISSON Jean-François, « Régler autrement les litiges : les recours
gracieux et hiérarchiques, voie alternative de protection des administrés ? », R.D.P., 1996,
p. 793 ; AUBY Jean-Marie « Les recours administratifs préalables », A.J.D.A., 1997, p. 10 ;
PÉLISSIER Gérard, « Pour une revalorisation de la spécificité des recours administratifs »,
R.F.D.A., 1998, p. 317 ; PISSALOUX Jean-Luc, « Une expérience réussie : le recours
administratif préalable des militaires », A.J.D.A., 2005, p. 1042 ; GONOD Pascale, « Le
règlement non contentieux des litiges ; les recours administratifs », Cahiers de la fonction
publique, avril 2005, p. 4 ; SAUVE Jean-Marc, « Entretien », A.J.D.A., 2007, p. 556 ;
BONICHOT Jean-Claude, « Le recours administratif préalable obligatoire : dinosaure juridique
ou panacée administrative ? », Mélanges en l’honneur de Daniel Labetoulle, Dalloz, 2007,
p. 81 ; CONSEIL D’ÉTAT, Les recours administratifs préalables obligatoires, E.D.C.E., 2008 ;
JEANNARD Sébastien, Le recours administratif dans le système juridique français, L.G.D.J.,
2013 ; BRISSON Jean-François, Les recours administratifs en droit public français.
Contribution à l’étude du contentieux administratif non juridictionnel, thèse précitée ;
PREVEDOUROU Eugénie, Les recours administratifs obligatoires : étude comparée des droits
allemand et français, Thèse, L.G.D.J., 1996 ; OSPINA GARZON Andrés Fernando, L’activité
contentieuse de l’administration en droit français colombien, Thèse, Paris II, 2012.
1085
C’est la légitimité du juge et l’État de droit même qui est mis en question par l’encombrement
des juridictions. Voir en ce sens, GAUDEMET Yves, « Crise du juge et contentieux
administratif en Droit français », in La crise du juge, L.G.D.J., Paris 1996, p. 92 : « Parce que
son intervention, pour dénouer le procès, est trop souvent inefficace, le juge est privé de la
légitimité que confère seule la confiance des justiciables » ; Olivier GOHIN, Contentieux
administratif, 6 ème éd. Litec, Paris, 2009., p. 147 : « L’encombrement de la justice française –
notamment – n’est donc que la conséquence d’un dysfonctionnement de l’État de droit, en
France ».
1086
CONSEIL D’ÉTAT, Régler autrement les conflits : Conciliation, transaction, arbitrage en
matière administrative, E.D.C.E., 1993.
1087
L’idée de la prévention administrative des litiges apparaît dans une série d’études du Conseil
d’État : CONSEIL D’ÉTAT, Pour la prévention du contentieux administratif, E.D.C.E., 1981,
p. 299 ; CONSEIL D’ÉTAT, Pour la prévention du contentieux administratif, E.D.C.E., 1988,
p. 17 ; CONSEIL D’ÉTAT, Régler autrement les conflits : conciliation, transaction, arbitrage
en matière administrative, étude précitée. C’est également cette idée qui prévaut lors de
l’adoption de la loi n° 81-1127 du 31 décembre 1987 : « Pour éviter le développement des
recours contentieux alors que beaucoup de litiges pourraient se régler à l’avantage de tous par
des voies non contentieuses, il est prévu, à l’exemple de ce qui se fait en matière fiscale, de
mettre en place des procédures de recours administratif ou de conciliation (…) », « Projet de loi

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CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014

considérés comme de véritables moyens de résolution des litiges 1088 et connaissent,


aujourd’hui, une extension continue. On en dénombre plus de cent quarante 1089. On
les retrouve, depuis fort longtemps, en matière fiscale, où ils ont donné des résultats
très encourageants puisque « la juridiction contentieuse de l’administration » 1090
permet de prévenir environ 90% du contentieux 1091. Ils ont également été mis en place
en matière électorale et contractuelle, ainsi que dans le contentieux des ordres
professionnels. Ils se sont également développés dans le contentieux relatif à la santé
publique, la sécurité sociale et l’aide sociale 1092. Ils connaissent un certain essor dans
le contentieux relatif à l’autorisation d’exercer une profession ou une activité et dans
le contentieux social. Les domaines de l’agriculture et de l’urbanisme sont aussi
concernés par ce type d’obligation, tout comme le contentieux relatif à l’accès aux
documents administratifs. Un décret du 2 avril 1996 a prévu pour les personnes
détenues la possibilité de former un recours hiérarchique préalable contre les
décisions prises à leur égard devant le directeur régional duquel dépend
l’établissement 1093. Au début des années 2000, de nouvelles procédures de recours
administratifs préalables obligatoires sont apparues dans le contentieux des décisions

portant réforme du contentieux – Exposé des motifs », p. 450 ; Voir également : CHABANOL
Daniel, « Barrages contre le contentieux », Droit fiscal, précité ; COURTIN (M), « Les recours
précontentieux, une voie vers le désengorgement des Tribunaux administratifs », précité,
p. 467 ; BRONDEL Séverine, « Le juge administratif face à une forte montée des recours »,
A.J.D.A. 2005, p. 572 ; BONICHOT Jean-Claude, « Le recours administratif préalable
obligatoire : dinosaure juridique ou panacée administrative ? », précité, p. 81.
1088
AUBY Jean-Marie, « Les recours administratifs préalables », précité, p. 10 ; STIRN Bernard et
FORMERY Simon, « La déjudiciarisation d’un certain nombre de contentieux est devenue une
nécessité », J.C.P., A., 2008, n o 2051 ; CONSEIL D’ÉTAT, Les recours administratifs
préalables obligatoires à la saisine du juge : un mode souple de règlement des conflits, 2008.
1089
CONSEIL D’ÉTAT, Les recours administratifs préalables obligatoires à la saisine du juge : un
mode souple de règlement des conflits, étude précitée.
1090
CE, Ass., 31 octobre 1975, Société Coq-France, Rec., p. 534 ; Droit Fiscal, 1975, p. 51,
conclusions LATOURNERIE Roger ; A.J.D.A., 1976, p. 314, note CASTAGNEDE Bernard.
1091
SAUVE Jean-Marc, « Entretien », A.J.D.A., 2007, p. 556. Aux termes des recherches réalisées
par M. Pierre-François RACINE, dans cette matière,« toutes juridictions (…) confondues, à
peine 20 000 affaires sont portées chaque année devant le juge, alors que, dans le même laps de
temps, l’administration fiscale reçoit plus de 4 millions de réclamations ». (in Libertés et droits
fondamentaux, sous la direction de CABRILLAC Rémy, FRISON-ROCHE Marie-Anne et
REVET Thierry, Dalloz, 2010).
1092
Loi n° 70-1318 du 31 décembre 1970 portant réforme hospitalière.
1093
Article D.250-5 Code de procédure pénale.

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CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014

rendues contre les militaires ou encore dans le contentieux des visas 1094. Dans son
étude de 2008 consacrée aux recours administratifs préalables obligatoires 1095, le
Conseil d’État a manifesté une véritable reconsidération à l’égard de ce procédé. Il a
reconnu que par cette voie, le citoyen dispose d’un moyen simple, peu coûteux et
rapide d’obtenir la réformation d’une décision avec des chances raisonnables de
succès ou, à tout le moins, une meilleure explication de celle-ci. Il a d’ailleurs
proposé d’étendre ces recours dans des domaines qui représentent près du tiers du
contentieux en premier ressort devant les tribunaux administratifs. Il s’agit du droit
de la fonction publique, du droit des étrangers, des invalidations de permis de
conduire suite à la perte de tous leurs points par les conducteurs. Depuis lors, la loi
du 17 mai 2011 a simplement prévu une expérimentation pour une durée de trois ans
pour certains agents de la fonction publique.

Mettant en exergue les limites du modèle tendant à juridictionnaliser


l’ensemble du contentieux et de la répression, la crise contemporaine de la Justice a
conduit progressivement notre droit à se réconcilier avec un passé longtemps frappé
par l’occultation : celui d’une administration capable de sanctionner et de trancher
des différends. L’évolution est en marche et s’accompagne d’une diffusion des
garanties procédurales dans la sphère administrative.

2. Une convergence formelle

L’exercice de fonctions répressive et contentieuse par des autorités


administratives plutôt que par des autorités juridictionnelles, pousse, par
compensation, à soumettre ces premières à certaines des garanties procédurales qui
étaient jusqu’alors mises en œuvre principalement devant les secondes.

La diffusion de ces garanties procédurales vise avant tout à protéger


l’administré contre l’arbitraire administratif. Il faut bien admettre que « les sanctions

1094
Décret du 10 novembre 2000 instituant une commission de recours contre les décisions de refus
de visa codifié à l’article D.211-5 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit
d’asile.
1095
CONSEIL D’ÉTAT, Les recours administratifs préalables obligatoires à la saisine du juge : un
mode souple de règlement des conflits, étude précitée.

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CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014

administratives sont un danger pour la liberté des citoyens, et, si elles sont en fait
nécessaires dans l’intérêt de la sécurité publique, il n’en demeure pas moins
nécessaire de procurer aux administrés le maximum de garanties contre
l’arbitraire » 1096. Ajoutons qu’à défaut de garanties procédurales, l’exercice d’un
pouvoir de sanction par l’administration peut apparaître « non sans raison évocatrice
davantage d'un État de police que de droit » 1097.

C’est d’ailleurs à cette condition, celle de l’affirmation d’un certain nombre de


garanties procédurales, que le Conseil constitutionnel a validé, au regard du principe
de la séparation des pouvoirs, le fait de confier à l’autorité administrative un pouvoir
de répression 1098.

Cet encadrement procédural de l’action répressive et contentieuse de


l’administration est, par ailleurs, largement sollicité par le contexte actuel de
subjectivisation du droit, qui incite à accorder une attention particulière aux droits des
administrés dans leur relation avec l’administration.

Dans ces conditions, la jurisprudence administrative relative au droit au procès


équitable apparaît, bel et bien, comme la contrepartie de la déjuridictionnalisation de
la répression et du contentieux. L’affirmation des principes d’impartialité, des droits
de la défense, de la contradiction et de la présomption d’innocence garantit aux
administrés que les décisions prises à l’encontre de leurs droits ou leurs intérêts sont
précédés d’un réexamen sérieux, objectif et impartial des circonstances de fait et de
droit.

Cependant, ce rapprochement formel et matériel n’est pas sans soulever


certaines difficultés. D’un point de vue théorique, il contribue nettement à obscurcir
les critères de la distinction entre les autorités administratives et juridictionnelles.

1096
WALINE Marcel, Note sur CE, 4 mars 1960, Sieur Lévy, R.D.P., 1960, p. 1030.
1097
TEITGEN-COLLY Catherine, « Les instances de régulation et la Constitution », R.D.P., 1990,
p. 153, spécialement p. 191.
1098
Voir en ce sens : Introduction générale, II, p. 34 à 35.

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CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014

B. Une procéduralisation atténuant la distinction entre autorités


administratives et juridictions

Nous l’avons vu : la tendance actuelle à la« déjuridictionnalisation » aboutit à


confier à certaines autorités administratives des pouvoirs que l’on retrouve chez le
juge et, à lui imposer, simultanément, le respect d’un certain nombre de garanties
traditionnellement exigées dans la procédure juridictionnelle. Cette convergence
matérielle et procédurale n’est pas sans troubler les critères jurisprudentiels de la
qualification de juridiction (1). En réalité, dans ce mouvement de rapprochement,
seuls certains éléments formels semblent encore résister à l’assimilation (2).

1. Une distinction troublée

La question des critères jurisprudentiels de la distinction entre les autorités


administratives et juridictionnelles est trop connue 1099 pour que l’on y revienne
longuement.

Disons simplement que pour se prononcer sur le caractère administratif ou


juridictionnel d’une autorité, le juge administratif tient compte de la nature de la
mission qui lui est impartie. Ce critère matériel tiré de l’exercice d’une mission
disciplinaire peut se révéler suffisant pour emporter la qualification
juridictionnelle 1100. Cependant, il n’en est pas toujours ainsi, une place devant parfois
être faite au critère formel. Dans le formel, on trouve tant la procédure que les
caractères de l’organe qui décide. Par ailleurs, il convient de souligner que la
jurisprudence n’est pas d’une grande limpidité, au point que certains commentateurs
très avisés de la jurisprudence administrative ont pu observer, à juste titre, combien
« les juges qui en décident, procèdent volontiers par affirmation et semblent
embarrassés pour justifier rationnellement celle-ci » 1101.

1099
Les critères de distinction des autorités administratives et juridictionnelles ont donné lieu à
l'époque contemporaine à de nombreuses et importantes recherches. Si les auteurs qui se sont
intéressés à ce sujet n'aboutissent pas exactement au même résultat mais leurs vues sont assez
convergentes.
1100
CE, Ass., 12 décembre 1953, De Bayo, précité.
1101
WALINE Marcel, note sur CE, 27 mai 1955, EDF, R.D.P., 1955, p. 728.

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Le mouvement de déjuridictionnalisation contribue largement à accentuer ces


difficultés d’analyse. D’une part, en conduisant certaines autorités administratives à
exercer des fonctions contentieuse et répressive similaires à celles confiées aux
autorités juridictionnelles, il révèle la relativité du critère matériel. La
déjuridictionnalisation met en exergue l’inexistence d’une matière juridictionnelle
propre. La résolution des litiges et la répression ne sont pas des fonctions
exclusivement juridictionnelles puisqu’elles peuvent être exercées en dehors de la
juridiction. Le critère matériel ne suffit pas par lui-même à distinguer la juridiction.
D’autre part, en impliquant un rapprochement procédural, il exclut toute possibilité
de différenciation fondée sur l’application de certaines garanties tels que les principes
généraux des droits de la défense, du contradictoire, de l’égalité des armes, de la
présomption d’innocence et d’impartialité.

2. Une distinction demeurant essentiellement formelle

Il ressort de cette analyse un véritable retour en force des critères formels


tenant à l’indépendance statutaire et la force attachée aux actes des juridictions.

Quant au premier aspect, il constitue un élément qui oppose assez nettement la


juridiction de l’administration. À la différence de la première, la seconde se
caractérise essentiellement par un statut de subordination à l'égard des autorités
politiques. Il est vrai que l’apparition des autorités administratives indépendantes
semble contredire cette affirmation. Cependant, il convient d’insister sur la relativité
de l’indépendance dont sont dotés ces organismes administratifs d’un genre nouveau.
À la différence des juridictions, l’indépendance de ces autorités administratives ne
constitue pas une exigence constitutionnelle. Plus précisément, elle n’est pas garantie
par la Constitution. Dès lors, leur indépendance n’est pas totale puisque le parlement
et le gouvernement peuvent à tout moment modifier leur statut ou remettre en cause
leur existence. Ensuite, à l’exception de quelques-unes d’entre elles 1102, les autorités
administratives indépendantes ne bénéficient pas d’une autonomie financière. Aussi,

1102
Il est vrai que cette règle ne s’applique pas à l’Autorité des marchés financiers qui bénéficie
d’une autonomie financière assurée grâce au prélèvement obligatoire opéré sur les opérateurs du
secteur.

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il semble plus juste de considérer que ces autorités relèvent davantage du principe
d’autonomie que de celui d’indépendance au sens strict 1103.

S’agissant du second aspect, il continue également de distinguer les autorités


administratives et les juridictions. L'obligation de mettre en œuvre l'acte
juridictionnel, si besoin avec le concours de la force publique, et son immutabilité,
une fois épuisées les voies de recours, ne se retrouvent pas dans les décisions des
autorités administratives, sous réserve du caractère obligatoire de ces dernières qui
est leur seul point commun. À la différence de l’acte administratif, qui peut être retiré
dans les conditions fixées par la jurisprudence, l’acte juridictionnel ne peut être
révoqué. Par ailleurs, si les actes administratifs bénéficient de la présomption de
légalité, ils peuvent toujours être contestés, notamment par la voie de l’exception
d’illégalité ou, par la voie des demandes de responsabilité pour des dommages
provoqués par des actes illégaux.

Il y a maintenant quatre-vingt-un ans, après avoir mis en exergue l’impossible


définition matérielle de ce qui est juridictionnel et considéré la chose jugée comme
l’unique élément juridictionnel, le professeur Marcel WALINE avait reconnu« (…)
l’impossibilité de trouver un critère rigoureux de l’acte juridictionnel, tout au moins
si l’on veut respecter les idées reçues (…)» 1104. Assurément, c’est à une conclusion
semblable à laquelle nous mène le rapprochement matériel et procédural entre
l’administration et la juridiction provoqué par la politique actuelle de
« déjuridictionnalisation » ainsi que par l’application du droit au procès équitable aux
autorités administratives.

1103
Voir en ce sens : QUILICHINI Paule, « Réguler n’est pas juger. Réflexions sur la nature du
pouvoir de sanction des autorités de régulation économique », A.J.D.A., 2004, p. 1060.
1104
WALINE Marcel, « Du critère des actes juridictionnels », R.D.P., 1933, p. 572.

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l’entreprise, no 2, 2004, p. 6.

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CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014

5. CONCLUSIONS DES COMMISSAIRES DU


GOUVERNEMENT OU DES RAPPORTEURS PUBLICS/
RAPPORTS DES AVOCATS GÉNÉRAUX

AGUILA Yann, concl. sur CE, 22 février 2008, no 291372, « Association Air pur
environnement d’Hermeville et ses environs », B.J.D.U., 2008, p. 105.

ARRIGHI DE CASANOVA Jacques, concl. CE, Avis, Sect., 31 mars 1995,


no 164008, SARL Auto-Industrie Méric, R.J.F. 5/95, no 623, p. 326.

ARRIGHI DE CASANOVA Jacques, concl. sur CE, avis, 5 avril 1996, Houdmond,
Dr. fisc. 1996, no 25, comm. 765.

ARRIGHI DE CASANOVA Jacques, concl. sur CE, avis, 8 juillet 1998, no 195664,
Fattell, R.J.F., 8-9/98, no 970, p. 637.

ARRIGHI DE CASANOVA Jacques, concl. sur CE, 27 mars 2000, no 187703,


S.A.R.L. Maurel et fils, R.J.F., 5/00, no 985.

BACHELIER Gilles, concl., CE, 24 novembre 1997, Ministre de l’Économie et des


Finances, Droit fiscal, 1998, no 8, p. 277.

CAHEN-SALVADOR Georges, concl. sur CE, 26 décembre 1925, no 88369, Rodière,


R.D.P., 1926, p. 35.

CHARDEAU Jacques, concl. sur CE, 12 décembre 1953, de Bayo, R.F.D.A., 1954,
p. 3.

CHENOT Bernard, concl. sur CE, 5 mai 1944, Veuve Trompier-Gravier, R.D.P.,
1944, p. 256.

DA SILVA Isabelle, concl. sur CE, 31 janvier 2007, no 290567, Compagnie Corse Air
International S.A., R.F.D.A., 2007, p 757.

DAUMAS Vincent, concl. sur CE, 21 décembre 2012, no 362347, Société Canal Plus.
R.F.D.A., 2013, p. 70.

DE SAINT-PULGENT, concl. sur CE Ass., 1er mars 1991, no 112820, Lecun,


R.F.D.A., 1991, p. 612.

DE SALINS Catherine, concl. sur CE, 26 sept. 2008, no 306922, Assistance publique
hôpitaux de Paris, J.C.P. Adm., 2008, 2282.

DUMON Frédéric, concl., sur Cass., 21 janvier 1982, Journ. Trib., 1982, p. 438.

FRYDMAN Patrick, concl. sur CE, Ass., 17 février 1995, n o 107766, Hardouin,
R.F.D.A., 1995, p. 353.

- 385 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014

GUYOMAR Mattias, concl. sur CE, Sect., 22 juin 2007, no 272650, Arfi, R.F.D.A.,
2007, p. 1199.

LABETOULLE Daniel, concl. sur CE, 27 octobre 1978, Debout, Rec., p. 395.

LAFORTUNE Maurice-Antoine, « L’application de la convention européenne des


droits de l’homme aux procédures de sanctions administratives », Revue de droit
bancaire et de la bourse, 1999, n o 76, p. 217.

LAMY François, concl. sur CE sect., 20 octobre 2000, Société Habib Bank Limited,
J.C.P., éd. gén., 2000, II, no 10.459.

LATOURNERIE Roger, concl. sur CE, Ass., 31 octobre 1975, Société Coq-France,
Droit Fiscal, 1975, p. 51.

OLLEON Laurent, concl. sur CE, 27 février 2006, no 257964, Krempff, Droit fiscal,
2006, no 29, comm. 513.

OLLEON Laurent, concl. sur CE, 30 novembre 2007, no 292705, Société Sideme,
Droit fiscal, 2008, no 7, comm. 178.

PINIOT M.-A., concl. Cass. Com., 9/04/1996, Haddad c/ Agent judiciaire du Trésor,
R.J.D.A., 5/96, p. 438.

SANSON Marc, concl. sur CE Ass., 14 février 1996, Maubleu, R.F.D.A., 1996,
p. 1186.

SEBAN Alain, concl. sur CE, Sect., 3 décembre 1999, no 207434, Jean-Louis Didier,
R.F.D.A., 2000 p. 584.

SEBAN Alain, concl. sur CE, Sect., 22 novembre 2000, no 207697, Société Crédit
Agricole Indosuez Cheuvreux, C.J.E.G., 2001, p. 68.

SÉNERS François, concl. sur CE, 26 mai 2008, no 288583, Société Norelec, Droit
fiscal, 2008, no 28, comm. 411.

VALLEE Laurent, concl. sur CE, 24 mars 2006, no 257330, S.A. Martell & Co,
B.D.C.F., 6/06, no 71.

- 386 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014

6. NOTES, OBSERVATIONS, COMMENTAIRES ET


CHRONIQUES DE JURISPRUDENCE

AUBY Jean-Marie, note sur CE, 30 juin 1950, Quéralt, S., 1951, III, p. 85.

AUSTRY Stéphane, chr. sur CE, avis, 5 avril 1996, Houdmond, R.J.F., 1996, n o 607,
p. 311.

AUTIN Jean-Louis et SUDRE Frédéric, obs. sur CEDH, 28 septembre 1995,


no 14570/89, Procola c/ Luxembourg, R.F.D.A., 1996, p. 777.

AVRIL Pierre et GICQUEL Jean, chr. sur la décision no 82-155 D.C. du 30 décembre
1982 « Loi de finances rectificative pour 1982 », R.D.P., 1983, p. 333.

AVRIL Pierre et GICQUEL Jean, « Chronique constitutionnelle », Pouvoirs, 1985,


n° 33, p. 163.

AVRIL Pierre et GICQUEL Jean, obs. sur la décision no 92-307 DC du 25 février


1992, Pouvoirs, 1992, no 62, p. 173.

AZIBERT Michel et DE BOISDEFFRE Martine, chr. sur CE, Sect., 27 avril 1988,
n o 66650, Sophie, A.J.D.A., 1988, p. 446.

BACHELET Olivier, obs. sur CEDH, 28 octobre 1998, no 22924/93, Aït-Mouhoub


c/ France, J.D.I., 1999, p. 271.

BELLOUBET-FRIER Nicole, note sur CE, Ass., 17 février 1995, no 107766,


Hardouin, D., 1995, p. 381.

BERTHELOT T. P. et RIO Y, obs. sur CEDH, 23 septembre 1998, no 27812/95,


Malige c/ France, Gazette du Palais, 2-3 décembre 1998, p. 34.

BERTRAND Mathieu et VERPEAUX Michel, obs. sur décision no 95-360 DC du


2 février 1995, L.P.A., 20 octobre 1995, p. 4.

BIENVENU Jean-Jacques, note sur décision no 84-181 D.C. des 10-11 octobre 1984,
Loi sur les entreprises de presse, A.J.D.A., 1984, p. 684.

BIENVENU PERROT Annick, comm. sur CE, Ass., 3 décembre 1999, no 207434,
Jean-Louis Didier, Bulletin Joly Bourse et produits financiers, 2000, no 1, p. 29.

BIRSAN Corneliu, obs. sur CEDH, 18 novembre 2003, no 46809/99, Loiseau


c/ France, D., 2004, Somm., 990.

BOIZARD M., obs. sur CE, Ass., 3 décembre 1999, no 207434, Jean-Louis Didier,
D., 2000, p. 62.

BOLLE Stéphane, note sur CEDH, 28 octobre 1999, nos 24846/94 et 34165/96 à
34173/96, Zielinski et Pradal & Gonzales c/ France, R.F.D.A., 2000, p. 1254.

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CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014

BON-GARCIN Isabelle, obs. sur Cass. Ass. Plén., 5 février 1999, no 97-16.441, COB
c/ Oury, D., 1999, Somm. 249.

BONNEAU Thierry, note sur CE, 4 février 2005, no 269001, Société GSD Gestion,
Droit des sociétés, 2005, comm. 197.

BONNEAU Thierry, obs. sur CEDH, 11 juin 2009, no 5242/04, Dubus c/ France,
Banque et Droit, no 126, 2009, p. 16.

BONNECHERE Michèle, obs. sur CEDH, 26 février 1993, Salesi c/ Italie, Droit
Ouvrier, 1995, p. 493.

BOULOUIS Nicolas, note sur CE, Ass., 20 octobre 1989, no 108243, Nicolo,
R.G.D.I.P., 1989, p. 91.

BRONDEL Séverine, obs. sur CEDH, 19 avril 2007, no 63235/00, Vilho Eskelinen et
autres c/ Finlande, A.J.D.A., 2007, p. 887.

BURGORGUE-LARSEN Laurence, note sur CEDH, 21 octobre 1997, no 24194/94,


Pierre-Bloch c/ France, A.J.D.A., 1998, p. 65.

BURGUBURU Julie, note sur CE, 30 novembre 2007, no 292705, Société Sideme,
R.J.F., 2/08, p. 83.

CADOU Éléonore, note sur Cass. Com., 5 octobre 1999, nos 97-15.617, S.N.C.
Campenon Bernard S.G.E, J.C.P., éd. gén., 2000, II, n o 10255.

CALVET Hugues, comm. CE, Ass., 20 octobre 1989, no 108243, Nicolo, J.C.P.,
1990, I, 3429.

CARCASSONNE Guy, obs. sur décision no 80-119 DC du 22 juin 1980, A.J.D.A.,


1980, p. 602.

CASTAGNEDE Bernard, note sur CE, Ass., 31 octobre 1975, Société Coq-France,
A.J.D.A., 1976, p. 314.

CÉRÉ Jean-Paul, obs. sur CEDH, 9 octobre 2003, nos 39665/98 et 40086/98, Ezeh et
Connors c/ Royaume-Uni, Actualité juridique pénale, 2004, p. 6.

CÉRÉ Jean-Paul, obs. sur CEDH, 12 mai 2005, no 46221/99, Öcalan c/ Turquie, D.,
2004, p. 1101.

CÉRÉ Jean-Paul, obs. sur CEDH, 30 octobre 2003, no 41576/98, Ganci c/ Italie, § 25,
D., 2004, p. 1102.

CHAMBON Pierre, note sur Cass. Crim., 4 mai 1994, Saïdi, J.C.P., 1994, II, 22349.

CHEVALLIER Jacques, note sur CE, Sect., 20 novembre 1970, Bouez et UNEF,
A.J.D.A., 1971, p. 483.

- 388 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014

CHEVALLIER Jacques, obs. sur décision no 86-224 DC du 23 janvier 1987, A.J.D.A.,


1987, p. 345.

COHEN-JONATHAN Gérard, obs. sur CEDH, 8 juin 1976, nos 5100/71, 5101/71,
5102/71, 5354/72, 5370/72, Engel et autres c/ Pays-Bas, C.D.E., 1978, p. 368.

COHEN-JONATHAN Gérard, obs. sur CEDH, 28 juin 1978, no 6232/73, König


c/ Allemagne, Cahiers de droit européen, 1979, p. 474.

COHEN-JONATHAN Gérard, obs. sur CEDH, 7 décembre 1976, nos 5095/71,


5920/72, 5926/72, Kjeldsen, Busk Madsen et Pedersen c/ Danemark, C.D.E., 1978,
p. 359.

COHEN-JONATHAN Gérard, note sur CEDH, 13 juin 1979, Marckx c/ Belgique,


C.D.E., 1980, p. 473.

COHEN-JONATHAN Gérard, obs. sur CEDH, 9 octobre 1979, no 6289/73, Airey


c/ Irlande, C.D.E., 1980, p. 470.

COHEN-JONATHAN Gérard, note sur CEDH, 24 octobre 1979, no 6301/73,


Winterwerp c/ Pays-Bas, C.D.E., 1980, p. 464.

COHEN-JONATHAN Gérard, obs. sur CEDH, 27 février 1980, no 6903/75, Deweer


c/ Belgique, C.D.E., 1982, p. 196.

COHEN-JONATHAN Gérard, obs. sur CEDH, 23 juin 1981, nos 6878/75, 7238/75,
Le Compte, Van Leuven et De Meyere c/ Belgique, C.D.E., 1982, p. 201.

COHEN-JONATHAN Gérard, note sur CEDH, 28 juin 1984, nos 7819/77, 7878/77,
Campbell et Fell c/ Royaume-Uni, C.D.E., 1986, p. 213.

COHEN-JONATHAN Gérard, obs. sur CEDH, 21 février 1986, n o 8793/79, James et


autres c/ Royaume-Uni, C.D.E., 1988, p. 479.

COHEN-JONATHAN Gérard., obs. sur CEDH, 26 juin 1986, nos 8543/79, 8674/79,
8675/79, 8685/79, Van Marle et autres c/ Pays Bas, C.D.E., 1988, p. 446.

COHEN-JONATHAN Gérard, obs. sur CEDH, 28 octobre 1987, Inze c/ Autriche,


C.D.E., 1988, p. 477.

COHEN-JONATHAN Gérard, obs. sur CEDH, 29 novembre 1988, nos 11209/84,


11234/84, 11266/84, 11386/85, Brogan et autres c/ Royaume-Uni, R.T.D.Eur., 1989,
p. 163.

COHEN-JONATHAN Gérard, obs. sur CEDH, 23 juin 1993, no 12952/87, Ruiz-


Mateos c/ Espagne, R.F.D.C., 1994, p. 175.

COHEN-JONATHAN Gérard et FLAUSS Jean-François, obs. sur CEDH, 24 juin


1993, Schuler-Zgraggen c/ Suisse, Justices, 1995, no 1, p. 168.

- 389 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014

COLLET Martin, note sur CE, Sect., 27 octobre 2006, nos 276069, 277198 et 277460,
Parent et autres, A.J.D.A., 2007, p. 80.

COSTA Delphine, note sur CE, 28 octobre 2002, no 222188, M. Laurent, A.J.D.A.,
p. 1492.

COSTEA Ioana, obs. sur CEDH, 23 novembre 2006, no 73053/01, Jussila c/ Finlande,
R.T.D.H., 2008, p. 239.

COURET Alain, note sur CEDH, 11 juin 2009, no 5242/04, Dubus c/ France, D.,
2009, p. 2247.

COUSSIRAT-COUSTERE Vincent, note sur CEDH, 28 juin 1984, nos 7819/77,


7878/77, Campbell et Fell c/ Royaume-Uni, A.F.D.I., 1985, p. 394.

COUSSIRAT-COUSTERE Vincent, obs. CEDH, 23 septembre 1982, nos 7151/75,


7152/75, Sporrong et Lönnroth c/ Suède, A.F.D.I., 1985, p. 415.

COUSSIRAT-COUSTERE Vincent, obs. sur CEDH, 19 novembre 1984, no 8777/79,


Rasmussen c/ Danemark, A.F.D.I., 1985, p. 403.

COUSSIRAT-COUSTERE Vincent, obs. sur CEDH, 26 juin 1986, nos 8543/79,


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Couez et Benkessiouer c/ France, A.J.D.A., 20 décembre 1998, p. 987.

FLAUSS Jean-François, obs. sur CEDH, 26 août 1997, no 22839/93, De Haan


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FLAUSS Jean-François, obs. sur CEDH, 24 septembre 1997, no 18996/91, Garyfallou


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l’homme », A.J.D.A., 20 décembre 2000, p. 1011.

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l’homme (septembre 2007 - février 2008) », A.J.D.A., 26 mai 2008, p. 978.

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FLAUSS Jean-François, note sur CEDH, 23 novembre 2006, no 73053/01, Jussila


c/ Finlande, A.J.D.A., 30 avril 2007, p. 902.

FLAUSS Jean-François, note sur CEDH, 13 septembre 2007, no 27521/04, Moullet


c/ France, A.J.D.A., 26 mai 2008, p. 985.

FLAUSS Jean-François, obs. sur CEDH, 05 février 2009, no 22330/05, Olujić


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FRICERO Natalie, obs. sur CEDH, 22 octobre 1997, nos 97/1996/716/913,


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FRICERO Natalie, note sur CEDH, 29 juin 2011, no 34869/05, Sabeh El Leil
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GENEVOIS Bruno, obs. sur décision no 89-260 D.C., 28 juillet 1989, R.F.D.A., 1989,
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GONZALES Gérard, note sur EDH, 27 août 2002, no 58188/00, Didier c/ France,
J.C.P., éd. gén., 2003, II, 10177.

GONZALES Gérard, note sur CEDH, 19 avril 2007, no 6323500, Vilho Eskelinen et
autres c/ Finlande, R.F.D.A., 2007, p. 1031.

GONZALES Gérard, note sur CEDH, 19 avril 2007, no 6323500, Vilho Eskelinen et
autres c/ Finlande, R.D.P., 2008, no 3, p. 951.

GONZALES Gérard, obs. sur CEDH, 23 septembre 2008, Araç c/ Turquie, R.D.P.,
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n o 108243, Nicolo, A.J.D.A, 1989, p. 756.

HUBAC Sylvie et SCHOETTL Jean-Éric, chr. sur CE, Ass., 11 juillet 1984, Subrini,
A.J.D.A., 1984, p. 539.

HUGON Christine. obs. sur CEDH, 19 février 1998, n o 20124/92, Higgins c/ France,
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c/ Royaume-Uni, D., 1995, p. 449.

ISAAC Guy, note sur CE, Ass., 20 octobre 1989, n o 108243, Nicolo, R.T.D.Eur.,
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JACQUINOT Nathalie, obs. sur décision no 2000-433 DC du 27 juillet 2000, Loi


modifiant la loi no 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de
communication, R.F.D.C., 2001, no 45, p. 86.

JEAN P., note sur CEDH, 21 octobre 1997, no 24194/94, Pierre-Bloch c/ France,
R.F.D.A., 1998, p. 999.

KOERING-JOULIN Renée, obs. sur CEDH, 8 février 1996, n o 18731/91, John


Murray c/ Royaume-Uni, R.S.C., 1997, p. 476.

KOERING-JOULIN Renée, obs. sur CEDH, 22 février 1996, no 18892/91, Putz


c/ Autriche, R.S.C., 1997, p. 468.

KOERING-JOULIN Renée, obs. sur CEDH, 10 juin 1996, no 19380/92, Benham


c/ Royaume-Uni, R.S.C., 1997, p. 455.

KOERING-JOULIN Renée, obs. sur CEDH, 17 décembre 1996, no 19187/91,


Saunders c/ Royaume-Uni, R.S.C., 1997, p. 476.

KOERING-JOULIN Renée, obs. sur CEDH, 23 septembre 1998, no 27812/95, Malige


c/ France, R.S.C., 1999, p. 398.

KOERING-JOULIN Renée, obs sur CEDH, 28 octobre 1998, no 22924/93, Aït-


Mouhoub c/ France, R.S.C., 1999, p. 399.

LABAYLE Henri, note sur CEDH, 7 juillet 1989, no 14038/88, Soering c/ Royaume-
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LABAYLE Henri et SUDRE Frédéric, obs. sur CEDH, 17 mars 1997, no 18725/91,
Neigel c/ France, R.F.D.A., 1998, p. 1196.

LABAYLE Henri et SUDRE Frédéric, « Jurisprudence de la Cour européenne des


droits de l’homme et droit administratif », R.F.D.A., 1999, no 15, juillet - août 1999,
p. 792.

LABAYLE Henri et SUDRE Frédéric, obs. sur CEDH, 17 septembre 2009,


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LAFERRIÈRE Julien, « Chronique législative, 2ème étude », R.D.P., 1921, p. 128.

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LAMBERT Pierre, obs. sur CEDH, 19 avril 1994, no 16034/90, Van de Hurk c/ Pays-
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LASCOMBE Michel et VION Daniel note sur CE Ass., 14 février 1996, Maubleu,
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LEBRETON Gilles, comm. CE, Ass., 20 octobre 1989, no 108243, Nicolo, L.P.A.
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LECUCQ Olivier, obs. sur décision no 97-389 DC du 22 avril 1997, Loi portant
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LOMBARD Martine, note sur CE, Sect., 30 juillet 2003, no 238169, Banque
d’Escompte et Wormser Frères réunis, D.A., 2003, no 12, p. 18, comm. no 233.

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LUCHAIRE François, note sur la décision no 93-325 DC du 13 août 1993, R.D.P.,


1994, p. 5.

LUCHAIRE François, note sur la décision no 99-411 DC du 16 juin 1999, R.D.P.,


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CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014

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MARCUS-HELMONS Silvio, obs. sur CEDH, 16 juillet 1971, no 2614/65, Ringeisen


c/ Autriche, C.D.E., 1974, p. 384 à p. 393.

MARCUS-HELMONS Silvio, note sur Cour de cassation Belgique 21 janvier 1982,


C.D.E., 1983, p. 347.

MARGUENAUD Jean-Pierre, obs. sur CEDH, 19 février 1998, no 20124/92, Higgins


c/ France, R.T.D. civ., 1999, p. 516.

MARGUENAUD Jean-Pierre, obs. sur CEDH, 28 octobre 1999, nos 24846/94 et


34165/96 à 34173/96, Zielinski et Pradal & Gonzales c/ France, R.T.D. civ., 2000,
p. 436.

MASSIAS Florence, note sur CEDH, 22 février 1996, n o 18892/91, Putz c/ Autriche,
R.T.D.H., 1997, p. 493.

MASSIAS Florence, obs. sur CEDH, 23 septembre 1998, no 27812/95, Malige


c/ France, R.S.C., 2000, p. 145.

MASSIAS Florence, obs. sur CEDH, 28 mai 2002, no 46295/99, Stafford


c/ Royaume-Uni, R.T.D.H., 2003, p. 931.

MASSIAS Florence, obs. sur CEDH, 9 octobre 2003, nos 39665/98 et 40086/98, Ezeh
et Connors c/ Royaume-Uni, R.S.C., 2004, p. 173.

MATHIEU Bertrand et VERPEAUX Michel, note sur la décision no 93-325 DC du


13 août 1993, L.P.A., 9 septembre 1993, no 108, p. 4.

MATHIEU Bertrand, obs. sur décision no 99-416 DC 23 juillet 1999, L.P.A.,


20 octobre 1999, p. 23.

MATHIEU Bertrand, note sur CEDH, 28 octobre 1999, nos 24846/94 et 34165/96 à
34173/96, Zielinski et Pradal & Gonzales c/ France, R.F.D.A., 2000, p. 289.

MATSOPOULO Haratini, note sur Cass. Ass. Plén., 5 février 1999, n o 97-16.441,
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SUDRE Frédéric, obs. sur CEDH, 21 novembre 2001, no 31253/96, Mc Elhinney


c/ Irlande, J.C.P.., éd. gén., 2002, I, 105, p. 129, no 8.

SUDRE Frédéric, obs. sur CEDH, 28 mai 2002, no 46295/99, Stafford c/ Royaume-
Uni, J.C.P., éd. gén., 2002, I, 157, no 7.

SUDRE Frédéric, obs. sur CEDH, 27 août 2002, no 58188/00, Didier c/ France,
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SUDRE Frédéric, chr. sur CEDH, 3 juin 2003, no 33343/96, Pantea c/ Roumanie,
J.C.P., éd. gén, 2003. I, 160, n° 3.

SUDRE Frédéric, obs. sur CEDH, 23 juillet 2002, no 34619/97, Janosevic c/ Suède,
J.C.P., 2003, I, 109, no 13.

SUDRE Frédéric, obs. sur CEDH, 12 mai 2005, no 46221/99, Öcalan c/ Turquie,
J.C.P., éd. gén., 2003, I, 160, no 1.

SUDRE Frédéric, obs. sur CEDH, 6 mars 2003, nos 39343/98, 39651/98, 43147/98 et
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SUDRE Frédéric, obs. sur CEDH, 9 octobre 2003, nos 39665/98 et 40086/98, Ezeh et
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SUDRE Frédéric, note sur CEDH, 19 avril 2007, no 6323500, Vilho Eskelinen et
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SUDRE Frédéric, obs. sur CEDH, 23 novembre 2006, no 73053/01, Jussila


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TOUZE Sébastien, obs. sur CEDH, 23 novembre 2006, no 73053/01, Jussila


c/ Finlande, J.D.I., 2007, p. 709.

TRÉBULLE François-Guy, obs. sur CEDH, 24 février 2009, no 49230/07, L'Érablière


A.S.B.L. c/ Belgique, D., 2009, Panorama, 2448.

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TULKENS Françoise, note sur CEDH, 6 juin 2000, no 28135/95, Magee c/ Royaume-
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VALLEE Charles, obs. sur CEDH, 16 juillet 1971, no 2614/65, Ringeisen c/ Autriche,
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VAN CAMPERNOLLE Jacques, obs. sur CEDH, 19 avril 2007, no 63235/00, Vilho
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WASCHMANN Patrick, note sur CEDH, 8 décembre 1999, no 28541/95, Pellegrin


c/ France, R.T.D.H., 2000, no 44, p. 819.

WECKEL Philippe, obs. sur CEDH, 12 mai 2005, no 46221/99, Öcalan c/ Turquie,
R.G.D.I.P., 2003, p. 472.

WINIDOERFFER Y., obs. sur CEDH, 22 mai 2003, no 41666/98, Kyrtatos c/ Grèce,
§ 30 à § 32, R.J.E., 2004, p. 176.

YERNAULT Dimitri, obs. sur CEDH, 17 mars 1997, no 18725/91, Neigel c/ France,
R.T.D.H., 1998, p. 303.

ZENATI Frédéric, obs. sur CEDH, 9 décembre 1994, no 13427/87, Stran Greek
Refineries et Stratis Andreadis c/ Grèce, R.T.D. civ., 1995, p. 652.

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INDEX DES DÉCISIONS JURIDICTIONNELLES


CITÉES

Les chiffres renvoient aux pages de la thèse.

1. COUR EUROPÉENNE DES DROITS DE L’HOMME


CEDH, 27 juin 1968, no 2122/64, Wemhoff c/ Allemagne, 15, 41.
CEDH, 17 janvier 1970, no 2689/65, Delcourt c/ Belgique, 16, 284.
CEDH, 18 juin 1971, nos 2832/66, 2835/66, 2899/66, De Wilde, Ooms et Versyp
c/ Belgique, 210.
CEDH, 16 juillet 1971, no 2614/65, Ringeisen c/ Autriche, 16, 17, 18, 38, 51, 64, 68,
71, 205.
CEDH, 21 février 1975, no 4451/70, Golder c/ Royaume-Uni, 15, 16, 38, 40, 42, 51,
53, 54, 73.
CEDH, 8 juin 1976, nos 5100/71, 5101/71, 5102/71, 5354/72, 5370/72, Engel et autres
c/ Pays-Bas, 17, 48, 64, 81, 82, 83, 94, 115, 162, 205.
CEDH, 28 juin 1978, no 6232/73, König c/ Allemagne, 17, 18, 64, 71, 205.
CEDH, 26 avril 1979, no 6538/74, Sunday Times c/ Royaume-Uni, 42.
CEDH, 13 juin 1979, no 6833/74, Marckx c/ Belgique, 79.
CEDH, 9 octobre 1979, no 6289/73, Airey c/ Irlande, 42, 46, 73, 78.
CEDH, 24 octobre 1979, no 6301/73, Winterwerp c/ Pays-Bas, 73.
CEDH, 27 février 1980, no 6903/75, Deweer c/ Belgique, 48, 64, 80, 205.
CEDH, 6 mai 1981, no 7759/77, Bucholz c/ Allemagne, 74.
CEDH, 23 juin 1981, nos 6878/75 et 7238/75, Le Compte, Van Leuven et De Meyere
c/ Belgique, 16, 38, 51, 53, 67, 68, 74, 87, 93, 150, 163, 209, 216, 230, 234,
244, 258.
CEDH, 5 novembre 1981, no 7215/75, X. c/ Royaume-Uni, 210.
CEDH, 23 septembre 1982, nos 7151/75, 7152/75, Sporrong et Lönnroth c/ Suède, 18,
53, 67, 91.
CEDH, 1er octobre 1982, no 8692/79, Piersack c/ Belgique, 210, 211.
CEDH, 10 décembre 1982, nos 7604/76, 7719/76, 7781/77, 7913/77, Foti et autres
c/ Italie, 80.

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CEDH, 10 décembre 1982, no 8304/78, Corigliano c/ Italie, 80.


CEDH, 10 février 1983, nos 7299/75 et 7496/76, Albert et Le Compte c/ Belgique, 52,
54, 87, 93, 230.
CEDH, 13 juillet 1983, no 8737/79, Zimmerman et Steiner c/ Suisse, 74.
CEDH, 21 février 1984, no 8544/79, Oztürk c/ Allemagne, 17, 64, 81, 82, 83, 86, 92,
96, 205, 217.
CEDH, 28 juin 1984, nos 7819/77 et 7878/77, Campbell et Fell c/ Royaume-Uni, 52,
64, 94, 205.
CEDH, 22 octobre 1984, no 8790/79, Sramek c/ Autriche, 16, 38, 51, 52, 208.
CEDH, 24 octobre 1984, no 9118/80, Agosi c/ Royaume-Uni, 79.
CEDH, 19 novembre 1984, no 8777/79, Rasmussen c/ Danemark, 73.
CEDH, 23 octobre 1985, no 8848/80, Benthem c/ Pays-Bas, 41, 65, 68, 74, 92, 209,
210, 213.
CEDH, 21 février 1986, no 8793/79, James et autres c/ Royaume-Uni, 69.
CEDH, 29 mai 1986, no 8562/79, Feldbrugge c/ Pays-Bas, 74, 90.
CEDH, 29 mai 1986, no 9384/81, Deumeland c/ Allemagne, 72, 90.
CEDH, 26 juin 1986, nos 8543/79, 8674/79, 8675/79, 8685/79, Van Marle
et autres c/ Pays Bas, 52, 74.
CEDH, 8 juillet 1987, no 10092/82, Baraona c/ Portugal, 17, 64, 72, 73, 74, 205.
CEDH, 8 juillet 1987, nos 9276/81, 9580/81, 9749/82, 9840/82, 10496/83, O., H., W.,
B. et R. c/ Royaume-Uni, 231.
CEDH, 25 août 1987, no 9912/82, Lütz c/ Allemagne, 82.
CEDH, 27 octobre 1987, no 10426/83, Pudas c/ Suède, 91.
CEDH, 28 octobre 1987, no 8695/79, Inze c/ Autriche, 78.
CEDH, 30 novembre 1987, no 8950/80, H c/ Belgique, 102, 208.
CEDH, 29 avril 1988, no 10328/83, Belilos c/ Suisse, 208.
CEDH, 29 novembre 1988, nos 11209/84, 11234/84, 11266/84, 11386/85, Brogan et
autres c/ Royaume-Uni, 42, 54.
CEDH, 7 juillet 1989, no 10873/84, Tre Traktörer AB c/ Suède, 24, 92.
CEDH, 7 juillet 1989, no 14038/88, Soering c/ Royaume-Uni, 42.
CEDH, 25 octobre 1989, no 10842/84, Allan Jacobsson c/ Suède, 24, 91.
CEDH, 21 février 1990, no 11855/85, Håkansson et Sturesson c/ Suède, 91.
CEDH, 22 mai 1990, no 11034/84, Weber c/ Suisse, 84.
CEDH, 28 juin 1990, no 12258/86, Skärby c/ Suède, 68.
CEDH, 28 juin 1990, no 11761/85, Obermeier c/ Autriche, 90.
CEDH, 28 juin 1990, no 11309/84, Mats Jacobsson c/ Suède, 91.

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CEDH, 27 août 1991, no 13057/87, Demicoli c/ Malte, 64, 205, 208.


CEDH, 29 octobre 1991, no 11826/85, Helmers c/ Suède, 73.
CEDH, 27 novembre 1991, no 12565/86, Oerlmans c/ Pays-Bas, 67.
CEDH, 26 mars 1992, no 11760/85, Éditions Périscope c/ France, 91.
CEDH, 12 octobre 1992, no 11955/86, Salerno c/ Italie, 70.
CEDH, 26 novembre 1992, nos 12490/86 et 11519/85, Giancarlo Lombardo et
Francesco Lombardo c/ Italie, 118.
CEDH, 25 février 1993, no 10828/84, Funke c/ France, 243.
CEDH, 26 février 1993, no 13023/8, Salesi c/ Italie, 74, 75, 90.
CEDH, 19 avril 1993, no 13942/88, Kraska c/ Suisse, 126.
CEDH, 23 juin 1993, no 12952/87, Ruiz-Mateos c/ Espagne, 68, 91.
CEDH, 24 juin 1993, no 14518/89, Schuler-Zgraggen c/ Suisse, 75.
CEDH, 24 août 1993, no 14399/88, Massa c/ Italie, 118.
CEDH, 21 septembre 1993, no 12235/86, Zumtobel c/ Autriche, 236.
CEDH, 26 octobre 1993, no 15058/89, Darnell c/ Royaume-Uni, 242.
CEDH, 27 octobre 1993, no 14448/88, Dombo Beheer N.V. c/ Pays-Bas, 229.
CEDH, 24 novembre 1993, no 13972/88, Imbrioscia c/ Suisse, 243, 244, 251, 262,
322.
CEDH, 25 novembre 1993, no 14282/88, Zander c/ Suède, 74.
CEDH, 22 février 1994, no 16213/90, Burghartz c/ Suisse, 108.
CEDH, 24 février 1994, no 12547/86, Bendenoun c/ France, 86, 97, 98, 114, 169, 217,
249.
CEDH, 19 avril 1994, no 16034/90, Van de Hurk c/ Pays-Bas, 52, 209, 210.
CEDH, 21 septembre 1994, no 17101/90, Fayed c/ Royaume-Uni, 70.
CEDH, 22 septembre 1994, no 13616/88, Hentrich c/ France, 70.
CEDH, 24 novembre 1994, no 15287/89, Beaumartin c/ France, 55, 91, 205.
CEDH, 25 novembre 1994, no 12884/87, Ortenberg c/ Autriche, 208, 236.
CEDH, 9 décembre 1994, no 13427/87, Stran Greek Refineries et Stratis Andreadis
c/ Grèce, 55, 56.
CEDH, 9 décembre 1994, nos 19005/91 et 19006/91, Schouten et Meldrum c/ Pays-
Bas, 103, 107, 126.
CEDH, 10 février 1995, no 15175/89, Allenet de Ribemont c/ France, 246.
CEDH, 23 février 1995, no 15375/89, Gasus Dosier-Und fördertechnik Gmbh c/ Pays-
Bas, 78.
CEDH, 24 février 1995, no 16424/90, Mc Michael c/ Royaume-Uni, 73, 248.
CEDH, 26 avril 1995, no 16922/90, Fischer c/ Autriche, 233, 236.

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CEDH, 19 juillet 1995, no 17506/90, Kerojärvi c/ Finlande, 248.


CEDH, 26 septembre 1995, no 18160/91, Diennet c/ France, 230.
CEDH, 28 septembre 1995, no 14570/89, Procola c/ Luxembourg, 69, 78, 312.
CEDH, 23 octobre 1995, no 16718/90, Palaoro c/ Autriche, 228, 229, 237, 246, 255,
300.
CEDH, 23 octobre 1995, no 16713/90, Pramstaller c/ Autriche, 228, 229, 237, 246,
255, 300.
CEDH, 23 octobre 1995, no 15523/89, Schmautzer c/ Autriche, 228, 229, 237, 246,
255, 300.
CEDH, 23 octobre 1995, no 15963/90, Gradinger c/ Autriche, 228, 229, 237, 246,
255, 300.
CEDH, 23 octobre 1995, no 16841/90, Pfarrmeier c/ Autriche, 228, 229, 237, 246,
255, 300.
CEDH, 23 octobre 1995, no 15523/89, Umlauft c/ Autriche, 228, 229, 237, 246, 255,
300.
CEDH, 20 novembre 1995, no 19589/92, British-American Tobacco Company Ltd
c/ Pays-Bas, 17, 38, 51, 52, 254, 299.
CEDH, 22 novembre 1995, no 19178/91, Bryan c/ Royaume-Uni, 231, 232, 233, 299.
CEDH, 8 février 1996, no 18731/91, John Murray c/ Royaume-Uni, 246, 251.
CEDH, 22 février 1996, no 18892/91, Putz c/ Autriche, 64, 83, 84.
CEDH, 28 février 1996, no 22108/93, Escarrat c/ France, 236.
CEDH, 10 juin 1996, no 19380/92, Benham c/ Royaume-Uni, 86.
CEDH, 16 septembre 1996, no 15777/89, Matos e Silva, Lda et autres c/ Portugal, 78.
CEDH, 18 septembre 1996, no 17371/90, Gaygusuz c/ Autriche, 79.
CEDH, 26 septembre 1996, no 18978/91, Miailhe c/ France, 249.
CEDH, 17 décembre 1996, no 20641/92, Terra Woningen B. V. c/ Pays- Bas, 233,
236.
CEDH, 17 décembre 1996, no 19187/91, Saunders c/ Royaume-Uni, 247.
CEDH, 17 mars 1997, no 18725/91, Neigel c/ France, 87, 118.
CEDH, 26 août 1997, no 22110/93, Balmer-Schafroth c/ Suisse, 74.
CEDH, 26 août 1997, no 22839/93, De Haan c/ Pays-Bas, 254, 299, 301.
CEDH, 29 août 1997, no 20919/92, E.L., R.L. et J.O.-L. c/ Suisse, 193.
CEDH, 24 septembre 1997, no 18996/91, Garyfallou AEBE c/ Grèce, 86.
CEDH, 2 septembre 1997, no 25574/94, De Santa c/ Italie, 87.
CEDH, 2 septembre 1997, no 25586/94, Lapalorcia c/ Italie, 87.
CEDH, 2 septembre 1997, no 25587/94, Abenavoli c/ Italie, 88.
CEDH, 2 septembre 1997, no 25839/94, Nicodemo c/ Italie, 88, 118.

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CEDH, 21 octobre 1997, no 24194/94, Pierre-Bloch c/ France, 76, 103, 104, 107, 126.
CEDH, 22 octobre 1997, nos 97/1996/716/913, Papageorgiou c/ Grèce, 55.
CEDH, 23 octobre 1997, nos 21319/93, 21449/93, 21675/93, Building Societies
c/ Royaume-Uni, 55.
CEDH, 19 décembre 1997, no 20772/92, Helle c/ Finlande, 222, 254, 299.
CEDH, 24 avril 1998, no 28054/95, Mavronichis c/ Chypre, 118.
CEDH, 9 juin 1998, no 25549/94, Cazenave de La Roche c/ France, 88, 118.
CEDH, 29 juillet 1998, no 25554/94, Le Calvez c/ France, 88, 119, 120.
CEDH, 24 août 1998, n° 26106/95, Benkessiouer c/ France, 88, 118, 120.
CEDH, 24 août 1998, n° 24271/94, Couez c/ France, 88, 118, 120.
CEDH, 23 septembre 1998, no 27812/95, Malige c/ France, 97.
CEDH, 28 octobre 1998, no 22924/93, Aït-Mouhoub c/ France, 46, 69.
CEDH, 28 octobre 1999, nos 24846/94 et 34165/96 à 34173/96, Zielinski et Pradal &
Gonzales c/ France, 55, 56.
CEDH, 28 octobre 1999, no 40772/98, Paneenko c/ Lettonie, 77, 78.
CEDH, 28 octobre 1999, no 26780/95, Escoubet c/ Belgique, 82, 97.
CEDH, 8 décembre 1999, no 28541/95, Pellegrin c/ France, 77, 88, 103, 120.
CEDH, 11 janvier 2000, no 41544/98, Le Meignen c/ France, 114.
CEDH, 18 janvier 2000, no 39288/98, Association Ekin c/ France, 77, 111.
CEDH, 29 février 2000, no 45053/98, Association des amis de St Raphaël et de Fréjus
c/ France, 74.
CEDH, 6 juin 2000, no 28135/95, Magee c/ Royaume-Uni, 247, 251, 252.
CEDH, 22 juin 2000, nos 32492/96, 32547/96, 32548/96, 33209/96, 33210/96, Coëme
et autres c/ Belgique, 211.
CEDH, 11 juillet 2000, no 20869/92, Dikme c/ Turquie, 251, 254.
CEDH, 5 octobre 2000, no 39652/98, Maaouia c/ France, 103, 104, 107.
CEDH, 7 novembre 2000, no 35605/97, Kingsley c/ Royaume-Uni, 232, 236, 301.
CEDH, 14 novembre 2000, no 35115/97, Riepan c/ Autriche, 219, 256.
CEDH, 18 janvier 2001, no 27238/95, Chapman c/ Royaume-Uni, 233.
CEDH, 3 mai 2001, no 31827/96, J.B. c/ Suisse, 27, 195, 222.
CEDH, 10 mai 2001, no 29392/95, Z. et autres c/ Royaume-Uni, 70.
CEDH, 12 juillet 2001, no 44759/98, Ferrazzini c/ Italie, 76, 102, 104, 105, 107, 108,
111, 126.
CEDH, 12 juillet 2001, no 33071/96, Malhous c/ République Tchèque, 322.
CEDH, 4 octobre 2001, no 33776/96, Potocka et autres c/ Pologne, 232, 233.
CEDH, 16 octobre 2001, no 39846/98, Brennan c/ Royaume-Uni, 251, 254.

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CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014

CEDH, 21 novembre 2001, no 31253/96, Mc Elhinney c/ Irlande, 70.


CEDH, 12 mars 2002, no 2352/02, Holding and Barnes PLC c/ Royaume-Uni, 233.
CEDH, 28 mai 2002, no 46295/99, Stafford c/ Royaume-Uni, 55.
CEDH, GC, 28 mai 2002, no 35605/97, Kingsley c/ Royaume-Uni, 232, 233.
CEDH, 20 juin 2002, no 47760/99, Koshinas c/ Grèce, 233.
CEDH, 9 juillet 2002, no 42197/98, Salvetti c/ Italie, 77, 78.
CEDH, 23 juillet 2002, n o 34619/97, Janosevic c/ Suède, 98, 193.
CEDH, 27 août 2002, no 58188/00, Didier c/ France, 95, 142, 204.
CEDH, 28 novembre 2002, no 58442/00, Lavents c/ Lettonie, 211.
CEDH, 3 décembre 2002, no 53892/00, Lilly c/ France, 95.
CEDH, 3 décembre 2002, no 52938/99, Mieg de Boofzheim c/ France, 100.
CEDH, 7 janvier 2003, no 39282/98, Laidin c/ France, 73.
CEDH, 3 février 2003, no 49636/99, Chevrol c/ France, 210, 233.
CEDH, 4 février 2003, no 54596/00, époux Goletto c/ France, 78.
CEDH, 6 mars 2003, nos 39343/98, 39651/98, 43147/98 et 46664/99, Kleyn et autres
c/ Pays-Bas, 55.
CEDH, 22 mai 2003, no 41666/98, Kyrtatos c/ Grèce, 54.
CEDH, 27 mai 2003, no 42930/98, Crisan c/ Roumanie, 233.
CEDH, 3 juin 2003, no 54559/00, Morel c/ France, 98, 169.
CEDH, 3 juin 2003, no 33343/96, Pantea c/ Roumanie, 251.
CEDH, 16 septembre 2003, no 41134/98, Glod c/ Roumanie, 233.
CEDH, 9 octobre 2003, nos 39665/98 et 40086/98, Ezeh et Connors c/Royaume-Uni,
82, 85, 94.
CEDH, 30 octobre 2003, no 41576/98, Ganci c/ Italie, 73.
CEDH, 18 novembre 2003, no 46809/99, Loiseau c/ France, 92.
CEDH, 27 janvier 2004, no 73797/01, Kyprianou c/ Chypre, 81.
CEDH, 4 mars 2004, no 47650/99, Silvester’s Horeca Service c/ Belgique, 229.
CEDH, 20 avril 2004, nos 29486/95, 29487/95, 29853/95, Mamac et autres c/ Turquie,
251.
CEDH, 22 avril 2004, no 36115/97, Sarikaya c/ Turquie, 252.
CEDH, 22 mars 2005, no 46601/99, M. S. c/ Finland, 301.
CEDH, 7 avril 2005, no 28338/02, Jarnevic et Profit c/ Grèce, 211.
CEDH, Gr Ch., 12 mai 2005, no 46221/99, Öcalan c/ Turquie, 55, 252.
CEDH, 19 octobre 2005, no 32555/96, Roche c/ Royaume-Uni, 70.
CEDH, 23 février 2006, no 25632/02, Stere et autres c/ Roumanie, 124.

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CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014

CEDH, 21 mars 2006, no 70074/01, Valico Srl c/ Italie, 237.


CEDH, 4 juin 2006, no 47650/99, Silverster’s Horeca Service, c/ Belgique, 237.
CEDH, 27 juillet 2006, no 69742/01, Gubler c/ France, 230.
CEDH, 31 août 2006, no 17263/02, Landolt c/ Suisse, 209, 210.
CEDH, 14 novembre 2006, no 60860/00, Tsfayo c/ Royaume-Uni, 233.
CEDH, 23 novembre 2006, no 73053/01, Jussila c/ Finlande, 83, 85, 99, 169, 240.
CEDH, 30 novembre 2006, no 75101/01, Grecu c/ Roumanie, 229.
CEDH, 14 décembre 2006, no 1398/03, Markovic et autres c/ Italie, 70.
CEDH, 12 avril 2007, no 66455/01, Bulinwar Ood et Hrusanov c/ Bulgarie, 236.
CEDH, 19 avril 2007, no 63235/00, Vilho Eskelinen et autres c/ Finlande, 89, 104,
105, 121, 122.
CEDH, 11 septembre 2007, no 59773/00, Suküt c/ Turquie, 122.
CEDH, 13 septembre 2007, no 27521/04, Moullet c/ France, 93, 115.
CEDH, 11 décembre 2007, no 3964/05, Apay c/ Turquie, 122.
CEDH, 23 septembre 2008, no 9907/02, Araç c/ Turquie, 73.
CEDH, 25 septembre 2008, no 42132/06, Paraponiaris c/ Grèce, 209, 210.
CEDH, 27 novembre 2008, no 36391/02, Salduz c/ Turquie, 247.
CEDH, 11 décembre 2008, no 4268/04, Panovits c/ Chypre, 247.
CEDH, 05 février 2009, no 22330/05, Olujić c/ Croatie, 89, 122.
CEDH, 24 février 2009, no 49230/07, L'Érablière A.S.B.L. c/ Belgique, 91.
CEDH, 11 juin 2009, no 5242/04, Dubus c/ France, 95.
CEDH, 24 septembre 2009, no 32976/04, Mérigaud c/ France, 230.
CEDH, 17 septembre 2009, no 74912/01, Enea c/ Italie, 73, 90.
CEDH, 16 octobre 2009, no 30400/02, Baka c/ Roumanie, 80.
CEDH, 27 octobre 2009, no 21737/03, Haralambie c/ Roumanie, 233.
CEDH, 29 octobre 2009, no 49037/06, Chaudet c/ France, 219, 231, 235, 236.
CEDH, 29 juin 2011, no 34869/05, Sabeh El Leil c/ France, 46, 48, 52, 54, 89, 122.
CEDH, 26 juillet 2011, no 34805/06, T. C. et H. C. c/ Turquie, 73.
CEDH, 27 septembre 2011, no 43509/08, A. Menarini Diagnostics S.R.L. c/ Italie, 96,
255, 300.
CEDH, 27 octobre 2011, no 25303/08, Stojkovic c/ France et Belgique, 247.
CEDH, 3 avril 2012, no 37575/04, Boulois c/ Luxembourg, 18, 182.
CEDH, 7 juin 2012, no 4837/06, Ségame c/ France, 240, 241.
CEDH, 9 janvier 2013, no 21722/11, Oleksandr Volkov c/ Ukraine, 232, 233, 235,
236.

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2. COMMISSION EUROPÉENNE DES DROITS DE L’HOMME


Commission, 16 octobre 1986, no 12122/86, Lukka c/ Royaume-Uni, 110.
Commission, 17 octobre 1986, no 12364/86, A. Kilic c/ Suisse, 110.
Commission, 9 novembre 1987, no 13162/87, P. c/ Royaume-Uni, 110.

3. CONSEIL CONSTITUTIONNEL
Décision no 76-70 DC du 2 décembre 1976, 34, 317.
Décision no 77-83 DC du 20 juillet 1977, 317.
Décision no 80-127 DC du 20 janvier 1981, 34, 317.
Décision no 82-155 DC du 30 décembre 1982, 168, 169.
Décision no 84-184 DC du 29 décembre 1984, 317.
Décision no 85-182 DC du 18 janvier 1985, 317.
Décision no 86-224 DC du 23 janvier 1987, 35, 317, 318, 342.
Décision no 88-248 DC du 17 janvier 1989, 317, 318.
Décision no 89-268 DC du 29 décembre 1989, 169, 317.
Décision no 90-285 DC du 28 décembre 1990, 169, 317.
Décision no 92-307 DC du 25 février 1992, 35, 317, 318.
Décision no 93-325 DC du 13 août 1993, 35.
Décision no 95-360 DC du 2 février 1995, 317, 319.
Décision no 97-389 DC du 22 avril 1997, 35, 317.
Décision no 99-411 DC du 16 juin 1999, 35.
Décision no 99-416 DC 23 juillet 1999, 317.
Décision no 99-424 DC du 29 décembre 1999, 318, 319.
Décision no 2000-433 DC du 27 juillet 2000, 34, 317.
Décision no 2002-461 DC du 29 août 2002, 319.
Décision no 2006-535 DC du 30 mars 2006, 317, 318.
Décision no 2010-612 DC du 5 août 2010, 319.
Décision no 2010-32 QPC du 22 septembre 2010, 317.
Décision no 2010-38 QPC du 29 septembre 2010, 35, 317.
Décision no 2010-69 QPC du 26 novembre 2010, 35, 317.
Décision no 2011-631 DC du 9 juin 2011, 318.
Décision no 2012-280 QPC du 12 octobre 2012, 320.

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4. CONSEIL D’ÉTAT
CE, 20 décembre 1872, Ville de Reims, 34, 309.
CE, 20 juin 1913, Téry, 339.
CE, 10 février 1922, Aldeguer et Branlière, 309.
CE, 17 juin 1927, Vaulot, 34, 309.
CE, 4 mai 1928, Dobler, 309.
CE, 12 juillet 1929, Leroux, 37.
CE, Sect., 17 juin 1930, Rebeyrolles, 34, 306.
CE, 30 janvier 1931, Vaulot, 309.
CE, 24 juillet 1934, Ducos, 339.
CE, 24 mai 1935, Lamoudi Lamine, 309.
CE, 1er mars 1940, Société des secteurs électriques de Provence, 309.
CE, Sect., 5 mai 1944, no 69751, Dame Veuve Trompier-Gravier, 340.
CE, Sect., 2 février 1945, Moineau, 348.
CE, Ass., 26 octobre 1945, Aramu, 340.
CE, 22 mai 1946, Maillou, 340.
CE, 11 décembre 1946, Dames Hubert et Crépelle, 306.
CE, 7 février 1947, d’Aillières, 339.
CE, 3 décembre 1947, Canderatz, 306.
CE, 4 mars 1949, Trèbes, 309.
CE, Sect., 29 avril 1949, Bourdeaux, 310.
CE, 3 mai 1950, Caudriller, 307.
CE, Sect., 20 février 1953, Dame Cozic- Savoure, 308.
CE, Ass., 12 décembre 1953, de Bayo, 339, 348, 358.
CE, Ass., 16 décembre 1955, Dame Bourokba, 306.
CE, Sect., 20 janvier 1956, Nègre, 315.
CE, 23 novembre 1956, Fock-Piou, 306.
CE, 15 juillet 1957, Société mutuelle immobilière et Roqueplo, 307.
CE, Sect. 25 avril 1958, Société « Laboratoires Geigy », 306.
CE, Sect., 20 juin 1958, Louis, 34, 309.
CE, 19 novembre 1958, Obadia, 307.
CE, 8 janvier 1959, Commissaire du Gouvernement près le Conseil supérieur de
l’ordre des experts comptables, 339.
CE., Sect., 12 juin 1959, Ministre de la Santé publique c/ Prat Flottes, 307.

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CE, Sect., 8 janvier 1960, Ministre de l’Intérieur c/ Rohmer et Faist, 307.


CE, Sect., 9 mars 1962, Doux, 348.
CE, 31 mai 1963, Conseil national de l’Ordre des médecins c/ Bourbouloux, 348.
CE, Sect., 8 novembre 1963, Ministre de l’agriculture c/ Coopérative d’insémination
artificielle de la Vienne, 315.
CE, Sect., 9 novembre 1966, Commune de Clohars-Carnoët, 34, 309.
CE, Ass., 13 juillet 1967, Allegretto, 307.
CE, Ass., 12 juillet 1969, no 72480, L’Étang, 35, 212.
CE, Sect., 20 novembre 1970, Bouez et UNEF, 214.
CE, Sect., 8 novembre 1974, Sieur X, 226
CE, 9 décembre 1974, Matheray dit Philippe Clay, 307.
CE, 24 février 1975, Dulieu, 308.
CE, 26 février 1975, no 92894, Sieur Banquels de Marque, 311.
CE, 16 avril 1975, Secrétaire d’État à la culture c/ Association dite « la comédie de
Borges », 307.
CE, 6 juin 1976, Dame Vatin, 307.
CE, 16 juin 1978, Ville de Villeurbanne c/ Dame Pignal, 307.
CE, 12 juillet 1978, Boucher, 308.
CE, Sect., 27 octobre 1978, Debout, 44, 153, 161, 165, 167.
CE, Sect., 16 mars 1979, Ministre du travail c/ Stephan, 308.
CE, 14 janvier 1980, Putot, 161.
CE, Sect., 24 janvier 1980, Gadiaga, 312.
CE, 21 mars 1980, M. Pebre, 161.
CE, 28 mars 1980, M. Glodt, 161.
CE, 25 avril 1980, M. Deselle, 161.
CE, 28 janvier 1981, Wetzel, 161.
CE, 27 avril 1983, no 23485, Société Arthur Martin, 145.
CE, 29 juin 1983, Forest, 348.
CE, 20 avril 1984, M. Pye André, 161.
CE, 11 juillet 1984, no 41744, M. Subrini, 44, 153, 154, 161, 163, 166, 164, 168.
CE, 28 septembre 1984, no 41335, Boisard, 164.
CE, 4 janvier 1985, no 43953, M. Bodet, 36, 212.
CE, 26 avril 1985, Malle, 348.
CE, 21 novembre 1986, Benkhala c/ Min. Intérieur, 312.
CE, 13 février 1987, no 53118, M. Laniaud, 36.

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CE, 24 juillet 1987, no 53676, M. Vaulot-Pfister et Syndicat de la magistrature, 308.


CE, Sect., 27 avril 1988, Sophie, 312.
CE, 14 décembre 1988, no 59743, Durand, 310.
CE, 10 mai 1989, no 64127, Boublil, 145.
CE, 2 juin 1989, no 66604, de Saint Pern, 165.
CE, Ass., 20 octobre 1989, no 108243, Nicolo, 139.
CE, 13 novembre 1989, Ministre de l’éducation nationale c/ Navarro, 313.
CE, Ass., 1er mars 1991, no 112820, Lecun, 145, 310.
CE, 14 juin 1991, nos 107365, 107859, 110270, 114646, Association Radio Solidarité,
310.
CE, 8 janvier 1992, no 96654, Me Serondi-Babonaux, 34, 309.
CE, 15 avril 1992, no 65563, Hade et Compagnie, 146.
CE, 30 novembre 1994, no 136539, M. Bonnet, 310.
CE, Ass., 17 février 1995, no 107766, Hardouin, 330.
CE, Avis, Sect., 31 mars 1995, no 164008, SARL Auto-Industrie Méric, 25, 38, 146,
173, 292.
CE, 5 mai 1995, no 155820, M. Burruchaga, 311.
CE, 23 octobre 1995, nos 154401, 154490, 154493, 154515, 154524, Association
Artus et autres, 311.
CE, Ass., 14 février 1996, Maubleu, 165, 168.
CE, avis, 5 avril 1996, Houdmond, 227.
CE, Ass., 5 décembre 1997, no 140032, Madame Lambert, 166.
CE, 10 décembre 1997, Société coopérative ouvrière de lamanage, 313.
CE, 23 janvier 1998, no 179579, Mlle Goyer, 311.
CE, 23 mars 1998, no 174770, Association Thomer environnement, association pour
la protection de l'environnement de la forêt du parc et Mme Oger, 311.
CE, 1er avril 1998, no 136091, Iguacel et Comets, 311.
CE, 4 mai 1998, no 164294, Société de bourse Patrice Wargny, 173.
CE, 25 mai 1998, nos 151121,151123, Tchen, 310.
CE, avis, 8 juillet 1998, no 195664, Fattell, 226.
CE, Sect., 30 octobre 1998, no 203848, Lorenzi, 165.
CE, 16 novembre 1998, no 172820, SARL Deltana et M. Perrin, 165.
CE, 16 novembre 1998, Mme Bastard-Valentinis, 313.
CE, 4 avril 1999, nos 182421 et 184097, G.I.E. Oddo Futures, 172.
CE, Sect., 28 juillet 1999, no 188.973, G.I.E. Mumm-Perrier-Jouët, 165.
CE, 20 septembre 1999, no 156968, Association Zone Z.A.C., 304.

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CE, 27 octobre 1999, no 196251, Fédération française de football, 310.


CE, Ass., 3 décembre 1999, nos 197060, 197061, Caisse de crédit mutuel de Bain-
Trèsboeuf, 175.
CE, Ass., 3 décembre 1999, no 207434, Jean-Louis Didier, 25, 38, 173, 259, 264, 271,
278, 281, 292, 336.
CE, 4 février 2000, no 181442, Mme Nehme, 311.
CE, 6 février 2000, no 196407, Lefebvre, 178.
CE, 27 mars 2000, no 187703, S.A.R.L. Maurel et fils, 190.
CE, 7 juillet 2000, no 187002, M. Wentzinger, 310.
CE, sect., 20 octobre 2000, no 180122, Société Habib Bank Limited, 177, 282.
CE, 22 novembre 2000, no 211285, Mutuelle inter-jeunes et Abed, 181.
CE, 22 novembre 2000, no 207697, Société Crédit Agricole Indosuez Cheuvreux, 174,
176, 259.
CE, 22 juin 2001, no 193392, Société Athis, 175, 181, 310.
CE, 2 juillet 2001, no 221481, Fédération française de Football, 310, 311.
CE, 6 juillet 2001, no 219290, Giardina, 350.
CE, 6 juillet 2001, no 209591, Société les tubes de Bobigny, 311.
CE, 28 décembre 2001, no 225189, Commune de Saint-Jory, 242.
CE, 28 octobre 2002, no 222188, M. Christian X, 329.
CE, 13 décembre 2002, no 241195, M. Fague, 310.
CE, 11 juin 2003, no 240512, Électricité de France et Société nationale d’électricité et de
thermique, 181.
CE, 30 juillet 2003, no 253973, Observatoire international des prisons, section
française, 179, 185.
CE, Sect., 30 juillet 2003, no 240884, Sté Dubus S.A., 264, 271.
CE, Sect., 30 juillet 2003, no 238169, Banque d’Escompte et Wormser Frères réunis,
265, 278.
CE, 30 juillet 2003, no 247488, Société Compagnie française de change, 282.
CE, 30 août 2003, no 248686, Société Comptoir français de l’or, 282.
CE, 24 septembre 2003, Société Paolo Nancéienne, 226.
CE, 31 mars 2004, no 243579, Société Etna Finance, 259, 270, 280.
CE, 28 avril 2004, no 257385, M. Brangier, 311.
CE, 10 mai 2004, no 247130, Sté Etna Finance et M. Brat, 186.
CE, 10 mai 2004, no 241587, Sté Crédit du Nord, 187.
CE, 27 octobre 2004, no 257366, Mme Thizeau, 279.
CE, 17 novembre 2004, no 261349, Armand Mimran, 280.

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CE, 19 novembre 2004, no 263459, Marcon, 329.


CE, Sect., 4 février 2005, no 269001, Société GSD Gestions, 282.
CE, 23 mars 2005, no 260673, Société financière Hottinguer, 259, 271, 279, 280, 281,
323, 325.
CE, 2 novembre 2005, no 271202, Société banque privée Fideuram Wargny, 259, 279,
285, 323, 325.
CE, 2 novembre 2005, no 270825, M. Olivier Wargny, 279.
CE, 2 novembre 2005, no 270826, M. Gérard Witvoet, 279.
CE, 6 janvier 2006, no 279596, Société Lebanese Group Communication, 259.
CE, 22 février 2006, no 276719, M. Hutt, 188.
CE, 27 février 2006, no 257964, Krempff, 25, 38, 190, 265, 266.
CE, 24 mars 2006, no 257330, S.A. Martell and Co, 26, 38, 191.
CE, 31 mars 2006, no 276605, Robert, 179, 188.
CE, 2 octobre 2006, no 282028, Krikorian, 188.
CE, Sect., 27 octobre 2006, nos 276069, 277198 et 277460, Parent et autres, 29, 176,
183, 269, 275, 283, 294, 303, 305, 323, 326.
CE, Sect., 17 novembre 2006, no 276926, Société C.N.P. Assurances, 271.
CE, 11 décembre 2006, no 278806, Pessey, 26, 38, 191, 193, 265, 266.
CE, 31 janvier 2007, no 290567, Compagnie Corse Air International S.A, 302, 331.
CE, 7 février 2007, no 288373, 273.
CE, 12 février 2007, no 290164, Société Les Laboratoires Jolly-Jatel et autres, 313.
CE, 30 mars 2007, no 277991, Société Prédica, 273, 282.
CE, 30 mai 2007, no 266737, Société Dubus Management S.A., 271.
CE, 30 mai 2007, no 288538, Société Europe, Finance et Industrie et M. Thannberger,
283.
CE, Sect., 22 juin 2007, n o 272650, Arfi., 329.
CE, 26 juillet 2007, nos 293908, M. Piard, 270, 276, 285, 345.
CE, 26 juillet 2007, no 293908, Patrick A, 259, 277.
CE, Sect., 26 juillet 2007, no 293627, Sté Global Gestion, 265.
CE, Sect., 26 juillet 2007, no 293624, Sté Global Equities, 176, 265.
CE, Sect., 26 juillet 2007, no 293626, M. Gilles A., 284.
CE, 30 novembre 2007, n o 292705, Société Sideme, 227.
CE, 28 décembre 2007, no 282921, Syndicat des sylviculteurs du sud-ouest, 313.
CE, 11 janvier 2008, no 292493, M. Lesage et M. et Mme De Bouard, 311.
CE, 11 janvier 2008, nos 298497, 298498, Société Route Logistique Transports, 311.
CE, 19 février 2008, no 311974, Société Profil France, 186, 282.

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CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014

CE, 22 février 2008, no 291372, « Association Air pur environnement d’Hermeville et


ses environs », 314.
CE, 4 avril 2008, no 308561, Stade rennais football club, 179.
CE, 26 mai 2008, no 288583, Société Norelec, 26, 38, 227, 265, 266, 296.
CE, 27 juin 2008, no 301343, Société Ségame, 241.
CE, 7 août 2008, no 310220, Fédération chrétienne des témoins de Jéhovah de France,
147.
CE, 26 sept. 2008, no 306922, Assistance publique hôpitaux de Paris, 313.
CE, 1er décembre 2008, no 292166, Ministre de l’économie, des finances et de
l’industrie c/ SCI Strasbourg, 311.
CE, 19 janvier 2009, nos 315886, 315888, Société Air France S.A., 273.
CE, 23 avril 2009, nos 314921, 314920, 314919, 314918, Compagnie Blue Line, 176,
183, 259, 272, 274, 286.
CE, 27 mai 2009, no 310493, Hontang, 329.
CE, 24 juillet 2009, no 307335, UNSA-Fonctionnaires, 310.
CE, Sect., 12 octobre 2009, M. Petit, 329.
CE, 28 décembre 2009, no 301654, M. Bernard, 176, 270, 271.
CE, 2 mars 2010, no 324439, Fédération française d'athlétisme, 329.
CE, 2 mars 2010, n o 328843, M. Dalongeville, 329.
CE, 17 mars 2010, no 309197, Société Café de la Paix, 266, 269.
CE, 29 mars 2010, n os 323354, 323488, 323491, 324395, M. Piard et Société Global
Equities, 270, 345.
CE, 30 décembre 2010, no 338273, Société Métropole Télévision (M6), 311.
CE, 12 janvier 2011, no 338461, Matelly, 330.
CE, 11 février 2011, nos 319828, 326062, Société Aquatrium, 311, 313.
CE, 11 mai 2011, no 334654, M. Sharif A, 147.
CE, 20 mai 2011, no 326084, Letona Biteri, 330.
CE, 10 octobre 2011, no 334720, 186.
CE, 22 novembre 2011, no 323612, Union mutualiste générale de prévoyance, 282.
CE, 22 décembre 2011, no 323613, Société mutualiste des étudiants de la région
parisienne, 259.
CE, 30 janvier 2012, no 349009, Ministre de l’intérieur, de l’outre-mer, des
collectivités territoriales et de l’immigration, 314.
CE, 11 juillet 2012, no 347146, Section Française de l’observatoire international des
prisons, 148.
CE, 21 décembre 2012, no 362347, Société Canal Plus, 27, 38, 267, 300.

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CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014

CE, 21 décembre 2012, no 353856, Société Groupe Canal Plus c/ Sté Vivendi
Universal, 181, 182, 260, 265.
CE, 28 décembre 2012, no 356355, SAS Jaly, 186.
CE, 23 octobre 2013, no 353603, Société Distribution Casino France, 186.
CE, 29 octobre 2013, no 356108, SAS EIM France, 323, 325.
CE, 26 février 2014, no 356006, Association des viticulteurs d'Alsace, 186, 179.

5. COUR DE CASSATION
Cass. Civ. 1ère, 10 janvier 1984, no 82-16968, Me Renneman, 163.
Cass. Civ. 1ère, 22 janvier 1985, no 84-10160, M. W., 163.
Cass. Civ. 1ère, 10 mars 1987, no 84-17458, M. Haoro, 163.
Cass. Civ. 1ère, 12 juillet 1989, n° 88-12067, M. X, 163.
Cass. Crim., 28 janvier 1991, no 90-81526, Lavignes, 132, 134.
Cass. Crim., 3 février 1993, no 92-83443, Kemmache, 155.
Cass. Crim., 4 mai 1994, no 93-84547, Saïdi, 155.
Cass. Com., 9 avril 1996, no 94-11323, Haddad c/ Agent judiciaire du Trésor, 130,
258, 322.
Cass. Com., 18 juin 1996, no 94-14178, M. Conso c/ COB: 131, 266, 269.
Cass. Civ. 1 ère, 13 novembre 1996, no 94-15252, 282.
Cass. Com., 29 avril 1997, no 95-20001, Ferreira c/ DGI: 224, 225, 227.
Cass. Com., 1er décembre 1998, no 96-20189, M. Oury c/ Agent judiciaire du Trésor,
131, 134, 266, 269.
Cass. Ass. Plén., 5 février 1999, no 97-16441, COB c/ Oury et agent judiciaire, 131,
135, 264, 266, 280, 288, 335.
Cass. Com., 5 octobre 1999, nos 97-15617, 97-5626, 97-15632, 97-15673, 97-15760,
97-15777 97-15805, 97-15826, 97-15836, 97-15852, 97-15871, 97-
15932, 97-16004, 97-16330, S.N.C. Campenon Bernard S.G.E et autres,
136, 258, 265, 290, 322, 324.
Cass. Civ. 1ère, 23 mai 2000, no 97-19169, M. P., 280.
Cass. Com., 9 octobre 2001, no 98-22015, 283.
Cass. Com., 28 janvier 2003, no 01-0028, 322, 324.
Cass. Com, 13 juillet 2004, nos 03-11430, 03-11431, 03-11433, 03-11492, 03-11512,
03-11513, 03-11516, 03-11517, 03-11618, 03-11280, 281, 303.
Cass. Com., 28 juin 2005, no 04-1391, 322, 324.
Cass. Com., 6 février 2007, no 05-20811, Société Générix, 265, 270.

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CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014

6. COUR D’APPEL DE PARIS


CA Paris, 12 janvier 1992, Schwartzmann, Friedland Investissement, Métrologie
Internationale, Fraiberger, Haddad, 129.
CA Paris, 15 juin 1999, S.A. Canal Plus c/ SNC Télévision par Satellite et autres, 135.
CA Paris, 2 juillet 1999, no RG 1998/17861, Debus, 132, 135.
CA Paris, 7 mars 2000, no de RG 1999/15862, 259, 278.
CA Paris, 27 juin 2000, no RG 2000/02659, France Télécom c/ Société Télécom
Développement, 274, 284, 291.
CA Paris, 21 novembre 2000:, no RG 2000/06426, 269, 276.
CA Paris, 1er avril 2003, no RG 2002/18613, 265.
CA Paris, 12 février 2004, no RG 2004/00827, 273.
CA Paris, 30 mai 2006, no RG 2005/20727, 265, 269, 278
CA Paris, 12 septembre 2006, no RG 2005/24231, 271, 279.
CA Paris, 25 mars 2008, n° RG 07/04789, 283.
CA Paris, 2 avril 2008, no RG 07/11675, 268, 291.
CA Paris, 29 octobre 2008, no RG 08/022551, Société Alliance Développement
Capital et M. Alain Dumenil, 265, 270.
CA Paris, 28 janvier 2009, no RG 08/02002, M. Bouquerod, 265, 270.
CA Paris, 20 octobre 2009, no RG 08/16852, M. Schoenlaub, 276.
CA Paris, 20 octobre 2009, no RG 09/01281, M. Bonnemo, 265, 270.

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INDEX DES MATIERES

Les chiffres renvoient aux pages de la thèse.

Accès à un tribunal, 105, 121, 122, 124, 127.


Accusation en matière pénale, 16, 17, 38, 46, 48, 53, 54, 56, 60, 61, 62, 63, 64, 65,
72, 79, 80, 81, 82, 85, 86, 93, 94, 115, 126, 128, 129, 131, 132, 133, 134, 135, 150,
151, 160, 161, 162, 164, 165, 168, 171, 176, 180, 183, 185, 200, 204, 205, 214, 216,
217, 218, 237, 238, 323.
Action, 19, 29, 31, 61, 73, 106, 118, 133, 158, 200, 209, 213, 215, 287, 309, 313,
326, 337, 343, 344, 345, 346, 350, 353, 357.
Activité contentieuse, 19, 92, 354.
Activité répressive, 28, 92, 336, 351.
Administrateur-juge, 20, 440.
Administration fiscale, 26, 38, 114, 171, 188, 189, 190, 193, 196, 222, 247, 250, 268,
317, 355, 374.
Administration publique, 30, 120, 122, 159, 366.
Adoption, 42, 72, 110, 119, 120, 132, 175, 252, 295, 308, 354, 378, 432.
Amendes fiscales, 59, 133, 382.
Apparences, 25, 76, 128, 148, 156, 196, 284, 286, 297, 323, 384.
Applicabilité, usage trop fréquent,non répertorié.
Application, usage trop fréquent,non répertorié.
Appréciation globale, 204, 215, 218, 333, 435.
Arbitraire, 31, 88, 121, 138, 338, 356, 380.
Autonomie, 41, 44, 81, 154, 156, 161, 162, 163, 164, 183, 204, 205, 206, 207, 214,
359.
Autonomisation, 17, 61, 64, 126, 207.
Autorité administrative, 4, 19, 24, 29, 37, 59, 60, 96, 109, 131, 132, 134, 135, 150,
171, 173, 174, 176, 177, 178, 180, 181, 184, 186, 189, 194, 196, 198, 202, 203, 210,
214, 218, 219, 221, 222, 223, 226, 231, 243, 244, 251, 255, 258, 264, 265, 271, 273,

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282, 283, 289, 291, 293, 300, 308, 313, 314, 315, 318, 320, 322, 343, 344, 351, 357,
434, 440.
Autorité administrative indépendante, 96, 171, 176, 180, 214, 255, 264, 271, 273,
282, 283, 289, 291, 300, 315, 320.
Autorité de la chose interprétée, 43, 154, 155, 170, 293.
Autorité de la chose jugée, 43, 213.
Autorité des marchés financiers, 345.
Autorité juridictionnelle, 32, 37, 212, 343, 351.
Avocat, 130, 131, 136, 221, 245, 246, 247, 252, 253, 289, 323, 324, 326, 343, 379

Commissaire du gouvernement, 26, 146, 159, 162, 167, 172, 181, 190, 192, 193, 195,
281, 284, 292, 309.
Commission bancaire, 271.
Commission des opérations de bourse, 135.
Commission européenne des droits de l’homme, 167.
Conditions d’applicabilité, 11, 42, 47, 51, 132, 135, 137, 138, 144, 145, 148, 150,
151, 152, 155, 156, 158, 159, 160, 161, 174, 175, 183, 188, 189, 192, 194, 196, 197,
201, 263, 288, 327, 432, 434.
Conseil de la concurrence, 319.
Conseil des marchés financiers, 142.
Constitution, 69, 337.
Contentieux administratif, 19, 21, 22, 23, 30, 31, 33, 37, 43, 44, 86, 100, 105, 139,
144, 153, 164, 198, 214, 215, 217, 224, 225, 321, 347, 353, 354.
Contentieux constitutionnel, 68.
Contentieux de l’urbanisme, 90, 232.
Contentieux de la fonction publique, 76, 87, 89, 103, 115, 116, 117, 118, 121, 123.
Contentieux de la responsabilité administrative, 91, 105, 106.
Contentieux des étrangers, 103, 110, 127.
Contentieux disciplinaire, 95, 96, 115.
Contentieux électoral, 76, 103, 107, 123.
Contentieux fiscal, 31, 105, 106, 112, 114, 241.
Contestation, 16, 17, 18, 24, 38, 46, 48, 51, 53, 54, 56, 61, 62, 63, 66, 67, 68, 69, 71,
72, 73, 75, 80, 83, 87, 89, 91, 100, 106, 110, 111, 114, 119, 147, 150, 151, 154, 160,
161, 162, 163, 164, 165, 166, 171, 176, 180, 181, 183, 191, 198, 200, 204, 205, 208,
216, 218, 327.
Contestation sur des droits et obligations de caractère civil, 17, 18, 56, 62, 63, 72, 75,
83, 111, 114, 150, 151, 160, 161, 162, 163, 164, 176, 183, 205.

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CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014

Contradiction, 28, 34, 141, 152, 213, 265, 268, 269, 270, 277, 288, 289, 290, 291,
297, 298, 303, 335, 336, 337, 338, 339, 341, 342, 343, 344, 357.
Contrôle juridictionnel, 22, 131, 213, 218, 221, 222, 223, 224, 228, 230, 231, 234,
235, 239, 329, 353.
Contrôle ultérieur de pleine juridiction, 203, 223, 243, 262, 289, 291, 301, 329.
Convention européenne, 43, 46, 49, 50, 54, 61, 62, 63, 65, 66, 69, 71, 72, 76, 77, 79,
80, 85, 100, 101, 102, 104, 105, 111, 112, 128, 145, 146, 147, 166, 167, 168, 173,
175, 178, 179, 181, 187, 188, 206, 207, 211, 254, 265, 266, 270, 271, 272, 294, 295,
297, 303, 319.
Critère formel, 358.
Critère matériel, 38, 52, 134, 136, 142, 146, 147, 150, 160, 170, 173, 176, 178, 183,
198, 208, 358, 359.
Critère organique, 50, 51, 55, 135, 144, 148, 149, 159, 160, 175, 176, 178, 183, 184,
199, 207, 211, 212, 214, 220, 221, 222, 248.

Délai raisonnable, 14, 124, 243, 269, 315.


Délibéré, 135, 136, 280, 281, 282, 284, 290, 326.
Détenu, 90, 94.
Dialogue des juges, 168, 169, 302, 305.
Droit à un tribunal, 14, 18, 50, 53, 54, 62, 66, 67, 68, 71, 72, 76, 77, 80, 85, 103, 104,
111, 115, 204, 207, 208, 216, 220, 224, 225, 226, 228, 234, 238, 239, 254.
Droit au procès équitable, usage trop fréquent,non répertorié.
Droit de se taire et de ne pas contribuer à sa propre incrimination, 253, 262, 263, 267,
268, 288, 290.
Droit patrimonial, 79.
Droit privé, 18, 72, 73, 74, 106, 112, 118, 120, 164.
Droit public, 18, 19, 20, 23, 28, 29, 37, 49, 60, 62, 71, 72, 73, 74, 76, 91, 100, 103,
104, 107, 158, 164, 200, 209, 216, 225, 236, 296, 317, 348, 352, 353, 354.
Droits de la défense, 34, 169, 221, 247, 262, 263, 265, 267, 268, 269, 270, 271, 272,
273, 275, 276, 277, 287, 288, 289, 290, 293, 295, 297, 298, 299, 300, 301, 303, 305,
306, 307, 308, 312, 314, 315, 316, 317, 318, 319, 320, 321, 330, 331, 335, 336, 337,
338, 339, 340, 341, 343, 344, 345, 350, 357, 359.
Droits économiques et sociaux, 77.
Droits et obligations de caractère civil, 13, 17, 18, 50, 51, 53, 56, 62, 63, 64, 65, 66,
67, 68, 72, 73, 75, 83, 87, 103, 104, 105, 107, 111, 114, 116, 119, 123, 126, 146, 147,
150, 151, 160, 161, 162, 163, 164, 166, 173, 176, 180, 181, 183, 185, 194, 205, 216,
255, 267, 291.
Droits individuels, 73, 158.

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CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014

Droits patrimoniaux, 78, 90, 101, 106, 107.


Droits politiques, 72.
Droits sociaux, 77, 78.

Égalité des armes, 62, 221, 265, 276, 280, 281, 359.

Fonction administrative, 21, 29, 34, 58.


Fonction contentieuse, 19, 22, 23, 27, 60, 199, 204, 214, 215, 218, 353.
Fonction d’instruction, 280.
Fonction juridictionnelle, 19, 23, 24, 29, 34, 53, 56, 57, 58, 60, 208, 209, 212, 213,
239.
Fonction publique, 76, 87, 89, 103, 112, 115, 116, 117, 118, 121, 123, 179, 309, 340,
354, 356..
Fonction répressive, 26, 28.

Garanties procédurales, 25, 34, 36, 90, 125, 203, 262, 266, 268, 287, 315, 330, 336,
337, 338, 340, 343, 344, 350, 351, 356, 357.

Hiérarchie, 29, 64, 185, 203.

Immunité, 106, 111.


Impartialité, 34, 52, 125, 135, 187, 210, 211, 212, 214, 250, 254, 255, 262, 263, 264,
265, 267, 268, 277, 278, 279, 280, 282, 283, 284, 285, 286, 287, 288, 289, 290, 291,
292, 293, 294, 297, 298, 299, 300, 301, 303, 305, 309, 310, 311, 312, 313, 314, 315,
316, 319, 320, 321, 330, 331, 335, 336, 337, 338, 339, 341, 343, 344, 345, 347, 350,
357, 359.
Impôts, 125, 133, 165, 190, 217, 227, 240, 249, 250, 269, 352.
Indemnisation, 69, 248.
Indépendance, 52, 112, 125, 152, 156, 178, 179, 205, 210, 211, 212, 214, 254, 255,
284, 299, 342, 359.
Interprétation, 15, 16, 27, 38, 43, 45, 53, 54, 55, 56, 58, 60, 61, 63, 64, 65, 70, 80,
116, 125, 127, 131, 140, 149, 151, 152, 153, 154, 155, 156, 157, 158, 160, 162, 164,
167, 168, 170, 171, 177, 192, 197, 199, 200, 204, 205, 206, 207, 209, 221, 244, 246,
257, 288, 296, 297, 301, 302, 322, 328, 336, 344.

- 425 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014

Interprétation autonome, 44, 62, 80, 121, 198.


Interprétation dynamique, 41.
Interprétation évolutive, 108, 123.
Interprétation finaliste, 41, 138, 198.
Interprétation matérielle, 138, 148.
Interprétation organique, 327.
Interprétation téléologique, 42, 126.
Interprétation textuelle, 14, 40, 142, 198.

Juridiction, usage trop fréquent,non répertorié.


Juridiction administrative spéciale, 37.
Juridiction administrative spécialisée, 347, 348.
Juridictionnalisation, 34, 159, 175, 215, 222, 257, 320, 334, 335, 336, 337, 341, 344,
345, 350.
Jurisprudence, usage trop fréquent,non répertorié.

Lecture matérielle, 17, 42, 132, 133, 135, 137, 148, 150, 155, 160, 174, 194, 327.
Lecture organique, 27, 148, 189, 196, 326.
Lecture téléologique, 15.

Marge d’appréciation, 69, 206.


Matière administrative, 23, 30, 31, 50, 137, 149, 166, 293, 336, 337, 354.
Matière civile, 40, 47, 53, 66, 67, 75, 77, 80, 81, 83, 93, 102, 104, 106, 107, 110, 111,
116, 123, 124, 142, 218, 225, 226, 229, 230, 234, 236, 237, 238, 240, 243, 267, 341.
Matière pénale, 13, 14, 16, 17, 38, 41, 46, 48, 50, 53, 54, 56, 57, 60, 61, 62, 63, 64,
65, 72, 79, 80, 81, 82, 83, 85, 86, 92, 93, 94, 98, 109, 112, 113, 114, 115, 126, 128,
129, 130, 131, 132, 133, 134, 135, 136, 137, 146, 147, 150, 151, 160, 161, 162, 163,
164, 165, 166, 168, 171, 173, 176, 180, 181, 183, 185, 187, 191, 193, 198, 200, 204,
205, 214, 216, 217, 218, 220, 229, 230, 236, 237, 238, 240, 245, 246, 254, 259, 265,
266, 267, 283, 292, 294, 299, 300, 318, 322, 323, 329, 352.
Matières régaliennes, 123, 124, 126, 127.
Militaire, 94, 120, 122, 166, 248, 337.
Modulation, 226, 234, 239, 240, 241, 295.
Motivation, 94, 132, 145, 146, 147, 163, 211, 213, 258, 276, 280, 290, 308, 325, 326,
328, 343.

- 426 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014

Notion autonome, 62, 65, 67, 119.

Ordre interne, 218.


Organe juridictionnel, 24, 161, 208, 219, 225, 254, 257, 262, 271, 299, 346.
Organisme juridictionnel, 160, 284, 348.
Organisme non juridictionnel, 203, 320.

Peine, 30, 93, 94, 96, 113, 133, 163, 238, 255, 300, 309, 355.
Pénalité fiscale, 27, 191, 192, 195.
Plein contentieux, 259, 294, 325.
Plénitude de juridiction, 219, 222, 223, 225, 226, 228, 229, 243, 255, 299.
Prééminence du droit, 42, 54, 55, 56, 65.
Primauté, 44, 139.
Principe du contradictoire, 133, 134, 211, 249, 270, 272, 339.
Principes constitutionnels, 81, 318.
Principes généraux du droit, 34, 213, 292, 303, 305, 309, 315, 340.
Procéduralisation, 351, 358.
Procédure administrative contentieuse, 22, 198.
Procédure administrative juridictionnelle, 22, 345.
Procédure administrative non contentieuse, 22, 31, 32, 34, 50, 180, 192, 196, 330,
336, 338, 339, 344, 347.
Procédure administrative non juridictionnelle, 176, 177, 334, 345.
Procédure contradictoire, 269, 308, 318.
Procédure juridictionnelle, 14, 28, 29, 34, 37, 145, 194, 195, 203, 214, 248, 249, 254,
255, 304, 321, 322, 325, 327, 328, 330, 331, 337, 343, 344, 347, 358.
Proportionnalité, 230, 236, 241, 258, 329
Protocole, 79, 106, 108, 109, 110, 127
Publicité des audiences, 33, 66, 160, 256, 322, 323, 324, 328.
Puissance publique, 18, 59, 71, 73, 77, 79, 88, 107, 110, 111, 115, 120, 157, 162.
Punition, 28, 35, 131, 132, 165, 169, 317, 318, 319, 320.

Question prioritaire de constitutionnalité, 316, 320, 342.

- 427 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014

Rapporteur public, 27, 273, 279, 281, 285, 294, 295, 300, 301, 326, 331.
Recours administratif, 19, 20, 21, 23, 24, 87, 178, 348, 349, 353, 354, 355, 356.
Recours contentieux, 21, 22, 213, 354.
Recours de plein contentieux, 259, 294, 325.
Recours de pleine juridiction, 31, 33, 35, 230, 235, 238, 290, 322, 329.
Recours en annulation, 134.
Recours gracieux, 22, 23, 29, 178, 354.
Recours hiérarchique, 20, 22, 178, 355.
Recours juridictionnel, 21, 189, 293, 353.
Recours pour excès de pouvoir, 69, 145, 158, 235.
Recours préalable, 23.
Règles d’organisation procédurale, 35.
Règles générales de procédure, 338.
Renvoi préjudiciel, 43, 153.
Réparation, 21, 74, 97, 99, 118, 133, 142, 169, 189, 190, 248.
Répression administrative, 18, 28, 57, 59, 204, 218, 336, 343, 352.
Revirement de jurisprudence, 166, 173.

Sanction administrative, 28, 35, 50, 57, 58, 60, 95, 137, 189, 200, 215, 238, 335, 340,
343.
Sanction disciplinaire, 115.
Sanction fiscale, 227, 266.
Sanction pécuniaire, 95, 135.
Sanction pénale, 28, 29, 103, 271.
Satisfaction équitable, 43, 154.
Secret du délibéré, 326.
Sécurité sociale, 75, 76, 349, 355.
Séparation des pouvoirs, 19, 31, 55, 56, 58, 59, 209, 319, 357.
Subjectivisation, 4, 357.
Subsidiaire, 86, 178, 183.

Traité, 14, 15, 16, 40, 41, 43, 154, 205, 207.

- 428 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014

Tribunal au sens de, 18, 50, 51, 62, 66, 67, 68, 71, 72, 76, 77, 80, 85, 103, 104, 111,
115, 142, 175, 177, 179, 182, 183, 184, 185, 186, 187, 188, 196, 207, 208, 211, 220,
224, 225, 226, 228, 234, 238, 239, 254, 273, 294, 323, 324, 341.
Tribunal indépendant, 13, 14, 40, 207.

Vie familiale, 73.


Vie privée, 106, 107, 108.
Vie privée et familiale, 107, 108.

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CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014

TABLE DES MATIERES

AVERTISSEMENT __________________________________________________ 1

REMERCIEMENTS _________________________________________________ 3

RESUME ___________________________________________________________ 4

ABSTRACT ________________________________________________________ 5

PRINCIPALES ABREVIATIONS ______________________________________ 6

SOMMAIRE _______________________________________________________ 11

INTRODUCTION GENERALE _______________________________________ 13


I. Cadre de la présente recherche ............................................................................15
II. Intérêt de la présente recherche ...........................................................................25
III. Axes de recherche ..............................................................................................37

PARTIE 1 _________________________________________________________ 40
L’APPLICABILITÉ CONFLICTUELLE DU DROIT AU PROCÈS ÉQUITABLE
AUX AUTORITÉS ADMINISTRATIVES ......................................................................40

CHAPITRE 1 ______________________________________________________ 46
UNE DÉFINITION MATÉRIELLE ET AUTONOME DES CONDITIONS
D’APPLICABILITÉ DE L’ARTICLE 6 C.E.D.H. DANS LES JURISPRUDENCES
EUROPÉENNE ET JUDICIAIRE ...................................................................................46

SECTION 1 .......................................................................................................... 48
L’applicabilité de principe de l’article 6 C.E.D.H. aux autorités administratives
décidant en matière pénale ou civile au sens de la Convention .........................................48
I. Une indifférence manifeste du juge européen quant à la nature de
l’organisme appelé à statuer ...................................................................... 49

A. L’exclusion de la notion de tribunal comme condition


d’applicabilité de l’article 6 C.E.D.H. ................................................. 49

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CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014

B. L’appréhension de la notion de tribunal comme conséquence de


l’applicabilité de l’article 6 C.E.D.H. .................................................. 53
1. Une interprétation de l’article 6 § 1 C.E.D.H. pouvant passer
pour singulière ............................................................................ 53
2. Une interprétation reposant en réalité sur une conception
traditionnelle de la fonction juridictionnelle ................................ 56

II. Une définition européenne particulièrement englobante des matières


civile et pénale ......................................................................................... 61

A. Les concepts européens de « contestation sur des droits et des


obligations de caractère civil » et d’« accusation en matière
pénale » .............................................................................................. 61
1. Des critères d’identification de la matière civile demeurant
relativement flous ....................................................................... 66
2. Des critères d’identification de la matière pénale présentant
certaines limites .......................................................................... 80

B. L’emprise du droit au procès équitable sur un large pan de


l’activité administrative ...................................................................... 86
1. L’emprise du droit au procès équitable sur l’activité
« contentieuse » de l’administration ............................................ 87
2. L’emprise du droit au procès équitable sur l’activité
répressive de l’administration ...................................................... 92

SECTION 2 ........................................................................................................ 101


L’inapplicabilité exceptionnelle de l’article 6 C.E.D.H. aux autorités administratives ..... 101
I. Une inapplicabilité de l’article 6 C.E.D.H. aux autorités
administratives à relativiser .................................................................... 102

A. Une inapplicabilité particulièrement cantonnée ................................. 102


1. Une inapplicabilité bénéficiant à un nombre restreint de
décisions administratives ........................................................... 104
2. Une inapplicabilité invocable au seul titre du volet civil de
l’article 6 C.E.D.H. ................................................................... 112

- 431 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014

B. Une inapplicabilité susceptible d’évoluer .......................................... 116


1. Le contentieux de la fonction publique : une illustration
éclatante du caractère évolutif de l’interprétation
européenne ............................................................................... 116
2. L’extension de l’applicabilité du volet civil de l’article 6
C.E.D.H. aux matières régaliennes : une hypothèse
envisageable ............................................................................. 123

II. La réception par le juge judiciaire des critères européens


d’applicabilité de l’article 6 § 1 C.E.D.H. ............................................... 128

A. La retranscription de la définition européenne de la notion


d’« accusation en matière pénale » .................................................... 128
1. Une solution inaugurée par la Cour d’appel de Paris ................... 129
2. Une solution confirmée par la Cour de cassation......................... 130

B. L’adoption d’une lecture matérielle des conditions d’applicabilité


de l’article 6 C.E.D.H. ...................................................................... 132
1. La prise en compte initiale de la nature de l’organisme ............... 133
2. L’abandon définitif des considérations d’odre organique ............ 134

CONCLUSION ____________________________________________________ 138

CHAPITRE 2 _____________________________________________________ 139


UNE DÉFINITION PRINCIPALEMENT ORGANIQUE DES CONDITIONS
D’APPLICABILITÉ DE L’ARTICLE 6 C.E.D.H. DANS LA JURISPRUDENCE
ADMINISTRATIVE .................................................................................................... 139

SECTION 1 ........................................................................................................ 142


L’inapplicabilité de principe de l’article 6 C.E.D.H. aux autorités administratives
décidant en matière civile ou pénale au sens de la Convention ....................................... 142
I. Une applicabilité appréciée prioritairement au regard de la nature de
l’organisme appelé à statuer .................................................................... 144

A. La qualité de juridiction érigée en critère d’applicabilité de


l’article 6 C.E.D.H. ........................................................................... 144

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CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014

1. Une jurisprudence particulièrement explicite quant à la


prévalance du critère organique ................................................. 144
2. Une jurisprudence contraire à la lecture matérielle prévalant
en droit européen ...................................................................... 148

B. La légitimité controversée d’une interprétation en contradiction


avec la conception européenne du droit au procès équitable ............... 152
1. Les controverses soulevées par une telle interprétation ............... 152
2. Les raisons justifiant une telle interprétation .............................. 156

II. Une applicabilité appréciée subsidiairement au regard de la nature du


contentieux en cause ............................................................................... 160

A. Une lecture matérielle du champ d’application du droit au procès


équitable en accord avec la jurisprudence européenne ....................... 160

B. Une intégration tardive de l’acception européenne des matières


« civile » et « pénale » ...................................................................... 161
1. Le rejet initial de l’acception européenne des matières
« civile » et « pénale » .............................................................. 162
2. Le ralliement ultérieur à l’acception européenne des
matières « civile » et « pénale »................................................. 165

SECTION 2 ........................................................................................................ 171


L’applicabilité exceptionnelle de l’article 6 C.E.D.H. à certaines catégories
d’autorités administratives décidant en matière pénale et civile au sens de la
Convention .................................................................................................................. 171
I Une applicabilité étendue aux autorités administratives
indépendantes statuant en matière « pénale » ou « civile »....................... 172

A. Une nouvelle lecture de la condition d’applicabilité organique du


droit au procès équitable ................................................................... 172
1. Une évolution jurisprudentielle majeure ..................................... 172
2. Une évolution jurisprudentielle encadrée .................................... 177

B. Une utilisation contestable de la notion de « tribunal au sens de » ..... 182


1. Une notion en « trompe-l’œil » .................................................. 182

- 433 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014

2. Une notion controversée ............................................................ 186

II. Une applicabilité étendue aux autorités administratives classiques


prononçant des sanctions fiscales ............................................................ 188

A. Une solution reposant sur une lecture inédite des conditions


d’applicabilité du droit au procès équitable ....................................... 189
1. Une solution singulière .............................................................. 189
2. Une solution inattendue ............................................................. 190

B. Une solution inspirée de la jurisprudence strasbourgeoise .................. 192


1. Une solution déclenchée par l’arrêt « J.B. contre Suisse » ........... 193
2. Une solution procédant de la même logique que la
jurisprudence « Didier » ............................................................ 195

CONCLUSION ____________________________________________________ 198

PARTIE 2 ________________________________________________________ 200


L’APPLICATION CONSENSUELLE DES EXIGENCES DU PROCÈS
ÉQUITABLE AUX AUTORITÉS ADMINISTRATIVES .............................................. 200

CHAPITRE 1 _____________________________________________________ 202


UNE APPLICATION SOUPLE DES GARANTIES DU PROCÈS ÉQUITABLE
AUX AUTORITÉS ADMINISTRATIVES PAR LE JUGE EUROPÉEN ........................ 202

SECTION 1 ........................................................................................................ 203


L’application des garanties du procès équitable différée au stade juridictionnel .............. 203
I. Une interprétation souple du respect des exigences du procès
équitable ................................................................................................ 204

A. La légitimation de la répression administrative ou l’impossible


application uniforme d’une norme juridique à l’applicabilité
étendue ............................................................................................. 204
1. La notion de tribunal dans la jurisprudence européenne .............. 204
2. L’impossibilité pour une autorité administrative de se
conformer à la notion européenne de tribunal ............................ 214

- 434 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014

B. L'appréciation globale du respect des garanties du procès


équitable........................................................................................... 215
1. Un aménagement nécessaire à l’applicabilité étendue de
l’article 6 C.E.D.H. ................................................................... 216
2. Un aménagement n’ayant jamais été remis en cause ................... 218

II. Une inobservation des règles du procès équitable pouvant être


compensée par un contrôle ultérieur de pleine juridiction ........................ 223

A. Une garantie au cœur de profondes controverses ............................... 223


1. Une notion nourrissant de profondes incertitudes ........................ 224
2. Une notion donnant lieu à une jurisprudence complexe ............... 228

B. Une garantie difficile à systématiser.................................................. 230


1. La notion de pleine juridiction en matière « civile » ................... 230
2. La notion de pleine juridiction en matière « pénale » .................. 236

SECTION 2 ........................................................................................................ 243


L’application exceptionnelle des garanties du procès équitable au stade administratif ..... 243
I. Une application mesurée du principe issu de la jurisprudence
« Imbrioscia » ........................................................................................ 245

A. Une application essentiellement cantonnée aux procédures


pénales classiques ............................................................................. 245

B. Une application exceptionnelle à la procédure administrative


répressive ......................................................................................... 248

II. Une application nuancée du principe issu de la jurisprudence


« Imbrioscia » ........................................................................................ 251

A. Une appréciation in concreto et in globo de l’existence d’une


atteinte irréversible au caractère équitable de la procédure ................ 251

B. Une impossible systématisation des garanties du procès équitable


à effet immédiat ................................................................................ 254

- 435 -
CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014

CONCLUSION ____________________________________________________ 257

CHAPITRE 2 _____________________________________________________ 258


UNE APPLICATION MÉCANIQUE DE CERTAINES GARANTIES DU PROCÈS
ÉQUITABLE À CERTAINES AUTORITÉS ADMINISTRATIVES PAR LES
JUGES FRANÇAIS ...................................................................................................... 258

SECTION 1 ........................................................................................................ 262


Une solution allant au-delà des exigences induites par la jurisprudence européenne........ 262
I. Une application mécanique des principes d’impartialité, des droits de
la défense, du caractère contradictoire de la procédure, du droit de se
taire et de ne pas contribuer à sa propre incrimination et de la
présomption d’innocence ........................................................................ 263

A. Une définition convergente des garanties à effet immédiat en


matière « pénale »............................................................................. 263
1. Une symétrie des jurisprudences administrative et judiciaire
en matière « pénale » ................................................................ 264
2. Une jurisprudence judiciaire plus mûre en matière « civile »....... 266

B. Une appréciation convergente des implications des garanties à


effet immédiat en matière « pénale » ................................................. 268
1. La portée des principes des droits de la défense et de la
contradiction invoqués sur le fondement de l’article 6
C.E.D.H. ................................................................................... 269
2. La portée du principe d’impartialité invoqué sur le
fondement de l’article 6 C.E.D.H. ............................................. 277

II. Une solution reposant sur une interprétation excessive de la


jurisprudence européenne ....................................................................... 288

A. Une solution visant à garantir le caractère équitable de la


procédure ......................................................................................... 288
1. Une solution consacrée pour la première fois par la Cour de
cassation ................................................................................... 288
2. Une solution suivie par le Conseil d’État .................................... 292

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CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014

B. Une solution reposant sur une interprétation excessive de l’arrêt


« Imbrioscia c/ Suisse » .................................................................... 296
1. Une solution ayant fait couler beaucoup d’encre ......................... 297
2. Une solution n’ayant jamais été justifiée .................................... 301

SECTION 2 ........................................................................................................ 303


Une solution ne bouleversant pas les lignes résultant de la jurisprudence
administrative antérieure .............................................................................................. 303
I. L’application ab initio des seules garanties du procès équitable déjà
consacrées en droit interne ...................................................................... 305

A. Une solution ayant contribué à réaffirmer et compléter les


principes généraux des droits de la défense et d’impartialité .............. 305
1. Le champ d’application des principes généraux des droits de
la défense et d’impartialité ........................................................ 305
2. Le contenu des principes généraux des droits de la défense et
d’impartialité ............................................................................ 312

B. Une solution ayant abouti à minimiser les avantages découlant de


l’invocation de l’article 6 C.E.D.H. ................................................... 315
1. Les droits de la défense : un principe à valeur
constitutionnelle opposable aux autorités administratives
répressives ................................................................................ 316
2. L’impartialité : une garantie à valeur constitutionnelle
s’imposant aux autorités administratives répressives .................. 319

II. L’inapplication ab initio des garanties du procès équitable


spécifiques à la procédure juridictionnelle............................................... 321

A. Une inapplication justifiée par la nature exclusivement


juridictionnelle desdites garanties ..................................................... 322
1. Une solution commune aux jurisprudences administrative,
judiciaire et européenne ............................................................ 322
2. Une solution fondée sur des motifs distincts ............................... 323

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CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014

B. Une inapplication conforme à l’interprétation organique de


l’article 6 C.E.D.H. ........................................................................... 327
1. Une inapplication confirmant la prévalence d’une lecture
juridictionnelle de l’article 6 C.E.D.H. dans la jurisprudence
administrative ........................................................................... 327
2. Une inapplication impliquant un critère supplémentaire de
tri des garanties à effet immédiat dans la jurisprudence
administrative ........................................................................... 330

CONCLUSION ____________________________________________________ 333

CONCLUSION GÉNÉRALE ________________________________________ 334

I. Une jurisprudence analysée à tort comme une entreprise de


juridictionnalisation de l’administration .................................................. 334

A. Une interprétation fondée sur une conception juridictionnelle des


principes des droits de la défense, de l’impartialité et de la
contradiction .................................................................................... 336
1. Une conception historiquement justifiée ..................................... 337
2. Une conception datée ................................................................. 341

B. Une interprétation contraire aux données du droit positif ................... 344


1. Le refus du Conseil d’État d’aligner la procédure
administrative non juridictionnelle sur la procédure
administrative juridictionnelle ................................................... 345
2. Le refus du Conseil d’État de multiplier les juridictions
administratives spécialisées ....................................................... 346

II. Une jurisprudence reflétant la réminiscence de la figure de


l’administration-juge .............................................................................. 351

A. Une procéduralisation liée à la montée en puissance des


fonctions répressive et contentieuse de l’Administration.................... 351
1. Une convergence matérielle ....................................................... 352
2. Une convergence formelle .......................................................... 356

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CORNU Julie| Thèse de doctorat | 3 décembre 2014

B. Une procéduralisation atténuant la distinction entre autorités


administratives et juridictions ........................................................... 358
1. Une distinction troublée ............................................................. 358
2. Une distinction demeurant essentiellement formelle ................... 359

BIBLIOGRAPHIE _________________________________________________ 361


1. OUVRAGES GÉNÉRAUX ET SPÉCIALISÉS .................................................. 361
2. THÈSES ET MÉMOIRES ................................................................................. 365
3. RAPPORTS PUBLICS ..................................................................................... 368
4. ARTICLES, CONTRIBUTIONS, INTERVENTIONS ........................................ 369
5. CONCLUSIONS DES COMMISSAIRES DU GOUVERNEMENT OU DES
RAPPORTEURS PUBLICS/ RAPPORTS DES AVOCATS GÉNÉRAUX .......... 385
6. NOTES, OBSERVATIONS, COMMENTAIRES ET CHRONIQUES DE
JURISPRUDENCE ........................................................................................... 387

INDEX DES DÉCISIONS JURIDICTIONNELLES CITÉES ______________ 406


1. COUR EUROPÉENNE DES DROITS DE L’HOMME ...................................... 406
2. COMMISSION EUROPÉENNE DES DROITS DE L’HOMME ......................... 413
3. CONSEIL CONSTITUTIONNEL ..................................................................... 413
4. CONSEIL D’ÉTAT .......................................................................................... 414
5. COUR DE CASSATION .................................................................................. 420
6. COUR D’APPEL DE PARIS ............................................................................ 421

INDEX DES MATIERES ___________________________________________ 422

TABLE DES MATIERES ___________________________________________ 430

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