2.7.bourhis Carignan Linguicisme 2009
2.7.bourhis Carignan Linguicisme 2009
2.7.bourhis Carignan Linguicisme 2009
Richard Y. Bourhis
Département de Psychologie, UQAM
Nicole Carignan
Faculté d’éducation, UQAM
Inévitablement, c’est le groupe dominant qui fait subir aux minorités le poids de la
discrimination. Les personnes issues de l’immigration de première, de deuxième ou de
troisième génération, qui se sentent rejetées par la communauté d’accueil, subissent des
expériences qui freinent leur intégration économique, linguistique et culturelle. Malgré la mise
en place de programmes d’accès à l’égalité, de graves lacunes existent dans le recrutement de
membres des communautés culturelles au sein des administrations publiques des
gouvernements municipaux, provinciaux et fédéraux.
2. Quels sont les groupes les plus susceptibles d’être victimes de discrimination au
Canada ?
Les résultats de l’Enquête sur la diversité ethnique (EDE) sont éloquents à l’égard de
la discrimination envers les minorités visibles.1 Étant donné le but principal de l’enquête EDE,
la répartition de l’échantillon fut établie à 1/3 des répondants pour la représentation des
Canadiens français (notamment des Québécois, des Acadiens et des Franco-Ontariens) et des
Canadiens anglais d’origine britannique. D’autre part, les 2/3 des répondants étaient de toutes
les origines ethniques autres que canadienne française ou anglaise, ce qui incluait les
minorités visibles et les immigrants de première, de deuxième et de troisième générations en
provenance d’Europe, d’Asie, d’Afrique et des Amériques. Nous présentons les résultats les
plus marquants de l’enquête EDE concernant l’expérience d’avoir été une victime de
discrimination. Ces résultats sont le produit d’analyses spéciales obtenues grâce à la
collaboration de Statistique Canada et de Patrimoine canadien. L’ensemble de ces résultats ont
été publiés par Bourhis, Helly, Montreuil et Jantzen (2007).
1
Cette ‘Enquête’ a été conduite en 2002 par Statistique Canada conjointement avec les
organismes Patrimoine canadien et Citoyenneté et Immigration Canada. La population de
l’Enquête EDE, basée sur l’échantillon stratifié obtenu à partir du recensement canadien de
2001, est constituée de personnes de 15 ans et plus, de toutes les classes sociales, vivant dans
les dix provinces canadiennes et dans les grands centres urbains comme Toronto, Vancouver
et Montréal. Plus de 42 000 entrevues téléphoniques d’une durée de 35 à 45 minutes furent
menées non seulement en anglais ou en français, selon le désir des répondants, mais aussi dans
15 langues qui représentent la diversité linguistique des Canadiens. À l’aide d’échelle de type
Likert, les participants ont répondu par téléphone à plus d’une centaine de questions découpée
en 13 thèmes portant sur la diversité ethnique au Canada.
Il est à noter que la plupart des individus n’aiment pas trop avouer avoir subi de la
discrimination car les personnes n’aiment pas entretenir l’image d’être une ‘victime’, ‘un
looser’ ou d’être membre d’une minorité dévalorisée par la majorité dominante. Si l’on
considère le pourcentage des répondants qui ont répondu « OUI » à cette question sur
l’échantillon total des répondants (N= > 42000) à l’échelle du Canada, seulement 8% des
hommes et 7% des femmes ont déclaré avoir été victimes de discrimination durant les cinq
dernières années. Le portrait est moins encourageant dans l’analyse qui distingue les
Canadiens blancs et les minorités visibles. D’une part les Canadiens blancs sont représentés
par les Canadiens français et anglais de souche, et les Canadiens immigrants d’origine
européenne. D’autre part, les Canadiens appartenant à des minorités visibles sont représentés
par les Chinois, les Indo-Pakistanais, les Noirs (Haïtiens, Jamaïcains et Africains), les Sud-
Américains et les Arabes. Les minorités visibles représentaient trois millions de personnes,
soit 10% de la population canadienne selon le recensement de 2001. À l’échelle du Canada,
seulement 5% des Canadiens blancs déclarent avoir été victimes de discrimination contre 20%
dans le cas de l’ensemble des minorités visibles toutes générations confondues.
Par ailleurs, la proportion des immigrants blancs déclarant avoir été victime de
discrimination est de 19% à la première génération, de 10% à la deuxième et de 11% à la
troisième. Par contre, la proportion des immigrants appartenant à des minorités visibles
déclarant avoir été victime de discrimination à la première génération est de 34%, de 36% à la
deuxième et de 42% à la troisième. Force est de constater que les membres des minorités
visibles sont beaucoup plus enclins que les Canadiens blancs à porter le fardeau de la
discrimination, et ce, même pour ceux de la deuxième et de la troisième générations qui ont
obtenu leur diplôme et ont été socialisés dans la langue et la culture majoritaires de leurs
provinces respectives. Pour ces derniers, il est difficile d’attribuer les expériences d’exclusion
à d’autres facteurs que la discrimination puisque la méconnaissance de la langue, la non
reconnaissance des diplômes étrangers et le manque d’expérience de travail canadienne étaient
associés aux facteurs d’exclusion propres au sort réservé à leurs parents ou à leurs grands-
parents.
Richard Y. Bourhis, Département de Psychologie, UQAM 4
Nicole Carignan, Faculté d’éducation, UQAM
3. Le sentiment d’être victime de discrimination est-il plus soutenu au Québec
qu’ailleurs au Canada ?
Les résultats de l’enquête EDE (2003) permettent une comparaison du sentiment
d’avoir été victime de discrimination au Québec et dans le reste du Canada (RDC), et ce, en
fonction de l’origine ethnique des répondants. Près de deux fois plus de Canadiens français
(14%) résidant hors du Québec que de Québécois francophones résidant au Québec (8%)
déclarent avoir été victime de discrimination. Inversement, les répondants Canadiens anglais
(d’origine britannique) résidant au Québec sont plus susceptibles d’avoir été victimes de
discrimination (14%) que leurs homologues vivant dans le RDC (11%) ou les francophones du
Québec (8%). De même, 17% des Canadiens d’origine européenne résidant au Québec
déclarent avoir été victimes de discrimination, alors que chez ceux qui demeurent dans le
RDC, la proportion est de 11%. Par ailleurs, selon l’origine ethnique, ce sont surtout les
Canadiens membres de minorités visibles qui subissent le plus de discrimination : 30% d’entre
eux au Québec et 35% dans le RDC.
Figure 2
4. Quels sont les motifs de discrimination les plus souvent évoqués par les victimes de
discrimination ?
Dans l’enquête EDE (2003), les répondants ayant déclaré être victimes de
discrimination devaient aussi répondre à la question suivante : « Au cours des cinq dernières
années, pour quelle raison pensez-vous que vous avez été victime de discrimination ou
traité(e) injustement au Canada ? Était-ce à cause de : 1. Votre appartenance ethnique ou
culturelle ?; 2. Votre race ou la couleur de votre peau ?; 3. Votre langue ou accent ?; 4. Votre
religion ? »
Figure 3 et 4
Compte tenu que plus du tiers des membres des minorités visibles déclare être victime
de discrimination, il est difficile pour les gouvernements en place et les citoyens en général
d’ignorer les problèmes de discrimination et de linguicisme, autant au Québec qu’au Canada.
De plus, ces résultats montrent que le linguicisme est subi surtout par les minorités
anglophones au Québec, les minorités francophones hors Québec et, par les allophones autant
au Canada qu’au Québec. L’ensemble des données de l’enquête EDE et d’autres études
ponctuelles démontrent l’importance des interventions pour contrer les préjugés et la
discrimination.
Pendakur, R. (2000). Immigrants and the Labour Force: Regulation and Impact. Montreal, Kingston:
McGill-Queen's University Press.
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analyse Comparative. Québec: Sous-Secrétariat au personnel de la fonction publique.
Simard, C. (1998). La place de l'autre : Fonctionnaires et immigrés au Québec. Montréal : Fides.
Skutnabb-Kangas, T. (2000). Linguistic Genocide in Education – or Worldwide Diversity and Human
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Vaillancourt, F., Lemay, D. & Vaillancourt, L. (2007). Laggards No More : The changed
socioeconomic Status of Francophones in Quebec. C.D. Howe Institute Backgrounder, 103,
www.cdhowe.org
12%
% de la population
10%
10% québécoise active
8,30%
% des employés de la
fonction publique
8%
6%
4%
2,50%
2% 1,20%
0,70%
0,35%
0%
Communautés culturelles Anglophones Autochtones
7%
Origines canadiennes
Langue maternelle: français
18%
17%
Origines européennes
25%
28%
Minorités visibles
41%
10%
Religion 9%
Langue maternelle: français
6%
Langue maternelle: anglais
Langue maternelle: autre
20%
Race ou couleur de la peau 25%
33%
27%
Appartenance ethnique ou
19%
culturelle
40%
61%
Langue ou accent 67%
52%
0% 10% 20% 30% 40% 50% 60% 70% 80% 90% 100%
Pourcentage parmi les répondants ayant subi de la discrimination
8%
Religion 16%
Langue maternelle: français
13%
Langue maternelle: anglais
Langue maternelle: autre
12%
Race ou couleur de la peau 56%
53%
30%
Appartenance ethnique ou
27%
culturelle
36%
68%
Langue ou accent 25%
39%
0% 10% 20% 30% 40% 50% 60% 70% 80% 90% 100%
Pourcentage parmi les répondants ayant subi de la discrimination