Apologieduchrist 03 y 04 Weis
Apologieduchrist 03 y 04 Weis
Apologieduchrist 03 y 04 Weis
in
HUMANITÉ ET HUMANISME
\iuy3 R. P. Albert Maria WEISS
de l'ordre des frères-prêcheurs
AU POINT DE VUE
III
seul.
Son premier principe est celui-ci Pour apprendre à â.-Lesdoq
:
sible qu
±
il v ait un Etre suprême, il est possible aussi moinsieman-
*>
Q ue d'atten- .
que l'homme, après cette vie, ait une autre existence, tionpouriui.
mais ce sont là des questions qu'il faut laisser aux théo-
logiens et à renseignement de l'Eglise. L'éducation mo-
derne du peuple et de l'humanité n'a rien à faire avec
elles, car sa tâche unique est de former l'homme pour
« Le monde a cessé »
« De se sacrifier pour une illusion vaine. »
Or, quand une fois Dieu est exclu par principe de la doîâtrîe
INTRODUCTION 1
« .
. . . De la chrysalide »
\ 4 INTRODUCTION
4. — <:) La
Une telle déification de l'homme ne permet naturelle-
nésration de la
u
tr
chf hS?â uat ment pas d'admettre f existence d'un ver rongeur caché
re
dans la nature humaine, d'une corruption innée de la
christ et deia
Rédemption.
manisme qui
x
connaît la valeur de ses principes, ne peut
• •
i i
admettre que le Christ soit le Rédempteur du monde.
C'est ce qui constitue le quatrième principe de la fausse
doctrine de l'Humanisme moderne. La liaison est facile
à saisir. Kolb a dit très justement que la Rédemption et
l'apparition d'un Rédempteur étaient écartées par le
fait de la La nécessité de
négation du péché originel (2).
Introduction 1
lut -
INTRODUCTION 1
e
La foi s'est perdue; l'efficacité de la prière s'est éva- Sté.
nouie ; le monde qu'on croyait placé hors de la portée
des sens s'est évaporé ; la religion perd son contenu le
avons pour témoins non seulement nos yeux et nos oreil- wnte^cXà
e
les, en d'autres termes l'expérience, mais le jugement ïml
« Spectateurs, cette pièce est faite sur le modèle des bonnes mœurs. »
« Bien iusensé est celui qui attend que les fous s'améliorent. »
(1) Béranger, II, 29. — (2) Sheridan, V École des blasphèmes,}, 14.
(3) Gœthe, G. W. (Stuttgart, 4853), I, 103 sq.
24 INTRODUCTION
« Mais hélas ! C'est en vain que les regards cherchent cette belle réalité. »
« génie du siècle, toi qui trônes avec tant de majesté »
9 —
L'Hu-
manisme mé- On ne doute monde, que la culture fondée
pas, dans le
prise la der-
mère finie sur l'Humanisme moderne est complètement vermoulue
l'homme. Sous ._ ,• i t t
• •
i •
ce rapport ii
CSt D16D 3U*
et pourrie. Les phtisiques qui, comme Leopardi, seplai-
dessous
1 antiquité.
de gnent
°
sans cesse, en font En font foi aussi ces névro-
7
foi.
bref, en font foi tous les esprits, toutes les écoles, toutes
ces sectes et tous ces partis qui donnent leur empreinte
à notre temps.
Le seul point difficile est d'en trouver la raison, non
que cette raison soit impossible à découvrir, mais parce
que le monde ne veut pas la connaître, ou en tous cas
pas l'avouer. Or cette raison est double. Elle ne consiste
(1) Vol., II, Conf., XII. — (2) Pindare, 0/., IX, 38 sq.
28 INTRODUCTION
« Ce n'est pas la divinité qui est l'auteur de ton mal, mais toi
[seul ». (2) ]
inné en nous.
"• -\c.<*-
ruption here-
Voilà où nous en sommes et où en est le monde entier.
JehumaiiS H en est ainsi aujourd'hui, il en sera ainsi de tout temps.
ie
ché pers5nnVi Le mal n'est pas le produit des hommes individuels, ni
libre
le résultat deou telle civilisation perverse, mais
telle
tion nouvelle ;
branche sèche a reverdi et fleuri.
la
PREMIERE CONFERENCE
S'il est une faute qui mérite d'être excusée, une faute ^
C( T 7ma^
h
ture qu'on chérit tant à notre époque n'est pas une in-
vention particulière, ni même une gloire spéciale qu'on
doive attribuer exclusivement aux temps modernes. Elle
était connue bien avant la Renaissance, et ses ancêtres
sont tout autres que l'homme de la culture moderne. Si
le grand mur par lequel les Chinois se sont séparés de
(1) Wuttke, Geschichte des Heidenthums, II, 41, 63, 122, 124 sq.
LA CORRUPTION DE LA NATURE HUMAINE 45
Quand il s'agit de l'application de ses principes, notre
Humanisme moderne est toujours trop inconséquent
pour que nous puissions le réfuter entièrement par ses
propres fruits. Les Chinois, au contraire, ont poursuivi
avec constance jusque dans ses dernières ap-
et fidélité,
Parias.
Les succès obtenus par cette morale laissent facile-
ment deviner combien cette conception de l'humanité
est chère au cœur humain. Rousseau et Gœthe furent
les premiers à en faire l'idée directrice de la littérature.
tous les vices, un ange par le cœur malgré tous les égare-
ments, voilà selon l'expression favorite de Ralzac (2), le
ne soupçonne même
aucune embûche (2).
De là proviennent, dans notre littérature, l'éternelle
excuse basée sur les soi-disant droits de l'homme, les
cajoleries du cœur et de la nature. Nous n'avons que
des Lamartines devant nous. Tous n'ont rien à repro-
cher à la nature. A les croire, le cœur humain est tou-
jours pur et bon, le mal ne se trouve que dans les cir-
constances extérieures qui, bien loin de rendre le pauvre
cœur mauvais, ne que le plonger dans l'affliction.
font
Romanciers délicats et démagogues grossiers luttent
d'émulation pour chatouiller, caresser, flatter la bonne
nature. La méchanceté, disent-ils, est tout simplement
une maladie produite par l'éducation, une injustice so-
ciale, un empiétement de lois autorisées et d'habitudes
sans exception
de détails. Mais, comme nous l'avons déjà dit souvent, -pus dans leur
intérieur.
il nous habituer à étudier l'esprit moderne dans
faut
ses sources, tout aussi bien que les manifestations de
la civilisation antique, sans quoi cette anguille nous
glissera constamment entre les mains.
Or,nous savons maintenant la raison pour laquelle
si
edetavo-
dantei
dernier m ^t n'est pas encore dit quand nous rejetons la
éî e
déjà dans 2 faute sur notre entourage et sur les circonstances. Il
volonté.
niera pas que c'est sa faute quand il fait le mal, car s'il
ne l'avait ne l'aurait pas com-
pas voulu et permis, il
aimer la mort.
Si ces hommes parlent de la sorte, nous ne pouvons
guère blâmer la littérature légère, quand elle rend hom-
mage au principe que vouloir donner des lois à la sen-
sualité, c'est semer du sel sur le sentier de la vie, que
son unique but est, pour parler comme Zola et Brandes,
d'élever ce qu'il y a d'animal dans l'homme, de le dé-
chaîner et de le laisser ensuite courir librement. Beau-
coup envient les animaux à cause de leurs dérèglements,
et s'écrient pleins de douleur avec Guarini, parce qu'ils
ne peuvent pas faire comme eux :
notre ennemi juré, Ennemis pour nous sont nos yeux dé-
réglés, ennemis nos sens énervés, ennemie est notre
langue indomptée, notre volonté engourdie, ennemi
notre cœur indocile, notre esprit orgueilleux.
Mais tous ces ennemis ne sont nos ennemis que parce
que notre nature est notre plus grand ennemi. C'est de
là que viennent tout danger et toute chute. Nous mé-
sanglier et le serpent.
Toujours cette malheureuse nature comme prétexte,
et pourtant toujours condamnation de cette même
la
nature ! C'est qu'alors la nature n'est évidemment pas
ce qu'elle devrait être. C'est qu'alors elle a été blessée.
C'est qu'alors elle est devenue tout autre qu'elle n'était
autrefois, si jamais elle a élé comme elle devait être.
Mais cet état est inné en moi et grandit avec moi. D'un 9. -L'idée
côté mon intelligence me dit qu'il ne peut être mon état ene-memeune
contradiction,
£ * 1 1j a , • • .
(4) Ibid., 2, 10. — (5) Ibid., 2, 10; 3, 27. — (6) Ibid., 3, 26.
LA CORRUPTION DE LA NATURE HUMAINE 65
de par la nature » (1). Comme Euripide l'affirme en peu
de mots, « le péché est inné chez tous les hommes » (2).
Le Christianisme n'eut rien à ajouter à ceci, sinon le
principe que ce n'était pas un ordre établi par Dieu
dès commencement, mais simplement une consé-
le
LE PARADIS PERDU.
,
Optimisme et Pessimisme. — 2. La nature humaine n'est pas
complètement corrompue. — 3. Le mal n'est qu'une corruption
de la nature ; le —
bien lui est antérieur. 4. La doctrine d'un état
primitif parfait répondant à la raison. — L'accord des ancien-
5.
défaut de la nature.
Et il en est ainsi. Bien loin d'être mauvaise dans son
essence, la nature est ainsi faite qu'elle est corrompue
par le mal, et qu'il n'y a que le bien qui lui réponde.
Le profond malaise intérieur que nous ressentons dès
que nous avons commis un péché en est une preuve.
Preuve en est aussi la lutte que le bien et le mal se livrent
en nous, preuve la satisfaction que nous cause un acte
de violence fait à nous-mêmes, une victoire remportée
sur nos passions, une bonne œuvre preuve en un mot ;
Augustin., Lib. arbitr., 3, J3, 36; Civ. Dei, 19, 13, 2; Contra
(1)
epist. Manich., 33, 36 De natura boni, 1, 17 Op. imperf., 1, 114.
; ;
(7) Plato, Rep., 10, p. 608, e. Augustin., Conf., 3, 7, 12; Civ. Dei,
II, 9, 22. Thomas, 1, q. 14, a. 10; q. 48, a. 1 ; 1,2, q. 36, a. 1 ; q. 75,
a. 1.
717
ne peut se soustraire.
D'ailleurs, sur ce point,
aux seules doctrines de la
nous n'en sommes pas réduits
foi ou au seul raisonnement
l
:
'
5 -
- L ac -
cord des an-
ciennesiégen-
des sur ce
'
Christianisme.
Spiegel incline à croire que les Juifs exilés en Perse
eurent une influence considérable sur la formation du
Parsisme, et, nous ne savons pas comment il
de fait,
(I) Lassen, Ind. Alterthumskunde, (2) I, 622 sq. Spiegel, Eran. Al-
terth., I, 439. Stiefelhagen, loc.'cit., 515 sq.
,
tement changé.
D'ailleurs, nous voyons déjà dans Hésiode les Iles
Fortunées remplacer 1 Elysée, et bientôt elles le chas-
seront tout à fait de la mémoire des anciens. Plus tard
c'est à peine si l'on voit encore apparaître le nom d'E-
lysée quand il s'agit du souvenir du Paradis terrestre.
Or, c'est là un signe très caractéristique du recul cons-
(1) Grimm, Deutsche Mythologie, (3) 778 sq. (4e édit. de Meyer,
682 sq.).
(1) Duncker, Gesch. des Alterthums, (3)11, 71. Lassen. Ind. AUerth.,
I, (2) 599 sq. ; II, (2) 731 ; IV, 592.
(2) Windischmann, Zoroastrische Studien, 212 sq.
,
(1) ïbid., (3) 126 sq. Simrock, Mythologie, (2) 186 sq.
(2) Nineteenth Century, Feb., 1894 (Review of Reviews, IX, 152. Re-
ligions Revieiv of Reviews, 1894, 129 sq.).
(3) Hesiod., Op., 113. Dicœarchus, Fragm., 1 (Muller, Fragm.
\hist. Gr.,II, 233). Porphyr., Abslin., 4, 2.
(4) Pindar., Pyth., 10, 60 sq.
h) Gœthe, Tasso, 2, 1.
(6) Gen., II, 15.
(1) Hesiod., 117 sq. Plato, Politicus, 15, p. 271, c. ; Leg., 4, 713, c.
|Ovid., Met., 1, 89 sq. 109. Lucian., 51, 8.
(8) Ovid., Met., 1, 111. Lucian., 70, 20.
(9) Ovid., Met., 1, 112. — (10) Lucian., 69. 17.
94 CHANGEMENT DE L'HUMANITÉ EN HUMANISME
de vues que nous donne la foi, — et comment cela se-
rait-il possible sans la grâce surnaturelle? — ils conce-
vaient cependant la vie paradisiaque d'une manière plus
digne que Gœthe ne l'a fait dans le passage que nous
venons de citer. Voir le bonheur de l'âge d'or en ce
que les hommes, comme des troupeaux sans pasteurs,
pouvaient brouter sur tous les pâturages, en ce que
et
culté.
Si l'on insistait davantage sur cette partie de l'argu-
mentation dont la science moderne ne tient malheureu-
sement pas assez compte, non seulement les convictions
gagneraient en solidité et en clarté, mais on ferait taire
plus facilement les adversaires de la vérité ; on pourrait
peut-être même les gagner à la bonne cause. Mais, la
plupart du temps, notre façon d'agir actuelle, nous rend
incapables de tenir tête à nos adversaires. Nous avons
notre opinion à nous, ou du moins nous croyons l'avoir.
Dès qu'un autre se présente avec la sienne qui est diffé-
rente, nous ne savons que dire, ou du moins nous ne
pouvons nous défendre. C'est pourquoi on ne saurait
assez détourner notre génération d'entendre ou de lire
les choses qui attaquent la vérité, car son manque d'au-
tonomie et sa maladresse sont si grands, que celui qui
soutient effrontément une affirmation reste maître du
terrain, ou du moins la question n'est pas tranchée par
l'effet d'une réponse contradictoire. Autrefois les choses
se passaient autrement. On examinait la valeur des pa-
roles de l'adversaire , et c'était un moyen d'affermir
jet de fierté ,
— de ce que la théorie évolutionniste de
Darwin et l'anthropologie moderne s'attribuent avec
tant de satisfaction. L'origine des premiers êtres due à
des atomes et au mouvement, la naissance des animaux
provenant de cellules primitives, ou de germes primi-
tifs, l'évolution progressive des animaux en hommes,
autant d'idées qu'on glorifie comme des découvertes
modernes par excellence, les anciens les ont inventées
aussi arbitrairement et exprimées avec autant d'assu-
rance que nos savants modernes. Et les conclusions
qu'ilsen tiraient ne diffèrent pas non plus de celles à
propos desquelles on ne se lasse pas de renouveler au-
jourd'hui les anciennes affirmations.
Parmi ceux qui se rapportaient avec un zèle tout par-
ticulier à ce soi-disant état de nature (1), les cyniques
tiennent le premier rang. Ils méritent même l'éloge d'a-
voir été pour ainsi dire les seuls à prêcher sérieusement
(l) Diodor., 1,8, 1 sq. Euripid., SuppL, 202 sq. Cicero, Invent ,
e
Abou-Becker Ibn Tofeil écrivit au XII siècle un ro-
man philosophique, « Y homme de nature », qui a été
aussi traduit en notre langue (2). Il fait grandir dans une
île un enfant seul, sans relations avec les hommes, pour
voir ce qu'il deviendra un Robinson qui paraît
: c'est
plusieurs siècles avant le nôtre, et qui est aussi beau-
coup plus noble que lui. Si un tel sujet tombait sous la
plume d'un penseur et d'un éducateur moderne, nous
entendrions des histoires à n'en plus finir sur la manière
dont cet enfant, par suite d'une observation constante,
aurait découvert tous les secrets du monde animal, de
la chimie et de la physique, et aurait appris de lui-même
tous les arts, en particulier celui de faire la cuisine.
Mais sur Dieu, sur l'âme, sur l'éternité, il n'aurait évi-
demment Robinson arabe, au con-
rien trouvé. Le petit
traire, découvre, sans instruction aucune, dans une
(l)M.,V,953sq.
(2) Eichhorn, Der Naturmensch, Berlin, 1783.
(3) Ritter, Geschichteder Philosophie,
VIII, 104-115.
.
Une telle idée de l'état naturel est sans doute une er-
reur honorable, mais c'est toujours une erreur. Quicon-
que connaît l'homme réel ne croira jamais que de tels
faits sont produits uniquement par sa propre nature. 11
und Communismus (2), 218 sq., 529 sq. Vering, Literar. Handweiser,
n° 229 (1878), Sp. 334-342. Rossbach, Gesch. der Gesellschaft, VII,
30, 36 sq., 50. Schœnberg, Handbuch der polit. (Economie, (3) I, 116
sq. Meyer, Conversationslexikon, Jahres Supplément 1892. S. 861-
868.
(2) Morus, Utopia (lib. 2).
110 CHANGEMENT DE INHUMANITÉ EN HUMANISME
le germe est toujours le même.
Morus plaça son état
Si
de nature dans le Nouveau-Monde récemment découvert
Campanella le mit dans le soleil. A cette fin, Francis
Bacon fit surgir du fond de la mer le pays de l'âge d'ôr
que nous connaissons déjà, l'Atlantide. Dans un ouvrage
qui provoqua un grand mouvement en Angleterre,
James Harrington nous conduit dans une île inconnue
du grand Océan Denis Vairasse d'AUais invente en
.
(1) Ticknor, Gesch. der schœnen Lit. in Spanien (deutsoh von Julius
Wolf), H, 179.
LE PARADIS PERDU H9
tion croit au surnaturel et considère la nature comme
tombée, elle est alors préservée du danger de disparaî-
tre en celle-ci, et c'est ce qui contribue à la faire rester
naturelle. Quand elle ne connaît pas autre chose que la
(1) Stein, Socialismus und Communismus, (2) 556 sq. Jul. Schmidt,
Gesch. der franzœs. Liter., (1)11, 477.
LE PARADIS PERDU 137
,
science mo-
ure profane rejette avec tant de mépris 1 enseignement d ern e
, . ?
[ e
\
taire.
(1) Pfleiderer, Die Religion, I, 1869, 302 sq. , 307 sq. Joyanceàûne
chute.
148 CHANGEMENT DE INHUMANITÉ EN HUMANISME
racher des esprits la croyance à chute originelle, se
la
cus qu'il n'en devrait pas être ainsi. Mais si telle est
PÉCHÉ ORIGINEL ET PÉCHÉ HÉRÉDITAIRE 149
(1) Plato, Politicus, 15, p. 271 e sq.— (2) Pindar., Olymp., 1, 55 sq.
^3) Spiegel, Eran. Alterthumskunde. I, 439. Lassen, Ind. Aller-
150 CHANGEMENT DE INHUMANITÉ EN HUMANISME
Rigveda Yami, c'est sa sœur qui chercha à le séduire. Il
thumskunde, (2) I, 622 sq. Muir, Original Sanscrit teœts, V, 284 sq.,
300, n. 451.
(J) Rigveda, 10, 97, 16 (Ludwig, 1026).
(2) Ibid., 1, 38, o (Ludwig, 674).
(3) Ibid., 10, 97, 16.
(4) Muir, loc. cit., V, 288 sq. ? 301. Fischer, Heidenthum und Offen-
barung, 88-91.
(5) V. plus haut, II, 6.
(6) Windischmann, Zoroastrische Studien, 212-231.
PÉCHÉ ORIGINEL ET PÉCHÉ HÉRÉDITAIRE 151
un jugement sûr.
Nous passons rapidement aussi sur les récits mexi-
cains. Ici, la mère du genre humain Cihuakoatl est re-
présentée sous la forme d'une vierge au serpent. C'est
par elle que le péché s'est introduit monde. Les
dans le
(7) Timogenes, Frag., 7 (Mùller, Fragm. hist. Gr., III, 323). Am-
mian. Marcell., 15, 9.
156 CHANGEMENT DE INHUMANITÉ EN HUMANISME
pourquoi il faut préférer le récit de Diodore disant que,
comme lui, ils avaient possédé cette manière de voir in-
dépendamment dePythagore (1).
Comment une doctrine si bizarre, dont Lactance dit
avec raison qu'elle provoque plutôt la raillerie que la
réfutation (2), a-t-elle pu devenir le bien commun de
tant de peuples, l'enseignement favori de tant de pen-
seurs éminents, une conviction à laquelle on s'est tenu
pendant des une ténacité incompréhensi-
siècles avec
ble? Aujourd'hui encore, un certain nombre de per-
sonnes, moitié pour plaisanter, moitié sérieusement,
n'auraient pas mal envie de rajeunir l'enseignement de
la métempsychose, soit par suite d'une certaine prédi-
lection pour les vieilles toquades, comme Julius Mill-
ier (3), soit pour chercher comme Hume, Lessing (4),
Leroux et Raynaud (5), les choses les plus bizarres dans
les balayures du passé, pourvu qu'elles contredisent le
Christianisme. Leur seule préoccupation est d'avoir des
idées bizarres, et de contredire avec éclat ce que tous
croient. Pourtant, les anciens soutenaient cette opinion
avec un sérieux véritable, et croyaient avoir trouvé en
elle une solution à l'énigme de l'existence. Or, comment
leur était-elle venue à l'esprit ?
Il n'y a pas de doute, que des vues panthéistiques
y
aient été jointes dans les temps postérieurs. Mais ce
n'est pas une raison pour concevoir son origine unique-
ment comme le résultat de la doctrine de l'émanation
panthéistique. Le sens primitif était tout autre.
Pour expliquer cette idée singulière, nous devons
recourir à une autre doctrine non moins bizarre, qui se
trouve sous différentes formes également chez tous les
peuples cités et chez beaucoup de penseurs. Us croyaient
qu'avant cette vie, l'âme avait vécu dans un état beau-
tatdumonde.
essentielles, ce que la Révélation nous transmet sur la
chute originelle et sur le péché héréditaire.
C'est pourquoi les esprits les plus nobles de tous les
temps se sont donné beaucoup de peine pour trouver
des raisons expliquant cette conviction des peuples, que
d'ailleurs ils trouvaient confirmée dans leur propre in-
térieur. Mais ils ne furent pas très heureux sous ce rap-
port. Quelque nombreuses et détaillées que soient le&
recherches des anciens philosophes sur l'origine du
mal, elles ne paient guère la peine qu'elles ont coûtée r
si on veut arriver à des résultats pratiques. Au fond, il
n'y a que trois faits qui aient été solidement établis par
ces discussions.
En premier lieu, les païens nous disent presque à l'u-
nanimité, que le mal qui s'attache à chacun de nous ne
dépend pas toujours de l'individu, mais qu'il est sou-
vent le résultat d'une puissance étrangère, plutôt qu'il
n'en est la cause. Socrate, comme on le sait,* se laissa
entraîner si loin par cette observation, qu'il prétendit
que l'homme n'est pas méchant volontairement (2). C'é-
tait sans doute une grande erreur, mais elle partait de
_.
'
tel père, tel fils ; telle mère, telle fille. Personne cepen-
dant ne contestera qu'il y a des exceptions, Mais la dé-
générescence d'une race sera d'autant plus frappante,
si l'ancien germe réapparaît dans la race suivante.
Cette loi fournit d'abondants sujets de réflexion. Le
PÉCHÉ ORIGINEL ET PÉCHÉ HÉRÉDITAIRE 167
l_ Les
^e pays le plus favorisé de la terre est l'Inde, cette
Alterthùmer, III, 2 sq. Forbiger, Hellas und Rom., IV, 1, 20, 28.
12
178 CHANGEMENT DE INHUMANITÉ EN HUMANISME
core à 200.000, etle nombre des heureux qui périssaient
en route, par suite des mauvais traitements, était au
moins aussi élevé (1). Aujourd'hui, il ne peut plus être
question de tels chiffres, mais malgré tous les efforts
dans le sens opposé, le mal continue toujours, et
faits
fier (4). Si ce maître est d'un naturel plus doux, il lui fait
(1) August., Civ. Dei, 19, 15. Chrysost., Gen. h., 29, 5. Thomas, 1,
q. 92, a, 1 ad 2.
(2)Herodot., 6, 137. Pherecrates (dans Athenœus, 6, 83, p. 263, b ;
cf.Bothe, Fragm. corn, grsec, p. 83, 1). Plato, Rep.,
5, 15, p. 469, c.
Plutarch. ^Lycurgi et Numœ camp., 1, 9.
(3) Arrian., ïnd., 10, 8. Diodor;, 2, 39, 5.
182 CHANGEMENT DE INHUMANITÉ EN HUMANISME
qui consume leurs forces à bref délai, et ne leur laisse
que la perspective de se voir jetés dehors, quand ils ne
pourront plus travailler, et par le fait même de mourir
de faim ? Or qui pourra compter le nombre de ces mal-
heureuses créatures dont l'existence et le sort jettent des
ombres si Nous
noires sur notre civilisation tant vantée ?
ne cessons de critiquer l'état social de l'ancienne Rome,
et certes celui qui aime les hommes a tout sujet de gémir
quand il lit dans l'histoire, qu'au temps de César,le nom-
bre des prolétaires entretenus dans la grande ville fut
(3) Cf., Meyer, Emane ipationskampf des vierten Standes, II, 208 sq.
,
n'écrasera personne.
La misère est l'impossibilité personnelle de subvenir
à ses besoins, et l'abandon par une société à laquelle
quelqu'un appartient. La misère est un malheur à la
,
(2) Revue des Revues, VIII, 367 sq., 256 sq.
(3) Matth.,XXVI, li.
LA CORRUPTION DE L'HUMANITÉ TOUT ENTIÈRE 185
ou ne fait
société ne fait plus rien, plus assez pour re-
médier à cet état quand le sentiment qu'on a detre
;
(1) Tacit., Hist., 2, 8. Sueton., Nero, 57. Vict. Petav., Com. in Apoc.
(Bibl. M. P. P., 420, c. d.). Severus Sulp., Dial, 2, 6. August,
III,
Civ. Dei, 20, 9, 3. Hieron., In Daniel, H, 28. Malvenda, Antichrist.,
i, 21. Reumont, Gesch. der Stadt Rom, I. 389 sq.
malade.
Mais notre but n'étant pas de montrer qu'elle est ma-
lade, nous voulions seulement dire qu'elle est coupable.
Or ceci se voit immédiatement quand on entre dans le
détail. A New-York, pendant la seule année 1868, on a
porté à l'asile destiné aux ivrognes 2.153 personnes ap-
partenant aux meilleures classes. Dans ce nombre, il n'y
avait pas moins de 1.300 demoiselles appartenant à de
riches maisons (1). En sept années, de 1858 à 1864, par-
mi les différentes classes de malfaiteurs, en Angleterre,
on comptait 121.172 jeunes gens qui n'avaient pas en-
core atteint leur seizième année (2), et ce ne se sont pas
seulement des individus de basse condition, qui ont
contribué à former ce chiffre énorme, mais ce sont aussi
des enfants appartenant à des classes élevées. De 1840
à 1850, c'est-à-dire dans l'espace de dix ans, il y a eu,
dans la petite Belgique, 76.000 enfants abandonnés de
leurs parents et laissés à la charité publique dans les
hospices d'enfants trouvés. Dans la ville de Vienne, de
1801 à 1850, il n'y a pas eu moins de 219.807 de ces
pauvres créatures (3). En Bavière, dans un espace de
quarante-cinq ans, de 1835 à 1879, il n'y a pas eu moins
de 80.000 enfants qui sont morts abandonnés et par la
1 334 sq., 335. Dans Œttingen, loc. cit. (3 Aufl.), 210 sq., 226
sq., 28,
sq., 424 sq., 503. C'est aussi le jugement de Cornes, ibid., 225.
13
194 CHANGEMENT DE L HUMANITE EN HUMANISME
plus séduisants sur les théâtres populaires, la faute en
est-elleaux enfants seuls? Non, dit-on souvent, il n'est
pas croyable combien les enfants sont mauvais mainte-
nant. Pourquoi cela ne serait-il pas croyable? C'est
même facile à comprendre qu'ils doivent être ainsi. Ja-
mais, dans la famille, ils n'ont senti l'effet salutaire d'un
bon exemple, d'une parole utile. Pour l'influence reli-
gieuse, il n'en est pas question. Par contre, ils peuvent
fréquenter ceux qu'ils veulent ; ils voient et entendent
de leurs propres parents des choses que nous ne pouvons
pas dire ici. A six ans ils font des choses qu'ils devraient
encore ignorer à vingt. Les voilà maintenant à l'école.
pas mauvaises ; mais c'est nous qui les rendons telles (2)
Non, elles ne sont pas plus mauvaises que la société et
que l'humanité dans lesquelles elles vivent. Leur en-
tourage est plus corrompu qu'elles, car c'est lui qui les
le
manité
hu" com P r i se de deux façons, et elle l'est aussi. Les uns
exagèrent la faute de la totalité jusqu'à exempter l'in-
La vérité qui se fait jour ici fait partie de celles qu'il 7,-Devoirs
p t ii i«
nous faut prendre a cœur, bien plus pour notre conduite
j't i i aux
relatifs
fautes des m-
. dividus et de
que pour notre conviction. ia totalité.
seule. Si quelqu'un, —
surtout celui dont la mission est
de commander, et dont tout le monde se plaint parce
qu'il ne fait pas de miracles, — appréhende le négligent
au collet, non, s'il lui touche seulement un cheveu, les
anathèmes tombent sur lui encore plus dru qu'aupa-
ravant, alors qu'il laissait tout aller son train. Comme
l'aigle se précipite sur la colombe, on se jette sur les
petits, sur les faibles, sur les victimes de la séduction
qui se permettent un pas de travers pour améliorer leur
situation intojérable, ou parce qu'ils croient qu'on a le
gard, bref devant des niaiseries dont ils ont ri quand ils
des nègres, — ou
comportent de telle sorte que
ils se
les sauvages comprennent qu'il vaut mieux cacher en
présence de ces intrus frivoles, leurs convictions reli-
(6) Lenormant, loc. cit., III, 54 sq., 95 sq., 119 sq. Palgrave, Reise
inArabien (Leipzig, 1867), I, 190 sq. (250).
(7) Herodot., I, 216, 4. Strabo, 11, 8, 6.
218 CHANGEMENT DE INHUMANITÉ EN HUMANISME
de l'eau de vie ou de l'argent (1). Comment le font-ils ?
Dieu seul le sait. Mais des recherches plus minutieuses
démontreraient qu'ils possédaient jadis une religion
plus pure.
Livingstone affirme que ceci se rencontre partout chez
les nègres (2). Ratzel et Schneider déclarent aussi que la
(3) Ratzel, Vœlkerk., (1) I, 173. Schneider, Naturvœlher, II, 261 sq.
(4) Collection de tous voyages, III (1748), 628.
les
(5) Ibid., V (1749), 174. Cf. Ratzel, toc. citât., (1) I, 106 sq. Schnei-
der, loc. cit., II, 63.
(1) Benfey, dans Ersch et Gruber, II, XVII, 159, 162, 164. Arnold,
Deustche Urzeit, 20, 392.
(2) Aubertin, Histoire de la langue et de la littérature françaises, I,
13.
(3) Maurer, Bekehrung der nord. Slsemme, II, 8, 17.Grimm, Deutsche
Mythol., (4) I, 136; Einl, VII, XVII, XXXVIII. Cf. Simrock, Mythol.,
(2) 268 sq. Zeitschrift fiir deutsches Alterthum, 19, 170 (Gott, de Go-
den,Wodan).
(4) Ainsi Baumstark, Germania, 64 sq. Ziu est Zsvç, donc c'est un
dieu très récent. (Avant Varuna il y a un Dhvar-una, d'où Tur-nus,
Tabur-nus, Tybur-is, Satur-n, Txrjpo^nolm), Tar-au-ucnus, Tar-anis,
Thùr (Thor-nar), bref les dii tauriformes).
220 CHANGEMENT DE L HUMANITÉ EN HUMANISME
On raconte que très tard encore, des tribus isolées des
Slaves et des Antes ne reconnaissaient qu'un seul dieu,
le dieu de la foudre (1). Dans la légende dont nous avons
déjà parlé, et d'après laquelle les dieux eux-mêmes sont
tombés de l'âge d'or, de l'état d'innocence, le souvenir
que la religion germaine est déchue d'une pureté primi-
tive, nous est clairement conservé. Enfin, dans la my-
en contradiction
sophique du , ,
paganisme aY ec ce principe , c'est que, dans les derniers temps
II Col p«b, cl
n
du paganisme, il se manifesta à Rome, comme en Grèce
un pur°m?no-
13,13.
222 CHANGEMENT DE INHUMANITÉ EN HUMANISME
que (1). Mais l'application est encore plus facile à faire
aux derniers temps de l'antiquité. Maxime de Tyr lui
aussi enseigne la foi à un seul dieu néanmoins, il to- ;
(2) Maxïmus Tyr., 39, 5. Plutarch., Isis et Osiris, 67. August,, Civ.
Dei,b, 11.
HISTOIRE DES RELIGIONS ET CHUTE DE L'HUMANITÉ 223
(i) Basilius, Quod Deus non est auctor malorum, 2 (II, 73, d.).
15
226 CHANGEMENT DE l' HUMANITÉ EN HUMANISME
représenter, sa nature devint indifférente et même inin-
telligible. Homme et bête, arbre et pierre, devinrent
Dieu, et Dieu devint homme et bête. Chacun de ces
êtres représenta le même Dieu ; tous n'étaient qu'un
Dieu, et il n'y eut plus de Dieu nulle part. C'est ainsi que
s'évapora dans le panthéisme, et devint une illusion
personnelle, la plus confuse de toutes les conceptions
religieuses, la vie religieuse jadis florissante et vigou-
reuse.On eut partout un Dieu qui cependant n'était pas
unDieu et malgré cela, il valait encore mieux avoir ce
;
(1) Tylor, Anfœnge der Cultur, II, 365 sq. — (2) lbid., 374 sq.
HISTOIRE DES RELIGIONS ET CHUTE DE INHUMANITÉ 229
mais ces prières ne s'adressent qu a
gloire, c'est vrai,
des êtres supra-terrestres d'un degré inférieur, tandis „
%
donne le même résultat. uoniTsymb^
q es
Les habitants primitifs de l'ancienne Grèce durent die iTx
Rome des pierres. Mais tout cela n'était que des signes
sensibles destinés à rappeler le souvenir de la divinité
qu'on en savait discerner malgré des fluctuations mul-
tiples.
i° T™L
souvenirs
ft
des
re-
d'une manière certaine, leur situation morale, nous
' '
et meilleure.
^ UQ l'humanité a été jadis dans un état beaucoup
plus élevé que celui dans lequel nous la trouvons plus
tard.
Mais cette même
pour nous aussi un té-
histoire est
moignage consolant que notre race, même dans la chute
la plus profonde, n'a jamais perdu entièrement les meil-
un degré
o
,
principe
.
que
ii
,,.
. ,, „ , ,
••
antérieure à l'idée de plusieurs dieux.
De quand même elles sont soute-
telles affirmations,
(1) Strabo, 3,4, 16. — (2) Arnim, Bas alte Mexico, 67.
(3) Sammlung aller Reisebesçhreibungen (Leipzig, 1757), XV, 494 sq.
m
SIXIÈME CONFÉRENCE
pour le sang.
ce [[ e p aro le au cours de nos recherches. Elle signifie
qu'on se renverse soi-même, et qu'on renverse les cho-
ses, quand on veut nier l'enseignement chrétien de la
corruption héréditaire. Il ne faut pas s'étonner qu'on
veuille ensuite faire passer les mouvements les plus
mauvais du cœur humain pour la nature vraie et auto-
Le taureau indomp-
C'est frapper l'humanité à la face.
table frissonne à l'aspect du sang, et on veut refuser
à la nature humaine ce que la sauvagerie sans raison
elle-même ne contredit pas Byron fait dire à son Caïn,
!
,,
^~ Maigre Eh bien, que dire alors, quand nous voyons être
h
Judenthum, 81 sq.,204 sq., 456, 491 sq., 537 sq., 542 sq., 560 sq.
Lasaulx, Studien, 233-282.
(1) Waitz, Anthropologie der Naturvœlker (1860), II, 192 sq., 197 sq.
Ratzel, Vœlkerkunde, (1)1, 172. Schneider, Naturvœlker,!, 193 sq.
(2) Brasseur de Bourbourg, Hist. du Canada, I, 23. Waitz, loc. cit.,
III, 207. Ratzel, loc. 698.
cit., II,
(4) Euseb., loc. cit., 4,16 (163, c). Porphyrius, Abstinentia, 2,56
(Hercher, p. 45).
(5) Plutarch., Supers t., 13.
(6) Cœsar, Bell, gall., 6,16. Cicero, Font., 10,21. Diodor., 5,31,3 ;
32,6. Strabo, 4,4,5. Lucan., 1,444; 3, 405. Minuc. Félix, Octav., 30.
Tertull., Scorp., 7. Lactant., 1,21. August., Civ. Dei, 7,19. Forbiger,
Aile Géographie, 111, 145. Moore, Hist. of Ireland (Paris, 1837), 1,20.
(7) Strabo, 3,3,7.
(8) Athanasius, Adv. Grœcos, 25. Euseb., Prœp. evang., 4, 16
(p. 155, d.), d'après Porphyre, De abstinentia, 2,55 (éd. Hercher,
p. 44). Cf. Manetho, Fragm., 83, (Mùller, Fragm. hist. Grsec, II,
615). Uhlemann, Mgypt. Alterthumskunde,l\, 191.
(9) Herodot., 2,45,2.
(10) Millier, Fragm. hist. Gr., 111, 500.
(11) Davis, Karthago (Leipzig, 1863), 176 sq. Humboldt, Reise in die
Mquinoctialgegenden, IV, 18 sq. M. Mùller, Hist. of ancient Sanscrit
literat., (2) 419.
CONFESSION GÉNÉRALE DE INHUMANITÉ TOMBÉE 247
(1) Mone, Das Heidenthum ira nœrdlichen Europa, l, 187 sq. Emser,
VitaS. Bennonis, 3, 36 (Bolland. Juin, IV, 135, Palmé).
(2) Hanusch, Wissenschaft des slawischen Mythus, 16 sq., 143 sq.
(3) Prescott, Eistory of the conquest of Peru (1847), I, 63. Waitz,
Anthropologie, IV, 460 sq.
(4) Cœsar, Bell, gall., 6, 21.
(5) Tacitus, German., 9 Annal., i, 61. Jornandes, Goth., 5. Grimm,
;
(4) Dionys. Halic, 1, 38. Livius, 22, 57. Plutarch., Quœst. rom., 83.
Ammian. Marcel., 3, 4. Orosius, 4,13. Plin., Hisl. nat.,28, 3, (2) 3;
30, 3, (1) 1.
(5) Minuc. Félix, Octavius, 30. Lactant., 1, 21. Tertull., Scorp., 1.
Apologeticum, 7. Dœllinger, Heidenthum, 493.
(6) Pausanias, 2, 27, 4. Strabo, 5, 3, 12.
(7) Dio Cassius, 43, 24. —
(8) Id., 48, 48.
(9) Dio Cassius, 48, 14. Sueton., Octavian., 15. Seneca,C/emem£<a, 1,
11. Velleius, 2, 74. Dœllinger, Heidenthum, 538.
250 CHANGEMENT DE INHUMANITÉ EN HUMANISME
marquer leur penchant à la cruauté, et en même temps
pour repaître leurs yeux d'un spectacle digne de leur
dureté (1), ils les obligeaient à s'égorger publiquement
entreelles, à l'occasion d'une fête donnée pour divertir le
peuple. Ainsi prirent naissancelesjeux de gladiateurs (2).
Cette horrible coutume qui doit être très ancienne,
puisque nous la trouvons aussi au Mexique (3), et chez
les mystérieux Toudas dans les Indes orientales (4),
sous une forme mitigée chez les Australiens (5), les
11
;
sortis
j
de
,,
anthropomorphisme,
1 souvent au contraire, — . inséparable
ia décadence
de la religion
à
ils y
J
ont conduit (2) pas être considérés
ils ne doivent r :
7
versie paga-
\ j nisme.
comme l'exécution solennelle de grands criminels,
mais ils portent en eux-mêmes un caractère essentiel-
lement religieux, comme Pline le dit parfaitement (3).
416.
1
(2) Schneider, Naturoœlker, I, 190 sq. — (3) Plinius, 30, 4 (1), i.
(1) Eusebius, Prœp. evang., 4, 16, 47 (p. 156, b, 164, d.). Porphyr.,
De abstinent., 2, 56.
(2) Tertullian., Apologet., 9.
(3) Sueton., Domitian., 4. —
(4) Dio Cassius, 68, 15.
(5) Tacitus, Hist., 2, 88. Tertullian., Pall., 4. Plinius, Hist. nat., 36,
69.
CONFESSION GÉNÉRALE DE INHUMANITÉ TOMBÉE 253
âge que celle qui se pressait à ces jeux (1). Il arrivait
même parfois que peuple enlevait un cadavre de son
le
(1) Cicero, Pro Sextio, 59, 124, 125. — (2) Sueton., Tib., 37.
(3) Flav. Joseph., Anliquit. Jud., 19, 7, n ; cf. 15, 8, 1.
(4) Lampridius, Hcllogabal., 8.
(5) Eusebius., Hist eccl,, 7, 10.
.
ri) Wultke, Gesch. des Heidenthums,!, 132. Tylor, Anfœnge der Cul-
tur, II, 208, 378, 382, 384, 407.
(2) Hesiod., Theogon., 535 sq.
CONFESSION GÉNÉRALE DE INHUMANITÉ TOMBÉE 255
ble. C'est sans doute la raison pour laquelle vous cachez
votre confusion dans des nuages d'encens (1).
Cette tendance d'esprit explique facilement la dispa-
rition progressive des sacrifices humains. Celle-ci ne
s'explique pas par l'augmentation des sentiments phi-
lanthropiques, mais par la domination du sentiment re-
ligieux. Qu'on attribue donc si on veut au Bouddhisme
le mérite d'avoir supprimé les sacrifices humains, seu-
plutôt expliquer. Nous sommes ici en face d'une sombre fice humain et
énigme,
° pleine
l7
d horreur, et qui
i
néanmoins n'est rpas
?
cide .jf?
manifeste sur-
se
Malgré
o cela, une vérité sérieuse
7
forme et incontestable r
6
;r si ni -
^des
fication
sacrifices d'à-
le fond de ces horribles forfaits. C'est par le péché que
nimanx.
sance les yeux sur lui et sur son sacrifice (3), non parce
qu'il attribuait de la valeur au don lui-même (4), mais
(1) Outram, De sacrificiis, 265 sq. Lasaulx, Studien, 233 sq., 255-259.
Haneberg, Die relig. AUerth. der Bibel, (2) 420 sq., 445 sq.
(2) Exod., XXIX, 10. Levit.,I, 4, 32; IV, 4; V, 5; XVI, 21. Num.,
V, 6, 7. Bonfrère, In Levit., I, 4; 6, 4 .Wouters, Dilucid. in Levit., c. 5,
2 (II, 237 sq.).
7. -d'où Sans doute il est difficile que les peuples aient eu des
vient linch- , .
ati
?e hîmam
en
à
no ^ ons claires à ce sujet, mais malgré cela, ils n'ont
ndre
sang
le
jamais pu effacer cette idée de leur esprit. Il serait alors
impossible de comprendre la ténacité avec laquelle ils
se cramponnaient à ces sacrifices qui leur coûtaient
de si pénibles renonciations. L'idée de la nécessité du
sacrifice devait être profondément enracinée chez les
hommes pour qu'ils se soumissent à des prescriptions
si pénibles et si embrouillées que Tétaient, par exem-
ple, les prescriptions concernant les grands sacrifices
(2) Wuttke, Gesch. des Heidenthums, I, 272. Arnim, Das alte Mexico,
44.
(3) Waitz, Anthropologie der Naturvœlker, (1864) IV, 364.
(4) Aeta SS. Felicit. et Perpetuse, n. 18 (Ruinart).
CONFESSION GÉNÉRALE DE INHUMANITÉ TOMBÉE 265
de chevaux, chez les Hindous. Le sacrifice durait une
année et comprenait; un million de victimes. Il était ac-
compagné de cérémonies si nombreuses, si mesquines,
et si ennuyeuses, qu'il fallait tout recommencer quand
l'une d'elles avait été omise. Et on l'offrait malgré
cela (1). Dans la loi de la religion perse, les fidèles ordi-
times (3).
A Rome, quand Caligula monta sur le trône, il cher-
cha à se rendre le ciel propice en immolant 1 60.000 vic-
times (4). D'ailleurs, l'extension que les Romains, sur-
tout Auguste (5) et Marc-Aurèle (6), donnèrent aux
sacrifices, fut si grande, que plusieurs empereurs comme
Nerva, par exemple, cherchèrent à la restreindre, par
crainte pour la caisse de l'état (7). Mais ce fut en vain.
En face de cela, les hécatombes des Grecs, qui se com-
posaient de douze à quatre-vingt dix-neuf taureaux,
chiffre auquel arrivaient les héros d'Homère (8), étaient
une vraie bagatelle.
Les traces de sang que le roi du désert laisse après
lui en emportant son butin, indiquent au chasseur qui
les plus vigoureux, les hommes les plus nobles (1), les
feu ne les fond, car elles sont plus fortes que le fer,
plus dures que le diamant. Une seule chose nous amol-
lit et nous en délivre, c'est l'aveu de notre propre faute,
la foi au sang rédempteur qui seul efface le péché, le
(1) Plinius, Hist. nat., 37, 15, (4)4. Hieronymus, Amos, 7, 7. Isido-
rus Hispal., Origines, 16, 13; Parzifal, 105, 18 sq. (Bartsch, 2, 1402
sq.).Hartmann, Erec, 8436 sq. Hugo von Langenstein, Martinet,
50, 58 sq. (Keller, 125).
(2)Eccli., 40, 1.
crifice sanglant. —
5. La représentation exprimée dans le cérémo-
L es
difféI7nte s
Notre intention n'est pas de faire ici des recherches
les
1
vous prie, cœur pour cœur, fibres pour fibres nous vous ;
(1) Hartung, loc. cit., I, 160 sq. Cf. Ovid., Fast. , 5, 621 sq.
(2) Varro, Lingua lat., 6, 20 Dionys. Halicarnass., 1, 38.
;
(1) Lane-Zenker, Sitten und Gebrœuche der jEgypter, (2) III, 124.
(2) Sophocles, OEdip. Col., 498 sq. (Dindorf).
(3) Euripid., Phœn., J890. —
(4) Euripid., Heraclid., 532.
(5) Euripid., Eleclra, 1025 sq. —
(6) Aristophan., Ranœ, 733.
(7) Schol. Aristoph. ran., 734. Rink, Relig. der Hellenen, II, 19 sq.
(8) Nœgelsbach, Nachhomerische Théologie, 194 sq., 353 sq.
284 CHANGEMENT DE l' HUMANITÉ EN HUMANISME
rieuses et aussi profondes. Pour nous, il suffît de voir
que chez les Grecs aussi les sacrifices d'animaux sont
nés de cette pensée qui n'ajamais disparu. Mais en tout
cas, il une époque ancienne, ilsont connu
est certain qu'à
une représentation de sacrifices humains par des sacri-
fices d'animaux (l).Le récit d'Iphigénie le prouve suffi-
p, 4, 19.
(3) Pausanias, 10, 32, 17.
(4) Plato, Polit., 29, p. 290, c. ; Conviv., 13, p. 188, c.
19
290 CHANGEMENT DE INHUMANITÉ EN HUMANISME
celle-ci a toujours étéramenée à une disposition divine.
Dieu seul, dit Xénophon, peut nous prescrire la manière
de l'adorer comme il convient (1). Si donc l'adoration
de Dieu doit être réglée par Dieu, combien, à plus forte
raison, cette mesure doit-elle être prise lorsqu'il s'agit
pour l'homme de rétablir la voie coupée pour revenir à
lui. Cette tâche ne peut être résolue que d'après des lois
semationdans
une institution humaine arbitraire que
J
le sacrifice. La
le sacrifice et
Sa
re P os a Jt
rd
sS pensée fondamentale du sacerdoce est la même que celle
116
repose sur îe une preuve que les païens eux aussi n avaient rpas oublie,
même motif .,
^dSiuachu
1 com P lelemen t deux grandes vérités sérieuses. L'une que
tenniverseiie.
l'homme et l'humanité sont dans le péché, l'autre Fes-
SEPTIEME CONFERENCE
LA NÉGATION DU PÉCHÉ.
7 r ;
vient Ie mal?
m£
. .
genre humain (2), une des plus difficiles pour les forces
de l'esprit (3). En effet, s'il est dans la vie une question
qui demande un examen approfondi et qui soit inhérente
à des difficultés insurmontables, c'est bien celle de l'ori-
gine du mal (4). Il n'est pour ainsi dire pas de question
qui s'impose plus souvent et plus fortement dans les
heures de sérieuse réflexion, pas de question dont l'his-
(1) Hegel, Philos, der Religion (G. W. XI, 238; XII, 270); Phéno-
ménologie des Geistes (G. W. II, 567).
<2) Zeller, Gesch. der deutschen Philosophie, 459.
LA NÉGATION DU PÉCHÉ 301
question Quel est donc, dans notre nature, le malfaiteur
:
(5) Schopenhauer, Welt als Wille und Vorstellunq, (3) 1, 339 sq.
2J
306 MANIÈRE DE PENSER ET d'aGIR DE L'HUMANISME
comme il dit, du même nez chez certaines personnes à
une identité de dispositions intellectuelles, est une stu-
pidité non moins grande que d'attribuer la guerre aux
queues des comètes (1).
(1) J. Schmidt, Ucsch. des geisl. Leben in Deutschland, II, 704 sq.
(2) Hugo Argentin., (Albertus Magnus, Bonaventura), Comp. theo-
log. veritntis, 2, 58. Schubert, Gesch. der Seele, (4) II, 656 sq.
(3) Perty, Anthropologie, II, 4^8 sq. —(4) lbid., I, 18.
(5) Schubert, loe. cit., (4) il, 654 sq.
LA NÉGATION DU PÉCHÉ 307
d'agir. Tout l'extérieur et tous les traits de la physiono-
mie sont l'expression que l'esprit se crée par son action
continuelle. Le caractère est le résuKat librement acquis
de la manière d'agir et de penser continuée d'une ma-
nière égale (1). Mais il est impossible de parler d'une
disposition immuable de l'homme pour le mal. Vouloir
par conséquent attribuer le péché et le vice à cette cause
estune erreur manifeste.
D'où provient donc le mal? Les tentatives faites jus- 5. - Le
qu'à présent pour répondre à cette question s'en tenaient vient pas non
plus des cir—
à l'homme, et seulement à l'homme extérieur. Elles se constancesex-
teneures oc- :
ri ~
Comme le résultat a été nul, on se détourne alors com- ch ^;
plètement de l'homme pour aller au monde extérieur.
Et c'est là qu'on a trouvé le sol le plus fertile sur lequel
croissent en abondance les excuses les plus déloyales.
On voit d'abord paraître dans la série des causes qui
doivent produire le péché, la séduction. Ce faux prétexte
est le premier que l'homme ait invoqué. Il est aussi le
plus ancien de tous. Adam
Eve ont déjà voulu s'en
et
servir pour voiler leur faute. Cependant il contient un
peu de vérité, et c'est pourquoi nous pouvons, jusqu'à
un certain point, l'appeler pardonnable. Il est bien vrai,
comme dit le proverbe, que l'occasion fait le larron. Elle
fait des criminels encore pires. Le Spartiate Glaucus
était vanté dans tous les pays à cause de sa probité.
Mais lorsqu'on lui eut apporté d'au delà des mers de
l'argent en dépôt, sa réputation universelle devint alors
un piège pour sa probité. Lui non plus, il n'échappa
pointa la tentation de faire des détournements et des
faux serments, et peu s'en fallut qu'il n'y succombât (2).
Ne soyons pourtant pas trop dédaigneux dans notre ju-
gement sur lui, car quiconque se connaît sait que l'oc-
casion est à redouter. Mais avec cela, il n'est pas encore
nibles tentations.
Ainsi se trouventappréciés, àleurj uste valeur, ces prin-
cipes par lesquels notre science actuelle promet de vou-
loir améliorer la situation morale du monde (1). Le plus
grand nombre des crimes, dit Bûchner (2) qui, sans le sa-
voir, se fait l'écho d'Averroès, prend, comme on peut le
prouver, sa, source dans l'ignorance. L'homme ignorant
succombe presque infailliblement sous les circonstan-
ces extérieures. Il ne peut se tirer d'affaire que par des
crimes, et c'est ainsi qu'il devient victime de sa situa-
tion. Pour cette raison, les criminels sont des malheu-
reux qui sont plutôt à plaindre, que des hommes dignes
de mépris.
Partant de cette manière de voir, le fameux système
d'Elmira cherche, avant tout, à instruire les criminels
au moyen de lectures, de bibliothèques, de cabinets
d'étude et de somptueuses habitations, au lieu de les
punir, dans la conviction que, dans un laps de temps
très court, ils ne seront plus tentés de faire le mal.
11 est superflu de répondre à ce système, les faits eux-
6 _ Le
C'est pourquoi, il est pareillement inadmissible de
n pr
Sent pas dê
rendre, exclusivement ou principalement, l'éducation et
dcSiation! l'exemple responsables du mal. Avec ces mots, nous
avons mis le pied sur un domaine où la science moderne
déploie un zèle particulier, et se comporte avec un
sentiment souverain d'elle-même. 11 est impossible de
direcombien de fois, et avec quel air victorieux, on nous
oppose les mots de suggestion, de maladie des peuples,
de psychose des masses et autres semblables. Il n'y a
pas de crime qui ne s'explique par l'impossibilité de
(2) Coran, 22, 52 ; 6, 125 ; 13, 27 ; 17, 62. Sprenger, Leben des Moham-
med, II, 306,423. Eremer, Cidturgeschichle des Orients untcr den Kali-
fen, H, 399, 410 sq. Aldak-I-Jalâly. Practlcal philosophy of the Mu-
hammadan people (by Thompson, 1839), 416.
(3) Mœhler, Symbolik, (6) 45.
(4) Becanus, Manualc controvers .
, I. 3, c. 5, q. 3-6. Mœhler, loc. cit.,
50 sq.
LA NÉGATION DU PÉCHÉ 319
duit en nous, le bien elle mal, tandis que nous subissons
son influence inactifs et contraints (1).
fautee?
ne P ouvons P as a U er P ms l° m U es ^ temps que nous
de
r-
-
16).
(3) Job, I, 6, 7. — (4) Apocal., XII, 10.
LA NÉGATION DU PÉCHÉ 321
doute le Seigneur lui posa la même question ! D'où
viens-tu? Et sa réponse fut : J'ai voyagé à travers les
pays habités par les hommes, j'ai traversé les mers, je
me suis élancé jusqu'aux étoiles du firmament. Et le
Seigneur de dire : As-tu trouvé un seul homme qui fût
sans péché ? Non ! fut sans doute sa réponse ; nulle part
je n'en ai trouvé. Mais as-tu trouvé aussi la cause qui
les a fait tomber dans le péché ? Oui, si je dois les croire.
Sous le ciel et sur la terre, dans l'air et dans la mer,
dans les abîmes profonds de y a une multi- l'enfer, il
mation (1). Mais cela n'a servi de rien. Les hommes ont
tenu à la négation de la liberté de la volonté, avec une
opiniâtreté (2) qui leur fait peu d'honneur. Aujourd'hui,
nous sommes allés si loin que même des ouvrages scien-
tifiques sérieux applaudissent quand Ola Hanson expli-
294.
LA NÉGATION DU PÉCHÉ 325
C'estévidemment un fort degré de terreur, quand on
est obligé d'avouer soi-même que la conscience ne veut
pas répondre à la question de savoir si l'on vit dans le
péché, et quand on prie le ciel de l'anéantir plutôt
qu'elle ne dise la vérité. Cependant Madame de Stein est
une femme, et les femmes, dit-on, sont toujours dispo-
sées à la bigoterie. C'est pourquoi on ne peut pas atta-
cher une importance considérable à son témoignage.
Gœthe, son grand Gœthe, est assuré-
C'est bien. Mais
ment au-dessus de ce soupçon Or lui non plus n'échappe
.
(3) Jacobi, Ucber die Lchre des Spinoza, G. W. 1819, IV, 4, 61, 70 sq.
326 MANIÈRE DE PENSER ET D'AGIR DE L'HUMANISME
à dessein ; on la nie par peur et par lâcheté, fuite sem-
blable à celle de l'enfant qui se sauve après avoir lancé
une pierre dans la fenêtre de son père, négation comme
celle de la petite fille que la mère surprend la main dans
le sac aux friandises.
12. - où C'est ainsi, ô homme, que tu peux reconnaître où
i'uomme trou- < .
>lus elle est claire. Leur effroi semble nous crier à tous
HUITIÈME CONFERENCE
uns qui ont des sentiments très bas, s'accordent sur se comprend
* '
le
pas lui-même.
des hommes,
nous savons suffisamment ce qu'il y a
et
dans l'homme, pour considérer comme non sincère qui-
conque le nie.
Pour peindre notre situation réelle, nous n'avons pas
d'autre image que celle d'une traversée orageuse. Bal-
lottés de tous côtés par les vents et les vagues, incapa-
bles de faire un pas sûr et tranquille, craignant d'être
engloutis à chaque instant, c'est ainsi que nous pour-
suivons notre route. Les flancs difvaisseau chancellent
et s'inclinent tantôt à droite, tantôt à gauche, tantôt en
haut, tantôt en bas, comme s'ils avaient conclu traîtreu-
sement une alliance avec les vagues en fureur. Ainsi agit
notre nature sensible avec laquelle nous faisons notre
voyage à travers la vie'. Mais souvent il arrive aussi que
le gouvernail, la volonté, oscille d'une façon qui donne
singulièrement à réfléchir, et fait mine de refuser son
service. Même l'intelligence, notre boussole, se détraque
quelquefois.
C
Une triple corruption s'est introduite en nous par le ^
r u pti de"
rmtell, &ence -
(1) Jean du Plan Carpin ,Voy âge en Tartarie, art. 3. Wuttke, Gesch.
des Heidenthums, I, 222.
(2) Peschel, Vœlkerkunde (1, Aufl. 1874), 435.
(3) Wuttke, foc. cit., I, 164.
1
vérité.
Oui, la volonté est tombée très bas, et s'est terrible-
ment détériorée. Quel abîmes'ouvre devant nous, quand
nous voyons les Césars romains Néron, le meurtrier de !
a péché!
parle.
Si, pour ce motif, on doit s'imposer la plus grande
réserve à ce sujet, il faut le faire encore davantage à
cause de ceux qui, malheureusement, semblent avoir dé-
sappris à rougir de ces mouvements. Rien ne leur cause
un plus grand plaisir que d'entendre parler de cette
honte de notre génération. Leur esprit s'en occupe avec
une joie particulière. Leur cœur bat plus fort dès qu'on
leur rappelle cette pensée, comme quelqu'un qui, après
une longue absence, met de nouveau le pied sur le sol
inoubliable de la patrie. Tandis que les plus nobles par-
mi les hommes se plaignent de cet aiguillon de la chair,
de l'aiguillon du plaisir, qu'ils le signalent comme la
plus grande corruption de la jeunesse, comme le dan-
ger constant de l'âge mûr, comme la ruine du cœur,
comme l'ennemi delà raison (1), et disent de se tenir en
garde contre ce harpon avec lequel le vice saisit même
les meilleurs et les plus forts (2), un autre ne craint pas
de dire, -
— et il ne fait point partie des esprits les plus
bas, tant s'en faut, — moi, je préfère le plaisir à toute
autre chose. D'ailleurs, une compensation sura-
il est
bondante à la mort, aux blessures, au travail, et aux
infortunes sans nombre (3).
Si un philosophe relativement sérieux parle ainsi, il
ici.
* n >t
Ce n est pas
i'u
1 homme
•
i«.
qui exploite
va £ e
''homme
etmumanité.
« Je suis »
<c L'amour condamné par Dieu, »
ehontee. Les
» t *_^ i— " il*i '
(3) Strabo, 4, 4, 6 5, 4. ;
gine du mal.
La sensualité mauvaise elle aussi provient delà même
source que tous nos autres maux. 11 serait dur et injuste
de vouloir accuser quiconque gémit sous le fardeau de
ces luttes pénibles, en disant que ce sont ses propres éga-
rements qui ont produit cette vipère dans son sang. Sans
doute il est certain, et on ne peut assez le faire ressortir,
que souvent, très souvent peut-être, la négligence et la
faute propre augmentent et fortifient la sensualité. Tou-
tefois, son origine vient d'ailleurs. A peine éveillée, la
jeunesse la trouve déjà en elle. Le jeune homme et la
jeune fille n'ont pas besoin de commencer par l'éveil-
ler; elle les prévient; elle déchaîne en eux des tem-
pêtes terribles. En triomphant d'elle, ils ennobliront
et purifieront leur cœur, mais l'issue du combat est
souvent leur ruine. Ce n'est donc pas nous qu'elle at-
tend d'abord ; elle n'a pas besoin de mesure artificielle
pour paraître à la vie ; elle est, comme dit Maxime de
Tyr, si étroitement et durement liée à notre nature,
si
co^ceJSlnMa
sum ^a
P ai> tie sensible de l'homme, c'est la contradic-
(1) J. H. Fichte, Die philos. Lehren von Recht, Staat und Sitte
(Ethik, I), 623.
(2) Charron, De la sagesse, 2, 6.
(3) Jul. Schmidt, Gesch. der franzœs. Lit., (1) II, 381.
(4) Id., II, 587.
(5) Rousseau, Emile, 1. 1 (Œuvres, 1791, X, 72).
GLORIFICATION DE LA SAINE SENSUALITÉ 347
n'en vient pas, et n'est certes pas faite pour mettre un lé-
(3) Sap., IX, 15. Gregor. Magn. Moral. Introd., 5, François de Sa-
,
les, loc. cit. Schram, loc. cit., § 185 Schol, § 306, Schol., 2.
;
(5) Philothée, 2, 2.
350 MANIÈRE DE PENSER ET D'AGIR DE L'HUMANISME
repos obtenu avec peine qui conduise à la récupération
des droits de noblesse que nous avons perdus.
— C'est la gloire de la foi d'avoir réveillé dans les esprits
12.
vrais
naturels
Les
droits
de la
,
c'est nécessaire.
Enfin toute la nature humaine a ses droits garantis.
Notre dette envers de faire prédominer ce que
elle est
Mais c'est trop pour l'homme que deux tâches. Ceux qui
visent à former une partie sensible saine, et à côté une
âme saine, ceux-là se trompent toujours. Et c'est tou-
jours l'esprit qui paie les frais de l'échec.
C'est pourquoi, dans ce cas, l'homme n'a d'autre pers-
pective de voir guérir sa sensualité, que s'il la soumet à
l'esprit, comme il soumet cet esprit à Dieu lui-même.
Les sens ne se seraient pas révoltés contre l'esprit, si ce-
4.— Corn-
La tâche que nous avons devant nous nécessite que bien n est dï£
6
parfois nous traitions et nous nommions par leur nom cher à cUS-
. , .
l o ' a* i , . nés questions
des choses qui peuvent taire naître des scrupules chez en public.
(1) Gœthe, Zweiter rœm. Aufenthalt {G. W. 1829, XXIX, 327 sq.).
(2) Martial, 11, 67.
358 MANIÈRE DE PENSER ET D'AGIR DE L'HUMANISME
les enfants d'après nous. Nous devons faire attention
que la jeunesse regarde avec ses yeux et nous avec les
nôtres. Alors nouscomprendrons plus facilement que de
grands malheurs se soient souvent produits là où nous
n'avions rien remarqué de séduisant.
Enfin, la mollesse de la vie extérieure dans laquelle
on élève la jeunesse, et l'excès des soins qu'on lui pro-
digue, complètent le tout, et c'est ainsi qu'on voit bien-
tôt s'accomplir la parole du poète :
de parier,
c est coopérer
un sermon de carême, un prédicateur soulève délicate-
7 L
au rmi.
ment le voile qui recouvre cette pourriture, ils défendent
à leurs filles d'assister aux conférences suivantes, pour
que leur attention ne soit pas attirée sur de telles choses.
Quant au confessionnal, elles s'en éloignent également
dans la crainte de pouvoir y perdre leur innocence an-
gélique.
Il y a des gens qui semblent convaincus que saint Fran-
çois de Sales manque souvent de délicatesse, et est beau-
coup trop libre dans ses écrits. Il y a quelques années,
dans une ville épiscopale d'Autriche, une mère voulait
faire interdire un livre destiné aux écoles où l'on ensei-
gne le latin, parce que la censure ecclésiastique n'avait
pas supprimé les paroles de l'Ecriture «Voilà que tu :
(1) Konrad von Wùrzburg, Goldene Schmiede, 1154 sq., 1176 sq.,
1218 sq.
360 MANIÈRE DE PENSER ET D'AGIR DE L HUMANISME
le dommage qu'elle a éprouvé Ta rendue clairvoyante,
elle se lamente amèrement ! Oh ! si quelqu'un m'avait
avertie à temps ! dit-elle. Mais ne savais-tu donc pas
mon enfant que c'était mal, très mal ? Sans doute j'ai — ,
faut que les méchants aient peur et que les bons soient
avertis, sans que cependant les gens inexpérimentés en
subissent du dommage.
Sans doute c'est plus facile à dire qu'à faire, et sur-
tout à faire de telle façon que personne n'y trouve rien
à redire (1).
Celui qui est d'un avis contraire pensera ce qu'il vou-
dra. Nous ne l'attaquons pas pour cette raison. Puisse-
t-il seulement considérer, bon de juger notre
s'il croit
principe, qu'avant d'exprimer notre opinion, nous avons
pesé, dans la mesure de nos forces, et notre responsa-
bilité, et nos obligations, et les dangers qui pouvaient
en résulter.
Ce qui serait préférable, c'est que toute discussion
fût supprimée. Mais tant que notre jeunesse engloutira
d'innombrables classiques, romans ou voyages alle-
mands nous considérerons non seulement
et étrangers,
utile, mais indispensable un langage noble, clair et li-
bre à ce sujet.
Au poison, le contre-poison est indispensable ; seule-
ment il faut qu'il soit donné par un médecin expérimenté
et prudent.
Puissent les parents et les éducateurs, arrêter l'effica-
citédu poison puissent-ils apporter tous leurs soins
;
(1) Jungmann, Théorie der geistl. Beredsamkeit, II, 831 sq., 916 sq.
362 MANIÈRE DE PENSER ET D'AGIR DE L'HUMANISME
ne saurait assez mettre en garde contre la corruption
que le plaisir sensuel ne cause nulle part plus facilement
que où une formation trompeuse et un faux sentiment
là
NEUVIÈME CONFÉRENCE
est Les faiblesses humaines sont des fautes, mais des fautes lé-
:
gères, pardonnables. —
3. Chaque faute est une violation de la
vraie humanité et un chemin qui mène à l'inhumanité. 4. Preuve —
tirée de la vie publique et de la politique. —
5. Preuve tirée de la
4 L
La vraie justice est toujours conciliante. Une fausse me e7t faib!ë
aux
sainteté se trahit volontiers par une dureté excessive (1). tuief™
La doctrine chrétienne n'est pas aussi impitoyable
qu'on le lui reproche si souvent. Ce furent des hommes
tout autres que les docteurs du christianisme pur, qui
imaginèrent l'affirmation aussi absurde qu'inhumaine
qu'il n'y a pas de différence entre les fautes, que toutes
sont également graves et également punissables. 11 ne
nous vient pas à l'esprit de rejeter ou de condamner im-
médiatement le pauvre pécheur à cause du premier pé-
ché venu. D'accord avec la raison et avec la révélation
chrétienne, nous reconnaissons qu'il y a beaucoup de pé-
chés, que la plupart appartiennent même à lacatégoriede
ceux qjii sont moins graves et méritent plus facilement
le pardon. Très souvent, mais pas toujours, cela —
nous est impossible avec la meilleure bonne volonté, —
il que quelqu'un dise « Je suis homme, et rien
suffit :
3. — Cha-
D'ailleurs, une chose qui surprend. Quoique
est
i Vif j
il
,, -il i>«i .,
1 expression la plus douce qu il soit possible de trouver,
. , -,
de
chemi
1
ia vraie
humanité et
JJ J1
'
blesse humaine.
Ceci nous donne la preuve la plus claire, d'abord que
l'homme n'est pas ce qu'il doit être, puisque même la
plus petite faute est une violation de notre devoir, une
lacune dans ce que comportent nos forces, une déviation
de la perfection qui nous est imposée.
Nous avons beau vouloir atténuer le péché en nous
servant du petit mot faiblesse humaine. En disant que
:
(1) Quintilian., \, 6.
(2) August., Lib. arbitr., 3, 13, 38; Civ. Dei, 12, 1, 3; 14, 11, 1.
Damasc, Orth. fid., 2, 4, 30; 4, 20. Thom., 1, 2, 9, 71, a. 2.
TRANSFORMATION DES FAIBLESSES HUMAINES 367
met sur la voie qui conduit à l'inhumanité, en d'autres
termes, qu'il y a dans chaque péché une violation de la
véritable humanité, violation qui peut, en progressant,
aller facilement jusqu'à sa destruction.
Sijamais une vérité est bien propre à nous remplir
de dégoût et de frayeur pour le péché, et si jamais quel-
que chose peut nous montrer quelle fausse route l'huma-
nisme a prise, en se figurant que l'éloignement de la loi
humaines de la com-
blesses humaines, et les faiblesses
munauté sont tout aussi bien des fautes que celles des
individus. Ceux qui veulent arriver à posséder de la
gloire; des charges, de l'influence et de l'argent, ne se
font pas scrupule d'exploiter les côtés faibles de leurs
peuples, pourvu qu'eux personnellement en tirent avan-
tage. Mais ils ne considèrent pas quel malheurpeut résul-
ter quand les passions de la grande foule sont excitées,
et, pour cela, il n'est pas même besoin de passions qui
en elles-mêmes sont déjà formidables et dangereuses,
comme l'est par exemple l'orgueil national exclusif,
mais même des inclinations qui, par elles-mêmes, sont
assez inoffensives, peuvent causer un dommage consi-
dérable au grand tout.
Pour un exemple, qu'y a-t-il de plus nuisible que
citer
la faiblesse humaine du sentiment national, du nombre
infini de formules de politesse et de titres des bons Al-
e
lemands? Nous rions avec raison de ce qu'au XVII et
au XVIII e siècle, à l'époque où la science des titres for-
mait une partie importante de l'éducation de tout hom-
me instruit, on prenait au sérieux de donner à quel-
qu'un le nom de Euer Liebden, Deiner Liebden, Dero
Liebden [votre dilection) (I). Mais quand, dans les diètes
et les négociations de paix, les représentants des états
de l'Empire allemand dissipent le temps le plus pré-
cieux, en discussions acharnées sur ces questions ;
blesses humaines. Mais ce qui est par trop fort, c'est que
le ducde Holstein-Gottorpne donne pas de signature pen-
dant huit années consécutives, et refuse par conséquent
à ses sujets toute place vacante, toute sentence juridique,
la moitié de l'administration et tout ce qui concerne la
justice, jusqu'à ce que cette stupidité ait été arrangée
par un traité formel en 1710 (2). Ici, sans aucun doute,
la faiblessehumaine s'est transformée en une criante
violation du devoir, et si nous sommes seulement tant
soit peu pénétrés de la dignité du prince et de sa tâche
sublime, nous avons alors le droit de demander, s'il y a
un châtiment assez grand pour une telle profanation de
la majesté, pour une telle négligence de la plus haute
charge.
5.- preuve Pourtant, il n'est pas
*
nécessaire que
*
nous allions
tirée de la vie , ,
- '
des individus.
(j ans \e domaine de la politique si nous voulons voir
jusqu'à quelle excroissance une passion négligée peut
conduire. Nous pouvons atteindre ce but plus facile-
ment, et aussi plus utilement pour notre enseignement,
en descendant dans notre propre intérieur. Chacun peut
y observer facilement ce que l'homme peut faire par
faiblesse humaine.
Parmi humaines, nous comptons la pré-
les faiblesses
comprendre
l'histoire, ne sont pas si difficiles à comprendre que nous
ouàêgaier.
j e crovons parfois. La distance de la faiblesse à l'inhu-
manité est souvent très petite. Pour jeter un pont sur
cet abîme immense en apparence, on n'a qu'à excuser la
soi-disant faiblesse humaine, ou à continuer de la culti-
ver comme quelque chose qui est permis, et le pont est
bientôt Dans Marion Delorme, Victor Hugo dépeint
fait.
(1) OEttingen, loc. cit., (1) 467 sq. Marx, Kapilal, (3)1, 361.
(2) G. Sand, Lelia, 27.
(3) Victor Hugo, Marion Delorme, 1, 3.
TRANSFORMATION DES FAIBLESSES HUMAINES 377
Mais que parlons-nous de romans? Est-ce que l'his-
toire ne dépasse pas tous les romans ? Que sont tous ces
héros de roman, vaporeux, invraisemblables en face de
ces physionomies, malheureusement trop réelles, de
Tibère et de Néron, d'Ezzelin da Romano, de Barnabo
Visconti, de Siegmund Malatesta, de Werner d'Urslin-
gen qui avait fait graver sur son bouclier d'argent ces pa-
roles : « Ennemi de Dieu, de la compassion et de la pi-
tié »(l),en face de Gilles de Laval (2), des chefs de la gran-
de Révolution, de Marat, de Collot d'Herbois, de Carrier,
d'Hébert et de tant d'autres? Quel poète dramatique se-
rait capable de créer, par l'imagination, un caractère
comme Louis XI, si hypocrite, si astucieux, si traître, si
sans retour.
La pensée d'être obligé de faire partie d'une société
qui n'aurait pas la force de rejeter de tels monstres de
son sein, nous mettrait dans la même disposition d'es-
prit queLaocoon, ou que les fugitifs dans la caverne des
serpents, ce récit de Bernardin de Saint-Pierre que
nous connaissons tous.
Toutefois, l'humanité n'a pas même besoin de les
chasser de son sein. Ils se séparent bien d'elle eux-mê-
mes. Ceci se produit d'après la même loi psychologique
que celle que suivait Tibère lorsqu'il se rendait volon-
tairement invisible, et se séparait aussi physiquement
de ses concitoyens dont il s'était déjà séparé morale-
ment. Ils ne trouvent plus que les autres leur ressem-
blent. Ils sentent eux-mêmes qu'ils ne sont plus des
hommes comme les autres, des ebenmenschen pour nous
380 MANIÈRE DE PENSER ET D'AGIR DE L'HUMANISME
servir de cette excellente expression du moyen âge.
C'est pourquoi la séparation se fait d'elle-même. Sou-
vent, sans doute, c'est par la force qu'il faut mettre fin
Il est son enfer à lui, car il est lui-même son endroit (2).
« Ce que j'ai fait est fait. Je porte en moi »
« Un tourment qui ne peut plus s'accroître. »
« L'esprit qui est immortel se récompense lui-même »
l'évite.
poète :
tion, il lui est égal (4). Quand une fois il est parvenu à la
vérité et à lavertu, il est sûr de les posséder tou-
jours (5). Mais celui qui ne possède pas une vertu est
exclu du nombre des sages
un insensé, un fou (6).
: c'est
Le sage peut faire tout ce qu'il veut pour lui les crimes ;
2, 19.
(6) Cicero, TuscuL, 3, 5.
(7) Plutarch., Stoic. rep., 22, 1. Diog. Laert., 7, 188.
,
(1) Diogen. Laert., 7, 120. Cyprian., Ep., 55, 13 (52, 10). August.,
Mendac, 15, 31.
(2) Diogen, Laert., 7, 121.
(3) Langen, Judenthum in Palœstina, 375.
(4) Weil, Gesch: der islamitischen Vœlker, 33.
,
mor-
es
(1) Buckle, Gesch. der Civilisation, (Ruge (5), II, 374 sq.
(2) Dixon, dans Buckle, II, 382.
(3) Salmantic, Tr. 13 depecc. disp., 19, d.2. Gotti,De peccato, q. 3,
d. 3, § 2 (Bononiae, 1870,VIII, 61 sq.). (2) Thomas 1, 2, q. 88, a. 4, 2,
d. 24, q. 3, a. 6. De malo, q.7, a. 3.
392 MANIÈRE DE PENSER ET D'AGIR DE L'HUMANISME
dans la cataracte, il y a la cataracte grise et la cataracte
noire. La différence essentielle entre les deux est que,
dans la première, il n'y a que la lentille cristalline qui
soit troublée ou changée, tandis que dans la seconde, la
vue.
Il en est de même
dans notre question. Le péché vé-
niel ne rompt pas l'union avec Dieu, la source de la lu-
mière, mais met seulement un obstacle extérieur à
il
soit chose mortelle. C'est ainsi que, dans bien des cas,
les péchés véniels seront une marque indéniable, que
l'âme se trouve dans un état qui est sa mort, ou qui la
conduira directement à la mort. Celui qui avale les pé-
TRANSFORMATION DES FAIBLESSES HUMAINES 393
chés comme l'eau, sans y atlacher d'importance, prouve
précisément par là que s'il n'est pas mort, il est tout
près de la mort. Néanmoins ce ne sont pas les petits pé-
chés isolés qu'il entasse les uns sur les autres avec légè-
reté et indifférence qui le tuent, mais c'est l'intention
d'où provient cet audacieux mépris du péché.
Autant ceci est clair, autant il est difficile de détermi- 3 ~ Lana
' , ;
ture des pé-
c v n
ner en quoi se trouve la différence entre les deux espèces e ^ es ^ jJ
c s
mortels
de péchés et ce qui compose leur nature (1). Saint Au-
gustin avoue que, malgré toute l'application qu'il y avait
mise, il ne pouvait résoudre entièrement la question. Il
u
combien profondément le péché s'est enraciné dans la J t IvoucSue
moms
nature humaine, puisque nous nous plaignons de tout,
'
excepté de lui.
hOTrlbiê!
plus
nous devrions comprendre que toute misère, tout trou-
ble, tout ce que le monde présente d'effrayant, est peu
de chose, même n'est rien comparativement au désor-
dre et à l'horreur du péché.
Nous sentons parfaitement que nous prononçons une
parole forte, car nous savons quelles misères et quels
désordres remplissent cette terre. Mais nous la disons
néanmoins en toute confiance. Si le péché n'existait
pas, tous les maux seraient faciles à supporter, ou plu-
tôt, dans ce cas, il n'y aurait point de maux. Le péché
fait de la douleur un tourment, de la souffrance un mal,
et fait même du bonheur la source du malheur et de la
ruine.
Le plus grand mal, le vrai mal, l'unique mal, c'est le
péché. Le péché est tout ce que l'on peut imaginer de
(1) Plato, GorgiaSy 24, p. 468, d. sq. Chrysost., Ps., 48, n. 3; Ps.,
139, n. d. August., Ps., 45, n. 3.
LE PÉCHÉ COMME DROIT 403
trineàe îHu-
apprécier l'Humanisme dans sa véritable nature, tel qu'il
a S
pé C hé est une
ose se dévoiler aujourd'hui ouvertement à la face du
maineVngigQ^ monde entier. Une nous ouvre guère d'autre issue pour
contempler son intérieur, que les manières de voir qu'il
professe sur le péché. Les anciens comprenaient peu le
mystère du mal, c'est vrai, mais ils avaient cependant
du dégoût pour lui. Les modernes eux n'hésitent pas à
le justifier et même aie déifier. Loin d'admettre la con-
ception sérieuse de la vie de l'antiquité comme un op-
probre infamant, ils la regardent avec pitié, parce qu'elle
nécessité de che.
nature, par .
îewen forme
une seule et
morale plus grandes que le christianisme ne peut le même chose
.
faire; si,
. .
disons-nous, l'esprit de
.
la fausse civilisation
.... avec ,e bien-
(1) Byrons, Werke, dentsch von Bœltger (Leipzig 1847), VII, 180.
(2) Rothe, Ethik, (2) III, 48 sq. 51 sq. cf., III, 33 sq. ;
412 MANIÈRE DE PENSER ET D'AGIR DE L'HUMANISME
rien autre chose dans le mal qu'une étape pour arriver
au bien créé (1). Vatke, Sigwart (2) et Bastian (3), sont
encore plus audacieux. Ils vont si loin qu'ils disent sans
pudeur qu'une vertu qui n'a jamais péché est tout au
plus capable de bien, mais qu'elle n'est pas une vertu
véritable et proprement dite. Ce n'est que par le péché
de fait que l'acte humain devient réellement vertu. Or,
si la voie qui conduit au bien est la condition delà ver-
q
lù
bienest q u eï-
que chose de
- Le
plus beau et
la profondeur
1
est incommensurable. Quand quelqu un de p 1us s
.
v
, blime que le
bien
s'y est une fois engagé, et ne revient pas à temps sur -
(1) Hegel, Philosophie der Religion (G. W. XII, 265 sq.). Cf. Jul.
Miiller, Lehre von der Sùnde, (6) I, 539.
(2) 1 Petr., III, 4.
27
418 MANIÈRE DE PENSER ET D'AGIR DE. L'HUMANISME
rire général accueillait le vertueux Moessard. Il fut obli-
sous le sceptre de M
me
de Maintenon, la scène osait
prêcher une telle morale, nous pouvons alors facilement
conjecturer ce à quoi il faut nous attendre aujourd'hui
que tous les égards extérieurs sont supprimés. Lady
Stanhope ne craint pas d'avouer qu'elle trouve tout na-
turel qu'Eve ait préféré l'ange déchu à son Adam que la
vertu rendait ennuyeux. On comprend que Puckler-
Muskauait trouvé cette plaisanterie très bien réussie (2).
Mais pour une dame, c'est quelque peu inconvenant. Ce
même Pùckler croit qu'au lieu de péché héréditaire, il
faudrait dire noblesse héréditaire, puisque c'est parle
péché, cette école de la science et de l'expérience, que
nous avons passé du pire au mieux (3). Même un hom-
me que des gouvernements allemands avaient chargé
au prix de sommes d'argent considérables, de former
des jeunes gens au rôle de prédicateurs et de pasteurs,
le professeur Daub, croyait pouvoir faire digérer l'herbe
fade de ses spéculations rationalistes, en l'assaisonnant
avec l'huile de paroles spirituelles aussi grossières que
blasphématoires. Tant qu'Eve vécut dans l'innocence
paradisiaque, écrit-il, elle n'était pas plus qu'un animal
qui put avoir des éclairs de raison et d'intelligence.
C'est seulement parle péché qu'elle a fait partie de l'hu-
manité, et que nous, ses enfants, nous sommes arrivés
à une existence digne de l'homme. C'est à son péché
seul que nous devons de ne pas vivre aujourd'hui dans
le Paradis comme des moutons dans un parc (4). Notre
« Il remplit en secret »
« Siècle amphibie, »
ONZIÈME CONFÉRENCE
, ,,
tiquité, dans le. Nous ri avons qu a examiner leur vie pour nous en
sa grandeur et .
et tant d'autres !
16
humains en apparence, mais trop humains en réalité. p&hé^t ™
ïîrtp dfi °*6nip
que les grands. Ensuite, elle plaît encore mieux à l'or- ÏT'pnuquef
gueil de l'homme qu'à sa sensualité et à son penchant
vers l'affranchissement de toute loi. Enfin elle est très
facile à comprendre, et, ce qui sans doute prouve son
influence, elle est très facile à pratiquer dans la vie.
Ce qui fait ordinairement la force d'une erreur, c'est
son rapport avec la pratique. Plus un principe de liberté
d'esprit fournit de bases sur lesquelles on peut établir
1) Vol. I, 3, 4.
434 manière dp: penser et d'agir de l'humanisme
une vie libre, ou plus il condense d'une façon déter-
minée et saisissable la vie libre dans une phrase facile
enfants, une autre pour les adultes, une autre pour les
personnes de qualité, une autre pour les personnes de
basse condition, une autre pour les artistes, une autre
pour les novices dans l'art, une autre pour les lettrés,
et une autre tout à fait différente pour les ignorants. Ce
qu'ils n'auraient jamais permis à l'homme ordinaire, et
le peut.
jeté dans la boue, car ils sont trop élevés pour que le
mal puisse leur porter préjudice en quoi que ce soit (4).
chte der philosoph. Moral der Englœnder und Franzosen, 182 sq., Ibid.,
Charron, 197.
(2) Schiller, Ueber das Pathetische, (Stuttgart 1836), XI, 502, 508.
438 MANIÈRE DE PENSER ET D'AGIR DE L'HUMANISME
et- la pratique, la connaissance et l'action, peut être un
brave homme, selon l'avis de Schopenhauer, et- un vrai
chrétien, mais il n'est pas philosophe, et il ne le devien-
dra jamais. Qu'il laisse donc nos philosophes en paix (1).
Ainsi se trouve préparée l'acceptation du mot d'ordre
et de la parole régénératrice de l'esprit moderne. Quand
il s'agit d'histoire, il importe toujours que celle-ci soit
trouvée. Depuis des siècles, monde
pour réaliser
le lutte
une pensée, mais c'est en vain. Cette pensée est dans
tous les esprits elle est sur toutes les lèvres mais elle
; ;
t ri ^
philosophie, de l'éthique, de la vie, et la reli-
(1), V, 621.
(2) Erdmann, Geschichte der neuern Philosophie, III, 1, 695 sq. Ger-
vinus, Deustche Dichtung (4), V, 533. Rud. Gottschall, Deutsche Nalio-
nalliteratur (2), I, 177.
LE PÉCHÉ COMME GÉN1AL1TÉ 443
ner, celui qui a frayé la voie à Nietzsche. Son livre « Der
Einzige und sein Eigenthnm une pièce excessive-
» est
(1) Max Stirner, Der Einzige und sein Eigenthum, 284, 474 sq.
478.
(2) Ibid., 478.
(3) Jul.Schmidt, Gesch. des geist. Leben in DeutschL, II, 160.
(4) Gœthe, Leben, 19. Buch. (Werke Stuttgart, 1855, XXII, 376 sq.).
LE PÉCHÉ COMME GÉN1AL1TÉ 445
pour la rendre, que les paroles adressées par Schiller à
(1) Garlyle, Héros et culte pour les héros, 302 sq., 319 sq., 362 sq.
LE PÉCHÉ COMME GÉNIAL1TÉ 447
n'étais pas capable de dire trois mots de suite sans me
tromper, mais maintenant que le maître m'a transformé,
etque je vis dans le commerce des pensées subtiles,
des raisonnements et des méditations, je compte prou-
ver que j'ai bien fait de battre mon père » (1).
ŒILLADES A LA MORT.
une preuve . , .
de la misère
Mort. La moisson que 1 ange de la mort y fait est très
humaine. *. ° J
qui s'impose à moi. Parmi tous ceux qui sont ici, oui,
parmi tous ceux qui vivent sur la terre, il n'est per-
sonne qui soit assez heureux pour qu'il ne lui vienne
pas plus d'une fois à l'esprit le désir de voir abréger
cette vie si courte. Oui, lemalheur et la maladie trou-
blent tellement notre existence que la vie, quelque courte
qu'elle soit, nous semble trop longue. C'est pourquoi,
puisque la vie nous est devenue à charge, nous appe-
lons la mort et nous accusons Dieu, comme s'il nous
avait fait du mal en ne voulant pas nous faire goûter
les douceurs du monde. Tu as raison répondit Xerxès.
Mais laissons de côté ce de conversation, des
triste sujet
3— i* dé-
Comme le un vieux proverbe souvent répété, le
dit
C
porene °de" monde est un hôpital. Dans les corridors, dans les salles
sïuTdS^e- d'un hospice d'Incurables, nous rencontrons la plupart
du temps des estropiés et des formes humaines qui ins-
pirent la pitié, rarement des êtres en qui on n'aperçoive
pas les signes avant-coureurs d'une mort lente. Si nous
parcourons les rues et les places de notre patrie com-
mune, nous emporterons l'impression que les maladies
de langueur et l'étiolement sont presque devenus nature
et règle générale.
Ceci est allé si loin que, dans le temps, on considérait
Ser, soïu
Uitfc du
péché
ven t ^ ou t aussi bien manquer de charité que de vérité.
Le cœur humain dont les vues sont courtes et qui prend
plaisir à blâmer, est toujours prêt à faire dériver cha-
que malheur directement d'un péché personnel. Oncon-
. fond ainsi la faute commune de la race et celle de l'in-
(\) Wutlke, Gesck. des Heidenthums, II, 47, 56, 124, 181.
(2) Joan., IX, 2. Luc, XIII, 2.
ŒILLADES A LA MORT 459
la faute et le mal. Du temps de Pombal, il était dange-
reux pour la vie des individus, parce que c'était dan-
gereux pour l'Etat, de considérer un malheur comme
une épreuve venant de Dieu, la destruction de Lisbonne
par exemple, comme une punition du Très-Haut. Au-
jourd'hui quelqu'un n'est pas passible de prison pour le
même délit, c'est vrai, mais il s'attire l'anathème et le
bannissement de la part de nos savants et le reproche
de grossièreté de la part de tous les journalistes, lors-
(1) Sap., I, 13. — (2) Rom., VI, 23, Gen., II, 17 ; III, 19.
460 MANIÈRE DE PENSER ET d'aGIR DE L'HUMANISME
péché. Milton a dépeint ceci avec une brièveté, une force
etune vérité admirables. Le péché est seulement en train
de naître que déjà le monstre aux mains décharnées, la
mort, qui veille.àla porte de l'enfer, l'a aperçu. A la
vue de son père, elle dilate ses narines et flaire de loin
un souffle pestilentiel. Il lui semble que la décomposi-
tion s'accomplisse déjà : « Déjà je respire une forte
odeur de carnage, proie immense ! Je sens le goût de
mort de toutes les créatures qui vivent là. Je ne man-
querai pas à l'ouvrage que tu te proposes : j'en veux
partager l'honneur avec toi. — En parlant de la sorte le
spectre décharné huma avec délices parfum du mor-
le
violation
1 ordre moral
de de la vie Nous accusons Dieu, Adam, l'humanité Mais
!
7 7
!
du monde,
n'est-ce pas le signe d'une situation mauvaise, que de
se lamenter sans cesse des maux extérieurs dont nous
souffrons, et de ne pas même reconnaître ceux de l'âme
qui en sont la cause? Pourquoi ne pas vouloir avouer
que jamais une affliction ne nous atteint sans que nous
en soyons nous-mêmes la cause?
(1) Augustin., Civ. Dei, tl, 22. Estius, Comment. in Lib. Sentent., 2,
d. 15, § 4. Cornel. a Lap., In Sap., I, 44.
,
péché est la mort. Parce qu'il est une révolte contre l'au-
teur de la nature, il est la destruction de la nature. Or,
rien n'est plus naturel que celui-là meure qui s'est sé-
(1) Propert., 2, 1, 71 ; 13, 17; 15, 24, 54; 24, 34; 3, 1, 37.
(2) Id., 1, 19, 1. — (3) Haym, Die r ornant ische Schule, 338.
464 MANIÈRE DE PENSER ET D'AGIR DE L'HUMANISME
la maladie et la mort parmi ses plaisirs (1), voilà qui est
trop fort. Ce n'est plus affaire de goût, mais c'est une
philosophie consciente de la mort. Ceci veut dire ensei-
gner à l'humanité à trouver du plaisir dans ce qui est
contre nature. Ceci suppose des vues secrètes auxquel-
les on adresserait plutôt le reproche de folie que d'ex-
cès de sincérité.
Nous connaissons cette arrière-pensée qu'on ne veut
pas exprimer. Elle n'est pas autre chose que l'effort fait
Grèce »
même.
comme en se jouant, et en faisant d'elle un objet d'a-
musement, voilà ce qui, sans aucun doute n'a pas be-
soin de longues preuves, caria raison humaine ne s'y
trompe pas.
Sénèque lui-même, qui pourtant n'est pas avare de
déclamations stoïques sur la mort, dit ces paroles : « Je
crois qu'il n'y a rien de plus honteux que de souhaiter
(1) Glassenius, Theologia gentilis, 1, 10 (Gronovius, Antiquitat
grœ., VII, 40-43).
(2) Jul. Schmidt, Gesch. des geistig. Lebcns in Deutschland von Leib-
nitz bis Lessing (1861-1871), II, 362.
(3) Zolling, lieise um die Pariser Welt, II, 16! sq.
30
466 MANIÈRE DE PENSER ET d'aGIR DE L'HUMANISME
la mort. J'ai lu dernièrement un livre d'un homme fon-
cièrement savant, lequel commence par cette absurdité :
(1) Anthologia Palatina, 7, 217-223, 345, 348, 349, 398, 408, 448,
449, 454-457,28-30, 32, 33, 56, 325, 607, 706.
(2) Wuttke, Geschichte des Heidenthums, 1, 465. Andrée, Forschungs-
reisen in Africa, II, 379.
468 MANIÈRE DE PENSER ET D'AGIR DE L'HUMANISME
les lèvres, comme Pétrone, le fameux maître d'orgies
de Néron (1).
Un tel mépris de la mort n'est ni plus ni moins qu'un
manque de jugement relativement au mal, ou une in-
sensibilité d'esprit. 11 n'y a qu'une nature malsaine qui,
portant un germe mortel dans son cœur, puisse trouver
la vie intolérable, et traiter ainsi la question de la mort.
En faire un sujet de gloire pour le paganisme, et rougir
d'être incapables d'une telle indifférence, voilà ce que
nous abandonnons à d'autres. Avec saint Augustin,
nous considérons comme un privilège d'éprouver l'a-
mertumeet la punition delà mort, non seulement comme
les autres, mais de les comprendre aussi (2).
rible qui soit (2), dont le nom seul est déjà difficile à
supporter (3), dont le souvenir inspire l'horreur (4).
mort.
C'est pourquoi toutes les considérations et toutes les
déclamations contre cetteTaiblesse n'aboutissent à rien.
Les philosophes ont fait tous leurs efforts pour faire ac-
cepter à l'humanité la mort comme quelque chose de
naturel. Ils n'ont épargné ni la raillerie, ni les bons
mots, ni l'érudition pour arracher à la mort son aiguil-
lon. Cependant ils ont perdu leur temps. Un très petit
nombre parmi eux, se fiant à leur parole, ont peut-être
cherché à s'acquérir une triste gloire en se vantant de
leur mépris pour la mort, tant qu'ils la croyaient éloi-
gnée, et se sont fait admirer pardes hommes faibles com-
me des esprits forts. Mais même pour les plus auda-
cieux, arrive l'heure où la moquerie se tait, alors ces
esprits forts devenaient plus faibles que des enfants. De-
puis TullusHostilius(9),Bion l'athée (10),etCarnéade le
« Cependant je me dégoûtai »
« Tout à coup du Christianisme. »
« Vous m'en contiez un peu trop »
« Avec votre souffrance chrétienne » ;
(1) Plato, Phœdo, 12, p. 67, d. Gicero, Tascul, 1, 30, 74. Seneca,
Brevit. vitae, 7, 1 ; Ep., 26, 8 30, 3. ;
ou contre nature ?
relativement à
n
qu un enfant innocent est comparable au bouton d une
iii la m0rU
gnes.
Or, si cette idée de la mort et autres semblables sont
(1) Sap., I, —
(2) Sap.,II, 23.
13, Tob., III, 32.
(3) Baius, Propos, damn., 78 (Denzinger, Enchirld., 958).
(4) Thomas, i, q. 97, a.l ; q. 102, a. 4.
"
péché (1).
Ceci nous fait comprendre l'amertume de la mort.
Ce n'est pas la mort comme événement naturel qui la
rend pénible, mais la conscience d'être privé, par pu-
nition, de l'immortalité accordée par grâce. Voilà ce
que signifiaientces paroles : l'aiguillon delà mort c'est le
péché (2).
siamère pour l'homme, se trouve donc dans son carac- dl u mort n*l
31
482 MANIÈRE DE PENSER ET D'AGIR DE L'HUMANISME
fume de la mort moins s'expliquer cette
qu'ils savaient
chose obscure. Rien ne peut être moins vrai que cette
invention prétendant que les anciens, au lieu de redou-
ter la mort, l'avaient plutôt aimée et caressée.
Nous laissons de côté ici ces prédicateurs d'une mo-
rale légère qui semoquent de la mort ou jouent avec
elle, afin de se donner du cœur pour jouir de la vie,
(1) Seneca, Ep., 24, 18. Petron., Sat., 34. Lucian., 10, 25, 2; 28, 1 ;
11, 15.
(2) Mùller-Deeke, Etrusker, II, 103, 109 sq.
(3) Horat., Satir., 2, 1, 58.
(4) Seneca, Hercules furens, 2, 555.
est vrai, mais sans honneur (2), sans joie et sans cons-
cience de ce qu'ils font (3),quand même ils échappent
aux tourments terribles réservés aux impies. Ils ne sont
que des ombres (4), des illusions trompeuses (5), des
songes (t>), ou semblables à la fumée qui se dissipe (7) ;
fontun tel bruit que l'on s'enfuit d'effroi (10). Les plus
heureux qui, à cause des grandes actions qu'ils ont ac-
complies sur terre, ont été nommés princes de ce royau-
me, se sentent si délaissés et si désolés, que chacun
d'eux préférerait de beaucoup vivre ici sur terre, comme
un simple paysan, comme serviteur chez un homme
réduit à la dernière pauvreté, que de régner dans ce sé-
jour (11).
Sans doute les anciens païens parlent souvent de la paix
et du repos dans la mort, quand ils sont assaillis par les
douleurs mais on voit quelle valeur il
et l'impatience,
tout est fini parla. Mais quand une fois la mort se pré-
senta, ses fanfaronnades prirent fin, et il chercha à ca-
cher sa peur par une plaisanterie insipide (3).
Aulu-Gelle raconte un autre exemple (4). Un jour il
(1) Kremer, Culturgesch. des Orients unter den Kalifen, II, 352 sq.
(2) Aristot., JRhetor., 2, 5, 1.
(3) Thomas, 2, 2, q. 126, a, 1.
ŒILLADES A LA MORT 495
réfléchisse pas. Il n'y a pas d'expressions pour caracté-
riser de tels hommes. Fou est trop fort. On ne peut que
les appeler insensés, ou vides de toute réflexion et de
tout sentiment (1 ). Ainsi pense Aristote.
y a encore une raison qui explique cette indifférence
Il
sujet, mais par contre nous y avons trouvé la clef qui ™°^SShlî
maniste de la
vie et de la
Aristot., Eth., 3, 7 (10), 7. mort et la
(1)
(2) ^Eschylus, Armor. judic. fragm., 149 (Ahrens, p. 213). Sopho- chréuSSe"
clés, Antigon., 463 sq. (Dindorf).
(3) Sophocl., (Ed. Col., 1217 sq.
(4) Waitz-Gerland, Anthropologie der Naturwœlker, (1872) VI, 608.
496 MANIÈRE DE PENSER ET D'AGIR DE L'HUMANISME
explique la manière de voir humanistique. C'est seule-
ment maintenant que nous voyons combien elle est con-
fuse et contradictoire. Rien n'est si dur, dit-elle, que
d'être obligé de vivre longtemps (1). La mort est le
dernier remède à toutes nos souffrances (2). Il n'y a que
les lâches et les gens qui ne connaissent pas encore la
(1) Greg. Mag., Mor., 7, 18. — (2) Bernard., Laud. nov. mil., 1,1,1.
TABLE DES MATIÈRES
INTRODUCTION 5-37
PREMIÈRE PARTIE
CHANGEMENT DE L'HUMANITÉ EN HUMANISME
PREMIÈRE CONFÉRENCE. — La corruption de la na-
ture humaine 39-66
arabe . —
6. Les romans politiques ineptes depuis la fin du
moyen âge. —
7. L'idylle et la bergerie témoignages contre l'état
de nature. —
8. Les Robinsonnades. —
9. Les sauvages comme
peuples de nature. —
10. Les pèlerinages aux pays des vrais
hommes de nature. —
il. L'état de nature dans le ruisseau. —
42. Le résultat.
Appendice. —
Détails complémentaires relativement
à l'idée de la représentation dans le sacrifice san-
glant et dans le sacerdoce 270-295
DEUXIÈME PARTIE
LA MANIÈRE DE PENSER ET D'AGIR
DE L'HUMANISME
SEPTIÈME CONFÉUENCE. — La négation du péché. 297-327
gères, pardonnables. —
3. Chaque faute est une violation de la
vraie humanité et un chemin qui mène à l'inhumanité. 4. Preuve —
tirée de la vie publique et de la politique. 5. Preuve tirée —
de la
—
si à comprendre ou à égaler.
difficiles —
7. Les pécheurs se sépa-
IV
HUMANITÉ ET HUMANISME
II
R. P. Albert Maria WEISS
de l'ordre des frères-prêcheurs
AU POINT DE VUE
IV
PARIS LYON
83, rue de Rennes, 83 3, avenue de l'Archevêché, 3.
LE CULTE DU DIABLE.
l'humanité. —
2. Le moyen âge et les époques de foi sur la puis-
sance de Satan. —
3. Sorcellerie et magie depuis la victoire de
l'Humanisme. — 4. Le monde comme the'âtre de démons depuis la
Réforme.— Négation de Satan. —
5. La vraie doctrine surl'in-
6.
lluence de l'esprit mauvais. — Jugement sur l'humanité et son
7.
histoire d'après les races régnantes, relativement à une puissance
mauvaise en dehors du monde. — 8.Remplir rôle du diable,
le
dernier degré de dégénérescence de l'Humanisme. — Œuvres
9.
démoniaques et hommes. — 10. Malheur au monde à cause des
scandales.
2 Le
Cependant, on a reproché aussi au Christianisme sa
E en
p
ge
o^ e sde doctrine sur le diable. Cet enseignement, dit-on, a
la
sin-
P uissa nce de
diable Le diable
! Le diable craint précisément ceux
!
exagérée (1).
(9) Konrad von Wûrzburg, Leich 10 (Hagen, II, 311); Ave Maria,
4 (III, 337). Passional, Hahn, 106, 27 ; 343, 71.
(10) Parzifal, 119, 25 (Bartsch, 3, 111). Winsbecke, 40, 11. Marner,
15, 14 (Hagen, II, 250). Hugo vonTrimberg, Rentier, 3210, 5091; Pas-
sional, Hahn, 99, 11.
(11) H. v. Langenstein, Martina, 60, 73 (Keller, 151).
(12) Parzifal, 316, 24 (Bartsch, 6, 1104).
(13) H. v. Langenstein, Martina, 216, 47 (545).
(14) Seifried Helbling, 2, 264.
LE CULTE DU DIABLE 9
« Il est là solidement attaché, »
« Au plus profond de l'abîme infernal, »
« Avec une chaîne autour du cou, »
« Et un anneau dans le nez »
« Qui l'empêchent de se redresser. »
« C'est la force sublime de Dieu »
« Qui empêche le diable «
« De nous causer autant de mal, »
« Et de nous tendre autant de pièges »
« Qu'il voudrait le faire. (1) »
« Si nous avons une foi vigoureuse, »
« Le diable ne peut pas nous nuire » (2).
(1) Hartmann, Vom Glauben, 535 sq. — (2) IbUL, 957 sq.
Hagens, Gesamtabenteuer, III, 387 sq. Gœdeke, Deutsche Dich-
(3)
tung im Mittelaller, 849-851.
(4) Particulièrement Inferno, 21, 22.
4. — Le
Si les choses se passent ainsi, aussi bien dans les
e
£éâ?r ededé!
sphères ^ es pl us basses que dans les sphères les plus
Uis
S°Réforme considérées et les plus distinguées, personne ne doit
s'étonner que la puissance de Satan soit si grande. Néan-
moins, on ne peut jamais admettre qu'on exagère son
influence de telle sorte qu'il semble être la seule puis-
sance spirituelle qui agisse dans le monde. Ceci signi-
fierait livrer le monde à Satan. Mais si l'on considère
la manière de voir des gens depuis la fin du XV e siècle,
il faut avouer que les choses se sont passées ainsi à cette
a plus d'une flèche à son arc (1). D'un côté il joue, comme
on dit, cartes sur table, dans les tables tournantes, le
spiritisme, l'hypnotisme, et dans d'autres tours de pres-
tidigitation magique. D'un autre côté, il est arrivé à faire
que tout le monde jure que l'esprit ténébreux, dont il
développe le culte pour en faire une religion univer-
selle, n'est absolument rien. De cette manière il ne peut
<
ment sur lHu-
manlsn? e el
de voir facilite l'intelligence
o de l'histoire et sauvegarde
o son f
histoire
d»une
il
lois
.
même
. ,
que 1 homme
pouvoir le rem-
in
dehors du
monde.
n'importe pas seul ement qu'il ait des vues justes sur
Dieu et sur le bien qui est dans l'homme, mais il lui
bien » (2).
(1) Ruth, Gesch. der ital. Poésie, I, 583 sq. Kœrting, Gesch. der ital.
Literalur, II, 447 sq.
;
7
«n
mais
•"
tile au bien, veut aussi par jalousie nous rendre les en-
nemis du bien.
Nous avons cependant toujours une consolation,
celle de savoir qu'il ne peut nous approcher de trop près,
Appendice.
foule étonnée qu'il n'y a pas de Dieu. Mais voici que tout
à coup une douleur lancinolente passe à travers une de
ses dents creuses. Ouvrant alors la bouche un peu plus
qu'il ne voudrait, involontairement sur un ton
il s'écrie
mon Dieu !
s est
« .
trans-
religions
ij St es et
dua-
les
(2) Ritter, Erdkunde, IX, 758-762. Spiegel, loc. cit., II, 64 sq. Wetzer
und Weltes Kirchenleœikon, (I) XI, 1214 sq.
(3) Augustin., Mot. ceci, cathol., 1, 10, 16.
(4) Augustin,, loc. cit., 2, 3, 5 ; De vera relig., 9, 16.
(5) August., Continent., 9, 22 Bon. persev., il, 27.
;
LE CULTE DU DIABLE 45
qu'il était possible de
pour alimenter la croyance à
faire
4, 11.
(2) Tertullian., Prsescr., 47. Theodoret, loc. cit., 1, 15.
(3) Augustin., Hœr., 18. — (4) Joan. Damasc, Hœr., 38.
48 MANIÈRE DE PENSER ET d'aGIR DE L HUMANISME
Sodomites et la bande de Coré. C'est pourquoi il n'y a
rien d'incrovable dans les récits concernant les atroci-
cités que les sectes ont exercées. Pendant des siècles y
Londin., 1311 (Mansi, XXV, 425, d, 428, a. 431, c.) Conc. Eborac, ;
jurant qu'il n'y avait pas un mot de vrai dans tous les
crimes qu'on leur imputait, et qui pourtant n'étaient
que trop vrais.
11 donc incontestable que la franc-maçonnerie a
est
de très mauvaises fins, mais ces fins, on ne peut les
prouver suffisamment de manière à empêcher ceux qui
LE CULTE DU DIABLE 55
les connaissent de les traiter de pures inventions. D'ail-
leurs, un seul point nous occupe ici, la question de sa-
voir si, dans les sectes secrètes, ou dans les cercles d'i-
nitiés, on célèbre réellement le culte de Satan ou non.
Ily en a qui l'affirment de la manière la plus catégo-
rique. Le Dieu de la franc-maçonnerie, disent-ils, le
grand architecte de l'univers n'est pas autre que Sa-
tan (1). D'après leurs explications, Adonaï le Dieu de
l'Ecriture Sainte est le même qu'Ahriman chez les Per-
ses, Typhon chez les Egyptiens, le dieu du mal (2), le
(3) Taxil, Les frères trois-points, II, 243. — (4) Ibid.; II, 246.
(5) Ibid., II, 237 ; Les sœurs maçonnes, 324.
(6) Taxil, Frères, 11, 255. — (7) Taxil, Architecte, 138.
(8) Taxil, Frères, II, 245. — (0) Taxil, Sœurs, 315.
(10) Taxil, Architecte, 270. - (11) ld., Sœurs, 328. — (12) I6i</.,.264.
(13) Taxil, Sœurs, 324; Frères, II, 237. — (14) Taxil, Architecte, 270.
(15) Ibid., 115. —
(16) Taxil, Sœurs, 330.
(17) Taxil, Frères, II, 240.
(18) Maçonnerie pratique (Rosen), II, 225 sq.
(19) Taxil, Architecte, 137 sq.
56 MANIÈRE DE PENSER ET D AGIR DE L HUMANISME
jure de se venger de lui (1). Pour se railler de Dieu,
les Rose-croix exécutent une parodie sacrilège de la
Cène (2) et les sœurs travestissent d'une manière abo-
minable le psaume Miserere et l'hymne Veni Creator
Spiritus (3). Bref, si tout cela est vrai, pour
il existe
les initiés un culte diabolique si développé que nous ne
devons pas être étonnés de voir réapparaître l'antique
affirmation des Gnostiques, que Caïn, Cham, ceux qui
ont construit la tour de Babel, sont les vrais représen-
tants et les vrais libérateurs de l'humanité (4), et que
l'enfer lui-même est représenté dans la soi-disant cham-
bre infernale (5).
traires.
En effet, deux royaumes se sont formés entre lesquels
une armistice n'est pas possible, à plus forte raison, la
paix, et le gouffre qui les sépare s'agrandit tellement
chaque jour, qu'il est à craindre qu'aucun pont n'en
joigne jamais les bords. Personne ne peut exprimer
ceci plus clairement que Gœthe ne l'a fait. « J'en ai
assez de cette histoire du bon Jésus, écrit-il à Mme de
Stein, et voilà que Hans Gaspard, il veut dire son —
ami d'autrefois, Lavater, — tisse à son Christ une tu-
nique dont il fait dépendre la naissance, la mort, le sa-
tion de Dieu r
ensuite à la subordination à Satan, et en-
fin à la haine la plus forte contre Dieu. Méphistophélès
commence sa leçon par ces paroles :
»'"
« Tu me plais, mon brave homme,
« Je veux donc te dire un mot de consolation ; »
choix qu'elles ont fait d'un tel titre donne déjà singuliè-
rement à réfléchir. Il faut bien que leurs auteurs soient
sûrs d'exciter l'attention, en agissant ainsi, et d'exercer
sur la foule une attraction considérable. Mais beaucoup
n'hésitent même pas à proclamer le culte du diable sous
LE CULTE DU DIABLE 63
la forme la plus grossière. Le Bréviaire du pessimisme
rafraîchit, sous toutes leurs formes, les doctrines an-
ciennes que nous connaissons sur le démiurge, le prince
de ce monde, et sur le dieu mauvais de l'ancienne al-
liance (1). 11 prêche l'antisémitisme uniquement parce
que le dieu juif est insupportable (2), et recommande la
ble (7).
Ici, il n'y a pas de doute qu'on ait pris au sérieux la
du diable un dieu
tentative de détrôner Dieu, et de faire
autant que la chose était possible. Nous comprenons
maintenant les paroles de Lenau « Les agissements :
« L'enfer me va bien, »
« Et c'est avec lui que je prendrai le ciel d'assaut. (9) »
« Là ni chaudières ni flammes, »
« Et si grands que soient leurs torts, »
mal » (4).
415 sq.
(3) Proudhon, loc. cit., I, 412. — (4) Id., loc. cit., I, 416.
68 MANIÈRE DE PENSER ET d'aGIR DE L'HUMANISME
cieux et les plus nombreux, de telle sorte qu'une An-
glaise, Mary Hargrave, a pu dire que si l'Italie nouvelle
avait à choisir un nouveau patron, elle ferait bien de
prendre Satan qu'elle célèbre avec tant de solennité (1).
Giosué Carducci se fait le chef de ces adorateurs du
diable. Il doit sa gloire à son hymne fameux sur Satan.
Sans doute il contient une poésie grandiose dans son
genre, et c'est ce qui explique l'admiration indescrip-
tible dont il a été l'objet. Mais jamais jusqu'à présent
on n'avait entendu une telle rage contre la foi, une telle
témérité dans la glorification du mal :
« Maître de la révolte »
« Et de la rébellion de l'esprit. » '
« Laisse-nous, en t'adorant, »
399.
(2) Carducci, Satana, (14) 41.
»
LE CULTE DU DIABLE 69
ait le 8 décembre 1869, les feuilles franc-maçonniques
ne connurent pas de meilleur moyen pour entraver celle
manifestation de la foi chrétienne, que de réimprimer
cet hymne, comme une preuve évidente qu'il avait dit
vrai, lorsqu'au nom du temps, de la société, de la civi-
« De Dieu de l'humanité. »
HISTOIRE DE LA CIVILISATION
DE L'HUMANISME
QUATORZIÈME CONFÉRENCE
« L'homme porte »
2.- n faut Nous nous garderons de *prendre parti soit pour con- l
reconnaître un . .
progrès, mais
un progrès li-
damner, sou pour denier 1 humanité. Comme touiours,
J u
# #
milé -
la vérité est au milieu. L'homme porte en lui le germe
« du temps, »
Je prête l'oreille, et je plie volontiers devant toi, esprit
« Sur le front superbe duquel brille la couronne de l'avenir. »
(( Je ne puis m'empêcher de t'admirer, Titan robuste; »
<( Tout ce que tu as créé, tu le tiens sous le charme de ta volonté. »
« Et pourtant, si volontiers que l'intelligence croie à sa couronne, »
« Qu'entends-je mugir autour de moi, surles ailes du pressentiment?»
« D'où vient qu'un doux frisson traverse mon âme, »
« Que de sombres visions nocturnes passent devant moi ? (1) »
3. — Faust
Que personne ne dise que ce sont là des pensées noi-
e
rant ^onUes res qui empoisonnent seulement la vie de quelques in-
d es
P ro g rès mo- dividus. Non c'est la conviction de l'époque,
! la convic-
tion du monde tout entier.
C'est précisément l'Humanisme qui, au moyen de
deux légendes, les a jetées dans les esprits, au moment
où il a établi sa domination sur le monde, légendes
qui jouissent aujourd'hui plus que jamais d'une popu-
larité universelle, parce que chacun sait qu'elles expri- i
s'écrie :
271).
(5) Aristot., Magn. mor., 2, 15, 3, 4. Eudem., 2, 12, 2, 16.
80 HISTOIRE UE LA CIVILISATION DE L 'HUMANISME
en éprouver immédiatement un autre (1), mais non qu'il
n'a pas de besoins.
de
5.-Es P rit
la httera-
Quand on examine de plus près les différents domai-
. .
eïïeklîué-
nes no ^ re yie civilisée, on est obligé de
°* e se dire que
mo ' ces jugements sont exacts. Quelque fier que
dïnT soit le temps
des progrèsqu'il croit avoir réalisés partout, depuis qu'il
s'est soustrait à la direction de l'esprit chrétien, ceux-
ci nous apparaissent d'autant plus douteux qu'on les
considère avec plus d'attention, et, comparés avec la ci-
vilisation chrétienne, ils font pencher la balance en fa-
veur de celle-ci.
Ceci se constate avant tout dans la littérature. Vil-
mar dit que quelle que soit l'attitude prise par les hom-
mes envers le Christianisme, les plus indifférents et les
plus hostiles sont obligés d'avouer que pendant dix siè-
cles, la foi chrétienne a été, pour les peuples de l'Oc-
cident, non pas l'objet d'une conviction morte, mais
qu'elle composait leur vie. Nos bons vieux poèmes dont
le nombre et l'influence l'emportaient sur le mal, bien
qu'il fût florissant à cette époque, témoignent quelle
satisfaction profonde ilsy trouvaient. Le calme sans
mélange, la sérénité inaltérable, la douce lumière delà
paix et du bien-être qu'ils reflètent, prouvent que notre
peuple, pris en gros, — sans doute nous connaissons
des exceptions, et malheureusement d'importantes ex-
ceptions, — était uni, et qu'il se sentait complètement
satisfait dans ses exigences les plus grandes (4).
pour
r exciter nos nerfs et les tenir en éveil. C'est un au- traction dont
. nous avons be-
tre signe caractéristique par lequel nous pouvons nous soin dans ia
nous y tenons.
tefois
Quand un homme est dans un étatoù il n'y a plus
que les boissons les plus fortes, les remèdes désespérés.
les traitements à l'électricité et les brûlures qui puissent
exciter la vie en lui, nous savons que la mort n'est pas
loin. Or telle est notre situation. Si nous vivions dans
des situations saines, nous serions effrayés de la vio-
lence des motifs par lesquels nous nous extorquons à
nous-mêmes et par lesquels les artistes ainsi que les
écrivains nous extorquent l'intérêt et l'activité.
Des impulsions qui dans la vie et dans la littérature
de temps plus anciens y suffisaient complètement, nous
nous paraissait intéressant,
laissent froids. Ce qui jadis
nous semble ennuyeux et vulgaire au possible. Ceci
s'applique tout particulièrement aux plaisirs et aux oc-
cupations sociales des jours passés. Dans tout cela, nous
avons besoin des excitants les plus forts, les plus contre
nature et les plus bizarres.
Notre siècle a créé une secte comme jamais on n'en a
vu. Son siège principal était Paris. Ses membres s'ap-
lelaient : Les ennuyés. Le but de leur existence comme
le leurs réunions était de s'ennuyer artificiellement. So-
ciété affreuse. Mais ce qu'il y avait de plus affreux là-
dedans, c'est qu'ils prenaient cela au sérieux, et qu'en
fondant leur société, ils s'étaient mis à la hauteur de
l'époque, voulant ainsi faire avec conscience et dignité
ce que les autres faisaient par abrutissement.
Leur association n'avait pas encore une existence très
longue que déjà ils prévoyaient le moment où leur unique
travail, l'ennui, leur deviendrait insupportable, et où
11 7
90 HISTOIRE DE LA CIVILISATION DE L'HUMANISME
(1) Cf. Jul. Schmidt, Gesch. der deutsch. Literatur im XIX Jahr-
handert, (3) III, 6.
Sïe
r
?
huma "
civilisation que le monde n'avait encore jamais vue jus-
qu'alors? Si des époques passées avaient à enregistrer
de tels faits, comment les jugerions nous? Mais s'il en
coûte trop à notre respect humain et à notre insincérité
de manifester notre opinion, que devons-nous alors
penser de ces situations? Elles nous crient qu'il faut re-
connaître leur nature à leurs fruits, leur esprit aux
phénomènes de la civilisation humaniste, leur absence
l'esprit de la civilisation humaniste 97
« Et l'oubli, mon cœur choisirait son image et.. .la mort ». (1)
î. - Les y
J
H
avait autrefois, dit une légende
^ slave, un vieillard
deux moyens
de s'acquérir qui était assis sous un mélèze. La chaleur du soleil
un grand nom *
ec
Saissance °dê
brûlait comme du feu. Tout à coup, il aperçut dans le
rhumanité.
lointain une forme qui s'approchait de lui. C'était la
peste, enveloppée d'un linceul. A cet aspect, il veut
s'enfuir de terreur ; mais le spectre le saisit de sa lon-
gue main. Connais-tu la peste lui dit-il? C'est moi.
Charge-moi sur tes épaules, et promène-moi dans tout
le pays ; n'oublie pas une ville, pas un village, je dois les
visiter tous. Mais toi, n'aie pas peur, tu resteras sain et
verbe qui dit que c'est l'honnêteté qui tient le plus long-
temps, mais si c'est pour toi une question d'avancement
rapide, je ne puis te cacher que ce ne sont pas précisé-
ment la droiture et la vérité qui t'aideront. Si donc, tu
ne veux avoir aucun égard ni pour ton avenir, ni pour
ton éternité, comme le font les serviteurs du monde, si
principe de
(d) Polyb., 24, 8, 10. - (2) Ici., 18, 37, 9, 10. l'Humanisme.
(3) Ici., 16, 53, 3 ; 54, 4.— (4) Ici., 16, 55, 1 sq.
104 HISTOIRE DE LA CIVILISATION DE L'HUMANISME
H
106 HISTOIRE DE LA CIVILISATION DE L'HUMANISME
duite à tenir, quand même ils la pratiquaient assez
fréquemment dans la vie.
Franzosen, 215.
(7) Ibid., 440 sq.
(8) Ibid., 483.
(9) Jul. Schmidt, Gesch. der franz. Literatur seit der Révolution,
(1858), II, 585.
(10) Ap. Stein, Pathol. Moralprincipien, 293. — (11) Ibid., 101.
(12) Lecky, Sittengeschichte Europas, I, 52, 102.
108 HISTOIRE DE LA CIVILISATION DE L'HUMANISME
Bluntschli soutient, —
que ce soit par erreur ou par
méchanceté, peu importe, —
qu'ils permettent aussi à
l'individu de faire du mal, parce qu'il en résulte du
bien. C'est là leur premier défaut. Le second, et le plus
et avec
n«*-«i-i
quelle sincérité, le monde i *i ii
pourrait protester
contre la fameuse fable des abeilles de Mandeville, qui
ne que présenter en termes voilés, comme Voltaire
fait
cette question
m
*
:
....
Comment les civilisations prennent-elles
vilisations
les
a™
ét* ts
et
* r durent ne fleu-
naissance ? Comment prospèrent-elles Comment se " ss e ° e
? s r , f
y T ilé
etla i ustice
conservent-elles? Cette question est très parente de -
(2) Num., XIV, 41 sq. Jos., VII, 13. Jud., II, 20 sq. III, 8 ; ; IV, 2 ;
VI, 1. Ps., LXXVII, 59 sq. ; CV, 41 sq. August., Civ. Dei, 22, G, 2.
116 HISTOIRE DE LA CIVILISATION DE L'HUMANISME
(2) Stenzel, Gesch. des preuss. Staates, IV, 385 sq., cf. 36, 280 sq.
(3) Plato, Alcibiades, 1, 10, p. 113, d, 114, e.
(4) Victor Hugo, Voix intérieures, II, 7.
MOYENS DE LA CIVILISATION HUMANISTE 119
justice ne pourra subsister, pas plus qu'on ne bâtit une
maison sur de ou sur un précipice.
l'eau courante
Il en sera toujours ainsi. Sans justice, aucune puis-
(1) Philo. Bybl., Fragm., 2, 9 (Mùller, Fragm. hist. Gr., III, 569).
EusebiusCgesar., Prœcep. evang., 1, 10, 8, 9 (Viger, p. 35).
MOYENS DE LA CIVILISATION HUMANISTE 121
« La voie ferrée, »
« Cet hôte mauvais, »
« Se fraie un chemin »
« Dans une précipitation impétueuse. »
nos moissons mûres pour aller tuer des frères, les tri-
bunaux, les procès, la guillotine, les fusillades, tout
cela serait inconnu. Qui sait y aurait des jugesmême s'il
veau d'or qui a fait mourir les Juifs, les Grecs onLpéri
(3) Prov., XIV, 34. Léo XIII, Inscrutabili, d. 21, Apr. 1878.
(4) August., Civ. Dei, 22, 1, 2 ; De Gen. ad Ut., 8, 14, 3t.
« Sans doute l'homme fort façonne comme il veut le monde avec son glaive, »
« Sans doute sa gloire a l'aigle pour compagnon » ;
dt
son
Un artiste regarde
i • i
à deux fois avant d'introduire
ans son atelier quelqu un qui est inexpérimenté dans
art. Il
. .
tare,
i.-
fin
Tout a
quée par
mar-
homme,
l'humanité.
il perde la haute idée qu il se faisait jusqu'à présent
de l'art. En effet, le profane est tenté de croire que ce
n'était pas pis sur la terre à l'époque dont il est écrit :
(l)Gen.,I, 2.
134 HISTOIRE DE LA CIVILISATION DE L'HUMANISME
mi
vient-il donc
ii
que tant de choses
la fin la plus
élevée -
(l)Eudem., 1, 2, 1.
140 HISTOIRE DE LA CIVILISATION DE L'HUMANISME
avis (4).
Pour excuser ces philosophes, nous admettrons vo-
lontiers qu'ils ont un certain droit à traiter avec tant de
dédain l'Eudémonisme, c'est-à-dire les bas instincts de
félicité de la civilisation universelle, car si celle-ci n'ad-
met pas une félicité plus élevée que le bien-être terres-
tre qui consiste dans la possession de biens temporels,
de jouissances passagères, et une civilisation purement
profane, alors, il ne faut pas en vouloir à ceux qui re-
jettent comme absolument indigne de l'homme une telle
'1
est ia décia-
^ .
ration de ban-
tion. C est précisément elle qui fournit une nouvelle queroute de
1 * Humanisme.
§
doit rester ainsi. Telles que les choses sont, elles sont
bien pour lui. Il ne lui vient pas à l'idée de se donner,
par le travail, à lui et au monde un esprit plus élevé,
L'Hindou cherche à faire disparaître l'esprit que le
monde possède. De là ses spéculations vertigineuses,
son imagination sans borne. Non pas qu'il veuille gar-
der solidement les conquêtes intellectuelles qu'il fait
ainsi, non ! tout son désir est que le monde privé d'in-
telligence s'effondre et mette fin sous ses ruines à son
existence insupportable. Le chrétien veut faire passer
dans la réalité l'esprit qui doit l'ennoblir, la transfigurer,
l'élever et l'améliorer.
Le Chinois s'évapore dans l'existence. Une voit pas
de fin qui aille au delà du monde. Aussitôt qu'on touche
tant soit peu à la situation existante, la tête et les pieds
lui manquent, et il met fin à ses jours par la violence.
L'Hindou n'a pas de joie; pour lui, l'existence n'est
qu'un fardeau. Il regarde avec une joie maligne d'abruti
.
sa décadence et la décadence générale. Il frissonne jus-
que dans ses moelles, en pensant à une fin suprême du-
rable, aune continuation de la vie après cette pauvre
vie. Le chrétien sait qu'il y a pour lui et pour toute sa
qu'au fond ils ne sont unis que par un seul lien, la con-
tradiction envers notre cause sacrée. Mais aussitôt
qu'ils suivent leurs propres voies, ils se font la guerre
entre eux, car la vérité est une et les voies de l'erreur
sont multiples (1).
C'est ce qui doit nous donner confiance quand nous
envisageons les jugements du monde sur l'histoire de
l'Humanisme. Dès le commencement, il a déclaré pour
ainsi dire à l'unanimité qu'il lui fallait prendre une voie
plus libre, plus élevée que celle que la doctrine chré-
tienne indique. Mais si nous luidemandons maintenant
ce qu'il pense de cette voie nouvelle, qu'il a lui-même
choisie, et où elle conduit, alors il nous fait des répon-
ses bien différentes. Les uns ne trouvent pas assez de
paroles pour exprimer leurs regrets sur le recul irré-
sistible qui s'opère et leur colère contre la conduite
du monde. Les autres ne peuvent assez manifester leur
admiration pour les conquêtes et les progrès merveil-
leux de leur civilisation.
Au nom des uns, Petœsi nous dit avec une image dont
la vulgarité répond à son mépris pour le monde :
542 sq.
HISTOIRE DE LÀ CIVILISATION HUMANISTE 165
graphes les plus fêtés, qui ont à leur service les biblio-
thèques les plus volumineuses, commettent des mépri-
ses et des omissions incompréhensibles (1), car, dans
ces questions, nous sommes souvent obligés de nous
en rapporter à des récits de voyageurs qui s'en vont
dans les pays lointains sans avoir fait d'études préala-
bles, et dont l'instruction n'est souvent pas très élevée,
de voyageurs qui, pour chasser l'éléphant ou négocier
l'étain, séjournent huit jours chez une tribu dont ils ne
comprennent pas la langue, et qui, s'ils prennent quel-
que intérêt aux mœurs, à la civilisation et à la foi des
peuples en question, ne savent pas les comprendre parce
que ceux-ci, les considérant comme suspects, ne les
laissent pas approcher, et à plus forte raison ne les
(Brésiliens) V, 2, 191
; VI, 120 sq. (Polynésiens)
; VI, 774 (Austra- ;
liens VI, 818 (Tasmaniens) VI, 438 sq. ; cf. aussi IV, 242. Schnei-
; ;
der, Naturvœlker, 1,29, 33 sq. ; II, 119 sq., 131, 134, 140 sq., 159 sq.,
316 sq. Baumstark, Las casas, 107. Charlevoix, Paraguay, 1, 46. Trol-
lope, Australia and new Zeeland (Tauchnitz, I, 73).
Einl. 72.
174 HISTOIRE DE LA CIVILISATION DE L'HUMANISME
vol » (3).
eu
^
5 u ?ecSi de
l'humanité.
donc, demande-t-i], —
nous pouvons aussi poser la
et
même question relativement au moyen âge, que nous —
vivions dans une telle ignorance sur les temps qui nous
ont précédé? On ne peut assez s'étonner sur ce que la
connaissance des trésors intellectuels conquise par les
anciens soit perdue pour nous. Sous ce rapport, nous
vivons comme dans une espèce de léthargie, et il nous
faut de nouveau chercher tout ce qu'ils possédaient déjà.
Mais il en devait être ainsi, continue-t-il. Notre luxe et
notre soif d'argent nous ont émoussé l'acuité de notre
intelligence. Où ce malheureux esprit parvient à régner,
c'en est fait des biens intellectuels. Dans des situations
simples, on s'enthousiasme pour l'idéal. Plus le bien-
être de la vie domine, plus la noble culture intellec-
tuelle diminue (2) ».
(1) Nibelungenlied,\320, 1.
(16) Ibid., 581,4 ; 373, 3.— (17) Ibid., 1355, 3.— (18) Ibid., QiO, 1.
HISTOIRE DE LA CIVILISATION HUMANISTE 185
Dieu que nous puissions répondre affirmativement à
cetle question Mais par malheur, également ici, on ren-
!
(1) Salvian., Gubern. Dei, 7, 21, 89, 90. - (2) Ibid., 7, 1G, 65, 67.
(3) Ibid., 7, 21, 91. — (4) Ibid., 4, 13, 64 ; 7, 6, 23-25 ; 7, 27 ; 20,
85, 86.
II 13
186 HISTOIRE DE LA CIVILISATION DE L'HUMANISME
dent à dire que, dans les anciens temps, elle était plus
pure et plus noble (3). Il est également certain que les
Polynésiens, le peuple le plus infâme que la terre porte
à l'heure actuelle, ne s'adonnaient pas autrefois à leurs
horribles débauches, mais qu'ils vivaient d'une manière
beaucoup plus morale (4).
s.-L'his- Jusqu'à présent nous avons démontré seulement en
Hageest une gros le recul de la civilisation. Mais il est facile de con-
fi T*P 11 VP flP 11
Gcogr. grœci minor., II, 348) Totius orbis descriptio, 4{lib. II, 514).
;
(4) Engels, Ursprung der Famille, des Privateigenthums und des Staa-
tes, (4) 63.
(2) Engels, Ibid., loc. cit., 75 sq.—Bohlen, Das alte Indien, II, 144.
(3)
(4) Ibid., II, 151 sq. Cf. Paulin de Saint-Barthélémy, Voyage aux
Indes orient., (1808) II, 37 sq.
(5) Muir, Original Sanscrit texts, V, 457.
— (6) Ibid.,Y, 460 sq.
(7) Lenormant, Histoire ancienne de V Orient, III, 460 sq.
HISTOIRE DE LA CIVILISATION HUMANISTE 191
Nous devons exprimer les mêmes regrets concernant
les Grecs. Une pureté relativement plus grande dans
les rapports conjugaux de l'ancien temps, une dégéné-
ration allant toujours en augmentant progressivement,
et dont Homère (1) déplore déjà les débuts, jusqu'àce
qu'enfin toute retenue, disparaisse avec la guerre du
Péloponèse, et que le peuple périsse dans la sensualité,
fi) Cf. Nœgelsbach, Hom. Théologie, (2) 257. Becker, Chariklès, (2)
III, 255. Lasaulx, loc. cit., 424 sq.
(2) Cf. Bernhardy, Griech. Literatur, (4) I, 56 sq., 54 sq.
(3) Herodot., 1, 135, 2. Strabo, 15, 3, 17.
(4) Herodot., 1,135, i. Xenophon, Cyrop., 2, 2, 28.
192 HISTOIRE DE LA CIVILISATION DE L'HUMANISME
des choses.
Il en est de même aussi dans notre question. Nulle
part la chute de l'homme ne se présente sous un jour
aussi mauvais que dans ces choses qu'on ne peut rappe-
ler àun noble cœur sans le couvrir de confusion. 11 n'y
a que des limites sévères qui puissent prévenir le dé-
chaînement de ces passions sauvages. Plus un danger
est proche, plus il est nécessaire de s'en garantir. C'est
pourquoi l'humanité tout entière s'est trouvée obligée
d'en opposer là où les plus grands abus peuvent avoir
lieu par suite du manque de retenue de la nature sensi-
ble corrompue. Ceci était tellement naturel, qu'on peut
dire avec raison que le droit naturel lui-même, ou,
pour
parler avec Xénophon (1), la loi divine, ou, pour nous
exprimer encore plus exactement, l'application du droit
naturel toujours immuable à l'état de choses complète-
ment changé parla chute originelle, défend les rela-
tions entre les plus proches parents de sang. Donc l'é-
tablissement de cette défense, de même que l'introduc-
tion de la propriété privée est une suite de la chute
originelle, et une preuve de la chute de l'humanité tout
entière.
Ainsi s'explique facilement comment, dans les débuts
du genre humain, le mariage entre frères et sœurs put
être permis, mais ne le fut plus dans la suite, sinon en
raison de nécessités particulières, comme pour Abra-
domptable de la chair.
Le Nouveau-Monde nous offre un exemple analogue
datant d'une époque bien plus récente. Les Incas du
Pérou se mariaient également avec leurs sœurs, pour ne
pas faire passer la couronne à un sang étranger. Mais il
est dit expressément que c'est seulement le grand-père
d'Atahualpa qui introduisit ces mauvaises mœurs. Par
conséquent ce peuple relativement excellent n'a suc-
combé à la décadence complète qu'au XV e
siècle de
notre ère. A partir de cette date, l'erreur que nous si-
rée comme loi et droit dans toute son étendue (1). Des
nègres qui sont trop pauvres pour avoir plusieurs fem-
mes se dédommagent en échangeant les leurs entre
eux (2). A un degré encore plus bas est le louage des
femmes chez les Arraucaniens (3). Les prétendus ma-
riages de trois quarts chez les Arabes Hassaniyens (4),
en Nubie, complètentla mesure de cette catégorie d'abus.
Chez les Musulmans tout cela est permis comme légi-
time. Alli eut ainsi, dans le cours de sa vie, plus de deux
cents femmes à côté de Fatime. On raconte qu'un tein-
(9) Nicol. Damasc, Fragm., 123, 3 (Mûller, Fragm. phil. Grœc, III,
460).
(10) Bardesanes (Fragm. hist. Grœc, V, 2, 84). Clemens Rom.,
Recogn., 9, 22. Euseb., Prœp. evang., 6, 10, p. 275, d.
HISTOIRE DE LA CIVILISATION HUMANISTE 203
niens (1), chez qui les femmes régnaient en maîtresses
souveraines, lesMosynoèques ou Mosynes (2), qui
étaient comptés parmi les plus grossiers de tous les
peuples anciens (3), les Ictyophages éthiopiens, dont
on dit qu'ils avaient perdu toute notion du bien et du
mal Bactriens (5), ce peuple
(4), et les si bien doué,
qui pouvait se vanter d'être un des plus anciens peu-
ples civilisés, et qui, en volupté et en dissolution, pou-
vait se mesurer avec tous les pays où l'excès de civilisa-
(1) Nicol. Damasc, Fragm., ili (Millier, Fragm. hist. G'rsec, III,
638). Scylax Caryandensis, Periplus, 21 (Millier, Geogr. grœci, I, 27).
(2) Mêla, 1, 19. Diodor., 14, 30, 7. Xenophon, Anab., 5, 4, 33.
(3) Scymni, Chii orbis description 901 (Miiller, Geogr. grxc. minores,
i:, 334).
(4) Agartharchides, De mari erythrœo, 31 (Miiller, Geogr. grœci, I,
. . .
ter les en- Tellement liés, de la manière la plus
L
étroite, le respect l
lants est aussi
ne P r e
ïa d é cade nce
^es en fan t s ou la violence exercée sur eux. Nous avons
des peuples,
déjà traité ailleurs (6) cette question, et, pour cette rai-
son, nous pouvons nous bornera tirer les conséquences
des faits que nous avons signalés. Or, sur ce domaine,
les résultats sont les mêmes que partout ailleurs. L'hu-
manité suit des voies qui la conduisent de plus en plus
bas. Avecla ruine de la famille qui augmente, les mauvais
traitements exercés à l'égard des enfants durent égale-
ment s'étendre de plus en plus. Maintes législations ont
cherché il est vrai à entraver ce crime (7), mais en vain.
La décadence une fois commencée, ses progrès furent
(i) Ratzel, loc. cit., III, 595. Du Halde, Beschreibung des chines.
Reiches, (1748) II, 143.
(2) Prichard, La Chine, I, 256.
(3) Heraclides, De rébus publ., 28 (Mûller, Fragm. hist. Grœc, II,
220).
(4) Arrian., Fragm., 37 (Mûller, loc. cit., III, 594). Eustathii, Com-
ment, in Dionys. perieg., 322 (Mûller, Geogr.grœc. min., U, 274 sq.).
(5) Gen., IV, 23. —
(6) Vol. I, Conf. XI, app. I, 9.
(7) Aristot., Polit., 7, 14 (17), 10. .Elian., Var. hist., 2, 7.
HISTOIRE DE LA CIVILISATION HUMANISTE 207
(1) Maurer, Bekehrung des norweg. Stammes, I, 433, II, 273, 275.
(2) Mémoires concernant Vhistoire des Chinois, (1777) II, 396.
HISTOIRE DE LA CIVILISATION HUMANISTE 209
rement percé aa dehors et empoisonné ce qui n'était pas
corrompu.
Après ce que nous avons déjà dit à ce sujet (1), il est
inutile d'insister sur l'influence démoralisatrice de cette
terrible institution. Mommsen a dépeint en termes si-
207).
(5) Aristot., Fragm., 541 (Heitz, Paris, IV, 2, 274 sq.).
(6) 0-/JTS; (Odyss., IV, 644 ; XI, 489) ; "Epiôoi (IL, XVIII, 550, 560).
Herod., 8, 137, 2. Aristot., PoL, 3, 3, (5) 3. Plato, Politicus, 29,
*
d 200 a
'(7) Odyss., X, 84; Cf. XIV, 102.
(3) Paulin de
St-Barthélemy, Voyage aux Indes orientales (1808),
II, 119-172. Dubois, Mœurs de llnde, I, 1,216.
443.
(4) Ratzel, Vœlkerkunde, (1)
III,
j . , prétendus
nements regrettables pour nous croire dispenses du états déna-
ture.
25, 153.
(3) Strabo, il, 3, 6. — (4) Peschel, Vœlkerkande, (1) 254.
(5) Cœsar, Bell, gall., 6, 13. Mêla, 3, 2.
222 HISTOIRE DE LA CIVILISATION DE L'HUMANISME
dire.
d'un autre côté ils ont sauvé du milieu d'un chaos de sau-
vagerie où ils étaient plongés, des restes d'idées morales
très élevées, comme les grossiers Botécudes qui ont un
mot exprès pour désigner la pudeur (3), et se conduisent
(1) Century, Jan., 1894, Revue des Revues, VIII, 155 sq.
—
232 HISTOIRE DE LA CIVILISATION DE L'HUMANISME
(1) Spiegel, Eran. Alterthumskunde I, 473 sq. 511 sq., 525 sq.
(2) Lassen, Ind. Alterthumskunde II (2), 734 ; IV, 592.
(3) Kœppen, Religion des Buddha I, 277-279, 431.
(4) Dicœarchi, Fragm., i, (Millier, Fragm. hist. Grœc, II, 233 sq.).
Porphyr., Abstin., 4, 1,2.
(5) Herodot., 2, 49.
(6) Waitz, loc. cit., IV, 124 sq.
(7) Plath, Recht und Geselz im alten China (Abhandl. der bayer. Aka?
depi. der Wissensch., X, 3, 7 79).
il 10
234 HISTOIRE DE LA CIVILISATION DE L'HUMANISME
« Et le son de beaucoup d'instruments »
pérance (3).
(1) Pessimislenbr évier, Von einem Geweihten (2, Aufl. Berlin 1881).
(2) Kemmer, Pessimistengescmgbuch (Minden 1884).
(3) Hartmann, Philosoph. des Unbewussten (8) 353, 38o sq., 434 sq.
RÉSULTAT FINAL DE LA CIVILISATION HUMANISTE 243
Mais ce que nous venons de dire explique suffisam-
ment ce qui serait incompréhensible sans cela. Ces
hommes n'ambitionnent pas autre chose que les ap-
plaudissements de leurs contemporains. Or, c'est en
favorisant inconsidérément le Pessimisme qu'ils.voient
avec raison le moyen par lequel ils peuvent les acquérir
le plus sûrement. S'ils ne savaient pas que celui-ci
forme la disposition particulière à l'époque, ils ne se
livreraient pas à lui corps et âme.
C'est donc très souvent bien moins la tendance per-
sonnelle des auteurs pessimistes qui est exprimée dans
leurs œuvres, que la disposition générale du monde,
dans lequel ils vivent. Et, à n'en pas douter, les princi-
pes qu'ils exposent leur sont mis aussi souvent sur les
lèvres par la société, qu'eux-mêmes les inculquent à
leur prochain. Des esprits comme Puschkin, Tourgué-
nief, Poë, Beecher-Stowe, Lie et Kielland, ne peuvent
être considérés que comme les interprètes de leur épo-
que et de leur entourage. Or ceci s'applique plus ou
moins à tous ceux que nous avons cités.
C'est précisément à cause de cette réciprocité et de
cette communauté de vues que cette manière de pen-
ser est très significative. Celui qui conçoit le Pessimis-
me seulement comme une erreur de certains individus
est bien loin de le comprendre. Il est plutôt une mala-
die de l'ensemble qui agit d'une manière contagieuse
sur ses membres. Le fait que ce phénomène se présente
en masse est déjà une preuve que l'humanité est ma-
lade.En même temps, il est aussi une preuve que l'in-
dividu et le genre humain tout entier sont étroitement
liés l'un à l'autre, et que la corruption du tout s'intro-
duit presque involontairement dans ses membres, vé-
rité qui sert de base avant tout à la doctrine du péché
héréditaire. Personne ne vit uniquement de soi et pour
soi. La chacun est inséparable de celle de la to-
vie de
talité. Tels le temps, l'entourage, l'atmosphère de la so-
simisme.
eela n'est pas encore expliquée l'origine d'une manière
de penser qui contredit si directement la nature. Qui-
conque ne sait pas apprécier l'Humanisme en lui-même,
ne comprendra jamais son origine. Mais celui qui le
connaît avouera que non seulement il ne le comprend
pas, mais qu'il le trouve nécessaire. Le Pessimisme est
la conséquence de l'Humanisme, le dernier mot d'un
humaniste qui réfléchit. C'est avec raison qu'Edouard
de Hartmann dit que seuls les livres de compte du Pes-
simisme nous ont enseigné à connaître la vraie valeur
de la vie, —
il veut évidemment parler de ceux qui par-
est leur ciel, leur terre, leur père, leur air, leur sol,
leur tout. Ils sont aussi étroitement attachés à lui que
l'escargot à sa maison. Si un petit danger les menace,
ils perdent la tête, et le suicide devient une épidé-
mie (1).
Et il en est ainsi toujours et partout dans les moments
difficiles, là où l'homme n'est pas capable de s'élever
au-dessus des pensées et des aspirations purement ter-
restres. C'est pourquoi le Bréviaire du pessimiste com-
met une erreur, lorsqu'il dit qu'on ne devient pas pessi-
miste par l'Athéisme, mais qu'au contraire on devient
athée parle Pessimisme (2). En vérité, jamais quelqu'un
ne peut être la proie d'un aigrissement et d'un désespoir
La
vierédie e t Mais si, comme nous le savons, le premier principe
mentît de l'Humanisme est qu'on doit faire abstraction de Dieu,
monde.
au moins dans la considération et dans l'organisation
du monde, alors le Pessimisme est inévitable.
À l'époque romantique, où l'on s'entendait à mer-
veille à se représenter avec une dextérité incompréhen-
qu'il n'en devrait pas être ainsi a régné dans les esprits,
l'Humanisme ne s'était pas encore rendu compte de sa
nature la plus intime. Désormais il dit catégoriquement
qu'il doit en être ainsi, que ce retour à la barbarie est
précisément la véritable humanité, et, il condamne
toute tentative de dire que la nature est corrompue et
de conseiller aux hommes de se purifier, ou même de
s'élever vers le surnaturel.
Rousseau a fait ce dernier pas pour éclaircir la situa-
tion. Avec un seul mot, avec la courte phrase par la-
quelle il commence son Emile, il a exprimé si clairement
la question autour de laquelle s'est toujours concentrée
dépréciation
personnelle et
et très mauvais ; mais ne plus
L
considérer 1 homme en
le manque
d estime qu on
lui-même comme saint est un des maux les plus
r funes-
a pom soi.
( eSjcar ce ] u q U j a git ainsi se rejette et rejette les au-
j
« Eternité terrible. »
prises avec des hommes qui n'ont aucun égard pour lui,
et pour qui tous les moyens sont bons. En lui-même,
il ne trouve aucune raison de faire mieux que les au-
tres. De cette manière, il laisse flotter les rênes à ses
passions, et entreprend la lutte contre tous ceux qui
lui sont hostiles, avec les mêmes moyens que ceux dont
ils se servent, mais qu'ils savent manier d'une façon
infiniment plus adroite, grâce à leur exercice et à leur
supériorité. Néanmoins, il ne veut pas admettre une
puissance supérieure d'où il pourrait attendre du se-
cours, car son esprit mauvais l'a persuadé de cette er-
. , .
« Et sans profit.
« Tous les désirs me semblent »
Or devenue la philoso-
cette disposition d'esprit est 9. — His-
toire du Pes-
simisme.
phie et la religion de l'heure actuelle. La littérature du
Pessimisme s'est tellement accrue, qu'elle est un vérita-
ble fléau pour le pays.
Comme nous l'avons déjà dit, il y a eu en tout temps
des cœurs aigris et désolés. Les Grecs avaient déjà leur
Pessimisme. Nous ne voulons pas parler de gens com-
me Hégésias, qui n'attribuait pas plus de valeur à la vie
seule joie, c'est de voir les choses aller mal sur terre et
empirer tous les jours. Ils ne déplorent pas, personne
ne le nie, qu'il y ait dans le monde beaucoup de mal à
côté de beaucoup de bien, et que le mal cause de grands
ravages, mais ils ne veulent pas admettre qu'il y ait le
moindre bien dans le monde. Leur plus grande douleur,
— ils l'appellent à cause de cela douleur universelle,
— est qu'ils ne peuvent jamais s'accorder s'ils feraient
mieux de réduire le monde en ruines, ou de le pousser
encore plus avant dans une irrémédiable corruption.
Mais ce qu'il y a de plus monstrueux et ce qui, jusqu'à
présent, n'était encore venu à l'idée de personne, pas
même de Timon et de Bodhisattva, c'est la pensée que
les choses sont bien comme elles sont. Que le bonheur
ne soit pas fait pour l'homme, que le mal soit nécessaire,
que le péché soit la source de la vie, comme dit Le-
roux (1), c'est une erreur dont n'étaient pas capables Ma-
hadarmaratshita, Madhyantika, Dsong K'haba.
DéveloppantlespenséesdeSpinozaetdeHobbes,Scho-
II, § 45, 46, 48 ; (3 Aufl.) I, 363 sq. ; II, 648 sq. 690 sq.
{2)lbid., (3) 660 sq.
II,
ils ne veulent pas avouer que ce sont eux qui sont les
coupables. C'est peut-être un peu dur, mais jugement le
poète qui n'est pas suspect d'avoir parlé ainsi qu'il suit
par conviction religieuse ou morale préconçue :
DIX-NEUVIEME CONFÉRENCE
(1) August., Ps. 74, 4, 9. — (2) Théognis, 373 sq. (149 sq.).
.
« Non ! Non ! »
Cebetis, Tab., 23. Plato, Hep., 9, 12, p. 589, d, sq. Ovid., Met.,
(5)
15, 167 sq. Seneca, Clem., 1, 26, 3, 4. Epictet., 1, 3, 7. Clem. Al.,
Protr., 1, 4. Boetius, Consol., 4, prosa 3. Bernard., Cant., 82, 5, 6.
Heltinger, Gœttl. Komœdie, (1) 82 sq.
276 LE RETOUR DE L'HUMANISME A INHUMANITÉ
curifé, que toutes les bêtes fauves du désert at-
est-ce
teignent en laideur un de ces caractères qui nous sont
dépeints dans Théophraste, ou dans les biographies
des empereurs romains? Nous rencontrons parfois des
hommes au moindre regard desquels une peur anxieuse
s'empare de nous, et dont l'aspect nous inspire le dé-
goût, tellement ils paraissent pleins de convoitise et de
perfidie. Comme
une noble physionomie apparaît par-
fois défigurée dans la colère Quel sentiment de tristesse
I
(4)Thom.,l,2, q. 22, a. 2 ad 2.
(2) Thom., Contra Gent,., 3, 71, 6.
LE GOUVERNEMENT DE DIEU DANS LE MONDE 279
vue, mais aussi la pensée de Dieu ! Comme si elle ve-
nait aussi à l'improviste pour Celui qui dirige tout !
\
et de sa grâce s'accomplirait toujours en nous. C'est
notre faute si ses pensées de douceur deviennent sou-
(5) Thomas, 1,9, 19, a. 6. — (6) Is., XIV, 27. — (7) Is., XL VI, 10.
280 LE RETOUR DE L'HUMANISME A INHUMANITÉ
vent des mesures de sévérité, si sa volonté est su,r notre
chemin comme la justice infranchissable. Que l'enfant
tombé à terre saisisse la main du père qui veut le rele-
ver ou qu'il la repousse, et qu'il ait conscience de son
impuissance, le père a en tout cas atteint son dessein,
et l'enfant a vu qu'il ne pouvait se tirer d'affaire lui-
même, qu'il dans ce cas, il
dépendait de son père. Si,
est, tant qu'il y aura une justice, tant qu'il y aura une
1T 19
282 LE RETOUR DE L'HUMANISME A INHUMANITÉ
exécute quand même la punition parce qu'il est la vé-
rité et la justice. Ce n'est qu'à l'injustice qu'il peut ve-
nir à l'idée d'exiger que Dieu ne la punisse pas, qu'il
lui devienne semblable, qu'il devienne injuste lui aussi,
contribue à la
beauté de 1 en-
QU tout.
semble.
Naturellement, il ne peut être question, comme Leib-
nitz l'a dit-on prétendu, que le mal soit la condition
inévitable pour rendre le monde meilleur (1). Nous di-
sons : dit-on prétendu, car nous avons de la peine à
croire que ce grand esprit ait exagéré aussi démesuré-
ment un fond de vérité. C'est à l'esthétique moderne
qu'il était réservé de dire qu'il n'y a que la saleté et le
vice qui procurent la véritable jouissance artistique.
Mais jamais ce qui est laid, ne pourra être considéré
comme la cause du beau. Personne ne prétendra que
pour être belle, la musique a besoin de ces dissonan-
ces criardes, de ces complications semblables à des ser-
pents, de ces violences qui nous donnent sur les nerfs,
et avec lesquelles nous torture aujourd'hui. Pour
elle
i
•
•
*~~^~~~,r*
i
avantage besoin du secours de ceux qui se consa-
m, i. •
i
i-v* i i '
10 ._con-
descendance
incompréhen-
sible de Dieu,
crentauservicedu bien. iSeanmoinsDieu, dans sa Donte, et honneur
. . , , pour l'homme
aime à exécuter ses œuvres pari intermédiaire des créa-1
en ce que ce -
.
lui-ci peut
tires, abstraction faite de quelques rares cas mira- P^ggJJ^ " 1
aMV *
Ul1CUA des plans
Dieu.
de
28, 32. Greg. Mag., Mor., 2, 78,70, Bernard., Dlv. S., 1,6 ; 38,1,2.
Thom., 1, 2, q. 79, a. 4. Blosius, Conclave animœ fidelis, G, 4.
296 LE RETOUR DE L'HUMANISME A INHUMANITÉ
et ils exécutentavec confiance et fidélité ses ordres brefs.
Et lorsque le soir arrive, l'honneur, la liberté et la vie
sont saufs ; la victoire est remportée et la paix est
faite (1).
Pour celui devant qui mille années sont comme un
seul jour, toute l'histoire de l'humanité est comme un
jour de bataille. Il n'y a pas un seul homme qui n'y
prenne part. Tous nous combattons pour la liberté, la
Dans cette bataille, il s'agit de la loi
patrie et l'éternité.
de Dieu, de Tordre du monde, du sort de tout ce qui
est grand, sublime et sacré. L'honneur de l'éternel, le
triomphe du bien, le vrai et éternel bonheur de l'huma-
nité, tel est notre cri de guerre. Silencieux, dans un
calme que rien ne trouble, invisible à ses guerriers,
mais pourtant au milieu deux, il dirige en personne,
depuis son trône, lui le grand généralissime, le souve-
rain maître de la guerre, la marche de
pour l'é- la lutte
(1)Psalm.,LXXXIX, 4.
VINGTIÈME CONFÉRENCE
I
298 LE RETOUR DE L'HUMANISME A INHUMANITÉ
La victime longtemps défendue avec héroïsme
s'est
contre les monstres que la divinité lui a envoyés, à lui le
prêtre infidèle, pour punir sa désobéissance. De même
que le taureau sauvage fait voler loin de lui, en mugis-
sant, la hache avec laquelle le sacrificateur Ta frappé de-
vant l'autel, de même Laocoon a d'abord secoué avec
une arrogance inflexible ses chaînes glissantes, puis a
fait monter vers les étoiles son cri dé douleur et de ma-
ciel.
Riu-
. Par son infidélité, '
sa désobéissance envers Dieu,
gfonVaViï l'humanité elle aussi s'est attiré la destinée qui l'ei
joignementde
b rasse de ses replis de serpent. Le premier pas que
l'homme a osé faire dans son orgueil a consisté à se dé-
tacher de Dieu (2). La fin qu'il avait en vue et qu'il a de
nouveau en vue à chaque péché qu'il commet, est de
pouvoir se sentir affranchi de Dieu.
Cette fin, il dû naturellement ex-
l'a atteinte, mais il a
pier sa faute en se sentant lui-même étranger et ennemi
par rapport à Dieu, et en voyant dans Dieu un étranger
et un ennemi par rapport à lui. Mais se savoir irrité, et
(3) Plutarch., /. c, 2.
coup s'en faut (1 ). Elle ne faisait que paralyser et acca- inventés par
il T»/r*ii i î t •
-ni
^ es nommes •
j'Humanisme.
ne font pas précisément du mal par suite d'une dispo-
sition naturelle moins mauvaise. C'est encore pire, dit-
il, si ces hommes ne se contentent pas de penser en in-
crédules, pour ce qui les concerne, mais si, de plus, leur
incrédulité les encourage encore à faire le mal, et, par
le fait même, à donner publiquement le mauvais exem-
ple (2). Que penser alors de l'influence pernicieuse de
(1) Augustin., Civ. Dei, 2, 7. — (2) Plato, Leges, 10, 15, p. 908, c.
ECCE AGNUS DEI 303
tagieuse pour faire commettre le péché, une école plus
favorable à la corruption morale publique, que ne l'était
la croyance aux anciens dieux.
Quand une fois on en est venu à ce point que la reli-
gion publique elle-même est devenue la pépinière des
vices publics, alors tous les biens intellectuels et mo-
'
raux qui ennoblissent la vie et luidonnent delà valeur
sont dissipés, alors, les fondements de l'ordre public
sont ébranlés, car la religion, les excellentes lois et les
bonnes mœurs sont les bases sur lesquelles repose toute
communauté (1). Sans elles, aucun état ne saurait exis-
ter, aucune vie publique ne saurait prospérer. Ainsi par-
lent Platon et Polybe.
Comme c'est tout naturel, le monde moderne contre-
dit opiniâtrement cette conclusion. Quand même il ad-
met, pour la vie privée, la nécessité delà religion et l'u-
nion de la religion et de la morale, il nie catégorique ment
ces deux choses dès qu'il s'agit de la vie publique, et
c'est précisément l'état ancien qui doit fournir la preuve
que la foi peut manquer, et que pourtant le salut public
peut être en bonne voie. Car, comme tout ce que l'an-
tiquité a produit, sa vie d'état est considérée comme la
conquête la plus élevée de la civilisation humaine,
comme la fleur de la véritable humanité.
Le témoignage de l'histoire tient cependant un autre
langage (2). Et pourtant, d'après les considérations que
nous venons de faire, nous sommes obligés de dire que
ce n'est pas hasard, mais nécessité, si cette commu-
nauté d'Athènes, de Sparte et de Rome, fondée au prix
de tantde sacrifices, d'héroïsme et d'efforts intellectuels,
est devenue la victime d'une telle dégénérescence.
C'eût déjà été mauvais, si, comme on dit ordinaire-
ment, les anciennes religions n'avaient pas possédé de
contenu moral, et n'avaient pas inculqué d'idées mo-
(1) Plato, Leg., 10, 13, p. 905, d. sq. ; 16, 909, d. sq. Polyb., 6, 47,
1, 6, 56,8-12.
(2) Vol. I, Conf. XI, 10.
304 LE RETOUR DE L'HUMANISME A INHUMANITÉ
raies. Dans ce seulement inutiles
cas, elles eussent été
pour la vie. Mais voilà qu'au contraire, elles ont enlevé
aux hommes tout contenu et tout point d'appui moral,
leur ont inculqué les idées les plus immorales et ont
contribué, en s'autorisant de l'exemple des dieux, à
rendre publiques les convoitises les plus honteuses.
Alors les peuples ne pouvaient que dégénérer, et leurs
meilleures créations ne pouvaient que périr.
C'est pourquoi il fut inévitable que, par suite des vices
publics,l'état romain devîntun désert augmentantchaque
jour (1), quoiqu'on inventât des remèdes artificiels (2),
(1) Polyb., 37, 4. Horat., Ep., 2, 2, 81. Seneca, Tranq.,2, 13. Pausa-
nias, 10, 4, 1 ; 32, 10 8, 33. Mommsen, Rœm. Gesch., (6) III, 530 sq.
;
ses replis.
1
lui-même qui 1 a appelé e f maintenant
G est manité à ia fa
'
# .
du monde an-
il sera une cause de mort pour lui. Longtemps il a lutté cieD -
(1) Ibid., 1, 3. — (2) Tacit., Annal, 16, 16. — (3) Ibid., 3, 18.
(4) Ibid., 6, 22 ; 14,12 ; 16, 33 ; Hist., 1, 3.
comme j r» ri *
(1) Plato, Politicus, 16, p. 272, d. Cf. Seneca, Qaœst. nat., 3, 30, 8.
(2) Plato, Phdedon, c. 35, p. 80, c. d. Xenoph., Memorabl., 4, 4, 2o ;
3,16.
(3) Stoba3us, Eclog.,2, 1 (Meineke, II, 1-5) (5). Livius, Prœfatio.
310 LE RETOUR DE L'HUMANISME A INHUMANITÉ
père, lu nous as créés, et nous sommes tous l'ouvrage de
tes mains. Ne sois pas irrité, Seigneur, et ne te souviens
plus de nos iniquités. En face d'une telle misère, ton
cœur peut-il se fermer? Peux-tu ne pas venir à notre
secours? (1).
Depuis les temps les plus anciens, dit Suétone, tout
l'Orient était plein du bruit de cette antique et cons-
tante opinion, qu'il était dans les destins que, vers cette
époque, on allait voir sortir de Judée ceux qui régiraient
l'univers (2).
Cette foi, la conviction du plus grand nombre, comme
dit Tacite (3), était alors plus vivante que jamais. C'était,
x
l) Is., LXIV, 1, 5, 8, 9, 12.
(1) Virgil.,
Eclog., IV, 4 sq., 13 sq.
(1) Gai., IV, 4, 5. — (2) Epist. ad Diognetum, 0.— (3) Jer., II, 19. nèbrcs.
—,..
au contraire c'eût été augmenter son mal, — si comme doc-
celui qui
,,
aétél attente
, i/\idepuis•!•
des peuples les jours(4),
trine, exemple
^j *£
J? .
I Il eût même été une honte pour eux. Le seul aspect d'une
(1) I Cor., I, 22. — (2) Col., II, 3. — (3) I Cor., II, 14.
guérir ceux qui ont le cœur brisé (1). C'est avec une
telle condescendance qu'il s'occupa précisément des pé-
cheurs les plus tombés, dételle sorte que la haine et
l'orgueil lui en firent un reproche. Celui-là, disaient
les Pharisiens, ne peut être de Dieu, car il saurait quelle
estlafemmequile touche, et quec'estune pécheresse (2);
un ami des pécheurs (3), un homme qui accueille les
pécheurs (4), n'a rien de commun avec Dieu. Une doc-
trine qui s'adresse la plupart du temps aux pécheurs
ne peut être divine, disent également les philosophes
grecs (5).
Voilà une sagesse digne de la folie humaine. En tout
temps, les hommes donné beaucoup de mal
se sont
pour les pécheurs. Beaucoup les ont écrasés par mépris
et par colère (6); beaucoup ont dévoilé au monde leurs
hontes et leurs faiblesses, non pour les corriger, mail
uniquement parce qu'ils trouvaient du plaisir dans la
laideur, beaucoup les ont confondus devant le monde
entier, quand ils auraient dû avouer qu'eux-mêmes, ils
avaient commis des fautes plus grandes (7). En agissant
. ainsi, de quelle utilité ont-ils été à l'humanité malade?
Ont-ils relevé un seul pécheur? En ont-ils corrigé un
seul? Nous connaissons beaucoup de moralistes, decri-
la vie
elle.
oliviers de Gethsémani.
C'est avec ces paroles significatives : «Je me sanctifie
pour eux » (7), qu'il est entré dans cette arène; il s'est of-
(1) Matth., XXVI, 39. - (2) Matth., XXVII, 49.— (3) Luc, XXIII, 34.
VINGT ET UNIÈME CONFERENCE
cle au salut. —
4. L'orgueil commencement du péché, parce que
la plupart des péchés en dépendent. —
5. Parce qu'il en est la
source. —
6. Et parce qu'il tire de lui toute sa force. 7. L'or- —
gueil va jusqu'à l'idolâtrie personnelle et à l'exclusion de Dieu.
— 8. Comment le péché peut devenir infini et éternel. 9. Le —
péché ne meurt pas par lui-même. — 10. Il n'y a que la grâce
qui puisse nous sauver de nous-mêmes.
i.- ii n'y Aux tâches les plus difficiles que l'esprit ose entre-
a V Ph
ioso phie d e" prendre, appartient la philosophie de l'histoire, ou,
l'histoire que ,. . ,,. .
là oùion
également
tient comme on dit auiourd nui en termes moins impropres,
, i • j i i i j f„ .
compte de îa } a psychologie des peuples, ou la morale dans 1 his-
m ne de
toire. Représenter le développement de l'humanité en
ius nce di-
vine.
grand, de même que tous les progrès et tous les reculs
individuels importants, qui ont eu lieu sur cette
immense manière à donner aux faits la place
voie, de
qui leur est due, et à faire voir leur ensemble sans leur
faire violence, comme formant un tout homogène, de fa-
çon à justifier les événements extérieurs et à démontrer
clairement leurs raisons cachées ainsi que les dernières
plât., III, 2. Greg. Mag., Mor., XIV, 64 XXXIII, 4 XXXIV, 48. Thom.,
; ;
« Ah ! moment, je m'aperçois
quelle indignité ! Pour le
,
peut devenir prement
r dite de tous les pèches, nous comprenons aussi
infini et éter- . .
nel -
la plus terrible de toutes les vérités, la vérité que le pé-
ché avec ses suites peut devenir infini et éternel. Ce
du pé-
n'est pas le fait extérieur qui décide de la malice
ché, et ce n'est pas d'après l'objet du péché seul que
s'évalue la gravité de la faute. Souvent le moyen est
très indifférent au pécheur. Il en prend tout aussi bien
un autre quand il croit y trouver son compte. Mais qu'il
manifeste ses mauvaises intentions, aujourd'hui par
une action et demain par une autre, une chose restera
toujours la même, tant qu'il ne se transformera pas
complètement: c'est que la volonté intérieure mauvaise
(1) Byron, Caïn, 193 sq. Cf. Dante, Infcrno, XIV, 46, T2.
(2) Dante, Inferno, XXVII, 118-120.
Il 23
346 LE RETOUR DE L'HUMANISME A INHUMANITÉ
Elle ne devrait cependant pas méconnaître qu'ici l'effet
répond à la cause. Si le péché est de l'orgueil, il faut
alors le considérer comme un éloigneraient de Dieu. Si
l'orgueil reste inflexible, alors rien ne fera disparaître la
séparation. Dieu et des idoles à côté de lui ne pourront
jamais s'accorder. Celui qui est du côté des idoles n'a
pas le droit de se plaindre, si Dieu ne veut pas aller avec
lui. Qu'il soit irrité contre la réprobation éternelle, il
LE REPENTIR.
de s'affranchir de ce poids. —
7. L'esprit du monde et le repen-
tir.— 8. Le repentir comme destruction de l'orgueil sous ses
deux faces. —
9. Le repentir impossible sans la foi à la miséri-
corde de Dieu. —
10. Le repentir comme anéantissement des
propres actions mauvaises. —
11. Le plus grand et le plus diffi-
cile des triomphes. —
12. Dieu a partagé sa toute-puissance avec
le repentir.
i.- Lama- Une des maladies les plus répandues, et une des
e ex
2éraùo n. moins nuisibles, nous l'admettons Volontiers, mais qui
pourtant est une maladie, est la tendance à exagérer.
Dans une famille se trouve un jeune homme qui fait des
progrès modérés dans les études. On peut'-espérer qu'il
contre ce sentiment qu'il est encore plus difficile de nier, pose con-
loi
.
ia
viction d'une
justice pénale
1 x l i j
t
. divine.
dessus de lui. 11 sait qu'il ne se l'est pas donnée lui-
même. Il sait que son interprétation et la manière de
la suivre ne sont pas laissées à sa fantaisie. Cette loi, il Ta
transgressée, mais ce n'est pas une loi morte ; c'est
une loi pleine de vie et de force. A peine est-elle trans-
gressée qu'elle se lève pour se venger de celui qui l'a
transgressée.
L'imagination des peuples a enveloppé cette convic-
tion dans les légendes des terribles esprits vengeurs
extra-naturels qui sont connus sous le nom d'Erynnies,
Furies, Larves. D'après ces légendes de l'humanité,
ces fantômes qui voient tout, entendent tout, flagellent
avec des serpents chaque coupable qui leur est livré
comme proie, et le poursuivent avec des arcs et des
flèches, jusqu'à ce qu'il ait cédé à leur ténacité infatiga-
ble, à leur vitesse rapide, se tiennent dans tous les coins
guettant leur proie.
Ce ne sont pas là de simples convictions personnel-
les, ou des préjugés inculqués par l'éducation; mais dans
LE REPENTIR 353
la terre, je t'y trouve encore ; si je prends mon vol dès
l'aurore et que je m'enfuie jusqu'aux extrémités de la
mer, c'est encore ta main qui m'y conduit et m'y re-
tient (1).
Et à quoi servirait au pécheur de fuir, quand même ^7 „ nd
il pourrait le faire, tant qu'il lui serait impossible de se ^JJs^nnde
d
fuir lui-même? Quitte-t-il sa maison? Le bourreau se JSu? se
tr a
précipite sur ses pas (2). Rentre-t-il chez lui? Ce même Spacit r
, j i ' "
/ o \ n
Comme 1 y
d'anéantir sa
bourreau ly précède (S). quelqu un qui ne propre faute.
<( Je me du Seigneur »
suis éloigné
(( Lui qui m'a sauvé au milieu des opprobres. »
dans lequel elles ont jeté leur plus grand, peut-être leur
unique bien, leur innocence. C'est comme si elles
croyaient l'avoir empesté par leur action. Elles changent
de domicile jusqu'à vingt fois dans la même année ; 25 à
30 pour cent ne peuvent même plus supporter la vie.
blesses, une chose qui fait pitié, une chose avec laquelle
on peut parader devant les autres, mais avec laquelle
on ne fait rien de sérieux (3). Bœrne n'hésite pas à
attribuer aux scélérats les plus endurcis et à Satan le
premier, la gloire de la plus haute sagesse, en écrivant
cette parole honteuse : Ne pas se repentir, voilà le com-
mencement de toute sagesse (4).
(3) August ,
ps., 146, eu. 5. Chrysost., Uebr., 31, 3.
cipitée dans tous les vices (1). Mais même dans les
(1) Eph.,IV, 9.
(2) Naegelsbach, Homer. Theolog., (1) 307, 325.
(3) Tit., III, 4.
(4) Ambros., Pœnit., 1, 1 (G. nemo potest 50, de pœn.).
368 LE RETOUR DE L'HUMANISME A INHUMANITÉ
l'homme, il se maintiendra au-dessus de ce qu'il y a de
plus profond dans la débauche. Mais s'il finit par per-
dre la dernière pensée au pardon, il peut dire avec Ho-
race : « Audacieuse à tout entreprendre, la race hu -
anéantisse- que
J
le repentir exiee de nous. Lorsque Clovis, vaincu
ment des pro- . . . . ,
près actions
mauvaises.
parla force victorieuse du vrai Dieu, descendit dans
r 7
phes
c'est encore plus magnifique de renverser, malgré la ré-
-
a pa'rûgf'sa
Dieu a partagé sa toute-puissance avec le repentir. Il
U U Ssa
c°e lv"ec /e re- n 'y a <l
lie Dieu qui puisse pardonner les péchés. Mais il
pentir.
a cédé ce pouvoir au repentir. Ce qu'aucune eau ne
lave, aucun feu ne purifie ; ce qu'aucun temps ne peut
faire oublier, le repentir l'efface à l'instant même. Le
péché fond en sa présence comme la cire en présence
du feu, serait-il égal en grandeur et en âge aux mon-
tagnes éternelles.
Sans notre coopération, il est même impossible à
Dieu de supprimer notre faute. Mais il transforme
immédiatement en amour et en grâce le plus grand de
tous les contrastes, l'inimitié infinie du péché. Que le
LA CONFESSION.
1. — La
Un ouvrage qui se propose de dépeindre la maladie
et les parures.
Les hommes les plus incrédules avoueront peut-être
qu'en cette matière, ils sont portés à admettre l'exis-
tence du péché héréditaire. Mais que les femmes conti-
nuent leur lecture en paix ; elles aussi ont raison, si à
cela elles répondent qu'elles sont convaincues de l'exis-
(2) Plutarch., Is. et Osir., 3. L u cian., Demonax. (37) 13. Aul. Gell.,
9 2.
(3) Silius Italie, 5, 132-134. Tacitus, Gerrn., 38. Seneca, Ira, 3, 26.
Forbiger, Alte Géographie, III, 339 f.
(4) Juv., 6, 120, 502. Statius, Sylv., 1, 2, 114. Martial., 14, oO.Valer.
Max., 2, 1, 5. Tertull., Cuit, fem., 2, 6, 7. Becker-Rein, Gallus, (2)
Ht, 150-153.
(5) Peraldus, Summa, 2, 6, 3, J4 (Venet., 1571, II, 380 sq.). Lecoy
de la Marche, La Société au XIII* siècle, 213.
Galiendrum, caliandrum (Horat., Sat., 1, 8, 48. Arnob., 6, 26)
(6) ;
plus déraisonnable.
Mais personne ne peut nier que même des caractères
nobles se montrent souvent très faibles sous ce rapport.
Nous devons même admettre que beaucoup suivent en
soupirant et à contre cœur la contrainte publique à la-
quelle ils voudraient bien se soustraire, si c'était possi-
ble. Celui qui ne veut pas admettre cette conception fon-
damentale sur laquelle repose l'enseignement chrétien
de l'humanité celui qui n'admet pas que les défauts de
;
la donne.
L'homme sait qu'il n'est pas comme il doit être ; il ne
peut se laisser voir tel qu'il est en réalité ; il en aurait
honte à mourir. Il faut qu'il s'enveloppe de quelque
chose afin que sa véritable nature reste cachée au pu-
blic. 11 sent la nécessité d'une parure pour se procurer
au moins extérieurement aux yeux du monde quelques
perfections qui lui manquent. L'histoire de l'habillement
et des modes est l'aveu très explicite de cette vérité.
Tant que les Romains eurent conscience de leur puis-
sance, depuis le premier Africain jusqu'à Adrien, avec
qui commença la complète décadence de l'empire, ils se
firent raser. A partir de cette époque, ils jugèrent néces-
saire de cacher la décadence de leur courage et de leur
force derrière un fort rempart de barbe (1).
3 La
Donc personne n'ose se montrer devant le monde tel
SmiïailL^de (
ï
u ^ est en réalité. 11 ne pourrait pas supporter le sen-
i?maiadiede timent de sa honte. La pudeur doit être considérée
comme un reste cher et sacré de notre nature autrefois
meilleure. C'est une preuve que nous sommes corrom-
pus et aussi une preuve que nous ne sommes pas entiè-
rement corrompus (3). C'est un héritage que nous a lé-
LA CONFESSION 385
C'est lui surtout qui nous rend amer le travail d'explo-
cornponc "
uon. P as un av ^u. Celui qui ne détruit pas sincèrement et
complètement les derniers restes du mal qu'il a dans son
cœur, n'a fait que préparer au péché un repaire plus
secret. Le proverbe dit Une porte de derrière perd la
:
la pudeur publique.
(1) Ghrysostom .
, bips., 140, n. 7. August., Civ. Dei, 14, 14. Greg.
Mag.,itf ora/., 22, 30.
(2) August., In ps. , 7, en. 19.
(3) Sailer, Weisheit auf der Gasse (G. W. [1819] XX, 1, 123).
(4) Prov., 2, 14.
,
LA CONFESSION 387
Dans ces paroles se trouve une grave accusation
contre une partie de notre littérature qui est la plus lue.
Le plus grand esprit de l'antiquité chrétienne a écrit
l'histoire de ses égarements dans un livre qui est devenu
un des plus magnifiques de la littérature universelle. 11
l'a fait après que la grâce eût triomphé de ses faiblesses
qu'il dépeint sous des couleurs si vives (1), et l'eût guéri
de ses égarements. Comme il le dit lui-même, il tenta
l'entreprise seulement parce qu'il voulait apprendre à
rougir de lui-même et à se déplaire. Et parce qu'il savait
que les hommes aiment mieux sonder une vie étrangère
que leur propre vie, il espérait qu'ils apprendraient à se
connaître par lui (2), et qu'ils puiseraient dans son sa-
lutl'espérance d'être pardonnes (3). Celivre merveilleux,
profond, de sa confession personnelle, et qui devient
d'autant plus intéressant et attrayant qu'on le lit plus
souvent, a été imité des centaines de fois, et cependant
on ne l'a jamais égalé. Il est resté seul dans son genre.
Grand Dieu ! Quelles imitations ! Quels esprits se pla-
cent à côté de ce saint !
on le verra (1).
toi (6).
(1) Gregor. Mag., Mor., 22, 30. Maximus Gonf., (Econ. cap.devir-
tut. et vit., 3, 62.
(2) August., Disciplina Christ., 10, 11 Sermo, 82,
; H, 14.
(3) August., Inps., 31, 2, 16. Greg. Mag., Mor., 8, 37.
(4) Greg. Mag., Mor., 22/ 33; 24, 22.
(5) Bernard., Grad humilit. 5, 18.
. ,
par soi-même, qu'un aveu salutaire du péché offre les une exigence
j en 1•
(3) Lassen, Ind. Atterthamsk., (2) II, 452 sq. Schlîiginweit, Sitzangs-
berichte der bayerischen Âkademie der Wissenscha/ten, 1863, 1,81-99;
II. 149 152.
LA CONFESSION 395
réserve la direction qu'il lui donne. dépend sonDe lui
(4) SpiefceJ, Eran. Alterthumsk., III, 578, 696, 700 sq. (Trad. de
TAvesta, II, XXII). Fischer, Heidenthum nnd Offenb., 147 sq.
(2) Waitz, Anthropologie der Naturvœlker, (1864) IV, 129 cf. 180 ;
vient* wé- ^ tout cela est aussi clair pour nous que pour les
q
ep^ pour païens ; si nous devons avouer que ce n'est pas seule-
conession.
men j j e christianisme qui a inventé cette manière de
voir, mais que nous la trouvons fondée dans notre pro-
pre nature raisonnable, comment expliquer alors que
notre nature regimbe si fort contre l'exigence de l'aveu ?
qu'un seul remède qui puisse le guérir, et que sa na- gJâce de Diiu.
ture se révolte contre lui, le médecin ne doit pas laisser
à lui seul le soin de le prendre. Ainsi Dieu ne serait pas
non plus le doux médecin qu'il est, s'il nous montrait
seulement le remède qui peut nous sauver, et s'il nous
laissait seuls le soin de retrouver en nous la force d'en
faire usage. L'homme tel qu'il est ne peut pas tenir
tête àl'amertume et à l'humiliation qui exigent un aveu
qui doit conduire au salut. Aucune simple considéra-
tion de raison ne nous engage à nous charger de cette
pénitence. Nous voudrions obéir à notre conviction,
mais nous ne sommes pas capables de l'exécuter de fait.
Aucune exhortation étrangère ne nous est de quelque
utilité en cela. 11 est possible que nous approuvions ce-
lui qui nous exhorte ; mais nous ne suivrons pas sa pa-
role. Ceque dans une force supérieure, dansla grâce
n'est
du Tout-Puissant, que nous pouvons puiser du courage
pour ce sacrifice. Or la bonté du médecin la met à notre
disposition quand nous voulons. C'est lui qui a préparé
le remède ; il le présente à nos lèvres ; il nous soulève
de notre couche pour que nous puissions boire plus fa-
PÉNITENCE ET SATISFACTION.
la raison naturelle. —
3. D'où vient l'aiguillon qui blesse dans l'ap-
4. —Trois
pas âïfficuès
Dans son voyage à travers le lieu de la purification,
et nécessaires.
rj
an t e arriva près d'une haute muraille de rochers.
Maintenant, lui dit son compagnon qui le voyait pâlir,
maintenant, déploie toute ton énergie, montre que tu
es un homme, et mets la crainte de côté, car tu es
arrivé à l'endroit où l'on se défait du péché (I).
2, q. 73, a. 8, ad 2.
(3) Thom., 1, 2, q. 21, a. 4, ad 1.
judaïque : œil pour œil, dent pour dent (2), mais ils éten-
dent l'obligation de satisfaire à tout péché sans distinc-
tion, quand même le péché n'a fait de tort à personne.
De même qu'ils reconnaissent l'obligation de satisfaire
pour chaque crime commis contre le droit d'un tiers, de
même ils admettent aussi qu'on doit subir une punition
pour toute faute commise envers la divinité. Leur tra-
gédie repose sur ce principe si souvent exprimé dans
Eschyle et dans Sophocle « Il convient que celui qui :
(2) Exod., XXI, 24, Num., XXIV, 20. Deuter., XIX, 21.
(3) iEschylos, Agamemn., 1564; Fragm., 321 Supplie, 436. So- ;
rhomme
té,
ne
bien encore in terpréter ceci, dans ce sens qu'il est en
S
notre pouvoir de nous délivrer nous-mêmes du péché
l
SS iai -môme"
et de ses suites. Rien ne saurait être plus erroné que
cette idée. L'homme ajuste la force suffisante pour se
rendre malade ; mais là où il s'agit de guérison, il y a peu
de chose à attendre de Le proverbe dit avec une
lui.
(1) Ibid., V, i.
(2) Wuttke, Gesch. des Heidenthums, II, 379, 480 sq., 496 sq.
(3) Vendiclad, 18, 136-148. Spiegel, Avesta, I, 293 sq. II, LIX. ;
5e ar 1a
^- pénitence et prier est bon pour des gens qui ne peuvent
nitence.
p ag fa re au [ re chose. Le Winsbeke tient un tout autre
j
langage :
tiquée, parce manite. Les reproches qui lui sont adresses couram ment
que nous n'ap- ,
ne ftoiit qu
,
precions pas
x
attester que
x
nous avons perdu 1 amour de la
notre honneur '
(1 Ghrysost., Sacerd., 2, 3.
(2) Dante, Purgat., 21, 66.
412 LE RETOUR DE L'HUMANISME A L'HUMANITÉ
frances qui sont notre lot à tous, en pratiques de péni-
tence méritoires, par l'acceptation résignée d'un sort
auquel nous ne pouvons nous soustraire. Mais il ne
faudrait pas que l'homme
peu soucieux de son
fût si
honneur qu'il l'est la plupart du temps, pour ne pas
sentir tout le poids de cette confiance. Notre liberté,
semble-t-il, se croit plus souvent appelée à détruire le
bien, à profaner le beau, et à éviter le grand, qu'à nous
déterminer vers ce que nous reconnaissons comme no-
tre avantage. Ah ! comme les choses iraient mieux pour
nous, nous étions sous une discipline sévère au lieu
si
paroles du poète :
PÉNITENCE ET SATISFACTION 42
devenir autre, et je suis encore ce que j'étais. Je le vois,
rarbre deia
vie comme
très sinueux elles-mêmes, les voies des hommes fuient
aboutiua
aI
hi-
e ^ s'entrecroisent dans une curieuse confusion. Cepen-
de
teSre. dant e ^ es on t deux issuesoù sont plantés les deux
,
l'homme
de
Adam de celle du second. On l'appelle histoire de l'hu-
manité,— nom orgueilleux qui caractérise bien l'esprit
'
v
l) August., Nat. ctgrat., 19, 21 20, 22. Thomas, 1, 2, q. 85, a. 2.
;
(3) Natura mala, non malum (August, loc. cit., 3, 188, 190, 192).
(4) Natura bonum, sed inest ei malum (August., Op. imper f., 3,
144).
(5) Vol. II, Conf. XIV, il sq.
pas cela qui pouvait les aider. Ils dirigèrent alors le cou-
teau du sacrifice vers leur propre sang; les serviteurs
deBellone, de Cybèle, de Rhéa, de Ma, de Baal se dé-
chirèrent, dans un désespoir insensé. Les peuples les
plus civilisés sacrifièrent leurs semblables pour calmer
ces angoisses. Les mères prirent leurs propres enfants,
et les précipitèrent en riant dans les flammes. C'est un
spectacle qu'on peut à peine supporter.
En considérant du
ces efforts faits pour se délivrer
péché, il nous semble être sur un rocher escarpé au
bord delà mer. Celle-ci mugit furieuse la tempête fait ;
(1) Ps., LXXX, 12, 13. Rom., I, 28. Act. Ap., XIV, 15.
L'ANCIEN ADAM ET LE NOUVEL ADAM 433
tique, il avait blessé son orgueil. Elle ne pouvait le re-
connaître aussi critique qu'il le lui disait. Elle croyait
souffrir d'une légère indisposition, et pensait que son
mal passerait sans du médecin. Elle
l'intervention
croyait pouvoir s'en tirer elle-même. Mais le médecin
avait de l'expérience, et il avait jugé juste. Des humeurs
corrompues se mirent à suinter par tous les pores.
Le grand malade voyait son mal augmenter chaque
jour.
Mais la nécessité rend inventif. Le sentiment de la
(1) Sap., V, 8, 7.
d'attache pour son salut. C'est triste qu'il ait laissé aller
les choses aussi loin. Pourvu que le dernier remède ait
encore quelque efficacité.
(1) Rom., V. 7.
(2) Joan.,XV, 13.
(3) Job. XIII, 25, Homer., IL, VI, 146. Musœus
dans Clem. Alex.,
Strom., VI, 2, 5. Cf. Mùllach, Fragm. phil. Grsec, I, 161.
(4) Greg. Mag., Moral., XI, 60.
L'ANCIEN ADAM ET LE NOUVEL ADAM 441
ciers qu'il puisait jadis dans le sol sacré de l'Eden se
dessèchent de plus en plus dans ses veines.
Pendant des siècles, les tempêtes le ballottèrent sans
qu'il pût se défendre, sans qu'il vît luire une étincelle
d'espérance. Enfin un coup de vent heureux le porta sur
une montagne rocailleuse. Sur cette montagne, il y a
une femme plongée dans la douleur, au pied d'un ar-
bre. Mais cet arbre est sec comme la mort, chauve
comme l'arbre du Paradis depuis le jour fatal où la
femme l'avait dépouillé de ses feuilles. C'est l'arbre de
la Croix. La vie vient de lutter avec la mort. La mère
dtï douleurs ne peut plus supporter l'aspect de son fils
2'J
%
TABLE DES MATIÈRES
Pages
TROISIÈME PARTIE
HISTOIRE DE LA CIVILISATION DE L'HUMANISME
nité. — Cependant cela n'a pas de fin qui ne sert pas la fin Ut
2.
plus élevée. —
3. Dans quelle mesure la fin dernière est la féli-
cité ; différence du point de vue de l'Humanisme et de celui de
l'Humanité. —
4. La négation de la fin suprême est la déclaration
de banqueroute de l'Humanisme. —
5. Les ressorts de toute his-
toire et de tout mouvement de civilisation. — 6. Les différentes
vues sur la félicité comme thermomètre de la valeur des civilisa-
tions. — Le vrai chemin de la, félicité.
7. — 8. Physionomie et con-
ception de la vie d'après la philosophie et la civilisation modernes.
— 9. Les trois conceptions du monde essentiellement différentes.
— 10. La vie comme course immense.
QUATRIÈME PARTIE
LE RETOUR DE L'HUMANISME A L'HUMANITÉ
DIX-NEUVIÈME CONFÉRENCE. — Le gouvernement
de Dieu dans le monde 271-296
de s'affranchir de ce poids. —
7. L'esprit du monde et le repen-
tir. — 8. Le repentir comme destruction de l'orgueil sous ses
deux faces. —
9. Le repentir impossible sans la foi à la miséri-
corde de Dieu. —
10. Le repentir comme anéantissement des
propres actions mauvaises. —
11. Le plus grand et le plus diffi-
cile des triomphes. —
12. Dieu a partagé sa toute-puissance avec
le repentir.
d'avoir péché. —
9. L'humilité. —
10. La confession est une exi-
gence de la raison naturelle. —
11. D'où vient la répulsion qu'on
éprouve pour la confession. —
12. Elle n'est possible que par la
grâce de Dieu.
TABLE DES MATIÈRES 447