Protocole D'interview Joseph Aouda

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Yaoundé, 20 septembre 2017

Objet : Protocole d’interview à l’attention


de Jean Joseph Aouda, CEO de Beacop

Monsieur le CEO,
Le magazine Investir au Cameroun, publication produite par l’Agence d’informations
économiques Ecofin, basée à Genève en Suisse, souhaite, pour son édition du mois
d’octobre 2017, s’entretenir avec vous, dans l’optique de braquer les projecteurs sur
votre entreprise, ainsi que le secteur ferroviaire au Cameroun, dans lequel vous êtes
l’un des rares prestataires local face à des étrangers.

Aussi, nous vous saurions gré de bien vouloir apporter des réponses aux
interrogations ci-dessous, afin d’édifier nos lecteurs triés sur le volet.

- Vous avez été l’une des chevilles ouvrières de la boucle ferroviaire ouest-
africaine. Comment êtes-vous arrivé sur ce gigantesque projet ferroviaire
porté par le groupe Bolloré ?

Lorsque le groupe Bolloré avait décidé de construire la boucle ferroviaire,


l’implémentation avait été confiée à CAMRAIL. Une délégation composée du Directeur
Général, du Directeur des Grands Projets et du Directeur des Installations Fixes (DIF) a
fait le déplacement pour explorer le site de la construction du démonstrateur (une ligne
grandeur nature de 500 mètres linéaire). Comme j’étais le Directeur des Installations Fixes
à cette période, j’avais donc eu le, privilège de faire partie de la délégation. Il était revenu
à la Direction dont j’avais la charge d’implémenter le projet sur le terrain. J’ai choisi
parmi les meilleurs collaborateurs camerounais des chefs d’équipes pour aller exécuter ces
travaux. Compte tenu du challenge, j’ai tenu personnellement à superviser les travaux sur
le terrain. La veille de l’inauguration de ce fameux démonstrateur, le Président du Groupe
en la personne de Vincent BOLLORE a tenu à me convoquer pour une séance de travail
avec ses plus proches collaborateurs avant de rencontrer le Président de la République du
Niger. C’était la première fois pour moi de travailler directement avec le Grand Vincent
BOLLORE en direct pendant une heure. C’était l’opportunité en or qui m’était donnée de
prouver que je pouvais être l’homme de la situation. Ce fût le déclic pour moi et pour mes
collaborateurs camerounais dans ce projet.

- Racontez-nous un peu votre expérience sur ce chantier ?

Avant toute chose, je pense que c’est le lieu pour moi de manifester ma gratitude au
groupe Bolloré sans lequel, je ne serai pas expert en ferroviaire. En effet, tout au long de

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mon parcours dans ce groupe, il m’a été donné toujours l’occasion de mettre en évidence
mes compétences malgré mon esprit indépendant. Je peux vous informer que j’ai explosé
les records de performance partout où j’ai eu la charge de gérer.

L’expérience que nous avons vécue sur ce chantier est énorme. Imaginez-vous que vous
soyez l’un des principaux acteurs de la conception à la réalisation d’une infrastructure
aussi gigantesque que le chemin la boucle ferroviaire de l’Afrique de l’Ouest. Le groupe
Bolloré avait un challenge : celui de réaliser mettre en évidence la capacité d’expertise
ferroviaire africaine avec des collaborateurs issus des deux concessions CAMRAIL et
SITARAIL. Donc la responsabilité de tout un continent pesait perpétuellement sur nos
épaules.

L’un des grands défis et non des moindres, était de construire le chemin de fer tout en
apprenant le métier aux1 200 nigériens qui comptait l’essentiel de la main d’œuvre utilisée
sur les chantiers. Nous devrions faire face à la rudesse du climat d’un côté et à la mentalité
des ouvriers totalement différente des nôtres ne serait-ce que sur le plan religieux et
culturel.

Pour finir, je m’en voudrai de ne pas revenir sur une anecdote où un octogénaire a défié
les gardes rapprochées de la présidence pour toucher le rail en disant tout en pleurant :
« J’ai attendu plus de soixante-dix ans que ce rêve se réalise. La cerise sur le gâteau est
que ce soit fait par un de mes fils noirs. Je peux mourir en paix. Même si vous voulez,
vous pouvez tirer sur moi ». Je vous assure qu’on ne vit pas ce genre d’émotion plusieurs
fois dans la vie.

- Comment vous est-elle venue l’idée de monter une entreprise active dans
l’ingénierie ferroviaire, domaine jusqu’ici réservé à des entreprises
étrangères ?

Je n’aime pas la routine, et tous mes anciens supérieurs hiérarchiques étaient au courant de
ce fait, c’est la raison pour laquelle j’estime qu’occuper les mêmes responsabilités pendant
plus de trois ans est contreproductif. L’idée de me monter une entreprise me hante il y a
de cela quelques années. C’est d’ailleurs pour cela que je me suis inscrit en MBA à France
Business School. Une formation qui a renforcé ma volonté de créer une entreprise.

Lorsque je suis rentré au Cameroun, à la suite des différents qui ont opposé un homme
d’affaire béninois au gouvernement béninois et au groupe Bolloré et qui aboutit à la
suspension des travaux au Bénin, j’ai été approché par le promoteur initial de BEACOP en
la personne de BOUBA pour booster son entreprise. Chose que j’ai accepté le temps de
mettre sur pieds une entreprise propre à moi qui porterai le nom de JJ Consulting. Chemin
faisant et voyant la structuration que je commençais à donner à son entreprise et les

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difficultés de trésorerie que nous avions à cette période, M. BOUBA a proposé de me
céder ses parts. J’ai accepté l’offre.

Compte tenu de mon humble expertise sur le plan ferroviaire, il était normal que nous
mettions l’accent sur le volet innovant au Cameroun qu’est l’expertise dans l’ingénierie
ferroviaire. C’est vrai que pour l’instant, ce domaine est le monopole des entreprises
étrangère, mais nous pensons que nous sommes un partenaire local sûr et incontournable.

- De quels atouts majeurs dispose le cabinet Beacop que vous dirigez, pour
faire face à la concurrence des entreprises étrangères, qui ont pratiquement
raflé tous les contrats dans le domaine ferroviaire africain depuis plusieurs
décennies ?
Notre premier atout, comme toute entreprise qui se respecte, est la compétence de nos
hommes en matière d’expertise ferroviaire. Nous pensons aussi qu’il serait de bon ton pour
les maîtres d’ouvrage d’inciter dans ces projets les entreprises étrangères de travailler avec
les locaux pour un meilleur transfert de compétence et une vulgarisation de cette expertise
sur le plan national. En plus de la raison universelle, nous pensons avoir cinq atouts :
1. Professionnalisme : BEACoP favorise le professionnalisme en engageant du
personnel permanent qualifiés et des consultants expérimentés. Nous avons la
prétention de développer un contexte de travail qualifiant et faciliter un
perfectionnement constant. Pour BEACoP, le professionnalisme comporte plusieurs
devoirs fondamentaux auxquels se rattachent quatre grandes valeurs :
Responsabilité, Compétence, Engagement Social et Sens de l’Ethique. Afin
d'illustrer ces concepts qui doivent guider les actions et les décisions des experts.
2. Proactivité : une écoute active et la recherche de solutions. Être proactif, chez
BEACoP, veut dire tout simplement que nous avons encadré notre réactivité de
manière à l’inscrive dans une stratégie d’action à moyen et à long terme. Nous
respectons nos engagements conformément au planning que nous élaborons. Notre
vision nous dicte l’impulsion nécessaire pour maintenir le cap et réajuster en temps
opportun notre trajectoire en cas de besoin. Nous passons du stade de spectateur à
celui de l’acteur. Ainsi nous ne subissons pas l’urgence et en réduisant les sources
de stress, ce qui a pour corollaire une amélioration du bien-être quotidien de nos
collaborateurs.
3. Transdisciplinarité : Chez BEACoP, nous promouvons des compétences
transversales au sein du groupe en plus de la connaissance de métier et du secteur
d’activité de chaque expert. La pluridisciplinarité dont il est question ici fait recours
au décloisonnement entre les différentes expertises. Les spécialités associées, tout
en gardant leur spécificité, participent à un projet collectif en y apportant leurs
savoirs et leurs méthodes. Elles collaborent et échangent entre elles pour répondre
aux besoins de l'action et de la compréhension. La transdisciplinarité : souvent la
mise en œuvre d'un travail commun engendre une complexité qui dépasse les

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cadres disciplinaires et implique le renforcement et / ou l'acquisition de
compétences communes (transversales) aux disciplines associées. C'est donc là
l'occasion d'utiliser la spécificité de chacune de ces spécialités pour atteindre ces
objectifs communs (compétences transversales).
4. Pragmatisme : Les projets que nous pilotons ou accompagnons respectent toujours
les trois piliers du développement durable : l’économie, le social et
l’environnement. Nous y associons toujours une dose de réalisme. Ainsi, dans
chacun de ses gestes conceptuels, BEACoP s’affranchit de toute complexité inutile
avec la ferme volonté d’être clair et opérationnel, dans toutes les situations, pour ne
pas perturber votre activité. Nous favorisons la technique de l’Approche par
Résultats Rapides (ARR) pour rompre avec les pratiques anciennes.
5. Flexibilité : BEACoP est dotée d’une adaptabilité qui lui permet de former de
petites équipes à fortes compétences techniques susceptibles de répondre
rapidement aux attentes et aux besoins de ses clients. Le Cabinet dispose d’une
expérience transversale lui permettant d’assister ses clients, entreprises ou
particuliers, pour l’ensemble des questions liées à ses domaines de compétence. En
fonction de l’importance du projet, nous actionnons notre réseau de partenariat.
Nous avons réussi à créer un maillage fort des partenaires avec des compétences
pointus dans leurs domaines d’activités respectifs.
- En dehors de Beacop, existe-t-il au Cameroun et dans la région Afrique
centrale d’autres entreprises appartenant à des nationaux, qui fournissent des
prestations dans le domaine de l’ingénierie ferroviaire ?

Nous nous sommes positionnés dans ce domaine parce que nous pensons qu’il y a un
besoin réel dans le domaine au Cameroun et dans la sous-région. Tellement les projets
ferroviaires sont rares que certains de mes ainés qui ont le potentiel n’ont pas voulu s’y
jeter. Nous pouvons vous affirmer, que pour le moment, BEACOP regorge les meilleurs
experts ferroviaires disponibles au Cameroun et dans la sous-région. Vous savez
l’expertise ferroviaire est tellement pointue que nous nous connaissons presque tous dans
la région subsahélienne. De notre humble connaissance des réseaux ferroviaires de la
sous-région, le Cameroun peut se targuer d’avoir les meilleurs experts dans domaine dans
la sous-région.

- Quels sont, à ce jour, les références de Beacop dans ce domaine ?


Parler de référence pour une si jeune entreprise serait prétentieux, nous pouvons citer à
notre modeste actif :
 L’assistance technique et le transfert de compétence via le « learning by
doing » dans le cadre du projet de la boucle ferroviaire ;
 La supervision des travaux de la construction d’une voie nouvelle entre
Niamey et Dosso (150 km) a Niger ;

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 La supervision des travaux de Renouvellement de la voie ferrée entre Lomé et
Ccavély et le confortement de la voie ferrée entre Cacavély et Tsévié au Togo
(35 km) ;
 La gestion de deux unités de fabrication des traverses en béton armé au Niger ;
 La réalisation du diagnostic de 700 ouvrages hydrauliques sur le réseau
CAMRAIL ;
 Etudes de préfaisabilité et APS de la voie ferrée sur le tronçon Douala-Limbé
et Edéa-Kribi en sous-traitance.
- Les métiers du ferroviaire sont assez particuliers. Comment réussissez-vous à
trouver la main d’œuvre dans un environnement où il n’existe pratiquement
pas d’écoles et autres centres de formation à ces métiers-là ?
Nos experts sont essentiellement des anciens cheminots retraités dont l’expertise reste
inexplorée. Dans notre gestion prévisionnelle de la carrière, nous avons envoyé en
formation de Chef de District Voie deux jeunes ingénieurs de génie civil.
Effectivement, l’une de nos plus grosses préoccupations actuelles est la vulgarisation
des métiers ferroviaires au Cameroun. Nous y travaillons avec des anciens collègues
chevronnés et qui sont des nouveaux retraités dans la perspective d’ouvrir un vrai
centre de formation en métiers de chemin de fer. Cette vulgarisation est indispensable
dans la mesure où la réussite de la réalisation du Schéma Directeur National des
chemins de fer en dépend. Du moins si le Cameroun veut profiter de la disponibilité de
la main d’œuvre locale pour ces travaux. Nous espérons que le moment venu, nous
allons bénéficier de tout le soutien nécessaire du gouvernement camerounais pour
implémenter notre projet.
- Au Cameroun, l’on parle de plus en plus de la création d’une entreprise
spécialisée dans la gestion des infrastructures ferroviaires. Comment
appréhendez-vous l’avènement de cette structure ?

Les infrastructures sont la propriété inaliénable de l’Etat qui est le Concédant. Ce


dernier dans un premier temps a confié les prérogatives de la gestion des
infrastructures ferroviaires au Concessionnaire. Je pense à mon humble avis qu’il
revient à l’Etat de décider quand et à qui il veut transférer ces responsabilités. Ce n’est
pas un phénomène nouveau ni dans la gestion de la concession des Chemins de fer en
général et encore moins dans la gestion des concessions au Cameroun.

Le Chef de l’Etat Camerounais a instruit le gouvernement de créer une entreprise de


gestions des infrastructures. Il est évident que cette décision est un aveu du
disfonctionnement des différentes entités créées par le gouvernement dans le cadre de
suivi et de contrôle des activités du Concessionnaire. Ce manquement peut s’expliquer
en partie par la non connaissance des métiers ferroviaires des hommes à qui ces tâches
ont été dévolues. Comment voulez-vous contrôler ou sanctionner le travail de

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quelqu’un alors que vous n’avez aucune connaissance en la matière ? Comment
voulez-vous orientez une politique dans un secteur alors que vous n’avez aucun expert
dans vos rangs et de plus vous ne vous attachez pas les services des spécialistes ?

Le fait pour le Concessionnaire d’être à la fois Maître d’Ouvrage Délégué et Maître


d’Œuvre Délégué pose à mon avis un peu le problème de responsabilité et de
transparence du moment où celui qui finance l’investissement de ces infrastructures
n’a commis aucun audit technique en 18 ans de fonctionnement. Au moins la création
d’une telle structure pourrait régler cette question et lever toute suspicion quelconque
vis-à-vis du Concessionnaire.

Nous pensons que le plus important n’est pas de créer une entreprise qui va s’occuper
de la gestion des infrastructures, mais encore faut-il mettre des personnes compétentes
et des experts chevronnés pour animer cette entreprise. Le contenu des prérogatives
qui sera mis dans « gestion des infrastructures ». Il ne faudrait pas que cette structure
soit un goulot d’étranglement dans les opérations de l’exploitation du
Concessionnaire. L’architecture du socle de l’organisation d’une telle structure devrait
être confiée à un cabinet qui comprend les contraintes de l’exploitation ferroviaire en
voie unique d’une part et celles du gouvernement d’autre part. il faudra définir
clairement les rôles du Concédant et du Concessionnaire, ainsi que la délimitation du
périmètre de champs d’action par rapport à cette gestion des infrastructures.

- Quelle appréciation globale faites-vous du réseau ferroviaire camerounais ?

Le concessionnaire a œuvré à relever le niveau de ces infrastructures par rapport à celui


qu’il a hérité de l’ex-Regifercam. Compte tenu de son âge avancé et des sollicitations
immédiates reçues eu égard aux différents projets de l’époque, il y a lieu de donner un
coup de fouet pour maintenir une performance équitable sur tout le réseau.

Il faut noter que le chemin de fer camerounais est construit à l’époque colonial et le
tronçon le plus récent a plus de 40 ans d’âge. Toutes les sections non renouvelées posent
énormément de problème de maintenance au Concessionnaire. Les types de matériaux
utilisés se font extrêmement rares, voire inexistante sur le marché mondial.

La voie ferrée : la ligne de l’Ouest devrait être complétement renouvelée sans délai avec
une forte action de déguerpissement des populations installées dans les emprises de la voie
ferrée. Pour ce qui est du Transcam, la section Pangar-Ngaoundéré est très préoccupante.
Un renouvellement dans le très court terme est indispensable, tellement l’entretien de cette
zone est techniquement inefficace et contreproductif pour le Concessionnaire. Il en est de
même pour le tronçon Douala-Yaoundé, mais dans une moindre mesure.

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Signalisation et télécommunication : la signalisation lumineuse Transcam 1 (Douala-
Yaoundé) hérité de l’ex-Regifercam est obsolète et ne réponds plus aux exigences de
l’heure. Le Transcam 2, qui jusqu’à ce jour est en cantonnement téléphonique devrait
s’arrimer aux standards universels de sécurité ferroviaire en termes de signalisation. De
nos jours, la signalisation ferroviaire est embarquée tel que le réseau type ERTMC
(European Rail Traffic Management System) qui offre toutes les conditions de sécurité,
met en liaison directe le conducteur et le PCC (Poste de Commandement et de Contrôle)
doit être implémenté sans délai sur l’ensemble du réseau ferroviaire. Malheureusement,
les capacités actuelles du système de télécommunication du réseau du Chemin de fer
camerounais ne peuvent pas supporter le volume nécessaire en termes de trafic
d’informations.

Compte tenu des potentiels disponibles, je donnerai la mention « peut mieux faire » au
réseau ferroviaire camerounais.

Pour l’Agence Ecofin,


Brice R. Mbodiam
brice2412@hotmail.com
00 237 699 60 17 47 – 696 63 06 63

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