Le Surréalisme Et L'extraordinaire

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LE SURRÉALISME ET L’EXTRAORDINAIRE

_L’extraordinaire fut pour le surréalisme à la fois un thème, un but et une


manière de concevoir l’art et la vie.

_Le surréalisme est un mouvement artistique total lié à la vie quotidienne.

Projet vouant une place maîtresse à l’inconscient, essentiellement littéraire à


l’origine, il est rapidement adapté aux arts visuels que sont la peinture, la sculpture, la
photographie et le cinéma.
Le surréalisme est un collectif, ainsi un certain nombre d’écrits et d’oeuvres sont
réalisés à plusieurs. On pense alors au recueil de poèmes et dessins Les Mains Libres
publié en 1937 et réalisé à 4 mains. Le recueil renverse les relations traditionnelles entre
texte et image, en mentionnant dès la première page de l'œuvre : « dessins de Man Ray
illustrés par les poèmes de Paul Éluard ». Engageant deux langages de manière
indépendante et mêlée, Les Mains libres échappent à la volonté d'emprisonner la
réalité entre la représentation picturale et une quelconque « traduction » poétique.
Le rapport au monde proposé par les deux artistes, rapport qu'on ne pourra détacher de
l'aventure surréaliste, joint l'imagination au réel.

Le mouvement surréaliste se veut en rupture avec les valeurs de l’époque, notamment


suite à la première guerre mondiale compte tenu des conséquences désastreuses d’un
point de vue humain.
Cette rupture concerne autant l’art que la politique, c’est un mode de vie comme le
suggère la définition rédigée sur un tract de l’époque : « Le surréalisme n’est pas un
moyen d’expression nouveau ou plus facile, ni même une métaphysique de la poésie.
Il est un moyen de libération totale de l’esprit et de tout ce qui lui ressemble ». C’est
pourquoi, selon André Breton, le surréalisme repose « sur la croyance à la réalité
supérieure de certaines formes d’associations ».

Tout comme leurs prédécesseurs les dadaïstes, qui à l’inverse des surréalistes voulaient
supprimer le désir pour toute forme de beauté, pour tout raffinement intellectuel et pour
toute forme de goût, les surréalistes apparaissent comme des artistes vivant d’une
manière provocante et voulant à tout prix étonner par le recours à l’insolite ou par le
biais de la dépravation de l’esprit.
Cependant, ils ont pour objectif de libérer l’homme des contraintes d’une civilisation
trop utilitaire. C’est pourquoi il fallait, selon eux, secouer et perturber les individus
afin de leur révéler leurs richesses intérieures.
Dali disait « Parlez de moi en bien ou en mal, mais parlez de moi ». Qu’il soit négatif ou
positif, les oeuvres surréalistes provoquent toujours un sentiment chez le lecteur ou le
spectateur car elles mobilisent ses sensations profondes en lui donnant à voir une réalité
liée à l’inconscient.

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_Il s’agit donc de découvrir pourquoi et comment le surréalisme transcrit
et crée de l’imaginaire, du « merveilleux », de l’extraordinaire en faisant
appel à l’inconscient pour accéder à une autre dimension du réel.

Théorisé par André Breton en 1924, dans le Manifeste du Surréalisme comme un


« automatisme psychique pur par lequel on se propose d’exprimer, soit verbalement,
soit par écrit, soit de toute autre manière, le fonctionnement réel de la pensée » et
ceci « en l’absence de tout contrôle exercé par la raison, en dehors de toute
préoccupation morale ou esthétique ».

Le surréalisme oppose donc à l’ordre et aux conventions un esprit de libération et


développe la puissance créatrice issue du rêve, du désir, de l’inconscient et des
rencontres fortuites dans la création.
En cherchant à soustraire l’homme au rationalisme de la culture bourgeoise et
occidentale ils tentent de passionner la vie.
Par conséquent, le surréalisme est contre un certain nombre de choses : contre toutes les
formes d’oppression du corps et de l’esprit, contre l’écrasement social, contre la platitude
du réalisme qui confond le réel avec la pauvre perception qu’il en a, contre la logique « la
plus haïssable des prisons » et contre la littérature si elle se borne à exprimer ce qui est
déjà là.

Le surréalisme apparaît comme un mouvement initiatique et mystique.


Leur rupture avec le monde leur fait éprouver l’angoisse qui les a poussés à s’interroger
sur eux-mêmes, leur impuissance à résoudre seuls leurs conflits les amène à envisager
l’homme en tant qu’être social. Compte tenu que le surréalisme est aussi une façon de
vivre, les surréalistes retournent dans le réel, en s’engageant en politique
notamment, pour édifier une théorie d’action sociale afin de changer les conditions
extérieures qui limitent l’existence de l’homme. À partir de 1925, Breton rapproche
ainsi les surréalistes au Parti Communiste. Cet engagement se poursuit lors de la
seconde guerre mondiale par leur intégration à la Résistance.

En effet, le surréalisme doit faire oeuvre positive en ce monde, agir pratiquement sur les
faits tout en poursuivant ses investigations sur l’activité intéressante de l’esprit.

La réalité et la surréalité interfèrent sans cesse ; le but du surréalisme est de montrer


l’unité de ces deux mondes en apparence si opposés pour développer la personnalité
humaine.
Le surréalisme n’est pas une conception pessimiste de la vie puisqu’il révèle les
possibilités insoupçonnées et veut fournir les moyens de les réaliser à l’homme.

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_ LES PROCÉDÉS ET THÈMES SURRÉALISTES : RÉVÉLER
L’EXTRAORDINAIRE

Le caractère premier des surréalistes est ancré dans l’étymologie du terme composée de
sur- et du nom réalisme. Le préfixe sur- du latin super (au-dessus de) indique un aspect
de supériorité au réel. Le suffixe -isme quant à lui insiste sur le caractère idéologique du
mouvement.
Le mot est attesté chez Apollinaire en 1918 et ses enjeux seront théorisés dès 1924
par André Breton dans son premier Manifeste du Surréalisme.

Des thèmes symboliques sont récurrents comme la ville, la mythologie, la femme et


l’amour ou encore les rêves… Des procédés singuliers sont alors utilisés et inventés
systématiquement.

_ PROCÉDÉS ET THÈMES : L’EXTRAORDINAIRE DANS LE QUOTIDIEN

Placé sous le signe d’un merveilleux à chercher dans le quotidien, l’art surréaliste a
pour fonction de révéler l’imprévisible, le stupéfiant et la beauté bouleversante dans
la trame du quotidien.
Pour les surréalistes, l’imagination a le pouvoir extraordinaire de découvrir un sens à
n’importe quelle rencontre à condition que l’oeil soit conditionné.
André Breton dans son essai Le surréalisme et la peinture, publié en 1928, affirme que
« l’oeil existe à l’état sauvage ». Il explique alors la possibilité, sinon la nécessité, de
découvrir des éléments neufs et inédits dans notre monde quotidien.
Cette exploration du monde ne peut se faire que par l’intermédiaire de l’oeil, du regard.

LA VILLE

Les surréalistes, passionnés par la vie moderne, ont élu la ville comme lieu de la
magie quotidienne. Paris fut l’espace d’investigation privilégié des membres du
groupe. Fascinés par le Paris littéraire, hantés par les ombres de Nerval ou de
Lautréamont, ils ont aussi découvert un Paris nouveau, un Paris contemporain, celui de
l’entre-deux-guerres. Nouveau car, délaissant les endroits à la mode comme
Montparnasse ou Saint-Germain, les surréalistes ont élu la rive droite, les grands
boulevards, les passages et autres lieux considérés jusqu’alors comme ordinaires ou
trop « populaires ».

La ville invite à la flânerie et flânerie rime avec rêverie. L’errance, au hasard, dans le
dédale des rues parisiennes, reste l’activité préférée des surréalistes, une activité que l’on
peut même qualifier de consubstantielle au surréalisme. La déambulation, surtout
nocturne, permet le jaillissement de l’inconscient, le surgissement de l’imprévu, le
choc poétique, la rencontre extraordinaire.

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Cette déambulation pédestre est, pour les membres du groupe, une véritable activité
mentale et poétique qu’Aragon qualifie de « métaphysique des lieux ». Plutôt que de
se promener, le poète surréaliste est promené, entraîné par une force mystérieuse à
laquelle il s’abandonne.

Il est, aussi, en quête des pouvoirs perdus et, pour lui, explorer la ville revient à
explorer l’inconscient. Flâner au hasard, l’imagination flottante, en s’abandonnant,
ouvre des failles dans lesquelles s’engouffre ce que la raison refoulait jusqu’alors.

Les parcours sont ainsi jalonnés de signes qu’il faut savoir lire et décoder.
Desnos est particulièrement sensible aux effigies de la mythologie moderne placardées
sur les murs : le bébé Cadum ou encore le Bibendum du pneu Michelin.

Eli Lotar, photographe d’origine roumaine, visite les abattoirs de la Villette. Sur ce
cliché, les pieds de veau sont alignés au garde-à-vous contre un mur noir.
Image mystérieuse, inquiétante. On pourrait imaginer des pieds de soldats couverts
de guêtres et coupés au jarret. Le thème de l’abattoir est un thème cher aux
surréalistes. Sur cette photo, particulièrement, il renvoie à la boucherie de la Grande
Guerre. D’autre part, on voit sur le mur des traces de graffiti et des lettres. Signes, là
encore, infiniment surréalistes. Les poètes aimaient, au cour de leurs flâneries nocturnes,
avoir l’œil arrêté par ces inscriptions toujours chargées de sens.
La ville favorise ainsi les « pétrifiantes coïncidences ».

Pour les surréalistes la ville -lieu privilégié de la magie quotidienne- est bien, comme
l’affirme Benjamin Péret, « chair et sang de la poésie ».

L’INQUIÉTANTE ÉTRANGETÉ

L’étrange et l’inattendu semblent constituer autant de moyens de mettre à jour la


surréalité, par un regard porté différemment sur le monde.

Ce concept freudien, d’inquiétante étrangeté, apparenté à celui de peur, d’angoisse,


d’effroi, présente néanmoins un sens qui lui est propre. L’inquiétante étrangeté est
l’effroi en tant qu’il se rattache aux choses connues depuis longtemps, les choses
familières qui, dans certaines conditions, deviennent inquiétantes.

Un des procédés les plus sûrs pour susciter ce sentiment est de douter si la personne
que l’on a devant soi est un être vivant ou un automate (thème très présent chez les
surréalistes).

Ce sentiment, qui serait peu répandu dans la vie courante, trouverait dans l’art ses plus
importantes manifestations. L’écriture, comme aussi la peinture, la sculpture ou la
photographie surréaliste véhiculent au plus haut point ce sentiment.

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Giacometti, Table, 1933
Conçue pour être un meuble, cette sculpture, dont le principe repose sur l’association
étrange d’objets réunis, exerce sur le spectateur un sentiment subtil qui s’apparente
aussi de l’inquiétante étrangeté. La main coupée, la tête de femme en partie voilée et
dont le voile se poursuit dans le vide, évoquent par métonymie un corps absent de la
scène de la représentation. Le curieux polyèdre, en équilibre instable sur le bord de la
table, contrastant avec les autres éléments de la sculpture qui restent essentiellement
figuratifs, ajoute du mystère à la composition.
C’était, comme le rappelle Giacometti à Pierre Matisse, marchand d’art, en insistant sur
sa fonction d’objet mobilier, « une table pour un couloir ». Un extraordinaire objet
pensé pour le quotidien.

Victor Brauner, Loup-table, 1939-1947


Tout autre est l’effet provoqué sur notre sensibilité par l’effrayant Loup-table de Brauner.
La table, objet on ne peut plus familier et réconfortant car lié aux repas, à l’élément
nourricier source de vie, se retourne en son contraire se métamorphosant en animal
agressif et dévorant. Le mot loup contenu dans le titre évoque par ailleurs les contes
d’enfants.

L’OBJET SURRÉALISTE

Dès 1924, André Breton, dans son Introduction au discours sur le peu de réalité,
propose de fabriquer « certains objets qu’on n’approche qu’en rêve ». Les surréalistes,
artistes et écrivains, vont s’adonner passionnément à cette pratique.
L’auteur de l’objet surréaliste associe les éléments les plus hétéroclites de manière
insolite et provocante afin de déclencher le choc de la surprise et transporter le
spectateur dans un univers de rêve.

Que les objets soient détournés de leur fonction ordinaire, par un titre ou une
signature, trouvés et interprétés, assemblés ou reconstruits de toute pièce à partir
d’éléments épars, leur destin surréaliste est de servir la perturbation et la déviation
par une volontaire « mutation de rôle ».
La mise en circulation de ces objets, qu’ils soient rêvés, trouvés ou fabriqués, est bien
« l’une des plus remarquables lignes de force du surréalisme » ainsi que l’a affirmé Breton.

Meret Oppenheim, Déjeuner en fourrure, 1936


Meret Oppenheim savait très bien conjuguer cette recette surréaliste par excellence :
idée-humour-instant-hasard.
Une tasse, une soucoupe, une cuillère revêtues d’un habillage en fourrure : cet
ensemble usuel, détourné de sa fonction utilitaire, provoque à la fois attirance et
répulsion. Il s’en dégage un malaise indéfinissable. Cet objet devint d’ailleurs l’objet-
fétiche du groupe.

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LE COLLAGE DÉFIANT L’ENTENDEMENT

Le collage, inventé d’abord en littérature par Lautréamont dans sa phrase phare « Beau
(...) comme la rencontre fortuite sur une table de dissection d’une machine à coudre
et d’un parapluie ! », allait devenir une des pratiques courantes chez les surréalistes qui
l’introduiront dans leurs oeuvres.
Contrairement au collage cubiste (1911) où l’enjeu était essentiellement plastique, le
collage surréaliste est un procédé poétique car il cherche le merveilleux,
l’extraordinaire, l’insolite.
Max Ernst, figure dominante du surréalisme, a été l’artiste qui a amené cette technique
au plus haut degré d’élaboration comme l’illustre son roman collage de 1934 intitulé
Une semaine de bonté.
L’artiste puise son inspiration dans des gravures sur bois issues de romans populaires
illustrés, de journaux de sciences naturelles ou encore de catalogues de vente du
XIXe siècle.
Chaque collage forme un engrenage donnant naissance à des êtres extraordinaires
évoluant dans des décors fascinants, des mondes visionnaires défiant l'entendement
et le sens de la réalité.

Le trouble, que ces oeuvres suscitent, attire et repousse à la fois. Ces sentiments sont
pourtant volontairement suscités par les procédés surréalistes.
Les surréalistes alors désireux d’exprimer leur inconscient ou de provoquer
l’inconscient du spectateur-lecteur.

_ PROCÉDÉS ET THÈMES : FAIRE SURGIR LA PAROLE HORS DE CONTRÔLE

Des moyens inédits et extraordinaires sont inventés afin de faire surgir l’inconscient,
la parole hors de contrôle : rêve à l’état de sommeil ou de veille, parole sous hypnose,
écriture automatique, collages, frottage, paranoïa critique, procédés hallucinatoires
divers, recherches optiques, choix de thématiques teintées d’extraordinaire…

L’AUTOMATISME

Si pour les surréalistes, et pour André Breton en particulier, l’écriture automatique


est fondatrice, c’est qu’elle est « la liberté humaine agissant et se manifestant ».
L’écriture automatique a précédé, historiquement, la découverte du dessin automatique
et autres procédés picturaux autorisant le jaillissement de l’inconscient.

Les champs magnétiques, écrits en deux mois par Breton et Soupault en 1919
constituent la première expérimentation d’écriture automatique.
Soupault a rapporté ce que fut la genèse de cet ouvrage en commun « où nous nous
interdisions de corriger, ni même de raturer… ce que nous nommions… des dictées ».
Celles de l’inconscient. Breton expliquera plus tard qu’il s’agissait de pouvoir varier d’un
chapitre à l’autre « la vitesse de la plume, de manière à obtenir des étincelles
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différentes ». Les deux poètes noircirent du papier au café La Source huit à dix heures
par jour, la fatigue devant jouer son rôle et les plonger dans un état second.
Les images font, dans ce texte, une entrée fulgurante comme cette « fenêtre creusée
dans la chair ».

Breton est resté lucide, explorer l’inconscient, plonger pour remonter un trésor englouti
n’est pas sans risque. Au milieu de l’émerveillement peuvent faire surface la
désespérance, la nostalgie de l’enfance, la solitude de la ville, ou encore apparaître
des êtres menaçants.
Breton dénoncera ces dangers et met en avant le risque de dépersonnalisation, qui
peut aller jusqu’au vertige de la mort. Perte de soi et hallucinations ont en effet affecté
plusieurs peintres et écrivains du groupe.
Breton revendique cependant que le surréalisme est parvenu à mettre la main sur la
matière première du langage et que le message automatique, qu’il soit verbal ou
visuel constitue bien « l’idée génératrice du surréalisme ».

Les peintres surréalistes se sont ainsi vite ralliés à l’automatisme…

Soleils Furieux, Masson, 1925


Masson, avant de saisir sa plume, fait le vide en soi, ferme les yeux de la raison, laisse
jaillir le message inconscient. Alors, comme ici, sa « ligne errante » décrit des figures
involontaires. Masson confiera que le dessin automatique avait pour lui presque toujours
une espèce de soubassement érotique. Il dira, dans un entretien : « Ces dessins
m’avaient ouvert un monde. Un peu celui des médiums. »

Frottages, décalcomanies et jeux du Cadavre exquis s’apparentent, dans leur


démarche, à l’écriture automatique.

Le procédé du frottage, découvert par Max Ernst en 1925, fait apparaître des formes
réalistes à partir de matières du quotidien.
Appliquant ce procédé, Ernst fait apparaître oiseaux enchanteurs, rhinocéros,
pupilles éblouies, végétation inconnue ou astres mystérieux.

L’invention et la pratique du « cadavre exquis », aussi bien écrit que dessiné ou peint,
se rattache à l’automatisme. Le hasard, l’abandon, y jouent en effet un rôle essentiel.
« Le cadavre-exquis-boira-le-vin-nouveau » : le terme naît de cette première phrase
obtenue au jeu du papier plié.
Ce jeu est fondé sur l’inspiration, sur la dictée automatique, mais aussi sur une
construction réglée qui oblige les participants à « jouer le jeu ». C’est la construction
grammaticale, la syntaxe.
Ces « cadavres exquis » provoquent impression de dépaysement et de jamais vu. Ils
ont, pour Breton, une « valeur secouante ».

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En dessin, ce même principe du papier plié fait apparaître des personnages hybrides
en proie aux métamorphoses, au mélange des espèces. Au départ, il faut toujours
dessiner un corps. Les joueurs suivants tracent les membres inférieurs ou la tête.

Ainsi, pour « ouvrir la boîte », lever le refoulement et libérer la puissance créatrice,


d’autres méthodes seront utilisées, comme celles des sommeils hypnotiques, des
récits de rêves, de la simulation des délires.

INFLUENCE DE LA PSYCHANALYSE : LA MISE EN SCÈNE DES RÊVES


(MARCHER DANS LES RÊVES ÉGALEMENT ?)
Les théories psychanalytiques de Freud, contemporaines aux surréalistes, fascinent
les gens et surtout les artistes. On y traite du subconscient, de l'inconscient et de
l'interprétation des rêves.
Ces nouvelles théories inspirent les peintres qui voient dans ces sujets de nouvelles
techniques d'explorations picturales et souhaitent tirer parti de ce monde imaginaire
et onirique.
Les peintres ne désirent pas interpréter leurs rêves. Ils souhaitent les mettre en scène
esthétiquement sur la toile, les représenter en puisant directement dans leur
inconscient.
Leurs tableaux décrivent le fonctionnement de leur imagination, ils sont une description
de la mécanique de la pensée.

L’atmosphère onirique caractérise tous ces artistes qui allient le monde intérieur à
des messages invitant à la réflexion. Cette retranscription de rêves extraordinaires
caractérise des artistes comme Dali, le plus fantasque et excentrique ou encore Max
Ernst qui peuple ses toiles de personnages oniriques…

Deux Enfants sont menacés par un rossignol, 1924 



Salué dès son exposition comme le manifeste du surréalisme, ce « tableau-poème »
comporte un texte étrange et hermétique qui est aussi son titre : Deux Enfants sont
menacés par un rossignol.
L’artiste a écrit cette phrase sur le rebord inférieur de ce tableau-relief.
L’espace de la représentation n’est pas un lieu réel mais la scène du rêve. C’est cette
frontière entre rêve et réalité que le portillon ouvert sur l’espace du spectateur invite
à franchir. Les couleurs délavées, la perspective lointaine, contrastent avec l’ici et
maintenant des éléments, comme le cadre massif en bois ou la petite barrière
ouverte, qui font irruption dans notre espace. 

Nous sommes dans une peinture hautement suggestive, rien n’est dit, tout est latent.
L’imprécision de la menace la rend encore plus redoutable. Le rossignol du titre n’est
pas l’oiseau qui plane dans l’air, et comment l’inquiétude pourrait-elle venir d’un animal si
inoffensif ? Qui sont les victimes ? Qui est l’homme qui se tient en équilibre instable sur
un toit, un petit enfant dans les bras ? Le texte redouble l’énigme et la peur se fait
angoisse/

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Ainsi l’extraordinaire interpelle à plusieurs niveaux la peinture de Max Ernst : de
l’inscription poétique dans l’œuvre elle-même à l’inspiration de l’œuvre et à
l’évocation poétique du tableau par le poème.

L’articulation littérature arts plastiques n’a jamais été aussi serrée que pendant la grande
aventure surréaliste. 

L’ancien adage d’Horace « ut pictura poesis », autrement dit « peinture et poésie
doivent procéder du même principe », n’a jamais été aussi suivi. Comme la poésie, la
peinture surréaliste doit suggérer, agir sur l’imagination, troubler.

Le cinéma surréaliste, sans logique narrative et sans dimension spatiotemporelle,


tente de transposer le spectateur dans un monde onirique grâce à un esthétisme
puissant.
Le film surréaliste est onirique tant dans le fond que dans la forme, à la fois dans la
structure et dans le scénario.
En 1926, le film Un chien andalou, de Bunuel et Dali, est légitimé par les surréaliste.
Sans structure narrative apparente, le film mêle le monde du rêve à la réalité sans les
différencier.
Les scènes, parfois absurdes, se succèdent. On distingue un mince fil conducteur où les
personnages et les lieux sont récurrents, le thème étant les relations violentes entre
un homme et une femme.
Le film laisse cependant une large place à l’interprétation : fourmis, pianos et ânes
morts apparaissent et disparaissent.
Écrit sur le modèle du cadavre exquis il n’a fallu à Bunuel et Dali que 6 jours pour
composer le scénario entièrement.

INFLUENCE DE LA PSYCHANALYSE : L’INTÉRÊT POUR LA MYTHOLOGIE

Très tôt les surréalistes se sont intéressés aux mythes, ces récits extraordinaires.
Cet engouement pour la mythologie a une double origine : l’une est liée à l’essence
même du surréalisme où le merveilleux, le fabuleux, l’imaginaire sont des éléments
moteurs, l’autre se rattache à leur passion pour la psychanalyse et son interprétation
des mythes.

André Masson, Le Labyrinthe, 1938


Le labyrinthe et le Minotaure se combinent dans cette œuvre de Masson mais,
inversant le mythe, c’est le second qui contient le premier. Le personnage fabuleux
s’élève immense sur un paysage avec lequel il se confond. Il s’agit d’une figure
complexe, ouverte et fermée à la fois, et qui inscrit en elle la déchirure.

Salvador Dali, La Vénus de Milo aux tiroirs, 1936-1964


Avec son interprétation délirante de L’Angélus de Millet, Salvador Dali s’est mesuré
aux figures mythiques et en particulier à Vénus, divinité de la beauté. La Femme et
l’Amour étant des thèmes surréalistes omniprésents chez les artistes.

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Les personnages à tiroirs font partie de l’iconographie de Dali, ils reviennent souvent
dans ses dessins, sa peinture, mais ici c’est à la sculpture classique qu’il applique son
motif.
Dans la symbolique freudienne les tiroirs correspondent aux profondeurs du
psychisme et Dali, qui vénérait Freud, suit cette conception.
Réunir dans une œuvre d’art la Grèce antique et la psychanalyse signifie pour l’artiste
dépasser les codes de la beauté idéale, pour accéder à la vérité d’un corps
extraordinairement travaillé par l’inconscient, avec ses zones d’ombre et ses parties
cachées.
Néanmoins ainsi qu’elle se présente, avec ses pompons, l’œuvre invite au toucher et,
peut-être, à ouvrir nous-mêmes les tiroirs. En s’attachant à ce modèle canonique de l’art
occidental, Dali est au cœur de l’esthétique de la profanation si chère aux surréalistes.

Le mythe, merveille ou terreur, écho de légendes ou de tragédies fondatrices, est


donc pour les surréalistes un écran où se projette leur passion pour tout ce qui est
identité instable, lieu d’anciennes métamorphoses se prêtant encore à d’autres.

CONCLUSION

Le surréalisme a été une avant-garde historique voulant par différentes techniques


libérer la conscience de ses limites conventionnelles.
Le surréalisme n’est pas seulement une esthétique souvent déconcertante d’une
quête de l’extraordinaire, du surréel. Chaque oeuvre surréaliste a une portée qui la
dépasse infiniment ; le surréel n’est pas une fin en soi mais un élément à introduire au
réel.

Le « merveilleux », thème surréaliste par excellence caractérisant tant une esthétique


recherchée que les techniques inédites mises en place, est largement employé par le
chef de file du mouvement dans ses écrits.
Le merveilleux est ainsi indissociable de la notion d’extraordinaire.

Si les surréalistes suscitaient le désarroi, l’angoisse ou la surprise sur leurs contemporains,


aujourd’hui leurs oeuvres se fondent dans la richesse de l’art contemporain, héritage
du surréalisme.
Nombreux sont ainsi les artistes qui revendiquent, consciemment ou inconsciemment,
une démarche similaire à celle des surréalistes tant dans les procédés que dans les
thèmes traités.

Par ailleurs, ces oeuvres pourraient ne créer aucune stupéfaction compte tenu du
nombre d’étrangetés et d’horreurs auxquelles nous assistons par le biais des médias
comme en témoigne la récurrente utilisation du terme surréaliste en tant
qu’expression dans le quotidien…

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