Glaude 2006

Télécharger au format pdf ou txt
Télécharger au format pdf ou txt
Vous êtes sur la page 1sur 33

Feuillets de Radiologie 2006, 46, n° 1,5-37

© Masson, Paris, 2006 3mise au point 3 ostéo-articulaire

Traumatismes du rachis cervical

E.-L. Glaude 1, F. Lapègue 2, L. Thines 3, M. Vinchon 4, A. Cotten 1


1. Service de Radiologie Ostéo-Articulaire, Hôpital Roger-Salengro, CHRU de Lille, boulevard du Professeur-Jules-
Leclercq, 59037 Lille Cedex.
2. Centre de Radiologie, 8, avenue du Maréchal-Juin, 11000 Narbonne.
3. Clinique Neurochirurgicale, Hôpital Roger-Salengro, CHRU de Lille, rue Emile-Lainé, 59037 Lille Cedex.
4. Service de Neurochirurgie Pédiatrique, Hôpital Roger-Salengro, CHRU de Lille, rue Emile-Lainé, 59037 Lille
Cedex.
Correspondance :
A. Cotten,
à l’adresse ci-contre.

l’arc postérieur se trouvent les masses latérales portant chacune


Une passerelle a été créée entre les Feuillets de Radiologie deux surfaces articulaires. La surface articulaire supérieure est
et les ouvrages des Éditions Masson par le biais de la publi- concave vers le haut et répond aux condyles occipitaux (C0)
cation d’extraits de certains nouveaux livres. pour former l’articulation occipito-atloïdienne. La surface
En choisissant des chapitres dont l’intérêt est assez large, inférieure est convexe vers le bas et répond aux masses latéra-
l’objectif est d’amener nos lecteurs à consulter de manière les de C2 pour former l’articulation atlanto-axoïdienne latérale.
plus intensive ces nouveaux ouvrages en éveillant leur À la partie médiale de la face postérieure de l’arc antérieur se
intérêt pour ces sujets. trouve une surface articulaire recouverte de cartilage qui
Article reproduit d’après l’ouvrage : Imagerie musculo- répond à la face antérieure du processus odontoïde de C2
squelettique : pathologies générales. Collection : « Imagerie pour former l’articulation atlanto-axoïdienne médiane. Laté-
médicale • Précis », chapitre 19, pp. 659-689. © Masson ralement, se trouvent les processus transverses qui contien-
2005. nent les foramens transversaires d’où part un sillon sur l’arc
postérieur : le sillon de l’artère vertébrale. Ce sillon est parfois
transformé en canal osseux (foramen arcuate).
Chez l’enfant, l’atlas est composé de trois centres d’ossification
séparés par des synchondroses (fig. 1) [3, 4] : deux centres
d’ossification primaire postérieurs (ossifiés dès la naissance) et

L es lésions traumatiques du rachis cervical sont fréquen-


tes et potentiellement graves. Elles sont multiples dans 25
un centre d’ossification secondaire (arc antérieur ossifié à la
naissance dans 20 % des cas seulement). L’ossification de
l’arc postérieur se termine vers 3-4 ans et celle de l’arc anté-
à 30 % des cas [1], ce qui justifie l’exploration du rachis cer- rieur vers 6-9 ans [5].
vical dans sa totalité. Elles s’observent chez 2 à 3 % des Les arcs postérieurs fusionnent entre eux à 3 ou 4 ans, les
patients polytraumatisés [2]. Inversement, environ 5 % des synchondroses neurocentrales (entre les masses latérales et
traumatisés crâniens présentent une lésion du rachis cervi- le corps) fusionnent vers 7 ans. Ces dernières ne doivent donc
cal, cette fréquence atteignant 45 % en cas de traumatisme pas être confondues avec une fracture avant cet âge. Toute-
crânien grave. fois, la différence radiographique entre une fracture (mise à
nu des travées osseuses, bords irréguliers) et un défaut de
Rappels anatomiques fusion (bords réguliers et corticalisés) ne doit pas poser de
problème.
Structures osseuses : anatomie et développement
L’atlas (C1) L’axis (C2)

Il se caractérise principalement par l’absence de corps verté- Il se caractérise par la présence du processus odontoïde, situé
bral, remplacé par un arc antérieur. Entre l’arc antérieur et à l’extrémité supérieure du corps de C2. Ce processus présente

Feuillets de Radiologie © Masson, 2006 5


Traumatismes du rachis cervical

jusqu’à l’âge de 11 ans et être prise pour une fracture du pro-


cessus odontoïde de type III. Les arcs neuraux fusionnent
entre eux vers l’âge de 2-3 ans et avec le corps vers 3-6 ans.

C3 à C6
Le corps vertébral est aplati dans le plan frontal. Sa face inter-
vertébrale supérieure, concave vers le haut, se prolonge latéra-
lement par les uncus. Le corps vertébral se prolonge en arrière
par l’arc vertébral postérieur composé des pédicules, des mas-
sifs articulaires, des lames et du processus épineux, bifide et
horizontal. Le processus transverse se détache du corps verté-
bral et du massif articulaire. Il est composé d’un tubercule anté-
rieur et d’un tubercule postérieur qui délimitent le sillon du nerf
spinal. Le tubercule antérieur de C6 (tubercule de Chassaignac)
est un repère chirurgical du niveau C6. L’ossification du proces-
sus transverse est incomplète, délimitant un foramen transver-
saire qui livre passage à l’artère vertébrale à partir de C6.
Chez l’enfant, ces vertèbres présentent trois centres d’ossifi-
cation : un pour le corps et un pour chaque arc neural [4]. Les
arcs neuraux fusionnent entre eux vers l’âge de 2-7 ans [5] et
avec le corps vertébral vers 3-6 ans. Jusqu’à l’âge de 7 ans, on
peut donc retrouver sur le cliché de face un faux aspect de
spina bifida [5] et sur le cliché de profil une bande claire sépa-
rant la partie postérieure des corps vertébraux de l’arc posté-
rieur. Les uncus commencent à s’ériger de la partie latérale
des corps vertébraux à partir de l’âge de 9-10 ans. Ce ne sont
Figure 1. Centres d’ossification des vertèbres C1 et C2. pas des points d’ossification distincts, mais des excroissances
verticales issues d’un corps vertébral déjà ossifié.
Des centres d’ossification secondaires apparaissent plus tardi-
une facette articulaire antérieure et une facette articulaire
vement :
postérieure, cette dernière répondant au ligament trans-
verse. Le processus épineux de C2 est volumineux et souvent • en périphérie des plateaux vertébraux. Il s’agit de structu-
bifide. res cartilagineuses annulaires circonférentielles, les listels
marginaux supérieur et inférieur. Ceux-ci commencent à se
Chez l’enfant, C2 comporte 4 centres d’ossification principaux
calcifier à partir de l’âge de 6 ans et à s’ossifier au début de
(fig. 1) : un pour chaque arc neural, un pour le corps et un
l’adolescence, pour fusionner complètement avec le corps
pour le processus odontoïde [4]. Le processus odontoïde est
vertébral entre 18 et 25 ans. Ils peuvent parfois ne pas
en fait formé de deux centres secondaires longitudinaux qui
fusionner et il ne faudra pas les confondre avec des arrache-
fusionnent in utero. Un défaut de fusion à ce niveau peut être
ments osseux ;
confondu avec une fracture longitudinale, mais cette dernière
• au sommet des processus transverses et épineux (appari-
est rarissime. Un troisième centre secondaire apparaît à
tion vers la puberté, fusion vers 25 ans).
l’apex du processus odontoïde (ossiculum terminale) vers
3-6 ans et fusionne avec lui vers l’âge de 12 ans. Il ne faut
pas confondre l’ossiculum terminale avec l’os odontoïdeum,
C7
longtemps considéré comme une anomalie congénitale, mais Cette vertèbre se caractérise par la présence d’un volumineux
correspondant probablement à une pseudarthrose d’une processus épineux, oblique vers le bas et non bifide, et par
fracture de l’odontoïde passée inaperçue (cf. ch. spécifique) l’absence de tubercule antérieur sur son processus transverse.
[6, 7]. Le corps de C2 fusionne avec le processus odontoïde Ces éléments permettent d’identifier facilement C7 sur une
vers l’âge de 3-6 ans. Cette ligne de fusion (ou synchon- radiographie du rachis cervical de profil. Le développement
drose sous-odontoïdienne ou dentocentrale) peut être visible de C7 chez l’enfant est identique à celui des vertèbres C3-C6.

6
E.-L. Glaude et al.
2 mise au point

Disques intervertébraux
et structures ligamentaires
Disques intervertébraux
À l’étage cervical, l’anneau fibreux de la partie antérieure
du disque est très épais, mais à sa partie postérieure, il n’est
représenté que par un très fin faisceau de fibres verticales,
quasiment absent en regard des uncus [8]. Les disques sont
également plus hauts à l’avant qu’à l’arrière, ce qui contribue
à la lordose cervicale [9]. AB
Figure 2. Schéma de profil (A) et de face (B) des structures ligamentai-
Structures ligamentaires res du rachis cervical supérieur.
1 : membrane atlanto-occipitale antérieure, 2 : ligament longitudinal
Les articulations occipito-atloïdiennes et atlanto-axoïdiennes antérieur, 3 : ligament apical du processus odontoïde, 4 : ligament
sont renforcées par un complexe ligamentaire puissant alaire, 5 : faisceau longitudinal du ligament cruciforme de l’atlas,
6 : ligament transverse (faisceau transversal du ligament cruciforme
comprenant, d’avant en arrière (fig. 2) :
de l’atlas), 7 : membrane tectoriale, 8 : ligament longitudinal posté-
• la membrane atlanto-occipitale antérieure, située entre rieur, 9 : membrane atlanto-occipitale postérieure, 10 : ligament jaune,
la partie basilaire de l’occiput et l’arc antérieur de C1 où elle 11 : ligament nucal.

se poursuit par le ligament longitudinal antérieur ;


• le ligament apical du processus odontoïde, tendu entre le
• le ligament longitudinal postérieur, à la face postérieure des
bord antérieur du foramen magnum et l’apex du processus
corps vertébraux. Son feuillet superficiel épais prolonge la
odontoïde ;
membrane tectoriale et se termine sur le disque L3-L4 en
• les ligaments alaires, de topographie plus latérale que le
s’unissant avec le feuillet profond. Ce dernier prolonge le
précédent, situés entre le bord inféromédial des condyles
ligament cruciforme de l’atlas et se termine dans le canal
occipitaux et les faces latérales du processus odontoïde. Ils
sacré. Il est mince dans la région cervicale. Entre la face pos-
mesurent entre 5 et 6 mm d’épaisseur et sont plus résistants
térieure des corps vertébraux et le feuillet profond existe
que le précédent [9] ;
un espace interstitiel assurant le drainage veineux des corps
• le ligament cruciforme de l’atlas, composé du ligament
vertébraux ;
transverse (qui unit les deux masses latérales de C2) et d’un
• les capsules articulaires zygapophysaires, souples et lâches
faisceau longitudinal (tendu du bord antérieur du foramen
à l’étage cervical ;
magnum à la face postérieure du corps de C2). Ce dernier
• les ligaments jaunes, tendus entre les lames de deux vertè-
se poursuit par le feuillet profond du ligament longitudinal
bres contiguës. Ils représentent la limite postérieure des fora-
postérieur ;
mens intervertébraux ;
• la membrane tectoriale, ligament large et plat possédant un
• les ligaments interépineux, tendus entre les processus
faisceau moyen et deux faisceaux latéraux, d’où son autre
épineux de deux vertèbres adjacentes. Ils se prolongent en
nom de ligament en Y. Il s’étend du clivus à la face posté-
arrière par le ligament supra-épineux, cordon fibreux reliant
rieure du corps de C2 où il se poursuit par le feuillet superficiel
le sommet de tous les processus épineux depuis l’étage C7
du ligament longitudinal postérieur ;
jusqu’au sacrum. À l’étage cervical, le ligament supra-épineux
• les capsules articulaires C0-C1 et C1-C2 ;
est remplacé en arrière par une lame fibreuse sagittale reliant
• la membrane atlanto-occipitale postérieure, située entre le
les processus épineux entre eux : le ligament nucal. Ce der-
bord postérieur du foramen magnum et le bord supérieur de
nier, issu du sommet du processus épineux de C7, s’étend
l’arc postérieur de C1. Elle est percée à sa partie latérale pour
jusqu’à la protubérance occipitale externe.
livrer passage à l’artère vertébrale et au premier nerf cervical.
De nombreuses autres structures ligamentaires assurent la
stabilité du rachis cervical. On retiendra :
Anatomie fonctionnelle
Rachis cervical supérieur
• le ligament longitudinal antérieur. Issu du tubercule anté-
rieur de l’atlas où il fait suite à la membrane atlanto-occipitale Il permet un mouvement de flexion-extension d’environ 45˚.
antérieure, il s’étend le long de la face antérieure des corps La flexion débute en C0-C1, puis l’arc postérieur de C1 s’écarte
vertébraux jusqu’à la face pelvienne du sacrum. Il adhère de celui de C2. Le mouvement inverse s’effectue en exten-
fortement aux corps vertébraux mais peu aux disques inter- sion. Celle-ci est limitée par l’anatomie osseuse alors que la
vertébraux ; flexion est limitée par la membrane tectoriale et le ligament

Feuillets de Radiologie © Masson, 2006 7


Traumatismes du rachis cervical

Tableau I : Principales lésions stables ou instables de C0 à C2.

Lésions stables Lésions instables


Fracture des condyles occipitaux de type I ou II Fracture des condyles occipitaux de type III
Luxation rotatoire atlanto-axoïdienne de type I Luxation occipito-cervicale
Fracture de Jefferson et équivalents sans rupture Luxation atlanto-axoïdienne antérieure
du ligament transverse Luxation rotatoire atlanto-axoïdienne de type II à IV
Certaines fractures de C1 (à 1 trait sur l’arc antérieur, Fracture de Jefferson et équivalents avec rupture
à 1 ou 2 traits sur l’arc postérieur, isolées d’une masse latérale, du ligament transverse
fractures de Ramon-Soler) Fracture de l’odontoïde (fractures déplacées quel que soit leur type,
Fracture du processus odontoïde (type I et type III-OBAV non déplacé) type II, OBAR ou HTAL)
Fracture de Hangman sans critère d’instabilité Hangman’s fracture avec au moins un critère d’instabilité (cf. infra)
« Tear-drop » de C2 en extension

transverse. L’inclinaison latérale est possible mais elle est très 40˚). Ce mouvement est toujours couplé à une rotation du fait
modérée. La rotation est faible en C0-C1, l’essentiel du mou- de la disposition des facettes des processus articulaires. La
vement siégeant dans C1-C2 avec le processus odontoïde rotation au rachis cervical inférieur est possible à chaque
pour axe. Le rôle du ligament transverse est essentiel dans étage (rotation unilatérale de 5˚ par étage).
la fonction de pivot du processus odontoïde. La rotation et
l’inclinaison latérale sont limitées par le ligament alaire contro-
latéral. La distraction est limitée par la membrane tectoriale Notion de stabilité
et les ligaments alaires [9].
La stabilité est définie comme la faculté du rachis à maintenir,
Rachis cervical inférieur lors d’une contrainte physiologique, un même rapport entre
les vertèbres afin d’éviter une lésion initiale ou ultérieure de
Les mouvements de flexion-extension sont contrôlés par la
la moelle ou des racines [10]. La déstabilisation, terme préfé-
partie postérieure du disque et le ligament longitudinal
rable à celui d’instabilité, correspond à la perte d’un ou de
postérieur dont le rôle est stabilisateur. L’amplitude du
plusieurs éléments de stabilité du rachis.
mouvement de flexion-extension est d’environ 82˚, soit une
La stabilité dépend de trois paramètres élémentaires :
amplitude globale d’environ 127˚ pour l’ensemble du rachis
cervical. Le rachis cervical inférieur possède l’inclinaison laté- • la vertèbre, composant statique, passif et indéformable ;
rale la plus importante, soit environ 27˚ (amplitude globale de • le segment mobile rachidien, composant discoligamentaire
élastique et déformable. Il comprend d’avant en arrière : le
ligament longitudinal antérieur, le disque intervertébral, le
ligament longitudinal postérieur, les capsules articulaires
zygapophysaires, les ligaments jaunes, les ligaments interé-
pineux et le ligament supra-épineux [11] ;
• la musculature rachidienne, composant actif dont le rôle est
fondamental dans la stabilisation et la mobilité du rachis. Au
rachis cervical, les muscles postérieurs sont extenseurs et les
muscles antérieurs (muscles long du cou, scalènes et sterno-
cléido-mastoïdiens) sont fléchisseurs.
De C0 à C2, la stabilité est assurée par les structures ligamen-
taires de la jonction occipito-cervicale définies ci-dessus et
dont les lésions sont génératrices de l’instabilité du rachis
cervical supérieur (tableau I).
Par contre, de C3 à C7 (et au niveau thoracolombaire égale-
ment), les éléments de stabilité sont organisés en colonnes
(fig. 3) [12, 13] :
• la colonne antérieure comprend le ligament longitudinal
Figure 3. Schéma des trois colonnes. L’atteinte d’une seule colonne est
considérée comme stable alors que celle d’au moins deux colonnes est
antérieur et les deux tiers antérieurs des disques interverté-
considérée comme instable. braux et des corps vertébraux ;

8
E.-L. Glaude et al.
2 mise au point

Tableau II : Principales lésions stables et instables de C3 à C7 (d’après [48]).

Lésions stables Lésions instables


Tassement corporéal antérieur « Tear drop » en flexion
Fractures isolées des arcs postérieurs Entorse grave
Fracture simple d’un massif articulaire sans lésion ligamentaire associée Fracture comminutive (burst)
« Tear drop » de C3 en extension Luxation zygapophysaire
Fracture horizontale (de Chance)
Fracture-séparation d’un massif articulaire

• la colonne moyenne comprend le ligament longitudinal contracture paravertébrale, tuméfaction douloureuse, héma-
postérieur et le tiers postérieur des disques intervertébraux et tome au fond de la gorge) ;
des corps vertébraux ; • recherche de déficit sensitivomoteur (testing des différents
• la colonne postérieure regroupe l’arc postérieur, les articu- groupes musculaires),
lations zygapophysaires, les ligaments jaunes, les ligaments • testing des différents réflexes ostéotendineux ;
interépineux et les ligaments supra-épineux. • recherche de signes de souffrance pyramidale en faveur
L’atteinte d’une seule colonne est considérée comme stable d’une lésion médullaire ;
alors que celle d’au moins deux colonnes est considérée • examen du périnée (motricité et sensibilité des sphincters
comme instable. Il faut savoir qu’il n’existe pas d’atteinte anal et vésical, réflexes bulbocaverneux et clitorido-anal).
isolée de la colonne moyenne. Ainsi, la visualisation de signes
radiographiques d’atteinte de la colonne moyenne traduit
obligatoirement une lésion instable. Imagerie du rachis cervical
D’autres auteurs [14-16] ont défini l’instabilité par l’associa- traumatique
tion de deux critères (critères de Yale) :
• un antélisthésis > 3,5 mm ; Radiographies standard initiales
• une angulation focale > 11˚.
On distingue les lésions stables à risque de déplacement nul Elles constituent souvent la première étape du diagnostic
(elles ne se déplaceront pas ou elles ne se déplaceront plus) chez un patient conscient et non polytraumatisé, dont le
et les lésions instables (à risque de déplacement progressif et rachis cervical est immobilisé par un collier ou une minerve.
régulier ou à risque de déplacement brutal) (tableau II) [10]. Elles comportent trois clichés : face, face bouche ouverte
Lorsque la solution de continuité est uniquement osseuse centrée sur le processus odontoïde, et profil incluant l’espace
(fracture), le risque potentiel de déplacement ne dure que 2 intervertébral C7-T1 (la traction sur les bras permet parfois
à 3 mois, jusqu’à consolidation de la fracture. Lorsqu’elle est de rendre visible la charnière cervicothoracique). Certains
discoligamentaire, il est indispensable de faire réaliser des cli- auteurs utilisent systématiquement les clichés de I, d’autres
chés dynamiques au 8e jour car le risque de déplacement seulement en cas de souffrance radiculaire clinique ou d’antélis-
secondaire peut persister des mois ou des années. thésis modéré sur le cliché de profil (< 3 mm) afin de mettre
en évidence un baillement (écart) uncovertébral unilatéral,
signe pathognomonique d’olisthésis rotatoire (tableau III).
Examen clinique L’utilisation de ces deux incidences supplémentaires présente
également un intérêt dans l’étude de la jonction cervico-
« Tout traumatisé est un traumatisé rachidien jusqu’à preuve thoracique si les dernières vertèbres cervicales ne peuvent
du contraire ». Le diagnostic doit donc être suspecté sur les être dégagées sur le profil [17]. Elles remplacent avantageu-
lieux de l’accident (mobilisation du patient en rectitude rachi- sement l’incidence du baigneur [18].
dienne et port d’un collier rigide lors du transport et de l’éva-
luation clinicoradiologique aux urgences). Les mesures de
réanimation respiratoire et cardiovasculaires priment. L’exa- Tableau III : Étiologies d’un baillement uncovertébral
men clinique doit être complet et simple : unilatéral.

• évaluation du niveau de conscience par le score de Glasgow ;


Luxation zygapophysaire unilatérale
• recherche de signes cliniques orientant vers un traumatisme Fracture du massif articulaire
rachidien (douleur exquise à la palpation des processus épineux, Fracture-séparation du massif articulaire

Feuillets de Radiologie © Masson, 2006 9


Traumatismes du rachis cervical

Chez le patient conscient, des clichés radiographiques de bord antérieur du processus épineux de C2 peut être situé
bonne qualité technique permettent de détecter quasiment jusqu’à 2 mm en arrière de la ligne spino-lamaire.
toutes les fractures [2]. Par contre, chez le patient inconscient • La recherche d’un diastasis C1-C2 : la partie basse de l’inter-
ou polytraumatisé, ces clichés sont difficiles, voire impossi- ligne C1-C2 est normalement ≤ 3 mm chez l’adulte, ≤ 5 mm
bles à réaliser dans des conditions techniques optimales, chez l’enfant. Un diastasis C1-C2 doit faire évoquer une frac-
notamment aux charnières, ce qui explique le pourcentage ture de C1 ou du processus odontoïde, ou une rupture du liga-
élevé de faux négatifs (20 à 40 %, dont la moitié sont des ment transverse et des ligaments alaires [4].
lésions instables) [2]. Ceci explique leur remplacement actuel • L’analyse de l’anneau de Harris (projection de l’insertion
par une exploration TDM [19]. des masses latérales de C2 sur son corps). Une interruption
supérieure témoigne d’une fracture de la base du processus
Analyse du cliché de profil odontoïde, une interruption postérieure d’une fracture des
pédicules de C2.
Ce cliché permet (fig. 4) : • L’analyse du diamètre antéro-postérieur du corps de C2,
• L’analyse des lignes spinales, normalement harmonieuses identique à celui de C3. Son élargissement doit faire évoquer
et parallèles : ligne spinale antérieure (reliant les faces anté- une fracture de cette vertèbre. La partie antérieure du pla-
rieures des corps vertébraux), ligne spinale postérieure teau inférieur de C2 est normalement légèrement en avant
(reliant le bord postérieur des corps vertébraux), ligne spino- de celle du plateau supérieur de C3 mais le bord postérieur de
lamaire (reliant le bord antérieur des processus épineux), ces deux vertèbres est en revanche sur le même plan.
ligne des processus épineux (reliant la pointe des processus • L’étude des parties molles pré-vertébrales. En avant de C2,
épineux). L’interruption d’une ou plusieurs de ces lignes doit les parties molles sont toujours planes ou concaves vers
faire suspecter une lésion ligamentaire ou une fracture l’avant et leur épaisseur est toujours ≤ au diamètre antéro-
occulte [20]. On signalera cependant qu’à l’état normal, le postérieur de la base du processus odontoïde [21]. Entre le
coin antéroinférieur de C2 et le coin antéro-inférieur de C4,
les parties molles sont < 7 mm chez l’enfant comme chez
l’adulte. En dessous du coin antéro-inférieur de C4, les parties
molles sont < 14 mm chez l’enfant et 21 mm chez l’adulte.
Un épaississement des parties molles antérieures est un signe
important, et parfois la seule anomalie visible pouvant témoi-
gner de lésions osseuses antérieures et/ou de lésions disco-
ligamentaires. On signalera que chez l’enfant, les parties molles
pré-vertébrales peuvent apparaître faussement épaissies si le
cliché a été réalisé au cours d’une expiration. Il faut donc refaire
le cliché en légère extension et en inspiration.
• La recherche de signes d’entorse grave en flexion
(tableau IV).

Tableau IV : Signes d’entorses graves à rechercher sur le cliché


de profil.

Signes d’entorse Signes d’entorse


grave en flexion grave en extension
– télisthésis corporéal > 3,5 mm – rétrolisthésis
– cyphose cervicale focale > 11˚ – hyperlordose cervicale avec
– perte de parallélisme bâillement discal antérieur
des surfaces articulaires – recul des articulaires inférieures
postérieures, de la vertèbre sus-jacente
– découverture > 50 % – petit fragment osseux corporéal
Figure 4. Cliché de profil permettant l’analyse des lignes spinales (spi-
de l’articulaire supérieure antérieur
nale antérieure (SA), spinale postérieure (SP), spinolamaire (SL) et des
de la vertèbre sous-jacente – fracture d’un processus épineux
processus épineux (Ep)), de l’anneau de Harris (petites flèches noires),
– augmentation
des parties molles pré-vertébrales (flèches blanches). Notez la visibi-
de l’écart inter-épineux
lité des foramens intervertébraux C2-C3, C7-T1, mais également C6-C7
– fracture-avulsion horizontale
chez ce patient en raison de la dorsalisation de C7 (aspect très carré du
d’un processus épineux
corps vertébral) (têtes de flèches).

10
E.-L. Glaude et al.
2 mise au point

• La recherche de signes d’entorse grave en extension


(tableau IV).
• L’analyse des foramens intervertébraux. Normalement,
seuls les foramens intervertébraux C2-C3 et C7-T1 (parfois
ceux de C6-C7 en cas de dorsalisation de C7) sont visibles sur
le profil. La visualisation d’autres foramens intervertébraux
doit faire suspecter une luxation zygapophysaire.
• La recherche d’un canal cervical étroit ou rétréci favorisant
les lésions de la moelle, notamment dans les traumatismes
en hyperextension.
On signalera la fréquence de la pseudosubluxation C2-C3
(plus rarement C3-C4) (fig. 5). Elle s’observe chez 19 % à
46 % des enfants âgés de 1 à 7 ans [4] avec un antélisthésis
< 5 mm, plus rarement chez l’adulte (antélisthésis ≤ 3 mm)
[20]. Toutefois, le bord antérieur du processus épineux de C2
se projette en regard ou à moins de 2 mm en arrière de la
ligne spinolamaire. Sur les clichés statiques et dynamiques,
Figure 5. Pseudosubluxation C2-C3. Notez que le bord antérieur du
si le bord antérieur du processus épineux de C2 se trouve à processus épineux de C2 se projette en regard de la ligne spinolamaire.
plus de 2 mm en arrière de la ligne spinolamaire, il s’agit
probablement d’une fracture bi-pédiculaire de C2, s’il se
trouve en avant de cette ligne, il s’agit d’une luxation patho-
lité d’un déplacement latéral cumulé de 6 mm des masses de
logique C2-C3. La pseudosubluxation se réduit en extension,
C1 par rapport à celles de C2 jusqu’à l’âge de 7 ans (mais les
ce qui n’est pas le cas des subluxations traumatiques en rai-
fractures de Jefferson sont rares à cet âge) [4]. En cas de rota-
son de la douleur et de la contracture des muscles du cou.
tion de C1, la masse latérale de C1 qui se trouve en position
Cette pseudosubluxation s’explique par le caractère encore
postérieure apparaît plus petite que l’antérieure, le processus
partiellement cartilagineux du rachis infantile et par une
épineux de C1 apparaît décalé dans la direction opposée à la
importante élasticité des ligaments et des capsules articulai- rotation (on tient compte de la direction du regard). En cas de
res qui permettent des déformations considérables sans bascule latérale de la tête, C1 glisse latéralement dans la
déchirure sous-jacente. même direction, entraînant un discret décalage des articula-
On signalera également un aspect cunéiforme antérieur des tions atlanto-axoïdiennes ;
corps vertébraux (notamment de C3) jusqu’à l’âge de 10 ans, • la projection du processus épineux de C2 sur une verticale
à ne pas confondre avec un tassement vertébral [4]. passant par le milieu du processus odontoïde ;
• l’absence de fragment osseux entre processus odontoïde et
Analyse du cliché de face « bouche ouverte », l’une des masses latérales de C1 (absence d’avulsion osseuse
centré sur le processus odontoïde du ligament transverse).
On se méfiera des superpositions osseuses pouvant mimer
des fractures [22] : projection des incisives (mais les fractures Analyse du cliché de face
du processus odontoïde ne sont presque jamais sagittales), La hauteur de chaque corps vertébral doit être approximati-
de l’occiput ou des arcs antérieur ou postérieur de C1 (mais vement identique.
l’image linéaire suspecte de fracture se poursuit en dehors du L’élargissement de la distance inter-pédiculaire témoigne
processus odontoïde). d’une compression axiale avec déplacement latéral de cha-
On doit vérifier : que hémi-vertèbre.
• l’alignement des bords latéraux des masses latérales et la Les processus épineux doivent être alignés et médians. La
position centrale du processus odontoïde [23]. Une asymétrie rotation d’un processus épineux témoigne d’une luxation uni-
de position des masses latérales est fréquente lors des rota- articulaire. Ils ne doivent pas apparaître dédoublés, sinon on
tions du rachis accompagnant un torticolis. Cependant, lors- suspectera une fracture horizontale du processus épineux.
que la somme des deux débords latéraux dépasse 5 mm, on La distance inter-épineuse de deux segments adjacents ne
doit fortement suspecter une fracture de C1 avec rupture du doit pas différer de plus de 2 mm. Un élargissement d’un
ligament transverse [24]. On signalera cependant la possibi- espace inter-épineux est caractéristique d’une lésion en

Feuillets de Radiologie © Masson, 2006 11


Traumatismes du rachis cervical

flexion quel qu’en soit le type. Il peut être également présent nibilité limitée des scanners, l’augmentation considérable
dans les lésions par compression axiale [25]. des dépenses de santé et le risque d’augmentation des can-
Les uncus sont alignés sur un même plan para-sagittal et les cers radio induits [2]. Le scanner doit par contre être réalisé
espaces unco-vertébraux sont de même taille. en cas de polytraumatisme, de clichés anormaux, de mau-
Les colonnes latérales (région osseuse située entre les articu- vaise qualité technique ou de dissociation radio-clinique
lations unco-vertébrales et les bords latéraux du rachis cervi- (radiographies normales et cervicalgies disproportionnées).
cal) sont continues et leurs bords latéraux sont discrètement
ondulés. L’atteinte d’une colonne latérale témoigne d’un IRM
mécanisme de flexion-rotation, avec soit une fracture sépara- Indications
tion d’un massif articulaire (aspect carré du massif articulaire
L’IRM est le gold standard pour le diagnostic des lésions des
lié à son horizontalisation), soit une fracture uni-articulaire.
tissus mous (moelle épinière, racines nerveuses, structures
On se méfiera de la projection du défilé laryngotrachéal, pou-
disco ligamentaires). Elle doit être prescrite en urgence en cas
vant simuler une fracture verticale d’un corps vertébral.
de rachis neurologique (radiculalgie, syndrome médullaire,
déficit neurologique) à radiographie ou scanner normal, ou en
Radiographies standard dynamiques
cas de dissociation radio-clinique. Elle doit alors préciser
(profil en flexion puis en extension)
l’existence d’un élément compressif et sa nature (hématome
épidural, débord discal traumatique), rechercher des éléments
Elles ne sont indiquées que lorsque le bilan radiographique
d’instabilité et donner des renseignements sur le pronostic.
initial est normal ou ne montre pas de lésion instable. Elles
Les renseignements sur la nature de l’élément compressif
sont sans danger si elles sont pratiquées dans les règles de
sont essentiels pour le choix de la voie d’abord car la hernie
l’art : présence d’un médecin, mouvement actif et jamais
post-traumatique impose une voie d’abord antérieure. Elle
passif chez un patient assis et conscient à qui l’on demande
permet également l’exploration de lésions vasculaires (dis-
d’arrêter le mouvement en cas d’apparition de douleurs ou de
section carotidienne, insuffisance vertébro-basilaire). Pour
signes neurologiques. On demande au patient de fléchir la
certains auteurs, elle devrait être réalisée avant toute
tête au maximum jusqu’à ce que le menton touche le ster-
manœuvre de réduction ou de stabilisation afin de ne pas
num, puis d’étendre la tête jusqu’à ce que la nuque rencontre
méconnaître un fragment discal qui pourrait devenir compres-
le haut du dos [26]. Ces clichés sont réalisés à distance du
sif après ces gestes [28, 29].
traumatisme pour permettre la disparition de la contracture
Par contre, les performances de l’IRM sont inférieures à celles
musculaire et des phénomènes douloureux, lesquels limitent
des radiographies et du scanner pour la détection des lésions
la mobilité du rachis cervical, masquant ainsi parfois les signes
osseuses, notamment pour les fractures des arcs postérieurs
d’entorse grave. Le délai à partir duquel ils doivent être réali-
[30] et du processus odontoïde, dont seulement 50 % sont
sés varie selon les auteurs (entre 5 et 21 jours) [26]. Signa-
dépistées en IRM [31] et à celle des radiographies dynami-
lons que chez 20 % des enfants normaux, il peut y avoir un
ques pour la détection des instabilités ligamentaires [32].
déplacement vers le haut de l’arc antérieur de C1 par rapport
au processus odontoïde lors des clichés en extension [4].
Lésions médullaires

Scanner cervical Il peut s’agir d’une section, d’une élongation, d’une compres-
sion mécanique directe persistante (débord discal, héma-
Il présente une sensibilité de l’ordre de 100 % pour la détec- tome, fragment osseux, luxation) ou passagère (bombement
tion des fractures, même chez les patients inconscients ou disco-ligamentaire lors de traumatismes en hyperextension)
polytraumatisés. La réalisation des reconstructions multi- ou d’une atteinte vasculaire secondaire (fig. 6 et 7). L’IRM
planaires améliore l’analyse des traits de fracture et des permet de distinguer les lésions médullaires non hémorragi-
déplacements vertébraux [2, 27]. Devant la fréquence des ques (œdémateuses ou ischémiques) des lésions hémorragi-
lésions traumatiques cervicales associées (25 à 30 % des ques moins fréquentes mais au pronostic très péjoratif sur le
cas), l’acquisition spiralée doit systématiquement s’étendre plan de la récupération neurologique [33]. En revanche, les
des condyles occipitaux jusqu’à la deuxième vertèbre thoraci- patients ne présentant pas d’anomalies de signal du cordon
que [1]. La réalisation systématique d’un scanner devant médullaire ont un très bon pronostic neurologique [34]. La
toute suspicion de traumatisme cervical représenterait la sémiologie IRM des lésions médullaires est fonction du délai
solution idéale, mais elle est impossible en raison de la dispo- après lequel est réalisé l’examen.

12
E.-L. Glaude et al.
2 mise au point

A B

Figure 6. Section médullaire en T4-T5 chez une


enfant de 4 ans qui présentait par ailleurs une
entorse C6-C7 et une fracture du processus
odontoïde (coups sagittales pondérées en T1
(A) et T2 (B).

A B

Figure 7. Traumatisme en hyperextension sur


canal cervical étroit et rétréci, avec notamment
une fracture transdiscale C4-C5 ayant permis la
compression médullaire prédominant en C3-C4
(coupes sagittales pondérées en T1 (A) et T2
(B). Notez l’hyposignal centromédullaire de la
moelle en T2 témoignant de son atteinte
hémorragique.

À la phase aiguë, le signal de la moelle épinière est souvent l’étendue de plages hémorragiques intramédullaires, la pré-
normal en pondération T1. Un hyposignal traduit la gravité de sence d’une compression persistante par un hématome épi-
l’atteinte œdémateuse ou ischémique. La pondération T2 dural sont des éléments péjoratifs (récupération incomplète
révèle souvent des anomalies plus précoces. L’œdème se tra- ou absence de récupération). Une atteinte hémorragique
duit par une plage hyperintense qui peut s’étendre à la phase haute de plus de 10 mm est en général associée à une
subaiguë. La présence de sang se traduit par un hyposignal absence totale de récupération [35].
T2, plus évident en séquence écho de gradient T2*, en raison À la phase subaiguë, l’œdème et la tuméfaction médullaire
de la présence de désoxyhémoglobine (tableau V) (fig. 7). régressent avant une éventuelle atrophie secondaire. D’éven-
Cette plage hémorragique affecte surtout la substance grise tuelles plages résiduelles hypointenses en T1 et hyperintenses
centrale. L’étendue craniocaudale de l’œdème, la présence et en T2 traduisent une myélomalacie ou des phénomènes de

Feuillets de Radiologie © Masson, 2006 13


Traumatismes du rachis cervical

Tableau V : Variations du signal IRM du sang dans les lésions traumatiques de la moelle épinière (par rapport au signal de la moelle
épinière) d’après Pang D [68].

Modifications chimiques Variation dans le temps Aspect IRM


successives du sang Intramédullaire Extramédullaire Echo de Gradient SE T1 TSE T2
Oxyhémoglobine 0-3 heures Minutes ? Iso Iso
Deoxyhémoglobine 2-8 jours Minutes – 1 heure Hypo Iso ou discrètement Hypo
Hypo
Methémoglobine intracellulaire 3-12 jours 1-2 heures ? Hyper Hypo
Methémoglobine extracellulaire 7 jours > 2 heures ? Hyper Hyper
à plusieurs mois
Hemosidérine À partir – Très Hypo Discrètement Hypo Très Hypo
de plusieurs semaines
Iso : Signal isointense. Hypo : Signal hypointense. Hyper : Signal hyperintense. ? : absence de consensus.

gliose. L’apparition de methémoglobine au sein de plages épiduraux plus volumineux secondaires à une rupture des
hémorragiques s’accompagne d’un hypersignal focal en T1 plexus veineux sont beaucoup plus rares mais ils peuvent être
[35]. responsables de phénomènes compressifs sévères. Ils sont
en général postérieurs ou postérolatéraux et peuvent s’éten-
Atteinte discale traumatique dre au foramen magnum [38]. À la phase aiguë, ils sont iso-
La rupture discale survient principalement lors des mouve- ou hyperintenses par rapport à la moelle épinière en T1
ments de grande amplitude (mécanisme en flexion ou en (tableau V). En T2, leur signal est hyperintense avec des pla-
extension). Elle peut s’accompagner d’une fracture d’un ges hypointenses. À la phase subaiguë, ils deviennent hype-
angle vertébral antérieur (très instable). Elle se manifeste rintenses en T1 et en T2.
par un bâillement de l’espace intersomatique avec hyper-
signal T2 du disque et/ou par une interruption des liga- Avulsion traumatique des racines nerveuses
ments longitudinaux.
Elle résulte d’un mécanisme de traction du plexus brachial. À
Le débord discal post traumatique présente une sémiologie
la phase aiguë, l’IRM objective des anomalies de la moelle
comparable à celle du débord discal non traumatique. Dans
(tuméfaction, modification de signal, composante hémorragi-
l’étude de Rizzolo, son incidence globale est de 42 % mais
que) et l’absence de racines antérieure et postérieure en cou-
elle passe à 80 % dans les luxations bilatérales, et à 100 % en
pes fines. À la phase chronique, elle met en évidence des
cas d’atteinte des motoneurones antérieurs [29].
pseudoménigocèles post-traumatiques (collections liquidien-
nes diverticulaires appendues au sac dural au niveau ds émer-
Lésions ligamentaires
gences radiculaires arrachées) (fig. 8).
Les structures ligamentaires visibles en IRM sont les liga-
ments longitudinaux, jaunes, interépineux, supra-épineux et
Lésions des artères vertébrales
le ligament nucal. Il en est de même des trois principaux élé-
ments stabilisateurs de la jonction crâniocervicale : mem- Elles seraient fréquentes (20 %), surtout lors de traumatis-
brane tectoriale, ligament transverse et ligaments alaires mes en flexion [39, 40], mais elles sont rarement responsa-
[36]. L’atteinte ligamentaire se traduit par une solution de bles de complications neurologiques médullaires (artères spi-
continuité ou une augmentation du signal du ligament et/ou nales postérieures et antérieure, artères radiculaires) ou de la
des parties molles adjacentes [36]. Toutefois, la sensibilité de fosse postérieure [33]. Un traumatisme en hyperflexion et
l’IRM dans la détection des lésions ligamentaires est relative- une fracture des foramens transversaires en TDM constituent
ment faible (huit ruptures ligamentaires détectées contre un signal d’appel d’atteinte des artères vertébrales. Des
14 ruptures en chirurgie dans l’étude de Weisskopf [37]). atteintes carotidiennes ont plus rarement été rapportées en
cas de traumatismes sévères. L’IRM permet de mettre en évi-
Espace épidural dence une amputation de la lumière par l’hématome pariétal
De petites lames hémorragiques épidurales antérieures sont (faux-chenal) sur les coupes axiales et des anomalies de flux
fréquentes en cas de traumatisme rachidien. Les hématomes en angioMR.

14
E.-L. Glaude et al.
2 mise au point

A B

Figure 8. A : Avulsion post-traumatique des racines antérieure et


postérieure gauches de C6 à la phase subaiguë. Notez la plage
hypointense de la corne postérieure gauche de la moelle épinière
témoignant de la présence de methémoglobine. B : À la phase
chronique, notez la présence d’une pseudoméningocèle. C : Multi-
ples avulsions radiculaires chez un autre patient (coupe frontale
pondérée en T2).

Autres lésions Un examen d’imagerie est-il nécessaire ?


L’hématome sous-dural est beaucoup plus rare que l’héma-
tome épidural. Il se traduit par une collection hématique Récemment, deux études prospectives multicentriques ont
sous-durale qui présente en coupes axiales une forme semi- tenté de répondre à cette question. Comme les lésions trau-
circulaire ou en croissant englobant la moelle ou les racines. matiques asymptomatiques du rachis cervical sont rares,
Sa topographie est plutôt postérieure ou postérolatérale. l’enjeu est de déterminer les meilleurs critères cliniques per-
L’hémorragie méningée post-traumatique est rare. Elle peut mettant d’exclure, chez un patient, une lésion cervicale trau-
être visualisée sur les coupes les plus basses d’un scanner matique sans avoir recours à l’imagerie.
cérébral. Ce signe doit imposer alors la réalisation d’un scan- L’étude américaine NEXUS (National Emergency X-Radiogra-
ner cervical à la recherche d’une lésion grave de la charnière phy Utilisation Study) [41]) est basée sur l’analyse de 34 069
occipito-cervicale. patients traumatisés ayant bénéficié de radiographies du
rachis cervical. Cinq critères ont été retenus afin de définir une
population présentant un très faible risque de lésion cervicale
Stratégie diagnostique et qui, par conséquent, ne nécessite pas d’examen d’image-
rie (tableau VI). Dans cette étude, la sensibilité de ces critères
La prise en charge d’un traumatisme du rachis cervical doit était très bonne (99,6 %), mais la spécificité était faible
répondre à deux questions principales : (1) un examen d’image- (12,9 %). Une autre étude a rapporté une sensibilité plus fai-
rie est-il nécessaire ? (2) Si oui, par lequel doit-on commencer ? ble avec ces critères (de l’ordre de 93 %) [19, 42].

Feuillets de Radiologie © Masson, 2006 15


Traumatismes du rachis cervical

Tableau VI : Critères NEXUS. Tous les critères énoncés dans ce chapitre ne font pas encore
l’objet d’une reconnaissance ou d’une utilisation internatio-
Absence de douleur cervicale médiane nale. Toutefois, ils sont d’invidualisation récente et l’intérêt
Absence de déficit neurologique focal
Conscience normale croissant qu’ils suscitent dans la littérature laisse à penser
Absence d’intoxication (alcool, drogue) qu’il ne s’agit que d’une question de temps. Par contre, aucun
Absence de douleur distrayante (fracture du fémur ou du bassin d’entre eux ne fixe avec précision la place de l’IRM dans la
par exemple)
stratégie diagnostique. Cet examen, du fait de son accessibi-
lité limitée, est à l’heure actuelle un examen de seconde
L’étude canadienne (Canadian C-Spine Rule : CCR) a été réalisée
intention (après réalisation de radiographies standard et/ou
chez 8 924 patients conscients et stables sur le plan hémodyna-
d’un examen tomodensitométrique).
mique [43] afin d’évaluer 20 paramètres cliniques regroupés en
3 items (tableau VII). Ces critères permettaient d’identifier les
traumatismes significatifs du rachis cervical avec une sensibilité Lésions traumatiques du rachis cervical
(100 %) et une spécificité (42,5 %) supérieures à celles des cri- supérieur (C0-C2)
tères NEXUS [44]. L’application des critères canadiens permet-
trait de réduire le taux de radiographies chez 55,9 % des Fracture des condyles occipitaux
patients contre 66,6 % pour les critères NEXUS.
C’est une lésion rare dont le diagnostic est souvent méconnu
car difficile en radiographie du fait des importantes superpo-
Quel premier bilan d’imagerie ?
sitions osseuses de la base du crâne. Le diagnostic est par
Une étude cas-témoin américaine a tenté de répondre à cette contre aisé en scanner. La classification d’Anderson et Monte-
question [45, 46]. Chez les patients devant être explorés par sano reconnaît trois types lésionnels (fig. 9) :
l’imagerie, ceux qui présentent au moins un facteur de risque • le type I : fracture impaction d’un condyle occipital secon-
élevé de lésion cervicale énoncé par Harborview daire à un mécanisme de compression axiale, responsable
(tableau VIII) doivent bénéficier d’emblé d’un scanner cervi- d’une comminution des fragments osseux, mais sans dépla-
cal. Les sujets polytraumatisés et les sujets nécessitant un cement. La lésion est stable car même si le ligament alaire
scanner cérébral bénéficient en fait actuellement d’emblée ipsilatéral peut être atteint, le ligament alaire controlatéral et
d’un scanner cervical. Chez les autres, les clichés standard sont la membrane tectoriale sont intacts ;
le premier examen à réaliser, et parfois le seul s’ils sont stric- • le type II : il s’agit d’une fracture de la base du crâne éten-
tement normaux. Cette attitude, en permettant de dépister due au condyle occipital. La lésion est stable si le condyle
plus rapidement et plus efficacement les lésions traumati- n’est pas séparé du reste de l’occiput. De plus, les deux liga-
ques, serait avantageuse en matière de dépenses de santé ments alaires et la membrane tectoriale sont intacts ;
[45]. • le type III : fracture-avulsion du versant médial d’un condyle
occipital par un ligament alaire lors d’un mouvement de rota-
tion ou d’inclinaison latérale (fig. 10). Le fragment osseux est
Tableau VII : Critères CCR. déplacé vers le sommet du processus odontoïde. Cette frac-
A : Présence d’un facteur de risque élevé de lésion cervicale ture est instable car le ligament alaire et la membrane tecto-
– âge ≥ 65 ans riale ipsilatéraux à la lésion sont lésés. C’est le type le plus fré-
– mécanisme lésionnel dangereux (chute de plus de 1 mètre quent (75 % des cas [29, 47]).
ou de plus de 5 marches, compression axiale sur la tête comme
lors des accidents de plongeon, accident de voiture à plus de
100 km/h ou avec des tonneaux ou avec éjection du véhicule, Tableau VIII : Critères à haut risque de lésion traumatique
accident à vélo ou à moto) du rachis cervical d’Harborview. La présence d’au moins
– paresthésies des extrémités un de ces éléments devrait faire pratiquer un scanner cervical
B : Présence de facteurs de risque faible de lésion cervicale comme premier examen d’imagerie.
– accident de voiture avec impact simple à l’arrière (à l’exclusion
« d’un impact à l’avant, d’une collision avec un bus ou un Mécanisme lésionnel – accident de voiture à vitesse élevée
camion, d’un « tonneau », ou d’un choc avec un véhicule circu- à haute énergie (> 50 km/h)
lant à grande vitesse) – décès d’un tiers sur les lieux de l’accident
– le patient tient seul en position assise dans le service des urgences – chute de plus de 3 mètres
– ambulation sans problème depuis l’accident
– début retardé des douleurs Éléments cliniques – coma ou hématome intra-crânien
– absence de douleur cervicale médiane à haut risque – signes ou symptômes neurologiques
C : Patient capable d’effectuer une rotation active de la tête de orientant vers une origine cervicale
45˚ vers la droite et vers la gauche – fracture du bassin ou des membres

16
E.-L. Glaude et al.
2 mise au point

Le traitement de tous les types est orthopédique (minerve


Philadelphia avec bandeau frontal).

Luxation occipito-cervicale

Cette lésion est mortelle dans la très grande majorité des cas
par section bulbomédullaire [48]. Elle est 2,5 fois plus fré-
quente chez l’enfant que chez l’adulte, probablement pour
des raisons anatomiques (condyles occipitaux de petite taille, Type 1
articulations atlanto-occipitales situées dans un plan horizon-
tal, poids relatif de la tête par rapport au corps plus élevé que
chez l’adulte) [4, 9]. Il en existe trois types [49] :
• le type I (le plus fréquent) : déplacement antérieur des
condyles occipitaux par rapport aux surfaces articulaires cor-
respondantes de C1. Il existe une rupture des ligaments alai-
res, de la membrane tectoriale et des capsules articulaires
occipito-atloïdiennes ;
Type 2
• le type II : il existe un déplacement vertical de l’occiput par
rapport au rachis cervical. Soit les capsules articulaires occi-
pito-atloïdiennes se rompent et l’occiput seul se déplace vers
le haut (sous-type IIA), soit ce sont les capsules articulaires
zygapophysaires C1-C2 qui se rompent et l’atlas reste soli-
daire de l’occiput déplacé (sous-type IIB) ;
• le type III : déplacement postérieur de l’occiput (exception-
nel).
Malgré le caractère spectaculaire de la luxation occipito- Type 3
cervicale, le diagnostic n’est que rarement posé dans le cadre Figure 9. Schéma des trois types de fracture des condyles occipitaux.
de l’urgence sur les clichés radiographiques [48]. Pourtant, le Type I : fracture impaction d’un condyle occipital avec comminution
sans déplacement des fragments osseux. Le ligament alaire ipsilatéral
diagnostic est aisé sur le cliché de profil strict devant la mise peut être atteint ; Type II : fracture de la base du crâne étendue au
en évidence de trois signes (fig. 11) : condyle occipital. Le ligament alaire ipsilatéral est intact ; Type III :
fracture-avulsion du versant médial d’un condyle occipital par un liga-
• un épaississement majeur des tissus mous prévertébraux ;
ment alaire. Le fragment osseux est déplacé vers le sommet du proces-
• une rupture du cintre occipito-odontoïdien antérieur (ligne sus odontoïde.
régulière formée par la continuité de la ligne antérieure de la
base du crâne, des condyles et de la face antérieure du pro-
cessus odontoïde) ;
• un déplacement des condyles occipitaux qui sont normale-
ment à l’aplomb des masses latérales de C1.
La réalisation désormais systématique du scanner et de l’IRM
(fig. 12) dans ce genre de contexte permet actuellement de
reconnaître plus facilement ce type de lésion. Le traitement
est orthopédique par halo-veste puis, en cas de persistance
d’une instabilité, par une fixation chirurgicale occipito-
cervicale.

Luxation atlanto-axoïdienne antérieure


(instabilité sagittale C1-C2)

Elle est secondaire à la rupture du ligament transverse, accessoi-


rement des ligaments alaires et de la membrane tectoriale lors Figure 10. Fracture-avulsion du versant médial du condyle occipital par
d’un mécanisme en hyperflexion [24, 50]. Elle est responsable un ligament alaire. Le fragment osseux est déplacé en dedans (type III).

Feuillets de Radiologie © Masson, 2006 17


Traumatismes du rachis cervical

A B

Figure 11. Luxation occipito-cervicale de type IIA chez deux patients différents. Notez l’importance de l’épaississement des tissus mous prévertébraux
et le déplacement antérosupérieur des condyles occipitaux par rapport aux surfaces articulaires correspondantes de C1, avec rupture du cintre occi-
pito-odontoïdien antérieur (pointillés).

A B

Figure 12. Luxation occipito-cervicale de


type IIA. Notez la rupture de la membrane
tectoriale (flèches blanches) et du ligament
apical du processus odontoïde (tête de flè-
che) au sein d’un volumineux hématome
sus-odontoïdien, l’important épaississement
des tissus mous prévertébraux (flèches noi-
res) et la contusion bulbomédullaire (coupes
sagittales pondérées en T1 (A) et T2 (B)).

d’un déplacement antérieur de C1 par rapport à C2. Les tra- • la section de tous les ligaments précédents et de la mem-
vaux expérimentaux de Argenson [51] et Roy-Camille [52] brane tectoriale entraîne un écart de 8 à 15 mm.
montrent que : Les signes cliniques d’appel sont peu spécifiques (cervical-
• l’écart radiologique normal entre le processus odontoïde et gies, contracture paravertébrale et névralgie d’Arnold). Cette
l’arc antérieur de C1 est toujours inférieur à 3 mm chez lésion est instable car il existe un risque de compression de la
l’adulte ; jonction bulbo-médullaire par le processus odontoïde et l’arc
• la section isolée du ligament transverse entraîne un écart de postérieur de l’atlas, notamment lors de la flexion. Le dia-
5 mm ; gnostic se fait sur le cliché de profil qui met en évidence un
• la section du ligament transverse et des deux ligaments diastasis C1-C2 > 3 mm chez l’adulte, et > 5 mm chez l’enfant.
alaires entraîne un écart d’au moins 8 mm ; Si ces clichés sont normaux, le diastasis C1-C2 peut être

18
E.-L. Glaude et al.
2 mise au point

recherché sur les clichés dynamiques (fig. 13). Le cliché de sujet, la luxation rotatoire atlanto-axoïdienne manque de
face « bouche ouverte » recherche une avulsion osseuse du définition et de critères diagnostiques précis [53].
bord médial d’une masse latérale de C1 témoignant de l’avul- On en distingue quatre types, selon l’axe de rotation et le
sion du ligament transverse, mais d’individualisation délicate type de déplacement (fig. 14) :
en raison de la superposition des dents. L’IRM peut objectiver • le type 1 ou luxation rotatoire à pivot central. Elle est stable
un hématome prévertébral et rétro-odontoïdien, mais surtout et fréquente (syndrome de Grisel) [5]. Il existe une luxation
une rupture du ligament transverse en plein corps ou à l’une rotatoire bilatérale des masses latérales de C1, le centre de
de ses insertions osseuses, notamment sur les coupes axiales rotation étant situé sur le processus odontoïde (fig. 15). Le
en écho de gradient [19]. ligament transverse et le processus odontoïde sont intacts.
Le traitement est chirurgical : fixation postérieure (greffe cor- Le traitement est fonctionnel (antalgiques, anti-inflamma-
ticospongieuse C1-C2 et crochets lamaires chez l’adulte, toires, myorelaxants, collier mousse, kinésithérapie dès que
laçage postérieur chez l’enfant). possible) ;
• le type 2 ou luxation rotatoire à pivot latéral. C’est le type le
Luxations et subluxations atlanto-axoïdiennes plus fréquent. Une seule des masses latérales de C1 se
rotatoires (instabilité rotatoire C1-C2) déplace en avant de la masse latérale correspondante de C2
(luxation unilatérale). Il existe donc soit une rupture du liga-
Cette lésion survient au décours d’un mouvement rapide de ment transverse (et un diastasis C1-C2), soit une fracture du
rotation de la tête (accident de la voie publique, gifle, sport processus odontoïde qui reste alors solidaire de C1 ;
de combat). Sa fréquence chez l’enfant s’explique par la • le type 3 ou luxation rotatoire à déplacement antérieur
laxité de l’appareil discoligamentaire et l’orientation horizon- associe une luxation antérieure d’une masse et une subluxa-
tale des facettes des processus articulaires. Certains facteurs tion antérieure de l’autre. Cette forme est rare et hautement
prédisposants ont été identifiés, notamment les infections instable ;
ORL et des voies respiratoires supérieures (syndrome de Gri- • le type 4 ou luxation rotatoire à déplacement postérieur.
sel) [5], les tumeurs de la moelle épinière, les lésions des Très rare et instable. Il s’agit d’une luxation postérieure d’une
muscles sternocleïdomastoïdiens et les suites de la chirurgie masse et une subluxation postérieure de l’autre, souvent
de la tête et du cou. Malgré une littérature abondante sur le associée à une agénésie du processus odontoïde.

Figure 14. Luxation rotatoire atlanto-axoïdienne. Type 1 : luxation


rotatoire bilatérale des masses latérales de C1, le centre de rotation
Figure 13. Fracture horizontale de l’arc antérieur de C1 (fracture de
étant situé sur le processus odontoïde. Type 2 (luxation rotatoire à
Ramon-Soler) avec rupture du ligament transverse, responsable d’un
pivot latéral) : luxation antérieure unilatérale de C1 avec rupture du
diastasis C1-C2.
ligament transverse, ou sans rupture de ce dernier mais avec fracture
du processus odontoïde. Type 3 (.luxation rotatoire à déplacement
antérieur) : luxation antérieure d’une masse et une subluxation anté-
rieure de l’autre.

Feuillets de Radiologie © Masson, 2006 19


Traumatismes du rachis cervical

A Le diagnostic de luxation rotatoire C1-C2 peut être suspecté


cliniquement devant l’association d’une rotation de la tête
vers un côté et d’une inclinaison latérale du cou dirigée vers
l’autre côté (position dite du « rouge-gorge ») (fig. 16) [53].
Le diagnostic est conforté par le cliché de face « bouche
ouverte » qui montre la perte des rapports normaux de l’une,
au moins, des masses latérales de C1 avec la surface articu-
laire correspondante de C2. Lorsque la masse latérale de C1
glisse sur le versant antérieur de la surface articulaire ipsilaté-
rale de C2, elle apparaît élargie et un peu plus médiane (le
processus odontoïde n’est plus centré). Lorsqu’elle glisse sur le
versant postérieur de la surface articulaire ipsilatérale de C2,
B
elle apparaît moins large et un peu plus médiane (le processus
odontoïde n’est plus centré), et il s’y associe une diminution
de hauteur de l’interligne zygapophysaire, voire un chevau-
chement des surfaces articulaires. Dans les deux cas, le proces-
sus épineux de C1 apparaît décalé dans la direction opposée
à la rotation (on tient compte de la direction du regard).
Le scanner s’impose en cas d’entorse rotatoire. La superposi-
tion de deux coupes axiales passant respectivement par C1 et
C2 et les reconstructions en 3 dimensions sont d’une aide pré-
cieuse (fig. 15). Cependant, la différenciation entre une luxa-
tion fixée (c’est-à-dire permanente, ne se modifiant pas quel
que soit le degré de rotation de la tête) et une simple
Figure 15. Luxation rotatoire atlanto-axoïdienne de type 1. Notez la
luxation complète des masses latérales de C1 par rapport à C2 en subluxation non fixée (réductible par la rotation de la tête)
coupe axiale (A) et sur la reconstruction 3D (vue inférieure) (B). n’est pas toujours aisée. Certaines équipes [4] préconisent la
réalisation d’un scanner dynamique (coupes au repos et avec
différents degrés de rotation de la tête). Ce type de scanner
n’a d’intérêt que dans le cas où les anomalies rotationnelles
ne régressent pas spontanément [53].

Fracture de Jefferson (« fracture-luxation


divergente des masses articulaires de l’atlas »)

Elle correspond à une disjonction des massifs articulaires de C1


sur le cliché de face « bouche ouverte » sans préjuger du nom-
bre de traits (fig. 17) [54]. Elle résulte de forces de compres-
sion axiale (choc sur le vertex du crâne) transmises de
manière symétrique par les condyles occipitaux aux masses
latérales de C1 expulsées latéralement [24]. Le cliché de pro-
fil permet parfois de mettre en évidence le ou les traits de
Figure 16. Luxation rotatoire C1-C2. Aspect typique en « rouge- fracture. La fracture de Jefferson typique comporte 4 traits
gorge » : rotation céphalique du côté droit et inclinaison latérale de la de fractures bilatéraux et symétriques passant par les
tête du côté gauche.
points de faiblesse de C1 (union entre les arcs et masses
latérales) (fig. 18). Les équivalents de fracture de Jefferson
Le traitement des lésions instables (types 2 à 4) est fonction sont les fractures à 3 traits (2 traits sur un arc, 1 trait sur
des écoles et de l’instabilité : soit orthopédique (par traction l’autre), les fractures à 2 traits (1 trait sur l’arc antérieur et
et minerve-corset), soit chirurgical (par traction puis fixation 1 trait ipsi- ou controlatéral sur l’arc postérieur) et les fractu-
postérieure C1-C2). res à 2 traits de l’arc antérieur (fig. 19).

20
E.-L. Glaude et al.
2 mise au point

Cette fracture est stable si le ligament transverse est intact.


Dès que la somme du déplacement latéral des masses
dépasse 6,9 mm, on considère qu’il existe une rupture du
ligament transverse et donc une fracture instable [9, 55]. On
rappellera la possibilité d’un déplacement latéral cumulé de
6 mm des masses de C1 par rapport à celles de C2 jusqu’à
l’âge de 7 ans, mais les fractures de Jefferson sont rares à cet
âge [4].
Le scanner précise les solutions de continuité et le déplace-
ment des fragments osseux (fig. 19). La fracture de Jefferson
et ses équivalents présentent un risque neurologique faible Figure 17. Fracture de Jefferson (« fracture-luxation divergente des
(liquide cérébrospinal abondant à ce niveau, diffusion centri- masses articulaires de l’atlas »). Notez la disjonction des massifs arti-
fuge des fragments osseux) [54]. L’atteinte neurologique est culaires de C1 sur ce cliché de face « bouche ouverte » (flèches).

en fait liée aux lésions osseuses cervicales associées dont la


prévalence peut atteindre 50 % [9]. Il s’agit essentiellement
de la fracture du processus odontoïde, de la fracture bipédicu-
laire de C2 et de l’instabilité C1-C2 par rupture du ligament
transverse. Le traitement des fractures de Jefferson isolées et
stables est orthopédique (minerve Philadelphia). En cas de
lésions associées, de lésion instable ou symptomatique sur le
plan neurologique, le traitement est soit orthopédique (halo-
veste), soit plus rarement chirurgical. Une séquelle classique
de ce type de fracture est la névralgie d’Arnold.

Autres fractures de C1

Elles sont stables, donc de traitement orthopédique :


• fracture de l’arc postérieur de C1 à un ou deux traits, dia-
gnostiquée sur le profil [24]. Lors d’un traumatisme en hyper-
extension, l’arc postérieur, bloqué entre l’écaille de l’occipital
et l’arc postérieur de C2, se fracture sans déplacement. Cette
fracture est caractérisée par la grande fréquence des lésions Figure 18. Fracture de Jefferson typique (à 4 traits) et équivalents
potentiellement instables (fractures à 3 traits ou 2 traits).
rachidiennes associées qui détermineront le pronostic et le
traitement : fracture bi-pédiculaire de C2, fracture du proces-
sus odontoïde, « tear-drop » de C2 ou de C3 [54] ;
• fracture à un trait de l’arc antérieur de C1. Elle est rare. L’arc
antérieur est fracturé par le processus odontoïde lors d’une
hyperextension [24]. Le diagnostic est difficile sur le cliché de
profil (déplacement modéré) et c’est le plus souvent le scan-
ner qui fera le diagnostic ;
• fracture isolée d’une masse latérale. Elle est due à un trau-
matisme en compression latéralisée. Il s’agit d’une fracture-
séparation d’une masse latérale ou d’une fracture-tassement.
Elle est parfois associée à une luxation rotatoire de C1 sur C2 ;
• fracture de Ramon-Soler. Fracture horizontale de l’arc anté-
rieur de l’atlas (fig. 13), elle doit être différenciée d’un os sur-
numéraire (ce dernier présente une corticale continue sur
toutes ses faces et n’est pas associée à un épaississement des Figure 19. Fracture de Jefferson typique à quatre traits (flèches) en
tissus mous antérieurs). scanner.

Feuillets de Radiologie © Masson, 2006 21


Traumatismes du rachis cervical

Fractures du processus odontoïde [5]. Pour certains auteurs, elle n’existerait pas (il s’agirait en
fait d’un centre d’ossification secondaire) ;
Ce sont les lésions les plus fréquentes du rachis cervical supé- • type II : fracture transversale du corps du processus odon-
rieur [24]. Elles résultent essentiellement d’un mécanisme en toïde, épargnant les masses latérales et le corps de C2. Elle
hyperflexion. Les lésions neurologiques immédiates sont représente le quart ou le tiers des fractures du processus
rares mais graves. Bien que certaines tétraplégies incomplè- odontoïde [24]. Elle est instable et à haut risque de pseu-
tes puissent régresser, les tétraplégies complètes à ce niveau darthrose en cas de traitement orthopédique (fig. 21 et 22)
sont immédiatement mortelles [24]. [49] ;
• type III : fracture de la base du processus odontoïde étendue
Classifications au corps ou aux masses latérales de C2 (fig. 23).
La classification de Roy-Camille (fig. 24) repose sur l’obliquité
La fracture est objectivée de profil et de « face bouche
du trait, introduit une notion de déplacement et d’instabilité.
ouverte ». Les reconstructions TDM sagittales et frontales pré-
Trois types de trait de fracture sont identifiés :
cisent les caractéristiques du trait de fracture et le déplace-
• type A (ou OBAR) : trait oblique en bas et en arrière, ten-
ment du fragment osseux. Deux classifications méritent
dance à glisser en arrière (fig. 22) ;
d’être retenues.
• type B (ou OBAV) : trait oblique en bas et en avant, ten-
La classification d’Anderson et D’Alonzo repose sur la topo-
dance à glisser en avant ;
graphie du trait de fracture (fig. 20) :
• type C (ou HTAL) : trait horizontal, glissement vers l’avant ou
• type I : fracture de la pointe du processus odontoïde par
vers l’arrière, voire alternativement dans les deux sens et par
arrachement des ligaments occipito-odontoïdiens. Le trait est
conséquent très instable, avec un risque majeur de pseu-
habituellement oblique, située au-dessus du ligament trans-
darthrose (fig. 21) [24, 56].
verse. Cette fracture stable est rare (moins de 5 % des cas)
[24]. Si elle survient chez l’enfant de moins de 8 ans, elle corres- Deux notions physiologiques sont nécessaires pour compren-
pond à un décollement apophysaire de l’ossiculum terminale dre l’évolution de cette fracture [24] : (1) la vascularisation du
processus odontoïde est difficilement interrompue car elle est
très riche, composée de deux courants verticaux antérieurs et
postérieurs anastomosés au niveau de l’apex du processus
odontoïde ; (2) en raison de la morphologie particulière de la
charnière occipitocervicale, le poids de la tête exerce une
pression physiologique vers le bas et l’arrière sur le processus
odontoïde. Cette contrainte explique la stabilité de certaines
fractures (trait oblique en bas et en avant) et l’instabilité des
autres (trait horizontal ou oblique en bas et en arrière). Le ris-
que de pseudarthrose et de cal vicieux est donc maximal avec
les fractures instables (types II et types A, C) (fig. 21 et 22).

Traitement
Les fractures stables relèvent du traitement orthopédique
(immobilisation par minerve Philadelphia et bandeau fron-
tal). Les fractures instables sont traitées chirurgicalement
(OBAR : vissage antérieur du processus odontoïde, OBAV :
fixation postérieure, HTAL en fonction du déplacement). On se
souviendra de la fréquence des lésions associées : fracture
bipédiculaire ou bi-isthmique de C2, fracture de l’arc posté-
rieur de C1, fracture de Jefferson, luxation rotatoire C1-C2 de
type 2, diastasis C1-C2 par rupture du ligament transverse.
Figure 20. Classification des fractures du processus odontoïde d’Ander-
son et D’Alonzo, basée sur la topographie du trait de fracture. Type I :
fracture de la pointe du processus odontoïde ; type II : fracture trans- Enfants de moins de 7 ans
versale du corps du processus odontoïde ; type III : fracture de la base
du processus odontoïde étendue au corps ou aux masses latérales de Les fractures du processus odontoïde, secondaires à une
C2. flexion brusque, passent par la synchondrose entre la base du

22
E.-L. Glaude et al.
2 mise au point

Figure 21. Fracture du processus odontoïde de type 2C (trait passant Figure 23. Fracture de la base du processus odontoïde de type III (éten-
par le corps du processus odontoïde, de direction horizontale). Le due au corps de C2).
déplacement antérieur du processus odontoïde (flèches noires) est
responsable d’un rétrécissement majeur du canal rachidien (flèche
blanche).

Type A

Type B

Type C

Figure 22. Fracture du processus odontoïde de type 2A. Figure 24. Classification de Roy-Camille basée sur l’obliquité du trait
de fracture. Type A : trait oblique en bas et en arrière ; type B : trait
oblique en bas et en avant ; type C : trait horizontal.

Feuillets de Radiologie © Masson, 2006 23


Traumatismes du rachis cervical

processus odontoïde et le corps de C2 [4]. Le diagnostic diffé- • type I : fractures stables non ou très peu déplacées (anté-
rentiel avec une synchondrose non fusionnée n’est donc pas listhésis de C2 ≤ 3 mm ou angulation de C2 sur C3 ≤ 5˚), ce qui
toujours évident. On doit alors s’attacher à rechercher une traduit l’absence de lésion discale ou ligamentaire associée
angulation entre la face postérieure du processus odontoïde (ou simplement l’atteinte isolée du ligament longitudinal
et la face postérieure du corps de C2 sur le profil ainsi qu’un antérieur) (fig. 26) ;
épaississement de l’espace rétropharyngé. En cas de fracture, • type II : fractures instables très déplacées (antélisthésis
le processus odontoïde est généralement déplacé en avant et > 3 mm ou angulation de C2 sur C3 > 5˚) (fig. 27). Il existe une
basculé vers l’arrière. L’IRM présente un intérêt incontestable rupture du ligament longitudinal postérieur et une fracture du
pour diagnostiquer ce type de lésion. disque C2-C3 [9]. Le bâillement de l’espace intervertébral C2-
C3 peut être antérieur (traumatismes en extension) ou posté-
Fracture de hangman (« fracture du bourreau ») rieur (traumatismes en flexion) ;
• type III : fracture bipédiculaire avec luxation zygapophysaire
Cette fracture du « pendu » ou, plus exactement, du « bour- C2-C3. C’est une lésion très instable [9], souvent associée à
reau » (hangman), est secondaire à une hyperextension, une atteinte neurologique ;
celle-ci entraînant une fracture bilatérale des pédicules de C2 • type IV : fracture bipédiculaire avec fracture associée du pro-
et un antélisthésis du corps de C2 (par atteinte discoligamen- cessus odontoïde.
taire C2-C3) [57]. L’hyperextension forcée du cou se retrouve Quelques cas atypiques de fractures ont été rapportés [57] :
dans les accidents de la voie publique lorsque le visage entre détachement d’un fragment osseux corporéal postéro-inférieur
en premier en contact avec le pare-brise, avant le vertex. Par avec risque de compression neurologique, fracture asymétrique
contre, contrairement aux pendaisons, la distraction (qui est en raison d’une composante rotatoire associée emportant
responsable des lésions neurologiques) est remplacée par un d’un côté l’isthme radiologique de C2 et de l’autre, un coin du
phénomène de compression axiale due au traumatisme crâ- corps de C2, s’accompagnant d’un risque de lésion de l’artère
nien. Les lésions neurologiques ne sont donc pas fréquentes vertébrale [57].
du fait de la diffusion centrifuge des fragments osseux lors du Chez l’enfant de moins de 8 ans, le diagnostic radiographique
traumatisme. est parfois difficile en raison de la présence de la synchondrose
La fracture de hangman est peu fréquente (4 à 6 % des frac- [5]. La fracture bipédiculaire est considérée comme haute-
tures du rachis cervical) [57]. Dans la majorité des cas, il s’agit ment probable sur le cliché de profil strict si le bord antérieur
d’une fracture bi-isthmique, plus rarement d’une fracture du processus épineux de C2 est situé à plus de 2 mm en arrière
bipédiculaire ou biarticulaire (fig. 25) [24]. Ces fractures de la ligne spinolamaire. Rappelons que s’il est situé en avant
peuvent être stables ou non (tableau IX). Effendi classe ces de cette ligne, il s’agit d’une luxation C2-C3.
fractures en quatre types [58] : Les lésions associées sont fréquentes [57] : traumatisme crâ-
nien, fractures du rachis cervical moyen et inférieur, fractures
des membres et du rachis thoracolombaire. D’une manière
générale, le traitement est orthopédique (réduction par trac-
tion et immobilisation par minerve-corset) pour les lésions sta-
bles (type I) et chirurgical pour les fractures instables (types II
à IV), dont font partie les fractures à trait asymétrique.

« Tear-drop » fracture de C2 (ou de C3)


en extension

Le mécanisme lésionnel est une hyperextension, contraire-


ment aux « tear-drop » fractures en flexion du rachis cervical

Tableau IX : Critères d’instabilité d’une fracture de hangman.

Antélisthésis de C2 > 3 mm
Angulation de C2 sur C3 > 5˚
Luxation zygapophysaire C2-C3 associée
Figure 25. Différents types de fracture de hangman. Fracture associée du processus odontoïde

24
E.-L. Glaude et al.
2 mise au point

Figure 26. Fracture de hangman de type I (non déplacée). Figure 27. Fracture de hangman de type II. Notez l’antélisthésis de plus
de 3 mm de C2 et le recul du processus épineux de C2 par rapport à la
ligne spinolamaire.

inférieur. Cette hyperextension est responsable d’une avul- Autres fractures du corps de C2
sion par le ligament longitudinal antérieur d’un coin vertébral
antéro-inférieur ou antéro-supérieur de C2 (et plus rarement Elles sont rares et n’ont rien de spécifique. Le scanner et
de C3). Celui-ci possède une forme de larme sur le cliché de surtout les reconstructions multiplanaires précisent les carac-
profil, d’ou le nom donné à cette fracture (fig. 28). Contraire- téristiques du trait de fracture et le déplacement du ou des frag-
ment aux « tear-drop » lésions en flexion, cette lésion est sta- ments osseux. On distingue les fractures à trait vertical frontal
ble car il n’existe pas d’atteinte des colonnes moyenne et dont l’image radiologique peut parfois faire évoquer une frac-
postérieure, donc pas de déplacement de la vertèbre atteinte ture de hangman, et les fractures à trait vertical sagittal.
[49]. Signalons que cette lésion peut survenir à tous les éta-
ges du rachis cervical mais est beaucoup plus fréquente en C2.
Lésions traumatiques du rachis cervical
inférieur (C3-C7)

Lésions par compression

Elles comportent toujours une atteinte osseuse plus ou moins


importante. On retrouve, par ordre de gravité croissante [59] :

Tassement corporéal antérieur (3 % des cas)


Une flexion est associée à la compression axiale. Le tasse-
ment antérieur du corps vertébral respecte le mur postérieur
et le ligament longitudinal postérieur. Cette fracture est
stable. Le cliché de profil met en évidence la diminution de
hauteur du mur antérieur sans modification du mur postérieur
Figure 28. « Tear-drop » fracture de C2 : avulsion du coin antéroinfé- (corticale visible et de hauteur similaire aux autres corps ver-
rieur de C2, de forme triangulaire sur cette reconstruction sagittale. tébraux intacts) ni déplacement vertébral suspect.

Feuillets de Radiologie © Masson, 2006 25


Traumatismes du rachis cervical

Figure 29. Burst fracture : traits sagittaux traversant le corps vertébral


et l’arc postérieur.

Figure 30. Burst fracture : rétropulsion marquée d’un fragment posté-


rosupérieur du corps vertébral dans le canal rachidien (têtes de flèche)
Burst fracture (7 % des cas) et fragment antérieur pouvant donner un aspect d’éperon en radiogra-
phie (flèche blanche). Notez la fracture de Chance à l’étage sus-jacent
C’est une fracture comminutive du corps vertébral secondaire (flèche noire).
à une compression axiale pure. Elle atteint essentiellement
C7. Sur le profil, le corps vertébral fracturé présente un aspect
en « diabolo » avec diminution de sa hauteur et augmenta- • de sévères anomalies osseuses : avulsion d’un coin somati-
tion de son diamètre antéropostérieur. La partie antérosupé- que antéro-inférieur (qui reste solidaire du disque sous-
rieure du corps vertébral tassé présente un aspect en bec en jacent), trait de fracture sagittal transcorporéal (présent dans
raison de la présence d’un fragment osseux [59]. Le scanner 2/3 des cas) qui peut également intéresser la vertèbre sus-
objective un trait sagittal, médian ou latéral, traversant le jacente (1 % des cas), déplacement postérieur de la vertèbre
corps vertébral et l’arc postérieur (fig. 29) et un trait frontal par rupture du ligament longitudinal postérieur et du disque
responsable d’une rétropulsion plus ou moins marquée du sous-jacent, fracture parfois associée de l’arc postérieur ;
coin postérosupérieur du corps vertébral dans le canal rachi- • de graves lésions des tissus mous : épaississement des tis-
dien (fig. 30) [11]. Le degré de rétropulsion du mur postérieur sus mous prévertébraux secondaire à l’avulsion du coin anté-
détermine la gravité de cette fracture (complications neurolo- roinférieur par le ligament longitudinal antérieur également
giques dans la moitié des cas). Ce type de fractures comminu- rompu, rupture du ligament longitudinal postérieur, des cap-
tives peut s’associer à une luxation zygapophysaire. sules articulaires zygapophysaires, des ligaments jaunes, des
ligaments interépineux et des ligaments supra-épineux [59].
« Tear-drop » fractures (23 % des cas) Le cliché de profil en permet le diagnostic (tableau X). Le
bâillement des articulations zygapophysaires et le bâillement
Elles sont secondaires à une compression axiale sur un rachis cer-
inter-épineux, qui traduisent la rupture de la colonne posté-
vical fléchi (i.e. plongeon en eau peu profonde). La compression
rieure, peuvent être remplacés par une fracture verticale de
axiale va être responsable des lésions osseuses et la flexion
l’arc postérieur (15 % des cas).
des lésions discoligamentaires. Ces fractures sont générale-
ment extrêmement instables car il existe, dans la très grande
majorité des cas, une rupture des trois colonnes verticales Tableau X : Signes radiographiques d’une « tear-drop »
autorisant un déplacement postérieur du corps vertébral dans fracture de C5.
le canal rachidien. Le risque de lésion neurologique, en particu-
D’avant en arrière :
lier médullaire, est alors très élevé. Cliniquement, les tear-drop
– épaississement des tissus mous antérieurs
fractures sont responsables d’un syndrome cordonal antérieur – fragment osseux triangulaire détaché du coin antéro-inférieur de C5
aigu (quadriplégie brutale, perte de la sensibilité thermoalgi- – rétrolisthésis de C5
– bâillement des articulations zygapophysaires
que, persistance de la sensibilité cordonale postérieure). Elles – bâillement inter-épineux
touchent le plus souvent C5 ou C4 et se caractérisent par – fracture verticale de l’arc postérieur (à la place des deux lésions
(fig. 31 et 32) : précédentes)

26
E.-L. Glaude et al.
2 mise au point

Le scanner est indispensable pour préciser les lésions osseu-


ses et évaluer la taille résiduelle du canal rachidien (fig. 33).
L’association du trait de refend sagittal trans-corporéal et du
fragment osseux triangulaire antérieur donne l’image quasi
pathognomonique de fracture en T sur la coupe axiale passant
par le plateau inférieur de la vertèbre atteinte (fig. 32). L’éva-
luation de la moëlle épinière (compression, section, héma-
tome, œdème) est du domaine exclusif de l’IRM.
Le traitement dépend de l’importance respective de l’instabi-
lité ligamentaire (aucune tendance à la cicatrisation sponta-
née, même en cas d’immobilisation) et osseuse (instabilité
temporaire, le temps de la consolidation des lésions osseuses
après réduction). Le traitement chirurgical peut donc être
décidé devant des signes d’instabilité ligamentaire des colon-
nes moyenne et postérieure (cas le plus fréquent : recul du
mur postérieur, bâillement des articulaires postérieures,
écart interépineux) alors que le traitement orthopédique sera
choisi devant des lésions à prédominance osseuse (trait sagit-
tal transcorporéal, fracture de l’arc postérieur, absence de Figure 31. « Tear-drop » fracture de C5 : avulsion du coin somatique
signes radiographiques d’instabilité ligamentaire). antéro-inférieur de C5 qui reste solidaire du disque C5-C6, rétrolisthé-
sis de C5, bâillement des articulations zygapophysaires et de l’espace
interépineux.
Lésions en flexion

Elles sont caractérisées par l’importance des lésions discoliga-


ques (chute de sa hauteur ou d’un escalier, surtout chez les
mentaires. La flexion résulte d’une décélération brutale du
sujets âgés) [26].
corps après un choc frontal, plus rarement d’un impact posté-
rieur sur l’occiput. Par ordre croissant de gravité, on retrouve Les patients présentent une cervicalgie avec des clichés radio-
l’entorse bénigne, l’entorse grave et la luxation zygapophy- graphiques normaux ou subnormaux (raideur rachidienne,
saire bilatérale. inversion de courbure). Une entorse grave ne peut être éli-
minée car elle peut se démasquer à distance lors de la dis-
Entorse bénigne parition des phénomènes douloureux et de la contracture
musculaire. Il faut donc s’attacher à rechercher, sur les clichés
Au cours du traumatisme en flexion, la distension ou la déchi-
initiaux, les signes d’entorse cervicale grave et faire réaliser
rure ligamentaire se propage d’arrière en avant (ligaments
des clichés dynamiques à distance du traumatisme afin de
supra-épineux, interépineux, jaunes et capsules articulaires).
s’assurer du caractère bénin de l’entorse.
Comme il n’y a pas de rupture associée du ligament longitudi-
Le traitement classique associe une immobilisation par un
nal postérieur ou de la partie postérieure du disque interverté-
collier souple, des antalgiques jusqu’à sédation des douleurs
bral, ces entorses ne sont pas responsables de déstabilisation
et souvent un arrêt de travail. Certains auteurs [60] mettent
rachidienne [26]. Le disque peut présenter une compression
en avant le risque de passage à la chronicité de ces douleurs
antérieure qui est parfois à l’origine d’une dégénérescence
et proposent plutôt une mobilisation précoce par kinésithéra-
discale progressive dans les mois qui suivent le traumatisme
pie, une utilisation limitée à quelques jours des antalgiques,
[59].
la reprise précoce des activités physiques et professionnelles
La cause la plus fréquente de l’entorse bénigne, notamment
ainsi que l’absence de port de collier cervical. Toutefois,
chez le sujet jeune, est le traumatisme crâniocervical en
aucune étude scientifique n’a démontré l’efficacité d’une thé-
extension suivie de la flexion par « effet rebond » chez l’auto-
rapeutique par rapport à une autre.
mobiliste ceinturé [26]. C’est le « whiplash injury » des Anglo-
Saxons, qui peut donc être responsable de lésions en flexion
Entorse grave
et/ou en extension. Le traumatisme survient en général à
basse vitesse (< 60 km/h), chez le conducteur plutôt que Ces lésions sont instables et peuvent aboutir à une luxation
chez le passager (trois-quart des cas) [60]. Les autres causes vertébrale progressive car il existe une atteinte de la colonne
sont les accidents sportifs (sujets jeunes surtout) et domesti- moyenne (ligament longitudinal postérieur et tiers postérieur

Feuillets de Radiologie © Masson, 2006 27


Traumatismes du rachis cervical

A B

Figure 32. « Tear-drop » fracture de C4. Notez le rétrolisthésis de C4, le bâillement des articulations zygapophysaires C4-C5 (A) et, en scanner (B), la
fracture en T (association du trait de refend sagittal trans-corporéal et du fragment osseux triangulaire antérieur).

du disque intervertébral) (fig. 34). Elles sont secondaires à La clinique (cervicalgies) n’est pas spécifique. Par contre,
un mécanisme en hyperflexion et en compression (l’hyper- l’association d’un tableau d’entorse cervicale grave et d’une
flexion pure entraîne une luxation zygapophysaire bilaté- névralgie cervicobrachiale sensitivomotrice ou d’une atteinte
rale). Elles s’observent lors d’accidents automobiles, sportifs médullaire complète ou incomplète doit faire suspecter une
(sujets jeunes) et au décours de chutes domestiques (sujets hernie discale post-traumatique et conduire à la réalisation
âgés). Dans ce dernier cas, elles siègent électivement à l’étage d’une IRM. Cette complication peut d’ailleurs ne se révéler
immédiatement adjacent (sus- ou sous-jacent) à celui d’une qu’après le traitement chirurgical (abord postérieur ne per-
discopathie arthrosique car la mobilité est réduite à cet mettant pas de la détecter) [26].
étage. C’est l’atteinte de la colonne moyenne, laquelle n’a Sur le cliché de profil initial ou sur le profil en flexion réalisé à
aucune tendance à la cicatrisation spontanée, qui autorise la distance (25 % des cas), cette entorse grave se traduit par
subluxation vertébrale (antélisthésis) et fait la gravité de la des signes directs et indirects (tableau XI) (fig. 34 et 35) [59].
lésion. En fait, les deux signes les plus importants sont les critères de

Tableau XI : Signes radiographiques directs et indirects d’entorse cervicale grave en flexion. Les deux signes italiques sont les critères
de Yales. Leur présence témoigne d’un rachis déstabilisé.

Signes directs Signes indirects


– antélisthésis corporéal > 3,5 mm (en repos ou en flexion) – hématome des parties molles antérieures
– cyphose régionale > 11˚ – fracture-tassement du coin antérosupérieur de la vertèbre
– perte de parallélisme des surfaces articulaires postérieures, sous-jacente en raison de la compression (32 % des cas)
– découverture > 50 % des articulaires supérieures – fracture d’un processus épineux par traction ligamentaire
de la vertèbre sous-jacente (9 % des cas)
– augmentation de l’écart interépineux ou fracture-avulsion horizontale
d’un processus épineux

28
E.-L. Glaude et al.
2 mise au point

Figure 34. Entorse grave en flexion : antélisthésis > 3,5 mm (a), angu-
lation > 11˚ (b), découverture > 50 % de l’articulaire supérieure de la
vertèbre sous-jacente, augmentation de l’écart interépineux.

Figure 33. « Tear-drop » fracture de C7. La fracture verticale de l’arc


postérieur de C6 (flèche) remplace le bâillement des articulations
zygapophysaires et le bâillement interépineux.

Yale (antélisthésis > 3,5 mm et cyphose régionale > 11˚).


Lorsqu’ils sont présents, le rachis est déstabilisé [26]. En cas
de signes neurologiques, l’IRM permet l’étude de la moelle
épinière (section, hématome, œdème). Elle peut objectiver
une hernie discale post-traumatique et les déchirures discoli-
gamentaires en T2 (plages hyperintenses interépineuses,
prévertébrales, et transdiscales).
Le traitement des entorses cervicales graves est toujours chi-
rurgical : ostéosynthèse par voie antérieure ou postérieure en
fonction de la présence de signes neurologiques et en fonc-
tion des écoles chirurgicales.

Figure 35. Entorse grave C5-C6 en flexion. Notez l’angulation C5-C6 de


Luxation zygapophysaire bilatérale plus de 11˚, la découverture > 50 % des articulaires supérieures de C6,
la visibilité anormale des foramens intervertébraux C5-C6, l’augmen-
Elle constitue l’évolution d’une entorse cervicale grave négli-
tation de l’écart interépineux C5-C6 et la fracture-tassement du coin
gée ou succède à un traumatisme violent en hyperflexion antéro-supérieur de C6.
pure dont l’action s’est prolongée après la rupture du liga-
ment longitudinal postérieur. Elle est très instable et s’accom-
pagne d’une translation antérieure importante de la vertèbre ment une variante pointe à pointe lorsque le processus articu-
atteinte (> 30 % de la longueur du plateau vertébral). Le ris- laire inférieur de la vertèbre lésée vient se placer au-dessus
que de compression médullaire est donc élevé (50 % des du processus articulaire supérieur de la vertèbre sous-jacente
cas). (fig. 38). Si les clichés de I sont réalisés, on note un bâille-
Sur le cliché de profil, il existe une rupture brutale en baïon- ment uncovertébral bilatéral. La réalisation systématique
nette de toutes les lignes verticales normales, un antélisthésis d’un scanner montre fréquemment des fractures de l’extré-
important, une luxation antérieure des processus articulaires mité des processus zygapophysaires inférieurs de la vertèbre
zygapophysaires inférieurs de la vertèbre pathologique par luxée, d’où le nom parfois donné à cette lésion de luxation-
rapport aux processus supérieurs de la vertèbre sous-jacente, fracture biarticulaire.
une visibilité des foramens intervertébraux, normalement Le traitement est toujours chirurgical (réduction par traction
non visibles, au niveau de la vertèbre luxée (fig. 36 et 37). ou sous contrôle scopique, puis stabilisation chirurgicale soit
Comme pour les luxations unilatérales, on distingue égale- par voie antérieure soit par voie postérieure).

Feuillets de Radiologie © Masson, 2006 29


Traumatismes du rachis cervical

Lésions en extension

L’extension est responsable de lésions particulières peu fré-


quentes. Ce mécanisme doit être suspecté devant la présence
de lésions faciales cutanées, la face heurtant un obstacle dur
avant le vertex.

Avulsion du listel marginal


Un mécanisme en hyperextension peut produire une fracture-
avulsion du listel antéroinférieur par traction du ligament lon-
gitudinal antérieur. Cette fracture touche préférentiellement
les enfants et les adolescents et ne s’associe généralement
Figure 36. Luxation zygapophysaire bilatérale C5-C6 : antélisthésis pas à d’autres lésions osseuses, ligamentaires ou neurologi-
important de C5 (> 30 % de la longueur du plateau vertébral), luxation ques. C’est une lésion stable.
antérieure des processus articulaires inférieurs de C5 par rapport aux
processus supérieurs de C6, fracture des processus articulaires zygapo-
physaires inférieurs de C5, visibilité des foramens intervertébraux C5-
Entorse dite de gravité « moyenne »
C6. Dans les AVP par impact arrière, le mouvement d’hyperexten-
sion peut entraîner des lésions de la colonne antérieure
(atteinte du ligament longitudinal antérieur) mais surtout de
la colonne postérieure, principalement des articulations zyga-
pophysaires, avec notamment discret diastasis en scanner.
Cette dernière composante lésionnelle pourrait être en partie
responsable des symptômes (céphalées et cervicalgies) ren-
contrés chez ces patients.

Entorse grave en extension


Elle se définit par l’atteinte de la colonne moyenne (ligament
longitudinal postérieur et partie postérieure du disque inter-
vertébral). Au cours d’un traumatisme en extension, la lésion
se propage d’avant en arrière avec atteinte première de la
colonne antérieure (ligament longitudinal antérieur, partie
Figure 37. Luxation zygapophysaire bilatérale C6-C7 avec fracture du antérieure du disque intervertébral), puis de la colonne
processus épineux de C6 (flèche). moyenne, et enfin de la colonne postérieure par un méca-
nisme de compression (fig. 39). En effet, le contact entre les
deux arcs postérieurs est parfois responsable d’une fracture
verticale du processus épineux de la vertèbre lésée.
Les signes radiographiques d’entorse cervicale grave en
extension sont [26] :
• l’exagération de la lordose cervicale avec bâillement discal
antérieur ;
• le rétrolisthésis ;
• le recul des articulaires zygapophysaires inférieures de la
vertèbre sus-jacente sur les articulaires supérieures de la
vertèbre sous-jacente ;
• la présence d’un petit fragment osseux corporéal antérieur
reste solidaire du disque sous-jacent lors de la bascule posté-
rieure du rachis (« tear-drop ») inversé [59] ;
• la fracture du processus épineux.
Figure 38. Variante pointe à pointe d’une luxation zygapophysaire L’instabilité est sévère et les complications neurologiques
bilatérale C6-C7 avec fracture du processus épineux de C6 (flèche). importantes. L’IRM permet de mettre en évidence des lésions

30
E.-L. Glaude et al.
2 mise au point

Figure 40. Luxation-fracture biarticulaire en extension. (a) Fracture


corporéodiscale avec rétrolisthésis de C5, fracture-séparation des mas-
sifs articulaires de C5 et fracture du processus épineux de C4 ; (b) lors-
que l’extension est suivie d’une flexion : risque de luxation zygapo-
Figure 39. Entorse grave C5-C6 en extension. Notez la présence d’un physaire C4-C5.Figure 19-41. Luxation unilatérale C3-C4 avec signe du
petit fragment osseux corporéal antérieur de C5 resté solidaire du dis- « bonnet d’âne » (dédoublement brutal des processus articulaires pos-
que C5-C6, un rétrolisthésis de C5, un recul des articulaires zygapophy- térieurs) (flèches) et antélisthésis modéré en radiographie (a). Notez
saires inférieures de C5 sur les articulaires supérieures de C6, et la frac- la perte de contact des surfaces articulaires en scanner ainsi que la
ture du processus épineux. rotation des processus épineux du côté de la luxation (b).

caractéristiques au sein des parties molles antérieures : importante car elle impose de débuter par un abord chirurgi-
hématome, rupture ligamentaire, discale ou même durale cal postérieur (ablation du massif articulaire fracturé puis
(fig. 7). Le traitement est chirurgical : arthrodèse par voie ostéosynthèse) qui permet de réduire le déplacement.
antérieure.
Lésions en rotation
Luxation-fracture biarticulaire en extension
Il s’agit d’une lésion rare (moins de 2 % des cas) et complexe, Les trois lésions en rotation ci-dessous présentent un aspect
mais importante à diagnostiquer d’un point de vue thérapeuti- radiologique univoque important à reconnaître : l’olisthésis rota-
que car elle doit obligatoirement amener à un abord chirurgical toire, qui traduit la rotation vertébrale unilatérale (voir ci-après).
initial postérieur. On peut observer deux aspects radiographi-
ques (fig. 40) : Luxation zygapophysaire unilatérale isolée
• (1) la poursuite du mouvement d’hyperextension est res-
Elle est secondaire à une flexion-rotation controlatérale res-
ponsable d’une atteinte sévère et bilatérale des massifs arti-
ponsable d’une atteinte unilatérale de la capsule articulaire
culaires qui se fracturent (fracture-séparation), donnant un
aspect radiographique évocateur de lésion en extension (exa- zygapophysaire et du complexe ligamentaire postérieur. Elle
gération de la lordose cervicale) ; siège de préférence en C6-C7. Le processus articulaire infé-
• (2) dans un second temps (après la fracture-séparation), il rieur de la vertèbre lésée vient se placer en avant (variante
peut se produire une flexion spontanée du rachis cervical dos à dos) (fig. 41) ou au-dessus (variante pointe à pointe) du
causée par le simple poids de la tête entraînant vers l’avant processus articulaire supérieur de la vertèbre sous-jacente.
les articulaires postérieures fracturées. Ce mécanisme est à Dans la luxation zygapophysaire unilatérale, il existe une
connaître car il explique l’aspect radiographique trompeur en rotation vertébrale de 30 à 45˚ [11]. L’atteinte discale est fré-
flexion de certaines de ces luxations-fractures en extension. quente (67 % des cas) [29].
Les éléments en faveur du mécanisme d’hyperextension sont Il existe donc un risque de rétropulsion de fragments discaux
la présence de lésions faciales cutanées, de lésions articulai- dans le canal vertébral lors de la réduction avec possible
res postérieures sévères et bilatérales, de multiples fractures aggravation neurologique brutale, faisant préférer par cer-
des processus épineux et la difficulté à réduire ces lésions par tains [48] l’exérèse discale par voie antérieure. Par contre, le
traction. En effet, les deux massifs articulaires postérieurs foramen intervertébral ipsilatéral à la luxation est fortement
sont isolés et ne peuvent, par conséquent, se réaligner. rétréci, expliquant la symptomatologie radiculaire fréquem-
Devant un aspect de luxation zygapophysaire ou de luxation- ment associée. Le diagnostic se fait sur les radiographies stan-
fracture, la constatation de lésions des massifs articulaires est dard. On retrouve :

Feuillets de Radiologie © Masson, 2006 31


Traumatismes du rachis cervical

A B

Figure 41. Luxation unilatérale C3-C4 avec signe du « bonnet d’âne » (dédoublement brutal des processus articulaires postérieurs) (flèches) et anté-
listhésis modéré en radiographie (A). Notez la perte de contact des surfaces articulaires en scanner ainsi que la rotation des processus épineux du côté
de la luxation (B).

• un signe du « bonnet d’âne » traduisant le dédoublement – fracture du processus articulaire supérieur de la vertèbre
brutal, sur le cliché de profil, des processus articulaires posté- sous-jacente à la luxation, dont le fragment supérieur est
rieurs (assimilés aux oreilles du bonnet) ; déplacé vers l’avant par le processus articulaire inférieur de la
• un aspect de I de l’ensemble des vertèbres sus-jacentes à la vertèbre traumatisée (cas le plus fréquent).
lésion sur le cliché de profil ; – fracture du processus articulaire inférieur de la vertèbre
• un olisthésis rotatoire [59] : déviation d’un processus épi- luxée, dont le fragment inférieur reste solidaire du processus
neux sur le cliché de face, antélisthésis modéré (voisin du articulaire supérieur de la vertèbre sous-jacente.
tiers du plateau vertébral) sur le cliché de profil, bâillement – association des deux fractures précédentes (fracture biarti-
uncovertébral unilatéral et homolatéral à la lésion sur les cli- culaire unilatérale).
chés de I. Parmi ces signes, seul le bâillement uncovertébral • La fracture-séparation du massif articulaire. Il existe un
unilatéral est pathognomonique de l’olisthésis rotatoire trau- double trait de fracture (fracture antérieure pédiculaire, frac-
matique ; ture postérieure lamaire) isolant complètement le massif arti-
– une projection du processus articulaire inférieur de la culaire du reste de la vertèbre. Ainsi libéré, le massif articu-
vertèbre sus-jacente en avant ou au-dessus du processus laire s’horizontalise en basculant de 30˚ vers l’avant et le bas
articulaire supérieur sous-jacent sur les clichés de trois- [11]. Le diagnostic (fig. 42) se fait sur le cliché de face (aspect
quart. de « massif carré de Judet » : massif horizontalisé, de forme
Le scanner retrouve la perte de contact des surfaces articulai- carrée, déplacé latéralement), de profil (signe du double
res ainsi que le bâillement uncovertébral unilatéral. Il précise contour résultant de l’absence de superposition des deux
le degré du rétrécissement foraminal et recherche les lésions facettes articulaires, le bord postérieur de l’articulaire fractu-
osseuses associées, parfois difficiles à mettre en évidence sur rée se projetant en arrière de celui de la vertèbre intacte) et
les clichés radiographiques. de I (baillement uncovertébral unilatéral, pathognomonique
de l’olisthésis rotatoire).
Luxation zygapophysaire unilatérale associée
La fracture simple et la fracture-séparation du massif articu-
à une fracture des processus articulaires
laire sont très fréquentes et peuvent s’observer de manière
Argenson et Saillant distinguent deux groupes lésionnels : isolée, sans luxation zygapophysaire associée. Leur mécon-
• La fracture simple du massif articulaire dont il existe trois naissance laisse évoluer une instabilité avec un risque neuro-
variantes : logique secondaire.

32
E.-L. Glaude et al.
2 mise au point

A B

Figure 42. Fracture-séparation du massif articulaire droit de C6.


Sur le cliché de face (A), notez l’aspect de « massif carré de Judet »
typique (flèche) et la déviation vers la droite de la ligne des épineu-
ses sus-jacentes à C6 (têtes de flèche). Sur le cliché de profil (B), il
existe un antélisthésis de C6, un aspect de 3/4 de l’ensemble des
vertèbres sus-jacentes à C6 et une bascule antérieure du massif arti-
culaire droit de C6 (flèches).
Le cliché de 3/4 droit (C) met en évidence un baillement uncoverté-
bral C6-C7 droit (flèche) pathognomonique de l’olisthésis rotatoire.

Cas particuliers d’un processus épineux par le ligament supra-épineux [26,


61]. Si la fracture du processus épineux est associée à un arra-
Fracture des terrassiers chement du ligament inter-épineux, elle entre dans le cadre
(« Clay-shoveler’s fracture ») nosologique des entorses cervicales. Si elle est isolée, elle est
Il s’agit de l’avulsion isolée de la pointe d’un ou plusieurs pro- stable et ne présente pas de risque neurologique [20]. Le dia-
cessus épineux cervicaux (surtout de C6 ou de C7), mais elle gnostic repose sur le cliché de profil qui montre la solution de
peut également toucher les trois premières vertèbres thoraci- continuité verticale ou oblique du processus épineux avec un
ques [61]. Le trait de fracture présente une direction oblique léger déplacement caudal du fragment osseux. Si le profil ne
ou verticale. Décrite initialement chez les mineurs et les ter- dégage pas de manière correcte les dernières vertèbres cer-
rassiers [49], elle résulte soit d’un choc direct sur le rachis vicales, on recherche sur le cliché de face un dédoublement
cervical, soit d’un traumatisme indirect (accident automobile, du processus épineux de C6 ou C7 secondaire au léger dépla-
port de charge lourde à bout de bras entraînant l’arrachement cement caudal du fragment osseux.

Feuillets de Radiologie © Masson, 2006 33


Traumatismes du rachis cervical

Sciwora et Sciworet senter en période aigue un œdème ou des lésions hémorragi-


ques [62]. Dans les semaines qui suivent, une atrophie focale
Le SCIWORA (Spinal Cord Injury Without Radiographic Abnorma- de la moelle épinière peut succéder aux anomalies de signal.
lity) est défini par la présence de signes cliniques médullaires [5] Grabb et Pang [66] ont établi une classification pronostique
alors que les radiographies et le scanner sont strictement nor- du SCIWORA/SCIWORET basée sur l’aspect IRM :
maux. Le terme SCIWORET (Spinal Cord Injury Without Radio- • section complète de la moelle épinière. On ne peut espérer
logical Evidence of Trauma) [62] a été introduit afin de dési- aucune récupération sur le plan neurologique ;
gner des patients présentant une atteinte médullaire mais • hémorragie intramédullaire majeure (> 50 % de la surface
sans lésion traumatique décelable (sur les radiographies et de la moelle épinière sur les coupes axiales). L’atteinte neu-
sur le scanner) et dont le rachis cervical est toutefois anormal rologique est sévère et la récupération est faible ;
en imagerie (discarthrose, ossification ligamentaire, antélis- • hémorragie intramédullaire mineure (< 50 %). Une récupé-
thésis ou rétrolisthésis d’origine dégénérative…). Dans la lit- ration neurologique partielle peut être espérée ;
térature, on retrouve souvent l’emploi de l’un ou l’autre • œdème médullaire isolé, sans lésion hémorragique. Le
terme indifféremment. pronostic est bon ;
La physiopathologie de ces syndromes n’est pas clairement éta- • absence de lésion médullaire. On peut attendre une récupé-
blie mais ils semblent essentiellement survenir pour des trauma-
ration complète.
tismes en hyperflexion ou en hyperextension. Le SCIWORA, au
La prise en charge est celle de tout traumatisme médullaire
sens strict, touche essentiellement la population pédiatrique
(cure chirurgicale d’une éventuelle cause compressive, lutte
[63], même si certains auteurs l’ont également décrit chez
contre l’œdème médullaire par l’utilisation en période
l’adulte [19, 64, 65]. La mobilité du rachis chez le sujet jeune
aigue de fortes doses de méthylprednisolone). Signalons par
est intrinsèquement importante (squelette vertébral cartila-
ailleurs, que ces syndromes peuvent également survenir au
gineux avec des ligaments et des capsules articulaires élas-
niveau du rachis thoracolombaire.
tiques permettant des déformations considérables sans
déchirure sous-jacente [53], hyperhydratation des disques
intervertébraux permettant une élongation de 2 à 3 cm sans
Lésions traumatiques du rachis cervical
dislocation intervertébrale) [5]. Le SCIWORET peut toucher les
chez le sujet âgé
sujets jeunes avec un canal cervical constitutionnellement
étroit [65] et les sujets âgés au rachis cervical préalablement Les caractéristiques biomécaniques du rachis cervical se
rétréci par une cervicarthrose. On pense qu’il s’agit de défor- modifient chez le sujet âgé [67]. La fracture du processus
mations ligamentaires transitoires lésant une moelle épinière odontoïde est la lésion la plus fréquente dans cette tranche
peu élastique et donc peu déformable ou d’une hypoperfu- d’âge [19]. La déminéralisation osseuse rend les vertèbres
sion médullaire secondaire à une atteinte vasculaire au cours plus vulnérables aux forces de compression axiale et la mobi-
du traumatisme. Récemment, une étude a rapporté une fré- lité cervicale est réduite par les phénomènes dégénératifs et
quence relativement élevée (12 %) de SCIWORA/SCIWORET l’ossification ligamentaire. Alors que, dans la population
chez des adultes hospitalisés pour une atteinte médullaire cli- générale, les accidents de la route représentent la cause la
nique dans les suites d’un traumatisme cervical. plus fréquente de traumatisme cervical, chez le sujet âgé, les
Cependant, SCIWORA et SCIWORET restent des diagnostics chutes rendent compte d’environ I des cas. Elles sont responsa-
d’exclusion et il faut évoquer de principe une autre cause bles d’un mécanisme en hyperextension (car le visage heurte
(intérêt de l’IRM) : compression molle (hernie discale, héma- le plus souvent en premier un obstacle dur), ce qui explique
tome épidural cervical), hématome ou œdème intramédul- la fréquence du syndrome central de la moelle de Schneider
laire, pathologie pré-éxistante (myélopathie cervicarthrosique, sur ce terrain (déficit moteur des quatre membres prédomi-
tumeur). L’IRM met en évidence des anomalies des parties nant aux membres supérieurs).
molles et de la moelle épinière. Les modifications, en règle On rappellera la possibilité de fractures transversales lorsque
modérées, des structures osseuses et discoligamentaires sont le rachis est ankylosé (hyperostose, spondylarthrite ankylo-
corrélées au mécanisme vulnérant [53] : rupture du ligament sante). Ces fractures, secondaires à des forces de cisaillement,
longitudinal antérieur, élargissement antérieur de l’espace traversent les corps ou les disques ankylosés ainsi que les élé-
intervertébral, hernie discale antérieure dans les lésions en ments postérieurs. Elles sont donc instables car il existe une
extension et rupture du ligament longitudinal postérieur, her- rupture des trois colonnes cervicales verticales et fréquem-
nie discale postérieure de petite taille dans les lésions en ment responsables d’une atteinte neurologique souvent
flexion. La moelle épinière peut apparaître normale ou pré- sévère.

34
E.-L. Glaude et al.
2 mise au point

Lésions traumatiques du rachis cervical susceptibles d’entraîner une apnée avec anoxie qui majore
chez l’enfant les lésions cérébrales. Ces lésions médullaires sont donc
généralement associées à des signes cliniques sévères et à un
À partir de l’âge de 10-12 ans, l’anatomie et les lésions trau- pronostic catastrophique sur le plan cérébral. Lors de l’évalua-
matiques du rachis cervical de l’enfant deviennent similaires tion IRM d’un enfant suspect de « shaken baby » syndrome, il
à celles de l’adulte. Par contre, avant cet âge, la majorité des importe donc d’étudier au moins l’étage cervical de la moelle
traumatismes concernent le rachis cervical supérieur en rai- épinière (fig. 43).
son notamment de la plus grande laxité ligamentaire de cette
région [4] : SCIWORA, luxation occipito-cervicale, fractures de Syndrome de l’enfant battu
C1, luxation rotatoire atlanto-axoïdienne, luxation atlanto- (syndrome de Silverman)
axoïdienne antérieure, fracture du processus odontoïde et
Dans le syndrome de l’enfant battu, le mécanisme est moins
fracture bipédiculaire de C2. En effet, chez l’enfant, le pivot de
univoque, mais l’énergie cinétique mise en jeu est souvent
la mobilité du rachis cervical est situé en C2-C3 alors que chez
majeure, avec projection de l’enfant à distance, et peut être
l’adulte, il se situe en C5-C6.
responsable de rupture ostéodiscale avec dislocation rachi-
Sur le plan histopathologique, les lésions corporéales attei-
dienne. Ici aussi, il s’agit de formes cliniques gravissimes,
gnent préférentiellement l’os sous-chondral, zone de crois-
voire de constatations autopsiques. Certaines lésions sont
sance à la fois fragile et très vascularisée (avec donc un bon
caractéristiques de ce type de traumatisme :
pronostic de consolidation). Ces lésions passent facilement
• arrachement d’un processus épineux ;
inaperçues sur les clichés standard mais sont très instables. Il
est donc d’autant plus important de s’attacher à évaluer l’har- • fracture des synchondroses neurocentrales ;
monie de courbure cervicale et de rechercher un gonflement • fracture-enfoncement d’un plateau vertébral avec réduction
des parties molles. de l’espace intervertébral ;
La réalisation pratique du bilan radiologique cervical chez • hématome épidural ou sous-dural cervical isolé.
l’enfant nécessite certaines précautions et son interprétation
se heurte au problème d’un rachis partiellement ossifié. Ainsi,
l’incidence de l’odontoïde de face bouche ouverte n’est pas
indiquée chez les enfants de moins de 9 ans car elle n’est pas
performante. En raison des limitations des radiographies
standard et de la nécessité courante de scanner cérébral, le
bilan du rachis cervical est le plus souvent réalisé au scanner.
L’IRM, qui nécessite généralement une sédation en dessous
de 7 ans, est précieuse pour diagnostiquer des lésions disco-
ligamentaires instables, non visibles sur les radiographies. À
l’inverse, il faut tenir compte de l’importante laxité physiolo-
gique chez l’enfant, majorée par les troubles de vigilance, qui
peut être à l’origine d’images impressionnantes de pseudo-
dislocation.

Syndrome de l’enfant secoué/syndrome


de l’enfant battu
Syndrome de l’enfant secoué
Il faut distinguer le syndrome de l’enfant secoué (« shaken
baby » syndrome) du syndrome de l’enfant battu ou syn-
drome de Silverman. Chez l’enfant secoué, les mouvements
répétés et violents de l’extrémité céphalique, majorés par
l’hypotonie musculaire lorsque l’enfant perd connaissance,
peuvent provoquer une contusion médullaire cervicale sans
Figure 43. Syndrome de l’enfant secoué (« shaken baby » syndrome).
lésions rachidienne. On peut donc rattacher ces lésions au Notez la contusion de la moelle cervicale sans lésions rachidiennes
mécanisme du SCIWORA. Ces lésions médullaires hautes sont associées (coupe sagittale pondérée en T2).

Feuillets de Radiologie © Masson, 2006 35


Traumatismes du rachis cervical

Traumatismes obstétricaux tête derrière), il s’agit de lésions cervicales basses ou thora-


ciques au cours desquelles les sections médullaires sont pos-
Ces lésions sont liées à l’étirement médullaire facilité par sibles.
l’élasticité rachidienne. Elles sont donc elles aussi assimila-
bles au SCIWORA. L’hypotonie musculaire résultant d’une Hyperlaxité préexistante
anoxie fœtale peut avoir un rôle aggravant. Ces lésions
médullaires surviennent donc volontiers dans un contexte de Il existe un risque important d’atteinte médullaire. C’est le cas
dystocie, indépendamment du mode de présentation. de la trisomie 21 (risque de luxation atlanto-axoïdienne), de
Lors d’un accouchement par présentation céphalique, il l’achondroplasie ou des mucopolysaccharidoses (risque de
s’agit plutôt de lésions cervicales hautes secondaires à un compression bulbomédullaire). Dans ces pathologies entraî-
mécanisme de rotation. Les lésions médullaires ou radiculai- nant des malformations complexes de la charnière crâniocer-
res par avulsion sont alors fréquentes. Lors d’une présenta- vicale, le traumatisme n’est souvent que l’élément révélateur
tion transversale ou en siège (notamment avec rétention de d’une pathologie sévère préexistante.

Références 11. Ramaré S, Nezry N, Saillant G, Camelot C, 22. Dosch JC. Traumatismes du rachis cervical in-
Laville C. Les fractures et luxations du rachis férieur (pièges et erreurs diagnostiques).
1. Feron JM, Gleyzes V, Signoret F et al. Préva- cervical inférieur (C3-C7). Traitement des Rachis cervical traumatique. Cahier d’ensei-
lence des associations lésionnelles dans les lésions traumatiques récentes du rachis. gnement de la SOFCOT 2000 ; 76 : 63-70.
fractures du rachis cervical. Rev Chir Orthop 3e journée de traumatologie de la Pitié Sal- 23. Harris JH. Malalignment: signs and signifi-
1997 ; Suppl. II 83 : 39. pêtrière, Paris, Sauramps Médical. 1997 : cance. Eur J Radiol 2002; 42: 92-9.
2. Gerbeaux P, Portier F. Stratégies d’imagerie 133-53. 24. De Peretti F, Maestro M. Classification des
des traumatismes du rachis cervical. Presse 12. Denis F. The three column spine and its si- traumatismes du rachis cervical supérieur.
Med 2003 ; 32 : 1853-6. gnificance in the classification of acute tho- Rachis cervical traumatique. Cahier d’ensei-
3. Dormans JP. Evaluation of children with sus- racolumbar injuries. Spine 1983; 8: 817-34. gnement de la SOFCOT 2000 ; 76 : 5-13.
pected cervical spine injury. J Bone Joint Surg 13. Louis R. Spinal stability as defined by the 25. Daffner RH, Brown RR, Goldberg AL. A new
Am 2002; 84: 124-32. three column concept. Anat Clin 1985; 7: 33- classification for cervical vertebral injuries:
4. Lustrin ES, Karakas SP, Ortiz AO, Cinnamon J, 42. influence of CT. Skeletal Radiol 2000; 29:
Castillo M, Vaheesan K, Brown JH, Diamond 14. Takhtani D, Melhem ER. MR imaging in cer- 125-32.
AS, Black K, Singh S. Pediatric cervical spine: vical spine trauma. Clin Sports Med 2002; 26. Laporte C, Saillant G. Les entorses du rachis
normal anatomy, variants, and trauma. Ra- 21: 49-75. cervical inférieur. Traitement des lésions
diographics 2003; 23: 539-60. 15. White AA, Johnsson RM, Panjabi MM, traumatiques récentes du rachis. 3e journée
5. Duhem R. Difficultés rencontrées dans la Southwick WO. Biomechanical analysis of de traumatologie de la Pitié Salpetrière, Pa-
prise en charge des lésions traumatiques the clinical stability in the cervical spine. Clin ris. Sauramps Médical. 1997 : 172-86.
instables du rachis cervical supérieur de Orthop 1975; 109: 85-95. 27. Woodring JH, Lee C. The role and limitations
l’enfant. Thèse Médecine. Faculté de Méde- 16. White AA, Southwick WO, Panjabi MM. Clini- of computed tomography scanning in the
cine Henri Warembourg. Lille 2005. cal instability in the lower spine. A review of evaluation of cervical trauma. J Trauma 1992;
6. Fielding JW, Luten RC. The pediatric cervi- past and current concepts. Spine 1976; 1: 33: 698-708.
cal spine: developmental anatomy and 15-27. 28. Grant GA, et al. Risk of early closed reduction
clinical aspects. J Bone Joint Surg 1974; 17. Turetsky DB, et al. Technique and use of su- in cervical spine subluxation injuries. J Neu-
56: 187. pine oblique views in acute cervical spine rosurg 1999; 90 (1 Suppl): 13-8.
7. Pang D. Spinal cord injuries. Principles and trauma. Ann Emerg Med 1993; 22: 685-9. 29. Rizzolo SJ, Piazza MR, Colter JM, Balderston
practice of pediatric neurosurgery. New- 18. Ireland AJ, Britton I, and Forrester AW. Do su- RA, Schaeffer D, Flanders A. Intervertebral
York Thieme Medical Publishers 1999. pine oblique views provide better imaging disk injury complicating cervical spine trauma.
8. Bogduk N, Mercer S. Biomechanics of the of the cervicothoracic junction than swim- Spine 1991; 16: 187-89.
cervical spine. I: normal kinematics. Clin Bio- mer’s views ? J Accid Emerg Med 1998; 15: 30. Daffner RH. Cervical radiography for trauma
mech 2000; 15: 633-48. 151-4. patients: a time-effective technique? AJR
9. Jackson RS, Banit DM, Rhyne AL, Darden BV. 19. Van Goethem JWM, Maes M, Özsarlak Ö, Van Am J Roentgenol 2000; 175: 1309-11.
Upper cervical spine injuries. J Am Acad Or- den Hauwe L, Parizel PM. Imaging in spinal 31. Schroder RJ, et al. [Comparison of the dia-
thop Surg 2002; 10: 271-80. trauma. Eur Radiol 2005; 15: 582-90. gnostic value of CT and MRI in injuries of the
10. Lemoine J, Saillant G. Déstabilisation trauma- 20. Graber MA, Kathol M. Cervical spine radio- cervical vertebrae]. Aktuelle Radiol 1995; 5:
tique du rachis : qu’est-ce qu’un rachis trau- graphs in the trauma patient. Am Fam Phy- 197-202.
matique instable ? Traitement des lésions sician 1999; 59: 331-42. 32. Nunez DB Jr. et al. Cervical spine trauma:
traumatiques récentes du rachis. 3e journée 21. Bonneville, Catin. Rachis cervical : trucs et how much more do we learn by routinely
de traumatologie de la Pitié Salpétrière, Pa- pièges. Editions Vigot. Paris. Cahiers de Ra- using helical CT? Radiographics 1996; 16:
ris. Sauramps Médical. 1997 : 10-27. diodiagnostic.1990. 124 p. 1318-21.

36
E.-L. Glaude et al.
2 mise au point

33. White ML, El-Khoury GI. Neurovascular inju- 46. Blackmore CC, Emerson SS, Mann FA et al. quences pour la stratégie thérapeutique.
ries of the spinal cord. Eur J Radiol 2002; 42: Cervical spine imaging in patients with Traitement des lésions traumatiques récen-
117-26. trauma: determination of fracture risk to op- tes du rachis. 3e journée de traumatologie
34. Ramon S et al. Clinical and magnetic reso- timize use. Radiology 1999; 211: 759-65. de la Pitié Salpétrière, Paris, Sauramps Mé-
nance imaging correlation in acute spinal 47. Hanson JA et al. Radiologic and clinical spec- dical. 1997 : 104-22.
cord injury. Spinal Cord 1997; 35: 664-73. trum of occipital condyle fractures: retros- 58. Effendi B, Roy D, Cornish B, Dussault R, Lau-
35. Lecouvet F, Danse E, Cosnard G. Trauma- pective review of 107 consecutive fractures rin C. Fractures of the ring of the axis. J Bone
tismes rachidiens (avec signes ou risques in 95 patients. AJR Am J Roentgenol 2002; Joint Surg Br 1981; 63: 319-27.
neurologiques), hématome et brèches dure- 178: 1261-8. 59. Argenson C, De Peretti F, Eude P, Ghabris A,
mériennes, in Imagerie du rachis, des 48. Bénazet JP, Camelot C, Rouvereau P. Luxa- Hovorka I. Classification des lésions trauma-
méninges et de la moelle épinière. Masson, tion occipito-atloïdienne traumatique : à tiques du rachis cervical inférieur. Rachis cer-
2001 : 89-112. propos de 4 cas à survie prolongée et revue vical traumatique. Cahier d’enseignement
36. Daffner RH, Daffner SD. Vertebral injuries: de la littérature. Traitement des lésions trau- de la SOFCOT 2000 ; 76 : 42-62.
detection and implications. Eur J Radiol matiques récentes du rachis. 3e journée de 60. Spitzer WO, Skovron ML, Salmi LR, et al.
2002; 42: 100-16. traumatologie de la Pitié Salpétrière, Paris. Scientific monograph of the Quebec Task
37. Marion D, Dunham MC, Luchette F, Haid R. Sauramps Médical. 1997 : 28-39. Force on Whiplash-Associated Disorders: re-
Determination of cervical spine stability in 49. Greenspan A. Orthopedic radiology: A pratical definig “whiplash” and its management.
trauma patients. Eastern Association For The approach. 3rd edition. Lippincott Williams Spine 1995; 20: 1S-73S.
Surgery of Trauma, 2000. and Wilkins. Philadelphia. 2000. 61. Resnick D. “Physical Injury Spine” in D. Res-
38. Sklar EM, Post JM, S. Falcone. MRI of acute 50. Bouchez L, Camelot C. Instabilités et luxations nick. Diagnosis of Bone and Joint Disorders.
spinal epidural hematomas. J Comput Assist atloïdo-axoïdiennes : à propos de 28 cas. Saunders Compagny Philadelphia 2002,
Tomogr 1999; 23: 238-43. Traitement des lésions traumatiques récen- p. 2934-3016.
39. Friedman, D et al. Vertebral artery injury af- tes du rachis. 3e journée de traumatologie 62. Tewari MK, Gifti DS, Singh P, et al. Diagno-
ter acute cervical spine trauma: rate of oc- de la Pitié Salpétrière, Paris. Sauramps Mé- sis and prognostication of adult spinal cord
currence as detected by MR angiography dical. 1997 : 59-77. injury without radiographic abnormality
and assessment of clinical consequences. 51. Argenson C, Dintimille H. Lésions traumati- using magnetic resonance imaging: analy-
AJR Am J Roentgenol 1995; 164: 443-7. ques expérimentales du rachis chez le singe. sis of 40 patients. Surg Neurol 2005; 63:
40. Giacobetti FB, et al. Vertebral artery occlusion Rev Chir Orthop 1977 ; 63 : 430-1. 204-9.
associated with cervical spine trauma. A 52. Roy-Camille R, Antonietti P, Bénazet JP, et 63. Pang D, Wilberger JE Jr. Spinal cord injury wi-
prospective analysis. Spine 1997; 22: 188-92. al. Rachis cervical supérieur. Cinquièmes thout radiographic abnormalities in children.
41. Hoffman JR, Wolfson AB, Todd K, Mower WR. Journées d’Orthopédie de la Pitié. Paris, J Neurosurg 1982; 57: 114-29.
Selective cervical spine radiography in Masson ; 1986. 64. Hendey GW, Wolfson AB, Mower WR, Hoff-
blunt trauma: methodology of the Natio- 53. Pang D, Li V. Atlantoaxial rotatory fixation: man JR. Spinal cord injury without radiogra-
nal Emergency X-Radiography Utilisation Part 1-Biomechanics of normal rotation at phic abnormality: results of the National
Study (NEXUS). Ann Emerg Med 1998; 32: the atlantoaxial joint in children. Neurosur- Emergency X-Radiography Utilization Study
461-9. gery 2004; 55: 614-26. in blunt cervical trauma. J Trauma 2002; 53:
42. Dickinson G, Stiell IG, Schull M, et al. Retros- 54. Camelot C, Ramaré S, Saillant G. Les fractu- 1-4.
pective application of the NEXUS low-risk cri- res de l’atlas : à propos de 49 cas. Traite- 65. Kothari P, Freeman B, Grevitt M, Kerslake R.
teria for cervical spine radiography in Cana- ment des lésions traumatiques récentes du Injury to the spinal cord without radiological
dian emergency departments. Ann Emerg rachis. 3e journée de traumatologie de la Pitié abnormality (SCIWORA) in adults. J Bone
Med 2004; 43: 507-14. Salpétrière, Paris. Sauramps Médical. 1997 : Joint Surg Br 2000; 82: 1034-7.
43. Stiell IG, Wells GA, Vandemheen KL, et al. 40-58. 66. Grabb PA, Pang D. Magnetic resonance ima-
The Canadian C-spine rule for radiography in 55. Howard S. Cervical spine trauma. Spine ging in the evaluation of spinal cord injury
alert and stable trauma patients. JAMA 2001; 1998; 23: 2713-29. without radiographic abnormality. Neuro-
286: 1841-8. 56. Grosse A. Traitement des fractures de surgery 1994; 35: 406-14.
44. Stiell IG, Clement CM, McKnight D, et al. The l’odontoïde. Rachis cervical traumatique. Ca- 67. Ehara S, Shimamura T. Cervical spine injury
Canadian C-spine rule versus the NEXUS low- hier d’enseignement de la SOFCOT 2000 ; in the elderly: imaging features. Skeletal Ra-
risk criteria in patients with trauma. N Engl J 76 : 22-34. diol 2001; 30: 1-7.
Med 2003; 349: 2510-8. 57. Samaha C, Lazennec JY, Rolland E, Saillant G, 68. Pang D. Spinal cord injury without radio-
45. Blackmore CC. Evidence-based imaging eva- Hamma A. Fracture des pédicules de l’axis. graphic abnormality in children, 2 deca-
luation of the cervical spine in trauma. Neu- Étude rétrospective d’une série de 44 cas. des later. Neurosurgery 2004; 55: 1325-
roimag Clin N Am 2003; 13: 283-91. Analyse clinique et radiologique. Consé- 43.

Feuillets de Radiologie © Masson, 2006 37

Vous aimerez peut-être aussi