Dieu - Son Existence

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Dieu: son existence: Les preuves traditionnelles

DIEU : SON EXISTENCE

Dr Paul Mbunga Mpindi, Ph.D.

LES PREUVES TRADITIONNELLES DE L’EXISTENCE DE DIEU

Dieu, son existence, peut-elle être prouvée logiquement? Cette question n’est pas posée seulement de
nos jours. Elle est aussi vieille que le christianisme. Les lignes suivantes font une brève analyse des
preuves traditionnelles de l’existence de Dieu développées dans la pensée de deux pères de l’Eglise qui
ont le plus influencé la théologie chrétienne sur le sujet : saint Anselme de Canterbury (1033- 1109) et
saint Thomas d’Aquin (1225-1274).

I. La preuve ontologique de saint Anselme de Canterbury (1033-1109)

Saint Anselme, moine augustinien, naquit à Astoa, dans les alpes italiennes en 1033 ap. J.C. Après
avoir rejoint les ordres, il devint l’évêque de Canterbury en 1093. La discussion sur la preuve de
l’existence de Dieu vient de son effort à rendre la foi chrétienne compréhensible aussi bien aux croyants
qu’aux non-croyants. Comme l’écrit Braun, Saint Anselme était « préoccupé par les problèmes des
rapports de la foi et de la raison; certes, il faut croire pour comprendre, mais il faut ensuite chercher à
comprendre ce que l’on a cru. D’où, on rencontre chez lui un souci d’établir par des démonstrations le
caractère nécessaire de la Trinité et de l’Incarnation … de prouver l’existence de Dieu par le fameux
‘argument ontologique’ » [Jean Brun, L’Europe philosophe. 25 siècles de pensée occidentale (Paris:
Stock, 1988), p. 101].
La preuve ontologique de l’existence de Dieu est présentée dans son ouvrage intitulé: Proslogion.
Anselme introduit la question de l’existence de Dieu par l’affirmation étrange du Psaume 14:1 «
L’insensé dit en son coeur: il n’y a point de Dieu ». Saint Anselme se demande : comment serait-il
possible à l’insensé de dire dans son coeur que Dieu n’existe pas, sans que la pensée de l’inexistence de
Dieu, l’Etre suprême, n’existe dans son raisonnement? En d’autres termes: « comment l’insensé a-t-il
pu dire en son coeur ce qu’il n’a pu penser, à savoir qu’il n’y a pas de Dieu? » [Ibid.] Selon Anselme,
penser que Dieu n’existe pas, c’est déjà concevoir la possibilité de son existence au niveau conceptuel.
Car, on ne peut penser que ce qui existe ou ce qui peut exister. En effet, il est impossible à l’esprit
humain de penser ce qui ne peut être pensé, c’est-à-dire, ce qui ne peut exister. En d’autres termes,
tout ce que l’esprit humain pense, c’est-à-dire conçoit, existe déjà dans la pensée parce que l’esprit
humain le pense. En outre, tout ce que l’esprit humain pense peut déjà exister en réalité, ou peut
devenir une réalité, si la pensée pensée est matérialisée. Par exemple, l’esprit humain peut penser à un
arbre. L’esprit pense ou conçoit l’arbre parce qu’il existe déjà. Mais l’esprit peut aussi penser une
pensée abstraite, qui n’existe pas encore en réalité, et la concrétiser après. Un peintre, par exemple,
pense ce qu’il va peindre et peint ce qu’il a pensé.

Mais qui est Dieu, celui dont l’insensé nie l’existence dans son coeur? Anselme est convaincu que la
définition correcte de Dieu au niveau conceptuel, au niveau de la pensée, est la clé pour la
compréhension de la nécessité de son existence. Saint Anselme affirme ce qui suit: (1) Dieu est par
définition l’être au-dessus duquel rien de plus grand ne peut être conçu. (2) Or, il est une chose que
d’exister seulement dans la pensée, et une autre que d’exister aussi bien dans la pensée qu’en dehors
de la pensée, c’est-à-dire dans la réalité (voir l’exemple précédent sur une toile de peinture qui peut
seulement exister dans la pensée de l’artiste, comme elle peut aussi exister aussi bien dans la pensée de
l’artiste que dans la réalité, à savoir sur le tableau peint par ce dernier.) (3) Mais il est préférable
d’exister à la fois dans la pensée et dans la réalité, que d’exister seulement dans la pensée. (4) En
conséquence, Dieu doit exister aussi bien dans la pensée qu’en dehors de la pensée, c’est-à-dire en
réalité. Car si Dieu n’existe que dans la pensée, alors il faudrait chercher un autre être ultime qui
existerait aussi bien dans la pensée que dans la réalité. Mais Dieu par définition est l’être au-dessus
duquel rien de plus grand ne peut être conçu. Il existe aussi bien au niveau conceptuel qu’au niveau
phénoménologique ; c’est-à-dire, Dieu existe à la fois au niveau de la pensée et au niveau de la réalité.

La preuve ontologique avancée par Saint Anselme est fondée sur la présupposition de l’agrément
de tous, croyants comme non-croyants, sur la définition du concept « Dieu.» Avant même de poser la
question concernant la réalité de l’existence de Dieu, Anselme s’interroge sur la possibilité de
l’existence, au niveau conceptuel, d’un être nécessaire dont l’existence ne peut souffrir de
dépassement. Par définition, croyants comme non-croyants acceptent que le concept Dieu représente
l’être ultime au-dessus duquel aucun être plus grand ne peut être trouvé.
Il faut insister ici sur le fait qu’Anselme construit son système sur la certitude de la pensée de
concevoir l’existence d’un être nécessaire au dessus duquel aucun autre être ne peut être trouvé. En
d’autres termes, personne ne peut affirmer qu’au niveau conceptuel, notre rationalité est incapable de
concevoir l’existence d’un être nécessaire. Une fois sa définition initiale acceptée, Anselme passe au
second point de son argument. Il soutient une autre proposition qui affirme la possibilité de deux
modes d’existence : l’existence qui se limite au niveau conceptuel seulement (par exemple, le tableau de
peinture encore imaginé par le peintre) et l’existence qui se manifeste aussi bien au niveau conceptuel
qu’en réalité (l’image du tableau dans la pensée du peintre et le tableau en image produit par le
peintre). Mais Anselme souligne que le mode d’existence le plus viable est celui de la réalité. Exister
dans la pensée est un mode d’existence insuffisant. Pour exister véritablement, il faut exister
doublement, dans la pensée et dans la réalité. Alors, est-il possible que l’idée de l’existence d’un être
ultime au-dessus de qui aucun autre être ne puisse être conçu ne se limite qu’au niveau mental et ne
puisse être actuelle? Anselme soutient qu’il est impossible que l’idée d’un être ultime ne puisse se
limiter qu’au niveau conceptuel, parce qu’un être ne peut véritablement être ultime que s’il existe aussi
bien mentalement que dans la réalité. Anselme affirme enfin que pour que la définition initiale de Dieu
comme l’être ultime au-dessus duquel aucun autre être ne peut être conçu soit vraie il faut
obligatoirement que cet être existe aussi bien au niveau conceptuel qu’au niveau de la réalité. En
conséquence: « lorsque l’insensé dit que Dieu n’existe pas, ce n’est pas à Dieu qu’il pense mais à un
pseudo-être auquel manque l’être, et qui par conséquent, manque l’Etre le plus grand. » [Ibid.]

* Objections faites à la preuve ontologique de saint Anselme

Mais l’argument d’Anselme n’a pas été accepté sans être critiqué. Le premier de ses critiques est
un de ses confrères moines. Le moine Gaunilon écrivit une réplique contre saint Anselme « en faveur du
fou », que saint Anselme définit comme toute personne qui nie l’existence de Dieu. Il fait remarquer
que la prémisse sur laquelle la preuve ontologique d’Anselme est fondée n’est pas correcte. Gaunilon
affirme que la possibilité conceptuelle de l’existence d’un être ultime au-dessus duquel aucun autre être
ne peut être pensé n’oblige pas l’existence d’un tel être en réalité. Est-il obligatoire, par exemple,
affirme Gaunilon, que la pensée conceptuelle de l’existence d’une île ultime au-dessus de laquelle
aucune autre île ne peut être conçue entraîne l’existence de cette île en réalité? Gaunilon introduit
donc un hiatus, une séparation entre la capacité conceptuelle de la rationalité humaine et la réalité au
niveau du monde des phénomènes. Ce qui est possible au niveau mental, n’est pas forcément possible
au niveau de la réalité.

Contre la position de Saint Anselme qui affirme qu’il est impossible que la rationalité humaine soit
incapable de concevoir l’existence d’un être suprême, et par conséquent l’Etre suprême conçu par la
pensée doit exister en réalité, Gaunilon répond que si la pensée selon laquelle Dieu n’existe pas était
inconcevable à l’esprit humain, personne ne douterait de l’existence de Dieu. Or, les hommes doutent
et nient l’existence de Dieu. La certitude de l’existence de Dieu dans la pensée ne garantit donc pas la
certitude de son existence dans la réalité ; autrement dit l’athéisme serait impossible.

Bien plus, Gaunilon insiste sur le fait que nous ne sommes même pas en mesure de former le
concept de l’être le plus parfait dont parle Anselme. L’Etre parfait d’Anselme, celui au dessus duquel
aucun autre ne peut être conçu n’est en vérité qu’un concept, un mot creux, sans référence au niveau
empirique.

Mais pour défendre Anselme, plusieurs penseurs chrétiens font remarquer que les remarques de
Gaunilon sont discutables parce qu’elles mélangent les termes et les catégories. Concernant la première
objection sur la possibilité de l’existence d’une île parfaite dans l’imagination et sa non-existence dans la
réalité, il faut souligner que l’être dont parle Anselme ne représente pas une possibilité ultime dans les
domaines des catégories, mais représente la réalité ultime dans son unicité. En d’autres termes, la
définition du concept « Dieu » proposée par Anselme ne peut être mise côte à côte à celle de « île »
proposée par Gaunilon. La pensée conceptuelle de l’île de Gaunilon ne peut être une pensée ultime,
parce que l’île ne participe pas, par nature, de la catégorie de l’ultime. En d’autres termes, la pensée ne
peut concevoir l’existence que d’un seul être ultime, au dessus duquel aucun autre être ne peut être
conçu. Or il est logiquement incorrect d’affirmer l’existence d’une île ultime au dessus de laquelle
aucune autre île ne peut être conçue, parce qu’il n’est pas de la nature de l’île d’être ultime.

L’existence des personnes athées qui nient l’existence de Dieu au niveau phénoménologique ne
remet pas en cause la possibilité de l’existence de Dieu au niveau conceptuel comme l’être au dessus
duquel aucun autre ne peut être conçu. Les hommes peuvent douter ou nier l’existence de Dieu, mais
ils ne peuvent nier que leur pensée soit incapable de concevoir l’existence d’un être au dessus duquel
aucun autre être ne peut être conçu.

Enfin, contre Gaunilon, il faut faire remarquer que le concept « Dieu » comme l’être au dessus
duquel aucun autre être ne peut être conçu, n’est pas un concept vide de contenu phénoménologique.
En dehors de la foi qui fournit le contenu au concept de l’Etre suprême et de l’expérience empirique qui
peut remonter des êtres moins parfaits à l’Etre parfait, il faut attirer l’attention sur le fait que ceux qui
nient qu’ils soient capables de concevoir Dieu au niveau de la réalité doivent obligatoirement avoir une
certaine conception de celui qu’ils sont en train de nier ; autrement ils ne pourront pas nier celui qu’ils
ne peuvent concevoir [voir la discussion dans Norman L. Geisler, Philosophy of Religion (Grand Rapids:
Zondervan, 1974), pp. 133-138].

Saint Thomas d’Aquin est un autre critique de saint Anselme. Contre l'argument ontologique
d’Anselme, saint Thomas affirme que la définition que Saint Anselme donne de Dieu, comme l’Etre au
dessus duquel aucun autre être ne peut être conçu n’est pas évidente pour tout le monde. Même si la
définition d'Anselme est acceptée comme telle, elle ne prouve pas l’existence de Dieu au niveau de la
réalité, mais seulement au niveau de la pensée. Le seul moyen de prouver l’existence de Dieu comme le
propose Anselme, est de la présupposer avant même de la prouver. Or, aucune preuve ne peut être
fondée sur une présupposition. Alors, saint Thomas affirme que la proposition « Dieu existe » est
évidente en elle-même, mais ne l’est pas pour nous, parce que nous sommes incapables de connaître
l’essence de Dieu, en tant qu’être nécessaire, directement, mais seulement indirectement à travers ses
effets dans la création. Ainsi, nous ne pouvons prouver l’existence de Dieu qu’à travers les créatures,
c’est-à-dire à posteriori, et jamais à travers une intuition directe de son essence, c’est-à-dire à priori, à
travers une pure conception de celle-ci.

Les objections de saint Thomas montrent qu’il aborde l’argumentation rationnelle de l’existence
de Dieu à partir d’une autre épistémologie, d’une autre façon de connaître la réalité des choses, que
celle d’Anselme. L’épistémologie de saint Anselme trouve son origine dans la philosophie platonicienne
qui célèbre le monde des formes; celle de saint Thomas est fondée sur la philosophie aristotélicienne qui
célèbre le monde des phénomènes.

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