Cours Optimisé - JurisLogic C1

Télécharger au format pdf ou txt
Télécharger au format pdf ou txt
Vous êtes sur la page 1sur 1

# !

$ moufida

Droit constitutionnel 1 - Théorie générale et histoire constitutionnelle ! Séance 1 - La constitution ! Cours optimisé

En cours " !

Cours optimisé

Séance 1 – La Constitution

I.  La définition de la notion de Constitution


Qu’est-ce qu’une Constitution ?

 Définition :
 Il existe deux critères de définition d’une Constitution : un critère matériel (A) et un critère formel (B).

A) L’attachement au contenu de la constitution : le critère matériel

Même si les avis peuvent diverger sur ce que doit contenir une constitution, elle comprend généralement au
moins trois composantes :

La détermination de la forme de l’État ;


L’organisation des rapports entre les pouvoirs publics ;
L’énonciation de droits et libertés fondamentales des individus.

B)  La forme et les procédures d’élaboration et de révision de la


Constitution : le critère formel

 A retenir :  
Les États sont généralement dotés d’une constitution au sens formel et au sens matériel. Toutefois, il n’en va
pas toujours ainsi.

Certains disposent d’une constitution au sens matériel, mais pas au sens formel. Il en va par exemple du
Royaume-Uni.

D’autres ont une constitution comprenant des dispositions qui ne sont pas matériellement constitutionnelles. 

 Exemple : 
L’article 104, 1. de la Constitution fédérale de la Confédération Suisse du 18 avril 1999 prévoit que « 1. La
Confédération veille à ce que l’agriculture, par une production répondant à la fois aux exigences du
développement durable et à celles du marché, contribue substantiellement :

a. à la sécurité de l’approvisionnement de la population ;

b. à la conservation des ressources naturelles et à l’entretien du paysage rural ;

c. à l’occupation décentralisée du territoire. »

À l’inverse, les normes figurant dans les constitutions de certains États ne sont pas matériellement
constitutionnelles.  

 Exemple : 
En France, les modes de scrutin ou les règles relatives au financement des partis politiques ne se retrouvent
pas dans la Constitution de la Vème République.

Quelles sont les deux formes traditionnelles d’une Constitution ?

 A retenir :  
La Constitution peut être soit écrite, soit coutumière

 Attention : 
Cette distinction mérite d’être nuancée. En effet, les constitutions coutumières cohabitent généralement avec
des règles écrites. À l’inverse, l’existence d’une Constitution écrite n’exclut pas l’existence de coutumes
constitutionnelles ou de conventions de la Constitution.

Avant le début du XIXe siècle, les règles relatives à l’organisation politique du pouvoir n’étaient pas écrites, mais
coutumières. Il en va ainsi notamment dans les États monarchiques. 

 Exemple : 
En France, sous l’Ancien régime, la Constitution monarchique comprenait un ensemble de règles non écrites,
dénommées lois fondamentales du Royaume. Selon la doctrine officielle de la monarchie, il n’y avait pas
d’autres lois officielles que celles qui constituaient le pouvoir royal, à savoir la loi de succession selon laquelle
les femmes ne peuvent ni hériter ni transmettre la Couronne et la règle de l’inaliénabilité du domaine de la
Couronne.

Aujourd’hui, comme le relève à juste titre Quentin Butavand, le Royaume-Uni « est un des seuls pays au monde
à ne pas avoir — et à n’avoir jamais eu – de “constitution” écrite rigide, de texte constitutionnel unifié dont le
contenu ne pourrait être révisé que par le suivi d’une procédure spécifique [1].». 

Ainsi, de nombreuses règles relatives au fonctionnement du régime politique sont coutumières. Il en va ainsi de
l’obligation pour la Reine ou le Roi de désigner comme Premier ministre le leader du parti ayant obtenu la
majorité des sièges à la Chambre des communes ; de la responsabilité individuelle et collective des ministres
devant le Parlement ou encore de l’impossibilité pour la Reine ou le Roi de présider le conseil des ministres.
Toutefois, on relèvera que cette dernière règle a connu quelques tempéraments. La reine Élisabeth II a ainsi
assisté le 18 décembre 2012 au Conseil des ministres en qualité d’observateur.

À côté de ces règles non écrites, dénommées conventions de la Constitution, figurent un nombre non
négligeable de règles constitutionnelles écrites, telles que la Magna carta (1215), la Petition of Right (1628),
le Bill of Rights (1689), l’Act of Settlement (1701), le Treaty of the Union (1706), les Reform Acts, le Scotland
Act (1998) et le Human Rights Act (1998).

Les Constitutions écrites sont un phénomène récent. La Constitution écrite la plus ancienne est la Constitution
de la République de Saint-Martin de 1600.

Qu’est-ce qu’une coutume constitutionnelle ?

 Définition :
La coutume suppose la réunion de deux éléments :

Un élément objectif : une pratique générale et prolongée ;


Un élément subjectif : « l’opinio juris », c’est-à-dire la croyance de tous les organes constitutionnels
impliqués dans le caractère obligatoire de cette pratique.

Quels sont les deux types de coutumes constitutionnelles ?

On distingue classiquement deux types de coutumes :

La coutume praeter legem qui vient compléter les dispositions de la Constitution, pallier ses silences ou ses
lacunes ;
Et la coutume contra legem qui va à l’encontre des dispositions claires et non ambigües de la Constitution.

Les exemples de coutume constitutionnelle ne manquent pas :

Alors qu’il joue un rôle essentiel dans le régime parlementaire, le chef de gouvernement a pendant
longtemps été en France une institution de nature coutumière, non prévue par les textes. Par exemple,
les lois constitutionnelles de 1875 ne prévoyaient pas son existence. Il a fallu attendre la Constitution de la
IVe République pour que son statut soit consacré constitutionnellement.
En 1962, le président de Gaulle a décidé de réviser la Constitution au moyen de la procédure prévue à
son article 11.  

Or la Constitution de la Vème République prévoit une seule procédure de révision, celle de l’article 89.
Cependant, le peuple a majoritairement approuvé par référendum le projet relatif à la révision de la Constitution. 

Une coutume est donc née.

La Constitution de la Vème République ne donne pas au président de la République le pouvoir de révoquer


son Premier ministre. Or à chaque fois que le président de la République française a voulu se séparer de son
Premier ministre, ce dernier lui a spontanément remis sa démission. Cette pratique « à côté » de la
Constitution est devenue une coutume.

 Attention :
En période de cohabitation, sauf à provoquer une paralysie des institutions, le président de la République n’est
pas en position de pouvoir révoquer le Premier ministre (cf. Droit constitutionnel 2). Il est admis qu’il ne
dispose d’un tel pouvoir qu’en période de concordance des majorités parlementaire et présidentielle.

Quelle est la valeur juridique de la coutume constitutionnelle ?

Certains auteurs, comme Carré de Malberg, estiment que la coutume ne peut avoir une valeur constitutionnelle
pour deux raisons :

D’une part, le droit constitutionnel s’est construit contre les règles non écrites de la monarchie.

Ainsi, accorder une valeur constitutionnelle à la coutume serait un retour à la monarchie et la manifestation d’un
conservatisme politique ou juridique.

D’autre part, cela autoriserait les gouvernants à réviser la Constitution sans recourir aux procédures
applicables. 

Or selon Carré de Malberg, la Constitution ne peut être révisée que selon les formes et les procédures qu’elle
prévoit. La coutume a seulement valeur législative et le législateur peut donc la défaire ou y déroger.

À l’inverse, d’autres auteurs, comme René Capitant, estiment que la coutume a valeur constitutionnelle.

Ce dernier considère que le droit en vigueur est le droit appliqué.

Ainsi, si une règle écrite cesse d’être appliquée et est supplantée par une règle non écrite alors c’est la règle non
écrite qui est applicable.

Il fait valoir qu’en droit administratif ou en droit privé, il existe de nombreux exemples de divorce entre la loi et le
droit positif, de substitution d’une règle non écrite à une règle écrite.

Il en va de même en matière constitutionnelle où il n’est pas rare qu’il existe un écart entre le texte de la
Constitution et la pratique constitutionnelle (voir exemples supra). La pratique constitutionnelle joue un rôle
d’autant plus important que la sanction de la méconnaissance de la Constitution a pendant longtemps été rare
en l’absence de contrôle de constitutionnalité.

II. Les différentes théories sur les sources de la


Constitution
 A retenir : 
Il existe trois théories sur les sources de la Constitution :

Selon les contractualistes, la Constitution est l’expression de la volonté du souverain, à savoir le peuple ou
la Nation (A) ;
Selon les naturalistes, la Constitution découle d’un ordre extérieur, naturel ou divin (B) ;
Selon les positivistes, la Constitution fait partie d’un ordre normatif spécifique et autonome (C).

A) La souveraineté d’après la théorie contractualiste

La souveraineté est un concept dégagé par Jean Bodin en 1576 dans un ouvrage intitulé De la République.

Le but de l’invention de ce concept était de protéger l’indépendance de la Couronne vis-à-vis du Vatican et du


Saint Empire germanique.

L’État étant souverain, il ne peut être soumis à un autre pouvoir.

Cette souveraineté : 

Est absolue, indivisible et perpétuelle ;


Et implique que l’État soit le seul à détenir certaines prérogatives : faire la loi, battre la monnaie, rendre la
justice, gracier un individu, lever une armée et décider de conclure la paix ou de faire la guerre.

Cette souveraineté peut avoir des titulaires différents :

Selon certains auteurs, notamment Jean-Jacques Rousseau, la souveraineté appartient au peuple ;


Selon d’autres auteurs, notamment Emmanuel-Joseph Sieyès, la souveraineté appartient à la Nation.

Selon que l’on estime que la souveraineté est populaire ou nationale, on ne défend pas le même type de régime.

Les partisans de la souveraineté nationale défendent une démocratie représentative : la souveraineté est
exercée indirectement autrement dit : par les représentants du peuple. 

Au contraire, les partisans de la souveraineté populaire défendent une démocratie directe : la souveraineté est
exercée directement par le peuple.

La Constitution de la Vème République a fusionné les deux thèses puisque son article 3 dispose que la
souveraineté nationale appartient au peuple qui l’exerce par ses représentants et par la voie du référendum.

B)  La théorie naturaliste

Selon Joseph De Maistre, la Constitution n’est qu’un acte déclaratoire de droits naturels et donc nécessairement
antérieurs. Il considère que la Constitution ne résulte pas d’une délibération, n’est nullement la manifestation de
la volonté du peuple : « L’homme […] ne crée rien. Jamais une nation ne tenta efficacement de développer, par
ses lois fondamentales écrites, d’autres droits que ceux qui existaient dans sa constitution naturelle. »

Quant à Edmund Burke, il considère que la Constitution est le produit d’un ordre naturel historique, à savoir de
l’histoire et des coutumes de chaque société.

C) La théorie positiviste : le fondement de la Constitution et du droit de


manière générale ne peut être extérieur à lui-même 

Seul le droit est la source du droit.

Toutefois, si la Constitution est au sommet de l’ordre juridique et la source de toutes les autres normes
juridiques, quel est alors le fondement de la Constitution ?

Selon Kelsen, il s’agit de la « norme fondamentale » qui a pour fonction :

D’une part, de conférer au système juridique sa « validité suprême » et ainsi d’en « fonder et sceller l’unité » ; 
D’autre part, d’établir le caractère obligatoire de la Constitution. 

Le renvoi à cette norme fondamentale permet aussi à Kelsen d’assurer l’autonomie de la production du droit et
de ne pas le placer sous la dépendance d’un ordre extérieur. 

Selon Carré de Malberg, la Constitution n’est pas le produit d’une norme fondamentale, mais d’une situation de
fait.

Le droit ne peut être produit que par l’État et ne peut donc le précéder ni lui être antérieur.

III. L’élaboration et la révision de la Constitution


A) L’élaboration de la Constitution

L’élaboration de la Constitution incombe au pouvoir constituant dit originaire.

Quels sont les différents modes d’élaboration d’une Constitution ?

La Constitution peut être élaborée de manière autoritaire (1) ou démocratique (2).

1)   L’élaboration autoritaire de la Constitution

Dans ce cas de figure, la Constitution est rédigée par les gouvernants et imposée au peuple.

 Exemple : 
Ce fut le cas de la Charte constitutionnelle de 1814 voulue par Louis XVIII et imposée à ses sujets.

2)   L’élaboration démocratique de la Constitution

Tout d’abord, la Constitution peut être rédigée par les gouvernants et adoptée par le peuple par référendum.

 Exemple : 
Ce fut le cas des Constitutions napoléoniennes, à savoir de la Constitution du 22 frimaire an VIII (13 décembre
1789) qui instaure le Consulat et de la Constitution du 4 janvier 1852 qui instaure le Second Empire. Ce fut
également le cas de la Constitution de la Vème République.

En outre, la Constitution peut être élaborée et adoptée par une assemblée constituante élue par le peuple.

 Exemple : 
Ce fut le cas de la Constitution du 3 septembre 1791 et des lois constitutionnelles de 1875.

De plus, la Constitution peut être élaborée par une assemblée constituante élue par le peuple puis adoptée par
ce dernier.

 Exemple : 
La Constitution la plus caractéristique de cette élaboration est la Constitution de la IVe République du
27 octobre 1946. En effet, en 1945, le peuple français a élu une assemblée constituante chargée d’élaborer
dans un délai de 7 mois une nouvelle Constitution et de la lui soumettre par référendum. Le projet de
Constitution a été rejeté par le peuple français le 5 mai 1946. De fait, une nouvelle assemblée constituante a
été élue et son projet de Constitution a cette fois-ci été approuvé par le peuple français en octobre 1946.

Enfin, la Constitution peut être élaborée et adoptée par le peuple.

C’est le mode d’élaboration de la Constitution le plus démocratique. Il ne peut être mis en œuvre que dans les
petits États.

B)  La révision de la Constitution

La révision de la Constitution incombe au pouvoir constituant dérivé. Il est dit dérivé parce qu’il est prévu par le
texte constitutionnel existant et qu’il s’exerce dans des conditions prévues par la Constitution elle-même.

Quelles sont les modalités de révision d’une Constitution ?

Ces modalités sont au nombre de deux :

La première consiste à modifier la Constitution en abrogeant des dispositions ou en intégrant dans le texte
en vigueur des dispositions nouvelles ;

Cette modalité de révision est utilisée en France.

La seconde consiste à conserver le texte original en ajoutant, sans rien retrancher à ce dernier, des
dispositions nouvelles sous la forme d’amendements.

Cette modalité de révision existe aux États-Unis. À côté de la Constitution américaine du 17 décembre 1787,
27 amendements ont été adoptés.

La Constitution fixe des limites à sa révision, lesquelles ?

On distingue traditionnellement trois types de limites : 

Des limites procédurales (1) ;


Des limites temporelles (2) ;
Et des limites matérielles (3).

1)   S’agissant des limites procédurales

La Constitution exige le respect d’une procédure de révision plus ou moins simple, à cet égard, on distingue les
constitutions souples des constitutions rigides.

Les constitutions souples sont celles qui peuvent être modifiées selon les formes et les procédures de la loi
ordinaire, soit assez aisément.

En revanche, les constitutions rigides sont celles qui ne peuvent être modifiées aussi aisément que les lois
ordinaires. Il en va ainsi par exemple lorsque le projet de révision de la Constitution doit être soumis au peuple
ou à une assemblée sui generis pour être adopté.

Les constitutions écrites sont souples ou rigides alors que les constitutions coutumières sont nécessairement
souples.

 Exemple : 
La Constitution de la Vème République est une constitution rigide.

La procédure de révision prévue à l’article 89 de cette Constitution est différente selon que l’initiative de la
révision provient des parlementaires ou du président de la République sur proposition du Premier ministre.

Si l’initiative de la révision provient des parlementaires, on parle de proposition de loi constitutionnelle. Cette
proposition doit d’abord être adoptée par les deux assemblées en termes identiques puis être approuvée par le
peuple français par référendum.

Si l’initiative de la révision provient du président de la République sur proposition du Premier ministre, on parle
de projet de loi constitutionnelle.

Ce projet doit d’abord être adopté par les deux assemblées en termes identiques.

Ensuite, le président de la République a le choix entre deux procédures :

– Soit il soumet le projet révision au référendum ;

– Soit il soumet le projet révision aux assemblées réunies en Congrès à Versailles (le projet de révision doit
alors recueillir au moins 3/5 des suffrages exprimés).

2)   S’agissant des limites temporelles

                     

La Constitution peut interdire sa révision pendant un certain délai.  

 Exemple :
Tel a été le cas de la Constitution de 1791 qui interdisait sa révision avant l’expiration d’un délai d’au moins
6 ans afin de permettre aux principes constitutionnels de s’enraciner.

La Constitution peut également interdire sa révision dans certaines circonstances. 

 Exemple : 
La Constitution de la Vème République interdit sa révision lorsqu’il est porté atteinte à l’intégrité de son
territoire.

3)   S’agissant des limites matérielles      

La Constitution peut prévoir que la révision ne puisse porter sur un ou plusieurs objets.

 Exemple : 
Toutes les constitutions républicaines de la France, y compris celle du 4 octobre 1958, disposent que la forme
républicaine du Gouvernement ne peut faire l’objet d’une révision.

[1]BUTAVAND, Q., « Quelle actualité pour la Constitution du Royaume-Uni ? », Revue française de droit


constitutionnel, 2015/3,  N° 103, pp.539-560.

Leçon terminée

Vous aimerez peut-être aussi