2021 Charte Ethique Grand-Age Web
2021 Charte Ethique Grand-Age Web
2021 Charte Ethique Grand-Age Web
et accompagnement
du grand âge
2021
Brigitte Bourguignon
Ministre déléguée en charge de l’Autonomie
auprès du Ministre des Solidarités et de la Santé
4
Préambule
Fabrice Gzil
Directeur-adjoint de l’Espace de réflexion éthique
d’Île-de-France et de l’Espace national de réflexion
éthique sur les maladies neuro-évolutives
1
Reconnaître chaque personne
2
Favoriser l’expression par
dans son humanité et sa la personne de l’ensemble
citoyenneté, dans son inalié- de ses potentialités.
nable dignité et son identité Se préoccuper de l’effectivité
singulière. [p.12] de ses droits. [p.14]
3
Être à l’écoute de ce que la
4
Garantir à tous un accès
personne sait, comprend et équitable à des soins et à des
exprime. L’informer de façon aides appropriés. [p.18]
loyale, adaptée et respecter
ses décisions. [p.16]
10
5
Reconnaître le besoin, pour
6
Proposer à la personne un
chaque personne, d’avoir accompagnement global et
une vie relationnelle, une vie individualisé, même lorsque
sociale et familiale, une vie des aides ou des soins
affective et une vie intime. importants sont nécessaires.
[p.20] [p.22]
7
Faire en sorte que chacun
8
Respecter dans leur diversité
puisse bénéficier, jusqu’au les savoirs, les compétences,
terme de son existence, les rôles et les droits des
de la meilleure qualité de vie familles et des proches. [p.26]
possible.[p.24]
9
Considérer et soutenir
10
Prendre des décisions
les professionnels contextualisées, réfléchies
et les bénévoles dans leur et concertées, en s’efforçant
engagement auprès des de concilier l’intérêt
personnes et valoriser leurs des individus et celui de
missions. [p.28] la collectivité.[p.30]
11 11
1
Reconnaître chaque personne
dans son humanité et sa
citoyenneté, dans son
inaliénable dignité et dans
son identité singulière.
Lui témoigner solidarité,
considération et sollicitude
quels que soient son âge,
son état de santé, ses capacités
ou son mode de vie.
12
→ Dans une société comme été au centre d’un réseau,
la nôtre qui a tant de mal à tantôt enserrée de multiples
reconnaître que la vulnérabilité filets. Ils existent toujours,
et la finitude sont constitutives malgré sa défaillance. Et elle
de l’humanité, la vie au grand y a toujours sa place,
âge – surtout lorsqu’elle qui ne peut être effacée ».
s’accompagne de maladies ou
de fragilités – peut aisément → Le psychologue britannique
apparaître comme une Tom Kitwood a montré
« vie minuscule », comme qu’il y a de multiples façons
une vie amoindrie. De plus, de nier la valeur unique
la confrontation à la grande et irremplaçable d’une per-
dépendance peut créer sonne âgée, surtout
un tel sentiment d’altérité lorsqu’elle présente des
que nous éprouvons parfois troubles cognitifs :
des difficultés à reconnaître l’ignorer, la contraindre,
comme nos semblables la dénigrer, la tromper,
les personnes exposées à invalider ce qu’elle ressent,
des vulnérabilités cumulées. la presser, l’intimider…
Kitwood a également suggéré
→ Et pourtant, l’on ne cesse que respecter une
pas d’être une personne, l’on personne comme telle,
n’est pas moins une personne c’est s’efforcer de répondre à
parce que l’on est âgé, cinq besoins fondamentaux
malade ou parce que l’on qui ne disparaissent pas,
dépend de l’aide d’autrui. quels que soient l’âge,
Écoutons l’anthropologue les fragilités ou l’état de
Françoise Héritier : « Ni santé : un besoin de confort,
la perte de l’autonomie, ni la un besoin d’attachement,
perte de la conscience de un besoin d’appartenance, un
soi ne rayent les individus de besoin d’occupation
la communauté des humains. et un besoin d’identité.
Même si elle ne le sait plus,
cette personne a occupé
une place, sa place dans son
monde, celui de la famille,
de l’amitié, du travail. Elle a été
le parent, l’enfant, l’ami de
multiples autres. Elle a tantôt
2
Favoriser l’expression par la
personne de l’ensemble de ses
potentialités. Se préoccuper
de l’effectivité de ses droits.
Préserver le plus possible son
intégrité, son bien-être, son
confort et ses intérêts, tout
en réduisant au maximum les
restrictions éventuelles
à l’exercice de ses libertés.
14
→ Nous devons nous → Le respect des libertés
soutenir les uns les autres devrait donc toujours rester
et prendre soin de ceux qui la règle et les restrictions
ne peuvent pas pourvoir l’exception. Cela ne veut pas
seuls à leurs intérêts. L’on dire que mettre en œuvre des
pourrait donc penser que restrictions de liberté soit,
notre responsabilité vis-à-vis par définition, contraire à
des personnes âgées, surtout l’éthique. Mais dans un État de
lorsque celles-ci sont dans droit, ces restrictions doivent
une situation de vulnérabilité,être strictement nécessaires,
consiste avant tout à veiller subsidiaires, proportionnées
à leur sécurité, à les protégeret individualisées. Elles doivent
contre les risques et les aussi être les plus brèves
dangers. possible, être expliquées aux
personnes concernées,
→ Mais protéger une personne, faire l’objet d’une réévaluation
c’est tout autant préserver régulière voire d’un contrôle
ses libertés que sa sécurité. indépendant et être mises
« La vieillesse est une étape en œuvre avec humanité. En
pendant laquelle chacun doit aucun cas des incapacités
poursuivre son épanouis- ne sauraient, à elles seules,
sement » (Fondation nationale justifier une privation de
de gérontologie, 1997). Les liberté.
personnes âgées conservent
un besoin d’expression, → Promouvoir l’exercice effectif
de développement, d’accom- de l’ensemble des droits
plissement et de découverte suppose de s’appuyer sur les
de soi, des autres et du compétences et les ressources
monde. Si l’exigence justifiée des personnes, plutôt que
de sécurité vient relativiser de se focaliser sur leurs seules
toute autre considération, difficultés ; de savoir anticiper
on risque de porter gravement et accepter un risque mesuré,
atteinte à leurs droits et réfléchi et concerté ; et surtout
à leur bien-être. de considérer la protection et
la sécurité comme des moyens
en vue d’un plus sûr exercice
par la personne de ses droits
et libertés.
15
3
Être à l’écoute de ce que la
personne sait, comprend
et exprime. L’informer de façon
loyale, adaptée et respecter
ses décisions.
S’assurer de son consentement
ou, à défaut, de son
assentiment. Tenir compte
de son histoire, de sa culture
et de ce à quoi elle attache
de la valeur.
16
→ Selon une idée assez des options et de leurs
répandue, les personnes implications respectives.
âgées (ou du moins nombre
d’entre elles) ne seraient → Quand quelqu’un ne peut
plus capables de prendre les plus participer aux décisions
décisions qui les concernent. qui le concernent, nous nous
Il reviendrait à des tiers de demandons ce qu’il aurait
décider pour elles. Et l’éthique lui-même choisi. Pour cela,
voudrait surtout que ces nous nous référons souvent
tiers n’agissent pas dans leur à ses choix antérieurs ou
propre intérêt, mais dans celui à son « meilleur intérêt ».
des personnes concernées. Une troisième voie, plus
satisfaisante, consiste – quand
→ En réalité, la plupart des c’est possible – à tenir
personnes âgées conservent compte des valeurs et des
leurs facultés intellectuelles aspirations présentes de
jusqu’à la fin de leur vie. Elles la personne. Cela suppose,
peuvent avoir des difficultés comme le propose Chris
d’audition, avoir besoin de Gastmans, d’instaurer avec
plus de temps pour traiter les elle « un dialogue interprétatif »
informations et pour exprimer (Alzheimer Europe, 2016) : ne
leur pensée. Cela ne signifie pas forcément prendre au
pas qu’elles ont des troubles pied de la lettre tout ce qu’elle
du discernement. D’autre part, dit, mais dialoguer avec elle,
une personne peut présenter observer ce qu’elle exprime,
des troubles cognitifs et rester comment elle se conduit,
parfaitement capable de pour tenter de comprendre
participer aux décisions qui comment elle perçoit sa
la concernent, ou du moins situation, ce qui lui importe, ce
à certaines d’entre elles. qui compte fondamentalement
Enfin, une personne peut être pour elle.
dans l’incapacité temporaire
ou durable de donner un
authentique consentement,
mais parvenir à exprimer un
assentiment, c’est-à-dire
une adhésion reposant sur une
compréhension seulement
partielle de la situation,
4
Garantir à tous un accès
équitable à des soins et à des
aides appropriés.
Faire en sorte que chaque
personne puisse bénéficier,
au moment opportun, d’une
évaluation de sa situation et de
ses besoins. Évaluer l’impact
des interventions sur le bien être
global de la personne.
18
→ Quand il est question de de coordination et d’anticipa-
la santé des personnes qui tion. Toutefois, « la vieillesse
avancent en âge, on est sou- est un état physiologique qui
vent confronté à deux écueils. n’appelle pas en soi de médica-
Tantôt, leurs maladies et leurs lisation » (Fondation nationale
limitations fonctionnelles sont de gérontologie, 1997).
regardées avec une sorte L’obstination déraisonnable,
de fatalisme et de résignation, l’acharnement thérapeutique
comme une conséquence sont problématiques, qu’ils
naturelle de l’avancée en âge. consistent à tenter de
Par exemple, on trouve normal prolonger artificiellement la
que les maladies neuro- vie, ou à essayer de préserver
évolutives s’accompagnement à tout prix l’autonomie
de troubles de l’humeur et du fonctionnelle.
comportement, et l’on estime
qu’il n’y a pas grand-chose → Avant de mettre en œuvre
à faire pour y remédier. Tantôt, une intervention, il importe
on « hyper-médicalise » ces d’évaluer le plus précisément
situations. Des traitements possible ses avantages et
disproportionnés, vains, dou- ses inconvénients sur le bien-
loureux, inconfortables sont être global de la personne,
parfois administrés, y compris et de les comparer avec ceux
à des personnes en fin de vie, qu’il y aurait à ne pas intervenir.
privant celles-ci d’une mort Il convient également de
plus paisible. rompre avec une vision trop
déterministe de l’avancée en
→ En réalité, les personnes âge et des maladies
âgées ont le droit, comme les neuro-évolutives. Par exemple,
autres, de jouir du meilleur lorsqu’une personne ayant
état de santé possible. Elles des troubles cognitifs exprime
doivent pouvoir bénéficier, au des sentiments de souffrance,
moment opportun, et dans un de peur ou de tristesse, lors-
environnement bienveillant, des qu’elle crie, tape, ou pleure,
soins compétents et adaptés est-ce seulement l’effet de sa
que leur état justifie, y compris maladie ? N’est-ce pas aussi,
dans le cadre d’approches bien souvent, l e signe que des
innovantes. Les compétences besoins fondamentaux ne sont
médicales et paramédicales pas satisfaits ?
appropriées doivent être
mobilisées, dans une logique
5
Reconnaître le besoin, pour
chaque personne, d’avoir une vie
relationnelle, une vie sociale et
familiale, une vie affective et une
vie intime.
Respecter son droit à la vie
privée, préserver le plus
possible son intimité ainsi
que la confidentialité des
informations et des données qui
la concernent.
20
→ L’on croit parfois que les nous vivons, nous avons aussi
personnes âgées ont des besoin d’un lieu où nous
rapports humains moins ressourcer, nous libérer et nous
nombreux, mais qu’elles n’en recentrer, d’un lieu à nous,
éprouvent pas de souffrance familier, protecteur, apaisant.
particulière. Ne travaillant plus,
ayant connu des deuils, habi- → Par conséquent, à tout âge,
tant loin de leurs enfants, leur il faut considérer l’isolement,
vie sociale et affective serait la solitude comme une
réduite, mais elles n’en ressen- souffrance de haut niveau
tiraient pas véritablement le et se demander comment
manque. Selon une autre idée répondre au besoin d’attache-
reçue, ayant besoin de l’aide ment. Une sollicitude parti-
de tiers, parfois dans un lieu culière est attendue vis-à-vis
de vie collectif, y compris pour des personnes socialement
leur hygiène personnelle, isolées : tout doit être
les personnes âgées n’auraient mis en œuvre pour favoriser
pas vraiment d’autre choix une présence autour d’elles.
que de renoncer à leur intimité Le lieu de vie ne devrait
et à leur vie privée. jamais être livré à « la noria du
passage furtif d’intervenants
→ Pourtant, quel que soit anonymes » (Espace éthique
notre âge, nous avons besoin d’Île-de-France, 2016). Même
d’amour, d’attention, de accueillie en collectivité, la
contacts, d’échanges. Comme personne devrait pouvoir avoir
l’a montré John Bowlby, sans des moments réservés à elle
la réassurance que ces liens seule, ou avec les personnes
d’attachement procurent, il est de son choix. Les technologies
difficile de s’accomplir et de permettant à la personne
se sentir bien. De plus, quelle de communiquer avec ses
que soit l’aide dont nous béné- proches ne devraient pas
ficions, nous avons besoin fragiliser sa vie privée. Lors
de moments de solitude, de des soins intimes, comme la
calme, d’être respectés dans toilette, faire preuve de tact
notre intimité et notre sphère et de douceur peut permettre
privée sans faire l’objet d’in- de franchir, sans la malmener,
trusions, d’indiscrétions ou l’intimité physique de la
d’observations non souhaitées. personne.
Quel que soit l’endroit où
6
Proposer à la personne un
accompagnement global et
individualisé, même lorsque des
aides ou des soins importants
sont nécessaires.
Tenir compte de ses besoins
physiques, psychiques et sociaux.
Favoriser son autonomie de vie et
son inclusion dans la société.
22
→ Quand une personne âgée Même en cas de difficultés
a des besoins d’aide et psychiques ou cognitives,
de soins particulièrement les personnes âgées doivent
importants, il peut paraître bénéficier de soutiens afin
difficile de l’accompagner de pouvoir mener l’existence
en tenant compte de la la plus autonome et la plus
diversité de ses besoins et épanouie possible, au sein de
de tout ce qui fait d’elle un la société et non à ses marges.
individu singulier. Il peut sem-
bler délicat de préserver → Dès lors, comment ne pas
la continuité de son existence réduire le soin à la seule
dans l’environnement « prise en charge » des besoins
personnel auquel elle est élémentaires ? Comment
attachée. Dans ces situations, ne pas négliger les autres
l’on se focalise parfois sur dimensions de l’existence ?
les besoins élémentaires, en Comment faire pour proposer
privilégiant des approches à la personne des activités
sinon standardisées, du moins qui fassent véritablement sens
collectives. Et l’on a tendance pour elle ? Comment lui
à ne plus envisager de vie permettre de préserver un
possible qu’au sein d’une lien avec son passé, sans
structure dédiée. la figer dans une identité qui
n’est plus la sienne, ni dans
→ Pourtant, le besoin d’un un récit exclusivement raconté
accompagnement global par d’autres ? Comment
et personnalisé s’avère d’autant faire pour qu’elle puisse se
plus justifié quand des aides dire : « On m’aide à agir
et des soins importants seule, mais on m’accompagne
sont nécessaires. Comme l’a si j’en ai besoin » ? Comment
montré la philosophe Simone faire pour éviter que, quel que
Weil, la vie humaine ne se soit son lieu de vie, elle ne
réduit pas à la vie biologique : se sente isolée ou reléguée ?
à l’instar du corps, l’âme aussi
a ses besoins ; il y a une
certaine nourriture nécessaire
à la vie de l’âme. D’autre part,
aucune limitation d’autonomie
fonctionnelle ne justifie l’en-
fermement ou la ségrégation.
7
Faire en sorte que chacun puisse
bénéficier, jusqu’au terme
de son existence, de la meilleure
qualité de vie possible.
Permettre aux personnes qui
le souhaitent d’indiquer à
l’avance leurs préférences et
leurs volontés. Prendre soin
des personnes en fin de vie et
honorer les défunts.
24
→ Trois stéréotypes sont plus fréquent qu’elles ne
fréquemment attachés à la trouvent pas d’oreille attentive
vieillesse. Le premier est qui leur permettrait de le faire.
que les personnes âgées ne
sont pas prêtes à parler du → Dès lors, trois questions se
futur et ne le souhaitent pas. posent. Premièrement,
Le deuxième est que certaines comment apporter aux per-
circonstances du grand sonnes âgées de la sérénité,
âge ne justifieraient pas d’être de la joie, du réconfort ?
vécues, qu’elles seraient Avancer en âge ne devrait
assimilables à une forme de pas impliquer de renoncer à
mort, une « mort sociale ». ce qui confère à la vie son
Le troisième est que le soin sens, sa saveur et sa grandeur.
serait celui des vivants, Comment améliorer et adoucir
que l’accompagnement devrait ce dernier temps
cesser au moment du décès. de vie ? Comment préserver
du désir, du plaisir, de l’envie ?
→ Ces stéréotypes sont à Deuxièmement, « penser
la fois erronés et délétères. plus tôt à plus tard » (pour
Assimiler la vieillesse et reprendre une expression
la mort, c’est se résigner à ce de la Fondation Roi Baudouin)
que la dignité et la qualité ne devrait pas se réduire
de vie des personnes âgées à refuser par anticipation
ne soient plus une exigence. certains soins médicaux.
Cela conduit notamment à Comment créer les conditions
ne pas reconnaître la douleur pour que les personnes qui
chronique évitable, alors que le souhaitent puissent parler
celle-ci cause beaucoup de ce qui leur tient à cœur
de détresse et de désespoir. à quelqu’un en qui elles ont
Ensuite, comme l’a rappelé confiance ? Troisièmement,
le Comité consultatif national comment permettre à la
d’éthique, « le soin, la dignité, personne de bénéficier,
l’humanité trouvent dans jusqu’aux ultimes instants, de
la mort, ce qui la précède, sollicitude et d’attention, et
l’entoure, la suit, une épreuve de la présence de ses proches,
et une exigence premières ». pour que puisse s’échanger
Enfin, il n’est pas vrai que les un dernier adieu ? Comment
personnes âgées répugnent honorer, plus tard, la mémoire
à parler de leur mort : il est des défunts ?
8
Respecter dans leur diversité les
savoirs, les compétences,
les rôles et les droits des familles
et des proches.
Soutenir les aidants familiaux
et les proches aidants. Si la
personne accompagnée n’y
est pas opposée, s’efforcer
de bâtir avec eux des liens de
coopération et de confiance.
26
→ Bien souvent, la famille des reconnaître leurs expériences,
personnes âgées est appré- leurs savoirs, leurs compé-
hendée comme un ensemble tences, et de créer, dans la
homogène. Dès lors que des concertation, les conditions
professionnels interviennent, favorables pour qu’ils puissent
il est attendu des proches conserver leur rôle et leur
qu’ils se mettent en retrait et place auprès de la personne.
réduisent leur participation
au quotidien de la personne → Les proches d’une personne
pour prodiguer un soutien âgée ne devraient toutefois
d’ordre plus affectif. Et afin de pas être contraints à un rôle
maintenir la personne âgée qu’ils ne veulent ou ne peuvent
au centre des attentions, sa pas assumer. Ils devraient pou-
famille n’est parfois informée voir préserver vis-à-vis d’elle
et associée aux décisions un rapport spécifique, qui
qu’avec beaucoup de pru- ne se réduit pas à la relation
dence et de circonspection. de soin. En outre, la coopéra-
tion n’exclut pas les désac-
→ Or, une famille est com- cords : les familles devraient,
posée d’individualités qui se sans crainte des représailles,
reconnaissent des respon- pouvoir exprimer leurs
sabilités et des obligations réserves sur l’accompa-
différentes vis-à-vis de la gnement prodigué. Et si la
personne, selon leur histoire confiance entre équipes
et leur relation avec elle. et familles est importante,
Même quand des profession- rappelons que les profession-
nels interviennent avec leurs nels ont d’abord un devoir
compétences, les proches de loyauté vis-à-vis des per-
aidants continuent souvent sonnes qu’ils accompagnent.
d’apporter de l’aide, y compris
en établissement. Les pro-
fessionnels savent qu’accom-
pagner une personne dans
sa globalité, c’est également
prendre soin de ses aidants,
notamment des « aidants
principaux ». C’est pourquoi,
lorsque des aidants familiaux
sont présents, il importe de
9
Considérer et soutenir les
professionnels et les bénévoles
dans leur engagement auprès
des personnes et valoriser leurs
missions.
Faire en sorte que ceux-ci se
sentent écoutés et reconnus
dans leurs compétences. Les
sensibiliser au repérage et à la
prévention des maltraitances.
28
→ La notion d’éthique paraît → Accompagner des per-
désigner avant tout la sollici- sonnes âgées suppose aussi
tude et l’engagement que les de savoir coopérer avec les
intervenants, professionnels collègues ou les autres inter-
ou bénévoles, peuvent témoi- venants. Mais la cohésion,
gner à l’égard des personnes l’esprit d’équipe ne sont pas
accompagnées. La considéra- vertueux en eux-mêmes ; ils le
tion dont eux-mêmes peuvent sont dès lors qu’ils sont mis au
bénéficier (ou se témoigner service d’un meilleur accom-
mutuellement) relèverait plutôt pagnement des personnes.
de la déontologie profession- De plus, les relations de soin
nelle. En réalité, le respect ne sont pas exemptes d’un
témoigné aux professionnels – potentiel de violence et de
par les autorités, la hiérarchie,
maltraitance, surtout quand
les personnes, les familles et l’asymétrie de la relation est
la société – a une forte portée importante, parce que les per-
éthique. Car en prenant soin sonnes sont dans une situa-
des intervenants, quels que tion de grande vulnérabilité ou
soient leur place et leur rôle, de particulière dépendance
on reconnaît l’importance vis-à-vis de l’aide d’autrui. La
sociale et la valeur humaine de vigilance éthique, à cet égard,
leurs missions. s’impose à tous. La cohésion
d’équipe, en particulier, ne
→ Cette reconnaissance ne devrait jamais être un argu-
saurait être purement ver- ment pour ne pas faire état, de
bale. Elle suppose que les manière loyale et transparente,
intervenants soient formés, des difficultés rencontrées.
en nombre suffisant, cor- Au contraire, il importe d’en-
rectement rémunérés, dotés courager la parole, les retours
de moyens adaptés, qu’ils d’expérience et les échanges
puissent bénéficier de conseils sur toutes les violences et
et de soutiens, et d’opportu- les maltraitances, quels
nités régulières pour actua- qu’en soient les auteurs, que
liser leurs connaissances et celles-ci soient ponctuelles ou
renforcer leurs compétences. durables, d’origine individuelle,
Cela suppose aussi de tenir collective ou institutionnelle, et
compte des difficultés et des qu’elles soient intentionnelles
dilemmes auxquels ils peuvent ou non.
être confrontés.
10
Prendre des décisions
contextualisées, réfléchies et
concertées, en s’efforçant
de concilier l’intérêt des individus
et celui de la collectivité.
Encourager la production
de savoirs et le partage
des informations. Préserver des
espaces pour le questionnement
et la réflexion. Renforcer
la collégialité des décisions.
30
→ Les professionnels et les données et des connaissances
équipes ont à prendre au robustes et validées ; qu’on
quotidien une multitude de a exploré et évalué l’ensemble
décisions. Celles-ci peuvent de ses dimensions, y com-
concerner une personne pris la dimension éthique ;
(ou un groupe de personnes) et que toutes les personnes
en particulier, ou porter sur concernées – et d’abord celles
le fonctionnement de l’orga- qui vont faire l’expérience
nisation et la collectivité dans concrète de sa mise en œuvre
son ensemble. Comme ces – sont associées à la réflexion.
décisions doivent parfois être
prises assez rapidement, il → Pour que les décisions
peut sembler illusoire qu’elles puissent concilier l’intérêt des
puissent, en toute circons- individus et celui de la collec-
tance, être précédées d’une tivité, il convient de faire en
authentique délibération. sorte que celles-ci s’appuient
Il y aurait une incompatibilité sur trois grands piliers : un
entre le temps de la réflexion savoir, une réflexion éthique
celui de l’action. et une collégialité. Cela
suppose que les organisations
→ En réalité, opposer temps de reconnaissent l’importance
l’éthique et temps de l’action de participer à l’effort
est artificiel. Il est vrai qu’une global de recherche (médicale,
délibération qui ne parvien- technologique, psycho-sociale,
drait pas, au final, à éclairer en sciences humaines et
les décisions serait vaine. Mais sociales) ; qu’elles aient à cœur
comment admettre la perti- de diffuser le plus largement
nence et la recevabilité d’une possible une culture du
décision qui ne serait pas questionnement éthique ; et
précédée par un moment, qu’elles s’efforcent de faire
même bref, de délibération ? vivre au quotidien les principes
Il faut éviter les conséquences de la démocratie sanitaire
d’une décision qui pourrait et médico-sociale, par une
apparaître comme impulsive, consultation régulière de
irréfléchie ou arbitraire. Ce qui l’ensemble des personnes
fait la qualité d’une décision, concernées.
c’est certes qu’elle intervient
au moment opportun, mais
aussi qu’elle s’appuie sur des
Annexes A Bibliographie sélective
[p.33]
B Enquête nationale :
synthèse des résultats
[p.35]
C Espace de réflexion
éthique d’Île-de-France
et Espace national
de réflexion éthique sur
les maladies
neuro-évolutives [p.38]
32
Annexe A Bibliographie sélective
38
CHARTE 2016 CHARTE 2017 CHARTE 2017
éthique
3 PRÉSERVER LES LIENS 7 SOUTENIR LES
ET LA CONFIANCE COLLÈGUES, PRENDRE
AVEC LES FAMILLES SOIN DES ÉQUIPES
[P.35] [P.63]
WWW.ESPACE-ETHIQUE.ORG
un repère pour les personnes accompagnées
elles-mêmes, les membres de leur famille, leurs
proches, et l’ensemble de la société.
Sans se substituer aux référentiels existants ni
aux textes légaux et réglementaires, cette Charte
entend contribuer à l’effort global en vue d’un
accompagnement plus respectueux des per-
sonnes âgées et de leurs droits.
Les dix principes qui la constituent sont uni-
versels. Cette brochure décrit comment ceux-ci
peuvent se décliner dans le contexte particulier
du grand âge et dans les situations très diverses