Merleau-Ponty - Résumé Du Cours, 1949-1952
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M e r l e a u - P o n t y
à l a S o r b o n n e
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DU MÊME AUTEUR
aux mêmes éditions
M e r l e a u - P o n t y
à l a S o r b o n n e
résumé de cours
1949-1952
cynara
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ISBN 2-87722-002-8
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NOTE DE L'ÉDITEUR
La conscience
et l'acquisition du langage
INTRODUCTION
I) La conception réflexive
Dans la tradition cartésienne, il n'y a pas de rencontre possible
entre conscience et langage. Si on reconnaît, dans la conscience,
un type d'être unique, alors le langage se trouve rejeté hors de la
conscience et analogue aux choses. Il n'y a plus de lien intérieur
entre conscience et langage car la conscience est essentiellement
conscience de soi pour pouvoir être conscience de quelque chose.
La conscience dans cette conception est une activité de synthèse
universelle. Dans cette perspective, autrui n'est que projection
de ce que l'on sait de soi-même : dans le principe de cette philo-
sophie, on ne rencontre pas autrui. Pourtant, elle arrive à éviter le
solipsisme, mais seulement en disant : il n'y a pas de raison de
croire ma conscience unique : en tant qu'êtres nous sommes
isolés, mais par la pensée nous nous élevons à l'universel.
Dans cette perspective, le langage relève de l'ordre des choses,
et non de l'ordre du sujet. Les mots parlés ou écrits sont des phé-
nomènes physiques, un lien accidentel, fortuit et conventionnel
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3) Conclusion
Le langage n'est ni chose ni esprit, à la fois immanent et trans-
cendant, son statut reste à trouver. Ce problème sera toujours
présent dans l'étude de l'acquisition du langage. L'examen psy-
chologique du langage nous ramènera à sa fonction éclairante et le
problème psychologique au problème philosophique.
DÉVELOPPEMENT PSYCHOLOGIQUE
DU LANGAGE CHEZ L'ENFANT
ACQUISITION DU LANGAGE
DURANT LA PREMIÈRE ANNÉE
I) Lespremières semaines.
Les manifestations expressives de l'enfant sont très précoces.
M. Grégoire montre (L'Apprentissage de la parole pendant les deux
premières années de l'enfance, Journal de Psychologie, 1933 ; L'Appren-
tissage du langage, Liège, 1937) que, dès la fin du deuxième mois, le
nourrisson rit et sourit, non seulement pour manifester sa satis-
faction, mais aussi pour répondre aux sourires de l'entourage.
Cela suppose déjà une relation avec autrui : elle précède le
langage qui apparaîtra dans ce contexte.
C'est pourquoi il est artificiel de considérer les premiers mots
comme spontanés : bien avant leur apparition, il y a réponses par
attitudes. M. Grégoire insiste sur le fait que l'activité intellec-
tuelle du nourrisson est bien plus importante qu'on ne pense : on
a tendance à la sous-estimer, puisqu'elle ne s'accompagne pas de
manifestations extérieures. Dès la naissance, il y a une capacité
de relation avec l'extérieur qui ne cesse de croître durant les
premières semaines de la vie : chez l'embryon déjà, l'on peut
provoquer des réflexes conditionnés et, dès la naissance, le
cerveau enregistre certains changements intervenant dans le
milieu ambiant.
La mimique s'enrichit considérablement pendant la première
semaine, ainsi que l'audition et la vision : un enfant de 4 à 7 jours
entend une fois et demie mieux qu'un enfant de 0 à 3 jours. Les
enfants nés avant terme ont un développement intellectuel
normal : ils sont donc capables de rattraper le retard physique
qu'ils ont à la naissance.
2) Le babillage.
Dès 2 mois 1/2 apparaît le babillage, formé principalement de
consonnes (L, R) dont l'acquisition ne saurait s'expliquer par
imitation : ces émissions vocales semblent, en effet, être
communes à tous les bébés, indépendamment de la langue
ambiante. On pourrait expliquer l'emploi de ces phénomènes
d'un point de vue physiologique : la prédominance de l'activité
de succion favoriserait l'apparition des consonnes labiales et
gutturales.
Il semble insoutenable que le babillage de la première période
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3) Le premier mot.
C'est à ce moment qu'apparaît son premier mot, désignant le
train qui passe devant la maison : un mot particulier affecté à une
seule chose, ou plutôt un seul ensemble de choses (le train, l'émo-
tion déclenchée par son passage, etc.). Il traduit surtout un état
affectif : il y une pluralité de sens : c'est le mot-phrase.
Il serait artificiel de tracer une frontière absolue entre le pre-
mier mot et ce qu'il y avait avant : depuis longtemps, l'enfant
définit des objets (par sa conduite), seulement il ne leur affectait
pas de mot particulier. Pour M. Grégoire, il n'y a pas lieu de dire
que l'apparition du premier mot implique la prise de conscience
du rapport signe-signifié.
Dans un article du Journal de Psychologie (Le langage et la construc-
tion du monde des objets, X X X année, 1933, pp. 18-44 ; repris in
Essais sur le langage, Éditions de Minuit, 1988), Cassirer avait dit
que le premier mot rend possible une synthèse d'impressions et
de faits disparates ; cela suppose une richesse plus grande de
l'expérience non formulée, où le mot vient résumer et élaguer.
Pour Grégoire, au contraire, l'expérience avant le mot est plus
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I. Interprétation intellectualiste :
On est tenté de dire avec Delacroix (Le langage et la pensée,
Alcan, 1930), que le signe n'est vraiment « signifiant » que s'il est
« signe mental ». Pour cela, il est nécessaire que des liens s'éta-
blissent entre les mots, qu'un principe logique, une relation for-
melle régisse leur rapport. Le signe fait alors partie du contexte et
sa signification dépend du contexte dans lequel il se trouve
inséré.
Delacroix et W. Stern (Psychologie de la première enfance) parais-
sent d'accord sur la portée du premier mot : il procure à l'enfant
la révélation que chaque chose a un nom, et la volonté
d'apprendre ces noms. L'apparition du premier mot explicite
brusquement le rapport de signe à signifié.
Cette conception s'appuie plus ou moins sur l'exemple
célèbre d'Hellen Keller, sourde-muette aveugle (Sourde, muette,
aveugle. Histoire de ma vie, Payot, 1954), dont l'institutrice réussit
la rééducation par le toucher. Elle-même raconte dans son auto-
biographie que pendant longtemps tous les efforts pour lui
donner la notion du signe furent vains. Mais un jour, en puisant
de l' eau, au moment où le contact de l'eau froide sur sa main
l'impressionnait vivement, l'institutrice lui traça sur l'autre main
un signe conventionnel désignant l'eau : à cet instant, Hellen
Keller eut la révélation brusque du rapport signe-signifié et, dans
l'heure qui suivit, apprit une trentaine de signes.
Cet exemple encouragea la conception du tout ou rien : cons-
cience et compréhension, ou pas de langage du tout.
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III. —Conclusion
L'interprétation de Jakobson serait acceptable si la langue
n'avait qu'une fonction représentative. Mais, nous l'avons dit
avec K. Bühler (Sprachtheorie), la langue est indissolublement :
1) Représentation ;
2) Expression de soi-même ;
3) Appel à autrui.
Le mouvement de l'enfant vers la parole est un appel constant à
autrui. L'enfant reconnaît dans autrui un autre lui-même. Le lan-
gage est le moyen de réaliser une réciprocité avec lui. Il s'agit là
d'une opération pour ainsi dire vitale, et non d'un acte intellectuel
seulement. La fonction représentative est un moment de l'acte
total par lequel nous entrons en communication avec autrui.
On pourrait résumer dans la notion de style ce qu'il y a de plus
neuf dans l'analyse phonologique. Le système phonématique est
un style du langage. Le style n'est défini ni par les mots, ni par les
idées, il ne possède pas de signification directe, mais une signifi-
cation oblique. Il permet de caractériser le système phonématique
d'une langue, comme de caractériser un écrivain.
B) LE PHÉNOMÈNE DE L'IMITATION
I. —Conception classique
fait que ce qui est vrai pour moi l'est aussi pour autrui. Le
« style » n'est pas un concept, une idée : c'est « une manière »
que j'appréhende et puis imite, si je suis hors d'état de la définir.
d) La « transgression intentionnelle » : Mais l'opération de con-
cevoir l'existence d'autrui est plus qu'une perception de son
style. Il faut qu'elle soit comme un accouplement (« Paarung ») :
un corps rencontrant dans un autre corps sa contre-partie qui réa-
lise ses propres intentions et qui suggère des intentions nouvelles
au moi lui-même. La perception d'autrui est l'assomption d'un
organisme par un autre. Husserl donne plusieurs noms à cette
opération vitale qui nous donne l'expérience d'autrui en trans-
cendant notre propre moi : il l'appelle « transgression intention-
nelle », ou « transposition aperceptive », en insistant toujours sur
le fait qu'il ne s'agit pas d'une opération logique (« kein Schluss,
kein Denkakt »), mais vitale. Le comportement d'autrui se prête à
tel point à mes propres intentions et dessine une conduite qui a
tant de sens pour moi qu'il est comme assumé par moi.
POSITION DE HUSSERL
DISCUSSION DE SCHELER
CONCLUSIONS
I ) Le phénomène d'écholalie.
C'est la répétition indéfinie du même mot, justement caracté-
risée par Piaget d'activité de jeu : l'enfant se plaît à faire appa-
raître ou à vérifier la signification du mot en le répétant. Comme
le jeu en général — qui consiste à adopter différents rôles — le
langage en tant que jeu permet à l'enfant d'accéder à des situa-
tions de plus en plus nombreuses. Par la répétition du mot
l'enfant étend sa conduite : il se plaît à exercer le langage comme
manifestation de vie imaginaire.
Il se pose ici, comme pour tout jeu, le problème de savoir dans
quelle mesure l'enfant croit à la réalité de ces situations
imaginaires ? (cf. Diderot dans son Paradoxe sur le comédien :
l'acteur croit-il être le personnage qu'il représente — ou ment-
il ?). Mais Sartre (L'imaginaire) montre qu'il s'agit-là d'un faux
problème : l'enfant comme l'acteur ni ne feint ni n'est dans
l'illusion : il quitte le plan de vie habituel pour une vie onirique
qu'il vit réellement. Il s'irréalise dans le rôle.
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2) Le monologue.
Résultats :
— L'explication des mécanismes physiques est mieux
comprise que celle des histoires ;
— pour les histoires : l'enfant comprend mieux l'adulte, les
enfants se comprennent mal entre eux, mais s'expriment bien ;
— pour l'explication d'un dispositif mécanique : le phéno-
mène est mieux compris que l'histoire, mais plus mal exprimé ;
— le second enfant comprend mieux le premier que le pre-
mier enfant n'a compris l'adulte, malgré l'expresion mauvaise.
Interprétation :
Pour Piaget la meilleure compréhension en ce qui concerne
l'explication d'un dispositif, tient au fait qu'il ne s'agit pas d'une
communication vraie : le second enfant comprend le premier
parce qu'on laisse le dispositif en question (ou un dessin) sous ses
yeux ; il regarde l'objet plutôt qu'il n'écoute l'explicateur. Tout
se passe comme si le premier enfant croyait avoir compris plus
qu'il n'a compris en réalité et si le second savait d'avance ce que le
premier lui explique. Les mots dont ils se servent ne sont que des
signaux qui éveillent dans l'auditeur les schèmes qu'il possédait
déjà. En fait il y a donc moins bonne communication que pour les
histoires mais le résultat est globalement meilleur, parce que le
processus n'est fondé qu'en partie sur la transmission verbale.
Piaget conclut qu'il n'y a pas de véritable communication entre
enfants : de façon générale l'un croit expliquer, tout en négligeant
les détails, l'autre comprend par rapport à ce qu'il savait déjà et
croit tout comprendre. Il est rare que l'enfant ait conscience de ne pas
avoir compris (5 %). Il arrive que l'enfant qui explique un méca-
nisme ne spécifie même pas de quel mécanisme il s'agit (robinet,
seringue). Il bouleverse l'ordre logique, causal et temporel, il va
droit aux faits sans rechercher les causes : il y a renversement du
« parce que », l'enfant l'emploie pour rattacher la cause à l'effet et
non l'inverse. Tout cela fait partie du « syncrétisme verbal » (saisie
globale du phénomène, la description ne fait que tourner autour),
à rapprocher de « l'incapacité synthétique » que Luquet révèle dans
le dessin enfantin.
Piaget caractérise cette pensée comme étant d'ordre autistique :
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Tout ce que dit Piaget est exact, mais devons-nous insister sur
les mêmes aspects que lui (le caractère transitoire de cette pensée).
Cette pensée égocentrique, autistique, syncrétique ne se
retrouve-t-elle pas chez l'adulte dès que sa pensée doit dépasser le
domaine de l'acquis pour exprimer des notions nouvelles ? La
notion de langage égocentrique se modifie complètement, si l'on
admet qu'il existe, et légitimement chez l'adulte, et qu'il peut
avoir valeur de connaissance : en effet, une notion nouvelle ne peut
être expliquée clairement d'emblée, les termes n'en peuvent pas
être définis d'avance puisqu'ils ne seront pleinement définis que
par l'usage qu'on en fera. Dès lors l'ordre idéal ou logique ne
peut être que renversé, comme chez l'enfant, et l'adulte se sert de
la « méthode directe » qui consiste précisément à supposer connu ce
qui est inconnu (le professeur de philosophie par exemple est
obligé à son premier cours — tous les termes étant encore
inconnus — d'employer des termes que les élèves ne compren-
dront pleinement qu'au bout du dixième cours).
On peut rapprocher cette illusion d'un langage pleinement
défini de la notion du « sous-entendu » en matière de linguistique,
discutée par Saussure : nous appelons « sous-entendu » dans une
autre langue ce qui n'y est pas exprimé tandis qu'il l'est dans la
nôtre (par exemple pour l'anglais « the man I love » nous disons
que le relatif est sous-entendu). Mais c'est artificiel puisque cette
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notion dans l'autre langue n'existe réellement pas pour ceux qui
l'emploient. En réalité, il n'y a jamais de « pleinement exprimé »,
mais des lacunes, des discontinuités dont, dans sa propre langue,
on n'a pas conscience, parce que la compréhension entre indi-
vidus parlant la même langue n'en n'est pas affectée.
En ce sens le langage de l'enfant n'est pas sans valeur de
communication et en tout cas il ne peut être apprécié par rapport
à la prétendue notion du « pleinement exprimé ». Les enfants
quelquefois s'entendent entre eux, comme ils comprennent par
exemple qu'un cube dessiné par un autre enfant en « rabat-
tement » (cf. cours sur Le dessin de l'enfant), figure réellement un
cube. Dès qu'un mode d'expression est compris par le partenaire,
il doit être tenu pour valable à ce niveau particulier. Par son lan-
gage global l'enfant se fait comprendre par l'autre qui plonge
dans sa conscience et saisit à travers l'ordre rationnel de ses
paroles la totalité du phénomène : cela vient de ce que, comme en
matière de dessin ils ne projettent pas l'objet à représenter sur un
plan unique, de même en matière de langage, ils ne projettent pas
la signification sur le plan unique de la parole logique. Il faudrait
étudier le langage à l'état vivant, non pas le langage du logicien,
mais celui par lequel se fait comprendre l'orateur, l'écrivain et le
savant lui-même. On verrait alors qu'à certains égards le langage
ne peut manquer d'être « égocentrique ». Si Piaget est passé à
côté de ce fait, c'est que les deux exemples choisis par lui (histoire
ou mécanisme), sont des extrêmes, dans lesquels il y a trop ou
trop peu de logique : tout enfant au-dessus de 7 ans comprendra
le mécanisme du robinet par son expérience antérieure et le dessin
joint à l'explication, sans avoir à écouter ce qu'on lui dit. Par
contre, si un épisode est supprimé dans l'histoire de « Niobé »,
aucune intuition pourra venir suppléer à cette lacune.
C'est que la notion de compréhension comporte deux
aspects : l'un qui consiste à saisir le sens d'un concept en principe
totalement exprimé — et l'autre qui est reprise, découverte d'un
sens, à partir de traces verbales, ce que Stendhal appelait « de
petits faits vrais » significatifs de l'ensemble. (Par exemple à tra-
vers un tableau on peut saisir tout l'univers de l'artiste.)
Au total, Piaget voit bien le fait du langage égocentrique, mais
il ne le définit que négativement, n'ayant pas eu affaire aux cas
intermédiaires avec toutes leurs nuances : c'est ce qui arrive sou-
vent en psychologie, où pour simplifier ne sont retenues que des
activités périphériques et impersonnelles. Même les travaux des
gestaltistes sur la perception par exemple fondés sur les résultats
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LA PATHOLOGIE DU LANGAGE
I. - L'HALLUCINATION VERBALE