Chapitre 1 - L - Intermédiation Financière
Chapitre 1 - L - Intermédiation Financière
Chapitre 1 - L - Intermédiation Financière
et marchés
La régulation optimale ne repose pas uniquement sur l'intervention des pouvoirs publics. Il faut trouver
un arbitrage entre cette dernière et la discipline de marché. Il ne faut pas déresponsabiliser les acteurs, les
créanciers des banques etc. Il faut également réguler au sein des établissements bancaires.
Les grandes banques calculent elles‐mêmes les risques associés aux actifs qu'elles détiennent. Les
établissements bancaires sont soumis à des exigences de fonds propres.
Sites et ouvrages : banque de France, BRI, FMI, BCE, Monnaie Banque Finance, Stabilité financière (De Boeck),
Parlons banque en 30 questions, Reinhart et Rogoff (critiqués pour le seuil de dette publique) mais regarder
leurs travaux sur les coûts associés aux crises financières : « Cette fois c'est différent ».
« De l'euphorie à la panique : comment penser la crise financière ? » André Orléans
Aujourd'hui la panique est entre les intermédiaires financiers, (plus de courses aux guichets etc.)
1) Intermédiation financière
L'intermédiation financière ne se réduit pas à l'intermédiation bancaire. Elle s'est largement étendue pour sa
partie non‐bancaire avec l'essor du shadow banking, secteur bancaire de l'ombre. Il s'agit d'un ensemble
d'intermédiaires financiers non bancaires. Le Financial Stability Board (FSB) surveille l'évolution de
l'intermédiation et du shadow banking et produit un rapport sur l'évaluation de ce dernier. Il en a une
conception plus étroite.
Les banques représentent 40 % des actifs gérés par le système financier. Il y a donc d'autres acteurs au sein du
système financier.
Triple objectif : à quoi servent les intermédiaires financiers ? Pourquoi existent‐ils ? Comprendre la coexistence
avec les marchés financiers.
On distingue des systèmes financiers où prédomineraient les banques des systèmes où prédomineraient les
marchés financiers. Ce clivage n'est pas pertinent, les liens sont très importants entre les deux. Les marchés
financiers sont des lieux de rencontres entre des intermédiaires financiers. Ce n'est plus tellement la mise en
relation entre agents à besoin et à capacité de financement.
Ce sont surtout les marchés secondaires qui sont les plus actifs, plus que les marchés primaires des titres.
En quoi la banque est‐elle spéciale et intrinsèquement fragile ?
Modèle de Diamond et Dybvig : ce qui fait la raison d'être de la banque est aussi ce qui la rend fragile. Elle ne
peut pas fonctionner sans réglementation.
1.1) Qu'est‐ce qu'une banque relativement aux autres intermédiaires financiers ?
1.1.1) Une institution financière...
Il s'agit d'une entité financière qui s'interpose entre un ensemble de prêteurs (déposants, épargnants qui
confient leur argent à la banque) et un ensemble d'emprunteurs (entreprises, ménages qui ont un besoin de
financement, ils obtiennent des crédits).
Les activités traditionnelles des banques consistent principalement en des activités de collecte et de gestion
des dépôts du côté du passif de son bilan (ses ressources). On y trouve une part significative de dépôts. À l'actif,
on trouve les emplois, l'utilisation des ressources, à savoir les crédits accordés.
Les banques se sont également orientées vers des activités de marché, elles ont développé des activités
d'investissement et de gestion de titres, pour leur compte ou celui de leur clientèle, soit avec l'idée de revendre
ces titres ou de les conserver. Elles ont aussi développé des activités de conseil, qui ont changé la structure de
leur CA. Ce dernier est mesuré par le produit net bancaire.
On détermine une marge d'intermédiation = taux débiteur que la banque récupère de son activité de crédit –
taux créditeur versé à ses épargnants. Cette marge constitue une partie du Produit Net Bancaire.
Quand la banque réalise des activités de conseil, la rémunération prend la forme d'une commission et non
d'un taux d'intérêt. Cette commission est prise en compte dans le PNB.
Même dans les activités traditionnelles de détail (gestion de dépôts et octroi de crédit), il peut y avoir un
certain nombre de services tarifés par une commission.
Octroi de crédit = actif // Collecte dépôt = passif
Activités traditionnelles (gestion des dépôts et octroi de crédit) → marge d'intermédia on (taux d'intérêt)
Activités de conseil, annexes → commission
Pour les achats de titres, on trouve une partie « intérêt » dans les recettes associées. Il y a également un certain
nombre d'activités qui sont enregistrées en hors bilan. C'est seulement une fois que le crédit est accordé qu'on
l'enregistre au bilan. Quand une banque prend l'engagement d'acheter des titres dans plusieurs mois, tout cela
est dans premier temps situé en hors bilan. Toutes les activités concernant les produits dérivés sont inscrites
au hors bilan.
Titrisation considérée comme un des facteurs de la crise.
Actif (leurs emplois) Passif (ressources)
Prêts interbancaires Emprunts interbancaires
Crédits Dépôts des épargnants (à vue et à plus long terme)
Titres achetés sur les marchés Titres de dettes (obligations) très volatiles
Immobilisations (actifs immobiliers par ex) Fonds propres
Hors bilan
On constate également beaucoup d'activités interbancaires, pour se refinancer. Les transactions des agents
génèrent des mécanismes de compensation entre les banques.
Depuis quelques années, les banques ont eu moins besoin de se refinancer sur le marché interbancaire étant
données les politiques monétaires non conventionnelles (moins besoin de se financer entre elles, accès plus
facile directement auprès de la banque centrale).
Les banques ont progressivement développé des activités de marché : elles se procurent des ressources en
émettant des titres.
Portefeuille titres bancaires : ceux qu'elles veulent conserver vs titres trading qu'elles revendent régulièrement.
Les fonds propres sont devenus le pilier de régulation des banques. Il s'agit du capital de la banque constitué
des actions émises et des bénéfices mis en réserves. C'est la seule ressource non remboursable et non volatile
au bilan de la banque. Tout le reste, au passif, elle le doit. Les fonds propres constituent le coussin d'absorption
des pertes éventuelles de la banque.
Les banques se sont de plus en plus endettées en émettant des titres de dettes sur les marchés. Ils sont dus à
court terme et sont assez volatiles.
Les évolutions financières ont modifié la structure des bilans bancaires. Elles diffèrent selon la taille des
banques, banque universelles vs banque de proximité.
BNP Paribas : 1900 milliards de total de bilan, environ le PIB de la France. À l'actif, les crédits représentent 33 %
du bilan. 52 % portefeuille titres et 5 % de fonds propres
Caisse régionale de crédit agricole : + de 70 % de crédits. 12 % portefeuille titres. 15 % de fonds propres.
La différence se situe sur la détention de titres financiers.
La banque est une institution financière parmi d'autres intermédiaires financiers (fonds d'investissement,
entreprises d'assurances, fonds de pension). Dans le rapport annuel du FSB, sur le shadow banking, on trouve
une évaluation de l'actif géré par ces intermédiaires financiers.
En 2016 les banques représentent 40 % des actifs gérés par l'ensemble des intermédiaires financiers, 138
milliers de milliards de dollars.
Les autres intermédiaires financiers (autres que fonds de pensions, assurances, sociétés financières publiques)
29 % du total des actifs des intermédiaires financiers, 99 milliers de milliards de dollars.
Global shadow banking monitoring report de 2017 paru en mars 2018
Fonds de pension : 9 %, 31 milliers de milliards
Entreprises d'assurance : 29 milliers de milliards
Le total : 340 milliers de milliards (billion), l'ensemble de l'intermédiation financière, et va au‐delà car
comprend le bilan des banques centrales, l'ensemble des actifs de l'ensemble des institutions financières.
3 caractéristiques qui différencient les banques des autres intermédiaires financiers :
La création monétaire :
La banque crée la monnaie, cela différencie les banques des autres intermédiaires financiers. Est‐ce un élément
de distinction pérenne des banques avec l'essor des crypto‐monnaies, on peut se poser la question. Toutefois
ces dernières reposent sur des technologies de block chain, et ne font pas intervenir les intermédiaires
financiers.
Les banques centrales réfléchissent à une éventuelle émission de crypto‐monnaie. On pourrait également
imaginer que les fonds d'investissement le fassent.
Si cela arrivait, la fonction de création monétaire des banques pourrait ne plus être un élément de distinction
des banques.
La gestion des moyens de paiements :
Depuis quelques années, il y a les fintechs qui proposent des cartes pour effectuer des paiements partout dans
le monde (sans frais). Ce sont des instruments de paiements qui se développent et viennent remettre en
question la distinction des banques concernant la gestion des moyens de paiement.
Ces fintechs proposent des services de paiement beaucoup moins onéreux.
La transformation d'échéance :
Au passif, on trouve surtout des ressources de court terme (passif de CT, maturité du passif), et actif de moyen
long terme (pour la partie crédit).
La transformation d'échéance des banques les distingue des autres intermédiaires financiers. Ressources
courtes en utilisation longue (dépôt de court terme → crédits long terme)
Cette distinction est remise en question. Au sein du shadow banking se sont développés des fonds qui réalisent
de la transformation d'échéance, se financent à très court terme et utilisent ces ressources à plus long terme.
Ces différences pourront être remises en question par l'innovation financière.
1.1.2) ...qui naît de l'imperfection des marchés
Il est inconvenant d'analyser l'entreprise « banque » dans le cadre de la théorie microéconomique standard.
En effet, dans ce cadre, où les marchés sont parfaits, complets, il n'y a aucune raison pour que la banque existe.
Il est possible de réaliser toutes les opérations financières, de couverture contre les risques via ces marchés.
La banque naît des imperfections de marché, et en particulier des problèmes d'asymétrie d'information.
L'économie bancaire a commencé à se développer en s'inscrivant dans le cadre de la nouvelle économie
(1980'‐1990, la nouvelle microéconomie), remise en question des théories de microéconomie standard. On
introduit des agents avec des informations asymétriques, des agents qui n'ont pas le même objectif et ne
partagent pas la même information (théorie principal agent), contrats incomplets, etc. On lève l’hypothèse
d’information parfaite et de marché complet pour justifier l’intervention des banques. La nouvelle
microéconomie introduit la théorie de principal‐agent.
Premier article académique qui définit la banque comme une réponse à l'imperfection des marchés, au
problème d'asymétrie d'information : Leland et Pyle (1997). Les transactions financières sont des échanges qui
se font entre des agents qui ne partagent pas la même information. Les banques sont une réponse naturelle
aux problèmes d’asymétrie d’information.
La relation de financement est asymétrique, l'emprunteur a plus d'informations que le prêteur. Ces problèmes
d'asymétrie d'information peuvent aller jusqu’à empêcher la relation.
Asymétrie d'information ex ante : sur la qualité du projet, du point de vue du prêteur il faut parvenir à faire un
choix entre les bons et les mauvais projets. Si l'on n’y parvient pas, le prêteur fixe un taux moyen. On s'expose
à un problème de sélection adverse où le prix qui s'établit peut évincer les bons projets, et ne conserver que
les mauvais.
Ex post après la signature du contrat de prêt : problème d'aléa moral relatif au comportement de l'emprunteur,
à sa capacité à tenir sa promesse. On peut essayer de le contrôler. Il faut engager des coûts de contrôle
(monitoring), sinon l'emprunteur peut faire ce que bon lui semble, et prendre des risques inconsidérés.
Il faut ainsi produire de l’information pour sélectionner et contrôler les projets, les relations de prêts. Cela
constitue un élément clé de l’intermédiation. Les banques existent pour cela. Si ce n’est pas le cas, elles sont
assez loin de leur raison d’être. L’intermédiaire financier permet de réaliser des économies d’échelle, en
termes de collecte de l’information et de coût de contrôle. Il n’y a plus de duplication des coûts lorsque ce
dernier s’interpose entre un ensemble de prêteurs et d’emprunteurs. Il s’agit d’une économie mécanique qui
résulte de la centralisation.
L’intermédiaire financier va mutualiser les risques des prêteurs. En revanche, sur les marchés des titres, outre
la diversification des titres, la gestion des risques s’opère par transfert. Il faut trouver quelqu’un qui accepte de
porter le risque.
Les coûts liés aux problèmes d’AI sont une première explication à l’existence des banques. Elles évitent la
duplication des coûts.
1er modèle très important
Diamond (1984) – Intermédiation financière et délégation du contrôle.
Ce modèle présente la banque comme un contrôleur délégué. Il se concentre sur le problème d’AI ex‐post,
une fois le contrat de prêt signé entre des prêteurs potentiels et un emprunteur supposé neutre au risque qui
a besoin de fonds pour entreprendre un projet d’investissement risqué. Le contrat de financement optimal
entre les deux est un contrat de dette. Mais il existe un problème d’AI. Il faut déterminer le contrat optimal
dans ce contexte.
Hypothèses :
・ On a N entrepreneurs neutres au risque qui cherchent des fonds pour entreprendre un projet
d’investissement indivisible, dont le rendement est aléatoire.
La taille du projet à financer excède la richesse personnelle de l’entrepreneur, supposée nulle. Il a un
besoin de financement externe.
Chaque entrepreneur a besoin d’emprunter 1.
Si le projet réussi il va rapporter plus que le taux sans risque noté R.
Les prêteurs sont également neutres au risque. Ils peuvent placer leur richesse notée (1/m) au taux
certain R, ou bien ils peuvent accepter de financer le projet de l’entrepreneur. Si cela marche ils auront
plus que R.
・ Le rendement est aléatoire et est noté ỹ. Il n’est observé sans coût que par l’entrepreneur.
Le prêteur doit engager des coûts pour observer le résultat.
La connaissance commune est la distribution de probabilité du projet. Tous savent que le résultat peut
être égal à 0.
・ La réalisation finale du projet n’est observée que par l’entrepreneur. Il faut par conséquent éviter qu’il
triche, et l’inciter à rembourser ce qu’il doit au prêteur. Il rembourse Z, compris entre 0 et ỹ.
Le contrat de dette optimal est celui qui maximise le rendement espéré de l’entrepreneur neutre au
risque sous la contrainte que les prêteurs perçoivent au moins R.
Diamond montre qu’il existe deux solutions possibles de contrat de dette optimal, de second rang (la situation
de 1er rang est celle où l’information est parfaite). Pour l’instant il n’y a pas de banque.
Première solution :
Le premier contrat est à valeur faciale constante de remboursement h. Si le résultat annoncé est inférieur à
cette valeur faciale de remboursement, alors la valeur de remboursement Z sera égale à ỹ + une pénalité non
pécuniaire que subira l’emprunteur (ex : perte de réputation). Cela se passe lorsque ỹ n’est pas vérifiable.
Deuxième solution :
Le second type de contrat : possible uniquement si la réalisation du projet est vérifiable, moyennant des coûts
d’audit. Le contrat de dette sera celui qui implique ce coût de contrôle K.
・ Les m prêteurs peuvent choisir de dépenser chacun le coût de contrôle nécessaire m.K
・ Ou bien ils peuvent choisir de déléguer cette fonction de contrôle à l’un d’entre eux, auquel cas, parmi
les m prêteurs, seul un devient le contrôleur délégué. Il effectuera la mission de contrôle et en
supportera le coût K.
Le choix va se porter sur la solution la moins coûteuse et la plus bénéfique socialement. Plus m est grand,
plus il y a de prêteurs, plus le coût de contrôle décentralisé sera élevé et plus la délégation présente un grand
intérêt. Mais il faut également contrôler le contrôleur. La délégation du contrôle est elle‐même coûteuse, elle
coûte D.
Par conséquent la solution de délégation est la moins coûteuse uniquement si m.K > K+D.
Délégation = K + D (K coût de contrôle supporté par le contrôleur délégué et D le coût de contrôle du contrôleur)
Pour exprimer les conditions de viabilité de l’intermédiation, Diamond va étudier le contrat de dette
optimal entre le contrôleur délégué et les prêteurs, i.e. entre la banque et ses déposants. L’intermédiaire
contracte avec les N entrepreneurs et les m déposants qui lui confie chacun 1/m. L’intermédiaire s’expose à
une pénalité s’il ne tient pas ses engagements envers eux. Pour que cela soit viable, il faut que :
Les déposants reçoivent au moins R par une unité de dépôt.
Le contrôleur délégué dégage un rendement qui excède le coût total de délégation.
L’entrepreneur récupère au moins ce qu’il aurait eu sans intermédiation.
Si on a un seul emprunteur et m déposants, l’intermédiation n’est pas viable. Diamond montre que la clé
de la viabilité de l’intermédiation réside dans la diversification des projets d’investissement. Il faut qu’ils soient
en nombre suffisants et diversifiés. Si le contrôleur délégué diversifie suffisamment les financements qu’il
accorde, il fera jouer la loi des grands nombres et il ne fera pas défaut vis‐à‐vis de ses clients déposants.
L’intermédiation est une solution de contrôle délégué et a d’autant plus de chance d’être la meilleure solution
que le nombre d’emprunteurs est grand (l’intermédiaire financier minimise son risque de perte et ainsi son
risque de défaut vis‐à‐vis de ses déposants).
L’intermédiaire financier (la banque) existe comme solution de contrôle délégué. Il permet d’économiser
les coûts de contrôle que chaque prêteur devrait engager dans un financement décentralisé. On évite aussi
des problèmes de passager clandestin, free rider. En déléguant à un seul, le contrôleur délégué ne pourra pas
reporter son effort sur d’autre. Lorsqu’on est dans une solution ou chaque prêteur engage des coûts de
contrôle, ils peuvent être tentés de se reposer sur les autres. Ici il n’est pas question d’avantages
informationnels.
Si on introduit de l’aversion au risque, le contrat de dette est plus compliqué, mais cela ne remet pas en
question l’intermédiation comme solution de contrôle délégué.
Limites :
・ Rien sur la liquidité des dépôts. Les prêteurs confient leurs fonds à l’un d’eux, mais ils ne peuvent
récupérer leurs fonds quand ils le veulent.
・ L’intermédiaire financier n’est pas forcément une banque.
・ Quand on passe à l’examen du contrat de dette entre prêteurs et contrôleur délégué, ce contrat est
de la forme du premier contrat avec une pénalité non pécuniaire auquel s’exposerait le contrôleur
délégué s’il fait défaut. Les déposants sont‐ils en mesure d’infliger cette pénalité (retirer leurs fonds,
panique, etc.). Pas très réaliste.
・ Il suffirait que la banque ait suffisamment de fonds propres (Holmstrom et Tirole 1993) pour qu’elle
ne fasse pas défaut.
・ La solution réside dans la constitution d’un actif très large et bien diversifié. Cela pose qu’une banque
serait d’autant moins risquée qu’elle est grande et qu’elle peut diversifier les projets. La condition
d’intermédiation est soumise à une taille critique. Dans ce type de modèle, une petite banque n’est
pas viable. Elle s’exposera à un risque de défaut vis‐à‐vis de ses clients déposants. Est‐ce le cas en
réalité ? Ce sont plutôt les grandes banques qui font courir un risque systémique. Le FSB établit chaque
année une liste de banque systémique. Un des critères utilisés est la taille, très fortement corrélée à
tous les autres critères. Un plus grand établissement est davantage porteur d’un risque systémique.
(Vision différente dans le modèle de Diamond)
La banque ne fait pas qu’éviter la duplication des coûts de contrôle. Elle est capable d’associer des services de
crédit et de gestion de dépôt. Cette fourniture jointe lui confère un avantage informationnel (Eugène Fama
1985).
Sharpe (1990) met en avant les relations de long terme nouées entre la banque et ses clients emprunteurs.
Elles produisent de l’information et accumulent cette dernière. Elles introduisent une relation de confiance et
atténuent le problème d’aléa moral. En même temps, cet avantage informationnel confère à la banque un
pouvoir de marché, associé à une forme de capture de la clientèle. Cela permet de comprendre pourquoi la
structure du marché bancaire est très imparfaite avec différents acteurs qui ont un pouvoir de marché lié à la
nature des relations de financement dans le temps, à la production d’information.
Lorsque la banque s’interpose entre les clients prêteurs et emprunteurs, elle prend à sa charge des coûts liés
aux AI, mais elle ne les élimine pas totalement. Le problème d’AI initial est reporté entre la banque et ses clients.
Cela peut conduire à des situations de rationnement du crédit Stiglitz et Weiss (1981), Besanko et Thakor
(1987).
Modèle de Stiglitz et Weiss (1981) : Rationnement du crédit sur des marchés en information imparfaite.
Le rationnement du crédit est une situation dans laquelle l’offre de crédit est inférieure à la demande
de crédit. Certains demandeurs de crédits verront leur demande de financement refusée. Cela résulte d’un
problème d’AI. La banque ne connaît pas les caractéristiques de l’investissement entrepris par ses clients. Elle
ne peut pas ajuster finement le taux d’intérêt à la nature du projet financé. Elle adopte un taux moyen. Or il y
a plusieurs types d’investissements. Tous procurent le même rendement moyen mais ne présentent pas le
même risque. Il y a une divergence d’intérêt entre la banque et ses emprunteurs. Un risque élevé est bénéfique
pour l’entreprise emprunteur, ses gains sont illimités en cas de succès et limités aux fonds propres de
l’entreprise en cas de perte. En revanche, cela est préjudiciable pour la banque, qui fait face à un risque de
défaut élevé, sans que cela vienne accroître ses gains.
Il existe nécessairement un taux d’intérêt qui maximise le profit de la banque et au‐delà duquel le
risque des projets qu’elle finance l’emporte sur l’augmentation des versements qu’elle peut attendre. Il existe
un taux maximum au‐delà duquel elle ne doit pas octroyer de financement, le risque des projets l’emporterait.
Au‐delà de ce taux, la banque va rationner le crédit.
1.1.3) qui est intrinsèquement fragile
Deuxième justification à l’existence des banques (après les problèmes d’AI) : l’incertitude sur les besoins de
liquidité des prêteurs. Les prêteurs sont aussi des consommateurs qui vont avoir des besoins de liquidité pour
réaliser des transactions. De ce fait, ils vont vouloir rester liquides. Lorsqu’ils placent leur argent, ils le font avec
une préférence pour la liquidité. Face à eux, des emprunteurs qui ont besoin de financement s’inscrivant dans
le moyen‐long terme. Il y a une sorte d’incompatibilité d’horizon entre les deux.
Diamond et Dybvig (1983) : Bank runs, deposit insurance and liquidity.
Ce sont les premiers auteurs à fournir une explication du service de liquidité que la banque offre à ses
déposants, tout en montrant le caractère nécessairement instable de ce contrat de dépôt bancaire. La banque
est capable de concilier le besoin de liquidité des prêteurs et le besoin de financement des emprunteurs (via
transformation d’échéance). La banque fournit une sorte de service d’assurance contre le risque de liquidité.
C’est cela qui fait sa raison d’être et c’est cela qui la rend fragile. Elle s’expose en effet à un risque de panique
de ses déposants. Les contrats de dépôt offerts par les banques répondent aux besoins de liquidités des
déposants (qui sont aussi des consommateurs). En offrant des contrats de dépôts les banques sont supérieures
au marché. Elles vont permettre un meilleur partage du risque. Les déposants font face à une incertitude sur
leur besoin de liquidité. Ils ne savent pas à quel moment ils vont consommer et donc avoir besoin de liquidité.
S’ils vont sur les marchés, ils auront le choix entre un placement de court terme qui leur rapportera le taux
sans risque ou un placement de plus long terme qui les expose à un risque de liquidité (si ce besoin se manifeste
à CT). La banque fournit un service d’assurance. Il existe deux types de déposants : ceux qui ont besoin de
liquidité à CT, et ceux qui en ont besoin à LT.
La banque duplique implicitement un contrat d’assurance que les consommateurs pourraient souscrire
auprès d’une compagnie d’assurance, si leur besoin de liquidité était quelque chose de vérifiable (Economie
bancaire Lobez 1997, PUF, Microeconomics of banking Rochet and Freixas, MIT press).
Cependant, les contrats de dépôts sont soumis au risque de paniques bancaires. Ces contrats de dépôt
font la raison d’être de la banque. Si elle peut fournir ce service, c’est parce qu’elle fait de la transformation
d’échéance, mais c’est aussi cela qui l’expose à un risque de panique. Pour fournir aux déposants ce service de
liquidité, elle se met en position d’illiquidité. Elle va prêter à long terme, son actif ne se réalisera qu’à long
terme (quand t=2 dans le modèle). Elle ne pourra servir tout le monde qu’en t=2. En t=1, elle a de quoi servir
les déposants qui ont un besoin de liquidité à cette période‐là (de type 1). Mais si tous les déposants viennent
réclamer leurs liquidités en même temps, c’est la panique. Elle ne peut pas servir l’intégralité des déposants
(type 1 et 2).
t= 0, 1, 2
L’économie est caractérisée par une technologie de production dont les rendements sont certains mais
ne se réaliseront qu’en t=2. La banque investit dans cette technologie, il n’y a pas de risque. Elle est
intrinsèquement fragile même sans risque à son actif, du fait de cette transformation d’échéance. C’est une
force de ce modèle que de démontrer le + avec le ‐. S’il y a interruption de la production en t=1, on récupère
ce qui a été investi initialement, pas de perte. Les consommateurs en t=0 font face à un risque non assurable,
qui va se réaliser en t=1. Ils vont découvrir s’ils sont de type 1(besoin de liquidité immédiat) ou de type 2
(besoin de liquidité en t=2).
Si la banque restait liquide, si elle n’investissait pas dans la technologie de production, elle
n’apporterait aucune amélioration par rapport à l’équilibre de marché concurrentiel. Si elle restait liquide, elle
offrirait un rendement r1 = 1 et r2 = R. Cela correspond à la solution le marché. Pour fournir une assurance
contre le risque de besoin de liquidité, elle se met en position d’illiquidité. Elle offre r1 >1 et r1<r2<R. Elle
permet un meilleur partage du risque entre ses déposants.
Les types des agents sont des informations privées. Elle ne peut assurer les déposants contre le risque
d’être de type 1 qu’en les laissant choisir librement la période à laquelle ils viennent retirer. Si beaucoup de
déposants viennent retirer en 1, tous ne pourront pas être servis. En cas de retrait simultané en t=1, la banque
sert les déposants dans l’ordre d’arrivée. Ces derniers se savent dans une situation d’interaction stratégique.
Leur remboursement dépend de leur place dans la file d’attente. Le montant récupéré du comportement des
autres déposants. Il s’agit d’un modèle d’équilibre multiples. En t=1, les agents révèlent leur type. Le bon
équilibre est celui où les agents révèlent leur type sans tricher. Le mauvais, celui où les agents de type 2 se font
passer pour des agents de type 1, ce qui conduit à une panique.
Le choix entre l’équilibre stable et l’équilibre instable dépend de n’importe quelle variable aléatoire
observable (panique dans une autre banque, mauvaise nouvelle, tâche solaire). Le risque est indépendant de
l’actif de la banque. Ces phénomènes de panique sont un problème économique majeur (cf crise de 1929).
Deux solutions envisagées pour remédier à la panique :
Suspendre la convertibilité des dépôts (évite à la banque de se retrouver dans une situation de
liquidation)
L’introduction d’une garantie publique des dépôts (US en 1933, le Federal Deposit Insurance
Corportation). Les contrats de dépôts bancaires bénéficient d’une garantie de remboursement, elle
couvre jusqu’à 100 000 € de dépôts par déposants et par banque. Cela dissuade les déposants de
paniquer, ou aux agents de types 2 de se faire passer pour des agents de types 1.
La crise de 2007‐2008 ne s’est pas manifestée par des ruées aux guichets. La panique s’est bien d’avantage
manifestée sur le marché interbancaire, et plus largement sur le marché monétaire, entre les banques ou entre
les banques et des fonds d’investissement. (Les banques grecques et chypriotes ont toutefois été fermées
pendant quelques jours).
Cette transformation d’échéance rend la banque supérieure au marché, mais c’est aussi ce qui la rend
fragile. Même une banque parfaitement solide peut succomber à la panique et au risque d’illiquidité. La
banque y est structurellement exposée. Le risque d’illiquidité désigne pour une banque, le risque que tous ses
créanciers/déposants viennent demander leurs dépôts en même temps.
On trouve deux risques majeurs au bilan de la banque :
Le risque d’insolvabilité
・ Le risque d’illiquidité
Ils peuvent se renforcer l’un et l’autre ou être indépendants.
Dans le modèle de Diamond et Dybvig, la réalisation du risque d’illiquidité provoque l’insolvabilité de la banque.
Portée et limites du modèle :
Certaines critiques soulignent plutôt des forces du modèle
L’absence de risque à l’actif de la banque. Les rendements mettent du temps à se réaliser, mais in fine
la banque récupère un rendement de long terme sans risque en t=2. Certains disent que cela n’est pas
réaliste, mais c’est justement là la force du modèle. Sans même introduire de risque à l’actif de la
banque, les auteurs parviennent à montrer qu’elle est structurellement fragile.
・ Lorsque l’on introduit du risque, le rendement est aléatoire. La probabilité de panique devient une
fonction croissante du risque, i.e. une fonction croissante de l’écart‐type du rendement de l’actif
(Battacharya et Jackling 1986)
La contrainte de service séquentiel ne favorise‐t‐elle pas la panique ? Elle place les déposants dans une
situation d’interaction stratégique. Cela peut être l’élément déclencheur mais comment formaliser les
choses autrement ?
S’agit‐il vraiment d’une banque ? L’intermédiaire financier formalisé dans le modèle est‐il une banque ?
(Rien ne permet notamment d’établir si le passif de la « banque » (ses ressources) est bien détenu par
des déposants ou en fait par des actionnaires)
・ La nature monétaire du passif bancaire est ignorée. Cette critique vaut pour l’ensemble de la littérature
bancaire qui ne prend pas en compte la nature liquide, le caractère monétaire du passif bancaire, ou
encore la fonction de création monétaire des banques. Si l’on retirait aux banques leur pouvoir de
création monétaire, on se retrouverait aussi avec ce risque d’illiquidité, de panique et de fragilité
intrinsèque. En Suisse, depuis plusieurs années, est portée au référendum la question de savoir s’il faut
laisser aux banques leur pouvoir de création monétaire ou le transférer à la banque centrale : c’est
l’initiative monnaie pleine. Serait‐ce pour les punir ou pour remédier à l’instabilité financière ? Dans
les deux cas ce n’est pas la solution. La fragilité intrinsèque des banques est indépendante de leur
fonction de création monétaire.
Ce modèle justifie l’existence des banques tout en expliquant leur fragilité intrinsèque et la nécessité
de prévenir les paniques bancaires par un dispositif public de garantie des dépôts, par l’intervention
des pouvoirs publics dans le secteur bancaire. C’est donc une première justification à l’intervention de
ces derniers.
Enseignements à tirer de ces modèles :
Si les banques naissent de l’imperfection des marchés et notamment des problèmes d’asymétries
d’information, dont elles vont permettre d’économiser les coûts associés, banques et marchés sont alors
complémentaires. Mais si les marchés se perfectionnent, peut‐être avons‐nous moins besoin de banques ?
Non, en réalité, la sophistication croissante des systèmes financiers accompagne le développement des
marchés, et appelle à une expertise croissante, augmentant ainsi le besoin d’intermédiation.
Pourquoi les banques sont‐elles complémentaires aux marchés ?
Elles permettent la réalisation de transactions financières qui ne pourraient pas avoir lieu sur les
marchés. Dans le cadre de la théorie néo‐institutionnelle des coûts de transactions (Ronald Coase), on peut
considérer les coûts associés aux asymétries d’information comme des coûts de transactions. Les transactions
davantage exposées aux asymétries d’information et donc à des coûts de transaction plus grands nécessitent
une certaine intermédiation : l’intermédiaire financiers internalise et réduit ces coûts. Si ces coûts sont faibles,
on peut directement passer par le marché.
Les banques peuvent se comprendre comme des contrôleurs délégués (Diamond 1984). En effet, l’une
des raisons d’être de la banque, c’est le contrôle des crédits, le monitoring des emprunteurs et donc, par
extension, le contrôle des risques. Il conviendra de se demander si dans les années 1990, le contrôle des risques
a bien été le cœur de l’activité bancaire. La deuxième grande raison d’être des banques c’est le service de
liquidité qu’elle fournissent à court terme, tout en assurant l’investissement de moyen long terme. C’est aussi
ce qui fait leur fragilité et c’est pour cela que l’intervention des pouvoirs publics est nécessaire.
Les banques gèrent mieux les coûts associés aux asymétries d’informations, elles peuvent les réduire
en nouant des relations de long terme avec leur clientèle mais elles ne les font pas disparaître. C’est en partie
ce qui peut justifier certaines formes de rationnement du crédit (Stiglitz et Weiss 1981).
1.2) Comment la banque s'est transformée
L’institution banque s’est profondément transformée au cours des dernières années. Ce sont surtout les
institutions qui se transforment, pas tant leurs fonctions.
A) La mutation financière des années 1980‐1990 :
Mutation financière : évolution profonde des systèmes financiers qui s’est amorcée dès 1970 dans les pays
anglo‐saxons, qui s’est prolongée dans les années 1980 pour les pays européens, puis dans les années 1990
pour les pays émergents. En Chine notamment, le secteur bancaire et financier s’est beaucoup transformé à
partir de 2010.
Comment la banque a‐t‐elle évolué dans les années 1980‐1990 ?
Le contexte international de l’époque a favorisé cette mutation. Au début des années 1970, on
abandonne le système de Bretton Woods : Nixon annonce la suspension de la convertibilité du dollar en or en
août 1971, le système de change fixe s’écroule définitivement en mars 1973 et en 1976 la conférence de
Kingston officialise l’adoption d’un système de changes flottants. Les taux de change vont devenir beaucoup
plus variables, beaucoup plus volatiles, il y a une montée du risque de change.
Ces années sont aussi synonymes de la fin de la tolérance envers l’inflation. Les années 1970 sont en
effet marquées par une inflation forte suite aux deux chocs pétroliers (1973 et 1979). En 1979, Paul Volcker
prend la tête de la Fed et fait de la lutte contre l’inflation son objectif premier. Cela constitue un changement
de cap de la politique monétaire qui s’est traduit par une très forte augmentation des taux d’intérêt, donnant
lieu à une forte volatilité de ces derniers et suscitant ainsi la montée du risque de taux d’intérêt.
De plus, suite aux deux chocs pétroliers, on constate une circulation intense de pétrodollars. Ces
derniers résultent des excédents accumulés par les pays producteurs et doivent être placés. Autrement dit, il
s’agit de capitaux issus des recettes d’exportations de pétrole, en quête de placements rentables.
Les administrations publiques et les Etats font également face à un besoin de financement croissant
dans un contexte où, pour lutter contre l’inflation on commence à leur interdire de se financer auprès des
banques centrales. Ils doivent donc trouver des solutions alternatives de financement, et notamment des
solutions de financement sur les marchés.
Ces éléments du contexte international sont ainsi des facteurs économiques majeurs de la mutation
financière. Il convient également de ne pas oublier le rôle joué par les facteurs politiques, notamment via les
politiques de libéralisation.
On associe deux processus moteurs de cette mutation financière assez étroitement liés :
La globalisation financière
L’innovation financière.
La globalisation financière désigne un vaste processus d’intégration et de décloisonnement qui doit se
comprendre à différentes échelles : à l’échelle des marchés nationaux et à l’échelle de marchés internationaux.
Les marchés s’ouvrent et se décloisonnent à l’intérieur et à l’extérieur.
Par exemple, en France, la situation était caractérisée par un cloisonnement fort entre le marché
monétaire qui constituait le marché de la politique monétaire (réservé aux institutions financières, où les
banques se refinancent entre elles) et les marchés financiers (par actions ou par dette de LT : financement
obligataire). Dans les années 1980, on assiste au décloisonnement des marchés, à la création de titres de
créances négociables (TCN) ouverts aux agents financiers et non financiers : les entreprises ont la possibilité
d’émettre des billets de trésorerie, les banques des certificats de dépôts et les APU des bons du trésor. Le
marché monétaire est ainsi ouvert à des acteurs qui n’y avaient pas accès auparavant. Les marchés nationaux
ont fait tomber un certain nombre de barrières et se sont ouverts à l’international (cotation des entreprises à
l’international, afflux de capitaux internationaux).
Ce processus d’intégration, de décloisonnement se fait aussi au niveau des produits. Les produits financiers
sont caractérisés par une gamme de caractéristiques. Dans les années 1970‐1980 on assiste à l’extension de la
gamme des produits financiers, à la combinaison de nouvelles caractéristiques : produits liquides sans risque
ou peu risqués, ou produit avec du rendement mais illiquide. L’introduction de SICAV monétaire a en effet
permis de combiner liquidité et rendement, caractéristiques auparavant distinctes.
Ce phénomène d’intégration concerne aussi les institutions financières, à partir de ces années‐là, surtout
dans les années 1980‐1990, les institutions financières et notamment les banques, vont intégrer des activités
qui initialement, n’étaient pas les leurs. Elles vont développer des activités de marché (se procurer des
ressources, acheter des titres, gérer des portefeuilles de titres). Elles vont également proposer des services
d’assurance. Le développement des activités de marché des banques participe ainsi au phénomène
d’intégration des activités financières (banque assurance, au sein de la banque).
L’innovation financière constitue un autre processus moteur de la mutation financière, à l’échelle des produits,
des marchés et des technologies (ou procédés). Le vocabulaire de l’économie industrielle est transposé au
secteur bancaire.
・ Innovation de produit : création de titres de créances négociables (TCN), de SICAV proposant aux
épargnants des parts de leur actifs et offrant une certaine liquidité et un certain rendement. Les
produits dérivés se développent dans les années 1980 : les options, les swaps sur les marchés
organisés et de gré à gré, les CDS : instrument de transfert du risque de crédit. Dans les années 2000,
on assiste également à la création des produits issus de la titrisation (ABS, MBS).
・ Innovation de marché : ouverture de nouveaux marchés de produits dérivés, extensions de marchés
de gré à gré, nouveaux segments de cotation, création du NASDAQ, création du « nouveau marché »
en France pour faire un peu comme le NASDAQ.
・ Innovation de technologies/procédés : implémentation de nouvelles technologies, mise en place de
nouvelles formes d’organisation. L’introduction de la carte à puce, innovation française de Moreno,
informatisation, automatisation des services bancaires, guichets automatiques, banque en ligne.
L’innovation financière s’est produite par vague : la première a lieu dans les pays anglo‐saxons, considérés
comme les pays leaders en matière d’innovations financière (USA, UK). Cette vague s’est poursuivie dans les
années 1980 en Europe, puis dans les pays émergents à partir de 1990, considérés comme des pays suiveurs.
Ainsi, tout le monde ne s’est pas lancé en même temps dans ce processus, l’Allemagne s’y est pris tardivement,
elle a conservé un intérêt très fort pour l’économie réelle, pour sa base industrielle. D’autres pays européens
ont davantage misé sur les services, et notamment sur les services financiers.
Dans ces différentes vagues, on peut distinguer des innovations qui viennent soit du secteur privé (pays
leader), soit d’une initiative publique (pays suiveurs) : introduite par les pouvoirs publics, par la loi, jouant le
rôle d’innovation de rattrapage. Certains auteurs relient cela à la tradition juridique des pays. Ils considèrent
que ce qui explique l’innovation financière plus rapide des pays anglosaxons réside dans le Common Law, qui
est davantage jurisprudentiel. Ce dernier est plus flexible dans la mesure où le droit s’écrit après coup et où
tout ce qui n’est pas interdit est autorisé. Cela induit un rapport à l’innovation et au risque très différent de
celui qui prévaut dans la traduction juridique de droit civil (Europe continentale), droit écrit et consigné dans
un code, tout ce qui n’est pas autorisé est interdit. Le rapport à l’innovation est plus compliqué dans des pays
de droit civil que dans des pays de Common Law.
William Silber (1975) : l’innovation financière se développe en réponse à trois types de contraintes
Le risque
La concurrence
La réglementation
A chaque contrainte est associé un coût : le coût d’adhésion à la contrainte. L’innovation a elle aussi un
coût et elle permet d’échapper à la contrainte. On innove quand le coût de contournement devient plus faible
que le coût d’adhésion à la contrainte.
Un auteur s’est focalisé sur la réglementation et a mis en évidence (Edward Kane) une certaine dialectique
entre la réglementation et l’innovation. Le régulateur façonne une statue et l’innovation vient la déconstruire.
Autrement dit, lorsque la contrainte réglementaire est posée, l’innovation vient la desserrer. La contrainte
devient inopérante et le régulateur doit venir réadapter le dispositif réglementaire. C’est une sorte de jeu entre
le régulateur (censé être le chat) et la banque, ou le système financier dans son ensemble duquel l’innovation
s’échappe. Aujourd’hui on ne sait plus trop qui est le chat et qui est la souris. Obama avait qualifié les grandes
banques américaines impliquées dans la crise de « fat cat ». Suite à l’annonce des accords de Bâle 3 : caricature,
« fat cat », souris (régulateur).
Conséquences de la mutation financière :
Avantages Inconvénients
Diversité des produits, élargissement de la Résurgence de l’instabilité financière
gamme de produits financiers offerts (formation de bulles spéculatives, krachs
(1987), crises bancaires dans les années
Gestion des risques facilitée 1990, crises de changes fin 1990 en Asie et
en Amérique latine, crise financière
Diminution des coûts de transactions suite à (mélange crise asiatique)
l’ouverture des marchés
・ Montée du « risque systémique » risque de
Meilleure diffusion de l’information avec défaillance globale du système. Plus il y a
l’essor des NTIC, bien pour les investisseurs d’interconnexions et plus le risque de
contagion est important.
Plus de solutions de financement, de
placement
Cas français 1970‐1980 : en 1970, le système est caractérisé par une prédominance de l’intermédiation
bancaire, un cloisonnement fort et une spécialisation des établissements. Le secteur bancaire est en partie
nationalisé et les autorités monétaires pratiquent un encadrement très strict de la distribution du crédit
(encadrement du crédit), ainsi qu’un contrôle des changes opérations financières avec l’étranger.
Nouveau contexte international : Au début des années 1980, sous Mitterrand, la France se lance dans un
processus de libéralisation financière. La régulation financière n’est pas qu’un sujet de gauche, c’est un sujet
d’intérêt général. L’accélération des innovations financières est portée par les NTIC. Ces innovations vont
permettre de desserrer des contraintes de réglementation, de risque et de concurrence.
Exemple : On assiste à la déréglementation active du secteur bancaire avec la fin du système de bonification
des taux d’intérêt en 1985 (avant cela les prix du crédit étaient administrés, système de bonification pour
favoriser certains secteurs et acteurs). En 1986, l’encadrement du crédit prend fin. On supprime également le
contrôle des changes : limite à la circulation internationale des capitaux. On assiste ainsi à l’extension de la
gamme des titres en 1985. La déspécialisation des banques est également introduite dans la loi bancaire de
1984, à partir de laquelle on commence à parler de « banque universelle » (banque multi‐service). Notons que
la déspécialisation commence déjà à la fin des années 1960 avec les lois Debray.
Quelques chiffres : L’essor spectaculaire des marchés de titres
Début 1980’ : les encours d’émissions d’actions (stock cumulé d’actions émises) étaient de 283,4 milliards
d’euros, en 2000 avant le krach internet, 4988,7 milliards d’€ d’émissions cumulées d’actions.
Obligation 1980 : 113,6 milliards d’€ en 1980 et 1499,5 milliards d’euros en 2000
En % du PIB, les encours de titres financiers représentaient au début des années 1980, 90% du PIB.
B) La banque, acteur de la globalisation financière :
Les banques ont été actrices de la mondialisation financière. Elles n’ont rien subi passivement (l’essor des
marchés de capitaux, des NTIC, la réglementation : ratio de fonds propres)
Les banques se sont adaptées à l’essor des marchés de capitaux. Cela leur a permis d’accéder à de
nouvelles sources de revenus et de financement. Elles ont pu développer leurs activités de marché (gestion de
titres, conseil, fusion acquisition, introduction en bourse, BFI). Elles ont intégré d’autres activités financières
telles que des activités d’assurance (OPCVM, etc.). Ainsi, le développement d’autres intermédiaires financiers
(fonds d’investissements, OPCVM, assurances) a poussé les banques à faire de même. Elles ont en effet
absorbé des activités de ces nouvelles formes d’intermédiation : assurances, gestion de titres pour compte de
tiers. Ces nouvelles activités ont constitué pour elles de nouvelles ressources mais aussi de nouveaux risques.
En développant des activités de marché elles se sont exposées aux risques de marché (de + ou – value associé
à la détention de titres, risque de taux d’intérêt, risque de change avec l’internationalisation des portefeuilles).
Les banques se sont adaptées à l’essor des marchés de capitaux en se servant de ces marchés pour y trouver
de nouvelles ressources avec l’émission de titres de dettes à court terme, voire très court terme.
Si l’on compare la structure des bilans bancaires des années 1980 et de 2002, on constate que la part
des crédits à la clientèle a fortement chuté entre ces deux dates, passant de 84% à 38%. Par ailleurs, on
constate l’augmentation de la part des titres qui passe de 5 à 47%. Du côté du passif, la part des titres passe de
6 à 52%, la part des dépôts à la clientèle de 73% à 27%. Cette part diminue car la banque trouve de nouvelles
ressources sur le marché et de nouvelles formes d’intermédiation vient capter une partie de ces dépôts
(assurance‐vie). C’est pourquoi les banques ont essayé de réintégrer ces activités d’assurance.
Les banques se sont également adaptées à l’essor des NTIC, en les intégrant à leur processus de
protection, en développant de nouveaux outils : cartographier les risques de la clientèle, standardiser la
distribution de crédit, développement du data mining (base de données sur la clientèle), le scoring (note de
crédit), leur permettant de décider de l’octroi d’un crédit plus facilement. Les banques ont voulu être beaucoup
plus sélectives pour le crédit aux entreprises suite au développement de ces outils.
Tout cela s’est traduit pour les banques par l’augmentation de leur activité d’une part, et de l’autre,
l’intégration, l’informatisation des processus ont fait évoluer le réseau bancaire et les coûts associés. Les
banques s’exposent à une nouvelle forme de risque : le risque opérationnel associé à une panne informatique,
à une panne de réseau, à un risque humain dans l’application d’une mauvaise procédure, piratage, manque de
sécurité du réseau. Ainsi, si cette adaptation a permis l’essor de l’activité, elle a donné lieu à l’exposition à de
nouveaux risques : de marché, et opérationnels.
Les banques ont été partie prenante de l’accélération des innovations financières : les risques, la
concurrence, la réglementation les ont poussées à l’innovation. La titrisation s’est en partie développée pour
trouver des formes de refinancement, pour rendre liquide des actifs qui a priori ne l’étaient pas, pour
transformer ces titres illiquides en titres négociables sur un marché. C’est aussi une technique qui leur a permis
de contourner la réglementation des fonds propres qu’on leur impose à partir de la fin des années 1980. Elles
sont contraintes à un ratio de fonds propres (FP/Actifs pondérés par les risques). Le premier ratio ne prend en
compte que les risques associés au crédit : Ratio Cooke = FP/Crédits pondérés par les risques >= 8%. Lorsque
l’on doit satisfaire cette contrainte et qu’au bilan on ne dispose pas de fonds propres qui représente 8% des
crédits risqués : il convient d’augmenter les FP en mettant davantage en réserves, en accordant moins de
crédits, ou en recourant à des techniques permettant de revendre des paquets de crédits. La titrisation permet
ainsi de revendre des paquets de crédit à un véhicule de titrisation, qui émet des titres et les vend aux
investisseurs. Cela permet aux banques de transférer leur risque pour respecter le ratio. Il s’agit d’une
technique d’optimisation de la contrainte réglementaire. Cela ne veut pas dire que la réglementation sera
toujours contournée.
C) Bilan, une fragilité accrue de l’institution banque
Aujourd’hui nous sommes entrés dans une nouvelle phase de mutation financière : avec l’essor des
fintechs qui conjuguent services financiers et technologies nouvelles. On note notamment l’exemple de la carte
Revolut (et Advantis à vérifier), qui ne présente aucun frais, aucune commission. Les banques seront peut‐être
dépassées par ces fintechs (en réalité non). Les banques disposent d’une forte capacité d’adaptation, il ne faut
pas la sous‐estimer. Dans les années 1980, la mutation financière a permis aux banques de grossir. Le
développement des marchés ne s’est pas fait au détriment des intermédiaires financiers, bien au contraire.
On note également l’exemple du « compte Nickel » présenté comme un élément disruptif (compte en
banque sans banque). Ce dernier a été racheté deux ans plus tard par BNP Paribas. Ainsi, lorsque les Fintechs
prennent la forme de start up il est beaucoup plus facile pour les banques de s’y adapter. En revanche, cela
peut s’avérer plus compliqué si cela est porté par les GAFA. Il serait alors impossible pour les banques de les
absorber. Les GAFA disposent d’un avantage informationnel dans la production de services bancaires et
financiers (raison d’être des IF : production d’information).
La globalisation financière s’est traduite par une fragilité accrue dans les années 1990‐2000. Les
transformations qui se sont opérées ont exacerbé la fragilité des banques. Il convient alors d’analyser les plus
et les moins associés à ces transformations :
L’augmentation de la taille des banques
L‘élargissement de l’éventail d’activité des banques
L’internationalisation de l’activité bancaire
L’externalisation de leur cœur de métier : le contrôle des risques. C’est pourtant une de leur raison
d’être, ce sont elles qui gèrent la délégation du contrôle et qui supervisent le bon déroulement de la
relation de prêt, le contrôle des emprunteurs. Cette fonction clé de gestion du risque de crédit a été
transférée à d’autres acteurs (CDS)
L’accroissement du levier d’endettement des banques (lié à l’obtention de nouvelles ressources, hausse
du rapport entre dettes et fonds propres à leur passif). Elles ont pu grossir davantage, mais cela a
généré une prise de risque beaucoup plus importante, ainsi qu’une réduction de leur capacité à
assumer les pertes. Les FP sont la seule ressource non remboursable au bilan.
Ce qui peut provoquer la faillite d’une banque c’est aussi ce qui fait sa raison d’être.
1) L’augmentation de la taille de banques :
La taille des banques, dans cette mutation financière, s’est accrue. Dans les années 1980, la concurrence
au sein du secteur bancaire s’intensifie étant donnée ce mouvement de libéralisation opéré par les pouvoirs
publics. La concurrence est une force de sélection à laquelle les acteurs tentent de résister en devenant plus
gros, plus importants. Il convient de noter que les phases de concurrence accrue sont suivies par des phases
de concentration, de consolidation. On a en effet observé un vaste mouvement de concentration dans les
années 2000. Ceci a donné lieu à la constitution de groupes « Too big to fail », trop gros pour faire faillite. Cela
signifie que si on les laissait faire faillite ils en entraineraient d’autres dans leur chute. Les pouvoirs publics ne
peuvent pas les laisser faire faillite. Cela entraînerait la réalisation d’un risque systémique et l’effondrement du
secteur bancaire dans son ensemble. Ainsi, ces grands groupes, conscients de cette garantie implicite des
pouvoirs publics, ont pu grossir encore plus. Cette garantie conforte également les investisseurs qui savent
qu’en cas de perte ils n’auront pas à débourser. Les investisseurs et les agences de notation ont intégré cette
garantie implicite. Par conséquent, ces gros groupes ont bénéficié d’un meilleur rating de la part des agences
de notation, leur permettant d’accéder à des taux débiteurs plus faibles. Les économies ainsi réalisées se
comptent par dizaines de milliards. On distingue alors deux situations :
・ Pile : tout va bien, ces gros groupes réalisent des profits et les partagent avec leurs actionnaires. Ces
profits sont imposés mais profitent peu à la société, une grande partie échappe à l’impôt (évasion
fiscale, impôt non proportionnel aux bénéfices réalisés)
・ Face : En cas de problème, de crise, c’est l’Etat et donc le contribuable qui assument les pertes.
La situation n’a pas tellement changé aujourd’hui. L’augmentation de la taille des banques a eu lieu en
Europe au début des années 1990 et légèrement en décalé aux USA étant donné le Glass Steagall Act de 1933
qui séparait banques de dépôts et d’investissement. Il n’a été supprimé qu’à la fin des années 1990, en 1999
précisément et ce n’est qu’à partir des années 2000 que la taille des banques américaines a véritablement
décollé. Parmi les 30 banques systémiques recensées par le Financial Stability Board, la banque américaine JP
Morgan arrive en tête. Les banques européennes en représentent la moitié.
En 2007‐2008 : les banques européennes étaient en moyenne beaucoup plus grosses que les banques
américaines. En 2007, on comptait 35 390 milliards de dollars d’actifs gérés par les banques européennes, et
moins de la moitié pour les banques américaines. Aujourd’hui cela a changé.
Rapport Liikanen : commandé par la Commission européenne et visant à identifier les problèmes de structure
du secteur bancaire européen.
On constate une forte augmentation des bilans bancaires dans les années 2000. Ce rapport contient
une partie diagnostic qui témoigne de la montée en puissance des banques européennes : le total des actifs
gérés par des institutions financières monétaires passant de 260% du PIB de l’UE début 2000, à environ 370 %
en 2011.
Il y a toujours de gros établissements qui n’ont pas réduit leur taille depuis la crise. Il faut regarder cela
en monnaie domestique (sinon c’est l’évolution du taux de change que l’on enregistre et pas celle de la taille
du bilan en monnaie domestique). La taille des banques a considérablement augmenté en 1990‐2000 et cette
tendance s’est accélérée dans les années 2000. Cette très forte croissante est portée par de très gros
établissements. Même en Espagne, après la crise, nous n’avons pas constaté une diminution conséquente de
la taille du secteur bancaire. Nous avons plutôt assisté à une stabilisation.
Parallèlement à l’augmentation de la taille agrégée du secteur bancaire, on constate une diminution
du nombre d’établissements. Autrement dit, le nombre de très gros établissements augmente. Le secteur s’est
concentré autour d’un petit nombre d’établissements détenteurs d’un fort pourvoir de marché.
Quand on rapporte la taille de bilan de ces gros établissements au PIB de leur pays d’origine (rapport
stock flux). On obtient que : les actifs détenus par la Deutsche Bank représentaient 80% du PIB de l’Allemagne
en 2011, HSBC 120% du PIB du Royaume‐Uni, BNP 100% du PIB de la France. Ces établissements sont d’une
telle importance que si un problème survient, l’Etat ne peut pas les laisser tomber sans prendre le risque de
déclencher une crise systémique.
Toutefois, tous ces grands établissements ont environ la moitié de leur activité à l’étranger et beaucoup
notamment dans des paradis fiscaux. A titre d’exemple, en 2011, le total des actifs gérés par la Deutsche Bank
représentait moins de 20% du PIB de l’UE. Ainsi, à l’échelle européenne les difficultés de ces établissements
sont plus absorbables, et c’est pourquoi c’est au niveau européen qu’il faut les surveiller et intervenir. Cela
justifie la nécessité de l’union bancaire, la surveillance de ces grands établissements et la résolution des
difficultés à l’échelle européenne. On a d’ailleurs mis en place des dispositifs de résolution à l’échelle
européenne (Union bancaire).
Dans ce tableau, on peut observer la taille relative des secteurs bancaires européen, américain, et
japonais (total du bilan de secteur bancaire européen/ PIB de l’UE par exemple). Ainsi, le secteur bancaire
européen représente 349% du PIB de l’UE, 174 % pour le cas japonais. C’est vraiment en Europe que le secteur
bancaire est le plus gros relativement à l’économie bancaire. Cela a amené le conseil du risque systémique à
s’interroger sur l’overbanking en Europe. Aux Etats‐Unis, si on prend l’ensemble des IF, on constate également
une hyper croissance. Ce tableau s’intéresse à l’activité résidente (établissements bancaires qui sont résidents
dans chaque pays, filiale française des banques étrangères).
Le secteur bancaire français c’est 4 fois le PIB de la France. Le Luxembourg, l’Irlande, Malte et Chypre sont des
paradis fiscaux. Les chiffres sont sous‐estimés : le secteur bancaire du Luxembourg représente 2400% du PIB.
Il faut organiser la surveillance à l’échelle européenne, là où elle est pertinente. Il faut lutter contre les
paradis fiscaux en même temps que l’on réorganise la régulation. Il faut avancer sur plusieurs fronts en même
temps sinon on laisse une échappatoire.
La concentration s’est accrue partout en Europe de 1995 à 2007, calculée avec la part des 5 plus gros
établissements, rapportée à la taille du secteur. Toutefois, en Italie où le secteur est resté déconcentré. En dépit
des difficultés des banques italiennes, il n’y a pas eu de crise systémique bancaire en Italie, le secteur est
beaucoup moins concentré, les difficultés sont plus absorbables.
La concentration est mesurée de façon inappropriée : la BCE utilise des données non consolidées. Par
exemple pour BNP Paribas, on considère ses différentes entités indépendamment et comme étant en
concurrence les unes avec les autres. On ne consolide pas autour de la maison mère les entités, cela réduit le
taux de concentration, donc les chiffres présentés sont sous‐estimés.
De plus, nous n’avons pas assisté à un deleveraging : à savoir, la diminution de la taille du bilan par une
réduction de l’endettement.
Lecture positive de l’augmentation de la taille des banques : celle qu’on pourrait faire naïvement en s’appuyant
sur le modèle de Diamond, selon lequel de plus grands établissements seraient plus solides. En réalité ils sont
surtout plus systémiques.
2) L’élargissement de l’éventail d’activité des banques :
Quand on évoque l’augmentation de la taille des banques, on pense aux économies d’échelle. Elles
permettent de réaliser des économies de coût moyens. L’élargissement de l’éventail d’activités quant à lui,
repose sur la notion d’économies de gamme : c’est‐à‐dire qu’en moyenne il est moins coûteux de produire des
activités ensemble (au sein d’une même entité) que séparément. C’est en cela que l’on peut l’analyser
positivement. On a alors assisté à l’essor des intermédiaires bancaires multiservices (bancaire, assurance,
gestion de l’épargne etc.). Toutefois, comme pour les économies d’échelle, les économies de gamme se
réalisent jusqu’à un certain seuil, au‐delà duquel on réalise des déséconomies de gammes et des déséconomies
d’échelle.
Pour certains, l’émergence des banques universelles a représenté une diversification des activités.
D’autres soulignent que ces banques universelles qui se sont largement portées sur des activités de marché
ont mis en danger leur clientèle. L’élargissement de la gamme d’activité fait ainsi débat. On a d’une part l’idée
d’une diversification protectrice qui permet des économies de gamme, et forment des établissements plus
résilients. D’autre part, on a la mise en danger des dépôts exposés à des risques auxquels les banques n’étaient
pas soumises auparavant. En Europe, on a d’un côté les représentants des grandes banques européennes
(lobby bancaire défenseur du modèle universel), et de l’autre les partisans d’une séparation des activités
bancaires (Michel Barnier).
3) Internationalisation de l’activité bancaire :
Le fait d’avoir une plus grande échelle d’activité confère une meilleure capacité de résistance à des
chocs asymétriques. C’est le cas lorsqu’un établissement est présent dans les pays qui ne sont pas exposés aux
chocs. D’un autre côté, cela expose plus violemment à un choc mondial. En effet, en cas de choc symétrique,
le risque de contagion est plus grand quand on est présent dans un large ensemble de pays. Cela renforce les
phénomènes d’externalités, à savoir les conséquences que l’on peut subir, provenant de chocs d’autres pays
que le pays d’origine. Ce qui aurait dû accompagner l’internationalisation des activités bancaires c’est
l’adaptation du dispositif de surveillance. Cela n’est arrivé qu’à partir de 2013 avec l’union bancaire.
4) L’externalisation du cœur de métier des banques
Le cœur de métier des banques : à savoir la gestion des risques et le contrôle du bon déroulement de
la relation de prêt, a été en partie externalisé. Cela consiste à sous‐traiter des pans d’activité, à les faire réaliser
à l’extérieur, par des prestataires. Dans l’industrie, cela concerne plutôt des activités périphériques qui ne sont
pas clé telles que la comptabilité, l’informatique. Dans le cas de la banque, l’externalisation a porté sur une
fonction clé qu’est la gestion des risques via la titrisation, via les dérivés de crédits (CDS). La banque qui était
experte dans la sélection et la gestion des risques (Leeland and Pyle, Diamond) est devenue experte en
transfert de risques.
La titrisation a été l’outil privilégié des banques pour opérer ce transfert des risques. Il s’agit d’un
ensemble de techniques financières qui consistent à rendre négociables des créances qui au départ ne le sont
pas. A la base, les crédits ne peuvent pas être revendus. Il s’agit ainsi de transformer ces crédits en titres
négociables. Le processus de titrisation fait intervenir une entité, un véhicule de titrisation. La banque qui veut
transférer le risque de ses crédits lui vend un paquet de crédits. Ce dernier est comptabilisé à son actif, et en
contrepartie, il émet des titres qui y sont adossés. Ces titres associent différentes tranches de risques. Il peut
s’agir de titres adossés à des créances bancaires, hypothécaires que les investisseurs achètent. Il y a une chaîne
de titrisation avec :
Cédant Véhicule de titrisation Investisseurs
Le véhicule de titrisation reste fortement lié à la banque cédante par des lignes de crédits, ce lien entre cédant
et cette entité typique du shadow banking a une grande importance. Les entités du shadow banking ne sont
pas réglementée comme les banques. Les véhicules de titrisation, ont émis des titres structurés par tranches,
durant la crise des subprimes.
La chaîne de titrisation donne lieu à une extension de la chaîne d’intermédiation.
Pendant la crise des subprimes, on trouvait comme
Cédants : des banques d’investissement, notamment beaucoup de banques américaines
Investisseurs : des investisseurs institutionnels, des grandes banques d’investissements américaines et
européennes
Remarque importante : Le shadow banking dont font partie les véhicules de titrisation n’est pas parallèle à la
banque, mais lié à la banque. Il y a une connexion très forte entre banques et shadow banks.
Les banques européennes se défendent d’avoir participé aussi intensivement que les banques
américaines au processus de titrisation. En réalité, elles étaient surtout au bout de la chaîne, mais elles y ont
bel et bien participé.
Il s’agit d’un processus : Origination Distribution ou Originate to distribute. La créance est originée
par la banque puis distribuée vers d’autres secteurs. Auparavant, il s’agissait d’un processus Origination
Conservation.
Le plus souvent le véhicule de titrisation est ad hoc, c’est‐à‐dire créé spécifiquement par la banque
pour contourner la réglementation. C’est une shadow bank : il n’est pas réglementé comme une banque
traditionnelle. Ce sont les investisseurs qui supportent le risque initialement porté par la banque cédante. Les
autorités monétaires et financières associaient la titrisation à une nouvelle technique de gestion et de partage
des risques sans considérer l’impact que cela pourrait avoir sur le comportement des banques face au risque.
La titrisation a accrue la prise de risques et a complètement détourné la responsabilité des banques en la
matière. Cela a réduit leur capacité à les assumer.
On situe l’essor de la titrisation au début des années 2000. Les taux d’intérêt sont bas et les
investisseurs sont frustrés : ils sont à la recherche de rendements plus élevés. L’arrivée de nouvelles classes
d’actifs, offrant un meilleur rendement, avec un risque dissimulé (produits tranchés) a pu satisfaire leur appétit
de rendement.
Au départ, on ne percevait pas bien le risque associé à ces actifs. L’extension et l’intégration des
marchés européens entrent aussi dans l’explication de cet essor, avec la recherche de nouveaux actifs par les
banques européennes. On note également un facteur plus technique expliquant l’essor de la titrisation : le
développement de techniques financières d’évaluation de risques et de structuration de produits dans les
années 1990‐2000.
Les écarts de salaires entre le secteur bancaire et le secteur non financier sont très élevés. Cela attire
les diplômés. Ainsi, l’industrie bancaire fonctionne avec les diplômés des meilleures écoles, y compris des
écoles d’ingénieurs (Margin Call), pour structurer des produits complexes.
De plus, la contrainte réglementaire de la fin des années 1980 (ratio de fonds propres) va contribuer à
accroître l’incitation à développer des produits qui permettent d’y échapper. En effet, si l’on sort du bilan des
paquets de crédits, cela diminue l’actif et augmentent le ratio de (fonds propres)/(actifs pondérés par les
risques).
Au début, la titrisation était perçue comme un instrument positif, permettant de partager les risques,
une façon d’améliorer la stabilité. Or cela est devenu un facteur de dilution et d’expansion du shadow banking.
Ce dernier n’est PAS PARALLELE au secteur bancaire, c’est un secteur bancaire de l’ombre. L’usage croissant
des dérivés de crédits et la titrisation sont à l’origine d’une profonde transformation du modèle d’activité des
banques (originitate to distribute). Elles se sont détournées du monitoring à la Diamond en externalisant la
gestion de leurs risques.
5) L’accroissement du levier d’endettement des banques
Cela désigne l’augmentation de la part des dettes de marchés au passif des banques. Une fois les dettes
rapportées aux fonds propres des banques (dettes/fonds propres), on constate une augmentation de ce
rapport dans les années 1990‐2000.
Si l’on rapporte les fonds propres au total du bilan : on obtient que les fonds propres représentent environ
5% du bilan (3% ou 4% plus précisément) dans les années 2000. Cela induit donc environ 96‐97% de dette au
sens large y compris les dépôts. Ainsi, la capacité de la banque à assumer des pertes ne dépasse pas des pertes
de l’ordre de 5 à 10% de la valeur des actifs. Si les pertes dépassent cela, la banque fait faillite.
Admati, Martin Hellwig, (De Marzo et Pfleiderer), disent que la banque est nue (voir « The banker’s new
clothes »). Ils montrent la dégradation de la structure financière des banques et témoignent ainsi de leur
moindre capacité à absorber les pertes. Ceci est grandement lié aux garanties publiques explicites ou implicites :
on parle de bail‐out. Etant donnée cette garantie de sauvetage les investisseurs savent qu’en cas de problème
ils ne mettront pas la main à la poche. Par conséquent, le taux qu’ils exigent pour prêter aux banques est
moindre, ces dernières peuvent se financer à moindre coût sur le marché de la dette, surtout de court terme.
De cette façon, elles peuvent grossir davantage et devenir encore plus importantes, ce qui leur confère de
nouvelles garanties, etc.
Fin 19e, début 20e, les part des fonds propres au bilan des banques représente 25% aux Etats‐Unis, un peu
plus de 15% aux Royaume‐Uni. Ce chiffre s’est orienté à la baisse depuis. On constate ainsi que le levier
d’endettement des banques n’a pas toujours été aussi élevé qu’il ne l’est aujourd’hui. Elles étaient davantage
capitalisées avant. Cela n’a pas empêché la crise de 29 (liée à un risque d’illiquidité, qui peut être indépendant).
La baisse des fonds propres donne mécaniquement lieu à une augmentation du levier d’endettement
(dette/fonds propres). Les banques peu capitalisées sont prises dans des spirales de deleveraging.
Exemple : Comparons le bilan de deux banques dont le levier diffère
La banque bien capitalisée, la Baileys’ Bank (cf : La vie est belle) dispose de 30% de fonds propres. En
revanche, la banque peu capitalisée, la Leveraged Bank dispose de 6% de fonds propres. Elle reste néanmoins
dans les clous de la réglementation (3%). Les deux banques ont à leur actifs 50% de prêts et 50 % de titres.
Supposons que les prix des titres chutent de 10 % (voir ci‐dessous)
Que se passe‐t‐il ?
Les banques connaissent une perte de 5 sur les titres qu’elles détiennent à leur actif (car 50% de titres). La
valeur des titres passe à 45 pour les deux banques (enregistrés à leur valeur de marché). La perte est absorbée
par les fonds propres qui passent à 25 pour la Baileys’ Bank contre 1 pour la Leveraged Bank. Ainsi, le ratio de
fonds propres est modifié : 25/95 = 26% pour la première contre 1/95 = 1% pour la seconde.
Si chacune de ces deux banques veut retrouver son ratio de fonds propres initial, ils vont devoir vendre
une partie de leurs actifs et se désendetter.
Baileys’ Bank :
Elle peut rétablir son ratio de levier initial (30%) sans trop de difficulté :
Il faut que 25/Actifs = 30%, ce qui signifie ramener les actifs à 83
Elle doit donc vendre 12 actifs pour se désendetter de 12. Cela est réalisable sans grande difficulté
Leveraged Bank :
Pour rétablir son ratio de levier à 6%, la Leveraged Bank fait face à une toute autre difficulté :
Il faudrait 1/Actifs = 6%, ce qui impliquerait de ramener l’actif total à 17, or elle ne dispose pas de 78
d’actifs négociables à revendre pour se désendetter d’autant. Il faudrait qu’elle puisse vendre plus que
tous ces titres.
La seule solution pour cette banque est la recapitalisation : demander à ses actionnaires de réinvestir
dans son capital ou mettre la clé sous la porte.
Elle serait tout juste capable de supporter une perte de 5%. Pour ramener son levier à 6%, il lui faudrait
alors ramener son actif à 58 (en vendant 39,5 de titres) et sa dette à 54,5.
Plus une banque est peu capitalisée, plus elle a un levier d’endettement élevé, et plus il lui est difficile de se
remettre de pertes à son actif, cercle vicieux.
Le problème est que la régulation financière n’a pas su s’adapter à cette mutation financière.
Levier d’actif : Actifs/Fonds Propres
Ratio de levier : Fonds Propres/Actifs
Les exigences réglementaires de fonds propres sont exprimées en % d’actifs pondérés par les risques
(FP/Actifs pondérés par les risques), ou de façon plus simple sous la forme d’un ratio de levier. Le ratio de levier
est une assez bonne mesure du niveau de capitalisation. Les fonds propres servent à éponger les pertes
éventuelles.
Plus la part des FP est initialement faible, moins la banque est capable d’absorber des pertes et plus,
en cas de problème l’ampleur du deleveraging est importante (vente d’actifs permettant de se désendetter).
Toutefois, les ventes d’actifs font baisser le prix de ces derniers, le bilan se dégrade de nouveau et il faut encore
vendre des actifs. Il s’agit d’un processus auto‐entretenu de deleveraging. Tant que rien n’oblige à se
désendetter, la dette continue d’augmenter au bilan de la banque. Admati et Hellwig disent qu’il s’agit d’un
phénomène addictif.
Pour un établissement bancaire comme pour une entreprise, cela revient à moins cher de se financer
par la dette que par fonds propres étant donné la déductibilité des intérêts des emprunts au niveau des impôts.
Cela peut sembler contradictoire puisque d’un côté on demande aux banques d’avoir plus de fonds propres et
de l’autre, fiscalement, elles sont encouragées à recourir à la dette. La garantie implicite de sauvetage par les
pouvoirs publics les pousse également à s’endetter.
Le problème au sein du système financier n’est pas tant la prise de risque. Le problème c’est de pouvoir
assumer les risques pris. Lorsqu’un agent a un levier d’endettement très élevé il est moins à même d’assumer
les risques pris.
1.3) Analyse des pathologies bancaires
Le risque systémique va bien au‐delà d’un jeu de domino. Il décrit des boucles, des phénomènes qui
s’auto‐entretiennent. Ici, on adoptera une configuration qui s’inscrit dans la théorie microéconomique
standard. La panique reste le fruit d’un problème qui tombe du ciel, ou d’une contagion qui découle d’un effet
domino.
A – Paniques bancaires
Les banques sont structurellement illiquides. Normalement, une banque se finance avec des
ressources de court terme (dépôts à vue des clients, donc des dépôts qui peuvent sortir du bilan à tout
moment), et investit dans des actifs de moyen long terme. Elle a donc un passif exigible à court terme et un
actif mobilisable à moyen long terme. Par conséquent, si tout le monde vient réclamer ses dépôts en même
temps, la banque ne peut pas servir tout le monde. Les sources de difficultés peuvent être multiples. La
prévention des paniques bancaires est une première justification à l’intervention des pouvoirs publics.
Les modèles de paniques :
Le modèle de Diamond et Dybvig (1983) décrit la fragilité des banques sans même introduire de risque.
La ruée bancaire est qualifiée de ruée spéculative : chacun se rue au guichet en pensant que s’il n’arrive pas à
temps il ne sera pas remboursé. Il s’agit d’un défaut de coordination des déposants.
Battacharya et Jacklin (1988) parlent d’une de ruée informationnelle. Dans ce modèle, les auteurs
introduisent du risque à l’actif de la banque. Les déposants reçoivent un signal sur le rendement futur de l’actif
bancaire. S’ils reçoivent un mauvais signal, autrement dit s’il se forme l’anticipation que la banque risque de
faire faillite du fait d’un rendement faible de son actif cela provoquera la panique. C’est l’insolvabilité qui
provoque la faillite.
Pour Chari et Jagannathan (1988) la panique se produit en raison d’un problème d’extraction de
l’information. Le signal est brouillé, il y a une confusion des déposants. C’est la crainte ou l’anticipation de
l’insolvabilité plus ou moins fondée qui peut provoquer la panique.
Ils font également la distinction entre ruées efficaces et ruées inefficaces. Les ruées efficaces seraient
celles qui pourraient s’opérer en information parfaite et viendraient sanctionner une mauvaise gestion de la
banque. Cela peut inspirer des recommandations très libérales mais qui ne prennent pas en compte les
externalités associées aux faillites bancaires. Enfin, en situation d’information imparfaite, une rumeur peut
mener à des ruées rationnelles mais inefficaces car cela peut venir sanctionner un établissement bien géré
dont l’actif ne posait pas de problème a priori (Gorton 1985).
Les auteurs distinguent également les agents patients, impatients, informés et non‐informés. Les
patients non‐informés observent la file d’attente et en fonction de sa longueur, décident d’agir ou non. Si la file
est longue ils en déduisent que les autres savent que le rendement sera faible et ils décident de retirer leurs
dépôts. Dans le cas où la file est importante du simple fait d’une forte proportion d’agents impatients, la
panique des patients non‐informés est inefficace.
Les préconisations qui découlent de ces prolongements et qui visent à éviter la panique sont les
suivantes :
Suspension de la convertibilité
La garantie des dépôts
Les autorités doivent intervenir avant que l’illiquidité ne se transforme en insolvabilité. Ce sont
deux risques majeurs au bilan de la banque.
Le risque d’illiquidité est généralement temporaire et peut être tout à fait indépendant de la qualité et du
risque de l’actif.
Le risque d’insolvabilité décrit la situation dans laquelle l’actif net négatif, i.e. la situation dans laquelle ce que
doit la banque est supérieur à ce qu’elle possède (créances qu’elle détient). Cela conduit à une situation de
faillite ou de nécessaire intervention des pouvoirs publics.
Ce sont deux risques majeurs qui peuvent s’entretenir, mais qui peuvent aussi être totalement
indépendants. Une banque peut succomber à la panique en ayant un actif qui ne pose pas de problème. Il ne
suffit pas d’exiger que la banque ait suffisamment de fonds propres (cela permet simplement de gérer le risque
d’insolvabilité).
Il faut également des dispositifs pour gérer le risque d’illiquidité :
La garantie des dépôts pour assurer une gestion de ce risque au niveau des déposants
Le marché interbancaire pour permettre aux banques de se procurer les ressources à très
court terme
Le refinancement auprès de la banque centrale
Au‐delà de cela, ce risque doit aussi être géré en surveillant le rapport entre l’échéance des ressources
et l’échéances des actifs, autrement dit il faut surveiller les conditions de la transformation d’échéance opérée
par les banques. Il faut que les banques aient suffisamment d’actifs liquides au bilan pour qu’en cas de crise
elles puissent facilement les revendre et faire face à une telle situation (Bale III 2010). Ainsi le risque de liquidité
doit se gérer en faisant en sorte de ne pas être trop dépendant des actifs de très court terme et en ayant des
actifs de qualité.
Jusqu’à présent, nous avons uniquement considéré les paniques liées au comportement des
déposants : ruées spéculatives, informationnelles et liées aux problèmes d’extraction d’information (cf 3
modèles).
Dès lors que l’on raisonne à partir d’un réseau de banques (et non plus une banque représentative),
où les banques sont liées entre elles sur le marché interbancaire, on observe une autre source de panique. On
explique ainsi les paniques par un défaut de coordination des banques sur le marché interbancaire (elles
refusent de se prêter par crainte de ne pas être remboursées ou exigent prématurément leur remboursement).
Cette configuration permet de mieux appréhender les phénomènes de paniques aujourd’hui. Lors de
la crise des subprimes, en 2007‐2008 on a plutôt observé des ruées sur le marché interbancaire, à savoir des
phénomènes de panique entre intermédiaires financiers. On a observé un phénomène de paralysie obligeant
la Banque Centrale à se substituer au marché interbancaire (en assurant le service de fourniture de liquidité).
Le marché interbancaire permet de mutualiser le risque de liquidité. Les banques y interviennent en
se prêtant réciproquement et en détenant des dépôts croisés à retirer quand le besoin s’en fait sentir. Elles y
sont créancières les unes des autres. Le marché interbancaire a un rôle très positif dans la gestion du risque
de liquidité.
Battacharya et Gale (1987) montrent le rôle positif du marché interbancaire. En cas de risque de
liquidité, les banques résisteront davantage si elles peuvent se refinancer sur le marché interbancaire. Si les
banque ont collectivement la possibilité de gérer leur risque d’illiquidité sur ce marché, elles auront moins
besoin individuellement de conserver des actifs liquides, et pourront améliorer la rentabilité de leur actif total.
Toutefois, si toutes comptent sur le marché interbancaire pour gérer ce risque et qu’individuellement
elles ne le gèrent plus en conservant une part d’actif liquide, il peut y avoir une pénurie globale de liquidités.
Les auteurs formalisent cela en introduisant un problème d’asymétrie d’information sur la quantité d’actif
liquide que chaque banque doit détenir à son bilan pour gérer le risque d’illiquidité. Une banque va pouvoir
dissimuler sa situation financière et aura tendance à sous‐investir dans les actifs liquides, dans l’espoir
d’emprunter sur le marché interbancaire. Il s’agit d’un problème de free riding, de passager clandestin.
Flannery (1996) montre qu’une banque peut aussi douter de la solvabilité de ses contreparties sur le
marché interbancaire. Se pose alors un problème dit de sélection adverse (« effet Akerlof »). Si les banques
sont en situation d’information imparfaite quant à leurs contreparties sur le marché interbancaire elles vont
avoir du mal à évaluer la qualité des banques emprunteuses. Ainsi, quand elles ne parviennent plus à distinguer
entre les bonnes et les mauvaises banques, soit les banques prêteuses augmentent le taux d’intérêt de leurs
prêts, soit elles refusent de prêter.
En cas de panique sur le marché interbancaire, la Banque Centrale doit intervenir, permettant aux
banques commerciales d’accéder au guichet d’escompte. La Banque Centrale joue le rôle de prêteur en dernier
ressort. Ici c’est l’intervention de la Banque Centrale qui permet de gérer les paniques sur le marché
interbancaire. Elle doit faire en sorte de le réintermédier et de rétablir la liquidité des banques et des marchés.
Si elle ne le fait pas, cela peut déboucher sur une dépression profonde (cf crise de 1929, où la Fed
n’était pas intervenue assez vite, la crise financière a dégénéré en dépression économique).
Actualité de ces modèles :
Aujourd’hui, on observe plus vraiment de ruées au guichet ce qui illustre le bon fonctionnement des
dispositifs de garantie. On note toutefois l’exception de la banque britannique Northern Rock qui était
caractérisée par un calibrage insuffisant du dispositif de garantie des dépôts (cf rapport du conseil d’analyse
économique). Il convient également de plafonner la garantie des dépôts pour ne pas assister à des problèmes
d’aléa moral.
La forte dépendance des banques vis‐à‐vis du marché interbancaire, l’accroissement de la part des
dettes interbancaires et de la part des dettes à très court terme rendent également ces modèles très actuels.
Au moment de la crise, juste après la faillite de Lehman Brothers, le marché interbancaire s’est figé, caractérisé
par une perte de confiance. Il n’était plus possible de se procurer des liquidités sur le marché interbancaire.
Les banques centrales ont dû intervenir et se substituer au marché interbancaire (sous forme de prêts, de
prises de titres en pensions, etc.).
Dix ans après les banques centrales sont toujours les principaux soutiens de la liquidité des banques.
Depuis dix ans les banques ne se financent plus tant sur le marché interbancaire mais bien davantage auprès
des banques centrales. Certains y voient une diminution des interconnexions et donc une diminution du risque
systémique. Toutefois, cette contraction du marché interbancaire s’explique par une plus grande dépendance
des banques à la liquidité des banques centrales. Dès lors que les politiques monétaires se normaliseront, les
connexions vont se reconstituer.
B‐ Risque systémique et contagion des paniques bancaires
Ces paniques bancaires sont aussi caractérisées par un phénomène de contagion, par des enchaînements du
micro au macro.
Dans ce cadre un choc systémique désigne un choc néfaste ou une mauvaise nouvelle qui concerne une ou
plusieurs institutions financières ou un marché financier et qui va se répercuter sur d’autres institutions,
d’autres marchés (De Bandt et Hartman 2002).
Cela peut aussi se définir comme un choc macroéconomique qui tombe du ciel (à remettre en question) et
affecte simultanément les conditions financières d’un nombre important d’institutions financières et qui va
provoquer une réaction commune négative (De Bandt et Hartman 2002).
Une crise bancaire peut paralyser l’économie (effondrement du crédit et rupture de l’investissement), les
échanges (quand les guichets des banques sont fermés, rupture de la gestion des moyens de paiements). Cela
peut produire une crise de confiance qui va renforcer la crise. Les conséquences pour l’économie réelle sont
lourdes.
Comment une difficulté individuelle ou locale se transforme‐t‐elle en difficulté globale ? Via des phénomènes
de contagion :
Par les ruées des déposants
Par des liens interbancaires (diffusion des difficultés sur les marché interbancaire)
Par les variations des prix d’actifs (cf ex)
Par les ruées des déposants :
L’incertitude sur la solidité du système bancaire peut provoquer des ruées au guichet de la part des
déposants et si une ruée provoque la faillite d’une banque, cela peut précipiter la faillite d’autres banques.
Freixas (1999) : distingue deux mécanismes de ce type.
・ D’une part, une contagion purement spéculative liée à des événements aléatoires et non à
l’économie réelle. La faillite qui se produit dans une banque va altérer le comportement des
déposants d’une autre banque. Le comportement mimétique des déposants constitue le seul
élément à la base de ces défaillances en chaîne.
・ D’autre part, une contagion par la similitude des actifs : la contagion se produit lorsque les
banques investissent dans des actifs similaires, dont les rendements sont corrélés. Le défaut
d’une banque à cause de la faible rentabilité des investissements influe sur le comportement
des investisseurs des autres banques ayant financé des actifs identiques. Les investisseurs
préfèrent réclamer leurs avoirs, ce qui donne lieu à un enchaînement de ruées.
Par les liens interbancaires :
Allen et Gale (2000) dans « Financial Contagion » se focalisent sur le rôle des dépôts interbancaires.
Ils expliquent comment un petit choc sur un secteur donné peut aboutir à une pénurie globale de liquidité via
les liens interbancaires (« théorie de la boule de neige »).
La dimension de la contagion dépend de la quantité d’actifs liquides de la banque en difficulté et du
nombre de banques qui seront touchées si la banque en difficulté retire ses dépôts interbancaires.
Les banques sont créancières les unes des autres sur le marché interbancaire. La faillite d’une banque
A qui ne peut pas rembourser ce qu’elle doit à la banque B, provoque une baisse des actifs de la banque B
(contagion directe), qui peut ainsi se retrouver en difficulté, et entraîner à son tour des difficultés pour la
banque C dont elle est débitrice, etc. Une banque D peut se retrouver aussi en difficulté si elle avait l’habitude
de se financer auprès de la banque A (contagion indirecte). Le réseau interbancaire peut être plus ou moins
dense. La contagion dépend de la structure du réseau interbancaire. Certains pensent qu’un réseau très dense
peut aussi permettre de mieux absorber le risque de liquidité.
La structure du marché interbancaire est déterminante :
Structure complète : les banques sont symétriquement liées
Structure incomplète circulaire : les banques sont liées seulement aux banques adjacentes (A prête
à B qui prête à C qui prête à A)
La structure complète est moins vulnérable à la contagion car les effets d’une crise de liquidité sont
absorbés par un nombre plus important de banques.
Contagion par les variations de prix d’actifs :
En cas de pénurie de liquidité, les banques vont devoir vendre des actifs pour se procurer des liquidités.
Si les marchés étaient parfaits et complets alors on saurait parfaitement faire la distinction entre des banques
illiquides et solvables et des banques illiquides et insolvables et auquel cas les premières trouveraient à se
refinancer sur le marché (Allen et Gale, 1998; Allen et Carletti, 2008). Or les marchés ne sont ni parfaits ni
complets (sinon les banques n’existeraient pas).
En situation d’imperfection, les marchés sont imparfaits et incomplets, la distinction entre illiquidité et
insolvabilité est beaucoup plus difficile à opérer et beaucoup de banques illiquides vont devoir procéder à des
ventes d’actifs baisse du prix des actifs dégradation de la valeur des bilans des banques (actifs enregistrés
à leur valeur de marché) baisse de la valeur des FP vente d’actifs augmentation des risques
d’insolvabilité et d’illiquidité (Cifuentes, Ferrucci et Shin 2005).
Dans la perspective d’une contagion par les variations de prix d’actifs, le recul des cours boursiers peut
suffire à amorcer la contagion (même pas besoin d’un défaut). Les liens interbancaires ne font qu’amplifier les
difficultés.