Feuilletage 1215
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TECHNOLOGIES
des voitures électriques
Motorisations, batteries, hydrogène,
recharge et interactions réseau
Préfaces de Patrick Bastard, directeur
de la recherche, Groupe Renault
et Carla Gohin, vice-présidente
Recherche et Innovation, Stellantis
© Dunod, 2021
11 rue Paul Bert, 92240 Malakoff
www.dunod.com
ISBN 978-2-10-081806-8
L’ensemble des auteurs tient à remercier pour leurs conseils ou leur relecture attentive
Issam Baghdadi, Julien Bernard, Fabien Boudjemaa, Didier Deruy, Emmanuelle Lan-
celle-Beltran, Mohamed Gabsi, Emmanuel Hoang, Christian Maugy, Frédéric Maza-
leyrat, Cédric Nouillant, Javier Ojeda, Masato Origuchi, Olivier Ploix et Bernard Sahut.
III
L’électricité et l’automobile ont pris leur essor conjointement vers la fin du xixe siècle.
L’une et l’autre ont été sans nul doute les deux inventions qui ont le plus façonné nos
sociétés industrielles. Et pourtant, malgré de timides fiançailles au cours des années
1880-1890, que le moteur à explosion et l’expansion de l’industrie pétrolière n’auront
pas tardé à réduire à néant, il aura fallu plus de cent ans pour que ces deux industries se
retrouvent et remettent en selle un mariage qui cette fois tiendra ses promesses.
Ainsi, la voiture électrique est maintenant sortie du statut de niche auquel elle était
cantonnée lors des multiples expérimentations qui ont débouché sur des prototypes,
voire de toutes petites séries au cours du xxe siècle. Depuis quelques années, la très
forte croissance du marché des véhicules électriques, mais aussi – et c’est lié – l’offre
commerciale désormais au catalogue de la plupart des constructeurs automobiles sont
les signes évidents d’un changement de paradigme.
Car le passage du moteur à combustion interne au moteur électrique n’est pas qu’une
affaire de technologie. C’est tout un écosystème qu’il faut repenser. Il ne s’agit pas « sim-
plement » de substituer un moteur électrique à un moteur à explosion, une batterie à un
réservoir, un onduleur à un système d’injection… la voiture électrique, c’est aussi toute
une infrastructure de charge à développer ; et de façon plus inattendue, c’est également
une incroyable opportunité « systémique » à saisir puisque le développement des éner-
gies renouvelables et le développement de la mobilité électrique peuvent se compléter en
permettant conjointement de réduire l’empreinte carbone de la production d’électricité
et celle des transports terrestres. La clé de voûte commune à ces deux transformations
majeures de nos sociétés (la mobilité électrique et les énergies renouvelables), c’est le
stockage d’énergie. En cela, il est clair que les technologies de batteries sont d’ores et
déjà au cœur de très nombreux travaux académiques, mais représentent aussi des en-
jeux industriels colossaux dont l’Europe a bien compris qu’elle ne pouvait plus laisser le
leadership aux pays d’Asie. C’est là un énorme défi pour nos ingénieurs et chercheurs,
mais plus encore pour nos entreprises car il s’agit bien de passer de la recherche à la
production de masse.
Au-delà de l’écosystème global, l’électrification des voitures repose aussi sur la maîtrise
de technologies qui ne sont pas historiquement automobiles : machines électriques et
électronique de puissance sont désormais le terrain de jeu des ingénieurs motoristes. Et
c’est là une vraie révolution pour une industrie automobile qui a été nourrie au pétrole
pendant plus de cent ans ! Là encore, il est clair que la mutation technologique est un
véritable défi pour les constructeurs automobiles et les équipementiers. Et pourtant,
il n’y a pas d’autre choix que de basculer très vite car chacun sait que les périodes de
rupture technologique offrent des opportunités inespérées aux nouveaux acteurs alors
qu’elles fragilisent les acteurs historiques, qui doivent gérer la transformation de leurs
actifs et la reconversion de leurs équipes. Là aussi, l’Europe se doit d’être volontariste
pour éviter que le tissu industriel gravitant autour des motorisations automobiles ne
VI
fasse les frais de cette transformation majeure. Nous avons des atouts et la transforma-
tion est déjà bien engagée, mais la concurrence sera rude !
Si l’industrie automobile se transforme à marche forcée en électrifiant ses voitures, si
tout un écosystème se développe autour des véhicules électriques, ne perdons jamais
de vue l’objectif qui, à lui seul, justifie une telle révolution et, disons-le aussi, une telle
prise de risque : contribuer à la maîtrise du changement climatique. Car, au-delà des
émissions de polluants que les réglementations relatives aux motorisations thermiques
ont considérablement diminuées, c’est bien la réduction des émissions de CO2 qui reste
notre cible commune, celle qui permettra à l’industrie automobile de prendre sa part
dans l’un des plus colossaux défis que l’Humanité aura dû relever au cours de son his-
toire : rendre compatibles développement économique et inversement de la courbe des
émissions de gaz à effet de serre pour éviter qu’un désastre climatique ne balaie des
siècles de progrès. Il est donc indispensable qu’électrification rime avec protection –
protection de l’environnement bien sûr. Et pour cela, il faut que les solutions techno-
logiques envisagées soient toujours regardées par le prisme de l’analyse du cycle de vie
(ACV). Des matières premières au recyclage, en passant par toutes les phases de vie des
voitures électriques et, c’est important, de leurs batteries, il est nécessaire que soient
bien évalués les impacts réels de l’électrification sur l’environnement. À ce stade, soyons
clairs : la balance en termes d’émissions de CO2 sur l’ensemble du cycle de vie est déjà
très largement en faveur de la voiture électrique, comparée à des voitures équivalentes à
motorisation thermique, quand on considère un mix énergétique européen et une voi-
ture de gabarit intermédiaire. Partant de là, il faut encore améliorer ce bilan carbone,
afin de tenir les cibles définies par l’ambitieuse vision du « Green Deal » européen. Si
l’objectif est bien de réduire drastiquement les émissions de CO2, mais aussi de garantir
un cycle de vie vertueux au-delà du seul CO2, sans nul doute l’effort devra-t-il passer
par de nombreuses innovations technologiques, mais pas seulement : il faudra aussi
que nous construisions tout un écosystème de la mobilité plus vertueux, associant tous
les acteurs privés et publics, et enfin… que nous apprenions à changer nos habitudes.
C’est là un autre sujet, mais il est important tant les clés pour maîtriser le changement
climatique sont aussi dans les mains des consommateurs que nous sommes tous !
À lire ces lignes, on pourrait donc croire que les plus grands défis qui attendent l’indus-
trie automobile sont de maîtriser de nouvelles technologies, d’innover, de transformer
ses usines, de trouver sa place dans un nouvel écosystème, de réduire encore et encore
l’impact environnemental de la mobilité… mais en réalité le premier des défis est ail-
leurs. Ou plutôt il est en dénominateur commun de tout cela. Le premier des défis pour
développer l’électrification qui reste la seule et unique voie à court et moyen terme pour
une mobilité raisonnée et vertueuse, c’est la formation et le développement des compé-
tences. En somme, et comme toujours, le premier des défis est éminemment humain !
Car si des générations entières d’ingénieurs ont été formées pour concevoir des mo-
teurs à combustion interne, il faut désormais prendre un virage sur l’aile et intensifier
la dynamique de reconversion en cours afin de revoir les programmes de formation
initiale dans nos écoles d’ingénieurs et universités, former les équipes en place dans les
entreprises et même… développer auprès du grand public une culture de la mobilité
électrique et des enjeux sociétaux associés, afin de sortir des débats partisans et revenir
aux faits objectifs et aux données établies.
VII
Patrick Bastard
directeur de la Recherche, Groupe Renault
*
* *
Depuis Cugnot en 1769 avec son fardier, l’automobile n’a cessé de connaître des évolu-
tions et des révolutions, tant dans ses technologies que dans les fassçons de la fabriquer
ou de l’utiliser.
Au départ objet principalement de curiosité, de luxe puis de loisirs, il est très vite deve-
nu un objet fondamental dans le développement de nos sociétés industrielles, un objet
permettant la liberté de mouvement des personnes et des biens. Mais il est aussi devenu
ces dernières années un objet central dans les légitimes préoccupations énergétiques et
environnementales.
Ainsi, cet ouvrage paraît à la fin d’un cycle lié aux moteurs thermiques, et probable-
ment au tournant d’une nouvelle révolution : les voitures électriques et les technologies
qu’elles embarquent sont à l’aube d’un développement important. Cette nouvelle auto-
mobile va transformer profondément nos vies et nos habitudes de mobilité, nos écono-
mies, nos industries, nos systèmes énergétiques, notre environnement.
L’ampleur de ces transformations va générer de la complexité pour l’ensemble des par-
ties prenantes : constructeurs automobiles, opérateurs de mobilité, opérateurs d’infras-
tructure routière, énergéticiens, décideurs politiques, clients, citoyens…
▶▶ Complexité des enjeux énergétiques : aura-t-on suffisamment d’électricité, de
sources d’énergie renouvelables, nos réseaux seront-ils résilients ? Comment vont
évoluer les mix énergétiques et les filières de production ? Comment vont cohabiter
électricité et hydrogène ?
▶▶ Complexité des enjeux environnementaux : les promesses de « propreté » de la voi-
ture électrique sont-elles tenables quand on considère l’ensemble de son cycle de vie
(du berceau à la tombe) ?
▶▶ Complexité des enjeux de ressources naturelles : aura-t-on les matériaux en quan-
tités suffisantes ? Saura-t-on extraire et utiliser ces ressources de manière propre,
durable et responsable ?
▶▶ Complexité dans l’aménagement des territoires : quels doivent être les choix de
transformation de l’espace public, des domiciles particuliers ou collectifs pour assu-
rer la recharge électrique ou la distribution d’hydrogène ?
▶▶ Complexités des modèles économiques : le coût des technologies d’électrification
va-t-il remettre en cause le modèle de possession individuelle au profit des trans-
ports en commun ou partagés ? Comment va évoluer le coût d’usage, dans un
VIII
Carla Gohin
vice-présidente Recherche et Innovation de Stellantis
IX
Introduction1
Le véhicule électrifié, une solution d’avenir
pour l’automobile ? 1
Anthony Juton, Fabrice Le Berr
Partie 1 25
État de l’art et perspectives des
motorisations pour voitures électriques 25
Xavier Rain, Sid-Ali Randi, Antoine Cizeron, Éric Gimet,
Fabrice Le Berr
4.1.1 Fonction 74
4.1.2 Structures usuelles et grandeurs déterminantes 77
4.1.3 Décomposition du coût 78
4.2 Limites des solutions actuelles pour l’intégration 80
4.2.1 Réduction des connectiques et perturbations
électromagnétiques81
4.2.2 Vieillissement des isolants et des roulements 82
4.2.3 Niveaux de tension employés 84
4.2.4 Perspectives en termes de fractionnement 85
4.3 Semi-conducteurs à large bande interdite 85
4.3.1 Comparaison des propriétés physiques des
différents semi-conducteurs d’électronique de puissance 86
4.3.2 A xes de recherche pour l’intégration des
composants « grand gap » au sein des machines 89
4.4 Conclusion 90
Partie 2 93
État de l’art et perspectives des batteries
de voitures électriques 93
Valérie Sauvant-Moynot, François Orsini, Anthony Juton
Partie 3 131
État de l’art et perspectives des chargeurs
de voitures électriques 131
Christelle Saber, Éric Labouré, Anthony Juton, Mimoun Asker,
Larbi Bendani, Damien-Pierre Sainflou, Najib Rouhana
12.5.7 C
aractéristiques globales d’un système de transmission
d’énergie par induction 193
12.6 Conclusion 196
Partie 4 197
Véhicule électrique et réseau électrique 197
Seddik Bacha, Régis Le Drezen, Cédric Léonard,
Damien-Pierre Sainflou
Partie 5 237
État de l’art et perspectives des véhicules
routiers fondés sur la pile à combustible 237
Olivier Béthoux
XVII
Annexes 293
Annexe 1 – Les machines électriques pour voitures
électriques 294
Xavier Rain
XVIII
XIX
XX
batterie
100 (kWh)
Puissance moteur thermique
Puissance Puissance moteur
moteur thermique kW)
80
kWh (Batterie)
électrique
Puissance moteur
électrique (kW)
60
40
20
0
ICE S&S HEV PHEV EREV EV
Notons que l’hybridation a été pour certains constructeurs le chemin vers le véhicule
tout électrique en permettant de réaliser la conception, l’industrialisation et le retour
d’expérience sur une électrification de plus en plus importante, dans la décennie précé-
dente où les batteries étaient insuffisamment performantes.
tenir les n
ombreux d émarrages, et le moteur thermique n’est que peu modifié. La voiture
ne peut pas rouler moteur thermique éteint, ce qui explique qu’on ne la classe pas dans
les véhicules électrifiés.
On parle parfois de micro-hybridation ou plus fréquemment de système Stop & Start (S&S).
simple système Start & Stop pour un surcoût toujours raisonnable (moteur, batterie et
électronique 48V, puissance de l’ordre de 10 kW). Suzuki annonce par exemple 20 %
de gains en consommation. La consommation WLTP de la Mercedes C200 avec un
moteur essence et un moteur électrique de 10 kW est de 6,6 L/100 km contre 7 L/100 km
pour la C180 à moteur essence classique, soit 6 % d’économie.
Certains prévoient l’apparition sur toutes les voitures thermiques de ce système bon
marché permettant des économies de carburant. Mercedes proposait déjà 8 modèles
équipés de son système Mild Hybrid EQ Boost en 2020, notamment pour tenter de
respecter les normes européennes d’émission de CO2.
Notons que si la majorité des constructeurs proposent des voitures full hybrid avec des
batteries et moteurs 230 à 400V, Continental propose un moteur 48V de 30 kW pour
des véhicules full hybrid [18].
Hybridation parallèle
Dans un véhicule à hybridation parallèle, le moteur électrique fournit du couple qui
s’ajoute au couple du moteur thermique (le plus souvent à essence). Le moteur élec-
trique peut être placé entre le moteur thermique et la transmission ( hybridation pré-
transmission), entre la transmission et les roues (hybridation post-transmission) ou
alors sur les roues arrière pour une traction (hybridation « par la route » ou « through
the road »), ce qui permet d’afficher un mode 4 roues motrices sans passer par un volu-
mineux et coûteux arbre de transmission traversant la voiture.
Les DS5 Hybrid 4 et Peugeot 508 Hybrid 4 étaient des hybrides parallèles par la route,
avec un moteur électrique de 27 kW monté sur l’essieu arrière. Les nouvelles Peu-
geot 3008 Hybrid 4 allient un moteur électrique monté dans la transmission avant et
un moteur électrique sur l’essieu arrière.
Sur une voiture hybride parallèle, la puissance maximale est le résultat de l’addition des
puissances des moteurs thermique et électrique, ce qui pour des véhicules économes
permet de dimensionner un moteur thermique de cylindrée plus faible que sur une
voiture thermique de puissance équivalente.
Hybride série
Sur une hybride série, le moteur thermique ne sert qu’à entraîner la génératrice char-
geant la batterie. Celle-ci, en phase de roulage, alimente le moteur électrique et recharge
la batterie. Le moteur thermique, complètement indépendant de l’arbre de transmis-
sion, fonctionne dans une zone proche de son rendement optimal, sans boîte de vitesse.
Cela suppose d’avoir un moteur électrique ayant la puissance maximale de la voiture,
et un moteur thermique et un alternateur dimensionnés pour la puissance nominale
du véhicule (puissance nécessaire pour aborder une longue rampe sur autoroute).
C’est pourquoi on trouve peu de voitures particulières hybride série. Nissan propose 5
au Japon la Note et le Serena e-power en hybride série (un moteur thermique et une
génératrice de 58 kW (78 ch), et un moteur électrique de traction de 80 kW pour une
consommation annoncée de 2,94 L/100 km).
Cette technologie ayant pour intérêt de faire fonctionner le moteur thermique à son
rendement maximum quel que soit le type de trajet, c’est sur des bus urbains que cet
avantage est exploité au mieux. Le bus Serie E de BAE Systems, utilise notamment ce
système d’hybridation série.
Renault proposait en 2020 des Kangoo et Master à prolongateur d’autonomie, avec une
pile à combustible.