Belmondo
Belmondo
Belmondo
l
SOMMAIRE
Couverture : Jean—Paul Belmondo. ®
Photo Toscani/Gamma.
H DOCUMENT
4 à 13 La P.M.E. Belmondo.
Simon—Gamma
merveilles : Classe tous risques, Le
Doulos, Pierrot le fou, Le Voleur, La
Sirène du Mississipi (où, en amoureux
fou transi et un peu dadais, il tient avec
génie un des plus beaux contre—emplois
qu‘on ait jamais offert à un acteur).
L‘Homme de Rio, en 1963, marque
une date. Au contact du cascadeur Gil
Delamare, Belmondo découvre ce que
la prouesse physigue peut apporter à
son personnage. Et, au fil des années,
un peu comme on tâtonne pour trou—
ver la composition d‘un cocktail, le
héros s‘est cherché pour s‘affirmer
enfin, définitif, inentamable, dans les
années 70. Les chefs d‘œuvre qui pré—
cédaient n‘étaient que des brouillons,
la recette est trouvée.
UNE RENCONTRE
HISTORIQUE
René Chateau : « J‘ai rencontré Belmon—
do en 1965, par Godard. Avant de faire
chaque film, Godard venait me voir parce
que j‘étais journaliste au magazine Lui,
responsable du cinéma mais aussi des
jolies femmes. Toutes les actrices qui
posaient dans Lui, c‘était moi qui les
persuadais. Dans les années 60, à chaque
film qu‘il faisait, Godard venait me voir
pour me demander ce que j‘avais comme
jJolies filles capables de tenir un rôle,
ce qu‘il en a toujours été très amateur.
ans Pierrot le fou, toutes les jolies filles
de la scène avec Samuel Fuller, c‘était
une réalisation René Chateau. C‘est là
que j‘ai connu Belmondo. Je l‘ai inter—
viewé pour le journal et l‘article a été
vendu dans le monde entier. Ensuite, j‘ai
lancé Bonnie and Clyde et nous nous
sommes retrouvés pour le tournage de
Ho. Depuis, nous ne nous sommes plus
quittés. »
A la base, il y a Belmondo,
comédien d‘un tempérament magnifi—
äu€ et cascadeur émérite, toujours
ans le même rôle de costaud gouail—
leur, flic ou voyou. Autour, il y a une
mise en scène anonyme, mais généra—
lement compétente (au mieux Deray
ou Lautner, au pire Verneuil), un
scénario primaire, mais rondement
mené, une actrice agréable à regarder
(ici, Carlos Sottomayor) et une musi—
que d‘Ennio Morricone. Le tout est
consommable. En tout cas consommé
à tour de bras.
« Avec Belmondo, explique René
Chateau, les gens savent qu‘ils vont en
‘avoir f0ur leur argent. Ils ont travaillé
toute la journée, ils sortent du boulot ;
.
ils veulent voir un film pour rêver,
oublier leurs soucis, échapper au quoti—
Belmondo prend l‘avis de C hateau. dien. Et si le « label Belmondo » existe,
Savoir lancer un film, c‘est un métier. titre, faire le plan du film—annonce etune ïnarginal, mais un marginal qui fait la
Il devrait exister des « managers de esquisse de la future affiche. Pour réali— Oi.
SUCCÈS ». ser une bonne affiche, il faut un bon Notons ensuite avec inquiétude que
C‘est exactement ce qu‘est René titre. Avec l‘accord du metteur en scène, . le film de Verneuil qu‘il tourne actuel—
Chateau, cheville ouvrière de la PME je change le titre s‘il ne convient pas. lement en Tunisie s‘appelle Les Morfa—
Belmondo. Un film par an, un homme Exemples, « Le piège à loup » est deve— lous: un bien bon titre, assure Cha—
à la barre, et ça marche. « Ma nu Docteur Popaul. « La mort de la teau, mais que signifie ce pluriel dans
méthode ? Chaque film est différent et bèête à la peau fragile » : Le Profession— un véhicule voué à la célébration d‘une
doit être traité de façon différente, avec nel. «Le Pigeon de la place Saint star qui ne partage la vedette avec
un maximum _ d‘imagination Marc » : Le Guignolo. « L‘Inspecteur personne ? Comprenons enfin pour—
(Exemple : sur l‘affiche du Profession— de la mer » : Flic ou voyou. Par contre, uoi les audaces d‘un Delon effarou—
nel, Belmondo a le flingue à la main ; nous avons gardé L‘Às des as ou Le chent tant la PME Chateau—
sur celle du Marginal, il le porte à la Marginal, qui sont de bons titres. » Belmondo: A la recherche du temps
ceinture). Quand j‘étais gosse, je choi— (Parenthèse. Notons, première— perdu, ou Du côté de chez Swann, quels
sissais d‘aller voir un film d‘après l‘af— ment, combien ces titres définissent, titres impossibles ! Il faudrait appeler
fiche, le film—annonce et les photos Ëar petites touches, le personnage de ça Le Baratineur ou Le Shnobinard —
devant le cinéma. Je ne l‘ai pas oublié. elmondo : guignolo et professionnel nous disons cela au hasard, Chateau
Dès la lecture du scénario, (sur le— à coup sûr, as des as certainement, il est trouverait certainement mieux...).
uel, d‘ailleurs, Belmondo intervient aussi, dans le système de production et Continuons la visite guidée. Le titre,
irectement), je dois pouvoir trouver le de distribution français, une sorte de l‘affiche, les films—annonce (refaits jus—
Ce quil faut
qu‘à ce qu‘ils satisfassent l‘exigeant
Chateau). La date de sortie, mainte—
nant: « C‘est simple, j‘essaie de prendre
la meilleure. Les gens vont davantage
au cinéma en hiver qu‘en été. Etje pense
Îire...
aussi aux films qui vont sortir. Pour Le
Marginal, je laisse Jpasser James Bond,
je laisse passer le Jedi et je commence
après. Il ne faut pas se concurrencer ».
René Chateau est modeste: il a
même réussi à faire changer la date de
sortie du Jedi pour ne pas être géné par
lui. « Pour le choix des salFes, c‘est
pareil. Toutes les salles demandent Bel—
mondo et certains bien intentionnés
nous ont accusés d‘en occuper trop.
Mais quand les salles sont pleines, il n‘y
en a jamais trop, par contre les salles
vides, c‘est la mort du cinéma. Et puis,
aujourd‘hui, quand un spectateur veut
voir un film, il veut le voir immédiate—
ment et, un mois plus tard, il a envie d‘en
voir un autre. C‘est triste, mais c‘est
comme ça. Personnellement, je préfère—
rais faire de plus petits circuits et de la
continuation, mais cela ne correspond
plus au besoins des spectateurs ».
Résumé : « Toute ma publicité est
basée sur la façon dont je m‘adresse au
public directement ».
Directement, cela veut dire aussi :
en évitant le filtre de la presse (en clair :
sans organiser de projection, à son
intention, comme il est d‘usage). C‘est
pourquoi vous ne lirez pas de critique
du Marginal dans ce numéro de Téléra—
ma. Crainte, diront de mauvaises lan—
gues, qu‘elle soit défavorable et ne
perturbe l’eulphorie d‘une première
semaine où la publicité seule a la
1£_)Êerle ? Pas du tout, c‘est pour ne pas
strer les journalistes d‘un plaisir
pourtant bien mérité, après toutes les
durasseries qu‘ils ingurgitent à lon—
gueur d‘année.
— Nous ne sommes pas contre la
presse. Je veux bien inviter les journa—
listes, mais le jour de la sortie, avec le
public. Ils voient alors le film dans une
grande salle, avec des gens qui sont
contents d‘être là, qui ont payé leur 2 1 4
d‘, F hn 7 /’m
place, dans les conditions réelles du 06 Sdup n ”— Er—1 Copte
spectacle qu‘ils n‘auraient pas dans une de Ze
toS0,. ce
"l/, V h.
vaEr Ir
salle privée pour 50 personnes.
Tout se tient, comme on voit, et tout
le monde est content. Avant de finir,
rappelons gentiment à Belmondo
— qui aime, citant Malraux, assurer
que le cinéma est un art, mais aussi une
industrie — que le cinéma n‘est pas
seulement une industrie, si florissante
soit—elle, mais aussi, parfois, un art. Achim von Arnim : Isabÿe_llÿeÿd‘{EgyÊ.eüet autres récits | Jean Racine : Théâtre completII
Voilà. Le sermon culturel est fini, vous Jean Freuçtie : L‘héritage du vent | Claude Roy : La traversée du Pont des Arts
Panaït Istrati : Damnilza:de SDÂgQ‘{ William Saroyan : Maman, je t‘adore
pouvez sortir en bon ordre et vous Herman Melville : Mardi 1 Henri Thomas : La vie ensemble
ranger, toujours en bon ordre, dans la
ueue du cinéma. Le Marginal se joue
äan_s 300 salles en France, vous avez le
choix. Emmanuel Carrère enfolio Ù
e ciiretieeet et Alain Rémond
® Lundi 31 octobre, TF1 diffuse Un singe
en hiver d‘Henri Verneuil avec Belmondä.
il y a toujours du nouveau
TELERAMA N° 1763 — 26 OCTOBRE 1983 13