Cas Pratique Droit 2022

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Danyl Belbachir 

: 2200788 Felix Defrain : 22009980


Leo Mersh-Meral : 22014571 Skander Ben Ali : 51811611

Cas pratique
Un contrat de bail a été conclu entre un commerçant et un propriétaire foncier en 1994 portant sur
des locaux parisiens d’une surface de 500 m2 dans lesquels le preneur à bail y exploite son fonds de
commerce ayant pour activité un bar, un restaurant et un salon de coiffure. Le contrat de bail prévoit
le versement d’un loyer annuel hors taxes et hors charges de 400 000 euros payable par trimestre à
terme échus. L’activité considérée génère un chiffre d’affaires annuel de 3 millions d’euros. Ledit
contrat stipule, à travers une clause résolutoire, qu’en cas de défaut de paiement du preneur à bail,
et si une seule échéance est impayée, la résiliation du bail pourra intervenir en l’absence de réponse
de plus d’un mois à un commandement de payer.
La crise sanitaire a conduit les commerces jugés « non-essentiels » tels que les bars et restaurants, à
fermer sur décisions des pouvoirs publics, à compter du 16 mars 2020, et ce, pour une période de 18
mois. Ainsi, en l’espèce, le preneur à bail exploitant un fonds de commerce ayant pour activités un
bar, un restaurant et un salon de coiffure et en application des dispositions légales et réglementaires
en vigueur durant la crise sanitaire, s’est vu contraint de fermer les portes de son commerce.

Première partie
 
En l’espèce, le 22 mars 2022, le locataire a reçu une assignation de son bailleur devant le tribunal
judiciaire de Paris en acquisition de la clause résolutoire en raison du défaut de paiement des loyers
dus sur la période allant du 16 mars 2020 et le 16 juin 2021, lesquels n’auraient pas été acquittés. Par
conséquent, le bailleur réclame une créance de 500 000 € HT, soit 600 k€ TTC correspondants aux
impayés susvisés.

Partie 1  :

Question n°1 : / La société demanderesse, en sa qualité de bailleur, peut-elle obtenir la résiliation


du bail ainsi conclu en invoquant le bénéfice de la clause résolutoire prévue aux termes du contrat
de bail pour défaut de paiement des loyers à compter du 16 mars 2020 jusqu’au mois de juin
2021 ? /

L’article L. 145-41 du Code de Commerce réserve la faculté aux parties à un contrat de bail d’y insérer
une clause résolutoire aux termes de laquelle elles peuvent convenir que le manquement du
locataire à une seule de ses obligations expressément visées par le bail emportera résiliation de plein
droit de celui-ci. À ce titre, l’article susvisé dispose que la résiliation de plein droit ne produit effet
qu’un mois après la signification d’un commandement adressé au locataire demeuré infructueux.

En l’espèce, la société GECITEM invoque une clause résolutoire permettant d’obtenir la résiliation du
bail en cas de défaut de paiement du preneur à bail à l’issue d’un délai d’un mois sans réponse à la
suite d’un commandement de payer prévue par le contrat de bail. En effet Monsieur Thomas n’a pas
réglé de loyers du 16 mars 2020 au 16 juin 2021. Il est donc assigné un an après le 20 mars 2022
devant le tribunal judiciaire de Paris.

Ainsi, la demande aurait pu être reçue positivement. Toutefois, l’article 4 de l’ordonnance n° 2020-
306 du 25 mars 2020 dispose que les clauses résolutoires ayant pour objet de sanctionner
l’inexécution d’une obligation contractuelle dans un délai déterminé, sont réputées dépourvues
d’effet si ce délai a expiré pendant la période dite d’urgence sanitaire, laquelle a fait l’objet de
prorogations successives. Les dispositions précitées s’appliquent, en vertu de l’article 14 de la loi n°
2020-1379, du 14 nov. 2020, aux personnes physiques et morales de droit privé exerçant une activité

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économique affectée par les mesures de polices administratives relatives prises durant période
d’état d’urgence sanitaire.
Autrement dit, en application combinée des dispositions légales et réglementaires précitées, les
commerçants ne peuvent encourir l’exécution d’une clause résolutoire en raison du défaut de
paiement de loyers et/ou charges locatives afférents à leur locaux professionnels et commerciaux.
Ceci a vocation à s’appliquer aux loyers et charges locatives dont l’échéance de paiement est
intervenue durant la période comprise du 12 mars 2020 jusqu’à 2 mois après la date de cessation de
l’état d’urgence sanitaire (cf. article 5 de l’ordonnance du 25 mars 2020 + article 14 de la loi du 14
nov. 2020). L’état d’urgence sanitaire a fait l’objet de prorogations successives. Initialement prévue le
15 novembre 2021, la loi n° 2021-1465 du 10 nov. 2021 a prorogé celui-ci jusqu’au 31 juillet 2022.

Ainsi en l’espèce, le contrat de bail prévoit une clause résolutoire emportant résiliation du contrat en
cas d’impayés de loyer. Le locataire ne s’est pas acquitté des loyers sur une période allant du 16 mars
2020 au 16 juin 2021. La période durant laquelle les impayés ont été constatés correspondant à la
période durant laquelle l’état d’urgence sanitaire a été décrété par les pouvoirs publics.

Par conséquent, en application des dispositions légales et réglementaire susvisées, la société


GECITEM, en sa qualité de bailleur, ne devrait pas pouvoir obtenir devant le juge judiciaire la
résiliation du contrat de bail en invoquant le bénéfice de la clause résolutoire prévue au contrat.

Question n°2 : / Quelles seraient les conséquences juridiques et financières si le bail donné à la
Société́ TMS était résilié́ ? /

Nous nous situons dans l’hypothèse où la société demanderesse obtient la résiliation du bail fondée
sur l’acquisition de la clause résolutoire.
La question qui se pose alors concerne les effets juridiques et financiers d’une résiliation du contrat
de bail.

L’article 1229 alinéa 3 du Code civil dispose que lorsque les prestations échangées ne pouvaient
trouver leur utilité que par l'exécution complète du contrat résolu, les parties doivent restituer
l'intégralité de ce qu'elles se sont procuré l'une à l'autre. Lorsque les prestations échangées ont
trouvé leur utilité au fur et à mesure de l'exécution réciproque du contrat, il n'y a pas lieu à
restitution pour la période antérieure à la dernière prestation n'ayant pas reçu sa contrepartie ; dans
ce cas, la résolution est qualifiée de résiliation. Autrement dit, la résiliation anéantit le contrat
seulement pour l’avenir et n’a aucun effet rétroactif. Il n’y aura donc pas lieu à une restitution.
Contrairement à la résolution du contrat qui sanctionne l’inexécution du contrat de manière
rétroactive et donne lieu à des restitutions.

En l’espèce, le contrat de bail a été signé il y a plus de vingt ans et dans la mesure où il a duré si
longtemps, l’utilité du contrat a été prouvée. Le défaut de paiement de loyers est survenu dans le
contexte de la crise sanitaire et ne remet donc pas l’utilité du contrat en question.

Il y aura donc fin du contrat de bail. Monsieur Thomas devra quitter les locaux à la date de la
résiliation du contrat.

Question 3 : / La Société GECITEM a-t-elle des chances d’obtenir le paiement de sa créance de


500.000 € HT correspondant aux loyers impayés pendant la période COVID ? /
La question qui se pose est celle de savoir si la société GECITEM pourra obtenir le paiement de sa créance de
500 000 euros hors taxe correspondant aux loyers impayés durant la période COVID.
Autrement dit, le preneur à bail peut-il légitimement invoquer l’impossibilité d’exploiter son commerce durant
la crise sanitaire - et, in fine, de générer un chiffre d’affaires durant cette période – pour justifier la suspension
unilatérale des loyers dus au titre de cette période ?

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Afin de faire face à la crise sanitaire, l’article 14 de la loi n° 2020-1379 du 14 nov. 2020 prévoit, pour
certains locataires commerciaux exerçant une activité économique affectée par une mesure de police
administrative, la neutralisation des sanctions contractuelles tel que la clause résolutoire dont
disposent, en principe, les bailleurs afin de sanctionner un défaut de paiement de loyers/charges
locatives.
Néanmoins, aucune disposition légale ou réglementaire adoptée dans le cadre de la crise sanitaire
n’a remis en cause l’obligation de paiement des loyers dus durant cette période de restrictions. La
jurisprudence la plus récente s’est prononcée en faveur du maintien de l’obligation de paiement des
loyers dans les périodes de fermetures administratives imposées par les pouvoirs publics durant la
crise sanitaire dans des espèces où le preneur à bail avait – de manière unilatérale – suspendu le
paiement des loyers durant la période de fermeture administrative (TJ La Rochelle, 23 mars 2021, n°
20/02428 ; CA Lyon, 31 mars 2021, n° 20/05237).

En l’espèce, si la crise sanitaire a permis à Monsieur Thomas de ne pas faire appliquer la clause
résolutoire du contrat, la question des loyers dus lors de cette période peut être traitée.

La question qui se pose donc concerne les contestations possibles que peut opposer le bailleur afin
de faire obstacle au paiement des loyers non acquittés.
A ce titre, nous verrons tout d’abord, la force majeure, puis, l’hypothèse de la perte des lieux loués
puis le cas de l’exception d’inexécution puis l’hypothèse de la bonne foi.
Tout d’abord, concernant la force majeure, dans certains cas, le locataire prétendait que la pandémie
constituait un évènement de force majeure le dispensant, par voie de conséquence, d’avoir à régler
les loyers. L’une des caractéristiques de la force majeure – irrésistibilité – faisait défaut en l’espèce.
La caractérisation de l’irrésistibilité nécessite l’appréciation de la situation financière et comptable de
celui qui se prévaut de la force majeure. De plus, au cas particulier, la CA de Lyon rappelle que
l’obligation pécuniaire était toujours susceptible d’être exécutée relevant que de « simples difficultés
d’exécution provisoires » ne relèvent pas de la force majeure. Point à nuancer toutefois car certaines
juridictions ont pu admettre la force majeure (Tribunal judiciaire de Toulouse, 26 nov. 2020, n°
20/01121).

Concernant la perte des lieux loués, l’article 1722 du Code civil a une approche restrictive de cette
notion laquelle semble limitée, par la décision de la Cour d’appel de Lyon, à la conception matérielle
de la destruction de l’immeuble : « l’impossibilité d’exploitation ne [peut aucunement] être assimilée
à une destruction sauf à détourner de leur sens les dispositions précités ». La décision de la Cour
d’appel de Lyon apparaît contraire à d’autres décisions rendues en la matière et aux termes
desquelles les juridictions ont pu admettre qu’une décision administrative ordonnant la suspension
de l’exploitation d’un commerce équivalait à la perte de la chose louée (Tribunal judiciaire de La
Rochelle, 23 mars 2021, n° 20/02428).

Et concernant l’exception d’inexécution défini à l’article 1219 du Code civil comme suit une partie
peut refuser d’exécuter son obligation, alors même que celle-ci est exigible si l’autre n’exécute pas la
sienne et si cette inexécution est suffisamment grave. Les juges du fond ont estimé qu’en pareille
situation, l’impossibilité temporaire d’exploitation ne résultant pas du fait du bailleur, mais de
décisions prises par les pouvoirs publics afin de lutter contre la crise sanitaire et «  sur lesquelles le
bailleur n’[avait] aucune prise ».

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Puis, le locataire pourrait éventuellement invoquer bonne foi (l’article 1104 du Code civil), principe
essentiel qui régit la bonne exécution d’un contrat et en l’espèce le contrat de bail. La jurisprudence
est constante à ce sujet (Chambre de cassation, 3 ème chambre civile, 15 décembre 2016) et considère
que « la règle selon laquelle les conventions doivent être exécutées de bonne foi permet au juge de
sanctionner l’usage déloyal d’une prérogative contractuelle (pour autant) elle ne l’autorise pas à
porter atteinte à la substance, même des droits et obligations légalement convenus entre les
parties ». Concernant la crise COVID, le Tribunal judiciaire de Strasbourg a tout de même limité
l’impact du devoir de bonne foi en considérant qu’il ne doit pas remettre en cause la force obligatoire
du contrat.
Ainsi, le juge réalise une analyse casuistique des comportements des parties.

Il s’agit simplement de différents arguments invoqués dans la jurisprudence récente sur le sujet qui
ne permette pas d’avoir une solution exacte mais qui rappelle l’importance de l’appréciation
souveraine des juges du fond. Si le locataire souhaite s’opposer au paiement des loyers, il a tout
intérêt à justifier de sa situation économique.

En l’espèce, les paiements des loyers ont été suspendus durant la période de fermeture
administrative à la suite d’une décision unilatérale de Monsieur Thomas.
Les différents motifs précédemment invoqués semblent difficiles à retenir au regard de la
jurisprudence invoquée. Toutefois, les juges du fond pourront apprécier la situation économique du
Monsieur Thomas qui réalise, généralement, un chiffre d’affaires annuel de 3 millions d’euros lui
permettant de couvrir son loyer annuel de 600 000€ TTC. Le loyer semble tout de même très
onéreux. Aucun élément n’est mentionné sur d’éventuelles difficultés de paiement préalables à la
crise du covid ce qui laisse comprendre que la suspension du paiement des loyers est probablement
liée à l’arrêt de son activité pendant un an et demi. Il pourra également invoquer le fait que la prise
de l’activité a été progressive et n’a pas permis de compenser la perte due à la fermeture.

En conclusion, il est difficile d’avoir un avis tranché sur la question. Les juges du fond apprécieront la
situation.

Deuxième Partie 2

Le preneur à bail souhaite vendre son fonds de commerce à la suite des difficultés financières
découlant de la crise du covid. Toutefois, il souhaite informer le potentiel acheteur, que la marque de
son commerce a été déposée il y a 5 ans, ainsi que le nom qui apparait sur la devanture de
l’immeuble. De plus, il a réservé le nom du domaine éponyme auprès de l’AFNIC.

Dans l’hypothèse où le potentiel cédant viendrait à céder son fonds de commerce, la vente
considérée emporterait-elle transfert automatique de la marque déposée, de l’enseigne (i.e. nom
apparaissant sur la devanture) et du nom de domaine éponyme réservée auprès de l’AFNIC (a), du
stock de marchandises restants et du matériel acquis avant la cession (b) ainsi que de la dette de
loyer (c) ?

Pour traiter la question, il convient de distinguer les éléments incorporels constitutifs du fonds de
commerce des éléments corporels du fonds de commerce.

Tout d’abord concernant la marque déposée, enseigne et nom de domaine éponyme qui sont les
éléments incorporels constitutifs du fonds de commerce.

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Un fonds de commerce est défini à l’article L141-5 du Code de commerce comme étant l’ensemble
des éléments corporels et incorporels affectés à l’exploitation d’une activité commerciale ou
industrielle. Ces éléments sont souvent inséparables et constituent la valeur du fonds. La cession
d’un fonds de commerce consiste ainsi à vendre l’ensemble de ces éléments constitutifs.
Parmi les éléments incorporels susceptibles de composer le fonds de commerce, figurent la clientèle,
la marque, l’enseigne ainsi que le nom de domaine.
En principe, la cession du fonds de commerce emporte transfert, de plein droit, des éléments
constitutifs précités au profit de l’acquéreur. Toutefois, possibilité pour le cédant de détailler dans le
contrat avec des clauses spécifiques, les éléments incorporels qu’ils ne souhaitent pas voir transférer
simultanément à la cession du fonds de commerce.

En l’espèce, Monsieur thomas a déposé sa marque, son enseigne et le nom de domaine. Aucune
clause contraire semble prévue dans le contrat.
Il y aura donc un transfert automatique.

b) Stock de marchandises restant et matériels dont l’acquisition a précédé la cession qui sont
éléments corporels constitutifs du fonds de commerce.

Il s’agit du même raisonnement. Toutefois, il convient de préciser que les marchandises doivent faire
l’objet d’un inventaire détaillé et estimatif

c) Dette de loyer de 600 k€ TTC.

En raison du contexte sanitaire, une dette de 500 000 euros HT correspondant aux loyers impayés est
née. La question qui se pose est celle de savoir si la vente du fonds de commerce emporte également
la dette.
La cession du fonds de commerce n’emporte pas non plus la cession des contrats liés à l’exploitation
de ce fonds (Cass. com., 4 mars 2020 n° 18-24.557). Le transfert d’un contrat est soumis à l’accord de
l’acquéreur et du tiers cocontractant de poursuivre entre l’exécution dudit contrat.
Les obligations sont exclues du fonds de commerce, de sorte que sa cession n’emporte pas transfert
des dettes antérieures – quand bien même elles seraient liées à l’exploitation du fonds –, sauf clause
expresse contraire. La Cour de cassation a eu l’occasion de statuer sur ce point en jugeant que, « en
l’absence de clause expresse, la vente d’un fonds de commerce n’emporte pas, de plein droit,
cession à la charge de l’acheteur du passif des obligations dont le vendeur peut être tenu en raison
des engagements souscrits par lui » (Cass. com., 7 juillet 2009, n° 05-21.322). La jurisprudence est
constante sur ce point (Cass. com, 2 février 2022, n° 20-15.290). Dit autrement, à défaut de clause
prévoyant que le cessionnaire assumera les dettes dont le cédant avait la charge, c’est à ce dernier
d’en supporter le paiement.
En l’espèce, le cédant est redevable d’une dette de 600 k€ TTC laquelle correspond aux loyers
impayés durant la période de crise sanitaire, le cédant ayant suspendu unilatéralement l’exécution
de l’obligation contractuelle mise à sa charge aux termes du contrat de bail conclu en 1994.
La présente dette est issue de ce contrat.

Par conséquent, en application des dispositions jurisprudentielles précitées, la cession du fonds de


commerce n’emporterait pas transfert automatique du contrat de bail et de ces obligations
inexécutées par le cédant, à moins que ne soit prévue, aux termes du contrat de cession, une clause
expresse en ce sens.

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