CahiersDeDouai Guide Pedagogiquepdf
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RIMBAUD
Cahiers de Douai (1870)
GUIDE PEDAGOGIQUE
établi par Johan Faerber
Ophélie ............................................................................................................................................................................ 17
Bal des pendus............................................................................................................................................................. 18
Le Châtiment de Tartufe.......................................................................................................................................... 19
Les Reparties de Nina ............................................................................................................................................... 19
À la musique ................................................................................................................................................................. 20
Les Effarés ..................................................................................................................................................................... 20
Rages de Césars........................................................................................................................................................... 21
Au Cabaret-Vert .......................................................................................................................................................... 22
La Maline........................................................................................................................................................................ 22
L’Éclatante Victoire de Sarrebrück ..................................................................................................................... 23
Le Buffet ......................................................................................................................................................................... 24
L’avant-texte
Composé des rubriques « Qui est l’auteur ? », « Quel est le contexte historique ? », « Quel est le
contexte littéraire et artistique ? », « Pourquoi vous allez aimer ces cahiers », l’avant-texte amène
l’élève progressivement à la lecture des poèmes.
Au fil du recueil : « 3 questions pour vous guider » et « Clés pour l’oral du bac »
• Chaque poème est introduit, annoté et suivi – sauf à être associé à la rubrique « Clés pour l’oral du
bac » – de « 3 questions pour vous guider », qui ciblent les points clés de l’analyse.
Les réponses à ces questions figurent dans ce guide, p. 15.
• La rubrique « Clés pour l’oral du bac » permet d’interroger six poèmes emblématiques, selon les
exigences de l’explication de texte orale au bac. Structuré en fonction de la progression du texte, le
questionnaire comprend alors une série de questions d’analyse littéraire, suivies d’une question de
grammaire type bac. Deux questions finales, en faisant le lien avec le thème du parcours, visent à
préparer l’élève à la dissertation. Toutes les questions sont par ailleurs associées à une aide permettant
à l’élève de travailler en autonomie.
Les corrigés des « Clés pour l’oral du bac » figurent dans ce guide, p. 25.
Le bilan de lecture
• À travers une dizaine de questions simples, le bilan permet de vérifier que l’élève a perçu et
mémorisé les caractéristiques clés de l’œuvre.
• Le corrigé de ce bilan de lecture figure dans ce guide, p. 46.
À travers 12 poèmes de poètes et de poétesses, le parcours retrace les trois principales étapes de cette
émancipation qu’a connue la poésie à compter du XIXe siècle, dans le sillage de Rimbaud :
1. la rupture avec l’ordre établi ;
2. l’invention de nouvelles formes poétiques ;
3. la redéfinition du langage lui-même.
• Le dossier inclut :
– une série de « fiches de lecture » permettant à l’élève d’explorer les différents aspects du recueil et
de le mettre en perspective par rapport au thème du parcours associé ;
– des prolongements artistiques et culturels, en lien avec le thème du parcours ;
– une rubrique « Sujets de bac » permettant de pratiquer les exercices du bac sur des sujets se
rapportant à l’œuvre ou au parcours.
• Les corrigés des différents sujets de bac figurent dans ce guide, p. 52.
Cette proposition de séquence s’organise autour de cinq étapes majeures réparties sur treize séances.
Au fil des étapes, les élèves sont amenés à pratiquer les différents exercices du bac de français.
Mises en activité
• Qui est « l’homme aux semelles de vent » ?
Deux exposés possibles :
> Qui est Rimbaud ?
> Qui est Verlaine ?
• Découverte d’un premier poème
Faire découvrir individuellement le second poème du recueil, « Sensation ».
Puis le faire lire à voix haute par des élèves volontaires, faire commenter l’interprétation.
Mises en activité
• Lecture cursive des 4 poèmes
Cette lecture s’accompagne de la recherche de trois procédés majeurs : la satire, le réquisitoire et
le pathétique. Définir les termes et demander de les préciser à l’aide d’exemples tirés des poèmes.
• Lecture comparative
Mener une lecture comparative de : « Morts de Quatre-vingt-douze » et « Le Dormeur du Val ».
Faire mettre en évidence les points communs :
> le sujet : dénonciation de la guerre contre la Prusse et de Napoléon III, son commanditaire ;
> l’effet de chute.
Puis les traits spécifiques :
> référence à des soldats morts sous la Révolution vs à un jeune soldat de la guerre de 1870 ;
> succession d’apostrophes exprimant une indignation véhémente
vs tableau champêtre ne dévoilant qu’à la fin le message pacifiste.
→ Corrigés des questionnaires des « Clés pour l’oral », p. 33 et 40
Première soirée
→ p. 17-18
Sensation
→ p. 19
• Cette dimension du rêve explique la formule « j’irai loin, bien loin » (v. 7). Il s’agit d’une évasion par
la pensée.
3. Quelles remarques pouvez-vous faire sur la structure du dernier vers et la comparaison finale ?
• Le vers débute par un rejet externe : « Par la Nature », qui met fortement en valeur le groupe
nominal.
• Séparée de ce groupe par un tiret, la comparaison : « heureux comme avec une femme » est
également en position de rejet externe, puisqu’elle se rapporte grammaticalement au « je » de
« j’irai ». Cette comparaison projette, par moquerie, la sensualité du promeneur sur la Nature, et non
sur la femme.
Le Forgeron
→ p. 20-29
3. Quelles sont les caractéristiques de ce poème qui permettent de le considérer comme un poème
épique ?
• Par ses agrandissements (le peuple, la « Crapule ») et par la transfiguration du Forgeron.
• Par ses enjeux collectifs (la chute de la royauté, l’espoir d’un monde meilleur).
• Par son style souvent hyperbolique.
Soleil et chair
→ p. 30-37
Ophélie
→ p. 38-41
Le Châtiment de Tartufe
→ p. 46-47
1. Comment la description de Tartufe dans les deux premiers quatrains suggère-t-elle son
comportement ?
• Dès le vers 1, Tartufe est décrit en mouvement, en pleine action (les deux quatrains forment une
seule phrase), pris sur le vif, comme le suggère la répétition (« Un jour qu’il s’en allait » (v. 3 et 5), et
les verbes d’action « tisonnant », « bavant »). Tartufe est ainsi pris en flagrant délit.
• L’acte répétitif (« tisonnant »), l’emploi des adjectifs dévalorisants « jaune », « édentée » et
« moite » et l’oxymore « effroyablement doux » laissent entendre que Tartufe a un comportement
douteux et caché qui lui procure un état « heureux ».
À la musique
→ p. 60-63
Les Effarés
→ p. 64-66
Rages de Césars
→ p. 85-86
Au Cabaret-Vert
→ p. 94-95
La Maline
→ p. 96-97
Le Buffet
→ p. 100-101
1. Venus Anadyomène
EXPLIQUER LE TEXTE
I L’émergence d’une tête (premier quatrain)
1. De quel objet Vénus émerge-t-elle ?
• Dans la mythologie grecque, la naissance de Vénus, déesse de l’Amour, est dépeinte au milieu des
flots, parfois posée sur un coquillage comme chez Botticelli. Loin de ce mythe dominé par le registre
merveilleux, Rimbaud choisit de montrer une Vénus prosaïque et quotidienne. Ainsi apparaît-elle dans
le poème au sortir d’un bain pris dans une vieille baignoire bon marché. La déesse n’a alors plus rien
de divin ni de majestueux.
• Cette baignoire est comparée au vers 1 à « un cercueil en fer blanc ». Cette comparaison, qui renvoie
à l’image de la mort, prend le contre-pied du mythe de la naissance de Vénus.
3. Montrez que la vulgarité du maquillage et de la coiffure contraste en tous points avec la blondeur
et la pureté traditionnelle de Vénus.
• Rimbaud poursuit sa relecture du mythe en inversant les valeurs : Vénus, déesse de la Beauté, est
métamorphosée ici en déesse laide et vulgaire.
• Dans la mythologie grecque, Vénus se remarque par sa perfection physique et naturelle, mais la
Vénus de Rimbaud tente ici de cacher ses défauts physiques : elle est dépeinte, laide et vieille, avec
« des déficits assez mal ravaudés » (v. 4) que son maquillage outrancier ne réussit donc manifestement
pas à masquer.
• La chevelure blonde de la Vénus peinte par Botticelli est devenue brune (v. 2) chez Rimbaud. Les
cheveux, loin de flotter au vent de la mer, sont « fortement pommadés » (v. 2), c’est-à-dire gras et
luisants.
• Enfin, le regard traditionnellement pensif et doux de la déesse est remplacé par un air « bête » (v. 3).
5. a. Quelles sont les différentes parties du corps qui émergent progressivement de l’eau ?
• Le second quatrain s’organise autour de l’énumération des différentes parties du corps de Vénus qui
émergent progressivement et maladroitement (« lente », v. 3) de l’eau : « le col », « les omoplates »,
« le dos » et « les reins ».
• Ces différentes parties du corps ne renvoient pas à l’idéal poétique féminin. La poésie ne fait que
rarement mention des « omoplates » ou encore du « col », termes qui relèvent d’un vocabulaire
anatomique utilisé par la médecine ou pouvant décrire un animal.
12. Pourquoi peut-on dire que la chute finale est audacieuse ? Sur quels procédés repose-t-elle ?
La chute du sonnet, dite pointe, offre traditionnellement une surprise finale qui éveille l’intérêt du
lecteur. Ici, Rimbaud achève son sonnet sur le mot « anus », proscrit en poésie, indiquant ainsi qu’il se
moque des codes de l’idéal de la beauté classique. En faisant également rimer deux mots antithétiques
(« Venus » rime avec « anus »), le poète entend prendre le contre-pied et se moquer ouvertement des
codes de la tradition lyrique.
LA QUESTION DE GRAMMAIRE
13. GRAMMAIRE • Le premier tercet forme une seule phrase complexe. Analysez-la.
• On relève quatre verbes conjugués à un mode personnel (soulignés ci-dessous) :
« L’échine est un peu rouge, et le tout sent un goût
Horrible étrangement ; on remarque surtout
Des singularités qu’il faut voir à la loupe… »
On en déduit que la phrase est composée de quatre propositions.
• Les deux premières propositions sont indépendantes, coordonnées par « et ».
• La proposition qui suit (« on remarque surtout des singularités ») est juxtaposée à la précédente par
l’intermédiaire d’un point-virgule. Elle introduit une proposition subordonnée relative « qu’il faut voir
à la loupe », introduite par le pronom relatif « qu’». Cette relative est en fonction d’épithète (elle
détermine le sens de l’antécédent « singularité », on ne peut donc pas la supprimer).
14. LEXIQUE • Relevez les termes anatomiques qui peuvent s’appliquer aussi bien à un être humain
qu’à un animal.
Rimbaud cherche dans ce sonnet à remettre en question la vision souvent idéalisée de la beauté
classique. Pour ce faire, il procède à une animalisation du corps de la déesse Vénus. Cinq termes
renvoient ici explicitement au vocabulaire anatomique animal : « bête », « col », « échine », « reins »
et « croupe ». Le but est de dévaloriser la figure divine.
16. a. Lisez, dans le parcours, le texte de René Char « Tu as bien fait de partir, Arthur Rimbaud ! »
(→ texte 1, p. 111). Indiquez à quels éléments de la vie de Rimbaud Char fait référence.
Le poème en prose de René Char met l’accent sur les fugues de l’adolescent Rimbaud qui, à plusieurs
reprises, a quitté le foyer familial sans aucune autorisation. Char met ainsi en exergue la liberté du
jeune poète en quête de renouveau et d’absolu qui se nourrit par l’exploration du monde.
b. Quelle attitude de Rimbaud, louée par René Char, s’illustre dans ce sonnet ?
L’attitude de Rimbaud louée par Char est double : il est d’abord le poète du refus des conventions. Il
décide de partir pour ne pas se soumettre à la rigueur des codes bourgeois de la vie en société. Il est
enfin le poète irrévérencieux qui défie la société elle-même. « Venus Anadyomène » répond de cette
double attitude à travers sa relecture satirique du mythe de la naissance de Vénus : le jeune poète
refuse les codes de la beauté classique et en joue de manière irrévérencieuse, n’hésitant à provoquer
en retournant l’éloge attendu de la beauté en vulgarités corporelles.
2. Roman
EXPLIQUER LE TEXTE
I. L’insouciance adolescente (section I, v. 1-8)
1. À quelle personne le poète narre-t-il son aventure ? Quel est l’effet produit ?
Le premier vers du poème (« On n’est pas sérieux, quand on a dix-sept ans. ») semble se présenter
d’abord comme une confidence autobiographique, mais l’emploi et la répétition du pronom indéfini
« on » modère cette première impression pour suggérer une expérience plus large, universelle, à
laquelle le lecteur peut s’identifier. Le choix du « on » - et non l’emploi du « je », cher aux poètes
romantiques pour exprimer leurs états d’âme - révèle aussi le souhait de Rimbaud d’opérer une
distance critique et de s’écarter des codes lyriques traditionnels pour relater avec ironie ses premiers
élans amoureux.
b. Pourquoi le poète rentre-t-il dans les cafés qu’il fuyait dans le premier quatrain ? En quoi les
boissons qu’il consomme alors contrastent-elles avec l’ivresse du vers 14 ?
• Le poème se construit de manière circulaire en s’achevant sur le lieu (les cafés) que le poète fuyait
au début. S’ils étaient auparavant pour l’adolescent synonymes d’une vie qu’il cherchait à fuir tant elle
était peu conforme à ses désirs, les cafés représentent à présent un refuge où, dépité, le poète se
console dans la boisson.
• Le « champagne » du vers 14 semble bien loin : le poète retourne piteusement et ironiquement à ses
bières et à sa limonade du début, signifiant la fin de l’idéal amoureux et le retour à une vie ordinaire.
LA QUESTION DE GRAMMAIRE
13. GRAMMAIRE • Relevez et analysez une subordonnée conjonctive circonstancielle dans la phrase :
« L’air est parfois si doux, qu’on ferme la paupière » (v. 6).
• La phrase comprend deux verbes, donc deux propositions :
– une principale (« L’air est parfois si doux » ;
– une subordonnée (« qu’on ferme la paupière »).
Cette subordonnée est introduite par la conjonction de subordination « qu’» associée à l’adverbe
corrélatif « si »
• Elle exprime la conséquence du fait exprimé dans la principale ; on peut en effet reformuler ainsi la
phrase : La douceur de l’air conduit à fermer la paupière. Cette proposition subordonnée conjonctive
est donc complément circonstanciel de conséquence.
14. LEXIQUE • Dans la section III, relevez les mots (verbes, noms, adjectifs) exprimant le mouvement.
La section III repose sur l’opposition entre l’attitude statique du poète et celle « alerte » de la jeune
fille. Rimbaud souligne celle-ci en multipliant les termes exprimant le mouvement (« passe »,
« trotter » et « tourne ») et en caractérisant ce mouvement de « vif ».
16. Comparez ce vocabulaire avec celui utilisé par Blaise Cendrars dans l’extrait de Prose du
Transsibérien et de la petite Jehanne de France (→ texte 5, p. 120).
Cette liberté lexicale de Rimbaud n’a cessé d’influencer d’autres poètes de la modernité. C’est le cas
notamment de Blaise Cendrars qui, dans l’extrait présenté ici de la Prose du Transsibérien et de la
petite Jehanne de France, n’hésite pas à mêler mots savants et vocabulaire familier. On relève ainsi
l’usage de termes rares comme « le temple d’Éphèse » (v. 9) ou encore « une fournaise de glaives » (v.
23). Cependant, un vocabulaire ordinaire et simple domine le reste du poème : « J’avais faim » (v. 15)
ou encore, à propos de verres : « j’aurais voulu les boire et les casser » (v. 18). Cendrars souhaite ainsi
s’émanciper des pesantes conventions poétiques.
3. Morts de Quatre-vingt-douze…
→ p. 73-74 (texte) ; p. 75-78 (questionnaire)
EXPLIQUER LE TEXTE
I. Un hommage aux morts (premier quatrain)
1. À qui Rimbaud s’adresse-t-il précisément ?
• Rimbaud apostrophe les soldats de « Quatre-vingt-douze » et « Quatre-vingt-treize » qui ont
participé à la Révolution française. En 1792, les soldats de la Révolution ont dû défendre la France
contre les armées étrangères qui cherchaient à restaurer la monarchie. 1793 fait également référence
à la Révolution française, notamment à la période dite de la « Terreur ».
• Afin de leur rendre hommage, Rimbaud glorifie le combat de ces soldats pour la liberté, notamment
au vers 3. Il loue leur capacité à résister et à se défaire de la tyrannie dont ils brisent « le joug » (v. 3).
• Rimbaud achève la présentation des soldats de la Révolution en soulignant leur classe sociale par un
détail vestimentaire : il rappelle au vers 3 qu’ils sont chaussés de « sabots » qui désignent les
chaussures de bois des paysans. Le but est ici de souligner qu’ils appartiennent au peuple.
10. Quel reproche le poète adresse-t-il à ce « Nous » ? En quoi faut-il s’en libérer ?
Rimbaud passe ainsi de l’éloge des soldats révolutionnaires au blâme d’une France contemporaine qui,
loin de la République, subit de nouveau un régime monarchique. Afin de souligner la violence de cette
situation, Rimbaud fait rimer « République » au vers 12 avec « trique » au vers 13. Les Français
subissent une situation violente, symbolisée par cette trique qui dénonce l’oppression physique du
pouvoir royal. Le poète appelle donc le peuple à se libérer de cette injustice que les soldats de la
Révolution n’avait pas acceptée.
13. Pourquoi Rimbaud date-t-il son poème du 3 septembre 1870 de la prison de Mazas ?
• Rimbaud date son poème du 3 septembre 1870, c’est-à-dire entre la défaite du Second Empire face
à la Prusse qui a lieu le 2 septembre et la date de la proclamation de la IIIe République, le 4 septembre.
• Rimbaud a été incarcéré à la prison de Mazas lors d’une de ses fugues. Mais cette référence à
« Mazas » pourrait peut-être aussi signifier que le poète souhaite se faire l’ardent défenseur de la
démocratie et de la République et qu’il est en détention pour avoir combattu contre l’Empire, à l’image
des soldats révolutionnaires.
LA QUESTION DE GRAMMAIRE
13. GRAMMAIRE • Analysez la proposition subordonnée relative ci-dessous : « dont les cœurs
sautaient d’amour sous les haillons » (v. 6).
• Cette proposition subordonnée relative, introduite par le pronom relatif « dont », est organisée
autour du verbe « sautaient ». Elle est régie par une proposition principale qui inclut les différentes
apostrophes « Mort de Quatre-vingt-douze […] », « Hommes extasiés […] », « Vous [..] », etc. mais
dont le noyau verbal n’apparaît qu’au vers 12 : « Nous vous laissions dormir ».
• Cette relative a pour antécédent le pronom « vous » : c’est une relative adjectivale en fonction
d’épithète du pronom.
• La fonction du pronom relatif dans la subordonnée relative est complément du nom « cœurs », ce
que l’on peut vérifier en opérant ce remplacement littéral : les cœurs de vous (les Morts de Quatre-
vingt-douze) sautaient d’amour sous les haillons.
• Rimbaud s’inspire de l’éloquence épique de Hugo et de la tonalité satirique de son poème qui
dénonce la barbarie de Napoléon III et son cynisme.
• La modernité du poème de Rimbaud tient en grande partie à sa construction originale : les treize
premiers vers célébrant les morts de la République sont interrompus brutalement par l’apostrophe
des trois derniers vers qui crée une violente rupture pour impliquer ces morts dans une actualité
polémique.
4. Le Mal
→ p. 79-80 (texte) ; p. 81-84 (questionnaire)
EXPLIQUER LE TEXTE
I. Un massacre (vers 1 à 6)
1. Commentez l’image contenue dans le premier vers.
Le massacre est décrit dès le premier vers par un double procédé littéraire. Une métaphore assimile
les balles tirées contre les bataillons à des « crachats rouges ». La violence de cette image s’appuie
ensuite sur un second procédé, l’hypallage, qui consiste à prêter des qualités propres d’un élément à
un autre : ici les « crachats rouges » ne sont pas ceux de la mitraille, mais ceux des corps criblés par les
balles des fusils.
LA QUESTION DE GRAMMAIRE
11. GRAMMAIRE • Relevez et analysez les propositions subordonnées conjonctives circonstancielles
contenues dans les six premiers vers.
• On relève deux fois la conjonction de subordination « tandis que », au début des vers 1 et 5
(anaphore) et une fois la reprise de cette conjonction sous la forme d’un simple « qu’ » (v. 3).
Ces conjonctions introduisent trois subordonnées conjonctives ayant pour noyaux respectifs
« sifflent », « croulent », « broie » ; le verbe « fait », coordonné au précédent par « et », peut être
considéré comme le noyau d’une quatrième subordonnée conjonctive, dans laquelle la conjonction de
subordination et le sujet sont sous-entendus (= tandis qu’une folie épouvantable fait de cent milliers
d’hommes un tas fumant).
• Les subordonnées sont régies par la principale au début du premier tercet : « – Il est un Dieu […] ».
• Elles sont toutes complément circonstanciel de temps.
12. LEXIQUE • Relevez les cinq adjectifs de couleur et commentez leur emploi.
On relève cinq adjectifs de couleur : « rouges », « bleu », « écarlates », « verts » et « noirs », qui
renvoient à des couleurs vives, bien tranchées et soulignent la violence inouïe des batailles. Ces
adjectifs participent au procédé de l’hypotypose (procédé qui consiste à décrire une scène de manière
si vive que le lecteur a l’impression de l’avoir sous les yeux) utilisé ici par Rimbaud pour dénoncer
l’insoutenable barbarie de cette guerre déclenchée par l’Empereur.
14. Lisez le texte 4, p. 117. Comparez la position de Rimbaud et celle de Mallarmé vis-à-vis de Dieu.
• L’athéisme de Mallarmé tel qu’il s’exprime dans « L’Azur » se caractérise par un double mouvement.
Tout d’abord, le poète déplore son « âme vide » : il erre sur terre sans savoir ce qu’il doit faire, sans
but aucun. Son désœuvrement est lié au vide de son âme qui renvoie au vide du ciel. Le malaise
existentiel n’est que le reflet d’un malaise religieux : « Le Ciel est mort » (v. 21).
• Rimbaud exprime, dans le sillage de Mallarmé, un même athéisme, mais il le renforce par un violent
anticléricalisme qui s’exprime dans les deux tercets du sonnet : le premier tercet déplore l’indifférence
de Dieu tandis que le second souligne la cupidité de Dieu et de son clergé.
5. Le Dormeur du val
→ p. 88-89 (texte) ; p. 90-93 (questionnaire)
EXPLIQUER LE TEXTE
I. Une nature paisible et lumineuse (premier quatrain)
1. Comment la présentation du val dépeint-elle un cadre idyllique ?
• Le premier quatrain fixe un cadre spatial évoquant une nature paisible et lumineuse ; le décor
champêtre semble idyllique.
• Le vocabulaire employé est du ressort du merveilleux : le val est un endroit enchanteur. Le vers 1
signale ainsi une « rivière » qui « chante », tandis qu’au vers 4, le « petit val mousse de rayons ».
Le val, personnifié, est doté d’attributs humains : la rivière « chante » et la montagne est « fière ».
Une lumière irradiante coiffe ce paisible tableau placé sous le signe de la douceur : le « soleil » « luit »
(v. 4) et le val mousse de « rayons » (v. 4). L’eau, alliée à la lumière, donne à l’ensemble du paysage un
aspect merveilleux et quasiment irréel suggéré par les rejets « D’argent » et « luit » (v. 2-3 et 3-4).
10. Pourquoi le dernier vers modifie-t-il le sens et la tonalité du poème ? Peut-on dire qu’il s’agit
d’une pointe (chute finale produisant un effet de surprise) ?
Le dernier vers d’un sonnet introduit généralement une pointe, une surprise ultime qui permet de
reconsidérer l’ensemble du poème en l’éclairant d’un jour nouveau. Rimbaud construit cette pointe
en deux temps : il joue dans un premier temps du rejet de l’adjectif « Tranquille » pour accentuer
l’immobilité du dormeur. Cependant, cette tranquillité est immédiatement contredite par la mention
de « deux trous rouges au côté droit » : la chute précise que le soldat est mort après avoir reçu deux
balles dans son flanc droit.
11. Comment le pathétique de ce dernier vers donne une nouvelle interprétation de l’ensemble du
poème ?
Cette pointe invite donc à relire l’intégralité du sonnet et à réinterpréter le sommeil du soldat en
privilégiant la seconde lecture sous un angle pessimiste, loin du cadre champêtre et enchanteur du
premier quatrain. Le registre pathétique, qui suscite la pitié du lecteur, domine le poème. Ainsi, le
« trou de verdure » du vers 1 prend une autre signification : il devient à présent le trou de la tombe
qui est creusée.
LA QUESTION DE GRAMMAIRE
12. GRAMMAIRE • Analysez les formes verbales figurant dans le premier tercet.
• On relève ces six verbes :
– « dort » (v. 9) et « fait » (v. 10) et « a » (v. 11) : à l’indicatif présent
– « souriant » (v. 9) : au participe présent
– « sourirait » (v. 10) : au conditionnel présent
– « berce » (v. 11) : à l’impératif présent
• Les trois verbes à l’indicatif présent expriment un fait certain, constaté.
Le verbe « sourirait » dans « comme sourirait un enfant malade » évoque un fait soumis à une
condition implicite (« si on provoquait son sourire »).
Le verbe « berce » dans « berce-le » exprime une prière adressée à la nature ; c’est une des valeurs
possibles pour l’impératif.
13. LEXIQUE • Relevez les mots (verbes, noms, adjectifs…) relatifs au sommeil.
Le champ lexical du sommeil domine le sonnet ainsi que son titre « Le Dormeur du val ». Le verbe
« dort » est répété trois fois (v. 7, 9, 13) et redoublé par le pléonasme « il fait un somme » (v. 10).
Chaque occurrence suggère implicitement la mort du soldat. À noter, dès le titre, le mot « Dormeur »
qui fait entendre les deux verbes autour duquel s’articule le sonnet : « dort » et « meurt ».
15. Lisez le poème en prose de Rimbaud « Aube » extrait d’Illuminations (texte 12, p. 134) : montrez
comment quelques années après les poèmes des Cahiers de Douai, le poète achève son
émancipation poétique.
L’émancipation poétique dont témoigne « Aube » montre un réel accomplissement et le chemin
parcouru depuis le « Dormeur du val ». Rimbaud affirme ici une double liberté. D’abord, une liberté
existentielle : « Aube », dès son titre, marque un nouveau départ, l’aurore d’une nouvelle aventure où
la découverte de la Nature devient un sujet à part entière qui enchante le poète. Le registre merveilleux
domine tout le poème. La liberté du poète est également formelle : Rimbaud montre avec « Aube »
qu’il a accompli une révolution poétique et qu’il s’est totalement libéré des contraintes de la
versification en proposant un poème en prose.
6. Ma Bohême
→ p. 102-103 (texte) ; p. 104-107 (questionnaire)
EXPLIQUER LE TEXTE
I. Un poète vagabond (premier quatrain)
1. Comment le poète évoque-t-il son errance ?
• Ce sonnet autobiographique présente l’errance de Rimbaud, poète vagabond et fugueur. L’imparfait
employé tout au long du poème suggère que l’auteur évoque une expérience passée qui s’est répétée.
Les fugues du poète adolescent, loin de sa famille et de la ville de Charleville, ont été en effet
fréquentes quand il composait les Cahiers de Douai. Cependant, l’errance évoquée demeure une
« Fantaisie », un vagabondage rêvé, comme le sous-entend le sous-titre.
• Le sonnet ne décrit pas une promenade, mais bien une errance sans destination précise (« Je m’en
allais, v. 1 ; « J’allais sous le ciel », v. 3).
• La langue et la versification irrégulière rendent compte de cette flânerie. Les alexandrins sont
disloqués, comme au vers 4 où une suite de monosyllabes désarticulent le trimètre (« Oh ! là ! là ! »).
Le découpage rythmique se fait chaotique à l’image de l’avancée du jeune homme sur les sentiers.
LA QUESTION DE GRAMMAIRE
14. GRAMMAIRE • Analysez la phrase : « Que d’amours splendides j’ai rêvées ! » (v. 4).
• Il s’agit d’une phrase déclarative mais de forme exclamative, comme en témoignent son point
d’exclamation finale ainsi que l’ordre des mots dans la phrase (complément + verbe + sujet).
• La phrase est organisée autour du verbe « ai rêvées » : elle est constituée d’une seule proposition
indépendante.
• Le verbe est au passé composé, le participe passé « rêvées » étant accordé avec le COD antéposé
« que d’amours splendides ».
15. LEXIQUE • Montrez que ce poème mêle des mots de différents registres, soutenu et prosaïque.
Rimbaud se plaît à jouer des contrastes et n’hésite pas à prendre des libertés en mêlant les registres
de langue. Il use d’un vocabulaire soutenu, voire précieux, comme en témoigne le mot « féal » (v. 3),
très peu usité et qui, au Moyen Âge, désignait le vassal. Ce langage soutenu côtoie un vocabulaire du
quotidien : c’est le cas avec « culotte » (v. 5) qui désigne un pantalon ou plus prosaïquement un sous-
vêtement.
17. Quelles raisons Char (texte 1, p. 111) et Cendrars (texte 5, p. 120) donnent-ils à leur voyage ?
L’errance de Rimbaud, sa quête constante de liberté qui nourrit sa poésie, représente un modèle de
vie pour Char et Cendrars. Les deux auteurs font également du voyage le moyen d’atteindre un idéal.
Seule, l’évasion en toute liberté, loin de leur lieu natal, leur donne accès à l’absolu de l’existence.
LE BILAN DE LECTURE
Le corrigé
Ce bilan dont les questions figurent p. 136 dans le livre élève peut être utilisé comme support d’une
évaluation ou d’une auto-évaluation. Il vous suffit alors de distribuer ce corrigé.
2. Qui surnomme Arthur Rimbaud « l’homme aux semelles de vent » ? Pour quelle raison ?
C’est Paul Verlaine, poète et compagnon de Rimbaud de 1872 à 1873, qui surnomme ainsi le jeune
homme en raison de son goût pour l’aventure et sa soif d’évasion. Insaisissable, le jeune poète connu
pour ses fugues adolescentes, affirme, adulte, une envie de voyage et d’aventure qui le conduira à
vivre notamment en Abyssinie et en Arabie. Quand il reviendra en France, ce sera pour y mourir.
3. Rimbaud lit la poésie des Parnassiens puis la rejette. Qu’est-ce que le Parnasse ? En quoi s’oppose-
t-il au romantisme ?
Le Parnasse est un mouvement poétique de la seconde moitié du XIXe siècle constitué autour de la
revue Le Parnasse contemporain et réunissant plusieurs poètes autour du « maître », Leconte de Lisle,
parmi lesquels Baudelaire (collaborateur occasionnel). Réagissant contre les excès du lyrisme
romantique, le mouvement prône « l’art pour l’art » et souligne l’importance du travail poétique.
5. Quelle est la forme poétique la plus répandue dans le recueil ? Quel est le mètre le plus utilisé ?
La forme poétique la plus répandue dans le recueil est le sonnet. À travers l’emploi de cette forme fixe
poétique, Rimbaud rend un double hommage. En premier lieu à Charles Baudelaire (1821-1867), qui,
dans Les Fleurs du mal (1857), a remis au goût du jour le sonnet pétrarquiste, tombé en désuétude
après les poètes de la Pléiade qui l’avaient popularisé. Également aux poètes du Parnasse, tel José
Maria de Heredia qui s’est servi de cette forme exigeante pour retracer, dans Les Trophées (1863),
l’épopée de l’humanité.
9. Le poète se met en scène dans la figure du fugueur dans trois sonnets : lesquels ?
Trois sonnets font état des différentes escapades du jeune poète durant l’année 1870 : « Au Cabaret-
Vert », « La Maline » et « Ma Bohême » et expriment cette soif de liberté qui le caractérise.
10. Quels sont les sujets tabous dans la morale bourgeoise évoqués dans le recueil ?
Dans la morale bourgeoise que Rimbaud rejette, la liberté amoureuse et le plaisir des sens sont des
sujets tabous majeurs. Plusieurs poèmes de Rimbaud les évoquent ouvertement : par exemple dans
« Roman » ou plus encore dans « Première soirée » et « La Maline », où, loin des carcans bourgeois, le
poète appelle à vivre selon ses désirs.
3. Quels effets crée la juxtaposition des couleurs (et non leur mélange) ?
La juxtaposition des couleurs provoque deux effets : le premier est d’ordre pictural. L’absence de
mélange des différentes couleurs permet de définir les contours des grands bateaux à voile amarrés
au port. Le second effet est d’ordre sensoriel. La juxtaposition des couleurs permet de montrer
comment l’œil du peintre perçoit cette vue du port et qu’il ne distingue que peu d’éléments : seule
compte l’impression de ce soleil levant.
Sujet de dissertation n° 1
Les Cahiers de Douai représentent-ils une révolution poétique ?
Vous répondrez à cette question dans un développement organisé. Votre réflexion prendra
appui sur les Cahiers de Douai, sur les textes et documents étudiés dans le cadre du parcours
« Émancipations créatrices », ainsi que sur votre culture personnelle.
Introduction
[Présentation du sujet] Malgré la modestie de leur appellation, les Cahiers de Douai marquent une date
importante dans l’histoire de la poésie. Ils rompent en effet avec toute une tradition poétique et
ouvrent la voie à la poésie moderne. [Problématique] Si les poèmes des Cahiers de Douai traduisent une
évidente émancipation, peut-on cependant parler de révolution poétique à propos de ce recueil ?
[Annonce du plan] Après avoir analysé lors d’une première étape les audaces poétiques de Rimbaud,
nous verrons que celles-ci restent toutefois limitées. C’est en définitive à une « révolution » en germe,
non encore complètement accomplie, que le recueil fait songer.
« mettre un bonnet rouge à l’alexandrin ». Cet alexandrin même, mètre par excellence du classicisme
poétique, Rimbaud le déconstruit en usant de trois outils prosodiques principaux, qu’il n’invente pas
mais dont il systématise, volontairement à outrance, l’usage : l’enjambement (par exemple dans « Le
Dormeur du Val », le rejet (par exemple, dans « Le Mal » au dernier tercet), enfin le contre-rejet (par
exemple dans « Ma Bohême »).
• Dernier aspect de cette émancipation poétique, Rimbaud entend n’éviter aucun sujet dans sa poésie,
il y célèbre notamment de manière novatrice une sensualité heureuse, qui passe par une redécouverte
de la puissance de la nature. Citons ici « Roman » qui dévoile une expérience amoureuse, source de
sensations inédites pour le jeune homme : « On n’est pas sérieux, quand on a dix-sept ans ». Ou encore
« Sensation » qui exprime le plaisir irremplaçable que procure la nature. Cette sensualité s’oppose à la
froideur de la ville, symbole par excellence de la bêtise bourgeoise.
Transition Les Cahiers de Douai ne sauraient pour autant être assimilés à un manifeste poétique. Si les
poèmes comportent de nombreuses innovations, leurs audaces n’en demeurent pas moins mesurées.
Transition Bien réelle, cette « révolution » amorcée dans les Cahiers de Douai, est plus annoncée
qu’accomplie.
Conclusion
Les Cahiers de Douai bouleversent les pratiques poétiques dominantes à l’époque de leur composition.
Âgé d’à peine dix-sept ans, Rimbaud n’en est encore qu’au début de son itinéraire. Mais il pressent
déjà ce que doit être la poésie moderne : un rapport personnel au monde qui se traduit dans un
langage nouveau. En définitive, peu d’œuvres de « jeunesse » ont eu dans l’histoire de la poésie une
importance aussi décisive.
Sujet de dissertation n° 2
À la suite d’une fugue, Rimbaud écrit le 2 novembre 1870 à son professeur : « Que voulez-
vous, je m’entête affreusement à adorer la liberté libre […] » En quoi cette citation éclaire-
t-elle votre lecture de l’œuvre ?
Vous répondrez à cette question dans un développement organisé. Votre réflexion prendra
appui sur les Cahiers de Douai, sur les textes et documents étudiés dans le cadre du parcours
« Émancipations créatrices », ainsi que sur votre culture personnelle.
Introduction
[Présentation du sujet et de sa problématique] Écrits par Rimbaud, à peine âgé de dix-sept ans, les Cahiers
de Douai retiennent l’attention par leur audace. En dépit d’influences encore décelables, ils ouvrent
un chemin jusqu’alors inexploré. En quoi ce recueil illustre-t-il cette quête d’une « liberté libre » dont,
usant d’un pléonasme, Rimbaud se revendiquait : [Annonce du plan] une liberté totale, à la fois
physique, intellectuelle et artistique ?
Transition La liberté que revendique avec force Rimbaud ne se limite toutefois pas à la possibilité,
physique, de circuler à sa guise. Le poète entend également pouvoir exprimer librement sa pensée.
Transition À cette soif inextinguible de liberté aussi bien physique qu’intellectuelle, Rimbaud ajoute
une revendication : celle de pouvoir explorer de nouveaux territoires poétiques.
3. La liberté de créer
La force de Rimbaud est d’être parvenu à bouleverser la conception que l’on se faisait de la poésie. Si
les Cahiers de Douai sont très influencés par ses deux maîtres d’alors, Victor Hugo et Charles
Baudelaire, Rimbaud n’en oublie pas pour autant d’ouvrir des chemins qui vont conduire à un profond
renouvellement de l’art poétique. La liberté de créer devient son mot d’ordre ultime.
• Celle-ci appelle en premier lieu à se dégager des contraintes pesantes de la versification. Même si, à
la différence de certains de ses contemporains, il a à cœur de conserver l’alexandrin, Rimbaud en brise
la grande régularité classique en jouant sur des effets de rythmes : dans « Rages de Césars », le rythme
se décompose en 4 + 8, comme dans ce vers : « L’Homme pâle/ le long des pelouses fleuries » (v. 1). Il
n’hésite pas également à désarticuler syntaxe et vers en utilisant abondamment enjambements, rejets
et contre-rejets ; c’est notamment le cas dans « Le Dormeur du Val », où Rimbaud procède à 5 rejets
et contre-rejets (v. 3, 4, 7, 10 et 14).
• Le poète rejette également l’éviction, dans la poésie classique, des sujets quotidiens, prosaïques.
Dans « Au Cabaret-Vert », il évoque ainsi un simple repas : « je demandai des tartines / De beurre et
du jambon qui fût à moitié froid. ». Dans d’autres poèmes, il est question de sujets tabous dans la
morale bourgeoise, tels les rencontres hors mariage et le plaisir des sens (« Roman », « Première
soirée »).
• Au-delà du sujet, il convoque une langue usuelle, qui peut être familière, voire grossière : « Merde à
ces chiens-là ! » (Le Forgeron », v. 171) fait-il dire au Forgeron. Rimbaud use également fréquemment
Conclusion
Les Cahiers de Douai illustrent bien la quête d’une « liberté libre », absolue : à la fois celle d’aller et
venir, que réclame le jeune fugueur ; celle de penser et de remettre en cause les autorités illégitimes ;
enfin celle de créer une nouvelle langue poétique capable de modifier notre rapport au monde.
Présente dès son premier recueil, cette liberté s’épanouit dans les recueils ultérieurs, notamment les
Illuminations, où le langage poétique fait advenir un monde inédit.
Sujet de commentaire
Charles Cros, Le Coffret de santal, « Lassitude » (> texte du parcours, p. 124-125)
Commentez le texte.
Vous devrez composer un devoir qui présente de manière organisée ce que vous avez retenu
de vote lecture et justifie, par des analyses précises, votre interprétation et vos jugements
personnels.
Introduction
[Présentation du texte] « Lassitude » est l’un des poèmes du Coffret de santal que Charles Cros (1842-
1888) publie en 1873 et qu’il enrichit de nouveaux poèmes en 1879. Le titre suggère le thème et la
tonalité du poème : la « lassitude » en question est la nostalgie des moments heureux où le poète
régnait sur sa création. [Problématique] Comment, à travers ce poème en prose, Charles Cros parvient-
il à exprimer sa « lassitude », celle d’un poète abandonné par son inspiration ? [Annonce du plan] Après
avoir examiné la forme du poème, nous analyserons comment Charles Cros l’utilise pour suggérer son
état d’âme.
goût des images, de cultiver un sens du rythme qui le distingue de la stricte prose. Trois effets
rythmiques majeurs sont à l’œuvre, qui déploient la musicalité chère à Cros. Le premier effet
rythmique s’attache à la longueur des phrases. Loin d’être brèves, elles épousent par leur déploiement
la longue et tortueuse quête du « maître ». Cros déploie ainsi un effet mimétique de la syntaxe : la
phrase mime matériellement ce dont elle parle. Le deuxième effet rythmique concerne la
multiplication des effets de reprises de certains mots d’une phrase l’autre. Le but de Cros est de créer
un effet de rythme par reprise anaphorique. Songeons ici à l’anaphore des adjectifs « rares » mais aussi
à l’usage répété de « courte/courts » et enfin à l’arborescence lexicale autour de « royaume » avec
« main royale/ ma royauté ». Enfin, le troisième et dernier effet rythmique concerne le jeu poétique
par excellence : les sonorités. Marqueurs poétiques, les jeux sonores s’organisent essentiellement
autour d’allitérations, c’est-à-dire de répétitions de consonnes. Le [r] domine par sa sonorité
l’ensemble du poème.
Cette forme qui hésite entre prose et poésie permet de suggérer au plus près l’inquiétude du poète.
Elle ne manque pas également de mettre sur la piste d’une lassitude mentale qu’il convient à présent
d’examiner.
La fatigue morale et physique l’emporte au point de remettre en cause la qualité même de poète du
poète car son accablement s’accroît d’une autre « impuissance », celle de retrouver apaisement et
sérénité indispensables à l’inspiration pour se déployer.
Conclusion
La « lassitude » désignée dans le titre est bien celle de l’artiste qui sent son inspiration l’abandonner.
Elle contraste avec cet état d’exaltation que donne la création. C’est à travers un poème en prose au
rythme et aux images subtils que Charles Cros suggère et interroge l’intranquillité qui l’habite.
Sujet d’oral
Cahiers de Douai, « Rêvé pour l’hiver » (> p. 87)
EXPLICATION DU PASSAGE
Voici une proposition de trame pour l’explication orale.
Pour introduire
Comme d’autres poèmes des Cahiers de Douai, « Rêvé pour l’hiver » traduit poétiquement l’une des
nombreuses fugues de Rimbaud de l’année 1870. Composé lors du retour d’un voyage en Belgique, ce
sonnet exprime le bonheur de Rimbaud à l’idée de revoir une femme qu’il aime.
Il évoque les retrouvailles rêvées avec la jeune fille, dans le cadre protecteur d’un wagon (1er quatrain),
par opposition à un univers extérieur menaçant (2e quatrain), puis la complicité joyeuse des deux corps
amoureux (1er et 2e tercets). Tout au long de l’explication, nous tenterons de montrer comment il
exprime simplement et librement le plaisir d’être amoureux.
creux de son cou, mais aussi le rythme sautillant des vers 10 et 11 (5 + 7 + 8) soulignent le caractère
ludique de la scène.
• L’image se poursuit dans le second tercet et permet ainsi de suggérer, avec humour, la découverte
des corps et la possession physique. Au vers 12, la jeune fille, faisant référence à cette araignée, prend
la parole : « Cherche ! », invitant, de manière indirecte, son amoureux à caresser son corps, de manière
d’autant plus intime que comme le dit le dernier vers, l’insecte « voyage beaucoup ».
Pour conclure
• Ce poème évoque les joies des premiers émois amoureux, loin des interdits et des menaces du
monde extérieur. Les deux jeunes gens réinventent l’amour comme Rimbaud l’appelait de ses vœux :
avec cette « liberté libre » que le jeune poète n’a cessé de se défendre.
• Le poème qui en résulte, simple et enjoué, est également un manifeste en faveur d’une poésie libérée
de tout préjugé.
QUESTION DE GRAMMAIRE
Relevez et analysez la négation au vers 5.
• Il s’agit de la négation syntaxique « ne point ». Les deux éléments de la locution adverbiale – « ne »
et « point » – sont ici regroupés devant le verbe à l’infinitif « voir ».
• La négation équivaut à « ne pas » : c’est une négation totale : la jeune fille, en fermant les yeux, ne
voit pas les ombres grimacer… Notez que « ne point » est une négation plus littéraire, moins usuelle
que « ne pas ».