Daniel - Musique Arabe - 1879-Bk-BDH
Daniel - Musique Arabe - 1879-Bk-BDH
Daniel - Musique Arabe - 1879-Bk-BDH
LA
M USIQUE ARABE
n 69 8'41
LA
~1USIQUE ARABE
SES RAPPORTS
A.LGER
ADOL PHE JOlJRDAN. 1,IBRAlHE- l~OITElJR
'i , PJ,ACI~ J>U GOU\'KH~C)lli:"\'I', i
1879
•
A SON EXCELLEN CE
'
LA MUSIQUE A RABE
SES llA PPOll 'l'S
AVANT - PROPOS
I
Habitant l'.Aigérie dcpuis l'nnnée 1853, nrtiste
pat· le fait, puisqu'on est convenu a peu pres d'ap-
peler ainsi ceux qui vivent du produit d'un art,
j'ni cru pouvoir employer 1nes loisirs d'une maniere
utilc pcut-6tre, mais cert..,,incment intéressantc
potll' un musicien, en étuclia.nt la musique eles
Arnbcs.
-2-
Des l'abord, je n'y reeonnus, comme tout le
monde, qu'un affreux charivari dénué de méloclic
et de mesure. Pourtant, par l'habitude ou, si l'on
ai1ne mieux, par une sorte d'éducation de l'oreille,
il vint un jour oü je clistinguai quelque chosc qui
ressemblait a un air. J'essayai de le noter, mais je
n'y pus réussir; Ja tonalité et la. mestu·c m'óchap-
paient toujotu·s . Je percevais bien des séries de
tons et de demi-tons, mais il m'était ünpossible de
leur nssigner un point de clépart, une tonique.
D'un autre coté, si je portais mon attention sur
les tambours qui forment le seul accompagne1nent
de la musique des Arabes, la encore je distinguais
bien une sorte de rhytlune, mais ce rhythme ne
1ne paraissait avoir aucuu rapport avec celui de
l'air qu'on jouait .
Oependant, la oü je n'entenclais que clu bruit,
les Arabes trouvaient une mélodie agréable, ~i
laquelle ils m~laient souvent leurs voix; lii. oit je
ne distinguais pas de mesure, la danse me forc¡ait
U. en admettre une.
Il y avait clans cette dilférence de sensations un
probleme intéressant : j'essayai de l'approfo11d í1· .
Pour cela, je n1e liai avec les musiciens indi·
- 3-
genes , j'étudiai a.vec eux, afin d'arriver i~ me
rendre compte d'une sensation que d'autres éprou·
vaient et qui ne me touchait en rien.
1\ présent, c'est avec passion que je fais de Ja
musiquc avec les Arabes . Ce n'est plus le plaisir
de la difficulté vaincue que je cherche; je veux
prendre ma part des jouissances que la musique
des A.rabes procure 3. ceux qui Ja comprennent.
C'est qu'en effet, pour juger Ja 1uusique des
Arabcs, il faut la comprend.re; de m~me que pour
estin1ru· aleul' valeur les beautés d'une langue, il
fltut la posséder.
Or, la musique des Arabes est une musique ¡\
part, reposant stu· des lois toutcs différent.es de
cellcs qui régissent notre systcme musical; il faut
s'habituer lt lctu·s gan1mcs on plutOt it lcnrs modcs,
et cela en laissant de coté toutes nos idées de
tona lité.
Nous n'avons, a proprc1ncnt parle.t', que deux
gammcs, puisque la série des demi-tons est idcn-
tiquo dans chacuu des dcux modes, majeur et
inineur, qui different entre oux par le no111bre et
hi position eles de111i-to11s.
Les Arabos out quatorze modcs ou gamu1es,
- 4-
dans lesquels cette position eles demi-tons vnrie
de maniere aforroer quatorze moclalités différentes.
Le classeroent des sons est fait par tons et de1ni-
tons com1ne chcz nous . Jarnais je n'ai pu distiu-
guer da.ns leur musique ces intervalles de tiers
et de qunrt de ton que d'autres ont prétendu y
trouver.
Tous les rousiciens jouent a l'unisson, et il n'y
a d'autre harmonie que cellc des tambours ele
diflérentes grosseurs, que j'appelle ha1r1nonie rhyth-
1nique.
On pensera, sans doute, qu'avec une aussi
grande simplicité de moyens - une mé!odie ac-
compagnée de tambours - il ne cloit pas etre
clifilcile ele comprenclre cette musique. Un fait
expliquera commcnt il y a lit des difilcultés sé-
rieuses: les Ara.bes n'écrivent pas lelu· musique;
ils n'ont; plus nucunc espece de théorie, plus ríen
qui puisse faciliter les recherches. 1'ous chantent
ou jouent ele routine, sans savoir le plus souvent
dans quel mocle est l'air qu'ils exécutent (i).
Il
(·l) JI cst bien cntcndu que je ne parle ici q ue des form ules
mélodiqucs nouvcllcs, dont l'ol'iginalit.é prut fra¡>pcr loul
d'abot'd, mais qui onl besoin d'<!tt-c connuc s déja pour t1u'on
puissc en appréc ier le charme , ou bien des marche s bnr-
moniqucs qu'un compo sitcur cmploie souvcn t bien avnnl
que In loi q ui les 1·é git soi t ro1·1Hulé c . llo1·s ces dcux CtL5
exccplionneis, il ne pourrai l y ª'·oir qu':uiarcbie el par
consl-quent chal'i\'ari.
-11-
1nusique, et ils comprendront les be."lutés mélo-
diques et harn1oniques ele nos opóras.
'
Agissons en seos invcrse: reportons-nous a,vec
eux it ce Discant, qui résumait la seience harmo -
nique de letu· époque; oublions nos J1abitudes
acqtnses, <.'t nous jouirons avec eux de eette
harmonie improvisée qui n'est que l'enfance de
l 'art.
Appliquons ce procédé ii. la n1usique ancienne et
voyons les résultats.
Ce mcme .TC<."lll de J\ LLUTiS qui, d¡l.J1S son Speciiluni
1nusic.m, posait les lois ele la révolution musicale,
dont Gui d'Arezzo avait été le premier apotre,
ce Jeau de iíurri s qui protestait déja contrc les
innovations de ses contemporains (Sic c1ii11i
concorcliw con(undiintur cuni discorctiis, iit n1d-
latenu.s 1ina disting·uatwr ab tilia), n'eut-il pas
souri de pitié en attcndant l'unisson du Chant
Grégorien '?
l~t St-G1·égoire n'eut- il pas été bien avisé s'il eut
dit a cet orgucilleux chanoine : \ rous faites mar-
cher ensetnblc plusieu t·s roéloclies, je le ero is, mais
clans toutcs ces n1élodies vous n'avez qu'une
gamme, tandis que nous en avions huit, et nous
- 12 -
les cmployions selon que nous voulions procluirc
des cffets clifférents .
Si un philosophe grec cut pn entenclre cettc
réponse, il eut parlé ii son totu· des quatorze n1odes
de son systeme, dos trois genres cliatonique, chl'O·
ruatique et enharmonique, et de toutes ces choses
oubliées de nos jours, nlais qui faisaient alors ht
beauté, la variété de la mnsiqu~ .
Pour nous, comment pourrions-nous juger les
cffets de cette musique? I,es renseignements que
nous en avons sont obscurs et incomplets, et, en
llllmettant comme exacte la tradnction que i\Ieybo-
mius, Burette, etc... nous ont donnée de quelques-
unes ele leurs chansons, nous en avons la lcttrc,
mais non !'esprit.
Cette théorie perdue de la musiq uo des .A.ncicns,
les effets cxtraordinaires obtenus par cette u1u-
siquc, j'ai cru les retrouver dans la musique des
Arabes, et j'ai díl forcé1nent, des lors, étendre le
cadre d'abo.rcl si restreint ele mon sujct.
Je devais, autnnt que cela était en mon pouvoir,
suivrc partout les traces ele la civilisation n1au-
resque; dans ce seos, ancun pays plus que l'Es-
pagne ne pouvait m'olfrir, en dehors de l'Africtuc,
-13 -
que j'avais déjiL parcourue en grande partie, les
vestiges de ce qu'était In musique des premiers
siccles de notre ere.
L'Espagne á encore aujourd'hui cet avantage de
réunir, 1ri van te daos son présent, l'histoire ele son
magnifique passé.
Écoutez ce bruit qu'on entcncl dans les quartiers
populaires de i\ladrid.
Deux enfants parcourent les rues en chantant;
lcurs voix alternent avec les batteries du tambour.
lis chantent un cantique ele Noel, un Villancico,
cmpreint de ce caractere triste et passionné tout h
la fois, qui est le propre des cbant.5 primitifs.
Est·cc liL le chant que les Rois i\lages f.·lisaient
entendrc lorsqu'ils allaient adorer le clivin ber-
ce.'lu?
Et pourquoi uon ! N'avons-nous pas daos Ja
liturgie ron1ainc des chant.5 du memo genre et qui
doi vent nvoir la meme origine?
Ces chants que l'Espagne a pu conserver, grílce
peut-Qtre i~ la domination des Ara.bes, n'ont-ils
pas un caractere bien clistinct de ceux de notrc
musique actuelle, et qui semblc cxclure toute idée
d'harn1onie?
- 'L4 -
1[élopée poul' la chanson .
Rhythmopée pour le tambour.
Ccpendaut, si on exnmiDe ces ehansons au point
de vue de nos conoaissances aetuellcs, on ad1nire
sans cloute leur sin1plicité. inais on les tronvc·
trop simples potu· qu'elles puissent nous ofTri1· eles
ressources de quelque utilité !
i, au contrairc, on les examine en se rcportant
iL l'époque oii on les considérait eomme le l'ésultat
co1nplet eles connaissances musicales généralc1nent
•
acceptées, on se demande si c'était bien la la mu-
sique qui charn1ait nos peres, et si vraiment les
1\.lfarabbi, les Znidan, les Rabbi-Enoc et tnnt
cl'autres grands musiciens c1ui illustrerent le regne
des Oalifes, su.ivaient bien la tradition que les
St-Augustin, les S1r1\.n1broise, les St-Jsidore de
Séville avaient eonsorvée de la mélopóe grecque
et romnine.
La clistance qui sépare cette musique ele la notro
est si grande, les bases qui régissent les deux
systemes sont si diíférentes, qu'ils seo1blent
n'avoil' jama.is eu nucun líen qui les rattachc -
et la musique populail'e reste ensevelie clans le
chaos du passé tflndis que l'harmonie nous en-
- 15 -
traino dans le tourbillon des jouissauces atixquellos
elle nous n. habitués .
Qu'était clone la musique avant Gui d'Arezzo?
- Méloclie.
Qu'a-t-elle été clepuis? - Harmonie .
Gni d'Arezzo n'a pas inventé, ou pltttót changé,
les noms eles sons, mais il a réduit ~~ une seule
ga1ntne toutes celles qui existaient auparavant, en
basant les rapports dos sons sur la loi des réson-
nances ha.rmoniques.
rrr
On comprendra comment il est tres-difficüe
d'apprécier le ca.ractcre des ancicnnes chansons
faites, pour Ja plupart, ·des gammes abandonnées
dopuis la découverte de l'harmonie.
Rechercher ces gammes et le c.a.ractere particu-
lier achacune d'elles, tel était le prcmíer objet de
mon travail; Je second consistait a établir lo
momeo!; de l'éclosion du príncipe harmonique et
de la séparation des cleux systemes.
Je n'aí pu qu'efileurer cette question, les maté-
-16 -
riaux et les moyens ele contr6le me manquant la
plupart elu temps; roa.is je crois avoir assez frayé
Jn. route a suivre pour que el'autres, placés da.ns
de tneilleurcs con<litions, reprennent ce travail,
de maniere a indiquer Ja marche suivic da.ns
l'abanelon des diffórcntes gammes avant d'arriver
;\ l'emploi d'une seule.
En terminant, je constate les effets me1·veilleux
obtenus par les Ara.bes avec leur musiquc, cffets
qui ne sont pas sans analogie avec ceux que les
Anciens attribuaient ala leur.
Quant aux conséquences a tirer de cette étude
de la musique eles Ara.bes, elles me paraissent si
di verses que je me bornerai ainsister ele préférence
sur celle qui ressort clu foncl meme de mon sujet.
On a beaucoup écrit sur la niusiquc eles Arabes,
1nais presque toujours les jugements qu'on n portés
venaient ele personnes peu musiciennes, et dout
l'opinion n'était basée que sur un nombrcrestreint
d'auditions. Da.ns de semblables conclitions, il était
presque impossible de ne pas se trompcr.
Si l'opinion que j'émets, a mon tour, eloit avoir
quelque valeur, ce n'est pas parce que je suis
musicien comme on l'entend en Europe, mais bien
- 17-
pi11·ce c¡ne, nielé :iux 1n11:<icicns :ll':'lbcs, je prcnd!i
pnrt i~ leurs coucerts, je jone arec eux letu'S chnn-
sons, et, c1u'enfin, par suite d'une habitude acquise
a.pres plusieurs année:; de tra vail, je su is ru:ri vé ü.
co1nprcndre leur musiquo.
"-
•
•
CIIAPITHE PREi\llER
L<'s Al'nbe s ont c•1n111·unl(• aux Grccs leur sys lcmc musi-
c.11. - Oé6nilion~ de la rnusiquc chez les Anciens. -
~lusique théo,.iquc ou spécu fative ; scien cc des nombres.
- Quere lle des Pytbagoric iens et des Aryst oxéni ens. -
Les .Juifs participen! aux progri:s de l'art musical chez
tous les (lCU(lles de l'anliquité. - Musiquc J>l'nt.ique.
1
Bien que n'a.yant pns l'intention de fa ire l'his-
toire de la musique des Arabes, je suis forcé, par
l'étude 1ncme de ce sujet, de rcchercher au moin s
les rapports de leur systeme musical avcc celui
des peuples au contact desquels il a pu se 1nodificr
potu· arriver au point oü il se trouve maintcna.nt.
- 20 -
Ces rapports, nous les rencoutrons d'nborcl dnn!<
les instruments les plus usités : la Kou itt(t, elite
vulgairement gtútare de 1\1nis, dont la forme au-
tant que le nom rapp cllent la Kithc&ra des Grecs;
le Gosbah ou Dja-01t1.1k, instrwnent populaire par
excellence et qui, clans les mains d'un Arabc, rap-
pelle le joueur de tiute antique, tant par Ja forme
de l'instrum e11t dont l'orificc sert d'embonchure,
que par la position et le costume de celui qui en
•
.1oue.
Ces premiers indices per1netteut de croire que
si les 1\rabes connaissnient dója la n1us ique 1L l'é-
,
poque oii l'Egypte était le berceau des sciences et
des arts, leur systeme musical dut se dévc lopper
plus particulierement lorsque la dou1ination Ro-
1naine letu· a.pporta,, avec la civilisation, la 1nusi-
que grccque, qui résu1naitalors toutcs les connais-
:;ances ncqu ises.
Mais a,·ec Ja décadence de l'Empire disparut la
civilisatiou; et tand is qu'en Occident les sciences
et les arts trouvaient un refuge dans les cloitres,
Maho111et en défendit l'étudc en Orient sous les
peines les plus séveres.
Les Arabes sui virent religieusement les précep-
- ti -
tes du législatetll ' j usqu'au regne clu Cali fe 1\.li,
qui autorisa l'étude des sciences et, avec elles, la
musiqnc et la poésie. 'es successeurs encoura-
geren t cncore dnvantage le culte de la littérntut·c
et bientot les .A.rabes, 1naih·es d'unc grande partie
de la Grccc, se sou1nirent, comme avant eux les
Romains, a la loi des vaincus, pour l'étude des
sciences et des arts. lis traduisirent les ouvragcs
les plus célebres des Grees et par1ni eux ceux qui
traiu1ient de la n1usique (l).
11
Les Arabes, co1n1ne les Grecs, attachaient-ils
au mot 1nusique le sens que nous lui donnons?
11 nous suffira de rappeler les <lifferente.'> d<ifi-
nitions clonnées i\ cette science par les anciens
auteurs, potu· fairc compnindre Je caractcrc de
la ré,volution musicale accomplie par la secte des
Arystoxéniens, révolution qui eut pour résultat
d'isole1· la musique pratique et d'en 1hire une
toutes .
Ale. - Oelui ele tnusiquc.
'oc. - C'est cela mcme.
Hermes définit la inusiq uc : la connaisscincc de
l'orelre eles clioses ele la nat1i1·c.
Pythagorc ense igne qnc lOt~t dans t'univors est
1wusique.
l'laton Jn, rlésignc comme le princ ipc géniJrat des
scionccs lnonaincs, et il ne craint pas d'njouter
qu'on ne pcut fairc de cbangcment dans Ja 1nusi-
,
que qui n'cn soit un dans la. constitution de l'Eta.t.
- 23 -
Les Dieux, ajoute-t-il, l'ont donnée aux ho1nn1es,
r
non·-seulement pour le plaisü· de l'ouie, n1ais en-
core pou1· étabtir e/ta?'nionie des (acultés de l' árne.
Toutes ces définitions, et d'autres encore que
nous 01nettons, démontreot assez que les Aociens
a.ttncbaient au mot musique un sens bien plus
étendu que celui qu'il a conservé parmi nous.
C'éta.it l'art auquel concouraient toutes les n1u-
ses ; c'était le principe d'oi.t l'on pouvait déduire
les rapports qui uuissaient toutes les sciences. La
musique ét.a.nt Je résultx'l.t ele l'ordre et de la régu-
la.rité dans le bruit et le mouvement, deva.it etre
étndiée co1nme príncipe générateur des di verses
sciences, pour amener a la connaissance de l'ha.r-
1nonie des choses ele Ja. nature, oit tout est mouve-
ment et bruit.
Les deux mots mus1que et harmonie cxpr1-
1nnient clone une seule et meme chose. C'était Ja
1nusique purement théorique, la musique spécu-
lati ve, donnaut la raison numérique des distances
et la connaissance du rapport des so ns entre e11.>: .
Le príncipe de Ja résonnancc eles corps sonores
développait l'arithmétique et la géon1étrie et était
appliqué ensuite i\, l'astronomie.
24
.Ainsi s'explique la définition générale de scit111ix
des nonibrcs donnée á Ja 1nusiquc ('I).
Lorsq ue Plato u écrivait sur son por tique : l oin
d'i;;i cclui q1~i ig1wra l'liarmo1iü', il u'eutendait
certainement pas parler de l'ordre successif des
sous produ its par eles voix ou par des instruments,
mais bien des rapports physiques et mathémati-
ques ele ces sons entre eux.
Ces rupports appartenaient au domain e de la
physique ou plutOt ele l'acoust.iquc, et non H. celui
ele la music¡ue dans le sens que nous attachons it
ce lllOt.
Nous retrouverous la mus1quc avec la mcme
significa.tion, alliée 11. l'arithmétique, ala géométrie
et ii l'astrouomie, dans les arts libéraux qui, sous
III
Notons des a présent, cotnn1e un fait digne
<l'unc sérieuse attention, la participation constante
dn pcuple .T uif au progr~ de l'art n1usica.l chcz •
tous les pcuplcs de l'antiquité et j usque da.ns les
pre1niers siécles clu cbristianisme.
Les Juifs, comme les Grecs, avaient puisé a la
n1en1e source; et bien que l'auteur de la Genese
désigne J ubal fils de J,an1ech con11ne in venteur de
la n1usique - Jubal ft~it tiatci· canenti1~ni cU.hC111·a
et 01·gano - ~'tndis que les pa:tens citent Mercure
et Apollon, nous devons rappeler que ;\Io'ise, le
législateu1· hébreu, avait été élevé en Égypte, lit
1netne oú Pythagore avait étudié. D'ailletu·s, les
rapports établis entre les J uifs et les l~gyptiens,
penda.nt la longue mtptivité des preroiers, a,va.ien~ •
- 28-
dft a1nener dans les art;s cou11ne d:ins les sciences,
et tnalgré les différences de religion, les ~nc1nes
eflcts d':issilniJation constatés plus tard entre les
Grecs et les lto1nains, entre les Juifs et les Ch1·é·
tiens, entre les 1\rabes et les Espagnols.
Le principe musical, développé clans le sens
purement pratique, fut étendu chez toutes les
nations, lors de la dispersion du peuple Juif. A
l'époque de l'Jaton, un célebre mnsicien juif~
Timothée de i\lilct, fut d'abord sifilé, pu is applaudi
avec onthou sias1ne; h Ron1e, les musiciens juil's
étaiont placés au premier rang; c"est aux jnifs
qu'on emprnnta plus tard les notes rabiniques
qu'on retrouve dans les anciens recuei ls ele plain-
chaot; en:tin en Espagne, penclant la domination
ara be, on cite eles J uifs parmi les plus habilos
n1us1c1ens.
Tout cela cst corroboré par la réputation musi-
cale tlont jouissent encore les J uifs d'A.fi·ique; et
il nous faut bio11 tenü· cou1pte ele cot élé1nent qu i
nous offru'll, pour l'objet spécial ele cette étuele, do
fréquentes OCC.'ISÍOllS de rapproche1uents a établir
soi t pour les instru1nents, soit pour l'ollet pure-
ment musical.
- 2!) -
•
IV
Je 1ne suis éten<lu trop longuement peut·ctre
sur cette prctnicre rév olution musiCl\le qu'o n a
appelée In querelle des Pythagoriciens et des
Arystoxéniens. Cependant, j'ai cru nécessaire de
n1'arrcter sur ce point, afio de n'avoir plus it
exan1iner, des a présent, que la partie pw·e1nent
pra tiqne de la musiq ue.
ll serait ll1cile de constater un rapp roche1uent
entre les Pythago1·icieus et quelques rares lettrés
de nos jours, qui pnssent lern· vie, comme les an-
ciens philosophes, ii étudier la musique spéc ula-
tive. Pour eux, la 1nusique est encore la science
eles no111bres et ils y étuclient l'ord re et l'agence-
111ent des choses de la nature.
Boruous-nous ii signale1· ce li1it et revenons 3.
ceux qui, dnn s une position plus lnunble, 1nais
plus disposés anccepter les homu1ages du vulgaire,
ne connaissent que la partie purement pra tique
de la n1usique, les poetes, les chanteurs, de1·niers
suc cesseurs des l~ap sode s et des 'l'roubadours.
Ceux-la ne trou vent daus la mus~qu~ nutre
chose qu'u ne distraction ou une jouissance, tul
- 30 -
1nélange beureux tle cha nt et de poésie, uu ru·t
et non une science. Fidcles disciples d'Arysto-
xénes, ils ne connai ssent d'autt·e jugc que l'oreille,
et ne denutndent a In musique qnc d'expri1ner les
sentiments tout humains qu i les agitcnt .
Un hymne aIn divinité, une plaintc an1ourense,
une chanso n guerri cre, voila les expressio ns les
plus orclinaire s qu'ils en attendent ; et, sans se
préoeeuper des lois de l'aeoustique qu'ils ne con-
naisseut pas, ils chantent en s'accompagnant de
lcurs ius truments, et réunissent autour cl'eux
un no111breux nudito ire toujours ehar111é ele les
cntendre.
GHAPITRE JI
I
Écoutez un musicien a.rabe, la. pre1niere i1npres·
sion sera toujours défuvorable. Cepenclant, on
citel'a tel chanteur comn1e ayant plus de mérite
que tel autre; les 1\.rabes accourent en foule pour
- .·39 --
cntcndrc dans une fcte un J1abilc tnusicien, alors
tncme qu'il est israélite (i); vous irez, stu· le bruit
de sa renommée, da.ns l'espoir cl'entendre une mu-
sique i1gréable, et votre goilt européen ne fera.
aucune difterence entre le chant de l'artiste indi-
gene et celui cl'un mozabite du bain maure. Peut-
Gtre meme ce dernier aura-t-il, non pas précisé-
ment le don de vous plaire, mais au moins le ta-
lent de vous etre moins désagréable.
D'oú vient done cette différence de sensation?
C'est qu'en premier lieu le principal mérite du
cluu1teur consiste clans les variantes improvisées
dont il orne la mélodie; et qu'en out.re il sera ac-
compa.gné par eles instruments a percussion pro-
dúisant it eux seuls ce que j'appelle une harmonie
1·ythinique dans laquelle les co111binaisons étran-
'
ges, les divisions clisoordantes, semblent i1111enees
it dessein en opposition avec la 111élodie.
Il
Snpposons un chanteur accornpngné cl'un ins-
trtunent a cordes : le méhinge clu chant joué uni-
formément sur l'instrument et des variantes iul·
proviséei; par le cha ntetu·, produ ira u ne confusion
que des auclitionsfréquentes pourrontseules a1noin·
dril· et eoiin clissiper.
Si l'instrument accon1pngnant est Ja Kouitllrci,
le chant reviendra en forme ele ritournelle apres
- 40 -
chnque cot1p let, avcc tous les cnjolivemcnts que
comporte le genre de cet instrument, c'est-ii-dirc,
les Jlotes répótécs, con1me su1· la u1anclolinc, et une
profusion de 11i~:.icati en sourclinc cxécutés en
for1ne de notes d'agrén1ent, par la si1nple prcssion
des doigts do la mu in gaucho sur les eordcs.
Qu'on jugo de l'effet produit, lorsqu'a la l(oui-
thrn se joindra un llebab ou un violon (Kcnicndjah )
monté de quatrc cordes accordécs presquc an dia-
pason de !'alto et néce ssitant un égal 1101n bre
d'instruments it pcrcussion, pour équilibrer les
forces d(} l'har1nonic rhyth111ique 1tvcc ccllcs d11
chnnt joué lt l'unisson par les instruments chan-
tants (J) .
Oc ne sont plus alors simplemcnt des u1ólodies
populaires qu'on cntendra, 1nnis un n1orcenu com-
plot, connu sous la clénomination de Nouua.
La ~ouba se composc <l'une introcluction en ré-
citatif sui vio d'un pre1nicr motif it un mo11vc1ncnt
n1odéré qui s'cnchainc dans 1111 second d'une allure
plus anin1 ée; puis 1•.icnt u 11 retour au pre1n icr 1110-
(1) J'opp cllc insln11ncnts chnnt nnls les instru mt•nls :i.u-
ti·cs <1ue les lambou 1·~. qui juucn l constnn 11ncnl lu chan l
•
el ricn <¡uc le chan l i1 l' uniss on tics ,·oix .
- !ti -
tif quelquefois sur un rhythme différent, mnis
toujours plus vif que le précéclent, et enfin une
•
péroraison allegro vivaco to1nbant stu· une dernicre
note en point d'org·ue, c¡ui sernble rnppeler le ré·
citntir de l'introcluction.
D'orclinaire, l'introcluetion a un accent de tris-
tcsse pluintive, de clouce mélnncolie, parihite1nent
en rapport avec le genre d'interprétation que lui
donncnt les Arabos. I>our le chanteur, c'est ün
1nélangc de voix mixte et de voix de t&te, et la
répótition de chaque phrasc en récitatif~ sur les
cordes gnLves du violon ou sur le llcbab, vient cn-
core aug1ncutcr cct eflet.
Le récitatif du chanteur cst précédé d'un pré-
ludc exócnté par les instrun1ents chantants et des-
tinó h iudiquer le modo dans lec1uel doit etre chan-
tóc la chanson.
Cette mnniere d'indiquer le ton au inoycn d'u ne
n1élodie connue de tous, réglée iL !'a.vanee, n'a-t-
clle pas l:L mcme origine que ces 1Yon1cs de la 0111-
siquc grccque, riuxquels il était défendu de rien
changer, parce qu'ils cíu·actérisaicnt chacun do
ces 1nodes spéciaux?
Chez les Arabes, ce prélutle se nomme Bcchcl'o 1:
•
- 1.:2 -
Le Bccllercif reproduit d'abord la gamn1e ascen-
dante et descendante du ton, ou, i<i l'on ai1ne
1nieux, du mode dans lequel on doit chantc1· ; puis
il indique les transitions par lcsquclles 011 po111Ta,
passer accidentellc1nc1i t dans uu autre 1noclc ('I),
soit par les tétracordcs se1nblables, appartenant it
cleux n1odes différents; soit par l'extension donnée
en haut ou en bas de l'échelle du mode principal
avec les notes caractéristiques de la Glose. En
ellct, la Glose n'cst pas, co1n111e on pot1rrait le
croirc, cnticren1ent so11n1isc au capricc tlcR cxé-
cutants . Elle est suhol'cfonnée ades regle~ llont il
n'cst permis /1 aucull 1nusicien ele s'écarter, s'il ne
veut qu'on luí applique le proverbe u~ité autre-
fois pour les chanteurs co1n1ne pour les poctes qui
passaient sans transition <l'un sujet iL nn nutre,
<l'un 1nocle principal h un nutre qui n'avait avec
lui nueune relation : <i Dorio acl pj¡,·ygiu1n. La
Glose est en quelque sorte incliquée dan:; le pré-
lude par les développements donnés iL la g¡1n1n1e,
non plus en conservant l'ordrc habituel des sons,
III
La chanson co111mence : Ja dernicre note <lu l'l:.
citatif, prolongée sur le violon, sert de signal aux
iustru111cnts iL peroussiou, et de point de <lépart
pour l'intonation de Ja mélodie.
Qnel que soit lo mode auquel elle appnrtiennc,
le cbantc ur trnlncra la voix, en montnnt ou eu
descendant, depuis Ja dernicre note du récitatif
jusqu'it lu pre1nicre de Ja chnnso n.
Le prcmier couplet oJli·ira un chaut simple et
de peu d'étendue; hi mélodie pa1"Uitra lilcile ii sai-
sir, abstrnction fitite de l'accent g11ttun1l du chan-
teur et des combinaisons rliythmiqucs frappées
Slll' ]es instruments a percussion.
- 1¡5 -
IV
Ici cleux faits se présentent tout cl'aborcl :
t • L'absence ele la note s<Jnsible ;
2º La répétition constante d'un ou cleux sons
fonclarncntaux sur lesquels repose l'iclée mélo-
dique.
- 46 -
L'absence de la note sensible uous prouvera que
le systcme eles Arabes repose s1u· des priucipes tout
différents du notre : uotre oreille ne pou vant sup-
poser une méloclie privée de la note caractéristi-
que clu ton.
Au contraire, les notes caractéristiques de la
méloclie arabe se présenteront au troisieme ou
quatrieme <legré ele l'échelle eles sons parcourus,
le clernier étant toujours considéré comme point
ele clépart, comme tonique. Les chansons arabes
étant co1nposées el'nn granel noinbre de couplets
séparés par une ritournelle des iustrumeuts, il
clevient facile de reconnaltre le point de départ de
l'échelle eles sons parcourus.
Parta.nt de ce principe, on trouvera a.lors une
gamme dont le premier son sera pris indistincte-
ment parmi les sept dont nous nous servons, 1nais
en conservant intacte la position eles demi-tons.
Soit, par exemple, le ?'é pris pour point <.le départ,
nous aurons la gamme suivante :
ré mi fa sol la si do ré
•
CHAPITR.E lll
lllodcs des G1·c cs el ucs Aral¡cs. - 1'ons du plain-chanl.
- f,cs Arnbcs ont quatorzc modcs. - Réswné bistori-
<¡uc. - QuatJ-c modes principnux : lrak, Me;111ou111,
Ed;cil, Djo1·ka. - Cbanson foitc ¡mr les Kabyles lors de
lcur soumission, en 185i. - Qunlre ntodes secondni1-cs :
1:sai11, Saika, Mcia, Ráscl-Ed;cil.
I
Chacun des sept clcgrés ele lo. gamme pouvant
servir de point de départ pour une des gammcs
de la musiquc des Arabcs, ils auront done sept
ga1nmes ou modes dificrents. Cependant, si on
interrogc it ce sujet un n1usicien incligene, il ré-
pondra snns hésiter que lcur systeme musical en
con1pte quatorze. Dcu1andcz-lui d'cn faire l'énu-
mération et il n'arrivcra it en nommer que douzc.
- 52 -
J'ai cherché longtemps, et saus résultat, a con-
naitre les deux autres. Du reste, il m'a été im-
possible de constater l'existence de ces deux roo·
des, apres l'aoalyse que j'ai díl. faire des chaosoos
écrites par moi sous la dictée des musiciens arabes.
Je suis clone forcé de borner mon énumération
aux douze mocles dont on m'a donné les noms, et
dont ies différentes qualités s'adaptent parfaite-
roent au caractere spécial de chaque chanson .
Mais avant ele faire cette énumération, et pour
éviter les répétitions, il est utile de retracer ici
un résumé historique qui nous aiclera dans nos
appréciations.
Il
A l'époquc de l'invasion des Barbares, les arts
et les sciences trouverent un refugc dans le Chris-
tianisme. La religion nouvelle avait emprunté aux
Hébreux leurs psaumes, et atL'l: Gentils leurs chan-
sons . ~Iais l'exagération signalée par l'union des
instruments avec les voix pour l'exécution des
chants religieux, et aussi l'emploi de certains
inodes particuliers aux représentations théatrales
des Romains, appelaient uné réfor me sévere .
- 53 -
Oe fi.u·ent saint Augustin et saint Ambroise c1ui
l'entrepriJ:ent, le premier, i1 Hippone, le second,
rt 1\1ilan. Tous detL"{ firent un choix parmi les
chausons jugées dignes d'etre cha.ntées dans les
temples, et ce 'choix se porta principalement sur
celles qui appartenaient aux plus anciens modes
des G-recs.
Plus t,·trd, saint Grégoire continua cette muvrc
de réforme, nécessitée pa.r une nouvelle invasion
de ces inodes cléjil prohibés et que les Hérésiar-
ques voulaient introcluire clans le chant religieux.
1\iais, en meme temps qu'il réformait et coclifiait
ce chant, qui a conservé son notn, saint Grégoire
augmeuta, le nombre des modes, ou plutOt il a.u-
torisa leur emploi eles cleux manieres usítées au-
trefois par les G-recs, c'est-a-clíre clans les cleux
proportíons aritknitJtiquc et hc11rnioniquc (1) . Cha-
cune eles tonalités posées par les pretniers réfor-
mateuxs elevint a.insi le point ele clépart ele clcux
modes clifférents. Enfin, 011 divisa ces 1nodes en
III
•
- 6'1 -
bes, tnndis qu'i\ Constantine il accompagne la
clanse voluptueuse du Chabatt, en cbaota ot 1hn
o-
IV
I
Je vais chercher 1nai nten11nt ií expliquer conl·
iuent le principe mus ical ancien, basé sur le sys-
teme des tétracorclcs, pns~:i au systen1e des hexa-
- 67 -
cordes avant d'arriver a celui de !'octave qui le
régit a présent.
Dans ce sens, !'examen des différents instru-
meuts usités chez les A.rabes nous sera d'un grand
secours, puisque nous y trou verons la classifica-
tion des sons réduite dans quelques-uns a un seul
tétracorde se suffisant a lui-meme, développée
da.ns cl'autres jusqu'a une étendue de trois octa-
ves et trois notes, éteudue qui clevait etre la ] j.
n1ite extrt\me des sons appréciables produits par
des instruments aussi imparfaits.
Quelque hésitation qu'on ait d'ailleurs a adrnet-
tre un systeme musical régi par le tétracorde ou
me1ne par l'hexacorde, il nous faudra bien en re-
connaitre l'existence daos la flute iL trois trous
donnant quatre so ns seulemcnt, un tét1·acordc;
daos la guitare ~tccorclée par quartes, puis par
quartes et sixtes; enfin, dans le rebab, ce violon
priroitif qui, a la position ordinaire, n'a qu'une
étenclue de six notes, un hexacorde.
D'nn autre c6té, si on admet l'influeuce des
Ara.bes en Europe, notarou1ent depuis le huitieme
jusqu'au quatorzicme siecle, infiuence qu'on ne
saurait mettre en cloute a l'égarcl de la littérattu·e
- 68 -
tant dans le micli de Ja France qu'eu Espngne et
en Italie, il uous sera permis de croirc que cctte
infiuence dut se porter aussi sur la musiquc qui,
avcc la poésie, forLnait In. partie esscntiel lc de la
Gaye-scicnce, la sciencc des 'rrouveres et des ~Ié
nestrels.
C'est la, a nos yeux, le c0té important de cette
étude, puisqu'on peut en tirer des renseignements
curieux etintéressants pour une période presqu'in-
counue de l'histoire de la musique.
II
« Des tambours et des flutes de la plus grossicre
• espece fureut trouvés nu milieu des iles les
» 1noins penplées, et l'on peut prouver par des
» exc1nplcs 1n1iltipl iés IL l'infini que hL n1usique
m
A propos du tof des Hébreux, on objectera, sans
<lout.c, la lta1·pc de David et les quatre millo chan-
tcurs de Salomon . ' ' oyons, des h présent, ce
qu'était cctte harpe; cela nous conduira di1·ectc-
ment a I'cxamen du systeme DHtSical (l) des An-
ciens arri vé ason plus grand dé1•eloppcmcn t qunn t
uu 1101nbrc des sons appréciables avcc leurs ins-
truments.
On se ferait une étrangc idéc de la harpe de
David, si on se la figura it semblable a celle qu'on
en1ploic de nos jours . Une chose ccpendant fi1 it
croire a de grandes dimcnsions pour cet instru-
n1ent . On parle de soixa-nte-q1ünze cordes .
- ¡3 -
du lu11noun sont eles gammes ascenclantes et des-
cendantes exécutées en faisant glisser rapidement
les becs ele plume sur les corcles, et cela toujouxs
en se sou1nettant au rhyth1ne de la chanson mar-
qué par un instrumenta percussion.
I~es deux doigts de chaque main cmployés pour
pincer les cordes ponrraient fajre supposer une
suite de sons si1uultanés procluisant l'harmonie;
il n'en est rien. Le joue1u· ele luvnoi¿n se sert de
l'inclex ele chaque main dans les passages rapides
et elans les gan1mes glissées; l'em¡>loi des quatre
cloigts n'a lieu ctue pour l'exécutiou des notes ré-
pétées, genre d'enjolivement dont j'ai déjit parlé
au sujet de Ja kouitra. Le kanoun joue le mcme
role que la kouitr(t dans les concerts ara bes.
Q,uant aux soixa.nte-quinze cordes, elles sont
accordées par /.rois (t l'1tnisson, ce qui réduit a
vingt-cinq le no1nbrc eles sons formant l'étendue du
syste1nc basé swr le tétracorde. Encore, arri ve-t-il
souvcnt que les musiciens négligent de mettre les
cordes extremes clont l'emploi est tres-rarc. Alors
l'étenelue elu kanoun est seulcmcnt de trois octaves,
co1uportant soia;ante-süv cordes, par suite de la
suppression eles trois sons les plus aigus.
-l
- 11 -
J,e mocle cl'accord est conforme au premier ton
du plain-chant. La cord e Ja plus grave donne le
ro et les sons se succeclent dans l'ordre naturel :
re-1ni-/a-sol-la -si.-clo-ré, etc.
J\. 11ec soixante-s ix cordes, l'étendue est de trois
oeta1·es, de 1·é a 1·é.
Avec soixante-quinr,e cordes, elle est de trois
octü ves et trois notes, de 1·é a sol, liniitc c.z·tríhnc
des sons appréciablcs swr des instirunients au.tsi i11i-
11arfaits.
Revenons au tétracorde.
Les chansons populaires les plus anciennes,
avons-nous dit, sont rcnfermées dans les quatrc
sons de la fl.tUc ci troi.s 11·ous . Le tétracorde se suf-
fit a}ui-tnéme, et CC n'est que clans quelqueS en-
joJívements qu'o n enten<l une cinquíe1n e note
glísscr rapidemeot.
Comment le systeme des sons s'cst-íl dé1relop-
pé pour attci nch·e trois octn.ves, que nous savo ns
étre l'étendue du kanoun?
L'adjonction cl'une cor,Ie en haut ou en bas s'ex-
plique llicilement potu· ht lyre . l'our la flüte, au
- 75 -
contraire, il n'y a pas de tn1nsition entre l'emploi
de la flute il. trois trous, formnnt un tétracorde, et
celui de la flí'ite a six trous, clonnant la réunio11
de doux tétracordes conjoints .
.Je n'ai recueilli, a ce sujet, tl'autres renseigne-
ments qu'une légende. La voici :
,,
Signalons, pour en finir avec les instru1nents i1
•ent, la raita ou t·aica, especc de musettc aanche
pcrcée de sept trous et terminée en pavillou.
üet instrument déja plus parfait, puisqu'il ré-
sume toujow·s !'octave, est connu en Espagne sous
le nom de gaita. Cbez les Arabes, il sert généra-
lement pour les chants de guerre, et - ce qui
peut amener quelque confusion - le mode qui
- 7\) -
VI
Parini les instrumcnts a cordcs figure le violon,
paulc de l'exécutant.
A la position naturelle, l'ótcndue des sons pro-
duits par le i·eúaú est d'un hcxacorcw.
VD
n me reste iL pnrler de la lr.ouitra di te guitare de
·runis.
La /¡ouibra ótnit l'instrument connu des Grecs
sous le nom de kitha1·a, elle a conservé la forme
premiere de la lyre :
On sait que, cl'apres l'histoire des temps mytho- •
ré-so l-do.
VIII
Un fait qui doit exciter l'étonnement génóral,
c'cst que les Grces, clont les connaiss1111ccs et le
goflt clans les arts ét11ient si étenclus, n'aiont pas
cleviné les propriétés do l'octave précisément dans
ccttc union de dcux tétracorcles disjoints. La
cause en est peut-etre due ala grande quantitó ele
signes qu'ils employaient pour représentcr les
sons dans chacun dos quinze modes dont parle
Alypius .
Selon cet aute1u" le nombre des signes figurés
par les lettres de l'alphabet prises dans différentes
positions, s'e1evait a plus ele seize cents (1).
Les Romains climinucrent beaucoup cette pro-
fusiou de signes; cependan t, il faut nrri ver j us·
qu'a l~oece, potu· t rouvcr l'usage de qui uzo lettres
seuletnent. Des lors, In oomparaison peut s'éta.-
blir plus facilement pou1· les tétracordes, et 8aint-
Grégoire, considérant que les rapports des sons
IX
On se ferait une étrange idéc du sens de la ré-
forme ele Gui d'Arczzo, en lui attribuant simple-
meut l'invention du nom des notes pris dans l'hym-
ne de Saint-Jean .
Sa véritable découverte, celle qui a conduit it la
formule ha.rmonique, consiste dans l'ótablisscment
- 88-
des ,·apports des hexacorclcs, dans les 'nuanccs, et
enfin dans le bénio/.
La oi1 Saint-Grégoire avait vtt deux tétracordes
se1nblables donnant con1n1c sons extremes l'oc-
ta.vc ré- sol=la-ré, Gui d'.Arezzo, proc6dnnt par
l'application des consonnances hannoniques, re-
connut d'abord clcux ticrces semblables, séparées
par un clemi-ton et clonnant comme sons extremes
la sixte, l'lwxacorclc : do-ré-n~i fa-sot-la.
Puis, appliquant i~ sa découverte le systC111e des
dcux progressions aritlnnétique et harmonique,
qui cousistait a intervertir la position de dCU..'{ té-
tracordes (1), il mit en hant la tiercc qui, dans le
pren1ier hexacorde, se trouvait en bas. Il en ré·
sulta un secoud hexacorde ayaut un point de dé-
pnrt difl'érent, 1nais enticreutent semblablc au
prcu1icr qunu t au rapport des sons entre eux. Ce
second hexacorclc était, en effet, formó com1nc le
premier, de deux ticrccs scmblables, séparées par
un demi-t-011 : sol-la-si clo-ré-1ni.
En suivant ce 1néo1e u1odc de procéclcr, il prit
Ut qucnnL !axis
/lcsonai·c flbt'is
Jlffrn gcstoi·um
Pmnuli IUO\'lllll
Sotvc polluti
labii rcatmn
Sancto Joannes.
¡;;' B .... mi
C>
:::; A •.•. ré
;:::¡
<> G . . • . uL .... 1" nEx"conoE os nscu,,on& basé sur la note liypopt·oslambanoméuc.
,.o
:::;
-·
- 92 -
ne fut comblée que plus tard par la décou verte de
la sensible; mais il n'en reste pas moins óvident
que la loi de l'bannonie étaít foro1uléc par Gui
d'Arezzo ('l) .
Quant au systcn1e des tétracordos, on en garda
justo ce qui pouvait concorder avec les príncipes
nouveaux, et la guitare, modifiant son mode d'ac-
cord, forma avec les dcux systil1nes un 1nélange
héroroclite qu'elle a conser vé. La nature excep-
tionnelle de ce modo d'accord (2}, - trois té/!J·acor·
eles surnionlés cC1in ltc:raco1·de cou,pé ((. sci baso va1·
1ine ticroc - semble ctre le résultat de la fusion
des deux systcmcs de St-Grégoire et de Gui
d'Arezzo.
I
La musique, considérée dans son état le plus
sin1pl e - un bruit régularisé - supp osc fo1·cé-
ment une mesure. Or, les musiciens arabes jouan t
1t l'unísson, c'est-lt-dire, f.1isant ensen1blc le mcmc
son, la méine pht·asc musicale, cloivent chanter et
jouer forcément en mesure.
Cette 1ncsure est-cllc nsscz scmblablc il. la notro
- \:)!¡ -
pour que uous puissions en ressentir imn1édiate-
ment l'influenee, ou bien y trou verons-nous on-
coreles difieren ces que uous a vous const atm entre
notre systeme harmonique et le systeme mélocli-
que des Arabo s ?
J'ai déja cité l'har1nonic rhythm iquc de la. mu-
sique du bey de Tunis et celle plus simple pro-
du ite par les iostruments a percussion des Ara-
bes; cela seul suflirait a démontrer l'existenoo de
la tneine disse1nblance. Cepeodant, Ja n1esure est
aussi rigoureuse dans la musique des Arabes que
dans la nota:e; elle regle les mouvements de la
danse; elle suit l'allure lente ou vive de la mélo-
die; elle fait corps avec cette mélodie qui ne peut
marcher sans elle. La clivision rhytlunique se rc-
produit d'une maniere périodique, inaltérable dans
tout l'accotnpagnement d'une chanso n; mais cette
clivision, subordonnée probablement, daos le prín-
cipe, au rhythme poétique, a conduit a des cou1-
binaisons étranges potu· nous et dont la régula-
rité ne nous frappe pas des l'abord.
Qu'ét4lit le rhythme poétique des anciens?
Le mélange eles syllabes longues et breves .
Ce rhythme fut évidemmeot des le príncipe ap-
- 95-
pliqué it la u1usique chez des pcuples pour qui cU1·c
et vhantcr était la mcme chose.
De la musique a la danse la transition était fa-
cile; et bienoot, con1me le chant n'était pas sufii-
san1ment bruyant potu· marquer les mouvements
des dttnseurs, ce role échut en part-0ge aux ins-
truments h percussion dont la sonorité n'étiüt
jamais con verte, memc par les cris et les applau-
disse1nents les plus enthousiastes ('I).
De mcme que la poésie variait ses accents, la
danse varia ses mouvements, et l'application ele
chaque nouveau rhythme du t se faire presque eu
meme te1nps pour la poésie et pour la danse.
Quaud, par suite de ces variantes, qui cléplai-
saient si fort i1, Platon, le chant se fút peu 11. peu
clégagé des cntraves ele la poésie, les instruments
.. ..
~
CHAPITRE VI
-
Effots mc1·1·cillcux que les Ara bcs, com mc les C rees, nltri
buc nt a leur 111usiquc. - Dan sc du /Jjinn. - Chnnson
es
de Sala/1 JJey. - Lég endc Alfarabbi. - Quntrc nutr
modcs : lhm11net-meia, i·sain-sc/Jah, Zcidan, As/Jetn.
-
Diabotus il1 111usica. - L'l.iabiludc d'cn teod rc et l'édu
ca-
de
tion de l'oreillc. - La musiquc soui11isc aux capriccs
ui
1'01'Cillc. - Exagération poétiquc. - Excm11les it l'opp
de In loi de l'hnbitudc acqu ise par l'~ducntion de l'orcillc.
11
111
lV
Appliquons ces cffots anx modcs que nous con-
naisson s tléja : la joio sora causéo par le modo
Lºsain, la furou r par le 1nocle l!:d:;cU; tnais Ja tri::;-
- 105 -
tesse, le som1neil, et aussi cette danse qui fait dire
que les femrnes sont posséclées du démon?
Ces effets appartiennent aux modes Ri~1nnict
nieüi, L'sain-sobah, Zeülan et Asbein, c1tü semblent
étre les derniers restes de ce genre chromittique
auquel les Grecs préta.ient un caractere si sur-
prenant ('l) :
' (1) Les huit pl'CJUiCl'S modes, dont j'ai pal'lé au cbapi-
trc lli, dcvaicnt fOl'ffiCI' le gcnl'C diatoniquc, qu i procédait
par dcux tons et un dc1ni·ton pour chac¡uc túlracordc.
-- iüo -
L1• Enfin, le moda Asbein, dérivé du mode Afo-:.-
•1no1in on Lydien, de ce mode triste et propre i~ Ja
mollesse que Platon bannissait de sa Répnblique,
emprunte an Afe;;;1nown son second tétracorde, mo-
difiant le sol du premiar pour produire sol clia!!e,
dans un mode qui a le ?ni pour point de départ;.
C'cst ce mode Asbein (que l'on confoncl souvent,
en .A.lgérie, avcc le Zei.<lwn) qui fait danser, malgré
elles, les fen11nes posséclées du démon. C'est ce
mode Asbein qui avait bien réelle111ent tnérité hi
qualification ele Diabolus in nvu.süxi, qu'on appli-
qua plus tarcl au modc Ed;;eil .
V
Bien qu'on llésite a évoquer les souvenirs rl'Or-
phée, el' A.111phion et de tons ces chantres fii.meux,
pour se les représcnter opérant leurs prodíge.s avec
ele tels inoyens, 011 ne peut méconnaltre le rapport
des effets extraorclinaires procluits par la musique
eles A.rabes avec ceux que les Grecs attribuaient
i:t. leur musique.
Mais, si, avec des élémeot.s aussi récluits, on
procluisait clans l'antiquité des effets que nous ne
pouvons pas imiter aujourd'h1ú; si toutc cette
science n1usicale, que les philosophes plaqaient au
- 108 -
premier rang parmí les seiences, se résun1e dans
un chant accompagné de tamboLu·; si, ehez un
pcuple appréeiatcur du beau dans les arts et dans
Ja Ji ttérature, les questions u1usica.les étaient rcn-
fcr1nées dans un ccrcle aussi rcstreint; coouncnt
pourrons-nous c1·oirc a eette i1nportancc que les
philosophes attachaicnt li l'étude de Ja musiqne,
ii ces louanges que lni donnaient les poetes et les
oratenrs, il ces di visions de sectes pr&tes a en
venir aux mains, con1tne il y a trente ans, chez
nous, les classiq ues et les ron1antiques, ou oneorc,
eo1n me il y a un siccle, les Piceinistes et les Gluc-
kistes?
Dirons-nous, aprcs tant d'autres, qu'il fhut,
pour le merveilleux, faire la part de l'exagération
poétique, et que les prineipaux effets de In, tnu-
sique étaient dus a. la poésie, a cette langue
greeque dont les aeeents étaient si dotL'I':, que clire
et ehanter était la méme ehose; rejettcrons-nous
plut-Ot la cause de ces mcrveilles sur l'ignorance et
la grossiereté des aucliteurs; ou nous résou<lrons-
nous, comme Rousscau, apenser qu'il cst i1npos-
sible ele juger une musique dont nous pourr1ons
uvoi1· la lettre, mais non !'esprit'?
- 109 -
Pour u1oi, nprcs n.voir fait In. pnrt de l'exagó·
ration poétique, je rnppellel'ai le principe de
l'liabitudc cl'cnterul1·e, ou, si l'on airoe mieux, de
l'éclucation de Corcilla, qui <loit, ;'~tnon seos, donner
la clef de cette énigmc.
l'al't. "
•
•
RÉS UMÉ . - CON CLU SION
I
11 111t• fiiut, 1naintenant, indiquer les consé-
quences ii tirer de cette ótude de la musique nrabe
co111parée :\ la musiquc grecq ue et au cha.nt gré-
.
gor1en.
Résumons d'abord !'ensemble des faits avancés,
la conclusion en décou lera naturellement :
•
- '12'1 -
toutes les langues, italien, provenqa.J, franqais,
gascon, espagnol, etc.
Est-il besoin d'ajouter que les croisades, renou-
velant constan11nent les rcla.tions des Europécns
avec les i\Iaures, étüblissaient un échnngc conti-
uuel dans la Iangue et les connaissances scientili-
q ues et littéraires des denx races ?
~'.Irtis,
tanclis que les i\laures restaient station-
naires, les peuples d'Occiclcnt, aprcs s'ctre assimilé
les connaissances des Orien taux, les développaient
dans un autre sens, et nous avons vu comn1ent
le systen1e n1usical fut singulieren1ent modifié
et agrancli par la clécou verte ele Gui d'.A.rezzo.
Des lors, la musique, se faisant calme et grav<'
en Occident pour développer plus a l'aise le prín-
cipe harmonique, abandonnait aux musulmans la
glose et les enjolivements qu'ils ont conservés.
Les chantetu·s arabes cloivent encore savoir une
grande partie de ce qu'on exigeait du Trouvere,
et si on ne retrou ve pa.s chez tous les ta.lents spé-
ciati:-: qui semblaient étre réser1rés aux jongleurs,
on co1nptenclra comn1eot ce persooonge a pu ctre
remplacé dans les fétes mnurcsques par un boútfon
rl'un autre genre qu 'il suffira de 1101111ner; je veux
- l':/2 -
dire Ga-ra{JOtts, le poliehinelle indigene, dont les
grosses plaisanteries sont toujours si bien accueil-
lies de la population musulmaue.
II
Disons, u1itintenant, qnelles conséquenees nous
tirerons de cette étude de la n1usiqne arabe, exa-
minée daos ses rapports avec la musique grecque
et le cban t grégorien"
Jusqu'au quatorzieme siecle, on s'est servi de
douze ga1nmes différentcs, chacune ele ces gan1tues
donnant a Ja mélodie un caractere particu lier.
A dater dtt quatorzicme siecle, on a abaoclonné
ces gammes pour n'en conser ver qu'une co111me
base du systeme harmonique. Plus tard, on en a
repris une seconde, la, gamme 1nineure, qui
n'existe qu'a l'état de déri vé de la premiere, et ne
peut, harmoniquement parlant, marcher sans elle.
Ainsi, antérieurement au quatorzietne siecle de
.Jésus-Ohrist, la musiq11e n'est que méloclie, tnais
cette u1élodie se dévcloppe dans douze {JC111nnies ou
1nodes d'un oa1·actere different.
Au momcnt oü surgit l'élément haru1onique for-
n1ulé da ns lesysteme cl'hex<1Cordc de Gui el' Arezzo,
- 123 -
on abanclonne ces douze ga1nmes ; puis, lors·
que déjit l'hannonie a grn.ncli son action, et sans
rloute aussi par suite de la déconverte de Ja note
sensible, c'est-a-tlire vers le dix-septicme siecle,
on reprend une seconde gan1me, un second tuode
dont la mélodie a un caractere spécial, nécessitant
Hne harmonie spéciale aussi.
Or, ces deux gamn1es, qui corl'espondent a nos
111odes niajc1¿·1· et rninenr, ayant fa.it partie tles 1110-
dcs du systcmc n1élodiq11e usité antérieuren1ent a.u
qua.torzietne sieclc, n'est-ou pas en droit de pen-
scr que, dans les dix autres mocles abandonnés a
Ja méme époque, il y a lt prendre, sinon tout, au
moios quelquc chose, et que ce quelque chose ai-
deri it au dévelop¡)e1neut de notre systeme har-
monique ?
Pour nous, il n'y n pns lit le 1noindre doute, et
cependant, au tnoment de termincr ce travnil,
nous nous demaudons si les sympathies qu'il n
éveillées chez quclqucs personnes trou 11eront un
écho dans le monde musical . Nous nous rappelous
les sarcasmes qui ont accueilli les lVIeybomius et
les Burette dans leurs essais ele musique grecque;
et, sans nous abri ter clerriere une fttusse et inutile
modestie, nous avouons n'a.,·oil' pas l'espoír de lilirc
partager it nos leetcurs Ja conviction qui nous anime.
Sans doute, on nous objeete1~1 que les elfets de la
1nusigue ara.be sont connus et qu'on a pu les juger
notam1nent dans Le Ddscrt de J\í. 1\ílicien ])avid .
0."ous dirons, nous, ctue c'est la une errt>ur trc:;-
grancle. ~ I. David a. fi1it le contraire de ce que
non:; demandons; il a n1odifié la mélodie arabt>
pour lui appliquer notro systeme Jiarmonique, re-
nouvelant aiusi pour son muvre ce qu'on fitíttous
les jours pour le plain-chant.
Nous Youclrions, au contraire, qu'on :tpplic1uí'tt
un systcme harmoniquc approprié it la gau11ne de
chaque mode, sans altérer le ca.ract.Cre de la iné-
lodie. La, croyons-nous, est la source d'une non-
velle richesse harmonique, dont J'eniploi po11r1·1tit
se combiner avee ecllcs c1uc nous avo11s déji1.
De meme que le mode 1nineur a une harn1onie
$péciale, il faut en adaptcr une a chacun des n1odes
que nous signalons.
Un tra vail dans ce sens atu·ait pour résultat
i1n1nédiat de ramencr le plaín-ebantltsa vraio voie,
et fcrait cesser la confus ion apportée dans le chant
reli~ieux par le mélan¡re du príncipe 1nrlocliqul',
- l25 -
t1u i cst la busc tlu syste1ne de Saint-Grégoire,
avec le príncipe barmonique auquel on veut Je
plier et qui n'arrive c¡u'a le défigu rer (1).
Quant <'L l'application d'un se1nblable systen1e 1t
notre inusique profane actuelle, nous ne saurions
en affirn1er Ja possibilité, le temps et l'expérience
pouvant seuls démontrer jusc¡u'it que! point les
ressources de la mélodie antique, alliée á une
lun·monie spéciale, seraient compatibles a vec nos
habitudes iuusicales .
Quoi qu'il en soit, nous pensons qu'il y a dans
notre tra\7 ail quelques points d' histoire, je clirais
presquc cl'archéologie musicale, qui peuvent offrir
quelquc intérat; et, si l'ou vicut nous clire que le
tétracorde de Pythagorc et l'hexacorde de Gui
cl'1~rezzo ne renouvelleront pas chez nous la que-
relle des Gluckistes et des Piccinistes, nous n'en
eroirons pas moins que l'étude clu passé donne
souvent le vrai clu présent et permet de conjecturer
!'avenir.
RSSAI
~rn
IJG
1
Qui tend A prouver que le premler Chef d'Orchesti·e connu
a. succédé A une Éca.llle d'Hu1tr e.
II
D'une Tortue a un Plano.
1Vihil novu1n sub sole, clisent quelquefois les an·
tiquaires; ríen de uou veau sous le soleil, - et
partant de cet a.xiome ils voot cherchant, compul-
sant, potu· prouvcr qu·aprcs le cléluge - pour ne
pas dire avant - la somme des connaissances
hu111a.ines éta it aussi complete qu'i~ présent. Une
inscription décou verte, un hiéroglyphe déchiffré,
un texte traduit, cou1menté e.le mille manieres,
tout est matiere a iuvestigations sur ce sujet, et
heureux, bien heureux, celui qui peut apporter
une uou velle preu 1•e al'appui de son axiome favori.
Lo in de nous la pensée de fai re cause commune
avec ceux-la quant au résulta.t final.
Si nous cberchous a rc1nonter - daos notre spé-
cialité - a!'origine des choses, ce n'est pas clans
le but de glorifier le passé pour dédaiguer le pré-
seut; uous voulons, a.u contraire, sui vre ces grauds
courants de la civilisation qui, comme autant d'an-
neaux d'une méo1e chaine, se renonent dans l'his-
toire pour o:iontrer aux peuples la 01arcbe toujours
ascensionnelle de l'humanité vers la perfection.
- 136 -
En un iuot, nous cherchons !'origine pou1· éta-
blir le progre .
On ne s'étonnera done pas si nous parcourons
la métne route pour l'étude de chaque instru1nent,
puisquc la musiquc, unie iL la poés ie, apparrut
avec elle et se déphice selon que la civilisation
progrcsse chei les eliltcreuts peuples qui nous l'ont
transu1ise.
C'est ainsi que nous voyo ns, eles la plus haute
antiquité, les poctes et les musicieus prendre pour
emblcme la lyre, typo génórique des instruments ü
cordes.
On croit géné ralen1ent que la guitare a succédé
a la lyrc antique, et com ino preuve on cite David
jouant de la ha1·pe en dansuut devant l'A.rche.
Disons d'abord que cette citation porte cntiere-
1nen t iL !hux, ainsi que nous l'établi1·ons en parlant
spécialement de la harpe qui, men1e 1t l'époque d!'
David, n'avait déjiL presque plns ríen ele commun
avec la guitare.
Que les deux instrumeut· déri vcnt ele la lyre,
nous ne le contestons pas; u1ais nous pensons que
tous cleux suivirent une marche bien distincte et
que, en ce qui concerne la guitare, ce f'ut l'ins-
- '137 -
tl'ument connu des G·!'ecs sous le nom de Kithara
eb qui avait couservé la forme pretniere ele la lyre.
Oo sait que ce fut Jl1crcure, selon les uns,
'
Ill
- l ·ll -
IV
A Dori o ad Pbry glum .
'
- '148 -
rateur passionné de l'antiquité, qui nous a filit des
remontrances amicales relativement a In pnuvre
petire raillerie échnppée de notre plume ;\ l'endroit
des antiquaixes.
LA M US IQUE KABYLE
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1\1ld:)ntin o.
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VI II
EXPÉDlTION DU MAl\'f:CHAL BUGEAUD DANS L'OUED ·SAEL
EN 1841.
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CHANTS J(ADYLES .
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1r2 1--- 1
EU J-4 111
-
CATALOGUE
DES
t>AR
DU l\IBME AUTEUR:
·l• P lusicurs F.1NTArsms rouR ORCRESTRE s ur des airs a ra bes;
2• Les memes, al"l"angées pour piano i• 2 eL á 4 111ah1s;
3° NOUJJA ( ;:._! _,_; ) •
TABL E DES MA TIERE S
PAOES
A\ o\NT• PROPOS., , , •, . ,
1 , , •, , , . ••, •o , • • • • • • • •• • , , , , , • 1
CJIAPJ'l'RE PREMIEn. - f,cs Arabcs out emprunlé
aux Grccs lcur systcmc music."ll. - D6finitions do
In musiquc chcz les Anciens. - Musique tbéoriquo
ou s¡iécuJative; sciencc des nombres. - Querelle
des Pythagoriciens et des Arystoxénicns. - Les
Juirs p.-irticipeot a1Lx prog1~s de l'art musical chcz
tous les pcuples de l'aot.iquité. - :Musique pratique. I~
CJIAPITRE ll. - Pou•'(]uoi les Européeos u'appré-
cicnt pas les beautés de la musique arabe. - Les
varinntes, la Glose. - La musique du Bey de Tunis .
- TI l'aul une cerlainc hal>ilude, une espcce d'édu-
cation de l'oreille pour com¡ll'cndre la musique ani-
be. - Les Arabes ne connaissl'nl pas l'harmon ic.
- 180 -
J'li\G&S
- Composition Ol'djnaire d'un conccl'L a1·abc. Nouba.
- Béchora{. - Cnrnctcrc de la mélodic ar:1bc. -
Les Arabes ne connaissent ni l~s ticl's ni les qoa rts
de ton. - Variété dans les tel'minnisons. . . . . . . . . . 31
CHAPI'l'R.E III. - Modes des Grccs et des Ambcs.
- Tons clu plain-chant. - Les Arabes ont qua-
torzc modcs. - l lésumé bisto,.iqué. - Quatre mocles
pdncipnux : frak, .lle=moum, Edzcil, Djor~·a. -
Chanson faite pal' les Kabylcs lors de lcul' soum is -
sion, en l85i. - Quat1·e modcs sccondaires : L'sain.
S1iika, Jl!eia, Rlisll-Ed::eil. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 51
CHAPIT'RE IV. - Tétracordc e l hexacorde. - Ins-
trumcnts usités cbez les Hcbrcux, chez les Grecs,
chcz les A1·abes, et qui servcnt encore a l'execution
de la musique populaiec en Espagnc. - Gosba. -
Taa1· et Do(. - Kanottn, barpe de David. - JJj1w111tk.
Légendc, flt\te u sept lrous . - Rait11 et Gaita . -
Atabal, Alambor, JJcrbo11k·a. - Violon ou A'emcndjah,
Rebab. - Kouitra. - Les ancicns n'ont pas con nu
les propriélés de l'oct.avc. - Consonnanccs de lierce
e t de s ixtc. - Bocee. - St-G,.égofrc. - Gui
d' Arez"o poso les bases d'unc ~amme uniquc et
réunit daos so11 systcmc d'hexacordcs les premier~
elémcnts d'ou doit jaillir le 11ouvcau principc musi-
cal, l'harmonic. - La guitare modcrnc; rusion des
clcux syst.Crncs.. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 66
CHAPI1'RE V. - Le l'hyLhme. - Le · rbylhmc des
.<\.rabcs cst l'égulicr, périodiquc. - Hhytbrne poéti-
<1uc appliqué a la musiquc et á la dansc. - 7'empus
pc1feétu.;n.et tempus impcl'(eetuin. - Quclqucs vai·ié·
tés (le .vbyl.hmes
. usités chez les Arabcs. - Indépen-
da11w ... .<Jc.
. s .' ipstnuncnts il pcl'cuss ion. - Jfo,.monic
rh,yth1n iqiic ....... .... .... ... .... . ... ..... . . . . . . 9:~
• - 181 -