Dubois
Dubois
Dubois
[1]
un dispositif qui varie sans changer de
nature :
Figure Humaine,
huitime mouvement
-
quivalents-quinte,
ils sont gnralement nots en rouge sur la partition. Nous donnons en exemple
dans lillustration ci-dessous la
mesure suivante du mme mouvement de Figure Humaine; le mme type
dharmonie fait appel un quivalent-quinte, mi #
(ici
appoggiature suprieure de la quinte):
Figure Humaine,
huitime mouvement
-
les fonctions contraries seront
notes, partir de la notation riemannienne, par les symboles T, D, ou S
(respectivement tonique,
dominante et sous-dominante). Nous garderons les chiffres
romains pour prciser, a contrario, que basse fondamentale et
fonction
concident.
Dans lexemple suivant, laccord de seconde sensible de la
mesure 38 ne remet pas en cause la fonction de sous-dominante installe par
laccord
prcdent, do la notation S. D. propose :
Timor et tremor
-
Les extensions harmoniques feront
apparatre le chiffrage des accords de remplissage dans le cas daccords
classs. Ci-dessous, la
mlodie daccords de sixte, remplissage de lextension
harmonique de tonique de fa, est note entre parenthses, pour la diffrencier
des piliers de cette dernire:
-
Dans le cas dextensions harmoniques au
remplissage constitu dagrgats non classs, nous noterons ces derniers entre
parenthses:
Figure Humaine, septime mouvement
Dans le domaine des
conventions dcriture que nous choisissons, nous utiliserons galement:
-
les crochets pour noter les chiffrages en
cours de texte: do [6/4] pour un accord de quarte et sixte sur do;
-
le bleu, pour dsigner les notes
trangres;
-
les lignes mlodiques fondamentales
seront explicites de la faon suivante:
Vinea mea electa
-
nous agirons de mme pour un contrepoint
implicite:
Salve Regina
[2]
Nous prfrons cette faon
dillustrer la structure de laccord la description par chiffrage
dintervalles, qui peut tre abscons ,
comme dans le
Les valeurs de mesure ne
seront notes que lorsquelles auront une valeur rellement significative. Dans
les autres situations, trs
majoritaires, elles napparatront pas.
[1]
Suivant les conventions courantes, les tonalits majeures seront notes en
majuscules, et les mineures en minuscule, ce qui dispense de la prcision Majeur
ou mineur
[2]
Pour Jean-Pierre BARTOLI (Le chiffrage
harmonique dans l'analyse tonale : rflexion sur sa pratique et sa pdagogie en
France, Analyse Musicale, fvrier
1993, p. 6) :
1.
Mlodie
- Dstructuration de la conduite des voix
Le compositeur cherche souvent masquer des conduites de voix simples
de diverses manires se traduisant gnralement par des mouvements
disjoints et
des contours mlodiques trs angulaires. Toute recherche mlodique chez Poulenc
sattachera la restitution de ces conduites de voix et
la recherche des
procds dstructurants.
1.1.
Procds
traditionnels - Dispersion des voix
Les
procds traditionnels sont les sauts doctave et croisements de voix, trs
frquents chez Poulenc.
Lobservation
de cette mlodie fait apparatre un contour mlodique trs angulaire :
Exemple 1,
Messe en Sol, deuxime mouvement
loctave basse:
Exemple 2
Ailleurs,
les croisements de voix masquent la conduite des voix et induisent des effets
de timbre:
Exemple
3,
Hodie Christus natus est
croisements de
voix suppression des
croisements de voix
La
dispersion des voix entre plusieurs pupitres peut tre considre comme un
dveloppement du point prcdent.
Les
alti font entendre successivement quarte diminue et quarte juste:
Exemple 4, Vinea mea electa
La
comprhension de cette organisation mlodique doit prendre en compte la
polyphonie alti - tnors :
Exemple
5
Les
mouvements disjoints des alti ont pour cause la dissociation de la conduite des
voix alti-tnors, issues des croisements de voix, et dont la
logique mlodique
est conjointe : broderies du si # et du r #[1] :
Exemple 6
1.2.
Mlodie composite - Contrepoint implicite
La notion de mlodie composite[2], consquence du dploiement schenkrien,
dcrit le cas dune mlodie enrichie par de frquents sauts entre deux
ou trois
niveaux, donnant lillusion de plusieurs niveaux mlodiques simultans,
quoiquil ny ait en ralit pas plus dune note sonnant la fois.
Ce concept, fond sur la forte association entre la linarit mlodique
et le registre, rvle une perception de continuit implicite entre des notes qui
Observons
la voix de soprano suivante:
Exemple
7, Salve Regina
Lanalyse
fait apparatre un contrepoint implicite deux voix, grave et aigu :
Exemple
8
La
voix implicite suprieure sera dailleurs entendue quelques mesures plus loin :
Exemple
9
Ce
type de discours peut tre plus labor, comme dans le Prologue de la Sonate
pour deux pianos:
Exemple
10
Elle
fait entendre un contrepoint implicite deux voix, qui se prolonge sur les
mesures 3 et 4 :
Exemple
13
Celles-ci
sont construites partir dune cellule gnratrice X (ainsi que son inversion
Xi, et sa forme lide X-), de la faon suivante :
Exemple
14
La
suite fait entendre un courant mlodique infrieur et une pdale suprieure :
Exemple
15
En
dehors de la pdale, ces mesures sappuient sur une cellule gnratrice Y et
les variantes Xi et X- de X :
Exemple
16
La
mesure 11 est une mlodie simple qui fait appel la mesure Y et son inversion
Yi (ou sa rtrogradation) :
Exemple
17
La
partie A dbute de faon similaire, avec modification doctave sur la note
initiale ne remettant pas en cause la structure mlodique :
Exemple
18
La
suite fait de nouveau entendre un contrepoint implicite deux voix :
Exemple
19
Il
est ainsi structur :
Exemple
20
Continuons
de mme avec voix infrieure et pdale suprieure :
Exemple
21
Cela
donne la structuration partir de X- et son inversion X-i :
Exemple
22
La
suite fait appel, par pupitre, deux voix issues du contrepoint implicite et
correspondant une conduite de voix descendante. La logique
structurale de la
mlodie ne fait donc pas appel ici des cellules gnratrices mais un
corollaire de la pdale : la mlodie en mouvements
conjoints descendants :
Exemple
23
La
logique de pdale se trouve juxtapose une ligne mlodique structure :
Exemple
24
Ces
parties A-A sachvent sur une structuration inverse par rapport aux mesures
11, soit Y-Yi (la voix de tnors est la voix mlodiquement
prgnante) :
Exemple
26
Lanalyse
paradigmatique applique au contrepoint implicite met parfaitement en vidence
la structure rigoureusement conjointe de la conduite des
voix, ainsi
rsume(les pdales sont exclues de lexemple) :
Exemple 27
1.3.
Extensions
de notes- mlodies par interpolation
1.3.1.
Fondements thoriques
La
brivet des units phrasologiques fait quil y a souvent en leur sein une
logique dextension dvnement mlodique de base qui a pour effet de
renforcer
lunit structurelle de ces pisodes formels. Franck W. ALMOND (1970) constate
quun systme simple de classification merge de
lapparente diversit des
mouvements mlodiques de Poulenc. Nous retenons surtout les deux catgories
suivantes :
Sous le terme de returning figures, lauteur dcrit des
phnomnes mlodiques caractriss par notes de dpart et darrive identiques,
les
mouvements mlodiques compris entre ces notes tant considrs comme des
vnements secondaires pouvant prsenter diverses formes
intervalliques
conjointes ou disjointes de tons ou demi-tons[7].
Les leading figures dcrivent des phnomnes dattraction
mlodique. Lorsque ces notes sont en relation directe, la partie interne de la
mlodie est
considre comme vnement secondaire[8].
Pour dcrire ces deux types de fonctionnement, nous parlerons dextensions
de notes, lesquelles engendrent des mlodies par interpolation et
Par
amplification du phnomne prcdent, nous observons ici une note (do) dont
linterpolation est une broderie. La logique de base reste
la polarisation
autour dune note, ici do. Dans chaque incise, la premire mesure est une
broderie, la deuxime en est une amplification par
broderies disjointes.
Lensemble engendre une forme en ventail :
Exemple 29, Timor et tremor
Ce
principe de broderies disjointes est tendu lensemble des intervalles
possibles, lextension de note retournant toujours la note
initiale :
Exemple 30, La blanche neige
Les
changements doctave ne remettent pas en cause cette logique. Ici, la note
interpolation est octavie aux soprani 1 :
Exemple 31, Messe en Sol Majeur, cinquime
mouvement
Lorganisation des interpolations peut tre effectue par niveaux
successifs:
Exemple 32,
Sonate pour deux pianos, Prologue
La note la, initiale et finale de ces mesures, prsente deux niveaux
dinterpolation, dont le premier fait intervenir une broderie simple la premire
Le compositeur aurait pu sen tenir l[10]. Mais une deuxime interpolation sinsre dans la
premire, de la faon suivante:
Exemple 34
Les
mouvements mlodiques interpolations concernent gnralement des unissons ou
mouvements conjoints, comme les
appoggiatures[11]:
-
Extension
dappoggiature suprieure:
Exemple
35,
Exultate Deo
-
Extension
dappoggiature infrieure (octavie):
Exemple
36,
Stabat Mater, sixime mouvement
Lorsquil sagit de grands
intervalles, cest souvent par lartifice du contrepoint implicite masquant des
conduites de voix plus conjointes:
Exemple
37,
Figure Humaine, sixime mouvement
Cet extrait peut se synthtiser mlodiquement de la faon suivante :
Exemple 38
Le triton
mlodique, en tant que note antipode, est galement concern par la technique
dinterpolation.
Exemple 39, Tristis est anima mea
De la mme manire, tout mouvement mlodique lmentaire peut tre
soumis interpolation: extensions de chromatismes, etc.
Exemple 40, peine dfigure
2. Harmonie
2.1. Espace tonal
Le
monde harmonique de Poulenc est essentiellement tonal (parfois teint de
modalit), la proportion des armatures[12] tant de 73 % dans le
genre de la musique
chorale, contre 27 % dans les mlodies[13]. Mais lconomie des tonalits fait
apparatre une grande latitude de procds
modulatoires.
Cela ne doit pas apparatre comme un trait propre au compositeur. Les
courbes tonales qui se dgagent lge dor du classicisme sont bien moins
mineur, ce sont les tons de DO, r, mi/MI, FA, SOL. Ils privilgient les
intervalles de quinte et de seconde:
ton tons voisins
DO la FA r SOL mi
la DO FA r SOL mi/MI
-
Tonalits
mdiantes
Elles
sont issues des progressions de tierces ascendantes ou descendantes (mdiantes
et sous-mdiantes). Trs dveloppes au XIXme sicle, ces
Ainsi,
on nommera modulations aux mdiantes les progressions vers des tonalits
situes intervalle de tierce (autres que les relatifs). Par rapport
au
tableau prcdent, on ira donc vers le ton de vi,de iii, de $VI,
etc.
-
Tonalits
contigus
Eveline ANDREANI (1979: 374), propose ce terme propos de
Debussy pour nommer le glissement chromatique de tonalit Elle dcrit ainsi une
double:
1) Elle est une consquence logique de lextension du systme tonal
romantique, avec les attractions I - IV - V - I:
SOUS-DOMINANTE TONIQUE DOMINANTE
fa do sol
Les traits dharmonie classique parlent dj d'accords parfaits
principaux et secondaires, car do peut tre remplac par son relatif la, fa par
r et sol
par mi.
SOUS-DOMINANTE TONIQUE DOMINANTE
fa do sol
r la mi
Les traits romantiques vont plus loin et parlent, leur tour, des
relatifs suprieurs:
SOUS-DOMINANTE TONIQUE DOMINANTE
la
$ mi
$ si
$
fa do sol
r la mi
Il n'y a qu'un pas pour boucler le systme : l'axe tend l'emploi des
relatifs au systme entier; le systme d'axes est la constatation du fait
que le
relatif commun de mi $ et la n'est pas
seulement do, mais aussi sol # (relatif suprieur), identique enharmoniquement
la $ (relatif infrieur). De
mme, le relatif commun de la
$ et r n'est pas seulement fa, mais galement si et son
enharmonique do $, et le relatif commun de mi et si $ n'est
pas seulement sol, mais aussi do # (r $)[17].
SOUS-DOMINANTE TONIQUE DOMINANTE
do $ sol $ r
$
la
$ mi
$ si
$
fa do sol
r la mi
si fa # do
#
2) La notion de ton loign est rvise par Bartk en
comparant les deux ples les plus distants dans le cycle des quintes,
c'est--dire l'intervalle
de triton. S'appuyant sur l'histoire du XIXme
sicle, et prenant Liszt comme modle, Bartk montre comment la modulation dans
l'un ou l'autre de
ces tonalits est facilite par l'enharmonie.
V
de DO : sol - si - r - fa
V
de FA # : do # - mi # - sol # - si
Les sensibles et septimes sont communes aux deux accords par
enharmonie si - fa et si - mi#: ces deux tritons seront donc
rsolus soit par
attraction (en do), soit par rpulsion (en fa#). Il
existe donc pour Bartk un rapport dquivalence
entre des deux tons, les deux possibilits de
rester sur le mme degr.
Avec neuvime mineure, nous avons :
V
de do : si - r - fa - la $
V
de la : si - r - fa - sol #
V
de fa # : mi # - sol # - si - r
V
de r # : mi # - sol # - si - do s
Sur l'quivalence do - fa # se rajoutent donc la et r # (mi $). Chaque axe contient donc deux dimensions et une
double attraction selon qu'il s'agit de
l'opposition ple - antipode ou de
l'opposition ligne principale - ligne secondaire. Au final, il y a rapport
dquivalence entre des notes, ou des
tonalits, espaces dune tierce mineure,
qui sorganisent suivant un systme daxes principal et secondaire. Dans les
deux axes, tout ple possde
son antipode.
2.2. Matriel harmonique
Poulenc
disait que son matriel harmonique navait pas de caractre novateur :
Je
sais trs bien que je ne suis pas de ces musiciens qui auront innov
harmoniquement comme Igor (Stravinsky) - Ravel ou
Debussy mais je pense quil y
a place pour de la musique neuve qui se contente des accords des autres.
Ntait-ce pas le cas
de Mozart - Schubert ? Le temps renforcera dailleurs la
personnalit de mon style harmonique[18].
Les
harmonies quil utilise sont en effet essentiellement des accords classs du
systme tonal. Cependant, ils sont souvent modifis selon quelques
principes
qui vont tous dans le sens de masque dune trop simple fonctionnalit, et
lharmonie de dominante prsente des particularits vraiment
propres Poulenc.
Nous nous appuierons sur le comptage du corpus de Figure Humaine,
en faisant ntre la remarque dEveline ANDREANI (1979: 411): Pouvoir
La
cadence finale de la Septime improvisation en ut majeur fait ainsi
entendre, aprs la dominante sur tonique de la mesure 43, laccord
parfait
final dut majeur avec septime mineure et neuvime majeure ajoutes:
Exemple 42,
Septime improvisation en ut majeur
La
volont de jouer sur lambigut avec une harmonie de dominante est manifeste
lorsque, comme cest le cas dans les mesures finales
du huitime mouvement du Stabat
Mater, une tonalit majeure se voit majorise par tierce picarde sur la
rsolution finale. Cest cette majorisation
qui permet ladjonction de notes
(ici la septime mineure si 8) de donner
laccord son caractre de dominante:
Exemple 43,
Stabat Mater, huitime mouvement
Ce huitime mouvement est en do # mineur, majeur par tierce picarde, et
cet accord parfait majeur est enrichi de sa septime naturelle si 8 (
lorchestre: Vl. 2, Vla,, Trp. 3 et Htb. 2). Mais il ne sagit pas dallusion la sous-dominante, ce qui explique le chiffrage
propos:
Nanmoins,
cette volont donner laccord final un caractre de fausse dominante nest
pas systmatique et des accords mineurs
peuvent aussi se voir ajouter, tels
quels, des septimes mineures et/ou des neuvimes majeures par analogie[22], comme ci-dessous :
Exemple
44, Sonate quatre mains, Prlude
Exemple
45,
rduction harmonique
Pour enrichir ses accords, il prfre la polymodalit[23], comme ici, o la rsolution en DO majeur (aprs
dominante sans note sensible et
quivalent-quinte mi 8) est claire la mesure 71 par do phrygien; la rsolution
finale conjugue verticalement modalit et tonalit, le sol $ final
de do locrien adoucissant laccord en vitant le triton r $ - sol 8 :
Exemple
46,
Sonate quatre mains, finale
2.2.2.
Accords
de dominante
2.2.2.1.
quivalents-quinte (cliquer sur ce lien pour accder la thorie approfondie)
2.2.2.1.1.
Principe
Poulenc
va combiner originalement deux techniques propres au systme tonal finissant :
les accords avec: 1) notes de remplacement; 2) notes
ajoutes, et
les extrapoler un systme qui va caractriser son style harmonique.
Dans
laccord de dominante, seule la quinte est susceptible dtre supprime ou
altre sans que la fonction harmonique soit modifie : cest la note
inutile
de laccord. Poulenc se sert de cette particularit pour dvelopper les
principes romantiques dappoggiatures de la quinte ou de quintes
altres:
-
il
fait la fois appel la technique daccords avec notes de remplacement
(appoggiatures non rsolues/quintes altres
entendues la place de la quinte
juste) et celle des accords avec notes ajoutes (appoggiatures non rsolues/quintes
altres
compltant la quinte juste) ;
Ces notes
sont tires de lventail des possibles suivant (dans le cas de laccord de sol
dominante de DO majeur) :
do - do # (r $) - r
8 - r # (mi $) - mi 8 ;
-
elles
sont traites comme des notes relles;
-
elles
peuvent se combiner dans lordre vertical ou horizontal.
Nous les appellerons quivalents de la quinte juste de laccord de
dominante (terme rsum par celui dquivalent-quinte) qui, avec la
quinte juste,
sinscrivent dans le total chromatique compris entre les deux
ples du triton sensible/septime[24]. Nous pouvons rsumer laccord de dominante
de la
faon suivante, o les quivalents-quinte, nots en petite note, encadrent la
quinte juste :
Exemple
47,
Pour
les chiffrages daccords, nous noterons gnralement ltat fondamental, en
indiquant en italique la prsence dquivalents-quinte. La mise
lcart de
ces dernires notes mettra en vidence la simplicit basique de lharmonie dont
nous pourrons donner la rduction.
Ici,
lharmonie de dominante de DO majeur fait appel deux quivalents-quinte, do #
et r # :
Exemple
48,
Valse en Ut
Exemple 49,
rduction harmonique
2.2.2.1.2.
quivalents-quinte et illusion polytonale
Le traitement de la quinte de laccord de dominante assorti aux
principes de dploiement harmonique et de polyharmonie induit souvent une
Il
y a sur lensemble des mesures 654-658 une seule harmonie quindique bien la
note de basse: mi, dominante de la mineur[25].
Lutilisation des quivalents-quinte (ici si$, do8 et do #) apporte de la varit en induisant
diffrentes apparences dun mme objet harmonique:
-
dabord
neuvime majeure de dominante normale la mesure 654;
-
puis
neuvime mineure de dominante avec deux quivalents-quinte la seconde moiti
de la mesure (le la$ est bien sr
enharmonie de la sensible sol #[26]).
Lagrgat du troisime temps apparat donc comme une
sixte et quinte diminue r-fa-la $-si $, thoriquement dominante de
MI $ (tonalit
antipode de LA), mais sur mi 8 ! Cette analyse est bien sr superficielle, et cest
la polyharmonie issue de
lemploi des quivalents-quinte qui rend possible
cette illusion;
-
accord
tronqu sur la mesure 656 car sans note sensible et avec quivalent-quinte si $ (on entend un accord de si$ sur mi 8,
effet polyharmonique rendu possible par lutilisation de
lquivalent-quinte);
-
des
faux bmols 657, car la $ est toujours sol
# note sensible, et mi $ est r #, septime majeure que le compositeur peut
employer en lieu et place de la septime mineure de laccord de
dominante;
-
la
demi-cadence fait entendre la mesure 658 le mme accord qu 654, seul
lquivalent-quinte do remplaant la quinte
juste si.
On peut observer la logique horizontale du passage en suivantle
chromatisme do - do # - r - r # - mi, et noter que l'organisation rythmique
spare
judicieusement les notes suprieures des accords de la fondamentale mi,
donnant entendre en valeurs longues des agrgats suggrant des
ambiances
tonales bien loigns (suggrant seulement) : do# mineuretSI $ majeur en position sixte (655 - 656) et, encore plus fort,quarte
et sixte
sur mi $ 657. Mais suggrant seulement, par
polyharmonie: le tout est bienla dominante de la mineur:
Exemple
50,
La Voix Humaine
Le rservoir de notes de lharmonie de dominante en contient deux
nappartenant pas lchelle de la tonalit considre (en DO majeur, le do #
-
r $ et le r # -mi$). Cela peut
induire un chatoiement tonal galement inscrit dans la simultanit, voire un
certain sentiment polytonal. En raison
de la brivet de ces phnomnes, linstallation
dune vritable polytonalit est cependant exclue.
Ici,
la mlodie de soprano sonne en FA majeur ou en SI $ majeur. Cependant, le discours harmonique est V de V - V en la mineur.
La
fonction de dominante de la dominante possde lquivalent-quinte fa 8et la dominante le do 8, ce qui induit
larpge troublant des soprani:
Exemple
51,
Figure Humaine, quatrime mouvement
Exemple 52,
rduction harmonique
Par
le biais de la quinte abaisse, laccord de sixte augmente cultive depuis
longtemps lambigut tonale entre deux tonalits antipodes. Poulenc
ne sen
prive pas:
La
squence qui suit nous fait entendre une basse clairement place sur la
dominante de MI $
majeur, alors que la main droite semble
donner un accord de r [+ 4], donc dominante
de LA 8, ton antipode. Mais la mesure 41
confirme bien le ton de MI $
majeur par son harmonie de
dominante appauvrie[27], et fait entendre rtroactivement le mi 8 comme quivalent-quinte, ici
traditionnelle quinte abaisse lorigine de
laccord de sixte augmente. Par
ailleurs, lorthographe donne par le compositeur est (pour une fois) sans
quivoque:
Exemple 53,
Feuillet dalbum, Gigue (III)
Poulenc
va au-del et peut, en conjuguant cet aspect et, par effet polyharmonique,
faire pressentir la polytonalit.
Ainsi,
dans les deux exemples suivants, entendrons-nous probablement Stravinsky plus polytonal
que Poulenc qui, avec les mmes
notes[28], colore simplement sa cadence et induit le do # qui
permettra dambigut mineur/majeur de laccord final[29] :
Exemple 56,
Igor Stravinsky, Petrouchka, deuxime
partie, chiffre 95
Exemple
57,
2me promenade, En auto
Bien
quayant une structure typique daccord de dominante la
Poulenc, il sagit bien dune tonique (en fonction contrarie).
Exemple 59, rduction de lharmonie de tonique
La prsence de
lquivalent-quinte fa # dans cette harmonie donne un agrgat qui peut se
rduire une superposition de quartes (dont une
augmente).
Exemple 60, superposition de quartes
2.2.2.1.3.
Le rservoir de notes de laccord de
dominante - Conclusions
Poulenc
ne se contente pas denrichir son accord de dominante par les
quivalents-quinte:
Il
utilise indiffremment neuvime mineure ou/et neuvime majeure, tant en mineur quen
majeur, et peut faire appel la modalit
harmonique par des cadences
sous-tonique. Parfois, la tierce mineure peut tre juxtapose, voire superpos
la note sensible :
Ici,
neuvimes mineure et majeure sont en fausse relation entre main droite et main
gauche[30]:
Exemple
61, Aubade, Rcitatif IV (Introduction
la Variation de Diane)[31]
Exemple
62,
rduction de lharmonie de dominante
Ici, la cadence sous tonique fait entre fa 8 prcdant la note sensible fa # de la cadence tonale:
Exemple
63, Sixime Nocturne en Sol Majeur
Exemple
64,
rduction de lharmonie de dominante
En
tenant compte de ces aspects pour lobservation gnrale de laccord de
dominante, nous obtenons le rservoir de notes suivant, toujours pour
DO majeur[32] :
Exemple
65
Observons-le
sur la cadence finale du Prologue de la Sonate pour deux pianos.
La prparation de la rsolution finale en DO # majeur
seffectue sur un
dploiement harmonique de dominante dvelopp sur lensemble de lincise, et
qui fait appel dix des notes du total
chromatique: neuvimes mineure et
majeure, quivalents-quinte et sous-tonique la place ou en conjonction avec
la note sensible. De la globalit
des notes disponibles, seul
lquivalent-quinte mi8 nest pas
employ:
Exemple 66, Sonate pour deux pianos, Prologue,
harmonie de dominante des mesures 114-120
Le
langage tonal, au cours du XIXme sicle, sest prsent sous une
forme de plus en plus complexe en raison, plus particulirement:
-
de
lintgration croissante de notes mlodiques au discours harmonique;
-
de
la confrontation harmonie de couleurs - harmonie fonctionnelle.
Le
langage de Poulenc chappe en trs grande partie au premier point, mais
lanalyse de la hirarchie des fonctions qui guide le droulement
musicale
poulencquien suppose dobserver les stratgies masquant ses progressions
structurelles de base.
2.3.1.
Conduite
des voix
La recherche du masque de la conduite des voix dune part, du
brouillage harmonique dautre part, font que cette premire est chez Poulenc
tout
fait irrgulire si lon se place dans loptique classique. Ainsi,
rsolutions irrgulires, fausses relations chromatiques, rgularit des
dispositifs
harmoniques, etc., nont pas de sens ici.
Ici,
on a :
-
doublure
de la sensible entre alti 1 et tnors, ces derniers ne se rsolvant pas sur la
tonique;
-
placement
irrgulier de la neuvime fa $ (avec
croisement de voix avec les alti 2);
-
croisement
de voix soprani et alti 1, dans une logique mlodique disjointe;
-
le
do, quivalent-quinte, chappe galement la loi du plus court chemin
mlodique:
Exemple
69,
Videntes stellam
2.3.2.
Dploiement
harmonique
Il
est trs frquent que les fonctions tonales se trouvent dveloppes grande
chelle: une fonction harmonique est entendue sous la succession de
plusieurs
formes de la mme harmonie : dispositifs, renversements divers, rajout ou
suppression de notes, phnomnes polyharmoniques vont
rendre possible ce
prolongement dune fonction dploye sur de nombreuses mesures[34], do le terme de dploiement
harmonique.
Poulenc
va exploiter grande chelle ce trait dcriture en usant de nombreux
dispositifs harmoniques rendus possibles par la richesse de ses
rservoirs de
notes. Lanalyse fonctionnelle nen est possible que par rattachement une
globalit harmonique masque par la prsence de ces
multiples accords et
agrgats parfois non fonctionnels en eux-mmes.
Ici,
il sagit dun dploiement harmonique de dominante enrichi de trois
quivalents-quinte:
Exemple
70,
Figure Humaine, huitime mouvement
Exemple 71,
rduction harmonique
Dans
cet extrait du Prologue de la Sonate pour deux pianos, la texture
est paisse et grave (intervalles de tierces et secondes descendant
jusqu do 0),
ce qui rend la perception harmonique confuse. Nanmoins, la transposition vers
laigu confirmera lanalyse harmonique des mesures
14-15 comme dploiement
harmonique de dominante, avec rsolution sur la mesure 16.
Exemple
72,
Sonate pour deux pianos, Prologue
2.3.3.
Polyharmonie
et consquences fonctionnelles
La consquence majeure de la constitution de dploiements harmoniques
est relative la polyharmonie, qui dcrit le fait quun accord complexe
peut contenir en lui-mme des accords classs plus simples. Dans laccord de
densit[36]5 de neuvime majeure de dominante de FA majeur,
nous pouvons ainsi isoler un agrgat de sol densit 3, qui pourra tre entendu
tel quel dans lharmonie quil lui soit attribu de fonction propre :
Exemple 74
Lamplitude
que peuvent prendre les objets harmoniques chez Poulenc induit une grande
frquence deffets polyharmoniques. Sils nont
pas de fonction tonale, nous
les intgrerons naturellement dans lharmonie :
Exemple
75,
Figure Humaine, huitime mouvement
Exemple 78, rduction de lharmonie
de dominante
En
fait, ici, la basse relle (conformment la conception de lpoque de la
basse continue) est beaucoup plus importante que
la basse fondamentale : cest elle
qui entrane la fonction S - T. Dans ce cas, on peut dire que la fonction S est
une fonction
contrarie, car laccord traditionnel qui la reprsente - donc :
le bon accord - est remplac par un autre, le mauvais
accord.
Cette notion est complmentaire de celle de substitution qui dcrit le cas o, lorsque des notes leurs sont communes, un accord est utilis
la place dun autre. Ainsi en DO majeur, la substitution de I par III seffectue par la prsence commune du mi et du sol[37]. Ici,
contrairement la fonction contrarie, il
ny a pas conservation de la basse fonctionnelle, mais des notes internes
du bon accord:
Exemple 80,
substitution
Cest
ainsi que lon peut expliquer les mesures suivantes o laccord du IIIme
degr de la mesure 5 est une substitution du Ier dans une
squence
plus norme II - V - I - IV - V de V - V :
Exemple
81,
1er Nocturne en ut majeur
La
cadence de la mme uvre fait apparatre le mme type de substitution III pour
I. Il dsamorce le premier mouvement cadentiel , ce
qui laisse toute la place
un enchanement final VI - II - V - I typique de Poulenc par ses notes ajoutes
et son harmonie de dominante
quivalents-quinte:
Exemple 82,
1er Nocturne en ut majeur
De
mme, une substitution par relativit sobserve ici, o est engendre une
confusion des degrs I et VI (tous les accords placs sur si
forment des
broderies). Lensemble peut tre considr comme plac sur le Ier
degr:
Exemple
83,
Figure Humaine, huitime mouvement
Dans
les mesures qui suivent, laccord de sixte mineure prcde laccord parfait et
sanalyse comme accord-appoggiature[38]. Il
facilite le passage de SOL majeur au
ton homonyme la coda[39]:
Exemple
84,
6me Nocturne
Fonction contrarie par accord appoggiature non rsolu
Lexemple
qui suit dveloppe cette logique: mais ici, par quatre fois, laccord de
SOL majeur (dominante de DO majeur) est
appoggiatur sans rsolution;
seule la basse indique clairement la fonction:
Exemple
85,
Valse en Ut
Comme
souvent, lorthographe est trompeuse:
Exemple 86,
rduction harmonique
La
cadence majorise dbute sur quarte et sixte et dominante, mais est dsamorce
par lemprunt au IVme degr, lequel se prolonge par
fonction
contrariesur laccord de triton-tierce mineure.
Exemple 87,
Figure Humaine, troisime mouvement
Faux
mouvements harmoniques
Pour lenchanement dominante tonique, nous pouvons observer des
fonctions contraries dans la conclusion du cinquime mouvement du Stabat
Mater. La basse (basses du chur) est trs fonctionnelle (la partie non
fonctionnelle fait entendre lorchestre le mode mineur mlodique
descendant
non harmonis) :
Exemple 88,
Stabat Mater, cinquime mouvement
Exemple
90,
rduction harmonique
de la dominante de la dominante
Fausses
marches harmoniques
Une
extension de la fonction contrarie apparat lorsque Poulenc harmonise des
lignes de basse en forme de marche dont la ralisation harmonique
nest pas
conforme.
Nous entendons un accompagnement orchestral (violons, altos,
violoncelles et contrebasses) sur basse de marche harmonique de sous-dominante
en
sous-dominante ; do - fa - si $ - mi $ - la $ - r $ ; cette marche cessera la fin de la mesure 25, par
lenchanement tritonique r $ - sol 8 amenant
la
cadence parfaite en DO majeur :
Exemple 91,
Stabat Mater, quatrime mouvement
Mais
lharmonisation est trangre cette logique :
Exemple 92,
Stabat Mater, quatrime mouvement
Mlodies
daccords sur basse fonctionnelle
Au-del,
seule la basse peut tre fonctionnelle et porter une mlodie daccords qui lui
sont totalement indpendants.
Ici,
ce sont des accords de quarte et sixte:
Exemple
93, Sept chansons, La blanche
neige
Exemple
94,
rduction harmonique
2.3.5.
Mouvements
harmoniques interpolation - Prolongations
harmoniques de surface
La prolongation harmonique de surface dcrit une fonction
harmonique interpolant des accords de broderie entre des accords pivots[40]. Dans le
cas de lharmonie classique et romantique,
cest le cas lorsquune suite conjointe daccords est engendre par une progression
mlodique parallle
daccords prolongeant une harmonie initiale avant de passer
une nouvelle fonction:
Ces suites daccords relvent dun contrepoint
volontairement sommaire et appartiennent la conduite linaire des voix. Ce
sont des accords de passage des harmonies de surface qui sinterpolent entre
les pivots structurels de lharmonie et qui nont
par consquent aucune
fonction particulire dans le droulement du cycle fonctionnel (BARTOLI,
2000: 53).
Ces accords transitoires viennent se greffer sur la structure
harmonique de la phrase pour l'enrichir. Lauteur cite ainsi Haydn:
Exemple 95,
Haydn, Sonate n 59, Hob. XVI/49, Finale
Ici,
les accords de septime non fonctionnels de la mesure 63, sont encadrs par la
squence fortement fonctionnelle. Pas plus quil ny
avait chez Haydn de
parcours fonctionnel, il ny a pas ici de caractre modulant, mais une
prolongation masquant lharmonie de dominante qui
prcde. On na pas SOL # V -
FA # V - MI V - R V - FA # V - SOL # I, mais simplement SOL V (prolong) - I :
Exemple
96,
Debussy, Prludes, La Cathdrale engloutie
Prolongation harmonique de fa # I
Dans le cas dinterpolations fonctionnelles, Poulenc aime aller au-del
des emprunts classiques, empruntant de lharmonie des mdiantes jusquaux
donc naturel que les interpolations utilises par Poulenc passent aussi par ce
type de mouvements.
Dans
la squence qui suit, la matire harmonique interpole fait allusion des
tonalits intermdiaires progressant de tierce majeure en
tierce majeure (en
tenant compte des enharmonies), soit un arpge de DO # avec tierce (fa) et
quinte augmente (la 8):
Exemple
99, Sonate pour
deux pianos, prlude
Exemple 100
Les accords sont quivalents-quinte pour les accords de dominante, notes
de la rsonance naturelle ou par analogie pour les accords de tonique:
Exemple 101, Sonate pour deux pianos, Prologue
Au
demi-ton suprieur: linterpolation de DO$ ne remet pas en cause le ton de SI$ et son
enchanement tonique - dominante:
Exemple
102, Figure
Humaine, huitime mouvement
Au
demi-ton infrieur: linterpolation de DO 8 majeur ne remet pas en cause do # mineur :
Exemple
103, Figure
Humaine, cinquime mouvement
Tonalit
antipode
Linterpolation
par tonalit antipode apparat dj dans le langage romantique. Jean-Pierre
BARTOLI (2000: 124) cite ainsi la scne de fonte des
balles du Freischtz
de Karl Maria von Weber (dont il pense que la sonorit a probablement
t inspire par lchelle naturelle produite par les
trompes de chasse ),
la coda de la Marche au supplice de la Symphonie fantastique
(relation de triton r $ -
sol 8, mesures 153-159), la Sonate
en
si mineur de Liszt (relation de triton mi 8 -
si$, mesures 161-163). Il sagit chaque
fois de broderies de laccord de tonique.
Plus
prs de nous, les langages no-classiques emploient cette technique qui permet
de noyer le ton:
Wilhem
Furtwngler, dans le quatrime mouvement de sa Symphonie n10 en mi
mineur, fait entendre lenchanement suivant:
Exemple 104,
Furtwngler, Symphonie n 2 en mi mineur, 4me mvt
Voici
le commentaire de Bruno d'HEUDIRES
(2003):
Si
la ligne mlodique suit un parcours logiquement consonant, l'accompagnement
mesure 291, 3me et 4me temps s'avre
compltement tranger ladite mlodie.
L'accord de 7me majeure sur parfait mineur (#7) de mi bmol mineur
I se substitue
l'accord de r majeur I 5 que la logique mlodique exigeait a
priori pour raliser une cadence parfaite. Chant et
accompagnement sont ici
autonomes. Le chant et non la basse guidant le discours musical,
l'accompagnement peut ainsi
s'autoriser des "parenthses
d'apesanteur" puisque la succession d'accords se fait sans cohrence
harmonique. En l'espce,
parler d'une modulation en mi bmol mineur nous semble
un abus de langage.
Rien
dtonnant, donc, ce que Poulenc fasse appel cette technique. Ici, fa #
mineur est color par son antipode do mineur:
Exemple
105,
Un Soir de neige, troisime mouvement
Les
interpolations au triton peuvent prendre une certaine ampleur:
Exemple 106, Sonate pour deux pianos, Prologue
Linterpolation
peut tre utilise pour masquer lvidence dune progression harmonique
prentendue.
Ainsi
peut-on comparer ici la forme simple dune progression harmonique de la partie
A du mouvement, et linterpolation insre dans
la partie A, qui prolonge
chromatiquement la tonique de fa mineur :
Exemple
108, Sonate pour
deux pianos, Prologue
pisodes.
Lharmonie
de dominante est appoggiature une premire fois au demi-ton infrieur, puis
fait lobjet dune interpolation par mlodie
daccords parfaits progressant diatoniquement
et chromatiquement avant la cadence finale
Exemple
109,
Badinage
2.3.6.
Organisation
des fonctions harmoniques
Le paradigme du systme tonal, V - I sous sa forme lmentaire, est omniprsent
chez Poulenc. Cest lui qui ponctue vritablement le discours,
comme on peut le
voir dans lorganisation des appuis fonctionnels du Prologue de la Sonate
pour deux pianos:
Tableau 4, Sonate pour deux pianos, Prologue
do # la V do 8
V I V I V I
mesure 1
14 16
21 22
28 29 42 47
51 53 56 59
62 68
72 73
78 79
87 88
92 93
98 99
107 108
111 121
Dans le dtail, une observation des frquences fonctionnelles peut tre
envisage en faisant appel, titre purement indicatif, une comptabilisation
individualiss par un ou plusieurs paramtres et rarement rompues par un fugato qui sera dailleurs gnralement
dsamorc par retour
lhomophonie au bout de quelques mesures. Il est donc
trs facile dapprhender de paramtre. Pour lexemple qui nous intresse (Figure
Humaine,
troisime mouvement), le texte sera notre guide. On aura
ainsi:
-
incise
a: Aussi bas que le silence
-
incise
b: Dun mort plant dans la terre
-
incise
c: Rien que tnbres en tte
-
incise
d: Aussi monotone et lourd
-
incise
e: Que lautomne dans la mare
-
incise
f: Couverte de honte mate
-
incise
g: Le poison veuf de sa fleur et de ses btes dores
-
incise
h: Crache sa nuit sur les hommes
On obtient:
Exemple 110
diriges vers la droite, on constate que ce nest pas exactement le cas ici,
puisque nous avons presque autant de mouvements plagaux que de
mouvements dominante
(approximativement 47 % et 53 %).
De plus, il savre que la plupart des incises proposent non pas une
progression dynamique, mais en symtrie, un mouvement dominant tant
compens
par un mouvement plagal, ou linverse. Seule chappe cette rgle lincise f,
qui va introduire la squence de mlodie daccords par
interpolation de la
squence g, elle-mme unidirectionnelle, car simplement plagale.
Ainsi, pratiquement chacune des squences apparat comme un systme
clos dont la dynamique serait, au sens de Messiaen, non-rtrogradable. Si
cela
semble cohrent avec ce que lon sait des prolongations harmoniques de surface
(squences a, b et d), le phnomne apparat se gnraliser
avec le principe
des substitutions de fonctions.
Au plan sonore, on a ainsi limpression de juxtaposition de cellules
fonctionnelles statiques et autonomes, sans logique absolue de devenir, qui
Ici,
ce sont des tierces (mineures ou majeures) dont le dnouement tonal apparat
progressivement pour sclairer en fin de squence: le
dispositif utilis
par le compositeur met en vidence la note de basse et induit un sentiment
dharmonisation lenvers
Exemple 111,
Histoire de Babar, trs calme
2.4.3.
Syntaxe
des notes voisines
Cette
notion sapplique initialement la syntaxe tonale du XIXme sicle.
coutons Jean-Pierre BARTOLI (2000: 93):
[]
cette technique consiste souvent faire glisser une ou plusieurs des voix de
la polyphonie vers une note immdiatement
voisine (souvent au demi-ton, mais pas
exclusivement), crant sans cesse des relations harmoniques inattendues:
la
progression de la basse fondamentale, plus capricieuse et imprvisible qu
laccoutume, semble devenir localement la
rsultante de la conduite de chaque
voix. [] Dans le cas dune section gouverne par la syntaxe des notes
voisines, la
conduite des voix se libre momentanment du contrle de la basse
fondamentale et du diatonisme dune tonalit donne. Elle
utilise avec
prdilection le chromatisme. Dans la perspective de la dfinition tonale du
XIX sicle [], user du chromatisme
revient moduler sans cesse. Dans la
ralit, cest plutt suspendre un temps la perception dun centre tonal et les
fonctions
tonales, mais cela nentrane pas forcment le bouleversement de la hirarchie
tonale. Au sein dune section gouverne par la
technique des notes voisines, la
conduite linaire des voix prime sur les autres paramtres. Le plus souvent,
une des voix de la
polyphonie impose sa loi aux autres, lesquelles sajustent
en recherchant des effets daccompagnement inattendus et
expressifs.
Ce qui est typique de la syntaxe des notes voisines dans le langage
romantique est la recherche de mouvements harmoniques trs contrasts avec,
Lexemple
qui suit correspond ce principe. Inscrit hors de toute logique fonctionnelle,
lenchanement daccords parfait ou quinte
augmente fait apparatre aux
soprani et barytons, et dans une moindre mesure aux tnors, des ruptures
disjointes au sein dun profil plus
gnralement conjoint. Ces ruptures de
contour sont issues de la logique de contrepoint implicite, dont chaque des
voix volue en des mouvements
ascendants diatoniques ou chromatiques,
linstar des autres voix relles:
Exemple 116,
Figure Humaine, troisime mouvement
Exemple 117
2.5. Conjonctions de logiques
2.5.1.
Superposition
de logiques mlodiques et harmoniques
Un des procds utiliss par Poulenc pour noyer le
sentiment tonal est dutiliser la superposition dune logique purement
mlodique une logique
harmonique[46].
Ainsi
entendons-nous ci-dessous la simultanit de fa 8 et fa #, respectivement aux basses et soprani, dans le
tempo lent de > = 66
(Largement):
Exemple 118,
Timor et tremor
Ici, lcriture met en jeu une logique harmonique contrarie par la
superposition dune logique mlodique. La logique harmonique est
lenchanement
I - IV - V en la mineur o le fa 8 est
tierce de laccord de sous-dominante. La fonction de sous-dominante est
contrarie par la
logique mlodique qui fait entendre le mode mineur mlodique
ascendant, supposant un fa # :
Exemple 119,
rduction mlodico-harmonique
2.5.2.
Ostinatos
indpendants: Tonalit pdale - Groupe pdale
coutons
Darius MILHAUD (1982: 179-180):
Il
est ncessaire de remarquer que quelquefois on croit se trouver en prsence de
tons indpendants alors que lun deux ne fait
que jouer le rle de pdale. De
mme quen harmonie une pdale peut supposer le passage de bien des accords
trangers la
note tenue, de mme un accord ou un mouvement mlodique qui se
rpte peut tre gard comme pdale tandis que lautre
ligne peut passer
momentanment dans un autre ton et moduler sa guise, formant ainsi une espce
dchappe prolonge,
sans crer bitonalit pour cela.
Lauteur
cite alors Parade et Idylle, dric Satie, avant de parler du
premier Mouvement perptuel de Poulenc, nettement en si bmol
Olivier
Messiaen nomme groupes pdale cet dostinato indpendant :
Au lieu dune note tenue, trangre aux accords qui lentourent, nous
Dans
Feuillet dalbum, Gigue (III), la marche harmonique libre
des mesures 36-38 clairant des tons divers sappuie sur la tonalit
pdale de
MI $, que lon retrouve lensemble du discours aux mesures
39-41[48].
Exemple 122,
Feuillet dalbum, Gigue (III)
2.5.3.
Bitonalit effective
On
peut nanmoins entendre de la bitonalit effective dans ce type dcriture,
la condition que lcriture musicale ait le temps de se dvelopper.
Lexemple
suivant pose la question. Y a-t-il ici tonalit pdale la main gauche du
piano (DO majeur) dans un discours en FA # majeur,
bitonalit effective, ou
encore complmentarit entre DO et son antipode FA #?
Exemple 123,
Deuxime Impromptu
2.5.4.
Ambiguit
mineur - majeur
Poulenc utilise
diffrentes formes dambiguts entre tons homonymes pour noyer le ton et la
fonctionnalit harmonique:
Majeur
appoggiatur par lhomonyme mineur
Sans
faire de commentaire particulier sur la frquente tierce picarde, on peut en
revanche remarquer comment une tonalit majeure peut
tre appoggiature
chromatiquement par son homonyme mineur:
Exemple
124, lgie pour deux pianos en accords
alterns
Mineur
appoggiatur par lhomonyme majeur
Le
ton de la mineur est appoggiatur par des notes du majeur, donnant en
particulier lambigut tierce mineure - tierce majeure:
Exemple
125, Histoire de
Babar, En auto
Exemple
126, rduction mlodique
Accord
final minoris
On
trouve le ngatif de la tierce picarde avec laccord mineur revenant aprs une
cadence passe par le majeur; leffet
dassombrissement est trs
marqu:
Exemple
127, 15me improvisation, Hommage
dith Piaf
Balancements
mineur-majeur
Le
balancement mineur-majeur est frquent:
Exemple
128, Sept Chansons, La blanche
neige
Ce
balancement mineur-majeur est rendu plus ambigu par lusage de la pdale qui
tend mlange la rsonance des deux mdiantes:
Exemple
129, Aubade, Rondo III (Diane
et ses compagnes)
Superposition
mineur-majeur
La
confusion modale peut aller jusqu la superposition mineur-majeur. Ce nest
pas un phnomne nouveau. Ravel dj, dans laccord final du
troisime
mouvement de sa Sonatine pour piano en
1905, superposait FA # majeur et fa #
mineur. Darius Milhaud allait dvelopper ce concept
faisant partie de la
polymodalit.
Dutilleux,
dans la Sonate pour piano (1949), superpose le majeur et le mineur:
le la # utilis dans la formule daccompagnement la
main droite cre la
superposition FA# Majeur avec la tonalit de fa # mineur de ce premier
mouvement[49].
Exemple 130,
Dutilleux, Sonate pour piano, premier mouvement, mesures 1-3
Ici,
dans le ton de DO majeur, mi $ est tranger
au ton. Mais le compositeur introduit cette note en tant ququivalent-quinte
de
lharmonie de dominante entendue la mesure 87, ce qui facilite dans une
certaine mesure sa rapparition dans le cours de la rsolution, dabord
effective en majeur (mesures 88-89), puis polymodale aux mesures 90- 91, la
main gauche faisant entendre le majeur et la droite le mineur:
Exemple
131,
Sonate pour deux pianos, Prologue
Ambigut
modale de lharmonie de dominante
Poulenc
utilise parfois simultanment sous-tonique et note sensible dans ses harmonies
de dominante, donnant entendre un accord dont la tierce
est simultanment
mineure et majeure. Il ne sagit pas alors de polymodalit, mais le frottement
des deux tierces en rappelle nanmoins la couleur.
Lemprunt
la sous-dominante seffectue par un accord de neuvime majeure de dominante,
quivalent-quinte fa #, mais dont la note
sensible mi 8 est double par la sous-tonique mi $[50] :
Exemple
132, Sonate quatre mains, final
Exemple
133,
rduction harmonique
Dveloppement
du principe mineur-majeur
Lambigut
mineur-majeur peut faire lobjet de dveloppements sophistiqus dpassant le
seul cadre de lobjet harmonique.
On trouve dans le Prologue de la Sonate pour deux pianos
une squence de 24 mesures o le principe polymodal est exploit par le traitement
les
harmonisations du IIIme degr mineur ou majeur sont en nombre
croissant avant leur superposition polymodale de la mesure
90: une la
premire squence I II V (mesures 68-72), deux la deuxime (73-78) et
cinq la troisime (79-87).
Mme
les accords de dominante font entendre mi $ et mi 8, mdiantes mineure et majeure du ton. Ici, cest par lartifice des
quivalents-quinte, dont les deux sont entendus 72 et 78, et le seul mi $ 87 :
Exemple 135
Cette faon dcrire induit une basse harmonique trs
blues, car jouant lambigut entre mineur et majeur:
Exemple 136
73-74 75 76 77 78
I III 8 III $ II V
5 9
$7
+ mi $ mi 8
$5
$
79-80 81 82 83 84 85 86 87
I II III 8 III 8 III $ III 8 III $ V
7 +6 9 4 9 + mi $
(F.C.) $7 3 $7
$5 (F.C.) $5
$ $
88-91 92
I m/M do # V
+ mi 8
2.5.5.
Pluriel
mlodique htrophonique
Lhtrophonie est le phnomne suivant lequel
[] une mme mlodie est prsente simultanment par plusieurs
excutants avec des variantes
improvises []. Il en rsulte une apparence de
polyphonie de caractre irrationnel, sans commune mesure avec le contrepoint,
ainsi que des
rencontres de sons trangres aux rgles de la consonance[52].
A lorigine notion
ethnomusicologique[53],
lhtrophonie dcrit effectivement une situation o chacun chante sa faon
une mme mlodie avec
ses variantes
personnelles. Les parties diffrent dans les dtails - tessiture, variantes
mlodiques, rythmiques et agogiques - mais restent des
traductions dun mme
schma.
Dans la
musique savante occidentale, on peut comprendre comme formes htrophoniques
appauvries les situations o une voix suit le contour
mlodique d'une partie
principale en y introduisant des variantes de la premire, commentaire qui ne
possde pas de vie autonome et ne constitue
donc pas une polyphonie stricte[54].
Le site Internet de luniversit de Laval
(Belgique), cite ainsi Mozart, en indiquant que dans ce passage, le
soprano de la partie de piano est en
htrophonie avec la partie de premier violon[55]:
Exemple
138, Mozart, Concerto pour piano n 17 en
Sol majeur, K. 453, premier mouvement
En
revanche, la musique savante actuelle redonne toute sa force ce pluriel
mlodique. Citons Luciano BERIO[56] :
R.M. : Quest-ce
que l htrophonie ?
L.B. : Chaque
lment, chaque ligne, chaque voix possde son identit, son autonomie, sa
signification par elle-mme. Tandis
que dans la polyphonie, chaque ligne,
chaque voix nest pas ncessairement signifiante en elle-mme. En matire
dhtrophonie, les voix ne peuvent vivre les unes sans les autres,
contrairement celles de la polyphonie o chacune a un
sens complet en soi.
Dans la polyphonie, il y a aussi une conscience des autres, tandis que dans
lhtrophonie linsouciance
est possible.
R.M. : Comment
travaillez-vous lhtrophonie ? Nest-ce pas difficile de grer toutes ces
voix indpendantes les unes des
autres ? Nest-ce pas un peu comme si vous
criviez plusieurs uvres en mme temps et que vous les mettiez ensemble ?
L.B. :
Communment, une htrophonie est lassociation dune multiplicit de choses
diffrentes les unes des autres, des
moments autonomes de caractres distincts
qui ne sont pas ncessairement lis entre eux. Ce qui forme les liaisons est la
quantit dlments en prsence.
Entre ces tendances diverses,
lhtrophonie peut expliquer chez Poulenc la prsence de dissonances non
justifies au plan polyphonique, qui
prennent diffrentes formes. Lhomorythmie
dominant chez le compositeur, les variantes htrophoniques seront
essentiellement base de
variation mlodique ou dimitation de contours mlodiques :
Variation
mlodique
Exemple 139, Scheresses, quatrime mouvement
Imitation de contour mlodique
Ce
premier exemple conduit la consonance:
Exemple
140, Histoire de
Babar, Trs modr
Dans
cette htrophonie trois voix, la dissonance est conserve tout au long de la
squence:
Exemple
141,
Histoire de Babar, Gracieux et modr, avec prcautions
Mlodie rsultante
Lhtrophonie
aboutit un pluriel polyphonique o aucune voix na de prgnance mlodique, et
sans pour autant quune harmonie fonctionnelle ne
se dgage. On obtient une
mlodie rsultante que Jos EVANGELISTA nomme super-mlodie[57].
Lexemple
suivant prsente des dissonances htrophoniques de passage similaires
lexemple136:
Exemple 142,
Vinea mea electa
Par
extension de ce type dcriture, le compositeur obtient une htrophonie
globale dans laquelle on entend une mlodie rsultante, et non une
harmonisation de soprano:
Exemple 143,
Vinea mea electa
Autre
consquence, la logique harmonique de ce type dpisode ne dveloppe pas de
discours fonctionnel. Ainsile passage au tonal est-il progressif
:
-
Cette
premire incise (redouble la mesure 2) fait entendre la synthse
harmonique des divers mouvements mlodiques de
lhtrophonie, ici mode DO
# majeur dfectif (sans le IVme degr fa #). Seul lappui sur la
basse sol de fin dincise et le mouvement
descendant qui lamne engendrent un
certain sentiment de repos, que ne consolide pas lagrgat quil porte ;
-
la
deuxime incise de la squence est une mlodie daccords parfaits placs sur
les degrs I, III, IV et V de cette mme chelle, reprise en
deux sous-incises
dont la seconde est plus conclusive que la premire. On a donc une impression
finale de demi-cadence en do # plus
marque que prcdemment, et arrivant
progressivement:
Exemple 144,
Vinea mea electa
-
on
peut alors passer un langage tonal, ici ambiance de fugato vite dsamorce
par retour lhomorythmie:
Exemple 145,
Vinea mea electa
Ici
encore, pas de rel contrepoint: lhtrophonie issue dimitations[58] avec variations dambitus et
dorganisation rythmique
produit une mlodie rsultante[59]:
Exemple 146,
Aubade, Andante VI (Variation de Diane)
La
confusion nest dailleurs pas du seul ordre mlodique, puisque lharmonie mle
les degrs I - VI dans une ambivalence complte annonce
lattaque par
laccord tenu du piano:
2.5.6.
Systme
harmonique et dissonance gratuite
Le discours harmonique de Poulenc tant trs strictement rgi,
lapparition dune dissonance gratuite dans un systme harmonique cohrent est
Exemple
148, rduction harmonique
2.5.7.
Allusion
srielle
Certains
auteurs croyant relever dans la musique de Francis Poulenc des traits
dcriture dodcaphoniques sriels, il convient den dire quelques
mots. Sans
revenir sur les opinions du compositeur, tout fait favorable la musique de
la seconde cole de Vienne, il faut admettre que lon na
pas plus de
srialisme accompli dans Poulenc que lon na cru en dceler chez Mozart[62].
Exemple 149,
Mozart, Don Giovanni, deuxime acte, scne XV
Et
si le clin dil se situait prcisment ici, non point tant dans limitation de
Schoenberg que dans celle dun Mozart bien involontairement dcal?
Car
si bien videmment chez Mozart, lalignement des douze sons du total
chromatique sinsre dans une logique tout fait tonale[63], il en est
de mme chez Poulenc o la
srie est donne telle quelle, et fait immdiatement place la tonalit
ds la fin de son exposition:
Exemple 150
Sept rpons des tnbres,
quatrime mouvement
Un
embryon de transposition au triton apparat bien la fin de son exposition
(sons 1 - 2 - 3 de la srie transpose), mais Poulenc ny donne pas
suite et
retourne des formules qui lui sont familires, base de contrepoints
implicites chromatiques chaque main :
Exemple 151,
Sept rpons des tnbres, quatrime mouvement
[1]
Le terme de conduite
des voix (Stimmfhrung) et le mode de prsentation font rfrence
Schenker, sans quil faille pour autant trouver ici une
stricte application de
ses principes.
[2]
En anglais compound line, ou compound
melody.
[3]
On pense en particulier aux Partitas pour violon seul et aux Suites pour violoncelle, de Bach,
largement fondes sur ces techniques.
[4]
Pitch streaming, pour les
psychologues de la perception comme John SLOBODA (1985: 212- sq).
[5]
En anglais implied counterpoint.
[6]
La voix intermdiaire du contrepoint
implicite est la suivante:
[7]
Some
melodic figures depart and return to the initial pitch. These will be called
returning figures.
[8]
Leading
figures depart and proceed to a subsequent, different pitch. Leading figure est le terme anglo-saxon pour notre note
sensible.
[9]
Lensemble du tissu polyphonique est
majoritairement homophonique. Poulenc sort rarement de ce cadre dorganisation
; le fugato est rare et les
effets contrapuntiques, toujours
embryonnaires, sont rapidement dsamorcs par retour lhomophonie.
[10]
On obtiendrait, la transposition prs,
les mesures 3-4 du motet Timor et tremor cit plus haut:
[11]
Comme chromatismes, arpges, tritons
mlodiques.
[12]
Les uvre en DO et la sont bien sr
exclues des calculs.
[13]
Pour rester dans le cadre de la musique
vocale, observons que la proportion est inverse dans les mlodies sur des
textes dluard, avec
respectivement 12 % et 88 %.
[14]
Francis POULENC, Journal de mes
mlodies, nouvelle dition prsente par Renaud Machard, d.
Cicero-Salabert, 1993, p. 64.
[15]
Id., p. 51.
[16]
Les conventions de chiffrage utilises
par Jean-Pierre Bartoli sont les suivantes: Le degr dun
accord dont la tierce est majeure dans sa
forme fondamentale est indiqu par un
chiffre romain majuscule et le degr dun accord dont la tierce est mineure
dans sa forme fondamentale est
indiqu par un chiffre romain minuscule.
Dans les chiffrages de degrs ou dintervalles, toutes les altrations
ascendantes sont dsignes par
le signe # et les altrations descendantes par
le signe $..
[17]
Cest ainsi que lon peut justifier la
proximit tonale des modulations romantiques la tierce majeure : la $ et mi 8 se situent respectivement,
hors modalit, dans les zones de
sous-dominante et de dominante de do.
[18]
Lettre Andr Schaeffner, date de
dcembre 1942, in Francis Poulenc,
Correspondance, 1915-1963, Paris, d. du Seuil, 1967, p. 128.
[19]
Cependant, Poulenc se contente, pour les
accords placs en dehors du degr de la dominante, des notes de la rsonance,
dont la septime
mineure, alors que Jacques Chailley admet dautres notes
(comme la sixte ajoute, dont Poulenc ne fait gnralement pas usage), mais
rcuse la
septime mineure pour des raisons tonales.
[20]
On cite souvent laccord final du Prlude
n 23:
[21]
Le onzime harmonique nest pas intgr
dans la tranche de rsonance accepte par Poulenc. La prsence dun fa# sur
une fondamentale do,
renvoie gnralement un accord de dominante
quivalent-quinte, ce qui est fondamentalement diffrent.
[22]
Jacques CHAILLEY (1977: 24, 62,
74, etc.). Parfois, la neuvime peut tre entendue sans la septime, comme chez
Chabrier, Le Roi malgr
lui, I, 5, Entre du roi et
romance, fin, cite par J. P. Bartoli (2000, ex. 41):
Pour Poulenc, citons la cadence finale de
la Pavane de la Suite franaise, en r olien:
[23]
On trouvera fort peu daccords
conclusifs de ce type si frquent en jazz, voire varit(Thme en mi de
la musique des films de James Bond,
John Barry, 1962: mi mineur, accord
final avec septime et neuvime majeures plus sixte majeure ajoutes) :
[24]
Le terme dquivalent a t choisi en cho au systme daxe de Bartk qui fait
galement appel un principe dquivalence. Cest la possibilit
de choisir
dans un rservoir de notes ou de ples quivalents qui entretient le parallle
entre les deux techniques, par ailleurs divergentes.
[25]
Ton principal.
[26]
On dirait quil y a presque ici un effet de masque visuel, comme
sil voulait vraiment quon entende des bmols!
[27]
On observera souvent chez Poulenc une
criture harmonique allant dans le sens haute densit V faible densit, plutt loppos de la
pratique
romantique.
[28]
Gammes de DO/la et FA #, loppos dans
lespace tonal.
[29]
Le si # final appoggiature le do #.
[30]
La septime majeure mi8, simple appoggiature la main droite,
appartient la main gauche un arpge voquant V de V.
[31]
Voix suprieure de la main droite
double par la clarinette, et main gauche par violoncelles.
[32]
Sur cet ensemble de notes, il manque seulement
le onzime harmonique (fa # en DO) pour complter le total chromatique. Il
apparatra
cependant aisment, tant la note sensible de la dominante de la
dominante (voire, dans une trs faible proportion du corpus choral (0,6 %), en
tant
que septime majeure ajoute).
[33]
Lappauvrissement de la densit des
agrgats en fin de squence peut sexpliquer par la volont dviter un
enchanement trop brutal avec la
rsolution sur DO # I, de densit 4 (avec
septime ajoute non fonctionnelle).
[34]
Dans le septime mouvement de Figure Humaine, lintgralit de la
partie B (mesures 42-61) peut tre analyse comme le dploiement dune
seule
harmonie de do # mineur.
[35]
Lharmonie de dominante sur tonique de
la mesure 14 ne nous parat tre quun avatar dcriture.
[36]
Nous prfrons ce terme utilis en
particulier par Eveline ANDREANI (1979) lexpression usuelle daccord x sons.
[37]
Dans le langage tonal, des situations
fonctionnelles frquentes sexpliquent par divers types de substitution :
- diatonique
par relativit (cadence rompue substituant VI I);
- diatonique
par note commune (ambigut II - IV, par exemple);
- chromatique
par note commune (sur II de do mineur, r - fa - la $ joue sur le chromatisme r 8 - r $ pour donner le degr napolitaine fa -
la $ - r $ et viter le triton r - la $)
- tritonique
dans le cas de la notion de ple - antipode: V de DO et V de FA # ont en
commun le triton fa8 - si 8/mi # - si 8.
On retiendra aussi quelques lments de
thorie riemannienne: pour Hugo RIEMANN, la suite de RAMEAU, toute
succession daccords se rduit
aux seuls degrs I, IV et V, correspondant
respectivement aux fonctions de tonique, sous-dominante et dominante, nots T,
S et D. Les autres
accords en sont des reprsentants, tant toujours en
rapport de tierce avec eux. Ainsi, en UT, laccord mi-sol-si est-il en rapport
de tierce avec do-
mi-sol et sol-si-r. Cest pourquoi il peut tre, en fonction
du contexte, reprsentant du premier, donc de la tonique (on notera rT) ou de
la
dominante (rD). De mme, la-do-mi peut tre rS (fa-la-do) ou rT (do-mi-sol).
Seul laccord plac sur le VIme degr, si-r-fa, sort du systme,
car il
est considr comme un Vme degr sans fondamentale. Pour
rsumer, on a:
[38]
A linstar de la quarte et sixte de
cadence. Cest la raison pour laquelle cette dernire se chiffre V, bien que sa
fondamentale soit place sur le
Ier degr.
[39]
La rduction harmonique fait mieux
comprendre les mesures 81-82: larpge de do quinte augmente est issu
des septime, neuvime et
quivalent-quinte de lharmonie de dominante de SOL :
[40]
Contrairement au dploiement harmonique,
faisant uniquement appel au rservoir de notes de lharmonie considre.
[41]
Eveline ANDRANI parle de subversion de la perception de la
structure tonale (1979: 418).
[42]
Nous ne prenons en compte ni les
reprises, ni les accords de quarte et sixte, qui sont des accords appoggiatures
chez Bach, et dans le cas de
polysmie, nous comptabilisons la fonction du
nouveau ton.
[43]
Le huitime mouvement de luvre, Libert,
prsente lcart le plus grand entre fonctions de dominante et fonctions de
tonique : 85,6 % contre
14,4 %. Il nemploie strictement aucun autre degr.
Cette singularit, et le placement du mouvement dans luvre, sont
significatifs de la volont
qua Poulenc de privilgier cette tendance comme
trait stylistique prgnant.
[44]
http://www.societymusictheory.org/mto/issues/mto.00.6.1/mto.00.6.1.meeus_essay.html
(septembre 2003)
[45]
Motif gnrateur du mouvement.
[46]
Certes, le procd nest pas
novateur: Jacques Chailley (1977), pour parler le superposition modale,
cite le prlude 4 du Clavier bien tempr
de J. S. Bach (livre 1). Ici, le tempo se situe aux alentours de > = 92, donnant au discours une grande
fluidit mlodique:
[47]
Curieusement, lexemple cit crit la
main droite enharmoniquement, les dises illustrant certainement mieux le
propos de lauteur.
[48]
Pour lanalyse de ces mesures, se
reporter aux exemples 53-54.
[49]
La mlodie est modale (fa#
dorien). Cependant le mode utilis conserve les cinq premiers degrs de la
gamme de fa # mineur et par
consquent son caractre mineur, tant polaris sur
fa #.
[50]
Allusion fa myxolydien.
[51]
Pour cette raison, il ne faut pas entendre la sixte sensible comme dominante de RE, et la tierce et quarte comme
un renversement de septime
despce sur la. Dailleurs, le chromatisme do # -
do 8 qui conduit lenchanement met bien en
vidence quil ne sagit que dune coloration du mi 8
de la basse.
[52]
Dictionnaire de la musique, Science
de la musique, Technique, formes, instruments, sous la direction de Marc
Honegger, Bordas, Paris, 1976,
p. 462.
[53]
Gamelan indonsien, polyphonie
africaine, musiques dEurope centrale, etc.
[54]
Dans une polyphonie stricte, les parties
mlodiques sont coordonnes harmoniquement mais relativement indpendantes dans
leurs
mouvements mlodiques.
[55]
http://www.mus.ulaval.ca/Glossaire/11_h/heter.html
(septembre 2003) (avec faute rectifie ici : do # mesure 114, violons).
[56]
Entretien indit avec Luciano Berio,
ralis le 6 fvrier 1997, peu avant un concert Berio donn Auditorium Olivier
Messiaen dans le cadre du
festival Prsences 1997 de Radio-France, rdacteur : BrunoSerrou pour ResMusica.com
le 29/05/2003 (http://www.resmusica.com/imprimer.php3?
art=393
(septembre 2003).
[57]
Jos EVANGELISTA, compositeur (n en
1943) et universitaire:
(http://www.ql.umontreal.ca/volume10/numero8/culturev10n8b.htm)
(septembre 2003)
[58]
Les motifs donnant lieu htrophonie
sont: 1) larpge de do mineur (I ou VI); 2) le mouvement de
broderie/appoggiature du sol.
[59]
Pour des raisons de clart
dillustration, les instruments tenant des notes pdales ou faisant doublure
nont pas t nots ici.
[60]
La fausse note, provoquante,
dlibre, ma toujours paru le huitime pch capital (F. Poulenc cit par Marcel SCHNEIDER,
1992:
215).
[61]
Plus caricatural encore, le klaxon de la
voiture dans le Presto de la mme uvre(Ils sont partis... les
mamans nont pas de place dans
lauto elles courent derrire et lvent leurs
trompes pour ne pas respirer la poussire.):
[62]
Cest Darius Milhaud, dans sa Lettre
ouverte Luigi Dallapiccola, qui signale cette srie. (MILHAUD,
1982: 189).
[63]
Cadences en sol mineur et la mineur,
retards et appoggiatures permettant lutilisation de sons supplmentaires, avec
interpolation des sons 3 - 4
- 5 et 6 non harmoniss.
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LE PRINCIPE DES QUIVALENTS-QUINTE
1. Lappoggiature suprieure de la
quinte
2. Gnralisation du systme
3. Appoggiatures de la quinte - quinte
altre
4. Rcapitulatif ; les
quivalents-quinte - Poulenc et Ravel
6. Equivalent-quinte ou note mlodique
?
7. Traitement comme note relle
8. Ambivalence tonale - Illusion
polytonale - Polyharmonie
9. Le rservoir de notes de laccord
de dominante - Conclusions
Rfrences
Table
des exemples
N. B. Dans les
exemples musicaux, les quivalents-quinte seront nots en rouge, et les notes
trangres en bleu.
Lexemple
suivant est galement choisi dans le rpertoire romantique: laccord de
sixte sur do serait anormalement chiffr III (en FA),
car la est appoggiature,
ici non rsolue, de la quinte sol, sur laccord de dominante, parfaitement
amen par la quarte et sixte de cadence, et se
rsolvant la mesure suivante.
Cest pour cette raison quelle effectue un mouvement descendant, comme elle
laurait fait en prsence de la quinte
juste. De plus, le fait que laccord soit
une sixte est un avatar de lappoggiature non rsolue, dautant que la basse
triple insiste sur la fondamentale
- et donc la fonction de dominante - et non
sur le renversement de sixte qui interdit thoriquement la doublure de la basse
:
Exemple 2, Dvork, Quatuor Amricain, deuxime mouvement
Certains auteurs considrent cet enchanement
harmonique comme tant une fonction contrarie. Cest le cas
de Serge GUT (1993: 13-20), citant
Liszt :
Le
principe dappoggiature de la quinte va donner lieu chez Poulenc de
nombreuses extrapolations. lexemple suivant, le
compositeur utilise le mme
procd dans un accord de dominante comportant septime et neuvime mineure. La
quinte si $ est ici remplace par
son appoggiature non rsolue do
8, aux soprani. Cet accord se rsout normalement en LA $ :
Exemple 3, Videntes Stellam
Le mode 2 dOlivier MESSIAEN (1966, I:
55) engendre galement cet accord, que le compositeur nomme 7me de
dominante avec sixte ajoute.
Mais, simple nuance de vocabulaire, cest une
sixte ajoute une quinte que laccord ne comporte pas, ce qui nous renvoie
trs prcisment aux
exemples cits ci-dessus. Cest galement parce que le
systme de Poulenc, une fois gnralis, ne concerne pas seulement
lappoggiature
diatonique suprieure, que nous ne parlons pas de sixte ajoute,
pas plus, dailleurs, contrairement de nombreux auteurs, que de treizime de
dominante.
Chez
Poulenc, lappoggiature suprieure est souvent mineure, mme en majeur. Sur les
troisime et quatrime temps de la mesure 20 de
lexemple suivant, laccord de
dominante de la tonalit de fa mineur voit la quinte sol 8 des alti appoggiature par la $. Celui-ci est amen
enharmoniquement par sol # de
laccord de septime despce prcdent, et le changement dorthographe indique
bien la fonction dappoggiature.
Notons galement, aux soprani, la logique
mlodique ascendante de la septime, qui schappe chromatiquement vers la
fondamentale, la
rsolution vritable seffectuant la partie de barytons :
Exemple 4, Stabat Mater, premier mouvement
lexemple suivant, nous en avons les deux orthographes, pour des raisons de
commodit : laccord de dominante de la dominante en
la mineur, tonalit du
mouvement (mesure 18), donne lorthographe mi # aux tnors, indiquant lappoggiature
infrieure (non rsolue) de la quinte
fa #, cependant que les barytons ont un
fa 8, orthographe indiquant la quinte abaisse.
Nous notons la neuvime mineure do qui brode
la fondamentale aux basses, le la des tnors, alti et soprani, la mesure 19,
quivalent-quinte de
laccord de dominante, et le discours mlodique parfois
trs disjoint :
D T Morceaux
si $ mi Ondine, mesure 61
do # sol 8 Le gibet, mesures 23-26
fa si Valse I, mesure 45
mi $ la Valse I, mesure 46
do fa # Valse I, mesure 51
si $ mi Valse I, mesure 52
2)
Dans
la catgorie des fondamentales spares par une quarte diminue (ou une quinte
augmente):
Tableau 2
D T(ou t) Morceaux
Tableau 3
RAVEL
POULENC
Ces deux logiques procdent dun mme esprit
qui est de masquer la fonction dominante-tonique. Cependant, avec un ensemble
dquivalents plus
restreint, Ravel va, sur le plan tonal, au-del de ce que
Poulenc, bien quavec plus de matire, fera aprs lui. Cest en cela, entre
autres traits
dcriture, que ce dernier restera plus tonal que son an.
5.
Combinaisons
Les quivalents-quinte peuvent se combiner de
faons multiples, que ce soit dans lordre vertical ou horizontal. Dans le
premier cas, lorsque nous
avons affaire un dploiement harmonique sur
plusieurs temps, il est courant que plusieurs types daltrations de la quinte
se succdent.
Cest ce que nous observons lexemple
suivant o laccord de neuvime mineure de dominante de FA # M possde une
quinte abaisse sur le
premier temps de la mesure 44, donnant sol 8. Nous entendons ensuite la sensible mi#, puis
lappoggiature suprieure de la quinte, la, entendue
sans sa rsolution. Dans
cet extrait, seule la premire forme de laccord est ambigu car la
confirmation de la note sensible (avec doublure),
lappoggiature suprieure
traditionnelle de la quinte et les rsolutions rgulires sensible - septime
rtablissent immdiatement la perception tonale
de laccord :
Le
compositeur peut aller plus loin, comme lexemple suivant : ici, laccord de
do # neuvime mineure de dominante est dvelopp
sur les trois mesures, son
dispositif classique apparaissant sur le deuxime temps de mesure 5. Nous
entendons successivement aux soprani 1 et
tnors lappoggiature suprieure la
de la quinte, sa rsolution sur la quinte juste sol #, la quinte altre
sol8, et enfin lappoggiature infrieure non
rsolue fa #,
soit la quinte et trois quivalents-quinte.
Cela engendre un chromatisme aboutissant mi
#, note sensible de laccord, et progressant en mouvement contraire par rapport
la ligne de basse.
Ce chromatisme nest rompu que sur le deuxime temps de la
mesure 6, un mouvement conjoint de plus de quatre notes tant peu frquent dans
Cette
organisation peut rappeler laccord de Tristan, harmonie de
dominante de la mineur, dont la perception est noye par les
appoggiatures (de
la fondamentale par la neuvime, de la septime par la septime majeure) et le
traitement chromatique articul autour de la
quinte:
Exemple 21, Richard Wagner, Tristan et Yseult, prlude
Les
quivalents-quinte peuvent galement se combiner dans lordre vertical, comme
lexemple suivant o le compositeur fait entendre,
aux soprani et mezzos, les
quivalents-quinte do et si $$, au
lieu de la quinte juste si $:
Exemple 23, Figure Humaine, premier mouvement
Ainsi,
lexemple suivant, le sol 8 nest pas
considr comme quivalent-quinte, car le mouvement mlodique est celui
dappoggiature
du fa # :
Exemple 25, Figure Humaine,
premier mouvement
Exemple 26, rduction de lharmonie
En
revanche, quelques mesures plus tt, ce mme do # sonnait plutt comme
quivalent-quinte :
Exemple 28, Figure Humaine,
cinquime mouvement
Exemple 29, rduction de lharmonie
lexemple
suivant, le premier et le troisime mi jouent le rle dquivalent-quinte, le
deuxime peut tre entendu comme note
mlodique :
Exemple 30, Figure Humaine,
huitime mouvement
Nous
pouvons le constater lexemple suivant : au chur 2, nous entendons un accord
de sol dominante comprenant un quivalent-
quinte, mi. Ce mme mi est, au chur
1, appoggiatur par le r#. Ainsi, au troisime temps, sur lensemble des
deux churs, mi est entendu en
mme temps que sa propre appoggiature:
Exemple 32, Figure Humaine, premier mouvement
Lexemple
suivant prsente le cas o les altrations de la quinte sont traites en notes
relles, prpares par lharmonie : nous entendons
tout dabord un dploiement
harmonique non fonctionnel dans un contexte tonal :
Exemple 34, Figure Humaine,
huitime mouvement
Nous entendons aux mesures 67 et suivantes la
tonalit de SI majeur, par V de V et V,accords dont les quivalents-quinte sont
ici mi $/r #, sol et
do, ce qui induit lambigut tonale de
la mesure 67:
Exemple 35, Figure Humaine, huitime mouvement
la
mesure 36 de lexemple suivant, la simultanit des deux churs suggre une
superposition daccords de mi septime de dominante
et de DO # majeur. Pour
autant, lensemble se rsume lenchanement V - I de la tonalit de LA
majeur, comme nous lindique la rsolution sur la
mesure 37, au chur 2. La
conjonction de lappoggiature suprieure non rsolue do # de la quinte si avec
lenharmonie de commodit mi #/fa 8 est
dautant
plus troublante que la triade do # - mi - sol #, chante par cinq voix et
arpge au chur 1, est prgnante par rapport aux trois voix de
laccord de mi
dominante:
Exemple 39, Figure Humaine, huitime mouvement
Malgr les clairages dorigine
polyharmonique que nous avons mis en valeur, le discours se rsume une
harmonie unitonale. Car sil serait
erron, dans le cas prsent, de parler de
polytonalit effective, cest que celle-ci suppose une installation dans la
dure, gnralement inexistante.
9. Le rservoir de notes de laccord de
dominante - Conclusions
Poulenc ne se contente pas denrichir son
accord de dominante par les quivalents-quinte, que nous rappelons:
-
Le
onzime harmonique est aussi septime majeure de laccord de dominante. Cette
note est parfois ajoute pour enrichir
un accord de dominante de densit 3
naboutissant pas rsolution. La proportion en est cependant trs faible (0,6
% dans le
corpus de Figure Humaine):
Exemple 44, Figure Humaine, huitime mouvement
Table
des exemples
Exemple
1, Chopin, Deuxime Ballade
Exemple
2, Dvork, Quatuor Amricain, deuxime mouvement
Exemple
3, Videntes Stellam
Exemples
4-5, Stabat Mater, premier mouvement
Exemples
6-7, Figue Humaine, cinquime mouvement
Exemples
8-9, Vinea mea electa
Exemples 10-11, Schumann, Am
leuchtenden Sommermorgen (Dichterliebe, op. 48, n 12)
Exemples
12-13, Figure Humaine, sixime mouvement
Exemples
14-15, Scheresses, deuxime mouvement
Exemples
17-18, Stabat Mater, neuvime mouvement
Exemples
19-20, Un Soir de neige, troisime mouvement
Exemple
21, Richard Wagner, Tristan et Yseult, prlude
Exemples
23-24, Figure Humaine, premier mouvement
Exemples
25-26, Figure Humaine, premier
mouvement
Exemple
27, Figure Humaine, cinquime
mouvement
Exemples
28-29, Figure Humaine, cinquime
mouvement
Exemples
30-31, Figure Humaine, huitime
mouvement
Exemples
32-33, Figure Humaine, premier mouvement
Exemple
34, Figure Humaine, huitime
mouvement
Exemples
35-36, Figure Humaine, huitime mouvement
Exemples
37-38, Figure Humaine, premier mouvement
Exemple
39, Figure Humaine, huitime mouvement
Exemples
42-43, Figure Humaine, huitime mouvement
Exemple
44, Figure Humaine, huitime mouvement
[1]
Lexemple est cit par Franoise GERVAIS (1971: I, 106 et II,
143). Lauteur parle ici daccords avec notes de remplacement,
et cite ce
propos la sixte majeure remplaant la quinte.
Il est galement cit par Jacques CHAILLEY (1977: 57) pour illustrer le
chapitre sur les
appoggiatures non rsolues.
[2]
Serge GUT fait allusion la modalit. Il veut sans doute dire que le
fait dutiliser laccord de sixte en lieu et place de laccord de quinte (avec
[4]
Le terme dquivalent a t choisi en cho au systme daxe de Bartk
qui fait galement appel un principe dquivalence. Cest la possibilit
de
choisir dans un rservoir de notes ou de ples quivalents qui entretient le
parallle entre les deux techniques, par ailleurs divergentes.
THORIE DE LA GESTALT ET PERCEPTION DU LANGAGE CHORAL
DE POULENC
3.2. Rle
des quivalents-quinte; 8me mouvement de Figure Humaine
4. Une consquence: la rtrogradabilit mlodico-harmonique
des incises
4.1. Principe
4.2. Exploitation: un pastiche
4.3. Analyse du pastiche
Table des exemples
1.
Principes gnraux de la thorie de la Gestalt applique la musique
La thorie de la Gestalt affirme que l'unit perceptive
d'un phnomne n'est pas rductible l'analyse de ses parties. Sa forme (gestalt) rsulte de la
distinction
spontane que nous effectuons entre la figure
et le fond. Elle est rgle par des
lois structurales.
Nous pouvons observer la
forme musicale du point de vue de la Gestalt.
En effet, la musique peut tre considre comme un objet possdant une
forme,
au sens de la Gestalt, condition de
la limiter une dure perceptive ne dpassant pas quelques secondes. Il semble
exister une diffrence
radicale avec l'organisation perceptive rgissant ce qui
s'tend au del de ce laps de temps : celle-ci concerne alors la structure
musicale comprise
comme une suite de formes (gestalts) dont certaines sont des rptitions ou des variantes mais
dont l'unit semble tre d'une autre nature[1]. Cette
condition est particulirement remplie par la
musique de Poulenc dont on peut observer la brivet des units
phrasologiquesxx.
Considrer les pisodes
phrasologiques du point de vue de la Gestalt
suppose l'observation de quelques principes relatifs la perception de la
cohsion musicale. Le principe essentiel est celui de prgnance, induisant les notions de bonne forme et de simplicit.
Tous ces termes indiquent
que de plusieurs organisations possibles mergera la
forme la plus simple et la plus stable. Il est exprimentalement tabli que
l'auditeur
apprhende plus aisment des mlodies adhrant aux principes de
cohsion de la Gestalt, quels que
soient les systmes musicaux considrs, et
indpendamment du niveau et des
gots musicaux de l'auditeur (RUSSO, CUDDY).
Exemple 2
mais cette instabilit est compense par le mouvement chromatique qui, par la
linarit des intervalles parcourus remplissant le critre de bonne
1.3. Similarit
Dans l'observation des gestalts, des lments espacs
rgulirement sont compris comme tant en relation directe. La perception de la
forme
musicale procde ainsi avec les notes progressant par intervalles
identiques ou apparents. Les intervalles identiques forment les marches
harmoniques,
si satisfaisantes au niveau de la perception formelle. Mais celles-ci sont peu
frquentes chez Poulenc, au contraire des imitations
libres de mouvements
mlodiques.
Lexemple suivant prsente une
imitation du contour mlodique du dbut dincise sur la fin avec, en
particulier, son intervalle disjoint descendant
suivi dun intervalle conjoint.
Le fait que le mouvement soit invers sur la fin de lincise ne remet pas en
question la sensation de similarit entre
dbut et fin dincise :
Exemple
4, Stabat Mater,
quatrime mouvement
1.4. Achvement
Le principe dachvement
dcrit la tendance finaliser des formes, cest--dire, pour lauditeur,
l'exprience d'un passage parvenu un point final
ou une articulation. La
phrasologie musicale a un sens, du point de vue perceptif, prcisment parce
que son achvement est peru par l'auditeur.
A l'inverse, l'attente d'une suite
est propre un objet formel non clos. Lexemple suivant montre que le
sentiment de stabilit peut tre produit par :
-
le retour au registre initial (loi du retour), ici le la $ initial appoggiaturant le sol $ final dans un mouvement
mlodique interpolation;
-
un petit intervalle suivant un ou
plusieurs grands intervalles, ici la succession octave - sixte - quinte -
seconde:
-
la stabilisation de la mlodie sur pos
ajout[2]:
Exemple
5, Figure Humaine,
quatrime mouvement
1.5. Thorie gnrative de la musique et thorie de la Gestalt
A ces principes gnraux, il
faut rajouter le concept d'implication - ralisation, issu de la Thorie
gnrative de la musique, qui dcrit la perception
d'un son ou d'une
succession de sons comme l'opration cognitive qui fait l'hypothse d'une suite
(implication), et contrle l'effectivit de la
ralisation (LERDHAL,
JACKENDOFF, 1983).
La thorie gnrative de la
musique, l'instar de la linguistique, considre que les comptences musicales
analysent la surface musicale en
structures dfinies comme l'analyse des
phrases en linguistique gnrative[3]. La perception est alors considre comme processus
d'analyse des
surfaces apparentes de la musique, codes en reprsentations
mentales abstraites groupes et organises selon une structure hirarchique.
Dans le cas de la musique
tonale qui nous intresse ici, l'organisation hirarchique joue un grand rle
dans la reprsentation mentale de la forme
musicale. Il y a une grande
convergence des paramtres mlodique, rythmique et harmonique, dans
l'laboration d'une hirarchie des vnements
o certains sont perus comme
plus importants sur le plan structurel.
La valeur fonctionnelle que
les vnements et les groupes d'vnements acquirent dans une hirarchie
engendre des perceptions de tension et
dtente musicales qui sont la base du
discours tonal. Elle engendre galement des attentes sur ce que devrait devenir
le discours, fondes la fois
sur ce qui a t entendu et sur la connaissance
abstraite des formes musicales de la culture donne (acculturation). Pour dire
autrement, nous
sommes orients par ce qui a t entendu et par notre
acculturation au style musical donn, afin dattendre un certain type d'vnement
sonore un
moment donn.
Il a t constat
exprimentalement que les lois de groupement de la thorie gnrative de la
musique correspondent essentiellement aux principes
de la Gestalt (LIPPE).
Par exemple, la segmentation des units phrasologiques correspond strictement
aux principes gestaltiens de proximit et de
similarit (le premier cas
concerne une srie d'vnements sonores ponctue par un silence ou une note
d'attaque marque, et le deuxime tout
changement de registre, dynamique, timbre
ou articulation).
Les caractristiques
mlodiques et harmoniques de Poulenc, avec les contours mlodiques angulaires
issus du non-respect des mouvements
harmoniques obligs, de la dissociation des
mouvements fondamentaux, du contrepoint implicite - pour ne citer que les
principaux - mettent rude
preuve les hypothses perceptives de
lauditeur: limplication concide rarement avec la ralisation. Do
vient, dans ce cas, le sentiment
dachvement et de cohrence qui est propre
la musique chorale de Poulenc?
2.
Mlodies interpolation et loi du retour
2.1.
Cas de la monodie
Nous considrerons dabord
la monodie stricte, c'est--dire la mlodie dun pupitre, sans prise en compte de
la conjonction polyphonique ni la
dispersion des lignes mlodiques
fondamentales entre diffrentes voix.
La conduite mlodique de
Poulenc, souvent en contradiction avec, au minimum, les principes de proximit
et de bonne continuation, est galement
loin de satisfaire au second point
relatif au principe dachvement (un petit intervalle suivant un ou plusieurs
grands intervalles). Cependant, la
sensation de cohsion mlodique est due en
partie l'individualisation des units phrasologiques et surtout au principe
de retour au registre initial:
en relation directe avec les
caractristiques de contour et de structure mlodiques, il claire la notion de
mouvement mlodique interpolation.
Rappelons que dans les mouvements
mlodiques interpolation:
-
les
ossatures mlodiques se rduisent souvent des mouvements lmentaires adorns
;
-
il
y a hirarchisation des vnements mlodiques de chaque incise, la logique
tant laboutissement la note finale. Bien
que daspect plus spectaculaire,
la partie interpole a une fonction secondaire.
-
Ce
sont gnralement des unissons (et tritons mlodiques) ou mouvements conjoints,
comme les appoggiatures, qui sont
concerns.
En termes de Gestalt, linterpolation appartient au
domaine du fond, compos d'lments
formels de dtail. A l'oppos, et un niveau d'observation
plus vaste, les
points de dpart et d'arrive sont rattacher la figure. Cette figure qui est perue lors de la cognition de la
forme mlodique.
Ds lors, les mouvements
mlodiques interpolations, qui ne dpassent gnralement pas, rappelons-le,
l'intervalle de seconde majeure, procdent
du retour au registre initial.
Toutes ces formes mlodiques satisfont donc au principe d'achvement. C'est
pourquoi linterpolation, quelle que soit
son parcours et l'angularit de son
contour mlodique, ne remet pas en cause la bonne forme mlodique. Les deux
exemples qui suivent procdent
de la mme logique:
Exemple
6, Timor et tremor
Exemple
7, Figure Humaine, sixime mouvement
Exemple 14
3. Figure et fond
En termes gestaltiens, les observations prcdentes font percevoir le matriau
musical de passage comme relatif au fond
et, ce titre, il se
diffrencie de la figure.
Cela est vrai pour toute matire jouant le rle dinterpolation: elle
naltre pas la perception de la bonne
forme qui
considre comme
structurellement quivalents agrgats de passage, accords classs de passage et
mlodies daccords classs; ce que retient
essentiellement la perception
de la forme musicale est la fonction harmonique globale. Cest pourquoi dploiement
harmonique et prolongation
figure sol I
prolongation harmonique de surface
interpolations toutes les voix
fond agrgats
Exemple
16, Figure Humaine,
septime mouvement
figure fa I
prolongation harmonique de surface
interpolations toutes les voix
fond mlodie daccords classs (sixtes)
Exemple
17, Figure Humaine,
troisime mouvement
figure mi $
I - IV
prolongation harmonique de surface de mi $ I
fond mlodie daccords classs (accords parfaits et
quinte augmente)
Exemple
18, Figure Humaine,
deuxime mouvement
figure pdale de mi
fond superposition dune mlodie daccords (quartes et
sixtes)
Dans les situations o il
ny a plus de ple fonctionnel, ni lattaque, ni en fin dincise, son unit trouve
toujours sa source dans un trait dcriture
donn:
Exemple
19, Figure Humaine,
septime mouvement
Ici, ce sont les courants
mlodiques issus des voix des diffrents contrepoints implicites qui assurent
lincise son statut de bonne forme:
Exemple 20
figure
courants mlodiques conjoints
9 10 11 12 13 14 15 16
FA # SOL # SI MI $ SOL SI $ MI $ SI DO # FA #
FA SI $ LA $ LA $
LA DO # SI FA DO FA # SI 8 DO FA 8 MI
Il y a hirarchisation de
ces tonalits, chaque groupe dincises s'achevant systmatiquement sur une
demi-cadence en renforant le ton principal :
Figure 4
1 2 3 4 5 6 7 8
MI MI DO # FA LA SOL SI FA #
9 10 11 12 13 14 15 16
FA SI FA # SI $ LA $ LA $ SI MI
Remarques:
-
Ce groupe dincises fait entendre la
tonalit de SI, par sa dominante et la dominante de sa dominante. Les
quivalents-quinte utiliss
ici sont do 8
et r # pour la dominante de SI, et sol 8
pour la dominante de la dominante:
Exemple 22
-
Nous observons un dispositif diffrent
entre la premire apparition de SI V, sur la premire incise (Sur les places qui dbordent), et la
fin
de la seconde (ton nom):
-
la premire fait entendre un chromatisme
neuvime majeure-neuvime mineure (sol # - sol 8), et les quivalents-quinte do 8
et r # ctoient la quinte juste do #;
cela donne entendre une harmonie de densit 8 ;
-
la fin de la seconde nutilise plus que
la neuvime mineure sol 8,
la quinte juste a disparu, et seul lquivalent-quinte r #
subsiste. Nous
avons donc une harmonie de densit 5et une coloration diffrente ; mais
nous ne pouvons pas dire que la
tension soit moindre ici, car cette dominante
arrive par sa propre dominante, elle mme en harmonie de densit 5.
-
L'effet polyharmonique fait entendre sur
le deuxime temps de la mesure 67 (et accords similaires) l'accord de sixte
augmente sur do
8,
qui sonne enharmoniquement comme dominante de FA8, soit l'oppos dans le systme tonal. C'est
l une ambigut bien connue
de cette harmonie :
Exemple 23
-
Son enchanement s'appuie sur la logique
de triton mlodique de la basse et sur les chromatismes sol 8 - sol # et do # - do 8,
respectivement neuvimes
mineure/majeure d'une part, quinte juste/quinte altre d'autre part:
Exemple
24
Rsumons les aspects
harmoniques du groupe dincises en termes de Gestalt:
-
Le dploiement harmonique de SI
Vest relatif la figure ;
-
le fond
est reprsent par:
-
le passage la dominante de la dominante
qui prpare la conclusion de lpisode;
-
le traitement vari de V de SI entre la
premire incise et la seconde (quivalents-quinte et densit harmonique
diffrents);
-
lallusion au ton de FA par laccord de
sixte augmente.
De mme, dans la premire
incise :
-
sont relatifs la figure:
-
lharmonie SI V;
-
les pdales et broderies issues du
contrepoint implicite
-
sont relatifs au fond:
-
lallusion au ton de Fa 8 par laccord de sixte augmente appuy
sur lquivalent-quinte do8;
-
son corollaire, le triton mlodique
articul sur ce mme quivalent-quinte.
Pour rsumer, il apparat,
tant ltage de lincise que de celui du groupe dincises, que la
construction gnrale reste rsolument tonale. Seule
lorganisation de dtail
fait apparatre des particularits organises essentiellement autour du
phnomne dquivalent-quinte.
Notre perception de la
construction gnrale se rapporte au phnomne gestaltien de figure. Celle-ci est dtermine par une
structure harmonique
trs stable puisque tale dans le temps par leffet de
dploiement, et appuye sur les notes harmoniques tonique - sensible -
quinte-septime-
neuvime(s), avec tat fondamental lattaque. Cette figure
peut tre consolide, comme dans la premire incise, par la perception dun
discours
mlodique dont la rduction est stable (pdales et lignes conjointes).
Le fond fait apparatre un parasitage de la figure. Celui-ci est systmatiquement issu du phnomne
dquivalents-quinte, soit directement dans le
cas du brouillage des accords de
dominante, soit indirectement dans le cas de linduction de laccord de sixte
augmente et du triton mlodique qui
laccompagne.
//
Malgr
les trs nombreux effets polyharmoniques, lensemble se rsume une longue
dominante de si $, d'abord
sans tierce sur la cellule a, mesures
83-84, puis dans le mode olien, ce qui
justifie la prsence de la tierce mineure la $
la cellule b, mesure 85 au lieu de la note sensible la 8 qui
apparatra in extremis la mesure 88. Les quivalents-quinte sont prsents
ds la dominante modale, avec si $ et
r $, la dominante
tonale prfrant
le r 8 (toujours
avec le si $) :
Exemple
26
desquelles nous retrouvons, outre laspect modal qui nest pas propre
Poulenc, lconomie des quivalents-quinte conjoints la quinte juste:
ces
4 notes pour 1, dans cet exemple, permettent elles seules le traitement
du fond de ces formes musicales.
4.
Une consquence: la rtrogradabilit mlodico-harmonique
des incises
4.1. Principe
Les
concepts de dploiement et de prolongation harmoniques, en organisant les
incises en units formelles possdant leur propre cohrence
Exemple
28, rduction harmonique
Cette
mme harmonie pourrait donner lieu un dploiement plus importante facilit
par limportant rservoir de notes sur la dominante. Ainsi a-t-
on lexemple
suivant un dploiement harmonique de dominante de si $, clair sur le triton final ; il fait entendre la
tierce modale la $ en mme
temps que la note
sensible la8, les quivalents-quinte si 8 (do $), r $ - r 8 (en rouge)?,
et la septime majeure ajoute mi 8 (en bleu). Cela
donne
entendre dix des douze notes du rservoir de laccord de dominante,
parfois de manire dissonante: la$ -
la 8, r $ - r, etc.:
Exemple
29, Figure Humaine, deuxime mouvement
Exemple
30
Dans
le cas de plus grande densit fonctionnelle, les permutations et
rtrogradations de fonctions restent possibles tant que les incises comportent
essentiellement des degrs simples, et alors que Poulenc fait peu de cas des
mouvements obligs: seule la matire harmonique compte.
4.2.
Exploitation: un pastiche
Cest
pourquoi nous avons t tent par une gnralisation de ce qui vient dtre
dit; elle a abouti un pastiche musical exclusivement constitu
dincises rtrogrades. Nous avons pris pour modle le motet Timor et tremor. Les rtrogradations
sont strictes sur le plan mlodico-harmonique,
lexception de quelques
modifications de dtail qui apparaissent en vert dans les exemples et se
trouvent explicites dans le texte.
Lorganisation
rythmique, et donc le rythme harmonique, changent librement par rapport au
modle, et permettent la prosodie du texte. Celui-ci est
constitu dextraits
du pome de Paul luard, Vue donne vie (Paul LUARD, Le livre ouvert, La Pliade, tome 1, pp. 1026-1028).
Exemple
33, partition du pastiche
//
//
//
//
Il
nous semble que cette musique :
-
nest
pas immdiatement reconnue comme rtrogradation;
-
est
tout fait convaincante sur le plan musical.
Certes,
la procdure nest pas applicable lensemble de luvre chorale de Poulenc.
Cependant, la relle possibilit de telles procdures nous
semble confirmer ce
que nous avons cru analyser des techniques de composition de Poulenc.
4.3.
Analyse du pastiche
Les
chiffres indiquent lordre des accords et leurs rtrogradations, et les
commentaires sont en italique.
Mesures 1-3
Exemple
34, mesures 23-24 de Timor et tremor et exploitation de leur rtrogradation
-
Transposition du modle, pris
en cours de morceau pour le placer dans le ton principal;
-
Modification de la note n2
(alti) due la densification rythmique de la rtrogradation (accord avec
septime ajoute la
place de laccord parfait);
-
La prolongation harmonique de
surface passe du do # mineur du modle la mineur, avec rtrogradation des
accords
dinterpolation.
Mesures 4-7
Exemple 35, Timor et tremor, mesures 16-19
-
Rajout
du la aux basses, donnant entendre un Ier degrdans le
dploiement harmonique de dominante porte par le
modle. Cela est rendu
possible par la prsence de lquivalent-quinte do 8, qui permet de faire entendre dans la
rtrogradation le Ier degr par effet polyharmonique:
Exemple 39, rduction de lharmonie de
dominante
Mesures 11-12
Exemple 40, Timor et tremor, mesures 9-10
-
Elision
du dbut de lincise du modle;
-
Remplacement de laccord
parfait par un unisson simple;
-
Llision du dbut de lincise
ne supprime quune partie interpole de la prolongation harmonique de surface
de la I,
reprise en duplication dans le modle;
-
Le remplacement de laccord de
V de V par lunisson facilite la rtrogradation du parcours I - V de V du
modle, par
allusion lenchanement II - I.
Mesures 13-15
Exemple 42, Timor et tremor, mesures 5-7
Exemple 43, exploitation de la
rtrogradation de lexemple prcdent
-
Rtrogradation
stricte;
-
Le
parcours fonctionnel du modle se rtrograde aisment.
Mesures 16-18
Exemple 44, Timor et tremor, mesures 2-4
-
Elision
des dbut et fin dincise du modle;
-
Comme
aux mesures 11-12, rtrogradations des mesures 9-10, la rtrogradation de la
prolongation harmonique de surface
du Ier degr de la seffectue
aisment.
Table des exemples
Exemple 1, Ave verum
corpus
Exemple 2
Exemple 3, Figure
Humaine, deuxime mouvement
Exemple 4, Stabat
Mater, quatrime mouvement
Exemple 5, Figure
Humaine, quatrime mouvement
Exemple 6, Timor et
tremor
Exemple 7, Figure Humaine, sixime mouvement
Exemple 8, Messe en
Sol Majeur, cinquime mouvement
Exemple 9, Figure
Humaine, septime mouvement
Exemple 10, Figure
Humaine, troisime mouvement
Exemple 11
Exemple 12, Un Soir
de neige, quatrime mouvement
Exemple 13, Figure
Humaine, septime mouvement
Exemple 14
Exemple 15, Figure
Humaine, septime mouvement
Exemple 16, Figure
Humaine, septime mouvement
Exemple 17, Figure
Humaine, troisime mouvement
Exemple 18, Figure
Humaine, deuxime mouvement
Exemple 19, Figure
Humaine, septime mouvement
Exemple 20
Exemple 21, Figure
Humaine, huitime mouvement
Exemple 22
Exemple 23
Exemple 24
Exemple 25, Figure
Humaine, huitime mouvement
Exemple 26
Music is taken
to be a real (aesthetic) object of the sound environment. Its ontological
status is a gestalt, at least within those time segments that can
be limited to
the perceptual present, which is usually taken to be in the range of 5-10
seconds. For important practical purposes I will restrict the
treatment to this
present, because there seems to be a radical difference in the perceptual
organization that extends beyond this time period. When
considering extended
time spans, we speak of musical form, or structure, which should be understood
as a series of gestalts of which some are
repetitions or variants of one
another. It seems correct to say that a whole work, or even a style, may
qualify as a gestalt, but the character of
wholeness seems to be of another
kind. Connections and dependencies may be established by the association and
accumulation of similarities
separated in time by narrative and rhetorical
procedures, paradigmatic distributions, and the like. Preben von der LIPPE,
The Role of Reference
Systems in the Perceptual Articulation of Musical
Gestalts, http://www.enabling.org/ia/gestalt/gerhards/gtax.html
Ce trait stylistique caractristique justifie la
prsence de nombreuses dirses, comme dans lexemple 273.
id.
Peut-tre un peu comme Bach lavait fait avec son Clavier bien tempr ?
62/77e.
53/77e.
51/77e.
4. Units phrasologiques
4.2. Rplications
4.2.3. Combinaisons de
rplications
4.2.4. Conclusion:
Poulenc et Debussy
- 7 de ces formes se
rduisent une structure A/A/..., ventuellement encadre par introductions,
transitions et conclusions :
Figure 1
Intr. A1 A2 A3 Conclusion
1er mvt.
2me mvt.
5me mvt. I (transition)
5me mvt. II
7me mvt.
8me mvt.
10me mvt.
- 5
de ces formes tombent dans la catgorie A.../B... drive de la prcdente,
pouvant galement tre encadres par introductions,
transitions et
conclusions:
Figure 2
Intr. A B Conclusion
4me mvt. A1 - A2 - A3 B1 - B2 - B3
6me mvt. A1 - A2 - A3 B
9me mvt. A B
11me mvt. A B
12me mvt. A1 - A2 - A3 B
A Trans. B Trans. A
3me mvt.
A O
quam tristis et afflicta et
afflicta Fuit
illa benedicta Mater unigeniti
+ orchestre
Transition O
quam tristis et afflicta
B Fuit illa benedicta Mater unigeniti
Fuit illa benedicta Mater unigeniti
Transition orchestre seul
A O
quam tristis et afflicta et
afflicta orchestre seul
Ds la forme gnrale, cest donc le plus souvent la forme littraire
qui dtermine la forme musicale.
A Mater
unigeniti
+ orchestre
A orchestre seul
Transition O
quam tristis et afflicta
Transition orchestre seul
mouvement :
Figure 6
Intr. Sancta Mater, istud agas,
Crucifixi fige plagas,
Cordi meo valide
A1/A2 Tui nati...
B1/B2/B3 Virgo...
Concl. Fac me tecum plangere.
Intr.
A1 Stabat
Mater Juxta
crucem
A2 Stabat
Mater Juxta
crucem Dum
pendebat
A3 Stabat
Mater Juxta
crucem Dum
pendebat
B1 Stabat
Mater Juxta
crucem Dum
pendebat
B2 Lacrimosa Dum
pendebat
B3 Dum
pendebat Filius
Seules peuvent varier les dures des divers pisodes. Cela
se traduit par le fait que chacune des parties sujettes reproduction est
unique, malgr les
ritrations. Par exemple, dans le 8me mouvement,
de type A1 - A2 - A3, notons :
Figure 8
Suivant les
procdures danalyse structurale, le pome est rcrit dans la figure 19
mettant en vidence les lments syntagmatiquement et
smantiquement
quivalents nots les uns en dessous des autres. Ces lments quivalents
permettent la rsolution en autant dquivalences
paradigmatiques
caractristiques de lart potique: La fonction potique projette le principe dquivalence de laxe de la
slection [laxe
paradigmatique] sur laxe de la combinaison [ou laxe
syntagmatique] : Roman Jakobson, Linguistique
et potique, in Essais de
linguistique
gnrale, cit par Nicolas RUWET.
Ici, lorganisation
dtermine ici 6 pisodes:
Figure 9
1
En
chantant les servantes slancent Pour rafrachir la place o lon tuait
Petites
filles en poudre
vite agenouilles
2
Leurs
mains aux soupiraux de la fracheur Son bleues comme une exprience
un
grand matin joyeux
3
Faites
face leurs mains les morts
Faites face leurs yeux liquides
4
Cest la toilette des phmres
la dernire toilette de la vie Les pierres descendent
disparaissent Dans leau vaste
essentielle
La dernire toilette des heures
5
A peine un souvenir mu Aux puits taris de la vertu
Aux longues absences encombrantes
6
Et lon
sabandonne la chair trs tendre
Aux prestiges de la faiblesse
Quant la forme musicale, elle est de type A - A - B - C.
A' est une reprise de A:
En chantant les servantes s'lancent (mesures 1 et 12)
Pour rafrachir la place o l'on tuait (mesures 3 et 14)
Petites filles en poudre vite agenouilles (mesures 5 et 16)
Leurs mains aux soupiraux de la fracheur (mesures 8 et 18)
Sont bleues comme une exprience (mesures 10 et 20)
Un grand matin joyeux (mesures 11 et 21)
B et C sont spares par un changement de tempo et
individualises par le caractre qui en dcoule:
Figure 10
A mes.
1 3 5 8 10 11
mi phrygien I mi phrygien I 6/4tes 6/4tes 6tes mi V
M.A. M.A. M.A. olien
polymodal polymodal olien
A 12 14 16 18 20 21
@1 @ 3, ton + haut dissonances SI $ V 7mes do # II do # I
M.A. E.H. E.H.
> =@
B 22 24 26 28 29 31 32
SOL I SOL II sol I 6tes 7mes mi V mi V
(duplication libre) E.H. M.A. 9mes
M.A.
C 35 37 38 41 42 44 46
mi I mi I mi I mi I MI I - V MI IV MI II-V - I
E.H. 6/4tes 6tes
M.A M.A.
(Rappelons
que les sigles E.H. et M.A. signifient respectivement extension harmonique et mlodie
daccords).
Forme musicale et structure potique ne concident que trs
globalement. Si nous rapportons la segmentation musicale A-A-B-C la structure
du
pome, nous obtenons:
Figure 11
A/A
En
chantant les servantes slancent Pour rafrachir la place o lon tuait
Petites
filles en poudre
vite
agenouilles
Leurs
mains aux soupiraux de la fracheur Son bleues comme une exprience
un grand matin joyeux
B
Faites
face leurs mains les morts
Faites face leurs yeux liquides
Partie
A: 5 + 2 mesures (coda de A, prcise par le chiffre 1), soit 7
mesures:
Adieu tristesse.
Bonjour tristesse.
Tu es inscrite dans
les lignes du plafond.
Tu es inscrite dans les yeux que jaime.
Partie
B: 5 + 2 mesures (du chiffre 2 au chiffre 3), soit 7 mesures:
Exemple 4, Timor et
tremor
Exemple 5, Vinea
mea electa
4.1. Formes de segmentation
Exemple 7, La
blanche neige
Exemple 10, Scheresses,
premier mouvement
Dans
Quem vidistis pastores dicite, hors
points dorgue, la quasi totalit de la segmentation sarticule sur des valeurs
brves (49 : e, contre
seulement 2 <f : fd
et
1 . ,
soit 95 % des articulations). Les points dorgue cadentiels respectent cette
logique, le deuxime tant prcis
court et le premier tant crit sur des
valeurs plus brves.
Remarques:
-
si les incises font appel, en plus du Vme
degr, aux degrs I, II ou IV, les groupes dincises se concluent
systmatiquement sur des demi-
cadences sauf, bien sr, la cadence finale. Cest
essentiellement de cette manire que seffectue la hirarchisation groupes
dincises - incises de
base;
-
le souci qua le compositeur
dindividualiser les pisodes formels fait quau groupe dincises 8, o il ny
a aucune modification de paramtre,
les liaisons sont l, et seulement l, pour
indiquer les incises:
Exemple 12, Figure Humaine, premier mouvement
4.2. Rplications
Ces units formelles,
balises par la forme littraire et segmentes par lensemble des paramtres
musicaux, sont organises comme autant de
collages obissant un processus de
ritration particulier, gnralement nomm duplication. Nicolas RUWET (op.
cit., Notes sur les duplications
dans les
oeuvres de Debussy, p. 70), parlant de cette forme chez Debussy, a repris
la dfinition quAndr SCHAEFFNER nommait pour sa part
reduplication : Procd
qui consiste doubler systmatiquement chaque phrase mlodique.
Ce terme de duplication est parfaitement adapt pour dfinir
la production dun double puisque cest bien cela que nous renvoie
ltymologie du
terme. On trouve des duplications strictes, o le double est la
reproduction parfaite du modle, ou des duplications libres, lorsque la
reproduction
procde du modle avec des modifications de dtail.
Pour nommer la reproduction double dun modle (A - A - A),
la langue franaise utilise les termes de tripliquer,
triplication, triplicata, que nous
prfrons toute autre dsignation. Enfin, ce
principe tant hirarchis, proposant diffrents niveaux de reproduction, le
musicien a besoin dun
terme gnrique dcrivant le processus gnral. L
aussi, le terme existe : rplication: Dictionnaire ROBERT : Mcanisme par lequel le matriel
gntique
se reproduit continuellement sous la mme forme. Ainsi,
duplications, triplications, et leur combinatoire, forment le phnomne de
rplication.
Afin dtre trs prcis par rapport lutilisation de ces
termes, prsentons les principales caractristiques de ces rplications.
4.2.1. Rplications strictes
Dans lexemple qui suit, il y a duplication stricte des
mesures 8-9 sur les mesures 10-11, toutes les voix; lordre harmonique
fait donc, galement,
lobjet dune duplication:
Exemple 13, Stabat Mater, douzime mouvement
4.2.2. Rplications libres
Lorsque la rplication dun modle est libre, ce peut tre
par variation textuelle, rythmique, mlodico-harmonique. Elle peut galement
tre
galement tronque par lision dlments gnrateurs, densifie,
dveloppe, etc. Nous prsentons ici quelques exemples significatifs, mais non
exhaustifs.
4.2.2.1. Variation rythmique
4.2.2.3. Variation harmonique
Ici, la variation mlodique de dtail sur la fin de la
rplication (la - si une premire fois, contre la - la# pour la
rplication) saccompagne dune
harmonisation au demi-ton infrieur:
Exemple 27
Lharmonisation de ces deux incises est rendue possible par
le fait que le mi aigu du premier terme est trait comme quivalent-quinte (la
quinte
juste de V de VI est r, et le mi est appoggiature suprieure non
rsolue), alors que le mi de la rplication est la septime de laccord de
dominante
de la dominante (Le deuxime accord de dominante fait appoggiaturer
aux soprani la note sensible la # par la tierce modale la 8, alors que cette
mme note sensible est dj
entendue aux barytons, engendrant la dissonance la 8/la
#) :
Exemple 28
Leur organisation est de type ternaire suprieur tronqu. Nous attendions en effet
A1-A2/B1-B2/A1-A2, or ce dernier est lud, crant lentropie
de la mesure
25. Nous pouvons schmatiser ainsi lensemble:
Figure 13
a
1 a
2 a
1 a
2 b
1 b
2 b
1 b
2 a
1 a
2
A
1 A
2 B
1 B
2 A
1
a b a
Dynamiques
par pupitres Voix Ambitus Nombre
dincises
a A1 mf B 5me 4
A2 2
x f B
T 12me
b B1 4
x f B
T A S 18me 4
B
2 3
x f T
A S 12me
a A
1 3
x f B
T A 10me 2
1. Approche classique
1.1.2. La musique
2. Analyse structurale
France est sous loccupation allemande. Nous pouvons noter que ce premier texte
correspond trs justement lesprit gnral de luvre, comme le
dit Henri HELL (Francis
Poulenc, musicien franais, d. Fayard, Bibliothque des grands musiciens,
1978) :
[Les textes]
crits les annes noires, expriment en termes peine voils la douleur et la
souffrance du peuple de France rduit
au silence. Ils disent aussi la haine de
ce peuple envers ceux qui le billonnent, son mpris, sa colre silencieuse.
Ils disent
aussi son espoir malgr le ciel bas d'une couleur de plomb, sa
confiance inaltrable dans les vertus claires de l'homme, sa foi
intouche dans
le triomphe final de la libert sur la tyrannie.
Compose de faon classique de quatre quatrains en gnral
octosyllabiques, ni rims, ni assonancs, luvre doit son originalit formelle
son
dernier vers en rejet. Labsence de ponctuation et la structure libre du
vers donnent une impression de libert et de familiarit dans la prsentation
Le caractre dramatique n'apparat vraiment que sur la
ritration de le plus laid, harmonis de manire tendue
et chant un chur (incise 1b):
Exemple 2, Figure Humaine, premier mouvement
Cette harmonisation est duplique strictement avec emploi
des deux churs qui en amplifient l'effet (incise 1c).
Plus en dtail, la mlodie de 1a est d'autant moins
agressive que l'on pourrait l'harmoniser sous une succession de I/IV (le groupe
2 le confirmera).
En revanche, l'harmonisation de 1b et 1c est tendue de
plusieurs manires :
-
l'accord final, sur laid, est un accord de dominante sans fondamentale comportant un quivalent-quinte engendrant l'agrgat si - do 8 -
r, qui se superpose la
dissonance de septime sol # - fa #, et sort de la tonalit initiale:
Exemple 3
-
Cet accord est amen par chromatisme
ascendant de la basse (sol8
- sol #), ce qui renforce son caractre et met en valeur le contraste
avec l'accord simple port par sol 8
:
Le deuxime groupe dincises reproduit les principes
prcdents, mais la queue de 2a, corollaire de la queue de 1a, fait entendre
une harmonisation
sur la base de I/IV en si mineur:
Exemple 4, Figure Humaine, premier mouvement
Groupe dincises 3
(incises 3a - 3b) : Entre toutes mes
faons d'tre/La confiante est la meilleure
Ici, la progression de l'intensit destine marquer la
rigueur de la dtermination s'effectue travers un processus tout aussi
progressif dans son
intensification.
Dans un premier temps (incise 3a, Entre toutes mes faons d'tre), l'harmonisation est trs douce
grce une harmonie de neuvime d'espce place
sur le Ier
degr de mi (l'accord issu de la rsonance naturelle est une harmonie
d'vidence, l'instar du texte). Le mode dorien adoucit les tensions :
Exemple 6, Figure
Humaine, premier mouvement
Remarquons que Poulenc arrive ici insister sur l'ensemble
de lincise : elle possde dj une trs forte unit issue de la nature
harmonique mais,
au-del, les valeurs longues accentuent entre et tre, cependant
que le contour mlodique trs ample des voix extrmes (basses et soprani)
marque,
par contraste de timbre, les mots toutes
et faons, reprenant en mme temps le
ton dclamatoire dj pressenti au groupe dincises prcdent.
Dans un deuxime temps (incise 3b, La confiante est la meilleure), toujours sur un ton dclamatoire
indiqu par le contour octavi des basses, assise
harmonique du discours, le
discours s'affermit par le passage la dominante du mode sur l'articulation le
verbe est qui relie d'autant plus
fermement
les termes confiante et meilleure.
Dans un dernier temps, la valeur longue de meilleure
et le passage au ton de SOL $ sur accord de dominante porteur
d'un quivalent-quinte
achvent une progression marque
par la dtermination :
Exemple 7, Figure Humaine, premier mouvement
Nous remarquons que cette progression, la fois moins
contraste qu'au groupe dincises 1 mais aussi plus inluctable, est par une
densification des
dures : 8 temps pour l'accord de tonique de mi dorien, 3
temps pour sa dominante, et seulement 1,5 temps pour la dominante avec quivalent-
quinte de SOL $ :
Figure 1
Groupe dincises 4 : L'herbe soulve la neige/Comme la pierre
d'un tombeau
Le sentiment de confiance rvl par les vers prcdents est repris
ici par l'image de l'ouverture du tombeau,
lui-mme associ la neige que
Sur le plan mlodique, le discours simple si $ II - VI qui balise la premire partie de cette incise (L'herbe soulve la neige) est enrichi
par les
fonctions contraries qui donnent du mouvement une matire
apparemment plus inerte:
Exemple 9, Figure Humaine, premier mouvement
On observe la prosodie tonnante sur l'herbe qui accentue par valeur longue la deuxime syllabe
inattendue ; l'herbe:
> >
.
Lher- be
Cette tape stable est suivie d'une monte mlodique sur Comme la pierre d'un tombeau. Son contour en ventail la voix suprieure
s'accompagne
harmoniquement d'une tension croissante I - V de V culminant en
valeur longue sur le dernier agrgat, grce l'adjonction in extremis de la
fondamentale do 8 ; la tonalit de fa est l'oppos
du ton initial de si. Ici pas de drame, mais une tension de mouvement,
l'instar du texte:
Exemple 10, Figure Humaine, premier mouvement
Groupe dincises 5
(incises 5a - 5b) : Moi je dors dans
la tempte/Et je m'veille les yeux clairs
Les oppositions paradoxales se poursuivent mais nous passons
de positif - ngatif (neige - tombeau) ngatif - positif, avec le
couple tempte/yeux
clairs. Cela va s'accompagner
musicalement de la rsolution de tension do V -
DO I, qui conclut la monte en quintes si $ - fa - do
commence au
dbut du groupe dincises 4 (deuxime strophe
du pome). La densification rythmique est du mme type qu' lpisode prcdent
ce qui amne
aisment la valeur longue des
yeux clairs.
Cette clartest
d'autant plus marque musicalement que :
-
l'accord de rsolution, de densit 2, est
prcd dharmonies de dominante de densit 6 (dont deux quivalents-quinte
sans quinte
juste) sur Moi je dors dans
la tempte, puis 7 sur Et je
m'veille les yeux ( deux quivalents-quinte, dont
un nouveau, en plus de la
quinte juste):
Exemple 11
-
cet accord de rsolution est l'accord de
DO Majeur, qui rompt avec la modalit mineure quasiment constante depuis le
dbut de la
mise en musique de la deuxime strophe (mis part laccord initial
de SOL $).
Le contour mlodique participe aussi l'vocation du
contraste avec la tempte sur un
discours trs disjoint, au grand ambitus, qui s'oppose la
ligne beaucoup plus
conjointe qui conduit aux yeux clairs.
Groupe dincises 6
(incises 6a - 6b - 6c) : Le lent le
petit temps s'achve/O toute rue devait passer (Par mes plus intimes
retraites)/Pour que je
rencontre quelqu'un
Dans ce groupe dincises, le traitement du texte est
singulier, en ce que lincise 6b voit se superposer deux vers: par mes plus intimes retraites aux
voix
suprieures, et O toute rue devait
passer la voix de barytons. Ce qui suppose naturellement que Poulenc les
considre de mme sens, et
donc susceptibles de porter la mme musique.
Le groupe dincises entier propose un parcours fonctionnel
trs tonal dont l'originalit rside essentiellement :
-
dans le bref fugato de lincise 6a (Le
lent le petit temps s'achve):
Exemple 12, Figure Humaine, premier mouvement
-
dans le glissement tonal de fa sol, qui
accompagne le passage de cette dernire aux incises 6b et 6c (O toute rue devait passer (Par
mes plus
intimes retraites)/Pour que je rencontre quelqu'un):
Exemple 13 Figure Humaine, premier mouvement
logique :
-
harmonique, avec l'accord de dominante de
sol en harmonie composite (et quivalent-quinte la $
compltant la quinte juste):
Exemple 14
me
- mlodique, avec l'impression de II degr
altr sur le la $
de la mesure 26:
Exemple 15, Figure Humaine, premier mouvement
Groupe dincises 7
(incises 7a et 7b) : Je n'entends plus
parler les monstres/Je les connais ils ont tout dit
Poulenc traite avec plus de vigueur lincise 7b (Je les connais, ils ont tout dit) que
lincise 7a, qui nomme les monstres.
Il indique sans doute le
ddain et la force de sa connaissance.
La conduite mlodique de 7a est beaucoup plus legato que la suivante et d'intonation
galement bien plus aise. Sur le plan harmonique, Poulenc
fait entendre dans
7a la dominante de do en harmonie composite avec un seul quivalent-quinte:
Exemple 16
Par contraste, la parole des monstres, dans 7b, est traite
:
-
dans la tonalit de fa #, qui marque la
distance, en tant place l'oppos de do dans le systme tonal ;
-
en harmonie composite de dominante
faisant appel deux quivalents-quinte (dans trois orthographes, avec
l'enharmonie fa
/sol 8):
s
Exemple 17
-
l'aboutissement sur la valeur longue
finale, en plaant la quinte altre sol 8 la basse, cre l'ambigut avec
l'accord de sol 8
dominante o do # serait quinte
altre:
Exemple 18
De ce choc va merger la dominante du ton principal
l'issue d'une longue descente mlodique au chur 1 et malgr le sursaut final
des matres.
L'vocation est
implicite:
Le troisime mouvement, en mi $,
opre une descente chromatique dun demi-ton par rapport au ton principal de MI
(descente en mineur, de
surcrot). Il nest pas indiffrent de rappeler que le
titre du mouvement, Aussi bas que le
silence, est le seul avec le dernier mouvement ne pas
avoir t modifi
par rapport au titre du pome (seul le rajout des points de suspension le
distingue).
Ces mots Que l'automne
sont situs exactement au centre du pome. Le compositeur modifie cet
quilibre grce un rythme harmonique trs dense
sur la premire strophe et place
ce point d'quilibre prcisment au tiers de la musique (en termes de temps, et
non de mesures : 22/23me temps,
sur 66 effectivement nots (la
dernire mesure compte 3,5 temps de silences, silences dont que Poulenc peut
prendre en compte dans lorganisation
de la forme musicale).
1.2.2. Oppositions, parallles, cynisme
Le deuxime mouvement de la cantate est singulier en ce
quil manie le tragique par lironie:
LE RLE DES FEMMES
En chantant les
servantes s'lancent
Pour rafrachir la
place o l'on tuait
Petites filles en
poudre vite agenouilles
Leurs mains aux
soupiraux de la fracheur
Sont bleues comme une
exprience
Un grand matin joyeux
Exemple 26
Poulenc ne se prive pas de les utiliser, d'autant plus que l'harmonie concerne trois voix de tessiture rapproche (mezzos - alti - tnors)
; s'il joue sur
la nature des neuvimes dans la succession, il fait entendre
les juxtapositions dissonantes la $ - la 8 et r $ - r 8
(respectivement tierce modale et
note sensible de si $ d'une part,
quivalents-quinte d'autre part). Cela donne une criture trs dure contrastant
cyniquement avec la nature apparente
du texte.
La cohsion avec ce qui prcde est cependant solide :
chaque voix reste dans une logique implacable de contrepoint implicite fond
sur une logique
mlodique trs conjointe: linnocence ctoie la
barbarie:
Exemple 28, Figure Humaine, deuxime mouvement
La dernire toilette de
la vie est trait en extension
harmonique avec remplissage par accords majoritairement de sixte. Le parallle
entretenu avec
lincise 5 (faisant globalement appel au mme matriau, mais sur
le texte Un grand matin joyeux)
apparat alors comme trs cynique:
Exemple 30, Figure Humaine, deuxime mouvement
De la mme manire, Aux
puits taris de la vertu/Aux longues absences encombrantes (incises 21-22) fait appel l'criture des incises 3-4-5 (Petites
filles en poudre vite agenouilles/
Leurs mains aux soupiraux de la fracheur/ Sont bleues comme une exprience/Un
grand matin joyeux), c'est--
dire des mlodies d'accords de quarte et
sixte, puis de sixte, sur pdale de tonique mi:
Exemple 31, Figure Humaine, deuxime mouvement
Poulenc opre ce parallle en changeant la dynamique qui est
maintenant piano. C'est une manire
de mettre en balance pour mieux comparer, ici
opposer, la duret des incises
21-22 et la lgret des incises 3-4-5:
Exemple 32, Figure Humaine, deuxime mouvement
1.2.3. Le figuralisme et ses limites
Si la description traditionnelle
sattache observer les aspects significatifs du rapport texte - musique, nous
nobservons pas chez Poulenc de
frquentes illustrations figuralistes.
La traduction musicale du sens de texte seffectue un niveau suprieur
dorganisation. Les images musicales
du type de lexemple suivant sont
rares:
Exemple 33, Figure Humaine, cinquime mouvement
2. Analyse structurale
Ds lors quelle sappuie sur un texte, ce qui est le cas de
toute luvre chorale, nous pouvons observer la forme musicale en appliquant la
mthode
danalyse structurale non seulement la forme linguistique du pome
mais galement au pome musiqu (Genevive MASSON et Franois
MOURET (Verlaine/Faur, Clair de lune, Les interactions du texte et de la musique
dans la segmentation de luvre vocale, ou la problmatique
du sens, Musurgia, Vol. I, n 1, 1994, note 36, p. 36, proposent le
nologisme de musiquer, au sens de mettre un texte en musique. Cependant,
ce
terme est dj connu dans un sens diffrent : On parle de musication pour dsigner cette priorit donne
laspect sonore du texte sur les autres
aspects, notamment sur le sens. La musication peut se dcrire comme une allitration compose,
multiplie, dans laquelle le son, loin de souligner
le sens comme dans
lharmonie imitative, devient premier, prioritaire. (Franoise GERVAIS, Contrepoints, Musique et littrature,
1990,
Mridiens Klincksiek, p. 113).
Nous
reprenons la mthode dveloppe par Nicolas RUWET (Langage, musique, posie, ditions du
Seuil, collection Potique, 1974) et prsentons
titre dexemple lclairage
nouveau quelle peut apporter une analyse traditionnelle de la forme.
2.1. 7me mouvement de Figure
Humaine
Continuons avec le septime mouvement de la cantate Figure Humaine.
UN FEU SANS TACHE
La menace sous le ciel rouge
Venait d'en bas des mchoires
Des cailles des anneaux
D'une
chane glissante et lourde
La vie tait distribue
Largement pour que la mort
Prt au srieux le tribut
Qu'on
lui payait sans compter
La mort tait le
dieu d'amour
Et les vainqueurs dans un baiser
S'vanouissaient sur leurs victimes
La pourriture avait du cur
Et pourtant sous
le ciel rouge
Sous les apptits de sang
Sous la famine lugubre
La
caverne se ferma
La terre utile effaa
Les tombes creuses d'avance
Les enfants n'eurent plus peur
Des
profondeurs maternelles
Et la btise et la dmence
Et la bassesse firent place
A des hommes frres des hommes
Ne
luttant plus contre la vie
A
des hommes indestructibles
2.1.1. Forme du pome
Ltude de la forme potique dauteurs comme luard doit partir de sa prsentation visuelle telle
quelle apparat sur limpression. Poulenc nen
doutait pas:
Lorsquil sagit dApollinaire et dluard, jattache la plus grande importance la mise en
page du pome , aux blancs, aux
marges (Francis POULENC, Entretiens avec Claude Rostand, p. 70).
Nous savons limportance apporte par luard
cet aspect de son art :
La typographie doit tendre exalter une gomtrie
lyrique, toute une figuration parlante. Sa voix saccommode aussi mal de
lacoustique biscornue de la fantaisie que des mchants cadres de la tradition
(La Pliade, tome II, p. 812, Esprer raliser la
vritable lisibilit ).
Le pome Un feu sans
tache fait apparatre typographiquement une organisation strophique:
4 strophes de 4vers, et une proraison sur un vers
isol. Lorganisation
de la versification fait apparatre, selon lusage, la majuscule en dbut de
chaque vers. Ceux-ci, non rims, correspondent
une organisation de 7 ou 8
pieds, qui obit une priodicit stricte au niveau des strophes. Nous avons
ainsi des vers de 7 pieds aux strophes 2, 4 et
5, et de 8 pieds aux strophes 3,
8, et sur le vers final isol, soit:
7-7-8
7-7-8 (+
8)
Figure 3
-
Dans lordre des accentuations, nous
observons chez Poulenc un trait propre la premire partie du mouvement et
lopposant la
deuxime (indique trs
li): cest la segmentation musicale par des silences de suspension
(terme de Franoise GERVAIS, Prcis
d'analyse musicale, Honor Champion, 1988, pp. 19-20.) accentuant des
termes de la phrase, remarquable la voix principale, ds la
premire
mesure:
Cest
encore plus net aux voix daccompagnement, lintrieur mme des termes de la
phrase: mesure 9-13, alti, avec inversion du texte:
Venait den
bas e des cailles e e e des m- choires e des
anneaux e Venait den e bas
"
La
vie tait distribue Largement
pour que la mort Prt au srieux
le tribut Qu'on lui payait sans compter
"
La mort tait le Dieu d'amour Et les vainqueurs dans un baiser S'vanouissaient sur leurs victimes
La
pourriture avait du cur
Partie A 2
Incise 6: La vie tait distribue
Largement
Exemple 45
Incise 8: le tribut
Qu'on lui payait sans compter
Elle est galement construite partir de la cellule
gnratrice X, par transpositions et imitations de la tte, avec tuilages
(notes entre parenthses):
Exemple 48
Partie A 3
Incise 9: La mort tait le Dieu
d'amour
Elle
entretient une parent avec lincise initiale (La menace) dans la mesure o cest la premire fois que se
reproduit la valeur longue ( > .).
Nous
retrouvons les suspensions par silence observes plus haut, qui accentuent
leffet de cette valeur longue:
Lae mort
- tait le Dieu damour (mesure 24)
: e > : :
: : :
: e
.
Partie A 1
Groupe dincises 13: Et pourtant sous le ciel rouge/Sous les apptits de sang
Il est construit de faon identique aux groupes initiaux.
Groupe dincises 14: Sous la famine lugubre/La caverne se ferma
Sa cohrence interne tient ce que la deuxime incise est
la reprise de la premire avec lision de la note initiale, monnayage de la
partie centrale
(en bleu) et mouvement contraire sur la queue des deux termes.
Il reprend le chromatisme initial pour conclure la partie A:
Exemple 51
Partie B
Lcriture de la partie B est caractrise par une
organisation rythmique beaucoup moins dense, pour une harmonie qui pourrait se
rsumer un
immense accord de do # sous toutes ses formes. En effet, d'ici la
fin du mouvement, nous allons passer progressivement de l'accord de do #
Exemple 54
groupe
dincises 15
-
le rythme point rapparat, semblant
baliser le mouvement (successivement au dbut de A1 de A3, de A, et enfin de
B);
: e),
les dernires sachvent sur des valeurs longues
-
si les pisodes de la partie A sachvent
gnralement sur des valeurs brves (
(@@ @D
ou ).
Dans lexemple ci-dessus, nous constatons que le passage de la dsinence
rythmique du groupe dincises 15
seffectue par allongement rythmique. Nous
avons dj remarqu ce changement la fin de la partie A3, cest--dire au
milieu du
pome.
Groupe dincises 16: Les enfants
n'eurent plus peur/Des profondeurs maternelles
Exemple 55
Lemphase
du texte est traduite par la ritration de la formule rythmique > >
> @ . et ses divers
quivalents ; nous retrouvons la dsinence
sur valeur longue, ici rajoute la
formule rythmique; lincise est thtique, contrairement la prcdente
(pour le vocabulaire, voir GERVAIS,
Franoise, Prcis d'analyse musicale, Honor Champion, 1988).
Cela
nous renvoie lincise 6, organise autour de
@>> ou sa diminution > : :
Groupe dincises 17 et 18 : Et la btise et la dmence/Et la bassesse
firent place
Exemple 56
Remarques
-
La partie A possde un tronc central
organis autour de la cellule gnratrice X:
Exemple 60
-
Les incises 1 4 prsentent un processus
de densification rythmique qui sera prolong dans les incises 5, puis 7 9, en
ce quelles
font appel une criture domine par les croches;
-
les incises 5 9 sont remarquables par
lomniprsence de la cellule X qui donne une unit trs forte cette partie
centrale de A;
-
suit alors un processus daugmentation
rythmique (incises 10 12 bis). Il a pour double effet de marquer le centre du
pome et de
prparer le rythme prgnant de la partie B:
Figure 5
-
La partie B nest apparente la partie
A que par: 1) la formule pointe de dpart (augmente par rapport la
formule initiale); 2)
les formules rythmiques de lincise 16 ( >>@ ),
qui sont laugmentation de celles de 6 ( ::> ).
Cela va de pair avec ce que nous
savons du contraste dcriture harmonique
entre les deux parties;
-
elle se caractrise par un processus
rythmique qui va dtruire progressivement les valeurs longues (nous passons
successivement de 4,
3, 3 0 valeurs longues au cours des incises 16 20, et
la seule valeur longue du groupe 21 est la note finale). Lunicit rythmique
saccompagne de lunicit harmonique (un accord de do # multiforme).
2.1.6. Confrontation des structures potique et musicale
La figure 32 prsente, superposes, la structure musicale et
la nouvelle segmentation paradigmatique quelle engendre dans le pome (la
double
barre indiquele dbut de la partie musicale B):
Figure 6
Figure 7
Cette importante distorsion entre les formes littraire et
musicale qui bouscule les quilibres internes de la premire, relve pour le
compositeur
dune approche tout fait personnelle; en sappropriant
luvre potique, Poulenc la transforme profondment. Pour nous en convaincre,
effectuons le mme type de travail sur un autre mouvement de Figure Humaine, le sixime.
reprise tronque de M1 qui, par sa transposition une octave plus bas, fait
intervenir les alti comme voix mlodique, et du groupe M1 o la voix
de
soprano est double librement par les ces mmes alti.
Ce caractre de mlodie accompagne se traduit par une
rpartition des nuances o les voix solistes sont systmatiquement places dans
une
dynamique suprieure celle des autres voix, l'exception du crescendo commun de la fin du groupe
M1:
Figure 8
Groupes dincises M1 M1 M2 M1 M1
Voix soliste p p sempre p sempre p pp
voix daccompagnement pp murmur pp pp pp ppp
Si la dernire incise M1 est en rupture par son homorythmie syllabique stricte avec le caractre de la
mlodie accompagne, la diffrenciation des
dynamiques reste prsente et ne
rompt pas avec l'ambiance gnrale.
Le mouvement est strictement monotonal,
en la mineur. Nous notons une volution des emprunts, de la sous-dominante vers
la dominante :
Figure 9
M1 M1 M2 M1 M1
TP x x x x x
SD x x
D x x x
Figure 12
Un animal
sur la neige
P1
a pos
Ses
pattes sur
le sable
ou
P2
dans la boue
Ses
pattes ( venues) de plus loin que mes pas
Sur une piste o la mort
A les empreintes de la vie.
-
Le passage dun grand nombre dquivalences (successivement 4-4-5) une rduction 2, participe dj de
manire forte lesprit
dramatique du pome; la rupture apporte par
lopposition mort-vie,
nouvelle dans le processus syntagmatique, en amplifie leffet.
-
Il y a opposition entre le traitement des
deux strophes: la premire possde une organisation syntagmatique que
nous pourrions
qualifier de stable (4 termes quivalents associs 4 autres
termes galement quivalents). La seconde, au contraire, procde selon un
processus dynamique qui conduit la chute du pome. Le passage dune
organisation lautre contribue galement leffet
dramatique.
-
la digression seffectue sur emprunt la
sous-dominante r, emprunt dont la suppression rtablit le parcours fonctionnel
I-II-V-I-V en la,
galement entendu dans la rduction
de M1 et M1; cela confirme, sur le plan harmonique, le caractre de
rajout des lments Y et Z
une structure de base :
Exemple 63, Figure Humaine, sixime mouvement
//
Groupe dincises
M2: Ses pattes venues de plus
loin que mes pas/Sur une piste o la mort/A les empreintes de la vie
Malgr une criture plus dstructure, lie leffet de
masque d au contrepoint implicite, nous retrouvons les lments X, Y (sous
forme
augmente Y+ et inverse Yi), Z et la
dsinence, tronque ou complte :
Exemple 64
Groupe dincises
M1: Le jour m'tonne et la
nuit me fait peur/L't me hante
Nous retrouvons le groupe dincises M1 court, sans
llment surajout Z:
Exemple 65
Groupe dincises
M1: et l'hiver me poursuit.
Le groupe dincises final reprend la cellule gnratrice Y
en rtrogradation (Yr), dont il emploie les notes
1-2-3 avec largissement dintervalles
(quarte et quinte augmentes pour quarte
et quinte juste), puis lision de matire, puisque nous passons des notes 1-2-3
1-2, puis 1, avant la
dsinence finale:
Exemple 66
Rsum
Lexemple suivant prsente la synthse des observations
prcdentes:
Exemple 67
Remarques
-
Nous observons un relatif quilibre entre
les diffrentes cellules gnratrices mises en jeu dans la mlodie de la voix
suprieure: 11
cellules X, 12 cellules Y, 6 cellules Z (les plus longues
de lensemble) et 7 dsinences.;
-
les cellules X sont les plus
stables;
-
les cellules Y font appel trois types
de transformation : inversion mlodique - rtrogradation - augmentation
rythmique; leur tte est
souvent lide, et la fin du mouvement fait
apparatre une combinatoire de ses notes constitutives par liminations
successivesdlments,
avant conclusion:
1
2 3
1
2
1
-
les cellules Z prsentent de simple
monnayages rythmiques, et une seule modification notable est ncessaire au
rtablissement du contour
mlodique modle: la note entre parenthses est
la bonne note, octavie sur la partition (groupe dincises M2,
mesures 9-10):
Exemple 68
-
le choix de la dsinence lide du milieu
du groupe dincises M2 (mesure 12) est li la prsence dune valeur longue
sur temps fort,
apparente son corollaire, fin du groupe dincises M1:
Exemple 69
Un animal
sur la neige
a pos
Ses
pattes sur
le sable
ou
dans la boue
Tout se passe comme si Poulenc
restait au premier niveau formel, celui de lorganisation strophique. En
revanche, nous observons sur la suite
de la pice un traitement plus
labor:
-
les quivalences figures dans la colonne
Y associent des fragments de texte syntagmatiquement
quivalents:
-
Lassociation musicale pattes et loin fait allusion la locomotion, dune part, et la distance,
dautre part. Cette association
est dautant plus subtile que la ritration du
mot pattes seffectue sur
augmentation rythmique (Y+): elle sadresse non pas
la distance, ce qui
aurait t plus directement vocateur, mais au terme qui lui est syntagmatiquement associ;
-
lopposition t et hiver, est
remarquablement traite par le musicien, qui utilise une mme structure
mlodique (la cellule
gnratrice X), sous sa forme simple pour t, sous sa forme rtrograde et aux
intervalles agrandis pour hiver:
Exemple 70
-
les quivalences figures dans la colonne
Z mettent en relation des lments suivant divers niveaux dassociation:
-
pas
et empreintessont
smantiquement quivalents;
-
le paradoxe de lassociation hiver et sableproduit un effet de contraste, le sable tant plutt associ,
dans limaginaire
occidental, au ctestival des choses;
-
hante et venues: ici, la cration potique du musicien prend en compte
la relation causale entre la venue
fantasmatique et
lmotion engendre par celle-ci;
-
les quivalences figures dans la colonne
des dsinences prsente une symtrie formelle encadre par les deux poursuit, lencerclement
caractristique. Le second est prcd de hante,
qui le renforce;
-
entre la stabilit morbide de ces deux
ples stables, boue et piste apparaissent comme quivalents
syntagmatiques et smantiques (
linstar de pas et empreintes de
la colonne Z). Dans cette logique dassociations syntagmatiques, les opposs vie et mort se trouvent
tragiquement lis, linstar dt et hiver une premire fois, dhiver et sable une deuxime.
Figure 15
2)
Rplication
musicale sur quivalence grammaticale
Il arrive que le texte ne soit pas repris lidentique mais
ses rplications seffectuent dans lordre des quivalences grammaticales,
comme nous
pouvons le constater dans cet extrait du Stabat Mater.
Observons les tnors, trs mlodiques. La prsentation
strophique fait apparatre une duplication libre (transposition, puis imitation
rythmique) des
mesures 1-5 sur les mesures 10-13. Les mots Quis est homo sont dupliqus sur Quis non posset, quivalent grammatical,
ainsi que matrem Christi
si videret sur matrem Christi contemplari; la
proposition relative qui non fleret, nayant pas dquivalent grammatical dans le
deuxime pisode,
nest simplement pas reprise musicalement:
Exemple 72, Stabat Mater, cinquime mouvement
1)
Rplication
musicale par segmentation du texte
Le dernier cas se produit lorsque la rplication musicale sintresse
non plus laspect syntagmatique des quivalences mais laspect
Appliquons la mthode
danalyse structurale au pome:
Figure 16
Premire partie
A
Toi ma patiente
ma patience
ma parente Deuxime partie
B
Gorge haut
suspendue Troisime partie
orgue de la nuit lente
C
Rvrence cachant tous les ciels dans sa grce
D
prpare la vengeance un
lit do je natrai
Le pome se structure globalement en trois parties
individualises:
-
par les quivalences syntagmatiques et
smantiques de A et de B;
-
elles sopposent la linarit de C et D,
qui ne proposent aucun couplage, ce qui les isole et A et B; elles sont
en relation mutuelle
par la nature de leur versification (toutes deux sont des
alexandrins).
La structure potique permet de traduire un sentiment de
progression dramatique qui mne de la patience
initiale la vengeance ultime :
-
le nombre de couplages est globalement
dcroissant : 1-3-2-2-1-1 ;
-
le nombre dquivalences paradigmatiques
suit logiquement la mme progression: 3-4-1-1
-
pour A: Toi ma patiente, Toi ma patience-Toi ma parente;
-
pour B: Gorge haut suspendue-Gorge de la nuit lente-orgue haut suspendue-orgue
de la nuit lente;
-
pour C et D: Rvrence cachant tous les ciels dans sa grce- Prpare la vengeance un lit d'o je
natrai);
-
corollaire des points prcdents, le
nombre maximum de mots constituant chaque syntagme va croissant: nous
passons par 1 + 2 (A),
1 + 3 (B), 8 (C) et 9 (D);
-
le nombre de syllabes maximum par
syntagme augmente galement: 1 + 4 (A); 2 + 5 (B); 12 (C et D).
La diminution du nombre de couplages et dquivalences
paradigmatiques, en tant que diminution du nombre de choix smantiquement
possibles,
induit une vidence du propos qui mne une vrit unique: la
vengeance. De la mme manire,
laugmentation du nombre de mots et de leurs
syllabes, constituant chaque
syntagme, accompagne la progression de la force de la conviction porte par le
pome.
Dans le rapport avec la mise en musique du pome, nous
pouvons observer de quelle manire: 1) cette progression apparat dans la
forme
musicale; 2) soprent musicalement les couplages des colonnes A et
B.
1) A partir du modle formel A B C D, en sappuyant sur la rcurrence
(mme libre) des vers du pome, le compositeur joue sur la rptition et
marque
linsistance pour le groupe dincises A, en duplication stricte sur le texte Toi ma patiente ma patience ma parente,
et sur les parents
entretenue par les groupes de type B et D (respectivement Gorge haut suspendue orgue de la nuit lente et
Prpare la vengeance un lit do je
natrai):
Figure 17
A
Toi ma B
1re
patiente Gorge haut suspendue orgue de la nuit
section
ma patience lente
ma parente
A
me Toi ma B' C D
2
patiente Gorge haut suspendue orgue de la nuit Rvrence cachant tous les ciels dans sa Prpare la vengeance un lit d'o je
section ma patience lente grce natrai
ma parente
A
3me
Toi ma B
- D
patiente Gorge haut suspendue Prpare la vengeance un lit d'o je
section
ma patience natrai
ma parente
A B C D
LA LA RE $/si LA
Le seul pisode non rpt (C, Rvrence cachant tous les ciels dans sa grce) compense cette non
rptition par le changement de tonalit qui lui
donne un poids particulier.
De la comparaison des deux formes, il apparat que:
-
Si luard fait
entendre une forme tripartite qui sappuie sur le dveloppement structural du
pome, Poulenc fait le choix dune forme
galement tripartite mais qui sappuie
sur la triplication libre du modle potique:
de
la forme : A B CD,
il passe la forme AB A
B C D A B-
D
-
Il se situe donc un niveau
dorganisation formelle suprieure. Mais nous observons toutefois que la
ritration A B A B suivie de C
D conserve lessence du modle A B C D dluard et la progression dramatique qui est la sienne. La troisime section, qui reprend A
B- D, se conforme encore au modle
du pote si nous considrons quen ne gardant quun alexandrin sur les deux
finaux, elle
supprime une certaine quivalence. En somme, la troisime section,
rsum des sections prcdentes, retournerait presque au modle
potique. Ce
faisant, le musicien labore une progression cyclique gure loigne de lidal
du texte, mais sans doute dilue par sa
moindre concision.
2) Le dcalage not entre les formes potique et musicale
est galement prsent au niveau de lorganisation de dtail dans le traitement
musical des
couplages du texte. Ceux de la partie A du pome seffectuent de
faon limpide sur les trois sections musicales:
Exemple 74
Cette organisation est valable pour lensemble des voix.
Reprise trois fois strictement, la patience,
parente patiente, est entendue par la triplication
Lorganisation des contrepoints implicites rend galement
compte de cette stabilit puisque les notes tenues sont brodes par des
mouvements
simples et rguliers:
Exemple 76
En revanche, les couplages textuels de la partie B ne sont
pas traits comme tels dans la premire section musicale. Poulenc opte pour une
La lenteur
sappuie sur lharmonie composite de dominante du ton qui se dcouvre
progressivement: dabord laccord parfait de do 8, non
fonctionnel, mais
issu de la polyharmonie de dominante, initialement modale, ce qui permet la
prsence du sol 8 au lieu de la note sensible sol#:
Exemple 78, Figure Humaine, quatrime mouvement
Les dures sont symtriques. Les accentuations par valeurs
longues encadrent lincise par les mots orgue
et lente, et font contraster le dbut
paisible
sur un accord parfait (en ralit agrgat issu de la
polyharmonie) et la fin sur laccord de dominante de densit 5 comprenant un quivalent-
quinte, et la tension quil procure:
Exemple 79
Figure 19
Section 1
a b c d e f g h h'
chur 1 x x x x x
chur 2 x x x x x
Section 2
a b c d e f g h h
chur 1 x x x x x
chur 2 x x x x x
Section 3
a b c d e f g h h h' h'
chur 1 x x x x x
chur 2 x x x x x x x
Nous remarquons que :
-
la rpartition des pisodes entre les
deux churs est similaire entre les sections 1 et 2, et inverse dans la
section 3 ;
-
les conclusions vont en s'amplifiant de section
en section avec, dans la section 1, la reprise simple de h' (ridicules) aux deux
churs
puis, dans la section 2, la reprise complte de h aux deux churs, et enfin dans la section 3 la reprise complte
de h et de h' au second
chur, puis de h'
au tutti.
Nous observons les duplications suivantes:
-
les incises a 3, b 3 et c 3 sont la
duplication des incises a1, b 1 et c 1, avec une organisation diffrente des
voix;
-
la 1re section fait entendre
la duplication stricte de c1 sur h1:
Exemple 80, Figure Humaine, deuxime mouvement
//
-
La 2me sectionfait
entendre la duplication libre de h 2a sur h 2b: lincise duplique est
entendue un 1/2 ton plus haut que la prcdente,
et le dispositif harmonique
est lgrement vari:
Exemple 81, Figure Humaine, deuxime mouvement
//
- La 3me
sectionfait entendre deux duplications:
-
h 3b est la duplication stricte de h3 a,
avec passage du chur 1 au chur 2:
Exemple 82, Figure Humaine, deuxime mouvement
-
h 3b est la duplication libre de h3a
(un 1/2 ton plus haut, comme ltaient h2 b et h2 a, et dans un dispositif
vari):
Exemple 83, Figure Humaine, deuxime mouvement
Observons le rapport des
duplications avec le texte:
-
les duplications de a1, b1 et c1 sur a3,
b3 et c3 ne sont que la marque de la forme tripartite varie. Elles font donc
logiquement
entendre le mme texte;
-
la duplication de c1 sur h1 seffectue
sur : Les sages Veulent des fils
Et les sages sont ridicules
-
la duplication de h 2a sur h 2b reprend : Et les sages sont ridicules
-
de mme pour h 3a et h 3b: Et les sages sont ridicules
-
enfin, h3 a et h3 b reproduisent le
mot: ridicules.
Le seul couplage textuel trait en rplication musicale est veulent des fils et sont ridicules. Toutes
les autres dupliquent galement le texte.
PROSODIE
2.1.1. A la franaise
2.1.2. A litalienne
2.2.
La prosodie latine de Poulenc
2.2.1. A litalienne
2.2.2. A la franaise
2.2.2.4. Conclusions
Relevons les accents toniques dun pome (Luire) correspondant avec les temps forts
ou semi-forts de la mesure (septime chanson).
Terre irrprochablement cultive,
Miel daube,
soleil en fleurs,
Coureur
tenant encore par un fil au dormeur
(Noeud
par intelligences)
Et le jetant
sur son paule :
Il na jamais t plus neuf,
Il na jamais t si lourd
Usure,
il sera plus lger,
Utile.
Clair soleil dt avec :
Sa chaleur,
sa douceur, sa tranquillit
Et, vite,
Les porteurs de fleurs en lair touchent de la terre.
Cependant, les rapports sont
rarement aussi vidents et systmatiques ;
1)
Dune part, parce que cette analyse
suppose la prise en compte de la priode relle de la musique, parfois diffrente
de la notation mesure
initiale. Dans lexemple suivant, lindication 5/4 nest
quune commodit dcriture pour 10/8 sous la forme3+3+
2 + 2, ici reprsente
laide des symboles habituels de direction musicale -
le triangle pour le ternaire, le pont pour le binaire:
Exemple 2, Figure Humaine, cinquime mouvement
Chansons
Pices n 1 n 2 n 4 n 5 n 6 n 7 Moyenne
Accents toniques sur temps forts ou
semi-forts (%) 78,3 58,1 40,5 46,8 35,2 90,5 58,2
Tableau 24-2
Figure
Humaine
Pices n 1 n 2 n 3 n 4 n 5 n 6 n 7 Moyenne
Accents toniques sur temps forts ou
semi-forts (%) 64 54,1 52 59,5 92,2 70,9 45,2 62,6
Une importante proportion daccents est place sur des temps
faibles: 100 - [(58,2 + 62, 6) : 2] = 30,6 % de lensemble du corpus.
1.1.2. Accentuation par dure
Laccentuation par dures longues est une des manires les
plus naturelles de prosodier. Elle fait intervenir le paramtre rythmique dans
la relativit
de ses dures, et non le placement rythmique dans la mesure. Dans
lexemple suivant, les accents du texte sont les suivants:
Moi je dors dans la tempte
Ils
sont systmatiquement placs sur des dures longues ( >. et > ), et laissent les
syllabes non accentues sur les croches:
Exemple 5, Figure
Humaine, premier mouvement (chiffre 2, chur 1)
ma pa- tien- ce
: : : < f
Exemple 8
Chansons
Pices n 1 n 2 n 4 n 5 n 6 n 7 Moyenne
Accents toniques en valeur longue (%) 54 48,4 70 81 60,3 78,4 65,4
Tableau 3
Figure Humaine
Mouvements n 1 n 2 n 3 n 4 n 5 n 6 n 7 Moyenne
Accents toniques en valeur longue (%) 72 57,4 82,6 100 57 74,2 54,6 71,1
Chansons
Pices n 1 n 2 n 4 n 5 n 6 n 7 Moyenne
Accents toniques en valeur longue
48,6 32,3 32,4 35,5 22 73,8 40,8
et sur temps forts ou semi-forts (%)
Tableau 5
Figure
Humaine
Pices n 1 n 2 n 3 n 4 n 5 n 6 n 7 Moyenne
Accents toniques en valeur longue et sur
temps forts
50 37,7 39 59,5 53,2 54,8 22,6 45,3
ou semi-forts (%)
2)
Laccent est cumul dautres paramtres
daccentuation.
Exemple 11, Figure Humaine, deuxime mouvement
le u
de usure et le de lger apparaissent aux
soprani pour rectifier par la dure la mauvaise prosodie de la voix de tnor et
amplifier, par effet de
timbre celle des alti.
Dautre part, nous remarquons le soin apport aux nuances et
effets sonores. Ici, la dynamique pure revt prosodiquement une importance
moindre
que celle, plus subtile, des effets de timbre :
Exemple 20, Luire
2.1.2. A litalienne
Latin Prononciation
Voyelles u ou
oe, ae, parfois not
au, eu aou, ou
ou, ai oou, ou
Consonnes devant e et i c tch
cc ttch
sc ch
ch k
g dj
xc kch
Consonnes devant les autres voyelles gn gn
j ye
m, n m, n (sans nasalisation)
ti (devant voyelle) tsi
s ss
Laccentuation litalienne est identique celle du latin
classique, mais :
-
Laccent est un accent de dure, et non
dintensit.
-
Laccent tonique de chaque mot latin est
fortement marqu.
-
Cet accent se place gnralement sur
lavant-dernire syllabe, si celle-ci est longue.
-
Si lavant dernire syllabe est brve,
laccent se place sur lavant-dernire, quelle soit longue ou brve.
-
Dans les mots de deux syllabes, laccent
est toujours plac sur la premire.
Cela donne, dans le Pater
Noster, laccentuation suivante :
Pater Noster, qui es in coelis, sanctificetur nomen tuum ;
Adveniat regnum tuum ;
Fiat voluntas tua, sicut in coelo, et in terra.
Panem nostrum quotidianum da nobis hodie ;
Et dimitte nobis debita nostra, sicut et nos dimittimus debitoribus nostris ;
Et ne nos inducas in tentationem ;
Sed libera nos a malo. Amen.
2.2. La prosodie latine de Poulenc
Nous ne nous intresserons ici quaux problmes
daccentuation, la prononciation nayant pas dintrt dans cette tude.
Mettons en pratique ce que
nous savons sur la prosodie de Poulenc travers son
exploitation de textes franais, et en ne conservant que les paramtres les
plus objectifs et
quantifiables : accentuation par temps forts ou semi-forts,
accentuation par dures, et conjonction des deux. Les uvres du corpus choisi
pour le
travail de fond sont les Motets
pour un Temps de Pnitence et les Motets
pour un Temps de Nol.
Dores et dj, apparaissent des traits similaires ceux
prsents dans la musique franaise :
-
Combinaisons mtriques varies : sur les
deux premires lignes (cujus viscera
meruerunt portare Dominum
Christum), 5/4 = 3 + 2,
puis 2 + 3, suivant lorganisation de la phrase
latine ; sur les deux dernires (gementes
et flentes), 5/4 = 1 + 4, en fonction de la
similitude des valeurs :
Exemple 21, O magnum mysterium (mesures 24 27) - Salve Regina (mesures 14 et 15)
-
Placements rythmiques contradictoires :
Exemple 22, Ave verum corpus
Exemple 23, O magnum mysterium
2.2.1. A litalienne
2.2.1.1. Accentuations par temps forts
Les tableaux 29-1 et 29-2 expriment le pourcentage de
syllabes toniques places par Poulenc sur des temps forts ou semi-forts (avec
les prcautions
rappeles lors de ltude sur la prosodie franaise).
Tableau 9
Motets
pour un Temps de Nol
Pices n 1 n 2 n 3 n 4 Moyenne
Accents toniques sur temps forts ou
semi-forts (%) 44 36,8 53,6 44,7 44,8
Tableau 10
Motets
pour un Temps de Pnitence
Pices n 1 n 2 n 3 n 4 Moyenne
Accents toniques sur temps forts ou
semi-forts (%) 60,9 56 47,4 42,2 51,7
Motets
pour un Temps de Nol
Pices n 1 n 2 n 3 n 4 Moyenne
Accents toniques en valeur longue (%) 48 39,7 25 33 36,4
Tableau 12
Motets pour un
Temps de Pnitence
Pices n 1 n 2 n 3 n 4 Moyenne
Accents toniques en valeur longue (%) 10,9 20 24,6 17,8 18,3
Nous pouvons faire les remarques suivantes :
-
Les faibles pourcentages nous placent nettement
en de des pourcentages relatifs au franais.
-
Ils passent cependant du simple au double
des Motets pour un Temps de Pnitence
aux Motets pour un Temps de Nol.
2.2.1.3. Conjonction temps forts - dure
Tableau 13
Motets
pour un Temps de Nol
Pices n 1 n 2 n 3 n 4 Moyenne
Accents toniques en valeur longue et
20 25 16,1 23,4 21,1
sur temps forts ou semi-forts (%)
Tableau 14
Motets
pour un Temps de Pnitence
Pices n 1 n 2 n 3 n 4 Moyenne
Accents toniques en valeur longue et
10,9 20 15,8 17,8 16,1
sur temps forts ou semi-forts (%)
Ces rsultats sont proches de ceux relatifs aux accents
toniques sur la seule dure. Poulenc a donc tendance placer sur des temps
forts les syllabes
toniques en valeur longue. Cependant, ces chiffres sont
faibles en comparaison du franais.
2.2.2. A la franaise
Effectuons les mmes procdures pour laccentuation la
franaise.
2.2.2.1. Accentuations par temps forts
Tableau 15
Motets pour un
Temps de Nol
Pices n 1 n 2 n 3 n 4 Moyenne
Accents toniques sur temps forts ou
semi-forts (%) 28 52,9 39,3 5 31,3
Tableau 16
Motets
pour un Temps de Pnitence
Pices n 1 n 2 n 3 n 4 Moyenne
Accents toniques sur temps forts ou
semi-forts (%) 52,2 44 38,6 35,6 42,6
Ces accentuations respectent la hirarchie Motets pour un Temps de Nol - Motets pour
un Temps de Pnitence de la prosodie la franaise, et donc
de la prosodie
en langue franaise, mais avec des occurrences moins importantes.
2.2.2.2. Accentuations par dure
Tableau 17
Motets
pour un Temps de Nol
Pices n 1 n 2 n 3 n 4 Moyenne
Accents toniques en valeur longue (%) 38 10,3 48,2 7,4 26
Tableau 18
Motets pour un
Temps de Pnitence
Pices n 1 n 2 n 3 n 4 Moyenne
Accents toniques en valeur longue (%) 58,7 60 73,7 51,1 60,9
Ici, la hirarchie est inverse : ce sont les Motets pour un Temps de Pnitence qui
portent les occurrences les plus frquentes.
2.2.2.3. Conjonction temps forts-dures
Tableau 19
Motets
pour un Temps de Nol
Pices n 1 n 2 n 3 n 4 Moyenne
Accents toniques en valeur longue
18 10,3 23,2 0 12,9
et sur temps forts ou semi-forts (%)
Tableau 20
Motets pour un
Temps de Pnitence
Pices n 1 n 2 n 3 n 4 Moyenne
Accents toniques en valeur longue
34,8 26 24,6 26,7 28
et sur temps forts ou semi-forts (%)
La conjonction des deux paramtres daccentuation fait
apparatre une inversion de rles par rapport laccentuation la franaise.
Ici, fort
logiquement puisque laccentuation par la dure prime chez Poulenc,
et que celle-ci est prpondrante dans les Motets
pour un Temps de Pnitence,
cest galement dans ces derniers quelle
apparat de prfrence.
2.2.2.4. Conclusions
Rsumons ces divers chiffres sous forme de schma ; en rouge
les accentuations sur temps forts, en bleu sur dures. Le chevauchement des
lignes
met en vidence la conjonction des deux paramtres:
Figure 2
Avec toutes les prcautions dues la relativit des
chiffres obtenus, ils semblerait que:
-
en ce qui concerne les Motets pour un Temps de Pnitence,
laccentuation la franaise corresponde de trs prs aux rgles de
prosodie
telles quelles apparaissent dans le corpus Figure
Humaine - Chansons;
-
en ce qui concerne les Motets pour un Temps de Nol, laccentuation litalienne
semblerait plus adapte, tant par la plus grande
frquence des occurrences que
par limportance relative accorde laccentuation par la dure, paramtre
premier chez Poulenc.
Reportons-nous la chronologie des uvres :
-
Motets
pour un Temps de Pnitence : 1938-1939
-
Motets
pour un Temps de Nol : 1952
Le passage de la prosodie la franaise la prosodie
litalienne date des annes 20. Il sest effectu trs progressivement, ce qui
pourrait trs
certainement expliquer qu la fin des annes 30, la pratique en
soit encore vivace et influence pleinement la prosodie de Poulenc. En revanche,
dans les annes 50, le passage semble effectif mme si la prosodie nest pas
aussi claire que celle de la langue franaise. De cela, linterprte saura
utilement se souvenir.
Au-del, reste que les chiffres, mme en tenant compte des
formes ponctuelles daccentuation et des caractristiques prosodiques du latin
1. Forme
2. Partie A
2.1. Incise a1
(mesures 1-4)
2.2. Incise a2
(mesures 5-11)
2.3. Incise a3
(mesures 12-15)
2.4. Prcisions sur les
mesures 14-16
2.5. Incise b (
chiffre 1, mesures 16-21)
2.6. Incise c
(mesures 22-28)
2.7. Incise b
(mesures 29-34)
2.8. Plan harmonique
rsum
3. Partie B
3.1. Mlodie
3.1.1. Incise d (mesures
35-37)
3.1.2. Incises e1 et
e2 (mesures 38-42)
3.1.3. Incise f1 (mesures
43-46)
3.1.4. Incise f2 (mesures
47-50)
3.1.5. Incise f3 (mesures
51-54)
3.1.6. Incises e3 et e4 (mesures
55-62)
3.1.7. Rcapitulatif des
incises e
3.2. Harmonie
3.2.1. Incise d (mesures
35-37)
3.2.2. Incise e1 (mesures
38-39)
3.2.3. Incise e2 (mesures
40-42)
3.2.4. Incise f1 (mesures
43-46)
3.2.5. incise f2 (mesures
47-50)
3.2.6. Incise f3 (mesures
51-54)
3.2.7. Incise e3 (mesures
55-60)
3.2.8. Incise e4 (mesures
61-62)
3.3. Transition,
mesures 63-67
3.4. Plan harmonique
rsum
4. Partie A
4.1. Incises g1,
g2 g3 et g4 (mesures 68-92)
4.1.1. Forme
4.1.2. Cellules
gnratrices et contour mlodique
4.1.3. Harmonie
4.1.4. Plan harmonique
rsum
4.2. Incise b (mesures
93-98)
4.3. incise c
(mesures 99-107)
4.4. Incise a1-,
mesures 108-110
4.5. Incise a3,
mesures 111-120
4.6. Rsolution
finale, mesures 121-126
1. Forme
Nous nommerons les
pisodes formels de la faon suivante:
Incise a1
mesures 1-4
Incise a2 mesures 5-11
Incise a3 mesures 12-15
Incise b mesures 16-21
Incise c
mesures 22-28
Incise b
mesures 29-34
Incise d
mesures 35-37
Incise e1 mesures 38-39
Incise e2 mesures 40-42
Incise f1 mesures 43-46
Incise f2
mesures 47-50
Incise f3 mesures 51-54
Incises e3-e4 mesures 55-62
Transition mesures 63-67
Incise g1
mesures 68-73
Incise g2 mesures 74-78
Incise g3
mesures 79-87
Incise g4 mesures88-92
Incise b mesures 93-98
incise c mesures 99-107
Incise a1- mesures 108-110
Incise a3 mesures 111-120
Rsolution
finale mesures 121-126
La forme en arche A B A
est donne essentiellement par lalternance de mouvements lent - vif - lent.
Outre la symtrie autour de la partie centrale
B, on observe entre A et A une
articulation autour des cellules g1 g4 par une rtrogradation
en A des lments de A, sous la forme a1 a2 a3 - b c
b // b c - a1 a 3 +
rsolution finale:
Schma 1
A A
a1
a2 a3 b
c b g1 g2 g3 g4 b
c a1
a3 + rsolution
Un autre type de
symtrie apparat avec le plan tonal, organis autour des degrs forts du ton
principal de do # (en rouge sur le schma) et des
parties centrales en la 8 (en vert) et do 8 (en bleu). Le bref retour do #
lincise f3, centre de lpisode vif, est un lieu fort de la
pice.
Schma 4
do #
1 14
I V
16 21
I V
la 8
22 28 29 42 47 51 53
I V I V I V I
do 8
56 59 62 68 70 72
V I V I II V
73 77 78
I II V
79 81 87
I II V
88 do #
I 92 93
V I
98 99
V I
107 108
V I
111 121
V I
2. Partie A
2.1. Incise a1 (mesures 1-4)
Exemple 1
Au plan mlodique, le
matriau initial fait appel la technique du contrepoint implicite:
- ses deux voix extrmes font entendre une
htrophonie base sur le balancement do # - r, dont le dcalage rythmique
complte une basse
issue de la superposition des deux notes. On obtient, outre
une mlodie rsultante, une confusion des axes mlodique et harmonique un
peu
linstar de ce que la seconde cole de Vienne a gnralis:
Exemple 2
Le discours devient
harmonique, avec essentiellement une succession daccords de dominante
quintes altres, hormis le IIme degr
abaiss de
SOL (ton homonyme de sol qui prcde, do la quinte augmente la $-mi8),
dont on verra le corollaire la mesure 17. Lpaisseur de la texture
Le schma harmonique de
cette squence fait apparatre:
-
un pivot do # - SOL 8 avec ce qui prcde. Ces tons, loppos
dans le systme tonal, sont considrs comme quivalents dans le systme
daxe alla
Bartk;
-
DO et r nappellent pas de remarque
particulire, pas plus que lenchanement de sous-dominante en sous-dominante
si - mi - la - r.
La logique directrice de
cette squence consiste en:
-
une descente vers le grave qui se
prolongera jusqu la mesure 15, fin de la partie a;
-
des vellits de chromatisme mlodique,
comme celui qui guide la descente des tierces majeures de la basse, mesures
9-11:
Exemple 7
Comme souvent chez
Poulenc, cette basse est une fausse marche: lharmonisation
qui laccompagne nen respecte pas les rgles thoriques.
-
ces tierces majeures parallles taient
prcdes de tierces mineures parallles (en tenant compte des enharmonies),
plus masques, aux
mesures prcdentes:
Exemple 8
La clture de cette
premire partie a seffectue sur la dominante de do #
brode par la dominante de sol 8,
ton antipode.
Exemple 10
Le discours devient
moins tendu harmoniquement. Au plan mlodique, la main droite du piano reprend
mlodiquement lagrgat initial:
Exemple 15
Lorganisation mlodico-rythmique volue vers lutilisation de trois
cellules gnratrices:
Exemple 16
Le changement dambiance
harmonique sest accompagn dun largissement temporaire du rythme harmonique,
avec les deux mesures (14-15) de
la dominante de do #. On va assister un
retour du rythme harmonique une mesure et lemploi daccords typiques de
Poulenc, mais qui ne
seront pas employs dans une logique fonctionnelle
rigoureuse, en ce que les accords de dominante ne se rsoudront toujours pas.
Cependant, la
nature des harmonies nous permettra de parler de mlodies
daccords, et non plus dagrgats.
La ligne de soprano se dtache
progressivement. Si la mesure 16 est un simple arpge de do #, on retrouve aux
mesures 17-18 le mouvement
mlodique du dbut de a (mesures 1-4), do # -
r 8. Il amorce ici la suite de la mlodie du
soprano, trs chantante partir de la mesure 19.
Lensemble, isol de son
contexte harmonique renvoit encore au ton de
do#:
Exemple 17
Nanmoins,
lharmonisation est subtile. Si les harmonies extrmes sont bien dans le ton
(respectivement I et V au mesures 16 et 21), les harmonies
intermdiaires sont
guides par le motif gnrateur initial. Cest pourquoi nous nommerons les
mesures 16-20 extension fonctionnelle. Ces
harmonies de remplissage font
entendre successivement do # I, do # II abaiss
(degr napolitain), V de II abaiss (V de R 8) suivi de V de SOL
par cadence vite et V de
SI. Cest lharmonisation sous-sensible/sensible du
ton de do # (dominantde SI/dominante de do#) et la rupture du
Les harmonies de
dominante peuvent tre complexifies par la prsence dquivalents-quinte, ce
qui donne:
Exemple 19
Lquivalent-quinte
si de la mesure 19 est crit et sonne comme une appoggiature de la quinte
la Chopin, ce qui confre ce dbut de mlodie
son caractre
tonal cantabile.
Sa cohrence est
affirme par une organisation rductible une extension mlodique de mi. La
parent mlodico-rythmique avec b est lie
lutilisation
des mmes cellules gnratrices X, Y et Z.
Exemple 22
La rupture harmonique
avec la partie prcdente vient de ce que les accords de dominante vont ici se
rsoudre sur les toniques du mme ton.
Nanmoins, encadre par les harmonies de
do # I (mesure 22) et do # V (mesure 28), cette squence garde le caractre
dune extension harmonique
parcourue par des tonalits intermdiaires
progressant de tierce majeure en tierce majeure (en tenant compte de
lenharmonie do # - r $), la
manire dun
arpge debussyste de DO # par tierce (fa) et quinte augmente (la 8).
Exemple 23
Les accords sont
conformes ce que lon attend de Poulenc: quivalents-quinte pour les
accords de dominante, notes de la rsonance naturelle ou
par analogie pour les
accords de tonique. Ce faisant, la fonctionnalit est rendue moins vidente par
effets de masque.
Exemple 24
2.6. Incise b (mesures 29-34)
Les mesures 29-32 sont
identiques aux mesures 16-19 et la mesure 33 pratiquement identique la mesure
20, la diffrence de la prsence de la
septime fa #. Cest moins le
caractre marqu de laccord de dominante qui est cherch l que lenharmonie
fa # - sol $ avec la mesure 34.
Ici, en effet, le
discours tonal bascule vers si $,
grce sa dominante:
Exemple 25
2.7. Plan harmonique rsum
Schma 5
a1 a2 a3
1-4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15
mlodie
dagrgats descendante------------------------------------------------------------------------
--
do # sol V SOL II T DO V r V si V mi
V la r V do # SOL V do #
V
V V
polarisation quivalent
do #
htrophonie chromatismes
de la basse-------------------------------
-
parcours
tonal de SD en SD
b
16 17 18 19 20 21
mlodie
daccords ---------------------------
do #
I do # II T RE V SOL V SI V do #
V
--------------
-------------------------------- ligne mlodique en do #
------------------------------------------------------------------------------
c
22 23 24 25 26-27 28
-----------------------------------------------
parcours tonal par tierce et quinte augmente
-----------------------------------------------------
do #
I fa
V I la
V I do #
V
b
29 30 31 32 33 34
mlodie
daccords ---------------------------
do #
I do # II T RE V SOL V SI V si $ V
id. 16 id. 17 id. 18 id. 19 @ 20
-----------------------------------------------
ligne mlodique en do #
------------------------------------------------------------------------------
enharmonies
do # - r $
fa # -
sol $
-
le seul degr autre que V ou I est le IIme degr abaiss, amorant par trois fois
une mlodie daccords ou dagrgats. Il est
entendu en do # (mesures 17 et 30)
et en SOL 8, ton quivalent
(mesure 6);
-
les harmonies de dominante, et seulement
elles, sont enrichies selon le principe des quivalents-quinte. Cest cette
criture qui
enrichit le discours harmonique.
3. Partie B
Cette partie est trs
contrastante avec la prcdente, avec ses modifications de rythme, harmonie,
texture et tempo.
3.1. Mlodie
3.1.1.
Incise d (mesures 35-37)
La rupture seffectue avec lapparition
de d, vnement plus mlodique que ce qui prcde. Il est aussi
caractris par une rythmique trs varie,
alternant tout dabord valeurs trs
courtes et trs longues (dans un rapport de 1 r 7 r )avant de se stabiliser sur un modle mdian e . rqui
conclura :
Exemple 28
3.1.2.
Incises e1 et e2 (mesures
38-42)
Cette incise senchane immdiatement
e. Les vnements rythmiques sont maintenant plus rguliers et une
prsentation strophique met en
vidence des similitudes mlodico-rythmiques
indpendantes de la rythmique thorique 3/4:
Exemple 29
3.1.2.1.
Cellules gnratrices
Les incises d et
e ont une grande cohrence de structure car les cellules gnratrices de
lensemble sont issues du mme modle W. Celui-ci est
augment intgralement en
W + et sa tte seule en + W ou + W; la forme monnaye W est augmente
en W+ et rtrograde W + r, ces deux
dernires tant gnralement
tuiles:
Exemple 30
3.1.2.2.
Rduction mlodique
Lincise d est
une extension mlodique de sol appoggiatur par fa,
dont le remplissage est constitu dune ligne mlodique ascendante conjointe
Lincise e1
conjugue les deux types de remplissage: diatonisme et arpge :
Exemple 32
Lincise e2 est
base sur un mouvement diatonique descendant par tons entiers suivi de sa
rtrogradation (les deux notes redoubles proviennent du
dveloppement de la
rtrogradation par rapport au mouvement droit:
Exemple 33
3.1.3.
Incise f1 (mesures 43-46)
Exemple 34
-
La mesure 44 est une extension mlodique
de la dont le remplissage est un contrepoint implicite deux voix, la
suprieure
disjointe et linfrieure conjointe.
Exemple 38
-
La conjonction des deux phnomnes est la
suivante:
Exemple 39
-
En rduisant lextension mlodique de la
et en rtablissant la logique de mouvement conjoint de la seconde (ce sont les
notes de
la voix grave du contrepoint implicite, loctave prs), on obtient
la trame de cet pisode mlodique :
Exemple 40
-
Celui-ci, inscrit dans une mesure 3/4,
est de forme binaire, le consquent tant le renversement de lantcdent, avec
arsis
identique:
Si f1 apparat
comme laboutissement mlodique de d et e, il en est moins
laboutissement ou la fusion que la dnaturation, voire lappauvrissement.
De
mme, larchitecture rythmique procde dune dilatation artificielle du temps.
De plus, alors quarpges et mouvements conjoints
unidirectionnels associs
de rares cellules gnratrices devraient confrer ce dbut de partie B un
caractre moins cantabile que A, cest
paradoxalement linverse qui est
peru. Cest un phnomne frquent chez Poulenc, o efficience mlodique et cantabilit sont deux phnomnes
bien distincts.
3.1.4.
Incise f2 (mesures
47-50)
Id. f1,
accompagnement diffrent
3.1.5.
Incise f3 (mesures 51-54)
Exemple 41
(Lorthographe de la
dernire note est bien la $ sur la partition, que nous
notons ici sol # car les raisons de lenharmonie napparaissent pas encore.)
-
La rythmique est toujours celle de f1-f2;
-
La fin de lincise en est la
transposition la tierce majeure suprieure avec modification de lordre des
notes pour le mlisme
central (notes 2-3-4-1);
-
Les deux premires notes de f3
sont la transposition de celles du dbut de e2 un demi-ton plus
bas:
Exemple 42
Outre les
caractristiques de structure propres f, lincise fait apparatre une
extension mlodique entre les degrs I et V du mode dont le
remplissage est un
mouvement conjoint descendant-ascendantencadrant
un mlisme central :
Exemple 43
Il sagit donc du
dveloppement de la structure de base de f1:
Exemple 44
On se rappelle que
lui-mme tait issu de e2 dont on retrouve ici le contour mlodique
initial:
Exemple 45
3.1.6.
Incises e3 et e4 (mesures
55-62)
Ces deux dernires
incises sont toujours construites selon le mme principe: cellules Z ou
Z, augmentes, rtrogrades. Bien que la parent e-f
soit
importante, nous les associons e parce que leur tte retrouve la
rythmique 3/4 qui lui est propre.
Exemple 46
3.1.7.
Rcapitulatif des incises e
Exemple 47
3.2. Harmonie
3.2.1.
Incise d (mesures 35-37)
Le passage de la partie A en do # au si$ de la partie B peut-tre compris, enharmoniquement parlant (la #), comme vers le relatif du ton
homonyme
(DO #). Lharmonie prcdente (si
$ V) se
rsout sur si $ I, prsent au piano 2 sur lensemble des mesures.
3.2.2.
Incise e1 (mesures 38-39)
3.2.3.
Incise e2 (mesures 40-42)
3.2.4.
Incise f1 (mesures 43-46)
3.2.5.
incise f2 (mesures 47-50)
De lgres variations
daccompagnement ne remettent pas en cause la similitude dharmonisation des
trois premires mesures avec leurs
homologues de lincise prcdente,
cest--dire le premier degr de la olien. Ici galement, la dsinence sur mi
est harmonise sur la dominante de
do #, dont elle est quivalent-quinte
(la quinte juste serait r #):
Exemple 52
dominante de fa:
Exemple 56
3.2.7.
Incise e3 (mesures 55-60)
De nouveau, la rsolution
de laccord de dominante prcdent est effective. Le mode est ambigu, par
absence des degrs IV et surtout VI. Mais le
souvenir
du r $ de laccord prcdent nous conduit entendre
plutt fa olien. Suivent les enchanements la V - laI, ce dernier brod
par RE V,
avant de pivoter, par lenharmonie do # -
r $, sur la dominante de la $. Les harmonies sont encore enrichies:
celles de dominante par des
quivalents-quinte, celles de tonique par des notes
de la rsonance (septime et neuvime analogiques).
Exemple 57
3.2.8.
Incise e4 (mesures 61-62)
Rsolution sur la $
I, puis LA V et do V:
Exemple 58
Malgr sa complexit
apparente due en particulier la tessiture trs grave, la texture trs paisse
et les trilles, lensemble est la continuation de
lharmonie de dominante de
do.
-
Aux mesures 63-65, la neuvime la $ est trille avec la note sensible si 8 et ce mme si 8
par le do 8 (.Pour des raisons de
commodit de lecture,
ces trilles ne sont pas nots sur lexemple prcdent.
-
Aux mesures 66-67, les trilles font place
au remplacement de la quinte juste r 8
par lquivalent-quinte mi $:
Exemple 60
3.4. Plan harmonique rsum
Schma 6
35 37 38 40 42 43 46 47 50 51 54 55
d e1 e2 f1 f2 f3 e3---
accord 9 9 9 9
5 5 7 7 7 7 7
si $ dorien mi dorien sol dorien la olien do # olien fa olien
dfectif df. df. df. df. df.
(manque IV) (IV) (II) (VI) (VI) (IV-VI)
si $ si $ mi sol LA la DO la do # do # fa fa
I V de I I V I V I V I V I
V
56 57 58 59 60 61 62 63-67
--- e3 e4 + transition
LA la RE la la $ la $ LA do
V I V I V I V V
Remarques:
-
Une grande partie de lorganisation harmonique de B prsente une symtrie
indpendante de lorganisation formelle: mesures
42-55 dune part, et
56-62;
-
cette symtrie sorganise autour de LA V - la I, brod la premire fois
par lemprunt DO par sa dominante non rsolue, et de
faon similaire en RE pour la seconde:
Schma 7
42 43 46 47
LA la DO la
V I V I
56 57 58 59
LA la RE la
V I V I
Cest donc rductible :
Schma 8
LA la
V I
LA la
V I
-
les mesures 33-55 font appel la modalit suivant une progression de
la densit des accords: densit 3 (accord parfait), puis 4
(septime
ajoute), puis 5 (septime et neuvime ajoutes) :
Schma 9
35 38 40 43 47 51 55
9 9 9
5 5 7 7 7 7
dorien dorien dorien olien olien olien
si $ mi sol la do # fa
I I I I I I
-
La fonctionnalit V - I est omniprsente dans le premier terme de la
symtrie:
Schma 10
42 43 46 47 50 51 54 55
LA la DO la do # do # fa fa
V I V I V I V I
-
Le second terme ne fait plus appel la modalit et pivote vers le ton
de do qui introduira la partie A. Elle est aussi base
denchanements V - I,
lexception du LA V de la mesure 62:
Schma 11
56 57 58 59 60 61 62
LA la RE la la $ la $ LA do
V I V I V I V V
Au plan tonal, les mesures 60-62 sont bien le
corollaire des mesures 50-55, la quarte infrieure (compte tenu des
enharmonies): do # - mi
# (fa 8)
dune part, la $ - do 8 dautre part;
-
La
non fonctionnalit globale de la squence initiale (d - e1) et la
modalit fonctionnent en mlodie daccords :
Schma 12
35 37 38 40
dorien dorien dorien
si $ si $ mi sol
I V de I I
V
-
En prenant en compte lenchanement avec la partie A qui suit, on peut
ainsi rsumer B :
Schma 13
3ce M
3 ce M
mlodie daccords la V - I do # V - I fa V - I
modal/tonal
la V - I la $
V - I do V - I
tonal
3 ce M
4. Partie A
4.1. Incises g1, g2 g3 et g4 (mesures 68-92)
4.1.1.
Forme
Cet pisode est form
mlodiquement de quatre incises g1, g2 g3 et g4,
respectivement aux mesures 68-73, 74-79 et 79-87 et 88-92. La
reprsentation
strophique fait apparatre que:
-
g2 est la fois courte par
tuilage avec la troisime et lision dune mesure, cependant quelle propose
des variantes rythmiques
de dtail;
-
g3 dveloppe certains mouvements
mlodiques;
-
g4 est courte;
-
g1, g2 g3 et g4 sont
balises par des piliers harmoniques I, II et
V:
Exemple 61
Forme harmonique et
forme mlodique tant en lger dcalage cause des diffrentes formes de
dsinences harmoniques et du tuilage g2-g3 , nous
faisons le choix de
privilgier la premire, et choisirons donc pour g1, g2 g3
et g4 le dcoupage 68-72, 73-78 et 79-87 et 88 92.
4.1.2.
Cellules gnratrices et contour
mlodique
On retrouve les cellules
X, Y et Z de lincise b, chiffre 1, mesures 16-21. Le rythme R1 de la
mesure 75, faisant apparemment rupture, nest que le
monnayage par ornement de
la cellule A.
Exemple 62
2)
Cette bimodalit
a t prpare ds la mesure 71. Le compositeur fait en effet entendre dans les
zones intermdiaires des piliers I, II et V
de DO
tout un ensemble daccords harmonisant le IIIme
degr :
mineur, mi $, aux mesures 71, 76, 84 et 86:
Majeur, mi 8, aux mesures 75 et 82. Les accords mi + 6 de
la mesure 83 et mi 4/3 de la mesure 85 procdent de la mme logique,
mais en
fonction contrarie. Pour cette raison il ne faut pas entendre la sixte sensible comme
dominante de RE, et la tierce et
quarte comme un
renversement de septime despce sur la. Dailleurs, le chromatisme do # - do 8 qui conduit lenchanement
met bien en vidence quil ne sagit que
dune coloration du mi 8 de la
basse:
Exemple 65
les harmonisations du IIIme degr mineur ou Majeur sont en nombre
croissant avant leur superposition polymodale de la mesure
90: une la
premire squence I II V (g1), deux la deuxime
(g2) et cinq la troisime (g3).
Mme les accords de dominante font
entendre mi $ et mi 8, mdiantes mineure et Majeure du ton. Ici,
cest par lartifice des
quivalents-quinte, dont les deux sont entendus 72
et 78, et le seul mi $ 87 :
Exemple 66
Cette faon dcrire induit une basse
harmonique trs blues, car jouant lambigut entre mineur et
Majeur:
Exemple 67
A la fin de la squence
g1 g4, les quatre accords de dominante auront donc t enrichis de trois
quivalents-quinte mi $ quilibrs par trois
quivalents-quinte mi 8:
72 78 87 92
quivalents-quinte mi $ - mi 8 mi $ - mi 8 mi $ mi 8
4.1.4.
Plan harmonique rsum
Schma 14
g1 68-69 70 71 72
DO I II III $ V
9 +
mi $ mi 8
$7
$5
$
g2 73-74 75 76 77 78
I III 8 III $ II V
5 9
$7
+
mi $ mi 8
$5
$
g3 79-80 81 82 83 84 85 86 87
I II III 8 III 8 III $ III 8 III $ V
7 +6 9 4 9 +
mi $
(F.C.) $7 3 $7
$5 (F.C.) $5
$ $
g4 88-91 92
I m/M do # V
+
mi 8
La principale variante
concerne la mesure 96, o laccord de dominante de SOL voit sa septime do 8 retarde-appoggiature
par do #:
Exemple 70
Cela se situe
lapparition du rythme R2, augmentation libre des mesures 95-97:
Exemple 71
Ce rservoir de notes
fait appel aux notes habituelles : neuvimes mineure et majeure,
quivalents-quinte et tierce modale la place ou en
conjonction avec la note
sensible. De la globalit des notes disponibles, seul lquivalent-quinte
mi 8 nest pas employ:
Exemple 75, harmonie de dominante des mesures 114-120
Lappauvrissement de la
densit des agrgats en fin de squence peut sexpliquer par la volont
dviter un enchanement trop brutal avec la
rsolution sur DO # I, de densit
4.
[1]
Ce jeu dambigut rythmique peut faire rfrence Debussy. Dans le quatrime
prlude du livre I (Les sons et les parfums tournent dans lair
du soir),
les mesures 15 et suivantes font entendre au soprano le balancement do # - r #
suivant:
Lorganisation rythmique
de ces cellules gnratrices est bien binaire partir du milieu de la mesure
15, conformment lindication de mesure.