Numero 28, Special Cameroun, Septembre 2021
Numero 28, Special Cameroun, Septembre 2021
Numero 28, Special Cameroun, Septembre 2021
Directeur
Agrégé des Facultés de droit, Président de l’Association
scientifique française des docteurs en droit.
(jacquesmestre81@gmail.com)
Hugo Barbier
Comité Professeur de droit à l'Université d'Aix-Marseille.
scientifique Patrick de Fontbressin
Avocat au Barreau de Paris.
Julia Heinich
Professeur de droit à l'Université de Bourgogne (Dijon).
Sandie Lacroix-de Sousa
Maître de conférences HDR à l’Université d’Orléans.
Marie-Eve Pancrazi
Professeur de droit à l'Université d'Aix-Marseille.
Béatrice Parance
Professeur de droit à l'Université de Paris VIII.
David Richard
Avocat au Barreau de Paris.
Sabrina Dupouy
Rédacteur en Maitre de conférences à l'Université de
chef Clermont-Auvergne.
Spécial CAMEROUN !
Monique-Aimée MOUTHIEU-NJANDEU
Athanase FOKO
Contributions :
EDITORIAL
LE TOUR DU MONDE EN 80
DOCTORATS !
De toutes les activités humaines, la recherche doctorale est sans doute l’une des
plus universelles. Il suffit pour s’en convaincre de se remémorer les longs périples
que les doctorants du Moyen Age faisaient déjà à travers l’Europe entière, au gré
des capitales universitaires, ou encore de voir, à l’époque contemporaine,
combien, dans tous les pays du monde, la perspective d’obtenir un doctorat ou
un PHD suscite vocation et efforts, et l’obtention elle-même du diplôme, le jour
de la soutenance de thèse, provoque ensuite joie et fierté ! Oui, de par le monde,
le Doctorat reste une étape très forte, qui permet à nombre de Jeunes de grande
qualité d’apporter la preuve de leur talent et de leur enthousiasme, et d’assurer
ainsi, à travers leur juste promotion, l’indispensable renouvellement des
compétences et des responsabilités !
Aussi, pour s’inscrire dans cette belle et riche universalité, l’AFDD a le plaisir
d’inaugurer aujourd’hui, dans sa revue électronique Horizons du Droit, une
nouvelle formule, qui est de dédier entièrement (réserve faite du très bel
anniversaire de thèse auquel nous convie Maître Luc Villet) l’un de ses numéros
à la recherche doctorale d’un pays donné. Et, pour commencer, en paraphrasant
Jules Verne, ce véritable tour du monde du doctorat en droit, notre équipe
éditoriale a tout naturellement choisi le Cameroun ! Oui, « tout naturellement »
car, depuis sa création il y a maintenant trois ans, notre Revue a déjà accueilli de
nombreux articles venus de ce très dynamique pays où, manifestement, sous
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Anniversaire de thèse :
Luc VILLET
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recomposées, qui était déjà d’actualité il y a 20 ans, l’est assurément encore plus
aujourd’hui. Pour la « survie » d’une thèse, un sujet dont l’actualité est pérenne,
c’est toujours un bon point. Mais on ne s’interroge pas assez sur le devenir d’une
thèse et lorsque l’on obtient le grade de docteur en droit, j’ai un peu l’impression
que la thèse disparait. Toutes ces années à étudier un sujet, à le maitriser, et puis
plus rien. Enfin pas tout à fait. Il y a certes des thèses qui font autorité dans leur
domaine, mais il y en également beaucoup dont le devenir est plus modeste. La
mienne, que j’aime beaucoup ne vous y trompez pas, figure assurément dans
cette deuxième catégorie.
Je vais donc essayer de retracer ce parcours jusqu’à la soutenance de
thèse, que j’ai entamé non sans avoir surmonté quelques obstacles (I). La
préparation de la thèse est assurément une épreuve d’endurance et de volonté
(II), et c’est avec intérêt que l’on s’interrogera sur l’actualité de ce travail de
recherche (III). Mais là n’est peut-être pas le plus important car, la préparation
d’une thèse de doctorat est avant tout une formidable aventure humaine à la fois
par les rencontres qu’elle nous offre avant la soutenance, et ensuite, une fois
l’obtention du doctorat (IV).
I. Les obstacles
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II. La préparation
Je ne vais pas m’étendre sur les difficultés de rédiger une thèse car
d’autres, dans cette revue, et cette rubrique en particulier, l’ont très bien fait
avant moi. Le souvenir qui me reste de cette période de « thésard », c’est surtout
le rythme de travail qu’il faut s’imposer dans la phase de préparation d’abord, puis
évidemment dans la phase de rédaction. J’ai en fait retrouvé les exigences du
mémoire de DSN, et en premier lieu, la volonté qui commande tout. Je me
souviens à ce sujet, et j’avais d’ailleurs gardé à l’esprit, les propos du Professeur
Yves GUYON qui avait été mon Professeur en droit des sociétés à PARIS I,
lorsque je préparais mon DESS de droit notarial. Ce cours était commun avec des
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III. L’actualité
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BREVE PRESENTATION DE LA
POLITIQUES DE L’UNIVERSITE
DE YAOUNDE II
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Voir, le livret de l’étudiant de la Faculté des Sciences Juridiques et Politiques de l’Université de
Yaoundé II.
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- codirection ;
- cotutelle
Pour affermir la recherche doctorale et post-doctorale, la Faculté s’est dotée de
huit centres de recherche auxquels sont rattachés les doctorants et les
enseignants-chercheurs :
- le Centre de recherche en Etudes politiques et stratégiques (CREPS) ;
- le Centre d’Etudes et de Recherches en Droit international communautaire
(CEDIC) ;
- le Centre d’Etudes et de Recherches constitutionnelles, administratives et
financières (CERCAF) ;
- le Centre d’Etudes et de Recherche en Droit du travail, de la Sécurité sociale et
des Affaires (CDTSA) ;
- le Centre d’Etudes et de Recherche en Dynamiques administratives et
Politiques (CERDAP) ;
- le Centre d’Etudes Judiciaires (CEJ) ;
- Institute of Advanced Legal Studies in English Law (IALS) ;
- le Centre d’Etudes et de Recherche en Droit, Economie et Politique du Sport
(CERDEPS).
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2
P. N’DA, Méthodologie et guide pratique du mémoire de recherche et de la thèse de doctorat
(en lettres, Arts, Sciences humaines et Sociales : Informations, normes et recommandations
universitaires, techniques et pratiques actuelles, l’Harmattan, p. 22.
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de Dschang
Cameroun
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3
L’obligation, Etudes offertes au professeur Paul-Gérard POUGOUE, L’Harmattan 2015 ;
L’effectivité du Droit : De l’aptitude du droit objectif à la satisfaction de l’intérêt particulier,
Mélanges en l’honneur du professeur François ANOUKAHA, L’Harmattan 2021.
4
J. Carbonnier, Droit et passion du droit sous la Ve République, Flammarion, 1996, p. 107 et s.
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une réalité sociétale, sans occulter la question éternelle de savoir s’il existe un
droit universel dont nous n’appliquerions, à travers le temps et l’espace, que des
déclinaisons.
L’effort de demain, l’espoir serait que cette dynamique continue et se
transforme pour que les publications de chercheurs puisent davantage dans leur
bassin social, pour la résolution des problématiques en lien avec leur réalité
locale. Il s’agit d’avoir un souvenir de l’évidence de l’adage toujours pertinent
« Ubi societas, ibi jus », et de mettre en exergue les éléments constants et les
principales variantes du système juridique africain.
Tout en encourageant cette production prolifique mais un peu désincarnée,
je propose une nouvelle orientation à ces talentueux chercheurs pour une
recherche construite autour des réalités de leur environnement, aux références
africaines, sans jamais perdre de vue l’approche comparée qui permettrait de
dégager les spécificités et de constater les grands problèmes communs.
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POLITIQUES
FSJP/Université de Maroua/Cameroun
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Email : mauricekomkamsu@yahoo.fr Tél : 237 699641814.
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UNHCR une conférence a été organisée par l’Organisation des Nations Unies
pour les Réfugiés (UNHCR) au sein de ladite Faculté le sur la lutte contre les
risques d’apatridie au Cameroun.
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ET POLITIQUES
UNIVERSITE DE NGAOUNDERE –
CAMEROUN
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6
athanasefoko@yahoo.fr
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FOMETEU (J.), La langue et le Droit (Sous la direction de), éd. L’harmattan, 2017,
670 p. (Ouvrage codirigé avec Philippe Briand et Metangmo Tatou (L.) ;
KAMGOUI KUITCHE (V.), « Réflexion sur les stratégies d’accès aux soins de
santé au
Cameroun », Cahiers Juridiques et Politiques, 2009, pp.133-163 ;
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AZIBER SEID ALGADI, Les voies de recours en droit judiciaire privé tchado-
camerounais : le domaine civil et commercial (2000) ;
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TAOYANG WARAI (M.), Woman and political leadership positions in the north
region of Cameroon : resistance and perspective, Université de Ngaoundéré
(2019) ;
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chambres du Parlement
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Résumé
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7
BERARD Alexandre, Les deux chambres : Leur histoire-leur théorie, de l’organisation du Sénat,
du pouvoir exécutif et du régime parlementaire, DIZAIN, Libraire-Éditeur, Paris, 1885, 230p.
8
ENDONG Manassé, « Le bicamérisme en Afrique : visions post-conflit et perspectives
démocratiques », in www.infothèque.info consulté le 29 décembre 2020. DOUNIAN Aimé, « Le
bicamérisme dans les Etats d’Afrique noire francophone », RADSP, Vol. V, N° 09, jan.-juin 2017,
pp. 61-87.
9
NDZINA NOAH Jean Marie Noël, Le bicamérisme en droit constitutionnel camerounais, Thèse
de Doctorat Ph/D en droit public, Université de Yaoundé II, 2018, 620p.
10
Lire KAMTO Maurice, « Révision constitutionnelle ou écriture d’une nouvelle Constitution », Lex
Lata, N°s 023 -024, Février – Mars 1996, pp. 17-20.
11
Lire SINDJOUN Luc, « L’imagination constitutionnelle de la nation ». In Stanislas Melone/ Adolph
Minkoa She/ Luc Sindjoun (dir.), La réforme constitutionnelle du 18 janvier 1996 au Cameroun,
aspects juridiques et politiques, Fondation Friedrich Ebert / Association Africaine de Science
politique (section camerounaise de (G.R.A.P.), Yaoundé, p. 80, DONFACK SOKENG (L), « Les
ambiguïtés de la révision constitutionnelle du 18 janvier 1996 au Cameroun », in Stanislas
MELONE/Adolphe MINKOA SHE/Luc SINDJOUN (dir.), op.cit., pp. 34-52, MBOME (F.X),
« Constitution du 2 juin 1972 révisée ou nouvelle Constitution ? », In Stanislas MELONE/Adolphe
MINKOA SHE/Luc SINDJOUN (dir.), op.cit., pp. 16-33 (plus particulièrement les pages 31 et 33),
MOUANGUE KOBILA (J), « Peut-on parler d’un reflux de constitutionnalisme au Cameroun ? »,
Recht in Afrika, 2010, p. 50, MBOME François Xavier et LOGMO MBELEK Aaron, « Droit et politique
au Cameroun depuis 1982 », Juridis Périodique, N°67, Juillet-Août-Septembre 2006, p. 57 et s.
12
Lire dans ce sens, ONDOA Magloire, « La Constitution duale : recherche sur les dispositions
constitutionnelles transitoires au Cameroun », op.cit., p. 24 et s, OLINGA Alain Didier, La
Constitution de la République du Cameroun, 2e édition revue et corrigée, UCAC-PUCAC,
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de cette controverse doctrinale sur la nature de ladite loi, une certaine unanimité
se dégage cependant sur son contenu, jugé novateur et consolidant de l’Etat de
droit et de la démocratie13. Pour s’en convaincre, il suffit de se référer à
l’ensemble du dispositif constitutionnel aménageant l’institution parlementaire.
39
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18
Lire OLINGA Alain Didier, La Constitution de la République du Cameroun, 2e édition revue et
corrigée, UCAC-PUCAC, Yaoundé, 2013, p. 79, EKO’O AKOUAFANE Jean-Claude, op.cit, p. 18 et
s.
19
Lire ONDOA Magloire, « Ajustement structurel et réforme du fondement théorique des droits
africains post-coloniaux : l’exemple camerounais », R.A.S.J., Vol. 2, N°1, 2001, p. 108 et s, ONDOA
Magloire, « Le droit public des Etats africains sous ajustement structurel : le cas du Cameroun »,
in Mondialisation, exclusion et développement africain : Stratégies des acteurs publics et privés,
Mélanges en l’honneur de Georges Walter NGANGO, Tome 2, Afredit, 2006, p. 404.
20
Cf., KAMTO Maurice, « Quelques réflexions sur la transition vers le pluralisme politique au
Cameroun », in Gérard CONAC (dir.), L’Afrique en transition vers le pluralisme politique,
Economica, Paris, 1993, p. 214 et s.
21
Pour aboutir à ce que le Doyen Magloire ONDOA qualifie de « dé-présidentialisation du régime
politique camerounais ». Sur la question, lire ONDOA (M), « La dé-présidentialisation du régime
politique camerounais », SOLON, Volume II – N°11 – 2003, pp. 1-40.
22
Il s’agit plus précisément du Discours de la Baule du 20 juin 1990 à l’occasion du Sommet
France-Afrique tenu à la Baule.
23
Le Président français François MITTERRAND affirmera que « La France liera tout son effort de
contribution aux efforts qui seront accomplis pour aller vers plus de liberté (…) ». Ainsi, ce
Discours sera considéré par la doctrine comme « une prime à la démocratie » ou encore comme
« une conditionnalité à l’aide, impliquant des exigences démocratiques, garantissant les valeurs
individuelles et les libertés collectives ».
40
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24
KAMTO Maurice, « Dynamique constitutionnelle du Cameroun indépendant », Rev. Jur. Afr,
1995/1, 2 et 3, p. 29.
25
MOUKOKO MBONDJO Pierre, « Le retour au multipartisme au Cameroun », », in Gérard CONAC
(dir.), L’Afrique en transition vers le pluralisme politique, ECONOMICA, Paris, 1993, pp. 237-250.
26
Sur cette révision constitutionnelle, lire MBOME François Xavier, « Les expériences de révision
constitutionnelle au Cameroun », PENANT, N°808-1992, p. 35 et s, OLINGA Alain Didier,
« Cameroun : Vers un présidentialisme démocratique. Réflexions sur la révision constitutionnelle
du 23 avril 1991 », R.J.P.I.C., N°4, octobre –décembre 1992, pp. 419-429.
27
Elle constitue l’aboutissement d’un processus de mutation politique enclenché depuis l’année
1990. Lire à cet effet, MONEMBOU Cyrille, La séparation des pouvoirs dans le constitutionnalisme
camerounais : contribution à l’étude de l’évolution constitutionnelle, Thèse de Doctorat Ph.D en
droit public, Université de Yaoundé II, 2011, p. 251.
28
EKO’O AKOUAFANE Jean-Claude, op.cit, pp. 23-25.
29
En comparaison par exemple avec un Etat africain comme le Sénégal où le Sénat va apparaître
en 1998. Sur les secondes chambres du Parlement dans les Etats d’Afrique à vocation
francophone, lire KUAKUVI Kodjo Ahlin Avitsinu, Les secondes chambres du Parlement dans les
Etats francophones : le cas du Burundi, de la France, du Gabon et du Sénégal, Thèse de Doctorat
en Droit Public, Universités de Gand et de Lomé, 2012, 370p.
41
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30
Certains députés affirmaient l’inutilité du bicamérisme sous l’opération constituante ayant
engendré le texte constitutionnel du 18 janvier 1996. Pour ceux-ci, le Sénat ne pouvait tout au
plus que compliquer le travail parlementaire. Par ailleurs, ils estimaient que l’institutionnalisation
du Sénat allait avoir un impact négatif sur le budget d’un Etat en proie aux difficultés
économiques. Cf, EKO’O AKOUAFANE Jean-Claude, op.cit, p. 38. Pour le professeur Marcelin
NGUELE ABADA, l’avènement du Sénat est une bonne chose car elle participe de la
« redistribution des pouvoirs ». Cf., NGUELE ABADA Marcelin, « Ruptures et continuités
constitutionnelles en République du Cameroun : réflexion à propos de la réforme constitutionnelle
du 18 janvier 1996 », R.A.D.I.C., N°10, 1998, pp. 808-826.
31
Selon une bonne frange de députés et autres personnalités politiques, l’avènement du Sénat
ne pouvait être qu’une bonne chose. A leurs yeux, le Sénat apparaît alors comme une chambre
modératrice nécessaire dans une démocratie naissante. En plus, le Sénat présente l’avantage de
corriger les défauts de la représentation imputables au mode d’élection des députés. Cf, EKO’O
AKOUAFANE Jean-Claude, op.cit, p. 38. Lire également KANKEU Joseph, « Les missions du
Parlement, regard sur une illusion », Juridis-Périodique, n°73, pp. 42-52.
32
DUHAMEL Olivier et MENY Yves, Dictionnaire constitutionnel, P.U.F., Paris, 1992, p. 74.
33
Type de bicamérisme en voie de disparition, il se conçoit comme un « instrument de résistance
au pouvoir démocratique exprimé par le suffrage universel (…), un moyen de conserver une part
du pouvoir à travers une chambre haute héréditaire, nommée ou censitaire, ayant droit de véto ».
Il convient de souligner que c’est en Grande Bretagne qu’est né et s’est construit ce type de
bicamérisme. Sur la question, lire DUHAMEL Olivier et MENY Yves, op.cit, p. 77, SOUSSE (M),
« Le bicamérisme : bilan et perspectives », R.D.P., 1997, p. 1326.
34
Considéré comme le second âge du bicamérisme, le bicamérisme modérateur a « vocation à
modérer politiquement le pouvoir ». C’est en effet un bicamérisme adapté à la démocratie
libérale. Doté d’une certaine ambiguïté, il apparaît d’une part comme « une technique
institutionnelle de limitation du pouvoir en général, qui vise à éviter tout excès, toute
hégémonie ». D’autre part, le bicamérisme modérateur apparaît comme une technique
42
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institutionnelle qui, « du fait des règles de formation de la seconde chambre (…), donne la
prépondérance aux notables et à la société rurale ». Pratiqué en France, cette forme de
bicamérisme confine la seconde chambre du Parlement à un rôle de contrepoids face à la
chambre basse. Sur la question, lire DUHAMEL Olivier et MENY Yves, op.cit, p. 77, SOUSSE
Marcel, « Le bicamérisme : bilan et perspectives », R.D.P., 1997, p. 1326.
35
Engendré par le modèle américain de 1787, ce type de bicamérisme réalise « un compromis
entre le pouvoir démocratique des citoyens, égaux dans le suffrage, et la souveraineté originelle
des Etats fédérés, égaux entre eux quel que soit leur population ». Affectionné par les Etats
fédéraux, ce bicamérisme se caractérise par le fait qu’une assemblée est formée sur une base
démographique et l’autre donne aux Etats fédérés une représentation fondée sur une stricte
égalité ou sur une importante péréquation. Sur la question, lire DUHAMEL Olivier et MENY Yves,
op.cit, p. 78, SOUSSE Marcel, « Le bicamérisme : bilan et perspectives », R.D.P., 1997, p. 1326.
36
Resté jusque-là marginal, ce type de bicamérisme pratiqué jadis dans quelques Etats, « tend à
donner une double représentation à l’électeur : d’une part, en tant que citoyen, selon le schéma
du système représentatif classique ; d’autre part en tant que travailleur, membre d’un groupe
socio-économique, professionnel ou syndical ». Sur la question, lire DUHAMEL Olivier et MENY
Yves, op.cit, p. 78.
37
BARTHELEMY Joseph et DUEZ Paul, Traité de droit constitutionnel (Edition de 1933),
Economica, Paris, 1985, p. 465.
38
L’expression est empruntée au Doyen Maurice HAURIOU. Lire HAURIOU Maurice, Précis de
Droit Constitutionnel, Librairie du Recueil Sirey, 1929, p. 475.
43
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39
Sur la pratique du bicamérisme en France, lire PARDINI Gérard, Grands principes
constitutionnels. Institutions politiques françaises, L’Harmattan, 2009, p. 60 et s.
40
Lire JEANNEAU Benoît, droit constitutionnel et institutions politiques, septième édition,
Mémentos Dalloz, 1987, p. 325.
41
TATIDOUNG KUETE Aimé, op. cit, p. 22 et s.
42
D’ailleurs, la problématique autour de laquelle s’articule sa réflexion porte sur le point de savoir
si le Sénat et l’Assemblée nationale sont des assemblés de nature distincte organiquement et
fonctionnellement. Cf, TATIDOUNG KUETE Aimé, op.cit, p. 18.
43
ONDOA Magloire, op.cit, p. 24.
44
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44
OLINGA Alain Didier, op.cit, p. 82.
45
EKO’O AKOUAFANE Jean-Claude, op.cit, p. 77 et s.
46
Idem, p. 93 et s.
47
C’est du moins l’idée que semble défendre M. Jean Claude EKO’O AKOUAFANE.
48
Cf., Cameroon tribune, N°10519/6718 – 40e Année, du Mercredi 29 janvier 2014.
45
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Le choix de l’étude est porté sur le Cameroun pour la raison qu’au sein de
l’opinion nationale, des voix s’élèvent de plus en plus à l’effet de dénoncer
l’existence du Sénat, considéré à tort ou à raison comme une institution
budgétivore et inutile du point de vue de son aménagement constitutionnel. Ce
sentiment est d’autant nourri par le fait que l’on assiste à la suppression pure et
simple du Sénat des démocraties réputées comme celle du Sénégal par
exemple.
49
Ces deux données ne mettent pas en rapport les deux chambres étant entendu qu’elles ne se
situent pas à proprement parler dans le sillage du bicamérisme camerounais. Elles relèvent plutôt
d’une volonté d’individualisation des présidents des Assemblées parlementaires.
46
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50
HAURIOU Maurice, op.cit, p. 469.
51
Lire VEDEL Georges, Manuel élémentaire de droit constitutionnel, (Réédition présentée par
CARCASSONNE Guy et DUHAMEL Olivier) Dalloz, 2002, p. 376. Seulement, il convient de
souligner que sous la IVe République, la seconde chambre du Parlement notamment le Conseil de
la République, avait des pouvoirs largement réduits comparativement à ceux de la seconde
chambre du Parlement sous la IIIe République, notamment le Sénat. A cet effet, le Conseil de la
République était considéré comme une « Chambre de réflexion », un « organe consultatif ».
Cependant, le Parlement dans son unité continuait d’exercer ses multiples fonctions.
52
Lire DEBBASCH Charles et al, Droit constitutionnel et institutions politiques, Economica, 1986,
p. 669 et s.
Il se dégage à la lumière de leurs analyses, qu’à la différence de la IVe République, la seconde
chambre du Parlement sous la Ve, notamment le Sénat, va se voir reconnaître un rôle plus
important notamment en matière constitutionnelle et de lois organiques.
53
Cf, les articles 23, 27, 36 de ladite Constitution.
47
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54
Sous l’Etat fédéral, la fonction contrôle du Parlement se voit amputer son volet essentiel, celui
relatif à la mise en cause de la responsabilité politique du Gouvernement. En clair, la Constitution
fédérale ne consacre que le contrôle-information en son article 30. Toutefois, convient-il de le
préciser, le contrôle avec mise en jeu de la responsabilité du Gouvernement était inscrit dans les
Constitutions des Etats fédérés. Avec l’avènement de l’Etat unitaire sous le référendum
constituant du 20 mai 1972, la donne ne va pas véritablement changer. Le parlement ne pouvant
exercer qu’un contrôle-information tel que consacré à l’article 28 de la mouture originelle de la
Constitution du 2 juin 1972.
55
ONDOA Magloire, « Une résurrection : le régime parlementaire camerounais », AFSJP.UD,
N°2/2002, p. 14.
56
OLINGA Alain Didier, op.cit, p. 80. La contradiction étant liée au fait que dans un premier temps,
ledit auteur souligne le caractère inégalitaire du bicamérisme camerounais et, dans un second, il
affirme l’idée d’égalité des deux chambres. Ainsi, note-il, « certes, le Sénat participe de manière
égalitaire au travail de législation et de contrôle du gouvernement, il examine les traités dont
l’objet relève du domaine de la loi avant leur promulgation par le Président de la République, ses
membres ont l’initiative des lois et l’initiative de la révision de la Constitution, le droit de saisine
du Conseil constitutionnel, le droit de participer sans voix délibérative aux travaux du Conseil
régional ». Ainsi, au lieu d’un bicamérisme « fondamentalement inégalitaire » (au profit de
l’Assemblée nationale), lesdits propos du professeur Alain Didier OLINGA inclinent à penser que
le bicamérisme camerounais est « légèrement inégalitaire » et non, « fondamentalement
inégalitaire ».
48
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gouvernementale
1. L’énonciation
57
Sur l’importance du style dans l’analyse des Constitutions, lire LE DIVELLEC Armel, « Le style
des constitutions écrites dans l’histoire moderne. Une esquisse sur les trois types de l’écriture
constitutionnelle (XVIIe - XXe siècles) », article disponible à l’adresse
http://www.juspoliticum.com/Le-style-des-constitutions-ecrites,738.html.
58
M. Jean Claude EKO’O AKOUAFANE souligne cet aspect des choses de manière on ne peut
plus claire en ces termes : « En tant que chambre du parlement aux côtés de l’Assemblée
nationale, le Sénat est interpelé dans la mise en œuvre du travail parlementaire dans ses deux
composantes que sont : la fonction législative axée sur l’élaboration de la loi, et le contrôle du
gouvernement. C’est du reste la substance de l’article 14, alinéa 2 qui énonce que le Parlement
légifère et contrôle l’action du gouvernement ». Cf, EKO’O AKOUAFANE Jean-Claude, op.cit, p.
77.
49
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59
Qu’il s’agisse de celui de 1946 ou de celui de 1958.
60
L’expérience sénégalaise du bicamérisme révèle un fort attachement du constituant sénégalais
à la logique constitutionnelle française exprimée dans la Constitution de la Ve République,
notamment en ce qui concerne l’aménagement des fonctions législative et contrôle du Parlement.
Lire DIOP Mactar, Propos d’un sénateur : Réflexions sur la place et le rôle du Sénat dans le
système politique sénégalais, Presses de l’Imprimerie Saint- Paul de Dakar, 2012, p.38 et s.
50
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61
Lire ONDO Télesphore, Le Droit parlementaire gabonais, L’Harmattan, 2008, p. 180 et s.
62
Cf, l’article 13 de la Constitution originaire du 27 octobre 1946. Seulement, la révision
constitutionnelle du 7 décembre 1954 viendra relativiser cette considération. Aussi convient-il de
souligner, le Parlement français de la IVe République était composé de deux chambres,
notamment l’Assemblée nationale et le Sénat au regard de l’article 5 de ladite Constitution.
51
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De toute évidence, l’article 14, alinéa 2 dont il est question est on ne peut
plus évasif, tant il est vrai qu’il consacre une égalité des deux chambres dans
l’exercice de ces deux fonctions classiques du Parlement dont il convient à
présent d’entrevoir les modalités d’exercice.
2. L’exercice
63
OLINGA Alain Didier, op.cit, p. 82.
64
Idem, p. 95.
65
Le champ matériel de la loi est énoncé à l’article 26 de la Loi constitutionnelle du 18 janvier
1960.
66
Cf. Les articles 63 et 64 de la Constitution.
52
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Toutefois, il faut souligner que le droit d’initiative n’est que celui contenu à
l’article 25 de la Constitution. A l’article 63 alinéa 1, est également consacré un
autre droit d’initiative, notamment en matière constituante. Il en ressort que
67
MONEMBOU Cyrille, La séparation des pouvoirs dans le constitutionnalisme camerounais :
contribution à l’étude de l’évolution constitutionnelle, Thèse de Doctorat Ph.D en Droit Public,
Université de Yaoundé II, 2011, p. 350 et s.
68
NTONGA BOMBA Serges Vincent, « La procédure législative devant l’Assemblée nationale au
Cameroun », CAFRAD, N°58, p. 6.
69
ONDOA Magloire, op.cit, p. 25.
70
Idem.
71
NTONGA BOMBA Serges Vincent, op.cit, p. 7.
53
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72
Sur le déploiement du Parlement en matière de révision constitutionnelle au Cameroun, tout au
moins dans sa dimension bicamérale, lire BETE Xaverie Murielle, Le Parlement dans le processus
de révision constitutionnelle en droit camerounais, Mémoire de DEA en droit public interne,
Université de Yaoundé II, 2014, 132p.
73
Sous le bicamérisme sénégalais, le Sénat ne s’était pas vu attribué un droit d’initiative de la
révision de la Constitution. Seule l’Assemblée nationale était titulaire d’un droit d’initiative en
matière de révision constitutionnelle et ce, concurremment avec le Président de la République.
Sur la question, lire FALL Ismaila Madior, Les révisions constitutionnelles au Sénégal : Révisions
consolidantes et révisions déconsolidantes de la démocratie, CREDILA, 2001, p. 42. Lire
également DIOP Mactar, op.cit, p. 96.
74
Notamment dans les articles 19, alinéa 1 et 24, alinéa1 de la Constitution.
75
NTONGA BOMBA Serges Vincent, op.cit, p. 9.
76
OLINGA Alain Didier, op.cit, p. 105.
77
Lire NTONGA BOMBA Serges Vincent, op.cit, p. 10 et s, OLINGA Alain Didier, op.cit, p. 105.
78
Le vote n’excluant pas la possibilité que le texte de loi soit rejeté ou amendé.
54
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79
NTONGA BOMBA Serges Vincent, op.cit, p. 9.
80
OLINGA Alain Didier, op.cit, p. 107.
81
Sur la question, lire GUIMDO DONGMO Bernard-Raymond, « La responsabilité politique du
Gouvernement dans la Constitution camerounaise », R.R.J., 2007-4, pp. 2099-2119, ONDOA
Magloire, op.cit, p. 16 et s.
82
OLINGA Alain Didier, op.cit, p. 107.
83
Idem.
55
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questions orales, les questions écrites et les commissions d’enquêtes. Cela dit,
les questions orales et écrites participent de ce qu’on appelle l’information
individuelle du parlementaire84 ou le contrôle par recherche d’information85,
tandis que la constitution des commissions d’enquêtes participe de l’information
collective du Parlement86 ou du contrôle par l’investigation87.
84
DEBBASCH Charles et al, op.cit, p. 782.
85
OLINGA Alain Didier, op.cit, p. 108.
86
DEBBASCH Charles et al, op.cit, p. 789.
87
OLINGA Alain Didier, op.cit, p. 109.
88
C’est du moins ce qui ressort de l’article 35, alinéa 3 de la Constitution.
89
ONDOA Magloire, op.cit, p. 17.
90
OLINGA Alain Didier, op.cit, p. 109.
56
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exercées par ces deux chambres. A d’autres égards, elles exercent également
les fonctions dites juridictionnelles et de désignation.
91
Lire par exemple MAUSS Didier, Le Parlement sous la Ve République, coll. Qsj ?, P.U. F., 1985,
127p.
92
L’accent ne sera pas mis sur la fonction juridictionnelle indirecte renvoyant à la faculté
reconnue aux parlementaires de pouvoir activer la compétence juridictionnelle du Conseil
constitutionnel. En effet, la Constitution camerounaise confère le droit de saisine à la fois aux
présidents des Assemblées parlementaires et au tiers des membres de l’une, et de l’autre
chambre du Parlement.
93
HAURIOU Maurice, op.cit, p. 473.
94
VEDEL Georges, op.cit, p. 440 et s.
95
Communément définie comme une « juridiction spéciale, composée d’un nombre égal de
députés et de sénateurs, élus par leurs assemblées respectives, est compétente en cas de
57
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« haute trahison » du Président ainsi que pour juger les crimes et délits commis par des ministres
dans l’exercice de leurs fonctions ». Cf, DUHAMEL Olivier et MENY Yves, op.cit, p. 483.
96
OLINGA Alain Didier, op.cit, p. 140.
97
Plus précisément avec la Loi n°2008/001 du 14 avril 2008 modifiant et complétant certaines
dispositions de la loi n°96/06 du 18 janvier 1996 portant révision de la Constitution du 02 juin
1972. Notamment en son article 53 (Nouveau).
98
De ce fait, il fallait se référer à l’ordonnance n°72/7 du 26 août 1972.
99
Cette idée est relevée avec emphase par le professeur Marcelin NGUELE ABADA. Sur la
question, bien vouloir lire NGUELE ABADA Marcelin, « L’obligation de rendre compte du Président
de la République : réflexions à partir de la révision constitutionnelle du 14 avril 2008 », in
L’Obligation, Etudes offertes au professeur Paul-Gérard POUGOUE, L’Harmattan, 2015, p. 640.
58
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de haute trahison. Dès lors, le constituant n’a pas voulu réserver à la seule
Assemblée nationale ou au seul Sénat, la possibilité de le faire. En cela, il se
dégage manifestement un rapport d’égalité entre les deux chambres du
Parlement camerounais. Il faut dire que cette situation n’est pas seulement
vécue au Cameroun. En droit étranger, l’on retrouve cette situation en France,
où les deux chambres du Parlement sont habilitées à mettre en accusation le
Chef de l’Etat en matière de haute trahison100. C’était également la même
situation au Sénégal avant la suppression du bicamérisme en 2012101.
Président de la République
100
Cf. Article 68 de la Constitution du 4 octobre 1958.
101
Cf. les lois constitutionnelles n°98-11 du 2 mars 1998 et n°27-2007 du 15 mai 2007.
102
Lire VEDEL Georges, op.cit, p. 545.
59
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103
Cette exigence se rapproche de celle inscrite à l’article 68 de la Constitution française de 1958,
à la seule différence que le vote s’effectue à la majorité absolue des membres de l’une, puis de
l’autre Assemblée. Sur la question, lire LUCHAIRE François et CONAC Gérard, La constitution de
la république française, Economica, 1987, p. 1185.
104
Pour le professeur Marcelin NGUELE ABADA, il est évident que ce vote sera en effet difficile à
obtenir lorsqu’on considère les écrasantes majorités du parti au pouvoir à l’Assemblée nationale
et au Sénat. Cf. NGUELE ABADA Marcelin, op.cit, p. 640. Toutefois, si l’auteur n’a pas tort dans
son analyse, il reste que la situation peut changer à la faveur d’un changement de positionnement
politique au sein du Parlement si un jour, le parti au pouvoir venait à être battu par l’opposition.
60
Horizons du droit - Bulletin n°28, 2021
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105
C’est du moins l’idée qui se dégage de l’article 51, alinéa 2 de la Constitution.
106
De même que par le président de la République et le Conseil Supérieur de la Magistrature.
107
Lire l’article 56 de la Constitution française du 4 octobre 1958.
61
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62
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A. Le Sénat discriminé
108
OLINGA Alain Didier, op.cit, p. 82.
109
ABA’A OYONO Jean-Calvin, « Libres propos sur le Sénat en droit constitutionnel
camerounais », Afrilex, septembre 2015, p. 13.
110
Idem.
111
Lire OLINGA Alain-Didier, op.cit, pp. 83-84, ABA’A OYONO Jean-Calvin, op.cit, p. 13 et s.
112
Lire à cet effet GATSI T. (E-A), « Mise en place du Sénat au Cameroun : Légitimité et légalité
en question », R.A.S.J., Numéro spécial/2014, L’Harmattan, p. 276 et s, OLINGA (A.D), op.cit, p.
82. En gros, les arguments avancés sont relatifs à l’imparfaite légitimité démocratique des
sénateurs, au fait que le Sénat représente exclusivement les collectivités territoriales
décentralisées et non la nation.
63
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constaté du Sénat dès lors que cette institution bénéficie d’une entière légitimité
constitutionnelle tout comme l’Assemblée nationale. Quoiqu’il en soit, le constat
de l’abaissement du Sénat demeure visible dans la loi constitutionnelle du 18
janvier 1996113. D’une part, la seconde chambre du Parlement peut être évincée
de la modalité du vote définitif de la loi (1). De même, celle-ci est d’autre part
évincée en matière de mise en cause de la responsabilité politique du
Gouvernement (2).
mixte paritaire
113
Il faut cependant souligner qu’il ne s’agit pas là d’une spécificité camerounaise. Lire KUAKUVI
Kodjo Ahlin Avitsinu, op.cit, p. 287 et s.
114
ABA’A OYONO Jean-Calvin, op.cit, p. 13.
64
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texte de loi rejeté par le Sénat. Si ladite Commission ne parvient pas à s’accorder
sur un contenu plausible du texte de loi en désaccord, la volonté législative du
Sénat est simplement et purement mise de côté. Concrètement, tout se passe
comme si le Sénat a cessé d’exister car la suite de la procédure législative se fera
sans lui. En rapport avec cet état de chose, M. Jean-Calvin ABA’A OYONO estime
que cela signifie que « si les deux chambres parlementaires participent au travail
législatif, elles ne le font pas sur une base égalitaire115 ».
L’éviction du Sénat dans cette hypothèse participe en réalité de la volonté
d’abaissement injustifié et injustifiable de l’institution sénatoriale dans un
contexte où celle-ci a reçu pour mission de représenter les collectivités
territoriales décentralisées116. Dans ce contexte, il devient incompréhensible que
la volonté législative du représentant des collectivités territoriales décentralisées
soit mise en hibernation alors même qu’on attend de lui de l’audace et de la
perspicacité dans l’entreprise de confection des lois de décentralisation117.
S’inscrivant en faux contre l’option constitutionnelle inscrite dans ledit article, M.
Jean-Calvin ABA’A OYONO estime que le constituant « aurait dû fixer une série
de domaines dans lesquelles le consensus serait obligatoire notamment
lorsqu’un projet ou une proposition porte sur la décentralisation118 ».
A l’évidence, on y voit une ferme volonté d’abaissement de la seconde
chambre du Parlement, qui se matérialise par une participation mesurée aux
travaux législatif et financier du Parlement comme le note si bien M. Jean-Calvin
ABA’A OYONO.
115
Idem, p. 14.
116
Cf. article 20 de la Constitution.
117
Dès lors que ledit Sénat apparaît, selon les termes de M. Jean-Calvin ABA’A OYONO, comme
le moteur et l’acteur de la décentralisation camerounaise.
118
ABA’A OYONO Jean-Claude, op.cit, p. 14.
65
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de finances
119
Plus précisément, il s’agit de la loi de finances de l’année, c’est-à-dire le budget, qui est de
beaucoup la plus importante des diverses lois de finances. Sur la question, lire HAURIOU André,
Droit constitutionnel et Institutions politiques, Editions Montchrestien, Paris, 1970, p. 911.
120
Cf. article 26, alinéa 2 (d) de la Constitution.
66
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Gouvernement
121
ABA’A OYONO Jean-Calvin, op.cit, p. 14 et s.
122
D’emblée, il faut souligner que l’article 47, alinéa 1 de la Constitution française du 4 octobre
1958 consacre la formule selon laquelle « le Parlement vote les projets de loi de finances dans
les conditions prévues par une loi organique ». En conséquence, les deux chambres du Parlement
français sont habilitées à voter la loi de finances. Bien plus encore, à l’alinéa 2, il est précisé que
« si l’Assemblée nationale ne s’est pas prononcée en première lecture dans le délai de quarante
jours après le dépôt d’un projet, le Gouvernement saisit le Sénat qui doit statuer dans un délai de
quinze jours(…) ».
123
C’est du moins l’idée communément admise en doctrine.
67
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124
ONDOA Magloire, op.cit, p. 16.
125
Lire NYANGON AFANE Esther, Les mécanismes de mise en jeu de la responsabilité du
Gouvernement devant le Parlement au Cameroun, Mémoire de Master en droit public, Université
de Yaoundé II, 2015, pp. 181p.
126
DUHAMEL Olivier et MENY Yves, op.cit, p. 849.
127
GUIMDO DONGMO Bernard-Raymond, op.cit, p. 2103.
68
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128
DUHAMEL Olivier et MENY Yves, op.cit, p. 645.
129
ABA’A OYONO Jean-Calvin, op.cit, p. 16 et s.
130
OLINGA Alain Didier, op.cit, p. 82.
69
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131
GELARD Patrice, « A quoi peut donc bien servir une seconde chambre en démocratie ? », in Le
nouveau constitutionnalisme, Mélanges en l’honneur de Gérard CONAC, Economica, 2001, p. 148.
132
La situation est telle que même en matière de décentralisation, le Sénat ne jouit pas d’un droit
de priorité qui dans d’autres Etats, lui est reconnu comme par exemple au Gabon. Sur ce point,
lire SOMALI (Kossi), Le Parlement dans le nouveau constitutionnalisme en Afrique : Essai d’une
analyse comparée à partir des exemples du Bénin, du Burkina Faso et du Togo, Thèse de
Doctorat en Droit Public, Université de Lille 2, 2008, p. 222.
133
OLINGA Alain Didier, op.cit, p. 82.
70
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134
MOMO Bernard, op.cit, p. 23.
135
Qui est de 10 jours.
136
Qui est de 5 jours dès lors que l’urgence est demandée par le Gouvernement.
71
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Monsieur Jean-Calvin ABA’A OYONO y voit une manifestation de l’inégalité entre les deux
137
72
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138
Dans le cas sénégalais, on lira DIOP Mactar, op.cit, p. 94. Au Gabon, lire, ONDO Télesphore,
op.cit, p. 182. En France, on lira GICQUEL Jean et GICQUEL Jean-Éric, Droit constitutionnel et
Institutions politiques, 24e édition, Montchrestien, Lextenso éditions, Paris, 2010, p. 722.
139
Sur la question, lire JEANNEAU Benoît, droit constitutionnel et institutions politiques, septième
édition, mémentos dalloz, 1987, p. 326.
140
Dans le Journal Officiel français du 2 octobre 1965, le Doyen MOUTET faisait observer qu’en
ce qui concerne le vote définitif de la loi, « L’Assemblée issue du suffrage universel direct doit
toujours avoir le dernier mot ».
73
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Revue de l'Association Française des Docteurs en Droit
responsabilité du Gouvernement
141
DEBBASCH Charles et al, op.cit, p. 797.
142
ABA’A OYONO Jean-Calvin, op.cit, p. 18.
143
GUIMDO DOGNMO Bernard-Raymond, op.cit, p. 2103 et s.
74
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144
Lire GICQUEL Jean, « Le Congrès du Parlement », in La République, Mélanges en l’honneur de
Pierre AVRIL, Montchrestien, E.J.A., 2001, p. 449.
145
Notamment pour réviser la Constitution, entendre une communication ou recevoir un message
du Président de la République et recevoir le serment des membres du Conseil constitutionnel.
146
GICQUEL Jean, op.cit, p. 454.
147
C’est d’ailleurs ce qui est clairement affirmé dans le Règlement intérieur du Congrès du
Parlement.
75
Horizons du droit - Bulletin n°28, 2021
Revue de l'Association Française des Docteurs en Droit
148
AVRIL Pierre et GICQUEL Jean, Lexique de Droit Constitutionnel, P.U.F., Paris, 2003, p. 14.
76
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Conclusion
149
Lire le Règlement intérieur du Congrès du Parlement.
77
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150
BARTHELEMY Joseph et DUEZ Paul, op.cit, p. 446.
151
On lira utilement URVOAS Jean-Jacques, Le Sénat, collection Que sais-je ?, Paris, 2019, p. 3
et s.
78
Horizons du droit - Bulletin n°28, 2021
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L’indépendance du Conseil
constitutionnel camerounais
Zulandice ZANKIA152
____________________
152
Membre de l’Unité de Recherche en Droit, Institutions et Intégration Communautaire (URDIIC)
à l’Université de Dschang – Cameroun et de la Section camerounaise de l’Association Africaine
pour le Droit International (AADI). E. mail : zzulandice@ymail.com
79
Horizons du droit - Bulletin n°28, 2021
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Résumé
Jusqu’en février 2018, c’est la Cour suprême qui siégeait comme Conseil
constitutionnel au Cameroun. Depuis 1996, ce Conseil constitutionnel transitoire
a exercé sans partage, les attributions de cet organe constitutionnel. Peut-on
affirmer de nos jours que, le droit positif camerounais assure l’indépendance du
Conseil constitutionnel ? Il est difficile de l’affirmer de manière tranchée, car les
garanties de ladite indépendance se trouvent de plus en plus minorées depuis la
consécration dudit Conseil en 1996. L’étude combinée des textes et de la
pratique camerounaise de la justice constitutionnelle permet de comprendre que
les garanties d’indépendance de ce Conseil sont ambigües tant dans son
organisation que dans son fonctionnement. L’ambiguïté de son indépendance
organique se traduit par la consécration de ladite indépendance par le
constituant de 1996 et sa fragilisation par la réforme constitutionnelle de 2008.
Il en est de même de l’ambiguïté de son indépendance fonctionnelle qui, malgré
le caractère définitif de son pouvoir de décision, se démarque par une politique
jurisprudentielle caractérisée par l’absence d’autorité sur le contrôle de
constitutionnalité et de neutralité non permanente sur la régulation de la vie
politique.
80
Horizons du droit - Bulletin n°28, 2021
Revue de l'Association Française des Docteurs en Droit
153
Par la Loi n° 96/06 du 18 janvier 1996 portant révision de la Constitution du 02 juin 1972.
154
Voir A. D. OLINGA (dir.), La réforme constitutionnelle du 18 janvier 1996 au Cameroun 25 ans
après, Yaoundé Afrédit, 2021, 489 p.
155
Ce texte prévoit que : « Les nouvelles institutions de la République prévues par la présente
Constitution seront progressivement mises en place ».
156
Au sens du Doyen M. HAURIOU, à savoir institution comme mécanisme ou organe.
157
Par Décret n° 2018/104 du 07 février 2018 portant organisation et fonctionnement du
Secrétariat général du Conseil Constitutionnel et le Décret n° 2018/105 du 07 février 2018
portant nomination des membres du Conseil Constitutionnel.
158
Conformément à l’article 14 alinéa 4 de la Constitution camerounaise du 10 janvier 1996.
159
Relativement au contentieux des élections sénatoriales du 25 mars 2018, le Conseil a arbitré
les recours pré-électoraux déposés par les partis politiques en compétition. Au bilan : 06
recours enregistrés, 04 recours irrecevables, 02 recours recevables parmi lesquels le
désistement de l’UNDP dans la région du Nord et le rejet du recours du SDF dans la région de
l’Ouest par sa décision du 19 mars 2018.
81
Horizons du droit - Bulletin n°28, 2021
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160
Voir J. F. WANDJI K., La justice constitutionnelle au Cameroun, Paris, MENAIBUC, 2015, pp.
20-21.
161
Article 33 de la Constitution du 02 juin 1972.
162
Voir C. KEUTCHA TCHAPNGA, note sous Cour Suprême, Décision n° 001/CC/02-03 du 28
novembre 2002 relative au contrôle du Règlement intérieur de l’Assemblée Nationale du
Cameroun.
163
Le Doyen FAVOREU assimile le Conseil constitutionnel à une Cour constitutionnelle dans le
mode de nomination des membres, des modalités de saisine et des méthodes de jugement.
164
Voir L. FAVOREU, « Modèle américain et modèle européen de justice constitutionnelle »,
Annuaire International de Justice Constitutionnelle, n° IV, 1988, pp. 57-61.
82
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Revue de l'Association Française des Docteurs en Droit
165
Voir P. E. ABANE ENGOLO, « Les figures de la Constitution matérielle en Afrique », in O. NAREY
(dir.), La Constitution : Actes du Séminaire Scientifique tenu à Niamey du 24 au 26 octobre
2018, Sénégal, L’Harmattan, 2018, p. 216.
166
Voir J. F. WANDJI K., Ouvrage précité, p. 19.
167
Cour suprême siégeant comme Conseil constitutionnel, Décision n° 13/CEP/2011 du 20
septembre 2011, affaire BENZ ENOW BATE (CDP) c/ Elections Cameroon (ELECAM) ; Décision
n° 03/CEP/2011 du 20 septembre 2011, affaire EGONO Valentin (UCDI) c/ Elections Cameroon
(ELECAM).
168
Voir Zulandice ZANKIA, « Le rôle du Conseil constitutionnel transitoire dans la régulation
démocratique de l’État au Cameroun », Revue Africaine de Sciences Politique et Sociales, No
31, AVRIL 2021, pp. 76-94.
83
Horizons du droit - Bulletin n°28, 2021
Revue de l'Association Française des Docteurs en Droit
169
Voir M. NGUELE ABADA, « La naissance d’un contre-pouvoir : réflexions sur la loi portant
organisation et fonctionnement du Conseil constitutionnel camerounais », R.R.J. 2005-4 (II),
p. 2469.
170
Voir M. NGUELE ABADA, « L’indépendance des juridictions constitutionnelles dans le
constitutionnalisme des Etats francophones postguerre froide : l’exemple du Conseil
constitutionnel camerounais », p. 3, inédit.
171
Voir C. MOMO, « Heurs et malheurs de la justice constitutionnelle au Cameroun », Juridis
Périodique, n° 64, Octobre-Novembre- Décembre 2005, p. 52.
172
Voir J. F. WANDJI K., Ouvrage précité, pp. 63-64 ; A. D. OLINGA, La Constitution de la
République du Cameroun, Yaoundé, Presses de l’UCAC, 2006, p. 151.
173
Voir M-C. PONTHOREAU, « La confiance du public dans la justice constitutionnelle à l’ère du
populisme : piste de réflexion », Annuaire international de justice constitutionnelle, XXXV-
2019, pp. 15-20.
84
Horizons du droit - Bulletin n°28, 2021
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constitutionnel
174
Voir G. CONAC, cité par A. S. OULD BOUBOUTT, « Les juridictions constitutionnelles en
Afrique : évolution et enjeux », AIJC, 1999, p. 32.
85
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membres
175
Voir A. S. OULD BOUBOUTT, Article précité, p. 38.
176
Article 51, alinéa 5 in fine de la Constitution camerounais de 1996.
86
Horizons du droit - Bulletin n°28, 2021
Revue de l'Association Française des Docteurs en Droit
177
Article 8 alinéa premier de la Loi 2004/05.
178
Voir A. D. OLINGA, La Constitution de la République du Cameroun, Yaoundé, Presses de
l’UCAC, 2006, p. 152.
179
Voir P. AVRIL et J. GIQUEL, Le Conseil constitutionnel, Paris, Montchrestien, 2011, p. 76.
180
Voir F. HAMON et C. WIENER, La justice Constitutionnelle : Présentation générale, France,
Etats-Unis, La documentation française, Document à l’étude N° 1. 15, 2001, p.7.
181
Voir P. ARDANT et B. MATHIEU, Droit constitutionnel et institutions politiques, 27e éd., Paris,
LGDJ, Lextenso éditions, 2015, p. 114.
87
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182
Voir J. F. WANDJI K., Ouvrage précité, p. 72.
183
Voir les articles 11, 12 et 13 de la Loi n° 2004/05.
184
A titre d’exemple en droit étranger, Voir P. Avril et J. GICQUEL, Ouvrage précité, p. 76.
185
Voir M. NGUELE ABADA, « La naissance d’un contre-pouvoir : réflexions sur la loi portant
organisation et fonctionnement du Conseil constitutionnel camerounais », Article précité, p.
2473.
88
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membre du Conseil constitutionnel ne peut être levée qu’à la majorité des deux
tiers de ses pairs. A défaut de cette majorité, « la levée de l’immunité n’est pas
acquise »186. Il s’agit là d’une véritable protection de l’indépendance du juge
constitutionnel, qui participe à la même finalité que l’irrévocabilité de ses
membres.
186
Voir A. D. OLINGA, Ouvrage précité, p. 153.
187
Voir F. HAMON et C. WIENER, La justice Constitutionnelle : Présentation générale, France,
Etats-Unis, La documentation française, précité, p.17.
188
Voir A. D. OLINGA, Op. cit. p. 153.
189
Articles 18 à 24 de la loi 2004/05.
89
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190
Une hypothèse que la doctrine camerounaise considère comme lacunaire et rétrograde, Voir
A. D. OLINGA, Ouvrage précité, p. 153 ; J. F. WANDJI K., Ouvrage précité, p.71.
191
Voir F. HAMON et C. WIENER, La justice Constitutionnelle: Présentation générale, France,
Etats-Unis, précité, p. 7.
90
Horizons du droit - Bulletin n°28, 2021
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S’il est vrai que de nos jours, la composition et le mode de désignation des
membres du Conseil constitutionnel n’est plus un critère permanent pour
apprécier l’indépendance des Conseils ou Cours constitutionnels, il n’est pas
moins pertinent d’en tenir compte en fonction du système politique lorsqu’on
veut évaluer de façon profonde l’indépendance du juge constitutionnel. Le
192
Ibidem, p. 37.
193
Voir M. NGUELE ABADA, « L’indépendance des juridictions constitutionnelles dans le
constitutionnalisme des Etats francophones postguerre froide : l’exemple du Conseil
constitutionnel camerounais », p. 3, inédit.
194
Voir M. NGUELE ABADA, « La naissance d’un contre-pouvoir : réflexions sur la loi portant
organisation et fonctionnement du Conseil constitutionnel camerounais », Article précité, p.
2469.
91
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résultat diffère selon qu’on soit en présence d’un régime démocratique ou d’un
régime non démocratique ou d’un régime à démocratie controversée. Dans un
régime démocratique, le juge constitutionnel a plus de liberté et de marge de
manœuvre vis à vis de l’autorité de désignation. En ce sens, certains auteurs
estiment que, « l’indépendance ne peut être codifiée ni mise en formule et que
des Cours constitutionnelles dont le recrutement n’était pas sans susciter
certaines critiques ont su faire montre de toute l’indépendance souhaitable vis-
à-vis des autorités qui avaient nommé leurs membres 195». Ce qui n’est pas le cas
dans les régimes non démocratiques ou à démocratie relative comme le
Cameroun.
195
Voir F. MÉLIN-SOUCRAMANIEN et P. PACTET, Droit constitutionnel, 34e éd., Paris, Dalloz,
Sirey, 2014, p. 74.
196
Voir P. ARDANT et B. MATHIEU, Droit constitutionnel et institutions politiques, 27e éd., Ouvrage
précité, p. 114.
92
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avis du bureau ; trois par le Président du Sénat après avis du bureau et deux par
le Conseil Supérieur de la magistrature que préside le Président de la République.
197
Voir A. S. BOUBOUTH, Article précité, p. 37.
198
Voir M. NGUELE ABADA, « L’indépendance des juridictions constitutionnelles dans le
constitutionnalisme des Etats francophones postguerre froide : l’exemple du Conseil
constitutionnel camerounais », p. 12, inédit.
199
Voir article 18 de Loi n° 2004/05.
200
Voir A. D. OLINGA, Ouvrage précité, p. 151.
93
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201
Voir P. ARDANT et B. MATHIEU, Droit constitutionnel et institutions politiques, 27e éd., Ouvrage
précité, p. 114.
202
Voir J. F. WANDJI K., Ouvrage précité, p. 47.
94
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203
Voir L. FAVOREU, P. GAÏA, R. GHEVONTAIAN, J-L. MESTRE, O. PFERSMANN, A. ROUX et G.
SCOFFONI, Droit constitutionnel, 12e éd., Paris, Dalloz, 2009, p. 260.
204
Voir F. HAMON et M. TROPER, Droit constitutionnel, 34e éd., Paris, LGDJ, Lextenso éditions,
2013, p. 66.
205
Loi n° 2008/001 du 14 avril 2008 modifiant et complétant certaines dispositions de la Loi n°
96/06 du 18 janvier 1996 portant révision de la Constitution du 02 juin 1972.
95
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constitutionnel
206
Voir L. FAVOREU, P. GAÏA, R. GHEVONTAIAN, J-L. MESTRE, O. PFERSMANN, A. ROUX et G.
SCOFFONI, Droit constitutionnel, précité, p. 261.
207
Voir B-R. GUIMDO DONGMO, « Constitution et démocratie dans les États francophones
d’Afrique », in O. NAREY (dir.), La Constitution : Actes du Séminaire Scientifique tenu à Niamey
du 24 au 26 octobre 2018, Sénégal, L’Harmattan, 2018, p. 190.
96
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208
Ibid, p. 258.
97
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209
Voir article 11 de la Loi de 2004/04
210
Voir J. F. WANDJI K., Ouvrage précité, p.176.
98
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211
Voir P. AVRIL et J. GICQUEL, Ouvrage précité, p. 100 ; dans le même sens, Voir M. NGUELE
ABADA, « L’indépendance des juridictions constitutionnelles dans le constitutionnalisme des
Etats francophones postguerre froide : l’exemple du Conseil constitutionnel camerounais », p.
9, inédit.
212
Cité par J. F. WANDJI K., Ouvrage précité, p. 188.
213
Voir A. D. OLINGA, Ouvrage précité, p. 168.
99
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transitoire
constitutionnalité
100
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214
Abstraction faite du contrôle de constitutionnalité par voie d’exception, exercé par exemple à
l’occasion de l’élection présidentielle de 1997, dans l’affaire Titus EDZOA, objet de l’arrêt du 3
octobre 1997.
215
Voir sur ce point, C. KEUTCHA TCHAPNGA, « Note sous Cour suprême statuant comme
Conseil constitutionnel, décision n° 001/CC/02-03 du 28 novembre 2002 », Juridis Périodique,
n° 53, janvier-février-mars 2003, pp. 61-66. n° 53 ; M. NGUELE ABADA, « La réforme du
règlement intérieur de l’Assemblée nationale du Cameroun », RASJ, vol. 1, n° 3, 2003, pp. 20-
101
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102
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221
Voir C. KEUTCHA TCHAPNGA, « Quelques précisions sur la concurrence de compétences dans
le contentieux des élections législatives au Cameroun, depuis la révision constitutionnelle du
18 janvier 1996 », Annales de la Faculté des Sciences Juridiques et Politiques de l’Université
de Dschang, T. 1 vol.2, 1997, p. 49.
103
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222
Voir C. MOMO, « Heurs et malheurs de la justice constitutionnelle au Cameroun », Article
précité, p. 59.
223
Voir M. NGUELE ABADA, « L’indépendance des juridictions constitutionnelles dans le
constitutionnalisme des Etats francophones postguerre froide : l’exemple du Conseil
constitutionnel camerounais », pp. 2 et 8, inédit.
224
Expression utilisée pendant longtemps pour qualifier l’élection des Députés au Cameroun.
104
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comme juge constitutionnel, sa candidature fut validée motif pris de ce que la loi
électorale n’avait pas interdit la production du certificat de non-imposition. De
cette décision, le code électoral a été modifié pour admettre aux candidats de
produire dans leur dossier soit un certificat d’imposition, soit un certificat de non-
imposition225.
recours.
Depuis l’année 1997, les opérations électorales sont souvent décriées par
les acteurs et observateurs de la vie politique. La Cour Suprême statuant comme
juge constitutionnel recevait en permanence à l’issue de chaque élection,
environs une centaine de recours, mais très peu étaient examinés su fond. Soit
parce que le recours est irrecevable ou parce que cette institution de régulation
se déclare incompétente.
225
Article 122 de la Loi n° 2012/001 du 19 avril 2012 portant Code électoral au Cameroun, qui
dispose en son alinéa 2 que : « La déclaration de candidature est accompagnée : f) d’un
certificat d’imposition ou de non-imposition ».
105
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226
Voir B. DJIEPMOU, Le juge constitutionnel et la régulation du processus démocratique,
Mémoire de Master, Université de Dschang, 2016, p. 83.
227
Voir M. NGUELE ABADA, « La naissance d’un contre-pouvoir : réflexions sur la loi portant
organisation et fonctionnement du Conseil constitutionnel camerounais », Article précité, p.
2469.
228
Voir C. KEUTCHA TCHAPNGA, Note sous Cour Suprême, arrêt N° 119 du 22/07/2007, Affaire
KWEMO Pierre (SDF) contre État Cameroun, Juridis Périodique, N° 82, Avril-Mai-Juin 2010,
pp. 39 et 41.
106
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domiciles privés, tandis que d’autres n’étaient même pas localisables. Sur ce
point, le juge estime que « le grief portant sur la création et l’organisation des
bureaux de vote … ne relève pas de la compétence du Conseil constitutionnel ».
Or, tel que le droit électoral alors en vigueur était articulé, cette question ne
relevait pas du tout de la compétence des commissions électorales. En somme,
avec le déclinatoire de compétence du juge constitutionnel, déclinatoire qui
s’impose à tous parce que contenu dans une décision du Conseil constitutionnel,
il s’agissait d’un aspect qui n’était justiciable de la compétence d’aucune instance.
Une telle conséquence, nullement imposée par la lettre des règles juridiques, est
évidemment fâcheuse 229».
229
Voir A D. OLINGA, « Justice constitutionnelle et contentieux électoral : quelle contribution à la
sérénité de la démocratie élective et à l’enracinement de l’État de droit ? Le cas du
Cameroun », Communication présentée à l’occasion de la Conférence Panafricaine des
Présidents des Cours constitutionnelles et institutions comparables sur le Renforcement de
l’État de droit et la Démocratie à travers la Justice Constitutionnelle, Marrakech, 26-28
novembre 2012, p. 11.
107
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230
Cour Suprême statuant comme Conseil Constitutionnel, Arrêt n° 73/CE/01-02 du 17 juillet
2002, affaire Union Nationale pour la Démocratie et le Progrès (UNDP) c/ Etat du Cameroun
(MINATD).
231
Voir C. SIETCHOUA DJUITCHOKO, « Revue de Jurisprudence de la Cour Suprême : contentieux
constitutionnel électoral », Juridis Périodique, N° 79, Juillet-Août-Sept, 2009, p. 47.
108
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232
Voir P. F. GONIDEC, « La place des juridictions dans l’appareil d’Etat », in P. F. GONIDEC (dir.),
Encyclopédie juridique de l’Afrique, Tome 1, pp. 232-238.
233
Voir A. FALL, « Le juge, le justiciable et les pouvoirs publics : pour une appréciation concrète
de la place du juge dans les systèmes politiques en Afrique », in Les défis des droits
fondamentaux, Bruxelles, Bruylant, 2000.
234
Voir M. NGUELE ABADA, « La naissance d’un contre-pouvoir : réflexions sur la loi portant
organisation et fonctionnement du Conseil constitutionnel camerounais », Article précité, p.
2469.
109
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l’élection
235
Qui dispose que : « La Cour Suprême exerce les attributions du Conseil Constitutionnel jusqu’à
la mise en place de celui-ci ».
236
Voir C. SIETCHOUA DJUITCHOKO, « Revue de Jurisprudence de la Cour Suprême :
contentieux constitutionnel électoral », Juridis Périodique, N° 79, Juillet-Août-Sept, 2009, p.
46.
110
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Attendu que le fait d’empêcher les candidats d’un parti politique de battre
librement campagne dans leur circonscription électorale est une donnée
fondamentale de fraudes et d’irrégularités graves susceptibles d’influencer de
manière déterminante les résultats du scrutin… ;
237
Cour suprême, Arrêt n° 57/CE/01-02 du 17 juillet 2002, affaires Union Nationale pour la
Démocratie et le Progrès (UNDP) et Rassemblement Démocratique du Peuple Camerounais
(RDPC) c/ État du Cameroun (MINATD).
238
Suprême statuant comme Conseil Constitutionnel, Arrêt n° 22/CE/96-97 du 03 juin 1997.
111
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Il s’agit là, d’une tendance approuvée par une partie de la doctrine qui
estime que le juge constitutionnel n’est pas juge de la moralité du vote, mais
plutôt gardien de la sincérité du vote239 au regard de la doctrine française de
l’effet utile du vote.
********
239
Voir J. F. WANDJIK, Ouvrage précité, p. 97.
240
Voir C. KEUTCHA TCHAPNGA, Note sous Cour Suprême, Affaire KWEMO, précitée, p. 42.
241
Voir B. DJIEPMOU, Le juge constitutionnel et la régulation du processus démocratique,
Mémoire de Master, Université de Dschang, 2016, 205 pages.
112
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242
Voir G. H. MFOYOUOM, « L’urgence de la mise en place du Conseil constitutionnel issu de la
Loi constitutionnelle du 18 janvier 1996 », Communication précitée, p. 1.
113
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constitutionnalisation de nouvelles
____________________
114
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243
A. DE TOCQUEVILLE, De la démocratie en Amérique, tome 1, Paris, GF-Flammarion, 1981,
p. 253
244
M. FATIN-ROUGE STÉFANINI, « Le recours au référendum à l’heure de la globalisation », Les
cahiers de l’institut Louis FAVOREU, 2015, pp.31-41
115
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245
Elles tendent à assurer la participation du citoyen à la gestion de la chose publique dans sa
collectivité locale. Dans les constitutions d’Afrique noire francophone, elles prennent
principalement les allures de la libre administration
246
M.-J. DEMANTE, I. TYMINSKY, Décentralisation et gouvernance locale en Afrique : Des
processus, des expériences, Paris, Iram, Études et méthodes, 2008, p.21
247
J.-M. DENQUIN, « Référendum et plébiscite », in Dictionnaire de la culture juridique, D.
ALLAND et S. RIALS (dir.), Paris, PUF, 2007, pp.1310-1311
116
Horizons du droit - Bulletin n°28, 2021
Revue de l'Association Française des Docteurs en Droit
248
Ibid.
249
Ibid.
250
F. HAMON, Le Référendum. Étude comparative, LGDJ, 2e éd., 2012, pp. 25-33
251
L. MOREL, La question du Référendum, Paris, Presses de Sciences Po, 2019, p.14
252
P. TAILLON, LE RÉFÉRENDUM EXPRESSION DIRECTE DE LA SOUVERAINETÉ DU PEUPLE ?
Essai critique sur la rationalisation de l'expression référendaire en droit comparé, Tome 1, Thèse
en droit, Université de Laval-Université de Paris 1Panthéon-Sorbonne, 2011, p.11
253
Ibid., p.12
117
Horizons du droit - Bulletin n°28, 2021
Revue de l'Association Française des Docteurs en Droit
254
Idem.
255
D. ROUSSEAU, « L’équivoque référendaire », La voie des idées.fr, 22 avr. 2014, consulté le 10
janvier 2021
256
C. PREMAT, « Les enjeux du référendum local », BERTHET Thierry, COSTA Olivier, GOUIN
Rodolphe, ITÇAINA Xavier et SMITH Andy (dir.), Les nouveaux espaces de la régulation politique :
stratégies de recherche en science politique, Paris, L’Harmattan, 2008, pp.77-107
257
Ibid.
258
Exception faite du Gabon qui, en l’article 112a de son texte constitutionnel dispose : « Des
consultations locales, portant sur des problèmes spécifiques ne relevant pas du domaine de la
loi, peuvent être organisées à l’initiative soit des Conseils élus, soit des citoyens intéressés, dans
les conditions fixées par la loi. »
118
Horizons du droit - Bulletin n°28, 2021
Revue de l'Association Française des Docteurs en Droit
259
D. BEETHAM, « La démocratie : principes essentiels, Institutions et problèmes », in La
démocratie : principes et réalisation, Union parlementaire, Genève, 1998, pp.23-31
260
V. AUBELLE, « Les sens de la démocratie locale », in La démocratie locale. Représentation,
participation et espace public, CURAPP/CRAPS, PUF, 1999, pp.271-301
261
La majorité des États d’Afrique noire ont reconnu la décentralisation en fixant le cadre
constitutionnel de son aménagement. Ainsi, la libre administration se trouve consacrée dans leurs
textes fondamentaux. Voir : l’art. 172 de la Constitution de Côte d’Ivoire, l’art. 59 de la Constitution
de Guinée, art. 3 de la Constitution de RDC, le préambule de la Constitution de Madagascar, l’art.
7, al.3 de la Constitution des Comores, l’art. 98 de la Constitution du Bénin, l’art.101 de la
Constitution du Burkina Faso, l’art. 55, al. 2 de la Constitution du Cameroun, l’art. 125 de la
Constitution du Congo, l’art 112 de la Constitution du Gabon, l’art. 70 de la Constitution du Mali,
l’art.100 de la Constitution du Niger, l’art 167 de la Constitution du Rwanda, l’art. 67 de la
Constitution du Sénégal, l’art. 125 de la Constitution du Tchad, l’art. 84 de la Constitution du
Togo.
262
M. PAOLETTI, « La démocratie locale française. Spécificité et alignement », in La démocratie
locale. Représentation, participation et espace public, CURAPP/CRAPS, PUF, 1999, pp.45-61
119
Horizons du droit - Bulletin n°28, 2021
Revue de l'Association Française des Docteurs en Droit
mandat, sur les décisions qui les touchent le plus directement263. L’objet de la
présente réflexion est de démontrer dans quelle mesure un aménagement
juridique, voire constitutionnel du référendum local dans les États d’Afrique noire
francophone participerait à une plus grande émancipation de la démocratie
locale.
L’intérêt pour l’espace Afrique noire francophone tient d’une part à l’identité
linguistique264 et la convergence des modèles d’inspiration265 qui pourraient
justifier la circonscription de l’objet d’étude dans ce cadre spatial d’analyse.
D’autre part, il tient en ce qu’ayant tous une organisation administrative
décentralisée, ces États ont fait des collectivités territoriales décentralisées des
cadres d’apprentissage ou mieux, de promotion de la démocratie. Comme
l’affirmaient certains penseurs de la démocratie266, les territoires restreints
seraient susceptibles de fournir les conditions morphologiques à l'exercice d'une
démocratie véritable267.
Le référendum local se présente donc comme une nouvelle perspective pouvant
fortement consolider la démocratie participative, mais aussi enrichir le droit
constitutionnel local dans les États d’Afrique noire francophone s’il est inscrit
dans leur pacte républicain. Lorsque l’on sait que le constitutionnalisme africain
connait ces dernières années un réel essor du fait de la revalorisation des normes
263
E. CHALAS, H. SAULIGNAC, « Mission « flash » sur la démocratie locale et la participation
citoyenne », Communication à l’Assemblée nationale française, 2019, p.2
264
Ces États partageant le français comme langue, l’exploitation des différents instruments
juridiques se trouve facilitée par ce fait.
265
Pour avoir connu la domination française ou belge soit à travers la colonisation, soit à travers
le mandat ou la tutelle, ces pays ont quasiment les mêmes modèles d’inspiration tant en ce qui
concerne leurs orientations politiques ou juridiques, même si au demeurant chaque système se
construit sa particularité.
266
Chez Tocqueville, mais aussi chez Rousseau et Montesquieu. La formulation de l’idée est
d'ailleurs très proche chez ces deux auteurs. Montesquieu : « La propriété naturelle des petits
États est d'être gouvernés en république ; celle des médiocres, d'être soumis à un monarque;
celle des grands empires, d'être dominés par un despote. », De l'Esprit des Lois, Livre VIII,
Chapitre XX, Classique Garnier, Paris, 1956, p. 134. Rousseau : « En général, le gouvernement
démocratique convient aux petits États, l'aristocratique aux médiocres, le monarchique aux
grands », Le Contrat Social, Livre III, Chapitre IX, Edition Montaigne, 1943, p. 207.
267
M. PAOLETTI, « La démocratie locale française. Spécificité et alignement », Op.cit.
120
Horizons du droit - Bulletin n°28, 2021
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268
M. LATH YEDOH, « Le référendum dans les systèmes constitutionnels des États d’Afrique »,
La lettre de l’IDDH (Institut de la Dignité des Droits Humains) 5, Janv.- Fév.-Mars 2005, p.3
269
C. PREMAT, « Les enjeux du référendum local », op.cit
121
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270
L’on ne manque pas souvent de rappeler qu’en Allemane le référendum était autorisé par la
Constitution de Weimar (1919) et qu’on l’accusa d’avoir favorisé la montée du nazisme.
271
J. ROBERT, « Le référendum constitutionnel », Electronic Journal of Comparative Law, vol. 11.3
(December 2007), http://www.ejcl.org, consulté le 13 juillet 2020 18p.
272
Ibid.
273
Ibid.
122
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démocratie locale le spectre d’un réel danger dans l’utilisation des modalités de
la démocratie directe et en l’occurrence le référendum274. Aussi, lorsqu’il n’est pas
considéré comme un danger pour la démocratie locale (A), il est perçu comme
pouvant être relativisé dans ses effets du point de vue de l’implication des
citoyens dans la gestion de leur collectivité (B), toutes choses qui pourraient
remettre en cause sa constitutionnalisation au sein des États d’Afrique noire
francophone.
A. Le référendum local, un danger pour la démocratie locale dans les États d’Afrique
noire francophone
274
D. ROUSSEAU, « L’équivoque référendaire », Op.Cit.
123
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275
« C’est une expérience éternelle que tout homme qui a du pouvoir est porté à en abuser ; il va
jusqu’à ce qu’il trouve des limites », MONTESQUIEU, De l’Esprit des Lois (1748), Les Belles Lettres,
1955, XI, 6. Pour préserver la liberté de ce danger, Montesquieu élabore la théorie de la
séparation et de l’équilibre du pouvoir afin d’assurer la modération du gouvernement, celle-ci ne
sera cependant concevable qu’à travers un mécanisme aristocratique ou monarchique, ce qui le
conduira au libéralisme aristocratique et, par extension, à choisir le gouvernement représentatif.
276
SIEYÈS distingue dans la Nation quatre volontés : constituante, pétitionnaire, gouvernante et
législative, toute chose qui permet un meilleur aménagement des libertés, socle de la démocratie
représentative. SIEYÈS (E.), Qu’est-ce que le Tiers-Etat ?, Genève, Libraire Droz, 1970, p.124
277
MONTESQUIEU, De l’Esprit des Lois, op.cit.
278
B. SADRY, Bilan et perspectives de la démocratie représentative, Thèse de Doctorat en droit
public, Université de Limoges, 2007, p.29
279
J.-M. DENQUIN, « Pour en finir avec la crise de la représentation », in Jus Politicum, n° 4, 2010,
pp.1-38
124
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280
L’on peut évoquer le référendum en Angleterre sur le Brexit qui a conduit à une reconfiguration
des équilibres parlementaires conduisant à des législatives anticipées.
281
R. MBALLA OWONA, « Réflexions sur la dérive d’un sacro-saint principe : la souveraineté du
peuple à l’épreuve des élections au Cameroun », Juridis Périodique 88, Oct.-Nov.-Déc. 2011,
pp.91-1099
282
P. SOGLOHOUN, « La crise de la souveraineté nationale en Afrique », Les Annales de
l’Université de Parakou 2, 2019, n° 1, Série « Droit et Science Politique », pp. 79-99
283
Cité par C. PREMAT, « Les enjeux du référendum local », op.cit.
125
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284
J.-A. MAZÈRE, « Les collectivités locales et la représentation, essai de problématique
élémentaire », RDP 110, 1990, pp. 607-642
285
C. KEUTCHA TCHAPNGA, « Désétatisation et nouvelles configurations du pouvoir en Afrique
francophone », La revue du CERDIP 3(5), Janv.-Juin 2007, pp. 34-77
286
J. VERHULST, A. NIJEBOER, Démocratie directe. Faits et arguments sur l’introduction de
l’initiative et du référendum, Democraty International, Bruxelles, 2007, p. 72
126
Horizons du droit - Bulletin n°28, 2021
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être plus nocif que bénéfique pour ce dernier. Au-delà de cela, les élus
percevraient d’un mauvais œil cette pratique qui fragilise leur légitimité et remet
en cause leurs fonctions. Marion PAOLETTI a traduit cette distance des
représentants locaux vis-à-vis du processus référendaire au niveau local en
affirmant que : « C'est une procédure dont personne ne veut, sauf aux marges.
Et si la participation est une norme locale à laquelle on prête rituellement
hommage, la majorité des acteurs ayant à voir avec la démocratie locale
s'accorde à rejeter le référendum en dehors de procédures légitimes, y compris
dans les phases de problématisation de la démocratie locale »287. L’auteur montre
que les maires en France notamment étaient assez hostiles à la pratique du
référendum local parce qu’ils y voyaient un instrument aux mains de groupes
pouvant leur mettre la pression.
S’il est vrai que l’on observe de plus en plus un fort taux d’abstention des
électeurs aux différentes échéances électorales et davantage dans les États
d’Afrique noire francophone, toute chose qui traduit une rupture de la confiance
à l’endroit des élus, il reste que les défenseurs de la logique représentative
soutiennent qu’elle reste la meilleure incarnation de la démocratie locale. Dans
ce contexte, la promotion des mécanismes de la démocratie directe et en
particulier du référendum local se présente non pas seulement comme une
alternative à la démocratie représentative, mais surtout comme un véritable
palliatif pouvant à terme la faire dépérir. La méfiance de ceux-ci vis-à-vis des
modalités de la démocratie participative tient également aux fortes possibilités
de manipulations auxquelles elles peuvent faire l’objet, la dévoyant des principes
et valeurs de toute véritable démocratie.
287
M. PAOLETTI, « La pratique politique du référendum local : une exception banalisée »,
CURAPP/CRAPS, La démocratie locale. Représentation, participation et espace public, PUF,
1999, pp. 219-236
127
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Revue de l'Association Française des Docteurs en Droit
288
S.M. OUEDRAOGO, La lutte contre la fraude à la constitution en Afrique noire francophone,
Thèse de Doctorat en droit, Université de MONTESQUIEU-BORDEAUX IV, 2011, p.10
289
M. NDIAYE, « La stabilité constitutionnelle, nouveau défi démocratique du juge africain »,
Annuaire international de justice constitutionnelle, XXXIII-2017, pp. 667-688
290
A. KPODAR, « Bilan sur un demi-siècle de constitutionnalisme en Afrique noire francophone »,
in La Constitution béninoise du 11 décembre 1990 : un modèle pour l’Afrique ?, Mélanges en
l’honneur de Maurice Ahanhanzo Glèlè, Paris, L’Harmattan, Coll. « Études Africaines », 2014,
pp. 89-126
128
Horizons du droit - Bulletin n°28, 2021
Revue de l'Association Française des Docteurs en Droit
Les procédés référendaires en général trainent derrière eux des a priori qui
contribuent à nourrir la méfiance d’un certain courant quant à son utilisation en
démocratie, encore plus dans les démocraties fragiles d’Afrique. Comme d’autres
méthodes d’expression citoyenne comme les audiences publiques, les comités
de quartier ou les conseils de jeune dont il est fait le reproche d’avoir une valeur
davantage informative que participative, le référendum local quant à lui peut être
considéré dans certaines conditions comme un instrument conçu pour avaliser
simplement des décisions déjà prises, tester l’opinion publique. Bien plus,
plusieurs griefs sont formulés à endroit. Le premier est que l’initiative populaire
représente une surcharge de l’agenda des autorités publiques causée par un
excès de demandes et de revendications, ce qui complique et alourdit la
gouvernabilité. L’idée ici est que dès que le peuple se familiarise avec la gestion
du pouvoir, il a tendance à vouloir être impliqué dans toutes les décisions, ce qui
ne faciliterait pas le travail des autorités locales. Le second est la prolifération
des blocages par le droit de veto populaire, ce qui peut provoquer sinon un
immobilisme et une paralysie décisionnelle, tout au moins un ralentissement
significatif du processus décisionnel engendrant ainsi des conséquences allant
à l’encontre du bien commun. Il ne viendrait par ailleurs à l’esprit d’aucun dirigeant
dans ce contexte de brider la volonté du peuple soit en limitant leur capacité
d’exercice de leur droit, soit en ne prenant pas en compte leur opinion. Enfin, le
troisième argument massue invoqué constamment par les partisans du statu quo
est la peur des dérapages populistes qui pourraient conduire à des reculs
dramatiques sur le plan des acquis sociaux et des droits humains. C’est la peur
des excès du pouvoir du peuple, de la dictature de la majorité silencieuse et
ignorante au détriment de différentes minorités, c’est la peur de se voir imposer
contre son gré des choix qui heurtent principalement nos valeurs morales et nos
croyances religieuses, c’est aussi la crainte de voir l’opinion publique manipulée
et trompée à la faveur d’un déséquilibre des options en jeu à cause de règles de
129
Horizons du droit - Bulletin n°28, 2021
Revue de l'Association Française des Docteurs en Droit
291
J.-P. CHARBONNEAU, « De la démocratie sans le peuple à la démocratie avec le
peuple », Éthique publique [En ligne], vol. 7, n° 1 | 2005, mis en ligne le 12 novembre 2015,
consulté le 26 mai 2021.
292
C. PREMAT, « Les enjeux du référendum local », op.cit
293
J. VERHULST, A. NIJEBOER, Démocratie directe. Faits et arguments sur l’introduction de
l’initiative et du référendum, Op.Cit., p.50
130
Horizons du droit - Bulletin n°28, 2021
Revue de l'Association Française des Docteurs en Droit
294
L. BLODIAUX, A.-M. COHENDET, M. FLEURY, B. FRANÇOIS, J. LANG, J.-F. LASLIER, Th. PECH,
Q. SAUZAY, F. SAWICKI, Le Référendum d’initiative citoyenne délibératif, Terra Nova, 2019, p.13
295
Ce n’est que depuis la révision constitutionnelle du 28 mars 2003 que le référendum
constitutionnel a été introduit dans la constitution française en son article 72-1
296
J. VERHULST, A. NIJEBOER, Démocratie directe. Faits et arguments sur l’introduction de
l’initiative et du référendum, Op.Cit., p.72
297
Le référendum organisé par Louis NAPOLÉON BONAPARTE qui établira l’empire au détriment
de la république, le Brexit britannique de 2016 entre autres.
131
Horizons du droit - Bulletin n°28, 2021
Revue de l'Association Française des Docteurs en Droit
de lui donner une assise constitutionnelle dans les États d’Afrique noire
francophone au regard de la jeunesse et de la fragilité de la démocratie dans cet
espace. La démocratie locale y étant essentiellement représentative,
l’introduction des modalités de la démocratie directe à travers le référendum
local véhicule en partie les craintes qui ont justifié pendant longtemps les
réticences à son endroit dans les démocraties occidentales. Perçu comme un
véritable contre-pouvoir aux autorités locales, étant entendu qu’il ouvre la
possibilité aux citoyens de remettre en cause les décisions de leurs élus, il ouvre
la voie à une instrumentalisation par différents groupes et lobbies qui peut être
préjudiciable à la démocratie locale.
La souveraineté appartenant au peuple, ses décisions sont couvertes du sceau
d’une légitimité naturelle qu’il devient difficile et même dangereux de remettre en
cause, même s’il est avéré à un moment ou à un autre que sa volonté ait pu être
manipulée.
En effet, source de légitimité, le référendum local peut être utilisé afin d’entériner
des décisions potentiellement contraires aux principes, valeurs et intérêts de la
collectivité parce qu’elle possède une énergie propre, autonome et suffisamment
puissante pour bousculer les axiomes établis dans la collectivité. Dès lors, le
référendum local peut se percevoir comme un moyen de contourner des normes
en vigueur298. Comme le précise de Patrick TAILLON, en prenant pour cadre de
référence le référendum national, « il n'est pas étonnant de constater que la
pratique référendaire suscite son lot de craintes et de méfiances parmi les
autorités représentatives. Même si démocratie représentative et démocratie
référendaire peuvent parfois se compléter l'une et l'autre, ces deux formes de
procédures démocratiques entretiennent généralement des rapports complexes
et tendus. Le référendum, comme mode d'expression de la volonté du peuple,
se présente le plus couramment comme une formalité supplémentaire qui
s'ajoute au processus législatif et qui entre en concurrence avec la volonté
298
P. TAILLON, LE RÉFÉRENDUM EXPRESSION DIRECTE DE LA SOUVERAINETÉ DU PEUPLE ?
Essai critique sur la rationalisation de l'expression référendaire en droit comparé, Tome 1, Thèse
en droit, Université de Laval-Université de Paris 1Panthéon-Sorbonne, 2011, p.17
132
Horizons du droit - Bulletin n°28, 2021
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exprimée par les assemblées »299. Cette position que l’on peut transposer aux
référendums locaux montre pour reprendre les termes de l’éminent auteur que
ce procédé est quelques fois perçu par les élus comme un élément perturbateur
qui impose aux autorités de composer avec la volatilité des électeurs qui sont
souvent tentés par la politique de la défiance300, toute chose qui rend la modalité
incertaine voir dangereuse pour la démocratie locale. Par ailleurs, recherchant
une plus grande implication des citoyens dans le processus décisionnel, le
référendum local n’atteint pas toujours cet objectif, ce qui peut édulcorer au final
sa portée.
Contrairement à ce que l’on peut penser, les référendums locaux n’ont pas
toujours la portée que l’on voudrait leur donner. En effet, il n’est pas surprenant
au regard des nombreuses manipulations auxquelles ils peuvent faire l’objet que
ces procédés référendaires au niveau local en fin de compte ne donnent qu’une
représentation biaisée de la volonté du peuple et par conséquent ne l’implique
pas à proprement parler dans la gestion de la collectivité301. De ce point de vue,
le référendum local dans la démocratie locale se perçoit non comme une
véritable solution à la participation citoyenne dans le processus décisionnel, mais
véritablement comme une poudre de perlimpinpin qui ne tient pas les promesses,
les espoirs et les vertus qu’on lui prêtait. En réalité la distance que les autorités
locales ont à l’égard de cette modalité de participation populaire aboutit
généralement à son cloisonnement à une portion congrue de matières, ces
autorités disposant d’un certain pouvoir discrétionnaire dans la détermination
des questions pouvant être soumises au référendum (1). Par ailleurs, la relativité
de sa portée édulcore fortement l’étendue de ses effets (2), ce qui contribue à
299
Ibid., p.22
300
Idem.
301
M. PAOLETTI, « Le référendum local en France : variations pratiques autour du droit », RFSP,
1996, pp. 883-913
133
Horizons du droit - Bulletin n°28, 2021
Revue de l'Association Française des Docteurs en Droit
302
L’article 3 de la constitution française de 1958 dispose que : « La souveraineté nationale
appartient au peuple qui l'exerce par ses représentants et par la voie du référendum. Aucune
section du peuple ni aucun individu ne peut s'en attribuer l'exercice… ». L’on retrouve des
dispositions identiques à celles-ci dans les constitutions des États d’Afrique noire francophone.
À titre d’exemple, l’on pourrait citer : art.5 de la constitution du Congo, art.50 de la constitution
de Côte d’Ivoire, art.2 al.1 de la constitution du Cameroun, art.3 de la constitution du Gabon…
134
Horizons du droit - Bulletin n°28, 2021
Revue de l'Association Française des Docteurs en Droit
304
D. ROUSSEAU, « Le référendum est-il un outil démocratique ? », Les Soirées-Débats du GREP
Midi-Pyrénées, 18 nov. 2017, p. 4.
305
M. PAOLETTI, « La pratique politique du référendum local : une exception banalisée », op.cit
135
Horizons du droit - Bulletin n°28, 2021
Revue de l'Association Française des Docteurs en Droit
est le juge de l’opportunité d’un tel mécanisme. D’autre part, elle doit être portée
dans la collectivité par un grand nombre de citoyens.
Au-delà de la sensibilité des questions soumises au référendum, il faudrait
ajouter la problématique de la clarté de celle-ci qui soustrait bon nombre
d’aspects de l’interrogation portée à l’appréciation des citoyens. Appelées à
répondre par « oui » ou par « non » lors des consultations référendaires, les
populations ne sont pas forcément renseignées sur les spécificités sous-
jacentes à la question qui est portée à leur sanction.
En effet, comme l’indique à juste titre Philippe DRESSAYRE : « les alternatives
présentées lors du référendum s'imposent comme le produit de procédures
techniques ou bureaucratiques échappant à tout contrôle extra-municipal.
Reflétant les résultats des processus de pouvoir à l'œuvre au sein de l'appareil
municipal, les solutions soumises au référendum sont proposées à l'appréciation
des citoyens sous forme de « prêt-à-porter » non négociable… à chaque fois,
l'essentiel de la décision a été pris avant que ne soit consultée la population »306.
La formulation de la question est donc essentiellement un procédé technique qui
réduit la marge de manœuvre des citoyens appelés à se prononcer. « La forme
et le contenue de la question soumise aux électeurs écrit Patrick TAILLON ont
souvent de l'influence sur les résultats d'un scrutin. Présumant que la tournure
de la question a un impact significatif sur le résultat, l'organe chargé d'élaborer
la question tend à soumettre aux électeurs un libellé qui, par le choix des termes
utilisés, présente l'initiative sous son meilleur jour. En orientant ainsi la rédaction
de la question, le rédacteur de celle-ci souhaite maximiser ses chances de
remporter le scrutin »307.
En fin de compte, l’importance du pouvoir discrétionnaire des élus locaux dans
les procédés référendaires couplés au caractère technique et hautement
306
Ph. DRESSAYRE, « Le référendum communal : outil de gestion ou gadget politique ? », In :
Politiques et management public, vol. 2, n° 3, 1984. pp. 65-88
307
P. TAILLON, LE RÉFÉRENDUM EXPRESSION DIRECTE DE LA SOUVERAINETÉ DU PEUPLE ?
Essai critique sur la rationalisation de l'expression référendaire en droit comparé, Tome 1, op.cit.,
p.221
136
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Revue de l'Association Française des Docteurs en Droit
308
Idem., p. 221
309
Ph. DRESSAYRE, « Le référendum communal : outil de gestion ou gadget politique ? », op.cit.
310
M. VERPEAUX, « Le référendum communal devant le juge administratif : premier bilan », op.cit.
137
Horizons du droit - Bulletin n°28, 2021
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qu’il s’agissait d’un référendum d’en haut311. Les élus locaux par crainte pour ce
mécanisme l’utilisent très peu d’où la nécessité d’envisager la consécration d’un
référendum d’en bas312. Toutefois, quel que soit son initiateur, la procédure est
fortement dépendante des autorités locales qui contrôlent tout le processus.
L’environnement français est très instructif sur les perspectives du référendum
local dans les États d’Afrique noire francophone en raison d’une part de leurs
rapports historiques et d’autre part en raison de la commune structuration de ces
États313. La maitrise du processus par les autorités locales vise à éviter qu’elles
exercent leur mandat sous la menace permanente d’un désaveu politique314,
toute chose qui restreint sa portée.
Lorsque l’on s’attelle à construire une typologie des référendums locaux, l’on
distingue les référendums consultatifs et les référendums décisionnels315. Si les
premiers mettent en exergue un procédé dont les résultats n’ont pas une valeur
contraignante à l’endroit des élus locaux, mais bien une valeur indicative en ce
qu’elle permet de mesurer les tendances afin de mieux orienter les décisions des
autorités locales, les seconds sont supposés revêtir une réelle force normative
en ce qu’ils donnent naissance à une norme opposable aux administrations
locales.
311
F. HAMON, Le Référendum étude comparative, LGDJ, 2e édition, 2012, p.31.
312
Idem.
313
La France, tout comme les États d’Afrique noire francophone sont des États unitaires
décentralisés. Le principe constitutionnel de l’indivisibilité du peuple étant commun à ces États,
donne une connotation quasiment identique à l’appréhension qui pourrait être faite du
référendum local. Les craintes soulevées par la classe politique française vis-à-vis de ce
processus peuvent légitimement être transposées dans l’espace en étude.
314
Ch. GEYNET, « La résurrection du référendum local après le barrage de Sivens : une vraie
fausse bonne idée », Revue Générale des Collectivités Territoriales, 2015, https://hal.archives-
ouvertes.fr/hal-01443247/document, consulté le 10 juin 2021
315
D’autres pourraient envisager la classification à partir de la composante qui l’initie. Ainsi, l’on
pourrait distinguer les référendums portés par les autorités locales, et ceux résultant d’une
initiative citoyenne.
138
Horizons du droit - Bulletin n°28, 2021
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Dans l’un ou l’autre cas, il est possible de relativiser davantage leur portée au
regard d’une certaine pratique. En effet, l’on peut se demander à quel point les
exécutifs locaux sont liés par les décisions issues des consultations
référendaires ? Une telle interrogation remet à l’ordre du jour l’étendue de la
volonté du peuple exprimée à travers le référendum.
Force est de constater au regard de la pratique que l’effet du référendum local
qu’il soit décisionnel ou consultatif est dilué de sorte à ne pouvoir empêcher aux
autorités locales de ramer à contre-courant de la volonté du peuple. Si l’on s’en
tient juste à la construction sémantique, les référendums consultatifs sont non
exécutoires parce qu’ils ne lient pas les organes locaux316. Ils permettent de fixer
des objectifs, de décliner de la volonté des citoyens exprimée des orientations
que les administrations locales seront chargées de formaliser à leur convenance.
Elles disposent donc d’une marge de manœuvre assez étendue dans leur activité
de transcription ou d’implémentation de la position sortie majoritaire lors de la
consultation référendaire. Cette catégorie de référendums ne suffit pas à elle
seule à produire un acte normatif contraignant. C’est aux autorités locales qu’il
appartient de lui donner un caractère à la fois exécutoire et contraignant. Dans
l’ordre constitutionnel, « sa portée juridique limitée a été conçue pour concilier
l’intervention directe du corps électoral avec des constructions doctrinales telles
que le principe britannique de la souveraineté du parlement et la théorie
française de la souveraineté nationale. En niant à la décision populaire toute
conséquence juridique, l’idée de référendum consultatif a historiquement permis
d’occulter le débat sur la constitutionnalité du référendum et sur sa compatibilité
avec le système représentatif »317. Par ailleurs, l’avis qui est requis des
316
Même si dans les faits et à l’observation de la pratique dans certaines démocraties
occidentales ces référendums produisent des décisions qui lient à bien des égards les autorités
locales contrairement à l’acception commune. Lire P. TAILLON, LE RÉFÉRENDUM EXPRESSION
DIRECTE DE LA SOUVERAINETÉ DU PEUPLE ? Essai critique sur la rationalisation de l'expression
référendaire en droit comparé, Tome 2, Thèse en cotutelle en vue de l’obtention du Doctorat en
droit, Université de Laval-Université de Paris 1Panthéon-Sorbonne, 2011, pp. 333-371
317
P. TAILLON, « Pour une redéfinition du référendum consultatif », In Revue internationale de
droit comparé, Vol. 59, N° 1,2007. pp. 143-155
139
Horizons du droit - Bulletin n°28, 2021
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populations n’est pas un avis conforme même si à certains égards il pourrait être
obligatoire. C’est pourquoi à la suite de Geneviève KOUBI l’on pourrait dire qu’elle
n’emporte pas décision et ne constitue qu’un cadre de réflexion pour le conseil
municipal qui doit le considérer comme un simple avis318. En tant que tel, il ne
peut faire l’objet de recours contentieux parce que ne faisant pas grief. Il n’est
donc pas surprenant qu’une tendance de la doctrine française pense que le juge
en rapport avec le référendum consultatif lui a octroyé une dimension sociale
illusoire319.
Le référendum décisionnel quant à lui, s’il aboutit à la création d’un acte normatif
directement exécutoire et contraignant, ne crée pas une norme immuable. En
d’autres termes, un acte insusceptible d’être modifié par les exécutifs locaux ou
les assemblées locales délibératives. Rien n’interdit en effet aux autorités locales
de modifier ultérieurement par voie réglementaire des normes adoptées par
référendum. Il s’agit là assurément d’un procédé de rationalisation de la portée
de l’expression référendaire320. Même si cela pose un réel problème de légitimité
démocratique, il reste que simple admission de cette possibilité limite fortement
la valeur du référendum.
Les constituants des États d’Afrique noire francophone peinent à intégrer ce
mécanisme de la démocratie directe dans les Constitutions. Ceux-ci optent pour
un modèle représentatif de la démocratie qu’ils posent comme postulat dans la
gestion des collectivités territoriales décentralisées. La jeunesse du processus
démocratique dans cet espace pourrait justifier cet état de choses. Et si au
regard de ce qui précède l’on pourrait être tenté de penser que le référendum
local ne traduit pas forcément une évolution de la démocratie locale et une
participation de fait des populations à l’élaboration des décisions au niveau local,
il reste que plusieurs arguments peuvent militer en faveur de l’introduction de ce
318
G. KOUBI, « Droit des collectivités territoriales et « référendum administratif local » »,
CURAPP/CRAPS, La démocratie locale. Représentation, participation et espace public, PUF,
1999, pp.197-217
319
Ibid.
320
P. TAILLON, LE RÉFÉRENDUM EXPRESSION DIRECTE DE LA SOUVERAINETÉ DU PEUPLE ?...,
Op.cit., p.443
140
Horizons du droit - Bulletin n°28, 2021
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321
F. HAMON, « Vox imperatoris, vox populi ? Réflexion sur la place du référendum dans un État
de droit » dans L'Etat de droit : Mélanges en l’honneur de Guy BRAIBANT, Paris, Dalloz, 1996,
pp. 389-402
322
R. CARRÉ DE MALBERG, « Considérations théoriques sur la combinaison du référendum avec
le parlementarisme », R.D.P, 1931, pp. 225-244
141
Horizons du droit - Bulletin n°28, 2021
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dans l’absolue de distinguer la volonté des uns et celle des autres323. Cependant,
le trop fort décalage qu’il y a de plus en plus entre la volonté des administrés et
celle exprimée par les élus locaux a fait naitre une forte méfiance qui grandit et
qui justifie la nécessité aujourd’hui de restaurer la confiance. Les consultations
référendaires participent donc de cet objectif en ce qu’elles mettent en évidence
un mécanisme utile à l’essor de la démocratie directe au niveau local (1) de même
qu’elles permettent une revalorisation de la place des citoyens dans la
démocratie locale (2).
323
M. PAOLETTI, La démocratie locale et le référendum : analyse de la démocratie locale à travers
la genèse institutionnelle du référendum, Paris, éditions L’Harmattan, 1997, p.23
324
Le Professeur Marion PAOLETTI parle du référendum comme étant à la fois un mécanisme de
participation et de décision. Voir M. PAOLETTI, « La pratique politique du référendum local : Une
exception banalisée », CRAPP/CRAPS, La démocratie locale. Représentation, participation et
espace public, PUF, 1999, pp.219-236
142
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participative ont été expérimentées325, il reste que les mécanismes ayant une
forte incidence sur la décision des autorités locales comme le référendum local
peinent encore à prendre corps dans cet espace.
La constitutionnalisation de ce procédé participatif dans les États d’Afrique noire
francophone enrichirait le cadre général de la démocratie locale en introduisant
un mécanisme fondamental de la démocratie directe. Le choix d’un mode de
participation citoyenne dans le cadre de la mise en œuvre de la démocratie
directe est loin d’être anodin, car la participation institutionnalisée conduit
potentiellement à une reformulation progressive des cadres d’exercice de la
citoyenneté. Or, si le mouvement de méfiance des gouvernants envers les
groupes est inquiétant, il faut aussi signaler que les groupes entretiennent à leur
tour des craintes à l’égard de toute récupération politique. La participation
publique est souvent une procédure démocratique réclamée par les groupes326
et permet de soustraire les décisions de l’influence arbitraire de certaines
factions. La constitutionnalisation du référendum local met en évidence un
mouvement qui vise clairement et efficacement à institutionnaliser la
participation citoyenne à la prise des décisions au niveau local. Il s’agit d’une
opération qui facilite le consensus en ce sens qu’au final, elle exprime l’adhésion
d’une majorité à une position bien déterminée. Ce qui en fin de compte renforce
la légitimité des actes des organes locaux et facilite leur implémentation. Ce
mécanisme de la démocratie participative se présente comme un moyen
d’amélioration de la gestion locale. À cet effet, il est porté par l’idée selon laquelle
pour mieux gérer les affaires locales, il faut le faire avec les citoyens. Comme
l’affirmait le Professeur Yves SINTOMER « Cela permet de mieux connaître les
besoins de la population, d’augmenter la communication entre élus et
administrés et entre techniciens et usagers, ainsi que d’intégrer les savoirs et les
compétences d’usage des habitants sur des problèmes qui les concernent
325
Notamment au Cameroun, la commune de Banganté à l’ouest du Cameroun pratique depuis
quelques années la logique du budget participatif.
326
L. BHERER, « La démocratie participative et la qualification citoyenne : à la frontière de la
société civile et de l’État », Nouvelles pratiques sociales, 18 (2), 2006, pp.24–38.
143
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directement. Les habitants ont des savoirs pratiques : où doit passer la ligne de
bus, ce qui convient le mieux pour les jeux d’enfants, quel carrefour est
dangereux, etc. La participation est un moyen d’accroître la transparence de
l’action publique et sa lisibilité par les usagers pour rompre avec la corruption,
rénover la qualité du service public, lever les soupçons de bureaucratie ou
d’inertie »327.
La nécessité d’inscrire le référendum local dans la constitution et non dans un
texte qui lui est inférieur tient en ce que sa constitutionnalisation permettrait de
lever des équivoques à la fois sur sa pertinence et sur son rapport avec l’option
des États pour la souveraineté nationale. En effet, la seule reconnaissance
législative de ce processus pourrait soulever des problèmes du point de vue de
sa constitutionnalité dans la mesure où il s’opposerait à l’interdiction d’exercice
de la souveraineté par une fraction de la population328. À bien des égards,
l’opération à travers laquelle est requis l’avis du peuple à travers un référendum
local ou mieux, localisé, pourrait s’apparenter à l’admission du caractère divisible
de la composante démotique de l’État329. Dans ce contexte l’absence de
constitutionnalisation du référendum local pourrait justifier des procédés de
rationalisation de sa portée par l’intervention du juge constitutionnel qui pourrait
déclarer l’inconstitutionnalité du procédé ou par les autorités locales qui
pourraient en limiter l’utilisation. Dans le rapport démocratie représentative et
démocratie participative, l’accession à la dignité constitutionnelle du procédé
constitutionnel au niveau local participerait à consolider la légitimité de cet
instrument. C’est ce que le premier Ministre français Jean Pierre RAFFARIN
défendait lorsqu’il affirmait que « nous sommes attachés au référendum
327
Y. SINTOMER, « Les enjeux et attentes d’une démocratie participative », Territoires, n° spécial
Conseils de quartier, modes d’emploi, 2° éd., octobre 2003, p. 137-141.
328
Les États d’Afrique noire francophone ont quasiment tout consacré dans leur dispositif
constitutionnel que « la souveraineté nationale appartient au peuple camerounais qui l’exerce soit
par l’intermédiaire du Président de la République et des membres du Parlement, soit par voie de
référendum. Aucune fraction du peuple ni aucun individu ne peut s’en attribuer l’exercice ».
329
M. VERPEAUX, « Le « référendum local » et la Constitution », in Cahiers du Conseil
Constitutionnel, N°12, (DOSSIER : Le droit constitutionnel des collectivités territoriales) - MAI
2002, 6p.
144
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330
À la suite de Michel VERPEAUX, l’idée selon laquelle les collectivités locales s’administrent
librement par les conseils élus (idée présente par ailleurs dans les constitutions des États
d’Afrique noire francophone) traduit l’option des constituants pour la démocratie représentative
au niveau local.
331
J.-P. CHARBONNEAU, « De la démocratie sans le peuple à la démocratie avec le
peuple », Éthique publique [En ligne], vol. 7, n° 1 | 2005, mis en ligne le 12 novembre 2015,
consulté le 11 juin 2021.
332
B.-R. GUIMDO DONGMO, « Les bases constitutionnelles de la décentralisation au Cameroun
(Contribution à l’étude de l’émergence d’un droit constitutionnel des collectivités territoriales
décentralisées) », Revue générale de droit, 29(1),1998, pp. 79–100.
145
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L’enjeu majeur du référendum local est sans aucun doute le même que celui de
la démocratie locale dans sa dimension participative c'est-à-dire l’implication des
citoyens dans l’aménagement de leurs cadres de vie336 parce qu’il est important
que les habitants d’une collectivité soient considérés comme les experts de leur
cadre de vie parce qu’ils en connaissent les problèmes et doivent donc être mis
333
F. CROUZATIER-DURAND, « Deux révolutions dans l’évolution : référendum décisionnel local
et expérimentation normative locale », in DELVIT Philipe (dir.) Bicentenaire du département de
Tarn et Garonne : genèse, formation, permanence d’une trame administrative, Toulouse, PUSS,
2008, pp.457-468
334
Référendum local décisionnel et référendum local consultatif
335
Il s’agit ici de la distinction entre le référendum initié par les autorités locales et celui initié par
les citoyens.
336
M. VERPEAU, « « Référendum local » et la Constitution », Cahiers du Conseil Constitutionnel
n° 12 (dossier : le droit constitutionnel des collectivités territoriales) - mai 2002, 7p.
146
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337
A. VIOLA, « Le référendum local comme nouvel objet du droit constitutionnel », In : Les
nouveaux objets du Droit Constitutionnel, Presses de l'université Toulouse Capitole, 2005, p.
169-183
338
F. COOLS, « La démocratie participative, une opportunité pour encourager la participation des
personnes en situation d’exclusion », Think tank européen Pour la Solidarité, 2012, 10p.
339
Ibid.
147
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340
H. NEZ, « La professionnalisation et la politisation par la participation », Trajectoires d'individus
et de
collectifs à Paris et Cordoue, Revue internationale de politique comparée, 2013/4 Vol. 20, pp. 29-
53
148
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citoyen
341
M. ANK, « Les innovations dans la gouvernance démocratique - En quoi la participation
citoyenne
contribue-t-elle à l'amélioration de la démocratie ? », Revue Internationale des Sciences
Administratives,
2011/2 Vol. 77, p. 275-296
149
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342
L’administré dans sa stricte appréhension juridique est un sujet de droit, c'est-à-dire qu’il
« subit » le droit émanant exclusivement des autorités publiques. Le citoyen quant à lui est
titulaire à la fois de droits dont il peut se prévaloir à l’égard de l’administration et d’obligations qui
l’engage devant la société.
343
C. PREMAT, La pratique du référendum local en France et en Allemagne. Le moment
référendaire dans la temporalité démocratique, Sciences de l’Homme et Société, Université
Montesquieu - Bordeaux IV; Institut d’études politiques de Bordeaux, 2008, p. 491
344
Ibid., pp.491-493
150
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Administration : droits et attentes des citoyens, Paris, La Documentation française, 1998, p.58
151
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152
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contrainte346. C’est dire que lorsque les autorités locales y ont recours, cela
traduit aussi d’une certaine façon une volonté d’ouverture de l’administration. Le
référendum local peut donc être considéré comme un instrument de
rationalisation et de meilleur équilibre des pouvoirs publics347 en ce qu’il apporte
des tempéraments pertinents et utiles au pouvoir des représentants348. Il instaure
par conséquent un dialogue entre l’administration et les administrés dans la
perspective d’une meilleure gestion de la collectivité en obligeant les
administrations locales à s’ouvrir. Cette ouverture se traduit par le droit à
l’information qui oblige les autorités locales à mettre à la disposition des citoyens
toutes les informations susceptibles de leur permettre d’apprécier la trajectoire
administrative poursuivie par le procédé référendaire. Comme l’affirme Charles-
André DUBREUIL, ce droit est la condition sine qua non de l’adhésion populaire
aux politiques publiques locales. « Il est un préalable indispensable à l’exercice
de la démocratie locale puisque l’intérêt des citoyens pour les affaires locales ne
peut se développer qu’à compter du moment où ils en sont informés »349. Cela
suppose en réalité un droit d’accès aux documents administratifs municipaux,
départementaux ou régionaux en fonction des États. L’exercice de ce droit est
sans aucun doute tributaire de la volonté des autorités locales qui ont la charge
de mettre l’information à la disposition du public. Par ailleurs, en souscrivant à
l’organisation d’une consultation référendaire, les autorités locales manifestent
la volonté de connaître l’avis de leur population sur les politiques conduites ou
sur les projets qu’elles envisagent de mener. Aussi, le recueil des avis émis par
la population permet à la collectivité de s’assurer que les mesures qui seront
adoptées seront socialement acceptées et donneront lieu à une application
346
A. VIOLA, « Le référendum local comme nouvel objet du droit constitutionnel », op.cit.
347
J.-M. SAUVE, « Référendum et démocratie », Théorie et pratiques du référendum, colloque
organisé par la société de législation comparée, 4 novembre 2011, 10p.
348
Ibid.
349
Ch.-A. DUBREUIL, « Réflexions sur la démocratie locale en France », Siècles [En ligne], 37 |
2013, mis en ligne le 11 décembre 2013, consulté le 15 juin 2021, URL :
http://journals.openedition.org/siècles/1225
153
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L’idée qui sous-tend le raisonnement ici est celle de connaitre les attentes des
citoyens pour élaborer des solutions adaptées. Comme l’affirmait le Professeur
Christophe PREMAT, « Il faut partir de l’expérience d’usager, c’est-à-dire qu’il
faut prendre en compte le regard de l’habitant comme citoyen vivant dans un
espace donné et non comme consommateur de politiques publiques. Ce regard
est aussi légitime que n’importe quelle autre vision d’un territoire. L’habitant a
350
Ibid.
351
F. PINEL, La participation du citoyen à la décision administrative, Thèse de Doctorat en droit,
Université de Renne 1, 2018, p.284
352
Il s’agit entre autres de l’article 13 de la loi n° 2004/017 du 22 juillet 2004 portant orientation
de la décentralisation au Cameroun qui dispose que : « (1) Toute personne physique ou morale
peut formuler, à l'intention de l'exécutif régional ou communal, toutes propositions tendant à
impulser le développement de la collectivité territoriale concernée et/ou à améliorer son
fonctionnement.
(2) Tout habitant ou contribuable d'une collectivité territoriale peut, à ses frais, demander
communication ou prendre copie totale ou partielle des procès-verbaux du conseil régional ou
du conseil municipal, des budgets, comptes ou arrêtés revêtant un caractère réglementaire,
suivant des modalités fixées par voie réglementaire ». Des articles 16 à 19 de la loi n° 2007/011
du 13 mars 2007 relative à la décentralisation et aux libertés locales du Togo, des articles 6 et
suivant de la loi n°2013/10 du 28 décembre 2013 portant code général des collectivités locales
du Sénégal…
154
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353
C. PREMAT, La pratique du référendum local en France et en Allemagne. Le moment
référendaire dans la temporalité démocratique, Op.cit., p.430
354
L. QUESNEL, « Les moyens de la démocratie locale : les conseils de quartier », Actes du 20è
Congrès du CARNACQ (Amiens, 1996), pp. 15-23
155
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Ainsi, tous les citoyens désireux de s’impliquer dans des initiatives d’intérêt
commun ou dans des projets plus ambitieux doivent être entendus et soutenus.
La non-prise en considération des exigences des populations locales entraine
très souvent une mauvaise implémentation des politiques locales car les
administrés ne se sentent pas solidaires des projets politiques des élus locaux.
Le référendum local dans sa mise en œuvre mobilise donc un ensemble de
procédés visant à informer, à consulter et à prendre en compte les avis émis par
les populations. Ce mécanisme véhicule en lui-même des exigences dont la prise
en compte est nécessaire au bon déroulement du processus. De façon générale,
355
F. RANGEON, « Les comités de quartier, instruments de démocratie locale ? »,
CURAPP/CR4PS, La démocratie locale. Représentation, participation et espace public, PUF, 1999,
pp.329-345
356
G. KOUBI, « Démocratie locale et pluralisme socioculturel », Science de la société, Les Cahiers
du LERASS, n° 31, 1994, pp. 69-181
156
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Au final, n’étant pas encore expérimenté dans le paysage juridique des États
d’Afrique noire francophone, les arguments sus développés en rapport avec le
référendum local avaient pour ambition de décliner et comprendre les avantages
et les inconvénients cette modalité particulière de la démocratie directe en vue
d’envisager dans ce contexte un procédé de constitutionnalisation. De ces
développements, l’on peut se rendre compte qu’une forte suspicion pèse sur le
référendum local à cause des présomptions de manipulations auxquelles il peut
faire l’objet. Bien plus, l’on continue à s’interroger sur son réel apport à
l’implication des citoyens au cœur de ce processus. Cependant, si des arguments
357
F. PINEL, La participation du citoyen…, op.cit., p.369
157
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158
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CAMEROUN, SOURCES
D’ATTRACTIVITÉ : MYTHE OU
REALITÉ ?
Université de Yaoundé II
____________________
159
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RESUME
160
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358
CORNU Gérard, Vocabulaire Juridique, Association Henri Capitant, 11ème édition, PUF, 2016, p.
1034.
359
Les traités servent à la couverture et à la prise en charge des investisseurs, au recours à des
modes de financement des investissements adaptés ainsi qu’aux règlements des différends par
le biais de l’arbitrage.
360
MANCIAUX (S.), « Que disent les textes OHADA en matière d’investissement », in revue de
l’ERSUMA, no 1, juin 2012, p. 3.
161
Horizons du droit - Bulletin n°28, 2021
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361
MOULOUL (A.), opt. cit, p 11.
362
HARRISON (A.), DALKIRAM (E.), ELSEY (E.), Business international et mondialisation, Vers une
nouvelle Europe, de Boeck, 2004, p. 321.
363
OCDE, Définition de référence de l’OCDE des investissements directs internationaux, http :
//www.oecd.org/fr/industrie/inv/statistiquesetanalysesdelinvestissement/40632182.pdf, 4ème
édition, 2008.
364
La première version de la Définition de référence de l’investissement direct international a été
publiée en 1983, elle porte sur les statistiques de l’IDI retraçant les positions d’investissement
162
Horizons du droit - Bulletin n°28, 2021
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direct ainsi que les opérations financières et les transferts des revenus (flux) correspondants.
Elle présente également succinctement la méthodologie utilisée pour établir les statistiques sur
les activités des entreprises multinationales (AEMN) Enfin, en termes de précision et de
ventilations, elle va au-delà des statistiques agrégées de la catégorie fonctionnelle «
investissement direct » du compte financier de la balance des paiements et de la position
extérieure globale. (SOURCE OCDE).
365
Définition tirée du site de l’OCDE, 1.4 : Panorama des concepts de l’investissement direct
international, lien /
http://www.oecd.org/fr/daf/inv/statistiquesetanalysesdelinvestissement/40632182.pdf
366
www.banquemondiale.com
367
Article 4 de la charte des investissements du Cameroun de 2002, Loi n° 2002-004 du 19 avril
2002, modifiée par la loi n° 2004-20 du 22 juillet 2004 et par l’ordonnance n° 2009-001 du 13
mai 2009.
163
Horizons du droit - Bulletin n°28, 2021
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368
CEEAC, CEMAC, OAPI, CIMA, ZLEC dans le cadre sous régional et régional ; AMGI, l’accord de
partenariat ACP-UE, FED, CIPRES, CNUDCI, FMI, BANQUE Mondiale, CCI, UNIDROIT, CIRDI, OMC,
OMD, OMPI dans le cadre international.
369
Tels que l’accord avec le gouvernement de la République de Romanie, relatif à la promotion et
à la protection réciproque des investissements Bucarest 29 Janvier 1998, l’accord entre le
gouvernement de la République de Maurice et le gouvernement de la République du Cameroun
relatif à la promotion et la protection réciproque des investissements, Yaoundé 03 Mai 2001. La
Turquie, la Guinée Équatoriale, l’UE, la loi N° 2019/002 du 25 avril 2019 autorisant le président à
ratifier l’accord entre le gouvernement de la République du Cameroun et le gouvernement de la
République socialiste du Vietnam relatif à l’exemption de visa.
370
AUDIT (M.), BOLLEE (S.), CALLEE (P.), Droit du Commerce International et des investissements
étrangers, 2ème édition, Paris, LGDJ, 2016, p. 249.
371
ACCAOUI LORFING (P.), « L’évolution des contrats d’État des années 60 jusqu’à nos jours », in
RDAI, 2017, n° 5, p. 393 et s.
164
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372
JACQUET (J.M.), DELEBECQUE (Ph.), CORNELOUP (S.), Droit du commerce international, 1ère
édition, Paris, Dalloz, 2007, p. 552.
373
LAVIEC (I.P.), La promotion et la protection conventionnelle des investissements étrangers,
Thèse de doctorat, IUHEI, 1974, p. 243.
165
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(B) des investissements effectués par les nationaux de chaque partie sur le
territoire de l’autre partie.
CONVENTIONS INTERNATIONALES
374
SALEM (M.), « Le développement de la protection conventionnelle des investissements
étrangers », JDI, 1986, p. 579 et s.
166
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Dans le modèle français des TBI de 2006, signé entre plusieurs pays de la
zone franc dont le Cameroun, une liste des versements pour lesquels le libre
transfert est accordé a été dressée. Il s’agit : des intérêts, dividendes, bénéfices
et autres revenues courants ; des redevances découlant des droits incorporels ;
des versements effectués pour le remboursement des emprunts régulièrement
contractés ; du produit de la cession ou de la liquidation totale ou partielle de
l’investissement, y compris les plus-values du capital investi et des indemnités
de dépossession ou des pertes faisant suite à une nationalisation ou une
expropriation. Cependant, un transfert important de capitaux vers l’étranger ou
en provenance de celui-ci pouvant entraîner de lourdes conséquences sur la
balance des paiements de l’État d’accueil, les TBI prévoient parfois la possibilité
pour l’État d’accueil de prendre des mesures de sauvegarde en cas de
circonstances économiques graves, afin d’interrompre l’entrée ou la sortie de
fonds sur son territoire.
Par exemple, grâce au TBI ratifié entre le Cameroun et la France, le stock
des IDE français au Cameroun a franchi la barre des 500 millions d’euro en 2009
pour atteindre environ 658 millions d’euro en 2012375. Le Cameroun est ainsi
devenu le 3ème pays de destination des IDE français en Afrique centrale. La
Banque de France comptabilise les flux et stocks d’IDE français en termes des
avoirs nets français dans le pays376 ; elle estime à environ 280 millions d’euro les
retraits d’IDE français dans le secteur pétrolier camerounais en 2012377 pour être
réorientés. Les trois années précédant l’année 2012 ont été marquées par un
retrait des investissements français du secteur pétrolier, qui était pourtant le
375
Page d'accueil du site de la Banque de France consacrée aux IDE (archive
http://archive.wikiwix.com/cache/?url=http://www.banque-
france.fr/fr/statistiques/economie/economiebalance/investissements-
directs.htm&title=lire%20en%20ligne
376
Page d'accueil du site de la Banque de France consacrée aux IDE (archive
http://archive.wikiwix.com/cache/?url=http://www.banque-
france.fr/fr/statistiques/economie/economiebalance/
investissements-directs.htm&title=lire%20en%20ligne
377
L’investissement direct étranger au Cameroun en 2012, Ambassade de France au Cameroun,
service régional économique.
167
Horizons du droit - Bulletin n°28, 2021
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principal bénéficiaire des IDE français au Cameroun il y a dix ans. Les IDE français
sont de plus en plus orientés vers les activités de services au Cameroun.
L’année 2011 fut le point d’orgue du phénomène avec le retrait du groupe
français TOTAL E&P de l’activité d’exploitation pétrolière. À l’inverse, les
investisseurs français sont de plus en plus présents dans l’industrie
agroalimentaire, qui a bénéficié d’environ 105 millions d’euro d’investissements
nets français en 2012. Le secteur tertiaire se taille la part du lion dans les entrées
d’IDE français au Cameroun au cours de ces dernières années. Les principales
branches concernées sont la construction, le commerce et la distribution, la
banque ainsi que le transport et ses activités connexes. En 2012, ces quatre
branches représentaient à elles seules environ 63% du stock des IDE français au
Cameroun378.
En 2018, les opérations financières intra-groupes entre la France et
Cameroun ont concerné les secteurs de la construction, du commerce, des
industries alimentaires et des transports. Presque tous les secteurs d’activités
ont profité des bénéfices réinvestis. Les perspectives s’annoncent intéressantes
pour les secteurs liés aux grands projets, comme la filière gaz qui devrait
bénéficier de près de 5 milliards de dollars d’investissement pour la construction
d’une usine de liquéfaction par GDF Suez. La France379 demeure ainsi le principal
pays dont sont originaires la plupart des investisseurs privés étrangers au
Cameroun devant les États-Unis et d’autres pays européens comme le Royaume
Uni et l’Italie. L’absence d’une ventilation des données d’IDE par origine
géographique limite l’analyse du niveau et de l’évolution de la part de chacun de
ces investisseurs.
378
L’investissement direct étranger au Cameroun en 2012, Ambassade de France au Cameroun,
service régional économique
379
On dénombre une centaine de filiales d’entreprises françaises au Cameroun ; quelques-unes
des principales sont : PERENCO dans l’exploitation pétrolière, COMPAGNIE FRUITIERE, SOMDIA
et CASTEL dans l’agroalimentaire, ROUGIER ET PASQUET dans le bois, VINCI, FAYAT et
BOUYGUES dans les BTP, SOCIÉTÉ GÉNÉRALE et BANQUE POPULAIRE – CAISSE D’ÉPARGNE
dans la Banque, CFAO – racheté en cours d’année par le japonais TOYOTA TSUSHO Corp. et
TOTAL dans la distribution, BOLLORÉ et AIR France dans le transport entre autres.
168
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380
CARREAU (D.), JUILLARD (P.), Droit international économique, 3ème édition, Paris, Dalloz, 2007,
p. 528
169
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382
HORCHANI (F.), « Le droit international de l’investissement à l’heure de la mondialisation », in
JDI, 2004, p. 367 et s.
170
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383
AUDIT (M.), BOLLEE (S.), CALLEE (P.), opt. cit., p. 260.
171
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d’accueil et les investisseurs. En effet, sachant que l’État doit collaborer permet
aux investisseurs de mener leurs activités en toute quiétude. Toutefois, un tel
devoir connaît des limites qui tiennent aux attentes raisonnables des parties ;
car, les investissements doivent être protégés des mesures unilatérales de l’État
d’accueil.
CONVENTIONS INTERNATIONALES
Ici, c’est l’idée de sécurité qui est visée, car elle est constituée d’un
ensemble de traités qui ont pour objectif de garantir les investisseurs contre
certains risques sociaux, politiques, commerciaux et même économiques. Pour
mieux protéger les investissements privés c’est-à-dire pour faire du Cameroun
une terre d’attractivité, l’État a ratifié plusieurs conventions multilatérales de
protection et de garantie des investissements384. En réalité, un pays est
réellement attractif lorsque les aspects juridique et judiciaire sont garantis
concourant ainsi à la sécurisation des investissements. Comme l’expriment D.
Carreau et P. Julliard, la sécurisation des investissements se définit comme
l’ensemble des principes et des règles de droit international, comme de droit
interne qui ont pour objet ou pour effet d’empêcher ou de réprimer toute atteinte
publique à l’existence ou à la consistance de l’investissement international385.
C’est en fait cet objectif que poursuit l’ensemble des traités relatifs aux
investissements privés. Cela est matérialisé par la garantie multilatérale des
investissements par l’AMGI (1), et le règlement international des différends
relatifs aux investissements (2).
384
Convention de Séoul créant l’AMGI, la convention de Washington créant le CIRDI
385
CARREAU (D.) et JUILLARD (P.), opt. cit., p. 625.
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Bien que l’idée d’un tel projet ait été émise immédiatement après la
seconde Guerre Mondiale, la convention de Séoul portant création de l’Agence
multilatérale de garantie des investissements n’a été ouverte à la signature que
le 12 octobre 1985, et celle-ci est entrée en fonction le 12 avril 1988. L’agence
multilatérale dont le siège est à Washington est une organisation autonome qui
jouit de la personnalité de droit international et d’une autonomie financière. Son
capital autorisé est à l’origine d’un milliard de droits de tirage spéciaux (DTS),
divisé en cent mille actions d’une valeur de dix mille droits de tirage spéciaux. Il
est souscrit par les États membres. Ceux-ci sont scindés en deux catégories : la
première est constituée des pays développés qui collectivement doivent
souscrire 60% du capital ; la seconde regroupe les pays en voie de
développement qui, collectivement doivent souscrire 40% du capital386.
Depuis sa création, l’AMGI a émis plus de 27 milliards de dollars de
garanties (assurance contre les risques politiques) à l’appui de plus de 700
projets dans une centaine de pays en développement dont le Cameroun. Son
portefeuille actuel est estimé à plus de 10 milliards de dollars387. La délivrance de
la garantie ici comme ailleurs se matérialise par la conclusion d’un contrat de
garantie. Pour être éligible à la garantie de l’Agence multilatérale, un investisseur
personne morale ou personne physique doit avoir la nationalité de l’un des États
membres autre que celui d’accueil de son investissement388. L’État d’accueil doit
également appartenir à la catégorie des États en développement membres de
l’Agence389. En outre, il doit avoir donné son accord à la réalisation de
l’investissement390.
Cependant, le contrat ne saurait en aucun cas garantir la totalité de
l’investissement ; il conditionne les investisseurs à épuiser les recours
386
CARREAU (D.), JUILLARD (P.), opt. cit. p. 528.
387
www.miga.org
388
Article 13 de la convention de Séoul de 1985.
389
Article 14 de la convention de Séoul de 1985.
390
Article 15 de la convention de Séoul de 1985.
173
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391
CARREAU (D.), JUILLARD (P.), opt. cit., p. 526.
392
Article 12 de la convention de Séoul de 1985.
393
CORNU (G.), Vocabulaire juridique, Association Henri Capitant, 11ème édition mise à jour, PUF,
2017, p. 932.
394
Article 11 de la Convention de Séoul de 1985.
395
ARNAUD DE NANTEUIL, Droit International de l’Investissement, 2ème édition, Paris, édition A.
PEDONE 2017, p. 406.
174
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396
Les fonds fiduciaires de parrainage représentent les capitaux versés à l’AMGI par les États
parties ou un investisseur dans un but de promotion et d’encouragement des investissements
397
CORNU (G.), Vocabulaire juridique, Association Henri Capitant, 7ème édition, 2005, p. 404.
398
CARREAU (D.), JUILLARD (P.), opt. cit., p. 525.
175
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399
Lexique des termes juridiques, 19ème édition, Paris, Dalloz, 2012, p. 409.
400
Article 58 de la convention de Séoul de 1985.
176
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NORMATIF DE L’ÉTAT
Au fur et à mesure que s’étoffent les règles, prisent dans le cadre d’ordres
juridiques nationaux, ou prises au niveau interétatique, qui manifestent la volonté
des États de lutter contre les phénomènes qui parasitent ou minent sourdement
l’investissement privé401, il devient de plus en plus difficile pour les États de
conserver leur pouvoir normatif. En effet, une conception élargie des intérêts de
l’investissement privé s’impose désormais à tel point que, les préoccupations
éthiques qui sont à la base de bien de règles adoptées et mises en œuvre par les
États, doivent intégrer les conventions internationales ratifiées par l’État. Ces
bouleversements juridiques ont pour conséquence la soumission de l’État aux
normes internationales (A) et l’éviction du pouvoir normatif de l’État (B).
401
JACQUET (J.M.), DELEBECQUE (Ph.), CORNELOUP (S.), opt. cit. p. 82.
402
JACQUET (J.M.), DELEBECQUE (Ph.), CORNELOUP (S.), opt. cit. p. 42.
178
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investissements
403
JACQUET (J.M.), DELEBECQUE (Ph.), CORNELOUP (S.), opt. cit., p. 543.
404
AUDIT (M.), BOLLEE (S.), CALLEE (P.), Op. cit., p. 250.
405
Sentence CIRDI, 26 Juin 2003, LOEWEN Group and R.L. Loewen c/ United States, ARB
(AF)/98/3 JDI 2004. Obs, E. GAILLARD, P. 219.
406
Sentence CIRDI, 12 Avril 2002, Middle East Cement Shipping and Handling co. c/ Egypte, ARB
/99/6, Para. 143, ICSID Rev, 2003, p. 602.
179
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407
Sur cet aspect particulier des atteintes légitimes, v. M. REISMAN, M. H. ARSANIANI, « The
Question of Unilateral Governmental Statements an Applicable law in Investment Disputes »
ICSID Rev., 2004, p. 328-341.
408
AUDIT (M.), BOLLEE (S.), CALLEE (P.), Op. cit., p. 251.
409
AUDIT (M.), BOLLEE (S.), CALLEE (P.), op. cit., p. 252.
410
JACQUET (J.M.), DELEBECQUE (Ph.), CORNELOUP (S.), opt. cit., p. 555.
411
CARREAU (D.), JUILLARD (P.), Droit International économique, 5ème édition, Paris, Dalloz, 2013,
p. 208.
180
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412
Sentence ad hoc (NAFTA Régl. CNUDCI), 13 Nov. 2000 (1ère sentence partielle). LM, 2001
Para. 250. Pour une position plus restrictive fondée sur une comparaison entre investissements
relevant exactement du même secteur, sent. CIRDI (NAFTA), 16 déc. 2002 (fond) Marvin Ray
Feldman Karpa c/ Mexique, n° ARB (AF)/99/1, Para. 171.
413
JACQUET (J. M.) opt. Cit., p. 556.
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l’État A414. Par ailleurs, au-delà des éventuelles précisions textuelles, ce sont les
décisions substantielles de protection de l’investisseur ou de son investissement
qui sont aux premièrs chefs invoquées. Ainsi, sur le fondement de la clause de la
nation la plus favorisée visée dans le TBI conclu entre son État d’origine un
investisseur pourra bénéficier d’un mode d’évaluation de son préjudice plus
favorable tiré d’un autre TBI conclu par l’État d’accueil415.
414
JACQUET (J.M.), DELEBECQUE (Ph.), CORNELOUP (S.), opt. cit., p. 556.
415
Le principe en droit international de l’investissement voudrait que La latitude soit donnée aux
investisseurs de rechercher tous les voies et moyens qui leur permettront de protéger au mieux
leurs investissements.
182
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La rupture des relations économiques est très fréquente dans le cadre des
relations économiques internationales, lorsqu’un État partie à un TBI ou TMI ne
respecte pas les règles substantielles de traitement des investissements de ses
partenaires, il peut se retrouver isolé du groupe. En d’autres termes, ceux-ci
peuvent prendre des mesures strictes qui conduisent le plus souvent à la rupture
de toutes relations économiques avec ce dernier. Celle-ci entraine parfois la
résiliation unilatérale des TBI et des contrats signés dans le cadre de ces TBI par
l’État dont les investissements de leurs ressortissants ont subi des dommages416.
En d’autres termes, la rupture des relations économiques concerne beaucoup
plus les États. Cela se manifeste généralement par l’interdiction stricte et
formelle aux potentiels investisseurs ressortissants de son pays d’investir dans
ledit État.
En tout état de cause, la principale conséquence de la rupture des
relations économiques est manifestée par les pertes financières. Lors de la
réalisation d’un investissement, des fonds sont alloués à l’investisseur soit par
les banques, soit par son État d’origine en prévision de bénéfices417. Les pertes
financières enregistrées touchent aussi l’investisseur qui a forcément bâti des
locaux pour accueillir son investissement, fait des installations électriques et
d’eau pour un certain confort. Lorsque l’État d’accueil ne respecte pas ses
engagements, l’investisseur étranger ne pourra plus investir ses capitaux ou les
retirer si les a déjà investis. Le non-investissement ou le retrait de ces capitaux
constitue des pertes financières énormes pour l’État d’accueil ; car, le
recrutement de la main d’œuvre locale aurait entrainé une baisse du taux de
chômage, une augmentation du taux de croissance et une consommation accrue.
Les conventions internationales empêchent aussi les États à légiférer à tout bout
de champ.
416
AUDIT (M.), BOLLEE (S.), CALLEE (P.), opt cit., p. 256.
417
CARREAU (D.), JUILLARD (P.), opt. cit., p. 208.
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418
Article 45 de la Constitution du Cameroun de 1996 modifiée en 2008.
419
Article 43 de la Constitution de 1996 modifiée en 2008.
184
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soit totalement privée d’effet ; cela veut simplement dire que la convention
fiscale fait obstacle à l’application de la loi fiscale interne dans certains cas
surtout en matière de restitution d’impôt. Il s’agit d’un problème structurel qui
surgit en raison de l’absence d’harmonisation des droits fiscaux et du caractère
unilatéraliste du droit fiscal car, chaque ordre juridique entend déterminer ses
sujets fiscaux et le fait générateur des impôts, en faisant abstraction des ordres
étrangers.
Les conventions fiscales internationales permettent de lutter contre la
double imposition. Concrètement, la double imposition juridique se présente, par
exemple, lorsque deux États considèrent qu’une même personne est fiscalement
résidente de chacun d’eux420. Il existe dans la pratique, deux types de double
imposition : la double imposition juridique qui surgit lorsqu’une personne est
imposée deux fois en raison du même revenu421 et la double imposition
économique qui apparait lorsque deux personnes différentes à raison d’un même
flux financier ou d’un même générateur d’imposition sont imposées. Elles se
retrouvent alors imposées deux fois en raison de l’ensemble de leurs revenus. Ce
dernier cas illustre un exemple de conflit entre l’État de la résidence du titulaire
du revenu et l’État de la source du revenu.
En outre, les conventions fiscales contiennent généralement la clause de
non-discrimination422 en vertu de laquelle, tous les résidents de l’État contractant
devraient pouvoir bénéficier de l’existence d’une convention fiscale
internationale ratifiée par son pays. Elles disposent également de la clause
prévoyant la mise en place d’une procédure amiable de règlement de différends
entre États quant à l’application et à l’interprétation des conventions423. Elles
contiennent également la clause d’échange de renseignements entre autorités
420
GUTMANN (D.), Droit fiscal des affaires, 5ème édition, Paris, LGDJ, 2014, p. 45.
421
La définition donnée par le premier paragraphe du commentaire du modèle de l’OCDE est plus
précise. Selon cette source, la double imposition juridique internationale peut être définie d’une
manière générale comme « l’application d’impôts comparables dans deux ou plusieurs États au
même contribuable, pour le même fait générateur et pour des périodes identiques ».
422
Article 24 du modèle OCDE.
423
Article 24 du modèle OCDE.
185
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424
Pour un bilan d’étape v. les actes du colloque organisé par l’École de droit de la Sorbonne le
15 juin : « La nouvelle coopération fiscale internationale, Dr. Fisc. 2010, n° 42-43, éd. 531.
425
OCDE, l’ « expropriation indirecte » et le « droit de règlement » dans le droit international des
investissements, 2 Septembre 2004, p. 24, w.w.w.Ocde.com.
426
Imposition prohibitive des bénéficies, vente forcée des biens aux nationaux, affaiblissement
des droits de gestion consécutif au capital détenu etc.
186
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avec profit, affectant ainsi la valeur de la propriété427. Une autre forme d’atteinte
est matérialisée par les nationalisations rampantes ; se résumant à des
tracasseries administratives imposées par l’État d’accueil des investissements428.
Les TBI servent donc d’une part, à l’encadrement des nationalisations et
expropriations. Dans les deux cas, il s’agit de transférer un droit de propriété
détenu par une personne privée vers une collectivité publique ; ou
éventuellement autoritairement imposé par l’État vers une autre personne
privée429. Toutefois, des conditions sont requises pour procéder à une
expropriation ou à une nationalisation ; celles retenues sont la conformité à
l’utilité publique et la non-discrimination. En réalité, la conformité à l’utilité
publique est une exigence ancienne, dont les origines sont à rechercher dans le
droit international coutumier.
La résolution 1803 (XVII) de l’Assemblée générale des Nations Unies
prévoyait ainsi que « la nationalisation, l’expropriation ou la réquisition devront
se fonder sur des raisons ou des motifs d’utilité publique, de sécurité ou d’intérêt
national, reconnus comme primant sur les simples intérêts particuliers ou privées
tant nationaux qu’étrangers »430. Allant dans le même sens, l’article 6 alinéa 2 du
modèle français de TBI de 2006 signé avec le Cameroun prévoit que, les États
parties ne doivent pas prendre de mesures d’expropriation ou de nationalisation
ou toutes autres mesures dont l’effet est de déposséder directement ou
indirectement les nationaux et sociétés étrangères de l’autre État partie des
investissements leur appartenant sur leur territoire. À cet effet, « si ce n’est pour
cause d’utilité publique et à condition que ces mesures ne soient ni
discriminatoires ni contraires à un engagement particulier ».
427
Restriction d’importation des matières premières, imposition de techniques de restriction de
la production, législation du travail appliquée abusivement, et règles protection de
l’environnement inadéquates etc.
428
NTSAMO FOULEFACK (M. A.), La protection des investissements étrangers au Cameroun,
Mémoire de Master, Université de Yaoundé II, 2006, p. 22.
429
Lexique des termes juridiques, 19ème édition, Paris, Dalloz, 2012.
430
Résolution des NU, doc A/ 5217/1962, article 2.
187
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431
Article IV, alinéa 1 des Principes directeurs de la Banque Mondiale pour le traitement de
l’investissement étranger.
432
GUTMAN (D), opt. cit., p. 321.
433
Pertes subies.
434
Manque à gagner.
188
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CONCLUSION
435
CARREAU (D.), JUILLARD (P.), Droit international économique, 3ème édition, Paris, Dalloz, 2007,
p. 552.
436
Cet accord de surcroît fera des droits ; pas d’interposition de l’État protégeant, pas de
répartition entre la masse des créanciers indemnitaires. Par ailleurs, rien n’empêche la victime de
la mesure d’expropriation ou de nationalisation d’enrôler discrètement à ses côtés, dans la
négociation internationale, l’État elle est ressortissante
189
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que, les conventions internationales ou les traités révèlent les grands problèmes
du droit de l’investissement privé international et leur apportent en même temps
divers éléments de solution.
190
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INSTITUTIONS PRIVÉES
Université de Yaoundé II
____________________
437
Ce thème présenté dans le cadre du séminaire sur les revenus des universités issus de
l’emprunt, des dons et legs et du partenariat des universités d’Etat avec les institutions privées
d’enseignement supérieur (MINESUP, Yaoundé, 16 mars 2021) a été enrichi en vue de sa
publication sous forme d’article.
191
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438
Article 1 (2) Loi n° 2001/005 du 16 avril 2001 portant orientation de l’enseignement supérieur.
192
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193
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Dans leur quête du savoir, les étudiants ont besoin de sérénité pour recevoir
la formation continue à laquelle ils ont droit tout au long de la période prévue à
cet effet. Il s’ensuit que la personnalité juridique d’emprunt, reconnue aux
institutions privées d’enseignement supérieur, est de nature à entraîner
d’éventuels blocages susceptibles de perturber la mise à disposition de l’offre de
formation aux étudiants et élèves, en cas de perte de la personnalité de son
promoteur. En effet, si au regard des dispositions législatives, cette possibilité
195
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197
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Au-delà de cette réalité qui semble présenter une garantie de stabilité des
IPES ayant pour promoteur des personnes morales de droit privé, il reste que,
même dans ce cas, des vicissitudes autres que celles liées aux IPES ayant pour
promoteur une personne physique, existent. Aux termes de l’article 22 (1) de la
loi portant orientation de l’enseignement secondaire relayé par l’article 5 (1) du
décret fixant les règles communes applicables aux IPES, « les institutions sont
créées à l’initiative des personnes (…) morales privées (…) ». Par cette
disposition, le législateur n’octroie pas le statut de personne morale aux IPES;
celles-ci étant toujours liées à l’existence des personnes morales privées qui les
ont créées.
En outre, le législateur ne limite pas la qualité de personne morale
pouvant initier la création d’une IPES et n’attribue pas non plus un caractère
spécial à l’activité de fourniture des services de formation et d’enseignement
post-secondaire. Ainsi, il est possible pour toute association, société civile,
société coopérative ou société commerciale, d’initier, parallèlement à ses
activités, la création d’une institution privée d’enseignement supérieur. En
raison de ses activités diverses, la personne morale à travers laquelle l’IPES tient
son existence juridique, n’est pas à l’abri d’une perte de personnalité juridique
consécutivement, et selon le cas, à une dissolution de
l’association promotrice de l’IPES, à une rupture du contrat de société ou à une
ouverture de procédure collective d’apurement du passif. Cette perte de
personnalité juridique qui peut découler d’une activité extra-académique de la
personne morale, est de nature à porter atteinte à la stabilité de l’institution et à
créer une perturbation dans la formation des étudiants ; encore que ces derniers
ne soient pas épargnés des conséquences de la gestion patrimoniale du
promoteur de l’institution en raison de l’unicité du patrimoine.
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promoteur et de l’IPES
439
G. CORNU, Vocabulaire juridique, PUF, 9ème éd., 2011, p. 738.
440
« La propriété est le droit de jouir et disposer des choses de la manière la plus absolue, pourvu
qu’on n’en fasse pas un usage prohibé par les lois ou par les règlements » : article 544 Code civil.
199
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morale privée (A). Cette consécration aura pour effet de préserver les intérêts
des étudiants au sein des IPES, dans la mesure où elle viendra renforcer non
seulement la stabilité de leur gestion, mais aussi, leur indépendance par rapport
à leur promoteur du fait de la séparation de patrimoines (B).
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l’ignorer compte tenu des circonstances441. En outre, l’IPES sera à l’abri de tout
acte de recouvrement de créances initié par les créanciers de ses promoteurs et
dirigeants du moment que leurs créances n’auront aucun lien avec le
fonctionnement et le développement de l’IPES. Ainsi, dans leur besoin
d’enseignement et de formation, les étudiants et élèves des IPES pourront alors
bénéficier d’institutions jouissant d’une véritable stabilité dans leur gestion.
CONCLUSION
441
Selon les dispositions de l’article 122 de l’Acte uniforme relatif au droit des sociétés
commerciales et du GIE, « la société est engagée par les actes des organes de gestion, de
direction et d’administration qui ne relèvent pas de l’objet social, à moins qu’elle ne prouve que
le tiers savait que l’acte dépassait cet objet ou qu’il ne pouvait l’ignorer compte tenu des
circonstances, sans que la seule publication des statuts suffise à constituer cette preuve ».
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____________________
442
agadaafouaga@yahoo.fr
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Résumé
La raison de l’adoption du budget axé sur les résultats est de venir à bout des
insuffisances du budget annuel traditionnel par poste (ou fondé sur les moyens),
notamment son absence d’orientation sur les buts des dépenses publiques. Le
passage au système de Budget Programme de Performance (BPP) vise à achever
une plus grande clarté sur les liens entre les intrants, les extrants et les résultats,
et à fournir un outil de prise de décision budgétaire en fonction des informations
sur les performances disponibles. Ainsi, en rendant explicite les objectifs et les
résultats des dépenses budgétaires, les assemblées législatives et les citoyens
peuvent demander des comptes aux responsables de programmes budgétaires.
Par rapport au budget traditionnel par poste, le système de BPP est perçu comme
: garantissant l’obligation de rendre compte, le gouvernement doit assurer aux
contribuables que les ressources publiques sont allouées, dépensées et gérées
avec efficience et selon les objectifs pour lesquelles elles ont été votées,
améliorant ainsi les résultats budgétaires, l’affectation des ressources et la
gestion. Les fonctionnaires doivent assurer l’optimisation des ressources et
veiller à ce que les dépenses soient effectives (des CDMT peuvent être adoptés
pour améliorer la planification au-delà du budget annuel) ; et, renforçant
l’efficience de la prestation de services. L’élaboration du budget-programme (ou
encore budgétisation par programme ou axée sur les programmes) est une forme
de budgétisation axée sur les performances dans laquelle les dépenses
budgétaires sont prévues et gérées par programme
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443
Loi n° 2007/006 du 26 décembre 2007.
444
Voir dans ce sens l’article 1 alinéa 3 de la loi suscitée.
445
Plan de modernisation des finances publiques du Cameroun revue de mise en œuvre 2009 -
2012 actualisation 2013 - 2015, p. 2.
446
Article 8 de la Loi n° 2007/006 du 26 décembre 2007 portant nouveau régime financier de
l’Etat
447
Voir article 9 de la loi suscitée.
448
BOUVIER (M), ESCLASSAN (M-C), LASSALE (J-P), Finances publiques, Paris, LGDJ, 15e
édition, 2016, p. 340.
449
LE ROBERT, Dictionnaire Alphabétique et Analogique de la Langue française, Société du
Nouveau Littré, 1970, Tome V, p. 854.
210
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La responsabilité est donc, dans cette dernière hypothèse, l'état d'une personne
consciente tandis que, dans la première, elle désigne les charges, les pouvoirs
exercés.
Au plan philosophico-littéraire, la responsabilité prend des significations
différentes suivant les auteurs. Mais deux grandes tendances apparaissent.
L'une trouve en Jean Paul SARTRE l'un de ses plus illustres représentants. En
effet, selon l’auteur de "l'Etre et le Néant", la responsabilité est la "conscience
d'être l'auteur incontestable d'un événement ou d'un objet, la revendication
logique des conséquences de notre liberté". Afin de percevoir cette pensée
dans toute sa splendeur, il faut considérer que, dans la logique sartrienne, la
liberté n'est pas l'absence de contrainte. Elle sous-tend au contraire la
responsabilité et, par suite, l'idée de libération, volonté de se libérer, comme
inversement, la responsabilité est impossible sans liberté. Cette conjugaison de
la responsabilité et de la liberté n'est pas propre à Jean-Paul SARTRE. Illustrée
par Hugo BARINE dans "Les Mains Sales"450, elle exclut le libre-arbitre
qu'expriment l'Ane de Buridan ou le crime commis par LAFCADIO dans "Les
Caves du Vatican" d'André GIDE.
Le Ministre, en tant qu’ordonnateur principal du budget de son ministère,
a la responsabilité de la bonne exécution des programmes et de la production du
Rapport Annuel de Performance (RAP) dudit ministère. Pour des besoins
opérationnels, il désigne un responsable pour la coordination des actions, des
activités et des tâches de chaque programme. Ce responsable, en l’occurrence
le responsable de programme, joue un rôle de pilotage et de coordination de
l’ensemble du programme451.
La raison de l’adoption du budget axé sur les résultats est de venir à bout
des insuffisances du budget annuel traditionnel par poste (ou fondé sur les
moyens), notamment son absence d’orientation sur les buts des dépenses
publiques. Le passage au système de Budget Programme de Performance (BPP)
450
SARTRE (J.P), Les Mains Sales, éd. Gallimard, Paris, 1948.
451
Loi n° 2017/011, du 12 juillet 2017 portant statut général des entreprises publiques.
211
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Revue de l'Association Française des Docteurs en Droit
vise à achever une plus grande clarté sur les liens entre les intrants, les extrants
et les résultats, et à fournir un outil de prise de décision budgétaire en fonction
des informations sur les performances disponibles. Ainsi, en rendant explicite les
objectifs et les résultats des dépenses budgétaires, les assemblées législatives
et les citoyens peuvent demander des comptes aux responsables de
programmes budgétaires. Par rapport au budget traditionnel par poste, le
système de BPP est perçu comme : garantissant l’obligation de rendre compte,
le gouvernement doit assurer aux contribuables que les ressources publiques
sont allouées, dépensées et gérées avec efficience et selon les objectifs pour
lesquelles elles ont été votées, améliorant ainsi les résultats budgétaires,
l’affectation des ressources et la gestion. Les fonctionnaires doivent assurer
l’optimisation des ressources et veiller à ce que les dépenses soient effectives
(des CDMT452 peuvent être adoptés pour améliorer la planification au-delà du
budget annuel) ; et, renforçant l’efficience de la prestation de services.
L’élaboration du budget-programme (ou encore budgétisation par programme ou
axée sur les programmes) est une forme de budgétisation axée sur les
performances dans laquelle les dépenses budgétaires sont prévues et gérées
par programme453.
Les objectifs de chaque programme budgétaire sont clairement précisés
et formellement approuvés par le gouvernement et le parlement. Les
programmes peuvent se décomposer en sous-programmes (ou actions) et/ou en
activités, auxquels les IP et les cibles peuvent être associés. Un système de
budget-programme à part entière diffère d’un système de crédits budgétaires
non affectés par programme, dans lequel les catégories économiques, telles que
les salaires, les biens et les services, les transferts et les investissements, et/ou
les catégories administratives (par exemple le ministère et les services au sein
du ministère) constituent le point central de la Loi de finances annuelle ou
453
Voir dans ce sens la directive N° 01/11-UEAC-190-CM-22 21 Relative aux Lois de Finances
des Etats de la CEMAC.
212
Horizons du droit - Bulletin n°28, 2021
Revue de l'Association Française des Docteurs en Droit
454
PEKASSA NDAM (M-G), « La dialectique du responsable de programme en finances publiques
camerounaise : recherche sur les nouveaux acteurs budgétaires », in Les nouveaux chantiers des
finances publiques en Afrique, Mélanges en l’honneur de Michel BOUVIER, L’harmattan Sénégal,
2019, pp. 303-312.
455
L’ambition de la LRFE est de procéder à une modernisation du processus de préparation,
d’exécution et du suivi du budget, et à l’intégration de la gestion axée sur la performance dans
l’administration à travers la budgétisation.
456
Voir dans ce sens le Manuel de pilotage et d’exécution du budget programme, janvier 2013, p.
2.
457
Les principes budgétaires
Principes classiques
L’autorité : pour chacun des stades de la procédure budgétaire, on précise à qui appartient le
pouvoir de décision. L’autorisation parlementaire en matière de finances publiques fait partie
intégrante de ce principe.
L’annualité : l’autorisation budgétaire est donnée pour une période de douze mois.
213
Horizons du droit - Bulletin n°28, 2021
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L’unité : la loi de finances présente les dépenses et recettes dans un document unique.
L’universalité : (i) les recettes et dépenses sont inscrites dans le budget pour leur montant brut,
sans compensation entre elles ; et (ii) les recettes ne sont pas affectées à une dépense
prédéterminée.
La spécialité : les crédits sont affectés à des dépenses déterminées.
L’équilibre : les dépenses sont équilibrées par des recettes et emprunts, le besoin de financement
de l’État et ses modalités de couverture sont décrits.
Principes modernes
La sincérité : exhaustivité, cohérence et exactitude des informations financières fournies par
l’État. Ce principe est inspiré du droit comptable privé.
La performance : efficience, efficacité et pertinence dans la gestion du budget.
La transparence : les fonctions des différents organes de l’État sont clairement établies. Des
informations budgétaires à caractère financier et non financier sont publiquement disponibles en
temps utile. La terminologie budgétaire est bien expliquée.
La stabilité : on assigne au budget et à la dette publique des objectifs qui s’inscrivent dans un
cadre financier à moyen terme périodiquement mis à jour, ou d’engagements internationaux,
comme les pactes de convergence. Les taux et l’assiette des impôts et autres prélèvements
restent relativement stables.
Sources : Loi portant régime financier de l’Etat-Cameroun ; Gestion des dépenses publiques dans
les pays en développement – Daniel Tommasi – AFD – Août 2010.
458
Classification des Fonctions des Administrations Publiques
214
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459
Article 10, alinéa 1 de la LRFE.
460
Manuel de pilotage et d’exécution du budget programme, janvier 2013, op cit. p. 5.
461
Ibid.
462
Directive n° 01/11-ueac-190-cm-22 du 19 décembre 2011 relative aux lois de finances au sein
de la communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale.
215
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463
BOUBACAR DEMBA BA, Finances publiques et gestion par la performance dans les pays
membres de l’UEMOA : étude de cas du Sénégal. Droit. Université de Bordeaux; Université Cheikh
Anta Diop de Dakar, 2015, p. 27.
464
Ibid.
465
ALLIEZ T. « Quel bilan de la responsabilité managériale au sein de l’Etat, clef de la nouvelle
gestion publique? », RFFP, n°123, 2013, pp. 157-168.
466
BARILARI (A), « La réforme de la gestion publique: quel impact sur la responsabilité des
acteurs? », RFFP, n°92, 2005, pp. 25-38.
216
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217
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468
FORSTER (J), La cohérence des politiques : une nouvelle approche des relations Nord-Sud,
Annuaire suisse de politique de développement (2000), [En ligne], mis en ligne le 15 août 2012,
consulté le 07 juillet 2020. URL : http://journals.openedition.org/aspd/833.
469
Il existe différents types de catégories de contrôle des finances publiques : la catégorie basée
sur le critère du moment de contrôle (contrôle a priori, contrôle en cours d’exercice budgétaire,
contrôle a posteriori) ; la catégorie suivant le critère de l’organe de contrôle qui est la catégorie
retenue par le cadre harmonisé de 2009 (contrôle interne, contrôle externe) ; et la catégorie
relative au critère de la finalité du contrôle (contrôle de conformité, contrôle de performance, et
le contrôle d’opportunité).
470
« Défis de cohérence de la réforme du budget axe sur la performance dans l’espace UEMOA »,
Cet article est un produit du projet de recherche sur le budget de programme mené par CLEAR
AF/ CESAG, avec l’appui du Programme d’Appui aux Centres d’Excellence Régionaux de l’UEMOA
(PACER- UEMOA). Le projet vise à cerner les leviers de la mise en œuvre de la réforme du budget-
programme dans l’espace UEMOA. Il analyse la cohérence des directives, leur appropriation par
les parties prenantes, les facteurs de succès de la réforme, ainsi que son efficacité dans la
budgétisation des priorités des Etats.
471
A travers la gestion participative par objectif, on estime qu’en permettant aux individus de
poursuivre leurs fins à travers celles de l’entreprise on atteint un niveau élevé de motivation et
donc des résultats plus significatifs.
218
Horizons du droit - Bulletin n°28, 2021
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faut être pénétré d’une profonde confiance dans les ressorts de la nature
humaine, dans son aptitude à découvrir des solutions utiles et à tirer
enseignement de l’expérience »472. La planification participative pluriannuelle en
est ainsi un outil lorsqu’elle parvient à arrimer les attentes sur le futur avec les
actions au présent, en créant ainsi « la confiance collective dans l’avenir (qui)
garantit le présent de la communauté et la rend possible »473. Sur la base de ces
attributs de la confiance, la nouvelle gestion financière publique va reposer sur
des postulats simples : faire confiance aux responsables, en allégeant « les
contrôles a priori traditionnellement exercés sur les dépenses publiques et qui
constituaient un facteur important dans les lenteurs observées dans l’exécution
des programmes et projets publics »474. En contrepartie de cette mise de
confiance, l’accent est mis « sur un contrôle a posteriori mieux organisé et
renforcé qui permettrait, à terme, de limiter les contrôles a priori au profit des
contrôles a posteriori »475.
Le responsable de programme, nouvel acteur dans la gestion
performancielle des finances publiques, coordonne la mise en œuvre du
programme dont il a la charge. Face à l’autonomie de gestion qui lui est reconnue
et promue par le nouveau cadre harmonisé des finances publiques, il est aux
prises avec la rigidité des autres acteurs, notamment l’ordonnateur et le
comptable public qui maintiennent encore leur place dans la chaîne budgétaire.
Cette situation se pose également avec la question des indicateurs de
performance. De tout ce qui précède, une question fondamentale nous
préoccupe, qu’est-ce qui caractérise le responsable programme en droit
public financier camerounais ?
472
PEYREFITTE (A), La société de confiance, Odile Jacob, Paris, octobre 1995, p.383.
473
GILLARD (L), « Un cas de construction sociale de la confiance : les lettres de change dans les
foires de Lyon au XVIème siècle », La construction sociale de la confiance, Paris, Montchrestien,
1997, p. 153.
474
Manuel de préparation du budget programme.
475
Ibid.
219
Horizons du droit - Bulletin n°28, 2021
Revue de l'Association Française des Docteurs en Droit
476
HOURQUEBIE (F), « Les mutations du service public de la justice. Quand la justice se confronte
à la performance », in Espaces du service public, mélanges en l’honneur de Jean du Bois de
GAUDUSSON, Pessac, Presses Universitaires de Bordeaux, 2013, p. 1063-1080.
477
KRISTENSEN (J. K), GROSZYK (W-S) et BÜHLER (B), « L’élaboration et la gestion des budgets
centrées sur les résultats », coll. « Gestion budgétaire », Revue de l’OCDE, vol. 1, n°4, 2002, pp.
7-37.
478
CHRISTOPHER POLLITT, « Intégrer Gestion des performances et Gestion financière », article
dans la revue de l'OCDE sur la gestion budgétaire, vol. 1, n°2, 2001, pp. 7-41, spécialement pp.
8-9.
220
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479
HERTZOG (R), « La LOLF dans l’histoire des grands textes budgétaires », article dans la RFFP,
n°117, 2007, pp. 29 & 30.
221
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A. Un ordonnateur désigné
480
BOUVIER (M), ESCLASSAN (M-C), LASSALE (J-P), Finances publiques, Paris, LGDJ, 15e
édition, 2016, p. 340.
481
Planification /programmation/ budgétisation/ suivi.
482482
Cour des Comptes française, Rapport sur les résultats et la gestion budgétaire, exercice
2005, p.37.
483
BA (D. B.), Finances publiques et gestion par la performance dans les pays membres de
l’UEMOA : Etude du cas du Sénégal, Thèse de doctorat en Droit public, Université de Bordeaux,
30 mars 2015, p. 241.
484
Ibid.
222
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Revue de l'Association Française des Docteurs en Droit
485
MORDACQ (F.), « Nouveaux acteurs de la gestion publique et responsabilité », RFFP, n°92-
novembre 2005, pp. 71-75.
486
Voir dans ce sens le Manuel de pilotage et d’exécution du budget programme janvier 2013,
p.11 ; le Ministre, en tant qu’ordonnateur principal du budget de son ministère, a la responsabilité
de la bonne exécution des programmes et de la production du RAP dudit ministère. Pour des
besoins opérationnels, il désigne un responsable pour la coordination des actions, des activités
et des taches de chaque programme. Ce responsable, en l’occurrence le responsable de
programme, joue un rôle de pilotage et de coordination de l’ensemble du programme.
487
Manuel de pilotage et d’exécution du budget programme janvier 2013, op cit. p. 11
223
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488
BA (D. B.), Finances publiques et gestion par la performance dans les pays membres de
l’UEMOA : Etude du cas du Sénégal, Thèse de doctorat en Droit public, Université de Bordeaux,
30 mars 2015, p. 239.
489
Cour des comptes française, Rapport thématique sur la mise en œuvre de la LOLF, Novembre
2011, p. 52.
490
Article 58 de l’ordonnance de 1962 portant régime financier de l’Etat.
491
ALLIEZ (T.), « Quel bilan de la responsabilité managériale au sein de l'État, clef de la nouvelle
gestion publique ? », RFFP, n°123-septembre 2013, p. 158.
224
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programme confié à l’un des directeurs, soit à un responsable "ad hoc". Dans ce
cas, les directeurs de métiers continuent d’exercer la plénitude de leurs
compétences d’action, mais sous le pilotage du responsable de programme.
- Le troisième cas est celui dans lequel le programme est exécuté pour une
large part par un réseau de services locaux polyvalents, travaillant pour plusieurs
programmes, ces derniers étant placés sous une autorité unique. Dans ce cas, le
responsable de programme concerné doit bâtir avec eux, un mode de pilotage
de ces services polyvalents492.
Un point mérite cependant d’être éclairci. Il s’agit des relations
qu’entretiendront les responsables de programmes avec ceux des fonctions
supports, que sont, par exemple, la DAF et la DRH. En effet, le principe
d’imputabilité qui découle de l’engagement du responsable de programme sur les
objectifs commande qu’il assume seul tous les résultats du programme. En
retour, il doit avoir une plus large autonomie dans la gestion du personnel et des
crédits du programme493. Afin de conforter son autonomie, le responsable de
programme devrait être dans une position administrative plus élevée que celle
des responsables des fonctions supports494. En France, par exemple, un décret
de 2004 institue une « délégation de gestion » du responsable de programme
vers ces responsables de services transversaux. Il s’agit d’un acte par lequel le
chef d’un service, « le délégant », donne au chef d’un autre service, « le
délégataire », le pouvoir de réaliser des prestations pour son compte et en son
nom495. La délégation de gestion porte sur des actes de gestion et non sur la
mise en œuvre de l’ensemble de la politique. Il convient de préciser que « cette
procédure n’équivaut pas à un mouvement de crédits : ceux-ci restent
492
MORDACQ (F.), « Nouveaux acteurs de la gestion publique et responsabilité », op. cit., p. 72.
493
BA (D. B.), Finances publiques et gestion par la performance dans les pays membres de
l’UEMOA, op cit p.240.
494
Ibid.
495
France, Ministère de l’économie et des finances, Direction du budget, Circulaire en date du 27
mai 2005 relative à la mise en œuvre de la délégation de service.
225
Horizons du droit - Bulletin n°28, 2021
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496
NTSEGUE ANANGA (E-P), « La fongibilité des crédits en droit public financier camerounais »,
RAFIP, N°8, 2020, pp. 251-298.
497
Cour des Comptes française, Rapport sur les résultats et la gestion budgétaire, exercice 2005,
p.37.
498
Article 12 alinéa 3 de la constitution du 18 janvier 1996. Seuls le Président de la République et
Premier Ministre nomment par décret
499
AUBERT (J-F), « La hiérarchie des règles », " La supériorité d'une règle par rapport à une autre
peut, théoriquement, tenir à diverses qualités. On pourrait, d'abord, dire que les règles s'étagent
selon leur contenu, par rang d'importance. Les principes fondamentaux sont supérieurs aux
grandes règles, et celles-ci sont supérieures aux règles de détail. Cette conception est
évidemment conforme au sens commun. Chacun comprend que le principe d’égalité est plus
important que la règle de la progressivité de l’impôt, et qu’à son tour celle-ci est plus importante
que les règles sur la procédure fiscale ou sur la prescription de la dette d'impôt. Ou encore: que
le principe du suffrage universel et direct est plus important que la règle de la représentation
proportionnelle, laquelle est plus importante que les règles sur le panachage ou sur l’utilisation
des restes, etc. Tout cela est vrai mais ne nous conduit pas très loin".
500
La définition de fonctionnaire en droit camerounais résulté d’un arrêt du Conseil du
contentieux administratif en date 28 juillet, sieur ANONG Daniel c/Administration du Territoire :
« sont fonctionnaires, dit le juge, des personnes nommées aux emplois permanents et titularisées
dans un grade de la hiérarchie de l’administration ».
226
Horizons du droit - Bulletin n°28, 2021
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programme est l’acte unilatéral qui marque son entrée en fonction, dans le cadre
d’un lien permanent avec l’administration. C’est une opération ayant pour objet
de conférer à une personne un grade dans la hiérarchie de l’administration de
l’Etat501. Le pouvoir hiérarchique donne à son titulaire des prérogatives
importantes, tel le pouvoir de direction et d’organisation des services placés sous
son autorité502, le pouvoir de donner des instructions aux subordonnés et de
contrôler leurs actes. D’où l’importance d’étudier ses conséquences sur les droits
des fonctionnaires.
Le ministre auprès duquel sont mis à disposition les crédits doit désigner
le responsable de la fonction financière ministérielle et les responsables de
programme concernés503 :
- Cette désignation s’applique d’elle-même et il n’est pas juridiquement
nécessaire de la transposer ou de la répéter dans le décret d’organisation du
ministère.
- Aucun formalisme particulier n’est requis pour cette décision du ministre
; des lettres de mission qui seraient adressées au RFFIM504 et aux RPROG505
pourraient être valables. Toutefois, il peut être utile de donner à cette décision
une forme de publicité et certains types d’actes ministériels, comme les arrêtés,
sont les mieux à même de conférer cette publicité à la décision de désignation506.
- La décision de désignation est prise par le ministre en sa qualité de
responsable hiérarchique de son administration. Lorsque le ministre change, elle
continue à s’appliquer tant que le nouveau ministre n’a pas pris de décision
différente, ce qu’il peut faire discrétionnairement et à tout moment.
501
MBALLA OWONA (R), La notion d’acte administratif unilatéral au Cameroun, Thèse, Université
Yaoundé II, 2010, P. 75.
502
C.E, 7 février 1936, Jamart, rec. 172 ; S. 1937.3.113, note Rivero, GAJA no 52.
503
Voir Manuel de pilotage et d’exécution du budget programme, janvier 2013, p.12.
504
Responsable de la fonction financière ministérielle.
505
Responsable de programme.
506
Direction du budget I Recueil des règles de comptabilité budgétaire I J.O. du 08/02/2015.
227
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B. Un ordonnateur contrôlé
507
En aval existe le parlement, en amont les juridictions financières.
508
Le contrôle de la régularité financière exercé par le comptable public, le contrôle financier, le
contrôle d’Etat ou contrôle économique et financier, le contrôle hiérarchique et l’inspection
générale des finances.
509
BARTOLI(A) et TROSA (S), Le management par le sens au service du bien public, Futuroscope
SCÉRÉN-CNDP-CRDP, 2011, disponible en ligne sur www.babordplus.univ-bordeaux.fr, consulté
le 12 novembre 2014, pp. 11 et 12.
228
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510
MINTZBERG (H), Le management : voyage au centre des organisations, Paris, Les éditions
d'Organisation, 2004, disponible en ligne sur www.babordplus.univ-bordeaux.fr, consulté le 12
novembre 2014, p. 184.
511
Cf. les conclusions de MOUSSET sous C.E, 26 octobre 1956, association générale des
administrateurs civils, RDP 1956, p. 1309.
229
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512
C.E, Ass., 12 décembre 1952, Narbonne, rec. 574.
513
C.E, 1er juillet 1955, Charles, rec. 379 ; AJDA 1955, II, 302, conclusion Laurent et C.E, 3 février
1995, GRANOUX, rec. 883.
514
C.E, 12 décembre 1984, Melki, rec. 418.
515
C.E, 26 octobre 1956, Association générale des administrateurs civils.
516
C.E, sect., 10 novembre 1944, Langueur, rec. 288 ; D. 1945, p. 87, conclusion B. CHENOT ; JCP
1945, no 2852, note C. CHAVANON.
230
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517
Arrêt n° 678/CCA, du 27 décembre 1967, sieur NDJOCK Paul c/ État du Cameroun : «
considérant que les règles de compétence étant d’ordre public, l’irrégularité d’un acte ne peut
être couverte par l’approbation ou les instructions de l’autorité compétente ». Dans le même sens,
arrêt n° 367/CCA du 03 septembre 1955, MINYEM Martial c/ Territoire du Cameroun.
518
Ibid.
519
Voir dans ce sens AUBY (J-M), L’incompétence ratione temporis, recherche sur l’application
des actes administratifs dans le temps, LGDJ, Paris, 1953.
520
Voir dans ce sens LIET-VEAUX (G), L’incompétence ratione loci, Revue administrative, 1964,
p. 29.
231
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budgétaire
232
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233
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522
Emprunt obligataire et émission de bons du Trésor.
234
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523
ETOGO (P-L), Les incitations fiscales et l’investissement au Cameroun, Thèse, Université
Douala, 2021, p.120.
524
Loi n°2019/024 du 24 décembre 2019 portant code général des collectivités territoriales
décentralisées
235
Horizons du droit - Bulletin n°28, 2021
Revue de l'Association Française des Docteurs en Droit
525
GUILLAUME (H), DUREAU (G), SILVENT (F), Gestion publique. L’Etat et la performance, Paris,
Presses de Science Po et Dalloz, 2002, p. 20.
526
BEAUD (O), « La responsabilité politique face à la concurrence d’autres formes de
responsabilité des gouvernants », Pouvoirs. La responsabilité des gouvernants, Paris, Seuil,
2000, n°92, p.108.
527
L’efficacité est classiquement définie comme la bonne réalisation des objectifs, tandis que
l’efficience vise «le meilleur rapport entre les moyens et les résultats» (BARILARI (A), Les
contrôles financiers, comptables, administratifs et juridictionnels de finances publiques, Paris,
LGDJ, 2003, p. 27).
236
Horizons du droit - Bulletin n°28, 2021
Revue de l'Association Française des Docteurs en Droit
528
Il convient de noter que les objectifs assignés au responsable de programme sont en fait
double, comme le relève la Cour des comptes, les objectifs et indicateurs qui figurent dans les
lettres de mission des RPROG diffèrent fréquemment de ceux qui figurent dans les projets
annuels de performance et rapports annuels de performance (Cour des comptes française,
Rapport sur la mise en œuvre de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) : pour de
nouvelles perspectives, novembre 2011, p. 162).
529
Conseil d’Etat, Rapport public 2008. Le contrat, mode d’action publique et de production de
normes, Paris, La Documentation française, 2008.
530
TROSA (S), Quand l’Etat s’engage: la démarche contractuelle, Paris, Editions d’Organisation,
1999, p. 82.
531
BEAUD (O), op cit.
237
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532
THEBAULT (S), L’ordonnateur en droit public financier, Paris, LGDJ, 2007, p. 221.
533
GAULLIER-CAMUS (F), La responsabilité financière des gestionnaires publics, Thèse
Bordeaux, dactylographiée, 2018.
534
«Le Responsable de programme est le maillon central de la nouvelle gestion publique [...].
Placé sous l’autorité du ministre, il participe à l’élaboration des objectifs stratégiques du
programme dont il a la charge : il est le garant de sa mise en œuvre opérationnelle et s’engage
sur la réalisation des objectifs associés », Direction du budget, Guide pratique de la LOLF.
Comprendre le budget de l’Etat, juin 2012, p. 32.
535
« La définition du rôle de responsable de programme [...] reste imprécise », Cour des comptes,
Rapport sur les résultats et l’exécution budgétaire de l’Etat de l’année 2005 —Synthèse, 2006, p.
11.
536
Article 51 alinéa 4 de la LRFE de 2007.
238
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définit leur statut »537. Or, le décalage entre la place considérable de l’acteur et
l’encadrement dont il fait l’objet continue d’interpeler.
Conformément à la logique de la LRFE, les responsables de programme
sont chargés de missions multiples, qui les conduisent à intervenir à tous les
stades de la vie du ou des programmes dont ils ont la charge. Leur action
s’organise ainsi autour de trois axes principaux que sont : « l’élaboration de la
stratégie et du budget du programme [...], le pilotage du programme [...] le
compte rendu et la responsabilité »538. De surcroit, il convient de mentionner qu’il
ne s’agit pas uniquement d’intervention mais que « sous l'autorité du ministre
concerné, le responsable de programme a la charge»539 de ces différentes
missions. Plus qu’un exécutant, le responsable de programme apparaît, au vu de
ses missions, comme un acteur doté d’un véritable pouvoir de décision,
consubstantiel à son rôle stratégique. Ces éléments donnent une acuité
particulière au vieux poncif du droit politique qui veut qu’au pouvoir corresponde
symétriquement la responsabilité540. Le questionnement sur la faiblesse de la
prise en compte textuelle du responsable de programme trouve alors une
dimension nouvelle, sur la base de l’impérieuse problématique de la
responsabilité541.
Fruit du mouvement de responsabilisation des acteurs publics qu’il incarne
comme l’indique sa dénomination, le responsable de programme ne saurait en
toute hypothèse être considéré comme irresponsable. Au contraire, en pratique,
il l’est en fait à plusieurs égards. En tant qu’il est chargé de la consommation des
crédits budgétaires, le responsable est logiquement considéré comme un
ordonnateur. A ce titre, il est en principe financièrement responsable devant la
537
BOUVIER (M), Finances publiques, 17e éd., Issy-les-Moulineaux, LGDJ, 2018, p. 486.
538
Ibid.
539
Voir article 62 alinéa 2 de la loi n° 2018/012 du 11 juillet 2018 portant RFE du Cameroun
540
Sur la responsabilité comme contrepartie du pouvoir, voir par exemple BUGE (E), Droit de la
vie politique, Paris, PUF, 2018, p. 197.
541
.BARILARI (A), «Réforme de la gestion publique et responsabilité des acteurs», AJDA, 4 avril
2005, n°13, p. 696.
239
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Revue de l'Association Française des Docteurs en Droit
542
Article L312-1 du Code des juridictions financières.
543
Article L313-9 du Code des juridictions financières.
544
LAMBERT(A), MIGAUD (D), Note sur les contours de la responsabilité des responsables de
programmes, Annexe au rapport au Gouvernement, LAMBERT (A), MIGAUD (D), La mise en œuvre
de la loi organique relative aux lois de finances, Réussir la LOLF, clef d’une gestion publique
responsable et efficace, septembre 2005, p. 9.
545
THEBAULT (S), op. cit., p. 218. L’auteur montre utilement que le mouvement de
responsabilisation des acteurs publics, traversant les réformes financières, est évidemment
centré sur la performance mais que cette dernière ne saurait l’épuiser. En effet, le rapport de
régularité demeure crucial.
546
HA-THI (L), « Des rapports entre responsabilités managériale et politique. Analyse théorique
autour du statut des responsables de programme », Jurisdoctoria, www.jurisdoctoria.net, 2019,
p. 1-26.
547
MARC(É), « Les agents publics », in GONOD (P), MELLERAY (F), YOLKA(P), Traité de droit
administratif, Tome 2, Paris, Dalloz, 2011, p. 388.
548
Ibid.
240
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549
MELLERAY (F), Droit de la fonction publique, Lonrai, Economica, 2016, p. 425.
550
S. THEBAULT, op. cit., p. 233 et s.
241
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Elle est mise en œuvre tout au long de la chaîne des autorités et consiste en
l’évaluation et la sanction, positive ou négative, de la qualité de la gestion de
chaque gestionnaire par son autorité de référence »551. Cette définition met en
lumière l’autonomie de ce système de responsabilité répondant à une rationalité
propre552.
Filant sa description de cette forme nouvelle de responsabilité, l’auteur
développe ensuite l’idée selon laquelle la responsabilité politique pourrait être
considérée comme une forme particulière de responsabilité managériale553. Il
s’appuie alors sur l’idée selon laquelle la responsabilité politique ministérielle «
participerait de la structuration d’une chaîne de responsabilité, du ministre au
gestionnaire, en passant par le responsable de programme »554 et, qu’au
demeurant, il serait possible de considérer les ministres comme des
gestionnaires. S’il apparaît effectivement possible de penser l’ensemble de
l’action publique sous ce prisme empreint d’« économisme »555, il n’est pas neutre
d’envisager les ministres comme des gestionnaires. Effectivement, se retrouve
pleinement appliquée l’idée exposée par Foucault selon laquelle « la grille
économique va pouvoir, doit pouvoir permettre de tester l’action
gouvernementale, jauger sa validité, permettre d’objecter à l’activité de la
puissance publique ses abus, ses excès, ses inutilités, ses dépenses
pléthoriques. Bref, il s’agit avec l’application de la grille économiste non plus,
cette fois, de faire comprendre des processus sociaux et de les rendre
intelligibles ; il s’agit d’ancrer et de justifier une critique politique permanente de
l’action politique et de l’action gouvernementale »556.
551
Ibid.
552
Rationalité managériale dont on trouve la description chez CAILLOSSE (J), « Les figures
croisées du juriste et du manager dans la politique française de réforme de l'Etat », RFAP, vol.
n°105-106, 2003, n°1, p. 123.
553
THEBAULT (S), op. cit., p. 235.
554
Ibid. p. 338.
555
CAILLOSSE (J), article précité, p. 123.
556
FOUCAULT (M), op. cit., p. 252.
242
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Revue de l'Association Française des Docteurs en Droit
557
HA-THI (L), « Des rapports entre responsabilités managériale et politique. Analyse théorique
autour du statut des responsables de programme», Jurisdoctoria, www.jurisdoctoria.net, 2019,
p. 1-26.
558
MARC(É), « Les agents publics », in GONOD (P), MELLERAY (F), YOLKA(P), Traité de droit
administratif, Tome 2, Paris, Dalloz, 2011, p. 388.
559
Ibid.
560
MELLERAY (F), Droit de la fonction publique, Lonrai, Economica, 2016, p. 425.
561
CHARRIER (J) « Les grands principes de la comptabilité publique ». In, Cahiers de la
comptabilité publique, n°1, centre de publication de l’Université de Caen, 1989, p.223.
243
Horizons du droit - Bulletin n°28, 2021
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562
MBASSA (G), Les principes des finances publiques à l’épreuve du budget programme en Droit
camerounais, Thèse de Doctorat Ph/D en Droit public, Université de Yaoundé II-Soa, 2019.
563
RUPRICH-ROBERT (C), « Comment concilier les démarches de pilotage des politiques et
processus budgétaire dans la gestion locale », RFFP, 1er août 2014, n° 127, P. 273. La loi portant
régime financier de l’Etat et des autres entités publiques en consacrant le principe de fongibilité
des crédits apporte des atténuations aux principes classiques du droit budgétaire pour surmonter
les impératifs liés à la gestion moderne des finances publiques. Il faut déjà reconnaitre que si
certains principes budgétaires sont maintenus, les mouvements de crédits qui s’opèrent au sein
d’un programme apportent des inflexions à l’annualité budgétaire et au principe de spécialité
budgétaire.
564
BOUVIER (M), ESCLASSAN (M-C), LASSALE (J-P), Finances publiques, op cit, p.18.
565
BENETAU (J), « La remise en cause du principe de l’annualité budgétaire », Thèse Université
Paul Cézanne Aix- Marseille III, 2008, p.12.
244
Horizons du droit - Bulletin n°28, 2021
Revue de l'Association Française des Docteurs en Droit
566
LEVOYER (L), « vers un modèle de gestion publique ? » in réformes des finances publiques et
modernisation de l’administration, HERTZOG (R) (mél à), Economica, Paris, 2011, p.337.
567
OWONA NDOUGUESSA (F.L), Les dérogations au principe de l’annualité en droit budgétaire
camerounais, Mémoire pour l’obtention du Diplôme d’Etude Approfondies, année 2008-2009.
568
Au terme de l’article 1er de l’ordonnance n° 59-61 du 29 novembre 1959 réglant le mode de
présentation et les conditions générales d’exécution du budget de l’État camerounais « Le budget
de l’État prévoit et autorise en la forme législative les charges et les ressources de l’État, dont il
détermine la nature et le montant. Il fixe en terme financier les objectifs économiques et sociaux
du gouvernement, il est arrêté annuellement par l’Assemblée législative dans le cadre de la loi de
finances ». L’article 3 de l’ordonnance qui énonce que « Le budget de l’État englobe pour une
période de douze mois, allant du 1er juillet au 30 juin de l’année suivante, la totalité des charges
et des ressources prévisibles de l’État… ».
569
L’article 3 dispose que « le budget englobe pour une période de douze mois ou exercice allant
du 1er juillet au 30 juin de l’année » suivante, la totalité des charges et des ressources prévisibles
de l’État ».
570
Article 5(1) « Le budget décrit les ressources et les charges de l’État autorisées par la loi de
finances sous forme de recettes et de dépenses, dans le cadre d’un exercice budgétaire ».
571
Article 4 de la loi N°2018/012 du 11 juillet 2018 : (1) « Le budget décrit les ressources et les
charges de l’Etat autorisées par la loi de finances, sous forme de recettes et dépenses, dans le
cadre d’un exercice budgétaire » ; (2) « L’exercice budgétaire couvre une année civile ».
245
Horizons du droit - Bulletin n°28, 2021
Revue de l'Association Française des Docteurs en Droit
572
NTSEGUE ANANGA (E-P), « La fongibilité des crédits… », op cit.
573
BOUVIER (M), ESCLASSAN (M-C), LASSALE (J-P), Finances publiques, op cit, p. 332.
574
MICHEL(P), Les finances publiques DE A à Z, Dictionnaire de droit budgétaire et de
comptabilité publique, éditions ESKA, 1998, p.140.
575
LAURENT (M), « Les réformes budgétaires vues par les reformes internationales » in, Réforme
des Finances Publiques, La Conduite du Changement, Actes de la IIIe Université de printemps de
Finances Publiques du Groupement Européen de Recherches en Finances Publiques (GERFIP),
LGDJ, 2007pp.113.
576
MEDE (N), « Réflexion sur le cadre harmonisé des finances publiques dans l’espace UEMOA »,
RASJ, n° 2014, p. 195. Pour l’auteur en effet « En pratique, la sociologie administrative nous
enseigne que les agents publics, détenteurs d’un pouvoir de décision financière, ont une
propension naturelle à « vider leurs comptes », c’est-à-dire assécher les lignes budgétaires sur
lesquelles ils ont des reliquats de crédit, et donc à inventer, initier ou proposer des actions
desquelles il résultera des dépenses pour la puissance publique, à due concurrence des crédits
qu’ils risquent de perdre à la clôture de l’année budgétaire. L’expérience montre que cette
246
Horizons du droit - Bulletin n°28, 2021
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Ce principe est capital. Il signifie que les crédits ouverts en loi de finances
le sont pour un objet déterminé : le budget doit être lisible et est désormais
organisé selon les politiques publiques580. Le principe de la spécialité budgétaire
est incontestablement comme celui qui a subi des mutations profondes
découlant des exigences contemporaines de la nouvelle gestion financière
247
Horizons du droit - Bulletin n°28, 2021
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581
MICHEL (P), « Le principe de la spécialité budgétaire hier aujourd’hui, demain », In, Cahiers de
Comptabilité Publique, op. cit. , p.63.
582
Article 19 de l’ordonnance de 1962 : « les crédits destinés aux finances de dépenses de
fonctionnement sont ouverts au ministre des finances, ordonnateur du budget de l’État, ils sont
affectés à un service ou aux dépenses communes de divers services. Conformément à la
nomenclature budgétaire. Ils sont spécialisés par chapitre groupant les dépenses selon leur
nature ou leurs destinations… ». Voir également LEKENE DONFACK (C.E), Finances publiques
camerounaises, Berger-Levrault, Paris 1987, pp. 97-106.
583
Article 8 de la loi de 2007 portant régime financier de l’Etat. La nouvelle approche de la
présentation est celle d’une budgétisation axée sur une architecture à trois niveaux à savoir :
« Fonction-Programme-Action ».
584
Article 32 de la loi de 2018 portant régime financier de l’Etat et des autres entités publiques,
précitée.
585
WALINE (C) (Dir.), Le budget de l’Etat. Nouvelles règles, nouvelles pratiques, op cit, p. 118.
248
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Revue de l'Association Française des Docteurs en Droit
586
LASCOMBE (M) et VANDENDRIESSCHE (X), « La loi organique relative aux lois de Finances
(LOLF) et le contrôle des finances publiques », RFAP, 2006, n° 117, p. 131 et s.
587
Article 38 al 1 de la loi portant régime financier de l’Etat et des autres entités publiques
précitée.
249
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588
PAYSANT (A), Finances publiques, Armand Colin, 5e éd. Dalloz, Paris 1999, p. 215.
589
LAMBERT (A), MIGAUD (D), Note sur les contours de la responsabilité des responsables de
programmes, Annexe au rapport au Gouvernement, LAMBERT (A), MIGAUD (D), La mise en œuvre
de la loi organique relative aux lois de finances, Réussir la LOLF, clef d’une gestion publique
responsable et efficace, septembre 2005, p. 6.
590
Colin TURPIN cité par BEAUD (O), op. cit., p. 109.
591
Article 15 DDHC : « La société a le droit de demander compte à tout agent public de son
administration ».
250
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a. Le contrôle interne
Article 114 du décret n°2020/375 du 7 juin 2020, portant règlement général de la comptabilité
592
publique.
251
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b. Le contrôle de gestion
593
Article 119 alinéa 3 du décret n°2020/375 du 7 juin 2020, portant règlement général de la
comptabilité publique op cit.
594
Boubacar DEMBA BA, « Finances publiques et gestion par la performance dans les pays
membres de l’UEMOA: étude du cas du Sénégal », Harmattan, 2015.
252
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595
Article 32 de la loi N° 2018/012 du 11 juillet 2018 portant régime financier de l’Etat.
253
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254
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Et
Pierre-Claver KAMGAING
____________________
255
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596
OMS, « La santé est un droit humain fondamental », Déclaration du Dr. Tedros
ADHANOM GHEBREYESUS, Directeur général de l’OMS 10 décembre 2017 à l’occasion de la
Journée des droits de l’homme. À rapprocher de l’article 25 de la DUDH.
597
Montaigne disait de la santé qu’elle est le bien suprême. V. aussi, M. HUSSON, « La santé, un
bien supérieur », in Chronique Internationale de l’IRES, n° 91, 2004, pp. 134-150. L’autre analyse
la santé sous l’angle du coût.
598
V. P. J. LOWE, « La santé, un bien ? », in LE NEMRO. Revue trimestrielle de droit économique,
avril-juin 2020, p. 365 et s. L’auteur analyse la santé sous le prisme du droit des biens pour
parvenir à la conclusion selon laquelle il est difficile de considérer la santé comme un bien. V.
aussi, D. MÜLLER, « La santé, entre bien public et bien privé », in Revue d’éthique et de théorie
morale, n° 241, 2006/HS, pp. 145-158.
599
V. RIDDE, L’accès au soins de santé en Afrique de l’Ouest. Au-delà des idéologies et des idées
reçues, Montréal, Presses universitaires de Montréal, 2012, p. 224 et s.
600
Pas d’argent, pas de soins.
601
Il s’agit du projet « santé pour tous à l’an 2000 », OMS, Stratégie mondiale de la santé pour
tous d’ici l’an 2000, série « santé pour tous », no 3, 1981, <http://libdoc.
who.int/publications/9242800031.pdf>.
602
Une grande partie de la population recours à la médecine camerounaise, v. P.-C. KAMGAING,
« La vente du médicament traditionnel au Cameroun : au-delà de l’incrimination, saisir
l’opportunité d’affaires… », in BEPP, n° 37, septembre 2020, p. 11 et s.
256
Horizons du droit - Bulletin n°28, 2021
Revue de l'Association Française des Docteurs en Droit
seuil de pauvreté603. La réalité est que lorsque l’administration des soins n’est pas
conditionnée par le paiement préalable d’une certaine somme, les patients
insolvables sont généralement retenus dans les établissements hospitaliers
publics jusqu’à complet paiement des frais.
603
T. BELL, « Cameroun : Plus de 8 millions de personnes vivent en dessous du seuil de
pauvreté », in Le 360afrique.com, 15 décembre 2018.
604
L’expression détention est souvent employé pour des mesures de privation de liberté dans le
cadre d’une procédure pénale. C’est ainsi qu’on parle par exemple de la détention provisoire.
Or, la rétention s’apparente plus à une situation de fait.
605
Notamment au Nigéria, au Kenya et au Burundi. V. entre autres https//Burundi : Les
responsables des hôpitaux gardent prisonniers des centaines de patients insolvables | Human
Rights Watch (hrw.org), consulté le 12 mai 2021.
606
Carte nationale d’identité, acte de naissance, téléphone, etc.
607
Eu égard à la valeur parfois dérisoire des pièces retenues.
608
Il s’agit notamment d’un profit politique. Lorsqu’un leader politique s’engage par exemple à
payer les frais des patients retenus, il entend se constituer un nouvel électorat. V. dans ce sens,
257
Horizons du droit - Bulletin n°28, 2021
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Th. MUTAKA BAMAVU, L’analyse critique su’ l’art de guérir, cas des médecins tradipraticiens,
mémoire de master, Université de Lubumbashi, 2015, p. 25 et s.
258
Horizons du droit - Bulletin n°28, 2021
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créances sanitaires n’apparaissent pas à première vue, bien qu’elles existent (II).
Mais ces règles sont parfois si floues, éparses et disparates qu’il appartient
juriste d’aller les chercher, d’essayer d’y mettre de l’ordre et de les exposer.
l’homme et des peuples, on est immédiatement frappé par l’article 6 qui dispose
en des termes on ne peut plus clairs que « tout individu a droit à la liberté et à la
sécurité de sa personne. Nul ne peut être privé de sa liberté sauf pour des motifs
et dans des conditions préalablement déterminées par la loi ; en particulier nul
ne peut être arrêté ou détenu arbitrairement »609. Partant de là, et face au
phénomène de rétention des patients insolvables, le réflexe naturel sera d’en
609
C’est dans ce sens qu’abonde l’article 9 (1) du PIDCP du 19 décembre 1966.
259
Horizons du droit - Bulletin n°28, 2021
Revue de l'Association Française des Docteurs en Droit
610
Pour une présentation assez générale, v. C. FOE NDI, La mise en œuvre du droit à la santé au
Cameroun, thèse de doctorat, Avignon Université, 2019, spéc. p. 413 et s.
611
Code général des impôts, livre des procédures fiscales, acte uniforme OHADA.
612
Le Journal quotidien « Mutations », édition du 17 mars 2021 qui s’est intéressé principalement
sur la question de la « séquestration des patients insolvables dans les hôpitaux », fait état de
ce que ces patients tous des femmes, sont pour la majorité arrivées à l’hôpital pour un
accouchement. Malheureusement pour elles, l’espoir d’un accouchement normal s’est
transformé en un accouchement par césarienne, doublant ou triplant ainsi la facture.
613
Organisé par des dispositions éparses du code civil camerounais, articles 862, 1612, 2082,
2280 et s.
614
G. CORNU (dir.), Vocabulaire juridique, Association Henri Capitant, 11e éd., Paris, PUF, 2016,
p. 923, v° Rétention.
260
Horizons du droit - Bulletin n°28, 2021
Revue de l'Association Française des Docteurs en Droit
615
Cette insaisissabilité du corps humain se prolonge et se retrouve dans l’insaisissabilité de
certains moyens de subsistance, v. article 327 du code de procédure civile camerounais.
616
CA du Littoral, arrêt n°42/RF du 25 janvier 1995, Affaire WAKEM KUIMO Gilbert c/Directeur de
l’hôpital Général de Douala, Juridis Périodique, n° 33, janvier-février-mars 1998, pp. 15-21, note
J.-C. NCHIMI MEBU.
617
M. FOULON et Y. STRICKLER, « Les pouvoirs du juge des référés », in Gazette du palais, 2012,
p. 17.
261
Horizons du droit - Bulletin n°28, 2021
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ne peut être exercé sur un cadavre, qui demeure une « chose » quoique soumise
à un régime spécial618, a fortiori, il ne pourra s’exercer sur une personne vivante.
618
M. TOUZEL-DIVINA, M. BOUTEILLE-BRIGANT, « Le droit du défunt », in Communications,
n° 97, 2015/2, pp. 29-43.
619
Article 584 (3) du code de procédure pénale. Au cas d’espèce, par un proche du patient
détenu.
620
Article 137 (2) du code de procédure pénale.
621
La garde à vue administrative est prévue par l’article 2 de la loi n° 90-54 du 19 décembre 1990
relative au maintien de l’ordre. Sur la question, v. P.-C. KAMGAING et S. TAMETONG, « Le
Cameroun, un État policier ? à propos de la garde à vue administrative », in Nkafu Policy
Institute, en cours de publication.
622
M. LECACHEUX, « La question de la sécurité à l’hôpital : la place centrale du directeur
d’établissement », in Village de la justice, 02 juin 2017.
262
Horizons du droit - Bulletin n°28, 2021
Revue de l'Association Française des Docteurs en Droit
623
Elle ne peut excéder en principe 72 heures après l’arrivée de la personne. Cette durée connaît
des aménagements pendant le weekend et les jours fériés.
624
Éducaloi, Les soins de santé, 2018, p. 11 et s.
625
Article 584 (1) du CPP.
626
« Au Cameroun, si tu es malade et que tu n’as pas d’argent tu meurs », propos d’un patient
recueilli par M. COTINAT, « Cameroun : dans les hôpitaux, la double peine », in Jeune Afrique,
31 août 2011.
627
« Tout homme a le droit de se fixer en tout lieu et de se déplacer librement, sous réserve des
prescriptions légales relatives à l’ordre, à la sécurité et à la tranquillité publics », préambule de
la Constitution.
263
Horizons du droit - Bulletin n°28, 2021
Revue de l'Association Française des Docteurs en Droit
dignité pour tout être humain628. Or, la rétention des patients insolvables dans les
centres hospitaliers porte une atteinte sérieuse à ces garanties majeures. La
liberté d’aller et de venir et la dignité humaine sont des garanties majeures dans
la mesure où leur violation peut empêcher la pleine jouissance de nombreux
autres droits629. De ce fait, la rétention des patients insolvables dans un centre
hospitalier peut entraîner soit la responsabilité de l’administration pour voie de
fait soit la responsabilité individuelle du chef d’établissement.
qui la consacrent630, la liberté d’aller et venir ne peut être restreinte que dans les
circonstances légalement prévues et lorsque cette mesure est commandée par
les nécessités de maintien l’ordre et de la sécurité publics. Or la rétention des
patients insolvables dans les établissements hospitaliers ne correspond à
aucune de ces hypothèses. La pratique montre à quel point cette privation
illégale de liberté est ancrée. Le journal quotidien Mutations631 a ainsi rapporté la
mésaventure d’une patiente qui était retenue pour insolvabilité et qui avait réussi
à s’échapper pour s’occuper de ses enfants esseulés à la maison. Après une
fouille minutieuse, les agents de l’hôpital avaient pu la retrouver et l’avaient
ramenée manu militari dans son lieu de rétention, sans aucun mandat. Ces faits
peuvent paraître banaux à première vue. Pourtant, ils interpellent sur la gravité
du phénomène ainsi que sur le danger de voir les hôpitaux publics se transformer
en prisons. Car en réalité, la rétention fait de l’hôpital un no man’s land juridique
où le plus fort, c’est-à-dire le centre hospitalier, se rend justice lui-même. Selon
628
« Toute personne a droit à la vie et à l’intégrité physique ou morale. Elle doit être traitée en
toute circonstance avec humanité. En aucun cas, elle ne peut être soumise à la torture, à des
peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants », préambule de la Constitution.
629
Par exemple le droit au travail pour un patient travailleur, le droit à l’éducation pour un patient
scolarisé, etc.
630
Notamment l’article 13 de la DUDH et l’article 12 du PIDCP.
631
Dans sa parution du 17 mars 2021.
264
Horizons du droit - Bulletin n°28, 2021
Revue de l'Association Française des Docteurs en Droit
En tant que tel, elle protège les intérêts multiples et interdépendants d’une
personne allant de son intégrité corporelle à son intégrité morale et à son
épanouissement personnel. Ses sources sont bien connues pour être
développées ici635. En peu de mots, on dira que la dignité est ce qui reste à
l’homme quand bien même il aura tout perdu, y compris sa liberté. Dans le
domaine de la santé en particulier, le respect de la dignité du patient est un
principe fondamental à préserver en toute circonstance636. En effet, le service
public de la santé repose sur des valeurs telles que l’humanisme et la justice
sociale. L’on peut cependant déplorer le fait que la montée du capitalisme et la
cupidité de certains dirigeants tendent parfois à fragiliser ces principes. Pour
apprécier s’il y a eu une atteinte à la dignité dans le cadre de la rétention des
patients insolvables, il faut nécessairement se placer du côté des victimes. Très
concrètement, il s’agira de rechercher si le traitement auquel ils sont soumis leur
ôte la qualité d’êtres humains. Et là, force est de constater que la privation de
liberté se double parfois d’une atteinte à la dignité humaine. Dans les centres
632
R. YATES, T. BROOKES et E. WHITAKER, « Hospital detentions for non-paiement of fees. A
denial of rigths and dignity », in The Royal Institute of International affairs, Chattam House, 2017,
p. 2.
633
E. ABOU EZ, « Hôpitaux : des patients retenus prisonniers jusqu’au paiement de la facture »,
in France info : Afrique, 13/12/2017.
634
B. EDELMAN, « La dignité de la personne humaine, un concept nouveau », in Recueil Dalloz,
1997, p. 185, note 30.
635
Pour les généralités sur la notion, cf. E. EYLEM AKSOY, « La notion de dignité humaine dans la
sauvegarde des droits fondamentaux des détenus », in A. A. CANÇADO et C. BARROS LEAL
(dir.), Le respect de la dignité humaine, Fortaleza, 2015, p. 47 et s.
636
J.-M. CLEMENT (J.), Les grands principes du droit de la santé, Bordeaux, Les études
Hospitalières, 2005, p. 33 : les grands principes de la santé sont notamment : la dignité ; la
liberté ; l’égalité ; le consentement ; l’information ; la sécurité-qualité.
265
Horizons du droit - Bulletin n°28, 2021
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hospitaliers où ces patients sont retenus, ils sont tous réunis dans une salle
spécialement prévue à cet effet637. Ils ne bénéficient d’aucune intimité. Selon
l’étude de la Chattam House susmentionnée, ces patients sont « enchaînés,
affamés et abusés » et ne bénéficient d’aucune compassion de personnel
soignant. De même, on ne saurait dédouaner d’office les chefs d’établissements
hospitaliers camerounais des dérives observer dans les pays semblables. Par
exemple, dans les hôpitaux kenyans, « de nombreuses femmes retenues après
un accouchement ont eu des rapports sexuels payants avec des médecins pour
régler leurs factures »638. Au regard des abus que peut entraîner la rétention des
patients insolvables, on peut comprendre la note de service du ministre de la
santé publique du 14 mars 2019 dans laquelle il fustigeait la pratique et rappelait
l’ambition « d’humanisation des soins et de justice sociale » à laquelle doit
participer le corps médical.
La mise en jeu des responsabilités. À quoi servirait-il d’être titulaire d’un droit si
637
G. M. TCHINDA, op. cit. p. 5.
638
E. ABOU EZ, ibid.
639
Y. STRICKLER et A. VARNEK, Procédure civile, Bruxelles, Bruylant, 9e édition, Coll.
« Paradigme », 2019, p. 9.
640
L’hôpital public est considéré comme un service public.
641
Soit parce que cet acte est contraire à la loi, soit parce que sont auteur n’en a pas le pouvoir.
642
CE, 09 mai 1867, Duc d’Aumale, Lebon p. 472, cité par S. GUILLON-COUDRAY, La voie de fait
administrative et le juge judiciaire, thèse de doctorat, Université Paris II, 2002, p. 10 et s.
266
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643
Pour une présentation du contentieux de la voie de fait, v. O. LE BLOT, « Maintenir la voie de
fait ou la supprimer ? Considérations juridiques et d’opportunité », in Revue des droits et libertés
fondamentaux, 2012, chron. 24.
644
C’est le cas de l’infraction d’abus de fonctions (article 140 du CP), de torture (article 277-3 du
CP).
645
Cette peine est doublée lorsque la privation de liberté dure plus d’un mois, article 291 (2) du
CP.
267
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Vaut mieux un mauvais arrangement qu’un bon procès. Il vaut mieux, dans
646
Seules les questions de finances publiques et de responsabilité professionnelle des médecins
sont inscrites dans les programmes harmonisés de formation. V. Programme d’appui à la
composante technologique et professionnelle de l’enseignement supérieur (PRO-ACTP),
Programme harmonisés de la filière médicale au Cameroun, Yaoundé, 2015, p. 106.
647
Par exemple un travail.
268
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648
G. M. TCHINDA, « Revoir les fondements de notre système de santé », in Mutations, n° 5301
du mercredi 17 mars 2021. Rappelons que le coût global de la prise en charge dans les hôpitaux
prend en compte non seulement le coût de soins proprement dit, mais aussi les frais
d’hospitalisation (c’est-à-dire d’occupation des installations et infrastructures hospitalières).
649
Sur le manque d’infrastructures, v. J. P. BEYEME ONDOUA, « Le système de santé
camerounais », in Actualité et dossier en santé publique, n° 39, juin 2002, p. 61.
269
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650
L’on parle de la remise partielle de la dette.
651
En vertu du principe de l’autonomie budgétaire et financière qui régit le fonctionnement des
établissements hospitaliers.
652
R. BEMBELLY, « L’application de l’article 39 de l’acte uniforme portant procédures simplifiées
de recouvrement et des voies d’exécution par le juge congolais », in Revue de l’ERSUMA, n° 2,
2013, p. 329 et s.
653
Si la dette est inférieure ou égale à 10 millions, c’est le TPI qui sera compétent. Au-delà de
cette somme, la compétence reviendra au TGI.
270
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mécanismes de souplesse qui favorisent l’un sans léser l’autre. Parfois, en vue de
leur mise en œuvre, les services sociaux pourront être impliqués.
La prise en charge par les services sociaux. Au début des années 2000, le besoin
d’assurer un accompagnement social des patients dans les hôpitaux s’est fait
ressentir654. En effet, il avait été donné de constater que certains patients étaient
désœuvrés et quasiment abandonnés à leur sort. Pour combler ce vide, des
postes sociaux ont été créés auprès des hôpitaux655. Leur mission consiste à
assurer auprès des malades une présence affective et à leur garantir l’assistance
psychosociale nécessaire à leur équilibre. Concrètement, il s’agit de faire en sorte
que « le malade ne se sente à aucun moment abandonné ni par les siens, ni par
le corps médical, ni par la société du fait de sa maladie »656. L’assistance sociale
est réservée aux patients « nécessiteux et indigents »657. Toutefois, ils sont
énumérés de manière très restrictive par les textes : les personnes handicapés
ou polyhandicapés, les enfants mineurs de parents handicapés, les personnes
qui en raison de leur état ne peuvent participer à un effort productif générateur
de revenus ainsi que les personnes rendues temporairement invalides658. Le cas
spécifique des patients valides – c’est-à-dire les personnes n’ayant pas un
handicap – mais incapables de s’acquitter des frais médicaux n’est donc pas
654
D’ailleurs, l’article 1er (2) du décret n° 2005/160 du 25 mai 2005 portant organisation du
ministère des affaires sociales mentionne entre autres, comme missions, l’organisation de « la
solidarité nationale ».
655
V. par exemple l’instruction ministérielle n° 93/00770/MINASCOF/SG du 07 avril 1993 fixant
les attributions du poste social auprès d’un hôpital.
656
Ibid.
657
On y inclut les femmes indigentes enceintes, allaitant ou ayant des enfants en âge de
vaccination dans les localités n’ayant pas un centre de protection maternelle et infantile.
658
Article 12 (2) de l’arrêté du 27 août 2010 portant cahier des charges précisant les conditions
et les modalités techniques d’exercice des compétences transférées par l’État aux communes
en matière d’attributions d’aides et des secours aux indigents et aux nécessités. Dans la
pratique, le taux d’invalidité doit être supérieur ou égal à 50% pour donner droit à l’assistance
sociale. Ce taux est évalué par un médecin et mentionné dans un certificat médical spécial
disponible au service des affaires sociales de l’hôpital.
271
Horizons du droit - Bulletin n°28, 2021
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spécialement envisagé. Pourtant, ils devraient être pris en compte659. En tout cas,
si le demandeur remplit les conditions, l’aide sociale pourra être partielle ou
totale. Lorsqu’il s’agit d’un patient étranger, la pratique en la matière recommande
de prendre attache avec les représentations diplomatiques du pays dont il est
ressortissant. Mais cette situation ne va pas sans poser de difficulté660. Au regard
de tout ce qui précède, il apparaît clairement que plusieurs passerelles
permettent d’éviter le travers de la séquestration. Si elles ne produisent pas le
résultat escompté, à savoir le paiement du créancier, la voie contentieuse de
recouvrement pourra alors être actionnée.
L’obscurité des textes. L’idée de la gratuité des soins semble encore une utopie,
659
Une étude a révélé que les critères d’identification des personnes indigentes sont le plus
souvent flous. Elle en vient à considérer l’indigent comme « celui qui n’a rien », V. RIDDE et J.-
E. GIRARD, « Douze ans après l’initiative de Bamako : constats et implications pour l’équité
d’accès aux services de santé des indigents africains », in Santé publique, vol. 16, 2014/1,
pp. 37-51.
660
L’expérience française en la matière est assez illustrative, v. Ministère des affaires sociales,
« Importance des créances hospitalières impayées dues au frais de séjour des malades
étrangers », Réponse à la question écrite n° 00327 de M. J.-P. FOUCARDE, publiée dans le JO
Sénat du 13 janvier 1994, p. 66.
661
E. CHOLET, « La gratuité des soins : une solution nationale pour la santé des plus pauvres ? »,
in D. KEROUEDAN (dir.), Santé internationale. Les enjeux de santé au Sud, Paris, Presses de
Sciences Po, « Hors collection », 2011, pp. 261-271.
662
Seulement 5,5% du budget, ce qui est très loin de la proportion de 15% adopté dans le cadre
de la Déclaration d’Abuja. V. E. ATCHA, « Cameroun : la part du budget de l’État allouée à la
santé reste faible », in Afrique La Tribune, édition du 31 janvier 2018.
663
G. VELASQUEZ, « Médicaments et financement du système de santé dans les pays du Tiers
monde », in Tiers monde, t. 30, n° 118, 1989, pp. 455-463.
272
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« recouvrement des coûts » des soins médicaux par les hôpitaux. Cependant, le
texte ne donne aucune définition de cette expression. En effet, cette formulation
a pu laisser croire à certains que les établissements hospitaliers étaient en droit
de recouvrer les coûts des soins par tous les moyens, y compris en retenant
contre leur gré les usagers insolvables664. Au soutien de cette position, est
invoqué l’article 3 de la loi n° 98/009 du 1er juillet 1998 portant loi des finances,
autorisant « les formations hospitalières (…), pour leur fonctionnement, à
conserver 100% de leurs recettes ». Or cette interprétation nous paraît
difficilement soutenable pour des raisons déjà évoquées. L’idée de recouvrement
des coûts devrait plutôt être comprise de manière large comme renvoyant au
financement des services de santé. Plus exactement, « il ne s’agit pas de
récupérer ou recouvrir les coûts mais de trouver un équilibre financier entre la
participation demandée à la population et les ressources de l’État pour le secteur
de la santé »665. Ainsi, le recouvrement des coûts, dans le sens de l’Initiative de
Bamako se situe dans une problématique et une perspective plus globale, celle
du financement de santé publique666. C’est dire que le recouvrement contentieux
des créances ne peut se faire que dans un cadre légal.
Mais les choses ne sont pas si simples… S’il ne fait l’ombre d’aucun doute que les
664
G. M. TCHINDA, « Revoir les fondements de notre système de santé », op. cit.
665
G. VELASQUEZ, op. cit., spéc. p. 462.
666
J.-Fr. MÉDARD, « Un système de santé en mutation : le cas du Cameroun », in Bulletin de
l’APAD, n° 21, 2001, p. 1 et s. ; R. OKALLA et A. LE VIGOUROUX, « Cameroun : de la réorientation
des soins de santé primaire au plan national de développement sanitaire », in Bulletin de l’APAD,
ibid.
273
Horizons du droit - Bulletin n°28, 2021
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l’État et des organismes publics est beaucoup plus instable »667. L’analyste
pourrait donc être partagé entre les dispositions du droit uniforme OHADA et les
règles touffues – et donc peu édifiantes – du droit interne. L’auteur soulignait par
la même occasion l’opportunité de se référer à la jurisprudence étrangère,
notamment française, pour essayer de « camper une systémique prétorienne du
recouvrement des créances concernant les entités publiques, qu’elles soient
fiscales, parafiscales ou étrangères à l’impôt »668. Relevons à propos que la
jurisprudence française a su poser, avec le temps, les bases du recouvrement
contentieux des frais d’hospitalisation. Le Conseil d’État a clairement posé le
principe de la compétence exclusive du juge administratif en cas d’action en
paiement, ceci dans la mesure où le patient a la qualité d’usager de service
public669. C’est dire que la relation entre le patient et l’établissement hospitalier
n’est ni contractuelle ni privée670. L’action en paiement peut être dirigée contre le
patient lui-même ou contre les personnes ayant envers lui une obligation
alimentaire671. Dans ce dernier cas, c’est la juridiction civile qui sera compétente
en raison de la nature de l’obligation672.
667
H. TCHANTCHOU, « Le cadre législatif et règlementaire du recouvrement des créances de
l’état et des entreprises publiques dans l’espace OHADA », Communication lors de la formation
des cadres des ministères de finances et/ou de l’économie, de magistrats et de juristes
d’entreprises, du 26 au 29 août 2013 sur le thème L’État, les entreprises publiques et le
recouvrement des créances, p. 6. V. aussi, S. YONABA, « Le recouvrement des recettes
publiques dans les États africains : un état des lieux préoccupant », in RFAP, n° 144, 2012/2,
pp. 1043-1051.
668
Ibid., pp. 7-8.
669
CE, 30 mars 1984, n° 24621 ; CE, 11 janvier 1991, n° 93348.
670
Cette précision est importante car elle permet de protéger l’établissement hospitalier par
exemple lorsque le patient n’a pas été informé d’un changement de tarif. V. dans ce sens, CAA
Paris, 20 septembre 2006, n° 03PA04728 ; CAA Nantes, 28 juin 2002, n° 99NT00480.
671
Sur cette obligation, v. article 203 et s. du code civil camerounais. Cependant, le débiteur des
dettes ne pourra être tenu que dans la limite de ce dont il est redevable envers le patient. En
droit français, v. L. 6145-11 du code de santé publique, Cass. civ. 1re, 29 janvier 2002, n° 99-
21.395, inédit ; Cass. civ. 1re, 14 novembre 2006, n° 02-19.238, inédit.
672
CE, 28 juillet 1995, n° 168438 ; CA Riom, 27 avril 2004, n° 03/02817. Si le montant de la dette
d’aliment n’est pas déterminé au moment de l’action contre les débiteurs d’aliments, le juge
devra au préalable le déterminer, Cass. civ. 1re, 08 juin 2004, n° 02-12.131, Bull. civ., I, n° 163,
p. 137. Mais si le débiteur est pris en sa qualité de mandataire du patient, c’est le tribunal
administratif que sera compétent, TC, 24 mars 2003, n° C3343.
274
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673
Article 14 du décret n° 93/229/PM du 15 mars 1993 fixant les modalités de la gestion des
recettes affectées aux formations sanitaires pour leur fonctionnement.
674
Sur les fonctions des régisseurs de recettes, voir article 8 et s. du décret précité. V. en droit
français, l’article L. 6145-9 du Code de la santé publique.
675
CE, 15 mai 1995, n° 132928 ; CAA Nantes, 30 juin 1994, n° 92NT00004 ; CAA Marseille, 13
mars 2007, n° 05MA01604. Cette liquidation est d’autant plus judicieuse que des cas de
surfacturation ont parfois été dénoncés, Data Cameroon, « Surfacturation : comment les
hôpitaux publics volent de l’argent aux femmes enceintes au Cameroun », édition du 30
novembre 2020.
676
Gazette Santé Social, « Le recouvrement des frais d’hospitalisation », in La Gazette.fr, 07 juin
2008, disponible sur htpps://Le recouvrement des frais d'hospitalisation
(lagazettedescommunes.com), consulté le 15 avril 2021.
677
Conformément à l’article L. 53 alinéa 2 du livre des procédures fiscales camerounais.
678
À rapprocher de, TPI Dschang, ord. n° 12 du 12 avril 2001, Edok-Eter c/ CNPS, Juridis
Périodique, n° 48, 2001 p. 67.
275
Horizons du droit - Bulletin n°28, 2021
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Conclusion
un auteur à l’entame de son étude sur le droit des brevets et santé publique dans
l’espace OAPI, la santé est « un bien qui est toujours regardé avec la plus grande
attention. Celui qui le détient ne voudrait le perdre à aucun prix ; celui qui le perd
voudrait à tout prix le récupérer »680. Ainsi, indépendamment de sa condition
sociale, de ses convictions religieuses, politiques ou idéologiques, tout être
humain a droit à la santé. Cependant, ce droit n’est pas toujours garanti en
Afrique subsaharienne681. Au Cameroun, le plein accès aux soins demeure encore
dans la sphère du rêve. En témoigne la pratique de la rétention des patients
insolvables. Les développements qui précèdent ont permis – en tout cas c’était
l’ambition – de jeter un brin de lumière sur cette nébuleuse. Nous avons laissé
parler les faits qui donnent de constater que la rétention des patients insolvables
est une mesure illégale car elle manque de fondement juridique et porte atteinte
aux droits et libertés fondamentaux. Or il existe des voies légales – amiables ou
contentieuses – de recouvrement des créances sanitaires publiques que les
responsables de formations sanitaires pourraient envisager. On n’exclura pas le
fait que la lutte contre ce phénomène puisse se mener également sur le plan
institutionnel. Il s’agira notamment de mettre en œuvre la couverture santé
universelle au Cameroun (CSU) car c’est est un outil de garantie de l’accès aux
679
CCJA, Avis n° 1/2001/EP du 30 avril 2001, Recueil de jurisprudence CCJA, numéro spécial,
janvier 2003, p. 74.
680
P. J. LOWE GNINTEDEM, Droit des brevets et santé publique dans l’espace OAPI, thèse de
doctorat, Université de Dschang, 2011, n° 1, p. 2.
681
Les États africains s’étaient engagés à consacrer 15% de leur budget à la santé publique. Mais
la réalité est loin de là.
276
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682
J. WRIGHT et alii, Le financement de la couverture sanitaire universelle et la planification
familiale. Étude panoramique multirégionale et analyse de certains pays d’Afrique de
l’Ouest : Cameroun, Rapport de l’Agence américaine pour le développement international
(USAID), 2017, pp. 1-24 ; F. C. NKOA et P. ONGOLO-ZOGO, Promouvoir l’adhésion universelle
aux mécanismes d’assurance maladie au Cameroun, Rapport complet, 2012, p. 6. Ces derniers
auteurs insistent que le taux d’assurance maladie souscrites par les particuliers est très faible
au Cameroun.
683
A. MBOHOU, « Couverture santé universelle : un chantier phare du septennat », in Cameroun
tribune, 28 août 2020 ; F. FOUAKENG et alii, « Couverture santé universelle au Cameroun : État
des lieux et défis à relever pour accélérer cette réforme cruciale pour le système de santé en
quête incessante de ressources », [online], htpps//Rapport sur la Couverture Santé Universelle
au Cameroun | P4H, consulté le 08 mai 2020.
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camerounaises
CAMEROUN
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Le droit des affaires ne peut pas se passer du droit pénal, qui est un instrument
de la régulation de l’activité économique684. Le recours au droit pénal reste
d’actualité685, malgré le mouvement de balancier que l’on relève en droit
comparé, entre la pénalisation et la dépénalisation du droit des affaires686. Les
sanctions pénales sont devenues l’apanage des lois nouvelles dans le domaine
économique687. Les législateurs modernes ne sauraient se passer du rôle de
gendarme que le droit pénal assure dans les autres branches du droit688. Le droit
OHADA689 ne se démarque pas de cette optique.
684
Y. MAYAUD, "Le droit pénal, instrument de régulation de l’activité économique et financière", in
Le Code de commerce, Livre du bicentenaire 1807-2007, Dalloz, 2007, p. 625.
685
B. BOULOC, "Le droit pénal dans la vie économique", in Quel Code de commerce pour demain ?,
Litec, 2007, p. 285. J.-B. HERZOG, "Rêveries d’un pénaliste solitaire sur le droit des sociétés", D.
1996, chron. p. 91.
686
Y. Chaput, "La pénalisation du droit des affaires : vrai constat et fausses rumeurs", Pouvoirs
2009/1, n° 128, pp. 87-102 ; Ph. CONTE, "La dépénalisation de la vie des affaires : une question
de proportion", Journal des sociétés, n° 53, avril 2008 ; "La dépénalisation de la vie des affaires",
Rapport au Garde des Sceaux, ministre de la justice, La Documentation française, 2008 ; J.-M.
COULON, "Dépénalisation de la vie des affaires : "Construire un travail équilibré, cohérent, en
proposant des règles claires", Revue Lamy Droit des affaires, n° 25, mars 2008.
687
- C. ROBACZEWSKI, "Les responsabilités pénales dans la société publique locale", in in p.
MEUNIER, M.-A. VANNEAUX, M. VIVIANO, Th. DELAVENNE (dir.), Les sociétés publiques locales. Entre
volonté publique, esprit d’entreprise et concurrence, préc., pp. 163-174, spéc. p. 163. Voir
également M. – A. FRISON-ROCHE (dir.), Les enjeux de la pénalisation de la vie économique, Dalloz,
Collection thème et commentaire, 1997.
688
Voir J.Ch. SAINT-PAU, Droit pénal et autres branches du droit. Regards croisés, éd. Cujas, 2012.
689
L’harmonisation du droit des affaires en Afrique (OHADA), est une œuvre de grande envergure
qui a vu le jour le 17 octobre 1993, avec la signature du Traité de Port-Louis. Journal Officiel de
l’OHADA n° 4 du 1er nov. 1997. L’OHADA compte actuellement 18 Etats membres. L’OHADA s’inscrit
279
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Comme dans tous les systèmes juridiques, "pour réglementer tous les
comportements du droit des affaires, l’OHADA a besoin d’un minimum de
coercition pour garantir l’observation et le respect des normes édictées"690. Le
législateur OHADA a prévu de nombreuses incriminations pénales, dont la plupart
relèvent du droit des sociétés691. L’abus de biens sociaux en fait partie692. Cette
infraction sanctionne l’atteinte aux biens de toutes les entreprises qui exercent
leurs activités sous forme sociétaire, indépendamment de leur appartenance au
secteur privé ou public.
dans le cadre d’une grande entreprise juridique et économique sous régionale en Afrique. Voir J.
ISSA-SAYEGH, "L’intégration juridique des Etats africains de la zone franc", Penant n° 827, mai-
août 1998, p. 218.
690
YAO K. ELOI, "Uniformisation et droit communautaire : esquisse d’un droit pénal des affaires
dans l’espace OHADA", RIDC n° 3, 2011, pp. 661-696, spéc. p. 664. Sur le droit pénal OHADA, voir
D. NDIAW, "Actes uniformes et Droit pénal des Etats signataires du Traité de l’OHADA : la difficile
émergence d’un droit pénal communautaire des affaires dans l’espace OHADA", Revue Burkinabe
de Droit, 2001 ; M. MAHOUVE, "Le système pénal OHADA ou l’uniformisation à mi-chemin", Penant,
n° 846, 2004, p. 87 et s. ; E. L., KANGAMBEGA, "Observations sur les aspects pénaux de l’OHADA",
Penant, n° 834, 2000, p. 304 et s. ; A. FOKO, "Analyse critique de quelques aspects du droit pénal
OHADA", Penant, n° 859, 2007, p. 195 et s.
691
Pour un tableau synoptique, voir H. TCHANTCHOU, M. AKUETE AKUE, "L’état du droit pénal des
affaires dans l’espace OHADA", Revue de l’ERSUMA, Droit des affaires - Pratique
Professionnelle, N° Spécial - nov-déc 2011, Etudes, pp. 24-45, spéc. pp. 30 à 34 ; E. KITIO, "Le
contentieux du droit pénal des affaires devant les hautes juridiqtions nationales et devant la
CCJA", Revue de l’ERSUMA, n° 2, Mars 2013, pp. 309-328.
692
Art. 891 Acte uniforme portant organisation des sociétés commerciales et du groupement
d’intérêt économique (AUSCGIE).
693
G. RIPERT, Les aspects juridiques du capitalisme moderne ….., n° 120 à 123 ; P. DURAND, La
notion juridique d’entreprise, in Trav. Ass. H. Capitant, Dalloz, 1947 ; M. DESPAX, L’entreprise et le
droit, LGDJ, 1957 ; J. MESTRE, M.-E. PANCRAZI, I. ARNAUD-GROSSI, L. MERLAND, N. TAGLIARINO-VIGNAL,
Droit commercial, 29e éd. LGDJ .., n° 28, p. 35.
694
G. CORNU, Vocabulaire juridique Association Henri Capitant, 13e éd. PUF, 2020, v° Entreprise.
280
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Le législateur OHADA n’a pas défini la notion d’entreprise publique. Il faut donc se
référer, en plus des définitions générales, à celles qui sont retenues par les
dispositions nationales des Etats membres, auxquelles renvoient implicitement
l’article 916 AUSCGIE. Suivant une acception générale, l’entreprise publique est
une "entreprise appartenant au secteur économique public ou local"697. La loi
camerounaise n° 2017/011 du 12 juillet 2017 vient mettre un terme à l’amalgame
qui avait été entretenu entre les entreprises publiques et les établissements
publics et les sociétés commerciales698. Elle distingue deux types d’entreprises
695
Voir par exemple. BOLZE, note sous CA Paris, 28 mai 1986, D. 1987, 562, qui définit l’entreprise
comme "la réunion des moyens matériels et humains coordonnés et organisés en vue de la
réalisation d’un objectif économique déterminé". Voir également B. MERCADAL, "La notion
d’entreprise", Mélanges offerts à Derruppé Jean, Litec/Joly, 1991, p.9.
696
Voir J. PAILLUSSEAU, La S.A., technique d’organisation de l’entreprise, Sirey, 1967.
697
G. CORNU, Vocabulaire juridique préc., v° Entreprise publique.
698
L’article 3 de la loi du 22 décembre 1999 portant réforme du statut général des établissements
et des entreprises des secteurs publics et parapublics soumettait les sociétés à capital public et
les d’économie mixte au statut général des établissements publics. Si les entreprises publiques
en forme d’établissements publics sont des personnes morales de droit public qui ont la
personnalité morale de droit public, et soumises de ce fait au droit public, tel n’est pas le cas des
entreprises publiques de forme sociétaires. La loi n° 2017/011 du 12 juill. 2017 portant statut
général des entreprises publiques met un terme à cette confusion. Voir M. AFANA BINDOUA, "Libres
propos sur la réforme du cadre juridique des établissements et des entreprises publics au
Cameroun", Penant, n° 911, avril-juin 2020, pp. 240-268. Malgré leur appartenance au secteur
public, ces entreprises sont des personnes privées (CE, Ass. 22 déc. 1982, n° 34.252 et n° 34.798,
Comité central d’entreprise de la société française d’équipement pour la navigation aérienne, Rec.
CE 1982, p. 436, RDP 1983, p. 497, note J. M. AUBY. Sur la nature juridique des entreprises
publiques, voir la doctrine classique ce sont des personnes morales de droit privé. Voir en ce
sens, NEGRIN, L’intervention des personnes morales de droit privé dans l’action de l’administration,
LGDJ, 1971, pp. 35 et s. ; R. ALLOU, La pratique des sociétés d’économie mixte, Librairie du Journal
des notaires et des avocats, 1976 ; G. VEDEL, Droit administratif, PUF, Thémis, 5e éd. 1973, 902
p. ; M. Waline, Précis de droit administratif, tome 2, Paris, Montchrestien, 1970, 368 p.) ; A. de
281
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publiques. La société à capital public, dont le capital est entièrement détenu par
l’Etat d’une part, et la société d’économie mixte, dans laquelle la participation en
capital de l’Etat699, d’une entreprise publique, ou d’une collectivité territoriale
décentralisée est majoritaire700. Elles doivent être constituées sous forme de
société anonyme, et fonctionner conformément aux dispositions de l’Acte
uniforme OHADA relatif au droit des sociétés commerciales et du groupement
d’intérêt économique701.
LAUBADERE, Traité de droit administratif, tome 4, 3e éd. 1977, LGDJ, p. 233 et s.. En soumettant les
entreprises publiques qui exercent leurs activités sous forme sociétaire à tous les Actes
uniformes (Voir B. BOUMAKANI, "Les entreprises publiques à l’épreuve du droit OHADA", Rev. Lamy
Droit des affaires, oct. 2004, n° 75, pp. 25-29, spéc. pp. 26 à 28), le droit OHADA a poursuivi la
banalisation des entreprises publiques est définie comme "la tendance à soumettre celles-ci aux
règles qui régissent les relations juridiques privées, ou à des règles inspirées de celles qui
régissent les relations juridiques privées" J.-B. AUBY, "Le mouvement de banalisation du droit des
entreprises publiques et ses limites", in Etudes offertes à Jean-Marie Auby, Dalloz, 1992, pp. 3-
16, spéc. p. 3).
699
Art. 2 al. 2 loi 12 juill. 2017.
700
Art. 2 al. 3 loi 12 juill. 2017.
701
Art. 10 loi 12 juill. 2017.
282
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La question qui se pose in fine, est celle de savoir quelle est la sanction applicable
aux atteintes portées au patrimoine des entreprises public, dans un
environnement juridique où l’Etat assure une protection particulière des biens
publics qui se traduit, non seulement par l’existence de sanctions pénales
spécifiques, mais également par la sévérité de la politique criminelle à l’égard des
prévaricateurs de la fortune publique en général. Cette question s’est posée avec
beaucoup d’acuité au Cameroun. L’intérêt de l’étude réside donc dans la
détermination de la loi applicable aux atteintes portées au patrimoine des
entreprises publiques camerounaises. Cette question nationale a une
excroissance extraterritoriale.
702
Voir par exemple, TGI du Wouri, jugement des 12 et 13 déc. 2007, M.P. et Port autonome de
Douala c/ Etonde Ekoto et autres c/ M.P. Cette affaire ayant fait l’objet d’un pourvoi rejeté pour
incompétence par la CCJA; TGI du Mfoundi, M.P. et Société Immobilière du Cameroun c/ Belinga
Giles Roger et autres, jugement numéro 880/Crim. du 27 sept. 2007 ; M.P. et FEICOM c/ Ondo
Ndong Emmanuel, jugement n° 371/Crim. du 27 juin 2007.
703
Voir E. KENGUEP et E. FOKOU, "L’infraction d’atteinte au patrimoine des entreprises publiques et
parapubliques dans l’espace OHADA", Revue de l’ERSUMA, n° 6, Droit des affaires – Pratique
Professionnelle, N° 6 – Janvier 2016, Doctrine ; V. BAKREO, "La nature juridique des sociétés
d’Etat : analyse critique au regard du droit OHADA et du contentieux camerounais d’abus de biens
sociaux", Penant, n° 909, oct.-déc. 2019, pp. 449-474.
283
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704
Voir N. DIOUF, "Actes uniformes et Droit pénal des États signataires du Traité de l’OHADA : La
difficile émergence d’un droit pénal Communautaire des Affaires dans l’espace OHADA", Revue
Burkinabé de Droit, 2001 ; YAO K. ELOI, "Uniformisation et droit communautaire : esquisse d’un
droit pénal des affaires dans l’espace OHADA", RIDC n° 3, 2011, pp. 661-696.
705
J. KAMGA, "Contentieux des sanctions pénales : dernier refuge des souverainetés étatiques
dans l’espace de l’OHADA". (À propos de l’arrêt, CCJA, n°053/2012 du 07 juin 2012, Pourvoi
n°059/2009/PC du 19 juin 2009 Affaire : Monsieur E.E.E c/ Port Autonome de Douala. Voir
également D. LEKEBE OMOUALI, "Les ambiguïtés de la voie de cassation en matière de droit pénal
des Actes uniformes", Lexbase : A9113WY8 ; R. NJEUFACK TEMGWA, "Précisions sur la compétence
judiciaire de la CCJA", in Les réformes de droit privé en Afrique. Actes du colloque organisé par le
Laboratoire d’Etudes et de Recherche sur le Droit et les Affaires en Afrique (LERDA), 13-14
novembre 2014, Université de Dschang (Cameroun), Presses Universitaires d’Afrique, 2016, pp.
403-411.
706
Art. 5 al. 2 Traité OHADA : "Les Actes uniformes peuvent inclure des dispositions d’incrimination
pénale. Les Etats Parties s’engagent à déterminer les sanctions pénales encourues".
284
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707
"Une telle exigence découle directement du principe de la légalité pénale puisqu’en retenant
une seule qualification pénale, on assure à la personne poursuivie de retenir celle qui correspond
le mieux aux faits". E. GALLARDO-GONGGRYP, La qualification pénale des faits, PUAM, 2013, p. 111,
n° 147.
708
E. DREYER, Droit pénal général préc., p. 527, n° 633.
709
Sur l’abus de biens sociaux, voir A. MEDINA, Abus de biens sociaux. Prévention, détection,
poursuite, Dalloz 2001, 354 p.
710
Sur le détournement de biens publics, voir S. YAWAGA, "Avancées et reculades dans la
répression des infractions de détournements des deniers publics au Cameroun : Regard critique
sur la loi n° 2011/028 du 11 décembre 2011 portant création d’un tribunal criminel spécial", in
Juridis Périodique, n° 90 avril-mai-juin 2012, p. 43.
285
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L’article 916 AUSCGIE qui dispose que "le présent Acte uniforme n’abroge pas les
dispositions législatives auxquelles sont assujetties les sociétés soumises à un
régime particulier" est à l’origine d’une controverse quant à la détermination du
droit applicable aux entreprises publiques. La réforme du Code pénal par la loi n°
2016/007 du 12 juillet 2016, qui est intervenue largement après l’adoption de
l’Acte uniforme relatif au droit des sociétés commerciales était l’occasion de
mettre le droit pénal camerounais en harmonie avec le droit OHADA.
Sur le plan matériel, l’abus de bien sociaux est caractérisé par l’usage des biens
et du crédit d’une entreprise à des fins contraires à l’intérêt social. Les dirigeants
sociaux712 doivent, suivant les termes de l’article 891 AUSCGIE, faire "des biens ou
du crédit de la société, un usage qu’ils savent contraire à l’intérêt de celle-ci"713.
L’usage des biens ou du crédit C’est l’élément matériel constitutif de l’infraction.
L’article 891 AUSCGIE y ajoute un usage à des fins personnelles, matérielles ou
morales, d’une part, un usage destiné à favoriser une autre personne dans
laquelle les dirigeants sociaux sont intéressés directement ou indirectement. Ces
711
Voir exposé des motifs du projet de loi portant Code pénal.
712
Ont cette qualité, au sens de l’article 891 AUSCGIE, le gérant de la société à responsabilité
limitée, les administrateurs, le président directeur général, le directeur général, le directeur
général adjoint, le président de la société par actions simplifiée, l’administrateur général ou
l’administrateur général adjoint.
713
"En réalité, l’intérêt social est un instrument souple et pratique, utilisé en jurisprudence en vue
d’une certaine police des sociétés. L’institution qu’il nous rappelle le plus est celle de la "cause"
dans les contrats" : J. SCHAPIRA, "L’intérêt social et le fonctionnement de la société anonyme",
RTD Com., 1971, p. 970.
286
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L’on peut a priori en dire autant pour le fait de favoriser une personne morale
dans laquelle les dirigeants sociaux sont intéressés directement ou
indirectement. Cette dernière alternative vise la prise illégale d’intérêts, qui n’est
pas sanctionnée dans tous les Etats membres de l’OHADA. On peut l’estimer
superflue au même titre que la précédente. L’on peut toutefois admettre que
cette précision est de nature à écarter toute difficulté d’interprétation dans les
Etats membres qui n’ont pas incriminé la prise illégale d’intérêts. Ces éléments
matériels sont identiques à l’infraction de détournement de biens publics prévue
par l’article 184 du Code pénal camerounais. Ce réprime par de lourdes peines,
"quiconque, par quelque moyen que ce soit, obtient ou retient frauduleusement
quelque bien que ce soit, mobilier ou immobilier, appartenant, destiné ou confié
à l’Etat unifié, à une coopérative, collectivité ou établissement, ou publics, ou
soumis à la tutelle administrative de l’Etat ou dont l’Etat détient directement ou
indirectement la majorité du capital social".
Les actes matériels du détournement de biens publics "résident aussi bien dans
le fait d’obtenir que de retenir frauduleusement tout bien mobilier appartenant ou
destiné à l’Etat, à une coopérative, à une collectivité locale ou établissement
administratif, industriel ou commercial sous tutelles administrative de celui-ci où
il détient directement ou indirectement la majorité du capital social"714.
L’obtention et la rétention litigieuses s’analysent naturellement en un usage des
biens de la société publique à des fins contraires à l’intérêt social. Quant à la
notion de biens, il s’agit aussi bien de biens matériels qu’immatériel, et donc du
287
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crédit d’une société. En définitive, l’on retrouve dans le détournement des biens
publics, les mêmes éléments matériels que l’abus de biens sociaux. Il s’agit de
l’usage des biens et du crédit à des fins contraires à l’intérêt social qui est
considéré par un auteur, comme étant la "boussole de la société"715. La
communauté des éléments matériels est doublée de l’identité des éléments
intentionnels.
L’élément moral de l’abus de biens sociaux prévu par l’article 891 AUSCGIE est
double. Le législateur communautaire exige d’abord un dol général caractérisé
par la mauvaise foi de l’agent. La mauvaise foi "désigne ici l’intention frauduleuse
ou les manœuvres et réticences dolosives même indéterminées orchestrées par
le dirigeant social avec la conscience et la connaissance du caractère
715
A. PIROVANO, "La boussole de la société. Intérêt commun, intérêt social, intérêt de l’entreprise",
D. 1997, chron., p. 189.
716
Il s’agit, selon les termes de l’article 184 du Code pénal ; des biens appartenant ou destiné à
l’Etat, à une coopérative, à une collectivité locale ou à un établissement administratif, industriel
ou commercial sous tutelle administrative de l’Etat, ou dans lequel l’Etat détient directement ou
indirectement la majorité du capital social.
288
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717
E. FOKOU préc., p. 10.
718
Certains auteurs s’interrogent sur la pertinence de ce dol spécial qu’ils jugent l’existence d’un
dol spécial qu’ils jugent "superfétatoire". Voir W. JEANDIDIER, Droit pénal des affaires, Dalloz, 6e
éd., 2006, p. 378 : "L’examen de toutes ces décisions conduit à s’interroger sur la rationalité de
l’exigence d’un dol spécial pour l’abus de biens sociaux. Tout mobile étant pris en considération,
cela ne revient-il pas en définitive au caractère superfétatoire du dol spécial et de ce fait à un
rapprochement inattendu avec l’abus de confiance".
719
Cass. Crim., 20 nov. 1978 : Bull. Crim. 1978, n° 323 : "Si les juges de répression ne peuvent
statuer sur d’autres faits que ceux qui leurs sont déférés par le titre qui les saisit, il leur appartient
de relever dans les débats les circonstances qui se rattachent à ces faits et sont propres à leur
restituer leur véritable qualification, sous la plus haute expression pénale".
720
Voir M. PUECH, La jurisprudence pénale, Arch. phil. dr. 1985, t. 30, p. 146.
289
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Aux peines délictuelles de l’abus des biens sociaux, il faut opposer les peines
criminelles du détournement de biens publics. Alors que l’article 9 de la loi n°
2003/008 du 10 juillet 2003 portant répression des infractions contenues dans
certains Actes uniformes OHADA prévoit à titre principal des peines
d’emprisonnement de 1 à 5 ans, et une amende de 2 000 000 à 20 000 000 F
CFA724, l’article 184 du Code pénal qui incrimine le détournement de biens publics
prévoit comme peine maximale, l’emprisonnement à vie725. La criminalisation des
atteintes au patrimoine des entreprises publiques, et d’une manière générale aux
biens publics fait montre de spécificité du droit pénal camerounais au regard des
contraintes des droits de l’homme. Malgré l’humanisation du droit pénal de
721
Cass. Crim., 13 nov. 1962 : Bull. crim. 1962, n° 316.
722
E. DREYER préc., p. 90, n° 109.
723
E. DREYER préc., p. 90, n° 109.
724
La disparité des sanctions qui est souvent critiquée à l’échelle communautaire est moins
prononcée s’agissant de la répression de l’abus des biens sociaux. L’article 6 de la loi sénégalaise
n° 98/22 du 26 mars 1998 prévoit une peine d’emprisonnement de 1 à 5 ans, et une amende de
100.000 à 5.000.000 F CFA. Quant à l’article 215 de la loi centrafricaine n° 10/001 du 6 janv. 2010,
il prévoit également une peine d’emprisonnement de 1 à 5 ans, mais une amende de 1.000.000 à
5.000.000 F CFA.
725
L’emprisonnement à vie est prescrit lorsque la valeur des biens excède 500.000 F CFA. Il est
d’une durée de 15 à 20 ans lorsque cette valeur est comprise entre 100.000 et 500.000 F CFA. La
peine est de 5 à 10 ans d’emprisonnement, et d’une amende comprise entre 50.000 et 500.000
F CFA, lorsque cette valeur est égale ou inférieure à 100.000 F CFA.
290
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Il a été affirmé que l’abus de biens sociaux est plus souple que le détournement
des biens publics. Seuls les dirigeants limitativement énumérés par l’article 891
AUSCGIE sont susceptibles d’être poursuivis, à la différence du détournement de
biens publics qui prévoit la répression de toute personne, indépendamment de
sa qualité, qui aura obtenu ou retenu un bien public. L’exigence d’un intérêt
personnel direct ou indirect pour caractériser l’abus de biens sociaux, limiterait
également la caractérisation de l’infraction par rapport au détournement des
biens publics729. Ces éléments sont sans importance sur le régime de la
répression, dès lors que la complicité730 et le recel731 permettent d’élargir le
champ d’application de la répression. La sévérité des sanctions reste donc l’enjeu
principal de la qualification.
726
J. S. MBOGNING, "Les grands principes de droit pénal dans le nouveau Code pénal
camerounais", Juridis Périodique, Juill.-Août-Sept. 2017, pp. 121-134.
727
Voir loi N° 2005-007 du 27 juillet 2005 portant code de procédure pénale, et - H. KEMBO TAKAM,
M. MAHOUVE, Les droits de l’homme au cœur de la procédure pénale camerounaise, éd. Bruylant.
728
A. MINKOA SHE, Droits de l’homme et droit pénal au Cameroun, Economica, Paris 1999, n° 331,
p. 156 ; S. MELONE, "Les grandes orientations de la politique pénale en Afrique : le cas du
Cameroun", Rev. Camerounaise de droit, n° 7.
729
E. FOKOU, "L’infraction d’atteinte au patrimoine des entreprises publiques et parapubliques
dans l’espace OHADA", Ohadata D-15-07.
730
Se rend complice de l'abus de biens, celui qui a connaissance, au moment de l'opération
délictuelle, que celle-ci est contraire à l'intérêt social et qui a commis des actes positifs :
Cass. crim., 12 janv. 1987 : Bull. Joly 1987, n° 209. Voir également Cass. crim., 19 juin 1997,
n° 96-83274.
731
Cass. Crim, 3 mai 1982, n° 81-1455.
291
Horizons du droit - Bulletin n°28, 2021
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d’abus des biens sociaux, en lieu et place de celle de détournement des biens
publics. Sans pour autant partager cet objectif732, le législateur camerounais a
solutionné le conflit de qualification en faveur du droit pénal OHADA.
Pour incriminer les atteintes aux biens des entreprises publiques, le législateur
camerounais a retenu la qualification d’abus de biens sociaux. L’article 9 de la loi
n° 2003/008 du 10 juillet 2003 portant répression de certaines infractions
prévues par les Actes uniforme OHADA reprend intégralement l’incrimination
d’abus de biens sociaux, qu’il sanctionne par une peine d’emprisonnement d’un à
cinq ans, et par une amende de 2.000.000 à 20.000.000 F. CFA. Bien qu’elle soit
critiquée par une certaine doctrine733, la transposition des termes de
l’incrimination communautaire dans la loi camerounaise, a l’avantage de rappeler
ne serait-ce qu’à titre superfétatoire, que le législateur camerounais entend
réprimer les atteintes aux biens des entreprises publiques, par l’abus de biens
sociaux. Elle facilite également l’accessibilité au droit. Elle évite la consultation
732
Bien qu’il ait retenu l’abus de biens sociaux, le législateur camerounais a appliqué les peines
plus sévères du détournement de biens publics. Cf. infra.
733
H. TCHANTCHOU et M. AKOUETE AKUE, "L’Etat du droit pénal dans l’espace OHADA", Revue de
l’ERSUMA, nov.-déc. 2011, pp. 20-45, spéc. p. 27.
292
Horizons du droit - Bulletin n°28, 2021
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734
Voir A. PROTHAIS, "Les paradoxes de la pénalisation", JCP 1997. I. 4055, p. 428 ; Ph. CONTE,
"L’art de légiférer se perd-t-il ?, in Mélanges Lapoyade-Deschamps, PUB, 2003, p. 309.
735
H. TCHANTCHOU et M. AKOUETE AKUE, préc., p. 27.
736
C’est en ce sens que la CJCE, s’est prononcée dans un arrêt du 13 décembre 1967, à propos
du droit communautaire européen, dans l’affaire 28/67, Firma : "le droit dérivé directement
applicable pénètre dans l’ordre juridique interne sous le secours d’aucune mesure nationale".
293
Horizons du droit - Bulletin n°28, 2021
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L'article 10 du Traité OHADA qui dispose de manière péremptoire que "les Actes
uniformes sont directement applicables et obligatoires dans les Etats Parties,
nonobstant toute disposition contraire de droit interne, antérieure ou
postérieure", affirme la primauté du droit communautaire OHADA737. Ce droit n’est
pas seulement d’application immédiate et d’effet direct738. Il a également un effet
abrogatoire739. Il abroge toutes les dispositions de droit interne qui lui sont
contraires. La portée de l’effet abrogatif est par ailleurs large. Elle s’étend aussi
bien sur les lois internes adoptées avant l’entrée en vigueur d’un Acte uniforme,
que sur celles que peuvent prendre les Etats membres postérieurement à
l’adoption d’un Acte uniforme.
L’article 916 AUSCGIE a été à l’origine d’une controverse sur la portée de l’effet
abrogatif. En disposant que "le présent Acte uniforme n’abroge pas les
dispositions législatives auxquelles sont assujetties les sociétés soumises à un
régime particulier", l’article 916 AUSCGIE ADMET une exception à l’effet
abrogatoire du droit communautaire OHADA. Il restait alors à s’accorder sur la
portée de ce tempérament. Est-ce la reconnaissance d’un régime dérogatoire du
droit commun OHADA ? Auquel cas, les entreprises publiques, qui sont soumises
au régime spécifique de l’article 916 précité peuvent être assujetties par le droit
interne des Etats membres, à un régime juridique dérogatoire. L’on devrait alors
admettre, s’agissant du droit pénal, que les Etats membres puissent prévoir des
incriminations différentes de celles du droit OHADA pour protéger les biens des
entreprises publiques. L’article 184 du Code pénal camerounais pourrait alors
recevoir application, en lieu et place de l’abus des biens sociaux prévu par l’article
737
Bien qu’une partie minoritaire de la doctrine refuse de reconnaitre la qualité de droit
communautaire au droit OHADA. Vor en ce sens, S. DOUMBE-BILLE, "A propos de la nature de
l’OHADA", in Mélanges en l’honneur du Professeur MADJIB BENCHIKI, éd. Pédone, Paris, 2011,
pp. 423 et s.
738
Sur cette question, voir H. BRIBOSIA, "L’applicabilité directe et la primauté des traités
internationaux et du droit communautaire", RBDI, 1996.
739
D. ARBACHI, "La supranationalité de l’organisation pour l’harmonisation en Afrique du droit des
affaires (OHADA), Ohadata D-02-02, Revue burkinabè de droit, n° 37, 2000 ; H. BRIBOSIA préc.
294
Horizons du droit - Bulletin n°28, 2021
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891 AUSCGIE. Saisie pour avis sur cette question épineuse, la CCJA a écarté
l’existence d’un régime dérogatoire.
L’argument relatif à l’interprétation des lois est tout aussi décisif. Là où la loi ne
distingue pas, il ne faut pas distinguer. C’est l’application stricte de la loi pénale,
qui découle du principe de la légalité des délits et des peines. L’article 891
AUSCGIE ne vise pas uniquement les sociétés du secteur privé. Il s’applique
indistinctement à toutes les sociétés, qu’elles soient du secteur privé ou du
secteur public. L’abus de biens sociaux prévu par l’article 891 AUSCGIE est
applicable aux entreprises publiques.
Cette thèse a été confortée par la loi n° 99/016 du 22 décembre 1999 portant
statut général des établissements publics et des entreprises du secteur public et
parapublic qui a retenu l’abus des biens sociaux, pour qualifier les atteintes
740
CCJA, avis n° 001/2001/EP du 30 avril 2001, 6e question, 4e chambre (4-d) : "Les dispositions
de l'Acte uniforme sur les sociétés commerciales et le GIE étant d'ordre public et s'appliquant à
toutes les sociétés commerciales à raison de leur forme et quel que soit leur objet, régissent des
sociétés soumises à un régime particulier entrant dans le cadre juridique ainsi défini. Toutefois,
à l'égard de ces sociétés, l'article 916 alinéa 1er de l'Acte uniforme précité laisse subsister les
dispositions législatives auxquelles lesdites sociétés sont soumises".
741
P.-G. POUGOUE, "Les sociétés d’Etat à l’épreuve du droit OHADA", Juridis Périodique, Janvier-
Février-Mars 2006, pp. 99-102, spéc. p. 100.
295
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742
Art. 108 loi n° 99/016 du 22 décembre 1999 : "est puni des peines prévues à l’article 184 du
Code pénal, tout dirigeant d’une entreprise qui a fait de ses pouvoirs, des biens ou du crédit de
l’entreprise, un usage contraire aux intérêts de celle-ci dans un but personnel ou pour favoriser
une autre société ou dans une affaire dans laquelle il détient directement ou indirectement des
intérêts".
743
744
Art. 10 du Traité OHADA.
745
CCJA, avis n° 001/2001/EP du 30 avril 2001, 4e question.
296
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Revue de l'Association Française des Docteurs en Droit
746
M. VIRALLY, Cours de droit international public, RCADI, 1983, t. 183, p. 124.
747
E. FOKOU préc., p. 7.
297
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aux entreprises publiques, dès lors que le droit pénal national prévoit des
dispositions spécifiques applicables aux atteintes aux biens d’une entreprise
publique, quand bien même elles seraient commises par un dirigeant social.
Partant du postulat selon lequel l’article 184 du Code pénal est applicable au
détournement des biens publics, la jurisprudence camerounaise, qui fait écho à
la thèse nationaliste, s’est attelée à caractériser la réunion des conditions
d’application de ce texte, à l’exclusion de l’abus des biens sociaux. La
démonstration s’avère a priori aisée, si l’on s’en tient uniquement à l’analyse de
l’article 184 du Code pénal. Toutefois, cette analyse ne saurait faire fi de la portée
de l’article 916 AUSCGIE, qui fragilise la thèse nationaliste.
L’article 184 du Code pénal sanctionne les atteintes aux biens des entreprises
sur lesquelles l’Etat détient directement ou indirectement la majorité du capital.
La participation majoritaire de l’Etat est le critère essentiel de la définition d’une
entreprise publique. La condition préalable prévue par l’article 184 du Code pénal
est facilement rapportée, sans qu’il soit besoin de s’étendre sur la nature des
biens des entreprises publiques748, ni sur le contrôle administratif et financier
exercé par l’Etat749, et encore moins sur les aides financières de l’Etat750.
Toutefois, l’article 916 AUSCGIE pose un écueil insurmontable, qui est allègrement
franchi par la jurisprudence camerounaise.
Alors que la CCJA est d’avis que le régime spécifique prévu par l’article 916
AUSCGIE n’a pas un caractère dérogatoire du droit commun OHADA dont les
748
Les entreprises publiques ont une personnalité morale différente de celle de leurs
actionnaires, fussent-ils l’Etat ou une personne morale de droit public. Elles ont par conséquent
un patrimoine propre différent de celui de leurs actionnaires.
749
Art. 4 loi n° 2017/011 du 12 juillet 2017 portant statut général des entreprises publiques : "Les
entreprises publiques sont placées sous une tutelle technique et une tutelle financière".
750
Les subventions de l’Etat sont destinées à "compenser le manque à gagner qu’imposent aux
entreprises publiques les charges d’intérêt général, non ou peu rentables" : M. ONDOA, "Les
contrats de performance", Penant, 1996, pp. 174-201, spéc. p. 197.
298
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751
CCJA, avis n° 001/2001/EP du 30 avril 2001, 6e question, 4e chambre (4-d).
752
Pour retenir l’application de l’article 184 du Code pénal dans l’affaire TGI du Mfoundi, M.P. et
Société Immobilière du Cameroun c/ Belinga Giles Roger et autres, jugement numéro 880/Crim.
du 27 sept. 2007, les juges ont décidé, après avoir visé l’avis de la CCJA n° 001/2001/EP du 30
avril 2001, "Qu’à la lumière de ces développements, les législations internes régissant la Société
Immobilière du Cameroun, société d’économie mixte, ont survécu aux Actes uniformes OHADA
relatifs aux droits des sociétés commerciales et du Groupement d’intérêt économique, et restent
applicables".
753
Aux termes de l'article 14, alinéa 3, et 4 du Traité, "saisie par la voie de recours en cassation,
la Cour se prononce sur des décisions rendues par les juridictions d'appel des Etats parties dans
toutes les affaires soulevant des questions relatives à l'application des Actes uniformes et des
Règlements prévus au présent Traité à l'exception des décisions appliquant des sanctions
pénales". Cette disposition, perçue comme le signe d'un musellement de la compétence de la
CCJA à travers la limitation de l'objet du pourvoi (R. NJEUFACK TEMGWA, "Précisions sur la
compétence judiciaire de la CCJA", in Les Réformes de droit privé en Afrique, Actes du colloque
organisé par le Laboratoire d'Etudes et de Recherche sur le Droit et les Affaires en Afrique
(LERDA), 13-14 novembre 2014-Université de Dschang (Cameroun), PUA, 2016, p. 403-411,
spéc. p. 405.), exclut tout possibilité de saisine de la CCJA pour contester la qualification des faits
et la sévérité des sanctions pénales. Voir D. LEKEBE OMUALI, "OHADA. Les ambiguïtés de la voie de
cassation en matière de droit pénal des Actes uniformes", Lexbase, 23 nov. 2017 ; J. ISSA SAYEGH,
"La fonction juridictionnelle de la Cour commune de justice et d’arbitrage", OHADATA, D-02-16 ; J.
FOMETEU, "Le clair-obscur de la répartition des compétences entre la Cour commune de justice
et d’arbitrage de l’OHADA et les juridictions nationales de cassation", Juridis Périodique n° 73,
janvier-février-mars 2008, pp. 89 et s.
299
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Le législateur est finalement intervenu. Mais il ne l’a pas fait pour briser la
jurisprudence de la Cour suprême. Le législateur camerounais a préféré renforcer
la protection des biens des entreprises publiques, au détriment de l’humanisation
du droit pénal. L’abus de biens sociaux commis au détriment d’une entreprise
publique est désormais puni de peines criminelles prévues par l’article 184 du
Code pénal applicable au détournement des biens publics.
PUBLICS
754
Voir sur cette question Ph. MALAURIE, "La jurisprudence combattue par la loi", in Mélanges en
l’honneur de René Savatier, 1965, pp. 603-620, et Dalloz, 1965, 18 p.
300
Horizons du droit - Bulletin n°28, 2021
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publique, les peines de nature criminelle prévues par l'article 184 du Code pénal
applicables au détournement de biens publics (1°). Bien qu'elle soit critiquable au
regard de l’humanisation du droit pénal, cette criminalisation est parfaitement
compatible avec le droit pénal OHADA (2°).
camerounais
L’article 108 de la loi n° 99/016 du 22 décembre 1999 qui dispose que "est puni
des peines prévues à l’article 184 du Code pénal, tout dirigeant d’une entreprise
qui a fait de ses pouvoirs, des biens ou du crédit de l’entreprise, un usage
contraire aux intérêts de celle-ci dans un but personnel ou pour favoriser une
autre société ou dans une affaire dans laquelle il détient directement ou
indirectement des intérêts" sanctionne le délit d’abus de biens sociaux par les
peines criminelles de l’article 184 du Code pénal. Elle met en œuvre de manière
explicite, la pénalisation par renvoi, sans empiéter sur le domaine de compétence
du législateur communautaire OHADA. Dans le strict respect des dispositions de
l’article 5 du Traité OHADA, l’incrimination est déterminée par le législateur
755
E. DREYER Droit pénal général, LexissNexis, Paris, 5e éd., 2019, n° 427.
301
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L’article 114 de la loi n° 2017/011 du 12 juillet 2017 portant statut général des
entreprises publiques dispose désormais que "constitue un détournement de
biens publics prévu et réprimé par l’article 184 du Code pénal, le fait pour les
dirigeants des entreprises publiques, de mauvaise foi, de faire des biens et du
crédit de l’entreprise publique, un usage qu’ils savent contraire à l’intérêt de celle-
ci à des fins personnelles, matérielles ou morales, pour favoriser une autre
personne morale dans laquelle ils sont directement ou indirectement intéressés".
Pour éviter la critique relative à l’autonomie patrimoniale des entreprises
publiques, à laquelle est exposée la jurisprudence camerounaise756, l’article 113
de la loi du 12 juillet 2017 requalifier également les biens de ces entreprises de
biens publics757. La double requalification des faits et des biens des entreprises
publiques demeure toutefois critiquable.
Pour appliquer l’article 184 du Code pénal aux dirigeants des entreprises
publiques, la jurisprudence camerounaise s’était attelée à démontrer que les
biens des entreprises publiques étaient des biens publics758. Cette jurisprudence
était éminemment contestable en raison de l’autonomie patrimoniale des
entreprises publiques. Si l’entreprise publique "est érigée en société, la propriété
des actions de l’Etat (ou d’autres collectivités publiques) ne se répercute pas sur
les biens : c’est la société qui est propriétaire de ces biens, l’Etat (ou les
756
Voir V. BAKREO, "La nature juridique des sociétés d’Etat : analyse critique au regard du droit
OHADA et du contentieux camerounais d’abus de biens sociaux et de crédit", Penant, n° 909,
octobre – décembre 2019, pp. 449-474.
757
Art. 113 loi 12 juillet 2017 : "Les biens appartenant à une entreprise publique sont des biens
publics en ce qui concerne la responsabilité des dirigeants".
758
Voir TGI du Mfoundi, M.P. et Société Immobilière du Cameroun c/ Belinga Giles Roger et autres,
jugement numéro 880/Crim. du 27 sept. 2007
302
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759
P. DELVOLVE, "La faillite des entreprises publiques en France", Annales de l’Université des
sciences sociales de Toulouse, 1975, pp. 205-222, spéc. 219.
760
H. MODI KOKO BEBEY "La gouvernance des entreprises publiques camerounaises : un échec
réversible", in Le droit au pluriel. Mélanges en hommage au doyen Stanislas Meloné, J. C. MEBU
NCHIMI (dir.), Presses Universitaires d’Afrique, 2018, pp. 325-339, spéc. p. 336, note 22 : "la
disposition de l’article 13 de la loi de 2017 est assez significative en la matière. Ce texte assimile
les biens acquis par l’entreprise aux biens publics, en ce qui concerne la responsabilité des
dirigeants sociaux. Ce qui signifie que l’abus des biens sociaux sera requalifié de détournement
de deniers publics"760.
761
Art. 10 du Traité OHADA.
762
La CCJA est d’avis, qu’"une loi contraire peut s'entendre aussi bien d'un texte de droit interne
ayant le même objet qu'un Acte uniforme et dont toutes les dispositions sont contraires à celles
d' un autre Acte uniforme, que d'une loi ou d'un règlement dont seulement l'une des dispositions
ou quelques-unes de celles-ci sont contraires ; dans ce dernier cas, les dispositions du droit
303
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Il résulte de l’effet abrogatif des Actes uniformes, que les dispositions de l’article
114 précité sont abrogées en ce qui concerne la requalification des faits. Seules
restent applicables les dispositions relatives à la détermination des sanctions.
Elles renvoient, comme dans l’article 108 de la loi du 22 décembre 1999, à
l’application des peines prévues par l’article 184 du Code pénal relatif aux
détournements de biens publics. La pénalisation par renvoi explicite à l’article
184 du Code pénal prévue par la loi du 22 décembre 1999 est remplacée par la
pénalisation par invalidation de la requalification de l’abus de biens sociaux en
détournement de biens publics.
La pénalisation par renvoi aux peines de l'article 184 du Code pénal est justifié
par la volonté du législateur camerounais, de réprimer sévèrement les faits
litigieux qu'il estime être d'une gravité équivalente aux atteintes à la fortune
publique. Cette solution surprenante, est toutefois parfaitement compatible avec
le droit pénal OHADA.
interne non contraires à celles de l'Acte uniforme considéré demeurent applicables". CCJA, avis
n° 001/2001/EP du 30 avril 2001, 4e question.
763
Voir K. E. YAO, "Uniformisation et droit pénal : Esquisse d’un droit pénal des affaires dans
l’espace OHADA", RIDC, 3/2001, pp. 661-696.
764
L’harmonisation est une " opération consistant à unifier des ensembles législatifs différents
par élaboration d’un droit nouveau empruntant aux uns et aux autres". Toutefois, l’harmonisation
"désigne parfois un simple rapprochement entre deux ou plusieurs systèmes juridiques". G.
CORNU, Vocabulaire juridique préc., v° Harmonisation.
765
L’uniformisation est "la modification de la législation de deux ou plusieurs pays tendant à
instaurer dans une matière juridique donnée une réglementation identique". G. CORNU,
Vocabulaire juridique préc., v° Uniformisation.
304
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Revue de l'Association Française des Docteurs en Droit
Qu’elle procède de la pénalisation par renvoi aux peines de l’article 184 du Code
pénal, ou de la pénalisation par invalidation de la requalification de l’abus des
biens sociaux en détournement de biens publics, la criminalisation de l'abus de
biens sociaux par le législateur camerounais est compatible avec le droit pénal
OHADA. Il ne peut être reproché au législateur camerounais d’avoir usé de son
pouvoir normatif, en fixant librement les sanctions applicables aux atteintes aux
biens des entreprises publiques commises par leurs dirigeants. Le législateur
camerounais a mis en œuvre sa politique pénale à l'encontre des prévaricateurs
de la fortune publique, dans le strict respect du pouvoir normatif qui lui est dévolu
766
D. NDIAW "Actes uniformes et droit pénal des Etats signataires du Traité de l’OHADA : la difficile
émergence d’un droit pénal communautaire des affaires dans l’espace OHADA", Revue burkinabè
de droit, n° 39-40, n° spécial, 2001 p. 63; M. MAHOUVE, "Le système pénal OHADA ou
l’uniformisation à mi-chemin", Penant, n° 846, 2004, p. 87.
767
Art. 5 al. 2 Traité : " Les Actes uniformes peuvent inclure des dispositions d’incrimination
pénale. Les Etats s’engagent à déterminer les sanctions pénales encourues".
768
Voir par exemple, ABDERRABANI, "Le droit pénal des affaires au Niger : une construction duale
entre le droit communautaire et législations nationales", Ohadata D-08-09, qui cite en pages 83
et 84, la différence de système pénal des Etats membres, et la disparité des situations
économiques entre les Etats, d’où l’impossibilité de prévoir des peines d’amende identiques.
769
Sur la question de la souveraineté des Etats membres, voir J.J. RAYNAL, "Intégration et
souveraineté : le problème de la constitutionnalité du Traité OHADA", Penant, 01, 2000, p. 5.
305
Horizons du droit - Bulletin n°28, 2021
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Ce système qui crée une discontinuité dans les poursuites et les sanctions a déjà
été critiqué par la doctrine770. Il freine l’harmonisation du droit pénal OHADA dans
l’espace géographique OHADA. Les disparités entre les Etats sont telles qu’il
existe des "paradis"771 et des "enfers pénaux"772. Il est loin, "le vieux rêve des
comparatistes, et non pas seulement des pénalistes [qui] serait de parvenir un
jour à un seul droit "773. C’est la raison pour laquelle la construction d’un espace
pénal africain complet774, qui dépasse le simple "minimum commun"775 constitué
en incrimination a été proposé. A défaut d'une intervention du législateur
OHADA776, ou d'un contrôle exercé par la CCJA777, une application bienveillante de
la loi pénale est de nature à humaniser le régime de répression.
770
F. ANOUKAHA et ALII, OHADA. Société commerciales et GIE, Bruylant, Bruxelles, 2002, p. 237 ; H.
TCHANTCHOU et M. AKOUETE AKUE, "L’état du droit pénal dans l’espace OHADA", Revue de l’ERSUMA,
nov.-déc. 2011, n° spécial, pp. 20-45, spéc. p. 26 ; M. Mahouvé préc., p. 96 ; J.-J. FOMCHIGBOU
MBANCHOUT, "De quelques réflexions sur la codification pénale communautaire du législateur
OHADA", in L’effectivité du droit de l’OHADA, Presses Universitaires d’Afrique, Yaoundé, 2006, p.
63.
771
Sur 17 Etats membres, seuls 3, le Cameroun, la République Centrafricaine et le Sénégal ont
adopté des lois portant répression des infractions contenues dans les Actes uniformes OHADA.
Voir H. TCHANTCHOU et M. AKOUETE AKUE, "L’état du droit pénal dans l’espace OHADA" préc.
772
L’absence de cohésion entre les politiques pénales nationales fait courir le risque de construire
des "paradis pénaux" et des "enfers pénaux", selon que l’Etat membre n’édicte pas de sanctions,
ou qu’il se montre d’une sévérité accrue par rapport aux autres Etats. Voir en ce sens, F. ANOUKAHA
et ALII, OHADA. Société commerciales et GIE, préc.
773
. PRADEL, Droit pénal comparé, 2e éd., Dalloz, 2002, p. 214.
774
J.-J. FOMCHIGBOU MBANCHOUT, "De quelques réflexions sur la codification pénale
communautaire du législateur OHADA"préc.
775
F. ANOUKAHA et ALII préc., p. 225.
776
Il est souhaitable que le législateur OHADA détermine à la fois les incriminations et les sanctions.
Tel est le cas par exemple pour le droit des assurances CIMA.
777
Un revirement de jurisprudence est également souhaitable pour permettre le contrôle des
qualifications et des sanctions. Voir en ce sens, D. LEKEBE OMOUALI, "Les ambiguïtés de la voie de
cassation en matière de droit pénal des Actes uniformes" préc.
306
Horizons du droit - Bulletin n°28, 2021
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La répression n’étant pas une fin en soi, il faut inciter les juridictions
camerounaises à tirer toutes les conséquences de droit, de la qualification des
atteintes aux biens des entreprises publiques commises par leurs dirigeants.
Pour humaniser le régime de répression, il faut inciter le législateur à réécrire le
droit pénal camerounais (1°). Les juridictions camerounaises doivent également
tirer toutes les conséquences de droit de la qualification juridique des faits, en
appliquant le principe de faveur (2°), à l’égard des dirigeants poursuivis pour
atteinte aux biens d’une entreprise publique.
Pour mettre le droit pénal camerounais en symbiose avec le droit pénal OHADA,
le législateur camerounais doit procéder à la réécriture de son droit pénal. La
modification de l’article 184 du Code pénal s’avère utile, de même que celle de
l’article 114 de la loi du 12 juillet 2017.
307
Horizons du droit - Bulletin n°28, 2021
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La réécriture du droit pénal des affaires interne est également prônée par le
Professeur Issa-Sayegh780. Lorsque certaines infractions OHADA ont déjà leurs
correspondances en droit positif interne, malgré quelques différences plus ou
moins importantes de rédaction de leurs éléments constitutifs, les sanctions
édictées par le droit pénal interne ne peuvent pas être infligées en vertu du
principe de la stricte interprétation des lois pénales. Il faut en prévoir d’autres, si
bien que "c’est tout le droit pénal interne des affaires qu’il faut revoir pour le faire
coïncider avec le droit des affaires de l’OHADA"781.
778
Exposé des motifs du projet de loi portant Code pénal. L’exposé des motifs du projet de loi
vise l’internalisation des Conventions internationales ratifiées par le Cameroun. Mais pour
l’OHADA, il ne s’agit pas d’internalisation dès lors que les Actes uniformes sont d’application
immédiate et directe dans les Etats membres.
779
Cette loi a été abrogée par l’article 129 de la loi du 12 juillet 2017 portant statut général des
entreprises publiques.
780
J. ISSA-SAYEGH, "Les instruments nationaux de l’intégration juridique dans les Etats de la zone
Franc", in De l’esprit du droit africain, Mélanges en l’honneur de Paul Gérard Pougoué, Wolters
Kluwer, CREDIJ, 2014, 364-383, spéc. p. 375.
781
J. ISSA-SAYEGH, "Les instruments nationaux de l’intégration juridique dans les Etats de la zone
Franc" préc.
308
Horizons du droit - Bulletin n°28, 2021
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Bien qu’elle "ne semble plus être au cœur du procès pénal"782, et d’une manière
générale des politiques pénales, la personne poursuivie reste présumée
782
E. DREYER, Droit pénal général, éd. LexissNexis, Paris, 5e éd., 2019, n° 109, p. 91.
309
Horizons du droit - Bulletin n°28, 2021
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L’ambiguïté factuelle est la plus connue. C’est le doute qui profite à l’accusé. Il
reste à explorer l’ambiguïté juridique. Elle est caractérisée par la difficulté à
choisir entre la qualification d’abus de biens sociaux, et celle de détournements
de biens publics. L’application du principe de faveur conduit alors à retenir la
qualification la plus favorable à la personne poursuivie, d’autant plus qu’elle est
présumée innocente jusqu’à ce qu’une décision définitive n’établisse sa
culpabilité. Le changement de qualification a également une influence sur la
compétence juridictionnelle. C’est dans ce domaine que le principe de faveur est
de nature à améliorer la situation pénale des dirigeants sociaux indélicats.
783
E. DREYER préc.
784
Le principe de faveur trouve son origine en droit pénal canonique (V. J.-M. CARBASSE, Histoire
du droit pénal et de la justice criminelle, Puf, coll. "Droit fondamental", 2e éd., 2006, p. 171, n° 86).
Il passa ensuite dans l’Ancien droit pénal où il était admis que l’arbitraire du juge lui permettait de
substituer aux peines prévues par des ordonnances royales (notamment la mort) des peines
moindres (par exemple les galères).
785
Sur cette justification politique du principe de la légalité, voir Ph. CONTE et P. MAISTRE du
CHAMBON, Droit pénal général, A. Colin, Coll. "U", 7e éd., 2004, n° 63, p. 91.
786
E. DREYER préc., n° 109, p. 92.
310
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787
Art. 11 al. 1 loi 14 déc. 2011.
788
Art. 11 al. 2 loi 14 déc. 2011
789
Art. 11 al. 3 loi 14 déc. 2011.
790
J. P. DIDIER et F. MELIN SOUCRAMANIAN, "Le principe d’égalité des armes", RRJ, Droit prospectif,
1993, pp. 486 et s. ; A. MBARGA, "La spécialisation de la justice pénale camerounaise en matière
de délinquance économique et financière", Miroir du Droit, avr.-sept. 2012, pp. 14-48 ; S. YAWAGA,
"Avancées et reculades dans la répression des infractions de détournements des deniers publics
au Cameroun : Regard critique sur la loi n° 2011/028 du 11 décembre 2011 portant création d’un
tribunal criminel spécial", in Juridis Périodique, n° 90 avril-mai-juin 2012, p. 43 ; H. MONEBOULOU
MINKADA, "Le tribunal criminel spécial au Cameroun et les grands principes de la justice
criminelle", Juridis Périodique, janv.-févr.-mars 2013, pp. 49-63.
791
CEDH, 17 janv. 1970, Delcourt c/ Belgique.
792
L’harmonisation du droit des affaires en Afrique (OHADA), est une œuvre de grande envergure
qui a vu le jour le 17 octobre 1993, avec la signature du Traité de Port-Louis. Journal Officiel de
l’OHADA n° 4 du 1er nov. 1997. L’OHADA compte actuellement 18 Etats membres. L’OHADA s’inscrit
dans le cadre d’une grande entreprise juridique et économique sous régionale en Afrique. Voir J.
311
Horizons du droit - Bulletin n°28, 2021
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Comme dans tous les systèmes juridiques, "pour réglementer tous les
comportements du droit des affaires, l’OHADA a besoin d’un minimum de
coercition pour garantir l’observation et le respect des normes édictées"798. Le
ISSA-SAYEGH, "L’intégration juridique des Etats africains de la zone franc", Penant n° 827, mai-
août 1998, p. 218.
793
Y. MAYAUD, "Le droit pénal, instrument de régulation de l’activité économique et financière", in
Le Code de commerce, Livre du bicentenaire 1807-2007, Dalloz, 2007, p. 625.
794
B. BOULOC, "Le droit pénal dans la vie économique", in Quel Code de commerce pour demain ?,
Litec, 2007, p. 285. J.-B. HERZOG, "Rêveries d’un pénaliste solitaire sur le droit des sociétés", D.
1996, chron. p. 91.
795
Y. Chaput, "La pénalisation du droit des affaires : vrai constat et fausses rumeurs", Pouvoirs
2009/1, n° 128, pp. 87-102 ; Ph. CONTE, "La dépénalisation de la vie des affaires : une question
de proportion", Journal des sociétés, n° 53, avril 2008 ; "La dépénalisation de la vie des affaires",
rapport au garde des Sceaux, ministre de la Justice, La Documentation française, 2008 ; Jean-
Marie COULON, "Dépénalisation de la vie des affaires : “Construire un travail équilibré, cohérent,
en proposant des règles claires", Revue Lamy Droit des affaires, n° 25, mars 2008.
796
- C. ROBACZEWSKI, "Les responsabilités pénales dans la société publique locale", in in p.
MEUNIER, M.-A. VANNEAUX, M. VIVIANO, Th. DELAVENNE (dir.), Les sociétés publiques locales. Entre
volonté publique, esprit d’entreprise et concurrence, préc., pp. 163-174, spéc. p. 163. Voir
également M. – A. FRISON-ROCHE (dir.), Les enjeux de la pénalisation de la vie économique, Dalloz,
Collection thème et commentaire, 1997.
797
Voir J.Ch. SAINT-PAU, Droit pénal et autres branches du droit. Regards croisés, éd. Cujas, 2012.
798
YAO K. ELOI, "Uniformisation et droit communautaire : esquisse d’un droit pénal des affaires
dans l’espace OHADA", RIDC n° 3, 2011, pp. 661-696, spéc. p. 664. Sur le droit pénal OHADA, voir
D. NDIAW, "Actes uniformes et Droit pénal des Etats signataires du Traité de l’OHADA : la difficile
émergence d’un droit pénal communautaire des affaires dans l’espace OHADA", Revue Burkinabe
de Droit, 2001 ; M. MAHOUVE, "Le système pénal OHADA ou l’uniformisation à mi-chemin", Penant,
n° 846, 2004, p. 87 et s. ; E. L., KANGAMBEGA, "Observations sur les aspects pénaux de l’OHADA",
Penant, n° 834, 2000, p. 304 et s. ; A. FOKO, "Analyse critique de quelques aspects du droit pénal
OHADA", Penant, n° 859, 2007, p. 195 et s.
312
Horizons du droit - Bulletin n°28, 2021
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799
Pour un tableau synoptique, voir H. TCHANTCHOU, M. AKUETE AKUE, "L’état du droit pénal des
affaires dans l’espace OHADA", Revue de l’ERSUMA, Droit des affaires - Pratique
Professionnelle, N° Spécial - nov-déc 2011, Etudes, pp. 24-45, spéc. pp. 30 à 34 ; E. KITIO, "Le
contentieux du droit pénal des affaires devant les hautes juridiqtions nationales et devant la
CCJA", Revue de l’ERSUMA, n° 2, Mars 2013, pp. 309-328.
800
Art. 891 Acte uniforme portant organisation des sociétés commerciales et du groupement
d’intérêt économique (AUSCGIE).
801
G. RIPERT, Les aspects juridiques du capitalisme moderne ….., n° 120 à 123 ; P. DURAND, La
notion juridique d’entreprise, in Trav. Ass. H. Capitant, Dalloz, 1947 ; M. DESPAX, L’entreprise et le
droit, LGDJ, 1957 ; J. MESTRE, M.-E. PANCRAZI, I. ARNAUD-GROSSI, L. MERLAND, N. TAGLIARINO-VIGNAL,
Droit commercial, 29e éd. LGDJ .., n° 28, p. 35.
802
G. CORNU, Vocabulaire juridique Association Henri Capitant, 13e éd. PUF, 2020, v° Entreprise.
803
Voir par exemple. BOLZE, note sous CA Paris, 28 mai 1986, D. 1987, 562, qui définit l’entreprise
comme "la réunion des moyens matériels et humains coordonnés et organisés en vue de la
réalisation d’un objectif économique déterminé". Voir également B. MERCADAL, "La notion
d’entreprise", Mélanges offerts à Derruppé Jean, Litec/Joly, 1991, p.9.
804
Voir J. PAILLUSSEAU, La S.A., technique d’organisation de l’entreprise, Sirey, 1967.
313
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Le législateur OHADA n’a pas défini la notion d’entreprise publique. Il faut donc se
référer, en plus des définitions générales, à celles qui sont retenues par les
dispositions nationales des Etats membres, auxquelles renvoient implicitement
l’article 916 AUSCGIE. Suivant une acception générale, l’entreprise publique est
une "entreprise appartenant au secteur économique public ou local"805. La loi
camerounaise n° 2017/011 du 12 juillet 2017 vient mettre un terme à l’amalgame
qui avait été entretenu entre les entreprises publiques et les établissements
publics et les sociétés commerciales806. Elle distingue deux types d’entreprises
publiques. La société à capital public, dont le capital est entièrement détenu par
l’Etat d’une part, et la société d’économie mixte, dans laquelle la participation en
capital de l’Etat807, d’une entreprise publique, ou d’une collectivité territoriale
805
G. CORNU, Vocabulaire juridique préc., v° Entreprise publique.
806
L’article 3 de la loi du 22 décembre 1999 portant réforme du statut général des établissements
et des entreprises des secteurs publics et parapublics soumettait les sociétés à capital public et
les d’économie mixte au statut général des établissements publics. Si les entreprises publiques
en forme d’établissements publics sont des personnes morales de droit public qui ont la
personnalité morale de droit public, et soumises de ce fait au droit public, tel n’est pas le cas des
entreprises publiques de forme sociétaires. La loi n° 2017/011 du 12 juill. 2017 portant statut
général des entreprises publiques met un terme à cette confusion. Voir M. AFANA BINDOUA, "Libres
propos sur la réforme du cadre juridique des établissements et des entreprises publics au
Cameroun", Penant, n° 911, avril-juin 2020, pp. 240-268. Malgré leur appartenance au secteur
public, ces entreprises sont des personnes privées (CE, Ass. 22 déc. 1982, n° 34.252 et n° 34.798,
Comité central d’entreprise de la société française d’équipement pour la navigation aérienne, Rec.
CE 1982, p. 436, RDP 1983, p. 497, note J. M. AUBY. Sur la nature juridique des entreprises
publiques, voir la doctrine classique ce sont des personnes morales de droit privé. Voir en ce
sens, NEGRIN, L’intervention des personnes morales de droit privé dans l’action de l’administration,
LGDJ, 1971, pp. 35 et s. ; R. ALLOU, La pratique des sociétés d’économie mixte, Librairie du Journal
des notaires et des avocats, 1976 ; G. VEDEL, Droit administratif, PUF, Thémis, 5e éd. 1973, 902
p. ; M. Waline, Précis de droit administratif, tome 2, Paris, Montchrestien, 1970, 368 p.) ; A. de
LAUBADERE, Traité de droit administratif, tome 4, 3e éd. 1977, LGDJ, p. 233 et s.. En soumettant les
entreprises publiques qui exercent leurs activités sous forme sociétaire à tous les Actes
uniformes (Voir B. BOUMAKANI, "Les entreprises publiques à l’épreuve du droit OHADA", Rev. Lamy
Droit des affaires, oct. 2004, n° 75, pp. 25-29, spéc. pp. 26 à 28), le droit OHADA a poursuivi la
banalisation des entreprises publiques est définie comme "la tendance à soumettre celles-ci aux
règles qui régissent les relations juridiques privées, ou à des règles inspirées de celles qui
régissent les relations juridiques privées" J.-B. AUBY, "Le mouvement de banalisation du droit des
entreprises publiques et ses limites", in Etudes offertes à Jean-Marie Auby, Dalloz, 1992, pp. 3-
16, spéc. p. 3).
807
Art. 2 al. 2 loi 12 juill. 2017.
314
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La question qui se pose in fine, est celle de savoir quelle est la sanction applicable
aux atteintes portées au patrimoine des entreprises public, dans un
environnement juridique où l’Etat assure une protection particulière des biens
publics qui se traduit, non seulement par l’existence de sanctions pénales
spécifiques, mais également par la sévérité de la politique criminelle à l’égard des
prévaricateurs de la fortune publique en général. Cette question s’est posée avec
beaucoup d’acuité au Cameroun. L’intérêt de l’étude réside donc dans la
808
Art. 2 al. 3 loi 12 juill. 2017.
809
Art. 10 loi 12 juill. 2017.
315
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810
Voir par exemple, TGI du Wouri, jugement des 12 et 13 déc. 2007, M.P. et Port autonome de
Douala c/ Etonde Ekoto et autres c/ M.P. Cette affaire ayant fait l’objet d’un pourvoi rejeté pour
incompétence par la CCJA; TGI du Mfoundi, M.P. et Société Immobilière du Cameroun c/ Belinga
Giles Roger et autres, jugement numéro 880/Crim. du 27 sept. 2007 ; M.P. et FEICOM c/ Ondo
Ndong Emmanuel, jugement n° 371/Crim. du 27 juin 2007.
811
Voir E. KENGUEP et E. FOKOU, "L’infraction d’atteinte au patrimoine des entreprises publiques et
parapubliques dans l’espace OHADA", Revue de l’ERSUMA, n° 6, Droit des affaires – Pratique
Professionnelle, N° 6 – Janvier 2016, Doctrine ; V. BAKREO, "La nature juridique des sociétés
d’Etat : analyse critique au regard du droit OHADA et du contentieux camerounais d’abus de biens
sociaux", Penant, n° 909, oct.-déc. 2019, pp. 449-474.
812
Voir N. DIOUF, "Actes uniformes et Droit pénal des États signataires du Traité de l’OHADA : La
difficile émergence d’un droit pénal Communautaire des Affaires dans l’espace OHADA", Revue
Burkinabé de Droit, 2001 ; YAO K. ELOI, "Uniformisation et droit communautaire : esquisse d’un
droit pénal des affaires dans l’espace OHADA", RIDC n° 3, 2011, pp. 661-696.
813
J. KAMGA, "Contentieux des sanctions pénales : dernier refuge des souverainetés étatiques
dans l’espace de l’OHADA". (À propos de l’arrêt, CCJA, n°053/2012 du 07 juin 2012, Pourvoi
n°059/2009/PC du 19 juin 2009 Affaire : Monsieur E.E.E c/ Port Autonome de Douala. Voir
également D. LEKEBE OMOUALI, "Les ambiguïtés de la voie de cassation en matière de droit pénal
des Actes uniformes", Lexbase : A9113WY8 ; R. NJEUFACK TEMGWA, "Précisions sur la compétence
judiciaire de la CCJA", in Les réformes de droit privé en Afrique. Actes du colloque organisé par le
Laboratoire d’Etudes et de Recherche sur le Droit et les Affaires en Afrique (LERDA), 13-14
novembre 2014, Université de Dschang (Cameroun), Presses Universitaires d’Afrique, 2016, pp.
403-411.
316
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Quelle qualification pénale retenir pour réprimer les atteintes au patrimoine des
entreprises publiques camerounaises ? Cette question met en évidence un conflit
de qualifications entre une norme de droit pénal national et une norme de droit
pénal communautaire OHADA est naturellement solutionnée par l'application de la
qualification délictuelle d'abus de biens sociaux prévue par le droit
communautaire (I). Toutefois, en raison de l'éclatement du droit pénal OHADA, la
sanction relève du droit national, ce qui justifie l'application des peines
criminelles de l'infraction de détournement des biens publics (II). Cette
application duale du droit pénal OHADA et du droit pénal national fait montre de
la spécialité de la répression qui mérite d'être amendée en faveur d'un
adoucissement de la répression.
Art. 5 al. 2 Traité OHADA : "Les Actes uniformes peuvent inclure des dispositions d’incrimination
814
pénale. Les Etats Parties s’engagent à déterminer les sanctions pénales encourues".
317
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L’article 916 AUSCGIE qui dispose que "le présent Acte uniforme n’abroge pas les
dispositions législatives auxquelles sont assujetties les sociétés soumises à un
régime particulier" est à l’origine d’une controverse quant à la détermination du
droit applicable aux entreprises publiques.
815
"Une telle exigence découle directement du principe de la légalité pénale puisqu’en retenant
une seule qualification pénale, on assure à la personne poursuivie de retenir celle qui correspond
le mieux aux faits". E. GALLARDO-GONGGRYP, La qualification pénale des faits, PUAM, 2013, p. 111,
n° 147.
816
E. DREYER, Droit pénal général préc., p. 527, n° 633.
817
Sur l’abus de biens sociaux, voir A. MEDINA, Abus de biens sociaux. Prévention, détection,
poursuite, Dalloz 2001, 354 p.
818
Sur le détournement de biens publics, voir S. YAWAGA, "Avancées et reculades dans la
répression des infractions de détournements des deniers publics au Cameroun : Regard critique
sur la loi n° 2011/028 du 11 décembre 2011 portant création d’un tribunal criminel spécial", in
Juridis Périodique, n° 90 avril-mai-juin 2012, p. 43.
318
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La CCJA est d’avis que les dispositions de l’Acte uniforme sont d’ordre public819,
ce qui écarte l’admission d’un régime dérogatoire. L’article 184 du Code pénal
n’écarte pas les dispositions d’ordre public de l’article 891 AUSCGIE, quant à
l’incrimination applicable.
Cette thèse a été confortée par la loi du 22 décembre 1999 qui a retenu l’abus
des biens sociaux, pour qualifier les atteintes portées par les dirigeants
d’entreprises publiques au patrimoine de celles-ci820. Toutefois, de manière
curieuse, la loi du 12 juillet de 2017 est revenue sur cette qualification. Elle lui a
préféré celle de détournement de biens publics821. Le conflit entre la qualification
est réglé par la primauté du droit OHADA sur le droit national822.
819
CCJA, avis n° 001/2001/EP du 30 avril 2001, 6e question, 4e chambre (4-d) : "Les dispositions
de l'Acte uniforme sur les sociétés commerciales et le GIE étant d'ordre public et s'appliquant à
toutes les sociétés commerciales à raison de leur forme et quel que soit leur objet, régissent des
sociétés soumises à un régime particulier entrant dans le cadre juridique ainsi défini. Toutefois,
à l'égard de ces sociétés, l'article 916 alinéa 1er de l'Acte uniforme précité laisse subsister les
dispositions législatives auxquelles lesdites sociétés sont soumises".
820
Art. 108 loi n° 99/016 du 22 décembre 1999 : "est puni des peines prévues à l’article 184 du
Code pénal, tout dirigeant d’une entreprise qui a fait de ses pouvoirs, des biens ou du crédit de
l’entreprise, un usage contraire aux intérêts de celle-ci dans un but personnel ou pour favoriser
une autre société ou dans une affaire dans laquelle il détient directement ou indirectement des
intérêts".
821
822
Art. 10 du Traité OHADA.
320
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Alors que la CCJA est d’avis que le régime spécifique prévu par l’article 916
AUSCGIE n’a pas un caractère dérogatoire du droit commun OHADA dont les
dispositions sont d’ordre public823, les juridictions camerounaises estiment que
ce texte, qui n’abroge pas les dispositions spécifiques du droit national, maintien
en vigueur l’article 184 du Code pénal qu’elles entendent appliquer aux dirigeants
des entreprises publiques824. Cette argumentation qui méconnaît la portée de
l’article 916 AUSCGIE fragilise la jurisprudence camerounaise.
823
CCJA, avis n° 001/2001/EP du 30 avril 2001, 6e question, 4e chambre (4-d).
824
Pour retenir l’application de l’article 184 du Code pénal dans l’affaire TGI du Mfoundi, M.P. et
Société Immobilière du Cameroun c/ Belinga Giles Roger et autres, jugement numéro 880/Crim.
du 27 sept. 2007, les juges ont décidé, après avoir visé l’avis de la CCJA n° 001/2001/EP du 30
avril 2001, "Qu’à la lumière de ces développements, les législations internes régissant la Société
Immobilière du Cameroun, société d’économie mixte, ont survécu aux Actes uniformes OHADA
relatifs aux droits des sociétés commerciales et du Groupement d’intérêt économique, et restent
applicables".
321
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Le législateur est finalement intervenu, non pour briser cette jurisprudence, mais
pour renforcer la protection des biens des entreprises publiques, au détriment
de l’humanisation du droit pénal. L’abus de biens sociaux commis au détriment
d’une entreprise publique est désormais puni de peines criminelles prévues par
l’article 184 du Code pénal applicable au détournement des biens publics.
L’abus de biens sociaux commis par les dirigeants d’une entreprise publique est
puni par les peines applicables au détournement de biens publics. La sévérité
inéluctable des sanctions (A) est en porte à faux avec les contraintes des droits
de l’homme. Face à cette dérive, l’humanisation du régime de répression
souhaitable (B).
322
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camerounais
La pénalisation par renvoi aux peines de l'article 184 du Code pénal est justifié
par la volonté du législateur camerounais, de réprimer sévèrement les faits
litigieux qu'il estime être d'une gravité équivalente aux atteintes à la fortune
publique. Cette solution surprenante, est toutefois parfaitement compatible avec
le droit pénal OHADA.
825
Art. 108 loi 199 : "est puni des peines prévues à l’article 184 du Code pénal, tout dirigeant d’une
entreprise qui a fait de ses pouvoirs, des biens ou du crédit de l’entreprise, un usage contraire
aux intérêts de celle-ci dans un but personnel ou pour favoriser une autre société ou dans une
affaire dans laquelle il détient directement ou indirectement des intérêts"
826
"constitue un détournement de biens publics prévu et réprimé par l’article 184 du Code pénal,
le fait pour les dirigeants des entreprises publiques, de mauvaise foi, de faire des biens et du
crédit de l’entreprise publique, un usage qu’ils savent contraire à l’intérêt de celle-ci à des fins
personnelles, matérielles ou morales, pour favoriser une autre personne morale dans laquelle ils
sont directement ou indirectement intéressés".
827
Art. 10 du Traité OHADA.
323
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Ce système qui crée une discontinuité dans les poursuites et les sanctions a déjà
été critiqué par la doctrine828. Il freine l’harmonisation du droit pénal dans l’espace
judiciaire commun. A défaut d'une intervention du législateur OHADA829, ou d'un
contrôle exercé par la CCJA830, une application bienveillante de la loi pénale est
de nature à humaniser le régime de répression.
828
F. ANOUKAHA et ALII, OHADA. Société commerciales et GIE, Bruylant, Bruxelles, 2002, p. 237 ; H.
TCHANTCHOU et M. AKOUETE AKUE, "L’état du droit pénal dans l’espace OHADA", Revue de l’ERSUMA,
nov.-déc. 2011, n° spécial, pp. 20-45, spéc. p. 26 ; M. Mahouvé préc., p. 96 ; J.-J. FOMCHIGBOU
MBANCHOUT, "De quelques réflexions sur la codification pénale communautaire du législateur
OHADA", in L’effectivité du droit de l’OHADA, Presses Universitaires d’Afrique, Yaoundé, 2006, p.
63.
829
Il est souhaitable que le législateur OHADA détermine à la fois les incriminations et les sanctions.
Tel est le cas par exemple pour le droit des assurances CIMA.
830
Un revirement de jurisprudence est également souhaitable pour permettre le contrôle des
qualifications et des sanctions. Voir en ce sens, D. LEKEBE OMOUALI, "Les ambiguïtés de la voie de
cassation en matière de droit pénal des Actes uniformes" préc.
324
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Pour mettre le droit pénal camerounais en symbiose avec le droit pénal OHADA,
le législateur camerounais doit exclure les dirigeants des entreprises publiques
de l’emprise des des dispositions des articles 184 du Code pénal et 114 de la loi
du 12 juillet 2017. C’est une étape préalable à l’harmonisation de l’espace pénal
commun, dans l’attente d’une véritable uniformisation qui suppose l’abandon
total de la souveraineté des Etats membres.
831
E. DREYER préc., n° 109, p. 92.
832
Le principe de faveur trouve son origine en droit pénal canonique (V. J.-M. CARBASSE, Histoire
du droit pénal et de la justice criminelle, Puf, coll. "Droit fondamental", 2e éd., 2006, p. 171, n° 86).
Il passa ensuite dans l’Ancien droit pénal où il était admis que l’arbitraire du juge lui permettait de
substituer aux peines prévues par des ordonnances royales (notamment la mort) des peines
moindres (par exemple les galères).
325
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Sur cette justification politique du principe de la légalité, voir Ph. CONTE et P. MAISTRE du
833
CHAMBON, Droit pénal général, A. Colin, Coll. "U", 7e éd., 2004, n° 63, p. 91.
326
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Résumé
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ne dépasse pas celle des travaux eux-mêmes ». En tant que marchés publics, les
marchés de travaux sont des contrats écrits par lesquels un entrepreneur
s'engage envers l'État, une collectivité territoriale décentralisée ou un
établissement public pour réaliser des travaux à un coût financier donné. Ils sont
considérés comme des concessions de service public qui est un type de
délégation de service public. Il apparaît également comme une extension du
régime général des accords de partenariat. Les contrats de travaux publics
reposent sur des conditions tripartites, cumulatives et interdépendantes. Il s'agit
notamment des travaux immobiliers, réalisés sur des structures publiques et pour
d'intérêt général qui sont légèrement en pont, mais ne compromettent pas la
frontière entre les marchés publics et les délégations de services publics. La
quête financière de l'entrepreneur dépend du taux d'exécution de ses obligations
contractuelles jusqu'à sa réception par l'acheteur public. Les contrats de travaux
publics de qualité sont ceux exécutés conformément aux aspirations du marché
ou aux objectifs de la politique publique.
La réception des contrats de travaux publics de qualité par l'administration
représente la résiliation normale des obligations contractuelles entre elle et son
contractant. L’accomplissement de cette formalité qui marque l'étape finale du
processus contractuel signifie que l’Ingénieur du marché a dûment exécuté ses
obligations contractuelles conformément à la réglementation et à l'accord
contractuel engageant sa responsabilité. La phase de réception intervient après
le respect des mécanismes spéciales de contrôle en place. La spécificité de
régime de réception des marchés de travaux publics résulte de sa complexité.
Cela dit, les mécanismes de contrôle en place visent la perfection de processus
d'exécution et même de réception. Tout manquement de l'ingénieur à ses
obligations handicapera les obligations de réception de l'acheteur public et cela
implique qu'une telle justification exonère sa responsabilité vis-à-vis de son
cocontractant. Par ailleurs, l'administration est exhortée à jouer un rôle de
supervision lors du processus d'exécution des travaux pour s'assurer le respect
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Il faut retenir que l'amélioration des normes juridiques ici est une initiative
très dynamique. Ceci est dû aux incertitudes sur la forme que cela peut prendre,
compte tenu du caractère multidimensionnel de la procédure de réception et de
la multiplicité des organismes de contrôle de réception. Le droit camerounais
devra être renforcée de manière à reconnaître et respecter la dynamique de
réception. En tant que res publica, les infrastructures de qualité réalisées et
réceptionnées dans le cadre de marchés de travaux ont un caractère de service
public. L'inefficacité de droit camerounais en la matière se justifie par son silence
(A) et son non-respect dans l'opération de réception (B).
Le silence du droit est l'un des défis courants de l'efficacité de l'état de droit. Il
se fait sentir soit par l'incapacité de résoudre les problèmes portés devant un
juge et / ou par l'incertitude quant à la modalité ou à la procédure de déroulement
d'une activité. Cela implique que l'impact du silence de droit diffère selon qu'il est
lié à un droit substantiel ou procédural. Quel que soit le domaine du silence, et
compte tenu des fondamentaux du droit à une opération, il est indéniable que le
vide juridique peut être la conséquence de la myopie du législateur. A cet effet,
François TERRE soutient que : « (…) le législateur est incapable de faire face à
l’extrême complexité des cas particuliers et de fixer par avance la règle qui doit
les régir ». Cette justification est faite par un organe législatif confronté aux
changements entourant la société humaine. C'est là que les failles juridiques
s'établissent à la suite de l'apparition de nouvelles formes de comportements ou
d'activités qui ont été prédites laconiquement ou pas du tout par les législateurs.
Le silence légal peut être identifié en présence de tout acte qui échappe
totalement à la connaissance du législateur. Il est considéré par certains auteurs
comme une erreur, et pour d'autres, comme la conséquence de leur incapacité
ou de leur caractère involontaire. Indépendamment la cause du silence juridique,
cependant, conduit à l'inefficacité de l'activité concernée. La réception de
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Instaurer une phase de réception provisoire avant la phase finale est une
spécificité du processus de réception des marchés publics de travaux. Elle se
caractérise par la notification des agents de contrôle administratif par un
entrepreneur. Ils doivent vérifier et déterminer la conformité des travaux
exécutés par l’entrepreneur au contrat avant une réception définitive. Cela
implique que l'administration ne recevra pas les travaux mal exécutés mais sera
victimisée pour d'éventuelles irrégularités constatées après une réception
définitive. Car un adage dit : « celui qui paie mal paie deux fois ». Rien ne garantit
la vérification effective des agents de la Commission de réception, le Chef de
service, le Maître d'œuvre, dont le domaine d'intervention reste relativement
imprécis. La Commission de réception est simplement habilitée à intervenir dans
la phase de réception provisoire comme c'est le cas de Chef de service et le
Maître d'œuvre, sans définir leur procédure de vérification ou leurs interactions.
L'entrepreneur est tenu de faire connaitre au Chef de service du contrat,
la date à laquelle il peut commencer les opérations pour une réception provisoire.
Un contrat ne peut pas prendre fin simplement parce que les parties ont des
différends, la défaillance de l'une des parties et / ou suite à une résiliation
unilatérale par l'administration. La notification du Chef de service pour réception
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réception
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Il s'agit des personnels qui ont les devoir d'exercer des fonctions de
vérification pour garantir une exécution complète par le candidat de ses
obligations avant la réception du contrat de travaux publics. Le personnel
impliqué ici est principalement le Chef de service et le Maître d'œuvre, autrement
considérés comme représentant de l'administration. Les marchés de travaux
publics étant un engagement mutuel de l'administration et son cocontractant à
des conditions spécifiques, ce qui implique que les deux obligations doivent être
remplies avant la résiliation normale. La vérification par le personnel de
vérification du processus de réception a pour effet d’assurer l'achèvement du
processus d'exécution du marché par le candidat et est une condition prima
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facies pour la réception des marchés de travaux publics. Cela implique que
l'identification de l'irrégularité d'un entrepreneur par le personnel de vérification
faussera la décision de réception. En tant que tel, cela implique que la réception
des travaux de mauvaise qualité représente la faiblesse des personnels de
vérification dans l'accomplissement de leurs différentes missions de vérification.
Il est entendu ici que, les principaux personnels de vérification du
processus de réception des marchés de travaux publics comme le Chef de
service du marché et le Maître d'œuvre sont accrédités à leurs fonctions par le
Maître d'Ouvrage ou le Maître d'Ouvrage Délégué d'un marché et ils représentent
leur intérêt. Aucun texte ne précise les modalités ou les conditions de
désignation de ces personnels et cela implique que leur désignation dépend
simplement de la discrétion de Maitre d’Ouvrage ou de Maitre d’Ouvrage
Délégué. Cela signifie qu'ils peuvent être choisis par ces autorités sur la base de
leur religion, de leurs affiliations, de leurs ethnies et même de leurs appartenance
politique. Cela signifie qu'il n'y a pas des procédures ou des conditions
spécifiques pour leur désignation et cela remet en question leur efficacité dans
leurs fonctions de réception. La réponse est évidemment dans la prise de
conscience négative de l'exigence intellectuelle et de compétence élevée pour
effectuer un contrôle parfait face à une structure complexe technique élevée. A
ce titre, la vérification qui est mal faites conduisant à la réception des travaux de
mauvaise qualité, en raison du manque de certaines qualifications de Chef de
service du marché ou de Maître d'œuvre concerné.
La détermination de l'efficacité d'un personnel de contrôle dépend de son
niveau d « indépendance » et ceci indépendamment de ceux qui sont concernés
par la réception des marchés. L'indépendance est un attribut d'un personnel de
contrôle qui est doté d'une autonomie financière et décisionnelle, le rendant
autonome pour prendre des décisions sans influence extérieure. Il est à noter
que les personnels dépendants ne sont pas cohérents faute d'une éventuelle
autonomie décisionnelle ou financière. Leurs fonctions ou leurs points de vue
peuvent être facilement obstrués en raison d'une influence externe et les rendre
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Nous nous intéressons ici aux facteurs qui handicapent le contrôle des
irrégularités dans le processus de réception des marchés de travaux publics par
le juge. Le juge est chargé de la mission de prononcer le droit et son efficacité
nécessite un exercice effectif simultané de la fonction d'initiateurs des règles de
droit. En effet, l'interprétation et l'application des lois pour rendre justice
garantissent qu'un texte ou une pratique donnée doit avoir existé et non
seulement prédire le juge compétent mais aussi sa compétence. A ce titre, tout
comme les irrégularités des parties impliquées dans les opérations de réception
des marchés de travaux publics ne sont pas claires pour le juge, la procédure
contentieuse n'est pas claire pour les justiciables. Cette procédure de contrôle
juridictionnel imprécise remet en cause le mode de saisine du juge compétent et
les éventuelles solutions aux irrégularités liées à la réception des marchés de
travaux publics.
Le droit camerounais ne précise pas le juge compétent en matière de
réception des contrats de travaux publics. C'est également le cas de l'imprécision
des éventuelles mauvaises pratiques y afférentes. En principe, toutes les
matières relatives aux contrats administratifs relèvent de la compétence du juge
administratif au regard de l'article 1 (2) de la loi n ° 2006/022. Il suffit donc que
les questions relatives aux marchés de travaux publics relèvent de sa
compétence. Cependant, le droit camerounais ne précise pas son domaine
d'intervention spécifiquement dans l'opération de réception des marchés de
travaux publics, puisque des régularités comme le détournement de fonds, la
corruption sous toutes ses formes, la négligence des agents administratifs sont
concurrentes et attirent la compétence même des juges financières. Cette
imprécision affaiblit la portée du contrôle juridictionnel du processus de
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juge ne peut agir d'office, quelles que soient les irrégularités liées à la réception
des travaux donc il a connaissance.
La négligence du juge vis-à-vis des irrégularités de réception des marchés
de travaux est un prolongement de l'inefficacité de droit camerounais. Elle est
représentée par le traitement inefficace des questions relevant de sa
compétence. Cela concerne spécifiquement la compétence matérielle et non
territoriale, qui est déterminée par le texte et est soit générale, soit spécifique.
La compétence générale vise à définir un vaste domaine d'intervention d'un
organe juridictionnel et à l'exempter des autres. Le juge administratif est
compétent pour « les litiges relatifs aux contrats (à l'exclusion de ceux établis
expressément ou implicitement de droit privé) ou aux concessions de service
public » . Cela signifie en d'autres termes que le juge administratif est compétent
pour les litiges relatifs aux contrats administratifs et que le juge ordinaire est
compétent pour les contrats privés de l'administration, globalement appelés
contrats de l'administration. Le juge administratif est compétent pour les
matières relatives aux litiges de réception des marchés de travaux. C'est
également le cas des juges ordinaires et des juges des finances pour ce qui
concerne les infractions de droit commun liées aux fonds publics. La compétence
du juge se déduit de sa fonction de base notamment l'interprétation de la loi,
l'achèvement de la loi et l'adaptabilité de l'état de droit aux objectifs de politique
publique. La réception des travaux incomplets et / ou de mauvaise qualité
représente la négligence du juge dont l'efficacité peut être mieux renforcée par
le droit camerounais.
La négligence du juge justifiante la réception des marchés de travaux de
mauvaise qualité ou incomplets est étroitement liée à son mépris de «la nécessité
d’adapter le juge aux exigences du développement ». Les mauvaises pratiques
qui surviennent lors de la phase de réception des travaux conduisent à une
escroquerie de fonds publics pour des entreprises de développement dans des
poches privées et privent de son intérêt public. La réception ici représente la fin
du processus d'exécution. Cela implique que l'initier une procédure de réception
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Conclusion
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substantielle des cadres juridiques par les organes créateurs des normes pour
assurer la réception des travaux de qualité.
Notre réflexion s'est basée sur l'amélioration de droit camerounais en
raison de son inefficacité à garantir la réception des marchés de travaux publics
de qualité. Le processus de réception initié par un entrepreneur et réalisé par
l'administration est régi par le droit camerounais. Son amélioration nécessite
l'introduction de nouveaux mécanismes de contrôle dans le système et
l'amélioration des ceux en placent une fois pour leur permettre de s'adapter aux
objectifs de la politique publique. Ceci est relativement indispensable car cela
contribuera à renforcer l'initiative et à combler les lacunes dans les activités de
certains acteurs. Il contribuera également à améliorer le développement des
infrastructures qui, selon le professeur Joseph KANKEU est réalisable grâce à
des réformes institutionnelles.
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Université de Dschang
et
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Résumé
Selon un mythe très répandu, Dieu a créé l’homme à son image, lui
conférant des attributs de liberté et d’intelligence. Sans doute inspiré par son
créateur, ce dernier a développé l’activité créatrice au point de créer, lui-même,
une entité à sa propre image d’homme. L’intelligence artificielle (IA) est le fait de
l’homme, qui conçoit et réalise grâce aux savoirs et savoir-faire technologiques
une entité capable d’intelligence autonome.
834
Des machines IA sont douées pour générer des logiciels, des bases de données, des œuvres
littéraires et artistiques, rédiger des projets de contrats et documents officiels pour des cabinets
d’avocats, écrire leur propre code, etc.
354
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important835. L’on considère836 que l’IA peut être une opportunité pour l’Afrique en
général et pour les pays en voie de développement en particulier. Elle serait utile
dans le domaine de l’agriculture, pour améliorer le service de santé, résoudre le
problème de l’urbanisation, optimiser les flux d’énergie et l’éclairage public,
assurer la sécurité publique, détecter les fraudes ou les risques de catastrophes
naturelles, etc. L’IA réduit progressivement l’intervention humaine et tend à
transformer son utilisateur en un simple observateur. À partir de l’IA, serait-on en
train de se soumettre aux artifices d’une intelligence mal maîtrisée ? La
reconnaissance d’une certaine autonomie de l’IA837 est sans doute loin d’avoir
dévoilé toutes ses conséquences.
835
Selon une « Enquête Focus sur le marché du machine learning sur la période 2020-2027 »,
Verified Market Research, un marché évalué à 2,4 milliards de dollars en 2019 est projeté à 47,3
milliards de dollars pour l’année 2027, avec un taux de croissance annuel moyen de 44,9% entre
2020 et 2017. https://www.actuia.com/actualite/enquete-focus-surle-marche-mondial-du-
machine-
learningsurlaperiode20202027/?utm_source=Actu+IA&utm_campaign=60d66d7769newsletter_
quotidienne&utm_medu=emai&utm_term=0_984fe5c37860d66d7769378917518&mc_cid=60d6
6d7769&mc_eid=2073ac7bc5, consulté le 26 juillet 2021.
836
Quoique la question reste en débat. V. par exemple, Forum sur « L’intelligence artificielle en
Afrique », Université Mohamed VI Polytechnique, Benguérir, Maroc, 12-13 décembre 2018,
https://fr.unesco.org/sites/default/files/participants_ia_fr.pdf , consulté le 27 juillet 2021 ;
Colloque sur « L’intelligence artificielle », Journées camerounaises de l’Association Henri
Capitant-Cameroun des Amis de la Culture Juridique Française, Centre d’Etudes et de Recherche
en Droit et Développement (CERDD), Université de Dschang, 18 décembre 2020, inédit.
837
V. par exemple, D. GERVAIS, « La machine en tant qu’auteur », Revue Propriétés intellectuelles,
n° 72, juillet 2019, p. 7 ; B. KANDOLO, « La protection juridique des œuvres créées par
l’intelligence artificielle », Village de la Justice, p. 1, http://www.village-
justice.com/articles/protection-juridique-des-oeuvres-creees-par-intelligence-
artificielle,35738.html , consulté en août 2021 ; L. MAZEAU, « Intelligence artificielle et
responsabilité civile : Le cas des logiciels d’aide à la décision en matière médicale », Revue
pratique de la prospective et de l’innovation, LexisNexis SA, 2018, p. 2.
838
Le brevet a été publié en juillet 2021 dans le South African Patent Journal.
http://www.cipc.co.za/index.php/trade-marks-patents-designs-copyright/patents/patent-
journal/, consulté le 09 août 2021.
355
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Il faut dire que la notion d’IA n’est pas juridiquement arrêtée. Elle renvoie à
une réalité complexe, regroupant un ensemble de technologies diverses comme
la robotique, les réseaux neuronaux ou algorithmes, l’apprentissage-machine842,
le deep learning, etc. Si l’objectif de la présente réflexion n’est pas d’ergoter sur
une notion plus technique que juridique, l’on peut néanmoins, pour les besoins
de la cause, s’en tenir à la définition proposée par l’Organisation Internationale
de Normalisation (ISO). L’IA sera alors comprise comme la « capacité d’une unité
fonctionnelle à exécuter des fonctions généralement associées à l’intelligence
humaine, telles que le raisonnement et l’apprentissage »843. Au sens de la science
informatique, cette capacité de raisonnement et d’apprentissages est rendue
possible grâce à l’algorithme qui en constitue le « cerveau »844. Le système se
839
Federal Court of Australia, 30 july 2021, Thaler v. Commissioner of Patents [2021] FCA 879,
VID 108 of 2021, disponible sur
https://www.judgments.fedcourt.gov.au/judgments/Judgments/fca/single/2021fca0879,
consulté le 09 août 2021.
840
Déjà, un brevet pourtant accordé à une IA a été invalidé par la suite par les tribunaux. V. Vehicle
Intelligence and Safety v. Mercedes-Benz, 78 F. Supp.3d 884 (2015), maintenue en appel Federal
Circuit. No. 2015-1411 (U.S.)
841
Z. TAZROUT, « Afrique du Sud & Australie : une IA reconnue comme inventeur lors du dépôt
de deux demandes de brevets », 4 août 2021, disponible en ligne sur
https://www.actuia.com/actualite/afrique-du-sud-australie-une-ia-reconnue-comme-
inventeur-lors-du-depot-de-deux-demandes-de
brevets/?utm_source=Actu+IA&utm_campaign=b80393af0bnewsletter_quotidienne&utm_mediu
m=email&ut_term=0_984fe5c378-b80393af0b-
378917518&mc_cid=b80393af0b&mc_eid=2073ac7bc5, consulté en août 2021.
842
E. BARTHE, « L’intelligence artificielle et le droit », I2D – Information, données & documents,
2017/2 Vol. 54, p. 23.
843
ISO/IEC-2382-28 : 1995.
844
A. ESMA, « Introduction à l’intelligence artificielle », Université de Montréal, Canada,
http://www.iro.umontreal.ca/-aimeur, consulté le 09/08/2021 ; A. POIRSON-ATLAN,
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sert de données d’entrée – input – qui grâce à l’algorithme d’IA, génèrent des
données de sortie, le résultat – output. Par ailleurs, en raison de l’évolution rapide
de cette technologie, la communauté scientifique s’accorde pour distinguer deux
sous-catégories d’IA en fonction du degré d’autonomie : l’IA dite « faible » et l’IA
dite « forte ». La première, qui existe déjà, est limitée et s’appuie sur les
expériences passées pour prendre des décisions futures. La seconde, qui
relèverait de l’utopie845, serait dotée d’une « conscience » propre846.
Quelque distinction que l’on puisse faire, et quelque prouesse que l’on
reconnaisse à l’IA, cela ne devrait pas occulter les dangers qu’elle est susceptible
de causer. En ce sens, le Parlement Européen appelle à une IA « digne de
confiance »847. Du point de vue de la propriété intellectuelle, le risque de
violation848 des droits doit clairement être adressé. Au demeurant, l’articulation
entre le rôle de l’IA et celui de l’homme dans l’activité créatrice peut donner lieu
à des confusions en termes notamment d’identification du titulaire des droits et
du régime de protection approprié. Les systèmes de propriété intellectuelle en
« L’intelligence proviendrait d’un algorithme dans le cerveau humain », 1er décembre 2016,
disponible en ligne https://www.apar.tv/performance/lintelligence-proviendrait-dun-algorithme-
dans-le-cerveau-humain/, consulté en août 2021.
845
La délivrance d’un brevet dans certains pays impose néanmoins des réserves quant au
caractère utopique d’une IA forte.
846
Sur cette distinction, lire Cl. GESTIN-VILION, La protection par le droit d’auteur des créations
générées par l’intelligence artificielle, mémoire de maîtrise en droit, Université Laval et Université
Paris-Saclay, 2017, p. 6-7.
847
Proposition de Règlement établissant des règles harmonisées concernant l’intelligence
artificielle (législation sur l’intelligence artificielle) et modifiant certains actes législatifs de l’union,
Bruxelles, 21/4/2021, COM (2021) 206 final, 2021/0106 (COD), p. 4 : une IA digne de confiance
serait celle « à faible risque » pour la santé, la sécurité ou les droits fondamentaux des personnes.
Elle doit satisfaire à un ensemble d’exigences obligatoires et faire l’objet de procédures
d’évaluation de la conformité avant d’être mis sur le marché.
848
Il y a une possibilité de contrefaçon des bases de données, ou de logiciels ou de toute autre
création protégée si l’autorisation des auteurs de celles-ci n’est pas requise. Il y a également un
risque d’atteinte aux droits moraux, le droit à l’intégrité de l’œuvre par exemple, car l’utilisation
des œuvres premières pour la conception des systèmes d’IA nécessite que ceux-ci les traitent,
voire les démantèlent afin d’en faire les données exploitables. Les droits patrimoniaux ne sont
pas en reste. L’on peut assister à des reproductions d’œuvres non autorisées.
357
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vigueur dans les pays de l’OAPI permettent-ils de faire face aux défis soulevés
par l’IA ?
849
L’OAPI est actuellement régi par l’accord de Bangui (AB) révisé aussi bien dans sa version du
24 février 1999 que dans celle issue de l’acte de Bamako du 14 novembre 2015. Le texte
comprend, outre l’Accord proprement dit, dix Annexes portant respectivement sur les brevets
d’invention, les modèles d’utilité, les marques de produits ou de services, les dessins et modèles
industriels, les noms commerciaux, les indications géographiques, la propriété littéraire et
artistique, la protection contre la concurrence déloyale, les schémas de configuration de circuits
intégrés et les obtentions végétales. Dans sa version de 2015, seules sont entrées en vigueur le
14 novembre 2020 quatre annexes sur dix : l’annexe VI sur les indications géographiques,
l’annexe VII sur la propriété littéraire et artistique, l’annexe VIII sur la protection contre la
concurrence déloyale et l’annexe X sur la protection des obtentions végétales. Il s’en suit que les
six autres annexes restent régies par l’AB de 1999.
850
Il s’agit des pays suivants : Bénin, Burkina Faso, Cameroun, Comores, Congo, Côte d’Ivoire,
Gabon, Guinée, Guinée-Bissau, Guinée Équatoriale, Mali, Mauritanie, Niger, République
Centrafricaine, Sénégal, Tchad et Togo.
851
P. J. LOWÉ GNINTEDEM, « OAPI : Droit d’auteur, le vent des réformes », Horizons du droit -
Revue de l'Association Française des Docteurs en Droit, n° 21, décembre 2020, p. 70-75 ; L.-Y.
NGOMBÉ, « Le droit d’auteur dans les Etats membres de l’Organisation africaine de la propriété
intellectuelle (OAPI) : une harmonisation inachevée ? », e.Bulletin du droit d’auteur, janvier – mars
2005, 13 p.
852
L’Accord sur les ADPIC ou TRIPS Agreement (Trade-Related Intellectual Property Rights
Agreement) est entré en vigueur le 1er janvier 1995.
358
Horizons du droit - Bulletin n°28, 2021
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soleil qui ne se couche jamais »853 et donc, qui éclaire autant les situations
anciennes que les situations nouvelles. Par essence, les DPI envisagent la
protection des innovations, des créations d’où qu’elles viennent. Or, l’IA apparaît
clairement comme un champ privilégié d’innovations. La difficulté réside dans la
perception duale à laquelle peut renvoyer l’IA. Saisie comme objet de protection
en tant qu’innovation, il suffira de vérifier que l’IA répond aux critères
d’application des règles de protection des DPI existant. Saisie comme source de
l’innovation et donc, comme créateur, la question sera de savoir si l’IA peut être
titulaire d’un DPI. L’on a pu avancer qu’il faille décomposer l’IA en ses éléments
constitutifs afin de protéger les éléments qui satisfont aux DPI actuels et d’en
exclure ceux qui ne les satisfont pas854. L’approche n’est pas sans mérite. Pour le
moins, elle permet quoiqu’insuffisamment, d’envisager la protection par les DPI
de l’IA appréhendée comme une création (I). Cependant, elle ne permet pas
d’appréhender l’IA comme une entité autonome capable d’accomplir les tâches
faisant appel à l’intelligence humaine. Il y a pourtant là des enjeux importants
relatifs à la possibilité de protéger les créations générées par l’IA (II).
853
J. CARBONNIER, Flexible droit : pour une sociologie du droit sans rigueur, 10e éd., LGDJ, 2001,
p. 61.
854
M. A. CHOUDJEM, « La titularité du droit d’auteur impliquant l’intelligence artificielle »,
Communication lors du Colloque sur « L’intelligence artificielle », Université de Dschang, 2020,
précité.
359
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Tous les régimes de protection des créations par les droits de propriété
industrielle peuvent avoir des accointances avec les créations IA. Cependant,
certains sont plus susceptibles de s’appliquer que d’autres. Ceux-là sont : le droit
des brevets d’invention, le droit des modèles d’utilité, le droit des schémas de
configuration de circuits intégrés, le droit des marques et le régime de protection
contre la concurrence déloyale. Les deux premiers sont susceptibles de protéger
les créations IA en elles-mêmes (1) et les deux derniers de les protéger contre
toute concurrence (2).
855
E. LAVALLÉE, « La propriété intellectuelle de l’intelligence artificielle », Le droit de savoir,
l’intelligence artificielle, septembre 2017, p. 1.
856
Art. 27 de l’Accord sur les ADPIC.
360
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857
Y. BASIRE, L’essentiel du droit de la propriété industrielle, Gualino, 2020, p. 10 et s.
858
Art. 2 al. 2 de l’AB.
859
P. J. LOWÉ GNINTEDEM, Droit des brevets et santé publique dans l’espace OAPI, PUAM, 2014,
p. 69, n° 73.
860
Le produit est une chose concrète alors que le résultat est une abstraction. Par exemple, un
mécanisme de débrayage est un produit brevetable ; le débrayage en lui-même est un résultat
non brevetable. J. AZEMA et J.-C. GALLOUX, Droit de la propriété intellectuelle, 6e éd., Dalloz,
2006, p. 142.
861
J.-M. MOUSSERON, Traité des brevets, T. 1 : L’obtention des brevets, Litec, 1984, p. 151.
862
P. J. LOWÉ GNINTEDEM, op. cit., 2014, p. 68-69.
863
Art. 2 al. 1er de l’AB 1999.
864
Art. 3 al. 1er. L’alinéa 2 précise que « l’état de la technique est constitué de tout ce qui a été
rendu accessible au public quel que soit le lieu, le moyen ou la manière, avant le jour du dépôt de
la demande de brevet ou d’une demande de brevet déposée à l’étranger et dont la priorité a été
valablement revendiquée ».
361
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Les modèles d’utilité. L’IA étant une chose, un objet, ses créateurs peuvent
solliciter le régime de protection des créations prévu pour les modèles d’utilité867.
865
Au sens de l’article 4 de l’AB 1999, « une invention nouvelle est considérée comme résultant
d’une activité inventive si, pour un homme du métier ayant des connaissances et une habilité
moyenne, elle ne découle pas d’une manière évidente de l’état de la technique à la date du dépôt
de la demande de brevet ou bien, si une priorité a été revendiquée, à la date de la priorité
valablement revendiquée pour cette demande ».
866
Si les applications ou algorithmes d’IA sont exclus de la brevetabilité, cela inciterait peut-être
à garder secret ces applications ou algorithmes. Ceci pourrait exacerber le problème dit de la
« boîte noire », V. Document de synthèse révisé sur les politiques en matière de propriété
intellectuelle et intelligence artificielle de l’OMPI, publié en 2020, disponible en ligne
https://www.wipo.int/aboutwipo/fr/dg_gurry/news/2020/news_0029.html, consulté le 28 juillet
2021.
867
Ce régime est prévu par l’Annexe II de l’AB 1999.
362
Horizons du droit - Bulletin n°28, 2021
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En effet, l’AB définit les modèles d’utilité protégeables comme les instruments de
travail ou les objets destinés à être utilisés ou les parties de ces instruments ou
objets pour autant qu’ils soient utiles au travail ou à l’usage auquel ils sont
destinés grâce à une configuration nouvelle, à un arrangement ou à un dispositif
nouveau et qu’ils soient susceptibles d’application industrielle868. Ils sont
protégés par des certificats d’enregistrement délivrés par l’OAPI. Encore appelés
« petits brevets », les modèles d’utilité se distinguent du brevet d’invention, entre
autres, par des conditions de protection plus souples. Seuls sont exigés la la
nouveauté et l’application industrielle. S’agissant de la condition de nouveauté,
le législateur a adopté une définition négative. L’instrument ou l’objet ou les
parties de l’un ou de l’autre ne sont pas considérés comme nouveaux, si à la date
du dépôt de la demande d’enregistrement, ils ont été décrits dans des
publications ou s’ils ont été notoirement utilisés sur le territoire de l’un des Etats
membres de l’OAPI869. Concernant la condition d’application industrielle, le
législateur a adopté la même définition que celle retenue en matière des brevets
d’invention870.
L’IA en tant que création peut sans doute être soumis au régime des
modèles d’utilité. Il faut néanmoins noter qu’il s’agit d’un régime moins
avantageux en termes de durée de protection. Au demeurant, l’on envisage
difficilement, s’il s’agit d’une innovation majeure, que le créateur préfère la
protection par le modèle d’utilité plutôt que par le brevet.
868
Art. 1er, annexe II.
869
Art. 2 al. 1, annexe II.
870
Art. 3, annexe II.
363
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871
Art. 1er a de l’Annexe IX.
872
Art. 1er b de l’Annexe IX.
873
Art. 3 al. 1 de l’Annexe IX.
874
Ce régime est prévu par l’Annexe III de l’AB 1999.
364
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les noms patronymiques pris en eux-mêmes ou sous une forme distinctive, les
dénominations particulières, arbitraires ou de fantaisie, la forme caractéristique
du produit ou de son conditionnement, les étiquettes, enveloppes, emblèmes,
empreintes, timbres, cachets, vignettes, liserés, combinaisons ou dispositions de
couleurs, dessins, reliefs, lettres, chiffres, devises, pseudonymes875. Aux termes
de l’article 3 de l’Annexe III sur les marques, pour être valablement enregistrée,
deux conditions générales de protection doivent être respectées : la marque doit
avoir un caractère distinctif ; et ne pas être contraire à l’ordre public, aux bonnes
mœurs et aux lois.
Une IA si elle est perçue comme un produit d’une entreprise pourrait être
protégée par le régime des marques, ce qu’elle soit faible ou forte, incorporée ou
non.
875
Art. 2 al. 1, annexe III, AB 1999.
876
Ce régime est prévu par l’Annexe VIII de l’AB, acte de Bamako de 2015.
877
Art. 1 à 7 de l’Annexe VIII, AB 2015.
365
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Toute personne lésée ou susceptible d’être lésée par l’un des actes de
concurrence déloyale ci-dessus énumérés dispose de recours légaux devant un
tribunal d’un État membre et peut obtenir des injonctions, des dommages-
intérêts et toute autre réparation prévue par le droit civil878.
878
Art. 2 al. 1 b), annexe VIII, AB 2015.
879
Art. 1er al. 3, annexe VIII, AB 2015.
880
art. 5 al. 2, AB 2015; P. J. LOWÉ GNINTEDEM, op. cit., 2020, p. 72.
881
Voir dans l’ensemble, L. Y. NGOMBÉ, Le droit d’auteur en Afrique, l’Harmattan, 2009, 325 p.
366
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Revue de l'Association Française des Docteurs en Droit
882
A. BENSAMOUN, La personne morale en droit d’auteur : auteur contre-nature ou titulaire
naturel ?, Dalloz 2013, p. 276.
883
Ch. CARON, Droit d’auteur et droits voisins, 5e éd., LexisNexis, 2017, n° 48, p. 57.
884
Cass. Civ. 1re, 17 mars 1982 : RTD com. 1982, p. 428, obs. A. Françon.
885
G. CORNU (dir.), Vocabulaire juridique, 12e éd., Association Henri Capitant, Quadrige/PUF,
2018, V° Conscience.
886
Cass. Civ. 1re, 13 nov. 2008, RTD com. 2009, p. 128, obs. F. POLLAUD-DULIAN.
367
Horizons du droit - Bulletin n°28, 2021
Revue de l'Association Française des Docteurs en Droit
justifie que l’on soit réticent à attribuer la titularité d’une œuvre à un animal887, ce
dernier n’étant pas un sujet conscient888.
2. La condition d’originalité
Dans l’espace OAPI, qui a d’ailleurs opté pour le système du droit d’auteur,
l’originalité renvoie généralement, malgré l’usage de formules diverses par les
législations nationales, à l’empreinte de la personnalité de l’auteur889. Cette
définition de l’originalité est aujourd’hui qualifiée de traditionnelle par une partie
de la doctrine890, même si elle n’est pas préférée à la définition objective par
887
Sur la question de savoir si un singe peut être le propriétaire d'une photo, et par extension si
un animal peut être titulaire de droits d’auteur, V. par exemple, J.-Ch. DUHAMEL, « “Simiesque
selfie,” Histoire litigieuse et contentieuse de l'image et de la photographie », 1er octobre 2018,
http://d-piav.huma-num.fr/items/show/4, consulté le 26 juillet 2021, ; P. LE MAIGAT, « L'animal à
l'épreuve de la propriété intellectuelle », Les Petites affiches, n° 82, 25 avril 2016, p. 6. Le
Copyright Office américain a fait de l’intervention humaine une condition de l’enregistrement
depuis cette affaire ayant opposé un photographe et Wikimedia, le premier réclamant au second
des droits sur un autoportrait réalisé avec son appareil par un singe.
888
la Cour suprême australienne et la Cour de cassation hollandaise ont auparavant rappelé leur
attachement à l’intervention humaine dans la création littéraire et artistique. Australia Sup. Court,
Telstra Corporation Ltd c/ Phone Directories Compagny Pty Ltd (2010), FCAFC 149 § 335 ; Hoge
Raad, 30 mai 2008, Zonen Endstra c/ Nieuw Amsterdam, cités in A. LUCAS, H.-J. LUCAS et A.
LUCAS-SCHLOETTER, Traité de propriété littéraire et artistique, LexisNexis, 2012, n° 57.
889
L’exigence est posée à l’article 3 al. 1er de l’annexe VII, AB 2015. Mais l’on peut retrouver des
précisions sur la notion dans la loi ivoirienne loi n° 2016-555 du 26 juillet 2016 relative au droit
d'auteur et aux droits voisins (art. 1er) ; la loi burkinabè n° 048-2019/AN du 12 novembre 2019
portant protection de la propriété littéraire et artistique ; ou la loi guinéenne n° 2019/0028/AN du
7 juin 2019 portant protection de la propriété littéraire et artistique (art. 2).
890
Ch. CARON, op. cit., n° 84, p. 80.
368
Horizons du droit - Bulletin n°28, 2021
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certains législateurs891. Les différentes lois sur le droit d’auteur procèdent à des
énumérations indicatives de certaines œuvres présumées originales, sans pour
autant exclure celles qui n’y figurent pas. L’IA n’est nulle part expressément
énumérée. En effet, une IA est la fusion de plusieurs éléments notamment : le
logiciel, le programme, les bases de données, l’algorithme et le corpus, c’est-à-
dire l’objet qui incorpore le tout. Parmi ces éléments, certains sont expressément
protégés par le droit d’auteur – les logiciels, les programmes, les bases de
données et le corpus (au titre d’œuvre d’art)892. D’autres sont expressément
exclus pour défaut d’originalité. Cette dernière hypothèse concerne, au sens de
la jurisprudence européenne893, les algorithmes894 et les fonctionnalités du
logiciel, c’est-à-dire les résultats qu’un tel programme est susceptible
d’atteindre. Une coexistence harmonieuse du monopole et du domaine public
est-elle possible, peut-être dans l’hypothèse d’une œuvre composite ? Si oui, l’on
pourrait admettre la protection de l’IA en tant qu’œuvre composite. Sinon, un
autre dilemme naît : doit-on s’appuyer sur la protection de plusieurs de ses
éléments pour conclure à la protection de l’ensemble, ou doit-on au contraire
s’appuyer sur l’exclusion du « cerveau » de l’IA qu’est l’algorithme pour exclure
l’ensemble ? Doit-on considérer une intelligence artificielle comme un résultat
qu’un programme est susceptible d’atteindre et par conséquent l’exclure de la
protection ? La complexité de la situation démontre à nouveau la difficulté à
appréhender l’IA comme « un tout protégeable » distinctement des éléments qui
la composent. Dans la configuration actuelle, l’exclusion de l’IA de la protection
en tant qu’œuvre semble être la solution à même de préserver le mieux l’essence
du droit d’auteur.
891
L’art. 2 al. 1er de la loi n° 2000/011 du 19 décembre 2000 relative au droit d’auteur et aux droits
voisins dispose que l’« œuvre originale [est] celle qui dans ses éléments caractéristiques ou dans
l’expression, se distingue des œuvres antérieures ».
892
Par exemple, la loi n° 2005-30 du 05 avril 2006 relative à la protection du droit d’auteur et des
droits voisins en République du Bénin, art. 8.
893
CJUE, 02 mai 2012 : Comm. com. electr. 2012, Comm. 105, note CARON.
894
CA Paris, 23 juin 1995 : LPA 19 avr. 1996, p. 4 ; CA Paris, 27 janv. 1987 : Expertises, 1987, p.
69.
369
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Si, prise comme objet de protection l’on a du mal à saisir de l’IA par les DPI,
à plus forte raison, y aurait-il du mal à concevoir une protection pour les créations
susceptibles d’être générées par l’IA.
II. L’IA potentiellement saisie par les DPI dans ses créations
2001.
370
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896
V. par exemple, art. 3 al. 1 j), loi camerounaise n° 2000/11 du 19 décembre 2000 relative au
droit d’auteur et aux droits voisins.
897
G. CORNU (dir.), op.cit., V° Accession.
898
L’adage se traduit : l’accessoire suit le principal.
899
S’agissant de l’accession par production, elle est régie par les articles 547 à 550 du Code civil.
371
Horizons du droit - Bulletin n°28, 2021
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Cette règle permettra de protéger les créations générées par une IA en les
considérants comme accessoires à cette IA (en tant que création) qui sera la
chose principale. Elle suppose que le demandeur à la protection ne sera pas l’IA
génératrice des créations, mais le titulaire de cette IA. Il est constant que, l’IA
peut être présentée comme un outil d’aide à la création, dont l’objet est de fournir
une assistance à une personne physique. Les solutions juridiques traditionnelles
sont applicables à cette situation, qui aboutit à l’attribution de la titularité des
droits à la personne physique901.
900
H. CAPITANT, Introduction à l’étude du droit civil, Paris, Librairie de la cour d’appel et de l’ordre
des avocats, 1898, p. 181.
901
G. COURTOIS et alii, « Intelligence artificielle : enjeux juridiques », Stratégie nationale en
intelligence artificielle, Contribution du sous-groupe 3.2.B au groupe de travail 3.2, France,
https://www.strategie.gouv.fr/sites/strategie.gouv.fr/files/atoms/files/ia_annexe2_21032017.pdf
, consulté en juillet 2021, p. 13.
372
Horizons du droit - Bulletin n°28, 2021
Revue de l'Association Française des Docteurs en Droit
par l’IA
Plusieurs titulaires peuvent prétendre aux créations facilitées par une IA.
L’on pourrait en effet imaginer sans peine que le producteur de l’IA, entendu
justement comme celui qui se trouve à l’initiative du projet de création de celle-
ci et qui en assure la responsabilité, nourrira généralement le vœu de s’approprier
les droits intellectuels sur les produits générés par sa création IA. Un tel souhait,
tout à fait légitime au regard de la logique économique ne rencontrera pas de
difficultés particulières dans sa réalisation lorsque le producteur de l’IA aura créé
seul. Dans ce cas, il n’aura pas à subir le concours de potentiels autres
prétendants à la titularité des droits.
902
A. LUCAS, Propriété littéraire et artistique, 4e éd., Dalloz, 2010, p. 14.
903
Cl. GESTIN-VILION, op. cit. p. 45-47.
904
A. LUCAS, op. cit. p. 18-20.
373
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905
V. en matière de brevet, art. 10 al. 2 de l’Annexe I de l’AB 2015 ; Pour le certificat
d’enregistrement du modèle d’utilité, art. 8, annexe II ; pour les marques, art. 8, annexe III ; pour
les dessins et modèles industriels, art. 5, annexe IV ; pour les schémas de configuration de
circuits intégrés, art. 5, annexe IX ; pour les obtentions végétales, art. 10, annexe X.
906
Art. 2 (vi) de l’Annexe VII de l’AB.
907
Art. 2 (v) de l’Annexe VII.
908
V. par exemple art. 8 al. 1er de la loi camerounaise du 19 décembre 2000 relative au droit
d’auteur et aux droits voisins.
909
V. par exemple art. 11 al. 1er de la loi camerounaise de 2000 précitée.
374
Horizons du droit - Bulletin n°28, 2021
Revue de l'Association Française des Docteurs en Droit
suppose en amont que l’œuvre à laquelle elles s’appliquent puisse être protégée
en tant que telle. Et, on l’a souligné, les mécanismes existants soulèvent déjà de
nombreuses difficultés. Il y a alors lieu d’espérer que le contrat, en tant
qu’instrument de régulation des rapports sociaux, permette de régler la
situation910.
L’on conçoit que l’IA puisse engager un processus créatif dans lequel
l’intervention de l’homme serait nulle. C’est l’hypothèse de l’IA « forte » qui aurait
une « conscience » propre. Cette IA relèverait encore de l’utopie. Mais pourrait-
on préjuger de l’essor prochain de la technologie ? La protection des créations
générées par l’IA de façon autonome par les DPI actuels est difficile à admettre
pour au moins deux raisons. La première et la plus importante est le défaut de
personnalité juridique de l’IA (1) et la seconde, la remise en cause du processus
créatif de l’IA (2).
910
F.-P. LANI et T. GARCIA, « Intelligence artificielle : prévoir l’imprévisible dans le contrat »,
Expertise, mai 2018, p. 183 ; E. LAVALLÉE, op. cit., p. 2.
911
Dans une Résolution du Parlement européen du 16 février 2017 contenant des
recommandations à la Commission concernant des règles de droit civil sur la robotique
(2015/2103(INL), il est proposé « la création, à terme, d’une personnalité juridique spécifique aux
robots, pour qu’au moins les robots autonomes les plus sophistiqués puissent être considérés
comme des personnes électroniques responsables, tenues de réparer tout dommage causé à un
tiers; il serait envisageable de conférer la personnalité électronique à tout robot qui prend des
décisions autonomes ou qui interagit de manière indépendante avec des tiers » (point 59 f).
375
Horizons du droit - Bulletin n°28, 2021
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Par ailleurs, en l’état actuel du droit positif, l’on distingue classiquement les
personnes et les choses915. S’il est indéniable qu’une machine est une chose,
force est de reconnaître qu’une intelligence artificielle, surtout forte est plus
qu’une simple machine. On lui reconnait la capacité de prendre des initiatives et
de s’améliorer. Elle pourrait même développer des sentiments vis-à-vis des
humains. Pour certains auteurs, le système intelligent est plus qu’une chose, mais
376
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moins qu’un humain916. La certitude dans ce raisonnement demeure que l’IA n’est
pas un humain. Sur cette base, ses créations ne peuvent être admises à la
protection par le droit d’auteur. Selon un rapport français, les intelligences
artificielles sont expressément exclues du champ de protection du droit d’auteur,
la création ne pouvant être qu’humaine917. Cette position est celle retenue par
l’annexe VII de l’Accord de Bangui, Acte du 14 décembre 2015, qui définit, en son
article 1er (viii), l’auteur comme la personne physique qui créée l’œuvre. L’humain
doit donc être au cœur du processus créatif de l’œuvre pour que celle-ci
bénéficie de la protection par le droit d’auteur. La personne physique doit être
celle qui effectue l’acte matériel de la création. « Pas d’être humain, pas de droit
d’auteur »918.
Une œuvre de l’esprit est une expression des émotions, des rêves. Or, l’on
conçoit difficilement qu’une IA soit émotionnelle ou rêveuse. Il pourrait donc lui
916
M. BRUYDENS, « L’intelligence artificielle et le droit : vestiges d’un nouveau monde »,
www.youtube.com/watch?v=1tl9x1vVE4/, consulté le 27 février 2020.
917
Rapport de l’Assemblée nationale et du Sénat, « Pour une intelligence artificielle maîtrisée, utile
et démystifiée », 15 mars 2017, p. 131.
918
M. BRUYDENS, ibid.
919
B. KANDOLO, op. cit. p. 2.
377
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Conclusion
920
D. GERVAIS, op. cit., p. 11.
378
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droit camerounais
d’Azur
____________________
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921
V. E. BOKALLI, « La coutume, source de droit au Cameroun », in Revue générale de droit,
vol. 28, n° 1, 1997, p. 38 et s.
922
La coutume a été constitutionnalisée en droit camerounais (article 1er de la Constitution du 18
janvier 1996) ; C. SIETCHOUA DJUITCHOKO, « Du nouveau pour la coutume en droit positif
camerounais : la constitutionalisation de la coutume et ses conséquences », in RJT, n° 34,
2000, pp. 132 et s. Voir également, Fr. ANOUKAHA, L. ELOMO-NTONGA et S. OMBIONO,
Tendances jurisprudentielles et doctrinales des droits des personnes et de la famille de l’ex-
Cameroun oriental, Université de Yaoundé, 1990, pp. 4-20.
923
Même si on admet avec un auteur que certaines pratiques coutumières (excision, sévices à
l’occasion du veuvage), gagneraient à être abandonnées, M. KEBA, « La protection des droits
de l’homme dans les rapports entre personnes privées », in Travaux de l’institut international
des droits de l'homme, Paris, Pédone, 1971, p. 10.
924
S. OMBIONO, « Le mariage coutumier en droit positif camerounais », in Penant, 1989, p. 32.
925
V. déjà, P.-C. KAMGAING, « La crise de l’ethnie en Afrique centrale : échec des politique,
contribution du droit », in N. MONNERIE et C. PONZO (dir.), Le droit et la science politique à
l’épreuve des crises du XXIe siècle, Acte du colloque des doctorants de l’IFR-interactions du 25
novembre 2019, Paris, L’Harmattan, 2020, pp. 27-48.
926
La coutume présente un « caractère plutôt résiduel, contrairement à la loi, aux règlements et
aux principes généraux du droit », C. SIETCHOUA DJUITCHOKO, op. cit., p. 135. D’ailleurs, la
jurisprudence a posé le principe de la primauté du droit écrit sur le droit coutumier en cas de
contrariété, Cour suprême du Cameroun oriental (CS/COR), arrêt du 23 avril 1963, in Recueil
Penant, 1965, p. 486. Ce n’est que de manière très exceptionnelle que les juges recourent à la
381
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problématique jusque-là moins abordée par les juristes que par les sociologues.
Elle permet ainsi de questionner les interactions entre le droit coutumier et le
droit civil dans un contexte de pluralisme juridique. D’un point de vue pratique,
l’étude montre les difficultés d’application du droit moderne en matière de dot
933
Article 2 du décret Jacquinot : « Même dans les pays où la dot est une institution coutumière,
la fille majeure de 21 ans, et la femme dont le précédent mariage a été légalement dissous,
peuvent librement se marier sans que quiconque puisse prétendre en retirer un avantage
matériel soit à l’occasion des fiançailles, soit pendant le mariage ».
934
Allusion est ainsi faite à la France qui a administré le Cameroun, sous la tutelle de l’ONU, au
lendemain de la seconde guerre mondiale.
935
Qui s’écrit aussi bantu. On désigne par cette expression des groupes culturels existant dans
plusieurs pays d’Afrique subsaharienne, v. D. MATAILLET, « Qui sont les Bantous ? », in Jeune
Afrique, 05 juillet 2004.
936
Fr. DE SINGLY, « Les effets pervers de la dot scolaire », in Fortune et infortune de la femme
mariée. Sociologie des effets de la vie conjugale, Paris, PUF, 2004, pp. 156-175.
937
Notamment le PIDCP, en son article 23.
938
W. TADJUIDJE, « La question du mariage et la prolifération du célibat au Cameroun », in Village
de la justice, 05 octobre 2011.
939
Article 20 et s. de la loi n° 64-381 du 07 octobre 1964.
940
Article 244 du code des personnes et de la famille burkinabé.
383
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parce qu’il émane d’un droit coutumier épars et flou. En effet, si le droit moderne
devait intégrer toutes les règles coutumières existantes sur le territoire de la
République, il se noierait tout simplement. De même, le caractère résiduel du
droit coutumier limite suffisamment son domaine d’application pour que le
législateur n’ait pas, a priori, à s’en préoccuper. Dans le cadre spécifique de la
dot, le législateur a donc laissé le soin à chaque coutume de déterminer la
symbolique de la dot (A). Et, comme on le verra, c’est la symbolique de la dot qui
explique le fait que son prix soit parfois assez dissuasif pour le futur époux (B).
A. La symbolique de la dot
384
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941
H. SOLUS, « Le problème actuel de la dot en Afrique noire », in Revue Juridique et Politique de
l’Union. 1950-1959, p. 461. Dans le même sens, v. M. NKOUENDJI YOTNDA, Le Cameroun à la
recherche de son Droit de la famille, Paris, LGDJ., 1975, p. 149.
942
La femme est ainsi perçue comme un facteur de production et donc de richesse.
943
A. R. RADCLIFFE-BROWN et D. FORD, Systèmes familiaux et matrimoniaux en Afrique, Paris,
PUF, 1953, p. 95.
944
B. DJOBO, « La dot chez les Kotokoli de Sokodè », in Recueil Penant, 1962, p. 548.
945
A.-C. CAVIN, Droit de la famille burkinabé, le code et ses pratiques à Ouagadougou, Paris,
L’Harmattan, 1998, p. 40 et s. ; E. DEKANE et J. NDIH, « Évolution de la culture dotale au Nord-
Cameroun modernisé comme facteur de la décrépitude du mariage des jeunes », in International
Journal of Innovation and Applied Studies, vol. 12, n° 2, 2015, pp. 312-324.
946
Bible, Genèse 2, 23.
385
Horizons du droit - Bulletin n°28, 2021
Revue de l'Association Française des Docteurs en Droit
947
Si elle vient à décéder, elle sera enterrée dans la concession familiale de son mari. Or la femme
qui n’est pas dotée est enterrée dans sa famille biologique.
948
Mais la place que lui confère le droit civil demeure. Ainsi, elle bénéficie des droits et devoirs
de chaque enfant. V. dans ce sens, G.-A. KOUASSIGAN, Quelle est ma loi ? Traditions et
modernisme dans le Droit privé de la famille en Afrique noire, Paris, Pedone, 1974, p. 214.
949
C’est à la faveur du protocole de Maputo du 11 juillet 2003 que les femmes ont été rétablies
dans leur droit de venir à une succession ouverte.
950
La logique est que la femme finira tôt ou tard par sortir du cocon familial pour devenir une
épouse, une femme au foyer.
951
En cas de conflits conjugaux, les deux familles se réunissent pour essayer de trouver un terrain
d’entente et de ramener la paix. Le paiement de la dot fait obstacle au droit au divorce de la
femme, v. C. FORTIER, « Le droit au divorce des femmes (khul’) en islam : pratiques
différentielles en Mauritanie et en Égypte », in Droit et culture, n° 59, 2010/1, pp. 59-83.
952
C. BOUNANG MFOUNGUÉ, Le mariage africain, entre tradition et modernité : étude socio-
anthropologique du couple et du mariage dans la culture gabonaise, thèse de doctorat,
Université Paul-Valéry-Montpellier III, 2012, pp. 154 et 169.
386
Horizons du droit - Bulletin n°28, 2021
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son mari une autre fille de la famille. C’est ainsi qu’on a parlé qu’on a connu la
pratique du sororat. À l’inverse, si c’est le mari qui décédait en premier, son bien,
-c’est-à-dire sa femme-, devait demeurer dans sa famille. Dès lors, la veuve était
donnée en mariage à l’un des parents de son mari décédé (frères, cousins, etc.)
sans qu’il n’y ait lieu à paiement d’une autre dot. Il s’agit du lévirat. En droit
coutumier, le lévirat et le sororat953 tiraient leur fondement du paiement de la dot
et toute opposition de la famille de la femme donnait lieu à la restitution de cette
dernière954. Bien que ces pratiques aient été abolies955, le sororat subsiste dans
certaines aires culturelles, notamment chez les bamiléké dans l’Ouest du
Cameroun. Mais, il est plus souple que par le passé car il n’impose pas
automatiquement une communauté de vie entre la veuve et son « nouveau
mari », encore moins l’entretien des rapports conjugaux. Il n’en demeure pas
moins cependant que cette pratique doit être combattue. On ne peut que
regretter que le législateur pénal, dans la mise en œuvre du Protocole de Maputo,
ne l’ait pas érigé en infraction dans la mesure où elle porte sérieusement atteinte
à la liberté nuptiale. En effet, son silence traduit bien la distance qu’il prend vis-
à-vis des pratiques coutumières qui, elles, préexistent à l’État. On voit bien que
la dot scelle, définitivement en principe, l’union des familles impliquées. Ainsi,
sous le voile des présents offerts à la famille de la femme, la dot se révèle comme
un véritable sacrement. C’est la raison pour laquelle elle s’articule autour d’un
rituel couramment appelé « cérémonie de dot ». Dans tout ce processus, le droit
moderne camerounais est donc absent. De même, il ne se préoccupe pas de la
détermination du prix de la dot qui restera alors tributaire des us et coutumes en
vigueur dans chaque collectivité traditionnelle.
953
L. BERNOT, « Lévirat et sororat en Asie du Sud-Est », in Homme, 1965, n° 5-3-4, pp. 101-112.
954
M. GUESSAIN et A. DESGRÉES DU LOÛ, « L’évolution du lévirat chez les Bassiri », in Journal
des africanistes, t. 68, n° 1/2, 1998, p. 229 et s. Par exemple, si une femme avait un autre
prétendant qu’un parent de son défunt mari, ce mariage ne pouvait avoir lieu qu’après le
remboursement de la dot à la famille du de cujus. V. aussi, pour une distinction entre le vrai
lévirat et le faux lévirat, R. BASTIDE, « Polygamie », in Universalis.fr, disponible sur
https://www.universalis.fr/encyclopedie/polygamie/7-levirat-et-sororat/, consulté le 03 mai
2021, p. 1 et s.
955
Article 20 du protocole de Maputo du 11 juillet 2003.
387
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956
Dans ce sens, J. NAPPA, Br. SCHOUMAKER, A. PHONGI, M-L. FLAHAUX, « Difficultés
économiques et transformation des unions à Kinshasa », in Population, vol. 74, 2019, pp. 273-
298.
957
D. MAZEAUD, « Contrat d’adhésion : nouvelle version, nouvelle désillusion… », in La semaine
juridique, 15 janvier 2018, n° 3, p. 57.
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indicatif, voire incitatif, car il ne faut pas « agresser » son gendre, surtout que
dans l’imagerie bantoue958 la dot ne finit pas959 ! Il n’est point besoin ici d’insister
sur les conséquences d’une dot excessive. À en croire de nombreux
témoignages, plus une dot serait élevée, plus elle accroîtrait les risques de
maltraitance de la femme960.
L’échec de l’intrusion législative. Pour ce qui est de la consistance du prix de la
dot, l’on dira que la liberté de déterminer le prix de la dot se dédouble en liberté
d’en déterminer les éléments constitutifs. Ici encore, c’est la famille de la future
épouse qui détient les rênes et mène la danse. Elle déterminera le prix de la dot
en fonction de ses besoins ou de ses intérêts du moment. Ainsi, le prix de la dot
peut tantôt avoir une valeur certaine (par exemple une somme d’argent), tantôt
elle peut avoir une valeur relative (par exemple dons en nature) ou mixte (par
exemple somme d’argent et dons en nature)961. Dans le cas de la dot en nature,
le gendre sait ce qu’il faut offrir à la belle-famille mais ignore, a priori, son coût.
Ainsi, la dot en nature peut inclure divers présents tels les pagnes, les bouteilles
de vin, les ustensiles de cuisine, des ordinateurs, etc. Elle peut donc s’avérer
moins coûteuse ou plus couteuse selon les cas962.
958
P. MOUGUIAMA-DAOUDA, « Langue et histoire des bantu », in Contribution de la linguistique
à l’histoire des peuples du Gabon, CNRS éditions, Paris, 2005, pp. 33-56.
959
Autrement dit, le paiement de dot n’exclut pas les obligations alimentaires qui pèsent sur
l’homme marié à l’égard de sa belle-famille. Ces obligations sont alors considérées comme un
prolongement de la dot. Notons cependant que le législateur congolais a posé le principe de
l’immutabilité de la dot (article 364 du code de la famille).
960
M. MATESO, « Des parents qui ne jurent que par l’argent : la controverse n’en finit pas autour
de la dot en Afrique », in France info : Afrique, 04 novembre 2019.
961
V. AGBARIN, « La femme en Droit coutumier Dahoméen », in Revue Juridique -Politique-
Indépendance et Coopération (RJPIC), tome 28, n°4, Paris,1973, pp. 639-662. Mais autrefois,
le paiement pouvait se faire par « service rendu ». Le gendre accomplissait dans sa belle-famille
un certain nombre de travaux à l’issue desquels il prenait avec lui sa femme. Mais de nos jours,
le service rendu se présente davantage comme un complément de la dot. Il s’agit d’une mise à
l’épreuve du gendre. En lui demandant par exemple de défricher une parcelle de terrain ou
d’accomplir certaines tâches rudes, la belle-famille veut se rassurer de ce qu’il est travailleur.
962
Il s’agit de l’hypothèse la plus fréquente. Par exemple, selon que le présent demandé est une
chose d’espère, c’est-à-dire individualisée par sa marque (cas d’une bouteille de vin) ou par sa
fonctionnalité (cas d’un appareil électro-ménager). Cette individualisation peut avoir pour
conséquence d’augmenter le prix de la dot. Ce n’est pas le cas lorsqu’il s’agit d’une chose de
genre (chose fongible).
389
Horizons du droit - Bulletin n°28, 2021
Revue de l'Association Française des Docteurs en Droit
963
Article 3 alinéa 2 du décret Jacquinot.
964
R. LAFARGE, « La permanence du conflit entre normes socioculturelle et norme étatique : le
droit de la famille au centre d’un conflit de légitimité » in O. ROY (dir.), Réflexions sur le
pluralisme familial, Nanterre, Presses Universitaires de Rennes, 2011, pp. 213-227.
965
Pour le prix des fiançailles en droit sénégalais, v. article 5 de loi suscitée. À rapprocher du
plafonnement prévu par les articles 52 et suivants du code togolais des personnes et de la
famille qui est de 10000 F CFA.
966
Article 6 alinéa 2. L’alinéa 3 du même article précise que tout rassemblement doit prendre fin
au plus tard trois heures après l'accomplissement des formalités constitutives du mariage.
390
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contraire à la loi. Seules sont admises les coutumes qui s’appliquent en vertu de
la loi -coutumes secundum legem- ou celles qui comblent un manquement de la
loi -coutumes praeter legem-. L’éviction des coutumes contra legem se justifie
par le fait que, sous le prétexte de l’application d’une coutume, peuvent se cacher
des pratiques liberticides. Il peut arriver qu’une famille, contre la volonté de la
future épouse, fasse du versement de sa dot la condition sine qua non de son
mariage civil. C’est cet écueil que voulait éviter, en son temps, le décret
Jacquinot. À la faveur de la révision du code pénal de 2016969, le législateur
camerounais a entendu renforcer la sanction de l’atteinte à la liberté nuptiale par
967
Cette peine d’amende va de vingt mille à cinq cent mille francs. V. article 12 de la loi du 24
février 1967. Sont visés autant ceux qui payent au-delà du plafond légal que ceux qui exigent
plus que ce qui est légalement admis. En cas de récidive, la peine d’emprisonnement encourue
est d’un à six mois, le jugement prononçant pouvant ordonner la publication.
968
C. SENE, « L’organisation juridique du mariage au Sénégal », in Revue africaine et malgache
de recherches scientifiques, n° 1, 2020, p. 169 et s.
969
V. déjà, P.-C. KAMGAING, « Une réforme ou une réformette : à propos des grands oubliés du
nouveau code pénal camerounais », in Revue Adilaaku. Droit, politique et société en Afrique, à
paraître.
391
Horizons du droit - Bulletin n°28, 2021
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La dot n’est pas une condition du mariage. Au sujet de l’incidence de la dot sur la
970
La dot est une condition de validité du mariage en République Démocratique du Congo, en
Guinée et à Djibouti. V. dans ce sens, C. JUOPAM-YAKAM et H. NIAKATE, « Dot en
Afrique : mariés à tout prix ! », in Jeune Afrique, 25 août 2015.
971
Ordonnance n° 81/002 du 29 juin 1981 portant organisation de l’état civil et diverses
dispositions relatives à l’état des personnes physiques.
392
Horizons du droit - Bulletin n°28, 2021
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première instance, seul compétent pour statuer sur les oppositions à mariage.
Cependant, ce qui peut être déploré, c’est la procédure d’opposition en elle-
même. En effet, l’officier d’état civil qui reçoit les oppositions à mariage n’a pas
le pouvoir d’écarter d’office celles fondées sur le non-paiement de la dot. La règle
c’est qu’à chaque fois qu’il y a opposition quelle qu’elle soit972, il doit surseoir à la
célébration et transmettre l’opposition au juge973. Or, entre le jour de la saisine du
juge et l’intervention de sa décision, il s’écoule un temps assez considérable974
qui peut être préjudiciable pour les futurs époux. Dans une telle configuration,
une opposition tirée du non-paiement de la dot aura finalement pour
conséquence de faire obstacle ou de retarder tout au moins la célébration du
mariage. Cette situation peut être contournée en instaurant, auprès des centres
d’état civil, un filtrage administratif des oppositions. Ainsi, seules les hypothèses
d’opposition à mariage prévues par la loi seront soumises au juge. Le mérite d’une
telle réforme serait d’éviter que la célébration d’un mariage ne soit différée pour
des motifs dont on sait d’avance qu’ils ne pourront prospérer devant le juge.
Les piège du dualisme juridique. Il convient de préciser que l’ordonnance de 1981
972
Pourvu qu’elle soit faite dans le délai d’opposition qui est d’un mois.
973
Article 60 de l’ordonnance.
974
Le juge doit statuer dans un délai de 10 jours de sa saisine (article 61 (1) de l’ordonnance).
975
Article 81 (1) de l’ordonnance de 1981.
976
L’article 83 (5) de l’ordonnance de 1981 punit l’officier d’état civil qui transcrit une union
coutumière non attestée par les responsables coutumiers des deux époux.
393
Horizons du droit - Bulletin n°28, 2021
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mariage coutumier, la dot sera alors une condition à satisfaire comme indiqué
plus haut. Ainsi, en paraphrasant le célèbre principe juridique977, on dira que
l’option de mariage (coutumier ou civil) emportera option de la législation.
Si le paiement de la dot n’a aucune incidence sur la célébration du mariage, il
n’a a fortiori aucune incidence sur sa validité. Pour éviter un éventuel
« contentieux dotal », l’article 70 (1) de l’ordonnance de 1981 dispose clairement
que le versement et le non-versement total ou partiel de la dot, l’exécution et la
non-exécution totale ou partielle de toute convention matrimoniale sont sans
effet sur la validité du mariage. En clair, l’on ne peut remettre en cause un mariage
pour défaut de paiement de tout ou partie de la dot. Cependant, le versement de
tout ou partie de la dot avant la célébration du mariage est réputé garantir
l’effectivité, la stabilité et la continuité du mariage. En cas de rupture des
fiançailles, celui qui a perçu la dot est tenu de la restituer immédiatement978. De
même, en cas de dissolution du mariage par divorce, le bénéficiaire de la dot
peut être condamné à son remboursement total ou partiel si le tribunal estime
qu’il porte en tout ou en partie la responsabilité de la désunion979. La position du
législateur sénégalais sur la question est plus nuancée et mérite d’être relevée.
Aux termes de l’article 132 du code sénégalais de la famille, les futurs époux
peuvent convenir que la fixation d’une somme d’argent, ou la détermination de
biens à remettre en partie ou en totalité par le futur époux à la future épouse,
sera une condition de fond du mariage. Le texte poursuit en ajoutant que la dot
est la propriété exclusive de la femme qui en a la libre disposition980 et qu’il est
fait mention dans l’acte de mariage du montant de la dot, de la part stipulée
payable d’avance et de ce qui a été perçu par la femme au moment de la
977
« Option de juridiction emporte option de législation ».
978
Article 71 (1) de l’ordonnance. Faute d’y procéder spontanément, il pourra en être contraint
dans le cadre d’une action en répétition de l’indu.
979
Article 73 de l’ordonnance.
980
Contrairement à la pratique camerounaise. En effet, le versement de la dot profite rarement à
la famille restreinte de la future épouse (parents, collatéraux). Ce sont souvent les parents plus
ou moins éloignés (tantes, oncles, grands-parents) qui en tirent le plus grand profit.
394
Horizons du droit - Bulletin n°28, 2021
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législateur s’est également intéressé à une autre incidence que pourrait avoir la
dot coutumière sur le mariage civil, notamment en ce qui concerne la filiation.
L’hypothèse ici est celle de la femme qui emmène, dans son foyer, des enfants
naturels. En droit coutumier, le paiement de la dot par le mari fait que ce dernier
soit considéré comme le géniteur des enfants naturels de son épouse. Pour le
dire autrement, les enfants de la femme ont pour père celui qui l’a doté. Cet
aspect du droit coutumier pourrait porter atteinte à la filiation des enfants
naturels983 en s’érigeant en obstacle à leur reconnaissance par leur véritable
géniteur. C’est la raison pour laquelle le législateur précise que l’acquittement
total ou partiel d’une dot ne peut en aucun cas fonder la paternité naturelle qui
résulte exclusivement de l’existence de liens de sang entre l’enfant et son père984.
En d’autres termes, le paiement de la dot n’empêche pas le géniteur des enfants
nés avant le mariage de les reconnaître985. De ce qui précède, on constate que
l’ambition du législateur est de neutraliser les influences négatives de la dot.
981
Aux termes de l’article 116 (1) du code sénégalais de la famille, l’officier d’état civil demande
aux futurs époux s’il a été convenu du paiement d’une dot comme condition de formation du
mariage, à quel chiffre la dot a été fixée et quelle portion doit en être perçue par la femme avant
la célébration et quel terme est prévu pour le solde. Voir aussi, articles 123 et 130 du code.
982
Article 138 3° du code sénégalais de la famille. Seule l’épouse est admise a engager une action
en nullité pour défaut de paiement de tout ou partie de la dot. En droit congolais, l’article 426
du code de la famille dispose qu’est « nul le mariage contracté sans une convention relative à
la dot. La nullité peut être demandée par les époux, les créanciers de la dot ou par le ministère
public du vivant des époux ».
983
V. sur le droit de la filiation, P. VERDIER, « Le nouveau droit de la filiation », in Journal du droit
des jeunes, n° 247, 2005/7, pp. 25-30.
984
Article 72 de l’ordonnance.
985
Article 41 (2) de l’ordonnance.
395
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A-F. DEDE, Le contrat réel des arrhes du mariage (dot) et le statut de la femme en Afrique
987
396
Horizons du droit - Bulletin n°28, 2021
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d) celui qui exige tout ou partie d’une dot excessive à l’occasion du mariage
d’une fille majeure de vingt et un (21) ans ou d’une femme veuve ou
divorcée ;
e) celui qui, en exigeant une dot excessive, fait obstacle, pour ce seul motif,
au mariage d'une fille mineure de vingt et un (21) ans988 ;
f) l’héritier qui reçoit les avantages matériels prévus aux alinéas précédents
et promis à celui qui hérite.
(2) Chaque versement, même partiel de la dot, interrompt la prescription de
l’action publique ».
Par cette disposition, le législateur a voulu sanctionner l’instrumentalisation la
dot à des fins d’enrichissement, car la coutume ne saurait constituer un obstacle
à la « liberté nuptiale »989. L’infraction d’exigence abusive de la dot est un délit et
l’action publique se prescrit dans un délai de trois ans à compter du lendemain
de la commission des faits constitutifs de l’infraction990. Mais ce point de départ
du délai de prescription ne sera pas toujours facile à déterminer, car le fait
constitutif de l’infraction peut résider soit en la « réception », en « l’exigence »,
en un acte d’opposition au mariage, etc. C’est pour contourner cette difficulté –
du moins en partie- que le législateur a prévu l’interruption de l’action publique,
ce qui traduit sa volonté de réprimer cette infraction dans la durée. D’un point de
vue pratique, même si toute personne peut dénoncer un cas d’exigence abusive
de dot dont il a été témoin991, il revient en principe à la victime de porter plainte.
En effet, il serait incongru pour le ministère public d’engager l’action publique
pour « exigence abusive » de la dot alors même que la victime ne s’en plaint pas.
988
Notons qu’en droit civil camerounais, lorsque les futurs époux sont mineurs de 21 ans, le
consentement de leurs parents est indispensable pour la célébration du mariage, article 64 (2)
de l’ordonnance de 1981. Le code pénal vise donc le parent qui refuse de donner son
consentement au seul motif du non-paiement de la dot.
989
D. DHAINI, Mariage et libertés : étude comparative en droit français et libanais, thèse de
doctorat, Université Paris-Sarclay, 2016, p. 31 et s.
990
Article 64 du code de procédure pénale.
991
Article 134 (4) a du code de procédure pénale.
397
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Revue de l'Association Française des Docteurs en Droit
992
M. VAN DE KERCHOVE, « Réflexions analytiques sur les concepts de dépénalisation et de
décriminalisation », in Revue interdisciplinaire d’études juridiques, vol. 12, 1984/1, pp. 31-89.
993
Comme l’a relevé un auteur, dans certaines tribus, la dot de la femme vierge est plus élevée
tandis que dans d’autres, c’est la femme qui a déjà fait preuve de fécondité qui est plus
considérée. V. dans ce sillage, E. J GUILLOT, « Réflexions sur les coutumes de droit privé en
Afrique Noire et à Madagascar », in Revue internationale de droit comparé, vol. 4, n° 3, juillet-
septembre 1952, pp. 419-440, spéc. p. 424.
994
Quoiqu’ils interviennent généralement devant les juridictions civiles.
995
Critère psychologique de la coutume.
398
Horizons du droit - Bulletin n°28, 2021
Revue de l'Association Française des Docteurs en Droit
est difficile de la gommer par des règles écrites. En effet, cet élément
psychologique qui caractérise la coutume, et que l’on ne retrouve pas toujours
dans le droit écrit, justifie que les citoyens y adhèrent996. La coutume est
considérée par ceux qui la respectent comme transcendante car, contrairement
à la loi, « on ne peut en assigner ni le commencement ni l’auteur »997. De ce point
de vue, l’incrimination de l’exigence abusive de dot poursuit une finalité
davantage dissuasive que véritablement sanctionnatrice. D’ailleurs, cinq ans
après l’adoption du nouveau code pénal, aucune décision de justice n’a encore
été prononcée998 sur la question alors que la pratique perdure. En fin de compte,
on est bien amené à revenir au véritable nœud de tout mariage, à savoir la
volonté des époux. À notre sens, seule la volonté des époux permettra d’éviter
les mauvaises pratiques coutumières en matière de dot. Lorsqu’elle est ferme, la
volonté peut suffire à faire échec aux velléités de ceux qui voudraient
absolument tirer profit du mariage au mépris du bonheur de leur progéniture. Si
tant est vrai qu’aucune femme n’aimerait se « laisser vendre comme du
bétail »999, le meilleur moyen de combattre les mauvaises coutumes c’est de les
« abandonner »1000. Le mot abandon a un sens particulier lorsqu’il s’agit de traiter
de la coutume car elle suppose, non pas une intervention du législateur, mais
plutôt une attitude de la part de sujets du droit coutumier. En un mot comme en
mille, à force pour les citoyens de rejeter les « fausses coutumes » -nous
entendons par-là des coutumes liberticides-, le droit coutumier sera contraint de
se moderniser, autrement dit, il sera contraint de promouvoir les droits et libertés
996
J.-P. MAGNANT, « Le droit et la coutume dans l’Afrique contemporaine », in Droit et cultures,
n° 48, 2004-2, p. 191 et s.
997
Étude sur la souveraineté, in J. de MAISTRE, Œuvres complètes, t. I, pp. 373-374.
998
À notre connaissance.
999
E. J. GUILLOT, op. cit., p. 431.
1000
Pour une approche historique des coutumes ayant été abandonnées, v. Ch. LAURANSON-
ROSAZ, « Des mauvaises coutumes aux bonnes coutumes. Essai de synthèse pour le Midi (Ve-
VIIe siècles) », in M. MOUSNIER et J. POUMARÈDE (dir.), La coutume au village. Dans l’Europe
médiévale et moderne, Toulouse, Presses universitaires du Midi, 2001, pp. 19-51.
399
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Revue de l'Association Française des Docteurs en Droit
1001
Avec ce que cela comporte comme mariages exogamiques.
1002
G.-A. KOUASSIGAN, L’homme et la terre. Droits fonciers coutumiers et droit de propriété en
Afrique centrale, Paris, Orstom, 1966, p. 15 et s.
400
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Revue de l'Association Française des Docteurs en Droit
L’ENTREPRISE
et
de l’Université de Dschang
____________________
1003
anazetpouoz@yahoo.fr
401
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Revue de l'Association Française des Docteurs en Droit
I. Résumé
402
Horizons du droit - Bulletin n°28, 2021
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Tout contrat de travail est à exécution successive, dès lors qu’il est
régulièrement formé. Il doit donc être exécuté pendant un temps plus ou moins
long1004. C’est dire que le travail salarié n’est pas une marchandise dont on
exigerait la facture pour en être définitivement propriétaire et en disposer à sa
guise dès le premier jour1005. Il faut prendre en considération non seulement les
exigences de la législation du travail, mais aussi la volonté des parties au contrat
et les vicissitudes1006 liées notamment au temps de l’exécution du travail. La
conjugaison de tous ces facteurs peut justifier l’absence d’un salarié du lieu de
travail sans interdire son retour futur.
En effet, le retour du salarié dans une entreprise peut être envisagé comme
l’expression de la volonté des parties au contrat du travail à assurer la continuité
de leur engagement1007. Ce retour peut ensuite être compris comme une sanction
de l’irrégularité de la procédure de rupture du lien contractuel, plus précisément
en cas de licenciement. Il peut enfin s’agir d’une mesure de faveur prévue par
une convention ou un acte réglementaire. Mais le tout n’est pas simple.
Il faut en effet situer le revenant dans un milieu qui a éventuellement
changé parce qu’il doit découvrir son nouvel employeur1008, s’adapter à un
nouveau poste de travail1009, exiger la prise en compte de ses nouvelles aptitudes
professionnelles, servir dans un groupe d’entreprises1010, subir les modifications
1004
Si on ne prend que le cas de l’emploi occasionnel, le contrat du travail peut s’étaler sur une
durée de quinze (15) jours, renouvelable une fois.
1005
ANAZETPOUO (Z.), « La dimension plurielle du contrat de travail au Cameroun », in Mélanges
en hommage au Doyen Stanislas MELONÉ, (dir.) Jeanne Claire MEBU NCHIMI, P. U. A., Yaoundé,
2018, p. 551.
1006
Cf. YANKHOBA NDIAYE (I.), Les vicissitudes de l’entreprise et le sort de l’emploi, Thèse de
Doctorat d’Etat, Université CheckAntaDiop, Dakar, Sénégal,1988.
1007
En effet, le retour d’un salarié à son lieu de travail peut justifier le départ d’un autre notamment
de celui qui n’était là que par nécessité de continuité des activités de l’entreprise, cf. NYAMA
(J.M.), Droit et contentieux du travail et de la sécurité sociale au Cameroun, PUCAC, Yaoundé,
2012, p. 105.
1008
Article 42 du Code du travail du 14 aout 1992.
1009
Suite à une réorganisation des postes de travail ou de l’entreprise.
1010
Cf. ANAZETPOUO (Z.),« La dimension plurielle du contrat de travail au Cameroun », article
précité, p. 559.
403
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1011
Article 40 du Code de travail.
1012
Cf. DJUIKOUO (J.), La suspension du contrat de travail en droit privé camerounais, Thèse
Doctorat 3è cycle en droit du travail, Faculté de droit et des sciences économiques, Université de
Yaoundé, février 1986 ; voir aussi, DJOTANG-NGNIA (R.M.), L’ancienneté du salarié en droits
français et camerounais, l’Harmattan, Paris, 2000.
1013
ANAZETPOUO (Z.), Le droit du non-travail, Thèse de Doctorat 3ème cycle, Université de
Yaoundé II-Soa,p. 197 ; NGUIHE KANTE (P.) « Comment assurer une plus grande protection
sociale des salariés privés d’emploi ? » Juridis Info n° 4 octobre-novembre-décembre 1990,
PP.53-57.
404
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contrat de travail
1014
TCHOKOMAKOUA (V.) et KENFACK (P-E.), Droit du travail camerounais, PUA, Yaoundé, 2000,
p. 68.
1015
Article 32 (c) du CT. Ici, le travailleur malade voit son contrat suspendu pour une durée limitée
à 6 mois.
1016
Article 32 (d) du CT ; d’après l’article 84 ce congé de maternité est de quatorze semaines qui
commence quatre semaines avant la date présumée de l’accouchement. Ce congé peut être
prolongé de six semaines en cas de maladie dûment constatée et résultant, soit de la grossesse,
soit des couches.
1017
Il s’agit de la mise à pied disciplinaire (art 30al 2),, de la mise à pied économique ( Art 40 al 6),
et de la mise à pied conservatoire (Article 130 al 4) du CT.
1018
Article 32 (f) du CT. Ce congé a une durée de 15 jour ouvrable.
1019
Article 32 (j) du CT. Cette durée est de 2 ans renouvelable.
405
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1020
Article 32 (a) du CT.
1021
Article 32 (b) du CT.
1022
Article 32 (g) du CT.
1023
Article 32 (h) du CT.
1024
Le départ définitif du salarié après le temps de suspension de son contrat s’analyse en un
abus du droit de rompre. En effet, de la même manière que l’on demande à un employeur
d’attendre la reprise du travail pour licencier le salarié, ce dernier ne saurait profiter du temps de
relâchement de son lien contractuel à la suite d’une simple suspension de ses activités pour
démissionner.
1025
Dans les Conventions collectives de travail, ce temps d’absence est payé par l’employeur
comme temps de travail effectif suivant l’horaire normal de l’entreprise ; Cf. Article 11, Convention
collective du Commerce, article 9 de la Convention collective nationale des Industries de
transformation, article 7 du Projet de Convention collective des Etablissements de Micro-
finances du Cameroun, article 13 de la Convention collective d’entreprise de la Société CAMRAIL,
article 14 de la Convention collective nationale de la Manutention portuaire, article 11 de la
Convention collective d’entreprise du FEICOM.
406
Horizons du droit - Bulletin n°28, 2021
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1026
Articles 57 et 58, Convention collective du Commerce ; articles 35 et 36 de la Convention
collective nationale des Industries de transformation ; articles 65 et 66 du Projet de Convention
collective des Etablissements de Micro-finances du Cameroun.
1027
Article 64 de Convention collective nationale du Commerce, article 42 de la Convention
collective nationale des Industries de transformation, article 44 de la Convention collective
nationale de la Manutention portuaire, article 78 de la Convention collective d’entreprise de la
Société CAMRAIL, article 72 de la Convention collective d’entreprise du FEICOM.
1028
Cf. NYAMA (J.M.), « Diversité de l’emploi et flexibilité », Revue Juridique Africaine (RJA),1994,
pp.129 et s.
1029
ANAZETPOUO (Z.), Le système camerounais des relations professionnelles, PUA, Yaoundé,
2010,p. 37.
407
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1030
Article 89 (1) du CT.
1031
Il incombe à l’État la fixation des principes généraux applicables aux rapports des salariés et
des employeurs dans leurs professions ; à côté de ce domaine partagé du législatif et du
réglementaire d’une part et des interlocuteurs sociaux d’autre part : à ces derniers incomberait le
soin de négocier les modalités d’application des principes généraux fixés par la loi.
1032
DONGMO (A.), La notion d’ordre public en droit du travail camerounais, Mémoire de Maîtrise,
Université de Yaoundé, Droit privé, 1987, cité par ANAZETPOUO (Z.), « Le droit camerounais du
travail en chiffres », in Annales de la FSJP de l’Université de Dschang, Tome 1, Vol. 2, 1997, p. 99.
1033
NGNIA-DJOTANG (M.), La notion d’ancienneté du salarié : approche comparative des
législations françaises et camerounaises en droit du travail, thèse de Doctorat, Université Robert
SCHUMAN, Janvier 2006.
1034
Les partenaires sociaux, dans le souci d’assurer une bonne formation au salarié, peuvent
envisager une durée de congé de formation plus longue que celle du Code du travail fixée à 15
jours (Article 32 (f) du CT) ; C’est le cas de la Convention Collective d’Entreprise du Fonds spécial
d’équipement et d’intervention intercommunale (FEICOM) qui, dans son article 28 alinéa 4
précise que« dans la mesure du possible, l’employeur accorde au salarié qui en exprime le besoin,
un congé-formation dont les modalités sont définies d’accord parties ». L’article 73 de la même
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convention ajoute : « le travailleur admis en stage de formation professionnelle pour une durée
d’au moins deux mois à l’intérieur du Cameroun et en dehors de son lieu habituel de travail, peut
bénéficier d’un congé de détente rémunéré ».
1035
TPI de Yaoundé, Jugement n° 93/ Soc du 12 juillet 1994, affaire NEME NGONO Martin c/ La
COOPLACA ;voir aussi article 29 de la Convention collective nationale des transporteurs
maritimes, transitaires et auxiliaires de transports, article 34 de la Convention collective
nationale des Hôtels, restaurants, cafés, bars et dancings.
1036
ANAZETPOUO (Z.), « Commentaire de l’arrêté n° 001/CAB/MTPS du 14 février 1995 fixant les
taux d’indemnisation pendant la période de suspension du contrat de travail pour cause de
chômage technique », in J.P. n° 52, Oct.-Nov.-Déc. 2002, p. 13.
1037
LE ROY (Th.), « Droit du travail ou droit du chômage ? », Droit social n° 6, juin, 1980, p. 76.
409
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De tous les évènements qui nuisent à la vie du salarié, les maladies et les
accidents sont les plus redoutables à cause de leurs répercussions tant sur sa
personne que sur sa relation de travail. Ainsi, en cas d’indisponibilité du travailleur
résultant d’une maladie même non professionnelle, le contrat de travail est
suspendu jusqu’à la consolidation de l’état du travailleur1038. Pour garantir son
retour dans l’entreprise, le salarié doit informer l’employeur de son état, et lui
transmettre le certificat médical dans les plus brefs délais1039. La reprise du travail
est subordonnée « à la présentation d’un certificat médical de guérison ou de
consolidation, sauf lorsque le médecin a indiqué dans son certificat initial la date
de reprise du travail et qu’aucun élément nouveau n’est intervenu de nature à
reporter à une date ultérieure ladite reprise »1040. Ce faisant, le salarié doit
informer l’employeur de l’évolution de sa maladie. Une fois guéri, il retrouve
naturellement son emploi. L’employeur n’a pas le droit d’interdire au salarié de
reprendre le travail après sa guérison, sinon son acte sera considéré comme un
licenciement déguisé. Cette position est partagée par le juge de la Cour Suprême
lorsqu’il affirme que « jusqu’à la notification au travailleur malade de son
remplacement, le contrat de travail demeure suspendu et la réintégration du
salarié est de droit »1041.
En effet, le travailleur qui recouvre sa santé par exemple trois mois après
la suspension du contrat de travail, doit pouvoir reprendre ses activités.
L’employeur ne peut insérer dans le contrat une clause refusant un tel retour. De
même, lorsque la maladie du travailleur va au-delà de la durée légale, l’employeur
ne peut se débarrasser de son collaborateur qu’après son remplacement effectif.
C’est ce qu’a retenu la Cour Suprême lorsqu’elle soutient qu’est insuffisamment
1038
Article 32 (c) du CT. Cf. TCHOKOMAKOUA (V.) et KENFACK (P. E.), Droit du travail
camerounais, PUA, Yaoundé, 2000, p. 69.
1039
La convention collective nationale du Commerce de 2017 prévoit à cet effet un délai de trois
jours ouvrables (article 36 (1)).
1040
Article 36 (3) de la Convention Collective Nationale du Commerce et articles 30(5) et 32(5)
de la Convention Collective d’Entreprise du FEICOM.
1041
C.S. arrêt n° 120 du 13 juin 1967, affaire Baccino c/ Béni Béni ; voir aussi TGI du Mfoundi,
jugement n° 25/SOC du 11 novembre 2002, affaire LITASSOU Maurice c/ Société BELEPAC.
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motivé l’arrêt qui décide que l’employeur peut légitimement rompre un contrat de
travail suspendu depuis plus de six mois pour cause de maladie, s’il ne constate
pas le remplacement du travailleur prévu par l’article 47 du Code du travail1042.
Mais il ne suffit pas de faire rentrer le salarié dans l’entreprise. Il ne doit
faire l’objet d’aucune discrimination ou négligence du fait de son état de santé
antérieur1043. L’employeur doit faire tout ce qui est en son pouvoir pour assurer
au salarié un emploi compatible avec son état de santé1044.Les dispositifs de
protection et d’accompagnement du salarié ont destinés d’une part à le prémunir
contre la perte de son emploi au seul motif qu’il serait malade, et d’autre part, à
assurer à l’employeur la stabilité de son personnel, question d’entretenir la
compétitivité et la productivité de l’entreprise. Une telle disposition implique pour
l’employeur l’obligation de redéfinir les tâches du travailleur diminué par la
maladie ou l’accident1045. Le décret n° 78/484 du 9 novembre 1978 fixant les
dispositions communes applicables aux Agents de l’État relevant du Code du
Travail a prescrit cette obligation en son article 11, mais restreint son champ
d’application à l’hypothèse d’une inaptitude résultant d’un accident de travail ou
d’une maladie professionnelle. Seules les conventions collectives de travail et
accords d’établissement sont allés plus loin en étendant ce champ d’application
aux maladies non professionnelles ou accidents non imputables au travail. Pour
certaines conventions collectives, le reclassement est une obligation de
1042
C.S., arrêt n° 135 du 24 septembre 1968, affaire NYEM Emmanuel c/ Société AGIP Cameroun.
1043
NGO NGUI (S.E.), Le SIDA et les relations professionnelles, Mémoire de DEA, Université de
Yaoundé, 2004, pp 29-30 ; CA de Paris, 10 avril 1991, affaire SARL BURKE MARKETING
RESEARCH c/ MD ; en l’espèce, le salarié atteint du SIDA a été déclaré apte par le Médecin du
travail à reprendre son poste. Seulement, l’entreprise a repris le versement du salaire sans mettre
le salarié en mesure d’effectuer réellement le travail pour lequel il est rémunéré. La Cour saisie, a
jugé cette situation « anormale, incertaine dans sa durée et moralement humiliante ».
1044
KOM (J.), « Droit du travail et maladie non professionnelle » in Revue Juridique Africaine,
1994, p. 225.
1045
TCHAKOUA (J-M.), « Droits fondamentaux, corps et intégrité physique du salarié », Annales
de la FSJP de l’Université de Dschang, T.1 V.1, 1997, p. 35.
411
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l’employeur1046 tandis que pour d’autres, c’est une simple faculté1047. Ainsi,
certains employeurs avertis recourent à l’aménagement du poste de travail du
salarié malade et parfois, envisagent même des mi-temps thérapeutiques pour
ce dernier.
Il est question ici des règles d’ordre public absolu. Les partenaires sociaux
peuvent négocier sur tout sauf sur les matières relevant de cet ordre. L’article 52
(2) du Code du travail précise en effet que les conventions et accords collectifs
plus favorables «ne peuvent déroger aux dispositions d’ordre public ». Les
dispositions d’ordre public absolu touchent à l’intérêt général, aux droits
fondamentaux de l’homme et à ses libertés individuelles et collectives. C’est le
cas du congé de maternité de la femme salariée. C’est un droit fondamental
auquel les parties ne peuvent déroger.
Ainsi, pendant la période du congé de maternité, le contrat de travail est
suspendu et la salariée doit retourner dans l’entreprise à la fin dudit congé. En
effet, la femme enceinte a le droit de suspendre son contrat avant et après
l’accouchement, conformément à l’article 84 alinéa 2 du Code de travail qui
dispose : « Toute femme enceinte a droit à un congé de maternité de quatorze
(14) semaines qui commence quatre (4) semaines avant la date présumée de
l’accouchement ». Ce congé peut être prolongé de six (6) semaines en cas de
maladie dûment constatée et résultant soit de la grossesse, soit des couches.
Pendant la durée du congé, l’employeur ne peut rompre le contrat de travail de
l’intéressée pour motif de grossesse. En plus, à la fin du congé de maternité, la
femme salariée doit en principe occuper le poste qu’elle avait avant son départ,
et si elle a été remplacée pendant ladite période, le contrat de remplacement doit
1046
Article 41 de la convention collective des établissements de micro-finances ; article 32 de la
convention collective nationale des entreprises d'exploitation, de transformation, des produits
forestiers et activités annexes.
1047
Article 22 (2) de la convention collective nationale de la Manutention portuaire
412
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prendre fin dès son retour1048. Notons également que l’employeur ne doit, sous
aucun prétexte, écourter la durée légale du repos pour obliger lafemme salariée
à retourner dans l’entreprise. À côté de ces hypothèses de retour suivant une
clause conventionnelle ou irréductible, le retour du salarié peut aussi être
simplement supposé.
Le retour du salarié peut n’être prévu ni par le législateur ni par les parties.
Dans cette hypothèse, le retour du salarié dans l’entreprise sera conditionné par
le cours des évènements. C’est le cas en matière de lock-out et de grève au sein
de l’entreprise où la reprise du travail est simplement supposée.
Le lock-out peut être défini comme la fermeture provisoire de l’entreprise
par l’employeur en vue, soit de prévenir, de briser ou de sanctionner une grève,
soit de faire face aux difficultés de maintien de l’activité de l’entreprise1049. Dans
l’exercice de son pouvoir de gestion, l’employeur peut prendre une telle mesure
non seulement pour maintenir l’ordre et la sécurité mais aussi pour sauvegarder
l’outillage nécessaire à la production de l’entreprise. Le législateur social
camerounais, dans sa liste des cas de suspension du contrat de travail, ne
mentionne pas le lock-out1050. Pour la doctrine, c’est plus une cause de
suspension qu’une cause de rupture, car celui qui en prend l’initiative suspend
tout simplement sa prestation contractuelle pour faire aboutir sa prétention dans
un conflit collectif1051. Ainsi, au jour de la reprise des activités de l’entreprise, tout
1048
TPI de Bafoussam, jugement n° 07/SOC du 03 octobre 1997, affaire DONKENG née YIMPO
Odile c/ Nouvelles Savonnerie de l’Ouest. Dans cette affaire, l’employeur sous prétexte de
suppression de poste de travail, a rompu le contrat de travail de dame DONKENG à l’issue de son
congé de maternité, après avoir recruté une autre personne pour la remplacer.
1049
ANAZETPOUO (Z.), Le système camerounais des relations professionnelles, op.cit. p. 143.
1050
Contrairement au législateur camerounais, d’autres législateurs africains ont pris le soin
d’aligner expressément le lock-out au rang des causes de suspension du contrat de travail. C’est
notamment le cas au Burkina Faso (article 93 (7) du CT) ; en République Démocratique du Congo
(article 57(6) du CT) ; au Sénégal (article L.70 (6) du CT).
1051
PIATA (E.), Le salaire d’inactivité en droit camerounais du travail, Mémoire de Master,
Université de Dschang, 2010, p. 43.
413
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se passe comme s’il n’y avait pas eu d’arrêt. L’employeur doit logiquement
reprendre les travailleurs après le lock-out1052.Pour sa part, le travailleur dont le
contrat de travail aurait été suspendu suite au lock-out, ne peut se faire
embaucher par un autre employeur pendant toute la période de ladite suspension
sous peine d’engager sa responsabilité pour rupture abusive du contrat.
Que faire lorsque la durée de la suspension n’est pas prévue par les
textes ? Une durée assez longue ne mettrait-elle pas en péril le droit à l’emploi
du salarié ? Le mutisme du législateur social camerounais sur la réglementation
du lock-out laisse libre champ aux abus des employeurs qui, bien qu’étant en
situation critique, ne s’empressent pas pour résoudre le conflit collectif ayant
entrainé la fermeture de l’entreprise. On pourrait bien suivre l’exemple du
législateur social du Malawi qui, bien que n’ayant pas précisé une durée pour le
lock-out, exige que la reprise du travail se fasse dans un délai raisonnable : « si
un salarié qui a participé à une grève dans les conditions de la présente loi, ou
qui a fait l'objet d'un lock-out de la part de son employeur, se présente pour
travailler après la fin de la grève ou du lock-out, l'employeur devra, dans un délai
raisonnable, réintégrer ce salarié dans l'emploi qu'il occupait aussitôt avant la
grève ou le lock-out, à moins que des changements importants dans
l'exploitation de l'employeur ne se soient traduits par une suppression de l'emploi
considéré »1053.
S’agissant de la grève, elle est définie à l’article 157 alinéa 4 du Code du
travail comme le refus collectif et concerté par tout ou partie des travailleurs d’un
établissement de respecter les règles normales de travail en vue d’amener
l’employeur à satisfaire les réclamations ou revendications. À la lecture de ce
texte, il convient de souligner que le droit de grève est admis, mais doit s’exercer
suivant la réglementation en vigueur. La grève se caractérise par un abandon du
travail qui entraîne par ailleurs plusieurs conséquences.
1052
TCHAKOUA (J.M), « La grève et le lock-out dans le nouveau Code du travail camerounais »,
RJA, 1994, p. 102.
1053
Article 50 (1) de la loi de 1996 sur les relations du travail au Malawi (modifiée par
l’EmploymentAct, 2000).
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ANAZETPOUO (Z.), Le système camerounais des relations professionnelles, op. cit. pp. 195-
1054
196.
415
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1055
POUGOUE (P.G.), « Réflexion sur la protection des délégués du personnel contre le
licenciement », Le Monde du travail, n° 33, mars 1985, pp.24 et s.
1056
Article 4 (2 b) et (3) du Code du travail : « Sont interdits à l’égard des travailleurs toute pratique
tendant à les licencier ou leur causer un préjudice quelconque en raison de leur affiliation ou de
leur non-affiliation à un syndicat ou de leur participation à des activités syndicales.Est nul et de
nul effet tout acte contraire aux dispositions du présent article. »
1057
Article 130 du Code du travail : « Tout licenciement effectué sans que l’autorisation ci-dessus
ait été demandée et accordée est nul et de nul effet ».
1058
Article 243 du Projet d’Acte Uniforme relatif au Droit du Travail : « La grève n’est pas une cause
de rupture du contrat de travail, sauf faute lourde imputable au travailleur. Tout licenciement
prononcé en violation du présent article est nul de plein droit. ».
1059
Article 84 alinéas 1 et 2 du Code du travail.
1060
AUVERGNON (Ph.), « Corps et contrat de travail : Quels droits fondamentaux ? », Annales de
la FSJP de l’Université de Dschang, T 1 Vol 1, 1997, p. 60.
416
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Revue de l'Association Française des Docteurs en Droit
1061
Le législateur social camerounais aurait dû suivre l’exemple de son homologue français qui
prévoit expressément que le licenciement prononcé en violation des règles protectrices de la
maternité est nul (article L.122-27 du Code du travail français).
1062
POUGOUE (P-G.), Code du travail camerounais annoté, PUA, Yaoundé, 1997, p. 199.
1063
ANAZETPOUO (Z.), Le droit du non-travail, op.cit. p.175.
1064
Tribunal de Première Instance de Bafoussam, jugement n°07/Soc du 03 octobre 1997, affaire
DONKENG née YIMPO Odile c/ Nouvelle Savonnerie de l’Ouest, Cour d’Appel de l’Ouest, arrêt du
03 juillet 1997, affaire NGUENANG Jean Marie c/ La Chambre de Commerce, d’Industrie et des
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Mines : le sieur NGUENANG, délégué du personnel de la CCIM est licencié après la suppression
de son poste, mais sans que l’autorisation de l’inspecteur du travail du ressort ait été sollicitée.
Le premier juge qualifie ce licenciement d’abusif. Devant la cour d’appel, l’employeur estime qu’il
s’agit d’un licenciement légitime parce qu’intervenu après la suppression du poste de travail de
la victime et le juge de cette cour lui donne raison.
1065
ANAZETPOUO (Z.), Le système camerounais des relations professionnelles, op. cit. p. 225.
1066
Cour Suprême, arrêt n° 1/ Soc du 10 octobre 1967.
1067
Cour Suprême arrêt n° 67/ Soc du 29 avril 1982.
1068
ANAZETPOUO (Z.), Le système camerounais des relations professionnelles, op. cit. p. 198.
1069
Cour Suprême, arrêt n° 38/Soc du 28 juin 1990, affaire TIEPMA Jean Calvin c/ CAMAIR.
418
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la réintégration du salarié. C’est quelques mois plus tard que ladite Cour, dans
l’arrêt n° 7/Soc du 18 octobre 1990, affaire NKAMLA François c/ La Banque
Camerounaise de Développement, ordonna la réintégration du sieur NKAMLA,
délégué du personnel, suite à son licenciement nul. Le salarié doit donc retrouver
son poste de travail dans la même entreprise.
Depuis le Code du travail de 1992, la tendance est maintenue1070. Ce qui
laisse espérer que les balbutiements jurisprudentiels disparaîtront au profit du
souci de la stabilité dans l’emploi. En effet, la suppression de poste n’annule pas
les compétences de l’inspecteur du travail en matière d’autorisation du
licenciement d’un délégué du personnel et la réintégration exigée ne se fait pas
nécessairement au même poste, tant il est vrai que celle-ci peut s’avérer difficile.
1070
Cour Suprême, arrêt n° 15/Soc du 27 octobre 1994, Affaire SONEL c/ NDOYO Thomas ; Cour
d’Appel de Bafoussam, arrêt n° 22/Soc du 1er avril 2010, affaire DEMANOU Dieudonné c/
CAPLAME.
1071
La suppression du poste pour des raisons économiques par exemple peut s’expliquer ici de
plusieurs manières. En effet, les difficultés économiques peuvent résulter notamment de
l’introduction de nouvelles technologies dans l’entreprise, des difficultés financières, du manque
des débouchés. La modernisation de l’entreprise ou sa réorganisation en vue d’un meilleur
rendement entraînent très souvent la suppression d’un poste (ANAZETPOUO (Z.), Le système
camerounais des relations professionnelles, op.cit., p. 184.
419
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1072
ANAZETPOUO (Z.), note sous : Cour d’appel du Littoral, arrêt n° 19/ Soc du 04 janvier 2008,
affaire Hôtel LEUWAT c/ TCHAGNA Flaubert, in Juridis Périodique n° 81, Janv-Fév-Mars 2010, p.
40.
1073
Pour illustration : Arrêt de la Cour de Cassation, chambre sociale, du 17 mai 2017, n° 14-29610.
D’après les faits, une entreprise obtient l’autorisation de l’inspection du travail de licencier pour
motif économique une salariée déléguée du personnel. Cette dernière, contestant son
licenciement, a alors exercé un recours contre la décision de l’inspecteur du travail. Décision qui
a finalement été annulée 6 mois plus tard, alors que le licenciement a déjà été prononcé ; La
salariée a donc souhaité réintégrer l’entreprise. Cependant, le poste de la salariée avait été
supprimé et l’établissement fermé (raison du licenciement économique). L’employeur lui propose
donc immédiatement un poste disponible que la salariée refuse. Environ 7 mois plus tard, un
emploi se libère, équivalent à celui que la salariée occupait avant son licenciement. Mais celle-ci
refusant ce nouveau poste, l’employeur la licencie immédiatement, sans demander l’autorisation
de l’inspecteur du travail, cette fois : d’une part, l’instance des délégués du personnel a été
renouvelée avant l’annulation de la décision de l’inspecteur du travail, privant la salariée du statut
protecteur de son mandat ; d’autre part, il estime qu’au moment de la 2ème proposition d’emploi,
la prolongation de protection de 6 mois avait de toute façon expiré. Ce que conteste la salariée
au motif que la protection de 6 mois dont elle doit bénéficier dans le cadre de sa réintégration a
pour point de départ sa réintégration effective ou du moins le jour où l’employeur lui a proposé
un emploi équivalent à celui duquel elle a été licenciée. Or, seule la deuxième proposition
remplissait cette condition. Ce que confirme le juge : la protection de 6 mois ne débute que
lorsque l’employeur propose au salarié de réintégrer un poste équivalent (en termes de
rémunération, de qualification, de perspectives de carrière et de secteur géographique) à celui
qu’elle occupait mais qui a été supprimé. Dans cette affaire, la salariée était protégée pour 6 mois
de plus au moment de la seconde proposition d’emploi. L’employeur aurait donc dû obtenir
l’autorisation de l’inspecteur du travail.
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contrat de travail ; c’est la conséquence logique d’une rupture non fautive d’une
relation de travail. C’est donc une nouvelle embauche1074.
1074
POUGOUE (P-G.), Code du travail camerounais annoté, op.cit. p. 82.
1075
Voir MOUTHIEU (M.A.), note sous arrêt n° 1/S du 7 octobre 1982, in Les grandes décisions du
droit du travail et de la sécurité sociale, JusPrint, 2016, p. 91 et ss.
1076
Cass. Soc. 22 septembre 2009, n° 08- 41679.
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II. Conclusion
1078
Il s'agit de personnes exposées à des difficultés particulières d'insertion ou de réinsertion
professionnelle, tels que les personnes handicapées (confère loi n° 2010 / 002 du 13 avril 2010
portant promotion et protection des personnes handicapées) et les travailleurs ayant fait l'objet
de licenciement pour motif économique.
424
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Les droits qui étaient suspendus sont reconduits et ceux qui étaient portés
disparus sont réévalués sur des nouvelles bases. Le législateur social laisse donc
aux parties à un contrat de travail la liberté d’aménager les modalités de reprise
des activités après une suspension du contrat, sous réserve du respect de l’ordre
public absolu. Il reste au législateur social à dire avec précision les conséquences
financières d’un licenciement nul afin que cette pratique ne constitue pas un
chemin court pour se débarrasser d’un salarié sans s’embarrasser de la
procédure.
III. Bibliographie
ANAZETPOUO (Z.),
- Le droit du non-travail, Thèse de Doctorat 3ème cycle, Université de
Yaoundé II-Soa, 1996 ;
- « Le droit camerounais du travail en chiffres », in Annales de la FSJP de
l’Université de Dschang, t.1, vol. 2, 1997, pp. 99-121 ;
- « Commentaire de l’arrêté n° 001/CAB/MTPS du 14 février 1995 fixant les
taux d’indemnisation pendant la période de suspension du contrat de
travail pour cause de chômage technique », in J.P. n° 52, Oct.-Nov.-Déc.
2002, pp. 10-16 ;
- Le système camerounais des relations professionnelles, PUA, Yaoundé,
2010, 394 pages ;
- « La dimension plurielle du contrat de travail au Cameroun », in Mélanges
en hommage au Doyen Stanislas MELONÉ, (dir.) Jeanne Claire MEBU
NCHIMI, P. U. A., Yaoundé, 2018, pp. 551-576 ;
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L’INTERVENTION DE L’AUTORITE
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1- Du fait de sa capacité à créer des normes obligatoires par le biais des lois
et règlements1079, l’Etat est en effet seul habilité à créer le droit1080. Au départ, il a
produit dans ce sens un droit qui permet aux individus de structurer de manière
autonome leurs relations juridiques, y compris leurs relations d’échange
économique sans interférences extérieures, et l’on a vu ainsi apparaître des
branches de droit telles que le droit civil, le droit administratif, le droit pénal…
Ensuite, et selon une logique tournée vers la protection de tel intérêt catégoriel,
et par conséquent de la correction de certains effets nocifs du libéralisme
juridique1081, il a créé de nouveaux champs de droit transversaux aux matières
traditionnelles à savoir : le droit de l’environnement, le droit de la consommation,
… et le droit du travail. C’est dire que l’action de l’Etat au travers de ses commis
(législateur, juge, autorité règlementaire) dans la construction ou l’élaboration de
la norme juridique n’est pas propre au droit du travail. Elle concerne tout le Droit,
et donc, toutes les matières qui en font l’objet. Cela correspondrait d’ailleurs,
pour le juriste, à une vérité de Lapalisse. Cependant cette action est des plus
singulières en matière de droit du travail, et notamment relativement à son
« objet objectif » qu’est l’emploi1082. A ce propos, la singularité de l’action étatique
1079 La règle de droit ainsi créée est d’un rang hiérarchique supérieur à celui des normes créées
contractuellement entre des sujets de droit qui pour Jean Philippe ROBE, sont « artificiellement
posés comme libres et égaux ». V. ROBE (J.-P.), L’entreprise et le droit, Collection Que sais-je ?
PUF, p.71-72.
1080
Si les sources nationales de la règle de droit traduisent bien la vocation exclusive de l’Etat à
la créer, il faut relever que sur la sphère internationale, l’Etat aura tendance à le faire non plus
seul, mais avec d’autres Etats et/ou autres sujets de droit international par le biais des
conventions et autres traités. Mais la leçon substantielle qu’il faut tirer de la théorie défendue par
les tenants de la conception infra constitutionnelle des normes internationales dans la hiérarchie
des normes juridiques prouve qu’en définitive, seul l’Etat est habilité à créer la règle de droit.
1081
Le déséquilibre contractuel constitue l’un des principaux effets nocifs du libéralisme juridique.
1082
Par emprunt à l’article 1 du Code du travail camerounais et de l’Avant-projet d’Acte uniforme
relatif au droit du travail, l’on définirait le droit du travail comme l’ensemble des règles qui
régissent les rapports de travail entre les travailleurs et les employeurs, ainsi qu’entre ces
derniers et les apprentis placés sous leur autorité. En référence à cette définition, nous pouvons
estimer que le travailleur (auquel on associe l’apprenti) et l’employeur constituent l’objet
subjectif du droit du travail.
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1083
L’intervention de l’Etat sur le marché de l’emploi est assez importante et peut doublement être
définie. Ainsi, en matière de formation professionnelle, la responsabilité de l’Etat est de construire
un cadre juridique et financier, tandis qu’en matière de politique de l’emploi, une pluralité
d’indications doit être faite, à l’instar de la création d’institutions chargées de l’emploi et coiffé
par le Ministre en charge du travail et de la prévoyance sociale.
1084
PELISSIER (J.), SUPIOT (A.) et JEAMMAUD (A.), Droit du travail, Précis Dalloz, 22ème édition,
2004, p. 9.
429
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Revue de l'Association Française des Docteurs en Droit
1085
L’Avant-projet d’Acte uniforme relatif au droit du travail a été finalisé le 24 novembre 2005 à
Douala au Cameroun.
1086
Quelques rares allusions aux autres droits positifs ne sont pas absolument vouées à
l’exclusion.
1087
Dans la mesure où elles sont insuffisantes pour traduire la spécificité de l’intervention des
pouvoirs publics en droit du travail, l’activité prétorienne et l’activité législative de l’Etat seront
écartées de la présente analyse.
430
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1088
L’on ne doit cependant pas perdre de vue que les règles issues des négociations collectives
ne sont pas moins des sources importantes du droit objectif, spécifiques au droit du travail.
D’ailleurs, lorsque certaines conditions sont réunies, notamment lorsqu’elles sont plus favorables
pour le travailleur, ces règles peuvent déroger aux dispositions légales.
1089
En réalité, la sphère de l’autonomie contractuelle renvoie à un concept plus global qu’est l’acte
juridique ; ce dernier, associé au fait juridique, constitue l’essentiel des sources du droit subjectif.
On rappelle alors qu’on peut entendre par droit subjectif, les prérogatives individuelles reconnues
et sanctionnées par le Droit objectif qui permettent à son titulaire de faire, d’exiger ou d’interdire
quelque chose dans son propre intérêt ou, parfois, dans l’intérêt d’autrui. Dans le même sens, le
Droit objectif renvoie à l’ensemble des règles de conduite socialement édictées et sanctionnées,
qui s’imposent aux membres de la société (CORNU (G.), Vocabulaire juridique, Association Henri
Capitant, PUF, 2007, pp. 333et 889.)
1090
De manière globale, les spécificités majeures du droit du travail tiennent d’une part des règles
même de ce droit ; les sources de ces règles peuvent en effet être classées en deux catégories
à savoir d’une part, l’origine publique au triple niveau national, communautaire et international, et
d’autre part, l’origine professionnelle orchestrée par les négociations professionnelles. Mais
l’expression substantielle de leurs spécificités tient de leur vocation protectionniste
(principalement des salariés) et de leur propension progressiste. D’autre part, ces spécificités du
droit du travail procèdent de l’originalité des organes de contrôle ayant spécialement vocation à
vérifier l’application de ces règles.
431
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1091
SUPIOT (A.), Déréglementation des relations de travail et autoréglementation de l’entreprise,
Dr. Soc. 1989.195, cité par PELISSIER (J.), SUPIOT (A.), JEAMMAUD (A.), Droit du travail, Précis
Dalloz, 22e édition, 2004, p. 116.
1092
Bien que cette tentation soit grande du fait d’une simple considération juridique du règlement
intérieur, expression du pouvoir patronal et source privée du droit du travail entendue comme un
« contrat collectif », ou même plus globalement l’importance des actes unilatéraux, ou même
encore le fait de la production du droit par la négociation entre les interlocuteurs sociaux à tous
les niveaux, voire des usages, l’on se rend compte en examinant la question de près qu’il n’en est
pas vraiment ainsi.
1093
Les acteurs sociaux ne peuvent valablement convenir de n’importe quel contenu, même en
matière de temps de travail, principal terrain d’extension du champ du négociable depuis
plusieurs décennies en France selon la doctrine. L’autonomie collective visant à désigner la
pratique de la négociation sociale et les innombrables accords qui en naissent est moins
reconnue que concédée par la loi. C’est pourquoi les pouvoirs publics soumettent leur validité au
respect de certaines conditions tenant aussi bien à l’identité et à la qualité des acteurs, qu’à la
teneur des accords. Par ailleurs, la loi imprime toujours de son sceau les accords nationaux
interprofessionnels. Bien plus, ces conditions peuvent avoir trait à l’intervention administrative
dans le processus décisionnel des négociations entre les acteurs sociaux.
1094
Certaines sources du droit du travail ont été écartées de cette analyse parce que
l’intervention étatique y est insignifiante. Il en est ainsi de la négociation du contrat individuel de
travail entre employeur et travailleur qui marque l’entrée du travailleur dans le monde
professionnel. Il en est également ainsi de la formation des usages professionnels. D’ailleurs, les
usages issus des pratiques professionnelles sont évidemment en déclin dans un système de droit
432
Horizons du droit - Bulletin n°28, 2021
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formalisé. Le projet d’Acte uniforme relatif au droit du travail n’y fait référence que dans deux cas
et notamment, en matière de détermination de la durée de l’engagement à l’essai (article 18), et
en matière de détermination de la périodicité du paiement des salaires (article 124). Au reste,
l’usage professionnel ou local est une pratique qui est devenue un droit par la force de l’habitude.
On peut y voir une sorte de coutume. On ne doit pas les confondre avec l’usage d’entreprise, plus
courant. Ce dernier est plus proche de l’engagement unilatéral qui lui, puise sa force non dans la
permanence d’une pratique, mais dans l’acte juridique de volonté émanant de l’employeur.
Cependant, la place des usages et engagements unilatéraux dans la hiérarchie des normes est
modeste. Ils se situent au bas de l’échelle. Une norme conventionnelle nouvelle ayant le même
objet se substitue ainsi à l’engagement ou l’usage même si elle est moins favorable. (Cf.
MAZEAUD (A.), Droit du travail, Montcrhestien, 6ème édition, 2008, p. 65; Jurisprudence : Cass.
Soc., 25 janvier 1995, Dr. Soc. 1995, 274, obs. G. BORENFREUND, RJS 4/95, p.231 et la chronique
J. SAVATIER, 9 juillet 1996 (2e arrêt), RJS 8-9/96, n°954).
1095
V. Article 27 alinéa 2 à 5 de la loi camerounaise n° 92/007 du 14 Aout 1992 portant code du
travail. V. aussi certains textes d’application, notamment : Loi n° 97-12 du 10 janvier 1997 fixant
les conditions d’entrée, de séjour et de sortie des étrangers au Cameroun ; Décret n° 2000/286
du 12 Octobre 2000 précisant les conditions d’entrée, de séjour et de sortie des étrangers au
Cameroun ; Décret N° 93/571/PM du 15 Juillet 1993 fixant les conditions d’emploi des travailleurs
de nationalité étrangère pour certaines professions ou certains niveaux de qualification
professionnelle ; Décret 93/575/PM du 15 Juillet 1993 fixant les modalités d’établissement et de
433
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visa de certains contrats de travail. Par ailleurs, il peut être utile de consulter sur ce point la
Convention de l’OIT n° 97 concernant les travailleurs migrants.
1096
V. Article 2 alinéa 1 du Décret 93/571/PM du 15 Juillet 1993 fixant les conditions d’emploi des
travailleurs de nationalité étrangère pour certaines professions ou certains niveaux de
qualification professionnelle.
434
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1097
Il est non moins indiqué de rappeler que l’accord collectif ne diffère de la convention collective
que sur la dimension des problèmes à régler ; ainsi, contrairement à la convention collective,
l’accord collectif ne compose pas une charte complète des relations de travail, mais se borne à
traiter des questions déterminées, parfois une seule, tel un problème de congé ou de
rémunération.
1098
TEYSSIE (B.), Droit du travail, 1. Relations individuelles de travail, 2e édition, Litec, 1992, p. 73.
1099
Cet ordre de pensées est de nature à renvoyer au débat classique, mais essentiel de
l’autonomie collective des partenaires sociaux. La loi est l’expression démocratique issue du
suffrage universel, alors qu’un accord collectif est un compromis entre des intérêts collectifs
divergents. Pour autant la démocratie sociale est une modalité d’expression de la démocratie,
justifiant une participation active des partenaires sociaux dans l’élaboration des normes. Selon
les tenants de l’autonomie collective, l’Etat, garant du respect des principes fondamentaux,
devrait laisser aux partenaires sociaux le soin de fixer eux-mêmes un certain nombre de règles
du jeu social. Cependant, l’Etat en tant qu’expression de l’intérêt général devra avoir son mot à
dire dans l’élaboration des normes qui touchent notamment au chômage, à la précarité
(MAZEAUD (A.), op.cit. p.57).
435
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définition d’un cadre légal d’exercice des négociations1100 comme pour tout acte
juridique d’ailleurs, il est tout aussi vrai que par le biais de son mandataire légal,
le ministre en charge du travail en l’occurrence1101, l’Etat ne participe pas moins à
l’exercice des négociations visant la conclusion des conventions et accords
collectifs. Toutefois, cette participation se limite à des aspects formels ; elle ne
vise pas à proprement parler les clauses de fond des accords, à moins que
celles-ci n’extrapolent l’objet légalement défini des conventions et accords
collectifs1102. Ainsi, l’intervention de l’Etat (par le biais du ministre en charge du
travail) se situe à plusieurs niveaux que l’on peut doublement appréhender ; d’une
part cette intervention est obligatoirement manifestée en l’absence de tout
conflit, et d’autre part, elle est éventuellement sollicitée en cas de litige :
L’intervention du ministre en charge du travail est indispensable pour
l’élaboration d’une convention collective ou d’un accord collectif susceptible
d’être étendue. C’est à lui en effet qu’il est attribué la charge de provoquer et de
présider (par le biais de son représentant) la réunion de la Commission mixte1103
qui est l’organe dans le cadre duquel, la convention de branche, l’accord
1100
On peut aussi relever qu’il revient à l’Etat de fixer les conditions dans lesquelles sont déposés
et publiés les Conventions et accords collectifs ainsi que les conditions dans lesquelles
s’effectuent les adhésions ultérieures (article 207 de l’AP/AUDT).
1101
« Le ministère chargé du travail » ainsi qu’il est désigné par l’AP/AUDT, est l’un des services
de l’Etat chargés de l’emploi. Au sein des Etats parties, il peut être désigné autrement tout en
conservant le même fond ; ainsi on a : ministère du travail, ministère des affaires sociales, du
travail et de la solidarité, ministère de l’emploi, du travail et de la cohésion sociale, … avec
éventuellement un ministre délégué. Cette institution publique est d’ailleurs la principale citée par
l’AP/AUDT, ce d’autant plus que les autres institutions publiques évoquées par ledit avant-projet
d’Acte relèvent en réalité de ce ministère. On cite dès lors l’inspection du travail, la Commission
Nationale Consultative du Travail, le Comité de Santé et de Sécurité au travail … Par ailleurs, il
reste intéressant de signaler que le ministère de l’économie et des finances, ainsi que le ministère
de l’Education nationale ainsi que celui de l’enseignement supérieur, jouent un rôle majeur en
raison des aspects économiques et de la formation tant générale que professionnelle de toute
politique d’emploi.
1102
Il s’agit en guise de rappel des conditions de travail et des garanties sociales. L’on se doit de
relever également qu’en cas d’extrapolation, il revient moins au ministre en charge du travail qu’au
juge de paralyser l’effet de la convention concernée. L’action de celui-ci est purement
procédurale.
1103
La Commission Mixte est composée des représentants des organisations d’employeurs et des
syndicats de travailleurs les plus représentatifs dans le champ d’application considéré.
436
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1104
Cf. article 209 de l’AP/AUDT
1105
L’article 210 al. 3 dispose à cet effet que « Le Ministre chargé du Travail détermine la
composition de cette Commission Mixte présidée par son représentant, qui comprendra en
nombre égal, d’une part, des représentants des organisations syndicales les plus représentatives
des travailleurs et, d’autre part, des représentants des organisations les plus représentatives
d’employeurs »
1106
Les éléments d’appréciation du caractère représentatif d’un syndicat ou d’une organisation
d’employeurs, ainsi que les modalités de récolte des informations y relatives sont précisés à
l’article 211 de l’AP/AUDT.
1107
Article 213 de l’AP/AUDT.
1108
Article 210 al. 4 et 5.
437
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438
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1109
« Le contrôle du respect de ces règles, qui relèvent en majorité du droit privé et qui ne sont
pas toutes appuyées par une incrimination pénale, n’est pas abandonné à l’initiative des
particuliers intéressés, libres de recourir ou non aux tribunaux, en fonction de leur intérêt » : Th.
KAPP, L’inspection du travail face à la demande individuelle, Dr. Ouvr. 2003.563. cité par
PELISSIER et autres, op.cit. p. 56.
1110
AUVERGNON (Ph.), L’intervention médiatrice de l’administration du travail dans les conflits
collectifs, Dr. ouvr. 203.501, cité par PELISSIER et autres, op.cit. p.57.
439
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1111
Cour de cassation, Chambre sociale, 25 septembre 1991, Dr. soc. 1992.24, obs. J. SAVATIER.
1112
Article 112 al. 2 et 3 de l’AP/AUDT.
1113
L’employeur a la faculté d’élaborer le règlement intérieur lorsque l’effectif des salariés
n’excède pas un nombre réglementairement fixé. Au-dessus de ce nombre, l’existence du
règlement est obligatoire, ainsi que l’indique l’article 112 al.5 de l’AP/AUDT qui laisse le soin aux
Etats parties d’en fixer un. Au Cameroun par exemple, un vieil arrêté de 1968 (Arrêté
n°007/MTLS/DEGRE du 17 JUIN 1968) relatif aux modalités de communication de dépôt et
d’affichage du règlement intérieur prévu par l’article 34 du Code du travail de 1967, et toujours
en vigueur sur ce point, fixe ce nombre à 10 travailleurs habituellement employés.
440
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1114
En guise de rappel, la spécificité de l’intervention de la personne morale de droit public dans
la construction du droit du travail tient, non pas à la technique législative ou réglementaire
classique et commune à toutes les branches du droit, mais à un mécanisme qui reste l’apanage
du droit du travail.
1115
En Europe par exemple, le déficit conventionnel à l’origine d’un droit communautaire
caractérisé par une intégration tant juridique, politique qu’économique, a cédé le pas aujourd’hui
du fait, à n’en point douter, de ces caractéristiques, à une structure de négociation en dehors
des structures communautaires ; ainsi, les partenaires sociaux se sont regroupés principalement
au sein de l’Union des confédérations de l’industrie et des employeurs d’Europe (UNICE) pour le
patronat (devenue « BUSINESSEUROPE »), et de la Confédération européenne des syndicats
(CES). Les dialogues sociaux qu’ils ont engagés ont abouti à la production de plusieurs normes
441
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sociales. En Afrique cependant avec le cas de l’OHADA dont l’intégration n’est que juridique, le
dialogue social est sinon inexistant, au moins désorganisé.
1116
L’origine internationale du droit du travail est en principe le résultat d’une double action : celle
des organisations internationales à envergure mondiale (ONU, OIT), ou à envergure régionale (La
Ligue arabe, l’Union du Maghreb arabe, le Conseil Nordique, etc.), et celle hors des organisations
internationales traduite dans la plupart des cas par la signature des conventions bilatérales.
1117
Il en est ainsi par exemple avec la Convention du 1er mars 1980 relative à l’élimination de toutes
les formes de discrimination à l’égard des femmes, ou la Convention du 26 janvier 1990 relative
à la protection de l’enfant, ou encore les Pactes internationaux du 16 décembre 1966
respectivement relatifs, aux droits civils et politiques (occasion de prescriptions liées au droit
d’association, au travail forcé, et aux discriminations), et aux droits économiques, sociaux et
culturels, parmi lesquels le droit au travail, à un salaire équitable, aux congés payés, etc.
442
Horizons du droit - Bulletin n°28, 2021
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1118
La Conférence internationale du travail est au fond l’instance compétente pour définir les
lignes essentielles de la politique sociale internationale, pour voter les conventions et
recommandations de l’OIT, pour voter le budget.
1119
Les conventions sont préparées par le Bureau internationale du travail (BIT), adoptées à la
majorité qualifiée par la Conférence internationale du travail qui se réunit chaque année à Genève,
et proposées à la ratification des Etats membres de l’OIT. Une fois ratifiée, la convention impose
à l’Etat concerné de modifier ou d’enrichir autant que de besoin son droit afin qu’il assure au
moins les droits ou garanties que prévoit l’instrument.
1120
La recommandation est l’un des premiers instruments dont dispose l’OIT par lequel il vise
l’unification des législations nationales, sous l’égide de la croissance du « bien-être physique,
intellectuel et moral des travailleurs salariés ». Par la formulation des suggestions, la
recommandation s’efforce d’orienter les pouvoirs publics vers l’adoption de certaines solutions.
443
Horizons du droit - Bulletin n°28, 2021
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1121
Et même si aujourd’hui le problème de cette intervention a complètement disparu, il faut
relever néanmoins que dans les origines de l’OIT, plusieurs oppositions ont été soulevées à
l’encontre de la création de cette Organisation, avec entre autres motifs évoqués notamment par
la France et la Grande Bretagne, le principe de la non-intervention de l’autorité publique (Sur
l’historique de l’OIT, cf. TEYSSIE (B.), op.cit, p. 62 et s.)
1122
On rappellera tout juste que les délégations nationales sont constituées de deux
représentants du gouvernement, d’un des représentants des salariés, désigné par le
gouvernement en accord avec les organisations syndicales les plus représentatives, et d’un
représentant des employeurs nommé dans les mêmes conditions.
444
Horizons du droit - Bulletin n°28, 2021
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15- Les Actes uniformes sont destinés à instaurer une législation commune
aux Etats membres pour régir les matières identifiées comme faisant partie du
« droit des affaires ». Pour cela, leur adoption qui n’est qu’une des conditions de
leur entrée en vigueur1123, est tout de même l’aboutissement d’un cheminement
spécial qui participe à la singularisation du droit OHADA, notamment pour ce qui
est de sa création dans la présente hypothèse.
En droit, le Secrétariat Permanent prépare les projets d’Actes uniformes
qu’il propose aux gouvernements des Etats parties ; ceux-ci disposent d’un délai
de 90 jours pour transmettre par écrit leurs observations au Secrétariat
Permanent. Aux termes de l’article 7 al. 2 du Traité révisé, ce délai « peut être
prorogé d’une durée équivalente en fonction des circonstances et de la nature
du texte à adopter, à la diligence du Secrétariat Permanent ». A l’expiration du
délai imparti, le Secrétariat Permanent établit un rapport auquel il joint les
observations susvisées et le projet d’Acte uniforme ; l’ensemble est transmis à la
CCJA pour avis. Celle-ci dispose de 60 jours pour émettre son avis. Au terme de
ce délai, le Secrétariat Permanent prépare le texte définitif du projet d’Acte
uniforme qu’il propose à l’ordre du jour de la prochaine session du Conseil des
Ministres. A l’occasion, l’adoption des Actes uniformes requiert l’unanimité des
représentants des Etats parties présents et votants ; elle n’est valable que si les
deux tiers au moins des Etats parties sont représentés.1124
1123
Depuis la brève réunion extraordinaire du Conseil des ministres tenue au QUEBEC le 17
octobre 2008 pour parachever les travaux de révision du Traité du 17 Octobre 1993 et dont le
produit est intitulé « Traité portant révision du traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires
en Afrique, signé à Port-Louis (Ile Maurice), le 17 octobre 1993), l’entrée en vigueur des Actes
uniforme intervient 90 jours après publication au journal officiel de l’OHADA, « sauf modalités
particulières d’entrée en vigueur prévues par les Actes uniformes », sans que les formalités de
publication dans les Etats parties n’aient quelque incidence sur cette entrée en vigueur.
Toutefois, la publication des Actes uniformes au journal officiel de l’OHADA intervient dans les 60
jours de leur adoption. (Article 9 de l’annexe du «Traité de Québec ».)
1124
Cf. les articles 6, 7 et 8 du Traité du 17 octobre 1993 relatif à l’harmonisation du droit des
affaires en Afrique.
445
Horizons du droit - Bulletin n°28, 2021
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En fait, une procédure non prévue par le Traité est souvent utilisée :
chaque gouvernement fait examiner le projet par sa Commission nationale qui
fait des observations ou propose des amendements qui seront transmis au
Secrétariat Permanent. Après réception des observations des Commissions
Nationales, le Secrétariat Permanent organise une session desdites
Commissions1125 avant que le projet ne soit transmis à la CCJA pour avis1126.
16- La procédure d’élaboration des Actes uniformes telle que prescrite par le
Traité OHADA1127 enlève aux parlements nationaux et aux organes de l’exécutif
national, leur pouvoir législatif et réglementaire, certes. Mais elle n’en confère
pas plus aux principaux partenaires sociaux (travailleurs et employeurs) la totale
compétence de cette construction comme on aurait éventuellement pu l’imaginer
au moins pour le projet d’Acte uniforme relatif au droit du travail. Bien au
contraire, elle les exclut visiblement de manière radicale, en attribuant à un
organe communautaire, exclusivement composé des représentants des
gouvernements à savoir le Conseil des Ministres, la compétence absolue de
l’adoption des Actes uniformes. Et même si les Commissions nationales
pouvaient regorger quelque représentant des partenaires sociaux, cela ne
procède aucunement d’une quelconque obligation dans la mesure où, la
composition de ces Commissions est absolument laissée à la discrétion des
Etats-parties au Traité OHADA1128.
1125
BAMAKO (Mali), les 11 et 17 octobre 1995 : Session des Commissions Nationales pour
l’adoption du projet d’Acte uniforme sur les sociétés commerciales et les groupements d’intérêt
économique ; DAKAR (Sénégal), les 11 et 16 décembre 1995 : Session des Commissions
Nationales pour l’examen des avants projets d’Actes uniformes sur les sûretés, les Voies
d’exécution, le Droit comptable. (Cf. MOULOUL (A.), Comprendre l’organisation pour
l’harmonisation en Afrique du droit des affaires, opuscule 2ème édition, p.24)
1126
MOULOUL (A.), op.cit. p.24-25.
1127
Articles 5 à 9 du Traité du 17 octobre 1993 relatif à l’harmonisation du droit des affaires en
Afrique.
1128
Au Niger par exemple, l’arrêté n°15/MJ du 1er /04/1993 porte création et composition d’une
commission nationale ad-hoc chargée de l’harmonisation du droit des affaires dans la Zone franc.
Aux termes de l’article 2 de cet arrêté, la commission est présidée par le vice-président de la
Cour d’appel et comprend 5 autres membres. Cet article fut modifié par un autre arrêté
(n°21/MJ/GS/SG) du 11 juin 1993 qui, lui-même a été modifié par l’arrêté n°27/MJ/GS du 02 aout
446
Horizons du droit - Bulletin n°28, 2021
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17- Le critère de distinction entre le droit public et le droit privé est quelque
part, et sous réserve des exceptions consacrée en la matière, constitué par la
qualité des personnes (de droit public ou de droit privé) dont les rapports sont
soumis à la régularisation. Dès lors, si la création de la règle de droit est
fondamentalement une œuvre étatique, son exécution est en principe l’affaire
des particuliers lorsqu’il s’agit d’une règle de droit privé, et des personnes
publiques lorsqu’on est en présence d’une règle de droit public1129. Le contrôle
d’une telle exécution est normalement assuré par le juge qui selon le cas, relèvera
d’une juridiction judiciaire ou d’une juridiction administrative. Ce principe étant,
1995. Aux termes de l’article 2 de ce nouvel arrêté, la commission ad-hoc est présidée par le
secrétaire général du Ministère de la justice et comprend 08 membres dont un vice-président
représentant le ministère des finances et du Plan. (Cf. MOULOUL, op.cit. p. 24)
1129
Cette présentation caricaturale qui d’emblée promeut la séparation mécanique de la branche
du droit privé et celle du droit public doit être appréhendée avec une certaine réserve. Le motif
est que la doctrine s’emploie de plus en plus à démontrer le décloisonnement, l’interpénétration
entre ces deux branches du droit (V. Kamta Elvice, Droit OHADA et entreprise publique, thèse de
doctorat Ph.D., p. 10 et s.
447
Horizons du droit - Bulletin n°28, 2021
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1130
De telles exceptions sont fort nombreuses ; mais à titre illustratif, on peut citer la possibilité
pour des personnes morales de droit public de conclure un contrat sous l’empire du droit privé.
1131
Le droit pénal, le droit processuel, le droit de la prévoyance sociale et le droit du travail sont
qualifiés de droits mixtes. Les droits mixtes sont des droits dans lesquels on ne peut faire de
division des règles provenant du droit public et privé, c’est-à dire des règles provenant des
actions individuelles et des règles qui concernent les puissances publiques. Les droits mixtes ont
recours à l’ensemble des branches du droit qui réalisent une combinaison des règles de droit
privé et public.
448
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1132
Les articles 104 du code du travail camerounais parlent de l’administration du travail et de la
prévoyance sociale, tandis que les articles 112 et suivants du même code traitent de la question
du placement.
1133
Article 249 al.2 de l’AP/AUDT.
449
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450
Horizons du droit - Bulletin n°28, 2021
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21- Une administration du travail forte qui garantit le respect des lois
nationales peut être pour les entreprises nationales et internationales, un
élément attractif. Cette logique rentre dans la vision globale de l’OHADA de servir
l’intégration économique et la croissance. C’est ainsi que par le biais de l’article
251 de l’AV/AUDT, elle confie aux inspecteurs du travail, sans pour autant innover
sur la question1135, une mission de contrôle du respect de la législation du travail.
Il y est en effet impérativement disposé que « les inspecteurs du travail sont
chargés de veiller à l’application des dispositions du présent Acte uniforme, des
textes pris pour son application au plan national ainsi que des conventions et
accords collectifs de travail. »1136. Il est avéré au regard des abus perpétrés dans
1134
http://www.ioe-emp.org/fr/
1135
Il est de tradition qu’en droit du travail, la mission de contrôle dans les entreprises soit assurée
par les inspecteurs du travail. L’AP/AUDT ne fait qu’en réalité s’inscrire dans une logique de
conformité et de respect de cette tradition.
1136
Article 251 de l’AP/AUDT. Cet article ajoute d’ailleurs in fine que les inspecteurs du travail sont
également chargés, concurremment avec les autorités compétentes dans l’Etat Partie, de
constater, s’il échoit, les infractions à ces dispositions.
451
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1137
On peut en effet lire à l’article 140 de l’AV/AUDT que : « L’employeur est tenu d’aviser
l’Inspecteur du travail et le Médecin-Inspecteur du travail, s’il en existe, afin de mise en œuvre
des contrôles y afférents chaque fois que des machines ou des installations nouvelles sont mises
en service ou lorsqu’elles ont subi des modifications importantes ou que de nouveaux procédés
sont introduits. »
1138
On peut hésiter quant à l’extension des pouvoirs de contrôle de l’inspecteur du travail dans
les établissements militaires. En fait, l’introduction dans ces établissements d’agents étrangers
au service peut être compromise au regard de l’intérêt de la défense nationale du secret-défense
qui tend à singulariser de tels établissements. C’est d’ailleurs pour en tenir compte que le
législateur camerounais prévoit que « dans les établissements militaires employant de la main-
d’œuvre civile, les attributions des inspecteurs du travail en matière de contrôle de l’application
de la législation et de la réglementation du travail peuvent être confiées à des fonctionnaires ou
officiers spécialement désignés à cet effet, chaque fois que l’intérêt de la défense nationale
s’oppose à l’introduction dans ces établissements d’agents étrangers au service ». Dans le droit
positif français du travail, en plus des établissements militaires, échappent au contrôle
traditionnel des inspecteurs du travail, les entreprises de transport public, les entreprises de
production, de transport et de distribution d’énergie électrique ou de gaz, les entreprises
minières ; le contrôle y est assuré par des agents spécialement désigné en fonction de
l’entreprise concernée (V. TEYSSIE (B.) op.cit. p.137). De toutes les façons, l’AU/AUDT laisse le
soin aux Etats parties de fixer les attributions, les pouvoirs, les modalités de constatation des
infractions, et le statut des Inspecteurs du travail, des Contrôleurs et des Médecins - Inspecteurs
du travail (Cf. article 250 de l’AU/AUDT).
1139
On peut citer à titre illustratif l’emploi de la main d’œuvre, la rémunération, la durée du travail,
l’institution représentative du personnel, les conventions collectives, le règlement intérieur, etc.
452
Horizons du droit - Bulletin n°28, 2021
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1140
V. Article 159 al.2 de l’AP/AUDT. Une telle prérogative n’est qu’exceptionnelle car à partir de
cinquante travailleurs employés dans une entreprise, cette dernière est légalement tenue
d’organiser en son sein un comité de santé et sécurité au travail (cf. al.2 de l’article 159).
1141
On rappelle que cet organe est essentiellement gouvernemental. Il s’agit du Conseil des
ministres.
453
Horizons du droit - Bulletin n°28, 2021
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1142
Cf. Cour Suprême, Arrêt n° 118 du 06 avril 1971, affaire Donjo Pierre contre GECICAM, Les
grandes décisions du droit du travail et de la sécurité sociale sous la direction du Professeur
Jean-Marie Tchakoua, JusPrint, 2016, p. 169.
1143
KAMTA FENDOP (E.M.), La cession de salaire, in Les Les grandes décisions du droit du travail
et de la sécurité sociale sous la direction du Professeur Jean-Marie Tchakoua, JusPrint, 2016, p.
169 et s.
454
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1144
Cf. respectivement les articles 255 et 256 de l’AP/AUDT.
1145
Cette solution consistant à confier la présidence du conseil consultatif du travail au ministre
du travail est du moins celle retenue par le législateur camerounais, le législateur OHADA ayant
laissé le soin aux Etats-membres de fixer l’organisation et le fonctionnement de ces organismes
tel que relevé ci-dessus.
455
Horizons du droit - Bulletin n°28, 2021
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1146
Cf. supra, para n°22.
456
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tumultueux de travail
27- Les crises sociales ont cette particulière potentialité et cette spécifique
propension à se déployer sur le terrain de l’économie nationale, et donc sur la
société tout entière avec toutes les conséquences malheureuses que l’on peut
en tirer. Ainsi, la délicatesse de leur gestion s’explique par la nécessité de
concilier pour les protéger, deux poches d’intérêts aux combinaisons
différentes : la première combinaison est contradictoire et oppose l’intérêt de
l’employeur et celui du salarié ; la seconde combinaison est quant à elle
complémentaire et rapproche l’intérêt de l’entreprise et l’intérêt de l’économie
toute entière. Tout ceci traduit toute la délicatesse qu’il faut déployer pour gérer
les conflits, aussi bien individuels que collectifs, susceptibles d’opposer les
partenaires sociaux directs. Aussi, l’autorité publique intervient-elle lorsque le
conflit a conduit ou est susceptible de conduire à la rupture de la relation de
travail (2) ; mais cette intervention demeure juridiquement nécessaire même
dans l’hypothèse d’un simple relâchement de cette relation de travail (1).
1147
De l’analyse de la disposition de l’article 29 de l’AP/AUDT, on peut énumérer 13 cas de
suspension du contrat du travail qui n’ont pas ce fond conflictuel. Ainsi en est-il lorsque le contrat
de travail est suspendu :
1) en cas de fermeture de l’établissement par suite du départ de l’employeur astreint au service
national actif sous les drapeaux ou pour une période obligatoire d’instruction militaire ;
2) pendant la durée du service militaire du travailleur et pendant les périodes obligatoires
d’instruction militaire auxquelles il est astreint ;
457
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suspension est faite dans une atmosphère litigieuse, l’autorité publique aura
toujours vocation à intervenir pour lui faire revêtir un caractère régulier. Il en est
ainsi de la suspension due à la mise à pied disciplinaire et à la grève.
Toutefois, la suspension du contrat du travail consécutive au chômage
technique ou économique n’est juridiquement valable que si elle est initiée par
l’employeur après consultation des délégués du personnel s’il en existe, certes,
mais après avis de l’inspecteur du travail1148. Une telle mesure est justifiée par le
souci du législateur de réduire à leur plus simple expression, l’efficacité des
actions susceptibles d’être entreprises par les employeurs pour abuser des droits
des travailleurs, par la prescription des chômages techniques ou économiques
fictifs. En termes de durée, certaines législations nationales ont fixé le plafond
du temps du chômage technique ou économique à six mois1149 ; toutes choses
qui participent également de la volonté législative de protéger les travailleurs.
29-L’on peut s’accorder avec Gérard CORNU pour définir la mise à pied
disciplinaire comme étant cette sanction disciplinaire qui peut être prononcée à
458
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l’encontre d’un salarié fautif, même en l’absence d’un texte, en vertu du pouvoir
disciplinaire inhérent à la qualité d’employeur1150. L’AP/AUDT est silencieux quant
à la nature ou l’existence d’une éventuelle intervention de l’administration du
travail pour garantir la régularité de cette sanction. Dès lors, l’option prise par le
législateur camerounais peut être suggestive à l’égard du législateur OHADA.
Pour celui-ci, la mise à pied disciplinaire est nulle et de nul effet si les conditions
de durée (qui ne peut excéder huit jours), de notification par écrit au travailleur
avec indication des motifs pour lesquels elle a été infligée, et de communication
dans les quarante-huit heures à l’inspecteur du travail du ressort, ne sont pas
simultanément remplies1151. Une fois de plus, l’intervention de l’autorité publique
par le biais de son représentant spécialisé qu’est l’inspecteur du travail est
indispensable pour la validité de l’acte de l’employeur. Cette intervention est
d’autant plus indispensable qu’en cas de défaut, le travailleur à l’encontre duquel
la sanction disciplinaire a été prononcée perçoit une indemnité correspondant au
salaire perdu et, éventuellement, des dommages. Il serait donc souhaitable que
le législateur se déploie dans ce sens.
1150
Cf. CORNU (G.) op.cit, p. 592
1151
Cf. article 30 du code du travail camerounais.
1152
La grève se différencie du lock-out. L’article 245 de l’AP/AUDT définit ce dernier comme étant
« la fermeture de tout ou partie d’une entreprise ou d’un établissement décidé par l’employeur à
l’occasion d’une grève des travailleurs de son entreprise. ». Nous ne l’avons pas évoqué dans le
corpus du devoir, car l’intervention de l’inspecteur du travail est a priori exclue dans sa mise en
œuvre, étant entendu que l’illicéité de cette mesure n’est tributaire qu’à sa justification par un
motif étranger à la force majeure ou à une grève illicite qui paralyse les activités de l’entreprise.
1153
Le préavis doit en outre préciser les motifs du recours à la grève ainsi que la date et l’heure
de début de la grève envisagée article 242 al.2 et 3 de l’AP/AUDT.
459
Horizons du droit - Bulletin n°28, 2021
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31- L’on énumère plusieurs causes de rupture du lien contractuel social que
l’on peut classer selon qu’elles émanent de l’employeur ou du travailleur.
Cependant, on peut aussi les classer selon qu’elles interviennent dans des
circonstances potentiellement calmes ou alors intrinsèquement litigieuses.
Toutefois, nous voudrions pour les besoins de la cause, combiner toutes ces
classifications pour en proposer une nouvelle qui réponde au critère de
l’intervention ou non de l’autorité administrative dans le régime de la gestion.
Ainsi, l’intervention de l’autorité administrative est juridiquement et pratiquement
inutile lorsque la rupture du lien contractuel résulte de l’arrivée du terme d’un
contrat à durée déterminée, du départ à la retraite ou de la mise à la retraite, et
du décès. Il sera ainsi dans tous les cas où la démission ou le licenciement
n’entraine pas un contentieux. Mais en cas de différends individuels ou collectifs
nés ou conduisant à un licenciement ou à une démission, l’autorité administrative
compétente sera inévitablement sollicitée pour agir selon le cas de figure ; le
460
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licenciement pour motif économique exigera d’ailleurs dans son processus, sauf
exception1154, l’intervention de l’autorité administrative.
1154
La procédure concernant le licenciement pour motif économique n’est pas applicable en cas
de protocole amiable de départ librement négocié entre l’employeur et le travailleur (article 58
de l’AP/AUDT)
1155
Les articles 181 et suivants de l’AP/AUDT fixent le régime de la protection du délégué
personnel dans lequel on peut apprécier le rôle infiniment central qu’y joue l’inspecteur du travail.
461
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1156
Constitue un licenciement pour motif économique, tout licenciement effectué par un
employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du travailleur et résultant
d’une suppression ou transformation d’emploi ou d’une modification substantielle du contrat de
travail, consécutive à des difficultés économiques, à des mutations technologiques ou à des
restructurations internes (Article 53 de l’AP/AUDT).
1157
Ce projet doit contenir les indications suivantes :
− le ou les motifs économiques et l’état des effectifs de l’entreprise ;
− le nombre, la qualification, l’aptitude professionnelle, l’ancienneté, la nature du contrat et la
situation de famille des travailleurs susceptibles d’être concernés ; l’ancienneté est majorée d’un
an par enfant à charge au sens de la législation de l’Etat Partie ;
− les mesures pouvant éviter ou limiter, s’il y a lieu, les licenciements projetés ou faciliter le
reclassement des travailleurs concernés.
1158
En cas de licenciement économique concernant un seul travailleur, ces délais prévus sont
réduits à quarante-huit heures pour la consultation des délégués du personnel, s’il en existe, et
à huit jours pour l’avis de l’Inspecteur du travail (article 54 al.4 de l’AP/AUDT).
462
Horizons du droit - Bulletin n°28, 2021
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OHADA a dévolu ce rôle à l’inspecteur du travail. Cette option nous parait des
plus pragmatiques. Elle est en tout cas de nature à faciliter la procédure compte
tenu de la proximité qu’a l’inspecteur du travail avec l’entreprise, par opposition
au ministre qui non seulement semble en est assez éloigné, mais aussi pourrait
être submergé. Toutefois pour garantir l’objectivité de la décision de l’inspecteur
du travail, il serait plausible de leur imposer la collégialité sous la présidence de
l’inspection régionale.
463
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LE PRINCIPE DE
PROPORTIONNALITÉ
ET LA PROTECTION DU
DÉBITEUR SAISI EN DROIT
OHADA
Dschang
____________________
464
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1159
N. Belley, « L’émergence d’un principe de proportionnalité », Les cahiers de droit, vol. 38, no
2, 1997, p. 247.
1160
S. Le Gac-Pech, La proportionnalité en droit privé des contrats, LGDJ, 2000, 580p.
1161
N. Belley, « L’émergence d’un principe de proportionnalité », préc., p. 247.
1162
Sur cette évolution, lire A. Guilmain, « Sur les traces du principe de proportionnalité : une
esquisse généalogique », McGill Law Journal, vol. 61, no 1, sept. 2015, pp. 87-137.
1163
Idem, spéc., p. 87.
1164
S. Le Gac-Pech, Op. cit.
1165
E. Dreyer (dir.), « La proportionnalité en matière pénale », Gaz. pal. no 36, 2017, p. 64 et s.
1166
I. Cornesse, La proportionnalité en droit du travail, Litec, 2001 ; A. Bugada, Réflexions sur le
contrôle judiciaire de proportionnalité en droit du travail, PUAM, coll. Droits, pouvoirs et sociétés,
2018.
1167
P. Crocq, « Sûretés et proportionnalité », in Mélanges Simler, Litec, Paris, 2006, p. 291 et s.,
S. Pesenti, Le principe de proportionnalité en droit des sûretés, PA no 51, 2004, p. 12 et s.
465
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3. Le droit des voies d’exécution n’est pas en reste. Pourtant, la riche littérature
juridique existante en la matière ne comprend que subsidiairement et de manière
éparse des développements sur le principe de proportionnalité. Elle ne comporte
aucune étude qui traite spécifiquement et de manière globale de ce principe qui,
à l’évidence, trouve en cette matière l’un de ses terreaux d’application. En effet,
le caractère éminemment conflictuel des voies d’exécution traduit l’existence
d’intérêts opposés, entre lesquels il faut nécessairement trouver un juste
équilibre. C’est parce que le débiteur tenu en vertu d’un contrat, d’une obligation
légale ou d’une décision de justice l’ayant condamné à payer quelque chose, ne
s’est pas exécuté que le créancier est en droit de faire recours à l’exécution
forcée à travers les saisies. Mais en même temps, pour légitime qu’il soit, ce droit
de saisir doit être exercé dans le respect du droit égal d’autrui, en l’occurrence
du débiteur1172. Le créancier est ainsi appelé à faire preuve d’une circonspection
particulière, parce que l’exercice de son droit est de nature à porter atteinte à
l’honneur ou à l’un des intérêts essentiels de son adversaire1173. La juste mesure
de l’équilibre ainsi recherchée entre les intérêts des parties dans l’exécution
forcée ne pouvait être trouvée qu’à travers la nécessaire prise en compte du
1168
R. Vatinet, « Existe-t-il un principe de proportionnalité en droit des sociétés », PA no 117, 1998,
p. 58 et s.
1169
S. Ottoni, Principe de proportionnalité et droit de la concurrence, Thèse de doctorat,
Université la Sapienza-Rôme, 2014.
1170
D. Mazeaud, « Le principe de proportionnalité et la formation du contrat », PA no 117, 1998,
p. 12 et s. ; N. Molfessis, « Le principe de proportionnalité et l’exécution du contrat », PA no 117,
1998, p. 21 et s. ; H. Lecuyer, « Le principe de proportionnalité et l’extinction du contrat », PA
no 117, 1998, p. 31 et s. ; G. Viney, « La réparation en nature du dommage contractuel et le
principe de proportionnalité », Rev. des contrats no 2, avril 2007, p. 297 et s.
1171
J. M. Calendini, « Le principe de proportionnalité en droit des procédures collectives », PA
no 117, 1998, p. 51 et s. ; P. Nabet, « Le principe de proportionnalité s’invite en droit des
procédures collectives », PA no 70, 2010, p. 3 et s.
1172
D. Bakouche, L’excès en droit civil, Thèse Paris II, 2001, p. 342.
1173
Pour paraphraser H. Léon, J. Mazeaud et A. Tunc, Traité théorique et pratique de la
responsabilité civile délictuelle et contractuelle, Tome 1, Montchrestien, Paris, 1957, no 591.
466
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1174
Ce principe est reconnu comme l’écho du principe plus large d’équilibre recherché entre les
droits du créancier et du débiteur ; lire en ce sens, M. Douchy-Oudot, « Équilibre et
proportionnalité », in Cl. Brenner et P. Crocq (sous le dir.), Lamy droit de l’exécution forcée, Lamy,
2009, no115-45.
1175
Contrairement au législateur français, v. art. 111-7 CPCE.
1176
A. Ouattara, « Nécessité, proportionnalité…égalité ? L’AUVE de l’OHADA et les principes
directeurs des voies d’exécution », in Les horizons du droit, Mél. F. M. Sawadogo, CREDIJ,
Cotonou, 2018, p. 431 et s.
1177
Lire M. D. Podio Tchatchoua, O. Fandjip, « Les voies d’exécution en droit OHADA à l’épreuve
des droits de l’homme : le cas du débiteur », Juridis Périodique no 83, 2010, p. 104.
1178
Art. 57 AUPSRVE.
1179
Art. 154 AUPSRVE.
467
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1180
Art. 104 AUPSRVE.
1181
Art. 275-1° AUPSRVE.
1182
Il serait tenu à la proportionnalité dans ses moyens de défense contre la prétention du
créancier. Lire M. Niane, L’exigence de sécurité juridique dans le recouvrement des créances,
Thèse en cotutelle, Université de Bordeaux, 2014, p. 418, no 509.
1183
Lire, J. B. Auby, « L’exécution avec le concours de la puissance publique », RTD civ. 1993,
p. 123 et s. ; N. Casal, « Concours de la force publique », Jurisclasseur Voies d’exécution, Fasc.
460, 28 avr. 2011, dernière mise à jour 26 avr. 2018.
468
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son rôle1184. Comme toutes les notions souples, ce principe correcteur suppose
d’être adapté à chaque situation1185, ce qui rend indispensable l’intervention a
posteriori du juge dont le rôle est de définir concrètement les limites à ne pas
franchir et de sanctionner leur transgression. Le juge se trouve ainsi être par
excellence le gardien de la proportionnalité dans le déroulement des opérations
d’exécution1186. Il veille à l’adéquation de la mesure sollicitée par rapport au but
poursuivi, la sauvegarde des droits du créancier ou son désintéressement1187,
tout en ménageant les intérêts du débiteur.
1184
Lire J.-Ph. Agresti (dir.), Le juge judiciaire face au contrôle de proportionnalité, PUAM, coll.
Droits, pouvoirs et sociétés 2018. Egal D. Mazeaud, « Proportionnalité à la une », La semaine
juridique, éd. G., no 40, oct. 2016, p. 1785.
1185
R. Vatinet, « Existe-t-il un principe de proportionnalité en droit des sociétés », préc., p. 58.
1186
M. Douchy-Oudot, « Équilibre et proportionnalité », in Cl. Brenner et P. Crocq (sous le dir.),
op. cit., no115-50.
1187
Idem.
469
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saisie
10. Il doit, en premier lieu, avoir la coïncidence la plus proche possible entre le
montant de la créance cause de la saisie et la valeur du bien objet de la saisie.
Celle-ci est d’abord recherchée au moment du déclenchement même des
poursuites, lorsque le créancier fait le choix de la saisie à entreprendre. Sa liberté
trouve ainsi une limite dans l’exigence de proportionnalité qui conditionne le
choix du bien ou des biens à saisir. Ce choix doit être opéré par comparaison
entre le montant de son dû et la valeur de l’assiette visée en vue de poursuivre
son recouvrement. S’il résulte de cette comparaison que la valeur de l’assiette de
la saisie projetée est exagérément supérieure au montant de la dette, le créancier
doit soit réduire cette assiette, soit orienter son choix sur un autre bien s’il en
existe. À défaut, il y aurait mépris de l’exigence de proportionnalité. C’est le grief
reproché par exemple à des créanciers qui avaient procédé à plusieurs saisies
des comptes auprès de diverses banques, alors que le montant cumulé des
soldes desdits comptes était plusieurs fois supérieur à la créance1188. La même
critique a été faite à un créancier qui avait pratiqué des saisies-attribution
successives auprès de différentes compagnies, alors que le montant de la
créance objet de la première saisie couvrait largement la créance cause de la
CA Littoral, arrêt no 76/Réf., 24 mai 1999, Dame Mantoh Jeanne c/ CCAR et Tchofor, R.C.D.A.
1188
470
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1189
CCJA, arrêt no 027/2004, 15 juill. 2004, aff. Mobil Oil CI c/ Les centaures routiers et consorts,
Rec. CCJA no 4, juill.-déc. 2004, p. 28 et s. ; v. égal. arrêt no 028/2004, 15 juill. 2004, aff. Mobil
Oil CI c/ Les centaures routiers et consorts, Rec. CCJA no 4, juill.-déc. 2004, p. 34 et s.
1190
C’est pourquoi l’article 252 al. 1 AUPSRVE interdit en principe une telle démarche, l’al. 2 ne
l’autorisant que sous des conditions visant à assurer la proportionnalité.
1191
CA Orléans, 23 nov. 1973, J.C.P. 1974.IV.6414.
1192
Cass. 2e civ., 15 mai 2014, no 13-16.016.
1193
D. Corrignan-Carsin, « Responsabilité et procédures civiles d’exécution », Revue Juridique de
l’ouest, n° spécial 1994 : 1993-1994, un an d’application de la réforme des procédures civiles
d’exécution ; pp. 87-104, spec. p. 92, n° 6 ; L’auteur s’appuie sur une décision ayant rejeté le
caractère abusif d’une saisie au motif que même si la créance était minime, le débiteur n’a fait
aucune proposition de règlement depuis 18 mois, malgré les multiples démarches amiables.
471
Horizons du droit - Bulletin n°28, 2021
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13. Lorsque la saisie porte sur les créances de sommes d’argent, cette
concordance est assurée à travers le mécanisme du cantonnement automatique.
En effet, si la première conséquence de toute saisie est de rendre le bien visé
indisponible, il reste à déterminer quelle est la mesure de cette indisponibilité,
quand on sait que la valeur de la créance saisie peut notablement excéder celle
de la créance fondant la saisie. Sous l’empire de la saisie-arrêt et en application
de l’article 602 CPCC, l’indisponibilité était totale de sorte qu’on peut dire qu’a
priori, l’exigence de proportionnalité n’était pas prise en compte. Le débiteur qui
souhaitait voir limiter l’indisponibilité de son épargne au montant de la créance
cause de la saisie, devait provoquer un cantonnement1195, ce qu’il ne faisait pas
C.S., arrêt no 6/CC, 24 déc. 1963, S.G. Tiliacos c/ Makollé, rapporté par G. Teuguia Waffo,
1195
472
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toujours. Il en résultait une paralysie préjudiciable à ses intérêts. C’est cet état
de choses que le législateur OHADA a voulu corriger dans le régime des nouvelles
procédures de saisie des créances que sont la saisie-conservatoire de créances
et la saisie-attribution en instituant un cantonnement automatique. Cette mesure
est, par exemple, consacrée à l’article 154 AUPSRVE en ces termes : « L’acte de
saisie emporte, à concurrence des sommes pour lesquelles la saisie est
pratiquée, ainsi que tous ses accessoires, mais pour ce montant seulement,
attribution immédiate au profit du saisissant de la créance saisie, disponible entre
les mains du tiers ». C’est dire que dès l’instant où il est signifié au tiers-saisi,
l’acte de saisie emporte cantonnement automatique du montant de la saisie1196,
sans que le débiteur n’ait besoin d’accomplir la moindre formalité. Il transparait
bien là l’idée que la saisie d’une créance n’a d’effet que dans la mesure de ce qui
est dû par le débiteur : si le montant de la créance saisie est supérieur à la somme
qu’il doit, le reliquat doit rester disponible1197. Le débiteur se trouve protégé par
cette limitation automatique de l’assiette de la saisie fondée sur la
proportionnalité.
14. Lorsque la saisie porte sur les immeubles, le législateur va plus loin, en
offrant au débiteur une mesure alternative aux poursuites engagées par le
créancier. En effet, aux termes de l’article 265 AUPSRVE, « si le débiteur justifie
que le revenu net et libre de ses immeubles pendant deux années suffit pour le
paiement de la dette en capital, frais et intérêts, et s’il offre la délégation au
créancier, la poursuite est suspendue (…) ». Ainsi, plutôt que de laisser
1196
CA Bangui, ch. civ. et com., arrêt civil no 295, 15 déc. 2010, Société Orange Centrafrique c/
Namtoli Elie et consorts, ohadata J-12-198.
1197
CA Abidjan, arrêt no 154, 1er févr. 2000, Stat Auto c/ Akanda Assi Marcelin, ohadata J-06-118.
473
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1198
Le débiteur doit produire les justificatifs de ces deux exigences, sous peine de voir sa
demande déclarée irrecevable ; v. CCJA, arrêt no 030/2012, 22 mars 2012, Rec. CCJA, no 18,
2012, p. 135, ohadata J-14-155.
1199
G. Cornu, Vocabulaire juridique, 6e éd., Association H. Capitant, Quadrige, PUF, 2017, p. 661.
474
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1200
Art. 283 al. 5 AUPSRVE. En ce sens, TGI Moungo, déclaration judiciaire no 16/civ., 21 févr.
2008, ohadata J-09-254 ;
1201
R. Perrot et P. Théry, Procédures civiles d’exécution, 3e éd., Dalloz, 2013, spéc. no 879, p. 715.
1202
En fixant la mise à prix de l’immeuble à une somme égale à plus du quart de la valeur de
l’immeuble, le créancier poursuivant s’est conformé à l’article 267-10AUPSRVE, v. CCJA, 1re ch.,
arrêt no 002, 4 févr. 2010, aff. Abdoulaye et Moussa Sognane c/ BHM SA, Le Juris-Ohada no
2/2010, avr.-juin 2010, p. 4 ; , Rec. CCJA, no 15, janv.-juin 2010, p. 34, ohadata J-11-46.
1203
Art. 272 al. 2 AUPSRVE.
1204
Art. 275-2° AUPSRVE. En ce sens, CCJA, no 103/2014, 04 nov. 2014, aff. Bicec c/ Ndengoue
Noubissie Jean-Marie et SEEC Sarl, , Rec. CCJA, 2014, tome 2, p. 82 et s.
475
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1205
P. Le Fur, « Les ventes publiques aux enchères », Rev. Huissiers 1997, p. 1211.
1206
CA Aix, 5 nov. 1987, Gaz. pal. 1988, p. 14, note E. Putman, cité par S. S. Kuate Tameghe, La
protection du débiteur dans les procédures individuelles d’exécution, L’Harmattan, 2004, p. 216.
1207
CA Pau, 13 sept. 1989, Banques 1990, p. 136, cité par Idem.
476
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19. L’on sait que le droit à l’exécution reconnu par la loi au créancier pour le
recouvrement de son dû autorise une immixtion de l’huissier dans la vie privée et
le domicile du débiteur. Mais en se référant à la plupart des instruments
internationaux garantissant le droit à l’’intimité de la vie privée en général et le
droit à l’inviolabilité du domicile en particulier, cette immixtion doit être limitée à
ce qui est nécessaire au regard de l’objectif à atteindre1208. Il fallait donc limiter le
trouble que l’initiative du créancier saisissant peut avoir sur la tranquillité du
débiteur saisi et des siens, à ce qui est nécessaire pour assurer l’efficacité de la
saisie.
1208
V. les articles 12 de la DUDH, et 17 al. 1 du Pacte international relatif aux droits civils et
politiques.
477
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1209
S.S. Kuate Tameghe, Op. cit., p. 81, no 82.
1210
A.-M. Assi-Esso, N. Diouf, OHADA. Recouvrement des créances, coll. Droit uniforme, Bruylant,
Bruxelles, p. 64.
1211
L’huissier de justice n’étant pas en droit d’intervenir avant d’avoir reçu cette autorisation
expresse du juge ; V ; en ce sens, C.S., arrêt no 171/L du 27 août 1968, B.A.C.S. no 19, p. 2269.
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pendant les moments prescrits pour saisir à cause de son travail1212, ou même de
son état de santé. Il peut s’agir aussi de l’hypothèse où le débiteur cherche à
organiser son insolvabilité au moyen des donations ou des ventes suspectes1213.
Il peut même encore s’agir de l’hypothèse où les biens à saisir seraient menacés
d’un danger imminent susceptible de les détruire, peu importe que l’évènement
qui pourrait en être la cause relève de la nature, d’un tiers ou du débiteur lui-
même1214.
22. Même dans toutes ces hypothèses, le législateur considère qu’il n’est pas
adéquat d’autoriser une saisie à effectuer avant huit heures ou après dix-huit
heures, lorsque celle-ci a pour objet des biens se trouvant dans des « lieux
servant à l’habitation ». Le juge saisi d’une telle demande est ainsi dans
l’obligation de la rejeter. Le domicile, la résidence ou la demeure du débiteur
bénéficie ainsi d’une protection absolue contre les saisies de nuit. Quel que soit
le péril encouru par les biens à saisir qui y sont entreposés ou conservés, le juge
ne peut donc pas valablement autoriser à saisir avant huit heures et après dix-
huit heures1215. La solution a pu offusquer. En effet, on en est arrivé à se
demander au nom de quoi la quiétude du débiteur doit être préservée, alors qu’il
est coupable d’une inexécution volontaire de son obligation1216. Réfléchir de la
sorte revient à oublier que si la demeure d’une personne est l’antre des
discrétions de sa vie privée, elle l’est encore plus la nuit. Dès lors, l’on ne saurait,
au nom de l’intérêt du créancier, admettre que l’huissier de justice, et
éventuellement les agents de la force publique qui l’accompagnent, viennent à
des heures indues, troubler la quiétude du débiteur, de sa famille et même de
1212
A.-M. Assi-Esso, N. Diouf, Op. cit., p. 64.
1213
S. Nandjip Moneyang, « Scolie sur quelques points du formalisme de l’exécution des décisions
de justice non-répressives en droit OHADA », Revue de l’ERSUMA - Droit des affaires - Pratique
professionnelle, no 6, janv. 2016, p. 4.
1214
S.S. Kuate Tameghe, « Délicatesse, convivialité, humanité…et voies d’exécution », Juridis
périodique, no 62, avr.-mai-juin 2005, p. 46.
1215
P. Julien, G. Taormina, Voies d’exécution et procédures de distribution, LGDJ, Paris, 2000,
p. 19, no 4.
1216
S. Nandjip Moneyang, « Scolie sur quelques points du formalisme de l’exécution des décisions
de justice non-répressives en droit OHADA », préc., p. 4.
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23. La force publique peut être mise à contribution dans l’exécution forcée.
C’est le cas lorsqu’au cours des opérations de saisie dans un lieu d’habitation
notamment, l’huissier de justice, agissant seul ou accompagné, fait face à une
résistance active du débiteur. La mobilisation de la force publique engendre un
risque réel de recours à la violence, susceptible de porter atteinte à l’intégrité
physique du débiteur dans le désarroi. Si le principe même de cette forme de
violence va de soi, il reste que sa mise en œuvre peut conduire à des excès
contre lesquels il faut le prémunir. Cette protection passe par l’encadrement de
l’usage qui peut en être fait par l’administration. Si celle-ci dispose, dans le cadre
de cette « expression ultime du recours à la force pour exécuter le titre, manu
militari »1217, d’un éventail de moyens de contrainte entre lesquels elle a une
liberté totale de choix1218, cette liberté est toutefois loin d’être absolue. Elle trouve
une nécessaire limite dans la prise en compte de l’exigence de
proportionnalité1219. Ainsi, le choix par l’administration des moyens à mobiliser afin
de vaincre la résistance du débiteur doit être fonction des circonstances de la
cause et même de la personnalité de ce débiteur. De manière générale,
l’administration doit faire recours aux moyens de contrainte qui permettent
d’attenter, le moins possible, à l’intégrité physique des personnes faisant l’objet
1217
N. Casal, « Concours de la force publique », art. préc., no 6.
1218
J. B. Auby, « L’exécution avec le concours de la puissance publique », art. préc., no 21.
1219
Sur cette exigence, lire M. Fromont, « Le principe de proportionnalité », A.J.D.A., 1995,
pp. 156-165 ; N. Belley, « L’émergence d’un principe de proportionnalité », Les cahiers de droit,
vol. 38, no 2, 1997, pp. 245-313.
480
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débiteur saisi
1. L’anéantissement de la saisie
1220
F.-X. Cornuot, L’encadrement juridique de l’emploi de la contrainte exercée par la force
publique en France et dans le monde, Thèse de doctorat, Université de Strasbourg, 2015, p. 440.
1221
V. art. 3, alinéa 1, loi no 90/54 du 19 décembre 1990 relative au maintien de l’ordre au
Cameroun.
481
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27. La nullité peut être obtenue par exemple lorsque la saisie aura été
pratiquée en dehors des limites temporelles autorisées pour l’exécution.
L’AUPSRVE n’a pas expressément prévu ce cas de nullité et la jurisprudence
spécifique aux voies d’exécution n’a pu encore se prononcer sur ce point. Certes,
il existe une espèce dans laquelle un débiteur avait demandé la nullité d’une
saisie-vente, en lui reprochant entre autres d’avoir été pratiquée à « 06 heures
40 min » tel qu’indiqué dans le procès-verbal dressé par l’huissier lui-même.
Malheureusement dans cette affaire, le juge n’a pas cru devoir se prononcer sur
ce moyen, estimant que cela n’était plus nécessaire dès lors que le premier
moyen invoqué – tiré d’une omission dans le procès-verbal – était fondé et
suffisait à conclure à la nullité1222. En se tournant vers le droit commun de la
procédure civile comme le veut la démarche juridique en pareille hypothèse, il
ressort qu’en application de l’article 609 CPCC relatif au moment de la
signification et de l’exécution, il a été jugé que « le constat fait par un huissier qui
s’est introduit de nuit dans le domicile d’un particulier pour instrumenter est nul,
et doit par conséquent être écarter des débats »1223. En se référant à cette
décision, l’on peut affirmer qu’une saisie pratiquée en dehors des heures et jours
autorisés est nulle. S’agit-il d’une nullité absolue ou relative ? Il devrait s’agir d’une
nullité absolue, l’atteinte ainsi portée constituant un vice de fond tiré de l’illicéité
du moment de la saisie. En tant que telle, elle est encourue de plein droit, sans
que l’on ne puisse la subordonner « à la preuve d’un préjudice résultant de
l’irrégularité »1224. En matière de saisie-vente de biens meubles corporels, l’action
du débiteur est recevable « jusqu’à la vente des biens saisis », puisque tel est le
délai de forclusion prévu par l’article 144 AUPSRVE pour toutes les actions en
1222
CA Centre, ord. no 122/Civ. du 14 mars 2008, aff. Bebena Pauline c/ Tsafack Joseph et autres,
inédit.
1223
C.S. arrêt no 171/L du 27 août 1968, préc., (note 1211).
1224
CCJA, Ass. Plen., arrêt no 46/2014, 23 avr. 2014, aff. BCB et consorts c/ La société AIT
International Ltd, Rec. CCJA, Tome 1, 2014, p. 210 et s.
482
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28. Le débiteur peut aussi faire arrêter les effets de la saisie en sollicitant
directement la mainlevée, au cas où elle est matériellement disproportionnée au
regard du montant de la créance à recouvrer. Telle est d’ailleurs l’option choisie
dans la quasi-totalité des cas de jurisprudence recensés. Il en ressort par ailleurs
qu’en cas de disproportion résultant d’une pluralité de saisies des créances, la
mainlevée peut viser toutes les saisies autorisées simultanément dans la même
ordonnance1228, ou si les saisies sont successives, seulement celles pratiquées
postérieurement à la première saisie couvrant largement la créance cause de la
saisie1229. L’on peut transposer ces solutions aux cas des saisies portant sur les
meubles ou les immeubles. Toutefois, les délais dans lesquels le débiteur doit
agir ne sont pas les mêmes. En matière de saisie des biens meubles corporels ou
1225
En vertu de l’article 143 alinéa 2 AUPSRVE, « Lorsque l’insaisissabilité est invoquée par le
débiteur, la procédure doit être introduite dans le délai d’un mois à compter de la signification de
l’acte de saisie ».
1226
Aux termes de l’art. 146 AUPSRVE, la demande en nullité ne suspend pas les opérations de
saisie, à moins que la juridiction n’en dispose autrement.
1227
En ce sens, CCJA, 1re ch., arrêt no 60/2005 du 22 déc. 2005.
1228
CA Pointe-Noire, arrêt no 017, 23 nov. 2007, préc., (note 1188).
1229
CCJA, arrêts no 027/2004 et no 028/2004 du 15 juill. 2004, préc., (note 1189).
483
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incorporels, la mainlevée doit être demandée avant la vente des biens saisis1230.
En cas de saisie immobilière, elle doit être formulée dans les dires et observations
sur lesquels la juridiction compétente devra se prononcer au cours de l’audience
éventuelle. Au cas où il s’agit d’une saisie-attribution des créances, la demande
de mainlevée n’est recevable que si elle est introduite dans un délai d’un mois à
compter de la dénonciation de la saisie au débiteur1231. Si la saisie dont la
mainlevée est demandée porte sur des droits d’associés ou valeurs mobilières,
le débiteur devra consigner une somme suffisante pour désintéresser le
créancier1232. Au lieu de demander l’anéantissement de la saisie, le débiteur peut
solliciter son cantonnement.
2. Le cantonnement de la saisie
1230
La mainlevée ne peut plus être ordonnée si la vente des objets saisis a déjà eu lieu, v. en ce
sens TPI-Douala Ndokoti, ord. no 110/CE, 19 avr. 2007, aff. Sté First oil Cameroun c/ SONARA,
ohadata J-07-201.
1231
TPI-Yaoundé centre administratif, ord. no 443/C, 14 août 2008, aff. Sté Togolo Odile c/ Touna
Mama et consorts, ohadata J-09-216.
1232
Art. 239 AUPSRVE.
1233
CA Dakar, arrêt no 44, 19 janv. 2001, aff. Moulin Sentenac c/ Mohamed Hawili et Zen Fawaz,
ohadata J-06-55.
484
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1234
CA Littoral, arrêt no 184/ref., 27 oct. 2008, la SGBC SA c/ Sté SGTE Sarl, ohadata J-10-269.
1235
CCJA, arrêt no 27/2006, 16 nov. 2006, aff. Me Kaudjhis-Offoumou c/ La SOPIM, Rec. CCJA no
8/2006, p. 60 ; Le Juris-Ohada no 1/2007, p. 23 ; ohadata J-08-103.
1236
CA Centre, arrêt no 142/Civ., 16 mars 2012, aff. Sté Afrique construction Sarl c/ Mbougueng
N. claude et Consorts, ohadata J-13-09.
1237
V. art. 164 al. 3 AUPSRVE.
1238
V. art. 164 al. 5 AUPSRVE.
485
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toutes les fois que leur valeur globale apparait disproportionnée par rapport au
montant des créances à récupérer. Le caractère disproportionné de la mesure
expose également ceux qui en sont à l’origine à certaines sanctions.
31. Ceux qui interviennent dans les saisies en excédant les limites de leurs
prérogatives au préjudice du débiteur, peuvent voir leur responsabilité engagée
en vue de la réparation (1) ou de leur condamnation sur le plan pénal (2).
32. Les responsabilités ayant pour finalité la réparation du préjudice subi par
le débiteur du fait de la méconnaissance du principe de proportionnalité sont de
nature civile et administrative.
1239
V. CCJA, arrêt no 92/2015 du 23 juill. 2015, aff. Zamacom SA c/ Brou Assaoure, Rec. CCJA,
Tome 2, 2015, p. 34 et s. La solution trouve sa justification dans le fait que L’huissier agit, dans
l’exécution, en qualité de mandataire du créancier.
1240
V. supra, nos 10 et 11.
1241
V. supra, no 18.
1242
V. supra, nos 21 à 23.
1243
TGI Ouagadougou, jugement no 303, 14 avril 1999, aff. Iboudo Ambroise c/ Vandamme
Raphael, ohadata J-02-47, obs. J. Issa-Sayegh.
486
Horizons du droit - Bulletin n°28, 2021
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34. Sur le plan procédural, l’on peut s’interroger sur l’identité de la juridiction
devant laquelle doit être mise en œuvre cette responsabilité. Plus précisément,
le juge de l’exécution ou si l’on veut du contentieux de l’exécution1248, peut-il
connaitre des actions en responsabilité civile ? Dans l’espace OHADA, la question
mérite d’autant plus d’être posée que l’article 49 AUPSRVE ne définit pas les
compétences de ce juge avec beaucoup de précision1249. En effet, ce texte
1244
Cass. soc., 23 mai 1950, Gaz. pal. 1950.2.133 ;
1245
Lire N. Ndiaye, « L’intérêt des parties dans l’abus d’exercice des voies de droit », Revue
générale de droit, vol. 45, no 1, 2015, pp. 7-46.
1246
Doit alors être débouté, le débiteur qui se contente d’affirmer que son créancier a pratiqué
plusieurs saisies, sans démontrer le caractère surabondant de la valeur de l’ensemble des biens
saisis. En ce sens, CA Abidjan, ch. civ. et com., arrêt no 354, 20 nov. 2010, Sté Finamark c/ Mme
A. et autres, Le Juris-Ohada no 03/2011, juill.-sept. 2011, p. 12, ohadata J-12-153.
1247
G. Cornu, Droit civil : Introduction - les personnes - les biens, 8e éd., Montchrestien, Paris,
1997, p. 192, no 518.
1248
G.-A. Likillimba, « Le juge du contentieux de l’exécution en droit de l’OHADA », BDE 2017, no
2, pp. 1-23.
1249
À la différence de la France où l’art. L 213-6 C.O.J. attribue expressément compétence au
juge de l’exécution pour connaitre « des demandes en réparation fondées sur l’exécution ou
487
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énonce de manière laconique qu’il est compétent pour « (…) statuer sur tout litige
ou toute demande relative à une mesure d’exécution forcée ou à une saisie
conservatoire (…) ». C’est en application de ces dispositions que saisi d’une
demande en dommages-intérêts, un juge du contentieux de l’exécution a décidé
qu’il « ne saurait connaitre de cette demande, car ne ressortant pas de sa
compétence »1250. Dans cette affaire, les biens d’une société avaient été saisis
alors que le débiteur visé dans le titre exécutoire était plutôt l’un de ses associés.
En plus de la mainlevée, la société ainsi saisie par erreur avait sollicité du juge du
contentieux la réparation du préjudice subi. Sur cette dernière demande, le juge
s’était déclaré incompétent, au motif qu’elle ne ressort pas de sa compétence
telle que définie par la loi. Cette solution est critiquable du point de vue de la
lettre comme de l’esprit de la loi. En effet, la généralité des termes de l’article 49
AUPSRVE n’autorise pas à penser que le législateur OHADA a entendu exclure la
réparation des dommages subis dans le cadre de l’exécution forcée de la
compétence du juge du contentieux de l’exécution. De plus, la position du juge
met à mal l’objectif d’unification et de centralisation du contentieux de l’exécution
recherché par le législateur, puisqu’elle aboutit plutôt à une dispersion de ce
contentieux. Au bénéfice de ces considérations, le juge du contentieux de
l’exécution, en instance comme en appel, devrait pouvoir retenir sa compétence
pour les actions en responsabilité résultant de l’exécution forcée, sauf le cas de
l’action exercée pour exécution fautive par le créancier contre l’huissier qu’il a
mandaté. Le pourvoi dans ce domaine, qui ne peut porter que sur l’appréciation
des conditions de la responsabilité et jamais sur la contestation du montant de
la réparation, se fera devant la Cour suprême de chaque État-partie, puisque à
chaque fois qu’elle est saisie, la CCJA se déclare, à raison, incompétente au motif
488
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qu’« une telle action est exclusivement fondée sur les dispositions du droit
interne »1251.
1251
CCJA, arrêt no 92/2015 du 23 juill. 2015, aff. Zamacom SA c/ Brou Assaoure, préc., (note
1239) ; CCJA, 2e ch., arrêt no 200/201, 23 nov. 2017, aff. Orabank Mali SA c/ École du progrès,
disponible sur www.guilaw.com.
1252
J. B. Auby, « L’exécution avec le concours de la puissance publique », art. préc., no 43-44 ; N.
Casal, « Concours de la force publique », art. préc., no 32.
1253
CE, 16 oct. 1987, Dame Tribier, Rec. CE 1987, p. 316 ; Gaz. Pal. 1988, 1, pan. dr. adm., p. 131
1254
J. B. Auby, « L’exécution avec le concours de la puissance publique », art. préc., no 43-44.
1255
CE, 3 juin 1959, Dame Veuve Sablayrolles, Rec. CE 1959, p. 425, concl. Jouvin.
1256
C. Keutcha Tchapnga, Précis de contentieux administratif au Cameroun : aspects de
l’évolution récente, l’Harmattan, Paris, 2013, p. 150 et s.
489
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V. TPI Dschang, jugement no 414 du 13 juillet 2010, Penant no 875, avr.-juin 2011, p. 267 et s.,
1257
obs. R. Assontsa. En l’espèce, il s’agissait d’un huissier de justice qui a exécuté une décision
d’expulsion, malgré l’ordre d’arrêter résultant de la notification du certificat de dépôt de la requête
aux fins de défense à exécution.
490
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1258
L. Lauzière, « La responsabilité civile des huissiers de justice », Rev. du notariat, 101 (2),
pp. 207-227, spéc. p. 225.
1259
Cf. supra, no 32.
1260
Art. 102 C. Civ.
1261
Cass. crim., 24 juin 1893, D. 1895, 1, 407.
1262
Cass. crim., 26 févr. 1963, Bull. crim. 92 ; Cass. crim., 4 janv. 1977, R.S.C. 1983, 670 ; Cass.
crim., 24 avr. 1985, R.S.C. 1986, 103.
1263
CA Paris, 17 mars 1986, Gaz. Pal., Rec. 1986, jur. p. 429.
1264
Cass. crim., 7 févr. 1994, 8 févr. 1994, Dr. pénal, no 129.
491
Horizons du droit - Bulletin n°28, 2021
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1265
À cet égard, la formule du législateur français est plus adéquate. L’article 432-8 CP français
évoque le fait de « (…) s’introduire ou de tenter de s’introduire dans le domicile d’autrui contre le
gré de celui-ci hors les cas prévus par la loi ».
1266
Dans ce sens, lire M.-H. Renaut, « L’huissier de justice face au droit pénal », Gaz. Pal., no 285,
2002, p. 3 et s., spéc., no 25.
1267
Idem, no 24.
1268
Alinéa 2 de l’art. 299 NCP.
1269
M. D. Podio Tchatchoua et O. Fandjip, « Les voies d’exécution en droit OHADA à l’épreuve des
droits de l’homme : le cas du débiteur », art. préc., p. 121.
492
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diligenter1270. Du fait de cette solidarité de corps, il semble que les victimes d’abus
à caractère infractionnel commis à l’occasion de l’exécution forcée aient peu de
chances de voir leur action pénale aboutir. S’il est vrai que l’inquiétude est réelle,
il ne faut pas pour autant l’exagérer. En effet, la crainte des sanctions multiples
prévues par le texte organisant leur profession1271 est de nature à dissuader les
huissiers de justice de refuser d’instrumenter, même pour protéger un confrère.
D’ailleurs, l’on a vu qu’il existe des procédures dont l’instruction a abouti la
condamnation d’un huissier de justice1272. S’agissant des agents de la force
publique contre qui une plainte déposée serait restée sans suite du fait de l’inertie
de leurs collègues, cet obstacle peut être contourné par la saisine directe de
leurs supérieurs hiérarchiques que sont le procureur de la République et le
commissaire du gouvernement.
40. En définitive, il est fort probable que le débiteur saisi soit celui qui tire le
plus grand intérêt de l’application du principe de proportionnalité qui innerve les
voies d’exécution. La justification est que dans le cadre de ces procédures, il
occupe la position de partie faible. En tant que telle, il est plus exposé aux abus
du créancier qui, usant de la force pour recouvrer son dû, n’a très souvent que
peu d’égards pour lui. Ainsi, plus que le créancier, le débiteur est très souvent
amené à invoquer le principe de proportionnalité afin d’obtenir la préservation de
ses intérêts. Véritable rempart contre les abus, ce principe est présent dans
toutes les procédures de recouvrement forcé, qu’elles soient conservatoires ou
à fin d’exécution. Il induit un ensemble d’exigences qui s’imposent dès leur
entame et se prolongent tout au long de la procédure jusqu’à la vente du bien
saisi, le cas échéant. Les unes procèdent du souci de protéger les biens du
débiteur : la valeur du bien saisi ne doit pas être disproportionnée par rapport au
montant de la créance réclamée, les conditions de la vente aux enchères du bien
1270
Ibid.
1271
Il s’agit au Cameroun du décret no 79/448 du 05 novembre 1979, modifié par le décret
no 85/238 du 22 février 1985 portant statut des huissiers.
1272
V. par ex. TPI Dschang, jugement no 414 du 13 juillet 2010, préc. (note 1257).
493
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saisi doivent avoir une certaine corrélation avec sa valeur vénale. D’autres
tendent plutôt à préserver sa personne : le trouble à sa vie privée justifié par la
saisie doit être mesuré, de même qu’en cas de résistance de sa part, il doit être
fait usage de la force publique avec modération, afin d’éviter d’attenter
gravement à son intégrité physique. Dans tous les cas, il s’agit de s’assurer que
les moyens utilisés par le créancier ne dépassent pas déraisonnablement ce qui
est nécessaire pour atteindre le but poursuivi, à savoir le recouvrement de son
dû.
494
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en droit OHADA
____________________
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Résumé
1273
V. Yondo black (L..) et Tienmfoltien traore (A.), « Les enjeux de la réforme de l’AUSCGIE »,
Droit et Patrimoine, n°239, septembre 2014, p. 48 ; Yondo Black (L.), « Les enjeux de la réforme
de l’AUS », in Le nouvel acte uniforme portant organisation des sûretés. La réforme du droit des
sûretés de l’OHADA, s/d de P. Crocq, Collection Axe Droit, Lamy 2012, p. 18 ; Sossa (D. C.),
« Avant-propos », in Modernisation de l’Acte uniforme sur les procédures collectives, Dossier
spécial, Droit et Patrimoine n°253, décembre 2015, 30.
1274
Au jour d’aujourd’hui, l’OHADA (Organisation pour l’harmonisation en Afrique du droit des
affaires) compte dix-sept Etats membres : le Bénin, le Burkina Faso, le Cameroun, la République
Centrafricaine, le Congo, les Comores, la Côte d’Ivoire, le Gabon, la Guinée, la Guinée-Bissau, la
496
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titulaire contre les risques d’insolvabilité de son débiteur. Or, l’ouverture d’une
procédure collective réalise justement le risque contre lequel le créancier a
entendu se prémunir1280. Dès lors, on peut considérer d’une part le droit des
procédures collectives comme le laboratoire par excellence de jaugeage de
l’efficacité des sûretés1281, d’autre part le droit des sûretés comme un satellite1282
du droit des procédures collectives. L'efficacité d'une sûreté se mesure en
grande partie à l'aune de sa résistance face à une procédure collective1283.
entreprises », Rev. proc. coll., n°6, novembre 2009, dossier 17, p. 60 et s. ; v. le Numéro spécial
portant sur Les sûretés réelles et le droit des entreprises en difficulté, LPA 11-février 2011, n°30 ;
Dossier spécial sur Les Sûretés et procédures collectives par Ph. Roussel Galle, Cahiers de droit
de l’entreprise n°4, Juillet 2009, dossier 19. En droit OHADA, v. notamment l’auteur de ces lignes,
Les privilèges dans les procédures collectives : Réflexions à partir des droits OHADA et français
des entreprises en difficultés, Thèse, Université de Ngaoundéré-Cameroun 2017, 622p. ; « Le
sort des sûretés personnelles dans l’avant-projet de réforme de l’Acte uniforme portant
organisation des procédures collectives du 10 avril 1998 », Rev. dr. banc. et fin n°5, Septembre-
Octobre 2015, Etudes 17, pp. 30-35 ; Banque et droit n°164, Novembre-Décembre 2015, pp. 12-
19 ; « Les clairs obscurs du régime de faveur des créances postérieures en droit OHADA des
procédures collectives : Réflexions à la lumière du droit français des entreprises en difficulté »,
RRJ 2014-2, p. 895 ; Penant n°890, Janvier-Mars 2015, p. 71 ; Soupgui (E.), Les sûretés
conventionnelles à l’épreuve des procédures collectives dans l’espace OHADA, Thèse de
doctorat/Ph. d., Université de Yaoundé II- Soa, 2007-2008, 408p. ; « La protection du créancier
réservataire contre les difficultés des entreprises dans l’espace juridique OHADA », Penant n°
870, Janvier-Mars 2010, Spécial Procédures collectives, p. 66 ; Rev. proc. coll. n°5, Septembre
2009, étude 28 ; Mawunyo Agbenoto (K.), Le cautionnement à l’épreuve des procédures
collectives, Thèse en cotutelle, Université Du Maine, Le Mans-France et Université de Lomé-
Togo 2008, 454p. ; Levoa Awono (S. P.), « La poursuite de la caution d’une entreprise en difficulté
en droit OHADA », Banque et Droit n°144, Juillet-Août 2012, pp. 6-14.
1280
Le professeur Minkoa She, parlant des liens très forts qu’entretient le droit des sûretés avec
le droit des affaires en général et celui des procédures collectives en particulier, relève à juste
titre que le risque de non-paiement de la créance que la sûreté a précisément pour objet d’éviter,
est plus grand en cas de procédures collectives ; v. Minkoa She (A.), Droit des Sûretés et des
Garanties du crédit dans l’espace OHADA, Les Garanties Réelles, Dianoïa, Diffusion PUF, Tome
2, p. 7.
1281
En ce sens, Simler (Ph.), Delebecque (ph.), « Droit des sûretés », Chron., JCP G, n°46, nov.
2005, p. 2104. Le professeur Delebecque avait affirmé lors d’une intervention (« Sûretés réelles
et procédures collectives », Droit et Patrimoine op. cit., p. 49) que : « On ne peut parler du régime
des sûretés sans évoquer le droit des procédures collectives. C’est même l’ouverture d’une
procédure de ce type qui permet d’éprouver l’efficacité de telle ou telle sûreté … ».
1282
Le Corre (P. M.), « Les incidences de la réforme du droit des sûretés sur les créanciers
confrontés aux procédures collectives », JCP, E, n°6, 08 février 2007, 1185.
1283
Gout (O.), « Les sûretés face aux procédures collectives », JCP N, n°40, octobre 2012, 1339,
sp. n°1.
498
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1284
Pour tout éclaircissement sur le nouvel Acte uniforme relatif au droit des sûretés, v. Dossier
spécial : Bientôt un nouveau droit des sûretés dans l’OHADA, Droit et Patrimoine n°197, novembre
2010, p. 46 et s. ; Crocq (P.) (dir.), Le nouvel acte uniforme portant organisation des sûretés. La
réforme du droit des sûretés de l’OHADA, Collection Axe Droit, Lamy 2012.
1285
En ce sens, Crocq (P.), « Les grandes orientations du projet de réforme de l’Acte uniforme
portant organisation des sûretés », Droit et Patrimoine n°197, novembre 2010, p. 52.
1286
Pour toute étude sur la réforme de l’Acte uniforme portant organisation des procédures
collectives d’apurement du passif (AUPC) intervenue le 10 septembre 2015, v. Dossier spécial,
Modernisation de l’Acte uniforme sur les procédures collectives, Droit et Patrimoine n°253,
décembre 2015, 29 ; L’auteur de ces lignes, « Regard sur les innovations introduites par la
réforme du 10 septembre 2015 dans les procédures collectives de l’OHADA », Revue congolaise
de droit et des affaires, n°22, octobre-novembre-décembre 2015, p. 4 ; le même article a été
respectivement publié à la RRJ 2015-4, p. 1842 et Penant n°897, octobre-décembre 2016, p.
499
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449 ; Berard (P. Y.), « DROIT DE L’OHADA-PROCEDURES COLLECTIVES, Le nouvel Acte uniforme
portant organisation des procédures collectives d’apurement du passif », Banque, Avril 2016,
n°795, p. 75 ; Les différentes contributions du colloque international sur La réforme des
procédures collectives d’apurement du passif OHADA : Approche comparée Droit français et
Droit OHADA des 5 et 6 octobre 2016, Cité des sciences et de l’industrie à Paris, sous le
parrainage de l’Ersuma-OHADA et de Planet-plutonic, 57p.
1287
Sossa (D. C.), « Avant-propos », in Modernisation de l’Acte uniforme sur les procédures
collectives, Dossier spécial, Droit et Patrimoine n°253, décembre 2015, 30.
500
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Modernisation de l’Acte uniforme sur les procédures collectives, Dossier spécial, Droit et
Patrimoine n°253, décembre 2015, 62.
1289
V. Saint-alary-houin (C.), Préface de la thèse de Marie Helene Monserie, Les contrats dans le
redressement et la liquidation judiciaires des entreprises, Litec, 1994 ; aussi Montredon (J. F.),
« La théorie générale du contrat à l’épreuve du nouveau droit des procédures collectives », JCP
E, 15156, 1988, p. 269 et s.
1290
Modi koko bebey (H. D.), « La force obligatoire du contrat à l’épreuve du droit des procédures
collectives de l’OHADA », in L’obligation, Etudes offertes au Professeur Paul-gerard pougoue,
Harmattan Cameroun 2015, p. 490.
501
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civil. Le droit des sûretés s’avère être une de ces disciplines qui subit les assauts
répétés du droit des procédures collectives.
La lecture des trois cent soixante-dix-huit (378) dispositions de l’AUPC révisé1291
laisse plutôt apparaitre une subordination des sûretés aux procédures
collectives. L’ouverture d’une procédure collective qu’elle soit préventive ou
curative réduit ou anéantit l’efficacité des sûretés. Celles-ci sont, soit
neutralisées, soit évincées. Le droit des procédures collectives impose ses choix.
Plus grave, elles sont instrumentalisées dans le but de favoriser la sauvegarde
de l’entreprise en difficulté1292. Le cautionnement qui est défini à l’article 13 de
l’AUS révisé comme un contrat par lequel la caution s’engage, envers le créancier
qui accepte, à exécuter une obligation présente ou future contractée par le
débiteur, si celui-ci n’y satisfait pas lui-même n’échappe pas à cette politique.
Son traitement dans les procédures collectives est à géométrie variable.
L’efficacité de cette sûreté est neutralisée tant qu’il existe des chances de sauver
l’entreprise et prend fin au contraire, dès lors que l’on bascule dans une
procédure liquidative, essentiellement consacrée au paiement des créanciers.
Dans cette étude, seules les procédures qui poursuivent le redressement de
l’entreprise vont nous intéresser. Ainsi, il sera envisagé d’une part le
cautionnement dans les procédures préventives (I) ; d’autre part le
cautionnement dans la procédure de redressement judiciaire (II).
1291
Le contenu de cet important texte a 120 nouvelles dispositions, ce qui porte le nombre total
de celles-ci à 378, contrairement à l’AUPC du 10 avril 1998, qui comportait 258 dispositions.
Toutes les dispositions nouvelles sont matérialisées par les tirets (par exemple : article 1-1, 1-2
et 1-3, 3-1 et 3-2, 4-1 à 4-23, 5-1 à 5-14 etc.).
1292
En ce sens, v. notre article « Le sort des sûretés personnelles dans l’avant-projet de réforme
de l’Acte uniforme portant organisation des procédures collectives du 10 avril 1998 », Banque et
droit op. cit., p. 14 ; Crocq (P.), « Des créanciers et des contractants mieux protégés », in
Modernisation de l’Acte uniforme sur les procédures collectives, Dossier spécial, Droit et
Patrimoine op. cit., p. 63.
502
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OHADA
1293
Lucas (F. X.), « Aperçu de la réforme du droit des entreprises en difficulté par la loi de
sauvegarde des entreprises du 26 juillet 2005 », BJS, novembre 2005, n°11, p. 1181.
1294
Dans ce droit, les débiteurs, déjà en cessation des paiements depuis moins de quarante-cinq
(45) jours peuvent bénéficier de la procédure de conciliation, v. Article 611- 4 du Code de
Commerce.
503
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PREVENTIVES
Cependant, il est permis de penser que la prévision dans l’AUPC révisé de ces procédures
1295
n’exclut guère la possibilité de recours à d’autres mécanismes utilisés par la pratique à l’instar
des moratoires, des concordats amiables, des reports d’échéance, les délais de grâce, les prêts
obligataires et bancaires, les interventions étatiques…
504
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1296
En ce sens, v. AKONO ADAM (R.), « Regard sur les innovations introduites par la réforme du
10 septembre 2015 dans les procédures collectives de l’OHADA », Revue congolaise de droit et
des affaires, n°22, octobre-novembre-décembre 2015, p. 4 ; le même article a été publié à la RRJ
2015-4, p. 1842
1297
Pour toute étude sur la Procédure de conciliation applicable en droit français des entreprises
en difficulté, v. GALLE ROUSSEL (Ph.), « La conciliation », Droit et Proc. 2005, 260 ; GALLE
ROUSSEL (Ph.) et PEROCHON (F.), « Le mandat ad hoc et la conciliation », Gaz. Pal., 03 janvier
2015, n°3, p. 4 ; GALLE ROUSSEL (Ph.) et LE MARCHAND (P.), « La prévention.-Du mandat ad
hoc et de la conciliation aux sauvegardes accélérées et « prepack » cession », CDE, n°1, janvier
2015, dossier 2 ; THEVENOT (Chr.), « Mandat ad hoc et conciliation : de nouveaux outils pour une
meilleure prévention », LPA, 17 février 2006, n°35, p. 14 ; MACORIG-VENIER (F.), « Du règlement
amiable à la conciliation », Rev. proc. coll. 2005, p. 352 ; MACORIG-VENIER (F.) et CAVIGLIOLI,
« Le point sur la conciliation », in Pratique, contentieux et réforme de la loi de sauvegarde, Rev.
proc. coll., avril-mai-juin 2008. 78 ; RAVENNE (S.), « La résolution de l’accord de conciliation »,
Rev. proc. coll., novembre-décembre 2009, étude 30 ; SAINT-ALARY-HOUIN (C.), « La procédure
de conciliation », Rev. proc. coll. 2006, p. 169.
1298
Rapp. J. J. HYEST, n°335, p. 100.
505
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1299
En ce sens, JACQUEMONT (A.), « La future procédure de conciliation : une attractivité
nouvelle pour l’entreprise en difficulté et ses créanciers », Rev. proc. coll., 2004. 290.
1300
MACORIG-VENIER (F.) et CAVIGLIOLI, « Le point sur la conciliation », in Pratique, contentieux
et réforme de la loi de sauvegarde, Rev. proc. coll., op. cit., n°2 ; FOMBEUR, « Discours aux
Entretiens de la sauvegarde », 28 janvier 2008, LPA 12 février 2008, n°31, p. 3.
1301
Le débiteur, personne physique - chef d’entreprise, ou, pour la personne morale, le
représentant légal de celle-ci.
506
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1302
Il est prévu à l’article 8-1 de l’AUPC révisé que le débiteur ou tout créancier peut demander,
à tout moment, au président de la juridiction compétente le remplacement de l’expert au
règlement préventif qui tombe sous le coup de l’une des incompatibilités prévues aux articles 4-
4 et 4-5 de l’AUPC révisé. L’article 5-4 de l’AUPC révisé aurait pu être mis en cohérence avec
celui 8-1.
507
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1303
Selon la logique de l’AUPC révisé, les conciliateurs n’ont pas besoin d’être nécessairement
des syndics ou des experts au règlement préventif. Cette fonction peut être exercée par tout
professionnel, qui répond aux conditions légales exigées.
1304
D’après l’article 1-3 de l’AUPC révisé, qui définit les concepts-clé du droit des procédures
collectives OHADA, on entend par mandataire judiciaire : l’expert au règlement préventif et le
syndic de redressement judiciaire ou de liquidation des biens ; sur cette question, v. FENEON
(A.), « Des mandataires judiciaires mieux encadrés, pour une procédure plus efficace », in
Modernisation de l’Acte uniforme sur les procédures collectives, Dossier spécial, Droit et
Patrimoine n°253, décembre 2015, 65.
1305
« … Le conciliateur doit avoir le plein exercice de ses droits civils, justifier de sa compétence
professionnelle et demeurer indépendant et impartial vis à-vis des parties concernées par la
conciliation. En particulier, il ne doit pas avoir perçu, à quelque titre que ce soit, directement ou
indirectement, une rémunération ou un paiement de la part du débiteur intéressé, de tout
créancier du débiteur ou d’une personne qui en détient le contrôle ou est contrôlée par lui, au
cours des vingt-quatre (24) mois précédant la décision d’ouverture. Aucun parent ou allié du
débiteur, jusqu’au quatrième degré inclusivement, ne peut être désigné en qualité de conciliateur.
Il en va de même pour tout magistrat en fonction ou ayant quitté ses fonctions depuis moins de
cinq (5) ans… ».
508
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1306
En ce sens, SAWADOGO (F. M.), « Les procédures de prévention dans l’AUPC révisé : La
conciliation et le Règlement préventif », in Modernisation de l’Acte uniforme sur les procédures
collectives, op. cit., p. 35.
1307
En ce sens, ROUSSEL GALLE (Ph.), « Les débiteurs dans l’AUPC révisé : La modernisation du
droit de l’insolvabilité dans la continuité », in Modernisation de l’Acte uniforme sur les procédures
collectives, Dossier spécial, Droit et Patrimoine n°253, Décembre 2015, 56.
509
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510
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511
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1967 et celle du règlement amiable issue de la loi du 1er mars 1984 relative à la
prévention et au règlement amiable des difficultés des entreprises1308. Mais, à la
vérité, le règlement préventif était plus proche de la procédure de suspension
provisoire des poursuites de l’ordonnance du 23 septembre 1967 que de la loi du
1er mars 19841309. Bien que préventive, c’est une procédure judiciaire, dont
l’ouverture emporte suspension des poursuites individuelles, interdiction de
paiement des créances antérieures et dessaisissement partiel du débiteur. Pour
la rendre davantage efficace et attractive, cette procédure a vu son régime
juridique amélioré par la réforme du 10 septembre 20151310. Nonobstant son
amélioration, le règlement préventif reste une procédure, qui conjugue à la fois
l’approche judiciaire et contractuelle de résolution des difficultés des entreprises
débitrices. On peut, toutes proportions gardées, sur certains points l’assimiler à
la procédure de sauvegarde de droit français. C’est une procédure volontariste
et libérale, parce que son ouverture est laissée à l’initiative du débiteur, mais, elle
apparaît dirigiste lors de son déroulement. Contrairement à la procédure de
conciliation, elle est judiciaire et publique. Sa décision d’ouverture et de clôture
doivent faire l’objet de publicité. La décision d’ouverture du règlement préventif
emporte suspension des poursuites individuelles. La réforme de l’AUPC fait
désormais de l’ouverture du règlement préventif un préalable à la suspension des
1308
En ce sens, v. SAWADOGO (F. M.), OHADA, Droit des entreprises en difficulté, Bruylant,
Bruxelles, 2002, p. 56, n°65.
1309
ROUSSEL GALLE (Ph.), « OHADA et difficultés des entreprises, Etude critique des conditions
et effets de l’ouverture de la procédure de règlement préventif », RJ com., février-mars 2001,
n°3.
1310
Pour toute étude sur la réforme de l’Acte uniforme portant organisation des procédures
collectives d’apurement du passif (AUPC) intervenue le 10 septembre 2015, v. Dossier spécial,
Modernisation de l’Acte uniforme sur les procédures collectives, Droit et Patrimoine n°253,
décembre 2015, 29 ; AKONO ADAM (R.), « Regard sur les innovations introduites par la réforme
du 10 septembre 2015 dans les procédures collectives de l’OHADA », Revue congolaise de droit
et des affaires, n°22, octobre-novembre-décembre 2015, p. 4 ; le même article a été publié à la
RRJ 2015-4, p. 1842 ; BERARD (P. Y.), « DROIT DE L’OHADA-PROCEDURES COLLECTIVES, Le
nouvel Acte uniforme portant organisation des procédures collectives d’apurement du passif »,
Banque, Avril 2016, n°795, p. 75.
512
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513
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Sous l’empire de l’AUPC originel du 10 avril 1998, il était possible pour les
créanciers de réaliser le cautionnement nonobstant que le débiteur soit soumis
à une procédure collective. Certains1313 ont pu à cet effet soutenir la thèse de
l’altération du caractère accessoire du cautionnement, parce que les cautions ne
bénéficiaient guère des avantages accordés au débiteur en difficulté. Le
législateur OHADA des procédures collectives du 10 avril 1998 semble avoir
1311
Sawadogo (F. M.), OHADA, Droit des entreprises en difficulté, Bruylant, Bruxelles, Unida,
Juriscope, 2002, p. 68.
1312
Kom(J), Droit des entreprises en difficulté OHADA, PUA , 2013, p. 136
1313
Mawunyo agbenoto (K.), Le cautionnement à l’épreuve des procédures collectives, Thèse en
cotutelle, Université Du Maine, Le Mans-France et Université de Lomé-Togo 2008, p. 24.
515
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1314
En ce sens, Levoa Awono (S. P.), « La poursuite de la caution d’une entreprise en difficulté en
droit OHADA », Banque et Droit op. cit., p. 7.
1315
Selon le professeur Ph. Roussel Galle, il y aurait une différence sémantique entre le terme
« sauvegarde », qui met l’accent sur la protection, sauvegarder, c’est protéger, c’est mettre sous
la protection, on ne peut sauvegarder qu’une personne fragile qui mérite protection ; alors que
« redresser » c’est remettre en bon ordre, corriger, il ne s’agit plus simplement de protéger, mais
aussi de sanctionner (v. Roussel galle (Ph.), Réforme du droit des entreprises en difficulté, De la
théorie à la pratique, préf. D. Tricot, Litec 2ème édition 2007, p. 132, n° 260). Dans le même sillage,
l’AUPC révisé emploie le terme de « sauvegarde » lorsqu’il fait allusion aux procédures
préventives (conciliation et règlement préventif) et celui de « sauvetage » dans la définition du
redressement judiciaire.
516
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1316
Pour ce qui est de l’instrumentalisation des sûretés en droit français, v. Lucas (F. X.),
« L’efficacité des sûretés réelles et les difficultés des entreprises », op. cit., n°6.
1317
En ce sens, v. Nemedeu (R.), « Le principe d’égalité des créanciers : vers une double mutation
conceptuelle » (Etude à la lumière du droit français et Ohada des entreprises en difficulté) », RTD
com. n° 2, 2008, p. 241.
517
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conciliation
On s’étonne de ce que le législateur OHADA du 10 septembre 2015 n’ait pas modifié l’intitulé
1318
de l’AUPC. L’introduction des procédures amiables de traitement précoce des difficultés des
entreprises en droit OHADA aurait pu s’accommoder de l’intitulé : « Acte uniforme portant
prévention des difficultés des entreprises et procédures collectives d’apurement du passif » que
518
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de celui actuel « Acte uniforme portant organisation des procédures collectives d’apurement du
passif ». Le législateur OHADA, semble avoir une conception large de la notion de « procédures
collectives ». Une approche qui, au demeurant, n’emporte pas entière conviction. Si l’on peut
admettre, à la rigueur, le règlement préventif comme une procédure collective, il en est autrement
des procédures de médiation et de conciliation. Mais, ce qui reste vrai est que le législateur du
10 septembre 2015 n’a pas voulu bousculer les habitudes, les praticiens et autres usagers de
l’AUPC étaient déjà habitués avec l’actuel intitulé.
519
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par les créanciers ou les garants de la dette d’autrui contre le débiteur auraient
pour effet de rendre l’exécution de l’accord impossible.
règlement préventif
1319
Pour plus d’éclaircissements, v. l’auteur de ces lignes « Regards sur les innovations introduites
dans la réforme OHADA des procédures collectives du 10 septembre 2015 », RRJ 2015-4, p. 1862
et Penant n°897, octobre-décembre 2016, pp. 470-471
520
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1320
CROCQ (P.), « Des créanciers et des contractants mieux protégés », in Modernisation de
l’Acte uniforme sur les procédures collectives, Dossier spécial, Droit et Patrimoine, op. cit., p. 64 ;
AKONO ADAM (R.), « Le sort des sûretés personnelles dans l’avant-projet de réforme de l’Acte
uniforme portant organisation des procédures collectives du 10 avril 1998 », RD bancaire et fin.
op. cit., p. 3, le même article a été publié à la Revue Banque et Droit, op.cit., p. 12. AKONO ADAM
(R.), « Regard sur les innovations introduites par la réforme du 10 septembre 2015 dans les
procédures collectives de l’OHADA », Revue congolaise de droit des affaires, op. cit. , p. 12, note
n° 44 ; le même article a été publié à la RRJ 2015-4, p. 1842.
521
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JUDICIAIRE
Le redressement judiciaire est défini à l’article 2 de l’AUPC révisé comme une
procédure collective destinée au sauvetage de l’entreprise débitrice en cessation
des paiements mais dont la situation n’est pas irrémédiablement compromise, et
à l’apurement de son passif au moyen d’un concordat de redressement. Cette
procédure est ouverte à tout débiteur en état de cessation des paiements. La
cessation des paiements est définie dans le nouvel AUPC comme l’état où le
débiteur se trouve dans l’impossibilité de faire face à son passif exigible avec son
actif disponible, à l’exclusion des situations où les réserves de crédit ou les délais
de paiement dont le débiteur bénéficie de la part de ses créanciers lui permettent
de faire face à son passif exigible. Le débiteur en cessation des paiements est
tenu de faire une déclaration aux fins d’obtenir l’ouverture du redressement
judiciaire1321.
1321
V. Article 25 de l’AUPC révisé.
522
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REDRESSEMENT JUDICIAIRE
redressement judiciaire
523
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-L’article 17(1) de l’AUS, qui dispose que : « le cautionnement ne peut exister que
si l’obligation principale est valablement constituée ». Ainsi, si la créance
principale est nulle ou éteinte, la caution ne sera pas tenue.
-L'article 17(3) AUS, qui énonce que « le cautionnement ne peut excéder ce qui
est dû par le débiteur au moment des poursuites, ni être contracté sous des
conditions plus onéreuses ».
524
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redressement judiciaire
525
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1322
V. L’auteur de ces lignes Simo Kamgang (C. G.), « Le cautionnement dans l’Acte uniforme
révisé portant organisation des procédures collectives d’apurement du passif de l’OHADA »,
Mémoire Master Recherches, Université de Ngaoundéré 2016, 98p.
1323
Acte uniforme sur les procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution.
526
Horizons du droit - Bulletin n°28, 2021
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nécessaires à l’obtention d’un titre exécutoire dans le mois qui suit la mesure
conservatoire lorsqu’elle a été pratiquée sans un titre exécutoire. Il est judicieux
d’admettre face à cette interrogation que le créancier qui a pris une mesure
conservatoire peut obtenir un titre exécutoire, mais sa mise en œuvre est
suspendue à compter du jugement d’ouverture du redressement judiciaire et
durant 1'exécution du concordat. C’est dire que le créancier doit attendre le
terme du concordat de redressement judiciaire ou en demander la résolution
pour mettre en œuvre le titre exécutoire1324.
Le dernier alinéa de l’article 77 de l’AUPC révisé étend l’arrêt du cours des intérêts
aux personnes physiques garantes de la dette d’autrui aussi bien dans la
procédure de redressement judiciaire que celle de la liquidation des biens. Les
créanciers titulaires de sûretés personnelles verront la substance de leurs
créances diminuée à cause de cette règle. Autant on peut comprendre
l’élargissement de la règle de l’arrêt du cours des intérêts aux personnes
physiques garantes de la dette d’autrui dans le redressement judiciaire, autant
on s’interroge sur les raisons1325 qui ont conduit le législateur OHADA à l’étendre
dans la liquidation des biens. On peut regretter avec une doctrine autorisée1326
1324
En droit français s’agissant du plan de sauvegarde, v. Com., 27 mai 2014, n° 13-18.018, Bull.
civ. IV, n° 94 ; D. 2014. 1197, obs. A. Lienhard ; Act. proc. coll. 2014, n° 188, obs. P. Cagnoli ; JCP
E 2014, obs. 1447, n° 2, obs. Ph. Pétel ; RD banc. fin. 2014, n° 133, obs. A. Cerles ; Gaz. Pal. 5-7
oct. 2014, p. 42, obs. E. Le Corre-Broly ; Rev. proc. coll. 2014, n° 160, obs. J.-J. Fraimout ; Bull.
Joly Entr. 2014. 294, note Fl. Reille ; Dr. et patr. nov. 2014, p. 97, obs. P. Crocq ; Dr. proc. avr.
2015, cah. sp., n° 28, p. 8, obs. ph. Roussel Galle ; adde, auparavant et durant la période
d'observation d'un redressement judiciaire, Com., 24 mai 2005, n° 00-19.721, Bull. civ. IV, n° 116
; D. 2005. 2078, obs. P. Crocq ; ibid. 1632, obs. A. Lienhard ; JCP 2005, I, 174, n° 5, obs. Ph. Pétel.
D’autres arrêts rendus ultérieurement par la Cour de cassation confirment la jurisprudence selon
laquelle le créancier qui a pris une mesure conservatoire peut obtenir un titre exécutoire, mais
précisent que sa mise en œuvre est suspendue tant que le plan est respecté, v. Com. 2 juin 2015
n°14-10.673, D. 2015. 1270, obs. A. Lienhard ; Ibid. 1975, obs. P. M. Le corre ; Ibid. 2210, chron.
F. Arbellot; Rev. soc. 2015. 548, obs. Ph. Roussel Galle; RTD com. 2015. 752, obs. A. Martin-Serf;
Act. proc. coll. 2015, n° 176, obs. J. Vallansan; Banque et droit juillet-août 2015. 79, obs. N.
Rontchevsky ; adde Com. 1er mars 2016, n°14-20.553, arrêt n°190 F-P+B, D. 2016.598 ; RTD com.
2016.330, obs. A. Martin-Serf ; Rev. soc. 2016. 398, obs. Ph. Roussel Galle.
1325
Peut-être c’est le caractère accessoire du cautionnement qui pourrait justifier pareille
extension.
1326
Crocq (P.), « Des créanciers et des contractants mieux protégés », in Modernisation de l’Acte
uniforme sur les procédures collectives, Dossier spécial, Droit et Patrimoine, op. cit., p. 64.
527
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Cass. com., 17 juillet 1990, Bull. civ. IV, nos 214 et 215 ; 23 octobre 1990, Bull. civ. IV, no 244 ;
1327
30 mars 1993, Bull. civ. IV, no 124 ; 3 décembre 1996, Bull. civ. IV, no 296.
528
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Le défaut de production des créances était sanctionné par leur extinction. Cette
sanction était jugée excessive, sévère et inique pour les créanciers. La réforme
de l’AUPC le 10 septembre 2015 visait aussi à améliorer la condition des
créanciers dans les procédures collectives. Certains obstacles auxquels ils
faisaient souvent face ont été levés. En posant à l’article 83 de l’AUPC révisé,
que les créanciers qui n'ont pas produit dans les délais légaux et qui n’ont pas
été relevés de forclusion ne sont pas admis dans les répartitions et les
dividendes, le législateur a franchi un pas décisif. Il est permis dès lors de
considérer qu’un créancier, qui n’a pas produit dans les délais et conditions
légaux, ne pourra bénéficier des droits attachés à l’admission de la créance. Il ne
pourra prétendre à des répartitions résultant de la vente des biens en phase
liquidative, ni même au versement des dividendes du concordat de redressement
judiciaire. Sa créance, faute d’être produite est réputée ne pas exister à l’égard
de la procédure collective. Certes, la créance est inexistante pendant le temps
de la procédure collective, mais elle ne disparaîtra plus. Au cours de la procédure
collective curative (redressement judiciaire et liquidation des biens) et durant
l’exécution du concordat, le créancier non déclarant est invisible et transparent,
mais celui-ci sera autorisé, après la clôture de la procédure, la créance n’étant
plus éteinte, à poursuivre le recouvrement de sa créance contre le débiteur.
Même durant l’exécution du concordat de redressement judiciaire, il est exclu de
la procédure collective, il ne pourra bénéficier d’aucun paiement. Contrairement
à l’ordonnance française du 18 décembre 2008, qui, subordonne la reprise des
poursuites individuelles du créancier forclos à l’échec du plan, la réforme du 10
septembre 2015 ne vise pas cette hypothèse. Nul besoin, dès lors, de chercher
à savoir en droit OHADA, si le concordat a été bien exécuté ou pas, pour que le
droit de poursuite individuelle des créanciers puisse être restauré. L’exégèse du
529
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1328
ROUSSEL GALLE (Ph.), « La déclaration de créances et les sûretés réelles », Colloque Sûretés
réelles et le droit des entreprises en difficulté, Nice, 20 mars 2010, LPA 11 février 2011, n°30, p.
37 et s., sp. p. 39, n°16.
1329
En ce sens, s’agissant du droit français, LE CORRE (P. M.), Droit et Pratique des procédures
collectives, 2015/2016, p. 2012, n°665.76 ; aussi, « Le débiteur et la créance non déclarée à sa
procédure collective : questions-réponses », Gaz. pal., op. cit., n°5.
1330
En ce sens aussi, ROUSSEL GALLE (Ph.), « La déclaration de créances et les sûretés réelles »,
op. cit., n°16.
530
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1331
ROUSSEL GALLE (Ph.), « La déclaration de créances et les sûretés réelles », op. cit. , n°23.
1332
La jurisprudence française, sous l’empire du droit des entreprises en difficulté postérieur à la
loi du 26 juillet 2005 est en faveur de cette solution, v. Com., 12 juill. 2011, n° 09-71.113, D. 2011.
1894, obs. A. Lienhard ; RTD. com. 2011. 625, obs. D. Legeais ; RD banc. fin. sept.-oct. 2011. 37,
obs. A. Cerles ; Banque et droit, n° 139, sept.-oct. 2011. 42 s., obs. F. Jacob ; JCP G 2011, note
901, N. Dissaux ; RTD civ. 2011, p. 782, obs. P. Crocq.
1333
V. Notre article précité, « Le sort des sûretés personnelles dans l’avant-projet de réforme de
l’Acte uniforme portant organisation des procédures collectives du 10 avril 1998 », RD bancaire
et fin. 2015, Etude 17, p. 34, n°18.
531
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1334
Crocq (P.), « Le droit des procédures collectives et le caractère accessoire du
cautionnement », Mélanges Ph. Malaurie, Défrénois 2005, p. 175, n° 11.
1335
En faveur de l’interprétation large de l’article 2314 du Code civil, v. Pérochon (Fr.), Entreprises
en difficulté, LGDJ, coll. Manuels, 2012, 9e éd., n° 1389.
532
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1336
V. Crocq (P.), obs. sous com., 12 juillet 2011, op. cit., p. 782.
1337
Cass. com. 19 févr. 2013, n° 11-28.423, D. 2013. 565, obs. A. Lienhard ; Gaz. Pal. 20-21 mars
2013. 20, obs. M.-P. Dumont-Lefrand ; LEDC 2 avr. 2013, n° 4, p. 2, obs. N. Leblond ; RLDC avr.
2013. 34, obs. G. Marraud des Grottes ; JCP E 2013. 1216, n° 7, obs. Ph. Pétel ; Dr. et proc. avr.
2013 ; JCP 2013. 585, n° 9, obs. Ph. Simler ; Bull. Jol. Entr. en diff., 01-mai 2013, n°3, p. 15, obs.,
L. Le Mesle ; RTD civ. 2013, p. 416, obs. P. Crocq.
533
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du droit OHADA
à l’épreuve de la Covid-19
____________________
534
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Résumé
535
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1338
V. par exemple, la nature juridique des communiqués : P. MAMBO, « Les actes du Conseil de
sécurité de Côte d’Ivoire relatifs à la Covid-19 : petite chronique d’une curiosité juridique », Le
Nemro, avril-juin 2020, p. 245 et s ; et plus généralement : J. DJEUYA TCHUPOU, « La lutte contre
le coronavirus (Covid-19) au Cameroun : recherches sur les fondements juridiques de la stratégie
gouvernementale de risposte face à la pandémie », ibid., p. 300
1339
G. F. ONDOUA AKOA, « La liberté d’aller et venir à l’épreuve du Covid-19 », Le Nemro, num.
préc., p. 447.
1340
J.-L. GILLET, « De l'inconfort du droit en période de pandémie », Les Cahiers de la Justice
2020/2 (N° 2), pages 157 à 160.
536
Horizons du droit - Bulletin n°28, 2021
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1341
Antérieurement qualifié de « bail commercial » dans la première version de l’Acte uniforme
portant sur le Droit commercial général du 17 avril 1997, une extension de ce statut a conduit à
un changement de qualification lors de la révision de ce texte intervenue le 15 décembre 2010.
Sur le du bail à usage professionnel, lire : A. FOKO, « Bail commercial (Bail à usage professionnel)
», in P.-G. POUGOUE (dir.), Encyclopédie du droit : OHADA, éd. Lamy 2011 ; J. GATSI, Pratique
des baux commerciaux : dans l'espace OHADA, PU Libres, coll. « Droit des affaires », 2e éd.,
2008 ; P.-G. POUGOUE et A. FOKO, Le statut du commerçant dans l’espace OHADA, PUA, 2005;
J. NGUEBOU, Le droit commercial général dans l’acte uniforme OHADA, Coll. Droit uniforme, PUA,
1998.
1342
Cf. article 134 AUDCG.
1343
M. DOUGOUNE, « L'encadrement du bail commercial, les hésitations entre protectionnisme
et libéralisme : Étude comparative France, USA, Canada, Ohada », Jurifis Infos n° 13 - Nov/Déc.
2013, p. 16 et s.
537
Horizons du droit - Bulletin n°28, 2021
Revue de l'Association Française des Docteurs en Droit
1344
Pour des approches semblables, v. notamment, L. GRYNBAUM, Le contrat contingent,
L’adptation du contrat par le juge sur habilitation du législateur, préf. M. Gobert, LGDJ, coll.
« BDP », 2004 ; et déjà S. DARMAISAIN, Le contrat moral, préf. B. TEYSSIE, LGDJ, coll. « BDP »,
2000.
1345
Pour une analyse similaire en droit OHADA, S. E. DARANKOUM, « La pérennité du lien
contractuel dans la vente commerciale Ohada », Penant, n° 853, p. 500.
1346
P.-G.POUGOUE et A.FOKO, Le statut du commerçant dans l’espace OHADA, PUA, 2005, p.
115 et s ; et en droit comparé : B. SAINTOURENS, « Le bail commercial des non commerçants, in
Les activités et les biens de l ’entreprise, Mélanges offerts à Jean Derrupé, Litec, 1991, pp.93 et
s
538
Horizons du droit - Bulletin n°28, 2021
Revue de l'Association Française des Docteurs en Droit
1347
Sur la tendance à la pérennisation du lien contractuel en doctrine, cf. P. DURAND La tendance
à la stabilité du rapport contractuel, LGDJ, 1960 ; J. MESTRE, « De la pérennité du lien contractuel
», RTD civ. 1986. 105 ; A.-S. LAVEFVE-LABORDERIE, La pérennité contractuelle, Bibl. de dr. privé,
t. 447, LGDJ ; A. ETIENNEY, La durée de la prestation, Essai sur le temps dans l’obligation, Bibl.
de dr. privé, t. 475, LGDJ
539
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Revue de l'Association Française des Docteurs en Droit
1348
les éléments à prendre en compte dans la fixation judiciaire du loyer en droit francais au cas
de renouvellement trienal du bail
540
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1349
J. DERRUPE, La nature juridique du droit du preneur à bail et la distinction des droits réels et
des droits de créance, thèse Toulouse, 1952 ; « Souvenir et retour sur le droit réel du locataire »,
Mélanges L. Boyer, Toulouse 1996, p. 169 et s.
1350
T. LAKSSIMI, La summa divisio des droits réels et des droits personnels, Dalloz, coll. « NBT »,
2016 ; et déjà, S. GINOSSAR, Droit réel, Propriete et Creance. Elaboration d'un système rationnel
des droits patrimoneaux, LGDJ, 1960
1351
V. art. 109 AUDCG
1352
V. art. 110 AUDCG
1353
Cf. article 118 et 122 AUDCG
1354
Ph. MALAURIE, L. AYNES, P.-Y. GAUTIER, Les contrats spéciaux, 8e éd., Défrenois, 2016, n°
621
541
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1355
V. aussi sur le sort du contrat en cas de procédure collective, J.-C. NGNINTEDEM, « Le bail
commercial à l’aune du droit OHADA des entreprises en difficulté », Uniform Law Review, Vol. 14,
Issue 1-2, Janv.-Avr. 2009, pp. 181–213
1356
Article 104 alinéa 1
1357
V. par exemple L 145-4, al. 1 du code de commerce français qui fixe la durée minimale du bail
commercial à 9 ans
542
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1358
Article 104, alinéa 2
1359
Article 125 alinéa 1
543
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1360
Comparer avec le régime de la résolution du contrat de vente commerciale qui suppose un
manquement essentiel, cf. article 259 (1) AUDCG
1361
Article 123, alinéa 2 AUDCG
544
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1362
Contra, Arrêt CCJA n° 1205 du 29 nov. 2002, OHADATA J- 03-07, « La notification d’un congé
au preneur équivaut à un refus de renouvellement du bail de la part du bailleur » (solution
criticable).
1363
P.-G. POUGOUE, « Présentation générale du système OHADA », in A. AKAM AKAM (Dir.), Les
mutations juridiques dans le système OHADA, L’Harmattan, 2009, n° 5, p. 13
545
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1364
J. HEINICH, « L’incidence de l’épidémie de corona virus sur les contrats d’affaires : la force
majeure à l’imprévision », D. 2020, chron. 611.
1365
M. MEKKI, « De l’urgence à l’imprévu du Covid-19 : quelle boîte à outils contractuels ? », AJ
Contrat 2020, 164, spéc., p. 170.
1366
Comp. avec l’article 1218 du code civil français
1367
Si la découverte du premier coronavirus humain (HCoV) par les chercheurs britanniques David
Tyrrell et Malcolm Bynoe remonte à 1965 en revanche, la forme actuelle à la propagation aussi
rapide et facile e aux effets aussi létaux sont d’apparition récente.
546
Horizons du droit - Bulletin n°28, 2021
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1368
V. notamment les mesures 3, 4 et 6 de la Déclaration spéciale du Premier Ministre, Chef du
gouvernement du 17 mars 2020.
1369
v. entre autres, Com. 28 avr. 1998, D. 1999.469, note B. M. et F. L ; Civ. 1re, 6 nov. 2002, Bull.
civ. I, n° 258 ; RTD civ. 2003.301, obs. P. Jourdain. Adde Civ. 1re, 10 févr. 1998, Bull. civ. I, n° 53 ;
D. 1998.539, note D. Mazeaud ; RTD civ. 1998.689, obs. P. Jourdain et 674, obs. J. Mestre ; JCP
1998.II.10124, note G. Paisant ; JCP 1998.I.185, n° 16, obs. G. Viney ; Contrats, conc. consom.
1998, n° 70, note L. Leveneur
547
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difficile ou très onéreuse pour son débiteur. Or, s’il est toujours possible de
prendre des mesures appropriées pour pallier la difficulté, les obligations de
faire, à l’instar de l’obligation de délivrance du bailleur restent exigibles.
Réciproquement, l’obligation principale dont est tenu le preneur, à savoir le
paiement du loyer, ne s’éteint pas ipso facto en raison des difficultés financières
auxquelles il peut être confronté. Il n’existe, pour ainsi dire, « pas de force
majeure financière »1370, car cette cause d’extinction du contrat ne se conçoit pas
pour les obligations de payer1371. Plus généralement, le fait que le contrat ne
présente plus d’intérêt pour une partie ne constitue pas en soi un cas de force
majeure, du moment que son exécution est encore matériellement possible. On
songe notamment à un preneur dans un bail professionnel empêché d’exploiter
son fonds de commerce ou de mener son activité du fait d’une maladie1372. Cet
exemple amène à analyser d’ailleurs la condition d’extériorité.
La force majeure suppose enfin que l’événement échappe au contrôle du
débiteur de l’obligation, qu’il ne soit pas son fait ni celui des personnes dont il
répond. Les mesures prises par le gouvernement visant à restreindre les activités
professionnelles ont indiscutablement ce caractère. Ces décisions de la
puissance publique peuvent recevoir la qualification de « fait du prince ». Quant
à la maladie elle-même, elle un fait qui ne dépend pas en principe de la volonté
de celui qui en est atteint. Pour autant, certains arrêts ont retenu cette
qualification1373, même si la jurisprudence n’est pas systématique à cet égard1374.
C’est donc au cas par cas qu’est apprécié le caractère extérieur de la maladie et
surtout l’incidence qu’elle peut avoir sur l’exécution de chaque obligation, d’après
1370
A. BENABENT, op. cit., n° 350, p. 286.
1371
V. en dernier lieu, Com. 16 sept. 2014, D. 2014. 2214, note J. François, RDC 2015.21, obs.
Laithier. Il convient peut-être de distinguer à ce niveau l’obligation de payer, dont l’objet n’est pas
impossible, et le fait matériel de payer qui peut être empêché temporairement en raison de
l’hospitalisation du débiteur atteint de la Covid-19.
1372
Rappr. de Com., 23 janv. 1968, JCP 1968. III. 15422 (obligation de payer le prix d’un fonds de
commerce en dépit de la maladie ou de l’accident de l’acquéreur l’empêchant de l’exploiter).
1373
Ass. plén., 14 avr. 2006, no 02-11.168, Bull. Ass. plén., n° 5 ; D. 2006. 1577, obs. I. Gallmeister,
note P. Jourdain ; RTD civ. 2006. 775, obs. P. Jourdain ; RTD com. 2006. 904, obs. B. Bouloc.
1374
Civ. 3e , 19 sept. 2019, n° 18-18.921, AJDI 2019. 819 ; JCP N 2020. 24, obs. S. Piédelièvre.
548
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sa nature. L’impact de la maladie ne sera donc pas le même selon qu’elle touchera
le preneur, tenu d’une obligation de donner – le paiement du loyer – ou d’une
obligation de faire – exploiter le local. Le juge devra également distinguer selon
que cette obligation de faire implique ou pas une exécution personnelle.
En tout état de cause, il ne suffit pas d’établir ces conditions, d’ailleurs
difficiles à réunir cumulativement dans le contexte de la Covid-19, pour que le
lien contractuel soit nécessairement rompu. Il convient en outre, dans
l’appréciation de la réunion de ces conditions, de prendre en considération la
structure des contrats en cause, notamment le moment de leur conclusion (avant
ou après la covid) ou leur contenu (existence ou non d’une clause de force
majeure). La tendance sera dès lors à admettre la suspension du contrat plutôt
que son extinction.
549
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1375
v. pa ex. Civ. 1re, 24 févr. 1981, Bull. civ., I, n° 65 ; D 1982.479, note Martin
1376
Civ. 3e, 17 oct. 1968, JCP 1968, IV. 179.
550
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1377
C. BOISMAIN, Les contrats relationels, préf. M. Fabre-Magnan, PUAM 2005.
1378
Equiibre des forces et horizontalité de la relation
1379
Restriction des buts individuels en vue du développement de buts profitables à toutes les
parties
551
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1. La révision du loyer
1380
Article 116 alinéa 1 AUDCG
1381
Vocabulaire juridique, v° indexation
552
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née pour pallier la difficulté à fixer la valeur locative des locaux dans les centres
commerciaux1382, mais son application dans les baux professionnels peut s’avérer
utile dans un contexte de restrictions de certaines activités professionnelles. Il
est évident que certaines mesures prises par le gouvernement et visant à limiter
l’exploitation de certains commerces ont inévitablement eu un impact sur le
chiffre d’affaires et sur les recettes des preneurs, rendant l’obligation de payer le
loyer plus onéreux pour ceux-ci. Un grand profit aurait alors pu être tiré de la
rédaction de clauses-recettes, soit qu’elles prévoient un loyer calculé
exclusivement sur un pourcentage du chiffre d’affaires, soit qu’elles associent le
chiffre d’affaires et un élément fixe évoluant en fonction d’un indice1383. Peu
importe le mode de calcul retenu, les parties, le cas échéant, n’ont pas besoin
d’une nouvelle négociation pour faire évoluer le montant du loyer.
Une telle négociation est en revanche nécessaire lorsque, n’ayant pas
prévu une révision automatique du loyer, les parties usent de leur faculté de
refaire d’un commun accord ce que leur volonté commune a initialement fait. Le
droit de réviser le loyer s’inscrit dans une périodicité qui limite toute tentative de
révision intempestive. Ainsi, c’est à l’occasion de chaque renouvellement qu’il est
loisible aux parties d’ajuster le loyer. Concrètement, ce sont les contrats dont
l’échéance de renouvellement arrivait pendant cette période de crise sanitaire
qui donne l’occasion à cette modalité de flexibilité de la relation contractuelle de
se manifester1384.
Le point de savoir si le juge dispose du pouvoir de réviser le loyer en raison
d’une crise sanitaire est quant à lui moins évident, même s’il n’est pas
inenvisageable. D’une manière générale, le juge n’est pas désarmé lorsqu’il
entend réviser le loyer d’un bail à usage professionnel. En effet, le loyer peut voir
son montant réduit à la baisse par le juge lorsqu’il ne correspond plus à une
1382
B.H. DUMORTIER, « Le loyer binaire entre liberté contractuelle et soumission au statut », AJDI
2017 p. 817 ; et déjà, B. BOCCARA, JCP CI 1980. II. 13210 ; id., JCP 1985. I. 3187 ; B. Boussageon,
AJPI 1992. 198 ; C. Hortus, ibid. 1985. 519 ;
1383
Cette modalité prend la qualification de loyer binaire proprement dit.
1384
Sur le refus opposé par une partie, cf. exigence de bonne foi du droit commun (cf. B)
553
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Si le fait est fautif, la résiliation est une solution envisageable, à défaut le preneur est dispensé
1385
de payer les loyers, cette obligation se trouvent sans cause (Civ. 3, 21 déc. 1987, Bull. civ. III, n°
212.
554
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2. La déspécialisation spéciale
1386
Civ., 27 avr. 1948 ; JCP 1948, II, 4594.
1387
G. CORNU (Dir.), Vocabulaire juridique, 11e éd. PUF 2016, v° Déspécialisation.
555
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Ainsi, l’adjonction d’activités autres que celles que le preneur avait prévu
de mener est relativement simple. Il lui suffit, en effet, d’aviser le bailleur dudit
projet. S’il est exigé que cette notification soit expresse, en revanche dans le
cadre de la déspécialisation simple elle n’est soumise à aucune forme
particulière. Sous ce regard, l’adaptabilité du bail à usage professionnel en droit
OHADA apparaît nettement supérieure à celle des baux ayant le même objet dans
d’autres contextes juridiques. En droit français, par exemple, le locataire
souhaitant exercer une activité connexe à celle autorisée par le contrat doit
formuler une demande au bailleur par acte d’huissier ou par lettre recommandée
et doit attendre l’écoulement d’un délai de deux mois avant d’y procéder, si le
bailleur ne s’y oppose pas dans ce laps de temps1388.
Il reste néanmoins qu’ici, comme là-bas, l’on exige que les activités devant
être adjointes soient connexes ou complémentaires et relèvent d’un même
domaine que celui envisagé lors de la conclusion du bail. En droit français les
tribunaux ont déjà été appelées à se prononcer sur le caractère connexe ou
complémentaire de certaines activités adjointes. Ainsi, de l’activité de vente des
produits de PMU dans un café-bar1389, de la vente d’apéritifs et de liqueurs dans
une alimentation1390, de l’ouverture d’un bar musical nocturne dans une bar-
restaurant1391, ou de l’adjonction des activités de bowling adjointes à celles de
bar, restaurant, dancings cabaret1392. Nul doute que telles combinaisons soient
admises dans le cas où les preneurs souhaiteraient procéder à une
déspécialisation partielle dans le contexte de la pandémie de Covid-19 afin de
pallier le manque à gagner provoqué par les restrictions imposées par la maladie
elle-même et par les mesures gouvernementales prises pour y faire face.
Quant au changement d’activités, si le preneur doit au préalable obtenir un
accord exprès du bailleur, là encore l’absence de formalisme de la notification
1388
Cf. Article L. 145-47 du code de commerce
1389
CA Aix-en-Provence, 13 nov. 1997 : JurisData n° 1997-045492
1390
CA Paris, 29 nov. 1957 : Ann. loyers 1958, p. 594.
1391
CA Toulouse, 13 avr. 2011, n° 09/00899 : JurisData n° 2011-009347.
1392
CA Versailles, 12e ch., 2e sect., 5 mars 2009, n° 07-00883 : RJDA déc. 2010, n° 1137.
556
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557
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1393
Pour une illustration : CCJA, Arrêt n° 054/2008 du 11 déc. 2008, aff. Roche Jean Germain C/
Maître Tidou Sanogo Ladji, Docteur Djoman Ezan Angèle, Recueil de jurisprudence CCJA n° 12,
juillet-décembre 2008, p. 129 ; CA Abidjan, Arrêt n° 350, Mlle Aka Belinda C/La Societe Ivoirienne
de Promotion de Supermarche dite Prosuma, Ohada-J-03-278.
1394
La résilaition du bail, quant à elle, ne peut être sollicitée qu’en cas de destruction totale du
local.
558
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1722 du code civil est dès lors invocable au cas de trouble de jouissance subi par
le preneur et résultant du fait de décisions prises par la puissance publique.
Il faut néanmoins que ce trouble ne soit pas inhérent à l’immeuble, ni
imputable au bailleur. Ces deux réserves permettent alors de distinguer ce
mécanisme, aussi bien de la force majeure, dont les conditions sont plus
rigoureuses et de la privation de jouissance due aux réparations urgentes
entreprises par le bailleur.
L’intérêt du recours à ce mécanisme du droit commun se révèle, comme
on le voit, sous deux aspects. D’abord, à travers la souplesse de sa mise en
œuvre et ensuite, à travers l’utilité pratique de l’article 1722 du code civil. Cette
disposition est de mise en œuvre relativement simple, dans la mesure où il est
nécessaire, mais il suffit, que le preneur, pour une cause qui échappe à son
pouvoir ou à celui du bailleur, ne puisse plus exploiter normalement l’activité
professionnelle prévue dans le contrat. L’impossibilité d’exécuter l’obligation de
délivrance pour le bailleur, nécessaire pour caractériser la force majeure, n’est
pas érigée en condition. Le juge doit se contenter du constat que le preneur ne
peut plus faire de la chose un usage conforme à sa destination.
Sur le plan pratique ensuite, l’utilité du mécanisme de l’article 1722 du code
civil consiste à permettre une adaptation du contrat en l’absence de mesures
spécialement prises pour répondre à la question du sort des loyers dans une
situation de pandémie. Certains Etats ont décidé de telles mesures, notamment
le report ou l’étalement des loyers, l’exonération des pénalités financières ou
intérêts de retard, des dommages et intérêts, d’astreinte d’exécution, de clauses
résolutoires, de clauses pénales1395, voire, comme au Gabon, la suspension
durant le temps de confinement des paiements de loyers des personnes sans
revenus et, corrélativement la prise en charge par l’Etat des pertes des petits
propriétaires liées à la suspension du paiement des loyers. D’autres Etats, à
l’instar du Cameroun ont adopté des mesures qui n’avaient qu’un impact incident
V. dans ce sens, l’ordonnance française n° 2020-316 du 25 mars 2020 : les mesures relatives
1395
559
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sur les loyers, laissant ainsi sauf tout l’intérêt du recours au mécanisme du droit
commun du bail, voire du droit commun des contrats.
1396
Ph. MALAURIE, L. AYNES, Ph. STOFFEL-MUNCK, Les obligations, n° 763. Expansion
confirmée par l’exigence de bonne foi comme principe général gouvernant le contrat, cf art. 1104
du code civil français.
1397
Cf. article 103 du code des obligations civiles et commerciales sénégalais : « Les conventions
obligent non seulement à ce qui est convenu, mais encore à toutes les suites que la loi, l’usage,
l’équité et la bonne foi donne à l’obligation d’après sa nature ».
1398
Com, 10 juill. 2007, D. 2007.2844, note P.-Y. Gautier , et 2839, note Ph. Stoffel-Munck ; adde
la chronique de jurisprudence de la Cour de cassation, p. 2764 et le panorama S. Amrani Mekki
et B. Fauvarque-Causson p. 2966 ; Dr et patr. 2007, n° 162, p. 94, obs. Ph. Stoffel-Munck
560
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1399
Article 127 AUDCG
1400
Article 133, alinéa 4 AUDCG.
1401
Com., 3 nov. 1992 : JCP G 1992, II, 22164, note G. Virassamy ; Defrénois 1993, art. 1377, note
J.-L. Aubert ; RTD civ. 1993, p. 124, obs. J. Mestre.
1402
Soc. 25 févr. 1992, n° 89-41.634, Bull. n° 122 (arrêt Expovit)
1403
Com., 24 nov. 1998, no 96-18357 ; 1998 IV n° 277 p. 232 : ne donne pas de base légale à sa
décision, au regard de l'obligation de loyauté régissant les rapports entre l'agent commercial et
le mandant, la cour d'appel qui a omis de rechercher si le mandant, sans mettre d'obstacles à la
représentation du mandataire, avait néanmoins pris des mesures concrètes pour lui permettre de
pratiquer des prix concurrentiels.
1404
Pour la distinction des contrats de situation, déterminants pour la vie de l'entreprise, son
niveau d'activité instruments d'une vassalité économique et des contrats d’occasion qui
correspondent à des opérations épisodiques ne mettant pas en jeu l'existence de l'entreprise, v.
561
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Revue de l'Association Française des Docteurs en Droit
M. Cabrillac, « Remarques sur la théorie générale des contrats et les créations récentes de la
pratique commerciale », in Mélanges G. Marty, Université des sciences sociales de Toulouse,
1978, p. 275 ; D. Mainguy, « Remarques sur les contrats de situation », in Mélanges M. Cabrillac,
Litec, 1999, p. 165 et s.
1405
V. en dernier lieu, A. R. AKONO, « Réflexions sur la théorie de l’imprévision en droit OHADA
des contrats », REMASJUPE, numéro spécial, Décembre 2019, n° 7, pp. 15-86
1406
CA Versailles, 12e ch., 12 déc. 2019, no 18/07183,
1407
v. M. MEKKI, « Réforme des contrats et des obligations : l’imprévision. Libres propos »,
JCP N 2017, n° 3, act. 155 ; D. HOUTCIEFF, « La révision pour imprévision résiste-t-elle au droit
des contrats spéciaux ? », Gaz. Pal., n°14 - page 36
562
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1408
Sur cette distinction, lire R. DEMOGUE, Les notios fondamentales du droit privé, Paris,
Rousseau 1911, spéc., p. 72 et s.
1409
Sur la distinction, v. P. ANCEL, « Force obligatoire et contenu obligationnel du contrat », RTD
civ.,1999, p.771
563
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ENTREPRISES EN DIFFICULTE
FACE A LA COVID-19
Université de Yaoundé II
____________________
564
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RESUME
565
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1410
Petit Larousse, 2015 ; Sur la définition, voire également : Bourdeaux G., « Bâle III et la
résilience du secteur bancaire », RDBF, n°2, mars 2012, dossier 15, pp. 201 et sv.
1411
Duvale R. et Vogel L., « Résilience économique aux chocs : le choix des politiques
structurelles », Revue économique de l’OCDE, 2008, n° 44.
1412
Carbonnier J., Flexible droit : Pour une sociologie du droit sans rigueur, LGDJ, Paris, 2001.
1413
Ripert G., Le déclin du droit : Etudes sur la législation contemporaine, LGDJ, Paris, 1998.
566
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1414
Farhi S., « Les fiducies : nouvelles alliées de la gestion sociétaire », Rencontres multicolores
autour du droit, Mélanges en l’honneur du Professeur Deen DIBRILA, Presses de l’Université
Toulouse I Capitole, p. 113.
1415
Arrêt Caquelard rendu par la Chambre des Requêtes de la Cour de Cassation française du 13
février 1894, confirmé par deux arrêts successifs du 23 mai et 31 octobre 2012.
1416
Fermeture des frontières ; confinement ; interdiction d’exercice de certaines activités,
suspension de la délivrance des visas ou du rassemblement de plus de 50 personnes ;
interdiction des audiences ; fermeture des débits de boisson, restaurants ; interdiction des
manifestations publiques etc.
567
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1417
OHADA : Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires, créée par le
Traité relatif à l’Harmonisation du Droit des Affaires, signé le 17 octobre 1993 à Port-Louis et
entré en vigueur le 18 septembre 1995, modifié et complété le 17 octobre 2008 par la Conférence
des Chefs d’Etat et de Gouvernement au Québec ; Issa Sayegh J., « Réflexions sur les raisons et
la manière d’observer le droit uniforme des affaires : l’exemple de l’OHADA », les horizons du droit
OHADA, Mélanges en l’honneur du Professeur Filiga Michel Sawadogo, CREDIJ, 2018, spéc. p.
461 et sv.
1418
Omgba Elong F-X., L’implication des établissements de crédit dans les difficultés des
entreprises en droit camerounais, Thèse de doctorat en droit, Université de Yaoundé II, 2020, p.
15.
1419
Baisse de la production.
1420
Baisse de la consommation du fait du confinement des individus, de la diminution des
transports et des voyages.
568
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1421
Atias Ch et Linotte D., « Le mythe de l’adaptation du droit au fait », D. 1977, chron. p. 251 et
s ; Du Pontavice E., « La part du droit dans la vie économique », RJ com. 1975, p. 213 ; Oppetit B.,
« Développement économique et développement juridique », Mélanges A. SAYAG, Litec, 1997, p.
71
1422
Gomez J. R., « Analyse critique de l’Avant-projet d’Acte uniforme portant organisation des
sûretés dans les Etats membres de l’OHADA », Penant, septembre-décembre 1997.
1423
Sur la question d’efficacité du droit OHADA, voire : Pougoué P.-G., « Les quatre piliers
cardinaux de la sagesse du droit OHADA », les horizons du droit OHADA, Mélanges en l’honneur
du Professeur Filiga Michel Sawadogo, CREDIJ, 2018, spéc. p. 397 et sv.
569
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1424
Koumba E.M., Droit de l’OHADA : prévenir les difficultés des entreprises, l’Harmattan, Paris,
2013 ; Sawadogo F. M., «Les procédures de prévention dans l’AUPC révisé : la conciliation et le
règlement préventif », Dr. et patr., décembre 2015, p.32 ; Karfo Sursikya T. S., Paiement des
créanciers, sauvetage de l’entreprise : étude comparative des législations OHADA et française
de sauvegarde judiciaire des entreprises en difficulté, Thèse de doctorat en droit privé,
Université de Toulouse I, 2014.
1425
Oba’a Akono R., « Prévention des difficultés de l’entreprise en droit OHADA : entre
transparence et confidentialité », 2019, Ohadata. D. 19-02.
570
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1426
Sunkam Kamdem A., « L’image fidèle de l’entreprise ou l’approche éthique du droit comptable
OHADA », Considérations éthiques dans le droit des affaires de l’OHADA, Coll. Droit et science
politique, 2020, Douala.
1427
En lisant les dispositions de l’article 10 alinéa 1er de l’Acte uniforme relatif au droit comptable,
il s’agit des principes de régularité (transparence, continuité de l’exploitation, permanence des
méthodes etc) et de sincérité comptables (la loyauté et la bonne foi en ce qui concerne les
obligations comptables dévolues au Chef d’entreprise, notamment une « évaluation correcte des
valeurs comptables et de réaliser une appréciation raisonnable des risques et dépréciation en
donnant la préférence à la traduction de la réalité de l’entreprise dans l’utilisation des espaces de
libre appréciation » : Sunkam Kamdem A., « L’image fidèle de l’entreprise ou l’approche éthique
du droit comptable OHADA », op. cit., pp. 77-78) ; Sur la question, voire également : Mouthieu
Njandeu M. A., « L’inscription du nouvel Acte uniforme relatif au droit comptable et à l’information
financière du 26 janvier 2017 dans la double dynamique d’attractivité et de modernisation », in le
Nemro, Revue trimestrielle de droit économique, avril/juillet 2018, p. 28.
1428
Article 10 alinéa 2 AUC
571
Horizons du droit - Bulletin n°28, 2021
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1429
Saint-Alary-Houin C., Droit des entreprises en difficulté, LGDJ, Paris, 2016.
1430
Kom J., Droit des entreprises en difficulté OHADA, prévention-traitement-sanction, PUA,
Yaoundé, 2013 ; Pougoué P.-G. et Kalieu Y., L’organisation des procédures collectives
d’apurement du passif, PUA, Yaoundé, 1999.
1431
Ibid.
572
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Mais l’information comptable devrait être complétée par l’alerte qui permet
d’identifier les origines des difficultés économique et financière de l’entreprise.
C’est pour éviter que la situation de l’entreprise ne devienne « irrémédiablement
compromise », que les personnes préoccupées de son sort peuvent alors alerter
les dirigeants sur les faits de nature à compromettre la continuité de
l’exploitation. Dans l’ensemble, l’alerte peut être déclenchée par le commissaire
aux comptes1432 et les associés1433, aussi bien dans les sociétés par actions que
dans les autres sociétés. Elle a alors pour finalité d’avertir les dirigeants à travers
des signaux d’alarme sur les risques sérieux de cessation d’exploitation et de
mise en redressement judiciaire et liquidation des biens de l’entreprise. Elle sert
de fondement à l’instauration d’un dialogue en entreprise aux fins de mettre un
terme précocement à la dégradation possible du fonctionnement normal de
l’entreprise.
En plus de l’information économique par l’alerte, de l’information comptable et
prévisionnelle, les instruments de prévention des difficultés de l’entreprise en
période de crise peuvent émaner des solutions extrajudiciaires négociées,
notamment les demandes de délais de paiement conventionnels, judiciaires ou
encore légales, la réduction des créances et de manière générale, la conclusion
d’un concordat amiable avec les principaux créanciers du débiteur. A l’évidence,
le concordat amiable est un accord consenti entre le débiteur et les créanciers
importants de celui-ci, qui ont admis par des négociations, à un report
d’échéances et à des abandons de créances1434. Ces mesures peuvent être
ajustées par des mesures de gestion de l’entreprise notamment, le remplacement
des dirigeants sociaux et les licenciements pour motif économique, lorsque la
situation de l’entreprise justifie leur caractère « urgent et indispensable »1435.
1432
Article 150 à 156-1 de l’acte uniforme du 30 janvier 2014 relatif au droit des sociétés
commerciales et du groupement d’intérêt économique (AUSCGIE)
1433
Article 157-158-1 AUDSGIE
1434
Cornu G., Vocabulaire juridique, PUF/quadrige, Paris, 2016, v° « Concordat amiable».
1435
Article 110 et 111 AUPCAP
573
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1436
Omgba Elong F-X., L’implication des établissements de crédit dans les difficultés des
entreprises en droit camerounais, op.cit, p. 5 : « L’entreprise incarnant la cellule de base de
l’économie et de la société, les préoccupations liées au maintien de son activité intéressent la
collectivité dans son ensemble. Le sauvetage d’une entreprise exige la participation de toutes les
personnes concernées par son activité. Les acteurs de la vie économique sont alors interpellés
dans leur unanimité, en particulier les partenaires des entreprises au premier rang desquels
viennent les établissements de crédit ».
1437
Article 5-11, 11-1 et 33-1 AUPCAP ; Sur la question, voire Akono Adam R., Les privilèges dans
les procédures collectives : Réflexions à partir des droits OHADA et français des entreprises en
difficulté, Thèse de doctorat en droit privé, Université de Ngaoundéré, 2016.
574
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1438
Kom J., Droit des entreprises en difficulté OHADA, prévention-traitement-sanction, op.cit., p.
110.
1439
Les gouvernements ont prévu des plans de soutien à l’économie et à la population : Il s’agit
du Sénégal, près de 1000 milliards de FCFA ; de la Côte d’ivoire, plus de 1750 milliards et du
Gabon, soit 250 milliards pour soutenir l’économie.
1440
Fermose J., « COVID 19 : l’aménagement des mesures fiscales au Cameroun », Revue Lexbase
Afrique-OHADA, 2020, n° 37 ; Mbissane N., « Aides d’Etats et COVID 19 », Bulletin ERSUMA de
pratique professionnelle, numéro spécial : Droit OHADA et COVID 19, 2ème série, n° 032, 2020 ;
Nemedeu R., « Le financement des entreprises et la crise sanitaire liée à la pandémie de la COVID
19 », Bulletin ERSUMA de pratique professionnelle, numéro spécial : Droit OHADA et COVID 19,
2ème série, n° 032, 2020.
1441
Fermose J., « COVID 19 : l’aménagement des mesures fiscales au Cameroun », op.cit., n° 37
1442
Ibid.
575
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1443
Ibid.
576
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à un règlement amiable d'un litige, d'un rapport conflictuel ou d'un désaccord (ci-
après le « différend ») découlant d'un rapport juridique, contractuel ou autre ou
lié à un tel rapport, impliquant des personnes physiques ou morales, y compris
des entités publiques ou des Etats ». Elle peut être mise en œuvre par les parties
(médiation conventionnelle), sur demande ou invitation d'une juridiction étatique
(médiation judiciaire), d'un tribunal arbitral ou d'une entité publique compétente.
En outre, la médiation peut être ad hoc ou institutionnelle1444. En droit des
procédures collectives OHADA, la médiation est une faculté offerte à toute
entreprise n’étant pas en cessation de paiement, selon les dispositions légales
de l’Etat partie concerné1445. Elle offre alors de larges opportunités aux
entreprises, en fonction de l’ampleur des difficultés, qui permet au médiateur de
résorber les contentieux y relatifs sur la base des techniques les plus
appropriées, au vu des circonstances du différend et des propositions en vue
du règlement de celui-ci1446. Un auteur relève, à juste titre que, « la médiation est
une option envisageable dans le cadre de la prévention des difficultés de
l’entreprise, qui peut être suivie d’un arbitrage et inversement »1447.
Par la procédure de conciliation, le débiteur qui voit poindre les difficultés de
son entreprise à l’horizon peut solliciter la conclusion d’un accord amiable avec
ses principaux créanciers, en vue de mettre fin à celles-ci1448. Les traits de
caractères spécifiques de la conciliation, notamment, la confidentialité, la
rapidité et la simplicité, constituent pour le débiteur diligent, un moyen
d’anticipation en amont de l’aggravation des difficultés de l’entreprise résultant
1444
Article 1er de l’Acte Uniforme relatif à la médiation (AUM).
1445
Article 1-2 de l’AUPCAP
1446
Article 7 de l’AUM
1447
Aziber Didot-Seid A., « Médiation et droit OHADA des procédures collectives », in Rencontres
multicolores autour du droit, Mélanges en l’honneur du Professeur Deen GIBRILA, Presses de
l’université de Toulouse I-capitole, 2021, p. 427.
1448
Kla M. J., « La procédure de conciliation, une solution de choix contre les difficultés de
l’entreprise dues à la COVID-19 », 2020, Ohadata, D-20-29 ; Toe S., « Brèves réflexions pour la
prévention des entreprises dans le contexte de la pandémie du COVID 19 », Bulletin ERSUMA de
pratique professionnelle, numéro spécial : Droit OHADA et COVID 19, 2ème série, n° 032, 2020.
577
Horizons du droit - Bulletin n°28, 2021
Revue de l'Association Française des Docteurs en Droit
1449
Tatsadong Tafenpa J. M. (2020), « La COVID-19 et la prévention des difficultés de l’entreprise
dans l’espace OHADA », Le Nemro, Revue trimestrielle de droit économique, 2020, p. 200.
1450
Article 2 de l’AUPCAP.
1451
Arrêt n°014/08, Kabore John Boureima, Siaby François et Kabore aimé c/ Henry Deckers et
Société Belcot Société générale du Burkina Faso, ohadata J-10-120
1452
Article 9 alinéa 1er AUPCAP.
578
Horizons du droit - Bulletin n°28, 2021
Revue de l'Association Française des Docteurs en Droit
ainsi que toutes les créances garanties par un privilège mobilier spécial, un gage,
un nantissement, une hypothèque, à l’exception des créances de salaires et
d’aliments.
Logiquement, ces mesures préventives devraient être ajustées par un
traitement efficace des entreprises en cessation des paiements pour permettre
une réelle résilience du droit des entreprises en difficulté aux effets de la COVID
19.
1453
Konate M. I., « Les procédures collectives, malades de coronavirus », Bulletin ERSUMA de
pratique professionnelle, numéro spécial : Droit OHADA et COVID 19, 2ème série, n° 032, 2020.
579
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Revue de l'Association Française des Docteurs en Droit
période de COVID 19
1454
Avis n° 001/2001/EP, www. Ohada. com, jurisprudence, Ohadata J-02-04)
1455
Article 12 du Traité de l’OHADA
1456
Montcho Agbassa E., « Brèves réflexions sur le temps dans l’Acte uniforme portant
procédures collectives », les horizons du droit OHADA, Mélanges en l’honneur du Professeur
Filiga Michel Sawadogo, CREDIJ, 2018, spéc. p. 879 et sv.
580
Horizons du droit - Bulletin n°28, 2021
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1457
30 jours
1458
Il doit être déposé au plus tard dans les 60 jours qui suivent la décision d’ouverture du
redressement judiciaire
1459
Les héritiers, les créanciers, les associés ou le Ministère public dans l’une de ses hypothèses
disposent d’un délai d’un an pour saisir la juridiction compétente.
1460
Article 39 AUPCAP
1461
Article 113 alinéa 2 AUPCAP
581
Horizons du droit - Bulletin n°28, 2021
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1462
Article 33 AUPCAP.
1463
Article 113 alinéa 2 AUPCAP
1464
Article 33 AUPCAP
1465
Article 13 AUPCAP
1466
Article 25 AUPCAP
582
Horizons du droit - Bulletin n°28, 2021
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1467
Nandjip Moneyang S., « La COVID 19 et la cessation des paiements », Le Nemro, Revue
Trimestrielle de droit économique, 2020, p. 182 (c’est nous qui soulignons).
1468
Articles 33 alinéa 5 ; 112 et 145-7 de l’AUPCAP
583
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1469
Article 33 alinéa 5 de l’AUPCAP
1470
Cornu G., Vocabulaire juridique, op.cit., V° « Concordat »
1471
Article 134 alinéa 1er AUPCAP
1472
Articles 21 et 138-1 AUPCAP
584
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Revue de l'Association Française des Docteurs en Droit
1473
Même si la théorie de l’imprévision semble être absente dans certaines législations de l’espace
OHADA, il n’en demeure pas moins que son admission en droit comparé français, en l’occurrence,
dans l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 est une source d’inspiration pour sa
consécration de lege feranda ; Sur la question, voire : Mboke A., « Imprévision, stabilisation et
révision des contrats extractifs », in Le droit minier africain : regards croisés, sous la direction du
Professeur Jean-Claude Ngnintedem et Alain Ondoua, Edition Institut Québécois des Affaires
Internationales, 2020, p. 100 et sv.
1474
Dans l’hypothèse où les parties auraient inclues une clause de force majeure dans les
contrats. Toutefois, cette clause ne doit pas être libellée de façon descriptive de peur d’introduire
une instabilité et des interprétations exclusives ou erronées : Abanda Amanya M. et Mboke A.,
« Contrats extractifs et COVID 19 dans l’espace OHADA », Le Nemro, Revue trimestrielle de droit
économique, dossier spécial « Covid 19 et le droit », partie 2, juillet-septembre 2020, p. 86.
585
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1475
CCJA, décision n° 054/2020/CCJA/PDT du 1er avril 2020 portant adoption de nouvelles
dispositions pour les audiences de la Cour commune de justice et d’arbitrage de l’OHADA,
www.ohada.com, 1er avril 2020
1476
Article 82 et suivants de l’Acte Uniforme du 15 décembre 2010 portant sur le Droit commercial
Général (AUDCG).
1477
Article 7 et suivants du Traité de l’OHADA du 17 octobre 2008
586
Horizons du droit - Bulletin n°28, 2021
Revue de l'Association Française des Docteurs en Droit
1478
Sakho A., « COVID 19 et intégration africaine : des difficultés à réglementer dans l’urgence »,
Bulletin ERSUMA de pratique professionnelle, numéro spécial : Droit OHADA et COVID 19, 2ème
série, 2020, n° 032.
1479
Article 4 du Traité de l’OHADA
1480
Bissaloue S., « L’informel et le droit OHADA », in les Horizons du droit OHADA, Mélanges en
l’honneur du Professeur Filiga Michel Sawadogo, CREDIJ, 2018, p. 847.
1481
Pougoue P.-G. et Kuate Tameghe S. S., L’entreprenant OHADA, PUA, Yaoundé, 2013.
587
Horizons du droit - Bulletin n°28, 2021
Revue de l'Association Française des Docteurs en Droit
CONCLUSION
588
Horizons du droit - Bulletin n°28, 2021
Revue de l'Association Française des Docteurs en Droit
589
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Revue de l'Association Française des Docteurs en Droit
____________________
1482
megoujocy@gmail.com
590
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Résumé
591
Horizons du droit - Bulletin n°28, 2021
Revue de l'Association Française des Docteurs en Droit
1483
GUINCHARD (S.), Droit processuel, droit commun et droit comparé du procès, 4e éd Dalloz
2006, p 32 ; MEYNAUD (A.), La bonne administration de la justice et le juge administratif, mémoire
en vue de l’obtention du Master en droit public approfondi ; Université Panthéon-Assas, 2012.
1484
MEYNAUD (A.), La bonne administration de la justice et le juge administratif, op.cit. P. 4
1485
ALLAND (D.) et RIALS (S.), Dictionnaire de la culture juridique « justice arbitrale », Lamy Puf,
2003, p 77
1486
REY (A.) (dir.), Le Grand Robert de la langue française, Tome I, Les Dictionnaires Robert, 2ème
éd., 1985, p. 120.
592
Horizons du droit - Bulletin n°28, 2021
Revue de l'Association Française des Docteurs en Droit
1487
REY (A.) (dir.), op.cit, Tome II, p. 59.
1488
GUINCHARD (S.), Droit processuel, droit commun et droit comparé du procès, op.cit. p.33
1489
GUINCHARD (S.) (dir), Droit processuel, droit commun et droit comparé du procès, 2e éd
Dalloz 2003, p 342.
1490
MEYNAUD (A), La bonne administration de la justice et le juge administratif, op.cit., p 7 ;
Lelarge (A.), « L’émergence d’un principe de bonne administration de la justice internationale dans
la jurisprudence antérieure à 1945 », L’Observateur des Nations Unies, vol. 27, 2009, p. 23 et
suiv.
1491
Sous-titre des Mélanges LABETOULLE, Dalloz, 2007, p. 67.
593
Horizons du droit - Bulletin n°28, 2021
Revue de l'Association Française des Docteurs en Droit
1492
BOUSTA (R), « Essai sur la bonne administration de la justice », L’Harmattan, coll. « Logiques
juridiques », 2010, p. 127
1493
LASSALLE (J), Le principe de bonne administration en droit communautaire, Thèse de Paris,
2008, p. 24.
594
Horizons du droit - Bulletin n°28, 2021
Revue de l'Association Française des Docteurs en Droit
intérêt pour le législateur OHADA, aucune étude doctrinale n’a encore été
consacrée à l’étude de la bonne administration de la justice arbitrale en droit
OHADA. Pourtant l’enjeu est si crucial que, le législateur a fait du recours à
l’arbitrage le mode de règlement des litiges contractuels par excellence1494 d’une
part, et un mode juridictionnel garant de la sécurité juridique et judiciaire dans
l’espace OHADA, applicable à toute personne physique ou morale, de droit public
et de droit privé1495 d’autre part. Ce qui par conséquent justifie toute la pertinence
de notre étude qui entend répondre à la question de savoir dans quelle mesure
la justice arbitrale est-elle considérée comme la « pierre philosophale »1496 de la
bonne administration de la justice en droit OHADA ?
1494
Art 1 du Traité de l’OHADA.
1495
Voir art 1 et 2 de l’AUA
1496
La justice arbitrale OHADA constitue la « pierre philosophale » de la bonne administration de
la justice dans la mesure où elle est considérée comme terrain privilégié de déploiement des
principes de la bonne administration de la justice garantissant une justice de qualité aux parties.
1497
Traité du 17 octobre 1993 relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique tel que
révisé à Québec le 17 octobre 2008.
1498
Cours Commune de Justice et d’Arbitrage.
1499
Voir : NGNINTEDEM (J.C) et LOWE GNINTEDEM (P.J.), « OHADA : alternativement votre !
Arbitrage et médiation », Chronique de droit OHADA, RDAI/IBLJ, n°5 de 2018, p 511-515.
595
Horizons du droit - Bulletin n°28, 2021
Revue de l'Association Française des Docteurs en Droit
toutefois la dénaturer d’une part (I), et qu’il s’agit d’une justice ancrée sur le
respect des principes spécifiques de la justice arbitrale garantissant la bonne
administration de la justice (II) d’autre part.
Lorsqu’un litige est tranché par un arbitre, les parties bénéficient également
des garanties offertes par les exigences d’un procès équitable. La nécessité
d’entourer de garantie la justice arbitrale OHADA n’est pas sans fondement
comme le témoigne les AU relatifs au droit de l’arbitrage. A cet effet, le
développement du droit de l’arbitrage a fait apparaitre ces garanties d’ordre
processuel, comme des principes garantissant la bonne administration de la
justice arbitrale. L’analyse de ces dispositions fait apparaitre ces exigences du
procès équitable qui sont pour les unes applicables aux parties (A) et pour les
autres applicables à l’arbitre (B).
parties.
1500
Mode Alternatif de Règlement des conflits.
596
Horizons du droit - Bulletin n°28, 2021
Revue de l'Association Française des Docteurs en Droit
1501
PELLERIN. (J.), « Les droits des parties dans l’instance arbitrale », Rév.arb. 1990.395 ;
KESSEDJIAN (C.), « Principe de la contradiction et arbitrage », Rév.arb 1995.381 ; GUINCHARD
(S.), « L’arbitrage et le respect du contradictoire (à propos de quelques décisions rendues en
1996) », Rév.arb. 1997.185.
1502
GUINCHARD. (S.) et allii, Droit processuel-Droit commun et droit comparé du procès
équitable.4e éd., Dalloz, 2006, n°6, p 19.
1503
Cf. art 14 AUA : « Les parties ne peuvent être jugées sans avoir été entendues ou appelées,
et qu’elles se fassent connaitre mutuellement et en temps les preuves et les moyens de faits de
droit qu’elles invoqueront afin que chacune d’elle soit à même d’organiser sa défense »
1504
Voir art 19.5 du RACCJA : « Le tribunal arbitral invite les parties aux audiences dont il règle
le déroulement, celles-ci sont contradictoires ».
1505
Voir à cet égard la loi type de la CNUDCI, article24.3
597
Horizons du droit - Bulletin n°28, 2021
Revue de l'Association Française des Docteurs en Droit
1506
En France, voir Paris, 23févr. 1996, Rev. arb.2000, p.471.
1507
La CA paris 18 nov.2004, Rev.arb 2006.759 ; obs. DUPREY (P.) « Les délais de communication
des pièces et documents ou mémoires doivent être suffisant pour respecter les droits de la
défense ».
1508
Voir CA Paris 18 nov. 2004, Rev.arb 2006.759, obs. DUPREY (P.), dans cette affaire, les jugent
ont estimés que « les délais de communication des pièces, documents ou mémoires doivent être
suffisants pour respecter les droits de la défense ».
598
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Revue de l'Association Française des Docteurs en Droit
1509
Paris 5 avril 1990, Rev.arb. 1992.110 ; Paris, 15 mai 2008, Rev.arb.2010.105 ; CCJA aff. SIR
c/Bona Ship Holding et autres du 19juillet 2007.
1510
Voir art 26 AUA.
1511
CA de Paris, 7 juin 1963, Rev.arb 1963.21
1512
CA de Paris 24 février 1984, Rev.arb 1985.175 ; CA du Centre Cameroun, arrêt n°52/Civ., 6
février 2008, Ohada.com/Ohadata J-10-246
599
Horizons du droit - Bulletin n°28, 2021
Revue de l'Association Française des Docteurs en Droit
1513
Cf. art 9 AUA « Les parties doivent être traitées sur un pied d’égalité et chaque partie doit
avoir toute possibilité de faire valoir ses droits »
1514
CADIET (L.), NORMAND (J.), Amrani Mekki (S.), Théorie générale du procès, Puf 2010.
1515
Voir art 2 AUA.
1516
Lois des 16-24 aout 1970 « Les juges rendront gratuitement la justice ».
1517
Voir Loi du 3 décembre 1977 ; et art L.III-2 COJ : « La gratuité du service de la justice est
assurée selon les modalités par la loi et les règlements ».
600
Horizons du droit - Bulletin n°28, 2021
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1518
Voir décision n°004/99/CCJA du 3 février 1999 relative aux frais d’arbitrage
1519
Cf. art 4 de la décision n°004/99/CCJA du 3 février 1999 relative aux frais d’arbitrage
1520
Paris, pôle1, ch.1, 30juin 2015, D.2015, 2588 obs. CLAY (Th.)
1521
CA Paris, 17 nov. 2011, cah.arb, 2012/1 ; p 200 ; Mourre (P.A) et Pedone (P.); RTD com.
2012.530, obs. E. Loquin « le droit d’accès à la justice implique qu’un plaideur ne puisse être
privé de la faculté de faire trancher ses prétentions par un juge et que les restrictions éventuelles
apportées à ce droit doivent être proportionnées aux nécessités d’une bonne administration de
la justice»
1522
LOQUIN (E.), « La bonne administration de la justice arbitrale », op.cit. p. 81 et suiv.
601
Horizons du droit - Bulletin n°28, 2021
Revue de l'Association Française des Docteurs en Droit
1523
Cf. art 6 AUDA « en l’absence d’accord, sur la désignation du tribunal arbitral, celui-ci est
constitué sur la demande d’une partie par un juge étatique ».
1524
Cass.1re civ. 8juin 1999, Rev. arb.2000, 116, note É.LOQUIN
1525
N. AKA, A. FÉNÉON et J.M. TCHAKOUA, Le nouveau droit de l’arbitrage et de la médiation en
Afrique (Ohada), Commentaires de l’Acte uniforme relatif au droit de l’arbitrage, du Règlement
d’arbitrage de la CCJA et de l’Acte uniforme relatif à la médiation, du 23novembre 2017, LGDJ,
2018, p 75.
1526
AKA (N.), FÉNÉON (A.) et. TCHAKOUA (J.M.), Le nouveau droit de l’arbitrage et de la
médiation en Afrique (Ohada), Commentaires de l’Acte uniforme relatif au droit de l’arbitrage, du
Règlement d’arbitrage de la CCJA et de l’Acte uniforme relatif à la médiation, du 23novembre
2017, Op.cit.,
1527
LOQUIN (E.), « A la recherche du principe d’égalité dans l’arbitrage commercial international »,
préc.
602
Horizons du droit - Bulletin n°28, 2021
Revue de l'Association Française des Docteurs en Droit
qui peuvent être de nature à absorber le principe d’égalité entre les parties1528.
Cependant, il existe des espèces ou ce principe est invoqué de manière
autonome1529.
En ce qui concerne le second aspect de l’égalité entre les parties à savoir
le droit à la même justice, il en ressort que toutes les parties se trouvant dans
une situation identique doivent bénéficier des mêmes arbitres et des mêmes
règles. En d’autres termes, les parties doivent être mises sur un « même pied
d’égalité ». Principe fondamental de procédure, le principe d’égalité a été
consacré par d’importants textes1530 et organes1531. Il n’y a donc rien d’étonnant
que le droit OHADA en face un principe fondamental de la justice arbitrale en le
consacrant aux articles 9 de l’AUA1532 et 19-5 RACCJA. Considéré par certains
« comme le principe le plus fécond parmi les droits naturels de procédure »1533,
il constitue en effet un pilier du procès équitable garant de la bonne
administration de la justice. Ce principe interdit tout simplement des ruptures
d’égalité « inéluctables ou « décisionnelles »1534 dans l’application des règles.
C’est dans ce sens que, il ya rupture de l’égalité dès lors qu’une partie « a dû faire
des efforts démesurés et couteux pour rétablir l’équilibre ou que cet équilibre n’a
pas pu être rétabli et que la partie victime n’a pu présenter que de manière
imparfaite ou peu convaincante sa cause devant les arbitres »1535. L’implication
1528
Ibid.,
1529
« Il en est ainsi lorsqu’une partie se plaint d’avoir bénéficié de moins de temps que l’autre
pour soutenir son argumentation ». Voy. Le calendrier de l’arbitrage, RTD com. 2006.305 et De
la bonne gestion de l’instance arbitrale par les arbitres, RTD com. 2007.689 ; CA de paris, 22 janv.
2004, Rev.arb. 2004.647, note LOQUIN (E.).
1530
Voir art 14§2 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques de l’ONU « le place
juste avant les composantes du droit au procès équitable et proclame un principe procédural
d’égalité devant les tribunaux et cours de justice ».
1531
Le comité des droits de l’homme de l’ONU le déclare comme « un principe d’égalité des
armes ».
1532
Art 9 AUA « les parties doivent être traitées sur un pied d’égalité et chaque partie doit avoir
toute possibilité de faire valoir ses droits ».
1533
HASCHER (D.), Principes et pratiques de procédure dans l’arbitrage international, RCADI
2000, tome 279, p 120.
1534
LOQUIN (E.), « La bonne administration de la justice arbitrale », justice et cassation 2013, p
83.
1535
CA de Paris 12 juin 2003, Rev.arb.2004.894, note D. Bensaube.
603
Horizons du droit - Bulletin n°28, 2021
Revue de l'Association Française des Docteurs en Droit
du juge étatique dans la justice arbitrale tel que prévue par le législateur a pour
finalité de suppléer une partie défaillante dans la constitution du tribunal arbitral
et de rétablir tout équilibre rompu pendant la procédure d’arbitrage. Le recours
subsidiaire au juge a dont pour but de garantir la bonne administration de la
justice arbitrale.
Tout compte fait, la justice arbitrale OHADA est une forme de justice empreinte
d’égalité dont le non-respect par les arbitres pourrait entrainer l’annulation1536 de
la sentence rendue d’une part, et présumer la partialité des arbitres d’autre part.
B. Une justice arbitrale en accord avec les exigences du procès équitable tenant à
l’arbitre
L’impartialité est une garantie imposée à l’arbitrage par des exigences qui
dépassent le seul cadre juridictionnel dans la mesure où l’arbitre est un tiers par
rapport aux parties. Il s’agit pour l’arbitre de trancher le litige sans prendre parti.
Il est tenu de maintenir la balance de l’égalité entre les parties et rester à la juste
distance qui confère la légitimité à son intervention. L’impartialité est un état
1536
Voir art 26 AUDA.
1537
Art 7 al 3 AUDA : « l’arbitre doit avoir le plein exercice de ses droits civils et demeurer
indépendant et impartial vis-à-vis des parties »
1538
Art 4-1 RACCJA : « tout arbitre nommé ou confirmé par la cour doit être et demeurer
indépendant et impartial vis-à-vis des parties ».
604
Horizons du droit - Bulletin n°28, 2021
Revue de l'Association Française des Docteurs en Droit
LAGARDE (X.), Droit processuel et modes alternatifs de règlement des litiges, Rev arb 2001,
1540
p 422.
605
Horizons du droit - Bulletin n°28, 2021
Revue de l'Association Française des Docteurs en Droit
dont le législateur OHADA n’a pas dissocié dans ces dispositions1541. C’est dans
ce sens que, la CCJA a dans une affaire admis que « le tribunal arbitral n’est
régulier que s’il est composé d’arbitres indépendants et impartiaux et si la
procédure de constitution est exempt de tout vice »1542. L’importance d’une telle
exigence comme composante du droit à un procès équitable dénote du fait que
la Cour de cassation1543 de même que la Cour d’appel de Paris en aient fait un
principe incontournable de l’instance arbitrale1544.
Il importe de préciser que, du début jusqu’à la fin de sa mission, l’arbitre se
doit d’être indépendant vis-à-vis des parties et de leurs conseils. Cependant,
cette garantie d’indépendance peut être mise à mal lorsqu’on pense que l’arbitre,
juge privé, offre généralement moins de garantie d’indépendance compte tenu
de sa proximité ou des relations et intérêts qui le lient aux parties1545. En effet,
l’arbitre étant généralement un professionnel des affaires il pourrait avoir des
liens avec les parties et ainsi établir un courant d’affaires avec celles-ci de nature
à susciter des conflits d’intérêts1546. Ainsi, la désignation fréquente et régulière
1541
Voir N. AKA, A. FÉNÉON et J.M. TCHAKOUA, Le nouveau droit de l’arbitrage et de la médiation
en Afrique (Ohada), Commentaires de l’Acte uniforme relatif au droit de l’arbitrage, du Règlement
d’arbitrage de la CCJA et de l’Acte uniforme relatif à la médiation, du 23novembre 2017, « Si le
Règlement d’arbitrage du 11mars 1999 ne faisait allusion qu’à l’indépendance de l’arbitre, le
présent Règlement met également à la charge de l’arbitre une obligation d’impartialité et
uniformise ainsi le statut juridique de l’arbitre dans l’espace Ohada » ; Il en est ainsi du système
d’arbitrage de la Cour internationale d’arbitrage de la CCI qui n’a intégré expressément l’obligation
d’impartialité que dans la version2012 de son règlement.
1542
CCJA, 2ème ch., 29 juin 2017, n°151/2017.
1543
Cass. 2e civ. 13 avril 1972 : Rev.arb. 1975, 235, note E. Loquin : « l’indépendance d’esprit est
indispensable à l’exercice du pouvoir juridictionnel, quelle que soit sa source et constitue l’une
des qualités essentielles des arbitres »
1544
Paris, 23 févr. 1999, RTD com. 1999. 371, obs. E. Loquin : « l’indépendance d’esprit est de
l’essence de la fonction juridictionnelle de l’arbitre, en ce sens qu’il accède dès sa désignation au
statut de juge, exclusif de tout lien de dépendance, notamment avec les parties ».
1545
Arrêt CA de Paris 29janv. 2004, SA Serf c/Sté DV Construction, D.2004.31.82, note T.CLAY;
Rev. arb.2005, 720, note HENRY( M.), « La cour d’appel de Paris indique que «le caractère
systématique de la désignation d’une personne donnée comme arbitre, dans les clauses
compromissoires conclues par les sociétés d’un même groupe, sa fréquence et sa régularité sur
une longue durée, dans des contrats identiques, ont créé les conditions d’un courant d’affaires
entre cette personne et la société dudit groupe qui est partie à la procédure»
1546
Cass.1re civ. 20oct. 2010, Société Sonoclest Bâtiment c/Sté DV Construction, D.2010.2589,
obs. X.DELPECH; Rev. arb.2011, 671 « Dans l’arrêt Sonoclest, la Cour de cassation française
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d’un arbitre par le Conseil d’une partie peut instaurer un courant d’affaires entre
eux1547 et entrainer des conflits d’intérêts. Dès lors, il est prévu que, si l’existence
d’un courant d’affaire est établie entre une partie et l’arbitre, « l’arbitre est tenu
de révéler l’intégralité de cette situation à l’autre partie à l’effet de la mettre en
mesure d’exercer son droit de révocation »1548.
Cependant, dans le cadre d’un arbitrage à trois, l’exigence de
l’indépendance et de l’impartialité d’un arbitre vis-à-vis de la partie qui l’a
désignée a un contenu particulier dans la mesure où, il existe a priori une
dépendance psychologique entre les parties et l’arbitre choisi. La doctrine est
divisée sur cette question. Certains auteurs pensent « qu’il est illusoire d’espérer
qu’en choisissant unilatéralement un membre du collège arbitral, une partie ne
recherche pas en lui, sinon un avocat exclusivement chargé de soutenir son point
de vue, du moins un arbitre favorablement disposé (ou prédisposé) à son
égard»1549. D’autres soutiennent en revanche « qu’il est impossible d’admettre
qu’un arbitre soit un hybride de juge et d’avocat de la partie qui l’a nommé. Les
mots ont un sens, l’arbitre est un juge [...] et l’indépendance est de l’essence de
la fonction d’arbitre »1550. Cette position a été confirmée par des décisions de
justice admettent que « l’indépendance d’esprit est indispensable à l’exercice du
pouvoir juridictionnel, quel qu’en soit la source, et [...] est l’une des qualités
essentielles des arbitres »1551. C’est sans aucun doute la raison pour laquelle cette
indépendance est assurée par l’obligation de révélation propre à l’arbitrage.1552
décidait: «encourt la cassation, l’arrêt rejetant le recours en annulation contre la sentence alors
que le caractère systématique de la désignation d’une personne donnée par les sociétés d’un
même groupe, sa fréquence et sa régularité sur une longue période, dans des contrats
comparables, ont créé les conditions d’un courant d’affaires entre cette personne et les sociétés
du groupe parties à la procédure».
1547
TPI Bruxelles, 14déc. 2006, CBC Banque, Journ, trib.2007.207, note G.KEUTGEN.
1548
CA Paris, 9sept 2010, Rev. arb.2011, 970.
1549
FOUCHARD (Ph.), GAILLARD (E.), GOLDMAN (B.), Traité sur l’arbitrage commercial, Litec,
1996, p.590
1550
JARROSSON (Ch.), «Procédure arbitrale et indépendance des arbitres», Rev. arb.1988, 748
1551
CA Paris, pôle1, ch.1, 21févr. 2012, nº10/06953, Garoube
1552
Cf. art 7 al 4 « Tout arbitre pressenti informe les parties de toute circonstance de nature à
créer dans leur esprit un doute légitime sur son indépendance et son impartialité et ne peut
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accepter sa mission qu’avec leur accord unanime et écrit » ; art 4.1 RACCJA « Avant sa
nomination ou sa confirmation par la Cour, l’arbitre pressenti révèle par écrit au Secrétaire général
toutes circonstances de nature à soulever des doutes légitimes sur son impartialité ou son
indépendance ».
1553
« Il appartient à l’arbitre avant d’accepter sa mission de révéler toute circonstance de nature
à affecter son indépendance et son impartialité. Il lui est également fait obligation de révéler sans
délais toute circonstance de même nature qui pourrait naitre après l’acceptation de sa mission ».
1554
E. Loquin, « Les garanties de l’arbitrage », LPA 2 octobre 2003, n°197, l’arbitrage, une question
d’actualité, p 13.
1555
CCJA, Ass.plén., nº102/2015 du 15oct. 2015, Léopold Ekwa Ngalle , Hélène Njanjo Ngalle
c/Société Nationale d’hydrocarbures (SNH), Ohadata-16-95 « Elle fait observer «qu’en l’espèce,
la sentence arbitrale du 16février 2010, produite pour soutenir la demande d’annulation pour
violation de l’ordre public international, n’est pas un élément nouveau susceptible de mettre en
cause l’indépendance de l’arbitre ZOCK ATARA, lequel avait dans sa déclaration d’acceptation et
d’indépendance en date du 23octobre 2012 et dans le curriculum vitae qui l’accompagne [...]
clairement indiqué sa qualité de fonctionnaire et de chargé pendant 14 ans du suivi du
contentieux de l’État à l’international ».
1556
. « L’arbitre doit révéler toute circonstance de nature à affecter son jugement et à provoquer
dans l’esprit des parties un doute raisonnable sur ses qualités d’impartialité et d’indépendance
qui sont l’essence même de la fonction arbitrale », CCJA, arrêt nº151/2017 du 29juin 2017 ;
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Toutefois, l’arbitre est tenu de révéler que ce qui est caché et non ce qui est de
notoriété publique car le doute crée est un doute psychologique et non juridique
propre à la partie concernée. Nonobstant l’imprécision quant à son contenu,
l’obligation de révélation s’impose à l’arbitre tout au long de la procédure et ce
dernier est tenu de révéler toutes les circonstances de nature à créer le doute
apparu postérieurement à son investiture1560.
L’arbitrage est une justice privée1561 qui sécrète au profit des parties en conflit
des garanties autres que celles d’un procès équitable. A cet effet, malgré son
adéquation avec les principes généraux de bonne administration de la justice, la
justice arbitrale demeure fortement imprégnée des principes propres à l’arbitrage
qui participent à de la bonne administration de la justice arbitrale. Ces garanties
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administration de la justice
1562
L’application à l’arbitrage des règles du nouveau code de procédure civil, Rev. Arb. 1980.643
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1563
Voir art 16 RACCJA.
1564
Civ 2e, 15 octobre 1980, Bull.civ II, n°27 ; Rev.arb. 1982.40, note P. Courteau.
1565
JARROSSON, note civ. 1ère, 8 mars 1988, Rev.arb. 1989.481.
1566
Civ 2e, 10 nov.2005 ; 23 juin 2005, RTD com.2005, 612 obs. E. Loquin.
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l’arbitre est tenu de se conformer à la volonté des parties sous peine d’encourir
le reproche « de statuer sans se conformer à la mission qui lui avait été
conférée »1567. Toutefois, l’arbitre peut « régler la procédure arbitrale sans être
tenu de suivre les règles établies par le tribunal »1568. L’idée est de permettre à
l’arbitre d’adapter « sur mesure » la procédure aux éléments du litige par
opposition au schéma de la justice étatique.
1567
En ce sens, Civ 1re, 11 janv.1972, préc. V. également civ 2e, 30 mai 1980, Bull civ. II, n°121,
Rev.arb.1981.137, note J. Vlatte.
1568
LOQUIN (E.), « La bonne administration de la justice arbitrale », op.cit. p. 90 et suiv.
1569
Cf. art 16 al 1 RACCJA « Les règles applicables à la procédure devant le tribunal arbitral sont
celles qui résultent du présent Règlement et, dans le silence de ce der- nier, celles que les parties
ou, à défaut, le tribunal arbitral, déterminent en se référant ou non à la loi de procédure applicable
à l’arbitrage ».
1570
Voir art 15 al 1 AUA « Le tribunal arbitral tranche le fond du différend conformément aux règles
de droit choisies par les parties. À défaut de choix par les parties, le tribunal arbitral applique les
règles de droit qu’il estime les plus appropriées en tenant compte, le cas échéant, des usages du
commerce international »
1571
Voir art 17 al 1 et 2 RACCJA « Les parties sont libres de déterminer les règles de droit que le
tribunal arbitral devra appliquer au fond du litige. À défaut de choix des parties, le tribunal arbitral
applique les règles de droit qu’il estime les plus appropriées en l’espèce. Dans tous les cas, le
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tribunal arbitral tient compte des stipulations du contrat et des usages du commerce
international »
1572
CCJA, arrêt nº029/2007 du 19juill. 2007, Ohadata J-09-104.
1573
Voir art 17 al 3 RACCJA.
1574
Voir art 1478 et 1512 du Code de procédure civil français.
613
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1575
CCJA, arrêt nº028/2007 du 19juill. 2007, Nestlé Sahel c/Scimas, Penant2009, nº867, p.226,
1re esp. Note B.DIALLO; Ohadata J-09-104.
1576
CA Paris, 28nov. 1996, Rev. arb.1997, p. 381, note É.LOQUIN; CA Paris, 4nov. 1997, Rev.
arb.1998, p.704, obs. Y.DERAINS «La clause d’amiable composition est une renonciation
conventionnelle aux effets et au bénéfice de la règle de droit, les parties perdant la prérogative
d’en exiger la stricte application et les arbitres recevant corrélativement le pouvoir de modifier
ou de modérer les conséquences des stipulations contractuelles dès lors que l’équité ou l’intérêt
commun bien compris des parties l’exige.»
1577
Voir art 15 al 2 AUA et 17 al 3 RACCJA « Il peut également statuer en amiable compositeur
lorsque les parties lui ont conféré ce pouvoir ».
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1578
CADIET (L.), NORMAND (J.), AMRANI MEKKI (S.), Théorie générale du procès, 1re éd. Thémis-
droit-Puf, févr. 2010, p81-84.
1579
Sur les jugements du juge Magnaud, et l’usage qu’il fit de l’état de nécessité pour relaxer une
fille-mère prévenu de vol d’un pain pour nourrir son enfant, V. D. Salas, v° Magnaud « Le bon
juge » in Dictionnaire de la justice ; Mélanges Jacques Van Compernolle, Bruxelles, Bruylant,
2004, p 573.
1580
CADIET (L.), NORMAND (J.), AMRANI MEKKI (S.), Théorie générale du procès, op.cit. p.1144
et suiv.
1581
LOQUIN (E.), « La bonne administration de la justice arbitrale », op.cit. p. 91 et suiv.
1582
Rev.arb 1980.538, note E. Loquin.
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s’appuyer sur les règles de droit pour trancher en toute équité1583. Le juge français
est venu entériner cette position dans un arrêt en ces termes : « l’amiable
compositeur n’a la faculté de se référer aux règles de droit que s’il les juge
propres à donner au litige la solution la plus juste »1584. Il appartient donc à l’arbitre
dans les motifs de la sentence de donner les motifs d’équité qui justifient
l’application des règles de droit.1585 Tout compte fait, l’arbitre investi de la mission
d’amiable compositeur ne peut y renoncer il est tenu de respecter sa mission
sous peine de voir sa sentence annulée.
L’arbitrage est une justice privée dans laquelle temps et la confidentialité ont une
importance capitale. Les parties recherchent dans la justice arbitrale le moyen
d’obtenir une issue rapide à leur litige (1) d’une part et une issue discrète dans la
résolution de leur litige d’autre part (2).
1583
Voir CCJA, 3e ch., arrêt n°196/2018, 25 octobre 2018.
1584
Paris, 15 mars 1984, Rev.arb. 1985.285 ; sur cet arrêt, LOQUIN (E.), « Pouvoirs et devoirs de
l’amiable compositeur », Rev.arb. 1985.199
1585
Civ 2e 15 févr.2001, Rev.arb. 2001.135, note E. LOQUIN.
1586
Cf. supra note 76.
1587
Cf.art 14 al 4 AUDA « les parties agissent avec célérité et loyauté dans la conduite de la
procédure et s’abstiennent de toutes mesures dilatoires ».
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sont faites dans le but d’accélérer la procédure afin de donner une solution
rapide au litige. L’analyse des dispositions de l’AUA et du RACCJA démontrent à
suffisance le désir pour le législateur d’accélérer les procédures arbitrales1588. De
plus, pour garantir la rapidité des procédures, le législateur a également jugé
nécessaire de limiter les possibilités d’exercer des voies de recours contre une
sentence arbitrale rendue1589.
Par ailleurs, lorsque ni législateur encore moins les parties n’ont prévu aucun
délai de production des actes de procédure, il semble indiqué d’agir le plus tôt
possible sous peine de ne plus pouvoir le faire utilement1592. A cet effet, les
parties ou le tribunal arbitral peuvent obtenir du juge la possibilité de proroger
les délais de l’arbitrage1593 pour des besoins de bonne administration de la justice
1588
Cf. art 13 AUA «En cas d’existence d’une convention d’arbitrage, aucune juridiction étatique
n’est compétente et la décision de la juridiction statuant en dernier ressort sur sa compétence
ne peut excéder un délai de 15 jours ».
1589
Cf. art 25 AUA « la sentence arbitral rendue n’est pas susceptible d’appel, d’opposition ni de
pourvoi en cassation. Elle ne peut faire que l’objet d’un recours en annulation exercé dans le mois
de la signification de la sentence munie d’exéquatur. A cet effet, la juridiction compétente est
tenue de statuer dans les 03 mois de sa saisine. Et en cas de non-respect de ce délai, le recours
peut être porté devant la CCJA dans les 15 jours suivants. Celle-ci doit statuer dans un délai
maximum de 06 mois à compter de sa saisine ».
1590
Cf.art 12 AUA « Si la convention d’arbitrage ne fixe pas de délai, la mission du tribunal arbitral
ne peut excéder six (6) mois à compter du jour où le dernier des arbitres l’a acceptée »
1591
Cf. art 3 RACCJA ; art 6 RACCJA ; Cf.art 7 RACCJA ; Cf. art 15 RACCJA
1592
Cf. art 9: « la partie qui, en connaissance de cause, s’abstient d’invoquer sans délai une
irrégularité et poursuit l’arbitrage est réputée avoir renoncé à s’en prévaloir»
1593
Cf. art 12 al 2 AUA.
617
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1594
CA du centre du Cameroun, arrêt n°52/Civ., 6 févr. 2008, ohadata.com/Ohadata J-10-249.
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1595
JARROSSON (C.), Les modes alternatifs de règlement des conflits : présentation générale
préc., n°34.
1596
Cf. art 14 du RACCJA « la procédure arbitrale est confidentielle. Les travaux de la Cour relatifs
au déroulement de la procédure arbitrale sont soumis à cette confidentialité, ainsi que les
réunions de la Cour pour l’administration de l’arbitrage. Elle couvre les documents soumis à la
Cour ou établis par elle à l’occasion des procédures qu’elle diligente.
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