LABORIT Henri - La Légende Des Comportements
LABORIT Henri - La Légende Des Comportements
LABORIT Henri - La Légende Des Comportements
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L A LÉGENDE
DES
COMPORTEMENTS
Ont collaboré à l'ouvrage
Edition : Catherine Cornu
Fabrication : Murielle Vaux, Michel Moulins
Recherche iconographique : Béatrice Petit
Illustrations : Gilles Alkan
ISBN : 2-08-035250-4
DES
C O M P O R T E M E N T S
HENRI LABORIT
Flammarion
etiensàremercierFrançoisJoliat,quiasuivi,
durant deux années successives, messémi-
J naires présentés dans le cadre du Campus
européen de La Jolla University à Lugano. Ce jeune
pianiste a réalisé un travail remarquable et original
d'adaptation de notre travail de biopsychosociologie à
l'enseignement de la musique. Il a rédigé un mémoire
particulièrement clair sur la partie bio-comportemen-
tale, auquel j'ai emprunté avec son autorisation cer-
tains passages pour la rédaction de cet ouvrage.
ROBERT BLY
L'Homme sauvage et l'Enfant
D e t o u t temps, l'angoisse
de t o u t temps il a t e n t é soit
Divertissements, vertige
de la consommation à outrance
l'inévitable issue.
Pour assurer leur subsistance, les premiers hommes se temps les choses et les êtres, de fournir un sens à ses
conduisirent comme tous les prédateurs ; pour assurer actions. Les animaux furent d'ailleurs contraints d'en
leur survie, ils se défendirent contre tout ce qui enva- faire autant. Mais à leur différence, l'homme, capable
hissait leur espace. Leur conscience n'était pas encore d'imagination, pouvait en outre trouver une raison
pourvue de toutes les connaissances que les millé- d'être aux événements pour lesquels il ne découvrait
naires suivants reçurent, par transmission et accumu- aucun facteur de causalité évident. Il attribua aux
lation, de génération en génération, grâce aux lan- choses et aux êtres une conscience et un comporte-
gages. L'homme primitif chercha un certain ordre ment analogues à ceux qu'il sentait confusément vivre
dans le désordre apparent du monde. Un principe de en lui. Le monde devint à ses yeux un vaste espace où
causalité simpliste lui permit d ' o r d o n n e r dans le tout était vivant, conscient, hostile ou au contraire
confusément en lui-même.
Il s'agissait simplement
tion - des connaissances concernant le monde de la que les murs de leur bureau,
voire unique. Les résultats dans les domaines de la ou de leur HLM, l'espace
LE S Y S T È M E N E R V E U X
CYBERNÉTIQUE
I l est bien rare ET BIOLOGIE
qu'un organisme offre
la simplicité élémentaire
L
Régulations, rétroactions dynamique des organismes vivants. Or cette
caractérisent généralement organisation évolue dans le temps, elle est
le système complexe que constitue instable, et cette instabilité constitue sa première
tout être vivant, formé caractéristique. A aucun moment les organismes ne
de multiples structures emboîtées sont identiques à ce qu'ils étaient quelques instants
les unes dans les autres auparavant. Cette instabilité obéit à des lois dont les
et en constante interaction. unes correspondent à l'utilisation de l'énergie, et les
Maria Elena Vieira da Silva autres au maintien temporaire de la forme. L'énergie
(1908-1992), chimique qui provient des aliments est mise en
Le Théâtre de Gérard Philipe, réserve dans les cellules sous la forme de composés
1975. phosphorés riches en énergie utilisée pour assurer des
Colmar, musée Unterlinden. « fonctions » organiques. Mais elle permet avant tout
le maintien de la structure organique de la forme.
LE S Y S T È M E N E R V E U X
objectivité. Il s'agit bien d'objectivité, mais à l'égard ses objectifs réels, la plupart
Tous les discours politiques, tous les médias, toutes ont pour motivation inconsciente
objectif. Dix personnes ayant assisté à un accident de Citizen Kane, photo tirée
N I V E A U X D'ORGANISATION
ET SERVOMÉCANISMES
A
u cours de la décennie 1950-1960, les articles de
Louis Couffignal et l'excellent ouvrage de De
Latil La Pensée artificielle nous avaient entraînés, mes c est la présence
ment que, si ce que nous appelâmes dès lors niveau Pour ce faire, la structure
1965 et intégron par François Jacob en 1972 - repré- doit être a d a p t é e spécifiquement
sente, lorsqu'il est isolé, un système régulé, sa fonc- à la réaction qu'elle détermine.
d'une réaction qui la précède et le système régulé pré- réunies dans un organe ou un tissu qui appartiennent
cédent dépend d'un autre système régulé qui le pré- à un système : nerveux, endocrinien, cardiovasculaire,
cède également. On peut remonter ainsi du point digestif, etc. Les systèmes sont rassemblés dans un
de vue uniquement énergétique jusqu'au substrat o r g a n i s m e entier, l u i - m ê m e i n t é g r é d a n s des
d'origine, aliment fourni par la photosynthèse, qui ensembles sociaux de plus en plus complexes. Ces
emprunte son énergie potentielle au photon solaire. niveaux d'organisation se sont constitués historique-
Ces structures enzymatiques se trouvent incluses ment, d e p u i s les premières cellules isolées dans
dans le niveau d'organisation des organites intracellu- l'Océan primitif, il y a plus de trois milliards cinq
L a structure d'un cristal
de chlorure de sodium
sous-atomique,
atomique et moléculaire,
on trouve
au-delà de la molécule
l'arrangement
cents millions d'années, jusqu'à l'homme, par englo- port à l'autre, ils le sont dans une structure précise.
bements successifs, systèmes régulés et servoméca- Il en va tout autrement pour la fourmi, car elle est
nismes. constituée de multiples niveaux d'organisation, non
Ainsi, une des caractéristiques des systèmes vivants redondants : la structure de chacun de ces niveaux
est leur structure par niveaux d'organisation. Un d'organisation ne peut être calquée sur celle du
cristal de chlorure de sodium, même s'il pèse trois niveau qu'il englobe ou qui l'englobe. Elle est fermée
kilos, est moins complexe que le ciron, minuscule sur elle-même, et son ouverture ne peut résulter que
animal cher à Pascal. Certes, il existe déjà dans ce de son englobement.
cristal des niveaux d'organisation sous-atomique, Sur le plan énergétique, l'organisation caractéristique
atomique, moléculaire, s'emboîtant les uns dans les des organismes vivants, leur néguentropie, se fait aux
autres, mais la complexité s'arrête là. L'ensemble dépens de l'entropie solaire; ce sont des systèmes
moléculaire est « redondant » : que l'on prenne un ouverts à travers lesquels coule l'énergie solaire qu'ils
morceau de ce cristal en un point ou un autre mor- dissipent.
ceau en un autre point, on retrouvera la même struc- L'énergie se présente sous deux formes : l'énergie
ture, les mêmes relations entre le chlore et le sodium. cinétique, qui est celle des molécules animées de mou-
Ces derniers ne sont pas situés au hasard l'un par rap- vements désordonnés, proportionnelle à la tempé-
... alors que la fourmi,
qui possède de multiples
niveaux d'organisation,
présente une structure
beaucoup moins simple :
chez elle, les molécules
se trouvent englobées
dans des organites intracellulaires,
eux-mêmes englobés
dans des cellules associées
à leur tour en organes,
organes qui forment des systèmes
et finalement
un organisme complexe.
rature, nulle au zéro absolu, et l'énergie potentielle, Grâce aux travaux de L u d w i g Boltzmann, James
qui peut être utilisée pour produire de l'énergie ciné- Maxwell et Willard Gibbs, on sait que l'énergie poten-
tique et qui se présente sous des formes variées : de tielle accompagne l'ordre et l'énergie cinétique le
position, électrique, calorique, chimique, lumineuse. désordre, ou encore que l'énergie potentielle est plus
Selon le deuxième principe de la thermodynamique, c h a r g é e d ' i n f o r m a t i o n que l ' é n e r g i e cinétique.
le principe de Carnot, le passage d'une forme d'éner- L'entropie correspond donc à une augmentation du
gie à une autre procède de façon telle que l'énergie désordre, ou perte d'information. L'entropie d'un sys-
capable de produire le travail diminue. Ce deuxième tème isolé ne peut aller qu'en augmentant. La néguen-
principe montre qu'il existe une hiérarchisation de tropie, contraire de l'entropie, se caractérise p a r
l'énergie selon sa capacité d'utilisation pour produire l'apparition d'un ordre croissant, ou augmentation de
du travail; en effet, un système caractérisé par un l'information.
haut niveau s'abaisse jusqu'à une valeur inférieure Cependant, du désordre peut aussi naître l'ordre.
par la transformation de son énergie potentielle en En 1960, j'ai émis l'hypothèse que l'augmentation
énergie cinétique, forme dégradée de l'énergie. C'est d ' e n t r o p i e d ' u n système, que l'on a c o u t u m e de
ce mécanisme de dégradation de l'énergie que l'on concevoir comme un accroissement du désordre,
appelle entropie. intensifie l'énergie cinétique des éléments qu'il
renferme, en particulier atomiques et moléculaires, ce
qui multiplie leurs chances de se rencontrer et donc
de former des structures plus «complexes ». Comme
Stanley Miller lors de ses fameuses expériences, on
peut tenter de soumettre une atmosphère analogue à
celle qui a dû régner sur notre planète il y a trois ou
quatre milliards d'années à une énergie électrique
rappelant celle des éclairs auxquels l'atmosphère pri-
mitive fut exposée. Au lieu de favoriser le désordre,
d'augmenter l'entropie du système, cela provoque la
formation d'acides aminés : l'énergie fournie vient
alors de l'accroissement d'entropie d'une source exté-
rieure au système.
Les structures vivantes sont dites dissipatives, mais
elles constituent également, comme l'a souligné Ilya
Prigogine, des états qui se situent loin de l'équilibre
thermodynamique, c'est-à-dire de l'entropie maxima,
L e s éclairs du désordre, qui ne se réalise que dans la mort.
ont fait leur apparition L'étude de la réaction enzymatique isolée réalisée
dans l'atmosphère terrestre in vitro, qui atteint vite sa position d'équilibre, nous
primitive voici trois a permis de schématiser l'un des aspects du non-
ou quatre milliards d'années. équilibre des structures vivantes, lorsque cet ensemble
Leur colossale énergie, enzymatique est introduit dans une chaîne biocata-
au lieu d ' a u g m e n t e r lytique. Cet aspect énergétique est nécessaire au main-
le désordre moléculaire, tien de l'état de non-équilibre, nécessaire en d'autres
a multiplié les chances termes au maintien de l'information-structure d'un
de rencontre des molécules. organisme. Finalement, la seule raison d'être d'un
C'est probablement ainsi être, c'est d'être, et fournir l'énergie indispensable aux
que des molécules plus complexes fonctions de chaque niveau d'organisation est un
comme les acides aminés autre moyen d'y parvenir. Mais ces fonctions ne servi-
o n t pu être synthétisées. ront encore qu'à maintenir l'information-structure en
Une fois n'est pas coutume, maintenant la cohérence fonctionnelle de l'ensemble
du désordre naissait l'ordre. d'une part et celle de l'ensemble organique par rap-
port à son environnement d'autre part : la motricité
d ' u n organisme dans l'espace où il est situé, p a r
exemple, lui p e r m e t de contrôler au mieux de sa
survie les caractéristiques de son milieu.
Chaque niveau d'organisation, ouvert sur le plan ther-
modynamique, c'est-à-dire sur le plan de l'énergie
qu'il dégrade, est fermé sur le plan de sa structure.
Pour s'ouvrir, il doit être englobé par un nouvel
ensemble, lui-même englobé par un ensemble, et ainsi
de suite. Il y a à cela, semble-t-il, plusieurs raisons. La
première résulte du r a p p o r t entre la surface et le
volume d'un niveau : une cellule, notamment, ne peut
s'agrandir qu'en assimilant des matériaux, puisés
dans son milieu, qui traversent sa surface. Mais celle- tent des systèmes d'évacuation des déchets - pou-
ci ne s'accroît qu'à la manière des carrés, alors que les mons et reins -, des systèmes de mise en réserve des
volumes croissent comme des cubes. Dans ces condi- substrats permettant un gain d'autonomie dans le
tions, tôt ou tard la surface deviendra insuffisante temps et dans l'espace - foie et tissu adipeux - et des
pour l'amplification des volumes. La cellule, qui, pas systèmes aboutissant à l'autonomie motrice dans le
plus que la grenouille, ne peut se faire aussi grosse milieu - système neuromoteur et système de capta-
qu'un bœuf, se trouvera alors dans l'obligation de se tion des informations en provenance du milieu exté-
diviser et de s'associer pour se développer : toute rieur par le système sensoriel. Le système immuni-
l'évolution ontogénique - ou évolution de l'individu, taire lui-même peut être considéré comme un système
depuis la fécondation de l'œuf jusqu'à l'état adulte - sensoriel sensible à des informations ne passant pas
est soumise à ce principe. par les organes des sens habituels, mais liées à l'intro-
Mais la division implique la spécialisation fonction- duction dans l'organisme d'éléments microscopiques
nelle : dans une masse de cellules qui ne seraient pas étrangers. Il est véhiculé par le sang, par le système
fonctionnellement spécialisées, les éléments situés au cardiocirculatoire et par l'ensemble aqueux. C'est dire
centre, n'étant plus en contact avec l'environnement l'importance de ce milieu liquide baptisé « milieu inté-
nourricier, ne pourraient plus maintenir leur struc- rieur» par Claude Bernard, dans lequel baignent
ture, faute d'approvisionnement énergétique suffi- toutes les cellules de l'organisme. Il n'est en fait que
sant. Il faut donc leur porter leurs substrats à domi- l'infime partie de l'Océan primitif que les êtres multi-
cile, si l'on peut dire, et évacuer les déchets de leur cellulaires ont gardée en eux en passant de la vie
activité. Un système cardiovasculaire devient indis- aquatique à la vie aérienne.
pensable, dans lequel chaque cellule présente les Toutefois, pour qu'un ensemble puisse fonctionner
caractéristiques correspondant à sa fonction. S'y ajou- de manière à conserver son information-structure
L a surface d'une cellule
Le processus ne pouvant
se poursuivre indéfiniment,
L a division cellulaire
circulatoire et nerveux,
Planche d'anatomie
de L'Encyclopédie (1751-1772),
reprenant
la Nevrographia universalis
de R. Vieussens (1684).
Paris, bibliothèque
d'isoler un niveau d'organisation pour l'examiner cor- et ses volumes s'imbriquant de relations p e r m e t t a n t
rectement en ne faisant varier qu'un seul facteur à la les uns dans les autres, des échanges permanents
fois et en observant ce que cette variation produit sur ce tableau de Frank Kupka entre tous ces niveaux.
la valeur de l'effet. C'est l'un des intérêts du réduc- symbolise la complexité Frank Kupka (1871-1957),
tionnisme. Mais il ne faut surtout pas croire pour des structures vivantes, Les Superficies diagonales
autant qu'une fois replacé en situation dans le sys- formées de multiples niveaux e t verticales, 1913.
tème, ce niveau d'organisation va continuer à se com- d'organisation emboîtés Prague, Galerie nationale.
dans l'incapacité de dialoguer. niveaux d'organisation. Ainsi, bien des erreurs psy-
Cette interdisciplinarité ne concerne pourtant pas les chologiques, sociologiques, économiques et politiques
techniques qui, de plus en plus sophistiquées, deman- pourraient être évitées si on traitait les problèmes
d e n t p o u r u n e m ê m e d i s c i p l i n e de n o m b r e u s e s dans leur ensemble.
rJJ
des informations avec d'autres. En résumé, nous eux systèmes concourent plus particulièrement
avons davantage besoin de polyconceptualistes que à la circulation de l'information dans un orga-
de polytechniciens. nisme, lui permettant de fonctionner comme un tout
Dans les p r o c e s s u s d u v i v a n t , la q u e s t i o n se au sein de son environnement : ce sont les systèmes
complique du fait que ce qu'il est convenu d'appeler endocrinien et nerveux.
l'objectivité n'est souvent envisagée qu'à un seul Le système endocrinien sécrète des hormones, autre-
niveau d'organisation. Or chacun des niveaux d'orga- fois appelées messagères chimiques, ce qui montre
nisation est dépendant des niveaux qui l'englobent, bien leur rôle de transport d'informations. Avant de
Chaque glande endocrine
cette information,
le récepteur.
l'utéroglobuline.
circuler, une information doit être émise : ce sont les aussi à influencer le génome. Celui-ci va, à son tour,
glandes endocrines qui se chargent de cette émission, orienter la synthèse de protéines qui transformeront
chacune d'elles étant spécialisée dans la sécrétion la structure même de tout élément cellulaire.
d'une hormone. Un message est caractérisé par un Le système endocrinien se trouve sous le contrôle des
signifiant, la forme concrète de son support, qui est variations physico-chimiques du milieu intérieur,
dans ce cas la structure moléculaire spécifique de mais surtout sous celui du système nerveux, alors que
l'hormone. Pour être compris, le message doit être des rétroactions multiples interviennent pour trans-
décodé par les cellules de l'organe cible auquel il former partiellement l'activité de ce dernier sous
s'adresse pour en transformer l'activité fonctionnelle. l'action des concentrations hormonales. Quant à
Les membranes de ces cellules sont donc équipées de l'action desdites concentrations hormonales, elle est
récepteurs, c'est-à-dire de molécules protéiques dont la fonction des densités variables des récepteurs dans
structure correspond spécifiquement à une hormone certaines aires du système nerveux central.
considérée. La liaison de la molécule hormonale avec Entre systèmes nerveux et endocrinien, les ressem-
son récepteur va mettre en jeu un système complexe blances fonctionnelles sont grandes. Le système ner-
de transduction du signal qu'elle véhicule, qui est non veux, constitué de cellules particulières, les neurones,
seulement à l'origine de modifications multiples dans agit aussi en libérant des substances chimiques, les
l'activité métabolique de la cellule, mais qui parvient médiateurs chimiques de l'influx nerveux. On les
sécrétrices sont dispersées dans l'organisme. Les
sécrétions de l'hypophyse dépendent elles-mêmes
d'une région primitive du système nerveux central,
l'hypothalamus. Ce dernier sécrète des releasing hor-
mones - hormones libératrices - commandant la libé-
cervicaux dorsaux
de la moelle épinière,
horizontale du cerveau
montrent l'activité
de bien-être ou de mal-être
sur l'environnement.
Il est alors capable, à partir out organisme évolué utilise son cerveau
quelques mois chez l'animal, deux à trois ans chez Il faut bien comprendre que les comportements, dont
l'homme. Cette élaboration précoce est indélébile, l'approche est le but essentiel de cet ouvrage, n'exis-
d'où l'importance du rôle de l'environnement au tent que par l'activité des niveaux d'organisation
cours des premiers mois pour l'animal, des premières sous-jacents qui, de la molécule aux gènes puis aux
années pour l'homme. A ce stade, le cerveau est processus biochimiques et neurophysiologiques, leur
encore plastique et immature. C'est la période dite de permettent de s'exprimer.
l'empreinte, durant laquelle d'innombrables synapses
font leur apparition, en fonction du nombre et de la LES NEURONES
variété des stimuli, tandis que d'autres, inutilisées,
L
disparaissent. e système nerveux est constitué d ' é l é m e n t s
Les trois niveaux d'organisation du système nerveux cellulaires appelés neurones. Ceux-ci présentent
- le système primitif, le système limbique et le sys- un corps, ou soma, et des prolongements générale-
tème associatif ou néocortex - révèlent comment un ment parcourus par l'influx, soit de la périphérie vers
individu reçoit les informations du milieu dans lequel le soma - et ce sont alors des dendrites -, soit du soma
vers la périphérie - ce sont des axones. Dans le pre-
mier cas, l'influx possède une orientation cellulipète,
dans le second une orientation cellulifuge. Pour pas-
ser d'un neurone à un autre, l'influx doit franchir une
synapse, c'est-à-dire le point de contact entre deux
neurones. La surface postsynaptique met en présence
la terminaison d'un axone renflée en bouton, dite ter-
minaison présynaptique, et la surface de contact du
neurone suivant. Le point de rencontre peut se situer
au niveau d'une dendrite, on parle alors de synapse
axodendritique, ou du corps même du neurone, et il
s'agit dans ce cas d'une synapse axosomatique.
L'influx est à même de franchir la synapse grâce à la
libération p a r la terminaison présynaptique d ' u n
médiateur chimique de l'influx nerveux. Synthétisé C e schéma d'une cellule
l'espace synaptique, ce médiateur agit pour exciter ou fait apparaître, en haut à droite,
vant. Il n'est pas sûr que toutes les substances aux- ou corps de la cellule,
que beaucoup d'entre elles ne soient que des modula- et un seul axone,
teurs de l'activité métabolique des neurones, autre- lequel se dirige vers la partie
ment dit des modulateurs de l'intensité avec laquelle gauche du dessin, en bas.
l'amplitude de leur réponse aux stimuli de l'environ- Les filaments colorés en rose
tique. Pour ces deux types de récepteurs, les antago- ont lieu entre un neurone moteur
nistes et les agonistes ne sont pas toujours les mêmes, et les cellules d'un muscle.
axone et dendrites,
On distingue également
noyaux, mitochondries
et réticulum endoplasmique,
le transport de molécules
le long du neurone :
entrent en contact
fort complexes.
Celles-ci permettent
de la périphérie sensible
L
'évolution des espèces fera naître un compor-
tement de plus en plus complexe correspondant
à une organisation nerveuse de plus en plus complexe
également. Apparaissent alors chez les mammifères
des fonctions nouvelles, liées cette fois au système lim- un faisceau de la punition, le periventricular system
bique. C'est à ce niveau qu'interviennent la mémoire à (PVS). Ces deux faisceaux, qui réunissent les régions
long terme et l'affectivité. Le système limbique est plus hypothalamique, limbique et, chez l'animal supérieur,
communément appelé «cerveau de l'affectivité ». Or corticale, ont un rôle capital, puisqu'ils donnent à
sans mémoire, pas d'affectivité : telle situation ne sau- l'ensemble cérébral les moyens d'assouvir les pulsions
rait être jugée agréable ou désagréable sans avoir été instinctives et d'éviter les expériences désagréables
éprouvée antérieurement, et mémorisée afin q u ' u n ou dangereuses. L'expérience suivante le montre.
affect - ou résurgence de la sensation d'une expérience On introduit dans le MFB d'un rat une électrode qui
p r é c é d e n t e - puisse émerger. C'est l'expérience peut être activée par un levier. Appuyer sur ce levier
agréable qui aura primitivement permis le retour ou le provoque la fermeture d'un circuit présentant une
maintien de l'équilibre biologique. L'expérience désa- source d'énergie électrique de faible intensité. Une
gréable, elle, compromet cet équilibre, et par consé- première fois, l'animal appuie fortuitement sur le
quent la survie, le maintien de la structure. levier, ce qui a pour effet de déclencher une stimula-
La mémoire à long terme s'avère donc un élément tion du MFB. On remarque alors que, très vite, négli-
déterminant dans la répétition de l'expérience agréable geant toute nourriture, le rat passe son temps à activer
et dans la fuite ou l'évitement de l'expérience désa- inlassablement la manette bienfaisante. En revanche,
gréable. D'où l'apparition des réflexes conditionnés : lorsqu'on active le PVS, l'animal, s'il se trouve dans
l'association entre le signal signifiant d'un événement l'impossibilité de fuir, devient aussitôt agressif, sous
donné, le temps et l'espace est en effet un produit de le coup de la douleur.
la mémoire. Ainsi, un chien à qui l'on présente chaque A un autre niveau d'organisation, on pourrait en
jour à l'heure du repas sa nourriture en accompagnant déduire qu'il n'y a pas de « méchants », mais seulement
ce geste d'un tintement de clochette ne tardera pas à des « souffrants », comme l'a écrit le poète français
saliver au seul son de la clochette, avant même de voir Fernand Gregh. Rien n'empêche en effet de penser qu'il
arriver la nourriture. n'existe pas d'être vivant agressif de façon innée. Un
chien ne se montrera ainsi méchant qu'attaché - donc
RÉCOMPENSE ET PUNITION en inhibition de l'action - ou entraîné à se montrer
agressif par son maître : l'agressivité est bien un com-
o u s s a n t plus avant les recherches, Olds et portement appris, apprentissage de la douleur sous
p Milner, en 1954, ont mis en évidence dans le toutes ses formes. Douleur physique d'abord, douleur
cerveau un «faisceau de la récompense », le medial dite psychique pour l'homme : en réalité, comme pour
forebrain bundle (MFB), qu'on peut également appeler l'animal, douleur par inhibition de l'action.
faisceau de la récompense du renforcement, le renfor- Tous les types de frustrations entrent dans ce cadre et
cement étant la répétition de l'action gratifiante pour les réponses à celles-ci peuvent se faire soit par le biais
en consolider les traces nerveuses. Il existe également d'un acte moteur, soit par le langage.
DE L'ANIMAL À L'HOMME . mouvements, et des aires associatives qui tentent de
réunir les différentes afférences pour obtenir une
A
u système nerveux primitif et à sa mémoire image du monde intérieur et extérieur avec formation
à court terme, au système limbique dont les d'une représentation de l'objet dans les structures
possibilités de mémoire à long terme engendrent mentales : c'est ce que l'on appelle la proprioception,
l'affectivité, est venu s'ajouter le système associatif, ou façon de percevoir son propre corps dans l'espace.
représenté par le cortex ; celui-ci possède des aires L'homme se différencie des autres animaux par son
sensorielles, des aires motrices qui commandent les lobe orbito-frontal, son front droit : derrière celui-ci se
L apprentissage
le faisceau de la récompense,
Dans ce tableau,
et l'observance
du conformisme artistique.
de l'Académie de dessin
et de peinture.
Dunkerque,
L
es nombreuses expériences effectuées en labora- de ce milieu; constance de ses concentrations en
'toire sur des rats ont mis en évidence le fait que eau, en sels minéraux, en substrats, en hormones,
l'excitation ou au contraire l'inhibition du comporte- etc.
ment de lutte ou de fuite provoquent en eux de nom- C'est cette constance que Walter Bradford Cannon
breuses perturbations pathologiques. Ces actions de a appelée homéostasie. On peut ajouter que l'homéo-
lutte ou de fuite sont guidées par la mémoire des stasie coïncide avec un état de bien-être, avec le prin-
choses gratifiantes - lutte pour les conserver - ou cipe de plaisir, suivant la terminologie freudienne.
nociceptives - fuite pour leur échapper. S'il ne peut ni Toute variation du milieu intérieur, perturbant sa
fuir ni agir, l'animal se retrouve en inhibition de constance, va stimuler certains neurones de la région
l'action, comportement qui dépend de certaines aires hypothalamique et avertir le cerveau de l'existence de
A
É t a n t donné la quantité
phénoménale de possibilités
en comparaison
la possibilité de jongler
du milieu extérieur.
Le Champignon du voyage.
un bien-être certain, dû à l'état n'ont ni soif, ni faim, ni trop chaud, cet é t a t de plaisir mémorisé Le Bain turc, 1862.
d'homéostasie que leur corps ni trop froid, e t chercheront par leur système limbique. Paris, musée du Louvre.
D'après : Le cerveau - Pour la Science - Belin 1981
Le cortex peut donc agir à la fois sur le faisceau de la
récompense et sur celui de la punition, et provoquer
une réaction en cascade de façon à commander une
action sur le milieu environnant.
n organisme primitif dépend totalement du l'homme peut traduire en mots que ce vieil homme parvient
r u milieu dans lequel il se trouve. Le moindre ce qu'il ressent; mieux, à exprimer les émotions
écart énergétique est donc susceptible de provoquer il peut, par le jeu des associations, qui l'habitent.
des déséquilibres tels qu'ils peuvent aller jusqu'à créer un langage métaphorique, Karoly Kysfaludy,
entraîner sa mort, faute de réaction immédiate. véritable reflet de son imaginaire. La Douleur d'Ossian,
L'homme, qui présente le cortex associatif le plus Ossian, barde écossais légendaire, début du xixe siècle.
développé de tous les mammifères, possède la faculté pleure la mort de son fils. Budapest, Galerie nationale.
chute, s'est ouvert le genou sur une pierre pointue en l'enfant connaît le stade
déduit que cette pierre est plus dure que son genou, dit du miroir, qui marque
et la fragilité de son propre corps. Si l'idée lui vient de il se différencie alors de sa mère
chasse, il fait une hypothèse de travail, à la suite de élabore son propre schéma
pas dans la nature : un silex prolongé d'un manche. enfin comme personne
Pourvu de cette nouvelle arme, il ira ensuite à la à part entière dans le miroir.
d'aujourd'hui d'un front droit, d'une mâchoire moins est révélateur de l'évolution
proéminente, d'un lobe orbito-frontal qui s'est déve- du crâne humain : front droit,
de place aux aires associatives, donc une plus grande C'est ainsi que le cerveau
mentales pour agir sur le milieu, comme le fait la à ses aires associatives
science. de se développer.
il vit, ses actes, ses pensées, ses sentiments dépendent Portrait de femme,
donc bien de son cerveau. Mais comment celui-ci dit Simonetta Vespucci.
On ne sait laquelle
la plus efficace...
RÉFLEXES ET INSTINCTS
1858. Paris, musée d'Orsay.
L e s instincts,
pulsions fondamentales
LES RÉFLEXES :
DU SIMPLE AU COMPLEXE
SI
la périphérie des organismes animaux, cer-
taines cellules sont spécialisées dans l'enregis-
trement des variations énergétiques qui surviennent
dans le milieu extérieur. Cela se traduit par une dépo-
larisation qu'elles ont la propriété de propager dans
un sens déterminé suivant leur localisation et leur
structure. Il s'agit des cellules nerveuses sensorielles,
dont les terminaisons sensibles sont des prolonge-
ments dendritiques. Dans le cas le plus simple, l'influx
propagé, suivant un trajet cellulipète, c'est-à-dire allant
de l'environnement vers le centre de la cellule, rejoint
le corps cellulaire situé dans le ganglion spinal des
racines postérieures de la moelle : le long de la moelle
épinière se trouvent en effet des groupes de neurones
réunis en ganglions placés sur le trajet des nerfs qui
pénètrent la partie postérieure de la moelle. Puis il
parcourt dans un sens cellulifuge l'axone de ces
mêmes cellules, se dirigeant vers la moelle où siège le
premier relais synaptique. La dépolarisation y est pro-
pagée d'un neurone à l'autre par la libération d'une
Dette micrographie optique en dehors du système nerveux substance chimique - un médiateur chimique de
d'un ganglion spinal permet central, apparaissent l'influx nerveux. Cela exige un temps très court, mais
de bien distinguer comme de larges corps circulaires, non négligeable, qui constitue le délai synaptique - de
les groupes de cellules nerveuses chacun d'entre eux étant l'ordre de la milliseconde. Toujours dans le cas le plus
qui le constituent. entouré d'une couche de cellules simple, cette excitation du neurone sensoriel se réflé-
Les cellules nerveuses plus petites, chit immédiatement dans la moelle sur un neurone
ganglionnaires, situées les cellules satellites. moteur qui répond à l'excitation initiale par une
contraction musculaire. C'est là un arc réflexe mono-
synaptique, comme celui déclenché chez la grenouille
démédullarisée par une goutte acide sur une patte
que l'autre patte vient frotter. C'est aussi le cas du
réflexe commandant l'extension de la jambe à la suite
de la percussion du tendon rotulien.
A partir du deuxième neurone, l'influx peut égale-
ment se propager vers les centres supérieurs en sui-
vant une voie « directe », dite lemniscale, dont le der-
nier relais avant d'atteindre le cortex cérébral se fait
dans les noyaux ventro-latéraux et postérieurs du
thalamus.
La voie lemniscale se termine en faisant synapse avec
les corps des grandes cellules pyramidales de la cin-
quième couche du cortex. Celles-ci, excitées, réfléchis-
sent l'influx vers la périphérie par une voie centrifuge,
la voie pyramidale, qui prend fin essentiellement sur
les formations musculaires au niveau d'une «plaque
motrice ». La dépolarisation, propagée depuis la péri-
phérie sensible, aboutit là encore à la libération d'un
médiateur chimique, l'acétylcholine, qui provoque la
dépolarisation et la contraction du muscle strié. Cette
contraction aura pour résultat le mouvement d'un
membre assurant soit la disparition du facteur de
variation situé dans l'environnement qui est à l'ori-
gine de l'excitation sensorielle, soit le déplacement de
En rouge, la voie lemniscale. du thalamus pour rejoindre l'organisme entier, soustrayant celui-ci à l'action de ce
En bleu, la voie extralemniscale, secondairement facteur de variation ou lui permettant de l'utiliser au
qui fait relais dans le centre des régions précises du cortex. mieux de sa survie. Et la boucle est bouclée : partie de
médian du thalamus Laformation réticulaire, l'environnement, elle y revient, et si l'arc réflexe est
- système thalamique diffus. en bleu, est le centre efficace, il maintiendra l'«homéostasie généralisée »,
Les influx, dans ce cas, de distribution de l'ensemble celle de l'organisme entier à l'égard de son milieu, à
s'orientent d'abord du système limbique distinguer de l'«homéostasie restreinte », limitée au
vers des noyaux localisés et du cortex. maintien de la constance des conditions de vie dans le
milieu intérieur, suivant Claude Bernard.
Colère, agressivité, peur,
autant d'émotions qui motivent
une action motrice exceptionnelle,
rendue possible grâce
à l'effort fourni par l'ensemble
de l'organisme : accélération
du rythme cardiaque,
vasoconstriction des vaisseaux
sanguins, augmentation
de la ventilation...
Jacques le Grant,
LeLivre des bonnes moeurs :
deuxjoueurs de dés se disputent,
miniature du xvesiècle.
Chantilly, musée Condé.
L'autonomie motrice n'est possible que si les organes constriction, réduisant le lit circulatoire des organes
qui en permettent la réalisation fournissent un effort inutiles à la fuite et à la lutte, que la nouvelle réparti-
supplémentaire : le système nerveux doit pouvoir tion de cette masse sanguine se fera. Toute l'aire abdo-
commander la coordination des muscles squelet- minale et la peau vont ainsi se trouver en dette d'oxy-
tiques, ceux de la motricité, et ces derniers fournir un gène. Il faut alors que la fuite ou la lutte soient
effort considérable, donc recevoir une masse sanguine r a p i d e m e n t efficaces et capables de restaurer les
plus importante pour leur approvisionnement et pour caractéristiques habituelles de l'environnement. Toute
l'évacuation des déchets de leur métabolisme accru. cette réaction est dominée par le système adréno-
Par conséquent, la pompe cardiaque doit augmenter sympathique.
son débit, la ventilation aussi. La masse sanguine ne L'homéostasie du milieu intérieur va donc se trouver
pouvant se modifier brutalement, c'est par la vaso- bouleversée en quelques instants. La conservation de
notre vie libre et indépendante ne sera plus la consé- aux motivations, et on a alors pu tenter un essai de
quence de la conservation de la constance des condi- compréhension des phénomènes de conscience et
tions de vie dans le milieu intérieur, mais de sa perte. de l'inconscient.
Grâce à cet a b a n d o n m o m e n t a n é , la fuite, en A côté de ces voies pyramidales simples existe un sys-
soustrayant l'organisme au danger survenu dans tème de voies beaucoup plus complexe appelé sys-
l'environnement, ou la lutte, en agissant sur ce danger tème extrapyramidal, par lequel le cortex se projette
et en le faisant disparaître, permettront le retour à des encore sur les neurones de la moelle épinière. Ces
conditions de vie normales dans l'environnement. voies se projettent d'abord sur de nombreuses aires
C'est seulement alors que le retour à l'homéostasie du cérébrales, en particulier sur ce qu'il est convenu
milieu intérieur redeviendra possible. D'où la dis- d'appeler les ganglions de la base et sur le cervelet, et,
tinction entre une homéostasie restreinte au milieu après de nombreuses boucles rétroactives, contrôlant
intérieur et, au niveau d'organisation supérieur, une les influx corticaux, elles commandent au tonus et à la
homéostasie généralisée de l'organisme dans l'envi- dynamique musculaire.
ronnement. Il y a bien là changement de programme La voie extralemniscale, elle-même indirecte, naît de
pour atteindre un but identique : la survie. C'est un la voie directe qui, en passant au niveau du tronc céré-
p h é n o m è n e analogue qui fait passer les sociétés bral, d o n n e naissance à des colatérales qui font
humaines d'une économie de paix à une économie synapses avec les neurones du système en réseau de
de guerre. la formation réticulaire située dans le mésencéphale.
L'entraînement peut dans une certaine mesure éloi- Cette formation réticulaire constitue un remarquable
gner les limites à partir desquelles le changement de centre de distribution, à partir d u q u e l les influx
programme survient. Mais il faut bien comprendre gagnent le cortex en suivant deux contingents de
que cette réaction, si elle défend effectivement la vie, fibres à cheminement différent. Les unes se terminent
ne la défend pas par le truchement de la conservation par des synapses axodendritiques dans les couches
de la constance des conditions de vie dans le milieu superficielles du cortex. Les autres, avant d'y parve-
intérieur - constance qu'au contraire elle détruit rapi- nir, font d'abord relais dans le thalamus et en particu-
dement - mais par la conservation de l'autonomie lier dans le centre médian qu'il est convenu d'appeler
motrice. La réaction organique à l'agression est bien le système thalamique diffus de Jasper. Ce système dit
une réaction « physiologique » dès que l'on ne confond diffus ou aspécifique est cependant aussi un système
pas son mécanisme avec celui assurant l'homéostasie focalisateur. En le quittant, les influx s'orientent vers
restreinte. des noyaux localisés du thalamus avant de rejoindre
A partir du concept d'arcs réflexes multiples d u des régions précises du cortex.
« stimulus-réponse » défini par Charles Scott Sherring- La voie lemniscale est celle dont la mise en jeu aboutit
ton en 1898, on est parvenu aux facultés mentales par voie réflexe à la réponse globale de fuite ou de
associées, aux instincts, aux émotions, à la mémoire, lutte, à l'expression fondamentale de l'agressivité
C e tableau met parfaitement
en scène l'ensemble
l'attaque ou la fuite.
car il n'est pas simple. Si à ce moment une attaque illustration allemande, vers 1900,
ment, grâce à des stratégies plus complexes, les besoins à des créations raffinées
deux types de réponse sont d'ailleurs en interrelation mets délicats, boissons capiteuses,
réponses stables stéréotypées à programme fixe peu- dans les trois domaines.
vent ainsi être influencées, et leur réponse transfor- Pompéi, fresque érotique
Cependant des régions plus évoluées phylogénétique- renseigne notre système nerveux
sont également sensibles aux influences hormonales et que des sensations comme la soif
hypothalamique - qui peut aussi être influencé direc- e t nous conduisent à boire
Tout l'équilibre du milieu intérieur agit sur le fonc- l'équilibre de notre milieu
régulation en retour sur l'hyperosmolarité qui aboutit Comme les vieux chantent,
l'homme à la flûte,
Dürer lui-même,
symboliserait le mélancolique,
le flegmatique.
de l'expérience personnelle,
d'entre nous.
masse sanguine est orientée préférentiellement vers adversaire, on observe une vasoconstriction mus-
les muscles et vers les organes immédiatement indis- culaire généralisée, alors que, durant la période de
pensables à l'autonomie motrice, aux dépens des combat, la vasodilatation est limitée aux muscles
autres organes : les vaisseaux irriguant les organes de utilisés en défense.
la région abdominale et la peau sont en vasoconstric- Ce qu'il est convenu d'appeler émotion est en rapport
tion, tandis que les vaisseaux musculaires, pulmo- avec une expérience subjective, réduite au sujet qui
naires et cérébraux sont vasodilatés. Ces ajustements l'éprouve. L'observateur ne peut en prendre connais-
vasomoteurs exigent la mise en jeu du système qui sance que par le truchement du comportement qui
préside aux variations du calibre des vaisseaux et aux l'accompagne et qu'il peut rapprocher de son expé-
variations locales du débit circulatoire. La circulation rience personnelle.
musculaire peut être influencée de façon diamétra- Pulsions et émotions sont donc des processus fré-
lement opposée selon les circonstances : pendant la quemment associés, mais dont l'approche expérimen-
phase d'immobilité, en attente de l'attaque contre un tale est forcément différente. La pulsion trouve son
origine dans une sensation interne de besoin qui
pousse à agir et qui provient de la structure même de
l'organisme et du système nerveux qui en assure la
pérennité. L'émotion paraît au contraire liée aux sen- L e s émotions sont liées
sations qui résultent des ajustements vasomoteurs mis aux ajustements vasomoteurs
en jeu en vue de l'action, mais à la suite d'un appren- qui interviennent en vue
l'une de ces deux catégories, il est ou bien neutre et vu par un observateur extérieur,
permet pas une action adaptée. Si nous sommes avec un événement gratifiant.
comportement. Celui-ci exige une interaction entre qu'en suivant ses instincts,
système nerveux ; dans le second cas, de son expé- vaut peut-être mieux
cache sa finalité. Une autre vient du fait que, chez caricature parue dans
les a provoquées.
En conséquence, on parvient à cette conclusion que les
comportements instinctifs, qui ne font appel ni à un portement qu'entraîne, après apprentissage de l'inef-
apprentissage ni à l'expérience favorable ou défavo- ficacité de l'action, le signal annonçant un tel choc - et
rable de l'action, les comportements que l'on peut qui pousse bien souvent l'animal, dans ce cas, à se
appeler innés en quelque sorte et dépendant de l'orga- tapir en silence.
nisation primitive du système nerveux de l'espèce, On retrouve sur le plan neurophysiologique la dis-
sont peu nombreux; ils orientent le fonctionnement tinction faite au plan comportemental. Désormais, il
des aires sus-jacentes de l'hypothalamus, respon- est très généralement admis que les comportements
sables de l'apprentissage et de l'associativité. affectifs, qui semblent nécessairement mettre en jeu
Lors d'expériences en laboratoire sur les rats, il paraît un processus de mémoire, font appel au système lim-
donc essentiel de ne pas confondre un compor- bique et au cerveau antérieur, alors que les comporte-
tement entraîné par un stimulus non conditionné ments pulsionnels, c'est-à-dire les comportements
aversif - un choc électrique par exemple, qui pro- sexuels, de consommation, de fuite ou de lutte, non
voque la course, des sauts et des cris, ou une attitude conditionnés, sont gouvernés par l'hypothalamus
agressive lorsque la fuite est impossible - et le com- et le mésencéphale.
On p e u t alors d i s t i n g u e r deux g r a n d s types de fait pas appel à une pulsion interne et il met en jeu le
comportements instinctifs, non conditionnés. PVS (ou faisceau de la punition). Ce comportement
Le premier, le c o m p o r t e m e n t d ' a p p r o c h e ou de inné se manifeste dans l'agressivité défensive. C'est
consommation, est déclenché par l'hypothalamus l'hypothalamus antérieur qui mobilise la réaction
lorsqu'il reçoit à la fois un signal interne et un stimu- comportementale et neuro-endocrinienne de défense.
lus externe, l'objet de consommation : il s'agit de Mais si l'action est efficace, si en d'autres termes la
boire, manger et copuler. Si un comportement de réaction de fuite ou de lutte est récompensée,
consommation est récompensé et non puni, il met l'apprentissage de sa stratégie met en jeu le MFB. Si
en jeu le MFB (ou faisceau de la récompense) et la au contraire elle est inefficace, la mémorisation de
mémoire de la stratégie adoptée pour obtenir satis- l'inefficacité de l'action est à l'origine de la mise en jeu
faction. Il devient alors un besoin acquis, et non plus du système inhibiteur de l'action (SIA), système
un comportement instinctif. faisant appel à un conditionnement. Dans les deux
Le second type de comportement instinctif, celui de cas, c'est l'apprentissage qui transforme la réponse
fuite ou de lutte à la suite d'un stimulus aversif, ne hypothalamique innée.
L e système limbique
est indispensable
c'est-à-dire à la mémoire.
essentiel à l'établissement
LE SYSTÈME LIMBIQUE
de l'apprentissage. Le dressage
Hishikawa Moronobu
e système limbique peut être considéré
L
(vers 1618-vers 1694), comme un paléocortex, sorte de cortex pri-
détail d'un paravent : mitif, plus profondément refoulé, chez les
Exhibition équestre à la cour, mammifères, par le développement du cortex. Le sys-
dressage de singes, tème limbique, siège de l'expérience émotive, est
milieu du XVIIe siècle.
avant tout celui de la mémoire à long terme, et il
Paris, collection particulière. paraît essentiel aux processus de mémoire. Or la
mémoire des expériences passées est un élément
U n des médiateurs chimiques important de la survie. Le fait de ne pas avoir plus
de ce système est la dopamine, souvent tenu compte des processus de mémoire et
dont on voit ici d'avoir mélangé les différents niveaux d'organisation
une microphotographie obtenue anatomiques et physiologiques où ils se situent a
sous lumière polarisée. faussé l'interprétation de nombreux comportements.
Il en est résulté de graves erreurs sémantiques.
C e dessin met en évidence
la structure anatomique
au centre), l'hippocampe
Le système limbique
de l'agréable et du désagréable
des sentiments.
Le système limbique part de la formation réticulée du Pour identifier les structures nerveuses centrales fai-
tronc cérébral pour y revenir après avoir décrit des sant le lien entre la sensation et l'action, on a été
circuits - dont le premier fut repéré par James Papez conduit à stimuler ou à détruire isolément ces struc-
en 1937 - reliant de nombreuses formations encépha- tures. Lorsque l'une d'entre elles a été détruite, le
liques entre elles. L'hippocampe, qui en constitue la changement de comportement qui en ressort ne signi-
formation la plus développée, entre également en fie pas que cette structure soit la source du compor-
relation avec l ' a m y g d a l e n e r v e u s e , celle-ci avec tement devenu déficitaire, mais que la lésion ainsi
l'hypothalamus, et celui-ci enfin avec la formation provoquée a endommagé un circuit dont l'intégrité
réticulée. En outre, l ' h y p o t h a l a m u s se trouve en était nécessaire à la réalisation du comportement.
connexion étroite avec l'hypophyse, centre de com- De même, quand la stimulation d'une aire cérébrale
mande de tout le système endocrinien, en d'autres déclenche un comportement, cela ne veut pas dire
termes de la vie métabolique tissulaire. que cette aire cérébrale soit à l'origine de ce compor-
tement, cela signifie seulement que l'on a stimulé, ronnement. Or, les stimuli essentiels ne sont pas ceux
électriquement le plus souvent, une région apparte- qui prennent naissance dans l'environnement, mais
nant à un circuit qui intervient normalement dans ce ceux qui proviennent des perturbations internes de
type de comportement. l'organisme lorsque celui-ci essaie de maintenir,
Depuis que Charles Scott Sherrington a mis en évi- par l'action sur son environnement, son information-
dence, en 1898, les processus neurophysiologiques structure.
reliant le stimulus et la réponse, on parle d'arc réflexe L'action paraît liée à un stimulus extérieur, mais le
et de stimulus-réponse. On persiste néanmoins parfois stimulus premier, le système de référence, est interne,
à considérer que le système nerveux ne répond soit primitif - il consiste alors en une perturbation
qu'aux stimuli de l'environnement, et à poursuivre de l'homéostasie -, soit acquis par mémorisation des
le raisonnement jusqu'aux activités nerveuses « supé- expériences antérieures. Si l'on ne prend pas ce sys-
rieures », limitant toutes les actions d'un organisme tème de référence interne en considération, la physio-
sur et dans l'environnement à une réponse à cet envi- logie nerveuse est incompréhensible.
ue d e m a n d e n t les p r o c e s s u s de m é m o i r e ?
bales, auditives ou visuelles. En 1979, Bock a pesé les sur les bancs de l'école
poids du cortex occipital de ces derniers était d'envi- d'un personnage célèbre
ron 6 % plus élevé que celui des autres animaux. Cette ou les dates ayant illustré
expérience avait pour but de montrer que l'acquis par une glorieuse carrière?
l'apprentissage est stocké dans les mémoires, et qu'il Quels sont donc les processus
peut être pesé : il s'agirait de traces protéiques, pro- de la mémoire qui, bien souvent,
l'apparition de lésions somatiques, telles que celles canaux sensoriels distincts : ceux du toucher, de la
constatées après que le sujet a été soumis à ce qu'il est vision, de l'audition, etc. On a même pu observer que,
.Lorsqu'il touche son pied,
le bébé voit ses sensations
se boucler sur lui-même
au niveau des mains et du pied,
alors que lorsqu'il touche
son biberon ou sa mère,
ses sensations s'ouvrent
sur le milieu extérieur.
La distinction entre
ces deux types de sensations
aboutit, après plusieurs mois,
à la formation du schéma corporel
limitant l'individu dans l'espace,
entre son moi et le non-moi
que constitue
le monde extérieur.
dans la zone des aires corticales recueillant les influx C'est par l'action que le nouveau-né construit son
visuels, zone qui se situe au niveau de l'occiput, les schéma corporel. Ainsi, lorsque sa main vient toucher
influx liés à la forme et ceux liés au mouvement d'un son pied, les deux sensations, celle de la main et celle
objet n'influencent pas les mêmes neurones. Par du pied, se referment sur lui, alors que si elle vient
conséquent, le nouveau-né ne saurait avoir la notion toucher son biberon ou le sein de sa mère, la sensation
d'objet, car il est encore incapable d'associer ces diffé- de la main s'ouvre sur le monde extérieur. Il lui faut
rentes perceptions, de les rapporter à un même objet. dix-huit mois à deux ans pour se rendre compte qu'il
Seuls l'apprentissage et l'association à l'aide des neu- est distinct du milieu qui l'entoure, qu'il est seul dans
rones associatifs de différentes aires corticales influen- sa peau, jusqu'à la mort. Jusque-là, il était dans son
cées par les caractéristiques variées d'un même objet « moi-tout ».
- couleur, forme, poids, odeur, saveur, etc. - lui per- Le nouveau-né commence par mémoriser essentielle-
mettront d'acquérir cette notion. ment des sensations agréables et désagréables, en par-
Il en va de même pour la perception de son propre ticulier celles liées à la satiété et à la faim. Or ces sen-
corps, premier objet dont il doit prendre conscience. sations sont, la plupart du temps, liées à la mère qui
même séparé du monde environnant. Elles manquent
d'un principe de causalité. Peut-être est-ce là ce que
certains ont appelé inconscient collectif.
L'apprentissage et la mémoire semblent procéder de
façon indépendante dans les deux hémisphères céré-
braux, chacun de ceux-ci possédant sa propre sphère
de sensation, de perception et de formation des idées.
Ce qui expliquerait que la mémoire, tout en étant un
processus global, présente un polymorphisme dû à
l'utilisation de voies nerveuses différentes au cours de
l'apprentissage.
L e conditionnement opérant,
T,
sur l'environnement. Ici, la prise n 1975, J. V. Brady propose de distinguer les
d'une cigarette déclenche émotions qui surviennent «à l'intérieur de la
l'émotion du plaisir anticipé. peau» et les comportements émotifs qui sont à l'ori-
gine d'une interaction entre l'individu et l'environne-
ment. C'est la distinction généralement faite entre le
assure la satisfaction de ses besoins, à son contact, à conditionnement pavlovien primitif, où le signal
son odeur, au son de sa voix, sans qu'il sache encore conditionné provoque une réponse involontaire telle
qu'elle n'est pas lui. Lorsqu'il comprend que non seu- que la salivation, et le conditionnement skinérien, dit
lement sa mère n'est pas lui - ce que Jacques Lacan a opérant, caractérisé par des actions sur l'environne-
appelé le « stade du miroir » -, mais qu'elle a des rela- ment. Dans le premier cas, le stimulus survient avant
tions privilégiées avec d'autres êtres qu'il ne sait pas la réponse de l'organisme. Dans le second, l'événe-
encore être son père ou ses frères et sœurs, il se met à ment déclenchant l'émotion suit l'action sur l'environ-
craindre qu'on ne lui prenne son objet gratifiant, nement : par exemple l'obtention de nourriture après
source de tous ses plaisirs. Il découvre alors la jalou- appui sur un levier.
sie, la frustration, la douleur, l'angoisse. Cette période En réalité, le problème est plus complexe qu'il n'y
paraît bien être la source de fantasmes et de certaines paraît. L'objectif reste toujours le maintien de la struc-
formes d'angoisse apparemment instinctives, car elles ture de l'organisme, et, pour y parvenir, des méca-
trouvent leur origine à un moment de la vie, celui de nismes différents sont mis en jeu. Mais dans tous les
l'empreinte, où l'on ne peut les rapporter à un soi- cas, les ajustements vasomoteurs, qu'ils autorisent la
LE S Y S T È M E N E R V E U X
rait à la suite d'une atteinte comparable, que l'expé- qui s'est brûlé une fois
tionnement réflexe n'est pas encore établi entre cette à la douleur ressentie
en résulte est la peur. D'un point de vue évolutif, cette L'émotion dépend toujours d ' u n e expérience anté-
dernière est avantageuse quand elle permet la fuite ou rieure, elle fait appel à un processus de mémoire et
la lutte. Mais si l'expérience qu'on en a montre à la elle est la conséquence ou le facteur d'un comporte-
fois la nocivité et l'impossibilité d'agir efficacement ment qui négocie avec le milieu le rétablissement ou le
contre cet événement, la peur débouche sur l'angoisse, maintien de l'information-structure de l'individu qui
qui semble toujours accompagner l'inhibition de l'éprouve. Les émotions d ' o r i g i n e a p p a r e m m e n t
LI
ou chez le même individu Ci-dessus, ascète ors de la première utilisation de neuroleptiques,
à différents moments. pratiquant le yoga, mes collaborateurs et moi-même avions constaté
Ici, on voit combien les attitudes Histoire des Mongols, qu'ils p r o v o q u a i e n t une «indifférence du sujet à
face à la nourriture manuscrit du XVIIe siècle. l'égard de son environnement», état qui fut qualifié
peuvent différer, Venise, bibliothèque Marciana. par la suite d'ataractique. Nous avions d'abord appelé
ces neuroleptiques des « neuroplégiques », car ils inhi-
baient les ajustements vasomoteurs sous dépendance
nerveuse. L'émotion qu'ils paraissaient supprimer L action provoquée
nous semblait donc liée aux sensations résultant de par une émotion
la vieille théorie de William James qui, dès 1884, reje- des remaniements vasomoteurs.
tait l'idée que la pensée et la sensation puissent être à Ce sont eux q u e nous ressentons
nous nommions émotions. Ce fut Karl Georg Lange nous sommes « glacés d'effroi »,
cependant qui, en 1885, attribua le premier la totalité notre cœur bat « à se rompre »,
de notre activité émotionnelle aux remaniements nous avons des « sueurs froides »
Singer ont démontré que l'expérience émotive et son Rufino Tamayo (1899-1991),
thique, c'est-à-dire une réaction du système nerveux Rome, galerie d'Art moderne.
p é r i p h é r i q u e qui c o m m a n d e la vie o r g a n i q u e et
végétative.
L'activité sympathique et parasympathique sur le refoule le sang vers les organes indispensables à
cœur, les vaisseaux et les viscères provoque d'ailleurs la fuite ou à la lutte. L'accélération du rythme car-
des sensations qui sont le plus souvent les seules diaque aboutit à une meilleure alimentation sanguine
que nous ayons à notre disposition p o u r décrire de ces organes.
nos émotions : nous sommes «glacés d'effroi», notre Certains biologistes ont tendance à considérer que
cœur « bat à se rompre », nous en avons des « sueurs seules les émotions négatives, c'est-à-dire les états
froides » ou le « souffle coupé » ; parfois nous « hale- produits par anticipation de la douleur, du danger, du
tons d'angoisse », mais nous « rosissons de plaisir » et combat ou du désagrément, appelant la crainte,
la « détente du bonheur » exprime la sensation de la l'angoisse, la colère ou la tristesse, sont de vraies émo-
résolution musculaire alors que l'inhibition de l'acti- tions. L'anticipation d'événements agréables ou du
vité neuromotrice s'accompagne d'une sensation de plaisir sous toutes ses formes n'entrerait pas dans le
« j a m b e s coupées ». Toutefois, n o u s d e m e u r o n s cadre des émotions. Prenant ce principe pour base,
inconscients du rôle de protection que ces réactions des méthodes d'apprentissage réduisent certaines pul-
ont sur la structure biologique. La vasoconstriction sions en offrant une récompense chaque fois que
cutanée d i m i n u e la t e m p é r a t u r e de la p e a u puis celles-ci ne sont pas satisfaites. Ce type d'enseigne-
Nos comportements
sont a u t a n t motivés
pour Cythère,
une douleur.
messagers qui eux-mêmes peuvent avoir une activité L inhibition de l'action résulte
En ce qui concerne le test de l'évitement actif, la cage à le sujet n'en profite pas et reste
n p e u t é t u d i e r , à l ' a i d e de tests, sous-tendent en agissant à plusieurs teurs à l'ACh et du cycle des phosphoino-
0 l'influence de certains agents phar- niveaux d'organisation. sitides. Dans ce cas, on est en mesure de
macologiques sur l'apprentissage et la On admet que l'acétylcholine (ACh) s'opposer complètement à l'action amné-
mémorisation de l'évitement passif comme commande aux comportements d'inhibi- siante de la scopolamine dans le test de
de l'évitement actif. tion de l'action. On comprend pourquoi la l'évitement passif. On peut donc commen-
scopolamine, qui, nous venons de le voir, cer à réunir les niveaux d'organisation
Test de l'évitement passif est un antagoniste de l'action de l'ACh sur moléculaire, génomique, m e m b r a n a i r e
La scopolamine, qui bloque l'action de ses récepteurs, s'oppose à l'acquisition et à et neurophysiologique dans certains pro-
l'acétylcholine sur ses différents récep- la rétention d'un comportement d'évite- cessus de mémoire et dans les comporte-
teurs, a une action amnésiante puissante ment passif, qui est un comportement ments qui les accompagnent.
dans le cas de l'évitement passif. Il est d'inhibition d'une pulsion instinctive.
alors possible d'étudier l'action antago- Mais les récepteurs à l'ACh sont multiples. Test de l'évitement actif
niste ou au contraire facilitante de nom- Les uns, dits récepteurs Ml, lorsqu'ils sont Les médiateurs chimiques mis en jeu sont
breuses molécules agissant sur différents stimulés par l'ACh, mettent en jeu un cette fois les catécholamines (dopamine
récepteurs membranaires, ou la stimula- second messager, le cycle des phosphoino- et norépinéphrine). Les antidépresseurs en
tion des seconds messagers qui eux- sitides. Ce cycle aboutit à la stimulation facilitent l'action. Le second messager nous
mêmes peuvent avoir une activité spéci- d'une enzyme, la protéine kinase C (PKC), a paru être l'adénylate cyclique (cAMP).
fique sur le métabolisme neuronal ou sur capable d'activer d'autres protéines enzy- U n e m o l é c u l e c o m m e le p r o p r a n o l o l ,
l'expression de certains gènes. On peut matiques et même d'agir sur le génome antagoniste des catécholamines sur les
ainsi mettre progressivement en évidence pour y déclencher les mécanismes de la r é c e p t e u r s B et i n h i b a n t l ' a c t i v i t é de
le rôle des seconds messagers dans un pro- synthèse de protéines à partir de certains l'adénylate cyclase, s'oppose à l'appren-
cessus de mémorisation d'un évitement gènes. Or il est possible d'activer la PKC tissage et à la rétention d ' u n comporte-
passif et dans les comportements qu'ils sans passer par l'intermédiaire des récep- ment d'évitement actif.
stable, ulcère de l'estomac, etc., et l'animal devient l'animal ne se souvient pas qu'il est dans une situation
sensible à toute infection ou à tout développement désespérée. Et au bout de sept jours, il se porte parfai-
de tumeur. tement bien, alors que la sévérité des électrochocs
Pour démontrer que ce syndrome pathologique de convulsionnels aurait pu être une raison supplémen-
l'inhibition de l'action résulte bien d'un processus de taire d'aggravation de son état physiopathologique.
mémoire, la mémoire de l'inefficacité de l'action, on a L'apprentissage du désespoir est si profondément
soumis les animaux, au cours du dernier protocole ancré dans le cerveau des animaux que si, après sept
expérimental, à un électrochoc avec convulsions et jours, on ouvre la porte de communication entre les
coma i m m é d i a t e m e n t après la séance journalière deux chambres, ils n'en profitent pas et restent pros-
expérimentale. L'électrochoc, en dépolarisant les neu- trés dans leur dépression comportementale.
rones, en particulier ceux de la formation réticulée, Ici encore, on peut utiliser des agents pharmaco-
empêche le passage de la mémoire à court terme à la logiques pour empêcher ou au contraire faciliter
mémoire à long terme du fait de l'absence de mobili- l'apprentissage et la mémorisation du comportement
sation du système limbique. Ainsi, d'un jour à l'autre, d'évitement actif.
La durée d ' u n stimulus nociceptif aboutissant à un
c o m p o r t e m e n t d'inhibition de l'action p e u t donc
transformer profondément l'activité biophysiologique
et comportementale de l'individu : une situation
d'inhibition de l'action de longue durée est en effet
Image du plus complet désespoir, susceptible d'influencer les processus de mémoire et
cet homme semble avoir de provoquer des troubles mnésiques comparables
renoncé à toute possibilité à ceux qui caractérisent le vieillissement cérébral par
de réagir, d'émerger exemple.
de sa souffrance, de reprendre On en arrive alors à la conclusion suivante : la réponse
contact avec le monde extérieur, comportementale à une situation comportementale
de communiquer est capable d'influencer la réponse à un agent phar-
un tant soit peu avec lui. macologique, alors que jusqu'ici c'était plutôt l'inverse
qui était observé.
.Le rêve, ici magistralement LE CORTEX
représenté par Dali, ou l'écriture,
intervention majeure se trouvent ainsi en mesure de ne pas avoir encore été touchés
quelques heures plus tard, ils n'en ont aucun souve- Munich, Stadtische Galerie
de l'attention t o u t en rendant
possible l'accomplissement
la production d'objets
manufacturés. En revanche,
La fabrique Enfield,
motocyclettes du monde.
du système nerveux aux variations de l'environne- façon réflexe ou a u t o m a t i q u e , que l ' h o m m e est
ment serait chaque fois différente, puisqu'une situa- conscient. Il est donc d'autant plus conscient qu'il
tion ne se reproduit jamais. Ce comportement serait connaît ses automatismes et ses pulsions, et qu'il par-
également inconscient. vient à s'en libérer par sa faculté à imaginer. On peut
La conscience paraît en définitive être un phénomène aussi penser qu'il risque d'être d'autant plus conscient
résultant de l'impossibilité où se trouve un individu que ses pulsions fondamentales sont plus puissam-
« normal » d'être inconscient, c'est-à-dire de répondre ment en opposition avec les interdits sociaux, ces der-
par un comportement soit entièrement automatique, niers créant ses automatismes. Mais le plus souvent ce
soit entièrement aléatoire. Le fait que sa mémoire et conflit sans solution entre pulsions et interdits mettant
son expérience, innée comme acquise, l'entraînent à en jeu le système inhibiteur de l'action est si doulou-
répondre par voie automatique, donc inconsciente, a reux que l'individu préfère l'enfouir dans son inscons-
pour support tout le système sous-cortical et cortical cient, le refouler. Névroses et psychoses trouvent sans
de l'individu, essentiellement la partie de l'encéphale doute là une de leurs sources.
qu'il a en commun avec les autres espèces animales, le La conscience se révèle ainsi comme la conséquence
paléocéphale. Le langage ne change rien à l'affaire : il du fonctionnement le plus complet, le plus intégré
n'est qu'un moyen de stimulation supplémentaire, de toutes les aires et fonctions cérébrales. Elle est
plus complexe, un deuxième système de signalisa- d'autant plus grande que la soumission aux automa-
tion - suivant l'expression d'Ivan Petrovitch Pavlov - tismes inconscients est plus faible, ce qui devrait être
capable d'enrichir le comportement sans pour autant le propre de l'espèce humaine. La vigilance est néces-
le rendre plus conscient. Le principe de stimulus- saire à la conscience, mais il ne s'agit pas pour autant
réponse est donc incapable de fournir une interpréta- de les confondre : on parle par exemple d'animaux à
tion du phénomène de conscience. l'état vigil et non pas d'animaux conscients.
Quant aux systèmes associatifs, ils ne peuvent se Q u a n d un p i a n i s t e de concert passe p l u s i e u r s
concevoir isolés des précédents (système limbique, semaines à répéter un même trait, il le fait pour auto-
hypothalamus et formation réticulaire ascendante) : matiser les multiples mécanismes qui aboutissent aux
ils n'auraient rien à associer s'ils n'avaient rien mémo- mouvements complexes de ses doigts afin que ces
risé. Mais imaginons qu'ils puissent associer au mécanismes deviennent «inconscients». L'automa-
hasard des éléments mémorisés sans relations entre tisme lui permet alors de focaliser son attention sur
eux, en particulier sans les relations temporelles autre chose, par exemple sur des sonorités qui font
nécessaires à la notion de pérennité du sujet qui agit ; la richesse de son interprétation, nous introduisant
ce fonctionnement serait évidemment inconscient. dans son imaginaire et dans le nouveau niveau de
C'est finalement parce qu'il est capable de répondre conscience que celui-ci permet. Dans les deux états, ce
de façon originale à un problème posé par l'environ- pianiste est vigilant, mais son niveau de conscience
nement, problème auquel il aurait pu répondre de n'est pas le même, car ses automatismes inconscients
ne sont pas identiques. Son second état de conscience
s'est enrichi de tous les automatismes inconscients
L'ensemble de ces réflexions nous conduit à décrire passe plusieurs semaines à répéter Son niveau de conscience n'est pas
deux types différents de processus conscients : la un même trait afin d'automatiser, le même dans les deux cas :
conscience concrète et la conscience abstraite. de rendre inconscients dans le second, il s'est enrichi
La conscience concrète serait celle que l'enfant pos- les mécanismes complexes de tous les mécanismes
sède avant l'acquisition du langage, mais après celle qui aboutissent aux mouvements inconscients.
du schéma corporel : le monde dans lequel il se meut de ses doigts. Beethoven au piano,
est alors peuplé d'« images » qui en sont le reflet. Ces C'est seulement ensuite pastel du xixe siècle.
images résultent de l'association par le cortex de qu'il peut focaliser son attention Vienne, Musée historique.
de l'environnement
reconstituent, à partir
de l'environnement.
partiel est corrigé en fonction de ce but. Dans les acti- l'importance des réflexes,
atteindre son objectif, plusieurs schémas d'automa- à agir sans aucun temps
sive des fonctions dans l'organisme social qui com- pourrait être directement lié sont plus récents : fabriqués
mençait alors à se constituer. La communication entre à la multiplication entre 2 500 et 1 800 ans
les éléments individuels de la collectivité était deve- et à la différenciation des outils avant Jésus-Christ,
nue nécessaire pour permettre à ce nouvel ensemble créés et utilisés par l'homme. ils sont les témoins
d'agir efficacement en vue de l'amélioration de ses Ainsi, le début du néolithique d'un d é b u t de culture d'outils
conditions de survie. Or cela exigeait un enrichisse- serait une période charnière différenciés,
ment progressif des signaux et la création de règles dans ces deux domaines. la culture Remedello.
grammaticales gérant leurs combinaisons. Ce fut le Ces outils, des pointes de silex Milan, Musée archéologique.
sur l'inconscient,
leur domination
à leurs contemporains.
La conscience se bâtit donc sur l'inconscient. Ce der- porains. Or comment se préserver de l'inconscient si
nier étant par définition inconscient, il est difficile de l'on ne connaît pas les mécanismes de sa genèse, non
lui attribuer quelque crédit, et ce d'autant plus que, plus seulement de façon langagière, mais aussi de
par la logique du discours conscient, l'espèce a pu façon expérimentale ?
Tout cela montre combien il est difficile de faire une
dominer le monde. C'est pourtant grâce à l'incons-.
cient que certains individus, à travers les âges, sont distinction précise entre conscient et inconscient. La
parvenus à imposer leur dominance à leurs contem- conscience est faite d'inconscient et le passage de
l'une à l'autre est du domaine de l'abstraction lan- tismes acquis à partir de l'établissement du schéma
gagière. Si l'on fait référence au p h é n o m è n e de corporel, les automatismes moteurs, conceptuels et
l'empreinte, la distinction est plus difficile encore. Qui linguistiques indispensables à l'efficacité de l'action.
dira précisément la part prise par cette période dans Mais si l'on songe qu'avant l'établissement du schéma
les comportements humains sociaux, dans ce qu'il est corporel, avant qu'apparaisse la conscience d'être
convenu d'appeler la culture? L'inconscient précé- d a n s u n e n v i r o n n e m e n t qui n ' e s t pas « m o i » , à
demment décrit ne prend en compte que les automa- l'époque où l'enfant est encore enfermé dans son
« moi-tout », la mémoire est déjà fonctionnelle puisque
c'est elle qui permet de sortir du « moi-tout » et d'éta-
blir le schéma corporel, alors on comprend que peu-
vent surgir dans le champ de la conscience, une fois
celui-ci constitué, des souvenirs que le sujet sera inca- L inconscient peut être
pable de rapporter à son « moi ». Ces souvenirs seront compris dans un sens restreint
comme venus d'ailleurs, d'un fonds commun ances- comme ce qui est « refoulé »,
tral ou d'un monde mythique et transcendantal, sans parce que non autorisé
cace. Quoi de plus angoissant, puisque l'angoisse naît des interdits de la socioculture.
L'inconscient compris comme ce qui est refoulé par la un moyen d'expression à travers
conscience trouverait son origine dans le fait que la les processus névrotiques
qui permettrait son expression -, entrant en conflit masque d ' e m p r u n t non interdit,
avec un autre automatisme plus impératif pour la sur- celui-là, par la socioculture.
tant de passer à un acte non programmé et non puni. Purée d'étoiles, 1958.
Les réseaux neuronaux mis en jeu dans ce processus Mexico, collection particulière.
conforme au principe
de la réalité socioculturelle.
à tort, « conscience ».
structure originale consciente à l'organisation de réalité autorisé, souvent même récompensé, a été
laquelle il contribue. C'est pourquoi l'on peut dire que mémorisé et automatisé et ne sera jamais plus remis
la conscience se bâtit de seconde en seconde sur en question parce que l'on ignore jusqu'à sa présence,
l'inconscient qui s'accumule, et « n'est jamais ni tout ce qui est, évidemment, le propre de l'inconscient.
à fait la même ni tout à fait une autre », comme la Ainsi, ce n'est pas l'inconscient refoulé qui empêche
femme dont rêvait Paul Verlaine, cette «femme qui de croire à notre liberté, mais au contraire cet incons-
m'aime et me comprend », expression consciente d'un cient autorisé, d'autant plus riche qu'il est récompensé
désir narcissique inconscient. par le principe culturel de réalité et qu'il se fixe défini-
Et c'est en cela que l'inconscient représente un instru- tivement dans un discours logique capable de lui
ment redoutable. Indispensable à l'être conscient, son fournir l'accoutrement de la Vérité.
danger réside non pas tant dans son contenu refoulé L'individu construit ainsi ce qu'il est convenu d'appe-
que dans ce qui au contraire, conforme au principe de ler sa personnalité, construction qui se fige de plus en
plus avec les années, sur un bric-à-brac de jugements signification profonde est l'isolement que l'on en
de valeur, un amoncellement de préjugés indispen- attend de la personne qui refuse de se conformer à la
sables à sa survie dans le cadre culturel où il est né règle de la masse. Délinquants il n'y a pas si long-
et a grandi, fondations rigides, a u t o m a t i q u e s et temps encore, lépreux et fous étaient d'ailleurs par-
inconscientes de son être conscient. Si une seule qués en un même lieu, éloignés du contact avec la
pierre de cet édifice est endommagée, l'ensemble communauté conforme. De même, quand il fait des
de sa construction consciente risque de s'écrouler. « bêtises », l'enfant est puni. Mais s'il travaille bien en
L'angoisse qui en résulte exige, pour être apaisée, classe, l'école le récompense par des prix destinés à
d'être traitée par l'action, et celle-ci ne reculera ni favoriser le renforcement.
devant le meurtre ou le suicide, ni devant la guerre, Ainsi compris, l'inconscient semble bien avoir deux
ni devant le génocide. faces complémentaires : la face cachée, refoulée parce
Il arrive que l'intérêt pulsionnel suscité par un objet se que non conforme au principe d'une quelconque réa-
détache de celui-ci pour se porter sur d'autres aux- lité, et la face visible, favorisée, encouragée, récom-
quels le premier est relié par une chaîne associative. pensée par tous les principes de réalité. «Tout le
Ce déplacement peut être dangereux, non pas dans la monde » peut voir cette dernière, mais personne ne la
névrose ou dans le rêve, mais dans la vie courante : regarde, car elle utilise un discours logique, si bien
toutes les sociocultures ont en effet utilisé ce proces- que « tout le monde » l'appelle la conscience.
sus inconscient pour obtenir de l'individu, à force de Cet inconscient, que l'on pourrait être tenté de quali-
récompenses et de punitions, une soumission à l'ordre fier d'inconscient collectif, ne possède malheureuse-
hiérarchique. ment de collectif que ses règles d'établissement façon-
C'est sur l'inconscient automatique, autorisé, et non nées par le langage et quelques grands schémas
sur l'inconscient refoulé, ce qu'il est convenu d'appe- associatifs qui remontent sans doute au début du néo-
ler les processus de défense névrotique, que se bâtis- lithique, peut-être plus loin encore, et sont, depuis,
sent les prétendues valeurs d ' u n groupe humain. traditionnellement transmis. Chacun les utilise confor-
Toutes les luttes politiques et internationales, raciales mément aux nécessités de sa survie dans le point
et religieuses, y puisent de quoi se nourrir. L'identifi- unique de l'espace-temps où la combinatoire géné-
cation au leader inspiré, l'isolation, l'annulation, etc., tique l'a placé. Il vaudrait peut-être mieux parler
relèvent également de l'inconscient. d'inconscient spécifique, car il est propre à cette
Aller au combat, par exemple, n'a rien de réjouissant. espèce d'individus conscients que sont les hommes.
Mais l'espoir d'une décoration ou d'un avancement Ou, mieux encore, d'inconscient systémique, puisqu'il
hiérarchique aide à prendre avec plus d'entrain le résulte de la structure d'un système, le système ner-
risque de se faire tuer. Quant à la prison, elle est pré- veux humain, et de son expression fonctionnelle qui,
sentée comme une punition de la délinquance dont on en créant cet inconscient, participent au niveau de
espère qu'elle empêchera la récidive. En réalité, sa conscience globale.
LE S Y S T È M E N E R V E U X
IMAGINATION ET LANGAGE
D
ans « imagination », il y a « image ». Cette image
n'est toutefois pas celle qui accompagne la sen-
sation résultant du contact de notre système nerveux
avec le monde : elle trouve bien son origine dans la
sensation, mais fait appel à la mémoire. Les circuits
nerveux mis en jeu par l'expérience peuvent être à
n o u v e a u stimulés et d o n n e r lieu à un rappel de
l'image à laquelle ils ont été primitivement liés, à une
représentation de cette image. Ce rappel lui-même ne
se fait pas au hasard : il dépend de l'équilibre biolo-
gique interne, des besoins, du potentiel affectif et d'un
stimulus externe qui peut ne pas être directement en
rapport avec la séquence sensorielle primitive mais lui
avoir été associé, plus ou moins consciemment, lors
de cette p r e m i è r e sensation. La r é a p p a r i t i o n de
l'état interne qui accompagnait sa mémorisation peut
secondairement faire resurgir l'image première, et
inversement. Ce processus de mémoire d'images ne
fait appel qu'à l'expérience antérieure, il ne fait que
réactiver des circuits n e u r o n a u x conditionnés de
la récompense et de la punition. Mais à cela l'espèce cette «image », l'artiste son potentiel affectif,
humaine ajoute deux choses : le langage et l'imagi- a puisé dans sa mémoire, ses besoins... Modèle
naire. L'un et l'autre sont rendus possibles par le faisant ainsi appel très imparfait de la réalité,
développement de ses zones corticales associatives. à son expérience antérieure; cette œuvre constitue déjà
L'animal est parfois capable d'imagination, mais il il a recomposé des images une abstraction.
n'associe que des images, jamais des concepts. mémorisées et créé un tableau Franz Marc (1880-1916),
On sait que le langage met en jeu des circuits neuro- conditionné non seulement Le Rêve, 1911.
naux dont le fonctionnement inconscient associe des par sa mémoire, mais aussi Neuilly, collection Kandinsky.
construire le monde de la science, car qui dit science dans ce tableau de reconnaître un triangle
dit science des relations. plusieurs figures à trois côtés, en chacune d'elles : le concept
C'est cette élaboration d ' u n m o n d e abstrait que qui se distinguent de triangle nous permet
l'homme a pu réaliser par le langage, un monde de les unes des autres par leur taille, de les associer, en dépit
relations et non plus d'images objectives, alors que les leur couleur de leurs différences.
modèles établis par l'animal sont des modèles d'images e t les proportions inégales Auguste Herbin (1882-1960),
et non des modèles conceptuels. L'animal construit en entre leurs différents côtés. Lundi, 1949.
effet des modèles du monde où il vit puisque, comme Pourtant, nous sommes Bruxelles, collection particulière.
parlerons d'imagination concrète et d'imagination surgis des murs d'on ne sait de multiples images mémorisées
abstraite. Il semble bien que la première soit du trop quelle bâtisse abandonnée, par leur créateur qui,
domaine animal et la seconde du domaine humain. tenant entre leurs « mains » en les recombinant, a su créer
En d'autres termes, de même qu'il existe des niveaux des offrandes odorantes, cette surprenante
de conscience, il paraît exister des niveaux d'imagi- témoignent à leur façon « structure imaginaire ».
Comme nous l'avons déjà vu, le monde extérieur de l'homme peut élaborer. Le Parfum.
pénétrant notre système nerveux par des canaux sen- Ils ne sont finalement guère Collection particulière.
l'attention, de la signifiance. L'imagination choisit des ver dans le monde extérieur une structure, une mise
éléments de sous-ensembles mémorisés suivant les en forme, une information : le monde extérieur péné-
besoins, fondamentaux ou acquis, relatifs à une situa- trant notre système nerveux en «pièces détachées»
tion événementielle particulière, de la même façon par différents canaux sensoriels, l'activité nerveuse
que précédemment la mémoire avait choisi de fixer supérieure a en effet pour rôle de réunir ces pièces
ces sous-ensembles eux-mêmes. Comme les autres suivant la structure de l'objet de façon à aboutir à une
activités nerveuses, l'imagination est motivée, c'est-à- information concernant la forme de cet objet. C'est la
dire que l'activité corticale associative est mise en jeu fonction fondamentale, car elle permet l'action effi-
par une pulsion. Mais celle-ci se dévoile rarement, car cace, et l'animal lui-même est bien obligé de faire
l'apprentissage social l'occulte le plus souvent. La pul- appel à elle pour survivre. Cette fonction se trouve
sion est transformée p a r le code comportemental très améliorée chez l'homme, qui peut associer diffé-
imposé par une société d'une certaine région et d'une remment les éléments de son expérience antérieure
certaine époque, transformation qui prend place dans pour imaginer de nouvelles structures et expérimen-
le système nerveux de façon inconsciente. Elle a toutes ter par l'action leur efficacité. Une telle structure peut
les caractéristiques d ' u n e réalité et paraît corres- n'être valable que pour l'individu qui la conçoit. Elle
pondre à des lois « naturelles ». Reposant entièrement lui donne la possibilité de mieux vivre en agissant
sur des automatismes, elle régente, dans l'incons- plus efficacement. L'autre fonction de l'activité ner-
cience de sa présence, les comportements. Elle gou- veuse supérieure consiste à créer, à partir de ces struc-
verne la sélection des faits mémorisés et le travail tures, un langage qui permette la communication,
associatif entrepris sur ces derniers, tout comme elle c'est-à-dire la confrontation des structures imaginaires
avait p r é c é d e m m e n t orienté la sélection des faits d'un individu à celles des autres. Ainsi peut-il avoir
iVfa gritte
caricature ici le fameux :
« Le mot n'est pas l'objet. »
Chacun peut d'ailleurs,
entre la représentation de l'objet
et le nom qui lui est associé,
imaginer des relations inspirées
par son propre imaginaire,
relations qu'il serait difficile
de communiquer à l'aide
d'un discours logique.
René Magritte (1898-1967),
La Clef des songes, 1930.
Vienne, collection particulière.
avec eux des actions synergiques, passant de l'effica- l'ensemble des relations du monde objectai, il n'aura
cité de l'individu à celle du groupe. Le passage du pas de v a l e u r a b s o l u e et sera donc c o n f r o n t é à
signe au symbole rend ce langage plus imprécis, plus d'autres sous-ensembles déterminés d'autres indivi-
dangereux aussi, car l'image laisse place au concept. dus. Il pourra donc y avoir antagonisme dans la réali-
Ce dernier ne pouvant être qu'un sous-ensemble de sation de l'action.
JLe langage ni avec le monde humain Ce langage est obligatoirement structuré, puisqu'il
est un moyen personnel et le langage devient devient lui-même l'image d'une structure, ce qui
de construire son monde l'instrument du repli créateur, accroît encore le danger. Car on aboutit le plus sou-
et un moyen interpersonnel un moyen d'organiser le monde vent à la confusion entre l'établissement d'une struc-
de le communiquer aux autres. intérieur dans la recherche ture, d'un système de relations internes qui n'est à
Quand on échoue d'un équilibre biologique l'origine valable que pour l'individu qui le construit,
dans la seconde utilisation, qui n'a pu être réalisé par l'action qui lui permet d'agir pour lui-même grâce à l'outil
la première demeure néanmoins. sur l'environnement. complexe du langage interne, et cette même structure
Mais cette construction Tableau exécuté langagière quand elle devient moyen d'échange inter-
n'est alors cohérente par une personne souffrant individuel d'informations, moyen de communication.
ni avec le monde physique de schizophrénie. Le langage est ainsi à la fois un moyen personnel et
perfectionné de construire son monde et un moyen
L E C O R T E X
m o n d e intérieur, en r é p o n s e à u n e recherche de
l'équilibre biologique déçue par l'action de l'orga-
nisme sur son environnement.
Sémantique et syntaxe
interpersonnel de communiquer cette construction. En 1960 déjà, C. F. Hockett idéogrammes. La seconde
Quand on échoue dans la seconde utilisation du lan- c o n s i d é r a i t que le l a n g a g e caractéristique, c'est que
devait posséder deux carac- ces unités signifiantes - mor-
gage, la première demeure néanmoins, et c'est sans téristiques. La première phèmes - peuvent être
concerne la propriété d'utili- combinées conventionnelle-
doute ce que l'on appelle le délire. Mais alors la
ser un code de composition ment suivant une grammaire.
construction n'est pas opérationnelle, autrement dit des signaux assemblés dans D'où une nouvelle significa-
elle n'est cohérente ni avec le monde physique ni avec des unités c o m p r e n a n t des tion. Ainsi, à côté des conven-
éléments récurrents et plus tions qui fixent la signification
le monde humain. En résumé, ces deux mondes ne
petits - phonèmes, cénèmes, des signaux - ou sémantique
sont pas conformes au désir en pareil cas. etc. D'où une énorme écono- du lexique -, un second
mie de moyens d u système groupe de conventions fixe
Il est alors curieux de constater que le langage, qui ne
de codification et une aug- les règles de la combinaison
constitue à l'origine qu'un moyen perfectionné de mentation de la complexité des signes - ou grammaire -,
communications interindividuelles, devient l'instru- opérationnelle que ce code ce qui pennet la création d'une
autorise et qui le distingue des sémantique syntaxique.
ment du repli créateur, le moyen d'organiser le
Q u e l est le rôle joué
imaginaire? Il se pourrait
de l'expérience accumulée
qui n'expriment
Ainsi, étant donné la définition que nous avons pro- l'un des pionniers et des maîtres autre chose que les automatismes
domaine des automatismes pour entrer dans le voulu corroborer l'hypothèse, que ceux-ci se présentent
Depuis les surréalistes, nombreux sont ceux qui ont laquelle le cerveau réaliserait qui donne une impression
cru que si on libérait le cerveau humain du contrôle obligatoirement des œuvres d'originalité.
du principe de réalité, qui limite le champ de la de génie si on le libérait André Masson (1896-1987),
conscience, ledit cerveau sécréterait obligatoirement des contraintes imposées La Chasse à l'élan, 1942.
du génie. Mais que peut exprimer un cerveau, ainsi par le principe de réalité? Saint-Étienne,
libéré, sinon les automatismes qu'il a antérieurement Pourtant, le cerveau ainsi libéré musée d'Art e t d'Industrie.
L E NARCISSISME
schématisé dans les pages précédentes. Nous dirons du schéma corporel, la découverte
ment de cet individu au sein de la niche environne- entre son corps e t le milieu
mentale assure son équilibre physiobiologique, c'est- dans lequel il baigne, l'individu
mique, il absorbe des substrats et accumule de l'éner- dans cette niche à l'intérieur
gie chimique potentielle - sous forme de composés de son moi. On parle alors
forme résulte la fonction psychique que nous pouvons dans un miroir, 1968.
du moi dévorant,
d'éviter la confrontation
et de retrouver le « moi-tout »
La Folle.
diverses soit sur la personne soit sur l'objet. L'action de faire pénétrer l'autre
bien-être primitif, à oublier la dichotomie qui s'est d'une fusion pour lutter contre
nous. Cette tendance constitue le narcissisme, qui dans lesquels nous nous trouvons
L'amour n'est plus alors que la tentative de faire Hommage à Apollinaire, 1911.
par inhibition de l'action gratifiante, la dépression, se laisser réduire à nous, en utilisant le langage du
l'agressivité ou le dénigrement. corps dans sa fonction de communication, mais dans
De la naissance à la mort, la résistance du monde exté- l'ignorance du contenu sémantique qu'il véhicule. La
rieur à pénétrer dans notre m o n d e à nous, notre psychose serait au contraire l'abandon de tout espoir
monde du plaisir, nous fait cruellement sentir notre d'échange et le repli dans ce monde narcissique où
solitude. Les efforts les plus désespérés pour sortir de toute résistance disparaît, car l'imaginaire y retrouve
cette solitude ne sont ainsi que des efforts accomplis l'unité première. La solitude s'y fond dans le «moi-
pour absorber l'autre dans notre monde originel, celui tout » retrouvé. Malheureusement, ce « moi-tout » s'est
de notre désir. Et nous avons beau savoir que nous ne enrichi entre-temps de l'expérience décevante que le
sommes q u ' u n élément d ' u n ensemble infiniment psychotique a acquise du monde.
S E C O N D E PARTIE
LES C O M P O R T E M E N T S
JLa fabrique d'indiennes
(à droite), on reconnaît
de nous « changer la t ê t e »
la même « tête-chou » ?
l'objet gratifiant doit être conservé : c'est l'origine du le professeur plus grand
fiant est la mère. Son importance est d'autant plus Manuscrit 129 de Nicolas de Lyre,
chez l'enfant avant l'établissement du schéma corpo- xve siècle, fol. 32r°,
fiants constitue ce que l'on peut appeler le territoire. Troyes, Bibliothèque nationale.
semblable à celle que l'on observe chez les autres soit un élément important.
réalisé ces dernières décennies par les éthologistes, Paris, musée d'Orsay.
de combattants : le vainqueur
a établi sa dominance,
de reprendre la bataille.
à toute compétition.
Château de Versailles.
au niveau du groupe.
auquel il appartient
évidemment à se protéger
la structure hiérarchique
de dominance établie
dans le groupe.
Le Quatrième État.
groupe. C'est bien é v i d e m m e n t dans le cadre de il ne serait pas défendu, mais fui. On peut alors
l'agressivité de compétition que se situe l'agressivité admettre que l'agressivité de défense du territoire
exprimée pour la défense d'un territoire. Telles sont n'est pas un comportement inné, mais acquis, résul-
les bases de ce prétendu instinct de propriété qui tant de la compétition avec un intrus pour la conser-
n'est, en fait, que l'acquisition de l'apprentissage de vation des objets et des êtres gratifiants que ce terri-
la gratification et du renforcement qui lui succède. toire contient.
Si le même territoire était vide ou rempli d'objets ou Il faut pourtant veiller à ne pas mélanger les niveaux
d'êtres non gratifiants, voire dangereux pour le main- d'organisation. Il s'agit de ne pas confondre, par
tien de la structure de l'individu, donc nociceptifs, exemple, la défense du territoire du couple, appro-
priation qui permettra à l'époque du rut la reproduc- du groupe, va défendre le territoire de ce groupe aux
tion et l'apprentissage premier de la descendance, côtés de ses pairs, c'est cette structure abstraite qu'est
| avec la défense d'un territoire du groupe, qui contient la structure interindividuelle hiérarchique de domi-
une autre structure que celle de l'individu : celle du nance qu'il va défendre. Mais ce faisant, évidemment,
groupe, c'est-à-dire l'ensemble des relations existant il p r o t è g e aussi sa p r o p r e s t r u c t u r e d ' i n d i v i d u ,
entre les individus de ce groupe. p u i s q u ' i l bénéficie de l ' a p p a r t e n a n c e au groupe.
f Or dans toutes les sociétés animales la structure du Bien que douloureusement dominé, aliéné, lorsqu'il
; groupe est une structure hiérarchique de dominance. fait partie de la base de l'échelle hiérarchique, il
| Lorsqu'un individu, en tant qu'élément de la structure comprend qu'il est encore préférable, pour sa propre
L E S C O M P O R T E M E N T S
vie du groupe. Pour expliquer le rôle adaptatif des pour une structure abstraite,
plus on s'éloigne vers la périphérie la plus pauvre, la notion d'entraide, qui semble
nourriture diminue, ce sont les dominés qui sont les du plus fort et s'oppose
sont moins riches en nourriture, ils suffiront aux émi- sont complémentaires.
grants, qui n'auront momentanément plus à subir Elles ont toutes deux permis
la survie et la reproduction des plus forts et des mieux à réaliser dans la compétition
Son livre intitulé L'Entraide, un facteur de l'évolution est à tous les niveaux d'organisation,
congénères et de tout homme contre tous les autres Scène de la guerre de 1870.
L
groupes, en vue de l'obtention de la dominance. Aussi e cerveau humain est à même de créer, grâce à
longtemps que la finalité de l'individu devra passer, des aires associatives particulièrement dévelop-
pour atteindre celle de l'espèce, par l'intermédiaire pées, des informations à partir d'éléments mémorisés
de celle des groupes sociaux, on peut imaginer que à la suite d'expériences vécues dans son milieu envi-
rien ne sera changé. Il ne s'agit pas là d'une « loi de la ronnant. Grâce aux langages, ces expériences ont pu
nature» inéluctable, mais d'une loi de l'ignorance et être transmises de génération en génération. La créa-
de l'incompréhension. tion imaginaire de nouveaux ensembles, de nouvelles
En résumé, lutte compétitive et entraide ont toutes structures, doit s'accompagner du contrôle de leur
deux permis l'évolution. Non pas antagonistes mais cohérence avec le principe de réalité, qui est celui des
complémentaires, elles se situent chacune à un niveau lois qui régissent le monde environnant. C'est l'action
d'organisation différent. Mais au niveau auquel est qui exerce ce contrôle : la logique du discours doit être
parvenue l'espèce humaine, la première risque d'abou- confrontée à la logique des faits. Les hypothèses de
tir à sa disparition, et la seconde, qui paraît pourtant travail, depuis le début de l'histoire humaine, ont tou-
indispensable, semble bien difficile à réaliser. jours dû subir la vérification expérimentale.
Le langage a donné à chaque chose son double vocal, même, naît nu; le langage, qui lui vient des autres, !
ce qui a permis de l'articuler dans la phrase. Il a ainsi l'habille. Nous ne sommes en fait que les autres, aussi i
ouvert aux hommes l'accès à l'imaginaire conceptuel, bien dans le résultat de la combinaison génétique que
créateur de nouvelles structures, et leur a offert la pos- dans notre apprentissage de la vie. Tous les autres, les
sibilité de vérifier une hypothèse non seulement par vivants et les morts.
sa cohérence avec le monde, mais encore en la conju- Grâce à cette possibilité de créer de l'information,
guant avec l'expérience des autres. Ayant découvert l'espèce humaine a pu « informer », « mettre en forme »
cette faculté d'abstraction, les hommes furent à même la matière et l'énergie, créant ainsi des outils qu'elle
d'inventer un monde nouveau, échangeable, libéré de utilise pour assurer de mieux en mieux sa protection,
l'objet, qu'ils pouvaient faire renaître en commun sa durée. Cette matière transformée par son industrie
- communiquer. Le cerveau de l'homme, comme lui- a donné naissance à des objets superflus susceptibles
découverte du feu, de l'agriculture et de l'élevage, de
la roue, de la voile, des structures sociales successives
jusqu'à la révolution industrielle du XIXe siècle ont
illustré l'Histoire de l'Homme... Qu'on veuille bien
considérer nos télécommunications modernes. Elles
G r â c e à son aptitude contractent l'espace en mettant à la portée de nos
à « mettre en forme » la matière oreilles et de nos yeux un correspondant lointain.
et l'énergie, l'homme a pu, Contractant l'espace, elles contractent le temps que
dans un premier temps, notre message aurait mis à parvenir à notre interlocu-
créer des outils. Progressivement, teur. L'apparition du langage ne fit point autre chose,
son pouvoir de transformation mais il le fit au-dessus des générations... A partir du
s'est élargi, il a alors inventé langage (...) le temps et l'expérience des hommes ont
les machines et l'industrie. pu se transmettre et s'accumuler. »
Il produit ainsi plus qu'il ne peut Le temps sociologique a ainsi gagné de vitesse le
consommer, et le superflu temps biologique. Un père et un fils qui parlent la
devient marchandise, même langue utilisent les mêmes mots, mais avec un
donc objet d'échange. contenu sémantique différent, car les informations
Atelier de construction, qu'ils ont stockées grâce à ces mots ne sont pas
de scierie e t de machines-outils, contemporaines; ils se réfèrent à deux mondes diffé-
estampe du xixe siècle. rents. Cela constitue sans doute un facteur important
Paris, musée Carnavalet. des conflits de générations. L'expérience des mots est
unique pour chacun de nous et cet instrument éton-
nant qu'est le langage a certainement été la raison
d'être échangés, autrement dit à des marchandises. fondamentale de l'incompréhension des h o m m e s
Venues s'ajouter à la liste des objets gratifiants du entre eux.
milieu, celles-ci ont été à la base de besoins acquis, par Les variations survenues dans le climat à la fin de la
l'apprentissage de la gratification qui résultait de leur dernière glaciation, celle du Würm, furent probable-
usage. Et au cours des millénaires, leur possession se ment responsables du passage du paléolithique au
trouva à l'origine de la recherche de la dominance. néolithique, qui constitue l'un des grands moments de
Dès 1965, dans un article destiné à la presse médicale l'histoire de l'espèce. S'installa alors dans l'hémisphère
intitulé « A propos de l'automobiliste du Néandertal », Nord un nouveau climat que l'on a coutume de décrire
je notais : « L'enfant qui naît de nos jours parcourt comme beaucoup plus clément que le précédent,
confortablement, en quelques mois, les siècles de dan- favorable aux premières industries, à l'agriculture
ger, de douleurs, de travail et de morts qui, de la et à l'élevage. Ce climat possédait la particularité de
. L e temps sociologique
a gagné de vitesse
le temps biologique.
des informations
de générations.
La Malédiction paternelle,
le fils ingrat.
il n'en éprouve pas l'envie, mais parce que, sachant sont parmi les premières activités
le faire, il n'en a pas l'idée, car les conditions géo- humaines de transformation
devient tempéré autour du 45e parallèle, tout primitif assimilables par l'organisme
qu'il est, il préfère l'été à l'hiver et travailler l'été pour et donc permettant à l'homme
réserves. Admettre cela, ce n'est pas attribuer au chas- de sa survie. Après la dernière
seur du paléolithique notre esprit bourgeois, c'est dire glaciation, quand le climat devint
qu'il est capable d'imagination « utile » en fonction du plus clément sous nos latitudes,
révèle être une mise en forme, une « information » de Les Très Riches Heures
l'énergie solaire. A côté de la masse - qui offre les du duc de Berry, 1413-1416,
d'autres groupes. Ce fut sans doute le début des le niveau d'organisation observé :
communauté avec ses soldats, les prêtres manipu- niveau d'organisation, la partie
protection des dieux favorables, les scribes tenaient les reste l'apanage de l'ouvrier,
comptes, les forgerons forgeaient les armes et les socs mais elle est de moins en moins
l'ensemble. Il n'en fallait pas davantage pour faire utilise surtout l'information
par l'espèce humaine, pour transformer la matière et par l'homme en une seule fois aux machines qui l'ont
l'énergie. Possibilité qui a d'ailleurs abouti à l'exploi- fabriqué. Un objet manufacturé exprime toute l'infor-
tation de l'atome. mation introduite par l'apprentissage dans un cerveau
L'invention et l'utilisation des machines permettent humain, et exige qu'un homme actualise cette infor-
de produire quantité d'objets que l'on peut qualifier mation et libère l'énergie nerveuse et neuromuscu-
de mécanofacturés, pour les distinguer des objets laire, support de l'information, pour chaque étape de
manufacturés de l'époque préindustrielle. Un objet sa manufacture; alors que dans la mécanofacture,
mécanofacturé exprime toute l'information fournie l'homme intervient surtout pour fournir l'informa-
tion aux machines. Cette information, qui aboutit tion de l'objet produit, avec son rôle social. Il est
à l'invention, la construction et l'utilisation des fourni par des hommes n'ayant pas eu accès à l'infor-
machines, est une connaissance abstraite. Elle tire sa mation abstraite, propriété des techniciens. Plus cette
source de connaissances très élaborées de physique et information technique est abstraite, plus elle peut être
de mathématiques - celles-ci formant le langage qui utilisée de façon globale et diversifiée, et plus elle
permet d'exprimer les lois de celle-là. Le travail ther- permet l'invention de machines complexes dont l'effi-
modynamique humain qui reste ensuite à fournir est cacité, en termes de volume et de rapidité de la pro-
très parcellaire, sans rapport évident avec la significa- duction, ira croissant.
Revenons à la notion de plus-value nécessaire au
maintien, non plus de la s t r u c t u r e individuelle, S i l'homme n'est considéré parce qu'il lui sera
mais de la structure sociale. Il paraît évident que si que comme un producteur plus particulièrement utile.
l'homme n'est considéré que comme un producteur de biens, c'est celui possédant Il fournira une quantité
de biens, de matière et d'énergie transformés par son l'information abstraite de travail qui n'interviendra
information, celui qui fournit la plus grande quantité qui non seulement fournira dans le maintien de sa propre
de plus-value est celui qui rend possible la production la meilleure plus-value, structure qu'indirectement,
du plus grand nombre d'objets en un minimum de mais sera également parce qu'elle est avant tout
temps. C'est donc celui qui possède l'information la le mieux récompensé nécessaire au maintien
plus abstraite et la plus utilisable pour la production par une structure sociale de la structure sociale,
vivre, ces objets furent échangés, ce qui autorisa et de l'artisan a été remplacé
l'accumulation d'un capital. Ce capital permit lui- par des machines informatiques
d'objets gratifiants par ceux qui le possédaient et, en n'exige qu'un personnel restreint,
leur travail, de plus en plus dépendants de l'informa- les plus forts et les plus agressifs
tion contenue dans les machines devinrent de ce fait qui imposent leur dominance.
de plus en plus dépendants de ceux qui les possé- D'où l'apparition de nouvelles
groupes humains ne la possédant pas. Elle a permis la (1936), Charles Chaplin a su railler
étant le seul qui puisse trouver une motivation suffi- du xxe siècle pour les machines
humain, fut peu à peu occultée et remplacée par un qui n'a rien de spécifiquement
jugement de valeur à son égard, le progrès étant alors humain, fut occultée et remplacée
que ceux qui détenaient cette information technique avoir fait son apparition avec réalise plus ou moins
soient favorisés dans l'établissement des échelles la civilisation industrielle, cette dominance, il acquiert
hiérarchiques de dominance et que les individus dont en raison de la compétition une image plus ou moins flatteuse
le travail restait peu chargé de ce type d'information, qui la caractérise de lui-même, qui le distingue
manœuvres et ouvriers spécialisés, demeurent au bas à tous ses niveaux d'organisation. de la foule et lui permet
de l'échelle. Au contraire, les individus auxquels Dans les pays industrialisés, de s'admirer et de s'aimer
l'apprentissage permettait de s ' i n t r o d u i r e effica- acquérir la dominance nécessite en se comparant aux autres.
cement dans le processus de production, même si, ne de se plier au conformisme James Ensor (1860-1949),
faisant que reproduire, ils n'ajoutaient rien au capital de la production pour obtenir Mon portrait entouré de masques,
de connaissances de l'espèce, se trouvaient ainsi favo- la possession des choses 1899. Collection particulière.
de marchandises.
des entreprises.
l'homme, en profondeur.
Files d'attente
que la compétition entre les individus n'était pas fon- biens marchands restent inégales et on tourne tou-
dée sur cette dernière. jours autour de la marchandise. Il n'y a pas là de quoi
L'absence de libertés, de la liberté de déplacement en mobiliser les foules comme purent le faire aux xixe
particulier, avait pour but d'éviter que les individus et xxe siècles l'idéologie prolétarienne et la lutte des
ne comparent leur niveau de consommation de mar- classes. Il était alors simple de définir le bourgeois
chandises avec celui de pays non soumis à la même comme celui détenant la propriété privée des moyens
idéologie. Mais les moyens de communication pla- de production et d'échange, et le prolétaire comme
nétaires interdisant de plus en plus l'autarcie idéo- celui ne p o s s é d a n t que sa force de travail. Ces
logique, nombre d ' i n d i v i d u s se sentirent frustrés concepts sont aujourd'hui difficiles à cerner.
en découvrant ce qui filtrait du « bien-être » des pays On peut conclure de tout cela que la seule façon de
ayant adopté les lois du marché. On s'est alors mis à transformer les rapports sociaux est de transformer
comparer une petite partie, nantie, des populations profondément les individus entre lesquels ils s'éta-
occidentales à l'ensemble médiocrement satisfait, blissent. Si l'on veut se poser sur la Lune, il est néces-
c'est-à-dire finalement insatisfait, des peuples dits saire de connaître les lois de la gravitation; on est
socialistes, d'autant que les échelles hiérarchiques alors toujours forcé de s'y soumettre, mais il devient
L E S C O M P O R T E M E N T S
sociale. On ne peut faire abstraction des connaissances Il est ainsi des mots qui éveillent
actuelles acquises sur le sujet, qui font appel à des toujours l'enthousiasme ou,
acquises par les différents spécialistes de ces disci- des discours logiques qui ne sont
plines, mais d'une vue d'ensemble montrant qu'on ne valables qu'à un seul niveau
au petit de l'homme de se méfier très tôt des discours avec les niveaux englobés
tique -, mais non cohérents avec les niveaux sus- et des connaissances,
des autres. On c o m p r e n d que, dans ce cas, c'est qui donnerait des armes efficaces
qu'il faut promouvoir plutôt que la formation focali- les jugements de valeur
Mais on ne précise jamais en quoi doit consister cette François Gérard (1770-1837),
éducation que tout le monde s'accorde à vouloir déve- Le 10 Août 1792, détail.
lopper pour lutter contre la violence, les intégrismes, Paris, musée du Louvre,
peuples. Il n'est pas surprenant dans ces conditions les problèmes de fond, qui sont
que le marché le plus florissant actuellement soit celui en fait ceux de la compétition
de la ville tentaculaire.
et dérisoire
l'inhibition de l'action.
L
L a folie, ultime tentative à l'origine d ' u n nombre considérable de
d'expression, peut être travaux, émanant en particulier de l'école
une échappatoire désespérée pavlovienne. L'ouvrage de P. Anokhin Biologie et
lorsque t o u t e action est devenue Neurophysiologie du réflexe conditionné, paru en 1975,
impossible, que l'individu en donne une connaissance exacte et développée.
se trouve emprisonné, ligoté, Anokhin y étudie longuement l'inhibition résultant de
en inhibition de l'action.
la non-obtention d'une récompense alimentaire atten-
Estampe japonaise, due. Cette non-satisfaction stimule les activités inté-
personnage symbolisant la folie, grales de l'organisme suivant un processus ainsi
anonyme du xixe siècle. établi : en premier lieu se produit une réaction explo-
Paris, Bibliothèque nationale, ratoire; apparaît ensuite, si toutefois les conditions
cabinet des Estampes. de l'expérience l'autorisent, une réaction de recherche
active de la nourriture ; et vient enfin une réaction
biologiquement négative, réaction d'insatisfaction que
Pavlov qualifie d'« état de difficulté ».
Les deux premières réactions entrent dans le schéma P r i s entre sa pulsion de vie
(SAA), la troisième dans celui de la mise en jeu du celle-ci dans l'espace socioculturel
réaction ou un mouvement négatifs aboutissent à Depuis 1972, je m'efforce de délimiter les aires céré-
l'éloignement, au rejet de tout ce qui gêne ou menace brales aboutissant au comportement d'inhibition.
un processus vital et risque de déranger l'équilibre L'ensemble de ces aires et des voies nerveuses qui
de l'organisme avec le milieu. Dans le cas de non- les relient forme le système inhibiteur de l'action,
renforcement par la nourriture étudié par Anokhin, représenté par le sigle SIA, devenu pour les auteurs
l'excitant conditionnel non renforcé, c'est-à-dire l'exci- anglo-saxons BIS (behavioral inhibitory system). Ce sys-
tant conduisant à l'action qui avait été jusqu'alors tème est capable de conserver les traces de ses expé-
r é c o m p e n s é e p a r la n o u r r i t u r e mais qui ne l'est riences passées, et de mémoriser en particulier l'ineffi-
maintenant plus, devient le signal d'un état négatif, cacité de l'action.
ou état de difficulté. Mais comment en arrive-t-on à l'inhibition de l'action ?
J'L
nokhin étudie séparément d'une part la réac- son action. Si l'apprentissage, c'est-à-dire la mémoire
tion défensive et les processus neurovégétatifs d ' u n e expérience a n t é r i e u r e , lui a enseigné que
qui lui sont liés, et d'autre part la réaction d'inhibition lorsqu'il répondait à cette pulsion, il était puni, son
que nous avons désignée sous le terme d'inhibition système inhibiteur de l'action (SIA) entre alors en
en tension et qu'il qualifie d'inhibition contraignante. a n t a g o n i s m e fonctionnel avec son faisceau de la
Il écrit : «1) L'inhibition interne est la conséquence récompense (MFB). De ce conflit naît l'angoisse. C'est
obligatoire de la dissociation et de la rencontre conflic- l'un des mécanismes de l'inhibition de l'action, proba-
tuelle de deux systèmes d'excitation, de deux activités blement celui décrit par Freud lorsqu'il parle d ' u n
intégrales de l'organisme. 2) La rencontre des activités conflit entre le «ça» pulsionnel et le «surmoi» que
nerveuses n'acquiert un caractère conflictuel que l'on peut considérer comme l'apprentissage des règle-
L a jeune femme où nous ignorons
agir qui ne parvient pas à s'exprimer. Pulsion fonda- tel Verlaine qui, souvent, rêve
mentale lorsqu'elle tente de satisfaire aux besoins d'« une femme inconnue » qui
indispensables à la survie : manger, boire, copuler. n'est chaque fois « ni tout à fait
Mais il y a également des pulsions qui répondent la même ni tout à fait une autre »,
bonheur. On peut les réunir sous le terme d'envie. La ne découvrira pourtant jamais.
technologique astreignant,
le système de défense
p e r m e t t a n t l'autonomie motrice
se trouvent f r é q u e m m e n t
en situation d'inhibition
particulièrement nocifs
sur des animaux pour provoquer le stress, que ce On peut en faire disparaître
soit les inévitables électrochocs plantaires, les conten- les conséquences psychiques
tionnellement envisagés, alors que les études sur les des cités modernes.
logiques centrales.
L es répercussions périphériques de
l'inhibition de l'action font principa-
p a r l ' A C T H . Ce s y s t è m e , r é g u l é en
constance, ne servirait à rien d'autre qu'à
pose elle-même des problèmes. Lorsque
c'est le PVS (faisceau de la punition) qui
lement appel à deux systèmes : le système maintenir le taux de glucocorticoïdes à une est stimulé, corticotropin releasing factor
neurovégétatif et le système endocrinien. valeur moyenne, avec de faibles oscillations et corticotrophine sont également libérés.
Le système endocrinien est dans ce cas sur- autour de cette moyenne dues au retard Mais la corticotrophine favorise l'activité
tout représenté - mais pas seulement - par d'efficacité des boucles de rétroaction. des aires cérébrales commandant l'activité
l'axe formé par l'hypothalamus, l'hypo- P o u r i n f l u e r s u r son f o n c t i o n n e m e n t , motrice, donc la fuite ou la lutte. Il faut
physe et les glandes surrénales, qui consti- il faut une commande extérieure au sys- que celles-ci soient rapidement efficaces,
t u e n t des s y s t è m e s r é g u l é s d a n s les tème qui transforme le système régulé sinon la libération secondaire des gluco-
périodes de repos c o m p o r t e m e n t a l . Si en s e r v o m é c a n i s m e . Cette c o m m a n d e corticoïdes par les surrénales stimulera au
l'organisme se retrouve en inhibition de vient du cerveau situé au-dessus, dont le contraire le système inhibiteur de l'action
l'action, l'hypothalamus sécrète une hor- f o n c t i o n n e m e n t d é p e n d l u i - m ê m e de (SIA). Or le SIA, mis en jeu quand ni
mone peptidique, le corticotropin releasing l'environnement dans lequel l'organisme récompense, ni fuite, ni lutte ne sont réali-
factor (CRF), facteur provoquant la libé- qu'il anime est plongé. sables, met à son tour en jeu l'axe hypotha-
ration par l'hypophyse dans la circulation Les c a t é c h o l a m i n e s cérébrales (CA) lamo-hypophyso-surrénalien. On pénètre
s a n g u i n e de c o r t i c o t r o p h i n e (ACTH). permettent le fonctionnement des aires alors, pour peu que la situation environne-
Celle-ci provoque à son tour la libération cérébrales aboutissant aux comportements mentale oblige à persister dans le compor-
de glucocorticoïdes (Gcs) par la cortico- de consommation et de récompense. Elles tement d'inhibition, dans un cercle vicieux
surrénale - corticostérone chez le rat, corti- diminuent la libération de corticotropin de rétroactions positives dont on ne peut
sol chez l'homme. Cette série d'influences releasing factor et en conséquence de corti- se libérer que par l'acte gratifiant.
en cascade se referme sur elle-même, pour c o t r o p h i n e et de cortisol. On p e u t en Parallèlement à cette cascade endocri-
ainsi dire, car les glucocorticoïdes inhibent déduire qu'en situation de bien-être, de nienne, le système nerveux végétatif est
la libération d'ACTH par l'hypophyse et plaisir, l'axe h y p o t h a l a m o - h y p o p h y s o - activé, provoquant la libération des caté-
de CRF par l'hypothalamus, ce dernier corticosurrénalien n'a pas besoin de mon- cholamines circulantes - noradrénaline et
voyant également sa libération bloquée trer son utilité. La question de cette utilité adrénaline.
drome où c'est la réaction, mise en jeu par l'apprentis-
sage de l'inefficacité de l'action, qui provoque la
lésion. Dans le cas d ' u n choc, le syndrome évolue
rapidement sans apprentissage antérieur et la réponse
nerveuse est surtout limitée à l'hypothalamus et au
tronc cérébral. Dans le cas d ' u n stress, la mémoire
a un rôle prédominant et le système limbique et le
cortex associatif sont indispensables à l'établissement
des perturbations physiobiologiques.
SYSTÈME NERVEUX
ET SYSTÈME IMMUNITAIRE
A
près avoir mis en évidence la liaison entre le
système catécholaminergique périphérique et le
système inhibiteur de l'action, avec l'axe formé par
l'hypothalamus, l'hypophyse et les glandes surrénales
(HPA), mes collaborateurs et moi-même avons tra-
vaillé sur les conséquences immunitaires de l'inhi-
bition de l'action. Le rôle du système nerveux central
et périphérique et des glandes endocrines dans le
fonctionnement du système immunitaire est de mieux
en mieux connu. Le rôle néfaste des glucocorticoïdes
sur l'activité du système immunitaire est déjà, lui,
connu depuis de nombreuses années. Un médecin
sérieux ne vous aurait jamais prescrit de cortisone
L e stress et l'inhibition sa libération favorise donc sous quelque forme que ce soit sans l'associer à un
de l'action en général provoquent infections et cancers. antibiotique à large spectre, de peur que la dépression
la libération de cortisone Cela illustre les relations du système immunitaire ne favorise une infection
par les glandes surrénales. complexes entre système nerveux dans votre organisme. Les corticoïdes sont utilisés
Or la cortisone a un rôle néfaste et système immunitaire. p o u r limiter le rejet des greffes tissulaires p a r le
sur le fonctionnement Cristaux de cortisone système immunitaire. Leur intérêt principal est,
du système immunitaire, sous lumière polarisée. d'ailleurs, en réduisant l'activité de ce système, de
protéger des maladies dites auto-immunes dans les-
quelles ce même système immunitaire, ne sachant
plus différencier le moi du non-moi, se mobilise
contre les propres protéines du sujet. Au cours des
années quatre-vingt-dix, les connaissances dans ce o n sait depuis longtemps
retour le système nerveux central : les relations entre des tumeurs, même si
passe dans l'environnement de façon à nous per- Sur cette photo, on peut observer
des sens, il passe par celui du système immunitaire. lié à son antigène, en rouge.
et leurs comportements,
du Moulin de la Galette,
de ce fait,
de la réponse organique
immunitaire, a été o b t e n u e
du système immunitaire
et des anticorps.
concernant l'environnement. En d'autres termes, il comportement actif et non passif d'inhibition, contrai-
semble devoir fonctionner suivant les processus qui rement au cas du stress. Et cependant plusieurs expé-
apparaissent en cas de choc. Si en cas de stress un pro- rimentations ont montré que des lésions de l'hippo-
cessus de mémoire paraît indispensable, mémoire de campe et de l'amygdale nerveuse, qui font partie des
l'inefficacité de l'action aboutissant à la mise en jeu du aires appartenant au SIA - aires indispensables aux
système inhibiteur de l'action (SIA), pour le système phénomènes de mémorisation et à l'affectivité -, aug-
immunitaire, la mémoire est située à l'intérieur même mentent l'activité du système immunitaire. On voit
du système et c'est elle qui commande la sécrétion donc apparaître là une commande extérieure au sys-
d'anticorps. C'est une mémoire qui s'exprime dans un tème régulé immunitaire, commande où intervient
l'inhibition de l'action et qui implique la mémoire ner-
veuse de l'individu, celle de son histoire personnelle, L e s plongeurs sous-marins vieillissement, etc.), mais l'on peut
de ses interdits sociaux et culturels, de ses désirs inas- utilisant l'oxygène pur s'en protéger en partie
souvis, de ses conflits intracérébraux. sont victimes d'accidents quand à l'aide d'antioxydants.
Ces systèmes si parfaitement régulés ne sont néan- ils descendent au-dessous Or, en inhibition de l'action,
contrôler par son action les événements qui survien- où la pression est de un bar. est considérablement a u g m e n t é
nent dans son environnement : ils fonctionnent correc- Ces accidents sont dus e t se trouve être la source
tement chez l'individu «bien dans sa peau ». Mais à la toxicité de l'oxygène de nombreux radicaux libres.
si l'individu ne contrôle plus son environnement au sous sa forme radicalaire libre. Ce mécanisme peut donc
mieux de son bien-être, ils sont plus nuisibles qu'utiles. Les radicaux libres sont à l'origine expliquer de nombreuses lésions
E
n 1958, la Marine nationale me d e m a n d a de
m'intéresser au mécanisme et si possible à la plus discutées, font l'objet de multiples travaux et ont
prévention des accidents dus à la plongée en oxygène même atteint les médias! Mais en 1959 les radicaux
pur. En effet, au-dessous de dix mètres de profondeur, libres et leur rôle en pathologie n'avaient pas encore
c'est-à-dire à la pression d'un bar, des convulsions éveillé l'intérêt de la communauté médicale inter-
surviennent, ainsi que des accidents pulmonaires. Je nationale et les molécules d'antioxydants que nous
me renseignai alors sur la structure atomique et molé- avions fait synthétiser et que nous avions étudiées
culaire de l'oxygène et de cette époque date le début e x p é r i m e n t a l e m e n t n'intéressèrent aucune firme
d'un travail très général sur les radicaux libres. Mes pharmaceutique.
collaborateurs et moi-même avons pu mettre en Cependant, plusieurs années plus tard, nous nous
évidence l'action protectrice de la sérotonine, du glu- sommes rendus compte que l'inhibition de l'action,
cose hypertonique et de l'insuline contre la toxicité l'attente en tension élevaient considérablement le
de l'oxygène en pression et j'orientai la recherche du métabolisme oxydatif et que celui-ci était un pour-
Groupe d'études et de recherches sous-marines (GERS) voyeur important de radicaux libres. Par conséquent,
de Toulon et du laboratoire de l'hôpital Boucicaut vers si l'inhibition se prolonge, on conçoit qu'elle puisse
l'étude des antioxydants. Nous fûmes ainsi amenés à favoriser les différents processus physiopathologiques
généraliser le rôle dommageable des radicaux libres dont ces derniers sont responsables, parmi lesquels les
à toute la pathologie, et en particulier à la pathologie processus de vieillissement. L'intérêt des antioxydants
inflammatoire, aux infarctus, aux comas et au vieillis- classiques - vitamines E, C et A - commence même à
sement; toutes notions qui, trente ans après, ne sont être reconnu en médecine pratique.
O n sait l'aventure terrifiante
à l'impossibilité d'agir,
de l'action.
Le Radeau de la Méduse,
salon de 1819.
vient de l'accomplissement de l'action gratifiante. gnants, plus les désirs sont difficiles à assouvir et le
Chez l'animal comme chez l'homme, il accompagne bonheur difficile à atteindre, mais plus grande est la
l'assouvissement du besoin. Mais quand il s'agit de satisfaction de parvenir au but. Et plus les automa-
l'assouvissement d'une pulsion qui, en traversant le tismes sont contraignants, plus ils favorisent la fuite
champ filtrant des automatismes culturels, débouche dans l'imaginaire.
L e bonheur est spécifique
à l'homme. L'animal,
L'impossibilité d'assouvir un besoin comme celle tition surgit à nouveau à l'intérieur même du groupe,
d'aboutir au bonheur suscitent l'angoisse par l'inter- et l'incertitude qui l'accompagne est à son tour géné-
médiaire, dans l'un et l'autre cas, de l'inhibition de ratrice d'angoisse par inhibition de l'action. Les
l'action. Et la civilisation industrielle, tout particuliè- sociétés qui ont installé la compétition à tous les éche-
rement la vie dans les mégalopoles modernes, a toutes lons d'organisation se nourrissent de l'angoisse indi-
les raisons de provoquer l'angoisse. La comparaison viduelle et de l'angoisse du groupe, qui les animent.
entre les objets gratifiants que l'on possède et ceux La transformation rapide des valeurs est une autre
que possèdent d'autres individus plus favorisés fait source d'angoisse. Sa résorption est facilitée chaque
naître, avec l'envie, l'angoisse de frustration. On fois que sont fournis une « grille », un code à l'action,
cherche alors à posséder davantage, mais on ne peut un règlement de manœuvre. Ainsi toute institution
le faire qu'en s'élevant dans les échelles hiérarchiques, s'accompagne d'un tel code, qu'il s'agisse du règle-
en a c q u é r a n t une d o m i n a n c e , toujours de façon ment de l'armée ou d'une corporation, ou de l'idéolo-
conflictuelle, et taraudé par l'angoisse de l'échec gie nationale, religieuse, politique ou purement
possible et de la concurrence. L'appartenance à un sociale. L'action redevient possible, car l'incertitude
groupe, le militantisme, le conformisme camouflent disparaît. C'est pourquoi toutes les institutions se
parfois l'angoisse de façon temporaire, mais la compé- caractérisent par leurs jugements de valeur, leur grille
L ' I N H I B I T I O N DE L'ACTION
l'intérêt dit général ou à l'accession à la propriété, aux valeurs qu'elles ont établies
Dans la lutte qui s'engage à tous les niveaux d'organi- sinon suffisant, on reconnaît
facteurs d'angoisse. Il semble assez clair cependant promus par les structures
que l'angoisse est généralement moins aiguë pour le de dominance et en ayant reçu
d o m i n a n t que pour celui qui se trouve au bas de en retour une position financière
que les objets qu'ils contiennent sont réduits au mini- Jean Auguste Ingres (1780-1867),
morbidité est fonction du statut économique et social l'un des frères propriétaires
trop d'information est une autre cause d'angoisse, car pénètre dans chaque foyer,
cela interdit également l'action adaptée, en particulier sans q u ' u n e action en retour
de nos jours, avec la masse croissante d'informations efficace soit possible. Les médias
ou affectives - ce qui revient au même - sont sécuri- porte ainsi le fardeau de toutes
l'angoisse. Le militant, quelle que soit la bannière sous sachant qu'elles pourraient être
laquelle il s'enrôle, est rarement angoissé : d'une part, un jour son propre lot.
p o u r lui non signifiantes, non perçues même, et chambre d'hôtel, septembre 1993.
giner le néant et impossibilité d'agir pour l'éviter, être âgé n'est plus une valeur
car la mort est inéluctable : l'imaginaire n'est pas en en soi, e t l'angoisse de la mort
fondamental de tout être vivant, et l'interdiction qui Aussi tous les moyens sont-ils
lui est faite par sa structure d'assouvir cette pulsion, et bons pour occulter cette angoisse :
paraît ainsi être la chance et le malheur de l'homme. Le Temps, dit Les Vieilles.
La chance, car c'est le seul moteur efficace de la créati- Lille, musée des Beaux-Arts.
révèle comment l'imaginaire et le langage, en façon- d'organisation du système nerveux central, la niche
nant le désir et les lois, donnent leurs caractéristiques environnementale et le résultat de l'action opérée sur
à un mécanisme largement réparti dans les espèces celle-ci. Suivant cette hypothèse, la chronicité de la
animales et qui, pour l'homme, réside essentiellement maladie mentale reposerait sur la base matérielle,
dans l'inhibition de l'action gratifiante. moléculaire, de l'apprentissage, du souvenir incons-
cient du conflit persistant au sein des voies nerveuses.
LES MALADIES MENTALES Dans cette même hypothèse, le névrosé, inconscient
des m é c a n i s m e s et des facteurs c o m p l e x e s qui
L
'explosion des découvertes au cours des années l'assaillent dans la négociation qu'il doit mener quo-
quatre-vingt-dix dans le domaine de la géné- tidiennement entre ses expériences passées et son
tique a poussé les chercheurs à rechercher l'existence milieu social, tenterait encore de se faire entendre,
d'une cause génétique aux affections mentales. Beau- d ' a t t i r e r l'attention sur son mal-être qu'il serait
incapable de définir. Son « langage du corps », c'est-à-
dire son comportement, tâcherait d'attirer l'attention
de l'autre sur lui, sans qu'il parvienne à se faire
comprendre.
L'inhibition de l'action débouchant sur l'angoisse
pourrait être à l'origine des maladies mentales. Dans
les névroses, le sujet tenterait encore de s'exprimer
dans l'action, ce qui serait à l'origine des différents
mécanismes étudiés par la psychanalyse sous le terme
de « moyens de défense du moi ». Ces derniers ne sont
en fait pour le névrotique que des moyens de conti-
nuer à agir. Il ne protège pas son moi, mais son auto-
nomie motrice, son action sur le milieu, à commencer
par le milieu social. Si le névrotique pouvait assurer
un fonctionnement efficace de son imaginaire, s'il
pouvait sortir de ses apprentissages culturels et de ses
empreintes, il découvrirait un autre type de solutions
aux problèmes inconscients qui le martyrisent. La
sublimation peut socialement le valoriser. S'il résout
son angoisse dans la créativité, l'action créatrice ou
parfois prétendument altruiste, il peut même être
considéré comme un génie ou comme un héros.
Dans les psychoses au contraire, le patient a perdu
l'espoir de se faire entendre. Il s'enferme progressive-
La camisole de force était, du point de vue thérapeutique. ment dans son imaginaire. Le langage n'est plus pour
jusqu'au milieu de ce siècle, Traitement d'un aliéné, lui un moyen de communication, mais sa seule réalité,
le seul moyen de contrôler gravure par Tardieu pour à laquelle il plie le monde qui l'entoure. Il s'agit d'une
la surexcitation d'un aliéné agité, Jean Étienne Dominique Esquirol, fuite stable, car p r o g r e s s i v e m e n t fixée d a n s la
agressif et dangereux pour « Des maladies mentales mémoire, dans le codage synaptique. Elle résulte de
lui-même comme pour les autres. considérées dans les rapports l'impossibilité de réaliser une autre expérience qui
Mais cette mise en inhibition médicaux », Hygiène permettrait de résoudre l'angoisse dans l'action. Dans
de l'action forcée et Médico-Légal, 1838. Paris, le délire, le langage ne fournit plus au psychotique
était catastrophique musée d'Histoire de la médecine. qu'un matériel de « signifiants » dont la fonction sym-
bolique n'est valable que pour lui, car il n'essaie plus
O n a longtemps cru que la folie
organiques du cerveau.
mentales existe,
Le Chirurgien.
our éviter l'inhibition de l'action, il n'y a que qui procurent des paradis
lutte. Pour fuir, il n'est pas toujours utile de courir e t ne sont finalement peut-être
vite. Le suicide est une forme de fuite définitive et q u ' u n e sorte de suicide atténué,
voyage - le trip - fort apprécié aujourd'hui par une mais t o u t aussi efficace.
jeunesse à qui l'on explique que pour être heureux, Atelier de Lucas Cranach
il faut être gagnant dans les compétitions pour la (xve siècle), école du Danube,
- quoi, mon Dieu ? - en sortant de ce qu'il est convenu Sienne, Pinacothèque nationale.
chandises et qui souvent sont tout de suite non seule- sous toutes ses formes, artistiques
chande. Je parle des créateurs capables d'apporter des Mais les vrais créateurs,
mais on a l'impression
L
tité d'énergie cinétique capable de réduire
plus ou moins complètement la structure
D a n s la compétition
d'un système, autrement dit d'accélérer sa tendance
entre Israéliens e t Palestiniens
à l'entropie. Cette structure est elle-même définie
pour la possession d'un territoire comme l'ensemble des relations existant entre les
permettant à ces derniers de vivre,
éléments d ' u n ensemble. L'agressivité est alors la
donc gratifiant, l'inefficacité
caractéristique d'un agent qui utiliserait cette énergie
de l'action des Palestiniens
contre un ensemble organisé.
sur l'opinion internationale
A partir de ces définitions, on s'aperçoit que l'agres-
a provoqué colère e t agressivité
sion n'a rien d'un concept unitaire, car les mécanismes
e t a conduit
qui se trouvent à l'origine d'une libération d'énergie
à la « bataille des pierres ». déstructurante sont variés. Ils ont d'ailleurs conduit
de la survie,
mais ne s'accompagne
chez le boucher.
d'agression les plus courants. Cependant cette liste
a été élaborée en distinguant les situations déclen-
chantes, mais sans préciser, le plus souvent, les méca-
nismes nerveux centraux mis en jeu. Reste donc à
établir les liens entre les situations environnementales
et le mécanisme de la réponse que leur oppose le
système nerveux. C'est à l'intérieur de ce cadre indis-
pensable qu'il sera possible de décrire les compor-
tements agressifs et leurs mécanismes d'apparition.
L'AGRESSIVITÉ PRÉDATRICE
N o u s ne sommes plus
structure de son objet, donc à l'augmentation de son et lui fournit un alibi. C'est le cas
généralement pas d'affectivité, car celle-ci est le résul- du comportement des bergers
aucun ressentiment, aucune haine et, repue, elle peut fable de La Fontaine.
essaient de s'approprier.
Ce comportement, source
grande et de se défendre efficacement contre les bêtes La mise en relation du système nerveux avec des
sauvages. La transmission de l'expérience ne se fait objets ou des êtres au sein d'un espace ou d'un terri-
plus uniquement par mimétisme, mais par le langage, toire est à l'origine d'un renforcement lorsqu'elle
d'où son enrichissement de génération en génération, aboutit au maintien ou au rétablissement de l'équi-
par accumulation de l'information. libre biologique, à la gratification. Ce renforcement
peut donc être considéré comme un besoin acquis, à
L'AGRESSIVITÉ DE LA C O M P É T I T I O N même d'engendrer une pulsion et de motiver l'action
capable de le satisfaire. Si, dans le même espace, un
'est d'un tout autre type de compétition qu'il autre organisme acquiert la même pulsion et les
c s'agit là, au sein duquel on distingue la défense mêmes motivations pour les mêmes objets ou les
du territoire et l'agressivité intermâles. Pour com- mêmes êtres, il y a alors compétition entre les deux
prendre ce type d'agressivité, il faut tout d'abord organismes pour l'obtention de ces objets ou de ces
poser les bases du prétendu instinct de propriété. êtres gratifiants.
L'instinct de propriété n'est donc dans ce cas que Que la pulsion soit liée à une activité hormonale
l'acquisition de l'apprentissage de la gratification et paraît certain, car l'agressivité intermâles n'apparaît
du renforcement qui lui succède. On admet donc que chez la souris ou chez le rat qu'au moment de la
l'agressivité de défense du territoire est un compor- maturité sexuelle. La testostérone, hormone mâle,
tement acquis, et non inné, qui résulte de la compé- administrée à des souris castrées provoque en effet
tition avec un intrus pour la conservation d'objets et une augmentation considérable des combats entre
d'êtres gratifiants. mâles. De même, injectée à des souris immatures,
Quant à l'agression intermâles, bien que reposant sur elle augmente l'agressivité des mâles, mais non celle
un instinct sexuel qui dépend de l'état hormonal, elle des femelles. Les hormones mâles ou androgènes
fait également appel à l'agressivité de compétition, - surtout les testostérones - agissent sur les voies
dès lors qu'un autre individu de la même espèce nerveuses qui déclenchent le comportement agressif
intervient dans le même espace pour s'approprier chez le mâle, mais non chez la femelle ; elles favorisent
l'objet de la gratification, sexuelle ou autre. le développement de l'organisation de ces voies et
L a compétition intermâles
est f o r t e m e n t conditionnée
par la testostérone,
hormone mâle.
Mais il a été d é m o n t r é
q u e l'expérience sociale
antérieure et l'apprentissage
dans l'agressivité
(antilopes communes
en Afrique du Sud).
logie du langage qu'ils apprennent mais cela n'est pas C'est un moyen d'agir,
et non entendu.
il pas, lui aussi, le spectre de ce jardin où l'homme est
appelé à vivre, jardin envahi par le béton de la raison Les « tags », par exemple,
nit Jean-Michel Bessette laissent peu de place à la parce que non conformes
discussion. Ainsi ce Narcisse qui parle plus ou moins à la raison commune de propriété.
le demande : « Le criminel
l'image idéale qu'il se fait de lui-même, ce Narcisse
qui trouvera d'autant plus facilement cet autre qu'il n'est-il pas le spectre de ce jardin
pourra traduire avec plus d'efficacité sous une forme où l'homme est appelé à vivre,
langagière son besoin d'être aimé par l'être gratifiant, envahi par le béton et la raison
techno-industrielle ? »
et qui cherchera à se l'approprier, à le conserver pour
lui, à le soustraire aux autres, ce Narcisse, même dans
la recherche de la dominance
mais aussi à un c o m p o r t e m e n t
L
se procurer des objets que le statut économique ne 'agressivité défensive est provoquée par un
permet pas d'obtenir en se soumettant aux lois du stimulus nociceptif, douloureux, lorsque la fuite
monde marchand. Monde qui ne maintient d'ailleurs ou l'échappement sont impossibles. Reste alors la
ses échelons hiérarchiques de dominance, à tous les lutte, qui peut encore réaliser la destruction de l'agent
niveaux d'organisation, qu'en créant des besoins qui nociceptif. Ce comportement inné, qui met en jeu le
sont eux-mêmes nécessaires à l'accroissement de la faisceau de la punition (PVS), peut être orienté vers
production marchande. un objet, un individu d'une autre espèce ou un indi-
Enfin, il me semble que si le meurtre n'existe pas chez vidu de la même espèce. Cette agression répond à
l'animal, c'est parce que celui-ci ne parle pas. Cette l'agression du milieu, quel qu'en soit l'agent respon-
opinion, contrairement aux apparences, ne contredit sable. Si elle est récompensée, et uniquement dans ce
pas celle de Jean-Michel Bessette, car en réalité le rôle cas, l'agressivité défensive devient un comportement
du langage change en changeant de niveau d'organi- appris, faisant appel à un processus de mémoire, mais
sation. Chez les humains, les guerres et les génocides elle reste toujours liée à un stimulus du milieu.
sont toujours couverts par un discours logique, un Il est souvent difficile de distinguer clairement ce type
alibi langagier, une idéologie qui motivent et excusent d'agressivité des agressivités compétitives qui, elles,
les pulsions inconscientes de recherche de la domi- rappelons-le, sont acquises. En effet, le stimulus dou-
nance. Je crois biologiquement impossible l'instinct de loureux provoquant l'agressivité défensive peut pro-
mort freudien, qui n'a sans doute été invoqué que venir d ' u n individu entrant en compétition pour
pour faire pendant à l'éros, en un douteux système l'obtention d'un objet ou d ' u n être gratifiant. Chez
d'équilibre. Il me semble que cet instinct de mort n'est l'animal également, il est difficile de discerner si le
en fait pas u n instinct, mais qu'il provient, chez comportement mis en jeu est inné ou acquis. On peut
l'homme, de l'apprentissage de l'emploi du langage toutefois identifier expérimentalement son agressivité
qui façonne l'inconscient et fournit la justification défensive par la stimulation électrique de certaines
au crime « juste », mais qui représente aussi un moyen aires cérébrales. Il s'agit alors d ' u n comportement
de vivre, p u i s q u ' i l p e r m e t la c o m m u n i c a t i o n , la inné mis en jeu par la douleur.
Quand un stimulus douloureux
n'est plus supportable,
si la fuite est impossible,
reste l'agressivité défensive.
La lutte peut alors être libératrice,
puisqu'elle parvient parfois
à faire disparaître
le facteur d'origine de la douleur.
Édouard A. Renard (1802-1857),
La Rébellion d'un esclave
sur un navire négrier.
La Rochelle,
musée du Nouveau Monde.
Pour montrer la difficulté fréquente de distinguer petits de mère non tueuse, regarder leur mère adop-
un comportement inné d ' u n comportement acquis, tive tuer une souris améliora leur performance, mais
y compris en ce qui concerne l'agressivité défensive, ne fut pas nécessaire à leur initiation. Alors que les
V. Flandera et V. Novaka ont isolé, en 1974, deux petits nés de mère tueuse ne montrèrent leur compor-
lignées de rats, les uns tueurs de souris, les autres non tement agressif qu'au quatre-vingt-dixième jour. Cette
tueurs. Les petits de chaque type de mère furent expérience met en évidence l'importance du compor-
échangés à la naissance. Or ils d é v e l o p p è r e n t le tement maternel dans le contrôle et l'apprentissage de
comportement de leur mère adoptive et non celui de celui de sa progéniture.
leur mère biologique, bien qu'ils n'aient pas été mis en En résumé, s'il existe bien chez l'animal un ensemble
présence de souris avant leur trentième jour. Pour les d'aires et de voies nerveuses centrales dont l'existence
gratification n'est pas obtenue, lorsque ni la Deux facteurs peuvent favoriser l'explosion d'agres-
fuite ni la lutte ne peuvent s'opposer à l'agression, un sivité. Le premier est la toxicomanie, surtout alcoo-
comportement d'inhibition motrice survient : la pour- lique, qui, dans la majorité des cas, est à l'origine de la
suite de la lutte risquant d'aboutir à la mort, la défaite violence. Mais cet alcoolisme est lui-même la consé-
est encore préférable. Mais elle entraîne la mise en jeu quence d'une tentative d'occultation de l'angoisse.
d'un cercle vicieux avec, sur le plan végétatif, une Comme la violence, et d'ailleurs de façon complémen-
augmentation importante de la noradrénaline circu- taire, la toxicomanie est une fuite de la sensation
pénible résultant de l'inhibition de l'action gratifiante.
Le second facteur provient de l'absence d'interlo-
cuteur auquel parler de son angoisse, car le langage
aurait alors déjà constitué un moyen d'action.
Quant au comportement suicidaire, il s'agit d ' u n
comportement d'angoisse et d'inhibition de l'action
dans lequel l'agressivité se tourne vers le seul objet
e n v e r s l e q u e l la s o c i o c u l t u r e ne p e u t i n t e r d i r e
l'action : le sujet lui-même. Ainsi la toxicomanie pour-
rait être un comportement intermédiaire dans lequel
l'individu fuit l'inhibition due à la socioculture et
est-elle autre chose que l'affrontement de deux struc- d'agressivité dus à l'angoisse
dernière étant nécessaire à leur approvisionnement est un acte par lequel l'individu
tous les groupes sociaux a toujours été, jusqu'à pré- contre le seul sujet envers lequel
fait croire à chaque élément du groupe en guerre qu'il bien particulier, ritualisé,
défend son propre territoire avec les objets et les êtres choisi le plus souvent
qui s'y trouvent alors que, bien souvent, ce n'est pour sauvegarder l'honneur.
Il semble donc que, l'agressivité prédatrice exceptée, bibliothèque des Arts décoratifs.
q u ' a u c u n discours h u m a n i s t e
à éliminer? Peut-être
en cessant de récompenser
systématiquement
les c o m p o r t e m e n t s les p l u s
a g r e s s i f s e t les p l u s i n c o n s c i e n t s .
le d r o i t d u p l u s f o r t , n o s s o c i é t é s
d e responsabilité
d a n s les e x p l o s i o n s d e v i o l e n c e
q u i o n t lieu p a r t o u t
d a n s le m o n d e .
S c è n e d e v i o l e n c e a u Chili.
dans le cadre des c o m p o r t e m e n t s agressifs chez les sciences dites humaines ne tiendront pas compte
l'homme, tous les types de comportement agressif de la propriété fondamentale du cerveau humain de
sont soit le résultat d'un apprentissage et par consé- créer de l'information et d'utiliser celle-ci comme
quent susceptibles d'être transformés par la socio- moyen d'établissement de la dominance entre indi-
culture, soit une réponse élémentaire à un stimulus vidus aussi bien qu'entre groupes ou entre nations, il
douloureux. est peu probable qu'une évolution puisse survenir.
L'agressivité de compétition paraît bien être le type le Une société qui se veut d'abondance et qui prétend
plus fréquemment rencontré. Et aussi longtemps que avoir oublié la pénurie devrait être capable d ' u n e
répartition planétaire équitable des biens et des êtres. violence, de l'exploitation de l'homme par l'homme,
Elle devrait être à même de ne plus camoufler sous un des guerres et des génocides, que les meilleurs dis-
discours humaniste le droit du plus fort. Commençant cours humanistes n'ont jamais réussi à éliminer.
à comprendre le mécanisme de ses motivations les Jusqu'ici, l'humanisme a le plus souvent été celui de
plus archaïques, elle devrait enfin pouvoir les dépas- groupes prédateurs, dominants et sûrs de leur bon
ser, sans contribuer à récompenser les plus agressifs droit, et non un humanisme valable pour l'espèce
et les plus inconscients. Ce serait le seul moyen d'évi- humaine tout entière. Tout acte réalisé en faveur d'un
ter, au cours des millénaires, la reproduction de la groupe ne peut être qualifié d'« humain ».
Licence eden-338-533463-464VDHx10x01 accordée le 29 mai 2020 à
customer533463 Sergiu
TJ homme fait partie
intégrante de l'environnement,
L
Couvrirait-on la planète mécanique, thermique, radiante, chimique,
de gazon, si l'on m'interdit etc. -, située dans l'environnement d'un
de m'y coucher organisme, entre en relation avec cet organisme et, en
par un bel après-midi d'été, agissant directement sur lui, provoque une perte par-
la qualité de ma vie n'en sera pas tielle ou totale de sa structure, cela se traduit par
améliorée pour autant. l'apparition de lésions qui affectent l'organisme de
L'environnement humain façon plus ou moins étendue. Il s'agit d'un état patho-
est d'abord fait logique. Le rôle du thérapeute à l'égard de la lésion
des autres hommes est alors assez simple : il doit en assurer ou en faciliter
et des relations s'établissant la réparation.
entre eux. Mais à côté de la ou des lésions existent aussi des
Bois de Vincennes, août 1974. réactions neuroendocriniennes, réactions aiguës à
une agression elle-même brutale et passagère. Elles
appellent des traitements intensifs, soit généraux, qu'une pathologie fort éloignée de ce qu'il est généra-
comme celui des états de choc, soit locaux, comme lement convenu d'englober sous le terme de psycho-
celui des processus inflammatoires par exemple. somatique risque d'en résulter.
Cependant ces syndromes aigus ne se présentent
pas de la même façon suivant l'histoire antérieure, i l paraît évident qu'il ne suffit pas d'un
nerveuse en particulier, de l'organisme qui les subit : contact avec un microbe, un virus ou un irritant local
la pathologie réactionnelle aiguë à une lésion elle- chroniquement subi pour développer une infection ou
même brutale et soudaine dépend aussi de ce qu'il une tumeur. On a trop focalisé sur ces facteurs exté-
est convenu d'appeler le terrain, c'est-à-dire l'état de rieurs et pas assez sur le sujet, sur son histoire passée
la dynamique métabolique tissulaire du moment. et présente, sur ses rapports avec son environnement.
Cette dynamique elle-même dépend de toute l'his- La toxicité de ces facteurs varie probablement avec
toire antérieure du sujet, c'est-à-dire de l'histoire de le contexte et le statut social de l'individu qu'ils attei-
ses rapports avec ses environnements, de sa mémoire gnent. Ainsi, les schizophrènes parvenus au stade de
inconsciente. Or cette histoire, qui est à la fois ner- la démence, isolés du contexte social par leur folie,
veuse, endocrinienne et métabolique, domine toute sont parmi les populations les moins atteintes par les
la physiopathologie aiguë ou chronique. Autant dire, affections cancéreuses, infectieuses et psychosoma-
de façon peut-être schématique et cependant fon- tiques ; la thérapeutique des tumeurs s'oriente de plus
damentalement exacte, que la physiopathologie se en plus vers la stimulation des défenses immunitaires.
trouve dominée par les processus de mémoire et par C'est toute la pathologie qui dépend sans doute des
leurs conséquences sur le comportement à l'égard comportements individuels en situation sociale, et pas
du milieu. uniquement les maladies psychiques et psychosoma-
tiques. On peut ainsi, sans crainte d'erreur, émettre
C e s processus mettent en jeu à la fois l'opinion selon laquelle les critères d'appréciation du
la mémoire génétique, la mémoire immunitaire et normal et du pathologique se recueilleront à plusieurs
surtout la mémoire nerveuse : c'est en effet cette der- niveaux d'organisation.
nière qui mobilise le système inhibiteur de l'action Sera considéré comme organiquement normal l'indi-
qui, à son tour, mobilise le système neuroendocrinien vidu conforme au «mode» d'une courbe de Gauss
de la réaction d'alarme; et celle-ci s'auto-entretient - courbe en cloche exprimant la densité de probabilité
aussi longtemps que l'action gratifiante ne vient pas d'une variable - sur laquelle s'inscrivent tous les
interrompre le cercle vicieux. Or, nous avons vu le phénomènes et valeurs biologiques. Un individu sera
rôle des glucocorticoïdes sur le système immunitaire ainsi déclaré diabétique, urémique, hyperthermique,
et ses conséquences sur les systèmes de défense de etc., qu'il présente ou non une lésion organique, s'il
l'organisme, qui sont avant tout des systèmes de ne s'inscrit pas dans la moyenne de la courbe. Sera
mémoire immunitaire. Nous pouvons en déduire considéré comme psychiquement normal l'individu
c o n f o r m e au m o d e d ' u n e c o u r b e de G a u s s sur rant son environnement, l'autre à agir sur l'environne-
laquelle s'inscrivent les comportements humains dans ment en imaginant que cela suffira à résoudre tous les
une société donnée, suivant l'époque et l'échelle de problèmes organiques. Il serait ainsi sans doute préfé-
valeurs qu'elle a historiquement établies. rable, pour traiter un ulcère de l'estomac par exemple,
Dans ces deux cas, il est rarement envisagé de préciser d'éloigner la belle-mère plutôt que de pratiquer une
le pourquoi ou le comment de l'anormalité, car à ce gastrectomie qui ne changera rien au facteur environ-
niveau on ne peut considérer l'individu isolé de son nemental ! C'est le reproche que l'on peut faire à toute
contexte socioculturel. La thérapeutique s'est donc thérapeutique qui se contente de soigner la lésion sans
g é n é r a l e m e n t limitée à agir sur l ' i n d i v i d u p o u r jamais s'intéresser au facteur psychosocial qui se
le rendre conforme, pour le contraindre à suivre un trouve à l'origine de l'affection. Mais inversement,
règlement de m a n œ u v r e établi par les dominants, croire qu'il suffit de supprimer le pouvoir médical ou
mais rarement sur l'environnement, pour permettre à de retourner à la socioculture paléolithique pour voir
l'individu d'être lui-même. disparaître les maladies serait un comportement
Il en résulte que, s'il existe bien une thérapeutique enfantin, ignorant les mécanismes de fonctionnement
d'urgence à court terme parant au plus pressé, il des organismes qui en sont atteints, en particulier les
devrait surtout exister une thérapeutique à long terme mécanismes du fonctionnement du système nerveux.
tendant à établir de nouveaux rapports entre indivi- Ceux-là mêmes qui émettent pareille opinion se
dus, de nouvelles structures sociales qui permettent sont-ils posé la question de savoir quelles sont leurs
de limiter les dégâts de l'inhibition de l'action en propres motivations inconscientes ?
agissant sur ses causes plus que sur ses mécanismes
Voi
nerveux centraux, comme le font les drogues psycho- V oilà plus de trente ans que je m'efforce
tropes. Celles-ci ne peuvent offrir qu'une thérapeu- de réagir contre cette dichotomie : l'homme d'une
tique de replâtrage, un pansement psychosomatique. part, l'environnement de l'autre. L'homme fait partie
Leur avenir est d ' a u t a n t plus limité à long terme intégrante de l'environnement. Depuis quelques
qu'elles ne font que réintroduire dans le système un années, la notion d'environnement est à la mode. Des
individu qui, sans drogues, ne serait d'aucune renta- ministères ont été créés, mais toujours dans la même
bilité pour la production, et qui aura généralement vision dichotomique. On parle de qualité de la vie,
perdu ses motivations fondamentales, c'est-à-dire sa celle-ci étant liée essentiellement à l'importance des
joie de vivre. espaces verts et d'une moindre pollution, obtenue
grâce à une autre croissance dont on ne précise jamais
L e manichéisme qui caractérise la majo- les caractéristiques. Mais couvrirait-on la planète de
rité des conduites humaines ne permet d'envisager gazon, si l'on m'interdit de m'y coucher par un bel
jusqu'ici que deux conduites à l'égard de la maladie : après-midi d'été, la qualité de ma vie n'en sera pas
l'une consiste à agir sur l'organisme malade en igno- améliorée pour autant. Ce qui veut dire que l'environ-
nement humain est d'abord représenté par les autres qu'il ne possède rien, et, suivant son comportement,
hommes et que l'écologie humaine est avant tout une il lui sera délivré l'étiquette qui décidera de son
socio-économie politique. Pour un individu, être nor- internement, carcéral ou psychiatrique. Là est consi-
mal, c'est d'abord l'être par rapport à soi-même et non déré comme anormal celui qui ne peut se soumettre
suivant des règles comportementales imposées par au conformisme idéologique qui règle les rapports
une structure hiérarchique de dominance. L'honnête socio-économiques, et son internement, carcéral
citoyen sur la tombe duquel on peut lire «bon fils, ou psychiatrique, sera la conséquence de sa dévia-
bon époux, bon père, bon citoyen, priez pour lui » a tion par rapport à cette autre norme sociocultu-
pu être considéré comme parfaitement normal. Il n'en relle. Mais dans tous les cas, cette norme est impo-
est pas moins mort « anormalement », d'une maladie sée par une structure hiérarchique de dominance
de l'inhibition comportementale le plus souvent. qui décide si un comportement peut être considéré
c o m m e n o r m a l ou p a t h o l o g i q u e s u i v a n t u n e
o u t e d i c h o t o m i e e n t r e l ' h o m m e et échelle de valeurs qu'elle considère comme seule
son environnement, entre le psychique et le soma- valable.
ainsi qu'un lieu de passage de l'environnement, lieu relation avec l'environnement social et ses règlements
de passage spécifiquement structuré, au sein duquel institutionalisés. Non, si cette fonction a pour finalité
cet environnement parfois se fixe et sommeille, pour première le maintien de la structure d'ensemble de
en ressortir transformé dans l'action. l'organisme et non pas sa conformité à l'ensemble
Ici est considéré c o m m e a n o r m a l l ' i n d i v i d u qui socioculturel environnant et au maintien de la struc-
epuis Paul Dirac, on admet que le vide est rempli de particules et d'antipar-
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D U MÊME AUTEUR
Les titres précédés d'un * sont des ouvrages destinés à un large public.
TABLE DES MATIÈRES
Introduction 7
Réflexes et instincts 67
Les réflexes : du simple au complexe 68
Les instincts 76
Le système limbique 87
Les mémoires 90
Rôle de la mémoire et de l'apprentissage 95
Affectivité et mémoire affective 99
Biochimie de la mémoire 104
Le cortex 111
Conscience, inconscient et langage 112
Imagination et langage 136
Du rêve au désir 149
Le narcissisme 155
S e c o n d e p a r t i e - LES C O M P O R T E M E N T S 163
D u biologique au sociologique 165
L'inné et l'acquis 168
Passage de l'individuel au collectif 172
Histoire des dominances 185
Le travail 198
Les pays industrialisés 210
D u p h y s i o l o g i q u e au p a t h o l o g i q u e 301
Conclusion 305
113 (Munich, Stadtische Galerie im Lenbachhaus), 114 (Lyon,
CRÉDITS PHOTOGRAPHIQUES musée des Beaux Arts), 117 (Vienne, Musée historique), 118-119
(Italie, collection particulière), 120 (Italie, collection particulière),
125 (Milan, Musée archéologique), 133 (Mexico, collection particu-
lière), 134 (Berlin, galerie Nierendorf), 136-137 (Neuilly, collection
Kandinsky), 138 (Thèbes, Egypte), 143 (collection particulière), 150-
151 (Paris, collection Leegenhoek), 153 (Saint-Etienne, musée des
Arts et de l'Industrie), 154-155 (Paris, musée d u Louvre), 157
(Madrid, collection Thyssen-Bornemisza), 158 (Lyon, musée des
ADAGP, Paris 1994/Dagli Orti : 18 (Colmar, musée Unterlinden, Beaux-Arts, 161 (Eindhoven, Stedelijk van Abbemuseum), 163
33 (Prague, Galerie nationale), 110 (collection Thyssen Borne- (Madrid, musée du Prado), 164 (Orange, musée municipal), 165
misza), 118-119 (Italie, collection particulière), 120 (Italie, collection (Orange, musée municipal), 172-173 (Troyes, biblothèque natio-
particulière), 133 (Mexico, collection particulière), 134 (Berlin, gale- nale), 176-177 (Versailles, château), 180-181 (Milan, musée d'Art
rie Nierendorf), 143 (collection particulière), 153 (Saint-Etienne, moderne), 185 (Paris, musée des deux Guerres mondiales), 186-187
musée des Arts et de l'Industrie), 161 (Eindhoven, Stedelijk van (Paris, musée Carnavalet), 190 (Paris, musée des deux Guerres
Abbemuseum), 211 (collection particulière), 228-229 (Prague, Gale- mondiales), 194 (Rome, galerie nationale d'Art antique, palais Bar-
rie nationale), 237 (Lugano, collection Thyssen-Bornemisza) nerini), 202 (Modène, bibliothèque Estense), 211 (collection particu-
lière), 228-229 (Prague, Galerie nationale), 231 (Zurich, collection
ADAGP, Paris 1994/Giraudon : 139 (Bruxelles, collection M. Stal) particulière), 237 (Lugano, collection Thyssen-Bornemisza), 252
(Paris, musée du Louvre), 255 (Paris, musée du Louvre), 261 (Lille,
ADAGP, Paris 1994/Magnum : 145 (ph. Erich Lessing, Vienne, musée des Beaux-Arts), 264-265 (Madrid, musée d u Prado), 267
collection particulière) (Sienne, Pinacothèque nationale), 268, 272 (Florence, Palazzio Vec-
chio), 280-281 (Florence, musée des Offices), 288-289 (Aix-en-Pro-
CIRAD, 140-141 vence, musée Granet), 291 (La Rochelle, musée d u N o u v e a u -
Monde
CNRI, 35 (ph. J.-C. Révy), 36 (GJLP), 48 (ph. J.-C. Révy), 87 (ph. Dr
D. Kunkel/Phototake/CNRI), 121 (Dr. Zatorre/CNRI), 146-147, DEMART PRO ARTE B.V./ADAGP 1994/Dagli Orti : 110 (collec-
239,241 (ph. J.-C. Révy) tion Thyssen-Bornemisza)
Collection Christophe L., 20-21, 208-209 Explorer, 168 (ph. Jean-Louis Charmet, Philadelphie, musée des
Arts), 215 (ph. Y. Layma), 222-223
Cosmos, 19 (Eric Gravé/Science Photo Library/Cosmos), 22 (Lau-
rence Berkeley/Science Photo Library/Cosmos), 24-25 (Clive Free- G. F.-Giraudon, 220-221 (collection particulière), 278 (Bruxelles,
man, The Royal Institution/Science Photo Library/Cosmos), 26 collection particulière)
(Dr. Jeremy Burgess/Science Photo Library/Cosmos), 27 (Dr. Mor-
ley R e a d / S c i e n c e P h o t o L i b r a r y / C o s m o s ) , 28-29 (Peter Giraudon, 54-55 (Dunkerque, musée des Beaux-Arts), 65 (Chan-
Jarver/Wild Light/Cosmos), 30 (Dr. Gopal Murti/Science Photo tilly, musée Condé), 139 (Bruxelles, collection M. Stal), 148 (Paris,
Library/Cosmos), 39 (Science Photo Library/Cosmos), 43 (John musée Picasso), 183 (musée de Roubaix), 193 (Chantilly, musée
B a v o s i / S c i e n c e P h o t o L i b r a r y / C o s m o s ) , 44 ( M a n f r e d Condé), 196-197 (Toulouse, musée des Augustins)
Kage/Science Photo Library/Cosmos), 45 (Eric Grave/Science
Photo L i b r a r y / C o s m o s ) , 46-47 (Francis Leroy/Science Photo Jean-Loup Charmet, 8-9 (Paris, bibliothèque des Arts décoratifs), 17
L i b r a r y / B i o c o s m o s ) , 68 ( M a n f r e d K a g e / S c i e n c e P h o t o (bibliothèque de l'ancienne Faculté de médecine de Paris), 31
Library/Cosmos), 88 (John Bavosi/Science Photo Library/Cos- (Paris, bibliothèque des Arts décoratifs), 38 (bibliothèque de l'an-
mos), 89 (Francis Leroy/Biocosmos/Science Photo Library/Cos- cienne Faculté de médecine de Paris), 74-75 (Paris, bibliothèque des
mos), 245 (Dr. Brian Eyden/Science Photo Library/Cosmos) Arts décoratifs), 81 (Philadelphie, musée des Beaux-Arts), 84-85
(Paris, bibliothèque des Arts décoratifs), 170-171 (Paris, collection
Dagli Orti, 6 (Nantes, musée des Beaux-Arts), 7 (Le Caire, Musée particulière), 225 (Paris, Bibliothèque nationale, cabinet des
égyptien), 14-15 (Château de Blois), 18 (Colmar, Musée Unterlin- Estampes), 263 (Paris, musée d'Histoire de la médecine), 277, 294
den), 33 (Prague, Galerie nationale), 57 (Paris, collection Michèle (Paris, bibliothèque des Arts décoratifs), 297 (Paris, bibliothèque
Boulet), 61 (Budapest, Galerie nationale), 67 (Madrid, musée du des Arts décoratifs)
Prado), 70 (Chantilly, musée Condé), 72-73 (Paris, musée du
Louvre), 77 (Italie, Pompéi), 78-79 (Montpellier, musée Fabre), 83 Keystone, 130-131, 284
(Saint-Etienne, musée Art et Industrie), 86 (Paris, collection parti-
culière), 98, 99 (Venise, bibliothèque Marciana), 101 (Rome, galerie L'Illustration/Sygma, 232-233
d'Art moderne), 106 (Dôle, musée des Beaux Arts), 110 (Lugano,
collection Thyssen-Bornemisza), 111 (Colmar, musée Unterlinden), Lauros-Giraudon, 166-167 (Paris, musée Carnavalet)
Magnum, 10-11 (ph.E. Lessing, Bâle, Kunstmuseum), 13 (ph. Sebas- SPADEM 1994/Giraudon, 148 (Paris, musée Picasso)
tiao Salgado), 40 (ph. Wayne Miller), 60 (ph. Eric Lessing), 62-63
(ph. Inge Morath), 82-83 (ph. Ian Berry), 92 (ph. Wayne Miller), 93 Vandystadt, 123 (ph. Bernard Asset), 178 (ph. Gérard Vandystadt),
(ph. W. E. Smith), 96-97 (ph. Wayne Miller), 105 (ph. Patrick Zach- 247, 256 (ph. Yann Guichaoua)
mann), 109 (ph. Raymond Depardon), 115 (ph. Sebastiao Salgado),
145 (ph. Eric Lessing, Vienne, collection particulière), 199 (ph. Erich Zucca-Kipa, 126-127
Lessing, Dusseldorf, Kunstmuseum), 200-201 (ph. René Borri), 203
(ph. Richard Kalvar), 204-205 (ph. Leonard Freed), 207 (ph. Sal- @ SPADEM pour les œuvres de : Pablo Picasso
gado), 212-213 (ph. Sebastiao Salgado), 216 (ph. John Vink), 224 @ AD AGP pour les œuvres de Carlo Carra, Marc Chagall, Salvador
(ph. Henri Cartier-Bresson), 234 (ph. Sebastiao Salgado), 259 (ph. Dali, James Ensor, George Grosz, A u g u s t e Herbin, Frantisek
Gilles Peress), 273 (ph. Larry Towell); 286-287 (ph. P. Zachmann), Kupka, René Magritte, André Masson, Remedios Varo, Claude
293 (ph. Robert Capa), 298-299 (ph. Sergio Larrain) Verlinde, Marie-Hélène Vieira da Silva
@ D.R. pour les œuvres de : A. Bal, Pierre Lacombe, Franz Wil-
Pix, 50 (ph. P l a n e t E a r t h / K e n Lucas), 274-275 (ph. P l a n e t helm Seiwert, Christian Schad, Rufino Tamayo
Earth/Steve Bloom), 282-283 (ph. Planet Earth/Ronald S. Rogoff)
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