French Report
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ET CENTRALE
CAMEROUN
Groupe de la Banque mondiale
Rapport principal
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Rapport national sur le climat et le développement : Cameroun
Table des matières
Table des matières .............................................................................................................. 2
Remerciements ................................................................................................................... 4
Abréviations ........................................................................................................................ 6
Résumé exécutif ................................................................................................................. 8
1. Climat et développement ........................................................................................ 14
1.1. Contexte économique, social et environnemental ......................................................... 14
1.1.1. Une croissance insuffisante pour réduire significativement la pauvreté ............................... 14
1.1.2. Épuisement du capital naturel, faiblesse du capital humain, conflits et inégalités .............. 15
1.2. Les impacts du changement climatique exacerbent les tensions et les conflits ........... 16
1.3. Opportunités de décarbonisation ................................................................................... 19
2. Engagements climatiques du pays ......................................................................... 21
2.1. Engagements climatiques .............................................................................................. 21
2.1.1. Attention portée à l'atténuation et l'adaptation ....................................................................... 21
2.1.2. Liens avec les stratégies et plans nationaux et sectoriels ...................................................... 22
2.1.3. Davantage d’engagement au niveau infranational mais une faible capacité de mise en
œuvre et peu de ressources limitées ........................................................................................................ 22
2.2. Législation et mécanismes de coordination tenant compte du climat .......................... 23
2.3. Niveau de préparation institutionnelle à l'action climatique .......................................... 26
2.3.1. Intégration dans les outils de planification et les processus budgétaires ............................. 26
2.3.2. Niveau de préparation institutionnelle à soutenir la résilience des populations .................. 26
2.3.3. Risques menaçant l'action climatique en raison du manque de redevabilité et de la
mauvaise qualité des données ................................................................................................................. 27
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Rapport national sur le climat et le développement : Cameroun
4.2. Scénarios climatiques .................................................................................................... 46
4.2.1. Cours habituel des activités et changement climatique ......................................................... 46
4.2.2. Actions climatiques ................................................................................................................... 49
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Rapport national sur le climat et le développement : Cameroun
Remerciements
Ce rapport a été préparé par une équipe de base de la Banque mondiale composée de Nabil Chaherli
(Chef d’équipe), Raju Singh et Jana El-Horr (Co-chefs d’équipe). Les principaux contributeurs aux
documents de référence, notes et chapitres sont : Lulit Beyene, Werner Hernani, Clarence Tsimpo,
Paula Cerruti, Thomas Eysseric, Martin Oswald, Johan Grijsen, William Mala, Sylke von Thadden,
Chiwimbo (Chichi) Mwika, Michael Vaislic, Vivien Deparday et Bushra Mohamed. Le rapport a tiré parti
des contributions inestimables des collègues suivants de l’équipe de travail élargie du GBM : Carine
Clert, Natalie Lahire, Maria Gracheva et Fatima Barry. Alonso Sanchez, Harmelle Ekoman, Yohana
Dukhan, Vincent De Paul Mboutchouang, Sunil Mathrani, Yussuf Uwamahoro, Céline Ramstein,
Olayinka Bisiriyu, Komenan Koffi, Roger Cunill, Papa Fall, Abdelmoula Ghzala, Francis Ovanda, Clélia
Rontoyanni, Henri Fortin, Jules Dumas Nguebou , Amina Coulibaly, Ferdinand Owondi, Joana Monteiro
Da Mota, Joseph Fnu ; Armel Kemajou, Charlie Foyet, Guyslain Ngeleza, Fidele Yobo, Jorge Trevino, Issa
Bitang, Fatou Fall, Odilia Hebga, Christelle Chapoy, Natalia Pecorari, Maria Waqar, Asha Johnson, Ena
Loureiro, Samia Bouba, Landrine Songmene, Vsevolod (Seva) Payevskiy (IFC) et Luisa De Melo (MIGA),
Tout au long du processus, l’équipe a bénéficié du retour et des contributions du personnel des
différents ministères du Gouvernement de la République du Cameroun et des points focaux désignés
aux fins de ce rapport. Le Dr Charles Assamba (Directeur Général de la Coopération Internationale et
de l’Intégration Régionale, MINEPAT) a été le point focal général dans le cadre de la préparation de ce
rapport. Parmi les contributions figurant les discussions lors de la Table ronde de Haut Niveau sur le
Développement et le Climat au Cameroun tenue le 9 mars 2022 à Yaoundé sous le parrainage/la
direction du Gouverneur de la Banque mondiale, le Ministre de l’Economie et de la Planification, M.
Alamine May. Sous le thème « Transformer les contraintes du changement climatique en opportunités
de développement », l’événement, organisé lors de la visite du Directeur régional du développement
durable de l’AFW au Cameroun, a rassemblé les personnes suivantes : Mme Célestine Ketcha-Courtès,
Ministre des Affaires Urbaines ; M. Gaston Essomba, Ministre de l’Energie et de l’Eau ; Dr Taiga,
Ministre de l’Elevage ; M. Pierre Hélé, Ministre de l’Environnement ; M. Jules Ndongo, Ministre des
Forêts ; et des représentants du Ministère des Finances et du Ministère de l’Agriculture. Les points
focaux ministériels comprenaient : M. Timothée Kabongo, Point Focal National Changement Climatique
(MINEPDED) ; M. Yves Nsaga (MINEPAT), M. David Donfack (MINDHU) et M. Georges Mouncharou
(MINFOF). Les discussions sur ce rapport ont été poursuivies le 5 octobre à Yaoundé lors d’un atelier
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Rapport national sur le climat et le développement : Cameroun
conjoint entre la Banque mondiale et le MINEPAT, rassemblant 20 ministères1 et facilité par
l’Observatoire national du climat sur le changement climatique (NOCC/ONACC)
1 Les ministères suivants étaient présents : le MINADER (agriculture et développement rural), le MINAS (affaires sociales), le MINAT (administration
territoriale), le MINDDEVEL (développement local), le MINDHU (affaires urbaines), le MINEDUB (enseignement primaire), le MINEE (énergie et eau), le
MINEFOP (formation professionnelle), le MINEPAT (économie, planification), le MINEPDED (environnement), le MINEPIA (élevage), MINESUP (enseignement
supérieur), le MINFI (finances), le MINFOF (forêts), le MINMIDT (mines et industrie), le MINT (transports), le MINTP (travaux publics) et le MINTSS (protection
sociale).
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Rapport national sur le climat et le développement : Cameroun
Abréviations
AFAUT Agriculture, foresterie et autres utilisations des terres
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Rapport national sur le climat et le développement : Cameroun
MINTP Ministère des Travaux Publics
UE Union européenne
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Rapport national sur le climat et le développement : Cameroun
Résumé exécutif
Le climat de la planète Terre change et le Cameroun, comme d’autres nations africaines, en subit les
conséquences. Les risques physiques liés au changement climatique et les impacts déjà élevés des
dangers aigus et chroniques exposent le Cameroun à de graves pertes économiques et de bien-être et
menacent sa trajectoire de développement. Il est essentiel de comprendre la nature et l’étendue des
risques physiques découlant des changements climatiques au cours des trois prochaines décennies.
On estime que ces risques mesurent l’ampleur du défi et mettent en évidence les arguments en faveur
de l’action climatique. Une utilisation intensive de scénarios allant de concentrations de CO 2 plus
faibles à plus élevées est faite pour évaluer les impacts en l’absence de réformes dans le modèle de
développement camerounais et de soutien à son plan d’action d’adaptation et d’atténuation tel
qu’envisagé dans ses contributions déterminées au niveau national (CDN). En tant que tel, ce rapport
explore les opportunités et les compromis pour aligner la voie de développement du Cameroun sur ses
récents engagements sur le changement climatique.
Le Cameroun n'a pas réussi à exploiter ses richesses pour un développement inclusif. Malgré de
considérables ressources naturelles et une main-d'œuvre relativement bien formée, le Cameroun a un
indice de capital humain de 0,4. La performance économique est inférieure à la moyenne des pays à
revenu faible ou intermédiaire, ce qui compromet les ambitions exprimées dans la Vision 2035. La
croissance réelle du produit intérieur brut (PIB) du pays n'a pas dépassé 4,5 pour cent au cours de la
dernière décennie, un taux à peine plus élevé que la croissance démographique et insuffisant pour
réduire la pauvreté de manière substantielle. Les progrès en matière de développement au Cameroun
sont entravés par la faible productivité rurale, la faiblesse de l'environnement des affaires pour les
secteurs privés formel et informel, la fragilité croissante et la mauvaise gouvernance dans les secteurs
public et privé. Ces contraintes se sont aggravées avec la détérioration de la situation sécuritaire et la
pandémie de COVID-19 et s’accentueront avec les défis croissants du changement climatique, de
l'urbanisation et de la pression démographique. La dernière Stratégie Nationale de Développement
2020-2030 (SND30) reconnaît ces défis et vise à diversifier l'économie tout en corrigeant les
déséquilibres sociaux, économiques et environnementaux.
Le Cameroun est confronté au défi de changer le modèle de développement actuel de manière à créer
des opportunités pour renforcer la résilience et positionner le pays sur une trajectoire de
développement plus dynamique. Afin de réaliser une croissance économique plus rapide, inclusive et
durable, il est indiqué de rompre avec le modèle de développement dirigé par l'État et de mettre le
secteur privé au premier plan de l'activité économique. Si aucune réforme n'est entreprise, le taux de
pauvreté international du pays avoisinerait 15 pour cent en 2050, soit bien plus que 3 pour cent, alors
que le changement de modèle de développement le ramènera à environ 3 pour cent à cette échéance.
L'économie camerounaise présenterait également plus de résilience face aux effets du changement
climatique et serait capable de s'adapter aux nouvelles conditions.
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Rapport national sur le climat et le développement : Cameroun
Simulation des impacts sur la croissance et la pauvreté avec un modèle d'équilibre général calculable.
Scénarios avec réformes et sans réformes de la politique de développement
Ces défis peuvent être regroupés en trois grands domaines. Le premier consiste à réduire le coût de
faire des affaires et à promouvoir la concurrence nationale. Une plus faible concentration du marché
et une moindre prévalence de la participation du secteur public y contribueraient. Ces mesures
devraient également impliquer une augmentation du revenu des ménages, tant pour les indépendants
que pour les salariés, ce qui est essentiel pour parvenir à réduire la pauvreté et à partager la prospérité.
Des réformes transversales, notamment une politique budgétaire et une gestion de la dette plus
saines, de meilleures infrastructures pour une alimentation en électricité, en eau et en
télécommunications fiables, une meilleure connectivité et des services financiers plus inclusifs,
faciliteront la réalisation de ce programme. Le deuxième domaine porte sur la réduction de la fragilité
et l'amélioration de la gouvernance. Il faudrait améliorer la qualité des services de base et l'accès à
ceux-ci de manière à répondre aux besoins de la population locale. La décentralisation en cours offre
une opportunité de s'attaquer aux disparités régionales croissantes. Le troisième domaine consiste à
réaliser le potentiel de la main-d'œuvre camerounaise. L'amélioration des soins de santé, de la
nutrition, des services d’'eau et d'assainissement, de l'éducation de base et des filets de sécurité
productifs y contribueront, tout comme la réduction de l'inadéquation des compétences et
l'autonomisation des femmes.
Le RNCD relève que le changement climatique constitue déjà une menace pour le développement du
pays. Le Cameroun est caractérisé par une géographie diversifiée et est présente tous les principaux
types de climat existant sur le continent. Actuellement, environ 2 millions de personnes (9 pour cent
de la population du Cameroun) vivent dans des zones affectées par la sécheresse, et environ 8 pour
cent du PIB du pays est vulnérable. Les forêts tropicales couvrent près de 40 pour cent du pays et
fournissent à environ 8 millions de ruraux des produits de base traditionnels, notamment des aliments,
des médicaments, du carburant et des matériaux de construction. Les changements de température,
de pluviométrie et de sécheresse exposent ces personnes à un risque accru de pauvreté. En outre, les
populations établies dans certaines régions sont plus vulnérables aux risques climatiques, notamment
dans le Grand Nord où des sécheresses dévastatrices ont contribué à accroître de manière alarmante
l'insécurité alimentaire et la perte des moyens de subsistance. La température moyenne a augmenté
avec des variations régionales importantes. De fortes probabilités de températures extrêmes et d'une
intensification des risques (sécheresses et inondations) se profilent. L'évolution du climat au cours de
la prochaine décennie, et probablement au-delà, signifie que le nombre de personnes et la taille des
zones affectées par des impacts physiques majeurs continueront de croître. Ce rapport souligne que le
changement climatique produira des effets directs sur cinq systèmes socioéconomiques : les systèmes
alimentaires, le capital naturel, les actifs physiques urbains et les services d'infrastructure dans les
domaines de l'énergie et des transports, de la vie et du travail.
Les communautés pauvres et les régions caractérisées par des niveaux de pauvreté élevés et
confrontées à la fragilité, aux conflits et à la violence sont généralement plus exposées aux risques.
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Rapport national sur le climat et le développement : Cameroun
Les régions de l'Extrême-Nord, du Nord et de l'Adamawa subissent un climat rude avec de faibles
précipitations et des températures élevées. La population dépend de l'agriculture de subsistance et
des activités liées à l'élevage et dispose de moins de moyens financiers pour pouvoir s'adapter
rapidement.
Le Cameroun a certes progressé dans l'élaboration d'une politique climatique, mais il lui manque
encore un cadre réglementaire complet pour soutenir ses objectifs. La SND30 fixe un objectif dédié à
la lutte contre le changement climatique avec un ensemble de réformes proposées pour créer un
environnement propice à la croissance économique, à l'amélioration de la gouvernance et des
institutions, et à la décentralisation. Le Cameroun a énoncé ses contributions déterminées au niveau
national (CDN) actualisées en novembre 2021, s'engageant à réduire de 35 pour cent les émissions
de gaz à effet de serre (GES) d'ici 2030, sous réserve de la disponibilité des financements. Au
Cameroun, aucune loi n'oblige les institutions publiques à intégrer le changement climatique dans leurs
instruments de politique et de planification et dans leur processus budgétaire, et la plupart des
secteurs restent dépourvus de législation soutenant les objectifs d'adaptation et de décarbonisation
du pays. En outre, une part significative des CDN dépend de la mobilisation des ressources par les
partenaires au développement et le secteur privé. La mise en œuvre des premières CDN a permis de
noter que peu de mesures ont été financées de manière adéquate et que le secteur privé dispose de
très peu de moyens pour intégrer les impacts du changement climatique dans ses activités. Les
organes de contrôle manquent également de capacités pour évaluer les actions et les performances
en matière de changement climatique, et de mécanismes formels de consultation.
Les actions en faveur du climat doivent aller de pair avec les actions en faveur du développement. Les
investissements visant à réorienter la production agricole vers des activités et des cultures plus
résilientes, à développer les énergies renouvelables et à rendre les infrastructures et les systèmes de
santé plus résilients servent ces deux objectifs. Un environnement des affaires plus favorable et une
enveloppe budgétaire plus conséquente permettraient aux autorités de financer les mesures
climatiques autrement que par l'emprunt, ce qui limiterait les pertes de PIB, voire d’accélérer quelque
peu la croissance. Un environnement commercial plus favorable inciterait également le secteur privé,
tant national qu'étranger, à participer davantage et à couvrir une partie du financement. La réalisation
d'investissements dans l'action climatique dans un environnement plus favorable aux entreprises
devrait inverser la tendance de pauvreté induite par le changement climatique. Les actions climatiques
favoriseraient particulièrement les ménages du secteur agricole en réduisant le taux de pauvreté de
près de 5 points de pourcentage.
Simulation des impacts sur la croissance et la pauvreté avec un modèle d'équilibre général calculable.
Réforme du modèle de développement et action climatique sous le scénario modéré de reduction des emissions (RCP 4.5)
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Rapport national sur le climat et le développement : Cameroun
Remarque : Les trajectoires de concentration représentatives (RCP) décrivent les scénarios futurs possibles d’émissions de gaz à effet de serre et
d’aérosols. Les scénarios RCP ne sont pas des politiques, des données démographiques ou des avenirs économiques spécifiques ; Le RCP 4.5 est décrit
par le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) comme un scénario modéré dans lequel les émissions culminent vers 2040
puis diminuent. Dans le présent rapport, nous explorons les répercussions du RCP 2.6 et du RCP 8.5, les changements climatiques devant être moins ou
plus graves respectivement que ceux du RCP 4.5.
L'adaptation peut contribuer à gérer les multiples risques relevés dans ce rapport, même si elle
implique des choix difficiles et peut s'avérer coûteuse pour les régions, les communautés et les
ménages concernés. Les préparatifs de l'adaptation - qu'il s'agisse de digues, de routes à l’épreuve des
aléas climatiques ou de cultures résilientes à la sécheresse – exigeront une action collective et
coordonnée ainsi que l'implication d’un secteur privé dispose à couvrir une partie des coûts pour jouir
des bénéfices de l'adaptation. De nombreuses opportunités s'offrent au Cameroun, et il est possible
d'enrayer les impacts supplémentaires sur les rendements, la productivité du travail, la santé et les
risques accrus d'inondation et de sécheresse en engageant de véritables réformes.
Le présent RNCD propose quatre domaines prioritaires : (i) l'agriculture, la foresterie et les autres
utilisations des terres ; (ii) les villes ; (iii) les infrastructures ; et (iv) le capital humain. La gouvernance
est un domaine de réforme transversal pour l'action climatique. Dix-sept actions dans ces domaines
sont résumées dans le tableau ci-dessous.
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Rapport national sur le climat et le développement : Cameroun
Actions climatiques prioritaires par secteur/système et questions de gouvernance transversales
2 Permettre une utilisation des terres Assurer la participation des communautés aux + ++
fondée sur les droits résultats en matière d’utilisation des terres ; renforcer
le contrôle communautaire sur les forêts ; renforcer la
capacité de mise en œuvre de la restauration
VILLES
8 Adaptation équitable dans les villes Opportunités pour les villes de mettre en œuvre des + ++
politiques d’adaptation équitables ; planification
équitable de l’adaptation et mobilisation
communautaire avec des actions spécifiques aux aléas
INFRASTRUCTURES
CAPITAL HUMAIN
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Rapport national sur le climat et le développement : Cameroun
13 Education aux compétences et éclairée Réforme des programmes d’enseignement et ++ ++
par le changement climatique investissement dans les compétences climato-
intelligentes pour les secteurs critiques
14 Système de protection sociale Elargir la protection sociale alors que le pays jette les ++ ++
adaptative bases d’un système de Protection sociale adaptative
Notes : Critères de classification/priorisation. Impact : +, ++ indiquent l'ampleur escomptée des avantages en termes de renforcement
de la résilience, de potentiel d'adaptation, de réduction des émissions et d'impact global sur le développement. Urgence : évaluée en
fonction de son importance en tant que catalyseur de nouvelles actions en matière de climat et/ou de développement. Faisabilité :
évaluée en termes de facilité administrative, politique ou financière de mise en œuvre ; +++ = élevée ; ++ = moyenne ; += faible.
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Rapport national sur le climat et le développement : Cameroun
1. Climat et développement
1.1. Contexte économique, social et environnemental
1.1.1. Une croissance insuffisante pour réduire significativement la pauvreté
La croissance du produit intérieur brut (PIB) réel par habitant n’a pas atteint les résultats escomptés
au Cameroun, avec une moyenne de 4,5 pour cent de 2014 à 2019, en deçà des taux enregistrés dans
les années 1980. Par ailleurs, les disparités entre les régions et les groupes de revenus en matière
d'accès aux services de base et aux moyens de subsistance se sont accentuées. La performance
économique du Cameroun se situe en deçà de la moyenne des pays à revenu faible ou intermédiaire
(PRIFI) et de ses aspirations énoncées dans la Vision 2035 (Cameroun 2009) (Figure 1.1). Bien que la
pauvreté ait légèrement baissé de 1,9 point de pourcentage entre 2014 et 2018, elle est restée élevée
en 2018, 35,6 pour cent de la population vivant sous le seuil de pauvreté national (Figure 1.2).
Figure 1.1 PIB par habitant et aspirations de la Vision Figure 1.2 Taux de pauvreté national, urbain et
2035 du Cameroun. 2010–28 rural au Cameroun, 2014 et 2018
Le Cameroun fait partie des pays potentiellement riches en ressources qui se relèvent de la pandémie
de COVID-19. Il dépend fortement des revenus générés par le pétrole, le bois et les produits agricoles.
Le pays a connu un ralentissement économique pendant la pandémie de COVID-19 qui a affecté
nettement plus les populations pauvres et vulnérables exerçant généralement dans l'agriculture et les
secteurs informels (Banque mondiale, 2022). La pandémie a perturbé l'approvisionnement en denrées,
réduisant la disponibilité des produits alimentaires, exerçant une pression sur les prix et mettant en
péril les conditions de consommation et de nutrition des ménages pauvres. Les mesures prises pour
endiguer la propagation du COVID-19 ont perturbé les importations alimentaires et la disponibilité des
produits locaux. L'offre de céréales importées, tel que le riz, a chuté de 70 pour cent. Le prix des intrants
agricoles importés a également flambé, ce qui a entravé la production agricole du pays.2 Près de deux
ans après le début de la pandémie de COVID-19, la reprise reste fragile, avec la menace persistante
d'épidémies récurrentes de COVID-193 et l’éventualité de nouvelles restrictions.
2 FamineEarly Warning Systems (FEWS) Network (base de données), “Cameroon Food Security Outlook”, Agence américaine pour le
développement international, Washington, DC (consulté en 2021), https://fews.net/west-africa/cameroon.
3 La variante Omicron, détectée fin novembre 2021, contribue aux poussées de COVID-19 en Afrique subsaharienne.
14
Rapport national sur le climat et le développement : Cameroun
1.1.2. Épuisement du capital naturel, faiblesse du capital humain, conflits et
inégalités
Le Cameroun a réussi à convertir une partie de son capital naturel en d'autres formes de capital. Le
revenu national et le bien-être sont sous-tendus par les actifs ou la richesse d'un pays, estimés de
manière globale comme incluant le capital produit, le
Figure 1.3 Wealth Components in Cameroon,
capital naturel, le capital humain et les actifs
2000, 2013, 2018
étrangers nets.4 Vu sous l'angle de la richesse, le
développement consiste à constituer et à gérer un
large portefeuille d'actifs. Ainsi, alors que le PIB mesure
le revenu national actuel, la richesse évalue les
perspectives de générer ce revenu. Bien que le capital
naturel du Cameroun ait baissé de 2,3 pour cent entre
2013 et 2018, sa richesse totale par habitant s’est
améliorée de 6 pour cent, passant de 22 317 USD par
habitant en 2013 à 23 656 USD par habitant en 2018.
En termes absolus, la richesse du Cameroun a
augmenté de 21,1 pour cent au cours de ces cinq
années, passant de 492 688 USD en 2013 à 596 526
USD en 2018, tandis que le capital naturel s’est accru de 11,6 pour cent en parallèle (Figure 1.3).
Malgré le développement de sa richesse, le Cameroun est à la traîne en ce qui concerne les indicateurs
de capital humain, notamment en matière de santé et d'éducation. Malgré des ressources naturelles
considérables et une main-d'œuvre relativement bien formée qui a soutenu la richesse du pays, son
indice de capital humain (ICH) n'est que de 0,4 (Banque mondiale, 2021),5 ce qui signifie qu’un enfant
né au Cameroun aujourd'hui n’aura à l’âge adulte une productivité que de 40 pour cent de ce qu’elle
aurait pu être s’il avait bénéficié d'une éducation complète et d'une bonne santé. Ce score est inférieur
aux moyennes de l'Afrique sub-saharienne et des PRIFI. Les moyennes nationales masquent de
flagrantes inégalités : le Cameroun présente l'une des plus grandes disparités en matière d'ICH entre
les quintiles les plus riches et les plus pauvres de la population.6 Plus alarmant encore, seuls 92
enfants sur 100 nés au Cameroun survivent jusqu'à l'âge de cinq ans, contre 96 sur 100 dans les PRIFI,
et les enfants camerounais qui commencent l'école à l'âge de quatre ans ne devraient achever que 8,7
années de scolarité ajustées avant leur 18e anniversaire, contre 10,4 années dans les PRIFI.
Le Cameroun est confronté à des conflits dans de multiples régions, et ceux-ci entravent le
développement au niveau régional. L'Extrême-Nord a pâti de l'insurrection de Boko Haram, et les crises
sociopolitiques dans les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest constituent une autre source de
tension. Des tensions accrues ont été enregistrées dans l'Est, où en 2021, les régions frontalières ont
4 La richesse est définie dans ce document comme la somme des catégories d'actifs suivantes. Capital naturel : (i) ressources non
renouvelables : 14 types de minéraux et de combustibles fossiles ; (ii) ressources renouvelables : terres cultivées, pâturages, bois de
forêt, services forestiers (une estimation des produits forestiers non ligneux), services des bassins versants, valeurs récréatives, zones
protégées (valeur estimée comme le coût d'opportunité de la conversion à l'agriculture). Capital produit et terrains urbains :
infrastructures, machines, bâtiments, équipements et terrains urbains (par souci de concision, nous utilisons le capital produit pour
inclure les deux). Capital humain : la valeur actualisée des gains au cours de la vie d'une personne. Actifs étrangers nets : la somme
des actifs et des passifs extérieurs d'un pays. En matière de capital humain cependant, un cadre plus large est recommandé et décrit
comme suit : le capital humain est constitué des connaissances, des compétences et du capital santé que les personnes accumulent
tout au long de leur vie et qui leur permettent de réaliser pleinement leur potentiel productif (Banque mondiale, Human Capital Project).
5 Calculé à partir de la base de données sur le capital humain de la Banque mondiale (2021).
6Le rapport en termes d'ICH entre les 20 pour cent les plus riches et les 20 pour cent les plus pauvres de la population au Cameroun
est de 1,68 (moyenne mondiale : 1,35 ; fourchette mondiale : 1,12-1,68).
15
Rapport national sur le climat et le développement : Cameroun
accueilli plus de 300 000 réfugiés, fuyant pour la plupart le conflit en République centrafricaine voisine.
On estime que les crises de l'Ouest et du Nord ont provoqué une contraction significative des
économies locales (Banque mondiale 2020). Comme plus de 70 pour cent de la population des régions
du Nord-Ouest et du Sud-Ouest dépendent de l'agriculture pour leur subsistance, cette contraction a
entraîné une baisse des revenus (en raison de la raréfaction de l'emploi et de la production agricole) et
une hausse des prix à la consommation des produits alimentaires de base tels que le maïs et les
haricots suite aux perturbations de la chaîne d'approvisionnement. Cette conjonction a infligé un lourd
tribut aux activités agricoles et, partant, au bien-être des ménages et des populations les plus
vulnérables (Banque mondiale 2020). Une contraction similaire des activités agricoles a été notée dans
l'Extrême-Nord, où les attaques des insurgés ont contraint environ 70 pour cent des agriculteurs à
abandonner leurs cultures, à fermer les marchés locaux et à renoncer à certaines activités agricoles,
comme la plantation conformément au calendrier cultural (Banque mondiale, 2020). De plus,
l'intensité et l'impact des conflits se répercutent au-delà de leurs régions. En conséquence, le PIB
national pourrait être réduit de 9 pour cent si les conflits devaient persister jusqu'en 2025. En outre,
les flux de personnes déplacées internes ont exercé une forte pression sur des capacités de prestation
de services déjà déficitaires, des systèmes scolaires surchargés et du peu de possibilités d'emploi dans
diverses régions d'accueil.
Selon les estimations de l'étude diagnostique systématique pays (EDSP), mise à jour, un changement
de modèle de développement serait bénéfique pour le Cameroun (Banque mondiale 2022). La faible
productivité rurale, la faiblesse de l'environnement des affaires pour les secteurs privés formel et
informel, la fragilité du pays et la gouvernance des secteurs public et privé s’agrègent en autant de
contraintes aux progrès du développement au Cameroun. Elles sont devenues plus contraignantes avec
la détérioration de la situation sécuritaire et la pandémie de COVID-19 et s’aggraveront avec les défis
croissants du changement climatique, de l'urbanisation et de la pression démographique. Pour parvenir
à une croissance plus rapide, plus inclusive et plus durable, le gouvernement devrait amorcer une
mutation des rôles et abandonner celui de moteur pour celui de facilitateur du développement
économique.
16
Rapport national sur le climat et le développement : Cameroun
semble être le moins affecté, mais la déforestation et l'exploitation minière peuvent compromettre la
conservation et accentuer les menaces (Cameroun, MINEPDED 2015).
La température annuelle moyenne a augmenté tandis que les précipitations annuelles moyennes ont
diminué au cours des dernières décennies. La température annuelle moyenne a augmenté de 0,86°C
sur 46 ans, passant de 24,28°C en 1974 à 25,14°C en 2020.7 Le réchauffement a été plus marqué
dans le nord du Cameroun de 1991 à 2020, et plus rapide de décembre à février et de septembre à
novembre (Figure 1.4). En parallèle, les précipitations annuelles moyennes sur le Cameroun ont baissé
de 2,9 millimètres par décennie depuis 1960, avec une pluviométrie moyenne particulièrement faible
en 2015. La côte du Cameroun a bénéficié le plus de précipitations, et la partie nord du pays a été la
plus sèche entre 1991 et 2020 (Figure 1.5).8
Figure 1.4 Carte de distribution des températures Figure 1.5 Carte de distribution des
moyennes au Cameroun, 1991-2020 précipitations moyennes au Cam. 1991-2020
Source: Climate Change Knowledge Portal (base de données), World Bank, Washington, DC (consulté en 2022),
https://climateknowledgeportal.worldbank.org/country/cameroon.
Le changement climatique devrait affecter différemment les zones climatiques du Cameroun, et les
événements météorologiques extrêmes deviendront plus fréquents et plus intenses. Selon le scénario
climatique le plus pessimiste, les températures devraient monter en moyenne de 3,9°C au cours des
20 prochaines années, avec de grandes variations selon les zones. Les précipitations devraient s’élever
en moyenne de 5,8 millimètres au cours des 20 prochaines années à 10,4 millimètres d'ici 2100
(Tableau 1.1) (Banque mondiale 2022), mais les précipitations varieront sur l’ensemble du pays
(Cameroun 2021). Les modèles sont globalement cohérents dans leurs prévisions d'augmentation -
jusqu'à 15 pour cent - de la proportion des précipitations totales pendant les événements extrêmes,
même pendant les saisons où les précipitations moyennes n’augmentent pas (PNUD 2012). Le nord
sahélien du pays devrait souffrir d'une aggravation de la sécheresse, de l'érosion, des vents violents et
des inondations. Sa zone de savane devrait moins subir des risques d'inondation, mais les trois autres
zones verront ces risques s’aggraver. Dans les hautes terres de l'Ouest, l'érosion, les glissements de
terrain et la sécheresse se produiraient plus fréquemment. Parallèlement, les zones côtières, en
particulier la ville de Douala, seront probablement vulnérables aux inondations, à l'élévation du niveau
de la mer, à l'érosion, aux glissements de terrain et aux vents violents. Les régions du nord du
Cameroun devraient rester les plus vulnérables, suivies par les zones côtières et les hauts plateaux
(Banque mondiale 2017).
7 Tendances lissées sur cinq ans ; voir Climate Change Knowledge Portal (base de données), Banque mondiale, Washington, DC
(consulté en 2022), https://climateknowledgeportal.worldbank.org/country/cameroon.
8 Voir Climate Change Knowledge Portal (base de données), Banque mondiale, Washington, DC (consulté en 2022),
https://climateknowledgeportal.worldbank.org/country/cameroon.
17
Rapport national sur le climat et le développement : Cameroun
Tableau 1.1 Projections de l'anomalie de la température moyenne annuelle et des précipitations au
Cameroun selon le RCP 8.5, 2020-99
Anomalie de température De -0,4 à 1,7 (+0,7) De +0,2 à 2,9 (+1,6) De +0,9 à 4,3 (+2,7) De +1,9 à 6,0 (+3,9)
moyenne annuelle (oC )
Anomalie des De -57,1 à 81,0 (5,8) De -56,3 à +84,8 (6,9) De -56,4 à +86,9 (8,8) De -54,8 à +94,6
précipitations annuelles (10,4)
(mm)
Source : Climate Change Knowledge Portal (base de données), Banque mondiale, Washington, DC (consulté en 2022),
https://climateknowledgeportal.worldbank.org/country/cameroon. Note : La projection de l'ensemble CMIP6 est basée sur le RCP 8.5. Les valeurs en
gras correspondent au 10e-90e percentile, et les valeurs entre parenthèses à la médiane (ou au 50e percentile). RCP = Representative Concentration
Pathway (voie de concentration représentative).
Les sécheresses dévastatrices qui frappent la région de l'Extrême-Nord contribuent à aggraver des taux
déjà alarmants d'insécurité alimentaire et de perte de moyens de subsistance. Environ 16 pour cent
de la population de l'Extrême-Nord souffre d'une crise alimentaire. Les départements du Mayo-Tsanaga,
du Mayo-Sava, du Logone et du Chari ont été les plus touchés au cours du dernier trimestre de 2021
(UN OCHA 2021). En moyenne, environ 1,2 million de têtes de bétail sont décimés lorsque plus de trois
mois de sécheresse se produisent chaque année. Le bétail constitue une ressource précieuse et
contribue à la sécurité alimentaire et nutritionnelle des ménages. D'ici 2050, en l’absence de mesures
drastiques d'adaptation au changement climatique, plus de 2,6 millions de têtes de bétail (71 pour
cent du cheptel actuel) devraient subir chaque année des conditions de stress dues à la sécheresse.
Plus de 100 000 tonnes de cultures, dont 20 000 tonnes de maïs, sont également impactées par les
chocs climatiques chaque année. Ces dernières années, les inondations ont été plus fréquentes et plus
intenses dans le Grand Nord, affectant négativement les moyens de subsistance, et aggravant
l'insécurité alimentaire. En 2019 et 2020, des pluies torrentielles ont inondé la plupart des
départements de l'Extrême-Nord à une ampleur que le pays n'avait pas connu depuis 2012, causant
des dommages à plus de 20 000 hectares de terres agricoles. En outre, les risques d'insécurité
alimentaire peuvent exacerber les migrations internes, aggraver une malnutrition chronique déjà
9Voir le Portail de connaissances sur le changement climatique de la Banque mondiale (base de données), consulté en 2022,
https://climateknowledgeportal.worldbank.org/country/cameroon.
18
Rapport national sur le climat et le développement : Cameroun
alarmante et menacer d'amplifier les taux de retard de croissance chez les enfants de moins de cinq
ans, sapant ainsi le développement cognitif et physique à long terme.
Les conditions climatiques difficiles peuvent déclencher la violence dans les régions infranationales
affectées par l'exclusion socioéconomique et les conflits. Dans le Grand Nord, les conditions
climatiques instables entravent la production des cultures vivrières dont dépend la région, et les
pénuries d'eau nuisent aux moyens de subsistance des pêcheurs, des agriculteurs et des éleveurs.
Induite par des régimes pluviométriques erratiques et l'assèchement des réservoirs en raison de graves
sécheresses, la pénurie d'eau a alimenté de violentes luttes entre les éleveurs arabes Choa et les
pêcheurs et agriculteurs Musgum dans la plaine inondable du Logone-Birni. Les pêcheurs Musgum ont
réagi à la grave sécheresse d'août 2021 en creusant de gigantesques fossés afin de stocker l'eau
résiduelle du fleuve pour la pêche et les cultures. Cependant, les fossés boueux piègent et parfois tuent
le bétail des éleveurs et génèrent ainsi des conflits supplémentaires avec ces derniers (HCR 2021). Le
conflit a restreint l'accès au marché et entravé la production, et renforce alors un cercle vicieux de
violence et de détérioration des moyens de subsistance (Nzouankeu 2021). Selon les Nations Unies
(2021), comme les causes du conflit n'ont pas été éradiquées et que l'inclusion économique et sociale
n'a pas été soutenue dans les régions du Nord, la violence ne cesse de s'accroître, créant des effets
d'entraînement de déplacement massif de populations dans les communautés voisines qui sont
devenues des cibles plus facilement visées.
Le bassin du Congo figure parmi les trois plus grandes forêts du monde, le seul puits de carbone stable,
et représente une formidable opportunité pour le Cameroun. Les forêts tropicales du bassin du Congo
couvrent 269 millions d'hectares, ce qui les place au deuxième rang après le bassin de l'Amazone et
elles sont plus vastes que les forêts d'Asie du Sud-Est. Si l'on compare les absorptions de carbone (par
19
Rapport national sur le climat et le développement : Cameroun
la croissance des forêts) aux émissions (résultant de la déforestation et de la dégradation des forêts),
les forêts d'Asie du Sud-Est forment une source nette de carbone, et l'Amazonie est sur le point de le
devenir (Pirker et Carodenuto 2021). Seul le bassin du Congo constitue un puits de carbone stable
d'environ 610 millions de tonnes de CO2 par an (Pirker et Carodenuto 2021), avec des émissions
moyennes d'environ 500 millions de tonnes et une absorption moyenne de 1,1 milliard de tonnes de
CO2 (CBFP 2021).
20
Rapport national sur le climat et le développement : Cameroun
2. Engagements climatiques du pays
2.1. Engagements climatiques
2.1.1. Attention portée à l'atténuation et l'adaptation
Les émissions de gaz à effet de serre (GES) du Cameroun ont baissé au cours des deux dernières
décennies, même si elles dépassent la moyenne de l'Afrique subsaharienne. Ce résultat découle de la
reforestation et de la réorientation de son bouquet énergétique vers les énergies renouvelables. Les
émissions sont passées de 9,32 tonnes de CO2e par habitant en 1998 à 4,89 tonnes de CO 2e par
habitant en 2018, soit plus que la moyenne de l'Afrique subsaharienne de 3,45 tonnes en 2018, mais
moins que la moyenne mondiale de 6,45 tonnes en 2018 (Figure 1.7). Les émissions par unité de PIB
du Cameroun s'élevaient à 3,19 kilotonnes en 2018, ce qui est supérieur aux moyennes de l'Afrique
subsaharienne et du monde, respectivement de 2,13 kilotonnes et 566,17 tonnes (Figure 1.8).10 Selon
les prédictions dans le scénario de cours habituel des activités, une forte hausse des émissions de GES
devrait se produire d'ici 2030, atteignant 119,08 tonnes de CO2e en 2030, soit une augmentation de
71 pour cent par rapport au niveau de 2010 (Cameroun 2021).
Figure 2.1 Tendances des émissions basées sur le scénario du cours habituel des activités et les mesures
supplémentaires au Cameroun, 2010-30
10Voir le CAIT (Climate Analysis Indicators Tool, WRI, disponible sur Climate Watch Data (base de données), consulté en 2022,
https://www.climatewatchdata.org.
21
Rapport national sur le climat et le développement : Cameroun
La CDN actualisée reflète la vision du Cameroun en matière d'adaptation, et notamment l'objectif de
transformer les défis liés au climat en solutions de développement dans les cinq zones agroécologiques
du pays, mais elle ne privilégie pas la sauvegarde du capital humain du pays. Les mesures proposées
comprennent 21 actions d'adaptation dans huit secteurs et thématiques, pour un coût de 31,85
millions USD.11 Les secteurs ciblés sont : l'agriculture, l'élevage, la pêche et l'aquaculture, l'exploitation
forestière et la faune sauvage, l'eau, l'assainissement et la santé, l'énergie, les mines et les industries,
le développement urbain et les travaux publics, et le tourisme.
La Vision 2035 et la Stratégie Nationale de Développement 2020-2030 (SND 30) reconnaissent toutes
deux la pertinence du développement durable et les impacts du changement climatique. Le Cameroun
est confronté à des défis critiques quand il s’agit de préserver l'inclusion sociale, favoriser la croissance
économique, renforcer le capital humain, la diversification économique et la transition vers une
économie à faibles émissions de carbone tout en s'adaptant au changement climatique. La Vision 2035
et sa deuxième phase SND30 comportent des objectifs dédiés à la lutte contre le changement
climatique. Compte tenu de la diversité du tissu social du pays, de son écologie et des interactions
entre les communautés, le Cameroun reconnaît l'importance d'une « approche territoriale » pour
réaliser ses objectifs.
Plusieurs administrations régionales et municipales ont adopté des plans d'action locaux sur le
changement climatique (PACC) et des mesures visant à renforcer la résilience climatique, mais la mise
en œuvre de ces plans est faible. Cinquante municipalités camerounaises adhèrent à la Convention
mondiale des maires pour le climat et l'énergie, la plus grande alliance mondiale pour le leadership des
villes en matière de climat, avec plus de 10 000 villes et collectivités locales membres. Parmi les 50
11Les CDN incluent des contributions conditionnelles (23 % par rapport à l'hypothèse d'un cours habituel des activités en 2030). Ces
dernières dépendent du soutien international et des contributions inconditionnelles (12 % par rapport à celles d’un cours habituel
des activités en 2030) mises en œuvre indépendamment du soutien international.
22
Rapport national sur le climat et le développement : Cameroun
membres camerounais, 26 se sont engagés à élaborer un plan climatique local, et 7 l'ont achevé.
Certains ont été préparés dans le cadre d'un processus budgétaire participatif tenant compte du climat.
Des plans de développement locaux intégrant la problématique du climat et des plans locaux REDD+
ont été élaborés par dix autres administrations locales selon une approche participative.12 Par le biais
de politiques sectorielles, plusieurs administrations locales ont développé des outils de gestion des
terres tels que des plans de développement urbain, des plans d'utilisation des terres et des cartes
sectorielles qui intègrent des aspects ou des éléments liés au changement climatique (par exemple, la
délimitation de zones inondables, de zones non construites et de zones vertes).
Les administrations locales sont confrontées à des difficultés majeures à intégrer le changement
climatique dans leurs plans, à mettre les objectifs des plans climatiques locaux en cohérence avec les
contributions déterminées au niveau national (CDN), à financer les plans et à renforcer les capacités
techniques de mise en œuvre. Les administrations locales sont chargées de la gestion des déchets
solides municipaux, des transports urbains et des infrastructures municipales, de la création de zones
d'activité industrielle et de la délivrance des permis de construire, qui sont autant de domaines
susceptibles de réduire les émissions. Il est essential d’avoir une meilleure compréhension des liens
entre les services urbains et les émissions de GES pour élaborer des stratégies efficaces d'atténuation
des effets du changement climatique. Pourtant, les urbanistes et les décideurs locaux ne disposent
généralement pas des outils ou des ressources nécessaires pour faire des choix éclairés en rapport
aux implications en termes de changement climatique des décisions locales relatives à la croissance
et de réaménagement ou pour en mesurer les effets. Certaines villes disposent de plans sectoriels de
durabilité (notamment pour la mobilité) mais manquent de financement pour les mettre en œuvre. Les
codes de l’urbanisme, les dispositions sur l’urbanisation et les normes de conception des
infrastructures ne sont pas encore adaptés aux exigences d'atténuation et d'adaptation au changement
climatique. En outre, l'utilisation des sols n'est pas bien contrôlée, et l'acquisition de terrains à bâtir
par les résidents relève généralement de l’informel.
Malgré ces efforts, le Cameroun ne dispose toujours pas d'un cadre réglementaire complet pour
réaliser ses objectifs d'adaptation et de décarbonisation. Aucune loi n'oblige les institutions publiques
à intégrer le changement climatique dans leurs instruments de politique et de planification et dans leur
processus budgétaire. Ni les CDN ni le PNACC ne sont juridiquement contraignants, et le gouvernement
12 Ces communautés ont créé des comités de consultation locaux ouverts aux représentants de la population pour diagnostiquer les
risques climatiques et identifier les solutions susceptibles de renforcer la résilience des communautés.
23
Rapport national sur le climat et le développement : Cameroun
peut les modifier à sa guise. La plupart des secteurs clés ne disposent pas de législation soutenant les
objectifs d'adaptation et de décarbonisation du pays. Par exemple, la Loi sur les forêts ne prévoit pas
l'atténuation et l'adaptation au changement climatique. L'actuel projet de loi foncière n'aborde pas les
questions d'atténuation dans les secteurs clés, tels que l'agriculture, le pastoralisme, la foresterie,
l'environnement, l'industrie ou l'urbanisme. Les administrations locales échappent à toute obligation
réglementaire de fixer des objectifs d'adaptation, d'élaborer des plans et des stratégies, ou de rendre
compte de la mise en œuvre au niveau local. L'absence d'une législation globale et multisectorielle sur
le changement climatique fait que les politiques climatiques sont vulnérables aux changements de
priorités politiques et nuit à une planification soutenue sur plusieurs cycles politiques. Le secteur privé
éprouve des difficultés à intégrer les effets du changement climatique dans ses activités économiques.
Les raisons en sont le risque et l'incertitude, les lacunes en matière de connaissances et le manque
d'outils de modélisation, la difficulté à promouvoir et à défendre l'adaptation au sein des entreprises,
ainsi que l'absence d'incitations appropriées.
Il subsiste des défis pour légiférer sur la prévention, l'atténuation et la gestion des catastrophes. La
gestion des risques de catastrophes (GRC) est confiée à la Direction de la Protection Civile, sous la
tutelle du Ministère de l'Administration Territoriale (MINAT). Le décret de 2005 (2005/104) met
l’accent sur l'organisation d'activités de recherche en matière de protection civile, le renforcement des
capacités et le contrôle des opérations de crise et de catastrophe en matière de secours et de
sauvetage des victimes et le transfert des corps. Cependant, les dispositions législatives sur la gestion
des risques de catastrophes sont principalement axées sur la gestion a posteriori des catastrophes, et
les fonctions de gestion des risques des agents ne sont pas explicitées dans la législation.
Un mécanisme de coordination a été adopté pour soutenir la mise en œuvre des CDN mais reste encore
non opérationnel. En 2017, un comité interministériel placé sous l'autorité du Premier ministre a été
créé pour assurer le suivi de l'Accord de Paris (décret 2017),13 mais il n’a tenu aucune réunion à ce
jour. Dans le cadre des CDN 2021, des efforts ont été menés pour modifier le décret afin d'inclure les
autorités infranationales, la société civile et le secteur privé dans le comité interministériel (voir Figure
2.2), mais le décret n'a pas été signé. L'absence d'un mécanisme efficace pour la mise en œuvre et le
suivi des CDN a compromis la mise en place d'une réponse coordonnée pour réaliser les objectifs de
ces CDN.
13 L'arrêté 079/CAB/PM du 5 septembre 2017, fixe le nombre de membres du comité à 12. Le Décret 2020/0998/CAB/PM du 13
mars 2020, fixe les modalités de création, d'organisation et de fonctionnement des comités et groupes de travail interministériels et
ministériels. Le Décret 2018/9387/CAB/PM du 30 novembre 2018 dispose dans son article 12 que la composition d'un comité
interministériel ne peut dépasser 15 membres et qu'un groupe de travail interministériel ne peut dépasser 12 membres.
24
Rapport national sur le climat et le développement : Cameroun
Figure 2.2 Dispositif institutionnel de la mise en œuvre de la CDN au Cameroun
Les responsabilités fonctionnelles ont été renforcées au sein du MINEPDED, mais pas dans les autres
ministères soutenant la mise en œuvre des CDN. La coordination, la mise en œuvre et le suivi des CDN
du pays relèvent principalement du MINEPDED et de son agence (l'Observatoire National sur le
Changement Climatique) et leur mandat a été renforcé au cours des dernières années. Le Décret
2012/431 définit l’organigramme du ministère, et une subdivision responsable du changement
climatique a été instituée en 2012 au sein de la Direction de la Conservation et de la Gestion des
Ressources Naturelles. Le Décret de 2009 sur l'ONACC, modifié en 2019, lui confère comme mission
de « suivre et évaluer les impacts socioéconomiques et environnementaux des changements
climatiques et de proposer des mesures de prévention, d'atténuation et/ou d'adaptation aux effets
néfastes et aux risques associés à ces changements.»14 A ce titre, le MINEPDED occupe un rôle central
dans les mécanismes institutionnels des CDN, chargé de coordonner les groupes de travail sur le
changement climatique et de soumettre des rapports à la CCNUCC. L'efficacité de la coordination est
toutefois entravée par le chevauchement des mandats et les conflits de compétence entre les
ministères et organismes sectoriels. Par exemple, les décrets portant création du MINEPDED, de
l'ONACC et du Comité interministériel de suivi et de coordination de l'Accord de Paris ne définissent pas
les rôles spécifiques des autres ministères et institutions, tels que les ministères chargés des finances
et du plan, les ministères sectoriels, la Direction de la Météorologie Nationale et l'Institut National de
la Statistique. L’application de la politique climatique ne relève pas de la compétence directe du
MINEPDED, et la fragmentation des responsabilités entre de multiples institutions, y compris à
différents niveaux de gouvernement, fait que la coordination est difficile.
14 Ledécret 2009/410 du 10 décembre 2009 portant création, organisation et fonctionnement de l'ONACC a été modifié par le
décret 2019/026 du 18 janvier 2019. L'arrêté 025/PM du 17 février 2017, précise l'organisation et le fonctionnement des services
administratifs de l'ONACC et fixe les modalités d'exercice de cette responsabilité.
25
Rapport national sur le climat et le développement : Cameroun
2.3. Niveau de préparation institutionnelle à l'action climatique
2.3.1. Intégration dans les outils de planification et les processus budgétaires
L'inclusion de l'agenda climatique dans la SND30 n'a pas encore débouché sur l'intégration du
changement climatique dans les principaux instruments de planification. Le Cameroun ne dispose pas
d'un cadre de planification climatique à long terme qui permet d'intégrer les objectifs de réduction des
émissions de GES de 2050 dans les politiques. Le MINEPDED prévoit d'élaborer un plan climatique
national encore mais doit encore trouver le financement pour cela. Des directives pour l'intégration de
l'adaptation et de la GRC dans la planification du développement ont été publiées en 2017, mais peu
de stratégies sectorielles et d'outils de planification tiennent compte du changement climatique. Par
exemple, bien que les droits fonciers communautaires puissant permettre de réduire les taux de
déforestation, d'accélérer le stockage du carbone et d'accroître la biodiversité, le changement
climatique n'a pas été intégré dans le secteur des ressources foncières et de l'utilisation des terres
(GIEC 2020). Les risques climatiques sont ignorés dans la planification budgétaire, tels que les
prévisions macroéconomiques, le cadre des dépenses à moyen terme, tout comme dans la
planification sectorielle pour les secteurs clés tels que le transport, l'eau, la gestion des déchets et
l'énergie. Pourtant, les politiques fiscales peuvent produire des impacts négatifs sur le changement
climatique, à l’instar des subventions aux carburants qui érodent la capacité du pays à atteindre ses
objectifs de CDN. Le Cameroun a adopté la budgétisation par programme en 2020, mais sur les 37
budget programmes, seul celui du secteur de l'agriculture présente un volet climatique. En l'absence
d'exigences de la loi à intégrer le risque climatique dans le cycle des investissements publics et la
gouvernance des infrastructures, des défis persistent pour inciter à la planification et à la budgétisation
d'investissements publics résilients. La réglementation camerounaise en matière de passation de
marchés prévoit des éléments de passation de marchés durables et écologiques, mais dans la
pratique, son application se limite aux seules évaluations d'impact environnemental.
Le GdC n'a pas été en mesure de mobiliser efficacement les ressources intérieures et extérieures pour
réaliser les CDN. Une part importante du financement des CDN dépend de la mobilisation des
ressources par les partenaires au développement et le secteur privé. Malgré les efforts déployés pour
allouer des ressources nationales aux actions climatiques, la mise en œuvre des premières mesures
des CDN a montré que peu d'entre elles étaient suffisamment financées. Lorsque la budgétisation des
programmes climatiques était confiée aux ministères sectoriels, peu ou pas de financement national
était mobilisé. Le Cameroun a soumis des demandes en vue de mobiliser des fonds disponibles dans
le cadre des fonds mondiaux (par exemple, REDD+, Fonds vert pour le climat, Fonds d'adaptation).
Cependant, les faibles capacités techniques, le peu de personnel et de ressources ont miné la capacité
du pays à progresser dans le processus d'accréditation, et les problèmes de gouvernance de REDD+
ont retardé le processus de demande de financement. Il est important de noter que le Cameroun ne
s'est pas encore conformé au Cadre de Varsovie pour la REDD+, adopté lors de la 19 e Conférence des
Parties en 2013.
Le système de protection sociale du Cameroun n’est pas prêt pour assurer la protection des pauvres
et des personnes vulnérables contre les chocs liés au climat. Un Test de la résistance de la protection
sociale, réalisé par la Banque mondiale en 2021, a montré des lacunes dans l'intégration de la gestion
des risques de catastrophe et des programmes de protection sociale, ce qui fait que le système d'alerte
précoce du Cameroun pour le suivi de la sécurité alimentaire ne peut éclairer les programmes de filets
26
Rapport national sur le climat et le développement : Cameroun
de sécurité. Le test a également montré que l'élargissement du système de prestation en période de
chocs exige beaucoup de temps et de ressources.
Une majeure partie des personnes affectées par le changement climatique ne bénéficient d’aucune
forme de protection sociale. Malgré une expansion substantielle des filets de sécurité sociale au cours
des dernières années pour couvrir une proportion plus large de personnes extrêmement pauvres du
Cameroun (25 pour cent de la population pauvre d'ici 2022), l'aide sociale est sous-financée et dépend
des bailleurs de fonds, et il y a eu peu de progrès pour la mise en place de dispositifs institutionnels et
financiers permanents.
Des données substantielles sont produites sur le climat, mais l'inertie institutionnelle et le manque de
coordination entravent leur qualité et leur exploitation en toute efficacité. L'ONACC, la Direction
Nationale de la Météorologie, l'Institut National de la Statistique, l'Institut National de Cartographie, le
Centre de Recherche Hydraulique et l'Institut de Recherche Géologique et Minière participent à la
gestion des données, à la production de cartes climatiques, de données hydrologiques, à l'évaluation
de l'impact climatique ou à l'atlas forestier. Cependant, la coordination fait défaut et il y a un
saupoudrage du peu de ressources publiques entre ces institutions, ce qui impacte négativement la
qualité des données. Les sources de données et les systèmes d'information sont souvent fragmentés,
et la gestion des données (entretien des stations météorologiques pour assurer la cohérence de la
collecte, de la coordination et du partage des données) est déficiente. En raison du peu de financement,
la collecte des données se cantonne souvent à des zones sélectionnées, et les informations sur les
risques et les vulnérabilités ne sont pas produites. Certaines informations climatiques sont disponibles
sur des référentiels en ligne, tels que celui de l'ONACC. Néanmoins, il peut être difficile d’y accéder
parce que les sites web ne sont pas opérationnels, ou présentent des informations obsolètes ou
soumises à des restrictions.
Les actions en faveur du climat souffrent également d'un manque de redevabilité et de mobilisation
des citoyens. Le gouvernement a interagi avec les parties prenantes par le biais d'ateliers de
consultation pour l’élaboration du PNACC et des CDN, et d'autres documents, mais les parties
prenantes exercent rarement une influence sur la prise de décision et la mise en œuvre, et des défis
persistent pour une implication du secteur privé. Par ailleurs, les institutions de contrôle ne disposent
que de très faibles capacités pour évaluer les actions et les performances en matière de changement
climatique. Par exemple, il est rare que le Parlement s'implique dans les questions de changement
climatique, et les mécanismes d'audit ne peuvent pas évaluer les plans ou les politiques spécifiques
liés au changement climatique ou à la gestion des risques, et la chambre des comptes manque
d’expérience dans ce domaine.
27
Rapport national sur le climat et le développement : Cameroun
2.4. Marchés financiers
La mise en œuvre des CDN ne peut être réalisée sans l'engagement total du secteur privé, ce qui exige
un changement dans le cadre des partenariats public-privé (PPP). Bien que le cadre juridique des PPP
soit en place depuis plus de dix ans au Cameroun, la gestion des PPP varie d'un secteur à l'autre,
certains ministères et agences gèrent des PPP de manière autonome sans l'implication des structures
nationales de PPP. Les problèmes de gouvernance sectorielle, cependant, assombrissent les
perspectives et peuvent envoyer des signaux négatifs aux investisseurs potentiels. Afin de parvenir à
un consensus sur les plans relatifs aux grands projets hydroélectriques, il faut achever la
restructuration du secteur de l'énergie et régler les questions financières y afférentes. Il existe un fort
potentiel et une demande correspondante de la part du secteur privé, mais les incertitudes actuelles
relative à la santé financière de l'opérateur national (Eneo), entre autres, empêchent les
investissements. Les concessions portuaires soulèvent des difficultés. Un litige se pose en ce qui
concerne le renouvellement de la concession du terminal à conteneurs de Douala et la nécessité
d'améliorer la capacité des infrastructures (modernisation du port de Douala, raccordement de Kribi
aux infrastructures routières ou ferroviaires) pour répondre à la demande future. Par conséquent, une
revue complète du cadre des PPP et de sa mise en œuvre, notamment le financement du Conseil
d'appui à la réalisation des contrats de partenariat, l'unité PPP, viendrait en appui au développement
de projets d'infrastructures climato-intelligents. Il sera essentiel d'assurer une mise en œuvre uniforme
et efficace basée sur la capacité et le pouvoir fédérateur de la structure nationale de PPP, des
ministères de tutelle et des agences, ainsi que de développer un portefeuille de PPP basé sur des
évaluations sectorielles, de manière à créer une feuille de route pour la mobilisation de financements
privés.
Le développement des marchés de capitaux camerounais est une voie pour accéder à des
financements à long terme pour les investissements climatiques. Les obligations vertes - un produit
financier innovant qui lève des fonds pour des projets de développement durable écologiquement
adaptés pour accélérer l'atténuation et l'adaptation au changement climatique - pourraient permettre
d’obtenir le capital nécessaire pour respecter les engagements climatiques du pays. Comme partout
sur le continent africain, les secteurs privé et public camerounais sont à la traîne par rapport à d'autres
marchés émergents dans l'émission de ces obligations innovantes. À court terme, l'utilisation de
financements concessionnels représente une option viable pour combler le déficit entre le financement
public et le financement du secteur privé, en particulier dans les secteurs où les investisseurs
perçoivent un risque plus élevé ou l'accès à un financement à un prix raisonnable est limité. Le
financement concessionnel peut être octroyé sous de nombreuses formes, telles des subventions, une
assistance technique pour préparer les politiques de décarbonisation de l'industrie, ou une garantie
des premières pertes.
28
Rapport national sur le climat et le développement : Cameroun
3. Analyse des systèmes
3.1. Introduction, méthodes et approche
Ce chapitre présente une analyse des politiques sectorielles, des investissements et des dispositifs
institutionnels visant à encourager un développement vert, résilient et inclusif s'accompagnant d'une
action climatique menée à travers des interventions des secteurs public et privé. Il est axé sur les
efforts d'adaptation et d'atténuation associés aux transitions qui s'effectuent dans les domaines
suivants au Cameroun : alimentation, forêts, actifs physiques urbains, services d'infrastructure et vie
et travail. L’approche du RNCD considère les systèmes plutôt que les secteurs pour cerner l'impact du
changement climatique sur les personnes, les actifs physiques et le capital naturel. Cette approche
permet d’appréhender les interactions importantes qui se produisent entre les secteurs et offre des
opportunités d'analyser les liens qui existent entre le changement climatique, les écosystèmes et la
société humaine. Le système alimentaire couvre l'agriculture, l'eau et la gestion des ressources
naturelles. Le capital naturel couvre le lien entre forêts, agriculture et occupation des sols. Le système
des actifs physiques et des infrastructures couvre les actifs et les services urbains, d'énergie et de
transport dérivés de l'hydroélectricité et des routes. Le système de vie & travail constitue un traitement
intersectoriel générique des questions liées aux systèmes d'éducation et de santé, à la diversification
des moyens de subsistance, à la migration et au déplacement humains, aux filets de sécurité et à la
répartition et au partage des risques.
Les analyses s’appuient sur trois axes pour évaluer les risques : les impacts et les vulnérabilités, les
solutions disponibles et les réponses nécessaires, et les moyens de mettre en œuvre l'adaptation,
l'atténuation et la résilience au changement climatique. Dans un premier temps, l'analyse se concentre
sur le développement résilient au changement climatique en tant que processus d'intégration des
mesures d'adaptation et de leurs conditions favorables à l'atténuation dans le but de promouvoir le
développement durable pour tous (GIEC, 2022). Elle examine diverses réponses au changement
climatique et options d'adaptation pour faire face aux risques. Dans un deuxième temps, l'analyse doit
saisir la place centrale que le peuple camerounais et ses voisins d'Afrique centrale doivent avoir dans
les politiques d'adaptation et d'atténuation du changement climatique, et de la mise en relation du
développement et du climat (« approche centrée sur les personnes »). Les gens agissent sur le
changement climatique de même qu'ils sont affectés par celui-ci et il ne s'agit pas juste des
Camerounais, mais aussi de personnes vivant à des milliers de kilomètres du Cameroun ou se
déplaçant vers ce pays à la recherche de sécurité et/ou d'opportunités socioéconomiques et en fuite
de conflits et de violence. L'adoption d'une « approche centrée sur les personnes » pour ce RNCD
implique également de déterminer et d'évaluer les actifs tangibles et moins tangibles des personnes,
y compris le capital social et les actifs humains tels que la vie à proprement parler, les connaissances
ou la santé de base. L'analyse tente d'étudier des solutions visant à préparer les gens à bénéficier
d'une transition plus verte et plus inclusive et à les protéger des impacts du changement climatique et
des politiques climatiques. Troisièmement, le rapport s'appuie sur le principe directeur de la sélectivité.
Il existe une abondance d'informations qui sont pertinentes pour le Cameroun et qui
examinent/évaluent les impacts et les risques relevés à partir de travaux importants qui comprennent
sans s'y limiter, le Rapport de diagnostic du Cameroun (Banque mondiale, 2017), et des documents
plus récents utilisés pour la préparation de la SND30, la Mise à jour de la CDN et d’autres stratégies
sectorielles.15 L'objectif n'était pas d'être exhaustif ni de compiler toutes les données factuelles
15 Il s'agit notamment des ouvrages suivants : Climate Smart Agricultural Investment Plan (Banque mondiale, Gouvernement du
Cameroun, 2020) ; Impact of climate change on food crops (ONACC, 2019) ; Atlas des Pertes du Couvert Forestier (ONACC, 2021) ;
Stratégie Nationale de Développement du Secteur Agricole/Plan National d’Investissement Agricole 2020-2030 (Gouvernement du
Cameroun, 2020—Version Provisoire No. 1) ; Climate Outlook for 2019 (ONACC, 2019) ; Presentation of the Balance Sheet for the Five-
Year Implementation of the Paris Agreement in Cameroon (MINEPDED, 2021).
29
Rapport national sur le climat et le développement : Cameroun
pertinentes actuellement disponibles ou basées sur des études en cours. Ce RNCD est davantage
conçu pour être un « document évolutif » que les autorités et leurs partenaires financiers peuvent
utiliser comme plateforme pour faire progresser leur programme de lutte contre le changement
climatique et de développement.
Le changement climatique accentuerait les défis existants dans le système alimentaire et augmenterait
l'insécurité alimentaire. Les rendements des cultures ont été durement affectés par les changements
des tendances des températures et des précipitations, dont les réductions sont allées jusqu'à 38 pour
cent sur la période 1998-2012 (Figure 1). Le secteur agricole reste la plus grande source d'émissions
de GES, principalement à cause de la production animale et rizicole. Les émissions de GES du système
alimentaire devraient augmenter de près de 120 pour cent entre 2010 et 2030 (CDN 2021).
Figure 3.1 : Impact des facteurs de changement climatique sur les rendements des cultures par région
(pourcentage de réduction)
Toutes les parties prenantes du système alimentaire, y compris le gouvernement, doivent appuyer
l'agriculture climato-intelligente, l'adoption d'une approche intégrée à la gestion des terres cultivées,
de l'élevage et des forêts qui répond aux enjeux interdépendants de sécurité alimentaire et
d'accélération du changement climatique. Il existe actuellement des solutions techniques et celles-ci
doivent être accompagnées d'investissements dans l'ACI et de mesures incitatives du type proposé
dans ce rapport. Un portefeuille de trois interventions au niveau national et six investissements axés
sur les zones agroécologiques (ZAE) cibleraient l'intensification durable et la résilience des systèmes
de production agricole. Ces investissements prioritaires, dont le coût est évalué à 395 millions USD,
pourraient entraîner une amélioration moyenne de 29 pour cent des rendements et bénéficier à 2,5
millions d’unités d'exploitation agricole. Le cas échéant, tous ces investissements permettraient la
30
Rapport national sur le climat et le développement : Cameroun
séquestration d’environ 13,37 Mt de CO2. Les résultats de l'analyse coûts-avantages sur une période
de 20 ans indiquent que les Valeurs actuelles nettes des investissements varient entre 26 millions USD
pour le système de riziculture irriguée et 321 millions USD pour l'aménagement des terres et l'accès
aux ressources naturelles, pour un taux de retour sur investissement moyen de 3,2 pour cent. La mise
en œuvre de ces investissements se heurte à deux défis majeurs : (i) la coordination de la multiplicité
d'acteurs comprenant six ministères (MINADER, MINEPIA, MINFOF, MINDHU, MINEE et MINEPDED), le
secteur privé (notamment les agro-entreprises), les OSC, les institutions de recherche, les organisations
professionnelles et les partenaires techniques/financiers finançant les projets en cours et ceux en
préparation ; et (ii) les obstacles politiques et institutionnels, y compris ceux liés à la capacité, à la
coordination, à la budgétisation et à la planification, à l'accès et à la disponibilité des principaux
intrants, à la technologie et aux services financiers, à la gouvernance foncière, au manque de systèmes
d'alerte précoce et d'intervention d'urgence, et à l'inclusion des populations marginalisées et des
segments vulnérables de la population (jeunes, femmes, peuples autochtones).
Le secteur de l'élevage, qui représente 13 pour cent du PIB agricole et emploie 30 pour cent de la
population rurale, joue un rôle crucial en tant que source d’aliments et de moyens de subsistance.
Malgré le nombre élevé d'animaux d'élevage, les niveaux de production restent inférieurs aux besoins,
créant un écart de demande que la croissance démographique, l'urbanisation et les tendances à une
croissance rapide de la classe moyenne ne cessent de creuser davantage. Les nombreuses contraintes
au développement du secteur comprennent la faible productivité des races locales, la mauvaise
gestion de l'alimentation des animaux d'élevage, la faiblesse des services de conseil, le faible taux
d'adoption des pratiques d'élevage améliorées et le fable accès à la finance et aux infrastructures post-
récolte.
Le défi de développement susmentionné est exacerbé par les sécheresses fréquentes, l'infestation des
animaux et des pâturages par des vecteurs, et les maladies endémiques. Les animaux d'élevage sont
un émetteur majeur de méthane. Toutefois, les impacts environnementaux varient considérablement
entre et au sein des différents systèmes de production, suivant leur mode de gestion, offrant des
possibilités d’établir des points d'entrée techniques pour réduire les émissions de GES tout en
améliorant la sécurité alimentaire. Alors que l'agriculture est classée parmi les secteurs prioritaires
pour les mesures d'atténuation et d'adaptation, le modèle utilisé dans la mise à jour de la CDN ne
permet pas de mesurer l'ampleur des changements des émissions de GES attribuables aux gains de
31
Rapport national sur le climat et le développement : Cameroun
productivité réalisés à travers l'amélioration de la structure des troupeaux, de l'alimentation et des
systèmes de gestion du fumier dans le secteur de l'élevage. L'utilisation d'un modèle qui permet de
déterminer l'impact des pratiques de gestion des animaux d'élevage sur les émissions de GES dans la
prochaine CDN sera d'une importance capitale.
3.2.2. Foresterie
Deux décennies de données indiquent l'existence d'un processus de déforestation inquiétant dans le
bassin du Congo. Si l'imagerie satellitaire et d'autres technologies de télédétection ont révolutionné la
capacité à faire le suivi et à appréhender les causes de la perte de forêts dans le bassin du Congo, les
données concernant les deux dernières décennies révèlent que les écosystèmes terrestres les plus
précieux d'Afrique centrale ont subi des dommages de façon persistante16. Au Cameroun, les
tendances de perte du couvert forestier indiquent une perte d'environ 1,53 million d'hectares entre
2001 et 2020, parmi lesquels 47 pour cent se sont produits dans les forêts primaires (Figure 2). La
principale cause directe de perte de forêts est l'expansion de l'agriculture commerciale, dont les effets
sont intensifiés par le défrichement à des fins de petite agriculture, les activités d'extraction, et les
routes et d'autres infrastructures, des liens complexes existant entre ces différentes causes. A Ebo, la
cause principale est la production d'huile de palme et de maïs. A Campo, c'est l'expansion urbaine, les
infrastructures et la plantation de palmier à huile. Dans le paysage du Trinational de Dja-Odzala-
Minkebe (TRIDOM), il s'agit de l'exploitation minière, des infrastructures routières/ferroviaires et du
bois. Dans le Grand Mbam, c'est le bois et le cacao. Enfin, dans le Nord, c'est le coton, les cultures
vivrières, le bois de feu et la transhumance. Les données récentes présentent un signal
particulièrement inquiétant : le changement climatique devient une cause grandissante de perte des
forêts parce qu'il accroît leur exposition aux sécheresses, aux incendies, aux tempêtes et aux épidémies
de ravageurs.
En 2021, le Cameroun s'est classé septième sur la liste des pays présentant les taux les plus élevés
de déforestation au monde (89 000 ha), après la République démocratique du Congo, qui occupait la
deuxième place (500 000 ha). Les forêts tropicales humides occupent une place particulièrement
importante dans la réalisation des objectifs mondiaux. Leur végétation et leurs sols séquestrent de
grandes quantités de carbone et abritent une part disproportionnément élevée des espèces végétales
et animales du monde. Les forêts jouent un rôle d'appui important à l'économie nationale du Cameroun
en générant des précipitations et en régulant les flux d'eau de surface qui sont importants pour la
production agricole, la production d'énergie hydroélectrique et l'approvisionnement en eau des
municipalités. Les forêts sont également essentielles au bien-être de certaines des populations
autochtones et des communautés locales les plus vulnérables dont les moyens de subsistance et
l'intégrité culturelle sont menacés par la perte des forêts.
Les forêts et les ressources naturelles peuvent être gérées de façon durable, comme le souligne la
SND30. De nombreuses causes de perte des forêts peuvent changer sur le court terme. Par exemple,
une part importante de la perte de forêts est due à des activités illégales telles que le défrichement à
l’intérieur d’aires protégées et pourrait être résolue par une plus grande application de la loi. Bon
nombre des produits de base cultivés aux dépens des forêts (parmi lesquels le palmier à huile, le cacao,
le caoutchouc, le café et la fibre de bois arrivent en tête de liste), ainsi que le bois d'exploitation illégale
sont commercialisés à l'échelle mondiale et sont donc soumis aux pressions de la réglementation
gouvernementale et aux préférences des consommateurs, comme en témoigne le cas de l'Accord de
partenariat volontaire (APV) entre le Cameroun et l'UE relatif au Programme pour l'application des
règlementations forestières, la gouvernance et les échanges commerciaux (FLEGT). Cependant, il n'est
pas évident de s'attaquer aux causes immédiates et aux facteurs sous-jacents de la déforestation, et
cette lutte peut être plus difficile dans certaines régions que d'autres, en prenant pour exemple le cas
16Des évaluations récentes des forêts d'Afrique centrale ont été aimablement fournies par le Dr. Eba'a Atyi (CIFOR-ICRAF), rédacteur en chef de Congo
Basin Forests-State of the Forests (2021).
32
Rapport national sur le climat et le développement : Cameroun
où une grande partie de la perte de forêts est due à des défrichements à petite échelle effectués par
les pauvres pour leurs moyens de subsistance. A moins d'offrir des alternatives viables, il serait difficile
d’apporter une réponse à une telle situation à travers une approche axée sur l'application de la loi.
Figure 3.2 : Perte de couvert forestier au Cameroun par région et émissions, élimination et flux nets de
CO2 associés
Il existe des signes encourageants qui montrent que la lutte contre la déforestation au Cameroun et
dans le bassin du Congo progresse. La déforestation tropicale est une priorité internationale et le
Cameroun est signataire de la Déclaration des dirigeants de Glasgow sur les forêts et l'occupation des
sols (12 novembre 2021). Les autorités camerounaises espèrent voir de nombreux engagements à
l'action (dont la Déclaration conjointe pour la protection et la gestion durable des forêts du bassin du
Congo, du 2 novembre 2021) se traduire par des résultats sur le terrain. Avec ses engagements
internationaux et dans le cadre de sa propre vision de développement, le Cameroun doit prendre des
mesures concrètes pour améliorer la transparence, la redevabilité et l'inclusion dans la prise de
décision relative à la gestion des forêts, en plus d'augmenter le financement de la conservation des
forêts.
Des options pour mettre fin à la déforestation s'offrent aux Cameroun, à ses voisins et à la communauté
internationale. Le Cameroun pourrait canaliser l'attention politique et les ressources financières vers
les domaines, les facteurs et les acteurs les plus importants qui présentent les interventions les plus
efficaces. En améliorant rapidement la qualité et la disponibilité des données de suivi sur les forêts, le
Cameroun peut non seulement repérer où les pertes de forêt se produisent, mais aussi déterminer les
causes de cette perte et agir en connaissance de cause. Le gouvernement peut utiliser des outils
stratégiques qui se sont avérés efficaces à l'échelle internationale. Si la perte de forêt est causée par
le défrichement illégal effectué par des acteurs commerciaux, il est possible de la limiter par le
renforcement de l’application des obligations légales et réglementaires. La création d'aires protégées
et la reconnaissance des droits des peuples autochtones peuvent ralentir la déforestation. Les
autorités peuvent concevoir des incitations fiscales telles que l'accès au crédit ou des paiements
directs pour récompenser la protection des forêts, au lieu de subventionner le défrichement des forêts.
Si la construction de routes à travers des forêts intactes est le principal facteur d'empiétement, les
autorités peuvent trouver des itinéraires alternatifs pour satisfaire les besoins légitimes d'accès aux
marchés et aux services. Pour les entreprises qui produisent, commercialisent ou achètent des produits
de base associés à la déforestation (et pour les membres de la société civile qui cherchent à influencer
ces entreprises), la superposition de cartes montrant l'évolution du couvert forestier avec les données
y afférentes (par exemple, l'emplacement des concessions) peut permettre de déterminer les domaines
où il faudrait prioriser les efforts de gestion des risques ou de plaidoyer externe.
33
Rapport national sur le climat et le développement : Cameroun
Les actions urgentes et coordonnées portées à la considération du Cameroun et des partenaires du
bassin du Congo comprennent : la lutte contre la déforestation et la dégradation des forêts et la
restauration des paysages forestiers ; la création de conditions favorables à une utilisation des terres
fondée sur les droits et le déblocage des avantages forestiers ; l’appui à l'inventaire forestier
régional/national, l'analyse et la science du carbone ; l’appui à la conception et au déploiement
d'instruments de tarification et de marché du carbone pour faciliter la réduction des émissions ;
l’utilisation des réformes fiscales pour influencer la conservation des forêts et la santé des
écosystèmes ; la révision/mise à jour de la politique forestière de 1993 et de la loi forestière de 1994 ;
la poursuite de la mise en œuvre du Plan d'action FLEGT et de l'APV de l'UE ; l’appui aux filières du
cacao et aux autres produits de base sans déforestation (caoutchouc, huile de palme). Ces efforts
menés dans le Bassin du Congo nécessiteraient une action spécifique aux niveaux régional, national
et local.
Les villes du Cameroun sont en première ligne de l'exposition aux risques physiques grandissants
associés au changement climatique. Elles abritent plus de la moitié de la population du pays et
contribuent à l'activité économique à hauteur de 44 pour cent. Elles sont également situées dans des
lieux à risque climatique, tels que les côtes et les plaines inondables, ou sont confrontées à la
sécheresse et à la chaleur extrême. Compte tenu des schémas d'émissions de GES existants, certains
changements climatiques sont déjà bien en place. Parce que différentes villes et régions font face à
des risques différents et ont des niveaux de vulnérabilité variables, il n'y a pas d'option d'adaptation
« standard » qui marche pour Douala, Yaoundé, Dougmmo et Adoumri.
Pour gérer cette complexité, les villes camerounaises gagneraient à concentrer leurs efforts à investir
dans des actions qui renforcent la résilience de façon systématique, en plus de l'adaptation aux aléas
particulier. Une résilience systématique inclut de planifier en tenant compte du changement climatique,
de renforcer les capacités nationales et municipales au bénéfice des dirigeants municipaux et d'assurer
une bonne gouvernance. Les populations vulnérables telles que les enfants, les femmes, les
communautés à faible revenu et les groupes minoritaires ont besoin d'aide en ressources et en
développement de leur capacité d'adaptation pour résister aux inondations et à la chaleur extrême.
Les besoins en financement sont importants et les villes devront innover en associant financements
publics, privés et internationaux.
Les études diagnostiques menées en rapport avec ce RNCD indiquent que le fait que certaines options
d'adaptation et d'atténuation sont efficaces dans certaines villes ne signifie pas qu'elles le seront dans
d'autres, compte tenu des conditions du sol, de la topographie, de l'élévation, du bouquet énergétique,
de l'ancienneté des bâtiments et d'autres facteurs. Comme l'éventail des options d'adaptation et
d'atténuation à la disposition du gouvernement, des dirigeants municipaux, du secteur privé et des
communautés est large, il est difficile pour eux d'établir les priorités et de décider de la marche à suivre.
Cette étude diagnostique relève, comme point de départ, quatre actions à haut niveau d'impact qui
peuvent être efficaces dans de nombreux types de villes, suivant leur potentiel de réduction des
risques, de leur coût, de leur faisabilité et de la complexité des parties prenantes. Il faudra mener des
travaux supplémentaires pour adapter les réponses à chaque ville, mais l'étude constitue un guide utile
qui pourra aider le gouvernement et les dirigeants à faire face aux risques climatiques spécifiques
auxquels leurs villes sont confrontées.
Les résultats des analyses menées indiquent qu'il y a trois considérations majeures qui doivent être
mises en avant en ce qui concerne l'urbanisation. Il est essentiel d'agir dès à présent pour éviter de
34
Rapport national sur le climat et le développement : Cameroun
s'enfermer dans un modèle de développement urbain à fortes émissions de carbone et vulnérable, une
grande partie de l'urbanisation étant encore à venir et la prévention étant plus rentable. L'adaptation
et l'atténuation du changement climatique génèrent des co-avantages substantiels qui permettent
d'améliorer la qualité de vie et l'inclusion dans les villes. Ces analyses proposent cinq actions pour
servir de guide aux villes et les aider à jouer un rôle important dans l'accélération et le bon déroulement
de l'adaptation au changement climatique tout en recherchant des opportunités de décarbonisation.
Premièrement, les villes doivent être planifiées et développées de façon durable et résiliente, ce qui
inclut d'anticiper la future croissance démographique rapide et de promouvoir un développement
spatial plus dense des villes. Deuxièmement, il faudrait prioriser le renforcement des capacités
nationales et municipales à faire appliquer les politiques et à mettre en œuvre les plans élaborés.
Troisièmement, il est essentiel de créer un écosystème politique et institutionnel qui renforce le rôle de
l'État en tant que catalyseur du développement de logements verts et inclusifs par des promoteurs
publics et privés, y compris des promoteurs immobiliers publics. Quatrièmement, il faut envisager
d'élaborer une réglementation réaliste portant sur les matériaux de construction et l'efficacité
énergétique des bâtiments et de mettre en œuvre les normes existantes concernant l'écohabitat.
Cinquièmement, l'adaptation aux risques climatiques comporte un important élément d'équité, étant
donné que les interventions auraient à être spécifiques aux aléas pour permettre de cibler les risques
climatiques physiques.
La demande d'énergie et des services associés est en hausse. L'objectif du gouvernement est
d'atteindre un taux d'accès de 90 pour cent d'ici 2030, contre un taux actuel de 63 pour cent (SND30).
En même temps, les émissions de GES résultant de la fourniture de services d’énergie ont constitué
18 pour cent des émissions totales (CDN). Il existe de nombreuses options pour réduire les émissions
de GES issues du système d’énergie, tout en satisfaisant la demande intérieure. En plus de pouvoir
contribuer grandement à atténuer le changement climatique, les énergies renouvelables peuvent offrir
des avantages à plus grande échelle. Correctement mises en œuvre, elles peuvent contribuer au
développement social et économique, à l'accès à l'énergie, à un approvisionnement énergétique sûr et
à la réduction des impacts négatifs sur l'environnement et la santé.
L'élimination du torchage et de l'évacuation de routine des gaz est au cœur de l'impératif grandissant
de réduire les émissions de gaz à effet de serre (GES) dans la production de pétrole et de gaz. Le
35
Rapport national sur le climat et le développement : Cameroun
Cameroun occupe le 5e rang mondial en termes d'intensité de torchage, et le torchage de gaz associé
y a diminué de 25 pour cent de 2016 à 2021, tandis que la production de pétrole a diminué de 32
pour cent. Le Cameroun pourrait tirer de l'expérience mondiale des enseignements sur le torchage du
gaz, notamment en ce qui concerne l'efficacité du cadre juridique et réglementaire, les incitations et
les mesures de dissuasion fiscales, les accords contractuels, la gouvernance institutionnelle, les
pratiques de suivi et d'application et les partenariats publics-privés. Ces enseignements pourraient
guider le Cameroun dans la mise en place d'un cadre efficace pour l'élimination du torchage dans le
cadre de sa stratégie de décarbonisation17.
En réponse aux défis du torchage du gaz et tirer parti de son élimination, les priorités suivantes sont
proposées. Premièrement, il faut améliorer l'efficacité et l'application de la Loi sur la commercialisation
des gaz associés actuelle promulguée en 2011.18 Deuxièmement, le fait que la performance du pays
en matière de réduction du torchage est faible alors que les mesures réglementaires sont largement
en place, indique qu’il faudrait mettre l'accent sur l'application et la conformité. En outre, la mise en
place d'une chaîne de valeur intégrée du gaz (intérieure : gaz vers électricité ; exportation : gaz vers
GNL) réduira les risques et facilitera le processus de commercialisation du gaz et représentera une
incitation supplémentaire pour les opérateurs. Troisièmement, il est important de renforcer la viabilité
financière du secteur de l'électricité pour réduire le torchage et l'évacuation de gaz. Lorsque les prix
intérieurs du gaz naturel sont artificiellement maintenus à un faible niveau, ou lorsque les paiements
aux fournisseurs de gaz connaissent régulièrement des retards, occasionnant l'accumulation d'arriérés,
les opérateurs et les producteurs de pétrole sont plus susceptibles de brûler le gaz associé que
d'investir dans des actifs et des infrastructures pour le collecter, traiter et livrer aux centrales
électriques. Quatrièmement, un appui au gouvernement dans l'élaboration d'une stratégie de transition
à court et à long termes contribuera à la préparation à la décarbonisation mondiale. Sur le court terme,
il faudra, en priorité, déterminer quels sont les obstacles à la discussion entre le secteur privé et le
gouvernement puis les éliminer pour permettre une mise en œuvre sans délai des solutions techniques
en cours d'élaboration. Le renforcement des capacités axé sur les capacités d'application sera un outil
essentiel de facilitation du processus et de réalisation des objectifs.
17La Banque mondiale pourrait fournir l'appui nécessaire à cela par le biais de son programme de Partenariat mondial pour la
réduction des gaz torchés (GGFR).
18 http://extwprlegs1.fao.org/docs/pdf/cmr109553.pdf
36
Rapport national sur le climat et le développement : Cameroun
3.3.4. Routes
Le mauvais entretien des routes et la forte exposition aux risques climatiques font que le réseau routier
au Cameroun est particulièrement vulnérable aux événements climatiques extrêmes. Plus de 94 pour
cent des routes ne sont pas revêtues et seuls 11 pour cent des réseaux routiers nationaux et régionaux
sont considérés comme en bon état (Figure 3). Le changement climatique pèsera lourdement sur le
réseau routier. Les actifs routiers sont particulièrement vulnérables aux facteurs de stress climatiques
tels que des températures plus élevées, des précipitations plus importantes ou les inondations. Les
dommages et l’accélération du vieillissement des routes, causés par le changement climatique,
appelleront à davantage d’entretien et des réhabilitations plus fréquentes. Les dommages aux
infrastructures routières liés au changement climatique entraîneront également des perturbations plus
fréquentes de la circulation des personnes et des biens, affectant directement la productivité
économique.
Figure 3.3 : Type et état des routes au Cameroun selon la région pour l'ensemble du réseau
national/régional
Pour protéger ses infrastructures routières contre les effets du changement climatique, le Cameroun
devra renforcer les capacités financières, techniques et institutionnelles du secteur routier. Les
planificateurs et les parties prenantes ont des outils à leur disposition pour déterminer la voie
d'adaptation la plus rentable et la plus appropriée dans divers scénarios de changement climatique,
tout en reconnaissant qu'il n'existe pas de solution « standard » applicable à l'ensemble du Cameroun.
Premièrement, il est essentiel d’adapter le transport routier au changement climatique pour assurer
un développement socioéconomique durable au Cameroun. Deuxièmement, il sera essentiel de mener
des évaluations systématiques de la vulnérabilité des routes au changement climatique pour permettre
une approche « ascendante » au renforcement de la résilience au changement climatique dans le
secteur routier. Troisièmement, même si l'adaptation au changement climatique est l'objectif le plus
critique au vu de la vulnérabilité des routes, les mesures de lutte contre les émissions du transport
routier doivent également être renforcées et mises en œuvre aux moments opportuns. Quatrièmement,
le manque de données et de capacité d'analyse pour évaluer et atténuer les effets du changement
climatique sur les routes limite sévèrement l'action climatique dans le secteur. C'est pourquoi, il est
urgent de combler les lacunes en matière de connaissances et de capacités sur le changement
climatique et de gestion des actifs routiers. L'efficacité et l'efficience de toute stratégie d'adaptation
pour les routes dépendront de la disponibilité de données de qualité sur les variables climatiques
historiques et projetées, de données détaillées sur le réseau routier, les actifs stratégiques et le trafic,
ainsi que de l'existence d'une capacité d'analyse pour exploiter ces données. Pour ce faire, il sera
essentiel d'investir dans la collecte et l'analyse de données et ces investissements devront être
37
Rapport national sur le climat et le développement : Cameroun
combinés à des efforts renouvelés visant à renforcer la coopération et la coordination entre les
principales parties prenantes, notamment l'ONACC, le MINEPDED, le MINTP et le MINT.
Le changement climatique a des impacts qui diffèrent selon les régions et le sexe et qui contribuent à
l’érosion du capital humain des Camerounais et les empêchent d'avoir une vie et un travail sains. Le
stress thermique et les conditions climatiques difficiles continueront d'empirer, d’exacerber les
différences liées au genre et d’aggraver les facteurs de conflit, ce qui contribuera à accroître la violence.
Il est nécessaire de concevoir une réponse d'adaptation pour remédier aux vulnérabilités spécifiques
aux régions, notamment atténuer les facteurs de conflit. L'intégration de l'adaptation au changement
climatique dans les programmes de protection sociale renforce la résilience, en particulier lorsqu'elle
est complétée par des services de base tels que la santé et l'éducation et les infrastructures
nécessaires. Un appui ciblé pour les agricultrices, qui sont nettement plus représentées dans la petite
agriculture, permettrait de s’assurer qu’elles ne sont pas exclues des programmes d'adaptation.
Les disparités géographiques en termes de niveaux d'inclusion sociale au Cameroun font que les
populations vivant dans certaines régions sont plus vulnérables aux aléas climatiques. Dans le cadre
d'une analyse récente de la viabilité sociale et de l'inclusion (VSI) au Cameroun, un indice de VSI a été
élaboré, comportant des mesures (i) des niveaux de capital humain, (ii) de l'accès aux marchés du
travail et aux services, (iii) des niveaux de cohésion sociale et de résilience face aux chocs exogènes,
et (iv) de l'incidence des conflits politiques. A l’issue de l'évaluation, il a été reconnu que les régions de
l'Extrême-Nord, du Nord-Ouest et du Sud-Ouest sont des zones à faibles niveaux de viabilité sociale et
d'inclusion. L'indice spatial des risque climatiques mesurant la vulnérabilité aux inondations, au stress
thermique et à la sécheresse montre également que l'Extrême-Nord est la région la plus vulnérable du
pays (Figure 3.4).
Les institutions locales et les systèmes de développement humain (services d'éducation, de santé et
de protection sociale) ne sont pas encore équipés pour contrer les dynamiques complexes du
changement climatique et des conflits qui ravagent les moyens de subsistance. Il faut d’urgence
réaliser des investissements stratégiques dans l'adaptation régionale, combinés à un plan d'action
local sur le changement climatique visant à atténuer au maximum l'amplification des facteurs de conflit
et la violence qui en résulte après les chocs climatiques. Les actions suivantes sont proposées pour
commencer : appuyer les efforts de décentralisation en vue de renforcer la capacité des institutions
régionales et locales à mettre en place et à promouvoir une gouvernance inclusive et participative, en
mettant un accent particulier sur la résilience au changement climatique ; et mener des évaluations
climatiques localisées pour éclairer la mise en œuvre des CDN et investir dans des systèmes régionaux
d'apprentissage et de statistiques en vue de collecter des données de meilleure qualité sur les conflits
régionaux liés au climat. L’adaptation est nécessaire dans plusieurs secteurs sensibles au climat.
38
Rapport national sur le climat et le développement : Cameroun
Source : Calculs du personnel de la Banque mondiale (analyse approfondie de la vie et du travail)
Les données sur participation aux moyens de subsistance agricoles, désagrégées par sexe, indique
que les femmes sont particulièrement à risque d'être exclues des moyens de subsistance. En tant
qu'agricultrices de subsistance, les femmes n'ont pas une capacité suffisante pour s'adapter au
changement climatique, en particulier à la plus grande chaleur dans l'Extrême-Nord. Elles sont même
confrontées à une incertitude plus grande quant à leurs moyens de subsistance lorsque les hommes
transfèrent leur main-d’œuvre des cultures de rente aux cultures vivrières. Il faudrait prioriser les
actions qui visent à appuyer la capacité des femmes (« capacité d'action ») à s'adapter au changement
climatique et ciblent les agricultrices pour les amener à surmonter les désavantages structurels. Les
pays africains en général, et le Cameroun en particulier, ne mettent pas à profit les connaissances, les
compétences et les perspectives uniques que les femmes ont, telles que les connaissances sur les
saisons locales de semis, les pratiques traditionnelles de multiculture, les plantes sauvages
comestibles et la gestion des animaux d'élevage. Elles jouent également un rôle majeur dans le
redressement post-catastrophe et la résilience. Il serait utile d'élaborer des politiques sensibles au
genre qui éliminent les obstacles à l'avancement des femmes et font usage de leurs compétences
uniques.
Le changement climatique a déjà un impact significatif sur les opportunités de santé et d'éducation
des populations, dégradant leur capital humain. Le pays a connu plusieurs épidémies telles que celles
de trypanosomiase (maladie du sommeil), de méningite cérébro-spinale, de choléra et de diarrhée. De
plus, des maladies d'origine hydrique ou alimentaire, des pénuries d’aliments et d'eau, ainsi que des
problèmes de santé mentale et de malnutrition sont observés dans le pays. Ces problèmes de
santé/maladies peuvent être exacerbés par le changement climatique. Si les études d'impact du
changement climatique sur la santé dans le pays sont encore limitées, les réponses données par les
personnes interrogées dans le cadre d'une étude menée dans la région Ouest du Cameroun ont révélé
qu’il y a eu des impacts négatifs sur la santé.19 Le changement climatique a des effets directs aussi
bien qu'indirects sur le niveau d'instruction et les résultats d'apprentissage quoique ces impacts ne
sont pas encore bien appréhendés. Le programme d'enseignement doit être révisé pour intégrer un
module sur le changement climatique pour les enseignants et les élèves en contribution à la
sensibilisation.
19 Fudjumdjum, H. (2019). Impact of climate change on health: Evidence from multi-stakeholders in the Western region of Cameroon.
In: Leal Filho W. (eds) Handbook of Climate Change Resilience. Springer, Cham. https://doi.org/10.1007/978-3-319-71025-9_174-1.
39
Rapport national sur le climat et le développement : Cameroun
La capacité des institutions et des systèmes à s'adapter pour protéger les personnes et renforcer leur
résilience et leur degré de préparation reste faible. Une analyse récente montre que les ménages les
plus pauvres sont deux fois plus susceptibles d'avoir été affectés par le climat que les ménages
riches.20 L'intégration des risques climatiques dans les programmes de la protection sociale n'est pas
encore suffisante. Le Cameroun dispose d'un système d'alerte précoce pour le suivi de la sécurité
alimentaire, en revanche, le système n'est lié à aucun programme de protection sociale. Deux fois par
an, ce système évalue les risques d'insécurité alimentaire en fonction de facteurs tels que le temps et
le changement climatique, les marchés et le commerce, la production agricole, les conflits et les
moyens de subsistance. À ce jour, il n'y a pas eu d'évaluation des vulnérabilités par rapport à la capacité
d'adaptation existante aux risques liés au changement climatique, ce qui exacerbera les faiblesses
existantes dans le secteur de la santé, telles que (i) la faible disponibilité d'équipements médicaux de
base et de médicaments essentiels ; (ii) un personnel de santé insuffisant, inégalement réparti et peu
qualifié ; (iii) un niveau élevé de dépenses de santé à la charge des patients (plus des deux tiers du
financement total) augmentant la charge des ménages ; (vi) des faiblesses dans la préparation aux
situations d'urgence et la planification des réponses, la biosécurité, les liens entre les autorités de
santé publique et de sécurité lors d'une urgence de santé publique et la faiblesse des pratiques de
lutte contre les infections ; et (v) le manque de mécanismes pour soutenir les personnes et les
entreprises après les catastrophes et les chocs. La pandémie de COVID-19 a aggravé ces faiblesses
et entraîné des interruptions de service.
La catégorisation des emplois en fonction des différents impacts du processus d’écologisation montre
que le Cameroun n'a pratiquement pas d'emplois polluants et peut améliorer sa situation en
promouvant la mise à niveau des compétences et la formation. L'analyse ci-après (Figure 5) porte sur
trois types d'emplois en relation avec la démarche d’écologisation : (i) les emplois verts : emplois où
les travailleurs effectuent leurs tâches dans le respect de la durabilité environnementale. Ces emplois
devraient rester en demande ; (ii) les emplois polluants : emplois dans les industries les plus
polluantes. Ces emplois devraient subir des modifications importantes et/ou être remplacés ; et (iii) les
emplois nécessitant une mise à niveau des compétences: ces emplois devraient durer mais
nécessitent une reconversion pour devenir davantage verts. La moitié des emplois au Cameroun sont
classés « verts », avec 97 pour cent de ceux-ci qui se trouvent dans l'agriculture et l'agriculture de
substance. En outre, 12 pour cent des emplois nécessitent une mise à niveau des compétences et
sont, pour la plupart, concentrés parmi la population la plus instruites. A contrario, les emplois verts
sont davantage concentrés parmi la population la moins instruite qui bénéficierait d'une mise à niveau
des compétences.21
Pour faire face à l'impact du changement climatique sur le capital humain, les investissements
prioritaires suivants sont proposés, en conformité avec les engagements de la CDN du Cameroun.
Premièrement, renforcer la capacité du système de santé à répondre et à s'adapter au changement
climatique. Deuxièmement, investir dans des infrastructures scolaires climato-intelligentes.
Troisièmement, réformer les programmes d'enseignement et investir dans les compétences climato-
intelligentes pour les secteurs critiques. Quatrièmement, institutionnaliser la protection sociale et
l'élargir à mesure que le pays jette les bases d'un système de protection sociale adaptatif qui est réactif
aux risques liés au changement climatique. Cinquièmement, intégrer les informations, les mesures et
les prévisions relatives aux risques climatiques dans la protection sociale en vue d'anticiper les chocs
et de parvenir à une gestion complète des risques. Sixièmement, combiner l'assurance contre les
risques climatiques avec la protection sociale dans le cadre d'une approche globale de stratification
20Brunelin, Stéphanie ; Ouedraogo, Aissatou ; Tandon, Sharad. 2020. Five Facts about Shocks in the Sahel. SASPP Operational and
Policy Notes Series; Note 1. Banque mondiale, Washington, DC.
21 Le concept d'« emplois verts » ne bénéficie pas d'une définition unique et universellement acceptée. En l'absence d'une définition
ou d'une nomenclature standard des emplois verts, ce CCDR suit celles établies par Rahman (2009), Vona et al. (2018) et Makovec
et Garrote-Sanchez (2021).
40
Rapport national sur le climat et le développement : Cameroun
des risques. Ces actions devront être complétées par des mesures d'inclusion sociale appuyant la
capacité d'action des femmes en termes d'adaptation au changement climatique.
Figure 3.5 : Catégorisation des emplois en fonction des différents impacts du processus de verdissement
(2014)
Part des emplois (a. à gauche) et distribution de la formation des travailleurs (b. à droite) par région
Sans le secteur privé, le Cameroun ne parviendra pas à surmonter les défis de développement et
environnementaux qui se posent. Les entreprises sont très vulnérables aux risques climatiques, mais
elles peuvent aussi grandement contribuer aux stratégies d’atténuation et d’adaptation du pays, en
particulier en mobilisant des fonds supplémentaires. Pour passer à une économie verte, il est
nécessaire d’avoir un secteur privé dynamique et opportuniste qui sera en mesure d’opérer selon des
règles de jeu équitables avec un appui intelligent des pouvoirs publics.
Pour libérer tout le potentiel du secteur privé, il faudra éliminer les contraintes évoquées au Chapitre
1. Alors que ces contraintes pèsent lourdement, il n’a pas été considéré comme une priorité de veiller
à ce que des modèles d’entreprise durables soient intégrés aux plans d’affaires des entreprises
privées. Jusqu’à présent, l’approche de la plupart des entreprises au Cameroun, comme c’est souvent
le cas dans le monde, consistait à se concentrer sur la réduction de leurs émissions de GES plutôt que
sur la lutte contre les risques et les impacts actuels et en évolution du changement climatique. Parmi
41
Rapport national sur le climat et le développement : Cameroun
les raisons de ce choix, il y a le risque et l’incertitude, les lacunes dans les connaissances, le manque
d’outils de modélisation, la difficulté à promouvoir et à appuyer l’adaptation au sein de l’entreprise et
le manque de motivation. La législation de 2013 du Cameroun sur les incitations à l’investissement
privé ne prend pas pleinement en compte les préoccupations en rapport au changement climatique et
gagnerait à être actualiser de manière à souligner les opportunités que le secteur privé pourrait saisir
en promouvant une économie verte.
Les moyennes et grandes entreprises des régions Sud, Sud-Ouest et Ouest sont « vertes ». Selon une
analyse au niveau des entreprises qui s’appuie sur les données de l’Enquête de 2016 sur le climat des
affaires au Cameroun, près de 56 pour cent des entreprises affirment avoir une politique « verte »
(Figure 6), caractérisées par des pratiques telles que la réduction de l’empreinte carbone, la réduction
et le recyclage des déchets, et l’amélioration de l’efficacité énergétique des bureaux, en utilisant des
matériaux et des équipements respectueux de l’environnement et en dispensant un programme de
formation écologique à tous les employés. Ces entreprises « vertes » sont généralement de taille
moyenne à grande, et concentrées dans les zones où les activités rurales sont dominantes : Sud, Sud-
Ouest et Est. Ce serait une démarche prometteuse à suivre que d’appuyer les micro et petites
entreprises pour leur permettre de rattraper leur retard.
Figure 3.6 : Pratiques vertes dans le secteur privé : taille et localisation des entreprises
3.5.2. Résilience climatique à travers une approche territoriale et centrée sur les
personnes
Selon les constats de ce RNCD, pour qu’une stratégie en matière de changement climatique soit
efficace, il est nécessaire que les stratégies, les politiques et les investissements sectoriels soient mis
en cohérence avec la transformation structurelle et le développement inclusif. Compte tenu de la
diversité géographique et culturelle du Cameroun, les risques et impacts climatiques sont spécifiques
aux région et aux contextes. Une approche territoriale est efficace dans un tel contexte, permettant de
mener à bien une transition vers un développement résilient au changement climatique. Les autorités
régionales et locales, le secteur privé et les organisations de la société civile joueront tous un rôle
important dans cette approche.
L’approche territoriale ouvre des voies à travers lesquelles les réformes peuvent aboutir au
renforcement de la résilience climatique. Selon les observations de la SND30, « … relever tous les défis
susmentionnés simultanément devient un exercice délicat, qui exige des arbitrages d’une part, entre
la compétitivité, la cohésion sociale et la préservation des ressources naturelles, et d’autre part, entre
42
Rapport national sur le climat et le développement : Cameroun
les différents acteurs aux intérêts souvent divergents … » 22 Les instruments proposés pour corriger les
disparités territoriales, réduire les inégalités et agir localement constituent des outils allant dans la
bonne direction, et doivent être accompagnés d’actions climatiques répondant spécifiquement aux
enjeux et risques auxquels les régions et les localités sont confrontées. Il se peut qu’il y ait un point
d’entrée unique tels que la protection sociale, l’agriculture ou l’énergie aux défis complexes qui se
posent mais il est possible de s’attaquer à ceux-ci avec plus d’efficacité à travers une approche intégrée
utilisant la coordination transversale pour trouver des solutions. Plusieurs des secteurs couverts dans
ce RNCD représentent à la fois un problème et une solution, ainsi la mise en relation de l’adaptation
et de l’atténuation pourrait renforcer l’efficacité des interventions. Le Tableau 3.2 propose quelques
pistes à explorer pour opérationnaliser l’action climatique dans un développement spatialement
intégré, en tirant parti de la contribution des acteurs opérant à différents échelles et en apportant une
valeur supplémentaire aux efforts de développement national.
Tableau 3.2 : Développement territorial et action climatique : Actions à faire et à éviter au Cameroun
Véritable développement territorial atténuant les risques Développement territorial inopportun dans l’atténuation des
climatiques et interventions risques climatiques et interventions
Poser les « territoires » comme le cadre adéquat de la politique de Un gouvernement central tentant de « territorialiser » les politiques
développement et de l’action climatique et en faire un acteur nationales de développement et en rapport au climat par une
actif. approche descendante
La direction est assurée par des partenariats multi-acteurs Les processus de développement régional sont menés par un seul
impliquant tous les acteurs locaux qui devraient gérer les type d’acteurs.
interventions d’adaptation, d’atténuation et de résilience.
Les autorités suprarégionales et nationales jouent un rôle de Marginalisation ou exclusion des autorités et des groupes locaux
catalyseur dans la promotion d’un développement territorial dans le processus de développement régional, empêchant le
résilient au changement climatique, mais doivent également secteur public local de jouer un rôle essentiel et d’assurer la
gérer les compromis et les synergies découlant de la coopération pérennisation
et des conflits entre « territoires » (exemple : l’aménagement des
forêts du bassin du Congo).
Il existe des politiques nationales favorables au développement et Processus de développement territorial dépendant essentiellement
au climat existent (décentralisation, aménagement urbain et des dynamiques locales, sans lien solide avec leurs niveaux de
développement rural, énergie, transport, santé, éducation, gouvernance et sans cohérence par rapport aux politiques
foresterie). nationales
Une approche holistique et intégrée visant à promouvoir un Approche mono-sectorielle ou mono-systémique du développement
développement vert, résilient et inclusif territorial prenant en compte les projets et programmes
climatiques sans tenir compte des ramifications avec les autres
interventions sur le « territoire »
Remarques : principes et enseignements tirés de l’analyse menée dans : (i) World Bank Cameroon Climate Change Institutional Assessment (2022); (ii)
EC « Supporting decentralization, local governance, and local development (2016) », Document de référence n° 23 Collection d’outils et de méthodes ; (iii)
Banque mondiale (2009), Reshaping Economic Geography ; (iv). Banque mondiale, Projet de gouvernance locale et de résilience communautaire au
Cameroun (P175846) ; Forster et al (2021) ; Matsumoto et al (2019).
Selon les constats du RNCD, l’impact du changement climatique variera selon les personnes et les
communautés. Les impacts tels que la chaleur et la sécheresse sur les pertes de productivité, la baisse
des rendements agricoles, la réduction de la mobilité à cause de la dégradation des routes, la
déforestation et la dégradation des terres affecteront nettement plus les personnes et les
communautés à faible revenu déjà confrontées à des défis économiques et sociaux importants. La
43
Rapport national sur le climat et le développement : Cameroun
réussite ou l’échec des actions pour parvenir à la résilience climatique sera mesuré au niveau de
protection des personnes et communautés.
Il importe d’avoir un engagement multipartite inclusif et durable. Une approche centrée sur les
personnes est particulièrement pertinente pour les régions du Cameroun qui connaissent des crises
humanitaires, environnementales, politiques ou sociales urgentes, étant donné qu’elle peut aider à
renforcer la confiance et l’assurance à travers des solutions inclusives, de restauration et de
consolidation de la paix en tenant compte de la vulnérabilité aux risques climatiques. L’action auprès
des groupes les plus vulnérables au changement climatique nécessite un engagement à long terme,
un engagement continu avec les acteurs territoriaux, mais surtout une action immédiate. La
participation des parties prenantes locales au processus de délibération et de décision garantit que les
mesures adoptées tiennent compte des préoccupations locales, et renforce ainsi l’adhésion de la
population locale et la probabilité que ces mesures réussissent.
Les outils techniques peuvent également aider à placer les personnes au centre de l’attention. Il peut
s’agir du Test de résistance des systèmes de protection sociale ainsi que l’analyse des facteurs, de
l’ampleur de la déforestation, des émissions de GES dans les villes et des facteurs climatiques sur les
rendements agricoles. On pourrait obtenir davantage d’éclairage en évaluant les capacités
d’adaptation des systèmes de santé et d’éducation, et cet éclairage pourrait être ensuite utilisée pour
gérer les risques actuels et futurs en rapport au climat. Les études diagnostiques en rapport à
l’utilisation des terres montrent la nécessité d’approches territoriales éclairées par des données qui
rassemblent de multiples parties prenantes et niveaux de gouvernance pour améliorer la gestion des
ressources naturelles et prendre en compte les services écosystémiques.
44
Rapport national sur le climat et le développement : Cameroun
4. Impacts macroéconomiques et distributionnels
4.1. Introduction
L’impact des risques du changement climatique sur l’économie est examiné dans ce chapitre à travers
un modèle d’équilibre général calculable. Les implications pour la croissance sont établies à travers
les interactions dynamiques entre les secteurs économiques et entre les agents économiques sur une
période relativement longue. L’impact des actions climatiques relevé dans le chapitre précédent sur le
modèle de croissance du pays et les principaux secteurs d’activité est mis en lumière, ainsi que les
projections de coût et leurs implications pour la répartition entre les régions, les groupes de revenus et
le sexe. La modélisation effectuée comporte d’énormes incertitudes en rapport aux résultats
climatiques futurs, aux technologies, aux politiques et aux voies de développement. L’objectif de ce
chapitre n’est donc pas de fournir des réponses définitives, mais d’illustrer les vastes implications
macroéconomiques et distributives des différentes actions et options climatiques visant à surmonter
les contraintes dans la gestion de la pauvreté et des impacts sociaux. Ce chapitre devrait donc servir
de cadre pour ouvrir un dialogue politique et jeter les bases de futures recherches.
Deux scénarios ont été examinés : l’un où aucune réforme n’est menée et l’économie maintient sa
performance passée, l’autre - plus en accord avec les aspirations du pays - où les réformes nécessaires
pour accélérer la croissance et faire qu’elle devienne plus durable et plus inclusive sont menées (Figure
4.1). Selon les simulations, avec sa trajectoire actuelle, le taux de pauvreté selon le seuil international
serait encore d’environ 15 pour cent en 2050, bien au-dessus de 3 pour cent, tandis que dans le
scénario avec réforme, le taux de pauvreté selon le seuil international du pays pourrait descendre à
environ 3 pour cent à cette date (Figure 4.2) :
• Le scénario sans réforme repose sur la performance historique de la croissance hors secteur
pétrolier (moyenne sur 10 ans) du pays. Il est supposé qu’aucune nouvelle découverte n’est
faite dans le secteur pétrolier, ce qui veut dire qu’après avoir augmenté d’environ 5 pour cent
jusqu’en 2024, la production de pétrole devrait diminuer de 1 pour cent par an. Dans ce
scénario, il est également supposé qu’il n’y a ni amélioration de l’environnement des affaires,
ni espace budgétaire supplémentaire, ni transformation structurelle, et qu’il n’y a pas de
réponse approprié aux facteurs actuels de fragilité, conflit et violence. En conséquence, le PIB
continuera de croître à peine plus rapidement que la population du pays, le PIB par habitant
augmentant de moins de 2 pour cent par an.
• Le scénario avec réformes reflète les aspirations du pays énoncées dans sa SND30. Les
réformes nécessaires sont menées pour améliorer l’environnement des affaires et donner un
plus grand rôle au secteur privé dans le développement, créant ainsi un espace budgétaire
supplémentaire. Dans ce scénario, la dette publique suivrait une trajectoire décroissante
(Figure 4.3), la productivité du travail devrait augmenter et il y aurait certaines transformations
structurelles, notamment une diminution de la part de la contribution de l’agriculture au PIB,
ainsi qu’une réduction de la fragilité et des conflits. Il est supposé que le secteur pétrolier
suivra la même trajectoire que celui dans le scénario sans réforme. Toutefois, les
investissements climatiques inclus dans la SND30 ne sont pas pris en compte dans ce
scénario. En conséquence, le PIB par habitant devrait augmenter de 6 pour cent par an,
conformément à la performance des économies à revenu intermédiaire qui ont connu des
accélérations de croissance.
Pour changer le modèle de développement, des actions sont nécessaires dans trois voies.
Premièrement, il faut généralement réduire le coût de faire des affaires et alléger la forte concentration
du marché et la participation généralisée de l’Etat qui affaiblissent la concurrence intérieure. La qualité
et l’accès aux services de base se sont améliorés. Il est important d’augmenter les revenus des
ménages des travailleurs indépendants dans le secteur agricole et dans le secteur informel, ainsi que
ceux des salariés. Des actions sont nécessaires pour assainir la politique budgétaire et la gestion de la
dette, améliorer les infrastructures pour que les services d’électricité, d’eau et de télécommunication
45
Rapport national sur le climat et le développement : Cameroun
soient fiables, améliorer la connectivité et faire en sorte que les services financiers soient plus inclusifs.
Deuxièmement, il reste essentiel de réduire la fragilité et améliorer la gouvernance. Les besoins des
populations locales, la charge de morbidité et la sécurité doivent être au centre de l’attention de l’Etat.
Le processus de décentralisation en cours offre l’occasion de contribuer à la réduction des disparités
régionales croissantes. Enfin, le potentiel de la main-d’œuvre camerounaise doit être réalisé à travers
l’amélioration des soins de santé, de la nutrition, des services d’eau et d’assainissement, de
l’éducation de base et des filets de sécurité productifs, ainsi qu’en réduisant le décalage des
compétences et en renforçant l’autonomisation des femmes. Toutes ces actions seraient facilitées par
une plus grande transparence.
Figure 4.3
23 Toutefois, ces mesures de pertes de PIB ne tiennent compte que des flux. Selon des études passées, les pertes sont plus faibles
(environ 4 pour cent du PIB), mais ces études étaient également axées sur les flux (Kompas, T., Pham, VH, & Che, TN, 2018 ; Banque
africaine de développement, Programme des Nations Unies pour l’environnement et Commission économique des Nations Unies pour
l’Afrique, 2019). Le changement climatique affecte également le stock de capital du pays à travers l’augmentation de la fréquence des
conditions météorologiques extrêmes, par exemple et, alors que l’impact sur le PIB pourrait être faible ou même positif, étant donné
46
Rapport national sur le climat et le développement : Cameroun
représentatifs d’évolution de concentration - RCP2.6, RCP4.5 et RCP8.5, l’effet le plus important étant
sous RCP8.5.2425 L’économie camerounaise serait beaucoup plus solide et plus résiliente dans le cadre
du scénario avec réformes (Figure 4.5). Dans tous les RCP, les effets du changement climatique
seraient moindres dans le scénario avec réformes (RCP2.6r, RCP4.5r et RCP8.5r), l’économie
s’adaptant mieux aux nouvelles conditions et les pertes prévues affectant un PIB devenu beaucoup
plus élevé. Il en va de même pour les niveaux de consommation (Figure 4.6)
Figure 4.6
Le changement climatique affectera le PIB du Cameroun par trois voies principales principaux : la
productivité du travail, la productivité agricole (rendement) et la santé (Figure 4.7). Six voies de
transmission sont modélisées : (i) la perte de productivité dans l’agriculture ; (ii) l’effet sur la
productivité du travail à cause de la chaleur ; (iii) l’effet sur la santé humaine qui à son tour affecte la
productivité du travail ; (iv) la variation de l’offre en terres à cause de l’élévation du niveau de la mer ;
(v) la variation de la demande d’exportation pour les services du secteur touristique ; et (vi) les
dommages causés au capital par les inondations. L’impact le plus important provient des pertes
directes de productivité du travail dues au stress thermique (représentant environ 60 pour cent de la
perte de PIB). Des températures plus élevées entraînant davantage de stress thermique affectent
directement la productivité de la main-d’œuvre travaillant en extérieur, l’agriculture étant alors la plus
que les catastrophes nécessiteraient une reconstruction et une réhabilitation, l’érosion du capital peut être plus importante. Les
simulations présentées dans ce rapport n’intègrent aucun changement dans la fréquence et l’intensité des catastrophes, ni dans le
coût de ces catastrophes.
24 Le Profil représentatif d’évolution de concentration (RCP) est une trajectoire de concentration du gaz à effet de serre utilisée pour
la modélisation du climat. Les trajectoires décrivent différents climats futurs, qui sont tous considérés comme possibles. Les RCP
sont identifiés suivant les valeurs d’une plage possible de changement du flux d’énergie dans l’atmosphère causé par le changement
climatique, mesuré en watts/mètre en l’an 2100 (2,6 ; 4,5 et 8,5 W/m², respectivement).
25Alors que les chiffres sur les émissions de GES à long terme dans le RCP8.5 sont considérées comme excessivement pessimistes,
les scénarios de changement climatique CMIP5 à RCP8.5 fournissent des scénarios de réchauffement élevé utiles (et non impossibles),
qui seraient en cohérence avec le maintient des émissions de GES et une sensibilité élevée au changement climatique ou un feedback
positif du cycle du carbone.
47
Rapport national sur le climat et le développement : Cameroun
affectée. La baisse des rendements agricoles et la diminution de la productivité de la main-d’œuvre à
cause des chocs sanitaires dus à la chaleur sont les deux autres voies (représentant environ 20 pour
cent et 15 pour cent de la perte de PIB, respectivement). Le changement climatique peut également
affecter indirectement la productivité du travail en augmentant la morbidité et la mortalité causées par
les maladies résultant de la hausse des températures. Avec le changement climatique, les rendements
des cultures seront affectés par les variations des régimes de précipitation, l’augmentation des
demandes (en eau) due à l’évaporation et la chaleur extrême à mesure que les températures
augmentent. Parallèlement, les revenus de l’élevage (rendements) seront affectés par : (i) la réduction
de la disponibilité de pâturages ; et (ii) le stress thermique sur les animaux à cause des variations des
température et des précipitations. En conséquence, dans le cadre du RCP4.5, la production agricole
diminuerait de 7,5 pour cent dans le scénario avec réformes et de 8,5 pour cent dans le scénario sans
réforme.
48
Rapport national sur le climat et le développement : Cameroun
Figure 4.9 Figure 4.10
Les actions climatiques simulées s’appuient sur les engagements politiques du Cameroun. La
protection de la nature et l’adaptation au changement climatique constituent un pilier de la SND30 du
pays. Les autorités prévoient de : (i) renforcer les actions en rapport à la gestion durable des ressources
naturelles (sol, flore, faune, eau) ; et (ii) prendre des mesures adéquates pour s’adapter au changement
climatique et en atténuer les effets, y compris les inondations et les glissements de terrain dans
certaines villes et zones rurales. Dans le scénario sans réforme, seules les actions d’adaptation sont
incluses dans la simulation (Tableau 4.1). Des investissements d’un montant d’environ 32 milliards
USD sur les 10 prochaines années dans les 5 systèmes visent à faire évoluer la production agricole
vers des activités et des cultures plus résilientes, à développer les énergies renouvelables et à renforcer
la résilience des infrastructures et des systèmes de santé (voir le tableau ci-après). Dans le cadre du
49
Rapport national sur le climat et le développement : Cameroun
scénario avec réformes, des mesures d’atténuation supplémentaires sont incluses pour réorienter la
production agricole vers des activités et des cultures à moindres émissions de GES. Ces
investissements s’élèveront à 26 milliards USD supplémentaires au cours des 10 prochaines années.
L’action climatique dans le cadre du scénario avec réformes impliquerait également d’éliminer les
subventions aux carburants (estimées à 2,9 pour cent du PIB en 2022), et de les remplacer par des
formes d’assistance ciblant davantage les segments les plus vulnérables de la population.
Aliments
Infrastructures Investissements et gestion des systèmes de Economies à long terme sur les coûts 6.5 CDN
résilientes transport nationaux/régionaux éclairée par le d’E&M ; Amélioration de la connectivité et Etude
changement climatique (y compris des normes à de l’exploitation du réseau de transport approfondie
l’épreuve du changement climatique pour la routier sur les routes
conception, la construction et l’entretien des routes)
Infrastructures Investissements et gestion des systèmes de Economies à long terme sur les coûts 2.5 CDN
urbaines transport urbains éclairée par le changement d’E&M ; Amélioration de la connectivité et Plongée
résilientes climatique (y compris des normes à l’épreuve du de l’exploitation du réseau de transport profonde
changement climatique pour la conception, la routier urbain urbaine
construction et l’entretien des routes)
Forêts
Utilisation des Hydromet, investissements dans l’alerte précoce ; Différents avantages en fonction de 3 CDN
terres aménagement du territoire ; gouvernance foncière l’intervention (y compris sélectionner des Etude
utilisations appropriées et durables des approfondie
terres ; éviter la mauvaise gestion et des aliments
l’utilisation abusive des ressources ; et de la
améliorer la résilience au changement foresterie
climatique et préserver l’environnement
de la dégradation).
Vie et travail
50
Rapport national sur le climat et le développement : Cameroun
Santé Adaptation du système de santé national ; plan Différents avantages selon l’intervention 10 CDN
d’action pour l’adaptation et évaluation de la
vulnérabilité ; stratégies et programmes pour aider
Etude
les communautés à se préparer aux effets du
changement climatique sur la santé. approfondie
sur la vie et le
travail
Remarque : Les coûts d’adaptation sont basés sur des estimations de coûts unitaires obtenues à partir de sources internationales et locales
récapitulées dans les études approfondies et les documents de stratégie sectorielle.
Dans le scénario sans réforme, la faiblesse de la participation du secteur privé est prévisible et le
gouvernement doit supporter les coûts supplémentaires des actions climatiques. Etant donné qu’on
ne s’attend ni à une plus grande mobilisation budgétaire ni à une priorisation des dépenses, ces coûts
devraient être couverts par des emprunts, ce qui détériorerait davantage la trajectoire d’endettement
déjà croissante et renforcerait les préoccupations quant à la viabilité budgétaire du pays (Figure 4.15).
Cette augmentation de la dette se ferait au détriment de la consommation et de l’investissement privés
et contrebalancerait alors tout effet bénéfique que ces actions pourraient avoir sur l’adaptation et
l’activité économique du pays, s’ajoutant aux pertes dues au changement climatique (Figures 4.16-
4.18). En revanche, si ces investissements climatiques devaient être financés par une plus grande
priorisation des dépenses publiques ou par une plus grande mobilisation des recettes fiscales, ils
protégeraient dans une large mesure les niveaux de PIB et de consommation à moyen terme tout en
impliquant des coûts à court terme (Figures 4.19-4.24).
51
Rapport national sur le climat et le développement : Cameroun
Figure 4.19 Figure 4.20
En revanche, dans le scénario avec réformes, le changement climatique pourrait devenir une
opportunité. Un environnement des affaires plus favorable et des réformes fiscales permettent aux
autorités de disposer d’autres options de financement que la dette, limitant ainsi les pertes de PIB,
voire permettant d’accélérer quelque peu la croissance. Un environnement des affaires plus favorable
inciterait davantage le secteur privé, national et étranger, à jouer un rôle plus important et à couvrir
une partie du financement. A des fins d’illustration, un tiers des coûts de l’action climatique devraient
être couverts par les ressources nationales et les deux tiers par l’aide internationale, conformément
aux CDN. La part publique nationale serait couverte à travers des emprunts, l’augmentation des impôts
et le renforcement de l’efficience des dépenses publiques. Les pertes dans l’agriculture sont inversées.
L’amélioration de la productivité permettrait d’augmenter la production tout en libérant les gens pour
qu’ils puissent passer de l’agriculture à des activités dans l’industrie et les services. Dans l’ensemble,
il y aura encore des pertes d’emplois pour les hommes.
52
Rapport national sur le climat et le développement : Cameroun
Figure 4.25
53
Rapport national sur le climat et le développement : Cameroun
Figure 4.30 Figure 4.31
Dans le cadre du scénario avec réformes, les actions climatiques aident le Cameroun à apporter une
réponse aux défis de la pauvreté. L’investissement dans l’action climatique inverserait non seulement
l’augmentation de la pauvreté, qui est prévisible en conséquence du changement climatique, mais
conduirait à la réduction du nombre de pauvres de près d’un million de personnes (Figure 4.32). Les
actions climatiques favoriseraient particulièrement les ménages du secteur agricole en réduisant le
taux de pauvreté de près de 5 points de pourcentage (Figure 4.33). La même tendance serait observée
chez les ménages en milieu rural et des régions vulnérables de l’Est, de l’Ouest et du Nord (Figures
4.34 et 4.35).
Figure 4.32 Figure 4.33
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Rapport national sur le climat et le développement : Cameroun
5. Conclusion et recommandations
Ce RNCD propose quatre domaines prioritaires en matière de développement et d’action climatique.
Le système d’Agriculture, foresterie et autres utilisations des terres (AFAUT) au Cameroun est confronté
à une série de défis interdépendants : être le moteur économique du pays, assurer la sécurité
alimentaire et renforcer la résilience au changement climatique. Dans la réponse à ces défis, d’autres
facteurs et opportunités entrent en jeu : améliorer l’équité et la participation communautaire à la
gestion du capital naturel ; élaborer des solutions innovantes pour l’agriculture et l’élevage ; réduire la
déforestation, la dégradation des terres et l’agro-conversion des forêts ; promouvoir la légalité dans le
secteur du bois ; et augmenter les avantages à tirer de la diversification et de la création de valeur
ajoutée. Le Cameroun doit élaborer une vision intégrée face à ces défis et opportunités, en combinant
adéquatement l’amélioration de la gouvernance, les réformes politiques - en particulier dans l’appui à
la foresterie -, les améliorations institutionnelles, et les partenariats public-privé visant à mobiliser des
ressources financières pour une agriculture et un élevage climato-intelligents. Une AFAUT résiliente au
climat contribuerait grandement à intégrer les mesures d’adaptation et leurs conditions favorables à
l’atténuation (y compris celles de la SND30 et des CDN) pour faire avancer le développement durable
dans toutes les zones agroécologiques du pays. Une « Commission AFAUT & Climat » permettrait des
rassembler les ministères concernés (tels que le MINADER, MINEPIA, MINFOF, MINEPDED, MINEPAT,
MINFI et MINDDEVEL), le secteur privé qui est affecté et qui affecte le changement climatique (grandes,
moyennes, petites et très petites entreprises), ainsi qu’une représentation adéquate de la société civile
pour élaborer une stratégie et opérationnaliser un plan d’action de transition pour les terres et les
écosystèmes. Son objectif serait de mettre en œuvre de manière intégrée des options efficaces de
résilience, d’adaptation et d’atténuation assortis de coûts réalistes et de mécanismes de financement
pragmatiques (y compris la fiscalité, les subventions et la tarification du carbone).
Les solutions pour les villes principales et secondaires seraient basées sur les caractéristiques
naturelles, les dotations économiques, les conditions sociales et les institutions. Les villes devront
définir leur propre parcours pour la résilience climatique en accordant une attention particulière à la
gouvernance, à la planification, à la capacité et au financement, le niveau central s’occupant des
interventions de résilience systémique, notamment l’évaluation des risques, la planification tenant
compte du changement climatique, les systèmes d’alerte précoce et des protocoles y afférent. La
planification et l’aménagement urbains seraient gérés de manière plus inclusive et intégrée tandis
qu’une planification à plus long terme serait établie à l’échelle locale, municipale, régionale et nationale
avec une réglementation et un suivi efficaces, ainsi que des ressources et des capacités financières et
technologiques pour favoriser la transition urbaine, selon le modèle actuellement mis en œuvre dans
le cadre du Projet de développement de villes inclusives et résilientes financé par la Banque mondiale.
Alors que le Cameroun cherche à combler son important déficit d’infrastructures et à améliorer la
qualité de vie de chaque Camerounais (SND30), il est essentiel d’investir dans des infrastructures
durables qui s’adaptent aux conditions climatiques futures incertaines. Comme les CDN le soulignent,
les infrastructures sont également responsables d’une partie des émissions et d’une grande partie des
coûts d’adaptation. Pour réaliser les objectifs de développement et les objectifs climatiques du pays, il
est nécessaire d’opérer un changement radical dans la planification, l’exécution et la gestion des
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Rapport national sur le climat et le développement : Cameroun
infrastructures. Le Cameroun doit effectuer une transition et passer à un système d’infrastructures qui
appuierait la résilience, la fiabilité des systèmes électriques et l’efficacité de l’utilisation de l’eau. Une
« Plateforme Infrastructures & Climat » permettrait de rassembler les ministères concernés (exemple :
MINEE, MINDHU, MINPOSTEL, MINT, MINTP, MINDHACF, MINEPDED, MINEPAT, MINFI et MINDDEVEL),
le secteur privé qui est affecté et qui affecte le changement climatique, et une représentation adéquate
de la société civile pour qu’ils travaillent collectivement à travers des modalités de gouvernance, d’un
dispositif institutionnel et des dispositions politiques et financières plus efficaces. Son objectif serait
de mettre en œuvre simultanément et de manière intégrée des options efficaces de résilience,
d’adaptation et d’atténuation assortis de coûts réalistes et de mécanismes de financement innovants,
appuyés par des réformes fortes dans les secteurs de l’énergie et du transport.
Une approche territoriale : une forte mobilisation des parties prenantes pour une action climatique
locale inclusive
Comme décrit dans l’étude diagnostique, les impacts variant selon les régions et les territoires où les
personnes vivent, ces personnes présentant elles-mêmes des niveaux de vulnérabilité différentes entre
elles. En conséquence, les investissements stratégiques d’adaptation au niveau régional accompagnés
d’un plan d’action climatique au niveau local constituent une approche indispensable pour remédier
aux vulnérabilités locales et réduire au minimum l’amplification des facteurs de conflit et la violence
qui en résulte dans les zones de conflit. Dans un premier temps, cela nécessiterait : un appui aux efforts
de décentralisation visant à renforcer la capacité des institutions régionales et locales à créer et à
promouvoir une gouvernance inclusive et participative, en mettant particulièrement l’accent sur la
résilience climatique ; la réalisation d’évaluations climatiques localisées pour éclairer la mise en œuvre
des CDN ; et l’investissement dans les systèmes régionaux d’apprentissage et de statistiques afin de
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Rapport national sur le climat et le développement : Cameroun
collecter des données de meilleure qualité sur les conflits régionaux en rapport au changement
climatique. De plus, dans chacune des régions, une adaptation sera nécessaire dans l’ensemble des
multiples secteurs sensibles au climat, tels que l’agriculture, l’eau, la terre, la forêt, les routes, la santé
et l’éducation, comme établi dans les différentes études approfondies. En conséquence, des
investissements spécifiques visant à appuyer les administrations locales sont nécessaires pour la
programmation visant à renforcer la capacité d’adaptation et la résilience des personnes, en assurant
l’intégration des considérations climatiques à la planification, la budgétisation, la mise en œuvre et la
prise de décision aux niveaux locaux. Ce type d’investissements climatiques menés localement
permettra de réduire les risques climatiques selon les nuances locales auxquels chacune des régions
sont confrontées, à atténuer les facteurs de conflit qui pourraient être amplifiés après des chocs
climatiques, et à promouvoir une approche de développement inclusive plaçant les personnes et les
communautés au centre de l’action climatique.
Le passage à une approche territoriale nécessite une mobilisation multipartite inclusive et durable.
Cela exigera de cartographier toutes les parties prenantes et les groupes vulnérables et exclus pour
garantir l’inclusion de tous ; d’établir un engagement significatif pour assurer l’appropriation par tous
les groupes et promouvoir le renforcement de la redevabilité pour les fonds de financement climatique ;
de renforcer les administrations locales et régionales et d’appuyer l’engagement à long terme,
l’adaptation ne pouvant se faire du jour au lendemain. Les 4 domaines prioritaires et l’ensemble des
38 interventions réalisables (Tableau 5.1) représentent une occasion pour concevoir des politiques,
des investissements et des réformes institutionnelles climato-intelligentes tout en assurant la
cohérence entre les systèmes et avec les engagements climatiques pris dans la SND30 et les CDN.
Parmi ces interventions, 17 présentent un potentiel élevé et un haut niveau d’impact et doivent être
envisagées en premier.
Permettre une utilisation Assurer la participation des communautés aux résultats Elevé + ++
des terres fondée sur les en matière d’utilisation des terres ; renforcer le contrôle
droits communautaire sur les forêts ; renforcer la capacité de
mise en œuvre de la restauration
Appui à l’inventaire Générer des connaissances sur les forêts ; améliorer la +++ +
forestier compréhension de l’absorption et du stockage du
carbone ;
Tirer parti des réformes Mettre en place une collaboration et une coordination ++ +
fiscales pour influencer la interministérielles renforcées entre le MINFOF, le
conservation des forêts MINEPAT et le MINFI sur l’instauration d’une fiscalité
différenciée en faveur de la légalité.
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Rapport national sur le climat et le développement : Cameroun
Agriculture climato- Appuyer le portefeuille des neuf investissements Elevé +++ ++
intelligente prioritaires et intégrés de l’ACI
Stratégie pour l’élevage Concevoir une stratégie pour déterminer les actions +++ +
climato-intelligent pouvant réduire les émissions de GES ; définir les rôles
des parties prenantes dans la mise en œuvre des options
d’élevage à faibles émissions de carbone.
Adaptation sensible au Appuyer la capacité d’agir des femmes dans l’adaptation Elevé ++ ++
genre au changement climatique et cibler les désavantages
structurels des femmes exploitantes agricoles pour
améliorer la productivité rurale et la sécurité alimentaire
VILLES
Adaptation équitable dans Opportunités pour les villes de mettre en œuvre des Elevé + ++
les villes politiques d’adaptation équitables ; planification équitable
de l’adaptation et mobilisation communautaire avec des
actions spécifiques aux aléas
INFRASTRUCTURES
Loi relative aux énergies Préparer une loi spéciale relative aux énergies + +
renouvelables renouvelables pour couvrir les prix d’achat d’électricité
renouvelable, clarifier les règles sur l’achat d’électricité
renouvelable et inclure un processus obligatoire
d’enchères ou d’appel d’offres
Capital humain pour les Améliorer le capital humain pour pallier la faiblesse ++ +
énergies renouvelables d’effectif de la main-d’œuvre qualifiée et le manque
d’expertise dans les nouvelles technologies émergentes
en rapport aux énergies renouvelables
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Rapport national sur le climat et le développement : Cameroun
Loi relative à la Renforcer l’effectivité et l’application de la Loi relative à la ++ +
commercialisation des gaz commercialisation des gaz associés (LCGA) actuelle
associés (LCGA)
CAPITAL HUMAIN
Système de protection Elargir la protection sociale alors que le pays jette les Elevé ++ ++
sociale adaptative bases d’un système de Protection sociale adaptative
Adaptation sensible au Appuyer la capacité d’agir des femmes dans l’adaptation Elevé ++ ++
genre au changement climat et cibler les désavantages
structurels des femmes exploitantes agricoles pour
améliorer la productivité rurale et la sécurité alimentaire
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Rapport national sur le climat et le développement : Cameroun
Loi nationale relative au Promulguer une loi/législation nationale relative au Elevé ++ ++
changement climatique changement climatique décrivant les rôles, les
responsabilités et les mandats des institutions nationales,
et établissant des mécanismes de coordination clairement
définis
Décentralisation Inclure dans la loi relative à la décentralisation des Elevé ++ ++
dispositions sur le rôle et les responsabilités des
administrations locales en matière d’action climatique, y
compris les lignes budgétaires pour le financement de
l’action climatique
Ces actions climatiques vont de pair avec un ensemble plus large de réformes pour le développement.
Des actions visant à donner plus de résilience, d’efficacité et de flexibilité flexible seraient nécessaires
pour accompagner les actions climatiques. Ces réformes seront réalisées selon trois voies.
Premièrement, il faudrait réduire le coût de des affaires en général et améliorer la qualité des services
de base et l’accès à ceux. Il est important d’augmenter les revenus des ménages des travailleurs
indépendants, dans le secteur agricole et dans le secteur informel, ainsi que ceux des salariés, pour
renforcer la résilience. Des actions portant sur l’ensemble des espaces sont essentielles et pourraient
inclure l’assainissement de la politique budgétaire et de la gestion de la dette ; l’amélioration des
infrastructures pour que les services d’électricité, d’eau et de télécommunication soient fiables ;
l’amélioration de la connectivité ; et le renforcement de l’inclusivité des services financiers.
Deuxièmement, il reste essential de réduire la fragilité et d’améliorer la gouvernance. Il faut prendre
des mesures pour réduire la forte concentration du marché et la participation généralisée de l’Etat qui
affaiblissent la concurrence intérieure. Par ailleurs, l’Etat devrait devenir plus réactif aux besoins des
populations locales, à leur statut socioéconomique, à la charge de morbidité et au contexte sécuritaire.
Le processus de décentralisation en cours offre l’occasion de contribuer à la réduction des disparités
régionales croissantes. Enfin, il faudrait réaliser le potentiel de la main-d’œuvre camerounaise à travers
l’amélioration des soins de santé, de la nutrition, des services d’eau et d’assainissement, de
l’éducation de base et des filets de sécurité productifs, ainsi qu’en réduisant le décalage des
compétences et en renforçant l’autonomisation des femmes. Toutes ces actions seraient facilitées par
davantage de transparence.
26Deux des mécanismes de coordination actifs sont : (i) le « Cercle de Concertation des Partenaires du MINFOF et du MINEPDED », appuyant et
coordonnant les interventions/positions des bailleurs sur les questions en rapport au secteur forestier ; servant de plateforme pour échanger et établir
des positions communes sur les questions en rapport à la REDD+, à l’exploitation forestière illégale et au commerce connexe, et à la déforestation
importée ; les approches paysagères ; et les routes et aires protégées ; et (ii) le « Groupe de Travail Changements Climatiques Energie », qui a joué un
rôle important dans l’appui à la préparation des CDN du Cameroun et à sa participation à la COP26.
60
Rapport national sur le climat et le développement : Cameroun
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