Ecoles, Langues, Culture Et Développement
Ecoles, Langues, Culture Et Développement
Ecoles, Langues, Culture Et Développement
186 | 2007
Varia
Géraldine André
Édition électronique
URL : http://journals.openedition.org/etudesafricaines/6960
DOI : 10.4000/etudesafricaines.6960
ISSN : 1777-5353
Éditeur
Éditions de l’EHESS
Édition imprimée
Date de publication : 31 mai 2007
Pagination : 221-247
ISBN : 978-2-7132-2139-2
ISSN : 0008-0055
Référence électronique
Géraldine André, « École, langues, cultures et développement », Cahiers d’études africaines [En ligne],
186 | 2007, mis en ligne le 31 mai 2010, consulté le 16 juin 2020. URL : http://journals.openedition.org/
etudesafricaines/6960 ; DOI : https://doi.org/10.4000/etudesafricaines.6960
Géraldine André
les diplômes scolaires, ils bénéficient d’un prestige symbolique, d’avantages sociaux et
ont un impact sur la vie politique du pays face à une majorité confinée dans les travaux
manuels et agricoles et leurs modes d’expression, les langues nationales, qui ne leur
confèrent aucun pouvoir politique.
7 Suite à ces deux auteurs, nous allons interroger le sens des réformes et des mesures
éducatives des gouvernements successifs de l’indépendance de la Haute-Volta visant,
dans le cadre de l’institution scolaire, l’introduction des langues nationales, de
références culturelles présumées spécifiquement africaines et une promotion des
activités de production : sont-elles le produit de revendications identitaires de
l’intelligentsia africaine avec toutes les ambiguïtés qu’elles peuvent comporter en
termes d’émancipation pour les ruraux ? Sans sous-estimer la critique identitaire telle
qu’elle a été portée par les mouvements de la négritude « francophone » dont Léopold
Sédar Senghor est le chef de file, ou « afrancophone » de Cheikh Anta Diop qui a
influencé un grand nombre de réformes scolaires dans les années 1970 en Afrique
francophone, nous allons montrer combien celle-ci prend en Haute-Volta, dans le
contexte postcolonial, une direction et une forme en relation avec la situation socio-
économique du pays. Avant d’entamer une analyse historique des réformes scolaires de
l’indépendance de la Haute-Volta, le détour par l’analyse de la critique burkinabè de
l’institution scolaire introduira déjà à leurs schèmes principaux.
8 Joseph Ki-Zerbo s’est prononcé plus tard sur l’institution scolaire, en particulier dans
son ouvrage Éduquer ou périr (1990). Engagé en faveur de l’indépendance et de l’unité
africaine dès ses études en France où il fréquente les milieux associatifs africains, il est
inspiré par les grands leaders de la négritude. Il est certain que sa critique de
l’institution scolaire présente une composante identitaire, mais celle-ci s’inscrit dans le
complexe plus large de sa pensée articulée autour de son concept de « développement
endogène » (Ki-Zerbo 1992). Sa critique et le concept qui en découle doivent être saisis
selon les évolutions de la conjoncture socio-économique des anciennes colonies, et plus
particulièrement de celle de la Haute-Volta dont la position historique de réserve de
main-d’œuvre pour les colonies côtières, la situation géographique d’enclavement dans
les terres du Sahel et, enfin, son manque de ressources naturelles, sont des facteurs qui
ont eu une influence non négligeable sur les réformes scolaires de la Haute-Volta. De
plus, à un niveau plus général – pour l’ensemble des anciennes colonies françaises –
l’augmentation des effectifs de l’institution scolaire, la progressive saturation de son
classique débouché, le fonctionnariat, le déracinement, l’inadaptation et l’exode rural
comme produits de l’institution scolaire sont autant d’éléments qui permettent de
saisir la pensée de Ki-Zerbo. L’image de l’institution scolaire comme appareil de
déracinement qui condense les aspects identitaires et « anti-développement » de sa
critique en sont une bonne illustration.
9 Pour l’auteur, le problème de l’institution scolaire coloniale est d’avoir introduit une
rupture à l’égard des systèmes éducatifs endogènes. Adoptant de la sorte un point de
vue fonctionnaliste et holiste sur les systèmes éducatifs, Ki-Zerbo souligne les finalités
coloniales de constitution et de reproduction d’une élite administrative par l’institution
scolaire. Selon lui, cette fonction s’est imposée sur celles des systèmes éducatifs
endogènes alors que ceux-ci constituaient des rapports sociaux d’appropriation à la
nature et de production adéquats à leur milieu. Il en résulte ainsi, selon lui, une
« déconnection intérieure » par l’absence d’une reproduction autonome grâce à une
éducation endogène africaine. Cette absence alimente, pour l’auteur, le sous-
15 La gouvernance assurée par le général Sangoulé Lamizana comme second chef d’État de
la Haute-Volta pendant plus de 14 ans donne lieu à des changements importants et
significatifs au niveau des politiques linguistiques et éducatives. Le décret n o 69-12 PRES
du 17/01/1969 promulgue la création de la Commission nationale des langues
voltaïques dont les objectifs sont la valorisation des langues nationales, la promotion
d’études sur celles-ci et la mise sur pied de systèmes de transcription et de différentes
sous-commissions respectives à chaque langue. Le « Plan d’ajustement structurel avant
la lettre, la garangose6 (1966-1975) » dont l’un des moyens du redressement des
finances publiques est une « politique agricole » et « un encadrement du monde rural »
a des effets non négligeables sur la tournure des politiques éducatives, et se prolongent
jusqu’à la veille de la révolution (Zagre 1994).
16 Ainsi, au début de la Deuxième République (1970-1974), l’échec des centres d’éducation
rurale conduit à une redéfinition de leurs finalités en termes de formation adressée à
des jeunes plus âgés. Cette redéfinition se concrétise en 1974 par la création de centres
de formation de jeunes agriculteurs reposant sur une alphabétisation fonctionnelle et
une formation en lien avec le milieu rural dépendant du ministère du Plan et du
Développement rural. En 1974, le décret 74/267/PRES/ENC du 6 août, crée l’Office
national d’éducation permanente et d’alphabétisation fonctionnelle et sélective,
première structure étatique de soutien à l’alphabétisation des adultes en langues
nationales, relevant théoriquement du ministère de l’Éducation nationale, mais
pratiquement de l’Organisme régional de développement et donc du ministère du
Développement rural. En 1974, est fondé le département de linguistique au sein du
Centre d’enseignement supérieur, dont une partie des études sont orientées vers les
langues nationales. Mais cette éducation rurale, fondée sur une double logique
d’économie, dans ses deux versants de rentabilité et de productivité et
d’alphabétisation universelle, s’avère être un véritable échec. Néanmoins, le
« paradigme ruraliste » (Bianchini 2004) porté par la garangose ne fait qu’entamer le
poids de ses effets sur l’éducation.
17 Une longue réflexion sur la refonte du système éducatif tout entier est d’ailleurs jetée
dans ce sens dès le début des années 1970. En 1974, deux séminaires et un colloque
international s’attellent à détecter les défauts du système actuel (Compaoré 1997) et
épinglent « le caractère essentiellement déracinant du modèle éducationnel actuel,
montrant nettement, […] le détachement de l’école du milieu, son isolement par
rapport aux structures socio-économiques et socioculturelles du milieu » ( MENC/UO/
CDPP/ Réflexions sur la Réforme du système éducatif, cité par Compaoré 1997 : 137). Le
dossier initial de la réforme donnant suite à cette réflexion souligne à quel point la
refonte du système éducatif entretient des rapports étroits avec le développement
socio-économique du pays : « Il faut rétablir entre l’économie et l’éducation un rapport
de développement réciproque et simultané par une éducation dans et par la
production » (D. O. A. 3 1976 : 101). Et ce, d’autant plus que la situation économique
d’alors est catastrophique suite aux effets des sécheresses de 1973 et de 1974. Le général
Sangoulé Lamizana s’exprime à propos de l’inefficacité des plans de restructuration
économique dans son discours sur son programme d’Action du gouvernement du
renouveau national : « Le plan 1972-1976 en cours d’exécution se trouve confronté à de
graves difficultés conjoncturelles liées d’une part à la crise et à l’inflation mondiale et
d’autre part à la sécheresse et à ses conséquences multiples » (Lamizana, cité dans
Compaoré 1997). L’éducation se voit assigner une place de choix dans ce programme :
« Pour un homme nouveau, une nouvelle forme d’éducation qui tienne compte de nos
besoins et de nos moyens est devenue impérative autant dire que la réforme de
l’enseignement requiert l’attention la plus vigilante avec la ferme détermination
d’atteindre des résultats concrets le plus rapidement possible » (ibid.). Il faut souligner
que l’option du régime pour une société de développement communautaire rural était
propice à une refonte du système éducatif en lien avec le relèvement économique et la
mobilisation des masses rurales.
18 Le projet de réforme découlant de ces réflexions s’ouvre sur un triple diagnostic : l’anti-
démocratisme de l’École, son inefficacité externe (au niveau économique), son pouvoir
d’aliénation et de déracinement culturel et linguistique. Les trois finalités visées par
cette réforme, la démocratisation de l’éducation, une efficacité économique et une
« culturalisation », sont étroitement reliées. En effet, le projet de réforme promeut
« une éducation pour le développement communautaire rural » qui entend, d’une part,
« démocratiser » l’enseignement et les savoirs « en entreprenant l’éducation des
masses » par la scolarisation et l’alphabétisation en langues locales, d’autre part,
« intégrer l’éducation et le développement » par le biais d’activités de production, enfin
« favoriser le développement d’une culture authentique » par le biais des langues et des
cultures locales (D. O. A. 3 1976 : 91-93).
19 Entre les lignes, c’est aussi une décentralisation éducative avant la lettre qui
transparaît : « Notre plus grande richesse nationale demeure l’homme voltaïque et dans
la lutte contre le sous-développement, il s’agit de rendre les communautés
responsables de leur avenir […] en leur transférant toutes les compétences nécessaires
à une telle reconversion […] l’engagement communautaire rural est un mouvement
destiné à favoriser une existence meilleure de la collectivité […] grâce à la participation
de la collectivité sur base de sa propre initiative […] pour transformer les populations
résignées en communautés dynamiques tournées vers le progrès [en vue de
transformer la société] qui par les vertus de la mobilisation, de l’animation et de la
participation assurera une promotion collective toujours plus grande » (ibid. : 88-89). La
réforme établit donc une corrélation forte entre l’éducation, les langues et les cultures
locales et le développement.
20 En 1978, la Troisième Constitution de la Haute-Volta réaffirme « le français comme la
langue nationale », mais se prononce pour la première fois en faveur de l’officialisation
des langues nationales avec le projet d’une loi devant établir « les modalités de
promotion et d’officialisation des langues nationales » (Somé 2003). La réforme de
l’éducation démarre par une phase d’expérimentation dès octobre 1979. Elle touche de
manière plus significative l’école primaire qu’elle investit d’une politique linguistique
en faveur des langues locales en introduisant les trois langues les plus parlées dans le
pays, et d’une politique économique de rentabilité et de productivité à travers des
activités de production en lien étroit avec la rhétorique décentralisatrice. Le pays est
divisé en trois zones linguistiques : julaphone, moorephone, fulaphone. Le jula, le
moore et le fulfuldé sont introduits aux côtés du français au sein d’un bilinguisme
scolaire de transfert avec des manuels pédagogiques propres à l’expérience. La
réalisation de la réforme bénéficie de l’appui financier du PNUD et de l’ UNESCO. Les
principaux objectifs de l’UNESCO en appuyant ce type de réforme est « de rendre effectif
le droit à l’éducation », « de renforcer la paix et la contribution de l’éducation à
l’identité culturelle notamment par la promotion des langues nationales et maternelles
comme langues d’enseignement » (D. O. A. 4 1978). Le thème culturel est une
étrangère […] qui est un stupéfiant spirituel, une sorte d’opium qui endort les
consciences. Cette culture étrangère constitue un poison pour les cultures
nationales en ce sens qu’elle inculque aux enfants le mépris des valeurs
traditionnelles burkinabè. […] Elle s’avère culturellement aliénante » ( D. O. A.
10 1986 : 6-7).
28 Néanmoins, le recours aux langues locales est plus limité que dans la réforme sous la
gouvernance de Sangoulé Lamizana. Il est restreint au niveau préscolaire que Thomas
Sankara s’attelle à développer pour la promotion du travail des femmes. Il faut dire que
ce dernier est quelque peu mitigé par une utilisation exclusive des langues locales dans
le cadre scolaire. En 1986, répondant à Mongo Béti à propos de la francophonie comme
stratégie de contrôle, Sankara évoque la réforme scolaire en cours :
« Le fait historique est là et la stratégie néocoloniale aussi est là. La francophonie
n’est rien d’autre. Malheureusement ce sont plutôt des Africains qui la défendent
plus que les Français eux-mêmes. C’est le paradoxe, mais un paradoxe qui
s’explique parfaitement par l’acculturation et l’aliénation culturelle parfaite de ces
Africains-là. Au niveau du Burkina, nous sommes en train de procéder à une
réforme totale de l’éducation où le problème des langues nationales et de la langue
française est au centre des débats. La question n’est pas encore tranchée, mais les
choses semblent évoluer vers l’utilisation de la langue française comme langue
d’unification de nos multiples nationalités ; et cela du point de vue de l’efficacité et
de la meilleure solution du problème qui se pose à nous. Cela ne voudra pas dire que
nos langues nationales seront rejetées, loin de là. La langue en général, étant au-
dessus des classes, il nous appartiendra, en tant que révolutionnaires, de savoir
mettre la langue française au service de la défense de nos intérêts de classe. C’est
dans ce cadre que nous sommes appelés à créer nos propres institutions, pour un
appareil culturel au service de notre peuple, sinon notre lutte ne pourra aboutir,
compte tenu de l’influence nocive qu’entraîne l’invasion culturelle dont nous
sommes l’objet du côté français essentiellement » (D. E. 5 1986).
29 Cet essai de refonte du système scolaire repose sur l’articulation entre langues et
cultures locales et développement, en vue d’un auto-développement du pays. L’objectif
du CNR, consistant à enclencher une dynamique d’auto-développement à travers
l’éducation, est particulièrement apparent dans la rhétorique moralisatrice et
décentralisatrice de Thomas Sankara dans son Appel de Gaoua en octobre 1986 :
« […] parce que les moyens dépendent des hommes et la réforme si nécessaire ne
sera que l’œuvre des hommes […] mais le chemin de l’école nouvelle passe par la
transformation de nos mentalités et de nos comportements […]. Ce qui exige de
nous une véritable croisade contre la démission collective qu’a été notre
poncepilatisme lorsqu’il s’est agi de réfléchir et de proposer une réforme de notre
école après avoir décrié la présente. […] [L’école incombe à chacun : aux
enseignants, aux parents et aux enfants]. […] Vous avez tous des responsabilités et
des devoirs » (D. E. 4 1986 : 12, 37-39).
« Nouvelle » orthodoxie éducative et recours économiste au paradigme ruraliste
30 L’instabilité politique et le renversement de Thomas Sankara sont les principaux freins
au devenir de l’École nouvelle, d’autant plus que le Front populaire engage en janvier
1989 des négociations avec les institutions financières de Bretton Woods enrôlant dès
1990 l’économie burkinabè au sein du Plan d’ajustement structurel et celles-ci ont
d’importantes répercussions sur l’éducation.
31 Le programme d’action politique du Front populaire qui se traduit au niveau éducatif
par le « paradigme ruraliste » réitère formellement les relations entre la promotion des
langues (et des cultures9) locales, de l’éducation et du développement économique du
pays, mais en se limitant aux zones rurales sans toucher à l’ensemble du système
relation entre institution scolaire et fonction publique qui, aujourd’hui, est saturée. Ces
écoles conjuguent donc les langues (et cultures locales), le développement et
l’éducation et cette relation prend tout son sens dans le nouveau contexte éducatif.
36 Au début, l’éducation bilingue est une expérimentation sous la coupe de partenaires
financiers. Mais le succès de l’expérimentation qui se déroule sur quatre années,
jusqu’en 1998, avec des enfants de 9 à 15 ans est tel que l’État s’y intéresse et prend en
charge une part des financements13. En effet, les résultats au CEP de juin 2002 des trois
premières écoles bilingues qui clôturent un cycle de cinq ans de scolarité sont très
satisfaisants : la moyenne générale est de 85 % contre 61 % dans le système traditionnel
et le pourcentage de réussite est de 75 % à Goué, 80 % à Nomgana et de 84 % à Tanyoko.
L’expérimentation s’élargit doublement des points de vue géographique et linguistique
en collaboration avec le MEBA. Au niveau linguistique, sept langues nationales sont
introduites comme médiums d’enseignement aux côtés du français : le moore, le dioula,
le fulfuldé, le dagara, le lyeele, le gulmancema, le bisa. À la session de juin 2004, les
écoles bilingues présentent un taux de réussite de 94 % aux examens du CEP contre une
moyenne nationale de 73 %.
37 Le 8 juin 2002, le ministre de l’Enseignement de base et de l’Alphabétisation, Mathieu
R. Ouédraogo, adresse une lettre circulaire sur la transformation des écoles classiques
en écoles bilingues aux directions régionales de l’enseignement de base et de
l’alphabétisation afin d’accorder à toute communauté qui le souhaite la transformation
de son école en une école bilingue avec l’autorisation du ministère. Cette semi-
reconnaissance n’est pas anodine : l’État renoue avec une formule éducative dont les
fondements se situent dans les premières années de l’indépendance. Mais d’autres
raisons, davantage liées au nouveau contexte éducatif, semblent sous-tendre l’intérêt
du gouvernement pour les écoles bilingues. En effet, en 2003, au Conseil des ministres,
il est décidé qu’une rencontre nationale doit être tenue sur les écoles bilingues en vue
de « toucher le maximum de sensibilités sur la question de l’école bilingue en vue de sa
promotion. Compte tenu des gains financiers, économiques et des avantages
pédagogiques que le système éducatif peut tirer de l’expérience de l’éducation bilingue,
le Gouvernement souhaite renforcer les capacités de prise en charge des écoles
bilingues en vue d’une généralisation progressive de l’enseignement bilingue. Cette
rencontre constitue le point de départ d’un processus de concertation avec l’ensemble
des partenaires autour de la question centrale de l’utilisation des langues nationales, de
l’arabe et du français dans notre système éducatif » (D. E. 7 2003).
38 En 2004, Mathieu R. Ouédraogo tient des propos significatifs des intentions relatives à
l’intérêt du gouvernement à l’égard des écoles bilingues :
« L’éducation bilingue est une alternative prometteuse de perspectives positives
pour notre pays et le système éducatif. Nous avons une approche qui est très
flexible, très prudente, puisque nous avons vu par le passé la réaction négative des
acteurs du système éducatif et des parents par rapport à l’introduction des langues
nationales à l’école. En prenant en compte les expériences tentées dans ce pays
dans le domaine de l’utilisation des langues dans le système éducatif depuis les
années 60 jusqu’à aujourd’hui, nous avons opté pour une approche très
démocratique. C’est dire que nous travaillons à montrer les résultats. Et les parents,
au vu des résultats, vont opérer eux-mêmes des choix. Aujourd’hui, jusqu’ici,
l’expérience que nous menons dans les écoles bilingues, c’est-à-dire là où l’enfant
commence sa scolarisation dans une langue qu’il maîtrise (qui peut ne pas être sa
langue maternelle), nous avons constaté qu’il finit son cycle primaire en cinq ans au
lieu de six. […] Nous disons même que si nous voulons faire des économies d’échelle, il faut
opter pour les écoles bilingues14. Si au lieu de faire six ans, on n’en fait que cinq, on
économise alors une année, une classe. Si par école on fait l’économie d’une classe à
construire, vous imaginez ce qu’on gagne sur mille écoles. L’économie se fait aussi
sentir au niveau de la masse salariale des enseignants. […] Ces écoles bilingues sont
dynamiques parce que justement, là, la communauté éducative existe et elle est
fonctionnelle. Cette communauté est toujours là, elle est informée dès qu’un
enseignant est absent et elle s’en préoccupe tout de suite […] » ( D. E. 8 2004).
39 Ces propos illustrent les principes qui structurent la semi-reconnaissance de ces
écoles : la rentabilité de leur option pédagogique et la prise en main par les
communautés de base de leur développement. Plus récemment, Odile Boukoungou,
actuelle ministre de l’Enseignement de base et de l’Alphabétisation répond aux
questions sur les écoles bilingues :
« Pour ce qui est de l’alphabétisation et de l’éducation non-formelle en général,
nous avons encore d’énormes efforts à faire. Nous avons eu l’impression qu’au
cours de la première phase du PDDEB, ce volet n’a vraiment pas pu obtenir les
ressources nécessaires pour une bonne réalisation des activités. Mais, avec la mise
en place du FONAEF, il y a des progrès qui ont été réalisés compte tenu de la vision
actuelle qui repose sur la stratégie “faire faire”. C’est-à-dire que ce n’est pas l’État
qui mène des activités d’alphabétisation mais l’État accompagne des opérateurs
privés pour les activités. Nous pensons que dans le cadre de la 2 e phase du PDDEB,
aussi bien l’alphabétisation, l’éducation non-formelle que les écoles bilingues
occupent une place de choix. Il y a des progrès notables, mais nous pouvons encore
mieux faire si nous nous organisons mieux […] » (D. E. 10 2005).
40 La rhétorique décentralisatrice présente dans ces propos, sous-tendue par une attitude
de désengagement de l’État burkinabè à l’égard de ses prérogatives éducatives, est l’une
des dimensions structurant l’attitude favorable du gouvernement à l’égard des écoles
bilingues.
41 Néanmoins, à ses aspects de rentabilité des investissements en éducation, de
satisfaction de l’exigence de la scolarisation universelle et de déplacement des
responsabilités éducatives à la base, il semble que cette attitude favorable du
gouvernement à l’égard des écoles bilingues puisse aussi recevoir un éclairage
complémentaire : le recours stratégique à la culture qu’effectue le gouvernement de
Blaise Compaoré dans la constitution d’une façade démocratique en direction de
l’extérieur. Récemment, Hilgers et Mazzocchetti (2006 : 12) soulignent qu'« après 18 ans
au pouvoir, Blaise Compaoré s’impose comme un maître de la mise en scène politique :
il donne du Burkina Faso l’image d’une démocratie en chemin […] pour construire cette
image, le pouvoir se spécialise dans l’organisation d’événements politiques ou
diplomatiques d’envergure internationale. Le sport et la culture, le Tour cycliste du
Faso, la cérémonie des Kundé, le Festival panafricain du cinéma et de la télévision de
Ouagadougou (Fespaco) sont autant d’occasions supplémentaires de valorisation ».
Dans cette perspective d’élaboration d’une démocratie de façade, les deux auteurs font
également référence à l’accueil, en 2004, à Ouagadougou du 10 e sommet de la
Francophonie, événement à travers lequel Blaise Compaoré se présente comme engagé
en faveur « de la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles »
(D. E. 9 2004). Il est plausible que le regain d’intérêt étatique pour les écoles bilingues,
lesquelles développent une rhétorique culturaliste, puisse trouver une partie de son
explication dans l’ensemble des stratégies culturelles.
42 La chaîne spécifique éducation, langues, cultures locales et développement au cours de
l’histoire des gouvernements successifs du Burkina Faso, s’articule non seulement
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1986 L’école révolutionnaire burkinabé, Ouagadougou, Éditions du SGN-CDR.
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1989 Stratégie économique pour un État de Démocratie populaire, Ouagadougou.
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1993 Colloque national sur l’éducation de base pour tous au Burkina Faso, Ouagadougou, MEBA.
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1999 Plan décennal de développement de l’éducation de base 2000-2009, Ouagadougou, MEBA.
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2005 Entretien avec Odile Bonkoungou.
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NOTES
1. La naissance de l’institution scolaire en Haute-Volta est contemporaine de
l’envahissement en 1898 de Bobo Dioulasso, où a été créée par la suite la première
école. À partir de l’instauration des écoles de Bobo et de Boromo (1898), les autres se
succèdent : celles de Ouagadougou (1899), de Léo et de Koury (1900), de Dori (1901), de
Gaoua (1902), et de Tenkoodogo (1903) (COMPAORÉ 1995).
2. C’est d’ailleurs ce que recommande le père supérieur de la mission de Réo (troisième
du pays) suite à la violente répression des révoltes de 1916 dans la région ( D. O. A. 1
1911-1925 [Tous les documents officiels et archives (D. O. A.) et les discours et entretiens
(D. E.) sont réunis en Annexes]).
3. La collaboration entre l’enseignement catholique privé et les autorités de
l’enseignement officiel se rétablit à partir de 1943 par une assistance sous la forme de
subventions (COMPAORÉ 1995). SKINNER (1974 : 221) note ainsi, que malgré des positions
anticléricales intermittentes, l’administration, faute de moyens, avait besoin de
recourir aux écoles mises en place par les missionnaires.
4. La Conférence africaine française de Brazzaville s’est déroulée du 30 janvier au
8 février 1944 à Brazzaville à l’initiative du général de Gaulle, sous la présidence de
René Pleven, commissaire aux colonies. Elle rassemblait autour du général de Gaulle 70
participants, parmi lesquels les gouverneurs des colonies, mais aucun Africain. Tenue
un an avant la défaite de l’Allemagne, en réponse entre autres à la « contribution
spéciale de l’Afrique à l’effort de guerre » et à la montée « des aspirations » à
l’autonomie « dans les couches les plus éclairées des populations coloniales », elle visait
à jeter les bases et les principes d’une organisation nouvelle des colonies d’Afrique
noire, l’Union française (1946-1958), qui devait alors remplacer l’administration directe
des colonies par la France, sans pour autant permettre une autonomie en dehors du
bloc français, lançant ainsi (ou renforçant) une politique d’assimilation à la faveur des
élites. (KI-ZERBO 1978 : 499-503).
5. Pascal BIANCHINI (2004) situe la naissance de la « contestation éduquée » à l’égard de
l’École au sein des premières organisations d’étudiants africains ayant réalisé ou
réalisant leurs études en Europe telles que la USAD, la WASU, la FEANF.
6. La garangose renvoie à la politique d’austérité conduite par le ministre de
l’Économie, Garango, durant les neuf premières années de la gouvernance de Lamizana
(1966-1975).
7. L’Institut national d’alphabétisation et de formation des adultes deviendra, en 1988,
l’Institut national de l’alphabétisation. L’INA est alors doté d’une direction générale et
de trois sous-directions afin d’assumer l’héritage révolutionnaire des centres dits
« alpha commando » et « Bantaré », et aussi de répondre aux exigences internationales
des institutions de Bretton Woods, auxquelles le gouvernement suivant la révolution
est davantage ouvert. L’INA est aujourd’hui devenu DRINA, la Direction de la recherche
des innovations en éducation non formelle et en alphabétisation.
8. CNR/SGN/CDR : Deuxième conférence nationale des scolaires du Burkina, cité par
COMPAORÉ (1997).
9. Ainsi, les manuels (en français) introduits au sein de l’enseignement primaire par le
CNR sont toujours aujourd’hui les manuels de référence.
10. On rencontre ces réformes dans un grand nombre de pays africains.
11. Ainsi, l’État a rétrocédé en 1998 à l’enseignement catholique les écoles primaires
qu’il avait cédées en 1969.
12. Les écoles bilingues véhiculent en fait une idéologie communautaire par exemple
dans les manuels édités par l’OSEO, c’est-à-dire qu’elles entendent œuvrer pour le
développement local en reposant sur des valeurs positives de la tradition qui sont en
fait des clichés d’une tradition figée, sur une appropriation sélective de certaines
valeurs traditionnelles jugées positives telles que le respect des aînés, la solidarité,
l’amour du travail communautaire pour la communauté, qui cohabitent avec d’autres
valeurs « plus modernes » auxquelles doivent être initiés les ruraux telles que la
citoyenneté. On a recours également à des méthodes pédagogiques dites
traditionnelles : les séances de causerie précédant les séances de lecture. Ces valeurs
« traditionnelles » résultent d’un tri et d’une atomisation d’un ensemble qui n’est plus
aussi figé que cela.
13. Sur les 6 266 écoles primaires existant actuellement au Burkina Faso, on compte 88
écoles bilingues. 55 sont publiques, 33 sont privées dont 30 catholiques et 3 non
confessionnelles. Les enseignants travaillant dans ces écoles proviennent
essentiellement des écoles normales de l’État et ont reçu une formation bilingue
complémentaire, assurée financièrement et organisée par l’OSEO, et qui cherche à
devenir un module obligatoire dans la formation des instituteurs.
14. Nos italiques.
RÉSUMÉS
Cet article tente de saisir le sens du recours aux langues et aux cultures locales dans le cadre de
réformes et de mesures scolaires prises par les gouvernements bukinabè de l’indépendance
jusqu’à aujourd’hui. À travers une analyse des politiques linguistiques, culturelles et éducatives
postcoloniales du Burkina Faso, il établit que, à l’encontre d’une promotion individuelle par le
capital scolaire francophone et pour le relèvement socio-économique du pays, les gouvernements
postcoloniaux ont cherché à réformer l’institution scolaire. Ce faisant, ils ont mis en place une
formule articulant l’éducation, les langues et les cultures locales, et le développement où la
dimension identitaire prenait une forme et une direction en relation avec la situation socio-
économique de la Haute-Volta, c’est-à-dire celles d’un auto-développement. Cette formule
éducative, réitérée aujourd’hui par les « développeurs », prend toute sa pertinence dans un
contexte éducatif dominé par les injonctions de la Banque Mondiale et caractérisé par un
désengagement de l’État à l’égard de ses prérogatives éducatives.
Education, Languages and Development. An Analysis of Post-Colonial Educational, Linguistic and Cultural
Policies in Burkina Faso. – This text aims at seizing the direction of the recourse to the local
languages and the cultures within the framework of reforms and school measurements taken by
the governments burkinabè since independence until today. Through an analysis of the
linguistic, cultural and educational postcoloniales policies of Burkina Faso, this text argues that,
against an individual promotion by the french-speaking school capital and for the socio-
economic raising of the country, the postcolonial governments attempted to reform the school
institution. In this prospect, they set up a formula articulating education, the local languages and
cultures, and the development where identity dimension took a form and a direction in relation
to the socio-economic situation of Upper Volta, i. e. a form of a self-development. This
educational formula, reiterated today by the “developers”, takes all its relevance in an
educational contexte dominated by the injunctions of the World Bank and characterized by a
disengagement of The State with regard to its educational prerogatives.
INDEX
Keywords : identity, development, school, educational, linguistic and cultural policies
Mots-clés : identité, développement, École, Burkina Faso, politiques éducatives, linguistiques et
culturelles
AUTEUR
GÉRALDINE ANDRÉ
Groupe de recherche Sociologie Action Sens,
Facultés universitaires catholiques de Mons.