Une Heureuse Meprise (PDFDrive)
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Le premier jour qu'Abbie passa entièrement dans sa
boutique, elle invita Jack à venir déjeuner. Aussi,
plutôt que de mettre de l'ordre dans la salle d'exposition
comme le réclamait son emploi du temps, elle passa
toute la matinée à préparer ce déjeuner, qu'elle voulait
parfait.
Cinq minutes après midi, la clochette de bronze
qu'elle avait installée sur la porte de la rue se mit à
tinter. Elle passa la tête par la porte séparant l'atelier de
la salle d'exposition.
— On déjeune toujours ensemble? demanda Jack
en entrant.
Il portait sa blouse blanche, et les extrémités de son
stétoscope dépassaient de sa poche. Abbie lui adressa
un sourire enjôleur.
— Bien sûr ! Entre donc, j'ai préparé du bar en
papillote avec du riz et des légumes de saison.
— Tu plaisantes? s'exclama-t-il. Moi qui croyais
déjeuner de sandwichs !
— Nous devons célébrer notre premier déjeuner
d'affaires! rétorqua-t-elle, amusée.
D'un geste de la tête, elle lui indiqua la table placée
devant la vitrine. Des assiettes en porcelaine tenaient
compagnie à des iris bleu pâle et rose pastel, sur une
nappe fuchsia. Des serviettes assorties étaient pliées
dans les verres à pied.
— Abbie ! Cela ressemble plus à un repas en
amoureux qu'au pique-nique auquel je m'attendais !
— Je voulais que ce premier déjeuner dans mes
nouveaux locaux soit... spécial, répondit-elle.
— En tout cas, déclara-t-il en riant, je ne pensais
pas déjeuner dans la vitrine !
— Où voulais tu que je dresse la table? Le premier
étage est encore dans un état épouvantable : il y a des
trous dans les plafonds et le plancher est en ruine, tu ne
trouves pas que c'est mieux de manger ici?
Tout en parlant, elle avait déposé deux légumiers
assortis aux assiettes sur la table. Jack en souleva le
couvercle et huma le fumet savoureux qui s'en
échappait.
— C'est incroyable !
— J'ai préparé du cheese-cake pour le dessert et il
y a aussi des fruits frais, annonça-t-elle en s'asseyant.
— Tu as passé la matinée à cuisiner ! En acceptant
ton invitation, je pensais à un repas sur le pouce, avec
des assiettes en carton...
— Jack...
La clochette retentit de nouveau, et ils tournèrent
tous les deux la tête vers la porte sans se lâcher la
main.
Un grand homme blond entra dans la boutique et fit
le tour de la pièce des yeux.
— Hé! Jack! s'exclama-t-il. Comment vas-tu?
Ainsi c'est ici que tu te cachais? Je comprends
pourquoi désormais ! ajouta-t-il en découvrant soudain
leurs mains enlacées sur la nappe.
— Eklund ! s'écria Jack. Que fais-tu ici ?
— Je vais retrouver un groupe de copains pour une
partie de pêche au Canada. C'est la dernière chance
avant la neige ! Et comme j'étais dans les parages, je
suis passé te voir.
— Quelle bonne idée! s'écria Jack en se levant. Je
voudrais te présenter quelqu'un...
Leur visiteur ne lui laissa pas le temps de
s'expliquer et adressa un sourire complice à Abbie.
— Ainsi, tu as fini par la retrouver? déclara-t-il.
C'est super! J'ai vu les photos que Jack conservait de
vous, mademoiselle, et je dois dire que vous n'avez pas
changé !
Abbie resta pétrifiée sur place. Il la prenait pour
Natalie !
La jalousie lui déchira brusquement le cœur et elle
dégagea sa main de celle de Jack. Mais Eklund, qui ne
pouvait pas comprendre, continuait de sourire de toutes
ses dents.
— Je suis Abigail Worth, déclara-t-elle en lui
tendant la main. Ni Natalie, ni Meredith. Je suis
désolée de la confusion, mais nous sommes triplées et
nous nous ressemblons énormément.
Eklund perdit aussitôt son sourire.
— Oh, je... je pensais que vous étiez... Je suis
désolé...
— Tu vois, mon vieux, intervint Jack, en
vieillissant, je deviens raisonnable. Et mes goûts ont
considérablement changé. Abbie, ajouta-t-il avec un
calme apparent, je voudrais te présenter Anders
Eklund. Nous nous sommes connus à l'université...
— Ravie de faire votre connaissance, répondit la
jeune femme. Laissez-moi une seconde, je vais
chercher une autre assiette.
— Oh, non, merci ! protesta Eklund, je ne peux pas
rester.
Abbie, déçue, fit celle qui n'entendait pas. Elle
allait s'éloigner vers la seconde pièce lorsque Jack la
retint et l'attira contre lui.
— Les photos dont tu te souviens sont celles du
lycée, expliqua-t-il à son ami. Moi aussi je me suis
trompé en arrivant ici, et j'ai pris Abbie pour sa sœur.
Mais crois-moi, elles sont aussi différentes que le jour
et la nuit. Jamais je ne pourrai plus me tromper
désormais.
Anders comprit le double sens de ces paroles et les
contempla tous les deux d'un air gêné.
La jeune femme finit par se dégager de l'étreinte de
Jack.
— Je vous en prie, restez déjeuner avec nous.
Croyez-moi, il y en a bien assez pour trois !
Sans attendre de réponse, elle poussa une troisième
chaise contre la table, et ils se serrèrent pour laisser
place à la carrure imposante d'Eklund. Les deux
hommes mangèrent avec appétit, ne se lassant pas de
lui adresser des compliments. Abbie, après avoir
ruminé son dépit un instant, finit par se rappeler ses
bonnes manières et se comporter en maîtresse de
maison digne de ce nom. D'ailleurs, leur invité surprise
était sympathique et elle n'eut pas à faire d'effort pour
passer un bon moment.
Après le café, Jack reposa sa serviette à contrecœur
et annonça qu'il avait des patients à voir.
— En tout cas, c'était chouette de te revoir! affirma
Eklund. La vie à la campagne te réussit : tu as l'air en
pleine forme.
Abbie commençait à débarrasser la table, mais Jack
lui prit les assiettes des mains.
— Laisse ça, je ferai la vaisselle ce soir.
Accompagne-nous plutôt dehors...
Ils sortirent donc tous les trois et marchèrent
jusqu'au 4x4 d'Eklund, garé juste devant le cabinet
médical.
— Merci de ta visite, mon vieux, déclara Jack à
son ami. Cela m'a fait drôlement plaisir de te revoir !
C'était une bonne surprise.
— J'espère qu'elle n'était pas trop mauvaise pour
vous, Abbie, reprit Eklund. Je suis désolé pour ma
gaffe... Et en fait de surprise, ajouta-t-il, j'en ai une
autre pour toi, Jack. J'ai été forcé par quelqu'un que tu
connais de t'apporter ceci.
Il ouvrit sa portière et tira un magnum de
champagne de derrière son siège. Un énorme ruban
avait été noué sur le col de la bouteille, avec une petite
carte.
— C'est une offre de paix de la part de Rob.
expliqua-t-il.
Le visage de Jack se ferma et il passa
ostensiblement le bras autour des épaules d'Abbie.
— Merci, mais je n'en veux pas.
— Hé ! Prends-le ! Cette fois, elle dit qu'elle
t'adresse ses excuses.
Elle? Abbie sentit ses genoux se transformer en
coton, et Jack dut resserrer son étreinte pour la garder
contre lui.
— Garde-le, reprit-il. Donne-le aux poissons, ou
buvez-le autour d'un feu de camp, mais dis-lui que je
n'en veux pas. Ni maintenant ni jamais.
— Comme tu veux, répondit Eklund en rangeant le
magnum dans sa voiture. Tu me connais, je suis
toujours prêt à vider les bouteilles des autres!
Après être monté dans sa voiture, Eklund mit le
moteur en marche et s'éloigna dans la Grand-rue. Jack
et Abbie répondirent à ses signes d'adieu jusqu'à ce
qu'il ail disparu.
— Jack...
— Je ne veux pas en parler, Abbie, l'interrompit-il.
Pas maintenant. J'ai des patients qui m'attendent et j'ai
gâché ton déjeuner. Nous parlerons de tout ça plus
tard...
Mais une multitude de questions tournoyaient dans
l'esprit d'Abbie.
— Jack, je veux savoir qui est cette Rob Stearling!
— Rob Stearling ? C'était ma fiancée à Omaha !
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