DESPLAN 2018 Diffusion
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CARACTERISATION RHEOLOGIQUE
MULTI-ECHELLE DES EMULSIONS
COSMETIQUES POUR LEUR STABILITE
ET LEUR CONSERVATION
THÈSE
En vue de l’obtention du grade de docteur de l’université de Cergy-Pontoise
Discipline : chimie
Davina DESPLAN
JURY :
Je souhaite remercier l’ensemble des membres du jury, qui ont accepté d’évaluer ce
travail. J’adresse ma gratitude à Michel Grisel, Professeur des universités, et à Nicolas
Taulier, chargé de recherche CNRS, de m’avoir fait l’honneur de juger mes travaux en tant
que rapporteurs.
Une pensée à mes amies qui ont contribué à mon équilibre au cours de ces années.
J’adresse mon affection à Christophe pour sa présence, sa patience au quotidien, mais aussi
pour la motivation et la confiance qu’il a su insuffler dans les moments de doute.
Enfin, je dédie cette thèse à mes parents, et à mes frères pour leur aide, leurs
encouragements et leur amour même à 8000 km tout au long de mes études.
I.2 Relation entre la stabilité et les propriétés rhéologiques des émulsions ......................................33
II.3.1 Préparation.................................................................................................................................................................................... 77
II.3.2 Choix de la souche bactérienne : Pseudomonas fluorescens ................................................................................... 77
II.3.3 Contamination forcée des émulsions et suivi ............................................................................................................... 78
II.3.4 Méthode de dénombrement .................................................................................................................................................. 80
III.3.1 Changement de la structure des émulsions par modification de la phase dispersée ................................ 91
III.3.2 Observation de la structure par microscopie optique .............................................................................................. 94
III.3.2.1 Effets de la variation du pourcentage en huile sur la structuration ..................................................... 94
III.3.2.2 Effets de la variation du pourcentage en émulsifiant sur la structuration........................................ 95
III.3.3 Validation des propriétés rhéologiques macroscopique des émulsions ......................................................... 97
III.3.3.1 Etude de l’impact de la concentration en huile IPP sur les propriétés rhéologiques
macroscopiques ........................................................................................................................................................................................ 97
III.3.3.2 Etude de l’impact de la quantité d’émulsifiants sur les propriétés rhéologiques
macroscopiques ..................................................................................................................................................................................... 104
III.3.4 Détermination des caractéristiques viscoélastiques multi-échelles en lien avec la structuration des
émulsions ........................................................................................................................................................................................................ 107
III.3.4.1 Effets de la concentration en huile .................................................................................................................... 107
III.3.4.2 Effet de la concentration en émulsifiants ....................................................................................................... 109
IV.3 Etude de l’impact des micro-organismes sur la structuration par un suivi microrhéologique
126
D.E.F.I. : device for exclusive formula integrity (dispositif exclusif de formule intacte soit
un dispositif de fermeture d’emballage pour assurer la stérilité du produit cosmétique)
HF : haute fréquence
Dans ce contexte, les émulsions cosmétiques - systèmes composés de deux fluides non
miscibles et stabilisés par des molécules amphiphiles (émulsifiants) - sont particulièrement
intéressantes par l’apparence qu’elles peuvent prendre (crèmes, pommades, fonds de teint,
etc.) et leur caractère malléable. Ces fluides complexes sont de ce fait très largement
répandus dans l’industrie cosmétique et représentent plus de 50 % des parts du marché
mondial. Pour qu’elles soient industriellement réalisables et qu’elles répondent au cahier des
charges des consommateurs, les émulsions renvoient à des questions relatives à leurs
préparations (procédés d’émulsification), à leurs propriétés intrinsèques (physico-chimiques
et sensorielles) et à leurs mécanismes d’altération (stabilité) et donc de conservation. Les
réponses à toutes ces questions supposent une compréhension et une maitrise des procédés
de formulations de plus en plus pointues en adéquation avec les exigences nouvelles
imposées par la législation.
Les travaux réalisés dans le cadre de cette thèse portent sur l’étude des caractéristiques
structurales à différentes échelles de mesure d’émulsions cosmétiques et de leurs impacts
sur la prolifération bactérienne. Ces travaux tentent de répondre à deux problématiques : 1/
peut-on corréler l’organisation et les modifications structurales d’une émulsion à sa
composition et à son domaine de stabilité ? 2/ existe-t-il un lien entre l’organisation
structurale d’une émulsion et le développement bactérien qui peut se faire en son sein ?
Pour pouvoir apporter des éléments de réponse aux problématiques exprimées plus
haut, il convient de les préciser davantage et celles-ci soulèvent les questions suivantes :
Le premier chapitre est consacré à une étude bibliographique. Les produits cosmétiques
et en particulier les émulsions y sont présentés. Une attention particulière est portée sur les
paramètres influençant la structuration et la stabilité des émulsions afin de décliner les
corrélations possibles entre les propriétés rhéologiques et la stabilité des émulsions.
Les troisième et quatrième chapitres sont consacrés aux résultats obtenus au cours de
cette thèse : ils décrivent les différentes étapes de mes travaux de recherche menés,
respectivement, sur les données structurales obtenues pour des émulsions contrôlées de
compositions variables et les suivis microbiologiques.
Ce manuscrit se conclut par une mise en perspective des résultats obtenus permettant
de mettre en évidence l’importance d’une approche multi-échelle pour la caractérisation des
L’ensemble des travaux présentés ont été réalisés au sein du laboratoire SATIE (systèmes
et applications des technologies de l’information et de l’énergie ; UMR 8029) sur les sites de
l’université de Cergy-Pontoise. Pour certaines expériences, des collaborations ont été
nécessaires notamment avec le LMSM (Laboratoire de microbiologie, signaux et
microenvironnement ; EA4312) à Rouen et la société GALDERMA à Nice.
Cette base de fluides complexes est très largement utilisée dans les industries
pharmaceutiques et cosmétiques pour obtenir des crèmes, des pommades ou des lotions
(plus liquides). On les retrouve aussi dans les produits de notre quotidien comme par
exemple en agroalimentaire (lait, beurre, vinaigrette, mayonnaise, etc.) et dans les produits
pétrochimiques ; dans ce cas il s’agit plutôt d’émulsions E/H (émulsions pétrolières, etc.).
1
Les émulsions sont des systèmes dont la vitesse de transformation (dégradation) est tellement faible qu’ils ont
l’apparence de la stabilité (définition du cnrtl). D’un point de vue énergétique, l’état métastable peut être assimilé à un
minimum local d’énergie.
paragraphe I.1.2.3) qui permet de quantifier l’affinité du tensioactif pour les phases aqueuses
et huileuses. Un autre concept de formulation introduit dans les années 80, est celui de la
température d’inversion de phase ou PIT pour « phase inversion temperature ». Elle
correspond à la température à laquelle se produit l’inversion d’une émulsion formulée avec
un tensioactif non ionique. Tous ces concepts de formulations révèlent l’influence majeure
des modifications de composition, de température ou de temps d’émulsification sur la
stabilité d’un produit [2]. Dans cette partie, l’influence de la composition ainsi que celle du
procédé d’émulsification dans le cadre d’émulsions simples H/E est développée.
Dans le cas d’une émulsion simple diluée H/E, nous distinguons deux phases liquides. Au
sein de ce mélange, des interactions sont possibles entre particules au sein d’une même
phase et entre les deux phases. Dans la phase continue aqueuse contenant des composés le
D’une part, on distingue les interactions attractives2 de Van der Waals qui, avec les
mouvements browniens, sont à l’origine de la floculation des particules. L’attraction entre
particules dispersées dans un solvant résulte en fait des interactions des nombreuses
molécules constituant ces particules avec la phase continue. Elle possède généralement une
portée effective de quelques dizaines de nanomètres3. Les interactions de Van der Waals
regroupent les interactions intermoléculaires dipolaires de faible intensité (Debye, Keesom et
London) qui rend-compte de la dissymétrie de répartition des charges électriques (positives
et négatives) de molécules ou de particules polaires, de par sa structure chimique (dipôle
permanent) ou de par son environnement proche (dipôle induits).
Figure I.1-1. Potentiels d’interaction DLVO : (A) pour deux particules en interactions et (B) pour différentes
concentrations salines (R : rayon de la goutte et r : distance entre les gouttes) [9].
Figure I.1-2. Formation d’une émulsion mixte contenant des gouttelettes lipidiques dont la surface est
différemment chargée suite à l’adsorption de lactoferrine (LF), chargée positivement, et de β-Lactoglobuline
(BLG), chargée négativement, à pH 6 [11].
Il est nécessaire d’apporter par agitation mécanique une énergie favorisant la formation
des gouttelettes dispersées. En effet, il est tout à fait possible de réaliser une émulsion à
température ambiante. Cependant, un apport d’énergie thermique permettant la
liquéfaction des composés constituants une émulsion constitue un complément (cet apport
thermique reste insuffisant pour former une émulsion). Le cisaillement de ce mélange
complexe favorise en fait la rupture de la phase dispersée en gouttelettes de plus en plus
fines. Et leur taille est d’autant plus petite que le taux de cisaillement (c’est-à-dire la vitesse
de cisaillement) est grand. Certains outils à fort taux de cisaillement tels que les
homogénéiseurs permettent une réduction importante de la taille des gouttelettes en
forçant la phase dispersée à passer au travers d’une zone confinée où elle est soumise à un
fort gradient de vitesse. Il existe cependant d’autres techniques telles que les procédés
ultrasonores (par cavitation) [15], ou à membranes (par cisaillement) [16], ou encore
l’homogénéisation haute pression [17]. Toutes ces techniques concourent à l’obtention d’un
panel d’émulsions plus ou moins stables présentant des tailles de gouttelettes variables et
contrôlables, dans une certaine mesure toutefois.
L’utilisation des ultrasons présente des avantages : une granulométrie plus petite, une
meilleure efficacité du tensioactif grâce à l’absence de perte par moussage et la possibilité de
disperser une fraction volumique d’huile plus élevée [20]. Cependant, elle présente
l’inconvénient que la sonde (sonotrode) produits des particules métalliques qui se détachent
pendant l’application des ultrasons (cet effet peut s’accompagner d’un dégagement de
chaleur localisé incontrôlé suivant la puissance appliquée). La Figure I.1-3 met en évidence
l’organisation interne variable d’une émulsion en fonction de la technique d’émulsification et
montre que l’émulsification par ultrasons permet une réduction de la taille des gouttes par
Figure I.1-3. Images de microscopie optique ( 200) d’émulsions simples H/E obtenues par trois méthodes
différentes d’émulsification et après deux semaines de stockage. A : agitation magnétique ; B : homogénéiseur ;
C : ultrasons [21].
Des émulsions submicroniques (100 nm < Ø < 1 µm) peuvent également être obtenues
en jouant sur les propriétés physico-chimiques des systèmes, grâce à des procédés
d’émulsification à basse énergie (agitation mécanique modérée < 1000 rpm). Ces méthodes
reposent sur la modification de la courbure spontanée des gouttes dispersées par l’ajout
d’un tensioactif dans les émulsions H/E. Ceci est le cas pour les tensioactifs non ioniques,
pour lesquels l’élévation de la température jusqu’à la PIT (température d’inversion de phase)
entraîne un changement d’affinité de l’émulsifiant pour les phases aqueuse et huileuse (la
PIT des tensioactifs non ioniques est corrélée à leur HLB, cf. paragraphe I.1.2.3). Il y a alors
transition d’une émulsion H/E à basse température vers une émulsion E/H à des
températures plus élevées. Pendant le refroidissement, l’interface phase continue/phase
dispersée passe spontanément par un point de courbure nul et une tension interfaciale
minimale, favorisant la formation de gouttelettes d’huile finement dispersées [24]. Ainsi, par
chauffage d’une émulsion H/E assez grossière, on obtient une émulsion E/H qui, par
refroidissement, conduit sous agitation mécanique modérée à une émulsion opalescente
voire bleutée, stable vis-à-vis de la sédimentation en raison de la finesse des gouttelettes
(diamètre moyen 120 nm) qu’elle contient.
Enfin l’émulsification par membrane est un procédé de faible énergie, qui permet
l’obtention d’émulsions peu concentrées contenant des gouttes de tailles régulières (Figure
I.1-4). L’un des procédés les plus utilisé est celui dit à courants croisés dans lequel on force la
phase dispersée à passer dans la phase continue, qui contient les tensioactifs, à travers une
membrane de microfiltration ou d’ultrafiltration. Par un choix judicieux des paramètres, tels
que le type de membrane, la taille moyenne des pores, la porosité, la vitesse de flux
transversal, la pression transmembranaire et le système d’émulsifiants, il est alors possible
de produire des émulsions avec des tailles de gouttelettes moyennes comprises entre 0,2 et
24 µm [16]. Cette méthode présente l’avantage d’être moins énergétique. Cependant l’un
des principaux facteurs limitant concerne la mise à l’échelle industrielle qui s’avère difficile
en raison du faible taux de production (le flux de la phase dispersée à travers la membrane
Figure I.1-4. Comparaison de deux émulsions simples H/E préparées à partir de kérosène, d’eau et de dodecyl
sulfate de sodium (SDS), émulsifiées par membrane (à gauche) ou par un homogénéiseur classique (à droite).
Sur ces images de microscopie optique la barre d’échelle indique 10 µm [25].
Système
Rotor-Stator Haute pression Ultrasons Membranes
d’émulsification
valve
mixeur, agitateur
d’homogénéiseur, jet
Exemples (Silverson, Ultra- sonotrodes membranes
disperseur,
Turrax)
microfluidiseur
cisaillement en flux
contrainte de
laminaire et/ou
cisaillement ou
contrainte de
Rupture des inertielle en cavitation en flux flux de phase
cisaillement ou
gouttelettes écoulement micro-turbulent dispersée
inertielle en
turbulent, cavitation
écoulement
en flux laminaire
turbulent
Diamètre minimal
1,0 0,1 0,1-0,2 0,2-0,5
des gouttelettes (µm)
Viscosité optimale faible à élevée faible à moyenne faible à moyenne faible à moyenne
(mPa.s) 20-5000 1-200 1-200 1-200
laboratoire / laboratoire /
Applications laboratoire laboratoire
industrielle industrielle
Tableau I.1-1. Comparaison de différents procédés d’émulsification [26].
Les émulsions simples sont généralement réalisées à partir d’un système de tensioactifs
composé d’un émulsifiant et d’un co-émulsifiant judicieusement choisis par rapport à leurs
valeurs de HLB (cf. paragraphe I.1.2.3). Lorsque la phase continue est aqueuse, l’émulsion est
dite huile dans eau (H/E). À l’inverse une phase continue huileuse est représentative d’une
émulsion eau dans huile (E/H). C’est principalement la nature du système émulsionnant qui
va déterminer le sens de l’émulsion obtenue (Figure I.1-5).
Figure I.1-5. En haut, images de microscopie optique d’une émulsion simple H/E [26] et photomicrographie
d’une émulsion multiple E/H/E [27]. En bas, schémas représentant des émulsions simples H/E et E/H et une
émulsion multiple E/H/E.
Les émulsions multiples, quant à elles, ont des morphologies plus complexes, puisque
leur phase dispersée est une émulsion. Dans le cas d’une émulsion de type E/H/E, une
émulsion E/H est dispersée dans une phase continue aqueuse. De manière analogue, on
obtient une émulsion H/E/H par la dispersion d’une émulsion H/E dans une phase continue
huileuse (Figure I.1-5). Ce type de formulation est très utilisé en pharmaceutique afin de
retarder la diffusion d’un principe actif à l’intérieur d’une crème par exemple.
Figure I.1-6. Image de microscopie à fluorescence confocale d’une émulsion simple H/E très concentrée
(ϕ = 0,77) [29].
4La fraction volumique correspond au rapport du volume de la phase dispersée (V dis.) sur le volume total des phases
constituant l’émulsion (Vdis. + Vcon.) : φ = Vdis./(Vdis. + Vcon.). Cependant, ce calcul ne tient pas compte des contractions de
volume induites lors d’un mélange de composés.
5
La densité de la phase aqueuse assimilable à de l’eau pure est très proche de 1, celle de la phase grasse est généralement
plus faible, aux environs de 0,9.
Figure I.1-8. Schémas des différents processus irréversibles conduisant à la démixtion d’une émulsion
cosmétique simple H/E : murissement d’Ostwald (en haut) et la coalescence (en bas) [30].
Les gouttelettes formées par l’émulsification sont stabilisées par des molécules
tensioactives appelées émulsifiants. Il s’agit de molécules amphiphiles généralement non
chargées (non ioniques, dans le cas des émulsions cosmétiques)7 constituées d’une tête
polaire et d’une queue apolaire. Du fait de leur structure bivalente, ces tensioactifs vont
s’adsorber et former des monocouches au niveau des interfaces eau/huile. Elles vont
permettre la réduction de la tension interfaciale et favoriser la formation d’émulsions
durables dont l’état dispersé demeure lorsque l’agitation mécanique cesse.
La capacité d’un tensioactif à réduire les tensions de surfaces, donc la nature des parties
hydrophiles et hydrophobes ayant plus ou moins d’affinité avec les deux phases d’une
émulsion, représente un critère de choix en vue d’obtenir une émulsion cinétiquement
6
La loi de Laplace, aussi appelée équation de Laplace-Young, lie la courbure de l’interface de deux milieux à la différence de
pression qui existe entre ces deux milieux. Ainsi, la pression est plus élevée dans une goutte d’huile qu’à l’extérieur de celle-
ci ; ceci dépend de la tension interfaciale et de la courbure moyenne de la surface.
7
Les tensioactifs rassemblent quatre grands groupes de molécules amphiphiles : des molécules anioniques (chargées
négativement) et amphotères (chargées à la fois positivement et négativement), qui sont généralement utilisées comme
agents moussants, mouillants et détergents, des molécules cationiques (chargées positivement) qui jouent très souvent le
rôle de bactéricide ou fongicide, et enfin des molécules non ioniques, qui sont peu irritants, biocompatibles et largement
utilisés dans la formulation des émulsions cosmétiques.
Griffin propose de calculer le HLB en fonction des masses molaires des parties
hydrophile et hydrophobe de la molécule tensioactive considérée. En 1961, Davies et Rideal
[31] proposent la formule empirique suivante :
Les valeurs de HLB s’étendent de 0 à 20 et sont répertoriées dans des tables en fonction
des groupements chimiques portés par les tensioactifs : plus la valeur de HLB est élevée plus
la molécule est soluble dans l’eau (Figure I.1-9).
Par conséquent les huiles ont une valeur de HLB requis (RHLB). De nombreuses valeurs
ont été déterminées expérimentalement en recherchant un émulsifiant, dont la valeur HLB
Il arrive aussi que la nature des composés tensioactifs et gras, favorise la formation de
cristaux liquides [37], [38]. Les cristaux liquides se caractérisent par la mise en place de
phases lamellaires dans la phase aqueuse et de bicouches de molécules émulsionnantes
autour des gouttes (Figure I.1-10).
Figure I.1-10. Représentation schématique de la formation de cristaux liquides dans une émulsion H/E. Les
émulsifiants sont représentés en orange (à gauche ; source : www.seppic.com). Image de microscopie optique
montrant des cristaux liquides dans une émulsion (à droite) [39].
8
Ce sont principalement les huiles qui possèdent des propriétés anisotropes vis-à-vis de la lumière notamment, c’est-à-dire
qu’elles ont des propriétés optiques qui varient en fonction de la direction considérée.
(i) la stabilité des actifs cosmétiques qu’il contient et de leur efficacité qui peut
évoluer cours du temps, il est nécessaire alors de s’assurer de leur fonctionnalité
au cours de l’utilisation par le consommateur ;
Ainsi, l’étude de la stabilité d’un produit cosmétique occupe une place importante lors
du développement en laboratoire et de la fabrication industrielle de celui-ci. Elle permet
notamment la détermination d’une date de durabilité minimale appelée durée limite
d’utilisation optimale (DLUO) et/ou d’une période après ouverture (PAO). Ces informations
sont présentes sur les emballages et permettent ainsi de garantir aux consommateurs la
sécurité, la qualité et la fonctionnalité de leur produit sur une durée préétablie. La DLUO
correspond à une date de péremption. Elle traduit la stabilité intrinsèque du produit
cosmétique en conditionnement fermé. Elle est déterminée par des tests de vieillissement
accéléré qui permettent un suivi de la stabilité physico-chimique principalement au cours du
temps. Ces tests ont pour objectif d’appréhender la résistance du produit cosmétique au
stockage et à l’expédition [47]. La PAO, quant à elle, est estimée à partir du risque
microbiologique, c’est-à-dire de la propension du produit cosmétique à être un milieu
propice à la contamination microbienne. Les instabilités microbiologiques seront
développées dans le paragraphe I.3.
Notons x la position d’un élément de volume sur l’axe longitudinal, z sa hauteur. Pour
une surface cisaillée S donnée en z = 0, la vitesse de déplacement des éléments de volume
entrainés varient suivant l’axe des z en fonction du gradient de cisaillement. Ce terme
également appelé taux de cisaillement, est noté 𝛾̇ , correspond à la variation de la
déformation au cours du temps et est exprimé en s–1.
(i) la contrainte, 𝜎, exprimée en Pa, est définie comme la force de cisaillement F par
unité de surface S imposée au fluide :
𝜎 = 𝐹/𝑆
𝜕𝛾
𝛾 = 𝑑𝑥⁄𝑑𝑧 𝑎𝑣𝑒𝑐 𝛾̇ =
𝜕𝑡
Figure I.2-1. Représentations d’un matériau au repos et soumis à des mouvements de cisaillement.
9
Une contrainte tangentielle est une contrainte appliquée de manière parallèle par rapport au matériau étudié.
𝜎=𝐺𝛾
𝜎 = 𝜂𝑎𝑝𝑝 𝛾̇
Par superposition des caractères visqueux et élastiques des émulsions, l’expression est
donnée localement par l’équation ci-dessous :
𝜂𝑛
𝜏𝑛 = (I.2-1)
𝐺𝑛
𝜎(𝑡, 𝜔) = ∑ 𝜎0 𝑒 (𝑖𝜔𝑡)
𝑛
𝛾(𝑡, 𝜔) = 𝛾0 e(i(ωt−δ))
Figure I.2-3. Courbes d’écoulements pour des fluides newtonien (1), rhéofluidifiant (2), viscoplastique (3) et
rhéoépaississant (4) [49].
Dans le cas des émulsions inverses E/H la nature de l’huile a un impact majeur sur les
propriétés rhéologiques finales de l’émulsion, permettant d’avoir des textures ayant une
Figure I.2-4. Évolution des viscosités apparentes en fonction de la vitesse de cisaillement pour des émulsions
mixtes, contenant des gouttelettes de tailles et de charges différentes, préparées en mélangeant deux
émulsions contenant des gouttelettes lipidiques respectivement enrobées de lactoferrine (LF) et de β-
Lactoglobuline (BL ) à pH 6. L : grosses gouttelettes ; S : petites gouttelettes ; + : gouttelettes cationiques ; – :
gouttelettes anioniques [53].
La sollicitation mécanique d’une émulsion induit le mouvement des gouttelettes les unes
par rapport aux autres. La rhéologie des émulsions est finalement directement liée au
comportement mécanique de la phase continue, à la granulométrie, aux interactions entre
gouttelettes, mais également à la déformabilité des gouttelettes (viscosité de la phase
dispersée). De plus, le vieillissement des émulsions entraîne des modifications de leurs
propriétés rhéologiques (du fait de nombreux facteurs : déshydratation, oxydation par l’air,
autres transformations chimiques éventuelles, contaminations biologiques, etc.). Dans un
10
Le fluage correspond à l’application d’une contrainte constante au matériau dont on suit la déformation au cours du
temps. Et la recouvrance représente la déformation au cours du temps du matériau une fois la contrainte supprimée.
Les matières premières contenues dans les émulsions (huiles, émulsifiants, polymères,
sels, etc., [63], [64]) sont des sources d’éléments nutritifs essentiels (carbone, oxygène,
azote, etc.) au développement des micro-organismes. Ces matières représentent autant de
substrats permettant la viabilité, voire la croissance de micro-organismes exogènes. En
revanche, outre l’apport en nutriments, les micro-organismes doivent être dans des
conditions environnementales adéquates de pH, de salinité, de température et de
disponibilité en oxygène et en eau, pour se développer de manière optimale [65]. Les
conditions de stockage et d’utilisation des produits cosmétiques varient généralement pour
des températures comprises entre 5 et 40°C en fonction du mode de transport, de la zone
géographique et des conditions de stockage et de rayonnage en magasin. Celles-ci coïncident
avec les températures de croissance des micro-organismes dits psychotrophes 11 et
mésophiles12 [62]. De plus, la plupart des germes ont un développement optimal dans des
11
Un micro-organisme psychrotrophe est adapté et capable de survivre à des températures comprises entre 0 et 37°C.
12
Un micro-organisme mésophile est prospère pour des températures comprises entre de 10 à 45°C.
La teneur en eau d’un produit cosmétique peut être évaluée par la notion d’activité de
l’eau, 𝑎𝑤 (pour activity of water). Celle-ci correspond à la part d’eau libre (et par conséquent
disponible pour le développement de micro-organismes) présente dans un produit. Il s’agit
du rapport entre la pression de vapeur d’eau d’un produit et la pression de vapeur saturante
de l’eau pure à la même température, 𝑎𝑤 est par conséquent sans unité. Elle est comprise
entre 0 (produit sec) et 1 (eau pure) : donc pour un produit donné, plus la valeur de 𝑎𝑤 est
élevée, plus le produit contient d’eau disponible. Une forte valeur de 𝑎𝑤 est nécessaire au
développement des bactéries, levures et moisissures [66], [67]. Pour indication, les valeurs
minimales d’𝑎𝑤 permettant la croissance de certains micro-organismes ubiquitaires sont
répertoriées dans le Tableau I.3-1.
Cependant, les produits cosmétiques n’étant pas soumis à une autorisation de mise sur
le marché, au contraire des médicaments, il est nécessaire pour l’industrie de s’assurer de
leur innocuité vis-à-vis du consommateur. Le Règlement cosmétique CE n°1223/2009 définit
les critères de spécificité d’une formulation à usage cosmétique. L’annexe I de ce règlement
exige la rédaction d’un rapport concernant la sécurité du produit et notamment sa qualité
microbiologique. L’objectif est de protéger l’utilisateur de toute contamination qui pourrait
(i) Pseudomonas aeruginosa ATCC® 9027TM (agent biologique de niveau 2), bactérie
gram négative, ubiquitaire (air, eau douce, eau de mer, sols humides, etc.),
commensale des muqueuses humaines, qui peut être pathogène ;
(ii) Staphylococcus aureus ATCC® 6538TM (agent biologique de niveau 2), bactérie
gram positive, ubiquitaire, commensale de l’homme et des animaux, qui peut être
pathogène ;
(iii) Escherichia coli ATCC® 8739TM (agent biologique de niveau 1), bactérie gram
négative, entérique, il existe des souches pathogènes, dont certaines sont
responsables d’infections humaines entériques, urinaires, pulmonaires, etc., mais
qui diffèrent de l’espèce intestinale commensale de l’homme ;
(iv) Candida albicans ATCC® 10231TM (agent biologique de niveau 1), champignon
(levure) commensal humain ;
(v) Aspergillus niger ATCC® 16404TM (agent biologique de niveau 1), champignon
ubiquitaire.
La croissance des bactéries sous forme de biofilm, par définition s’oppose à celle en
milieu liquide dite planctonique. Les biofilms sont localisés aux interfaces solide/liquide,
liquide/air ou solide/air. Ils se définissent comme un consortium de micro-colonies
essentiellement bactériennes enrobées d’une matrice d’exopolymères, adhérant sur une
surface inerte ou vivante [68] (Figure I.3-2). Le développement de biofilms pose des
problèmes dans les industries agroalimentaires, de production et de distribution d’eau
potable, dans le monde médical, mais également dans l’industrie cosmétique.
13 https://www.atcc.org/
La formation de biofilm dans le cas des émulsions cosmétiques a lieu aux l’interfaces
crème/air et crème/contenant. Les études réalisées par l’industrie alimentaire ont montré
que l’accumulation de nutriments à la surface du contenant favorisait la formation de
biofilms. Il semblerait également que l’organisation sous forme de macro-colonies permet un
transfert plus rapide des nutriments que pour les cellules bactériennes isolées évoluant dans
un milieu liquide. La nature du contenant et ses propriétés physico-chimiques peuvent
affecter le processus de formation du biofilm [68].
Les conservateurs sont utilisés afin de protéger un produit cosmétique des altérations et
des contaminations pouvant se produire lors de leur production ; mais ils ont également un
rôle de protection lors de l’utilisation du produit par l’utilisateur. En effet, la réglementation
cosmétique CE n°1223/2009 définit par « agents conservateurs » les substances qui sont
exclusivement ou principalement destinées à empêcher le développement de micro-
organismes dans le produit cosmétique. En Europe, les conservateurs antimicrobiens
pouvant être utilisés sont inscrits sur la liste positive de l’annexe V de la directive cosmétique
européenne (arrêté du 6 février 2001 pour la législation française). Celle-ci fixe également
leurs concentrations, leurs limites et conditions d’utilisation.
L’utilisation des conservateurs en cosmétique est un sujet central de nos jours. En effet,
suite à l’utilisation de molécules controversées, et notamment des parabènes, les
consommateurs sont de plus en plus attentifs à la composition et aux systèmes de
conservation présents dans leurs produits. La liste positive de l’annexe V définit les
conservateurs d’origine synthétique autorisés en cosmétique. Cependant, avec la tendance
grandissante du naturel et du biologique, aujourd’hui les industriels tendent à utiliser des
conservateurs d’origines naturelles. Ce sont principalement des huiles essentielles, dont les
propriétés antimicrobiennes et antifongiques ont été le centre d’intérêt de nombreuses
recherches. Cependant, ces huiles essentielles étant des mélanges complexes de plusieurs
dizaines de molécules différentes [69], elles sont souvent allergènes, photosensibles, ont des
propriétés médicinales ou curatives et présentent un inconvénient en matière de
formulations de par leurs odeurs et couleurs très marquées ainsi que leur coût élevé [70].
14
http://www.mybiolumix.com
15
http://www.biomerieux.fr/
Figure I.3-3. Flacons utilisés pour la détection du CO2 avec le système BioLumix (à gauche) et BacT/Alert 3D (à
droite). Sources : www.mybiolumix.com et www.biomerieux.fr/diagnostic-clinique/bactalertr-3d-systeme-de-
detection-microbienne.
Par exemple, l’eau est le constituant majoritaire de la plupart des produits cosmétiques.
Elle influence la structure, l’apparence, la conservation, etc., des cosmétiques, mais elle
permet aussi aux bactéries de se développer et de dégrader les composants des produits. Il
n’est donc pas étonnant que l’un des critères les plus importants pour contrer le
développement bactérien soit la mesure de la quantité d’eau suffisante et disponible pour la
croissance de micro-organismes, les réactions chimiques, biochimiques ou un changement
d’état. Cette quantité d’eau nécessaire qualifiée d’« eau libre » ou « eau disponible » [76] est
estimée par l’activité de l’eau 𝑎𝑤 (cf. paragraphe I.3.1). Ainsi, en termes de formulation, il est
possible de réduire l’activité de l’eau en utilisant des molécules qui vont capter les molécules
d’eau, soit en formant des liaisons hydrogènes avec l’eau (des humectants tels que le
glycérol, le propylène glycol ou le sorbitol, etc.), soit en réduisant la mobilité de l’eau (des
polymères tels que la gomme de xanthane, la gomme de guar, etc.) [71]. Le laboratoire
Novexpert16 développe des produits sans conservateurs au moyen d’une production assurant
la stérilité de leurs produits, associée à l’utilisation d’un gélifiant breveté mettant ainsi en
évidence l’efficacité de mélanges de pentylène glycol et d’Acnacidol BG 17 contre les
pollutions microbiennes et ceci pour des faibles doses de 2 à 4%. Les effets désagréables
(collant) des polyols sur la texture et la sensorialité sont donc limités ainsi que le coût du
produit [77].
Il est également possible d’influer sur la prolifération microbienne en jouant avec les
autres matières premières qui composent une émulsion. En effet, certains tensioactifs [78],
[79], acides gras, esters (glyceryl caprate, glyceryl caprylate, glyceryl laurate)18 et chélatants
(molécules utilisées en parfumeries) [80] ont des propriétés antimicrobiennes ou permettent
de renforcer celles du conservateur. C’est ainsi le cas pour le polysorbate 8019 qui est une
molécule tensioactive très largement utilisée dans les formulations cosmétiques mais
également dans la préparation des aliments et des médicaments à des concentrations
comprises généralement entre 0,1 et 5%. Il a été montré qu’à des concentrations dix fois plus
16
http://www.novexpert-lab.fr
17
Pentylène glycol (nom INCI) : 1,2-dihydroxypentane (nom chimique), numéro CAS : 5343-92-0 ; Acnacidol BG : butylene
Glycol (and) 10-Hydroxydecanoic Acid (and) Sebacic Acid (and) 1,10-Decanediol.
18
Glyceryl caprate (nom INCI), numéro CAS : 26402-22-2 ; glyceryl caprylate (nom INCI), numéro CAS : 26402-26-6 ; glyceryl
laurate (nom INCI) : 2,3-dihydroxypropyl laurate (nom chimique), numéro CAS : 27215-38-4 / 142-18-7
19
Polysorbate 80 (nom INCI) : polyoxyethylenesorbitan monooleate (nom chimique), numéro CAS : 9005-65-6.
La stérilisation par autoclave quant à elle est largement utilisée pour les dispositifs
médicaux, en laboratoire de microbiologie. Il s’agit d’une stérilisation par la vapeur d’eau. En
revanche, son utilisation pour la stérilisation des émulsions est complexe car elle peut
induire des phénomènes déstabilisant l’émulsion. L’autoclave nécessite donc le
développement de formules spécifiques qui résistent aux 121°C sous une faible pression (2
bar, au regard de celle imposée par les stérilisations par haute pression) et pour une durée
de 15 à 20 minutes imposées par cette méthode [96], [97].
Figure I.3-4. Images de microscopie électronique à transmission montrant les morphologies de colonies de
Pseudomonas aeruginosa après 24 h passées dans un gel d’agar : à 0,5% (morphologie sphérique, à gauche) ; à
1% (morphologie convexe, à droite) [100]. Les colonies convexes ont une densité plus élevée en cellules
bactériennes.
Figure I.3-5. Schéma (à gauche) et image micrographie optique (à droite) montrant la croissance d’une
population microbienne mixte (bactéries lactiques, coliformes et staphylocoques) dans un échantillon de
fromage [108], [109]. Le fromage, considéré comme un fluide complexe, est réalisé à partir de lait se trouve être
une émulsion.
En effet, la physiologie des bactéries est modifiée en milieu complexe ; elles s’adaptent
comme si elles étaient soumises à un stress induit par la présence des gouttelettes. Ce stress
peut correspondre à une gêne stérique qui peut perturber l’accès des bactéries aux
nutriments du milieu. Outre la présence des gouttelettes d’huile, la concentration de cette
phase grasse semble également influer. Dans l’étude menée par Prachaiyo et
Mclandsborough [110], le temps de génération d’Escherichia coli (E. coli) augmente lorsque
la concentration en hexadécane (composant la phase grasse) augmente au sein de
l’émulsion, tandis que la densité des cellules en phase stationnaire diminue. Ils expliquent
l’augmentation du temps de génération des bactéries dans les émulsions, d’une part, par la
diminution de l’espace disponible, car l’espace entre les gouttelettes dans les émulsions
(environs 1 à 2 µm) est similaire au diamètre des cellules bactériennes (environs 1 à 5 µm) et,
d’autre part, par la limitation à l’accès aux nutriments étant donné que leur diffusion est plus
lente dans les émulsions riches en huile. Chez E. coli, on note une production plus
importante de structures extracellulaires protéiques nommées Curli lorsque les bactéries
évoluent dans une émulsion par rapport à un milieu de culture liquide classique (Figure I.3-6)
[110]. Ces Curli sont des complexes protéiques qui jouent un rôle important dans la
formation et l’adhésion des biofilms d’E. coli [111], [112]. La croissance sous forme
Figure I.3-6. Images de microscopie électronique à balayage de colonies de E. coli 0157 H7 en phase
stationnaire cultivées : dans un milieu de culture minimum complété par 0,4% de glucose (à gauche) et dans
une émulsion à 40% à hexadécane complétée par 0,4% de glucose (à droite) [110]. Dans cette seconde
émulsion, les colonies sont recouvertes de Curli.
Le développement des micro-organismes dans les milieux complexes que sont les
émulsions est dépendant du type de micro-organisme considéré et des propriétés physico-
chimiques de celles-ci, mais également de leur architecture à l’échelle microscopique. Il
semblerait que leurs croissances puissent être perturbée et ralentie, aboutissant parfois à
des changements de leurs physiologies ; cependant leur inhibition n’est pas totale.
I.4 CONCLUSION
L’industrie cosmétique offre un large choix d’émulsions possible ayant des compositions,
des textures et, par conséquent, des structures internes différentes. Dans ce domaine,
l’innovation est rendue possible notamment par la découverte et le développement de
nouveaux ingrédients et de nouveaux procédés d’émulsification. Pour autant, l’optimisation
de la stabilité physique d’un cosmétique au cours de son vieillissement (stockage,
conservation, utilisation) demeure un objectif invariable et récurrent. Les phénomènes
d’instabilités propres aux émulsions sont décrits et étudiés depuis de nombreuses années et
les méthodes de caractérisations des produits cosmétiques évoluent pour une meilleure
compréhension. Les phénomènes d’instabilités se déroulant à une échelle microscopique,
voire moléculaire, leurs liens avec les propriétés macroscopiques ne sont pas toujours
évidents à établir.
C’est pourquoi l’étude de la structure des émulsions à travers le suivi des propriétés
rhéologiques à différentes fréquences (donc échelles) d’investigation devrait permettre, par
exemple, d’apporter des réponses supplémentaires pour appréhender les interactions, les
évolutions d’un produit, et éventuellement faciliter le développement d’émulsions plus
stables ou ayant une meilleure stabilité quelles que soient les conditions de production ou de
conservation.
Par ailleurs, les contaminations microbiennes peuvent venir perturber la stabilité de ces
fluides complexes que sont les émulsions, dans un contexte où l’utilisation des systèmes
conservateurs est de plus en plus controversée. Des solutions alternatives sont actuellement
à l’étude. Elles reposent principalement sur l’ajustement des paramètres physico-chimiques
du produit (composition, pH, 𝑎𝑤 , etc.) permettant d’inhiber la croissance des micro-
organismes [124]–[126]. De surcroit, les interprétations courantes décrivant la croissance
microbienne dans les émulsions reposent sur des conceptions d’ordre stérique :
l’architecture des gouttelettes de la phase dispersée limitant la disponibilité en l’eau, l’espace
et l’accès aux nutriments. La présence de réseaux complexes gélifiés et bi-phasiques entraîne
l’immobilisation des bactéries qui sont contraintes à former des colonies ou des biofilms. Les
critères de taille de gouttelettes et de concentration semblent être des facteurs très
importants influençant le développement des micro-organismes dans les émulsions. Ces
différentes explications laissent à penser qu’en faisant varier de façon idoine l’organisation
intrinsèque et les propriétés physico-chimiques des émulsions, il serait possible de limiter, ou
mieux, d’empêcher le développement des micro-organismes. C’est dans cette démarche que
mon travail de thèse s’inscrit. L’étude de la structure des émulsions par des outils
d’investigation multi-échelle, dont la rhéologie ultrasonore, devrait permettre d’apporter des
réponses complémentaires aux travaux cités ci-dessus. En effet, en jouant sur l’organisation
microscopique des émulsions, les rapports eau/émulsifiants/huile, ou la morphologie des
gouttelettes dispersées (encombrement stérique, etc.), il serait ainsi possible d’établir un
(des) lien(s) entre le domaine de stabilité et le contrôle microbiologique des émulsions
cosmétiques.
II.1.1.1 L’eau
Premier ingrédient et non des moindres puisqu’il est majoritaire en masse dans la
quasi-totalité des produits cosmétiques. Le choix s’est porté sur une eau stérilisée de qualité
milliQ® : eau de qualité constante et contrôlée.
Figure II.1-2. Structure des monomères d’acrylate et d’alkyl acrylate (R’ : groupes alkyl à longues chaînes).
Pour les trois types de Carbopol, la formation d’un réseau tridimensionnel passe par
une ionisation des fonctions carboxylates grâce à une neutralisation avec une base (ici, la
soude) ; les fonctions carboxylates ainsi formées permettent de déployer le polymère par
répulsions électrostatiques à travers toute la formulation. L’assemblage et l’empilement de
tout ce qu’on appelle des « microgels22 » constituent le gel [122]. Ces polymères se
22 Les microgels représentent des pelotes de gels sous formes colloïdales. Ce sont les interactions entre les différentes
microgels (liaisons hydrogènes, électrostatiques, etc.) qui vont influer sur les propriétés mécaniques et optiques de
l’hydrogel global [132].
Figure II.1-3. Effet du pH sur la viscosité à 25°C pour différents Carbopol dispersés dans l’eau (0,5%). La
neutralisation a été réalisée avec de la soude à 18% et les mesures de viscosité avec un viscosimètre Brookfield
RVT. Source : Fiche technique du Carbopol Ultrez 21 datant du 6 Novembre 2002, Lubrizol.
Les chaînes alkyles portées par les carbopols permettent une meilleure stabilisation
par la formation de microgels adsorbés autour des gouttelettes d’huiles. En ce qui concerne
le Pemulen TR-1 par exemple, il est constitué de très longues chaînes hydrophobes offrant
une affinité pour la phase grasse et par conséquent, il possède des propriétés à la fois
gélifiante et émulsionnante.
Le palmitate d’isopropyle (nom INCI : Isopropyl palmitate, IPP, numéro CAS : 142-91-
6) est une huile synthétique incolore et inodore fournie par BASF. Elle est obtenue par
l’estérification de l’acide palmitique et de l’alcool isopropyle (Figure II.1-4).
3
Figure II.1-4. Structure de l’IPP (densité à 20°C de 0,852 g.cm et HLB requis = 11,5).
Les émulsifiants Eumulgin SMO 20 (nom INCI : polysorbate 80, P80, numéro CAS :
9005-65-6) et Cutina GMS (nom INCI : glyceryl monostearate, GMS, numéro CAS : 50825-78-
0) sont des tensioactifs non ioniques fournis par BASF. Il est important de noter que le P80 a
une tête polaire volumineuse et joue le rôle d’émulsifiant tandis que le GMS, dont la tête
polaire est moins volumineuse, vient renforcer l’action de l’émulsifiant principal sur les
gouttelettes huileuses en s’intercalant entre les molécules de P80 et joue donc le rôle de co-
émulsifiant. Il est courant d’utiliser des couples d’émulsifiants pour stabiliser au mieux les
émulsions [124] (Figure II.1-5).
Ces deux tensioactifs sont largement utilisés dans l’industrie cosmétique pour
stabiliser les émulsions et améliorer leurs textures. Le P80 (HLB = 15) est utilisé
habituellement comme émulsifiant et tensioactif. Le GMS (HLB = 3,8) est régulièrement
utilisé comme agent épaississant, émulsionnant, antiagglomérant et conservateur.
Le HLB requis de l’huile (IPP) étant de 11,5 ; il convient donc d’utiliser un rapport
massique relatif 70/30 (P80/GMS) afin d’optimiser la stabilité de l’émulsion. En effet pour
rappel, les valeurs de HLB sont les suivantes : P80 (HLB = 15) et GMS (HLB = 3,8). Et selon la
théorie de Davies et Rideal, le calcul des rapports permet d’obtenir une valeur de HLB
proche de celle requise pour l’IPP :
Nous avons donc utilisé un rapport relatif de 70% de P80 pour 30% de GMS. De plus,
une phase d’optimisation de formule a permis de déterminer la quantité globale de
tensioactifs fixée à 6% pour stabiliser l’émulsion contenant 15% d’IPP. En effet, le choix
d’une émulsion à 15% d’huile reposait sur la volonté d’obtenir une émulsion simple diluée et
de texture pas trop épaisse. Pour une concentration d’huile fixée à 15%, des émulsions ont
Toutes les matières premières sont pesées avec une balance de précision
(d = 0,0001 g), excepté l’eau pour laquelle est utilisée une balance de précision moindre
(d = 0,01 g). L’eau utilisée est de qualité milliQ®. Les pourcentages des matières premières
utilisées pour l’émulsion de référence ont été définis suite à une phase de développement
dont l’objectif était d’obtenir une émulsion stable macroscopiquement sur deux mois au
moins.
Le Carbopol ETD 2050 est déposé dans un bécher avec l’eau et mis de côté un
moment pour lui laisser le temps de se disperser (phase A). Tous les ingrédients de la phase
B sont déposés dans un second bécher. Puis parallèlement, les deux phases sont chauffées à
80°C avec une agitation modérée (avec un barreau aimanté à 400 rpm). Lorsque les deux
phases sont bien liquides et homogènes visuellement, qu’elles ont atteint 80°C, la phase B
est incorporée à la phase A, puis le tout est mis sous agitation à l’ultra Turrax T 18 IKA (rotor-
stator S18N-19G) pendant 10 minutes à 10000 rpm. L’émulsion est laissée à refroidir jusqu’à
atteindre la température ambiante sous agitation modérée (200 rpm) à l’aide d’une
L’émulsion ainsi formée est conservée à 25°C (à l’étuve) pendant 24 heures afin de
s’assurer de sa maturation (organisation des particules dispersées, murissement d’Ostwald).
Le lendemain (J+1), le pH est contrôlé et ajusté au besoin. Cette formule de référence
représente une émulsion pivot à partir de laquelle des modifications de rapports ou de
constitution de matières premières seront effectuées dans le cadre des différentes
manipulations réalisées. Le protocole de formulation demeure le même pour toute les
formules présentées dans la thèse.
A noter, le P80 a une concentration micellaire critique dans l’eau de 15 mg.L –1 (Sigma-
Aldrich). Celle-ci est largement inférieure à la concentration du P80 dans les émulsions
formulées (42 g.L–1). Le GMS quant à lui, possède une concentration micellaire critique dans
l’eau déterminée par mesure de conductivité [129] de 4,5.10-2 mol.L-1 soit 16,1 g.L–1. La
concentration micellaire critique n’est donc pas atteinte pour cet émulsionnant.
Conditions
Conditions normales Contrôles Mesures, observations
extrêmes
50°C, obscurité Caractéristiques
(étuve) 5°C, obscurité organoleptiques, pH,
25°C, obscurité
25°C, lumière (réfrigérateur) conductivité, rhéologie,
naturelle microrhéologie*
Tableau II.1-2. Conditions de stockage pour le suivi du vieillissement accéléré (* uniquement pour la formule de
référence).
Les essais de formulation ont été soumis à une dégradation forcée par centrifugation (10
minutes, 10 621 g, à température ambiante) le lendemain de la formulation afin de
déterminer les conditions de rupture de stabilité. Les essais, ayant présenté des démixtions
après centrifugation, ont été considérés comme non stables. La résistance à la centrifugation
dépend directement de la différence de densité entre la phase aqueuse et la phase huileuse,
mais également du système émulsionnant. Une résistance à la centrifugation reflète
l’efficacité du système émulsionnant présent dans la formule [130] [131]. A noter que les
conditions de centrifugation (temps, vitesse de rotation, etc.) sont très variables en fonction
des équipes de recherches (Tableau II.1-3). Notre choix s’est porté sur des conditions de
centrifugation similaires à celles utilisées dans l’étude de Roland [3], à savoir : 10 minutes, 20
mL, à 25°C, 10 000 rpm (10 621 g correspondant à la vitesse maximale de l’appareil utilisé).
Vitesse de centrifugation
Température (°C) Volume (mL) Durée (min) Références
(g ou rpm)
1529 g- 10000 rpm 25 20 10 [3]
5000/10000/15000 g 5/20/40 - 20/40/60 [132]
3500 g 20 10 45 [133]
3000 rpm 25 10 30 [134]
2000/4000/12000 g - 50 60 [135]
Tableau II.1-3. Conditions de centrifugations pour différentes études sur les émulsions.
Pour s’assurer de la stabilité des émulsions préparées par la suite, une observation
est faite le lendemain de leur formulation, dans des conditions de stockage à 25°C dans
l’obscurité.
Les mesures de pH sont réalisées avec un pH-mètre Hanna instrument (Edge kit pH
HI2020) muni d’une électrode spécialement conçue pour les émulsions (HI10530) à 25°C. Les
mesures de pH sont faites au moment de la formulation lors de l’ajustement du pH de
l’émulsion à J0, puis le lendemain à J+1 pour vérification, puis lors des suivis en stabilité sur
les premiers essais de formulation.
Afin d’observer l’arrangement des gouttelettes d’huile dans les émulsions et également
avoir une idée de la taille de celles-ci, des images de microscopie optique sont réalisées avec
un microscope Leica DMLB 100. Pour cela, 3 à 4 mg d’émulsion sont déposés entre lame et
lamelle préalablement lavées avec un mélange Piranha (acide sulfurique H2SO4/peroxyde
d’hydrogène H2O2 ; 4/1 en volume), puis rincées à l’eau et à l’éthanol et enfin séchées au
four à 180°C. Les observations sont faites au grossissement 63 (soit un grandissement de
0,77 en tenant-compte du grossissement de l’oculaire) à température ambiante sur des
lames préparées extemporanément.
Une estimation de la taille des gouttelettes a été réalisée sur les échantillons non-dilués
à l’aide d'un logiciel de traitement et d'analyse d’images (ImageJ®). Chaque élément (goutte)
de l'image est détecté afin de mesurer son diamètre, les éléments se chevauchant et les
éléments liés aux bords de l'image sont rejetés. Environ 400 éléments sont sélectionnés pour
constituer la distribution granulométrique de chaque population de gouttes (nombre
minimal requis pour assurer un échantillonnage correct d'une population d'éléments
discrets).
Figure II.2-1. Schéma des différentes géométries des rhéomètres : (a) plan-plan (h la hauteur de l’entrefer, r le
rayon du disque) ; (b) cône-plan (α l’angle entre le cône et le plan horizontal, θ l’angle entre le cône et l’axe
vertical, r le rayon du disque) ; (c) couette (Ri le rayon du cylindre interne, Re le rayon du cylindre externe, H la
-1
hauteur du cylindre interne). Ω et C sont respectivement la vitesse de rotation en rad.s et le couple transmis en
N.m [49].
Figure II.2-2. Propagation d’une onde de cisaillement à travers un fluide complexe de type émulsion. Les ronds
jaunes représentent les gouttelettes d’huile dispersées dans une phase aqueuse en bleu. Pour plus de clarté, le
schéma n’est pas à l’échelle.
La chaîne de mesure est donc composée d’un capteur piézoélectrique disposé dans
une cellule porte échantillon (commercialisée par Q-senseTM) maintenue à température
Figure II.2-3. Schéma de la chaîne de mesure complète pour le suivi microrhéologique de fluide complexes.
Les modifications de l’onde ultrasonore propagée dans le milieu sont mesurées par
réflectométrie. En pratique, ces informations sont accessibles à l’aide d’un analyseur de
réseau (Agilent) qui mesure la variation d’impédance électrique du capteur piézoélectrique
chargé (c’est-à-dire en contact avec le milieu). Le capteur est donc utilisé en
émission/réception et l’on peut alors montrer que [127], [128] :
𝑒𝑙𝑒𝑐 ∗ (𝜔)
𝑍𝑐ℎ𝑎𝑟𝑔𝑒 = 𝐾𝑚𝑒𝑐𝑎 √𝜌𝑚 𝐺𝑚 (II.2-1)
𝑒𝑙𝑒𝑐
où 𝐾𝑚𝑒𝑐𝑎 est un coefficient de transduction dépendant de la géométrie du capteur et de ses
propriétés piézoléctriques, 𝜌𝑚 est la masse volumique du fluide étudié et G* est le module
complexe de cisaillement du matériau représentatif des propriétés viscoélastiques du milieu
à la fréquence considérée.
Pour chaque expérience, une étape de calibration est réalisée par la mesure de 1,0 g
d’eau milliQ® déposé sur le quartz. A l’issue de cette étape, 1,0 g d’émulsion est déposé sur
le quartz pour réaliser la série de mesures des propriétés viscoélastiques au cours du temps.
La cellule porte échantillon est recouverte par un film adhésif et étanche afin de protéger
l’échantillon analysé des poussières, de limiter l’évaporation d’eau et les déviations de
mesure. Les mesures sont réalisées à température constante et contrôlée (généralement
25°C et 28°C pour ce qui a trait à la microbiologie), à une seule fréquence (3 e harmoniques,
15 MHz).
Figure II.2-4. Les différents types de cellules de mesures utilisées pour les mesures microrhéologiques
d’émulsions. A gauche quartz sur cellule Q-sens. A droite quartz monté sur support placé verticalement.
Pour les mesures de suivi de développements bactériens dans les émulsions une
géométrie de cellule différente a été développée et utilisée. Le capteur est monté sur un
support plat qui peut alors être plongée verticalement dans un grand volume d’émulsion, ce
qui permet d’éviter les phénomènes de sédimentation sur le quartz, possibles en cas de fort
développement bactérien, ou encore la déshydratation de l’émulsion testée qui peut se
produire lorsque l’on travaille sur plusieurs jours ou semaines de mesures.
II.3.1 Préparation
En microbiologie, l’étude des souches microbiennes nécessite la préparation de
milieux de cultures nutritifs solides ou liquides. Ils jouent le rôle de support pour la
multiplication cellulaire, pour l’identification de souches (milieux sélectifs) et aussi pour le
dénombrement des colonies.
Les milieux de cultures solides, la gélose TSA (Tryptic Soy Agar), et les milieux de
cultures liquides, le bouillon TSB (Tryptic Soy broth, TSB), qui sont utilisés, correspondent à
des milieux nutritifs déshydratés issus du commerce (VWR). Ces milieux sont utilisés pour les
micro-organismes qui ne présentent pas d’exigences particulières. Une solution de sérum
physiologique (chlorure de sodium à 9 g.L–1, pH 7) est également utilisée pour les dilutions.
Le matériel, les milieux de cultures ainsi que les émulsions utilisées pour les tests
microbiologiques sont stérilisés par autoclave (20 minutes à 121°C et 2 bar). Toutes les
manipulations de la préparation sont réalisées sous un poste de sécurité microbiologique
(PSM) afin de travailler sous atmosphère stérile. L’eau utilisée pour les préparations est de
qualité milliQ® et systématiquement stérilisée par autoclave avant utilisation.
Les bactéries P. fluo. 76A sont stockées à –80°C. A partir d’une colonie isolée sur
gélose TSA, une pré-culture de nuit (en bouillon TSB sous agitation à 180 rpm et à 28°C) est
systématiquement lancée avant chaque expérimentation.
Dans un premier temps, nous procédions à une dilution du milieu de culture pour
obtenir une concentration de 105 UFC.mL–1 comme recommandée par la pharmacopée
européenne. Nous travaillions avec des inoculas de 50 µL (5 x 10 µL) de culture bactérienne
à 105 UFC.mL–1 pour 5 g d’émulsion contenue dans des piluliers en verre soit une
concentration finale de 103 UFC.mL–1. Le schéma d’ensemencement est repris en Figure
II.3-1.
Par la suite les pots sont agités quelques secondes au vortex, puis stockés 28°C sous
agitation (agitateur rotatif orbital à 180 rpm). La durée de stockage varie en fonction du
nombre de jours pendant lesquels la croissance est suivie. Il faut prévoir un pot par jour de
suivi de croissance. Cette méthode d’ensemencement permettait d’inoculer une grande
quantité de bactéries dans une partie de l’émulsion proche de la surface donc bien
oxygénée. En revanche les multiples prélèvements à la micropipette sur des petits volumes
apportaient une incertitude sur la concentration en bactéries inoculée dans le volume total
d’émulsion et donc sur la concentration initiale en bactéries (t0). A partir des 5 g d’émulsion
contaminée, 1 g était prélevé afin de réaliser les mesures de microrhéologie (Figure II.3-1). Il
n’est pas évident que le prélèvement du gramme d’émulsion, même après
homogénéisation, ait été représentatif de l’ensemble du contenu des 5 g d’échantillon
inoculé, et par conséquent cela induit un biais, une variabilité et des problèmes de
reproductibilité.
Connectique du capteur
Bouchon Téflon
Inoculât de P. fluo
Quartz piézoélectrique
Tube stérile de 50 mL
Crème stérile / contaminée
Figure II.3-2. Dispositif pour la contamination forcée d’émulsion et le de suivi de croissance bactérien par
microrhéologie.
A partir de cette émulsion pré-diluée, des dilutions en cascade sont réalisées (100 µL
pour 900 µL d’eau physiologique ; Figure II.3-3). Ces dilutions en cascades sont réalisées
dans des tubes stériles de 15 mL. Entre chaque prélèvement une agitation au vortex est
nécessaire pour assurer l’homogénéité du contenu des tubes.
Pour finir, 100 µL de chaque dilution sont étalée sur une boite de pétri contenant de la
gélose TSA, à raison de deux boites de Pétri par dilution. L’étalement au râteau est fait
jusqu’à ce que la culture se soit bien imprégnée dans la gélose, puis les boîtes de Pétri sont
stockées à 28°C pendant 18 à 24 heures. Le lendemain, les colonies présentes dans chaque
boite sont dénombrées et la concentration en bactéries initialement présente dans
l’émulsion au moment du prélèvement peut être déduite [137]. Ce protocole, s’inspirant du
challenge test est une méthode de dénombrement complexe et longue à mettre en œuvre et
couteuse en consommables.
Φ
0 0,58 0,64 1
Fraction volumique entre phases (dispersée – continue)
Figure III.1-1. Comportement schématique structurel et rhéologique des émulsions en fonction de la fraction
entre phases (selon [141]).
De manière réciproque, les forces répulsives peuvent être régulées par la proportion
dans la phase continue d’un tensioactif. La concentration de ce tensioactif joue donc un rôle
clé sur l’équilibre thermodynamique et la stabilité de l’ensemble. A priori, comme on l’a
établi pour le P80, dans nos préparations, on se situe bien au-dessus des concentrations
micellaires critiques (de l’ordre d’un facteur 100 pour le P80).
L’optimisation des propriétés rhéologiques des lotions et des émulsions peut alors être
obtenu par un ajustement pertinent de la proportion d’huile, d’émulsifiant et du processus
d'émulsification pour modifier la distribution de la taille des gouttelettes et leur
réarrangement. Réciproquement une étude judicieuse des contraintes par rapport aux
déformations doit permettre d’anticiper l’optimum des réarrangements améliorant la
stabilité [144].
23
La coalescence conduit à une diminution du nombre de gouttelettes par unité de volume, ce qui conduit inévitablement à
une évolution des propriétés rhéologiques de l'émulsion [50].
A partir du taux relatif en émulsifiant 70/30 (P80/GMS) établi par le calcul de la HLB,
différentes émulsions ont été développées. Pour cette étape, la quantité d’IPP dans la
formule a été fixée à 15% (c’est à dire la concentration d’huile) dans un objectif de respect
simultané de plusieurs critères : stabilité, émulsion standard suffisamment diluée et aspect
macroscopique représentatif des émulsions en cosmétique.
Le second critère consiste à suivre la stabilité des systèmes ayant résisté au test de
centrifugation en les stockant pendant deux mois sous deux conditions extrêmes : à 50°C
dans le noir ; à 25°C dans le noir et à la lumière du jour.
Afin de limiter les phénomènes de floculation et de coalescence qui sont favorisés par la
rencontre des gouttelettes d’huile lors des mouvements Brownien dans les émulsions A6% et
A9%, nous avons décidé d’ajouter à ces formules un gélifiant Carbomer pour épaissir et créer
un réseau dans les émulsions (B6% et B9%). L’émulsion B9% présente un déphasage au bout
A la vue de ses différents résultats la formulation B6% est la seule à répondre aux
critères de stabilité recherchés et sera notre formulation de référence.
Cette étude concerne dix échantillons préparés de manière semblables. Toutes les
matières premières ont été pesées avec une balance de précision ( m = 0,0002 g). L’eau, vu
les quantités impliquées, a été pesée avec une balance de précision inférieure ( m = 0,02 g).
L’ajustement du pH a été fait avec de la soude à 10% fraichement préparée. Tout d’abord, ces
émulsions ont les mêmes propriétés organoleptiques et physico-chimiques (6,3 < pH < 6,7 et
une conductivité 0,4 < σ < 0,6 mS.cm–1) à J+1.
4
10 100
3
10
(Pa.s)
10
2
1
viscosité -
10 1
0
10
0,1
-1
10
G'
-2
G''
10 0,01 -2 -1 0 1 2 3
0 1 2
10 10 10 10 10 10 10 10 10
-1
contrainte de cisaillement - (Pa) taux de cisaillement (s )
Figure III.2-1. Evolution de la viscosité apparente (à gauche) et des modules G' et G" (à droite) en fonction de la
contrainte de cisaillement. Les mesures ont été réalisées à 25°C à des contraintes comprises entre 1 et 1000 Pa.
Deux études complémentaires à l’échelle microscopique ont été menées sur cette
émulsion de référence pour confirmer cette stabilité à l’échelle microscopique :
Une première étude effectuée à J+1 (24 heures après la préparation) sur plusieurs
échantillons afin de montrer la reproductibilité de la formulation.
Un suivi continue sur une période de 60 jours afin d’étudier l’évolution des propriétés
viscoélastiques à l’échelle microscopique de nos émulsions de référence dans le
temps.
D’un point de vue microscopique, les dix émulsions sont quasi identiques. Comme le
montre les images typiques observées par microscopie optique, elles ne sont pas mono
disperses en taille de gouttelettes et peuvent parfois présenter des prémices de floculation.
350
35
G'' (kPa)
G' (kPa)
300
30
250
25 200
0 2 4 6 8 10 12 0 2 4 6 8 10 12
Numéro de l'essai Numéro de l'essai
Figure III.2-3. Dispersion des modules élastiques et visqueux obtenue en microrhéologie pour les émulsions de
références ; l’erreur de mesure pour cette technique est estimée à 10%.
La reproductibilité des mesures étant établie, nous avons effectué le suivi des modules
élastiques et visqueux pour l’échantillon de référence sur une durée de 60 jours à deux
températures. La première température de 25°C correspond à la température de stockage
témoin utilisée pour le suivi de stabilité organoleptique. La seconde de 28°C correspond à la
température de croissance de la bactérie Pseudomonas fluorescens.
L’ajustement pour atteindre une formule sur 100% se fait sur la quantité d’eau. En ce qui
concerne la variation de la quantité d’huile, deux essais extrêmes ont également été
formulés même s’ils ne répondent pas au critère d’émulsions stables définis auparavant. Le
premier contient 0% d’huile, et correspond donc à un mélange d’émulsifiants chauffé et
dispersé dans une phase aqueuse gélifiée (aspect laiteux et liquide non homogène). Le
second cas extrême quant à lui est un essai contenant 60% d’huile. Contrairement aux autres
émulsions, elle déphase rapidement après agitation à l’Ultra Turrax; la dispersion des
gouttelettes d’huiles résulte alors d’une gélification progressive du milieu sous agitation
mécanique constante.
Lors de la variation en émulsifiants, les émulsions passent d’une texture lait à crème
épaisse. Ces émulsions ont également été suivies en stabilité sur deux mois. A température
ambiante les émulsions de 6 et 9% d’émulsifiants ne présentent pas de crémage. En
revanche la formule à 3% présente des phénomènes de coalescence précoces (après
quelques semaines).
La Figure III.3-1 représente les images obtenues pour les formulations ayant des
pourcentages en isopropyl palmitate variant entre 0 et 60%. Les clichés en microscopie sont
réalisés quelques jours (1 à 3) après les formulations afin de limiter au maximum leurs
évolutions microscopiques dans les temps. Le cliché à 0% d’IPP montre la présence de
petites gouttelettes, correspondant au mélange d’émulsifiants, dispersées dans la phase
aqueuse.
Figure III.3-1. Microscopie optique des émulsions (objectif 63) en fonction du taux d’IPP.
Les images à 40 et 50% d’huile montrent des tailles de gouttelettes d’huile totalement
différentes. Cette forte polydispersité peut s’expliquer par le fait que certaines de ces gouttes
d’huile (les petites) sont émulsionnées et d’autres (les plus grosses) sont piégées dans le
réseau tridimensionnel formé par le gel Carbopol. À 60% d’isopropyl palmitate, les
gouttelettes sont petites et homogènes. Ces petites gouttes formées par agitation
mécaniques au cours de l’étape de gélification, sont très concentrées et s’empilent les unes
sur les autres.
Pour mieux comprendre le lien entre la structure de ces émulsions et leurs propriétés
rhéologiques à différentes échelles, des mesures de modules élastiques et visqueux en basse
fréquence (rhéologie classique) et haute fréquence (rhéologie ultrasonore) sont réalisées.
La Figure III.3-2 représente les clichés obtenus pour les formulations contenant de 0% à
9% d’émulsifiant. Pour les pourcentages de 3 à 9 %, les clichés ont été réalisés deux fois pour
montrer la répétabilité des différentes expériences. Les microscopies sont réalisées quelques
jours (1 à 3) après les formulations afin de limiter au maximum leurs évolutions
microscopiques dans les temps.
Figure III.3-2. Microscopie optique des émulsions possédant 0%, 3%, 6% et 9% d’émulsifiants (objectif 63).
Les études rhéologiques basses fréquences des émulsions simples et multiples sont
nombreuses dans la littérature. Par des expressions plus ou moins complexes, elles relient la
viscosité effective : à la fraction volumique des différentes phases, aux rayons des
gouttelettes, et à la viscosité des différentes phases dont le tensioactif [50], [55].
Ces études montrent que l'impact du tensioactif sur la mesure de la viscosité est non
négligeable, car celui-ci crée une couche de cohésion à la surface des gouttelettes. De plus, si
l'épaisseur de cette couche est du même ordre que la taille des gouttelettes, le diamètre et
la rigidité apparente apparaissent supérieurs au diamètre réel et à la rigidité de la goutte
elle-même. Compte tenu de ce facteur, il est apparu possible de prouver que le modèle de
suspension des sphères solides est alors en adéquation avec les calculs de viscosité des
émulsions (dans le domaine de l'écoulement newtonien à faible vitesse de cisaillement)
[147], [148].
5 7
10 10
a 0 % IPP
6
= 1 Pa b
4 10 % IPP 10 = 10Pa
10 20 % IPP = 50 Pa
(Pa.s)
30 % IPP = 100 Pa
Viscosité (Pa.s)
3 40 % IPP
10 4 = 200 Pa
50 % IPP 10
2 60 % IPP
10
% d'IPP croissant
Viscosité -
2
10
1 10
0
10
0
10
-1
10
-2 -2
10 10
1 10 100 0 0,1 0,2 0,3 0,4 0,5 0,6 0,7
contrainte de cisaillement - (Pa)
Figure III.3-3. Viscosité apparente en fonction de la contrainte (a) ou de la fraction volumique (b). Les mesures
ont été réalisées à 25°C à des contraintes comprises entre 0,1 et 1000 Pa.
A droite, on retrouve une évolution de la viscosité effective qui suit une loi de puissance
(représentation en échelle log sur la figure) en fonction de la fraction volumique φ (calculée
à partir des volumes des deux phases). La viscosité apparente est reliée elle-même à la
viscosité de la phase continue et de la phase dispersée. Ainsi, l’augmentation de la
concentration en IPP augmente l'incidence de la taille des gouttes sur l’écoulement effectif
des émulsions. La taille des gouttelettes influence le rapport volume-surface : l'augmentation
de leur diamètre entraîne ainsi un effet plus prononcé de l’écoulement interne des
gouttelettes. En jouant sur l’amplitude de la contrainte imposée, on peut donc observer que
dès 20% d’IPP cet effet surfacique se fait sentir soit pour φ > 0,25 et se traduit par une
croissance des courbes. Finalement, l’augmentation de la viscosité apparente avec la
concentration est d’une part lié à l’influence des gouttelettes qui s‘opposent à l’écoulement,
mais d’autre part peut être corrélée à la phase aqueuse dont la concentration relative en
1 0,1
a b
0,1
0,01
G" (kPa)
0,01
G' (kPa)
0% IPP 0% IPP
0,001 10 % IPP 10 % IPP
20 % IPP 0,001 20 % IPP
30 % IPP 30 % IPP
0,0001 40 % IPP 40 % IPP
50 % IPP 50 % IPP
60 % IPP 60 % IPP
-5
10 0,0001
-2 -1 0 1 2 3 -2 -1 0 1 2 3
10 10 10 10 10 10 10 10 10 10 10 10
-1 -1
Taux de cisaillement (s ) Taux de cisaillement (s )
Figure III.3-4. Evolution des modules G'(a) et G" (b) en fonction du taux de cisaillement pour différents
pourcentage en IPP.
Pour de faibles déformations, la valeur de G' est supérieure à celle de G" traduisant le
caractère élastique dominant des émulsions. Ces expériences ont permis d’obtenir la limite
de viscoélasticité et de déterminer les modules visqueux G" et élastique G' qui seront
exploités dans le cadre d’une étude multi-échelle et seront présentés les paragraphes
suivants.
𝜂𝑎𝑝𝑝
𝜂= (III.3-1)
1 + (𝜏 𝛾̇ )𝛼
𝜂
Dans ce cas, 𝜏 = 𝐺𝑎𝑝𝑝 est la constante de relaxation apparente à l’échelle d’investigation,
𝑎𝑝𝑝
ηapp la viscosité apparente et Gapp la rigidité apparente. L’exposant est alors une valeur
représentative de la structure rigide apparente de rigidité Gapp (souvent inférieure à 1 pour la
matière molle). Le circuit équivalent devient alors :
En échelle log-log on peut constater par une analyse de type Bode que l’allure de ce type
d’équation est la même que celle observée dans la Figure III.3-4. La décroissance d’un facteur
" ′
∗
𝜔 𝜂𝑎𝑝𝑝 𝜔 𝜂𝑎𝑝𝑝 (𝛾̇ (𝜔) 𝜏)𝛼/2
𝐺 (𝛾̇ (𝜔)) = +𝑗 (III.3-3)
(1 + (𝛾̇ (𝜔) 𝜏)𝛼 ) (1 + (𝛾̇ (𝜔) 𝜏)𝛼 )
A partir de ces courbes les trois paramètres peuvent donc être extraits pour chaque
émulsion (coefficient de corrélation r2 autour de 0,99).
qui est représentatif de la structure et est généralement autour de 0,5 pour une
émulsion simple huile-eau [151]. L’apport d’autres ingrédients et notamment des
polymères peuvent faire fluctuer cette valeur entre 1/2 et 2/3 d’après les théories de
Rouse ou de Zimm [152].
Figure III.3-6. Évolution des constantes de temps et exposant et des rigidités apparentes Gapp en fonction de
la fraction volumique. Chaque point correspond à la mesure moyenne faite sur chaque émulsion pour les sept
pourcentages d’huile (IPP) à 6% de( P80 + GMS) : 10%, 20%, 30%, 40%, 50%, 60%.
Enfin, selon Mason [141] les émulsions diluées se comportent comme des liquides
visqueux, tandis que les émulsions concentrées présentent une élasticité semblable à celle
des solides. Ceci explique l’augmentation progressive de la rigidité apparente avec la fraction
volumique. Le passage à un régime fortement concentrée est alors visible par la brusque
augmentation de la rigidité pour φ = 0,6. La structure concentrée de cette émulsion reste
donc mesurable en rhéologie classique et ce en dépit du fait qu’elle soit uniquement
stabilisée par le réseau de polymère.
Figure III.3-7. Evolution de la viscosité en fonction de la contrainte (a) ou du pourcentage d’émulsionnants (b).
Pour de fortes contraintes, la viscosité apparente évolue très peu (légère augmentation)
quand on augmente la concentration en émulsionnants dans les émulsions. On peut
1 100
0,9 90
0,8 80
(kPa)
0,7 70
(s),
0,6 60
app
0,5 50
G
0,4 40
0,3 30
0,2 20
0,15 0,2 0,25 0,15 0,2 0,25
Figure III.3-9. Evolution constantes de temps et exposant et des rigidités apparentes Gapp et des en fonction
de la fraction volumique . Chaque point correspond à la mesure moyenne faite sur chaque émulsion pour les
quatre pourcentages d’émulsifiants (P80 + GMS) à 15% d’IPP : 0%, 3%, 6%, 9%.
L’étude des propriétés viscoélastiques a donc été complétée par la mesure des modules
élastiques G' et visqueux G" à l’échelle microscopique. Pour accéder aux informations
structurelles des différentes émulsions, des mesures en rhéologie haute fréquence (15 MHz)
ont été effectuées selon les modes opératoires décrits dans le chapitre précédent. La Figure
III.3-10 décrit l’évolution des modules viscoélastiques aux deux échelles (macroscopiques et
microscopiques), soit aux fréquences 1 Hz et 15 MHz.
Figure III.3-10. Représentation du module élastique G' (a), du module visqueux G" (b) aux échelles
microscopique (O) et macroscopique ( ) en fonction du %IPP.
La figure ci-après compare les résultats des modules élastiques G’ et visqueux G"
obtenus pour les différentes concentrations en émulsifiants. Ici aussi, les ordres de grandeurs
des modules élastiques et visqueux sont différents en microrhéologie et en rhéologie car
l’échelle d’investigation n’est pas la même.
G'' (kPa) à 1 Hz
G'(kPa) à 15Mz
G' (kPa) à 1 Hz
0,1 10
a b
0,02 200
0,05 5
0,01 100
0 0 0 0
0 2 4 6 8 10 0 2 4 6 8 10
% émulsifiant (P80 + GMS) % émulsifiant (P80 + GMS)
Figure III.3-11. Représentation du module élastique G' (a), du module visqueux G" (b) aux échelles
microscopique (O) et macroscopique ( ) en fonction du pourcentage d’émulsifiants (P80 + GMS).
En microrhéologie, les évolutions des modules G' et G" suivent une loi quadratique
(coefficients de corrélation R2 au minimum égaux à 0,999).
En ce qui concerne la croissance des modules élastiques, la croissance de G' selon une
loi quadratique est dû à l’augmentation de surface de contact entre les deux phases. En effet,
l’augmentation de l’élasticité pourrait être due à la modification de la rigidité de l’interface
induite par l’augmentation des molécules tensioactives qui entourent les gouttelettes, et à
leur individualisation progressive. Cette individualisation des gouttelettes entraine donc
l’augmentation des particules dispersée pouvant se déformer et s’opposer à l’écoulement de
l’émulsion. Nous pouvons à partir de ces résultats poser une seconde hypothèse : à l’échelle
microscopique le module élastique G’ dépend de la phase dispersée, de sa composition et de
son organisation dans l’espace. L’évolution quadratique du module élastique à l’échelle
microscopique met finalement en évidence le lien entre l’élasticité et la floculation des
gouttelettes. Leur agencement spatial induit une augmentation de la surface de frottement.
III.4 CONCLUSION
L’étude de la variation de la composition de la phase dispersée dans des émulsions
simples, montre l’apport de la microrhéologie pour accéder aux propriétés mécaniques de
ces fluides complexes à une échelle mésoscopique dans un objectif d’étude de stabilité.
L’étude multi-échelles fonction de la fréquence ou du taux de cisaillement permet de surcroit
de contrôler l’influence de la formulation sur la structuration et d’en déduire, incluant la
dépendance en loi de puissance, les conditions optimales d’une émulsion dense mais stable
en fonction des matières premières.
Pour suivre le développement de bactéries dans des émulsions de façon contrôlée, il est
nécessaire de s’assurer de l’absence initiale de micro-organismes dans ces matrices. Une
étape de stérilisation des émulsions est à réaliser en amont de toute contamination. La
méthode de stérilisation choisie est l’autoclave ; elle représente le moyen de stérilisation le
plus courant en microbiologie.
L’autoclave permet une stérilisation à la vapeur saturante d’eau sous pression constante
de 2 bars. Il s’agit donc d’un procédé imposant aux émulsions une pression supplémentaire
associée à une température élevée menant à la destruction des micro-organismes.
Cependant le choix de cette méthode de stérilisation n’est pas à priori sans conséquence sur
la structure des émulsions. En effet les températures et pressions inhabituelles appliquées
aux émulsions peuvent perturber leurs structures en aboutissant parfois à une démixtion
complète des systèmes. Il était donc important de vérifier l’impact de cette étape de
stérilisation sur les émulsions avant leur inoculation avec des bactéries.
Figure IV.1-1. Images de microscopie otique (objectif 63) de l’émulsion de référence non autoclavée (à
gauche) et autoclavée (à droite).
Pour mieux évaluer l’impact de la pression sur l’émulsion de référence, une expérience
de mise sous pression a été réalisée sur une série de cinq échantillons d’une même
formulation. L’émulsion a été placée pendant 20 minutes à température ambiante dans un
réacteur et soumise à des pressions constantes de 2, 4 et 6 bars et comparée à un
échantillon à pression ambiante. La Figure IV.1-2 montre les résultats obtenus en
microscopie optique. La comparaison des clichés obtenus pour différentes mises sous
pression montre peu de différences. Globalement la taille des gouttelettes d’huile varie peu
et une légère floculation de ces dernières est encore visible. Ces observations laissent
supposer que la pression seule, dans la gamme appliquée, n’est pas suffisante pour modifier
la structure de l’émulsion de référence contrairement à ce qu’il se passe dans l’autoclave.
Figure IV.1-2. Images de microscopie optique (objectif 63) de l’émulsion de référence après 20 minutes à 1, 2,
4 et 6 bar et à température ambiante.
Par ailleurs ces observations permettent d’envisager l’autoclave comme une étape à part
entière du processus de développement d’une émulsion dans l’objectif de formuler sans
conservateurs. Ainsi, cette étape de stérilisation pourrait être utilisée comme une méthode
permettant l’homogénéisation et la réduction de la taille des gouttelettes de manière
similaire aux méthodes d’homogénéisation à haute pression (mais pour des pressions bien
inférieures). Il serait aussi intéressant d’introduire l’usage de l’autoclave dans les procédés de
formulation comme méthode comparable à la centrifugation permettant de discriminer les
émulsions stables des autres. Ces orientations mériteraient toutefois une analyse plus
approfondie, l’autoclavage reste tout de même très brutale et ne peut pas être appliquée à
tous les systèmes eau-huile.
50 m
50 m 50 m
Figure IV.1-3. Images de microcopie optique (objectif 63) des émulsions contenant 0,5 et 1% de Carbopol ETD
2050. (a) avant et (b) après autoclave (20 minutes à 121°C, 2 bar).
Le tableau ci-dessous recense les valeurs des modules élastiques et visqueux obtenus
pour les différents taux de Carbopol ETD2050 sans et avec autoclavage en rhéologie
ultrasonore.
Pour les deux séries d’expériences (sans et avec autoclavage), on observe une
augmentation du module élastique G' et une légère diminution du module visqueux G" avec
l’augmentation du pourcentage de gélifiant. Le gélifiant joue un rôle sur la rigidité de
l’émulsion ce qui explique le renforcement de l’élasticité des émulsions avec l’augmentation
du taux de gélifiant. L’autoclavage, vu les conditions de température et de pression à laquelle
les émulsions sont soumises, permet une meilleure dispersion du gélifiant dans l’émulsion et
Les compositions des trois émulsions les plus représentatives des essais formulés
(formules A, B et C) sont décrites dans le Tableau IV.1-3.
La formule A présente une forte polydispersité des gouttes d’huile et des phénomènes
de coalescence avant et après sa stérilisation par autoclave malgré le pourcentage
d’émulsifiants plus élevé (6%) qui ne suffit pas à stabiliser les gouttelettes d’huile dans
l’émulsion. La formule B, quant à elle, semble plus homogène en terme de distribution de
taille de gouttelettes mais présente une floculation pour l’échantillon non autoclavé. En effet,
malgré la quantité insuffisante d’émulsifiants, la présence d’un réseau de gélifiant plus dense
(polymère Carbopol CU21) permet de stabiliser et de limiter la coalescence. En revanche, les
clichés obtenus pour l’émulsion après autoclave laissent supposer que cette méthode de
stérilisation a perturbé le réseau du gélifiant et donc permis la fusion des gouttelettes d’huile
par coalescence avant que le réseau ne se soit reformé. Enfin, la formule C apparait
homogène et monodisperse avant et après autoclave, voire plus monodisperse après
autoclave. Bien que les apports en gélifiant et émulsifiants aient été augmentés, la démixtion
observée à l’œil nu, révèle un rejet de l’excédent d’huile après autoclave. Ainsi, le système
émulsionnant P80 + GMS (même à 8%) et le gélifiant ne semblent pas permettre de stabiliser
une quantité aussi importante d’huile. Aucune de ces trois formules n’a été retenue pour les
tests microbiologiques menés ultérieurement.
Les expériences précédentes ont montrés qu’en dépit d’un réseau de polymères plus
important, le système émulsionnant (P80 + GMS) n’était pas suffisant pour stabiliser une
émulsion contenant 30% d’isopropyl palmitate. Nous avons donc testé des formulations plus
complexes, quitte à s’éloigner davantage de l’émulsion de référence, afin d’obtenir une
émulsion de structure différente et résistante à l’autoclave.
Pour cela, deux essais réalisés avec le Pemulen (à 0,3 et 0,5 %) en remplacement du
gélifiant CETD ont été réalisés. Le Pemulen est un polymère (carbomère) ayant des
propriétés émulsionnantes qui devrait permettre une meilleure stabilisation des
formulations (cf. Chapitre II). Or, les émulsions obtenues avec le Pemulen, en plus d’être
extrêmement filantes et épaisses au toucher, n’ont pas résistées à l’autoclave : une démixtion
est visible à l’œil nu.
Figure IV.1-5. Images de microscopie optique (objectif 63) de l’émulsion contenant 25% d’huile et 6% d’un
système émulsionnant (P80 + GMS + Brij) avant (à gauche) et après (à droite) autoclave.
Les « bons » candidats pour le suivi microrhéologique de bactéries sont les émulsions
qui ne présentent ni déphasage visible à l’œil nu, ni trop de coalescence après stérilisation
par autoclave. Le choix s’est porté sur deux émulsions : la référence et une émulsion
contenant 1% de gélifiant Carbopol qui présente une structure plus dense qui, à priori,
devrait être plus contraignante pour que les bactéries puissent se développer.
Pour cela 50 µL de culture bactérienne liquide ont été inoculés à une concentration
finale de 103 UFC.mL–1 dans 5 g d’émulsion stérilisée (émulsion de référence ; des essais
témoins sans bactérie ont également été préparés). De plus, on a fait le choix d’utiliser un
contenant en verre différent pour chaque jour de culture afin d’éviter les contaminations
liées aux manipulations d’ouverture et de fermeture des contenants. Ainsi, tous les pots sont
inoculés le même jour, dans les mêmes conditions, et sont stockés à 28°C pendant 24, 48 et
72 heures sous agitation à 180 rpm, jusqu’au dénombrement. La courbe de croissance
(Figure IV.2-1) est obtenue pour la moyenne de trois essais.
concentration bactérienne (UFC.mL )
-1
8
10
7
10
6
10
5
10
24 48 72
temps (h)
Figure IV.2-1. Profil de croissance de P. fluo 76A dans l’émulsion de référence (trois jours à 28°C).
Les bactéries étant viables sur trois jours à 28°C dans cette émulsion, un suivi sur 32
jours à 25°C a ensuite été réalisé (en sachant que la référence est stable plus de deux mois),
afin de suivre la croissance de P. fluo 76A dans des conditions de stockage classique d’un
produit cosmétique (température ambiante i.e. 25°C, sans agitation et obscurité avec un
faible apport en dioxygène). Pour ce suivi, tous les pots ont été inoculés (10 3 UFC.mL–1 de P.
fluo 76A pour 5 g d’émulsion) le même jour, dans les mêmes conditions : un pot d’émulsion
8
10
7
10
6
10
0 1 2 3 8 15 32
temps (jour)
Figure IV.2-2. Profil de croissance de P. fluo 76A dans l’émulsion de référence (32 jours à 25°C).
Les émulsions témoins n’ont montré aucune contamination. Par ailleurs, la Figure IV.2-2
montre que dans l’émulsion de référence, la bactérie a une phase de croissance
exponentielle d’une durée de trois jours. La phase stationnaire semble s’étaler entre le
troisième et le quinzième jour. Un début de décroissance est visible à partir du quinzième
jour dans ces conditions précises de culture.
Ces résultats ont été obtenus par dénombrement bactérien, qui est une manipulation
efficace mais fastidieuse à réaliser. Pour tenter de contourner ces manipulations, des
dosages de glucides totaux et de protéines couramment utilisés en biochimie ont été
effectué en parallèle. Bien souvent la matrice émulsion a été le point limitant dans la
réalisation de ces dosages. En effet tous les dosages reposant sur l’utilisation de colorants
ont été écartés car ils s’adsorbent sur la matrice et ne sont plus disponibles pour la détection
des molécules biologiques d’intérêt. A ce jour, nous n’avons réussi à adapter aucun dosage
parmi ceux testés. D’autres pistes, notamment celles reposant sur l’action d’enzymes,
seraient à envisager. En collaboration avec la société Galderma, la réalisation d’un suivi de
croissance d’une souche de Pseudomonas par la méthode du BioLumix a été initiée (cf.
Chapitre I). Cependant les difficultés économiques qu’a rencontrées cette société pendant
l’année 2017 ne nous ont pas permis de continuer notre collaboration.
une fois l’émulsion préparée et contaminée (typiquement 200 mL), cette préparation
est divisée en plusieurs pots de 5 g chacun, il y a une première incertitude sur le
nombre de bactéries déposé dans chaque pot ;
pour un prélèvement donné, le gramme prélevé de chaque pot n’est pas forcement
représentatif de l’ensemble des 5 g d’émulsion du pot, la répartition n’est pas
homogène au sein de la préparation, et ce, malgré les conditions de mélange
préalable à chaque prélèvement ;
La seconde méthode consiste à suivre en continu une émulsion sur une période de trois
jours. Dans un premier temps on a utilisé la cellule de mesure d’une capacité 1 g environ
(quartz horizontal sur lequel on dépose l’émulsion à étudier et sur lequel on place un
couvercle). La Figure IV.3-1 montre l’évolution des paramètres viscoélastiques d’une
émulsion témoin et d’une émulsion contenant des P. fluo 76A.
300
250
G' ; G'' (kPa)
200
G' témoin
150 G" témoin
G' P. fluo
G'' P. fluo
100
50
0 0,5 1 1,5 2 2,5 3
temps (jour)
Figure IV.3-1. Suivi sur trois jours des modules visqueux et élastiques en microrhéologie d’une émulsion témoin
(référence sans bactérie ) et une émulsion de référence inoculée avec P. fluo 76A ( ) à 25°C.
85 80
concentration P.fluo 76A 8
10 b
G' témoin sans bacterie
80 G' crème avec bactéries
75
a
75
G' (kPa)
G' (kPa)
70
70 7
10
65
65
60
60
6
55 10 55
0 200 400 600 800 1000 1200 1400
-1
Figure IV.3-2. (a) Comparaison de l’évolution du module élastique G' (axe de gauche) pour une émulsion témoin
( ) et une émulsion contenant des bactéries P. fluo 76A ( ) pendant trois jours à 25°C avec la courbe de
croissance bactérienne (O) (axe de droite). (b) Evolution du module élastique G' en fonction de la croissance
bactérienne.
pour assurer leur croissance, les bactéries ont besoin d’un apport de nutriments, or le
milieu s’appauvrit de jour en jour s’il n’est pas renouvelé et les conditions de
croissance bactérienne sont donc modifiées par rapport à une évolution dans un
milieu frais ;
La Figure IV.3-3 présente les résultats des dénombrements. Ces résultats correspondent
à la moyenne de trois essais inoculés dans les mêmes conditions (même émulsion et même
culture bactérienne). De plus, pour chaque essai, trois prélèvements ont été effectués dans
des zones différentes du contenant. On a d’ailleurs constaté une disparité du dénombrement
selon l’endroit où était réalisé le prélèvement, ce qui confirme l’idée que les bactéries dans
l’émulsion ont une répartition très hétérogène malgré les mélanges effectués au préalable.
De ces résultats, on suppose que la phase de croissance exponentielle se situe avant le 8 e
jour. La phase stationnaire, quant à elle, semble être comprise entre les 8e et 14e jours. Le
début de la phase de ralentissement commence à partir du 14e jour.
6
10
5
10
4
10
0 8 14 15
temps (jour)
5 –1
Figure IV.3-3. Profil de croissance de P. fluo 76A inoculées dans 40 mL d’émulsion de référence (10 UFC.mL ) à
25°C. Ces résultats sont la moyenne de trois prélèvements pour trois essais distincts.
La Figure IV.3-4 montre l’évolution des modules élastiques et visqueux sur 14 jours à
25°C pour deux émulsions contenant des bactéries. Les essais 1 et 2, correspondent à deux
lots différents de l’émulsion de référence formulés le même jour.
A J0, on constate des variations importantes des modules viscoélastiques. Ces variations
sont le reflet de l’adaptation des échantillons à leur environnement (introduction des
capteurs verticaux, équilibration en température, etc.). L’évolution du module élastique croit
jusqu’au 8e jour comme la concentration en P. fluo 76A estimée par dénombrement. Au-delà,
alors que la concentration bactérienne augmente toujours, le module élastique diminue.
L’évolution temporelle du module visqueux G" suit globalement l’évolution de la croissance
bactérienne pour les deux essais. Ces résultats confirment la sensibilité de la microrhéologie
pour suivre la croissance bactérienne. Les différences observées entre la croissance
bactérienne et les résultats microrhéologiques s’accentuent à partir du 8e jour pour G' et
dans une moindre mesure pour G".
Les expériences ont été réalisées dans les mêmes conditions que celles décrites au
paragraphe précédent (IV.3.2). Le suivi du développement bactérien a été réalisé par
dénombrement à J0, J+7 et J+14. Les résultats présentés sont des moyennes issues des
dénombrements réalisés sur deux essais (Figure IV.3-5). Les évolutions au cours du temps
des propriétés viscoélastiques de cette émulsion à 1% en gélifiant constitue le témoin sans
bactérie. A noter qu’aucune croissance bactérienne n’a été détectée dans cette émulsion
témoin. Pour les échantillons contaminés, les résultats de dénombrements montrent une
forte croissance bactérienne jusqu’au 7e jour au sein de cette émulsion. La présence d’un
réseau de polymère plus important n’empêche pas le développement de P. fluo 76A. Au
contraire le taux de croissance de P. fluo 76A apparait un plus élevé entre J0 et J+7 dans
l’émulsion à 1% en gélifiant que dans l’émulsion de référence (0,3 % de Carbopol).
5 –1
Figure IV.3-5. Profil de croissance de P. fluo 76A inoculée dans 40 mL (10 UFC.mL ) d’émulsion contenant 1%
de Carbopol CETD.
Deux séries de mesure en microrhéologie ont été effectuées sur le témoin et sur deux
émulsions contaminées. Pour la première émulsion, des prélèvements ont été réalisés à J0,
J+7 et J+14 comme mentionné précédemment. Cependant, ayant observé les mêmes
perturbations sur la mesure des paramètres viscoélastiques à cause de l’homogénéisation,
on a donc décidé de modifier le procédé expérimental. En conséquence, pour la seconde
émulsion étudiée le prélèvement au 7e jour n’a pas été effectué dans l’objectif de ne pas
perturber l’expérience à mi-parcours et d’étudier une même population bactérienne. On
limite également les sources non contrôlées de contamination bactérienne. Les résultats
présentés Figure IV.3-6, montrent l’évolution des modules élastiques G' et visqueux G" au
cours du temps pour la première émulsion (avec prélèvement au cours du suivi). Ces
modules viscoélastiques des émulsions témoins sont plus élevés pour l’émulsion contenant
1% de gélifiant Carbopol que pour l’émulsion de référence contenant 0,3% de gélifiant. Par
ailleurs, un saut lié à la réorganisation du milieu, après homogénéisation de l’émulsion et
introduction du capteur vertical, est visible sur toutes les courbes au cours des premières 48
heures et après le prélèvement du 7e jour. On peut expliquer ce résultat par le fait que le
milieu étant plus riche en polymère, la réorganisation du milieu après une forte perturbation
(Vortex) est plus longue que pour les échantillons de référence ne contenant que 0,3 % de
Carbopol.
Les modules viscoélastiques de l’émulsion contenant les bactéries sont inférieurs à ceux
de l’émulsion témoin (sans bactérie). Ces résultats peuvent s’expliquer par la perturbation du
réseau de polymère induite par la présence de bactéries. L’application du vortex modifie les
interactions établies entre les gouttelettes et les mailles du polymère, ainsi une nouvelle
structuration prend forme et doit s’articuler autour de regroupements de bactéries
disséminées (microcolonies). Les interactions électrostatiques des chaînes de polymère
peuvent alors être modifiées, conduisant ainsi à un réseau de gélifiant moins structuré et
moins élastique à cette échelle d’investigation.
Les valeurs des modules viscoélastiques sont comparables à ceux obtenus pour le
premier essai. Ces modules sont plus faibles pour l’émulsion contaminée que pour l’émulsion
témoin. Ce résultat est en adéquation avec ceux obtenus pour la première expérience, et
confirme la perturbation de la structure de l’émulsion par la présence très importante de
bactéries.
Ces différentes conclusions ont pour but de mettre en lumière les variabilités apportées
par les conditions de mesures, afin de normaliser et d’optimiser au mieux les protocoles
expérimentaux : réaliser des mesures en continue et en ligne sur une longue période (ici 14
jours) sans ouverture du pot avec capteur vertical unique centrée sont des premières pistes
d’améliorations apportées lors de la dernière expérience. Aussi, des études avec des mesures
de deux capteurs verticaux placés en parallèles permettraient néanmoins d’étudier deux
microenvironnements différents au sein de la même émulsion mais nécessite un grand
nombre de répétitions pour obtenir des résultats significatifs.
le module visqueux G", quant à lui, est sensible à la présence ou non de bactéries en
tant qu’éléments visqueux supplémentaires dans la phase majoritaire ; son évolution
pourrait être représentative de l’augmentation globale de la masse bactérienne mais
ne serait pas discriminante pour la détection des différentes phases d’une courbe de
croissance classique.
C’est dans ce contexte que mes travaux de thèse ont été effectués. L’enjeu original de
ma recherche a consisté à établir une relation entre la formulation d’une émulsion type et
ses propriétés structurales. L’objectif à long terme est de proposer un nouvel outil de
caractérisation en vue d’optimiser simultanément la stabilité des émulsions et leur capacité
intrinsèque à limiter la prolifération de micro-organismes sans l’emploi de conservateurs.
Afin de mieux appréhender ce problème, des caractérisations ont été menées à différentes
échelles et notamment le suivi des propriétés rhéologiques.
le module visqueux G" dépend du fluide prédominant. Dans le cas d’émulsions H/E
diluées ce fluide prédominant représente la phase continue. Pour les émulsions H/E
concentrées, il s’agit de la phase huileuse dispersée dont les propriétés rhéologiques
dominent à l’échelle microscopique ;
Par ailleurs, la seconde partie de mes travaux permet également de corréler les
modifications structurales avec la détection et le suivi de contaminations bactériennes au
sein d’émulsions. Cette approche visait aussi à suivre l’influence de l’incorporation de micro-
organismes sur la structure microscopique des émulsions. Ces premiers résultats ont mis en
exergue la sensibilité des paramètres microrhéologiques vis-à-vis de la détection et du suivi
du développement bactérien. A partir des hypothèses posées au cours de l’étude de la
structuration des émulsions, deux nouvelles hypothèses ont pu alors être établies :
Ainsi, dans l’industrie cosmétique, l’étude des fluides complexes comme les émulsions,
peut être améliorée, renforcée, par une approche multi-échelles. La microrhéologie apparait
être une méthode de mesure innovante et adaptée à l’échelle industrielle apportant une
valeur ajoutée lors du développement de formulations cosmétiques stables. D’un point de
vue sécuritaire, l’un des objectifs est de d’aider au développement d’émulsions contenant le
moins de conservateurs possible. Cependant, l’utilisation de cette technique non destructive
pour le dépistage précoce de micro-organismes par la détection d’instabilités (de
Gauthier V., Desplan D., Serfaty S., Michiel M., Caplain E., Le Huérou J-Y. Multi-frequency
ultrasonic shear waves rheology for soft materials monitoring in cosmetics, IEEE Xplore
(COMET 2017)
Desplan D., Michiel M., Serfaty S., Le Huérou J-Y., Griesmar P. Multi-scale characterization of
structure and stability of O/W emulsions: a new approach including ultrasonic rheology ,
(soumis)
Communications orales
Desplan D., Barhoumi N., Michiel M., Duclairoir-Poc C., Orange N., Griesmar P.
Caractérisations mécaniques et électriques des produits cosmétiques : stabilité et
contaminations biologiques. GDR 3711 Cosm’actifs, Orléans, 26-27 Septembre 2016.
Desplan D., Michiel M., Lemarquand A., Serfaty S., Griesmar P., Le Huérou J-Y. High
frequency rheology monitoring for emulsion stability characterization. COMET 2017, Cergy,
6-7 Juin 2017.
Desplan D., Michiel M., Lemarquand A., Serfaty S., Le Huérou J-Y., Griesmar P.
Caractérisations mécaniques et électriques des produits cosmétiques: stabilité et
contaminations biologiques. Journée de l’école doctorale Science et ingénierie, Cergy-
Pontoise, 29 juin 2017.
Communications par affiches
Desplan D., Barhoumi N., Michiel M., Duclairoir-Poc C., Orange N., Griesmar P. Study of
cosmetics stability through high frequency rheology measurements: characterization of
physical instabilities and bacterial contamination. Cosm’innov2016, Orléans, 24-25 Mai 2016.
Assad A., Desplan D., Michiel M., Serfaty S., Peno-Mazzarino L., Lati E., Griesmar P.
Incorporation de différentes nanoparticules dans des émulsions cosmétiques : propriétés
rhéologiques et effets sur la peau. Inauguration de la PMFI Cosmetomique, Neuville-sur-Oise,
21 Septembre 2016.
Communications vulgarisées
Desplan D. Caractérisations mécaniques et électriques des produits cosmétiques :
stabilité et contaminations biologiques. Ma thèse en 180 secondes. 1er prix, finale régionale
de la COMUE Paris-Seine, Cergy, 25 Avril 2017. 2ème prix, finale nationale, Paris, 14 Juin 2017.
Participation à la finale internationale Liège (Belgique) le 28 septembre 2017.
En collaboration avec Léa Bello (CNRS image) dans le cadre de la chaine Zeste de science
du CNRS. Le 8 Juin 2018.
des heures de travaux dirigés (TD) de chimie et de biochimie en 1re et 2nde années :
essentiellement de la remise à niveau en chimie organique ;
le suivi de projets tuteurés (PT) des 1re année : recherches bibliographiques sur
différents thèmes scientifique, « la biodégradation bactérienne du pétrole »,
« l’empoisonnement au monoxyde de carbone », « la chute du cheveu » et
« l’utilisation industrielle de coproduits et sous-produits » ;
Depuis plus de 20 ans, de nombreuses méthodes et techniques non invasives ont été développées en vue de
mesurer le plus objectivement possible, les propriétés (physico-chimiques, sensorielles, etc.) des produits
cosmétiques. Ces méthodes visent à évaluer leurs innocuité et efficacité, et deviennent d’autant plus
perfectionnées que les processus d’élaborations de ces produits deviennent complexes et innovants. Au cours
de ces travaux de thèse, une étude multi-échelle, de l'évolution structurale d'émulsions cosmétiques, simples
H/E, représentatives des émulsions mises sur le marché a été menée, afin de prédire leur stabilité tant
texturale que microbiologique.
Grâce à une technique non destructive ultrasonore permettant d’accéder aux propriétés microrhéologiques
(propriétés viscoélastiques observées lors d'une sollicitation harmonique de cisaillement à quelques MHz), en
association avec différentes techniques classiques de caractérisation (microscopie optique, rhéologie basse
fréquence, etc.), il a été possible de corréler les paramètres microrhéologiques obtenus à des modèles
physiques reliant structuration interne et stabilité dans les émulsions considérées. Les résultats ont montrés
que les données microrhéologiques sont sensibles aux variations de compositions (concentration) et
d’organisations microscopiques des gouttelettes au sein des émulsions (floculation, coalescence, etc.). Ensuite,
le suivi du développement de la bactérie Pseudomonas fluorescens dans des émulsions ayant des structures
internes différentes, a montré d’une part la sensibilité de la microrhéologie vis-à-vis de la présence de bactéries
dans le milieu, et d’autre part, l’impact de la structure et de l’organisation des gouttelettes grasses sur le
développement de ces bactéries.
Finalement, la microrhéologie apparait être une méthode de mesure innovante et adaptée à l’échelle
industrielle apportant une valeur ajoutée lors du développement de formulations cosmétiques. D’un point de
vue sécuritaire, le dépistage précoce de contaminations biologiques par la détection d’instabilités (de
changements) structurales au sein des émulsions, pourrait représenter une avancée majeure lors des phases
de production et de commercialisation des produits cosmétiques.
In the last 20 years, many non-invasive methods and techniques have been developed in order to measure the
properties (physicochemical, sensory, etc.) of cosmetic products. These methods are designed to evaluate their
safety and efficiency, and become even more sophisticated as the processes of these products become
complex and innovative. During this thesis works, a multi-scale study of the structural evolution of cosmetic
emulsions was conducted in order to predict their textural and microbiological stability.
Thanks to an ultrasonic non-destructive technique allowing access to microrheological properties (viscoelastic
properties obtained by a harmonic shear mode at a few MHz), in association with different classical
characterization techniques (optical microscopy, low frequency rheology, etc.), it was possible to correlate the
microrheological parameters obtained with the internal structure and stability in the emulsions considered.
The results showed that microrheological data are sensitive to variations in composition (concentration) and
microscopic organization of droplets within emulsions (flocculation, coalescence, etc.). Then, the monitoring of
the Pseudomonas fluorescens bacteria growth in emulsions with different internal structures showed on the
one hand the sensitivity of microrheology to the presence of bacteria in the cream, and on the other hand, the
impact of the structure and organization of droplets on the development of these bacteria.
Finally, microrheology appears to be an innovative and suitable measurement method to an industrial scale,
providing added value to the development of cosmetic formulations. From a safety perspective, the early
detection of biological contaminations by the detection of structural instabilities (changes) within emulsions
could represent a major advance during the production and commercialization phases of cosmetics.
Key words: O/W emulsions, rheology, microrheology, microstructure, stability, bacterial growth,
Pseudomonas fluorescens