Traduire 2127
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Édition électronique
URL : http://journals.openedition.org/traduire/2127
DOI : 10.4000/traduire.2127
ISSN : 2272-9992
Éditeur
Société française des traducteurs
Édition imprimée
Date de publication : 15 décembre 2020
Pagination : 34-43
ISSN : 0395-773X
Référence électronique
Antoine Palévody, « Un théâtre qui traduit ? Pistes de réflexion sur la théâtralité de la traduction »,
Traduire [En ligne], 243 | 2020, mis en ligne le 15 décembre 2020, consulté le 31 décembre 2020. URL :
http://journals.openedition.org/traduire/2127 ; DOI : https://doi.org/10.4000/traduire.2127
Un théâtre
qui traduit ?
Pistes de réflexion sur la théâtralité
de la traduction
Antoine Palévody
1. Pour ne citer que quelques-unes des plus récentes publications, voir Traduire, 2010,
« Traduire pour le théâtre », 222 ; Frigau Manning Céline et Karsky Marie Nadia (dir.),
Traduire le théâtre, Saint-Denis, Presses universitaires de Vincennes, coll. « Théâtres du
monde », 2017 ; Théâtre/Public, 2020 : « Traduire. Carte blanche à la maison Antoine Vitez »,
235.
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2. Voir Palimpsestes, 2016, « Les sens en éveil : traduire pour la scène », et notamment
Génin 2016, 14.
3. Il emprunte le terme à Vitez cité par Bataillon in ATLAS 1990, 70.
4. Voir Éloi Recoing, « Poétique de la traduction théâtrale », in Traduire, 222, 2010, p. 103-
124.
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7. Voir l’exemple donné par Déprats de la traduction de l’inclinaison du buste induite par
le vers I humbly thank you in Déprats [1996] 2017, 176.
8. Pour un exemple de traduction du gestus, voir l’anecdote rapportée par Bataillon in
Carré Alice et Métais-Chastanier Barbara, « Où commence la dramaturgie », in Traduire,
222, 2010, p. 92-93.
9. Voir Pavis 1990, 160.
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10. Pavis se dit ainsi contre « toute sémiologie théâtrale qui présuppose a priori que le
texte dramatique possède une théâtralité qu’il s’agit à tout prix d’extirper du texte, pour
l’exprimer sur la scène » (1990, 30).
11. Meschonnic, qui affirme qu’écrire implique toujours une théorie sur le langage souli-
gnait aussi qu’« un texte et ses traductions sont dans des histoires et des langues diffé-
rentes, et surtout des stratégies et des enjeux différents » (Meschonnic [1999] 2012, 85).
12. Vitez, qui voyait dans l’éphémère la marque commune du théâtre et de la traduction,
dit d’ailleurs que « l’acteur est un poète qui écrit sur le sable » (Vitez [1991] 2015, 144).
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13. Didi-Huberman Georges, Gestes d’air et de pierre, Paris, Éditions de Minuit, 2005, p. 9.
14. Claude Régy remarque lui-même la parenté de sa théorie du théâtre avec la fameuse
thèse de la « langue pure » défendue par Walter Benjamin dans « La tâche du traducteur ».
Voir Jérôme Hankins, Claude Régy, « L’interprète du silence » in Nouvelle revue d’esthé-
tique, 3, 2009, p. 75-81.
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Le théâtre de la traduction
On voit ainsi que la traduction théâtrale dépasse la question
du texte, en ce qu’elle s’inscrit dans un espace qu’elle façonne
par le mouvement. Il s’agit dès lors de se demander en quoi
elle est elle-même un geste théâtral, pour poser la question de
ce que serait un théâtre qui traduit. Nous rejoignons en cela la
voie ouverte par Antoine Vitez, selon qui le théâtre est fonda-
mentalement acte de traduction. Mise en scène et traduction
sont liées selon lui par le fait qu’elles sont autant impossibles
que nécessaires. Il ne s’agit donc pas seulement de méta-
phore de la mise en scène comme « traduction intersémio-
tique », mais d’une affirmation quant à la capacité du théâtre
à toujours inventer. En effet, si Antoine Vitez affirme que « c’est
bien parce qu’on ne peut pas traduire que la mise en scène
est une traduction » (Vitez 1982, 8), c’est parce que « l’irréduc-
tibilité du poète » (1982, 7) – l’intraduisible – somme la mise en
scène d’inventer des gestes nouveaux. De la même manière
que c’est le caractère « injouable » d’une œuvre qui pousse le
metteur en scène à la création, c’est selon Antoine Vitez « la
difficulté du modèle, son opacité, [qui] provoque le traducteur
à l’invention dans sa propre langue, l’acteur dans son corps et
sa voix » (Vitez [1991] 2015, 125). Mais l’intérêt de cette inven-
tion, et ce qui fait qu’elle est proprement « traduction », est
qu’elle ne prétend pas être création pure. Au contraire, l’art
théâtral, « art de la variation », se distingue pour Antoine Vitez
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15. Ayant choisi de jouer Phèdre avec des costumes entièrement reconstitués d’après
l’époque, Vitez remarque que les acteurs « ressembl[aient] à des monstres étranges »,
découvrant ainsi que, paradoxalement, « c’est la proximité qui accentue l’étrangeté »
(Vitez [1991] 2015, 197-198).
16. Voir Pavis 1990, 138 et son article « Dramaturgie nouvelle » in Horizons/théâtre, 6, 2016,
p. 105-110.
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SOURCES CITÉES
Actes des sixièmes assises de la traduction littéraire, Arles, Actes Sud/Atlas, coll.
« Littérature », 1990.
CRAIG Edward Gordon, De l’Art du théâtre, Belval, Circé, coll. « Penser le théâtre »,
[1911] 1999.
DÉPRATS Jean-Michel, « Traduire Shakespeare pour le théâtre », in Théâtre/Public,
44, 1982, p. 45-48.
17. « Pour moi, traduction ou mise en scène, c’est le même travail, c’est l’art du choix dans
la hiérarchie des signes. »
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