Traumatisme Facial Bénin: Chapitre
Traumatisme Facial Bénin: Chapitre
Traumatisme Facial Bénin: Chapitre
Points essentiels
■ Un traumatisme facial ne peut être qualifié de « facial pur » puis de « bénin »
qu’après un minimum d’investigations.
■ L’examen doit être exhaustif et ne doit en particulier oublier ni les cavités
accessibles (orbite, bouche, narines, conduit auditif externe) ni les dents.
■ Dans tout traumatisme facial d’allure bénigne l’œdème est trompeur et peut
facilement masquer une fracture sous-jacente.
■ Le cas échéant, l’imagerie de première intention se résume à la Tomo-Densito-
Métrie (TDM), sauf pour explorer la mandibule où, selon la situation, une
radiographie panoramique dentaire peut suffir.
■ La face est une interface très symbolique avec le milieu extérieur : toute
atteinte à son intégrité peut avoir des répercussions médico-psycho-socio-
professionnelles invalidantes donc médico-légales graves.
■ Du fait de cet impact médico-légal potentiel, l’examen devra être d’autant plus
scrupuleusement colligé dans le dossier médical, sans oublier de mentionner
toute lésion préexistante connue préalable au traumatisme.
1. Principes généraux
1.1. Les enjeux
La prise en charge d’un traumatisé de l’extrémité céphalique commence par une
enquête étiologique minutieuse. Une perte de connaissance atteste d’une atteinte
encéphalique, au minimum d’une commotion cérébrale. Une chute devra être
expliquée. Une origine iatrogène ou toxique sera systématiquement recherchée.
Une vigilance toute particulière sera de règle chez un patient vulnérable (jeune
enfant ou vieillard, patient dépendant) afin de ne pas passer à côté d’un acte de
maltraitance ou de lésions associées cliniquement peu parlantes. Le mécanisme et
la cinétique du traumatisme seront précisés. Le terrain de la victime sera
également évalué : existence de comorbidités, statut vaccinal antitétanique, risque
iatrogénique (traitement antiagrégant ou anticoagulant, allergie
médicamenteuse), état maxillo-facial préexistant (impact médico-légal).
L’association à des lésions extra-faciales, potentiellement graves, doit être
recherchée. 20 % des traumatismes « faciaux » sont des traumatismes crânio-
1.4. Imagerie
Lors d’un traumatisme facial d’allure bénigne, des incidences de radiographie
conventionnelle bien choisies et des clichés correctement réalisés permettent dans
la majorité des cas de réaliser un bilan lésionnel d’urgence. Cependant, si l’accès
à la radiographie conventionnelle est facile aux urgences, elle nécessite parfois des
positions contraignantes, en particulier lorsqu’elle fait appel à la mobilisation du
rachis cervical. Par ailleurs, elle est significativement plus irradiante et moins
exhaustive en termes de bilan lésionnel qu’une TDM.
En pratique aujourd’hui, il est difficile de ne pas réaliser d’emblée une TDM
lorsqu’une imagerie est nécessaire pour documenter un traumatisme facial dans
un service d’urgences (4), sauf pour l’exploration de la mandibule pour laquelle
une radiographie panoramique peut parfois suffire.
Les brûlures et les morsures sont des plaies particulières du fait de leur impact
esthétique (donc psycho-socio-professionnel) potentiel ou patent.
Les brûlures, dont l’œdème peut masquer des fractures, se compliquent entre
autres par des rétractions. Leur survenue doit systématiquement faire évoquer une
maltraitance, en particulier chez l’enfant en présence de lésions d’âges différents.
Les sites à risques tels que les globes oculaires, les orifices narinaires, ou le pavillon
de l’oreille appellent à une prise en charge particulière. La conduite à tenir
immédiate consiste à un refroidissement de la lésion à l’aide d’eau ou de gel
d’eau, à l’ablation prudente de tout corps étranger non adhérent, à une
désinfection locale, et à une protection par pansement gras.
MESSAGES PRATIQUES :
– une paralysie du III est un syndrome de loge jusqu’à preuve du contraire et
constitue une urgence horaire ;
– en cas de douleur du globe, penser à rechercher un corps étranger sous
palpébral en retournant la paupière supérieure ;
– en cas d’œdème palpébral, il faut toujours examiner le globe sous-jacent ;
malgré l’œdème, on peut toujours entrouvrir les paupières ! ;
– les plaies potentiellement à risque nécessitent d’être prises en charge par un
ophtalmologiste.
MESSAGES PRATIQUES :
– toute ophtalmoplégie ou diplopie douloureuse est une urgence chirurgicale
jusqu’à preuve du contraire et impose la réalisation d’une TDM diagnostique en
urgence. L’association d’une diplopie et d’une impossibilité douloureuse d’élever
le globe oculaire est une fracture en « trap door » jusqu’à preuve du contraire ;
– une diplopie post-traumatique inexpliquée impose la réalisation à court terme
d’un test de Lancaster (9) ;
– ne pas faire moucher un patient présentant une fracture du plancher lorsqu’elle
est associée à une épistaxis.
La palpation est prudente et recherche une cassure du relief voire une mobilité
osseuse, une douleur élective, une hypoesthésie dans le territoire du V2, une
crépitation évoquant une atteinte de l’intégrité du sinus maxillaire sous-jacent. En
situation endobuccale, elle permet de palper l’ensemble du cintre maxillo-
zygomatique.
Toute otorrhée séreuse doit faire suspecter une brèche ostéo-méningée, toute
plaie du conduit auditif externe associée à cette brèche expose au risque de
contamination méningée.
Toute otorragie doit faire rechercher une plaie du conduit auditif externe, mais
surtout une fracture du rocher et/ou de l’ATM : la fracture du tympanal par
impaction du menton est une cause classique d’otorragie.
Toute paralysie faciale périphérique dans ce contexte doit faire rechercher une
atteinte du nerf facial par fracture du rocher, et la présence de signes
acoumétriques et/ou de vertiges une contusion de l’oreille moyenne et/ou interne.
MESSAGES PRATIQUES :
– tout traumatisé facial doit bénéficier d’une otoscopie systématique ;
– toute otorrhée séreuse, otorragie, ou paralysie faciale périphérique impose la
réalisation d’une TDM diagnostique.
Références
1. Giraud O., Teysseres N., Brachet M. Traumatisme maxillofacial. EMC (Elsevier Masson
SAS, Paris), Médecine d’urgence, 25-200-C-30, 2007.
2. Carvalho T.B. Six yeats of facial trauma care: an epidemiological analysis of 355 cases.
Braz J Otorhinolaryngol, 2010 Sep-Oct ; 76(5) : 565-74.
3. Pharaboz C. Les traumatismes du massif facial, http://www.med.univ-rennes1.fr/cerf/
edicerf/NR/NR006.html, 1995.
4. HAS, Indications de la radiographie du crâne et/ou du masif facial, rapport d’éva-
luation technologique, Service évaluation des actes professionnels, février 2008.
5. http://www.infectiologie.com/site/medias/enseignement/CMIT/Popi-2009-Chap15-
corrige.pdf
6. Cummings C.W., Fredrickson J.M., Harker L.A. et al. Otolaryngology – Head & Neck
Surgery, vol. 2, 3e éd. Missouri : Mosby ; 1998.
7. Indications de la radiographie du crâne et/ou du massif facial, HAS 2008.
8. Gioacchini F.M., Alicandri-Ciufelli M., Kaleci S., Magliulo G., Re M. The role of antibi-
otic therapy and nasal packing in septoplasty. European Archives of Oto-Rhino-Laryn-
gology, 2013 : epub.
9. Wiel E., Raoul G., Pertuzon B., Menu H. Traumatismes maxillo-faciaux. Congrès
national d'anesthésie et de réanimation 2008 (Elsevier Masson SAS), Conférences
d'actualisation, p. 189-202.
Remerciements
Dr Vincent Costalat : CHU Montpellier, service de neuro-imagerie.
Dr Fouad El Najjar : CHU Montpellier, service de chirurgie maxillo-faciale et plastique.
Dr Fanny Babeau : CHU Montpellier, service d’ophtalmologie.
Dr Cyrille Nublat : CHU Montpellier, Faculté de Médecine de Montpellier, centre universi-
taire de soins dentaires.