These Dureysseix Fanny 2017
These Dureysseix Fanny 2017
These Dureysseix Fanny 2017
Fanny DUREYSSEIX
Des politiques linguistiques et éducatives
aux conditions d’enseignement /
apprentissage des langues : quelle(s)
approche(s) du contexte ?
Le cas de la nation angolaise
Tome I : thèse
JURY :
Mme Margaret BENTO, Professeure des universités - Université Paris Descartes, Paris 5
Mme Cristelle CAVALLA, Maître de conférence HDR – Université Sorbonne Nouvelle, Paris 3
Mme Valérie SPAËTH, Professeure des universités, Université Sorbonne Nouvelle, Paris 3
Résumé
Des politiques linguistiques et éducatives aux conditions d’enseignement /
apprentissage des langues : quelle(s) approche(s) du contexte ?
Le cas de la nation angolaise
2
Abstract
From Language and Education Policies towards Languages Teaching /
Learning Conditions: which Approach(es) of the Context?
The Case of the Angolan Nation.
3
Resumo
Desde as políticas linguísticas e educativas até as condições de ensino /
aprendizagem das línguas: que abordagem do contexto?
O caso da nação angolana.
4
5
Marcel Proust
6
Remerciements
À l’ensemble des membres du jury pour avoir accepté de lire ce travail et à Martine
Derivry-Plard et à Cécile Vigouroux pour leur travail de rapporteur.
À Yves Canier, l’ami, le nettoyeur de coquilles, pour sa franchise, son grand cœur et sa
disponibilité. Merci à Yves pour l’accueil bisontin et pour savoir toujours revenir à
l’essentiel, a temperatura !
À Dominique Richard, l’amie et l’éditrice avisée, pour la générosité du nid parisien, l’œil
averti et la stimulation intellectuelle.
À Monique Bossis, Mireille Déchelette, Juliette Aslanian et Océane Dureysseix qui, avec
disponibilité et générosité, ont accepté de relire des morceaux de ma production. Leur
regard externe et bienveillant est un trésor.
7
À Francisca, la mana do meu coração, et toute la famille Van Dunem pour l’accueil doux et
généreux à Luanda et à Lisbonne.
Enfin à ma famille pour m’avoir accompagnée avec gaieté et malice et à mon père pour
m’avoir rendue curieuse et ouverte à l’autre.
8
9
INTRODUCTION ............................................................................................................ 20
CONTEXTE GENERAL ......................................................................................................... 20
OBJECTIF DE LA RECHERCHE ............................................................................................ 21
APPORTS DE LA RECHERCHE.............................................................................................. 22
PLAN D’ETUDE.................................................................................................................... 23
PARTIE 1 ........................................................................................................................... 24
CHAPITRE 1 ..................................................................................................................... 26
1 PRESENTATION DE LA RECHERCHE................................................................ 26
1.1 QUESTIONNEMENTS INITIAUX ................................................................................ 26
1.2 BREF ETAT DES LIEUX DES TRAVAUX EXISTANTS ..................................................... 28
1.2.1 LA DIDACTIQUE DES LANGUES ET DES CULTURES ............................................................... 28
1.2.2 LE SYSTEME EDUCATIF .............................................................................................................. 30
1.2.3 LA SOCIOLINGUISTIQUE ............................................................................................................ 31
1.3 PROBLEMATIQUE DE LA RECHERCHE ...................................................................... 34
1.3.1 PREMIER AXE : DE L’HISTOIRE A L’INTERVENTION DIDACTIQUE ..................................... 36
1.3.2 DEUXIEME AXE : LANGUES, SCOLARISATION ET POLITIQUES LINGUISTIQUES .............. 39
1.4 PRESENTATION DU CORPUS ..................................................................................... 43
1.4.1 LES TEXTES OFFICIELS DE LA PERIODE COLONIALE ET POSTCOLONIALE ...................... 44
1.4.2 LES SUPPORTS DIDACTIQUES PRODUITS A DESTINATION DE L’ENSEIGNEMENT /
APPRENTISSAGE DU PORTUGAIS ET DU FRANÇAIS .............................................................................. 44
1.4.3 AUTRES SUPPORTS D’ANALYSE ................................................................................................. 47
1.4.4 CORPUS ET TRADUCTION........................................................................................................... 48
1.5 RAPPORT AU TERRAIN ET A L’OBJET DE RECHERCHE ............................................. 50
1.6 RECAPITULATIF ........................................................................................................ 58
CHAPITRE 2 ..................................................................................................................... 60
CHAPITRE 3 ..................................................................................................................... 76
10
11
12
13
14
15
16
17
UNITA : Union nationale pour l’indépendance totale d’Angola. União nacional para a
independência total de Angola.
18
19
Introduction
Introduction
Depuis le moment inaugural des indépendances en Afrique initié il y a plus d’un
demi-siècle, le développement des systèmes éducatifs postcoloniaux et les évolutions des
pratiques langagières des communautés locales, nationales ou même transnationales,
représentent deux grands domaines de réflexion et d’intervention pour nombre de
chercheurs en sciences humaines. Initialement tributaires de l’héritage colonial, ces
recherches s’inscrivaient dans une dynamique Nord-Sud, bien souvent fondées sur
l’ancienne relation des métropoles avec les périphéries coloniales. Progressivement, sous
l’effet de la complexification des circulations du fait de la globalisation et de
l’internationalisation des questions éducatives et linguistiques pour des raisons tout
autant institutionnelles (impulsion de l’Unesco) que géopolitiques (Guerre froide,
émergence de nouvelles puissances économiques dont les BRICS, etc.), l’étude des
contextes africains fait l’objet de travaux multicentriques, permettant le développement
de nouveaux points de vue et abords des contextes. Pour autant, le poids des langues
coloniales tout autant que d’une histoire partagée entre centre et périphérie demeure
prégnant1.
Contexte général
Le travail qui suit s’attache à l’étude d’un contexte africain externe à l’espace
francophone : l’Angola, une nation d’Afrique australe lusophone, indépendante depuis
1 Voir par exemple pour l’espace francophone africain, le bilan dressé par Dreyfus (2006) au sujet de
l’étude de la variation du français parlé au contact d’autres langues. Si l’auteure montre bien qu’il y a eu une
évolution des approches scientifiques et des représentations et perceptions au sujet des langues et de leur
apprentissage, son état des lieux reflète aussi la prépondérance du centre français pour ces études.
20
Introduction
quatre décennies et dont l’histoire au 20e siècle est en premier lieu marquée par une
longue période de guerre (1961-2002) dont les conséquences sociales sont
particulièrement visibles au plan éducatif. Dans le discours économique, l’Angola est tout
à la fois une nation du Sud sous-développée (UNDP, 20142) et également un terrain
attractif pour les entreprises et les investisseurs étrangers en raison des besoins en
infrastructures et services tout autant que des richesses extraites de son sol, plus
particulièrement le pétrole et les diamants. Au plan linguistique, l’Angola se distingue de
nombre de nations africaines en raison du vaste changement de langue postcolonial : le
portugais est aujourd’hui la première langue maternelle en Angola. Au niveau des
politiques linguistiques, qu’elles soient nationales ou plus largement globales (sous
l’influence de la Communauté internationale et des organisations multilatérales dont
l’Angola fait partie), un vaste travail réflexif et d’application demeure à mettre en place.
Pour la didactique du français langue étrangère (FLE), l’une des langues étrangères
officielles dans le système éducatif national, d’importantes questions se posent au niveau
de son statut (langue seconde et étrangère) et des conditions de son enseignement /
apprentissage.
Objectif de la recherche
Notre travail a pour objectif de développer une approche adaptée aux enjeux de
notre contexte d’étude et permettant de formuler des recommandations en terme de
politiques linguistiques et éducatives et des propositions didactiques concrètes de mise en
œuvre. En ce sens, cette approche est expérimentale puisque, outre les résultats auxquels
elle mène, un questionnement est conduit sur ses modalités, à partir notamment des
éléments du cadre conceptuel. Contrairement aux rares thèses de doctorat menées dans
le champ de la didactique des langues et des cultures et consacrées au contexte angolais
(ABES, 2016 ; Direction générale des statistiques de l’éducation et de la science,
DGEEC3, 2016) l’approche ne privilégie ni le micro, ni le synchronique. Au contraire,
pour tenter de contribuer efficacement au savoir didactique afférent à l’Angola, cette
2 En 2013, l’indice de développement humain (IDH) calculé par l’UNDP place l’Angola au 149ème rang des
187 pays analysés.
3 La DGEEC (Direção-geral de estatísticas da educação e ciência), est un service central de l’administration du
gouvernement portugais permettant de consulter en ligne la liste des thèses de doctorat soutenues au
Portugal.
21
Introduction
Apports de la recherche
Travailler en didactique des langues et des cultures sur ce contexte local traversé
par des enjeux tout autant nationaux que globaux représente un apport scientifique à
plusieurs titres.
Tout d’abord, l’approche réflexive peut permettre de mettre au jour les concepts,
les notions et les catégories utiles pour aborder un contexte éducatif et linguistique
d’Afrique subsaharienne et également de vérifier quels sont les points communs et les
divergences avec l’espace francophone en Afrique.
Ensuite, la constitution d’un cadre historique détaillé centré sur les questions
linguistique et éducative constitue un apport pour la recherche en sciences humaines en
français. Ce cadre est également un moyen d’historiciser l’analyse et la réflexion en
relation avec l’évolution des pratiques langagières et pédagogiques et des outils
didactiques de cette société postcoloniale. Cette mise à profit de l’histoire est tout à la
fois un outil de compréhension des conditions sociales, de l’environnement idéologique
et de la dimension contextuelle des éléments analysés et également le moyen de mettre au
22
Introduction
Enfin compte tenu de l’état actuel du système éducatif angolais et des conditions
générales d’enseignement / apprentissage des langues, notre recherche a une visée
utilitariste pour tenter de contribuer à de futures améliorations.
Plan d’étude
Cette thèse est organisée en trois parties et en neuf chapitres. La première partie
rassemble les trois premiers chapitres et a pour objectif de clairement situer notre
travail : le premier chapitre présente en détail cette recherche, notre problématique et nos
hypothèses, le second dresse un cadre général du contexte et le troisième constitue le
cadre conceptuel. La seconde partie de cette thèse développe des contenus détaillés
s’appuyant sur des lectures caractérisées par leur diversité et vise à contribuer au champ
général des connaissances portant sur le contexte angolais. Le chapitre IV est consacré au
cadre historique, le chapitre V constitue le cadre sociolinguistique et le chapitre VI
centre la réflexion sur la langue française en Angola. La troisième partie de cette thèse est
dédiée à l’analyse des corpus didactiques et a une progression chronologique : le chapitre
VII a pour objet un ensemble pédagogique colonial, le huitième chapitre un corpus
produit dans la période succédant directement à l’indépendance et le dernier porte sur un
corpus contemporain.
23
Partie 1
_____________________________________________________________________
Partie 1
Chapitre 1 – Présentation de la recherche
Chapitre 2 – Présentation du contexte d’étude
Chapitre 3 – Cadre conceptuel de la recherche
24
Partie 1
25
Partie 1 – chapitre 1
CHAPITRE 1
1 Présentation de la recherche
L’intention de départ qui a motivé et gouverné cette recherche est fondée sur une
expérience professionnelle de deux années en Angola. Notre emploi en tant que chargée
de mission pédagogique pour la langue française au sein du Ministère de l’éducation
angolais dans le cadre d’un projet de coopération financé par le Gouvernement français4
a été l’occasion de découvrir un nouveau contexte d’enseignement et d’apprentissage du
français langue étrangère (FLE). En raison de la position sociale que confère un tel
emploi, il a été possible d’engager des interactions avec l’ensemble des acteurs de la
pyramide éducative, des enfants des classes observées aux enseignants formés, des
coordinateurs provinciaux pour le français aux directeurs des instituts ministériels et, bien
que plus rarement, aux vice-ministres et au Ministre. Une telle expérience a pour
avantage de progressivement permettre de s’approprier des éléments d’une
compréhension de plus en plus fine du fonctionnement de l’éducation en tant que
système hiérarchisé. Ce travail au sein du système éducatif public angolais a donc été un
moyen empirique de prendre conscience de l’ampleur des difficultés, des
dysfonctionnements et des enjeux pour une société d’Afrique subsaharienne se remettant
lentement des conséquences de 41 ans de guerre.
4 Trois mois après notre arrivée, nous avons brusquement changé de statut. Notre supérieur, l’Attaché de
26
Partie 1 – chapitre 1
Ces premiers questionnements ont évolué au cours de ces deux années, se sont
élargis au fur et à mesure de nos découvertes, qu’elles soient le fruit des interactions du
quotidien, de l’expérience de terrain lorsque nous avons observé des classes ou formé des
enseignants notamment, des consultations de textes en lien avec les actions programmées
ou encore lors des entretiens, réunions et échanges avec des acteurs éducatifs angolais et
étrangers. Rapidement, nous avons décidé de ne pas restreindre ce travail au champ de la
didactique du FLE mais de nous intéresser plus largement à la question linguistique dans
son ensemble.
Cette ouverture, qui peut conduire à considérer que ce travail pourrait manquer de
précision, de focus ou même de finesse, a pourtant rendu cette recherche passionnante et
a abouti, nous l’espérons, à avoir éviter l’écueil du micro pour réussir à répondre à une
partie des urgences éducatives auxquelles la nation angolaise fait face aujourd’hui.
Une nouvelle série de questions a donc suivi celles en relation au FLE. Quelles
sont les langues maternelles en Angola et comment sont-elles représentées dans les
politiques linguistiques ? Au niveau national, comment sont répartis les locuteurs des
différentes langues en présence ? Quels enjeux sociaux entraîne la scolarisation des
enfants angolais dans l’unique langue officielle, le portugais ? Pourquoi cette langue est-
elle la langue maternelle d’une très grande majorité de la population urbaine ?
27
Partie 1 – chapitre 1
Les recherches en didactique des langues et des cultures en français portant sur le
contexte angolais sont peu nombreuses et sont exclusivement le fruit de recherche de
28
Partie 1 – chapitre 1
type micro effectuées par des nationaux5 . Elles cherchent à produire une analyse fine
d’un aspect de l’enseignement, souvent à l’échelle d’une classe, d’une école ou d’une
institution scolaire. Ainsi, la plus récente (Mpanzu, 2015) s’intéresse aux interférences
linguistiques des apprenants de FLE de l’Institut supérieur des sciences de l’éducation
(ISCED) de Uíge, une ville proche de la frontière avec la RDC où, en sus du portugais,
nombre d’habitants utilisent au quotidien le kikongo, le lingala et, dans une moindre
mesure, le français. L’enquête de terrain s’appuie sur des questionnaires écrits destinés à
recueillir le point de vue des apprenants sur leur pratique du français. À partir de leur
analyse, l’auteur postule l’existence d’une variété spécifique du français dans cette partie
de l’Angola, caractérisée par des interférences linguistiques entre le portugais et le
français. Il préconise en conséquence une didactique du français en milieu plurilingue.
L’absence de recueil d’un corpus d’interactions orales complique la mesure réelle de ces
interférences linguistiques et leur ampleur sociale à ce niveau local ou provincial.
À partir de tels travaux, il serait permis d’envisager une application réelle des
propositions didactiques et pédagogiques formulées par les différents auteurs. Mais, à
leur retour en Angola, ces docteurs sont bien souvent happés par le jeu de la hiérarchie
administrative du système gouvernemental fortement corrompu ou par le secteur privé
manquant cruellement de cadres formés et qualifiés. Il en résulte, quelle que soit la
discipline de référence, un très faible investissement sur le terrain et par conséquent peu
d’avancées au niveau de la recherche. Dans le cas de la didactique du FLE et d’après nos
rencontres sur le terrain, les docteurs ou sont des cadres du Ministère de l’éducation, ou
occupent des fonctions enseignantes et / ou administratives au sein des institutions de
l’enseignement supérieur (comme certains titulaires d’un Master français), ou bien se sont
tournés vers le secteur privé, soit ils sont restés en France. Par conséquent, à la suite du
doctorat, il n’y a pas ou très peu de poursuite de la recherche.
5 Depuis 1993, sept thèses en sciences du langage et trois en linguistique ont été soutenues par des
Angolais dans les Universités françaises (la majorité ayant été financées par le service de coopération du
Gouvernement français). Les sept thèses en science du langage portent sur le contexte angolais et traitent
de didactique du FLE : « la dimension iconographique de l’enseignement du français aux débutants »,
« l’approche des textes dans la didactique du FLE », « la diversité linguistique en Angola et son influence
sur l’enseignement / apprentissage du FLE », « l’analyse d’erreurs », « le FOS à la faculté d’économie de
l’Université Agostinho Neto », « la motivation des collégiens et lycéens dans les classes de FLE » et
« Plurilinguisme, contact des langues et expression francophone en Angola » (Fichier central des thèses,
2015, [en ligne]).
29
Partie 1 – chapitre 1
6 Voir par exemple à ce propos l’article consacré aux récentes réformes portugaises et belges qui affectent
30
Partie 1 – chapitre 1
1.2.3 La sociolinguistique
7 Chavagne publie sa thèse après avoir séjourné en Angola deux fois trois ans durant les années 1980, soit
combats de 1992.
9 Le travail conjoint de Figueiredo et Oliveira Duarte illustre les profits des études multicentriques. Le
premier est en poste à Macao (ancienne colonie portugaise, qui avec le Timor Oriental ou encore Goa,
inscrit l’espace lusophone en Asie) et est spécialiste de la variation à São Tomé. La seconde travaille à São
Paulo et s’intéresse à une variété du portugais du nord du Brésil. Ce type de collaboration, de plus en plus
fréquente avec l’accroissement continu de la mobilité académique, contribue à l’élaboration d’un savoir
scientifique co-construit et transnational ou même transcontinental. Il est le signe d’une dilatation de
l’espace de la recherche et peut, s’il est accompagné d’une véritable réflexion épistémologique, s’inscrire
dans une vision moins épicentrée puisque justement il met en contact différents centres. Les auteurs
soulignent que leur travail sur la variation en Angola est précurseur.
31
Partie 1 – chapitre 1
linguistiques concernant les langues nationales. Outre cette analyse de textes officiels et
de propos tenus par des officiels dans différents journaux angolais, Augusto met à profit
une enquête de terrain réalisée auprès d’officiels, de professeurs et de parents d’élèves
avec lesquels il a mené des entretiens au sujet de l’introduction des langues nationales
dans le système éducatif.
10 En 1993 l’une porte sur le kimbundu et en 1995 deux sont publiées : l’une porte sur le kisikongo et
l’autre sur l’iwoyo.
11 L’auteure considère que les travaux existants sur la variation en français sont de quatre types :
- monographie d’ensemble d’une aire spécifique (ex. Péronnet 1988, sur le français en Acadie du sud-est du
Nouveau-Brunswick) ;
- étude d’un phénomène spécifique sur une aire spécifique (ex. Knutsen 2009, sur les relatives en Côte d’Ivoire) ;
- comparaison d’un phénomène linguistique sur une aire géographique au-delà d’un lieu précis, comme l’acadien de
différents points du Canada et de Louisiane (ex. Neumann-Holzschuh & Wiesmath 2006, sur l’emploi du
conditionnel dans la protase et les formes verbales non finies) ; ou comme différents français d’Afrique (ressem-
blances et divergences panafricaines, voir Manessy 1995 pour les tendances opposées de fonctionnalisation et de
vernacularisation ; ou Queffélec 2001 pour les grandes tendances partagées qui affectent basilectes et mésolectes) ;
- contraste d’un phénomène linguistique dans différentes aires, comme dans Vinet 2001, qui étudie ce qu’elle appelle
« micro-variation » - ie. variation dialectale d’une langue, entre « français québécois » et « français européens », par
32
Partie 1 – chapitre 1
- Les travaux monographiques d’ensemble qui ont pour objet d’étude l’aire nationale
plutôt que des aires plus spécifiques (Mendes, 1985 ; Zau, 2011).
- En dehors des contributions françaises de Chavagne (2005) et de Carral (1997) déjà
citées, les études d’un phénomène spécifique sur une aire spécifique sont plus
nombreuses pour le Brésil, le Mozambique ou encore São Tomé. Pour l’Angola,
relevons les travaux de Mingas (2000) qui s’est intéressée aux interférences du
kimbundu dans le portugais parlé à Luanda et d’Inverno Coragem (2011) qui traite,
en s’appuyant sur l’analyse d’un corpus oral, des interférences morphosyntaxiques
en portugais produites par les contacts de langues dans la région du Dondo
(province de Lunda Sul), la langue maternelle majoritaire y étant le chokwe.
- Les comparaisons d’un phénomène linguistique sur une aire géographique au delà
d’un lieu précis sont, d’après nos recherches, peu nombreuses lorsqu’elles intègrent
l’Angola. Un court article de Santos (2008) traite de l’influence des langues
africaines sur l’utilisation du pronom objet durant la période coloniale.
- Les études contrastives d’un phénomène linguistique dans différentes aires sont
plus fréquentes depuis la fin du conflit armé en 2002. La thèse de doctorat du
brésilien Petter (2009) porte ainsi sur une approche comparative des variétés de
portugais angolaises, brésiliennes et mozambicaines. La comparaison dressée par
Oliveira Duarte et Figueiredo (2013) fait appel à deux études localisées, l’une
portant sur la variété de portugais parlée à Jurussaca au Brésil et l’autre à Libolo, au
nord de la province de Kwanza Sul en Angola, zone de contact entre le kimbundu
et le portugais (et dans une moindre mesure avec l’umbundu).
12 En raison des conditions historiques, sociales et économiques locales, un vaste travail de recherche reste
à accomplir, quels que soient le champ disciplinaire et la langue de travail. Il est d’une part certain que
l’absence de l’écrit durant la période précoloniale puis le travail de collecte de terrain isolé et aléatoire
durant la majorité de la colonisation portugaise constituent une première difficulté pour appréhender ce
contexte. D’autre part, contrairement à une majorité de pays d’Afrique subsaharienne depuis les
indépendances, l’Angola n’a encore fait que trop peu l’objet de recherches académiques nationales ou
internationales. Ce retard a indéniablement été engendré par la longue période de conflit et une forme de
désengagement de l’ancienne métropole coloniale, tout autant causé par des conditions politiques,
33
Partie 1 – chapitre 1
En tenant compte des travaux existants et de nos questions initiales, nous avons
choisi la problématique de recherche suivante : comment contribuer à l’amélioration
des politiques linguistiques et éducatives et des conditions d’enseignement /
apprentissage des langues en Angola ?
idéologiques qu’économiques. Chabal, historien spécialiste de l’Afrique lusophone, constate par exemple
que [eng] tant pour les guerres coloniales portugaises que pour les armées coloniales, il n’y a encore que trop peu de recherches
pour pouvoir présenter des contenus comparables à ce qui est disponible concernant les expériences françaises, britanniques ou
néerlandaises (Chabal, 2002 : 3). There is yet too little research both on the Portuguese colonial wars and on the colonial
armies to present material comparable to what is available on the French, British or Dutch experiences.
34
Partie 1 – chapitre 1
Ces difficultés ont renforcé notre volonté d’ouvrir notre questionnement au sujet
de l’enseignement des autres langues et en premier lieu de la langue officielle de
scolarisation, le portugais. De cette manière, nous avons ouvert notre corpus à des
supports destinés à l’enseignement / apprentissage de la langue portugaise.
Il nous semble que l’expérience de terrain devrait parfois précéder la théorie dans
les formations universitaires et dans la recherche. D’une certaine manière, nous
considérons que cette recherche tire profit d’une telle expérience. Nous sommes en effet
arrivée en Angola sans savoir que cette nation deviendrait un terrain de recherche. La
recherche du sens a d’abord été fondée sur cette expérience et notre mémoire
individuelle de l’histoire sociale et des conditions éducatives de l’Angola. La lecture et la
réflexion théorique a posteriori sont doublement fructueuses. Dans un premier temps, elles
découlent d’une curiosité fondée sur une appétence pour une compréhension historicisée
des phénomènes contemporains observés, conjuguée à une préoccupation des réalités et
de l’histoire sociales du monde, celle du constat d’une forme d’urgence en matière
d’éducation. Dans un second temps, ces lectures ouvrent de nouvelles pistes et
aboutissent à devoir articuler des discours très divers, souvent contradictoires.
Dès lors, notre approche du terrain – dans une situation professionnelle non
dédiée à la recherche – a mené à l’élaboration de la problématique et inscrit les prémices
de cette recherche dans une méthode inductive et empirique. L’expérience des deux
années passées en Angola, l’observation au quotidien d’une réalité sociale et éducative
étrangères ouvrent la voie à une réflexion sur l’altérité et enfin les questionnements
conséquents ont conduit à formuler des hypothèses puis à un retour vers la théorie. De
ce fait, ce cheminement se rapproche de la démarche initiée par Francis Bacon qui a
contribué en son temps à contester le caractère systématique de la démarche
hypothético-déductive.
Par la suite, sachant qu’il était très difficile d’envisager un séjour de recherche a
posteriori13, nous avons emprunté la voie du déductif en nous appuyant sur l’analyse de
corpus et sur nos lectures ex situ.
13 Deux difficultés majeures nous ont empêchée de revenir sur ce terrain. Au plan administratif, l’obtention
d’un visa est particulièrement complexe. Au plan logistique, financer sur fonds propres un séjour de
recherche s’avère extrêmement onéreux. Luanda, la capitale, a été classée plusieurs années de suite « ville la
35
Partie 1 – chapitre 1
plus chère du monde » en raison des prix extrêmement élevés des loyers et des produits de consommation.
Les prix des loyers sont la conséquence de la bulle immobilière générée par l’accroissement de l’activité
économique depuis 2002 (fin de la guerre) et de la pénurie de logements répondant à des standards de
confort minimaux. Les taxes d’importation très élevées et la faible production de denrées sur le territoire
national expliquent les prix parfois démesurés des produits de consommation courante. Par voie de
conséquence, les salaires des expatriés sont également supérieurs à la majorité de ceux pratiqués dans
d’autres pays, ce qui représente une motivation supplémentaire pour l’émigration. Rappelons que bien que
Luanda exige des revenus conséquents pour subvenir correctement aux besoins vitaux, la majorité de sa
population vit néanmoins avec moins de 2 dollars par jour dans les musseques, les bidonvilles, qui entourent
le centre historique.
14 Ces exemples sont tirés de différents projets pour lesquels nous avons travaillé (gouvernement français)
ou dont nous avons pris connaissance lors de notre séjour en Angola (gouvernement portugais, CPLP et
Unicef).
36
Partie 1 – chapitre 1
Il est constitué par l’ensemble des actions verbales et non verbales, préconçues ou non, que met en place un professeur
pour transmettre et communiquer des savoirs ou un «pouvoir-savoir» à un public donné dans un contexte donné ainsi que par
les intentions qui accompagnent l’action. Ces actions ont la particularité de vouloir provoquer des actions de la part d’un
groupe d’individus en vue de la transformation et de l’amélioration de savoirs et parfois de comportements (Cicurel, 2013 :
33).
Même si des écoles sont construites, les classes sont mieux équipées ou qu’enfin
des livres sont accessibles aux apprenants, demeure le besoin d’enseignants bien formés,
en mesure de se saisir des difficultés contextuelles et d’adapter leurs pratiques de classe.
Dans une vision occidentale – donc avec le risque de l’épicentrisme / ethnocentrisme
scientifique (cf. Infra. : 100 et sq.) – une plus grande autonomie des enseignants paraîtrait
nécessaire. Dans le cas des enseignants de FLE, nous avons constaté les limites (en
termes d’effet sur les pratiques) de l’effort d’aide à la formation initiale et continue
financée par le Gouvernement français depuis plus de deux décennies. En nous appuyant
sur notre expérience de formatrice en Angola et sur les observations de classe, nous
considérons que, bien que certains enseignants aient été formés de manière régulière et
répétée à travers un programme de bourses pour des stages ponctuels, des formations
dédiées ou des doctorats en France, la quasi totalité des situations de classe montre que la
prescription méthodologique descendante ne fonctionne pas.
Ces propos permettent de préciser ce qui fait défaut pour prétendre à une
intervention didactique soucieuse du contexte d’application (Kramsch, 1993 ; Blanchet et
al., 2008 ; Castelloti et Moore, 2008 ; Beacco, 2011). Ce besoin n’est d’ailleurs pas
seulement ressenti pour le français langue étrangère. Il est valable pour la totalité du
15 Ici s’ouvrent de nombreuses perspectives de recherche de terrain de type micro ou macro, quelle que soit
37
Partie 1 – chapitre 1
système éducatif et l’ensemble des disciplines scolaires, aucune étude traitant de cette
question dans une perspective historique n’ayant été réalisée à ce jour à notre
connaissance.
Par conséquent, notre première hypothèse est que l’approche historique peut
contribuer à mettre au jour les grandes caractéristiques du système éducatif et de la
culture éducative actuels. Fondée sur l’idée que l’histoire participe à mettre en lumière les
creux, les ruptures et les traits saillants du contexte d’étude (Durkheim, 1968 [1922];
Chakrabarty 2000 ; Spaëth, 2014), une telle hypothèse induit que le souci d’historicisation
(Bourdieu, 1998 ; Hartog, 2003) est ce qui fait défaut à l’intervention didactique en
Angola jusqu’à aujourd’hui. Historiciser la question linguistique et l’évolution de
l’enseignement des langues en Angola implique dès lors d’élaborer un cadre historique
pour contextualiser les textes, les propos et les faits relatifs à ces deux aspects. Un tel
cadre, fondé sur une synthèse critique des études pluridisciplinaires existantes dans nos
trois langues de travail (le français, l’anglais et le portugais) tout autant que sur une
analyse de corpus des textes officiels relatifs aux langues et à l’éducation (Benveniste,
1966, 1974 ; Dufour, 2010 ; Auger, 2011 ; Auger et Verdelhan-Bourgade, 2011 ; Jones,
Scollon R. et Scollon S. W., 2012), est un outil pour contribuer à dégager de nouveaux
éléments de compréhension du contexte contemporain et de la (les) culture(s)
éducative(s) dominante(s).
38
Partie 1 – chapitre 1
Lorsque nous avons observé des classes de français langue étrangère, nous avons
toujours fait suivre l’observation par la prise en main durant une heure de la classe objet
de notre regard de didacticienne. Outre les bénéfices en terme de confrontation aux
pratiques instituées et de prise de mesure du niveau linguistique et de la réactivité des
apprenants à une approche différente, notre volonté de compréhension du terrain
justifiait cette manière de ne pas seulement jouer un rôle externe mais bien de prendre le
rôle ponctuel d’un des acteurs sociaux de la classe de langue. Ayant constaté qu’à la fin
du secondaire, rares sont les apprenants atteignant le niveau A1 du CECRL en français et
que les pratiques de classe dominante sont fondées sur une progression grammaticale,
une communication « didactique » ou « imitée » (Weiss, 1984) et un modèle de
transmission privilégiant un oral répété et un écrit copié, il convenait d’opérer des choix
réfléchis pour créer une leçon expérimentale. Compte tenu du faible niveau linguistique
des apprenants, nous avons privilégié l’intercompréhension portugais / français de
manière à rassurer et à favoriser la compréhension (Blanche-Benveniste et Valli, 1997).
Dans l’idée de stimuler les apprenants habitués à un abord grammatical de la leçon, nous
avons choisi une approche interculturelle simple s’appuyant sur les savoirs généraux
supposés des apprenants au sujet de l’Angola et de la France. Sans entrer dans les détails
de cette expérience riche d’informations, nous faisons simplement appel aux points
saillants de cette expérience de la classe de langue en Angola. En l’absence de manuel
pour les élèves, nous avions préparé des photocopies d’un support élaboré par nos soins,
riches en illustrations, pensant que le simple fait d’avoir un signe matériel à soi de
l’apprentissage du français pouvait représenter un facteur de changement et de
motivation pour les apprenants. Le document déclencheur de la première activité
39
Partie 1 – chapitre 1
représentait une carte du monde en noir et blanc où seules les frontières des États
apparaissaient. Après un bref travail à l’oral respectant une forme de routine de classe
mettant à profit l’acte de parole incontournable de la classe de langue (se présenter et
donc dire son nom et sa nationalité, ce que la majorité des élèves sont en mesure de faire)
nous avons demandé aux apprenants de repérer l’Angola sur la carte ce qui n’a
globalement pas posé de difficulté. Par contre, le repérage suivant a systématiquement
posé problème : en moyenne, moins de 10 % des apprenants16 étaient en mesure de
situer l’Europe puis le Portugal – l’ancienne métropole coloniale – et encore moins la
France. En revenant vers le continent africain, même les pays frontaliers de l’Angola
étaient majoritairement méconnus. Pour des apprenants scolarisés dans les deux cycles
du secondaire (les classes observées couvraient l’ensemble des niveaux) et suivant des
cours de géographie plusieurs heures par semaine, ce constat nous a renvoyé à nos
propres représentations de l’apprentissage scolaire tout en soulevant la question des
savoirs de base effectivement transmis dans le système éducatif angolais et plus
largement à la connaissance du monde en dehors de l’Angola (Byram, 1997 ; Galisson et
Puren, 1999 ; Haloui ; 2005).
Un autre aspect important que nous avions déjà relevé lors de la phase
d’observation, est le paradoxe d’un enseignement qui demande à l’apprenant de copier
pour garder une trace de l’apprentissage alors que les compétences graphiques sont
souvent défaillantes. Ainsi faire copier quelques mots nécessite beaucoup de temps, ce
qui a été par ailleurs relevé par d’autres formateurs français lors de formations continues
destinées aux adultes. De plus, alors que l’ensemble des professeurs observés centrent la
leçon sur la grammaire (un aspect faisant office de titre de la leçon du jour au tableau), il
est apparu que même en portugais les catégories grammaticales simples étaient bien
souvent non acquises (nom, complément, adjectif par exemple), bloquant ainsi un
possible transfert de compétences de la langue de scolarisation vers la langue étrangère et
reproduisant un environnement encombré par un métalangage trop souvent crypté pour
les apprenants.
16 Les effectifs des classes observés oscillaient entre quarante et cent onze apprenants inscrits. Le taux
d’absentéisme étant cependant très élevé, nous avons fait face à un maximum de quatre-vingt-un
apprenants.
40
Partie 1 – chapitre 1
17 Une définition restrictive de la litteratie correspond à l’aptitute à comprendre et à utiliser l’écrit dans la
vie quotidienne.
41
Partie 1 – chapitre 1
18 Como o feitiço que se volta contra o feiticeiro, a língua, a mais importante arma utilizada pelo colonizador para impor
domínio, transformou-se, paradoxalmente, no mais importante meio de descolonização e factor básico de unidade nacional em
Angola. Assim, um quarto de século de independência fez mais pela implementação e difusão do português no território que do
cinco séculos de colonização.
42
Partie 1 – chapitre 1
sur un continent où l’éducation de base pour tous demeure un objectif persistant, avec
l’idéal – défendu depuis plus de 60 ans sous l’impulsion des premiers travaux de l’Unesco
(1953) – de prise en compte de la langue maternelle (ou « vernaculaire » pour reprendre
l’expression onusienne) des écoliers comme facteur de réussite scolaire.
En didactique des langues et des cultures, l’examen d’un corpus didactique peut
servir différents objectifs de recherche et d’application. Si l’intention est l’intervention
afin d’améliorer la qualité de l’enseignement / apprentissage d’une langue maternelle,
seconde ou étrangère, il est pertinent d’analyser les supports en usage. Pour autant, faire
fi de l’analyse de supports plus anciens, c’est-à-dire ceux qui ont participé à la
constitution d’une culture éducative et didactique, d’habitus et de pratiques
pédagogiques, revient à n’envisager la situation d’enseignement / apprentissage
contemporaine à l’intervention que d’une manière décontextualisée au plan historique.
43
Partie 1 – chapitre 1
Les documents examinés sont de deux types et sont référencés dans deux sections
correspondantes dans la partie consacrée aux références.
Compte tenu de notre souci de prendre en compte l’articulation local / global, nous
avons également mis à profit des textes pertinents pour notre contexte d’étude et
émanant de grandes institutions internationales telles que l’Unesco, l’Union Africaine
(UA), la Communauté de développement d’Afrique australe (SADC) ou encore la
Communauté des pays de langue portugaise (CPLP)19.
19 Il convient de signaler que la mise à disposition sous forme numérisée de nombreux textes
44
Partie 1 – chapitre 1
apprentissage, nous avons retenu trois supports à partir d’un premier critère, celui de la
date de publication :
- Le premier est publié en 1962, soit durant la phase d’exploitation et de
peuplement la plus soutenue de la période coloniale qui précède directement
l’indépendance.
- Le second est publié en 1980, soit cinq après l’indépendance, au moment où le
gouvernement de la jeune nation angolaise s’attèle à restructurer le système
éducatif hérité de la période coloniale et à diffuser la langue de l’unité nationale,
le portugais.
- Le troisième est publié en 2005, trois ans après le retour à la paix et dans le
cadre de la mise en place de la dernière réforme éducative.
Ce critère permet de pouvoir appréhender trois époques et trois conditions de
production différentes de manière à articuler conceptions et pratiques de classe à une
époque donnée et à l’histoire sociale.
45
Partie 1 – chapitre 1
En alliant les deux critères évoqués, nous avons retenu les trois supports suivants :
- un support colonial constitué de deux ouvrages destinés à la formation
d’enseignants du portugais en milieu rural (Direction provinciale des services
d’instruction, 1962).
- un support postcolonial publié dans les premières années consécutives à
l’indépendance et constituant un ensemble pédagogique. Le premier ouvrage
est un guide pédagogique destiné aux enseignants en charge de l’alphabétisation
des adultes en portugais ; le second est la méthode correspondante destinée
aux adultes analphabètes (Ministère de l’éducation et de la culture de la
République populaire d’Angola, 1980)
- un support postcolonial publié dans le cadre de la dernière réforme éducative
qui est un curriculum de formation initiale des enseignants de français langue
étrangère au secondaire (Institut national de recherche et de développement de
l’éducation, 2005).
Les manuels et supports pédagogiques prêtent à des formes très diverses d’analyse
(Auger et Verdelhan-Bourgade, 2011). Pour notre part, nos objectifs de recherche ont
conduit à privilégier certains domaines : les conditions de production (politiques,
éditoriales, public, situation d’utilisation, arrière-plan méthodologique), la structure
générale (organisation générale et leçon ou unité) et les contenus méthodologiques
(références, progression, méthodologie et typologie des activités). Par ailleurs, nous avons
combiné différents points de vue : méthodologique (usage du texte, progression, leçon),
linguistiques (grammaire, lexique, types de discours…), anthropologique (vision de la
46
Partie 1 – chapitre 1
Nous envisageons ainsi l’examen de notre corpus le plus récent comme un moyen de
mesurer tant l’adéquation de cette production officielle aux besoins contextuels que de
mettre au jour les traces historiques des influences méthodologiques externes et / ou
antérieures.
Pour compléter ces propos consacrés aux différents supports examinés pour élaborer
ce travail de recherche, nous signalons l’usage ponctuel de la presse dans une visée
strictement illustrative. Cette utilisation est le fruit d’une sélection résultant de notre suivi
attentif de l’actualité traitant des questions sociales, linguistiques et éducatives en Angola
depuis 2010. Dans le but de tenir compte des limites de la liberté d’expression en Angola,
nous avons choisi de confronter les informations officielles à celles émanant de
l’opposition. Nous avons donc consulté de manière régulière le portail d’information
officielle du gouvernement angolais (ANGOP qui peut être considéré comme un
équivalent national de l’Agence France Presse, AFP) et celui d’un portail d’opposition
hébergé au Portugal (Maka Angola). Ce corpus est par conséquent secondaire et ne peut
prétendre à être représentatif. L’échantillon est limité, il vise simplement à mettre en
exergue certaines tensions (discours sur les langues et sur les politiques linguistiques).
Pour finir, nous avons également pris le parti de ponctuellement mettre à profit
les bénéfices de l’observation participante qui fait partie des procédés de l’approche
ethnographique des terrains (Jones, Scollon R. et Scollon S. W., 2012). Gumperz (1989a)
47
Partie 1 – chapitre 1
Notre bibliographie tout autant que notre corpus sont plurilingues. Nous avons
donc traduit l’ensemble des citations d’ouvrages en langue étrangère ainsi que celles des
sections de corpus nécessaires à la clarté du propos. Deux questions se posent alors :
celle du processus de traduction et de ses moyens, qu’ils soient matériels ou numériques
et celle du « lieu éditorial » choisi pour chacune des versions.
Outre nos compétences acquises lors de nos études et dans notre vie sociale et
professionnelle, nous avons sollicité plusieurs types d’aide dans notre travail de
traduction. Souhaitant engager tous les moyens pour rendre ces traductions aussi fidèles
que possible, chaque doute a fait l’objet d’une recherche.
Quatre sources matérielles ont été fréquemment sollicitées, c’est-à-dire celles qui
étaient à portée de main sur le lieu de recherche principal pour l’écriture de cette thèse :
Carvalho Lopes F. et Longhi Farina H. M. (1992), Portugais grammaire active, Paris, Librairie
Générale Française.
Chabrier M. (dir.) (2008), Larousse dictionnaire français-portugais / portugais-français, Paris,
Larousse.
Hornby A.S. (2000) [1948], Oxford Advanced Learner’s Dictionary, Oxford, Oxford
University Press.
48
Partie 1 – chapitre 1
Étant une utilisatrice d’Internet, nous avons également mis à profit trois
« moyens » numériques en cas de doute :
a) Exemple pour l’anglais (la traduction, signalée à la fin du passage traduit, apparaît
en note de bas de page) :
[eng] Les accords donnaient la priorité à la formation des enseignants, des spécialistes de l’éducation et du personnel
administratif angolais. D’autres provisions furent engagées pour que les conseillers cubains aident les différents départements du
20 Linguee est un outil de traduction unique en son genre. Il combine un dictionnaire rédactionnel et un moteur de recherche
permettant de chercher la traduction d'un mot ou d'une expression parmi des milliards de textes bilingues (Linguee, 2015,
[en ligne], page À propos de Linguee, > http://www.linguee.fr/francais-anglais/page/about.php<)
49
Partie 1 – chapitre 1
Ministère de l’éducation angolais à implémenter les nouvelles politiques éducatives. […] Le Ministère de l’éducation cubain
fournit également des bourses de courte durée pour former les spécialistes de l’éducation angolais à Cuba et il offrit un certain
nombre de sièges à l’université aux étudiants angolais pour leur permettre d’accomplir leurs études en enseignement ou dans des
sujets techniques et administratifs21 (Hatzky, 2014 : 170-171).
b) Exemple pour le portugais (la traduction en bas de page est ici complétée par un
commentaire) :
[por] Personne ne peut discuter la nécessité de connaître la langue des peuples évangélisés. L’assimilation d’une
civilisation inférieure à une autre d’un ordre supérieur, en écartant l’hypothèse de la violence, ne peut être conçue sans que les
agents de la culture assimilatrice se penchent avec attachement et patience sur tous les contenus de la culture à assimiler. Et,
comment cela serait-il possible sans connaissance du véhicule par lequel se transmettent les idées et se révèlent les mentalités ?
Lorsqu’il s’agit de provoquer une transformation qui est principalement spirituelle, comme dans le cas de l’action missionnaire,
la connaissance de la langue indigène est encore plus indispensable22 (Estermann, 1983 [1960-1961], Vol. 2 : 339).
Le moment n’est-il pas venu pour plaider pour que toute recherche comporte une réflexion sur le rapport du chercheur
à son objet, sur la nature de son implication, ce qu’elle suscite comme difficulté, mais aussi ce qu’elle apporte ? (Calhoun et
Wieviorka, 2013 : 36).
21 The agreements gave priority to training Angolan teachers, specialists in education, technicians, and administrative staff.
Further provisions were made for Cuban to help the various departments within the Angolan Ministry of Education
implement the new policies. […] The Cuban Ministry of Education also provided short-term scholarships to train Angolan
educational specialists in Cuba, and it offered a number of University places to Angolan students to enable them to complete
their studies in teaching or in technical and administrative subjects.
22 Não pode seriamente ser discutida por ninguém a necessidade de conhecimento da língua materna dos povos evangelizados.
A assimilação de uma civilização inferior a uma outra de ordem superior, posta de parte a hipótese da violência, não é possível
conceber-se sem que os agentes da cultura assimiladora se desbrucem amorosa e pacientemente sobre todos os elementos contidos
na cultura a assimilar. E, como seria isto possível sem o conhecimento do veículo em que se transmitem as ideias e se revelam
as mentalidades ? Quando se trata de provocar uma transformação que é principalmente espiritual, como no caso da atuação
missionária, ainda mais indispensável se torna o conhecimento da língua indígena. Ce passage est extrait d’un article
publié en 1940 dans lequel Estermann fait l’éloge des compétences linguistiques du « [por] Père Lecomte
linguiste », « O Padre Lecomte linguista » (Ibid., p.339-344).
50
Partie 1 – chapitre 1
1917) pose que pour le sociologue – et, dirions-nous, le chercheur en sciences humaines
plus généralement – écarter les jugements de valeur sur les objets de recherche à
objectiver n’empêche pas que leur étude engage également les déterminations de la
position du chercheur, en particulier le lieu où il a grandi. En ce sens, choisir un objet de
recherche peut être imputé au fait que le chercheur est avant tout un sujet inséré dans un
espace historique et culturel particulier. Ce qui intéresse le chercheur serait alors
déterminé par des valeurs spécifiques au moment de production qui donnent une
direction à sa recherche.
Outre le filtre d’une histoire et d’une culture spécifique qui impactent sur les choix
et les pistes retenues, nos motivations à étudier la question linguistique en Angola
s’inscrivent bien en réaction à notre ressenti durant les deux années passées dans cette
nation, en particulier face à l’état du système éducatif angolais qui est emblématique de la
persistance des inégalités sociales. Nos intentions de recherche sont également le fruit
d’une éducation au monde qui induit un abord axiologique des sociétés humaines et
d’une histoire personnelle qui éveille des intérêts pour un terrain.
51
Partie 1 – chapitre 1
du Sud et lusophone nécessite bien une distanciation mais en contrepartie elle doit aussi
savoir tirer partie de l’affectif.
Pour le cadre de cette réflexion sur notre manière d’aborder le terrain angolais,
nous choisissons de faire appel à quelques lignes extraites23 d’un carnet de notes tenu par
Anita Conti, première femme océanographe française.
Avant d’apporter moyens modernes, connaître le pays, ses côtes et la vie de ses hommes sur les côtes et
la vie des familles et les rapports des hommes entre eux (Leton, 2014 :126).
Anita Conti écrit cette observation concernant l’approche du terrain où elle exerce et
où elle a été dépêchée pour participer à l’effort de guerre au début des années 1940. Son
étude de la pêche traditionnelle et des ressources de poissons se situe au large de
l’Afrique-Occidentale française (AOF) et a pour but d’aider à nourrir les populations
durant les années d’occupation allemande en France. Conti considère que l’amélioration
de la vie d’un peuple en introduisant de nouveaux moyens de production (la modernité)
ne peut se faire qu’en prenant en considération ce peuple lui-même, en apprenant à le
connaître et en entrant en relation avec lui. Cette démarche et cette posture vis-à-vis du
terrain est novatrice pour l’époque, en particulier en considérant que c’est en 1944 qu’Une
théorie scientifique de la culture et autres essais est publié : Malinowski (1970 [1944]) y expose
sa théorie fonctionnelle au sujet de l’approche des terrains. Il enjoint aux ethnologues de
tirer profit de la recherche de terrain pour étudier les cultures afin de développer une
approche comparative.
Nous rejoignons la pensée d’Anita Conti dans la mesure où en tant que chercheuse
externe à notre terrain d’étude – ou du contexte – il a été important de passer du temps
avec les Angolais, et non pas seulement avec les cadres éducatifs et les enseignants de
français langue étrangère, et d’établir des relations personnelles pour apprendre puis
tenter de comprendre. Agier (2004) et Nicolaï (2007) défendent eux aussi une telle
approche du terrain qui prend la forme d’un réseau constitué des interactions humaines
et sociales du chercheur et n’est plus seulement un lieu, une catégorie sociale, une ethnie
ou encore une institution particulière. De plus, l’intérêt pour la question linguistique et
les effets des contacts de langues nous fait adhérer au renouvellement récent des
perspectives de recherche au plan méthodologique et épistémologique qui revient à
23 retranscrites par Leton (2009) dans un ouvrage biographique et photographique consacré à Conti.
52
Partie 1 – chapitre 1
prendre en compte la variabilité et à veiller à ancrer les faits linguistiques dans les réalités
matérielles.
Ce n’est pas dans un espace abstrait que la « langue » prend racine mais dans la matérialité du contact entre les
individus, les populations, à travers les effets d’historicité que nous produisons dans l’actualisation de nos existences (Nicolaï,
2007 : 3)24.
Bien que notre corpus d’étude ne soit pas constitué d’enregistrements d’interactions
en classe ou dans la rue et que l’objectif ne soit pas de décrire avec finesse les pratiques
langagières au quotidien ou celles instituées dans le cadre de classes de langue et en
langue, l’expérience de ces deux années passées sur ce terrain africain est cependant
déterminante pour parler de ce contexte en mettant à profit la richesse des interactions
engagées au quotidien et en les gardant en fond matériel pour notre réflexion. Jones,
Scollon R. et Scollon S. W. (2012) considèrent d’ailleurs que les interactions de
l’observateur avec les membres font partie des quatre types de données qui peuvent être
l’objet d’une analyse de discours des communications interculturelles 25 . Attribuer de
l’importance à la relation du chercheur au contexte d’étude, à la densité et à la diversité
des interactions qu’il engage à l’occasion du temps passé sur son terrain, aux liens tissés
avec les membres, qu’ils soient personnels ou professionnels, est un moyen d’engager
une forme de responsabilité et d’éthique dans cette démarche de recherche ; car si le
chercheur est seulement un individu externe, détaché et non engagé dans des relations
interpersonnelles, comment s’assurer qu’il prendra vraiment en considération les
conditions sociales et humaines des sujets acteurs de ce terrain, en particulier si sa
recherche ne vise pas seulement à décrire mais bien à contribuer concrètement à une
amélioration de ces conditions ?
24 Le choix d’un objet de recherche en sciences humaines est ainsi le fruit de l’expérience, de la
connaissance et du rapport au monde du chercheur comme l’exprime bien Lahire : Un individu déterminé, tel
qu’il se présente dans sa réalité historique la plus concrète (avec sa sensibilité, ses pensées, ses goûts, ses manières d’agir, ses
compétences, etc.) et non en tant qu’unité abstraite mobilisée dans le raisonnement théorique, est le produit d’une insertion
permanente dans un réseau complexe de relation d’’interdépendance avec d’autres individus et, pourrait-on ajouter, avec les
multiples produits objectivés de l’activité humaine (objets de la vie quotidienne, outils, bâtiments, espaces aménagés, etc.)
(Lahire, 2010 : 199).
25 Les trois autres types de données sont les généralisations des membres (c’est-à-dire leur discours sur les
faits observés), les observations objectives qui permettent de mesurer l’écart entre le « dit sur » et le « dit
effectif » et l’expérience individuelle des membres qui prend souvent la forme des récits de vie et qui est
une observation « idiosyncratique ».
53
Partie 1 – chapitre 1
devenir adulte aux côtés de générations ayant vécu les grands tournants du 20e siècle
comme celui de l’Après-guerre, des indépendances, de mai 1968 ou encore de la fin de la
Guerre froide. Ses lectures le mènent à découvrir les propos de ceux qui ont pensé et
réfléchi durant ce siècle de turbulences idéologiques et sociétales, celui qu’Hobsbawm
nomme l’ère des extrêmes et qui succède au « long 19e siècle », celui des « révolutions »,
du « capital » puis des « empires ». Pour notre part, le brouillage histoire / mémoire quant
à un regard sur le 20e siècle doit nous conduire à la prudence et à la responsabilité.
Dans l’avant-propos de L’ère des empires, Hobsbawm fait le choix d’introduire son
volume par une anecdote autobiographique en retraçant le parcours de ses parents
jusqu’à leur rencontre à Alexandrie en Égypte au début du 20e siècle. Il expose au lecteur
la raison de ce choix.
Pour chacun d’entre nous, il existe en effet une zone crépusculaire entre l’histoire et la mémoire, entre le passé comme
récit général objet d’un examen relativement dépassionné et le passé comme ce que l’on se rappelle de sa propre vie ou de ses
origines. Pour les individus, cette zone part du point où commencent les souvenirs et les traditions familiales – disons la plus
ancienne photo de famille que le membre le plus âgé est capable d’identifier ou d’expliquer – et va jusqu’à la fin de l’enfance,
où l’on prend conscience du lien indissoluble qui existe entre destin collectif et destin individuel, l’un déterminant l’autre et
réciproquement (« J’ai fait sa connaissance peu avant la fin de la guerre » ; « Kennedy a dû mourir en 1963, car à cette
époque j’étais encore à Boston »). L’étendue de cette zone peut varier, de même que l’obscurité et le flou qui la caractérisent,
mais un tel no man’s land temporel existe toujours et constitue cette tranche d’histoire de loin la plus difficile à saisir pour
chacun d’entre nous, qu’il soit ou non historien (Hobsbawm, 2012 [1987] : 11).
Nous reprenons à notre compte ces réflexions plaidant pour une prise en compte
de « cette zone crépusculaire entre l’histoire et la mémoire » pour souligner que tout
travail de l’histoire consiste à prendre conscience que le chercheur est construit par
l’histoire, et que son travail doit commencer par comprendre comment il est influencé
par cela.
La contextualisation historicisée éclaire quant au travail produit et restitue ses conditions de production. En cela,
nous pensons qu’il est peu pertinent de nier la singularité du chercheur et de sa recherche sous couvert d’une objectivité
conventionnelle, mais que mieux vaut l’assumer et la mettre au profit de la recherche (Poulet et Razafimandimbimana,
2011 : 52).
54
Partie 1 – chapitre 1
26 […]on en a fait un programme-diktat de l’Union Européenne (sic), un instrument prescriptif pour tous les pays européens
et autres, une description des niveaux de maîtrise des langues, un outil d’évaluation et surtout de certification… Les auteurs
[…] ont sous-estimé la force prescriptive potentielle d’un tel document, qui s’est imposé malgré les démarches complexes qui ont
présidé à son élaboration […] (Beacco, 2014 : 323).
55
Partie 1 – chapitre 1
[1972]). Bertaux (1997) est l’initiateur pour l’espace de la recherche français d’une
réflexion sur l’approche biographique. L’individualisme entraîne la prise en compte de la
subjectivité et la débâcle des approches structuralistes qui impliqueraient l’impossibilité
de changements réels et disqualifieraient l’action collective. Pour la didactique des
langues et des cultures, la centration sur l’apprenant sur laquelle Coste et Courtillon
insistent en 1976 puis la montée de la question de et sur l’Autre (Zarate, 1983)
contribuent à ce que la question du sujet devienne centrale. Dans ce contexte, les études
sur les biographies langagières apparaissent comme une entrée pertinente. À partir des
années 1980, la notion de « patrimoine » est associée à l’individu : il peut faire émerger ce
patrimoine par un travail narratif. Il y a alors une utilisation de la mémoire et une
approche qui lient le sujet et l’histoire : le sujet devient un passeur entre histoire et
mémoire. Les récits de vie deviennent des objets à théoriser en mettant à profit la
sémiotique, la linguistique et la psychanalyse. L’imaginaire tout autant que les idéologies
peuvent surgir dans ce type de discours puisqu’il y a une irréductibilité du sujet à ne pas
pouvoir échapper aux matrices de sens et de valeurs. Plus récemment, certains
didacticiens et sociolinguistes cherchent à montrer l’intérêt de l’usage des récits de vie
dans le cadre de la formation estudiantine et professionnelle. Molinié (2006) considère
que la biographie langagière est un outil de formation prêtant à développer les
compétences réflexives. L’écriture sollicitée sert à décrire et à analyser des expériences
vécues tout en faisant émerger des émotions. À terme, les « biographies langagières »
peuvent permettre d’enclencher des changements et de transformer l’expérience en
connaissance problématisée (Causa, 2007).
Ici, l’objet n’est pas d’exposer directement notre récit de vie mais plutôt d’en faire
une synthèse pour apporter au lecteur de ce travail des éléments réflexifs et conscientisés
56
Partie 1 – chapitre 1
pour la compréhension des limites de cette recherche mais aussi de nos motivations à
travailler sur la question linguistique. Par ailleurs, il nous semble que cet exercice
inhabituel dans l’élaboration d’une thèse et dont la validité reste à mesurer, peut être un
moyen d’interroger le rapport entre subjectivité et objectivité, entre individuel et collectif
et entre mémoire et histoire. Il ne prétend pas à justifier une subjectivation de la
recherche mais plutôt à faire preuve de distanciation critique, de prudence, de
responsabilité et d’humilité dans ce travail qui porte sur un contexte qui nous était
absolument étranger et qui depuis est devenu un espace historique, culturel et humain
avec lequel nous avons un lien affectif fort. Autrement dit, exposer le résultat du
processus autobiographique (dont l’illusion d’un évitement de la part fictionnelle dans la
mise en mots ne nous échappe pas, cf. Fabre et al., 2010, 18 et sq.) ne vise pas seulement
à expliciter notre intérêt naturel pour notre objet d’étude : c’est une démarche pour faire
un pas vers notre lecteur et servir de geste facilitateur pour l’interprétation des biais et
pour la mesure de cette inévitable subjectivité et de cet incontournable filtre d’un regard
singulier sur le monde.
L’historicisation du « soi » et l’intersubjectivité explicitée offrent des balises interprétatives et plus encore engagent la
responsabilité intellectuelle du chercheur en ce qu’elles lui reconnaissent son pouvoir de distanciation critique. Tout en dissociant
les valeurs personnelles (préférences intériorisées ou pas mais n’impliquant que « soi ») de celles observables, l’éthique de
l’intersubjectif fait néanmoins appel à l’humilité de l’acteur-chercheur face à son pouvoir de « compréhension ». Au regard du
paradigme de l’imparfait, il ne peut ni prétendre être expert de l’autre, ni l’être au nom de l’autre (collégial ou pas). La
problématisation des limites dont il est conscient permet ainsi de dégager des réflexions critiques quant aux postures, méthodes,
discours, interventions, etc. et de donner à l’observateur-lecteur la possibilité de mieux réinvestir ses intentions et champs
d’action (Poulet et Razafimandimbimana, 2011 : 56).
57
Partie 1 – chapitre 1
En réfléchissant sur le passé comme ce que nous nous rappelons de nos origines,
nous pouvons extraire des centres d’intérêts dans notre abord des contextes linguistiques
et éducatifs :
- La curiosité pour les langues qui se traduit par une appétence à les apprendre et
les connaître, même de manière introductive. Pour les langues que nous parlons,
le besoin de repérer les variations, les spécificités locales ou nationales,
d’identifier les marqueurs linguistiques des groupes sociaux en présence.
- La connaissance des langues en présence et de ce qu’elles impliquent socialement
pour ceux qui les parlent ou ne les parlent pas ou encore pour ceux qui les
apprennent ou ne les apprennent pas ; le rapport entre ces langues, le pouvoir
qu’elles confèrent aux locuteurs et les effets des contacts.
- L’abord historique des environnements linguistiques en particulier dans les
contextes anciennement colonisés.
- La question de la nation et de l’idéologie dans les problématiques sociales mais
également dans les contenus et savoirs transmis à l’école.
- Enfin l’origine et les causes des inégalités sociales dans un cadre national tout
autant que transnational.
Pour le cas précis de notre objet de recherche, ces centres intérêts ont
véritablement contribué à motiver ce travail et également à lui donner une ligne de force,
celle de l’histoire comme élément central de compréhension des questions linguistiques
et éducatives.
1.6 Récapitulatif
58
Partie 1 – chapitre 1
59
Partie 1 – chapitre 2
CHAPITRE 2
60
Partie 1 – chapitre 2
L’Angola est un pays d’Afrique australe situé sur la côte atlantique. Il borde l’Afrique
centrale et deux pays francophones au Nord et au Nord-Est : la République du Congo27
(RC) et République Démocratique du Congo28 (RDC). Au Sud-Est et au Sud, la nation
angolaise jouxte deux pays anglophones : la Zambie et la Namibie.
L’Angola est situé sur un bloc continental âgé de plus de deux milliards d’années. Si
cette particularité physique est notamment utilisée par les géologues pour expliquer la
dérive des continents, elle l’est tout aussi bien aujourd’hui pour connaître et exploiter les
richesses minières de son sol30. Les frontières actuelles du territoire angolais ont été fixées
lors de la conférence de Berlin en 1885. Avec les premières règles de partage de l’Afrique
27 La République du Congo constituait avec le Gabon l’ancien Congo français et faisait partie de l’Afrique-
Équatoriale française (AEF). Il est également appelé Congo-Brazzaville.
28 La République démocratique du Congo correspond à l’ancien Congo belge. Il est également nommé
Congo-Kinshasa.
29Carte adaptée par l’auteure d’après :
>http://commons.wikimedia.org/wiki/Angola#mediaviewer/File:LocationAngola.svg<, consulté le 13
février 2013.
30 Avec la distinction classique du on shore et du offshore dans le cas du pétrole, majoritairement puisé au large
61
Partie 1 – chapitre 2
entre sept nations européennes, le Royaume de Portugal obtient les cinq territoires qu’il
domine alors en majorité31 : les archipels du Cap Vert et de São Tomé et Príncipe, la
Guinée-Bissau, le Mozambique et l’Angola. Au territoire angolais est incluse l’enclave de
Cabinda32, alors protectorat, située entre la République Démocratique du Congo et la
République du Congo.
L’Angola couvre un territoire plus de deux fois plus grand que celui de la France33.
Sa façade maritime sur l’Atlantique Sud s’étend sur 1650 km. Au Nord, on passe des
forêts équatoriales de l’enclave de Cabinda au bassin du Congo. Au Sud, le fleuve
Cunene traverse des terres semi-désertiques frontalières du désert du Kalahari. L’Angola
est sillonné de rivières rejoignant le Congo au Nord, le bassin du Zambèze à l’Est, la
Kalahari au Sud-Est et le Cunene au Sud. À l’ouest, les rivières débouchent sur
l’Atlantique, dont le fameux fleuve Congo. Deux œuvres littéraires emblématiques,
appelant à un travail d’historisation du discours sur le colonialisme, Au cœur des ténèbres34
(Conrad, 2006 [1899]) et Voyage au Congo (Gide, 1995 [1927]) permettent de souligner
l’intérêt des différents centres européens pour cette zone de l’Afrique, le bassin du
Congo. Lors du partage de l’Afrique, les nations ne veulent pas véritablement trancher à
propos de ce territoire qui couvre, après le traité de Berlin, une grande partie de l’ex-
Congo Belge, « l’œuvre tragique » du Roi Léopold II35.
Quant au roi des Belges, (…) il reçut l’autorisation de se tailler son propre domaine en Afrique, à condition toutefois de
l’ouvrir à tous, car aucune des grandes puissances n’était prête à abandonner aux autres une quelconque portion du bassin du
Congo (Hobsbawm, 2012 [1987] : 94).
L’autre rivière d’importance dans l’histoire nationale est le Rio Kwanza, dont
l’embouchure est à une cinquantaine de kilomètres au sud de la capitale. La plaine
31 En 1887, l’Angola essaie d’obtenir ce que le Royaume-Uni lui a refusé lors de la Conférence de Berlin :
un territoire axé ouest-est de l’Océan Atlantique à l’océan Indien. La carte rose aurait alors validé l’un des
grands rêves de la Couronne portugaise, un territoire continu, traversant la région des grands lacs, de
l’Angola au Mozambique. Le traité de Londres en 1890 maintient cependant les frontières tracées en 1885.
32 Concernant l’histoire de cette province cruciale sur le plan géostratégique, voir par exemple Kouango,
2002.
33 Le pays couvre 1 246 700 km2. La République d’Angola est située entre 4°22’ et 18°03’ de latitude sud et
empires – comme en témoigne le roman de Joseph Conrad, Au cœur des ténèbres –, c’est parce qu’elles apparurent comme
une régression de l’homme civilisé vers l’état sauvage (Hobsbawm, 2012 [1987] : 423).
35 Au début des années 1880, alors que le climat était à la récession, les chambres de commerce anglaises protestèrent vivement
à l’idée que des négociations diplomatiques pourraient empêcher leurs membres d’avoir accès au Bassin du Congo, qui passait
pour offrir de fabuleuses possibilités, comme ne manquait pas de le répéter le roi des Belges, Léopold II, cet entrepreneur
portant couronne (en fait, sa méthode favorite d’exploitation, les travaux forcés, n’était pas destinée à augmenter le pouvoir
d’achat des indigènes ; usant de la torture et du massacre, elle avait plutôt pour effet de diminuer le nombre de consommateurs
potentiels) (Hobsbawm, 2012 [1987] : 92).
62
Partie 1 – chapitre 2
littorale, qui fait jusqu’à 300 km de large, monte vers des plateaux qui forment les deux
tiers du territoire. Ces plateaux atteignent en moyenne 1500 à 2000 m d’altitude36 et sont
très fertiles. À l’Est, ils s’inclinent du socle précambrien vers la dépression centrale de
l’Afrique australe. La disposition du relief et l’orientation hydrographique inscrivent
l’Angola dans deux zones : l’Afrique centrale et l’Afrique australe (Andrade, 1971). Ce
pays connaît deux saisons : celle des pluies, humide et chaude, de septembre à avril, et
celle du cacimbo37, saison la plus sèche et plus tempérée que celle des pluies, dont la durée
varie en fonction de la latitude (Parreira, 1990). La carte ci-après présente les données
topographiques.
36 Le point culminant de l’Angola est le Mont Moco qui s’élève à 2620 mètres.
37 Mot emprunté et dérivé du mot kisibu en langue kimbundu.
38 Carte adaptée par l’auteure, d’après carte [en ligne],
>http://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/4/40/Angola_Topography.png<.
63
Partie 1 – chapitre 2
Luanda est la capitale administrative d’Angola. Elle est fondée en 1575 par les
Portugais et constitue au plan historique un des premiers noyaux urbains européens sur
le littoral d’Afrique subsaharienne. En 2014, les sources officielles déclarent qu’elle
compterait plus de 5,5 millions d’habitants (INE, 2014). La population totale de l’Angola
est estimée à 21,47 millions par la Banque mondiale en 201339 et à 24,38 millions par
l’Institut national des statistiques en 201440 (faisant donc office de source officielle du
Gouvernement de la République d’Angola).
64
Partie 1 – chapitre 2
La carte ci-après présente les données démographiques en 1999 avec les principales
villes41.
65
Partie 1 – chapitre 2
43 En milliers d’habitants. Ces chiffres sont tirés de la page consacrée au recensement 2014 de l’INE et
peuvent donc être considérées comme les chiffres officiels du gouvernement angolais.
>http://www.ine.gov.ao/xportal/xmain?xpid=ine<, consultée le 10 septembre 2014.
66
Partie 1 – chapitre 2
colonial constitue bien en Angola un héritage fort, notamment dans la transmission d’un
cadre administratif et d’une conception de la gestion du territoire et de la nation.
67
Partie 1 – chapitre 2
45 In Angola, crude attempts at ‘primitive socialist accumulation’ and the war with UNITA resulted in the absence of viable
rural development policies and the wholesale abandonment of agriculture.
46 Au sujet de l’économie durant la période marxiste-léniniste en Angola (1975-1991), voir McCormick
(1991).
68
Partie 1 – chapitre 2
Faisant Parce que l’Angola fait partie des quinze premiers pays producteurs de
pétrole brut au niveau mondial et qu’il est le deuxième producteur en Afrique derrière le
Nigéria48 (cf. chapitre 2 ; Comité professionnel du pétrole, 2013 ; Favennec, 2003), les
ressources pétrolières angolaises représentent une manne économique évidente. Le
manque de personnel qualifié pour permettre le développement de ce secteur mais
également de ceux de la construction civile et des services est la conséquence des longues
années de guerre et d’un système éducatif encore en construction qui n’a pas permis – et
ne permet toujours pas – de former suffisamment de nationaux qualifiés. Le recours à
des expatriés internationaux est donc généralisé dans les entreprises même si le
gouvernement encourage le maintien d’un équilibre numérique entre employés nationaux
et internationaux par le biais de quotas dans les entreprises. Sur un plan macro, les
intérêts pétroliers entraînent aujourd’hui tout à la fois des mouvements de population et
des échanges économiques sur l’axe Nord-Sud, que l’on peut considérer comme
traditionnels, mais également sur l’axe Sud-Sud. Les relations se complexifient, évoluent
rapidement et sont caractérisées par leur impermanence consécutive à des soulèvements
sociaux impromptus (ou en tout cas inattendus) et à des changements des partenariats
jusqu’alors privilégiés. Ainsi la Russie qui pouvait être considérée comme substitut
progressif à l’Algérie dans les intérêts pétroliers et gaziers pour la France (Lacoste, 2006 )
se révèle aujourd’hui capable de fermer le robinet énergétique vers l’Europe de l’Ouest
en raison de la crise en Crimée. L’émergence de nouvelles puissances économiques ravive
la question énergétique et accroît la complexité de la réflexion postcoloniale. La
multiplication des études scientifiques sur l’implication politique et les investissements
chinois en Afrique49 illustre par exemple le souci de compréhension d’un phénomène
récent et de grande ampleur. Sur un plan micro, l’Angola est considéré depuis 2002
47 Without the oil resources, the present MPLA regime would not have survived the pressures it would have faced from a
population it has essentially left to fend for itself. Conversely, without the sale of diamonds, UNITA could not have resisted
the government’s military campaigns
48 En 2013, par rapport à la production mondiale, celle du Nigéria était de 2,52 % contre 2,31 % pour
69
Partie 1 – chapitre 2
Depuis 2007, l’Angola est l’un des douze membres de l’Organisation des pays
exportateurs de pétrole52 (OPEC). La création de cette organisation en 1960 à l’initiative
de l’Iran et du Venezuela à la conférence de Bagdad peut être considérée comme un
virage important dans la mondialisation à l’époque postcoloniale. Le facteur économique
est déterminant dans cet acte de non-alignement qui vise avant tout à pouvoir réguler le
marché énergétique. En tant qu’organisation internationale, elle est formée et constituée
par des nations du Sud. Seule la puissance énergétique prime puisque les écarts de
richesse entre les douze nations53 est flagrant avec au sommet le Qatar qui, en 2013,
aurait un PIB de 100 829 $US contre le plus pauvre des membres, le Nigéria, avec un
PIB de 2 994 $US. L’Angola fait partie des nations retardataires, au contraire des pays du
Golfe, avec un PIB de 6 282 $US (OPEC, 2014). Ainsi, plus précocement que les
BRICS54, l’OPEC se constitue comme force d’opposition au bloc capitaliste dominant,
celui des nations du Nord, grandes consommatrices de ressources énergétiques. La
chronologie postcoloniale est respectée puisque les pays actuellement membres y entrent
à des périodes très distinctes. Pour les nations africaines, l’entrée à l’OPEC se fait
nécessairement après l’indépendance : la Lybie devient membre en 1962, l’Algérie en
1969, le Nigéria en 1971 et l’Angola en 2007, soit cinq ans après la fin de la guerre civile.
Le Gabon est membre de 1975 à 199655.
50 En 2011, suite aux Printemps arabes, un mouvement de contestation du pouvoir en place a pour la
première fois eu lieu dans la capitale. Cependant, son caractère numériquement fort limité et la répression
immédiate et violente des forces de sécurité ont montré que la population, sortie de plus quarante années
de conflit et de pénurie, n’est pas prête à remettre en question un gouvernement pourtant considéré
comme fortement corrompu et ne répondant pas aux exigences basiques de la démocratie (liberté
d’expression et de la presse, pluralisme politique), voir par exemple les données exposées par Transparency
International, [en ligne], >https://www.transparency.org/country/#AGO<, consulté le 22 juillet 2015.
51 En 2013, l’observatoire de l’immigration au Portugal fait état de 38 994 Portugais enregistré au consulat
Nigéria et Qatar.
54 Le groupe des « BRIC » est constitué en 2006 au cours d’un Sommet regroupant le Brésil, la Russie,
l’Inde et la Chine. En 2010, s’y ajoute l’Afrique du Sud et l’acronyme devient alors « BRICS ».
55 Pour une approche historique et politique du Gabon d’Omar Bongo, voir l’ouvrage de l’historien
M’Bokolo (2009).
70
Partie 1 – chapitre 2
56 Graphique adaptée par l’auteure d’après Comité professionnel du pétrole (2014 : 5).
71
Partie 1 – chapitre 2
Le rapport entre richesses naturelles et population montre que ces nations sont très
distinctes, et pour ce qui est de l’Afrique subsaharienne, l’Angola ne fait pas face aux
mêmes enjeux démographiques que le Nigéria, en particulier à Lagos. Il est même
possible de dire que, dans l’absolu, les potentialités d’amélioration qualitative des
standards de vie des Angolais sont bien supérieures à celles des Nigérians. La question de
l’amélioration des systèmes éducatifs nationaux est en particulier cruciale pour ces
populations. Cependant, la bonne utilisation des retombées économiques du marché
énergétique – à des fins sociales et éducatives notamment – dépend aussi des
gouvernements pour ces deux nations où pouvoirs politique et économique sont en
pleine collusion57.
57 Dans le cas du Nigéria, la préoccupation liée au terrorisme devrait mener les autorités nationales à
prendre en compte la question éducative dans les provinces septentrionales du pays où l’accès à l’école
publique est très limité. Le Rapport régional pour l’Afrique de l’Ouest et du Centre publié par l’Unicef en 2014
annonce que 38 % des enfants nigérians en âge d’aller au primaire sont exclus de toute structure éducative
(chiffres datant de 2010), ce qui est une proportion identique à la moyenne pour cette zone géographique.
Les nations concernées sont celles qui « connaissent les plus forts taux de croissance démographique
mondiale et les plus forts taux de pauvreté » (Tahinaharino, 2014 : 17). Au Nigéria, il y aurait donc plus de
10 millions d’enfants, dont 52 % de filles, qui ne seraient pas scolarisés. L’équité selon le lieu d’habitation, le
genre et le revenu reste encore extrêmement problématique dans les pays de la région (Ibid. : 32), ce qui souligne bien en
quoi la relation entre espace urbain et espace rural est à considérer avec beaucoup d’attention.
72
Partie 1 – chapitre 2
58 À titre illustratif des effets de la fin de l’apartheid, à partir de 1994, les politiques linguistiques se
caractérisent par une « démocratisation linguistique » (Kamwangamalu, 2003 : 231) : aux côtés de l’anglais
et de l’Afrikaans, neuf langues africaines58 obtiennent un statut officiel. Le Ndebele, le Pedi, le Sotho, le
Swati, le Tsonga, le Tswana, le Xhosa, le Zulu et le Venda (Kamwangamalu, 2003 ; Posel et Zeller, 2015).
73
Partie 1 – chapitre 2
2.5 Synthèse
L’Angola, malgré un fort potentiel économique, est une nation qui fait face à
d’importants enjeux sociaux. L’éducation, la santé, l’alimentation, l’accroissement
démographique et les infrastructures de base constituent les grands secteurs que le
gouvernement angolais doit prendre d’urgence en considération dans ces politiques. Le
processus démocratique demeure en construction et le citoyen angolais est donc tenu à
l’écart des prises de décision concernant les grandes orientations de la gestion nationale.
D’un côté, en raison du caractère alarmant de nombre des indicateurs de développement,
l’Angola fait partie des états bénéficiaires de l’aide au développement de la Communauté
internationale. D’un autre côté, les ressources en matière première aiguisent les appétits
économiques exogènes. Au final, la nation est donc prise dans le jeu de la globalisation
59 Nous faisons apparaître cet indicateur car l’entrée de la téléphonie mobile sur le continent africain crée
une forte rupture sociale : la communication distanciée et l’écrit font partie du quotidien d’une majorité des
Africains – cependant, il apparaît que certaines nations ont des populations largement exclues de cet outil
comme le Nigéria et l’Angola. Pour nous, elle met en question une partie du discours didactique actuel qui
considère que le numérique constitue un renouveau positif pour l’enseignement / apprentissage en Afrique
subsaharienne, notamment à travers les dispositifs de formation à distance.
74
Partie 1 – chapitre 2
économique. L’avenir de la nation repose donc directement sur les choix de l’élite
dirigeante et sur son utilisation des fonds privés et publics dont l’État est le principal
bénéficiaire. L’absence de multipartisme effectif et la main mise sur l’exécutif, le judiciaire
et le secteur financier par le président et le parti du MPLA montrent bien qu’en l’état,
l’amélioration des conditions de vie du peuple est mise à mal.
75
Partie 1 – chapitre 3
CHAPITRE 3
Dans ce travail, nous parlons de contexte, notion qui doit être explicitée. Cet
éclairage nous amène à problématiser ce que nous entendons par contextualisation,
processus majeur dans notre abord du contexte didactique angolais.
76
Partie 1 – chapitre 3
Lorsque la didactique des langues et des cultures a une visée interventionniste ou,
comme dans le cas de cette recherche, se propose de formuler des recommandations, la
notion de contextualisation est déterminante. Sans être un versant du relativisme culturel
ou un rejet complet de l’universalisme, elle nous semble être plutôt une démarche
réflexive qui a le souci de prendre en compte les spécificités d’un contexte éducatif, des
pratiques enseignantes aux traditions d’enseignement par exemple. La contextualisation
est ici considérée comme le processus de prise en compte du contexte dans la mise en
œuvre de politiques éducatives et linguistiques, dans la formulation de recommandations
ou encore dans l’application.
77
Partie 1 – chapitre 3
78
Partie 1 – chapitre 3
de mettre en regard les choix faits en terme d’organisation et d’adaptation et ceux faits en
terme de sélection au regard des valeurs et des finalités éducatives.
60Notons néanmoins qu’en Afrique francophone notamment, les initiatives allant dans le sens d’une
rétroaction du terrain sont de plus en plus fréquentes. Plus largement, c’est l’absence de prise en compte
des représentations et attitudes et donc l’effacement des sujets à la base des pyramides éducatives qui sont
dominants.
79
Partie 1 – chapitre 3
Dans ce travail, nous parlons de didactique des langues et des cultures. Cette
relation entre langue et culture doit être problématisée, en particulier au regard de ses
implications pour le contexte d’étude.
À partir du 20e siècle, le sens de culture, sous l’influence des travaux ethnologiques
et anthropologiques, est posé en opposition à la notion normative et hiérarchique de
« civilisation » (Malinowski, 1970 [1944]). La culture devient l’ensemble des formes
acquises de comportement dans les sociétés humaines. En général, elle est considérée
comme – par essence – indissociable de la langue et vice versa sans que les implications
réelles de cette relation ne soient questionnées. Pourtant, en articulant la culture à la
fonction langagière de l’homme, les considérations et les points de vue se complexifient.
61 Ou « remue-méninges ».
80
Partie 1 – chapitre 3
Cette idée se retrouve au 20e dans les travaux de Whorf (1964 [1956])62. Chaque
langue constitue un vaste système où les formes et les catégories sont culturellement
organisées et gouvernent l’analyse de la nature, le raisonnement et la conscience du
monde. La langue est ce qui permet d’interpréter la complexité du monde. Comme dans
la pensée d’Humboldt, la langue pose un lien entre l’individu, sa communauté d’origine
(ou sa nation pour Humboldt) et l’histoire de cette dernière. Chaque homme étant un
être parlant, il est aussi un être de culture. En ce sens, la figure de l’ « étranger est
dilatée » : l’ « Autre » est un ailleurs culturel dont les expériences constituant le passé du
groupe auquel il appartient sont inaccessibles à l’étranger (Schütz, 1987 [1944]).
La relation entre langue et culture utilisée dans ce travail soulève alors un certain
nombre de tensions potentielles. Elle pourrait laisser penser que chaque communauté
linguistique est close sur elle-même. Toutefois, l’historicisation des flux humains et des
contacts entre communautés montre bien que la question est plutôt de mesurer comment
des sujets de communautés diverses réussissent à comprendre l’Autre et à se faire
comprendre. Par ailleurs, la diversité des processus de diffusion des langues et des
cultures à travers l’histoire implique que dans l’étude des contacts, les enjeux de
domination (politique, idéologique, religieuse, etc.) ne peuvent être écartés. Pour notre
contexte d’étude, l’impact de la colonisation au niveau local se mesure dans les effets de
ces contacts entre une langue et une culture déterritorialisées (le portugais) et les langues
et cultures africaines en présence, en particulier à l’école coloniale puis postcoloniale.
Cette diffusion mondialisée des langues-cultures par le biais de la colonisation implique
également les processus d’acculturation et, pour l’époque postcoloniale, un vaste
questionnement sur l’identité et la notion de patrimoine.
62 Il illustre ses pensées en prenant par exemple le cas d’un homme n’ayant pas connaissance des savoirs
scientifiques modernes au sujet du cosmos et croyant ainsi que la terre est plate ou que le soleil tourne
autour de la terre. Pour cet homme, ces croyances sur l’univers sont satisfaisantes parce qu’elles
conviennent au système de communication qu’il utilise avec ses pairs. Elles sont donc linguistiquement
appropriées à ses besoins sociaux et le resteront jusqu’à ce qu’un nouveau groupe de besoins apparaisse et
soit résolu par la langue.
81
Partie 1 – chapitre 3
d’ « indigenization ».
82
Partie 1 – chapitre 3
Les écrits d’Appadurai64 (2001 [1996]) apportent un point de vue novateur sur les
tensions et les enjeux des conséquences des colonisations européennes65. Pour lui, le
risque est d’associer (ou d’indexer) les représentations culturelles et identitaires en
fonction d’un lien à un territoire et à une langue. Par conséquent il est important
d’envisager la culture de manière non figée66.
64 Appadurai (2001 [1996]) exprime une forme de méfiance à l’égard du concept de culture qui trop
souvent sert à mettre l’accent sur les différences entre nations, sociétés ou communautés à partir de traits
culturels plutôt que de mettre à profit l’historicité propre à chaque groupe humain. En mettant à profit la
notion gramscienne de « subalterne », il montre également qu’à l’ère postcoloniale, les cultures dominées
peuvent se saisir des contenus imposés pour leur donner un sens nouveau et aboutir à une culture hybride
comme par exemple dans la réappropriation des éléments de la modernité occidentale pour créer de
nouvelles formes culturelles contemporaines.
65 Un discours illustrant ces tensions postcoloniales en relation avec la culture est par exemple celui de Ki-
communautés, est persistant et vient donc défier l’efficacité des abondants travaux, pluridisciplinaires et
plurilingues, sur « l’interculturel » initiés dès les années 1980 et allant dans le sens d’une considération
dynamique de la culture (en didactique des langues et des cultures, voir notamment Abdallah-Pretceille,
2005 [1999] ; Beacco, 2000 ; Byram, 1997 ; De Carlo, 1998 ; Kramsch, 1993 ; Kurtyka, 2007, Gumperz,
2001 ; Liddicoat, 2009 ; Zarate, 1986, 1993).
83
Partie 1 – chapitre 3
Dans le cas spécifique de la didactique des langues et des cultures, un des effets de
la colonisation est son impact dans la diffusion des idées à un niveau mondial et dans la
constitution d’une forme de globalisation des concepts occidentaux. L’épistémè
didactico-pédagogique occidentale s’est répandue dans le monde des acteurs sociaux en
relation avec les classes de langues, plus particulièrement dans les anciens territoires
colonisés.
Les idées (théories, modèles, pratiques) les mieux identifiés en didactique des langues ont majoritairement pour origine
les pays de l’Europe et de l’Amérique du Nord et se basent généralement sur les traditions épistémiques et académiques de
l’Occident. L’influence des pouvoirs colonialistes explique en premier lieu cette diffusion et l’exportation de ces idées dans la
mesure où l’enseignement des langues prolonge l’influence, surtout culturelle et économique, de ces pays (Liddicoat et Zarate,
2009 : 10).
Cet aspect est donc pris en compte dans cette recherche, dans le champ de la
didactique des langues et des cultures appliquée à un contexte africain. La relation
langue-culture incite à considérer son importance pour le sujet et sa ou ses langue(s) dans
une nation, l’Angola, où les élites dirigeantes ont fait le choix à l’indépendance de
maintenir la langue portugaise comme celle de l’unité nationale. Dans la majorité des
nations d’Afrique subsaharienne, réfléchir à l’enseignement / apprentissage des langues
implique ainsi de tenir compte des effets de l’introduction coloniale des langues
européennes puis des choix politiques au moment des indépendances. Une question
historique à ce niveau est celle de l’éducation en langue maternelle, à laquelle une
approche analytique puis réflexive est consacrée au chapitre 4 (cf. Infra. : 126 et sq.). La
didactique des langues et des cultures est aussi pensée comme celle de langues et de
cultures en contact. Le trio constitué par la distinction langue maternelle, langue seconde
et langue étrangère permet alors une problématisation du contexte sociolinguistique très
complète : nous verrons que ces catégories ne sont pas figées au regard des profils
sociolinguistiques des citoyens angolais d’aujourd’hui.
Le caractère dynamique des contacts de langues, l’évolution des usages des langues
et de leur place à l’école en Angola est particulièrement visible à travers l’éclairage de
l’histoire. Il convient dès lors d’exposer notre conception de la mise à profit de l’histoire
dans cette recherche en didactique des langues et des cultures et de justifier la réalisation
d’un cadre historique détaillé.
84
Partie 1 – chapitre 3
En entreprenant une recherche sur un contexte africain qui est une ancienne
colonie portugaise, faire appel à l’histoire est apparu comme une double nécessité.
Premièrement parce que notre propre curiosité était éveillée et deuxièmement en raison
de son apport dans la recherche d’une meilleure compréhension. Pour autant, cette
évidence mérite d’être justifiée.
Même si aujourd’hui une majorité des travaux portant sur les contextes didactiques
propose un cadrage historique, cet usage de la discipline histoire a souvent été discuté
voire rejeté. Goffman en rappelle un bon exemple en sollicitant son expérience de
sociologue aux États-Unis dans les années 1940 67 . L’insistance de Goffman sur
l’importance du tournant vers une étude sociale s’intéressant non plus seulement à ceux
« du haut » rejoint les conceptions plus anciennes de Gramsci (1971 [1926-1934]),
d’Hobsbawm (1959) ou encore de Said (2005 [1998]) qui plaident pour une histoire « par
le bas » réhabilitant les sujets « subalternes » de l’histoire. Pour Said, l’intellectuel a
également un nouveau rôle à jouer vis-à-vis du travail historique68.
Nous retenons deux aspects de ces propos. Tout d’abord, les évolutions de la
recherche historique et des cadres épistémologiques disciplinaires au 20e siècle ont
participé à un nécessaire changement de regard, plus soucieux de comprendre et de
prendre en considération l’histoire sociale. Pour autant, le travail de reconstitution d’un
contexte historique prend pour base les traces et implique en priorité le recours à des
corpus écrits.
67 Goffman (1983) explique que sous l’influence du champ de l’anthropologie, l’usage de l’histoire est à
cette époque tabou en raison de l’idée que le rôle et la fréquence d’une pratique sociale sont plus
importants que son histoire. Par ailleurs, les sociologues estiment alors qu’aucune affirmation historique ne
peut être prouvée. Depuis l’histoire est redevenue une science tout à fait respectable au regard des sociologues américains.
En effet l’histoire semble avoir évolué très rapidement sur les faits et gestes des Rois, sur les grandes batailles, sur les factions
politiques et les actions de leurs leaders, et quant à la recherche en économie, elle s’est aussi transformée en histoire
économique… Partant de là elle s’est posée des questions intéressantes telles que la vie des classes laborieuses, la vie
quotidienne des classes moyennes, les circonstances propres à la vie des femmes, et d’autres sujets sociologiques dignes d’intérêt.
Ainsi il est devenu évident pour nous tous qu’une pratique sociale ne pouvait jamais s’étudier de façon intelligente sans utiliser
des données historiques (Ibid. : 198).
68 Ainsi, par exemple, au moment de la guerre du Vietnam, de l’intervention américaine à Panama ou de la guerre du Golfe,
le rôle de l’intellectuel consistait à déterrer les vérités oubliées, à établir les connexions que l’on s’acharnait à gommer et à
évoquer les alternatives qui eussent permis d’éviter la guerre et son lot de destruction (Said, 1996 : 38).
85
Partie 1 – chapitre 3
Un autre point important concernant cet usage de l’histoire dans cette thèse est la
relation entre histoire et mémoire. La découverte d’une vérité passe par la ou les langues
et nécessite une action du sujet. De ce fait, le sujet est celui qui donne sens à son histoire
et son environnement en symbolisant le monde. Il est dans l’intentionnalité et donne du
sens à un univers de croyances déjà établi dans la culture (Humboldt, 2000 [1828]). Pour
Mbembe, le passage de la mémoire à l’histoire à l’époque contemporaine demande un
travail symbolique rendu difficile par une forme de surcharge informative :
Les flux incessants d’événements qui frappent nos consciences ne s’inscrivent guère dans nos mémoires comme histoire.
C’est qu’en effet, les événements ne s’inscrivent dans la mémoire comme histoire qu’à la suite d’un travail particulier, psychique
autant que social, bref symbolique, et ce travail n’est plus guère pris en charge par la démocratie dans les conditions
technologiques, économiques et politiques de notre civilisation (Mbembe, 2015 : 84).
86
Partie 1 – chapitre 3
En didactique des langues et des cultures, il est alors nécessaire de tenir compte du
décalage entre la temporalité au plan individuel et la temporalité au plan sociétal, entre
mémoire individuelle et mémoire collective (Spaëth, 2014). Dans le cas de cette étude
portant sur l’Angola, notre construction d’une mémoire par rapport à ce contexte
coïncide quasiment avec le moment de la découverte et du vécu dans la mesure où notre
éducation scolaire ne nous avait jamais introduite à cet objet et que sa couverture
médiatique en France est sporadique : l’Angola a en particulier fait l’actualité en France
durant la Guerre froide (INA, 2015) et l’ « affaire Falcone » ou « Angolagate » (Sulitzer,
2009). Autrement dit, notre entrée dans l’histoire de notre contexte d’étude s’est d’abord
constituée à travers des récits oraux et écrits simultanés ou a posteriori de notre découverte
du contexte angolais.
Cette mise à profit de l’histoire nécessite une critique réflexive, comme le constate
empiriquement Spaëth (2014). Elle enjoint aux didacticiens d’établir une distinction entre
mémoire et histoire et d’utiliser la relation de la didactique vis-à-vis de l’histoire sociale de
manière à éviter une double tendance en didactique du français langue étrangère et
seconde : l’hyperconstructivisme, qui revient à donner sens au présent par les récits
historiques, et le présentisme, qui contribue au brouillage mémoire / histoire. Un écueil à
éviter est donc de seulement établir un lien de causalité vis-à-vis du passé, autrement dit
de chercher des éléments de compréhension historique et de les actualiser. Dès lors, tant
pour la constitution du cadre historique de cette étude que pour l’analyse des
phénomènes observés, il convient de chercher à les inscrire dans un contexte historique
et non pas simplement à en réaliser une narration :
À la déshistoricisation plus ou moins consciente qui détermine l’ignorance active ou passive du contexte historique
s’associe l’actualisation toujours plus ou moins anachronique que, sauf effort spécial, toute lecture opère inconsciemment par le
seul fait de rapporter les textes à l’espace des possibles du moment et à la problématique philosophique inscrite dans cet espace :
87
Partie 1 – chapitre 3
cette référence « actualisante » est ce qui permet de produire, par l’anachronisme, un commentaire à la fois daté et faussement
chronique qui, lors même qu’il se croit fidèle à la lettre et à l’esprit des pensées qu’il veut simplement reproduire, les transforme,
parce que l’espace dans lequel il les fait fonctionner est transformé (Bourdieu, 1998 [1992] : 499).
69
À ce propos, à la fin de son ouvrage consacré à l’œuvre d’Heidegger, Bourdieu écrit : en fait dès que l’on
s’inquiète de comprendre, et non d’inculper ou de disculper, on aperçoit que le penseur est moins le sujet que l’objet de ses
stratégies rhétoriques les plus fondamentales, celles qui se mettent en œuvre lorsque, guidé par les schèmes pratiques de son
habitus, il est en quelque sorte traversé, tel un médium, par la nécessité des espaces sociaux, inséparables d’espaces mentaux,
qui entrent en relation à travers lui ». (cité par Bouveresse, 2003 : 112, de L’Ontologie politique de Martin Heidegger).
88
Partie 1 – chapitre 3
Notre adhésion à ces propos induit trois aspects pour cette recherche articulant
histoire et didactique des langues et des cultures : la prise en compte du critère
idéologique tout au long de notre travail, une réflexion sur la question de
l’ethnocentrisme scientifique qui est particulièrement sensible lorsqu’on s’intéresse à un
contexte postcolonial et une approche réflexive quant à notre positionnement et notre
formation de chercheuse française. Ces trois aspects sont abordés dans la suite de ce
chapitre.
89
Partie 1 – chapitre 3
Dans cette vue, l’idéologie est pensée comme sans histoire, au sens où elle est
omniprésente et transhistorique. L’idéologie correspond alors aux idées que le sujet
possède sur le fonctionnement du monde et sur son propre fonctionnement au sein de
celui-ci. De cette manière, « l’homme est par nature un animal idéologique » (Althusser,
1970 : 111). Althusser considère que « les idéologies reposent sur l’histoire des
formations sociales et des luttes de classes qui s’y développent » (Ibid. : 98). Faire le lien
avec l’impérialisme européen contribue alors à considérer le fait colonial comme
processus contribuant au développement d’une nouvelle idéologie qui se traduit par
l’apparition d’une nouvelle catégorie et d’une nouvelle position politique :
l’anticolonialisme. Par conséquent, la conception matérialiste de l’histoire développée par
Marx, outre le fait qu’elle est la source d’une nouvelle manière de concevoir les sociétés,
influence au 20e siècle des courants de pensée et des réflexions opposés dont les
traductions idéologiques contribuent à une division du globe. Au niveau mondial, le rejet
du système capitaliste puis la définition de l’impérialisme comme « stade suprême du
90
Partie 1 – chapitre 3
91
Partie 1 – chapitre 3
Selon Althusser, « les appareils idéologiques d’État » sont des institutions qui ne
fonctionnent pas sur la base de la « répression » mais « à l’idéologie » : les Églises, les
Écoles (publiques et privées), la famille, le système juridique, le système politique (dont
les partis), les syndicats, les médias, etc. Malgré leur diversité, ces institutions seraient
unies par leur fonctionnement dépendant de l’idéologie de la classe dominante. Leur
nombre peut varier en fonction des formations sociales. Althusser prend pour exemple le
rôle majeur joué par l’Église durant le Moyen Âge et l’époque féodale en cumulant des
fonctions qui, à d’autres époques et lieux sociaux, peuvent être dévolues à plusieurs
appareils d’État distincts : le scolaire, le religieux, l’information et la culture. La thèse
d’Althusser est que l’appareil d’État dominant dans les « formations capitalistes mûres »70
est l’appareil idéologique scolaire, même si de prime abord trois autres appareils (le
politique, le médiatique et le culturel) peuvent apparaître comme des véhicules flagrants
de l’idéologie dominante. L’école apparaît suivant cette perspective comme le lieu
d’apprentissage de « savoir-faire » et de « règles » servant à l’ « assujettissement à
l’idéologie dominante ».
70 Rappelons qu’Althusser s’appuie en particulier sur l’histoire de France et les suites de la Révolution de
1789 qui a mené à une longue lutte pour remplacer l’appareil idéologique d’État jusqu’alors dominant,
l’Église.
92
Partie 1 – chapitre 3
Relativement à l’Angola en tant que contexte, nous avons dit que l’indépendance
peut être considérée comme un moment potentiel de rupture au plan idéologique. Mais il
est plus largement nécessaire de prendre en considération la réalité du fait postcolonial, et
pas seulement sur un plan périodique, et avec notamment pour objectif l’appréhension
de l’influence des idéologies dominantes dans l’évolution du système éducatif.
93
Partie 1 – chapitre 3
l’imposition progressive de l’échelle mondiale, et aux multiples troubles et conflits associés à la question des frontières, qu’il
s’agisse de leur existence même, de leurs délimitations ou de leur rôle (Agier, Ibid. : 78).
Les trois processus relevés par Agier, dont celui des indépendances, sont également
déterminants pour la didactique des langues et des cultures appliquée aux terrains
africains. La création de l’Unesco en 1946 dans l’immédiat après-guerre participe à un
changement significatif des discours sur les langues d’enseignement, en particulier pour
un continent, l’Afrique, où la réalité de la colonisation a pour corollaire un taux
d’analphabétisme très élevé. Ensuite, le moment des indépendances entraîne une
reconfiguration des conditions politiques dans les actions éducatives et linguistiques
menées par les ex-colonisateurs et signe également la prise en main des systèmes
éducatifs publics par les premiers gouvernements postcoloniaux. Enfin, la fin de la
Guerre froide constitue un tournant pour les nations africaines ayant fait le choix du
socialisme à l’indépendance, ce qui est le cas de l’Angola (cf. chapitre 4 : 201 et sq.). Les
rapports de partenariat dans le domaine éducatif sont alors modifiés.
Pour cette étude portant sur la question linguistique et éducative, les moments de
rupture sont cruciaux pour l’analyse et la réflexion. Le moment de l’indépendance, qui
coïncide avec le maintien postcolonial de la langue du colonisateur dans un
environnement de renouveau politique et idéologique majeur, prête à s’interroger sur
l’évolution de l’écosystème linguistique (Mufwene, 2010) dans un contexte postcolonial.
Il est alors important de problématiser ce que signifie et ce qu’apporte la notion de
postcolonial pour la didactique des langues et des cultures appliquée au contexte angolais.
94
Partie 1 – chapitre 3
Dans ce travail, nous choisissons l’usage d’une graphie unique sans pour autant
écarter la nuance sémantique de postcolonial.
95
Partie 1 – chapitre 3
71 En France, l’année 2005 est souvent conçue comme un moment de rupture dans la réflexion sur le lien
entre société nationale et colonialisme. Lacoste (2006) propose cependant l’année 1998 comme moment du
renouveau du débat sur le colonialisme en France à l’occasion, symbolique, du 150ème anniversaire de
l’abolition de l’esclavage dans les territoires insulaires colonisés par la France : Guadeloupe, Guyane,
Martinique, Réunion. Les travaux menés par les historiens Bancel et Blanchard témoignent de ce tournant :
ils publient successivement La fracture coloniale, la société française au prisme de l’héritage colonial (2005), La
République coloniale (2006), Culture coloniale en France : de la révolution française à nos jours (2008)71. En 2010,
l’adjectif postcolonial fait titre : Ruptures postcoloniales. Les nouveaux visages de la société française.
72 Voir la Chronologie de la littérature postcoloniale en annexe 1 (p.2) d’après le travail de Lazarus (2006). Lazarus
présente une chronologie indicative non exhaustive mais témoignant du vaste champ constitué par les
littératures postcoloniales. Cette nomenclature vise à exposer la diversité des travaux littéraires
postcoloniaux aux statuts variés (autobiographie, discours colonial, théâtre, fiction, non-fiction, poésie,
texte clé des études postcoloniales) en mettant en regard un « cadre historique de référence » constitué des
évènements politiques ou sociaux. Elle commence en 1898, date à laquelle les USA deviennent « une
puissance impérialiste à l’échelle mondiale » (Ibid. : 6). Lazarus intègre à la fois des événements historiques à
la signification globale et des événements d’importance à un niveau plus localisé. Il montre que le local a pu
avoir des conséquences globales ou simplement être significatif pour une population donnée et pour un
cadre spatio-temporel restreint.
96
Partie 1 – chapitre 3
De notre point de vue, un intérêt majeur des théories postcoloniales – mais aussi
des « Southern Theories » ou théories du Sud – est le développement d’un pluricentrisme
scientifique qui permet de repenser le lien entre centre et périphérie. Pour Balandier
(2007), la situation postcoloniale encourage à l’autonomie de la pensée et à se libérer des
« effets de conjoncture dominante ». À sa suite, Murphy (2011) défend l’importance de
la période contemporaine et le besoin de comprendre le rôle joué par le colonialisme
dans les sociétés actuelles. De cette question du centre et de la périphérie découle la
problématisation du statut de l’universitaire vis-à-vis de son sujet d’étude et du possible
« fossé » engendré par la différence d’appartenance sociale : […] la critique de
l’européocentrisme et d’une historiographie élitiste et directive fait partie intégrante du geste fondateur des
études postcoloniales (Lazarus, 2006 : 17). Nombre de chercheurs des études postcoloniales
adoptent des postures antinationalistes et antimarxistes. La pensée postcoloniale
provoque ainsi une critique sur la partialité du reste de la communauté des chercheurs.
Du point de vue de la critique postcoloniale, le modèle et la formation occidentaux
prévaudraient et l’appartenance sociale des théoriciens renverrait au capitalisme global
(ou aujourd’hui, au néo-libéralisme selon les vues théoriques développées par certains
chercheurs en didactique des langues et des cultures comme Maurer (2011), Huver (2014)
ou encore Debono (2014)).
Le second apport est de nous inciter à prendre soin d’intégrer la relation centre-
périphérie dans l’analyse et la réflexion. Ce travail de recherche en français qui prend
pour objet une nation d’Afrique lusophone requiert d’emblée l’ouverture vers un autre
centre. Pour le cas de l’Angola, la relation historique entre centre et périphérie, qui est le
corollaire de l’expérience coloniale, nécessite de se tourner vers le Portugal. Mais cette
démarche d’ouverture ne doit pas se cantonner à explorer cette autre relation centre-
97
Partie 1 – chapitre 3
périphérie, avec le risque de l’écueil d’une simple comparaison avec la relation entre le
centre français et les périphéries constituées par les nations issues de l’ancien Empire
colonial français. L’ouverture doit chercher à déterminer quels sont les nouveaux centres,
c’est-à-dire ceux avec lesquels la nation angolaise en tant que périphérie, développe des
relations fortes et influence la recherche et la diffusion de nouveaux savoirs et idéologies.
Dans les études et écrits sur l’Afrique, Copans (1971) considère que l’évolution des
théories et des idéologies, notamment dans le domaine anthropologique, se construit en
fonction de la nature des relations entre le contexte spatial de création théorique (les
anciennes métropoles coloniales) et le lieu de son application (l’Afrique). Pour lui, il
existe (à la date de ses écrits) cinq périodes dans cette évolution et chacune d’elle est
caractérisée par le lien entre contexte historique et social, configuration idéologico-
théorique et approche disciplinaire (cf. annexe 2 : 5). Copans dresse « une esquisse rapide
des études africaines en anthropologie et sociologie et les raisons de leur évolution »
(1974 : 81) et rappelle qu’une production scientifique est déterminée socialement et est
en lien direct avec les conditions historiques de son façonnement, son fonctionnement
théorique étant lui-même déterminé par « l’outillage conceptuel et les médiations
idéologiques du groupe auquel appartient (de droit ou de fait) le scientifique » (Copans,
Ibid. : 84)73. Pour lui, cette détermination sociale de la fonction scientifique entraîne au
moins trois réalisations concrètes :
- La relation entre les différentes idéologies (religieuses, politiques,
pédagogiques) et le savoir scientifique ;
- Le rapport entre dominance, à une époque donnée, d’un type d’idéologie et
place et fonction accordées au savoir scientifique ;
- Le lien entre idéologie de groupe ou de classe sociale et place et fonction
accordées au savoir scientifique dans la « configuration des conditions
sociales » (Copans, Ibid. : 85).
Ces propos justifient d’une part la démarche de double historicisation que nous
défendons dans ce travail de manière à prendre en compte les conditions de production,
tant des corpus analysés que de ce travail lui-même. Ils invitent également à prendre soin
de réfléchir aux concepts mobilisés dans notre discipline de référence aujourd’hui,
notamment à l’heure où prédomine largement une influence des centres du Nord vers les
73 Althusser prend directement à partie son lecteur en lui rappelant leur statut identique de sujet et, en tant
que tel, de « pratiquant » des rituels de la reconnaissance idéologique (1970 : 112-113). Pour lui, le discours
scientifique est donc porteur d’une idéologie sauf s’il est produit sans sujet, ce qui s’avère impossible.
98
Partie 1 – chapitre 3
Nous finissons cette réflexion sur l’apport des théories postcoloniales dans notre
travail par une courte digression au sujet des dates d’indépendance. La carte ci-dessous
illustre bien le fait que la réalité de l’indépendance est asynchrone en Afrique.
Au plan chronologique, le 20e siècle est postcolonial dans sa durée lorsqu’il s’agit
du continent africain puisque la première indépendance date de 1910 et la dernière de
1993. Le décalage temporel dans les accessions aux indépendances de chaque nation
africaine conduit à la création d’espaces distincts. La chronologie des indépendances
99
Partie 1 – chapitre 3
commentée en annexe 3 (p.6) permet de rappeler que dans leur grande majorité, elles se
sont déroulées après la Seconde Guerre mondiale, plus particulièrement dans les années
1960 dans le cas de l’Afrique anglophone et francophone74. 1960 est une date clef pour le
continent africain, puisqu’en amont et en aval de cette année-là, l’histoire des pays africains colonisés par
la France connaît un tournant. (Spaëth, 1996 : 5). Dans la réflexion de Spaëth au sujet de
l’indépendance comme moment de rupture, elle souligne que dans le cas des anciennes
colonies françaises, cette notion de rupture prête à interrogation. Si du côté africain elle
est une réalité, du côté français les actions menées par la France s’inscrivent dans une
« réitération » mais « dans des conditions politiques nouvelles » (Ibid.). Pour le cas de
l’Angola et des autres nations de l’ancien empire colonial portugais, outre cette prudence
à adopter concernant la notion de rupture en fonction du point de vue adopté (centre ou
périphérie), il est déterminant de tenir compte du décalage temporel des indépendances
(en 1975) par rapport au tournant de 1960 pour la majorité des autres nations africaines.
Dans le cadre historique, nous prenons soin de traiter des reconfigurations sociales,
politiques et idéologiques au niveau continental engagées à partir de 1960 et de leur
impact sur les territoires encore colonisés à cette date qui participe notamment à fragiliser
la métropole portugaise (cf. Infra : 161 et sq.).
74 En comparaison, la majorité des anciennes colonies en Asie ont accédé à l’indépendance une décennie
plus tôt.
100
Partie 1 – chapitre 3
101
Partie 1 – chapitre 3
circulation de nouveaux concepts, catégories et notions. Cet état de fait est valable dans
le champ de la pédagogie puis dans celui, plus récemment constitué, de la didactique des
langues et des cultures. Toutefois la circulation des concepts, catégories et notions peut
être l’objet de profondes incompréhensions et ne signifie pas que leur transport aboutisse
à leur appropriation réelle. Cette problématique est bien illustrée dans l’ouvrage Tour du
monde des concepts dirigé par Legendre75 (2013) dans lequel neuf concepts76 du discours
moderne contemporain font l’objet de réflexions quant à leurs équivalents ou à leurs
traductions dans une quinzaine de langues. Au-delà de la filiation linguistique entre
certaines langues, le problème posé par des univers linguistiques différents est celui du
réseau de référence propre à chaque langue. Si donc la circulation des idées et des
concepts est favorisée par le processus historique de globalisation et peut constituer un
rempart contre l’ethnocentrisme scientifique, la relation langue-culture peut quant à elle
faire émerger une forme de frein en raison de l’aspect local de nombre d’univers de
référence.
Nombre d’auteurs considèrent dès lors que la réalité des indépendances a ouvert la
voie à une rupture de l’ethnocentrisme scientifique en contribuant à l’émergence de
discours « décentrés » et émanant des anciennes « périphéries ».
75 Dans cette circulation des savoirs, l’appropriation de nouveaux concepts, notions et catégories ne peut
être posée pour évidente : en quoi, jusqu’à quel niveau de profondeur, les constructions langagières d’autrui sont-elles
touchées, c’est-à-dire infiltrées, par une foi étrangère ? Car il s’agit de cela : de la foi dans les mots, et à travers les mots, de la
vie de la représentation. Derrière cette remarque se profile la logique de la condition humaine, à laquelle la techno-science-
économie appliquée à convertir la planète ne saurait déroger : nul ne rêve ni ne pense à la place d’un autre (Legendre,
2013 : 11-12).
76 Religion, vérité, loi, État, société, corps, nature, danse et contrat.
102
Partie 1 – chapitre 3
Une nouvelle dynamique historique s’est récemment mise en branle, qui modifie fondamentalement la relation
qu’entretiennent les anciens centres et les anciennes périphéries. Le centre est devenu pluriel. Nous vivons aujourd’hui, comme le
disait Eisenstadt, dans un monde fait d’hégémonies toujours en mouvement (Bhargava, 2013 : 41).
103
Partie 1 – chapitre 3
développés dans les centres universitaires mondiaux mais elle ne peut faire table rase de
la pensée occidentale qui appartient bien à une pensée globale. D’autre part, le danger
d’un eurocentrisme « adossé à un pouvoir militaire, financier et culturel » évoqué par
Grosfogel est toujours une réalité dans la mesure où nombre d’États en voie de
développement, maintiennent, par choix ou par obligation, un rapport de dépendance et
donc de domination vis-à-vis des bailleurs de fonds de la Communauté internationale
dont on ne peut renier une paternité profondément occidentale et inscrite dans
l’idéologie des valeurs de la démocratie. Dans le cadre de cette recherche portant pour
partie sur les politiques linguistiques et éducatives d’une nation considérée comme en
voie de développement, cette forme de domination exogène contemporaine est donc
examinée (aux chapitre 5, 6 et 9, notamment au sujet des politiques en faveur des langues
nationales et des actions de formation des enseignants).
104
Partie 1 – chapitre 3
La globalisation peut opérer à une échelle locale ou mondiale et permet souvent d’expliquer l’interdépendance
d’événements locaux complexes d’une façon que la notion de mondialisation ne peut pas. […] Mondialisation suggère une
circulation des biens, des personnes et des activités humaines à l’échelle mondiale (Mufwene et Vigouroux, 2014 : 9).
77
Brennan définit le cosmopolitisme en le distinguant de l’internationalisme :
105
Partie 1 – chapitre 3
Les notions de mélange et de fusion, plutôt que de rupture, se retrouvent dans la pensée
d’Appadurai (2001 [1996]) qui met à profit la notion de « diaspora » pour s’opposer à une
conception de la globalisation fondée sur un clivage entre centre et périphérie. Comme le
rappellent Bancel et al. :
[Appadurai] insiste sur la dimension diasporique des nouvelles cultures de l’immigration, sur une capacité à
réinventer des communautés à distance dans le grand maelström de la mondialisation. Dans cette perspective, les frontières
interethniques, loin d’être des barrières protectrices d’identités préalablement définies de manière close, sont le lieu de
construction d’identités nouvelles. Une culture diasporique donc, fondée sur des phénomènes d’hybridation. Hybridation ou
encore créolisation pour reprendre les termes des Antillais Édouard Glissant, Patrick Chamoiseau, et sur un autre, registre,
Paul Gilroy, qui découvre une mémoire longue de l’Atlantique noir (Bancel et al., 2010 : 15).
À notre sens, les flux de sujets impliqués dans la recherche en sciences humaines
tout autant que l’accélération de la circulation des idées, des concepts et des savoirs à
l’heure du numérique participent à la création d’un espace de recherche plus hybride et
plus autonome vis-à-vis des centres de l’hégémonie académique et à cette pensée plus
cosmopolite ou globale. Les études menées par Brooks et Waters (2011) sur la mobilité
des étudiants et Kim (2010) sur la mobilité des universitaires montrent à la fois les
difficultés et les apports de cette circulation académique.
[eng] Les biographies de différents universitaires en mobilité dont le savoir est devenu transnational nous montre que
l’ensemble des expériences en relation avec la mobilité – l’acte initial de traverser des frontières territoriales, s’installer et
s’adapter dans un nouvel environnement (universitaire) sont liés au processus de transformation épistémique. Le
« déplacement » est une expérience commune pour la majorité des migrants, mais pour certains universitaires, voire pour
beaucoup d’entre eux, une telle expérience mène à une nouvelle avancée et une création d’un savoir paradigmatique
78
transformé (Brooks et Kim, 2012 : 13).
Cosmopolitisme – couramment associé à la sympathie, aux voyages, à l’ouverture à l’altérité culturelle, etc., le cosmopolitisme
accompagne parfois la mondialisation comme l’éthique politique de l’intellectuel humaniste. Il décrit et approuve (il approuve
en décrivant) la création d’une singularité incongrue, d’un mélange et d’une fusion de différences pour former une seule entité.
Qui plus est, il postule la théorie d’un gouvernement mondial et d’une citoyenneté mondiale dans laquelle la signification
culturelle des termes est reportée sur leur sens politique. Dans ce sens, il se distingue de l’internationalisme, qui se propose
d’établir un réseau mondial de respect et de coopération fondé aussi bien sur les différences de régime politiques que les
différences culturelles. Le cosmopolitisme se développe sur une culture déjà existante d’intellectuels et de voyageurs de classe
moyenne, de chercheurs, et d’hommes d’affaires. L’internationalisme, de son côté – encore qu’il ne repose pas moins que le
cosmopolitisme sur les faits d’interpénétration mondiale, l’homogénéisation provoquée par la culture de masse capitaliste, et les
conséquences culturelles des migrations de masse –, est une idéologie du pauvre, du nouvel arrivant, de l’exilé, et du
momentanément faible (Brennan 2006 : 216).
78 The biographies of distinctive mobile academics whose knowledge have become trans-national tell us that the whole set of
mobility-related experiences - the initial act of crossing territorial boundaries, settling in and adaptation to a new (academic)
milieu are entwined with the process of epistemic transformation. ‘Displacement’ is a common experience of most migrants, but
for some academics, if not many, such experience has led to a new breakthrough and paradigm shifting knowledge creation.
106
Partie 1 – chapitre 3
Les migrations tout autant que les circulations de biens matériels et immatériels
font aussi surgir les notions de frontière et de nation. Comment en effet penser un
espace mondialisé quand la question de la nation reste centrale dans la géopolitique
mondiale ? Brennan relève l’existence d’une position sur la mondialisation qui considère
qu’elle n’existe pas :
la structure de l’État-nation reste la norme internationale ; les divisions ethniques, linguistiques et religieuses n’ont
fait que s’intensifier ; la plupart des habitants du monde, ce sont des provinciaux, des traditionnels et isolés des autres, ne
vivant pas seulement en dehors de ce monde censé s’être nouvellement mondialisé, mais en dehors de la modernité elle-même.
(Brennan, 2006 : 213).
Nous situons notre travail dans cette conception : la globalisation n’annule pas la
question de la nation et elle est un phénomène mondial qui, pour la société
contemporaine, a commencé il y a cinq siècles, c’est-à-dire avec la colonisation
79
Dans l’entretien où il est invité à réfléchir sur ce que signifie « penser global » Wallerstein précise un
point de vue très critique à l’égard de l’usage du concept de globalisation dans la lecture économique du
monde : Quant à la globalisation, c’est une très bonne chose d’en parler quand cela signifie que les gens se rendent comptent
qu’il y a un monde au-delà du petit coin de terre dans lequel ils se trouvent. Mais, pour moi, la conceptualisation de la
globalisation a été utilisée par les néo-libéraux pour freiner ce qui se passe dans le monde réel, le système-monde, et dans le
monde du savoir. Comme j’ai pu le dénoncer à plusieurs reprises, cette conceptualisation néolibérale me semble très éloignée
d’une tentative de repenser le monde dans un contexte global. (Wallerstein, 2013 : 156).
107
Partie 1 – chapitre 3
Pour la recherche en sciences humaines, cet espace globalisé, qui fait cohabiter le
local et le global, ouvre alors la voie à ce que Mbembe qualifie de « pensée-monde »
plutôt que de « pensée globale ». Il la définit comme un processus qui requiert la
rencontre, la traduction, la circulation, le conflit et même les malentendus pour tendre
vers des exigences communes et universelles.
Dans l’élaboration de cette pensée-monde, l’on est obligé de passer par cette archive européenne qui, au demeurant,
contient une part de nous-mêmes ; et dont nous sommes d’ailleurs, à plusieurs égards, les co-auteurs. La question n’est pas de
faire un détour, aussi opportun soit-il, par cette archive. Il faut habiter cette tradition, puisque, de toutes les façons, elle ne nous
est pas étrangère et nous n’y sommes point des étrangers. Il nous faut donc habiter plusieurs mondes en même temps, non dans
un geste d’écart, mais de va-et-vient, qui autorise l’articulation, d’une pensée de la traversée, de la circulation
(Mbembe, 2015 : 86-87).
80 Le commerce triangulaire instauré autour de l’esclavagisme crée par exemple un espace-monde atlantique
mettant en relation trois espaces continentaux sous l’hégémonie de l’européen sur l’africain et le sud-
américain.
108
Partie 1 – chapitre 3
81 Le terme noosphère est emprunté à Y. Chevallard (1991) par J.-C. Pochard (2011 : 54).
109
Partie 1 – chapitre 3
[eng] Le monde n’est pas devenu un village, mais plutôt un réseau extrêmement complexe de villages, villes,
82
quartiers, installations connectés par des liens matériels et symboliques de façon souvent imprévisible (Blommaert, 2010 :
1).
82 The world has not become a village, but rather a tremendously complex web of villages, towns, neighbourhoods, settlements
110
Partie 1 – chapitre 3
111
Partie 1 – chapitre 3
Liddicoat et Zarate (2009) rappellent avec justesse que la métaphore du flux pose la
question de l’accès réel aux idées et que celle de la circulation pose celle des limites de
l’interprétation. Outre le problème de la diffusion et de l’accès aux sources, accéder à de
nouvelles idées nécessite bien souvent le passage vers une autre langue. La circulation des
idées prête alors d’autant plus à leur transformation, leur réinterprétation et, par suite, à
leur rejet ou à leur assimilation.
112
Partie 1 – chapitre 3
majeures hors de l’espace linguistique où elles ont été produites peut en être affectée, ce
qui fait écho aux résultats du travail dirigé par Legendre (2013) en s’appuyant sur neuf
concepts de la pensée moderne (cf. Supra. : 102). De plus, traduire peut conduire à l’ajout
ou la suppression de connotations et introduire un biais dans la reconstruction, la version
d’une idée ou d’un concept. Liddicoat (2009) expose par exemple le cas du mot
« didactique » hérité pour le français de la tradition germanique du 17e siècle et qui est
peu usité en anglais et pose par conséquent un problème de traduction puis d’accès au
sens pour les locuteurs anglophones. Ce cas d’un substantif isolé mais éminemment
chargé au plan conceptuel illustre tout l’enjeu des transports de textes d’une langue vers
une autre : sans les données concernant le contexte et le champ de production, il est
difficile d’envisager une réception véritable et non transformée. La diffusion et la
consultation de tout discours scientifique exogène, sans qu’il soit historicisé et
contextualisé, constituent bien un deuxième écueil dans cette circulation internationale
des savoirs. En didactique des langues et des cultures, la traduction et l’utilisation du
CECRL hors des frontières européennes en est une illustration flagrante, comme le
souligne par exemple le travail de Nishiyama (2009) sur l’impact du CECRL dans le
contexte japonais.
Lorsqu’il est question d’un contexte africain, la réception locale des concepts
modernes sous les effets de la démocratisation et l’universalisation des savoirs et du
transport colonial des appareils d’État européens (administratif, judiciaire et scolaire
notamment) est également problématique. Nous rapportons ici l’exemple développé par
Liberski-Bagnoud (2013) qui, dans sa réflexion sur l’équivalence et la traduction de neuf
concepts modernes importés (cf. Supra. : 102) dans trois langues du Burkina Faso montre
bien la difficulté de leur interprétation. Bien souvent, cette difficulté est contournée par le
biais d’emprunts à la langue officielle, le français, à l’anglais (dans la région frontalière
avec le Ghana) ou à l’arabe qui historiquement est la première langue étrangère à avoir
circulé sur ce territoire et contribué à déposer des concepts fondamentaux. Dans le cas
du concept « loi », les langues voltaïques qui font l’objet de ce questionnement utilisent
un emprunt transparent au français. L’auteur rapporte une note du traducteur de la
Constitution qui souligne la « solitude de l’interprète ».
En essayant de rendre fidèlement le contenu de la Constitution dans nos langues, on a parfois eu
l’impression de vouloir imprimer de force dans ces langues un schéma de pensée qui leur est complétement
étranger (Liberski-Bagnoud, Ibid. : 92-93).
113
Partie 1 – chapitre 3
Dès lors, la circulation des idées et des concepts repose en premier lieu sur la
capacité des chercheurs à faire un véritable travail herméneutique entre langue source et
langue cible pour réussir à faire passer le sens véritable de ces idées et concepts. Cette
nécessité a pour principale conséquence d’induire le développement du plurilinguisme
des acteurs de la circulation des idées. Un bref détour pour le cas de la circulation dans
l’espace francophone de la recherche est éclairant. La notion de francophonie est
importante : à la tradition d’interventionnisme linguistique dans les anciennes colonies
s’ajoute l’appropriation du français dans les nations issues de l’ancien empire colonial
français. Comme le rappelle avec à propos Murphy, la francophonie (sans F, non
institutionnelle donc) se distingue en un point des autres grands espaces linguistiques de
langue européenne impériale83.
Les grandes puissances impériales européennes autres que la France ont dû, depuis longtemps, accepter que leurs
langues ne leur appartiennent plus exclusivement : les Etats-Unis, l’Amérique hispanique et le Brésil dominent
démographiquement leurs anciens colonisateurs et représentent donc un contrepoids considérable à la domination culturelle des
métropoles (Murphy, 2011 : 24).
83 Le cas du néerlandais pourrait être rapproché du cas français. Voir par exemple l’article en français
d’Andringa (2011) qui traite des Caraïbes néerlandaises. Notons que la majorité des références sont par
contre en néerlandais.
114
Partie 1 – chapitre 3
Avec le déclin des Etats-Unis, d’autres langues commencent à s’imposer largement, une tendance qui va se renforcer et qui
justifie d’autant plus la nécessité de pousser les structures universitaires à insister sur l’importance des langues. […] J’espère
que les jeunes générations vont se rendre compte de leur cloisonnement dans une seule langue, qu’elles vont commencer à en
apprendre d’autres, et que cela aura un impact sur les universités, en les poussant à exiger l’apprentissage des langues. Cela
serait une bonne chose, à condition que les bureaucrates ne mettent pas uniquement l’accent sur des perspectives de rentabilité et
de profit (Wallerstein, 2013 : 161-162).
84 La littérature est très abondante. La circulation des idées, des approches et des théories est facilitée par
les liens académiques entre les différents centres universitaires francophones du Nord qui sont anciens et
vigoureux.
85 Voir par exemple sur le site officiel du Sénat la réponse du Ministère de la défense français en 2006 à
propos de l’usage de l’anglais comme critère requis dans trois États-majors de réaction rapide (air, terre,
115
Partie 1 – chapitre 3
Dans le cadre de notre contexte de recherche, collaborer avec des pairs angolais
pour le chercheur exogène est peu aisé vu les contours politiques et idéologiques posés
par le gouvernement et vu les conditions économiques défavorables au travail de
recherche qui ne motivent pas les docteurs à poursuivre des recherches de terrain.
Autrement dit, si la collaboration entre membres de diverses traditions académiques est
visée pour à terme concevoir un interventionnisme didactique soucieux des
caractéristiques contextuelles, il faut, en sus d’une amélioration locale des enseignements
et de la recherche universitaires, que les mobilités étudiantes et enseignantes s’amplifient
tout autant que les séjours et projets de recherche. Apparaît alors le frein du critère
économique mais également celui des habitus de recherche et des circulations qui, par
tradition, sont parfois éloignés d’une véritable collaboration détachée de la perspective du
profit et du pouvoir d’influence.
Pour ce qui est de ce travail sur une nation considérée comme une ancienne
périphérie coloniale, où le modèle linguistique officiel est celui du monolinguisme, où le
système éducatif contemporain s’est constitué avec les bases et l’héritage de l’école
coloniale portugaise, une difficulté possible pour les enseignants dont le portugais n’est
pas la langue maternelle est bien la découverte des concepts didactiques et linguistiques.
Par exemple, il apparaît, suite à des entretiens conduits avec les enseignants observés
(2010-2012), que l’usage souvent abusif du métalangage linguistique en classe de langue
peut traduire un inconfort vis-à-vis de concepts inexistants dans leur langue maternelle.
mer). Pour conduire des opérations militaires au sein de l’OTAN, la maîtrise de cette langue se révèle donc
indispensable, tant pour l'efficacité et la sécurité des forces françaises engagées que pour le bon déroulement des opérations. Par
conséquent, la maîtrise de l’anglais au sein de l’Armée française dépend avant tout des affectations. [en
ligne], >http://www.senat.fr/questions/base/2006/qSEQ060321869.html<, consulté le 5 mars 2015.
116
Partie 1 – chapitre 3
Toutefois, leur usage donne au discours didactique tenu en classe de FLE un aspect
savant et expert qui légitimerait la position d’enseignant.
L’analyse de corpus tout autant que celle des discours tenus sur les langues et
l’éducation nécessite un double effort : celui du souci du contexte de production et, dans
la mesure du possible, une consultation des sources et des documents en version
originale. L’objectif d’amoindrir autant que possible le biais de notre propre
interprétation nous a par conséquent menée à présenter systématiquement les versions
originales et traduites des extraits utilisés. Néanmoins, le fait que la langue portugaise soit
celle de l’État amoindrit conséquemment le problème de l’interprétation au plan politique
et administratif pour le moins : les concepts et les catégories demeurent européens dans
le système éducatif angolais.
117
Partie 1 – chapitre 3
Sans tomber dans le relativisme, il nous semble dès lors que l’idéal de circulation
des idées demeure particulièrement inégal dans les systèmes-monde pensés par
Wallerstein (1980) et d’autant plus à l’échelle des nations où sévit le filtre de la tradition et
des canons académiques. La limite de cette démarche de recherche plurilingue et
pluricentrique est alors posée : comment penser de nouveaux objets de recherche
véritablement transnationaux alors que les cadres disciplinaires sont historiquement
nationaux ? Comment, lorsque l’une des motivations de la recherche en didactique des
langues est bien l’intervention et l’action sociale sur les terrains, réussir à proposer et
concevoir des démarches de travail, des concepts et des outils didactiques qui ne soient
pas oublieux de ce qui se pense et se fait sur place et ailleurs ?
Le filtre que constitue une expérience de terrain dans un cadre diplomatique nous a
conduite à interroger l’approche du contexte angolais et à penser ce contexte au-delà de
la vision et du discours français à ce propos. Comment penser la question linguistique et
la didactique des langues et des cultures différemment de leur inscription dans une
dimension économique des relations officielles franco-angolaises et dans une idéologie de
la diffusion de la langue et de la culture françaises dans le monde (Salon, 1981), portées
par les politiques de coopération ? Pour un contexte local dans un monde globalisé,
comment réussir à ouvrir la réflexion pour mesurer quel statut et quel rôle les langues ont
et peuvent avoir en Angola ? Un travail sur l’Angola, nation inscrite dans l’espace dit
lusophone, doit donc interroger le chercheur français sur son positionnement vis-à-vis de
son objet d’étude puisqu’il peut être considéré comme externe à l’espace francophone. Il
appelle à une pensée plus globale et par conséquent à dépasser le cadre national,
notamment à travers la comparaison avec d’autres situations linguistiques et éducatives
de nations postcoloniales africaines. Apporter des éléments de compréhension en
français sur les éventuelles spécificités des évolutions postcoloniales de nations externes à
l’espace francophone nous semble aussi être un moyen de contribuer à une nécessaire
décentration tout autant qu’à produire un savoir non disponible pour les chercheurs non-
118
Partie 1 – chapitre 3
En premier lieu, le cadre conceptuel dressé dans ce chapitre amène à justifier une
approche pluridisciplinaire de notre contexte d’étude. Dans un article consacré aux défis
posés pour la sémiotique par les sociétés contemporaines et en particulier par le champ
éducatif, Fontanille défend la nécessité d’une approche ouverte aux autres disciplines de
manière à y puiser de nouveaux moyens d’analyse et de compréhension du monde social.
La recherche sur l'éducation demande une collaboration étroite entre les sciences humaines, les sciences sociales, les
sciences de la vie, et les sciences et technologies de l’information et de la communication. Dans ce concert disciplinaire et sur ces
thématiques, la sémiotique n’est pas la plus avancée : elle ne pourra donc contribuer efficacement, et d’une manière qui soit
recevable par les autres disciplines en collaboration, que si elle s’approprie leurs acquis pour comprendre quelles sont les
questions sémiotiques qu’ils portent en germe. (…) Mais, pour fondateur qu’il soit, ce geste épistémologique et stratégique ne
vaut pas que pour la sémiotique narrative. Le même type de geste doit être prévu et accompli pour la sémiotique des pratiques,
pour la didactique, et pour les processus de transmission (Fontanille, 2015 : 23).
119
Partie 1 – chapitre 3
d’autres disciplines est double. Elle répond au besoin d’une approche soucieuse des
grands enjeux sociaux86. Par ailleurs, elle s’inscrit dans l’histoire même de la constitution
de la didactique du FLE en tant que discipline autonome. Dès 1976, Coste et Galisson
insistent sur l’apport des autres disciplines pour la didactique des langues dans leur
préface du Dictionnaire de didactique des langues. Cette histoire, récente sur le plan
institutionnel (années 1960), conduit à une réflexion épistémologique riche et cherchant à
prendre en compte la généalogie disciplinaire (par exemple Spaëth, 1998) tout autant
qu’une historisation des grands concepts « empruntés » à d’autres disciplines constituées.
[O]n a souvent souligné le caractère composite de ce champ, représenté comme un centre entouré d’un ensemble
d’intersections avec d’autres disciplines instituées épistémologiquement : linguistique, psycholinguistique et psychologie sociale,
anthropologie, histoire, sciences de l’éducation, sciences politiques... (Beacco, 2011 : 32).
Dans le cadre de cette thèse en didactique des langues et des cultures, notre
approche est par conséquent résolument pluridisciplinaire au sens où nous usons de
concepts et de catégories pensés dans d’autres disciplines comme le montre ce chapitre.
86Il en de même pour la sociolinguistique. Un exemple récent est la mise à profit des travaux économiques
pour s’intéresser à la question migratoire que fait Vigouroux (2013) en observant les spécificités des
pratiques langagières de migrants congolais en Afrique du Sud dans le cas spécifique de l’économie
informelle.
120
Partie 1 – chapitre 3
disciplinaire comme système de schèmes de perception et d’appréciation (la discipline incorporée agissant comme censure)
(Bourdieu, 2001 : 129).
121
Partie 1 – chapitre 3
France : Portugal, Brésil mais encore États-Unis ou Cuba comme le montrera la mise à
profit de l’historicisation et le cadre historique dressé dans le chapitre suivant.
122
Partie 1 – chapitre 3
123
Partie 2
_____________________________________________________________________
Partie 2
Chapitre 4 – Approche historique du contexte linguistique et éducatif
Chapitre 5 – Cadre sociolinguistique
Chapitre 6 – La langue française en Angola : de la situation d’une langue exogène
aux enjeux éducatifs nationaux
124
Partie 2
125
Partie 2 – chapitre 4
CHAPITRE 4
126
Partie 2 – chapitre 4
dire dans une perspective temporelle linéaire et dialectique qui s’accompagne d’une détermination spatiale introjectée ; le temps
et l’espace européens vont alors quadriller et profondément transformer l’univers africain (Spaëth, 1996 : 93-94).
88 Les Antilles sont souvent rattachées à cet espace francophone africain pour des raisons tout autant
historiques qu’idéologiques, notamment sous l’effet des courants de pensée qui traversent ces espaces
(Négritude, Africanisme et plus récemment les Southern Theories).
127
Partie 2 – chapitre 4
Pour répondre aux nécessités scientifiques d’une étude portant sur la question
linguistique et éducative en Angola soucieuse de proposer des orientations, propositions
et perspectives didactiques, il est essentiel de comprendre et connaître le contexte
sociolinguistique contemporain. Or, sans cadre historique, il est impensable d’historiciser
et de comprendre les phénomènes sociaux contemporains. L’objectif principal de cette
partie est donc d’apporter l’éclairage historique permettant de mieux appréhender et
d’historiciser la question linguistique et éducative. Ce chapitre constitue une partie
déterminante de notre travail et vise à être une véritable historiographie centrée sur les
langues et l’éducation. Il privilégie une approche diachronique générale. De ce fait nous
avons recours à la périodisation canonique et à l’usage des catégories pouvant être
considérées comme classiques : période précoloniale, période coloniale et période
postcoloniale.
Si ce travail est bien centré sur les langues et l’éducation, il n’exclut pas les
questionnements ayant trait au contexte politique, social, économique et idéologique, en
particulier pour les périodes coloniale et postcoloniale. Ainsi, bien que cette thèse soit
résolument inscrite dans le champ de la didactique des langues et des cultures, ce chapitre
est clairement pluridisciplinaire dans son ancrage théorique. Un exemple précis est le
recours à des œuvres littéraires ou à leur étude et à leur théorisation qui pose la question
du français ou du portugais comme langue africaine ; une autre illustration pourrait être
une question centrale, celle de l’idéologie, qui prête tout autant à la réflexion
philosophique, politique, économique que sociologique.
Il convient pour terminer ces propos introductifs de préciser notre choix pour
nommer les langues en Angola. Dans les études portant sur les langues en Afrique, celles
qui ne sont pas européennes font l’objet de nombreuses appellations. En fonction des
auteurs et particulièrement des institutions, ces langues sont tour-à-tour des « langues
précoloniales », des « langues vernaculaires », des « langues nationales », des « langues
autochtones », des « langues africaines », des « langues natives », des langues « ethniques »
des « langues endogènes » ou encore des « langues indigènes ». L’ensemble de ces usages
repose sur leur opposition avec les langues européennes introduites durant la
colonisation. Dans cette étude, nous choisissons par commodité l’expression utilisée dans
les politiques linguistiques angolaises depuis l’indépendance : les « langues nationales ».
128
Partie 2 – chapitre 4
Nommer n’est pas tant « rendre compte de l’existence de » que faire exister dans un contexte bien déterminé. En
adaptant à notre propos la célèbre question de J. Fishman (« Who speaks what languages to whom and when ? »), il faut
donc se demander « qui nomme quelle langue, pour qui et quand ? » (De Féral, 2009 : 16).
[eng] Le terme précolonial est utilisé en référence à la période précédant le moment où les
Européens commencèrent à commercer avec l’Afrique subsaharienne et plus tard décidèrent de coloniser le
continent89 (Mufwene, 2010 : 180).
Dans cette vue, la colonisation produit une double rupture dans l’environnement
linguistique : à ses débuts et à sa fin. Il convient de commencer par en étudier l’ante, ce
qui la précède.
89 The term precolonial used to refer to the period before the Europeans started trading with Sub-Saharan Africa and later
129
Partie 2 – chapitre 4
10 000 avant J.C., le territoire constituant l’actuel Angola attire une importante
population de l’Âge de pierre utilisant des langues du groupe khoisan. Sur le plan
géographique, les langues khoisanes sont aujourd’hui présentes sur la majeure partie du
Botswana et de la Namibie. Il existe également des enclaves dans le Sud de l’Angola et de
la Zambie, à l’Ouest du Zimbabwe et au Nord de l’Afrique du Sud ainsi que deux langues
isolées en Tanzanie.
Malgré le nombre considérable de partisans de la prétendue hypothèse du « macro khoisan » élaborée à l’origine par
Greenberg sous le nom de « langues à clicks », aucune des nombreuses tentatives faites pour prouver une relation génétique
entre toutes les langues khoisan présumées n’a été convaincante (Güldeman et Vossen, 2004 : 121).
Il existe ainsi deux positions de principe : une « synthétiste » et une
« divisionniste »91.
Aujourd’hui présentes au sud de l’Angola, ces langues sont parlées par quelques
milliers de locuteurs organisés en groupes isolés, les Bochimanes et les Hottentots. Ces
langues appartiennent au sous-groupe san. Elles sont aujourd’hui en danger d’extinction.
L’une d’elles, le kwadi, a disparu durant le 20e siècle (Güldeman et Vossen, Ibid.).
90 Expression empruntée au titre de l’ouvrage du philologue Darmesteter, La vie des mots étudiés dans leur
signification publié en 1887. L’application du modèle naturaliste dans l’étude des langues est forte à la fin du
19e siècle avec de nombreuses références au darwinisme (cf. Tort, 2005 ; Darwin, 2013 [1859]). Selon
Darmesteter, [t]oute langue est en perpétuelle évolution. À quelque moment que ce soit de son existence, elle est dans un état
d’équilibre plus ou moins durable, entre deux forces opposées qui tendent : l’une la force conservatrice, à la maintenir dans son
état actuel ; l’autre, la force révolutionnaire, à la pousser dans de nouvelles directions (cité par Spaëth, 2011 : 36 de
Darmesteter A. (1887) [1979], La vie des mots étudiée dans leurs significations, Paris, Éditions Champ libre, p.15).
Cette expression est reprise par la sociolinguiste Juillard (1995), notamment spécialiste des milieux urbains
d’Afrique francophone. Nous pensons ici à son ouvrage La vie des langues à Ziguinchor, ville que l’auteure
définit comme « une ville plurilingue de Casamance où l’usage des langues est fascinant notamment compte
tenu des compétences plurilingues et pluriculturelles des sujets ».
91 Les similarités entre les branches principales pourraient avoir été engendrées par des contacts entre aires
linguistiques. Voir par exemple l’étude de Schlebusch (2010) sur les variations génétiques des locuteurs des
langues khoisanes en Afrique du Sud.
130
Partie 2 – chapitre 4
Une rupture historique a lieu en l’an mil avec l’arrivée de populations bantoues qui
provoque une importante attrition tant démographique que linguistique pour les peuples
khoisans et également pygmées (Mufwene, 2010).
92 A designação bantu é atribuída à quase maioria da população fixada ao sul do equador e usada em relação a todos os
povos cujas línguas utilizam a raiz « ntu » para designar homem e cujo plural é exatamente a palavra « bantu ».
131
Partie 2 – chapitre 4
Avant l’arrivée des Portugais sur les côtes angolaises durant la seconde moitié du
15e siècle, les Bantous du groupe mbundu constituent des États et groupes d’États aux
organisations politiques variées. Les deux plus grands complexes étatiques dans cette
zone de l’Afrique sont alors ceux des civilisations Luba (dans la région actuelle du
Katanga en République Démocratique du Congo) et Kongo. La fondation du Royaume
du Kongo est située entre le début du 14e et le début du 15e siècle d’après les différentes
versions des traditions orales recueillies (Vansina, 1963). La grande innovation de la conquête
bakongo est le groupement de multiples petits royaumes en un grand État centralisé et gouverné par un
monarque suprême résidant dans la capitale94 (Randles, 2002 : 20).
93 Dão origem à composição gradual […] das formações étnicas, à estucturação das comunidades e à formação dos reinos.
94 La capitale était Mbanza Congo. Renommée São Salvador durant la période coloniale, elle est aujourd’hui
la capitale de la province de Zaïre, au nord-ouest de l’Angola.
95 Randles (2002 [1968]) s’appuie sur un document italien de 1591 pour souligner l’incertitude quant au
statut de ce royaume vis-à-vis de celui du Kongo : à cette époque, le lien de vassalité n’est pas attesté.
132
Partie 2 – chapitre 4
Cette partie vise à tracer à grands traits le paysage sociolinguistique constitué par les
langues nationales angolaises. Son caractère principalement descriptif ne prête pas à une
problématisation de la question linguistique : l’objectif de cette partie est de fournir des
éléments généraux qui seront utiles pour la suite de ce chapitre consacré à l’approche
historique puis pour le chapitre suivant portant sur le contexte sociolinguistique
96 Estermann (1983), personnage emblématique dans l’histoire des prêtres missionnaires en Angola et
auteur de nombreux travaux ethnolinguistiques, dresse une longue liste d’écrits missionnaires couvrant la
période coloniale jusqu’au milieu du 20e siècle (cf. Infra. : 154 et sq.). Pour approfondir et consulter les écrits
missionnaires, voir les excellents fonds disponibles au Centre Gulbenkian à Paris et, entre autres, à la
Bibliothèque nationale du Portugal à Lisbonne.
97 Soulignons par exemple l’exhaustivité des travaux de l’historien français René Pélissier dont la thèse
d’État, publiée en trois volumes en 1976, couvre les mouvements de résistances et les révoltes de 1845 à
1961. La bibliographie dressée par Chabal et al. (2002) référence avec exhaustivité les travaux,
principalement anglophones, les plus approfondis à propos des nations d’Afrique lusophone durant la
période postcoloniale jusqu’en 2000.
98
Par contre, les données sociolinguistiques récentes et fiables sont peu nombreuses, fait qui pour partie
peut s’expliquer en raison de la longue période de guerre en Angola (1961-2002).
133
Partie 2 – chapitre 4
point : les deux familles de langues en présence avant l’ère coloniale sont les langues
khoisanes et les langues bantoues.
En annexe, Lopes Cardoso présente les trois formes écrites possibles pour chaque
ethnie et langue : en « portugais courant », en « portugais correct » et en « langue
99 Durant la seconde moitié du 20e siècle, la société angolaise a dû se développer dans un contexte de
guerre pendant plus de quatre décennies. La première campagne de statistiques à l’échelle nationale depuis
l’indépendance en 1975, est réalisée en 2014 (INE) avec l’appui des Nations Unies notamment. L’ensemble
des grands acteurs de l’aide au développement, qu’ils soient gouvernementaux ou non gouvernementaux,
s’accordent sur un point : la nécessité d’un recensement actualisé et la difficulté à dégager des tendances et
besoins, à cartographier et à planifier.
100 Carta étnica de Angola.
101 Instituto de investigação de Angola, Divisão de etnologia e etnografia.
134
Partie 2 – chapitre 4
native »102. L’enjeu de la transcription, déjà fort durant l’époque coloniale, persiste pour
un objet d’étude traité dans de nombreuses langues. Au sujet du nom des langues
nationales en Afrique, De Féral (2009) précise qu’il existe différentes formes de
catégorisation103. Pour l’Angola, l’ensemble des auteurs s’appuie sur la catégorisation
ethnique. Pour notre part, nous avons choisi les formes les plus stabilisées et les plus
communes rencontrées lors de nos lectures en français, en portugais et en anglais et
avons donc également privilégié la catégorisation ethnique.
Nous avons retenu la carte de Lopes Cardoso et l’avons simplifiée pour présenter les
onze principales aires linguistiques. Le groupe des langues khoisanes se superpose en
îlots sur les aires bantouphones du Sud du pays.
102 Nous verrons en quoi cet usage simultané de trois langues (ou variétés) illustre la notion de « diglossie
coloniale » (cf. Infra. : 145-146 ; 203 et sq.)
103 Les autres catégorisations relevées par De Féral (2009 : 11) sont la nationale (kabuverdianu pour le créole
du Cap Vert) ; sociale et / ou géographique : (français populaire d’Abidjan) ; linguistique (broken English,
anglais du Cameroun) ; auto-centrée (nnam « notre langue / parole » pour l’ewondo ; citation
(stigmatisation d’une expression récurrente « tok se » « dire que » pour le pidgin-english du Cameroun).
135
Partie 2 – chapitre 4
Seules les langues des groupes mbundu (le kimbundu) et ovibumbu (l’umbundu) sont
au plan national strict – c’est-à-dire sans tenir compte du fait migratoire –exclusivement
des langues angolaises au sens où les neuf autres groupes chevauchent les frontières. Par
ailleurs, compte tenu de la taille du pays, chaque aire géolinguistique est vaste et prête par
conséquent à une variation importante.
136
Partie 2 – chapitre 4
Martins (1993) et Zau (2002a) précisent que chacun de ces onze groupes
linguistiques répertoriés en Angola est constitué de sous-groupes ethniques avec une
langue dérivée. Ils comptabilisent ainsi 93 langues, ce qui correspond à la liste donnée par
Lopes Cardoso (1962). Zau (2002a) apporte également des précisions sur chaque groupe
ethnique, travail que nous synthétisons dans le tableau ci-après.
137
Partie 2 – chapitre 4
138
Partie 2 – chapitre 4
139
Partie 2 – chapitre 4
108 Elle autorise le roi du Portugal à asservir tous les « Maures, païens et autres ennemis du Christ » (Enders, 1994 :
25).
109 Ce droit lui permet de percevoir un cinquième des bénéfices tirés des expéditions et des possessions ultra-marines
grand nombre d’esclaves que l’on trouve à Lisbonne. Vers 1551, ceux-ci représentent 10 % des 100 000 habitants de la ville
(Enders, Ibid. : 25).
111 Il règne de 1481 à 1496 et l’expansion maritime s’inscrit au cœur de sa politique.
112 D’après Birmingham (1966) et Randles (2002 [1968]) la date exacte est incertaine mais le consensus se
140
Partie 2 – chapitre 4
sur la côte Sud de l’estuaire, dans la province de Soyo du Royaume de Kongo. Les
Européens entrent ainsi en contact avec un royaume qui, avec ses provinces vassales, est
aussi étendu que le Portugal. Diogo Cão envoie des émissaires vers la capitale pour
délivrer un message de paix et un cadeau au roi, le Mani Kongo, Nzinga Nkuwu.
En 1491, Dom João II organise une expédition afin d’assurer une alliance avec le
Royaume du Kongo qui, dans la conception portugaise, doit passer par la christianisation
des souverains locaux. Le fait religieux constitue un des éléments de l’échange de
serments. Les émissaires du roi débarquent dans un port de la province de Soyo dont le
chef se convertit avec empressement au Christianisme. Vingt jours plus tard, à l’arrivée
dans la capitale du royaume, Mbanza Congo113, le Mani Kongo, sa femme et quelques
notables de sa cour sont à leur tour baptisés le 3 mai 1491. Dans la conception du Roi du
Kongo, le christianisme apparaît comme un puissant outil de renforcement du pouvoir
central sur les provinces vassales114.
Le Mani Kongo, friand des produits européens mais n’ayant à proposer en échange
que de l’ivoire et des produits dérivés du travail de la feuille de palme, découvre vite que
la marchandise humaine a une grande valeur pour les Portugais. Pour autant cette manne
économique est passagère : en l’espace de quelques décennies, la traite négrière contribue
à l’affaiblissement du Royaume du Kongo. Au sommet de sa puissance à l’arrivée des
Portugais, cet empire africain avait réussi à imposer son hégémonie sur tous les autres
États de la région. Mais la création en 1575 d’un comptoir portugais dans le royaume du
113 Mbanza Congo est la capitale administrative de la province éponyme au Nord de l’actuel Angola.
114 Par la suite, pour tenter d’échapper au protectorat des Portugais, les rois du Kongo essaieront d’établir
un contact direct avec le pape. Mbanza Congo devient le siège d’un évêché en 1596 (Cuvelier et Jadin,
1956).
115 Les colons de l’île de São Tomé, vierge de toute population à l’arrivée des Portugais en 1470, ont droit à
une femme esclave pour aider à l’accroissement du peuplement. La culture sucrière nécessite également
une main d’œuvre complémentaire (Birmingham, 1966).
141
Partie 2 – chapitre 4
L’intérêt des Portugais pour le royaume du Dongo, plus au sud, s’accroît suite à la
plaidoirie de Paulo Dias de Novais116, gouverneur et capitaine-général de la conquête du
royaume d’Angola, qui est en faveur de la conquête militaire et de la colonisation
agricole. São Paulo de Luanda, qui deviendra la capitale actuelle de l’Angola, est fondée
en 1575. La présence portugaise est suffisamment importante pour justifier la création d’un
gouvernement-général en 1592 et pour transférer le siège de l’évêché de São Salvador à Luanda en 1623
(Enders, 1994 : 41). Le roi du Ndongo refuse les propositions portugaises et à partir de
ce moment les campagnes militaires commencent. En 1581, Novais et ses troupes
gagnent des batailles dans la province de Kissama (au sud de Luanda). Plus de cinquante
chefs sont vassalisés. En 1585, la victoire des troupes portugaises laisse la porte ouverte
aux missionnaires et signe la fin du royaume Ndongo (Amaral, 1996). Ainsi, un siècle
après les premiers contacts, le contrôle d’une petite partie du territoire permet la
diffusion progressive de la langue des missionnaires vers l’intérieur.
Au 17e siècle, l’Angola est, après le Brésil, la colonie la plus rentable pour la
couronne portugaise en raison du trafic négrier. La traite se fait également depuis São
Felipe de Benguela, actuelle Benguela, fondée en 1617. Durant cette période du
commerce triangulaire, la majorité des esclaves sont envoyés au Brésil. Davidson (1972)
estime à 3 500 000 le nombre d’hommes déportés de 1550 à 1836. Dans le cas précis de
l’esclavage, la colonisation est bien un aspect de la globalisation. Les déplacements de
Traders soon began to go there direct, since […] it was the only slave supplying area accessible by sea (Birmingham,
117
1966 : 26).
142
Partie 2 – chapitre 4
Reine N’Zinga (sœur du N’Gola défunt et ancien roi du Kongo), englobant les royaumes Kongo, Jaga (à
l’est), ceux de la région côtière de Luanda et des provinces autonomes. Les Portugais sont donc obligés de
s’enfoncer dans les terres pour contrer cette rébellion. En 1641, les Hollandais, profitant de l’absence de la
majorité des troupes portugaises, s’emparent de Luanda et coupent la route des esclaves. Le fondement
économique de la colonie portugaise est donc mis en péril. Une expédition brésilienne de mille hommes est
alors envoyée vers l’Angola pour mettre fin à cette interruption du trafic négrier. Luanda est finalement
reprise en 1648.
143
Partie 2 – chapitre 4
À partir de 1870, le trafic devient clandestin et se maintient jusqu’en 1916 vers l’île
de São Tomé. Pour Messiant (2008), la suppression de la traite a eu pour principale
conséquence une crise de la colonisation en rompant l’alliance économique tacite entre
les royaumes de l’intérieur, les intermédiaires africains et les colons. Elle entraîne alors le
départ de nombreux Blancs.
4.2.2 La diffusion linguistique : quel rôle pour l’école, quel rôle pour
la mission ?
Vers 1850, les bases blanches qui subsistent sont Luanda et Benguela. Le nombre
de colons portugais s’élèvent à quelques milliers alors qu’à la même époque et à titre
comparatif il y a environ 300 000 Européens en Algérie. Ainsi, durant la seconde moitié
120 Toutefois, ce n’est qu’en 1922 que l’occupation effective de l’ensemble du territoire angolais est
accomplie.
144
Partie 2 – chapitre 4
du 19e siècle, les métis sont numériquement dominants par rapport aux Blancs. Cette
bourgeoisie métisse locale va continuer à jouer un rôle important dans la vie économique
angolaise durant le reste de la colonisation portugaise121. Elle s’approprie la langue et la
culture du colon et laisse peu à peu de côté les langues endogènes / nationales. Le
philologue Lienhard (2008) montre bien en quoi le contexte angolais constitue un cas
typique de « diglossie coloniale ».
[por] Elle se caractérise par le monopole absolu de la langue du colonisateur dans l’espace officiel et par la
marginalisation non seulement des langues natives ou autochtones mais également des variétés orales de la langue officielle et
122
des créoles qui se développent peu à peu à travers les échanges entre colonisateurs et colonisés (Lienhard, 2008 : 220).
121 Voir par exemple le roman historique de Pepetela, A gloriosa familia, qui retrace l’histoire de la famille
métisse Van Dunem sur plusieurs siècles.
122 Ela se caracteriza pelo monopólio absoluto da língua do colonizador no espaço oficial e pela marginalização não só das
línguas nativas ou autóctones, mas também das variedades orais da língua oficial e das línguas crioulas que vão se
desenvolvendo aos poucos através dos intercâmbios entre colonizadores e colonizados.
145
Partie 2 – chapitre 4
Phase
2
Phase
3
Phase
1
La
langue
Élargissement
du
groupe
Des
locuteurs
en
nombre
limité
coloniale
devient
des
locuteurs
experts,
deviennent
experts
de
la
langue
la
langue
naissance
d'une
classe
coloniale
qui
leur
est
seconde.
maternelle
des
moyenne
qui
s'approprie
la
locuteurs
experts.
langue
coloniale
à
son
tour.
Durant la seconde moitié du 19e siècle, les Portugais veulent remplacer la principale
manne économique de la province d’Angola jusqu’alors : la traite des esclaves. La
bourgeoisie portugaise encourage le développement de l’agriculture pour l’exportation.
Forte d’une organisation coloniale déjà en place dans les deux villes côtières, elle peut
mettre en œuvre une véritable stratégie économique (Zau, 2002a). Des matières
premières sont produites (coton, sisal, caoutchouc et café) mais elles nécessitent terre et
main-d’œuvre. La métropole accorde en conséquence de grandes concessions aux colons
et surtout, elle se préoccupe de trouver un moyen pour faire travailler les indigènes. Le
code du travail indigène entre en vigueur en 1899 et instaure le travail forcé qui va se
généraliser avec l’extension des surfaces administrées.
Article premier : Tous les indigènes des provinces portugaises d’outre-mer sont soumis à l’obligation morale et légale de
s’efforcer d’obtenir, par le travail, les moyens d’existence qui leur font défaut, et d’améliorer leur condition sociale. Les
indigènes jouissent de toute liberté dans le choix des moyens leur permettant de s’acquitter de cette obligation ; toutefois, au cas
123
où ils n’y satisferaient pas, les autorités publiques peuvent les contraindre à remplir cette obligation .
146
Partie 2 – chapitre 4
147
Partie 2 – chapitre 4
Les rares écoles publiques sont destinées à cette époque aux Européens et à leurs
descendants, blancs ou métisses: [por] « au-delà de ces écoles, immédiatement destinées
aux populations évoluées, on ne manquait pas d’admettre l’hypothèse d’avoir des écoles
rudimentaires »126 destinées à la population locale (Zau, 2002a : 89). Mais leur création
demeure hypothétique. Différents facteurs expliquent ce développement limité de
l’enseignement public : l’esclavage, la carence de plan politique à long terme, le manque
d’action des gouvernements et l’expulsion des religieux. De plus, l’Angola n’attire pas les
148
Partie 2 – chapitre 4
lettrés portugais : à titre illustratif, la première bibliothèque publique est ouverte en 1873
dans la chambre municipale à Luanda (Zau, 2002a).
À la fin du 19e siècle, alors même que dans les colonies françaises l’enseignement
aux indigènes commence à se développer suite aux lois Ferry, le Portugal se refuse à un
véritable enseignement destiné aux autochtones de ses colonies africaines. Les thèses
raciales, fondées sur des arguments construits à partir de travaux anthropologiques,
justifient la prétendue impossibilité de l’homme noir à apprendre. En 1890, à l’occasion
de sa nomination en tant que Ministre de la marine et de l’outre-mer, António Enes,
affirme que [por] « l’unique moyen efficace de transmettre la civilisation portugaise aux
Africains était le travail manuel, qui […] était rendu nécessaire pour conduire les
Africains à apprécier la dignité du travail »127 (Zau, 2002b : 95).
Jusqu’au début du 20e siècle, tant l’éducation que la diffusion de la langue coloniale
reposent au plan formel sur l’œuvre missionnaire. Au plan informel, les contacts de
langues sont néanmoins plus fréquents à l’oral en raison du fait économique. L’expansion
impérialiste n’est synonyme d’expansion linguistique que de manière extrêmement
réduite : la situation est celle d’une « lusophonisation restreinte » au sens que lui attribue
la politologue Goheneix (2012) pour parler de la diffusion du français en Afrique
Occidentale française durant la première moitié du 20e siècle. Dans le cas français, la
francisation des citoyens métropolitains entamée en 1789 met en tension unification
linguistique et démocratisation du territoire métropolitain.
Dès lors que l’on accepte cette imbrication entre la politique de la langue et l’édification républicaine de la métropole,
la question de savoir quelle langue devaient parler les populations colonisées de l’empire prend une dimension intrinsèquement
politique, puisque le fait d’inclure ou d’exclure les colonisés dans la communauté des parlant-français peut constituer un indice
de leur inclusion ou de leur exclusion de la communauté des citoyens (Goheneix, 2012 : 82).
127 O único meio eficaz de transmitir a civilização portuguesa aos africanos era o trabalho manual, o qual […] se tornava
149
Partie 2 – chapitre 4
déterminée tant par les conditions économiques que par les conditions idéologiques de
l’époque.
Tout comme dans l’ancien empire colonial français en Afrique noire, la diffusion de
la langue de la minorité dominante blanche est étroitement associée à la « mission
civilisatrice » et à l’œuvre des missionnaires. En Angola et dans le reste des territoires
africains dominés par le Portugal pendant plus de 500 ans, l’éducation des populations
autochtones a par ailleurs majoritairement reposé sur le processus d’évangélisation.
Spaëth (1998) explique que dans l’action de la France hors d’Europe, la mission et la
colonisation servaient des buts différents tout en ayant une histoire indéniablement liée.
La diffusion de la langue coloniale, pour les Français tout comme pour les Portugais, est
pendant longtemps laissée de côté puisque les motivations sont économiques et
religieuses. La mission a souvent rempli la place laissée vacante par les acteurs – à cette époque encore
non-institutionnels – de la colonisation (Spaëth, Ibid. : 17).
150
Partie 2 – chapitre 4
En 1520, une ambassade royale se dirige vers le Ndongo avec pour but de rendre
visite au roi d’ « Angola », de le convertir et de préparer un rapport complet sur son
royaume. Initialement, cette première visite officielle est motivée par une requête
émanant du N’Gola pour l’envoi de missionnaires chrétiens129. Toutefois, les priorités de
la couronne portugaise ne sont pas tournées vers la diffusion de la langue civilisée auprès
des peuples africains qu’elle domine. L’évangélisation en constitue la nécessité.
En 1759, les Jésuites actifs en Angola sont expulsés par le Marquis de Pombal. Le
gouverneur général de l’époque, Francisco Inocêncio de Sousa Continho, va être
l’instigateur du début de l’implication du Royaume portugais dans l’éducation. La
première école publique est créée à Luanda. Les objectifs d’apprentissage sont simples :
permettre d’apprendre à lire, écrire et compter. Zau (2002a) note qu’à partir de ce
moment et jusqu’au milieu du 19e siècle, les missions sont en déclin. À titre d’exemple,
seuls deux ordres (capucin et carmélite) sont présents à Luanda en 1836.
129 Les deux partis ont en fait des motivations plus économiques que spirituelles. Du côté portugais, la
célérité était plus d’ordre mercenaire qu’idéaliste et la perspective de trouver de l’argent en grande quantité
semble avoir réellement motivé cette ambassade. De l’autre côté, les espoirs présumés sont fondés sur la
quête du prestige acquis grâce à la présence de conseillers européens, l’ouverture d’une liaison maritime
avec l’Europe et à l’arrêt des raids depuis le royaume du Kongo pour capturer des esclaves. C’est en fait le
commerce des esclaves qui va rapidement se développer.
151
Partie 2 – chapitre 4
autant et est réservée à la sphère sociale qui domine la société coloniale, celle des colons
et de l’élite locale restreinte.
Van Den Avenne (2012) rappelle que du 16e siècle à l’époque contemporaine, la
contribution la plus significative pour la connaissance de la diversité linguistique
mondiale est celle produite dans le cadre de l’activité linguistique missionnaire. L’étude
linguistique prend la forme de la production de grammaires et de dictionnaires : cette
« grammatisation » est le processus de construction des savoirs sur les langues extra-
européennes avec lesquelles les explorateurs, colons et missionnaires entrent en contact.
152
Partie 2 – chapitre 4
Entre 1956 et 1961, les articles d’Estermann sont publiés en trois volumes132. Son
approche du terrain, dont il veut témoigner, est celle initiée par Malinowski (1970 [1944]).
La théorie fonctionnelle développée par ce dernier s’emploie à comprendre la nature des
phénomènes culturels en privilégiant la recherche de terrain et l’analyse comparative.
Estermann utilise ainsi une méthode d’observation participante guidée par la formulation
de questions préalables. À partir de ses notes, il fait une description sans interprétation,
l’ethnographie, dont il se sert pour formuler des réflexions théoriques qui représentent
un travail ethnologique sur les peuples d’Angola. L’observation directe consiste en une
immersion dans la société qui implique un apprentissage de la langue. Estermann
apprend les trois langues parlées dans sa vaste juridiction : le kwanhama, le ganguela et
l’umbundu. Il rédige et compulse par la suite des guides de conversation, des grammaires,
des dictionnaires et des doctrines chrétiennes en langue nationale.
130 Né en Alsace avant la première guerre mondiale, il sert dans l’armée allemande comme auxiliaire de
santé durant la guerre. Après avoir suivi des études de philosophie à Knechtsteden et de théologie à Paris,
il est envoyé en Angola en 1924. Il y demeura le reste de sa vie et consacra la majorité de ses écrits aux
peuples du Sud et du Sud-Ouest de l’Angola. En 1933, il est nommé supérieur des missions de Huíla et
peut ainsi faire construire des édifices religieux et fonder des collèges.
131 Do ponto de vista do governo colonial, os missionários eram, de fato, aliados ideais. Eles conviviam a população locol,
française et britannique.
153
Partie 2 – chapitre 4
Nous avons choisi de mettre l’accent sur les travaux d’Estermann dans la mesure
où un de ses articles (1983 [1960-1961] : 345-351) est consacré aux contributions dans le
134 Les premiers recherchent durant la période de l’entre-deux-guerres une compréhension des principes de
la société observée et ne s’intéressent pas aux systèmes et aux relations qui la constituent. Ils créent des
catalogues et des monographies à la suite de la collecte d’objet. Dans les années 1930, l’ethnologue Griaule,
non sans idéalisme, décrit par exemple la cosmogonie des Dogons au Mali et essaie de « démontrer » que
les productions spirituelles africaines peuvent avoir autant de valeur (par leur complexité ?) que le
christianisme occidental. Les Britanniques puis les Américains font primer une approche fonctionnelle des
sociétés observées et celles-ci sont appréhendées comme un système (Conans, 1974).
135 a heterogeneidade política e teológica da igreja, e a convocação para as missões de muitos religiosos estrangeiros que
trouxeram consigo diferentes ideias sobre o papel político e social das igrejas, além de diferentes experiências teológicas.
136 As missões protestantes, por sua vez, eram amplamente diversificadas: não tinham uma autoridade que centralizasse o
154
Partie 2 – chapitre 4
domaine de la linguistique bantoue. De son point de vue, les travaux linguistiques réalisés
en Angola peuvent être classés suivant trois périodes :
- celle des pionniers.
- celle du début des missions modernes.
- la contemporaine137.
La première période, qui s’étend sur près de quatre siècles, est celle des
« découvreurs », des premières missions et d’une succession de contacts, rencontres et
cohabitations avec des langues et des cultures multiples. Estermann relève bien
l’importance de l’apprentissage des langues et des cultures des populations locales. Pour
lui, la langue est le véhicule de la culture. La relation entre langue et culture est conçue
dans une vision évolutionniste de l’humanité et induit par conséquent un ethnocentrisme
dans les propos. La connaissance de la langue par les missionnaires est avant tout un outil
de domination, notamment pour l’évangélisation mais aussi pour servir la couronne
portugaise.
[por] Personne ne peut discuter la nécessité de connaître la langue des peuples évangélisés. L’assimilation d’une
civilisation inférieure à une autre d’un ordre supérieur, en écartant l’hypothèse de la violence, ne peut être conçue sans que les
agents de la culture assimilatrice se penchent avec attachement et patience sur tous les contenus de la culture à assimiler. Et,
comment cela serait-il possible sans connaissance du véhicule par lequel se transmettent les idées et se révèlent les mentalités ?
Lorsqu’il s’agit de provoquer une transformation qui est principalement spirituelle, comme dans le cas de l’action missionnaire,
138
la connaissance de la langue indigène est encore plus indispensable (Estermann, 1983 [1960-1961], Vol. 2 : 339).
D’après Zau (2002a : 82) le premier livre imprimé dans une langue africaine de
l’hémisphère Sud est la Cartilha da Doutrina Cristã 139 écrite en portugais et kikongo.
Estermann cite par ailleurs un livre publié en 1642 en kimbundu140, la langue véhiculaire
dans la région de Luanda. Le premier ouvrage141 traitant véritablement de linguistique
137 Conans (1974 : 92) propose l’évolution fonctionnelle suivante à partir du 18e siècle : voyageur, explorateur,
missionnaire, militaire, administrateur, ethnologue.
138 Não pode seriamente ser discutida por ninguém a necessidade de conhecimento da língua materna dos povos evangelizados.
A assimilação de uma civilização inferior a uma outra de ordem superior, posta de parte a hipótese da violência, não é possível
conceber-se sem que os agentes da cultura assimiladora se desbrucem amorosa e pacientemente sobre todos os elementos contidos
na cultura a assimilar. E, como seria isto possível sem o conhecimento do veículo em que se transmitem as ideias e se revelam
as mentalidades ? Quando se trata de provocar uma transformação que é principalmente espiritual, como no caso da atuação
missionária, ainda mais indispensável se torna o conhecimento da língua indígena. Ce passage est extrait d’un article
publié en 1940 dans lequel Estermann fait l’éloge des compétences linguistiques d’un missionnaire : O Padre
Lecomte linguista, p.339-344.
139 Manuel de doctrine chrétienne, publié le 4 mars 1624.
140 Une traduction en kimbundu d’un catéchisme portugais par le père Paccónio (Estermann, 1953 [1960-
1961] : 346).
141 Arte da língua de Angola (Art de la langue d’Angola) est une ébauche grammaticale de la langue kimbundu
par le père Pedro Dias S. J. Le titre laisse à penser que le kimbundu est la langue du contact avec les natifs
et qu’ainsi la colonisation se limite au territoire littoral proche de Luanda, lieu de vie de l’ethnie mbundu.
155
Partie 2 – chapitre 4
[por] [L]a phase moderne de l’Église catholique dans les ex-colonies portugaises commence avec
l’arrivée des pères de la Congrégation de l’Esprit Saint en Angola en 1866142 (Fiorotti, 2012 : 28), la
majorité venant de France et d’Alsace. En parallèle, des missions protestantes du
Royaume-Uni, de Suisse, d’Allemagne et d’Amérique du Nord investissent le terrain
angolais. Elles ont en effet obtenu pleine légitimité lors de la Conférence de Berlin en
1885. Comme le montre Estermann, c’est à partir de 1880 que les publications se
multiplient143, ce qui semble témoigner d’un contact accru avec les habitants s’expliquant
par l’intérêt croissant des religieux pour les terres africaines.
bantoue du Sud-Est de l’Angola, province de Huíla) du père António Joaquim da Silva, Estermann cite une
longue liste d’ouvrages publiés entre 1889 et 1966.
144 Estes juízos são formulados de uma maneira bastante absoluta, com uma adjetivação simplista, sem graduação : isto é
bom, aquilo é mau. [...]As palavras reprovativas que mais se ouvem, por exemplo, entre Cuanhamas, são : “elai”, tolo e
“oulai”, tolice. Aplicam-se elas a falta de inteligência, falta de tacto, falta de compreensão das tradições, falta de civilidade, etc.
Ce passage est extrait de l’article Reflexões sobre educação e instrução entre os povos bantos do sul (Réflexions sur
l’éducation et l’instruction parmi les peuples bantous du Sud), p.397-405.
156
Partie 2 – chapitre 4
145 Os povos primitivos não tem estabelecimentos de ensino, mas nem por isso pode afirmar-se que a instrução e a educação
sejam entre eles deixadas ao acaso (Estermann, 1983 [1960-1961], vol 1 : 397).
146 Elle évoque également des exemples de mouvements de révolte locaux face aux missions
d’évangélisation et donne pour exemple emblématique la vie de Kimpa Vita qui devint à la fin du 17e siècle
une dirigeante religieuse et politique combattant pour la restauration du royaume du Kongo et de sa
religion et l’arrêt de la traite négrière.
147 Première revue américaine consacrée aux affaires étrangères.
157
Partie 2 – chapitre 4
Rooney donne des informations précises pour quatre des cinq districts
administratifs148.
148 Il exclut le district de San Salvador du Congo (actuelle Mbanza Kongo, province de Zaïre, au Nord-Ouest
de l’Angola).
149 Chargés des travaux manuels et des affaires séculières. Rooney en donne la définition suivante : [eng] ce
n’est pas un clair ; il n’a pas reçu les ordres, mais il est un religieux, c’est-à-dire qu’il a fait les trois vœux comme adjudant
dans le travail missionnaire (1912 : 293). He is not a cleric; he has not received the orders, but he is a religious, that is, he
has made the three vows as adjutant in missionary work.
150 Les catéchistes étaient des natifs convertis, connaissant le catéchisme et chargés de le transmettre auprès
des leurs.
151 Some of the Bantu languages [...], of folk-lore, legends, customs, superstitions and music of the surrounding tribes.
152 Charged with the elementary instruction, material interests and teaching of trade and handicrafts.
153 Nuns educate young colored girls destined to be teachers and catechists of their own people.
158
Partie 2 – chapitre 4
1996) spécialement destinées aux filles souligne qu’il existe une vision précise de ce qui
est attendu des colonisés, femmes comprises.
154 The catechists male and female taken from among the most intelligent and best of the pupils are indispensable for the
159
Partie 2 – chapitre 4
Pombal156, […] tout le travail de défrichage des populations nègres, a reposé, uniquement, sur les
missions religieuses157 (Vitória, 1957 : 10). Il fait également l’éloge du travail « herculéen » des
pères missionnaires mais regrette que cette évangélisation se soit cantonnée au sertão
(l’intérieur des terres) et ait manqué d’accompagnement dans les agglomérations. À titre
comparatif, dans l’espace francophone, [c]’est donc plutôt l’étape de l’institutionnalisation de la
mission sous forme d’écoles qui permet la pénétration de la langue des missionnaires (Spaëth, 1998 :
17). Dans les deux cas, l’œuvre missionnaire a un double impact : la diffusion de la langue
d’évangélisation et la connaissance des langues locales. Toutefois, que ce soit pour la
diffusion ou l’étude des langues, la portée est restreinte.
4.2.5 Synthèse
156 1699-1782. Pombal est un homme politique portugais emblématique. Il est notamment à l’origine d’une
missões religiosas.
160
Partie 2 – chapitre 4
cependant les contacts à l’intérieur des terres. Le poids de l’idéologie coloniale portugaise
conjugué à des conditions économiques moins favorables par rapport au Royaume-Uni
ou à la France, mène, au plan linguistique, à une situation de « diglossie coloniale » très
aigüe. La ville coloniale et le sertão sont deux espaces sociaux distincts où la langue
portugaise domine tout en étant absente ou restreinte en milieu rural. Le sujet angolais,
tout au long de cette période, est systématiquement exploité et infériorisé – sauf lorsqu’il
est métis ou qu’il maîtrise la langue et la culture des colons. La constitution d’une élite
principalement métisse et progressivement exclusivement lusophone a pour conséquence
de complexifier la division sociale entre sujets. La langue coloniale est un enjeu de
pouvoir et de liberté. En creux, se pose la question de l’identité qui préfigure une partie
des tensions nationalistes africaines.
161
Partie 2 – chapitre 4
guerre mondiale et que l’ère des Empires s’achève (Hobsbawm, 1999 [1994]), l’arrivée de
Salazar dans le monde politique portugais a d’importantes conséquences tant en
métropole que dans les territoires colonisés. Le repli progressif du Portugal au niveau
international produit un effet décuplé au niveau des colonies : elles sont appréhendées
comme des piliers pour maintenir la grandeur défaillante de la nation. Nous proposons
une synthèse chronologique rapportant les dates clé de 1884 à 1975 en annexe 4 (p.8)
La Première république portugaise, proclamée en 1910 suite au coup mené par les
Républicains, l’armée et la marine, souffre rapidement de divisions internes et des
conséquences de la Première guerre mondiale. En 1917, le Portugal est proche de la
faillite et le pouvoir des Monarchistes et des Réactionnaires est accru : l’effort de guerre
et les pertes humaines sont mal ressentis par la population. Sidónio Pais, meneur de la
révolte du 5 décembre 1917, met en place une dictature militaire avec l’appui des
Monarchistes, de l’Église et de la haute bourgeoisie en devenant président en avril 1918
(Labourdette, 2000). Il est assassiné par les Républicains en 1918 et le Portugal plonge
dans une nouvelle guerre civile. De 1919 à 1926, le parti démocratique est au pouvoir
mais fait face à de nombreux attentats politiques.
162
Partie 2 – chapitre 4
Dans ce discours législatif du début des années 1920, les « dialectes » retrouvent un
statut de « langue » : les langues endogènes d’Angola sont désormais des « langues
indigènes ». Toutefois, l’apposition du qualitatif « indigène » relève seulement d’un
changement discursif au niveau politique : il perpétue sous une autre forme discursive
l’infériorisation de la langue de l’Autre. Le terme dialecte, très contemporain à l’heure où
la France poursuit sa francisation qui aborde sa phase finale, est utilisé pour parler des
autres langues présentes sur le territoire national. Dans l’esprit républicain, la démocratie,
l’unité nationale et la citoyenneté passent par l’unité linguistique. Qualifier de dialectes les
langues régionales de France ou du Portugal, ou encore les langues autochtones en
Afrique, signifie n’attribuer de valeur linguistique significative qu’aux langues officielles
métropolitaines, dans un eurocentrisme presque impensé à cette époque. Le glissement
de « dialecte » vers « langue indigène » s’inscrit dans la vision politique d’une société où
cohabitent des sujets (et leurs langues) aux statuts différenciés. Comme pour la langue
française dans les colonies françaises, la langue portugaise (souvent désignée comme
langue de Camões pour souligner son caractère supérieur) est la seule qui soit civilisée. Le
changement sémantique marque donc plutôt la distinction entre langues métropolitaines
et langues des provinces d’outre-mer. En creux, l’écart entre politique d’unification
linguistique effective pour les enfants métropolitains et civilisés et les enfants indigènes,
montre que malgré la permanence d’une visée assimilationniste dans le discours, un
certain statu quo est en place, donnant lieu à une lusophonisation très restreinte.
163
Partie 2 – chapitre 4
L’usage des langues endogènes est interdit dans les lieux officiels tout comme leur
enseignement dans les écoles des missions catholiques (article 2). L’article 3 précise que
leur utilisation est uniquement admise à l’oral pour enseigner le catéchisme et comme
auxiliaire éventuel et transitoire dans l’enseignement / apprentissage du portugais
élémentaire. Il est également précisé qu’en cas de nécessité, il est possible d’utiliser une
traduction en langue indigène des livres d’enseignements afin de faciliter la
généralisation de l’usage du portugais. La transcription écrite en langue nationale est donc
sous-entendue. Mais, comme pour revenir sur cette forme de concession octroyée aux
langues nationales, un quatrième article vient rappeler le caractère « préjudiciable » de la
diffusion orale ou écrite de ces langues.
[por] Article 4 : Les dispositions des deux précédents articles n’empêchent pas les travaux linguistiques ou ceux de
recherches scientifiques, le Gouvernement se réservant toutefois le droit d’interdire leur circulation, lorsque, au moyen d’une
enquête administrative, il est reconnu que celle-ci peut porter préjudice à l’ordre public et à la liberté ou à la sécurité des
159
citoyens et des populations indigènes (Gouvernement général d’Angola, 1921 : 2).
158 A ministrar aos indígenas o ensino profissional ou agrícola em harmonia com a legislação em vigor na Província.
159 As disposições dos dois artigos antecedentes não impedem os trabalhos linguísticos ou quaisquer outros de investigações
científicas, reservando-se porém ao Governo o direito de proibir a sua circulação quando, mediante inquérito administrativo, se
reconhecer que el apode prejudicar a ordem pública e a liberdade ou a segurança dos cidadãos e das populações indígenas.
164
Partie 2 – chapitre 4
Dans les écoles coloniales, la ségrégation sociale, déjà importante dans l’accès à la
scolarité déterminé par la maîtrise de la langue portugaise, est accentuée par l’instauration
d’écoles dédiées aux enfants indigènes et une division entre espace urbain et rural. Dans
une certaine mesure, on peut considérer que le pouvoir colonial fait preuve de
pragmatisme dans la gestion de l’espace et des besoins : en milieu rural, la nécessité de
former les habitants angolais pour répondre aux besoins de main-d’œuvre mène à un
ajustement de l’éducation. Vitória, qui revient sur la structuration du système éducatif
note ainsi :
[por] la réorganisation de l’enseignement primaire en 1927, œuvre due en grande partie à la pléiade de professeurs
qui servaient alors en Angola, donna aux écoles une plus grande efficacité, créant une véritable inspection de l’enseignement
160
rural indigène, que ce soit le rudimentaire ou le professionnel (Vitória, 1957 : 13).
160 Pela reorganização do ensino primário de 1927, obra devida em grande parte, à plêiade de professores que então serviam
em Angola, deu-se às escolas uma maior eficiência, criando-se a verdadeira inspeção do ensino rural indígena, quer o
rudimentar, quer o profissional.
165
Partie 2 – chapitre 4
déplaît et conduit civils et militaires à se révolter. Les militaires au pouvoir, pour faire
face au désordre, prennent des mesures de plus en plus répressives. Et pour palier la
situation catastrophique des finances, les officiers militaires font appel en 1928 à un
professeur d’économie politique de l’Université de Coimbra : le docteur António de
Oliveira Salazar devient Ministre des finances.
Salazar obtient de superviser les budgets de tous les ministères et d’avoir un droit
de veto sur toutes leurs augmentations de dépenses. Le succès de sa politique financière lui
valut une grande popularité et surtout la confiance de la majorité de la nation (Labourdette, 2000 :
566). Il devient président du Conseil en 1932 et remplace rapidement les militaires au
gouvernement par des professeurs de son université. Pour mettre fin à la dictature
militaire, il fait rédiger une nouvelle Constitution en 1933 : l’Estado Novo161 est fondé. Ce
régime autoritaire, qui garde une forme républicaine, repose sur des instruments de
répression. La ligne directrice de la politique salazariste pour la gestion des provinces
coloniales et des populations locales est fixée par l’Acte colonial162 de 1930.
166
Partie 2 – chapitre 4
Le 8 juillet 1930, alors qu’il exerce par intérim au Ministère des Colonies, Salazar fait
adopter l’Acte colonial. En 1933, ce décret est incorporé dans la Constitution. Il fait
office de loi-cadre de la politique coloniale salazariste jusqu’en 1961. À l’image des autres
empires coloniaux163, le Portugal réaffirme le régime de l’indigénat : on donne un statut
politique, civil et militaire aux indigènes. C’est l’élément principal qui juridiquement
enlève presque tous leurs droits aux Angolais classés comme indigènes.
Le régime de l’indigénat est détaillé dans le chapitre 2166 de l’Acte colonial. L’article
20 confirme la possibilité de contraindre les indigènes au travail forcé. L’article 24
entérine le régime de l’indigénat institué en 1926167 :
[por] Dans les colonies, on répondra au stade d’évolution des peuples natifs en ayant des statuts spéciaux pour les
indigènes, qui établissent pour eux […] des régimes juridiques en compromis avec les us et coutumes individuels, domestiques
168
et sociaux, qui ne soient pas incompatibles avec la morale et les idées d’humanité .
163 Dans le second empire colonial français, notamment en Algérie, les militaires établissent le Régime de
l’indigénat destiné aux autochtones dès les années 1830. Il prend fin en 1946.
164 Le terme « patronat » date du traité de Tordesillas de 1494 lors duquel la supervision des missions
d’Orient est déléguée par la papauté au Portugal et à l’Espagne (cf. Supra. : 140).
165 É da essência orgânica da Nação portuguesa desempehar a função histórica de possuir e colonizar domínios ultramarinos e
de civilizar as populações indígenas que nêles se compreendam, exercendo também a influência moral que lhe é adstrita pelo
Padroado do Oriente.
166 Articles 15 à 24.
167 Le Statut politique, social et criminel des Indigènes d’Angola et du Mozambique est approuvé par le décret n°
estabeleçam para estes, […] regimes jurídicos de contemporização com os seus usos e costumes individuais, domésticos e sociais
que não sejam incompatíveis com a moral e com os ditames de humanidade.
167
Partie 2 – chapitre 4
168
Partie 2 – chapitre 4
Le classement hiérarchique des habitants crée une échelle sociale complexifiée par
les réalités de la vie quotidienne :
on commençait à répartir les « civilisés » en une séquence raciale qui plaçait au sommet les « Blancs », au milieu les
169
« métis », et à la base, les « Noirs » dits assimilados . Enfin, assez loin de ce premier groupe se tenait la masse anonyme
des « indigènes » (Barbeitos, Ibid. : 314).
Dès sa mise en place, l’État nouveau perpétue l’idéologie impériale qui avait inspiré
l’ensemble des régimes précédents (y compris la République) : la mission civilisatrice et
l’indépendance nationale, vis-à-vis de l’Espagne en particulier, nécessitent la possession
d’un empire. À partir de 1933, la mystique impériale est exaltée lors de manifestations
nationalistes dont le paroxysme est atteint à l’occasion de l’Exposition du monde
portugais en 1940. On célèbre la gloire du régime salazariste, très éloigné « d’un
quelconque éloge du métissage et du mélange des cultures » (Léonard, 1997 : 215). Les
propos de Barbeitos sont éloquents pour résumer cette période :
On peut dire que le colonialisme moderne avait abouti en Angola à un abaissement de l’homme noir auquel n’était
parvenu ni le trafic, ni la captivité. Avec cet arrière-plan, les discours sur le respect et la protection de l’individu sonnaient
faux, malgré leur habillage bienveillant, car ils visaient à perpétuer une humanité réduite à la condition de main-d’œuvre, dont
on voulait qu’elle acceptât docilement sa subordination (Barbeitos, 1997 : 311).
En écho aux pratiques de la métropole française durant le début du 20e siècle, tous
les moyens sont bons pour illustrer la grandeur du Portugal. La carte de 1935 exaltant la
taille de l’Empire portugais est emblématique :
en surimpression, le Mozambique recouvre une partie de l’Espagne et de la France tandis que l’Angola se superpose
au Reich allemand et à une partie de l’Europe centrale et orientale, avec pour légende, en lettres capitales, PORTUGAL
170
NÃO É UM PAÍS PEQUENO (Léonard, 1997 : 216).
169 Assimilés.
170 Le Portugal n’est pas un petit pays.
169
Partie 2 – chapitre 4
Figure 15 : Carte [por] Le Portugal n’est pas un petit pays : superficie de l’empire colonial
portugais comparée à celles des principaux pays d’Europe (Galvão, 1935)171.
Pour cette étude sur la question linguistique et éducative en Angola, le fait que la
langue soit un des principaux critères déterminant l’accession à un statut juridique
supérieur doit être souligné. Emblématique des tensions linguistiques engendrées par la
diglossie coloniale, le pouvoir juridique, social et politique attribué à la langue portugaise
rappelle clairement tout l’enjeu posé par l’accès inégalitaire à l’école.
171 Portugal não é um país pequeno : superfície do império colonial português comparada com a dos principais países da
Europa.
170
Partie 2 – chapitre 4
Alors même que Salazar est un universitaire de formation, son régime tend donc à
mettre en place une éducation élitiste en métropole. D’un point de vue didactique, la
production de programmes en phase avec l’idéologie salazariste n’affecte pas seulement
les apprenants portugais. Les contenus élaborés en métropole sont transposés
directement des les écoles coloniales officielles, destinées aux enfants des habitants
classés comme civilisés.
Pour les seconds, le but est [por] « d’élever graduellement la population autochtone
des provinces d’outre-mer de la vie sauvage à la vie civilisée des peuples cultivés »173 (Zau,
2002b : 97). L’article 7 précise que l’enseignement primaire « rudimentaire » vise à
« nationaliser » les enfants indigènes des colonies en leur faisant acquérir la langue et les
coutumes portugaises.
172 Visava dar à criança os instrumentos fundamentais de todo o saber e as bases de uma cultura geral, preparando-a para a
vida social.
173 Elevar gradualmente da vida selvagem à vida civilizada dos povos cultos, a população autóctone das províncias
ultramarinas.
171
Partie 2 – chapitre 4
172
Partie 2 – chapitre 4
4.3.5 Synthèse
Nous avons fait le choix d’insister sur les textes officiels dans la mesure où ils
maintiennent et renforcent les catégories distinguant les Angolais entre eux et, de ce fait,
ancrent dans les esprits des représentations et des distinctions sociales non sans
conséquences pour la période postcoloniale. La figure de l’indigène noir, non lettré et
rarement lusophone, préfigure celle de l’Angolais postcolonial exclu du champ
socioéconomique dominant constitué par la micro élite, souvent métisse. La maîtrise de
la langue portugaise, emblématique pour la période salazariste des immenses disparités
sociales, constitue alors un levier rarement accessible pour s’élever dans l’échelle sociale.
173
Partie 2 – chapitre 4
forcément fiables mais permettent d’avoir un aperçu global de la société luandaise durant cette période.
174
Partie 2 – chapitre 4
question le système colonial. À partir de 1961, le pouvoir colonial doit faire face à une
guerre d’indépendance fondée sur la montée des nationalismes.
175
Partie 2 – chapitre 4
Le « lusotropicalisme » est une théorie introduite durant les années 1930 par le
sociologue brésilien Gilberto Freyre (1900-1987). En expliquant la formation du Brésil, il
rompt avec les paramètres naturalistes et marxistes et cherche à montrer en quoi
l’impérialisme portugais se distingue des politiques et idéologies des autres métropoles
178 Podemos afirmar que, na sua estrutura, a colonização é um fenómeno natural da vida humana ; o que tem variado é a
forma pela qual se processa, consoante as circunstâncias de tempo e lugar. No fundo, o debate actual sobre este problema não é
mais que confusão entre a sua natureza e a sua forma.
176
Partie 2 – chapitre 4
européennes. Selon Freyre (1952 [1933]), le caractère naturel et spécifique des Portugais
et leur propension au métissage permettent d’expliquer la supériorité des colons
portugais et l’unité à travers les territoires de l’empire.
[U]ne telle unité intime de sentiment et de culture dans ses formes les plus évidentes et les plus concrètes, est la
conséquence du processus et des fondements de la colonisation portugaise qui, en Asie comme au Brésil, dans les îles
atlantiques et jusqu’à un certain point en Afrique, ont développé chez les hommes les mêmes qualités essentielles de cordialité
et de sympathie, caractéristiques du peuple portugais… (Freyre, cité par Léonard, 1997 : 212).
Freyre défend que le présupposé de la race fût insignifiant face à la force sociale du
métissage dans les territoires lusophones d’outre-mer.
Les Portugais ont suppléé au manque du capital humain par une mobilité et une miscibilité extrêmes : dominant
d’énormes espaces et, partout où ils allaient, Afrique ou Amérique, fécondant les femmes, faisant des enfants, dans une activité
génésique qui ne dépendait pas seulement de la violence des instincts individuels, mais qui faisait partie encore d’une politique
calculée, stimulée, pour d’évidentes raisons économiques et politiques, par l’État (Freyre, 1952 [1933] : 32).
La domination des nouveaux territoires serait ainsi facilitée : [p]ar le croisement avec
l’indienne et la négresse, le colonisateur a donné naissance a une population métisse vigoureuse et
malléable, encore mieux adaptée que lui au climat tropical (Freyre, 1952 [1933] : 37).
Chavagne (2005) note que c’est durant la période où les Portugais sont peu
nombreux que paradoxalement les effets des contacts entre colons et colonisés sont les
plus nombreux. Après 1940 et l’arrivée massive des Européens, la distance avec
l’indigène devient un facteur social nouveau, expression d’un racisme aux origines
politiques salazaristes.
Un phénomène révélateur est l’adoption généralisée des noms propres portugais, qui avait commencé dès le début des
contacts et qui ne souffrait quasiment plus d’exceptions au début des années 1970, que ce soit pour les noms des personnes ou
pour les noms de lieux. L’adoption d’un nom portugais était liée à la conversion à la religion chrétienne dans les premiers
temps puis s’est trouvée associée à l’idée même de civilisation. Cet état de fait ne gêne apparemment pas les Angolais eux-
179
mêmes jusqu’à aujourd’hui, si ce n’est les Angolais blancs. Cet extrait d’une chronique de José Eduardo Agualusa
souligne cette curieuse inversion :
[por] Tu veux voir comment tout est inversé ? Les Blancs s’appellent Pepetela, Ndunduma, Chassanha. Les Noirs
180
s’appellent Agostinho Neto, José Eduardo dos Santos, Mendes de Carvalho, Jorge Valentim… (Chavagne, Ibid. : 29)
179 José Eduardo Agualusa J. E. (2000), A substância do amor e outras crónicas, Lisbonne, Publicações Dom
Quixote, p.27.
180
Queres ver como está tudo trocado? Os brancos chamam-se Pepetela, Ndunduma, Chassanha. Os pretos chamam-se
Agostinho Neto, José Eduardo dos Santos, Mendes de Carvalho, Jorge Valentim…
177
Partie 2 – chapitre 4
[por] une idéologie légitimant son colonialisme, prétendument résistant à une quelconque forme de racisme, fondé sur
l’argumentation opportune utilisée par le sociologue brésilien […], et qui devint la formulation de l’alibi au refus portugais de
décoloniser ses territoires coloniaux en Afrique (Cap Vert, São Tomé et Principe, Guinée-Bissau, Angola et Mozambique) et
181
en Asie (Inde portugaise et Timor) (Medina, 2000 : 49-50).
[por] La notion, ou mieux, le mythe selon lequel le Portugal ne serait ni raciste, ni colonisateur parce qu’il était,
dans sa nature intime la plus profonde, multiracial et pluricontinental, apparaissant ainsi comme une nation africaine
également, était présent dans les principaux discours des dirigeants de la dictature salazariste […] et en tant que tels
naturellement rejetés par les leaders et penseurs des mouvements d’émancipation des colonies portugaises ainsi que par les
182
écrivains et les dirigeants politiques (Medina, Ibid. : 51).
181
uma ideologia legitimadora do seu colonialismo, pretensamente imune de qualquer forma de racismo, baseado na
argumentação oportuna usada pelo sociólogo brasileiro para explicar a génese da sociedade do Brasil, e que passaria a ser
formulada em termos de álibi para a recusa portuguesa em descolonizar os seus territórios coloniais em África (Cabo Verde,
São Tomé e Príncipe, Guiné-Bissau, Angola e Moçambique) e na Ásia (Índia Portuguesa, Timor).
182 A noção, ou melhor, o mito de que Portugal não seria racista nem colonizaria porque era, desde a sua mais íntima
natureza, multirracial e pluricontinental, aparecendo portanto como uma nação africana também, estaria presente nos
principais discursos dos dirigentes da Ditadura salazarista […] tendo sido naturalmente repudiada pelos líderes e pensadores
dos movimentos de emancipação das colónias lusas, tais como os escritores e dirigentes políticos […].
178
Partie 2 – chapitre 4
179
Partie 2 – chapitre 4
185 The nationalists in Portuguese-speaking Africa were similar in origin and outlook to their African peers. The singularities
of the guerrilla wars in which they were involved are historically less significant for the understanding of their nationalism that
the roots and political aims they shared with all over African nationalists. What does matter, however, is that their anti-
colonial struggle went on until 1974, at a time when most former British and French colonies had been independent for
180
Partie 2 – chapitre 4
Les divisions fondamentales existant entre les nationalismes concurrents dans les
autres colonies africaines sont similaires dans le cas angolais. Chabal (2002) distingue,
dans un but analytique, trois mouvements anticolonialistes :
Figure 17: Portrait des trois leaders nationalistes angolais et dates de fondation des trois
mouvements indépendantistes186.
around a decade and a half. Hence, whilst the origins of Lusophone African nationalism were contemporaneous with those of
the British, French or Belgian colonies, the endgame of decolonisation was played out in a very different African and
international context. There is in this way a huge time lag which can distort analysis and which is important to take into
account.
186 Document adapté par l’auteure d’après [en ligne], >http://bcavalaria8423.blogspot.fr/2014/04/2-002-
181
Partie 2 – chapitre 4
patrie), étaient assimilés ou acculturés aux « mentalités » sociales et politiques coloniales dominantes, et étaient
idéologiquement progressistes, c’est-à-dire, en consonance avec l’opposition de gauche en métropole. Ils étaient par dessus tout des
nationaux supra-ethniques. Leur ambition était de façonner en Afrique un État-nation laïque moderne sur le modèle
188
européen (de l’ouest ou de l’est) (Chabal, 2002 : 5).
188 They came from a younger generation, who were relatively well educated (often in the mother country), were assimilated or
acculturated into the dominant colonial social and political “mentalities”, and were ideologically progressive, that is, in tune
with the left opposition in the metropolis. Above all they were supra-ethnic nationalists. Their ambition was to fashion in
Africa a modern secular nation-state on the (western or eastern) European model.
189 Frente Nacional de Libertação de Angola.
190 Mbanza Kongo, rebaptisée São Salvador durant la colonisation.
191 União nacional para Independência total de Angola.
182
Partie 2 – chapitre 4
192
leur caractère africain et, par voie de conséquence, leur revendication nationaliste (Chabal, Ibid. : 6).
Savimbi, fils d’un prêcheur évangélique dans une mission américaine, est né dans la
province de Moxico. Il est élevé dans la province de Bié puis suit l’enseignement
secondaire des moines maristes à Huambo. De ce fait, il est dans sa jeunesse au contact
de trois langues nationales, en sus du portugais et de l’anglais à l’école : le ganguela, le
chokwe et l’umbundu. Il obtient une bourse pour poursuivre ses études à Lisbonne et
finit par fuir en Suisse où il fréquente l’université, parfait ses connaissances en français
puis rencontre Roberto Holden. Sujet plurilingue en langues européennes et nationales, il
met à profit sa connaissance du sertão, l’intérieur peu développé et colonisé à l’Est de
l’Angola, pour y installer le siège de sa guérilla.
Il était indéniable que l’empire colonial portugais fût emporté dans le mouvement général de
décolonisation qui suivit la Seconde Guerre mondiale (Labourdette, 2000 : 602).
Jusqu’en 1961, le Portugal compte sur le soutien des États-Unis comme des autres
membres de l’Alliance Atlantique. Néanmoins, avec l’adoption par l’Assemblée de
l’ONU de la Déclaration sur la concession de l’indépendance aux pays et peuples coloniaux le 15
décembre 1960 et l’arrivée au pouvoir de Kennedy, hostile aux puissances coloniales, la
position impérialiste du Portugal est fragilisée. L’appui américain via la CIA à Roberto
Holden et au FNLA, basé à Kinshasa, est une illustration de l’internationalisation de la
guerre d’indépendance en Angola.
192 Their vision of independent Africa stressed the African rather than the modern or universal. Almost always they rejected
socialism (as, often, all “imported” ideologies) and they strongly distrusted the politics of the “modernisers”. Where these
“modernisers” were not black Africans, in that they included a mixture of mestiços (of mixed descent), Indians and whites,
the “traditionalists” questioned the legitimacy of their African and, by implication, nationalist claim.
183
Partie 2 – chapitre 4
Dans la province d’Angola, c’est le 4 février 1961 que la lutte armée et la guerre
d’indépendance sont initiées. Pélissier (1976) considère que les événements qui se sont
d’abord déroulés dans la capitale cristallisent les tensions de la société coloniale en milieu
urbain et, malgré leur caractère limité, prennent une dimension emblématique193.
Messiant parle du caractère dispersé de l’action armée entamée cette année-là.
En février dans la capitale, Luanda, de petits groupes nationalistes attaquèrent des prisons ; cette action isolée,
célébrée par le Movimento Popular de libertação de Angola (MPLA) comme le coup d’envoi de la lutte armée, donna
lieu à des représailles meurtrières et constitua la dernière manifestation armée du nationalisme dans la capitale. C’est dans le
Nord-Ouest rural qu’éclata en mars une véritable insurrection populaire, à l’initiative d’une autre organisation, l’União das
194
Populações de Angola (l’UPA , noyau de la future Frente Nacional de Libertação de Angola, FNLA) qui
s’était constituée quelques années plus tôt au Congo belge (Messiant, 2008 : 17).
Jusqu’à l’indépendance effective en 1975, les pays frontaliers vont de fait servir de
base arrière aux différents mouvements nationalistes. Ces pays constituaient déjà des
lieux d’exode pour la population noire, habitant principalement les régions frontalières
du Nord, cherchant à échapper aux conditions de vie déplorables engendrées par la
politique coloniale portugaise et notamment le travail forcé. En 1954, environ 500 000
Angolais vivaient ainsi dans l’actuelle République Démocratique du Congo195.
193 Les attaques de différentes prisons luandaises le 4 février 1961 et les jours suivants sont aujourd’hui un
symbole national important : le 4 février est un jour férié, l’aéroport international de Luanda se prénomme
ainsi et cette date est considérée comme celle du début de la guerre d’indépendance. Néanmoins, durant la
totalité des années de lutte indépendantiste, le gouvernement portugais a tendance à relativiser la force de
ces résistances et à amoindrir les événements dans le but de rassurer tant les métropolitains que les colons.
La constante est également de rejeter la source du problème hors du territoire angolais. À titre d’exemple,
l’allocution radiophonique du Gouverneur général Silva Tavares suite aux événements du 4 février 1961 est
révélatrice. Il fait un point sur la situation et annonce que l’ordre est rétabli. Et il précise :
[por] avant-hier, quelques individus, manipulés par des agents communistes et étrangers venus de l’extérieur, se sont lancés
dans une aventure folle sans aucune possibilité de sortie, sinon celle d’assassiner ou blesser une douzaine de défenseurs de
l’ordre et passants sans défense (Bulletin général de l’outre-mer, 1961, n°429-430 : 183).
Anteontem alguns indivíduos, manobrados por agentes comunistas e estrangeiros vindos do exterior lançaram-se numa louca
aventura sem qualquer probabilidade de êxito, senão o de assassinar ou ferir uma dúzia de defensores da ordem e transeuntes
indefesos.
194 Union des populations d’Angola.
195 Notons que ces mouvements d’exode transfrontaliers se sont poursuivis après l’indépendance en raison
de la guerre civile et des divisions idéologiques internes. La problématique des réfugiés n’est toujours pas
résolue aujourd’hui. À la fin de l’année 2010, les pays limitrophes accueillaient encore environ 138 000 Angolais
possédant le statut de réfugié (Agence des Nations unies pour les réfugiés, UNHCR, 2011 : 1).
184
Partie 2 – chapitre 4
Le MPLA est ancré dans le bloc de l’Est depuis le début des années 1960. Tout
comme Almílcar Cabral et Patrice Lumumba, Neto A. A. gagne rapidement le soutien
des Cubains. En 1964, une rencontre est organisée à Brazzaville entre Che Guevara et les
révolutionnaires du MPLA. Lors de cette réunion secrète, Neto A. A. sollicite l’aide
cubaine. À partir de 1965, l’appui cubain est mis en place. Six instructeurs militaires et
une division armée cubains sont envoyés au Congo Brazzaville pour entraîner les
partisans du MPLA. De la livraison de matériel divers est également assurée par
différentes nations du bloc communiste. Cuba reçoit également des étudiants angolais
pour les former. Le MPLA initie ses actions armées dans l’enclave de Cabinda et depuis
l’ancien Congo français et, à partir de l’indépendance de la Zambie, il mène la majorité de
ses actions dans l’Est du territoire (El Tahri, 2007).
185
Partie 2 – chapitre 4
En 1960197, les Bakongos, locuteurs du kikongo, sont 620 000 dans le Nord-Ouest
de l’Angola mais sont aussi implantés dans les deux Congo. Le mouvement du FNLA est
créé dans cette partie septentrionale de l’Angola. Ainsi, trois langues principales lui sont
associées198. La plupart de ses membres ayant grandi ou s’étant instruits dans l’ancien
Congo belge, ils parlent le français et le lingala, langue africaine véhiculaire à l’Ouest de
l’actuelle RDC. De par leur origine géographique, ils font également partie de l’ethnie
bakongo et parlent donc le kikongo.
Les Ovimbundus sont 1 750 000 à cette date, ce qui en fait l’ethnie la plus
importante numériquement. Ils parlent l’umbundu qui est, avec le portugais, la langue
ethnique de l’UNITA.
197 Messiant (2008 : 20) fournit les chiffres du recensement officiel de cette année-là.
198 Par langue nationale, il faut aussi entendre l’ensemble des variantes de chacune.
186
Partie 2 – chapitre 4
Ethnies Nombre
d’habitants
Mbundu 119 722
Ovimbundu 12 216
Bakongo 7 673
Ganguela 496
Luanda-Quico 208
Herero 129
Nhaneca 121
Ovambo 25
Humbe 14
Divers 148
Total 140 752
Pour Mingas (1994), la cohabitation, dans le même espace territorial, des cultures et
langues des groupes khoisan, bantou et du portugais participe à un environnement
linguistique propice à des tensions de domination linguistique. Dû au phénomène colonial, les
différentes langues ne jouissaient pas toutes du même statut de « high language200 » ou langue de prestige
(1994 : 84). C’est plus particulièrement le cas dans les centres urbains où la langue de
l’ethnie régionale dominante vient occuper la deuxième place derrière le portugais. Dans
ce paysage linguistique déjà complexe, s’ajoute de surcroît une autre langue européenne,
le français, dans les provinces limitrophes des deux Congo.
199 The MPLA had grown out of a small group of assimilado thinkers and poets from Luanda. They had been gathering
force since the 1940’s and 1950’s, and had centred around the cultural publication Mensagem (Message). They formed the
MPLA by rolling together a handful of radical groups with the existing Communist party, soon to be taken over by Dr
António Agostinho neto. This Kimbundu elite, based predominantly in Luanda, was from a class of (often) mixed-race
Angolans who had been crucial to the running of the Portugal’s empire, as bureaucrats, functionaries and businessmen.
200 « Variété haute ».
187
Partie 2 – chapitre 4
201 La partialité de cet auteur doit être soulignée dans la mesure où il défend l’indépendance de la province
de Cabinda et est de ce fait exilé en Suisse. Il a longtemps milité au sein du Mouvement nationaliste
cabindais (MNC).
202 Belge, français et portugais.
203 Nous remplaçons le terme bantouphone utilisé par l’auteur.
204 Até aí o português era apenas a língua do colono, falada exclusivamente pelos colonos e uma reduzida elite de angolanos
que também o utilizavam como única língua. Para o diálogo com o povo empregava-se um português básico de palavras fácil
para a compreensão.
205 Néologisme constitué de l’amalgame des mots preto (noir) et português (portugais).
188
Partie 2 – chapitre 4
locale utilise les langues nationales et les commerçants et les missionnaires sont les seuls à
les apprendre à des fins seulement utilitaires.
Ce choix rappelle ceux faits au moment des indépendances dans la majorité des
pays anciennement colonisés par la France en Afrique subsaharienne.
206 De Cabinda ao Cunene, um só povo, uma só nação. Neto choisit la province de Cabinda, la plus septentrionale,
et celle de Cunene, la plus méridionale, pour souligner cette idée d’unification nationale au plan territorial.
207
Este desejo só podia processar-se através duma língua veicular, razão pela qual, por primeira vez, na posição de idioma
comunicacional, o português assumiu real importância para os Angolanos.
208 Nas zonas do interior profundo, […] poucos compreendiam o português. Os diálogos eram curtos e não sempre plenamente
entendíveis. Estas populações sedentárias e estáveis, comunicavam-se entre si na língua e dialectos da região e poucos se
animavam a articular palavras ou curtas frases em português que regra geral apenas serviam para a permuta ou para dar
simples indicações mas sem diálogo fluido.
189
Partie 2 – chapitre 4
régions (en particulier le Sud et le Sud-Est), l’absence d’intérêt économique, aux yeux des
Portugais, conduit à un écart encore plus important encore perceptible aujourd’hui209.
Notons également que sur le plan politique, ce choix implique une mise à l’écart
tacite du FNLA qui n’est que trop peu lusophone, la majorité des cadres du MPLA étant
mbundu et « anti-bakongo ».
209 En 2013, le journaliste Daniel Metcale relate sa visite de la ville de Cuito Cuanavale, située dans la
province de Cuando Cubango au Sud-est du pays. Il écrit : [eng] [j]e me dirigeais à présent vers l’un des lieux de
bataille les plus critiques de la guerre, vers une ville si éloignée et plongée dans les ténèbres de l’ignorance que les Portugais
avaient pour habitude de la surnommer a terra no fim do mundo, la terre au bout du monde. Cuito Cuanavale est une
petite ville du Sud-Est, à peine touchée par la langue portugaise ou vraiment peu par le monde moderne. / I was now heading
to one of the war’s critical battle points, to a town so remote and benighted that the Portuguese used to called it a terra no
fim do mundo, the land at the end of the earth. Cuito Cuanavale is a tiny town in the south-east, hardly touched by the
Portuguese language or indeed much of the modern world (Metcale, 2013 : 149).
190
Partie 2 – chapitre 4
Alors que les décolonisations sont entamées dans le reste de l’Afrique, que les
Nations Unies font pression sur le Portugal et que sur le territoire national 210 les
mouvements de révolte croissent, l’appareil éducatif de métropole poursuit son œuvre
civilisatrice. La relation entre idéologie coloniale et développement du système éducatif
dans les territoires d’outre-mer est forte dans la phase finale de la colonisation portugaise.
L’histoire de l’école ne peut jamais être seulement que le produit de l’école comme objet social, elle est tout
autant produit de l’idéologie qui induit le système, dont l’école est un sous-ensemble (Spaëth, 1996 :
118).
Deux facteurs contribuent à une nette évolution. Tout d’abord, l’Angola devenant
une véritable colonie de peuplement, les enfants portugais doivent être scolarisés. De
plus, avec le début de la lutte armée anticoloniale, le gouvernement portugais tient à
redorer son image sur le plan international et à intensifier la formation d’une main-
d’œuvre qualifiée dans les centres urbains. Obligé de tenir compte des mouvements de
révoltes en cours, il abolit la loi de l’indigénat en 1961 (Zau, 2005a).
Des écoles secondaires et l’UAN sont construites pour pouvoir former des cadres
supérieurs. Salazar souhaite ainsi créer une petite élite angolaise dédiée aux intérêts
coloniaux (Zau, 2002). Cette période marque ainsi une transition éducative forte.
L’introduction d’un article d’Oliveira consacré au système éducatif angolais durant la
période coloniale est éloquente :
[por] L’histoire de l’enseignement en Angola nous fournit seulement des données à partir des années de ce siècle, et, en
particulier, à partir de la fin des années 50. [...]. Cependant, nous pouvons caractériser cette première époque de notre siècle
comme étant celle qui entend développer l’école dans la brousse. Mais cet objectif politique officiel de l’État portugais n’a
211
véritablement été déclenché qu’à partir de la lutte armée organisée en 1960-61 (Oliveira, 1994 : 67).
191
Partie 2 – chapitre 4
La part occupée par les établissements privés (religieux ou non) au primaire est
encore conséquente à cette époque. La prise en compte de ces établissements dans les
212 Nommé à l’origine Bulletin de l’Agence générale des colonies (Boletim da Agência Geral das Colónias) et créé en
1924, il fut rebaptisé Bulletin général des colonies (Boletim Geral das Colónias) en 1935 puis Bulletin général de
l’Outre-mer (Boletim Geral do Ultramar) en 1951. Il fait état, en tant qu’organe officiel de l’État portugais du
patrimoine colonial, des nouvelles dispositions législatives et de toutes questions en lien avec l’avancée de
la colonisation dans l’ensemble des territoires dominés par les Portugais. De 1924 à 1969 (date de parution
du dernier numéro), 530 bulletins ont été publiés.
192
Partie 2 – chapitre 4
statistiques gouvernementales montre que l’État n’a pas pour objectif de s’y substituer.
Par ailleurs, la proportion d’enfants scolarisés au cycle secondaire, moins de 10 %, est
très faible. Compte tenu de la ségrégation sociale et raciale de l’époque, ce système est
particulièrement élitiste et les objectifs que se donne le gouvernement portugais quant à
l’éducation dans les colonies est bien de maintenir un ascendant blanc (et métis) sur le
reste de la société, en cantonnant la population autochtone à un faible niveau de
scolarisation.
La différence par rapport aux standards portugais est pensée comme un problème
et l’acculturation est posée comme solution. L’infériorité proclamée de l’éducation
africaine nécessite par conséquent un enseignement spécifique, adapté aux besoins des
apprenants colonisés :
[por] Le système d’enseignement a dû chercher, par le biais d’une didactique dédiée, adaptée autant que faire se peut
à la langue qu’ils parlent, à leurs habitudes et à leurs mentalités, un moyen pour promouvoir leur acculturation215 (BGO,
Ibid. : 226).
falavam, aos seus hábitos e às suas mentalidades, o meio de promover a sua aculturação.
216 Não possuem o conhecimento suficiente da Língua Portuguesa e mais condições indispensáveis para o ingresso no ensino
comum.
193
Partie 2 – chapitre 4
Lors d’une réunion portant sur l’éducation organisée en 1962 par le Ministre de
l’Outre-mer, Justino Mendes de Almeida, alors Directeur général de l’enseignement de
l’Outre-mer, déclare :
[por] à chaque fois qu’on parle de l’enseignement en Outre-mer, un élément, présenté comme
alarmant, ressort invariablement, à propos du recrutement du personnel enseignant217 (BGO n°443,
1962 : 158).
217 Sempre que se fala do ensino no Ultramar, um aspecto ressalta logo, que se apresenta como alarmante e diz respeito ao
194
Partie 2 – chapitre 4
Le BGO n° 446-447 fournit des données statistiques concernant les lycées existant
en Angola en 1962. Seuls 3 120 élèves sont inscrits dans ce type d’établissement. Trois
sont situés à Luanda et comptabilisent 47,5 % des effectifs, un à Huambo (Nova Lisboa
à l’époque), un à Benguela, un à Lobito et un à Lubango (Sá de Bandeira). En 1964, neuf
nouveaux lycées apparaissent ainsi que dix-sept écoles d’enseignement technique, deux
institutions de commerce et d’industrie et une école pour former les cadres agricoles
(Oliveira, 1994). Pour autant, la société angolaise coloniale évolue peu : à cette date, 96 %
des 4 830 449 habitants angolais sont classés comme « indigènes » (Barata, 1964). Des
initiatives isolées, telles que celles de l’unique secrétaire provincial à l’éducation non
Blanc, Pinheiro da Silva, tentent de rétablir un « équilibre ethnique », en envoyant étudier
les meilleurs élèves des milieux ruraux vers les centres urbains. L’objectif est d’avoir un
nombre plus important de cadres administratifs locaux.
222 Aulas de cultura geral, de preparação especifica, formação social e rural, canto coral, jogos, programa sobre noções de
195
Partie 2 – chapitre 4
196
Partie 2 – chapitre 4
4.4.7 Synthèse
197
Partie 2 – chapitre 4
Cette partie vise à tracer les grandes lignes de la période de l’indépendance à la fin
de la guerre en 2002. Nous revenons tout d’abord sur les événements en métropole ayant
contribué à l’indépendance des colonies portugaises en Afrique puis nous retraçons les
grandes étapes des vingt-sept années de guerre consécutives à l’indépendance. Un tel
contexte politique, au moment où l’Angola se construit comme nation, est chargé de
conséquences tant aux plans humain et social que structurel et idéologique.
223 In particular, it generated the hope that the new Lusophone regimes would avoid the pitfalls of their predecessors.
224 In this respect it is strange that students of the Portuguese-speaking African countries – which only became independent
some fifteen years after the French and Bristish colonies – should so readily have repeated the mistakes of those who had
studied French – and English – speaking Africa in the early years of their independence. Strange indeed for it was precisely in
the late seventies that the experience of these countries suggested that it was time to seek other interpretations of the postcolonial
African state.
198
Partie 2 – chapitre 4
De 1961 à 1974, le Portugal se retrouve isolé dans son enlisement dans des guerres
coloniales alors même que la France et la Grande-Bretagne se sont résignées à une
décolonisation totale225. Le mouvement qui met fin à l’État nouveau est mené par les
forces armées portugaises. De jeunes officiers, guidés par le Général António Spínola
avec l’approbation du chef d’état-major Costa Gomes, organisent leur mouvement en
février 1974. Le 25 avril 1974 le Mouvement des forces armées (MFA) s’empare des
secteurs stratégiques de Lisbonne : il est accueilli avec enthousiasme par la population et
ne rencontre aucune résistance de la part du pouvoir. La Révolution des œillets met ainsi
fin aux quarante et un ans du régime dictatorial de l’État nouveau.
225 La survie tardive de l’Estado Novo repose sur l’impuissance des adversaires de Salazar. À partir de 1961,
le poids humain, financier et économique des guerres coloniales en Afrique se fait de plus en plus lourd. La
« guerre d’usure » menée par Amílcar Cabral en Guinée-Bissau visant à affaiblir l’Empire demande un
déploiement militaire de plus en plus important. En Angola et au Mozambique, les renforts cubains
contribuent à mettre à mal l’armée portugaise. Au plan international, le Portugal est isolé sur le plan
diplomatique et condamné par l’ONU (Labourdette, 2000). En métropole, Salazar privilégie la répression.
En 1968, il tombe malade et ne peut plus gouverner : Marcelo Caetano devient président du Conseil. Sur le
plan colonial, il met l’accent sur la défense des populations blanches d’Angola et du Mozambique et
abandonne l’idéal impérial. Il adopta le principe d’une « autonomie progressive » consacré par la Loi organique de l’outre-
mer en 1972. Elle était en réalité destinée à privilégier et perpétuer le système de domination de la population blanche, voire à
fonder à terme une autonomie ou une indépendance contrôlée par elle. Les deux provinces africaines recevaient le « titre
honorifique » d’États, avec d’importantes limites posées à la centralisation. Elles auraient désormais des gouverneurs, des
assemblées législatives et des tribunaux propres. Cela n’en impliquait pas moins la poursuite de la guerre jusqu’à la victoire
finale (Labourdette, 2000 : 607). Même après les manifestations étudiantes à la fin de 1968 et au début de
1969, Caetano refuse d’écouter les revendications sociales et anticolonialistes. Mário Soares (universitaire
opposé au régime dictatorial de Salazar, il deviendra par la suite Ministre des affaires étrangères puis
Président de la république de 1986 à 1996), suite à ses déclarations contre la politique coloniale à New
York en 1970, est condamné à l’exil.
199
Partie 2 – chapitre 4
Mozambique dans la mesure où plus de 500 000 colons portugais y vivent, dont plus de
300 000 en Angola. Les négociations, périlleuses en raison des fortes dissensions entre le
MPLA, le FNLA et l’UNITA, finissent par aboutir le 15 janvier 1975 avec la signature
des accords d’Alvor par Agostinho Neto, Roberto Holden et Jonas Savimbi. On prévoit
un gouvernement quadripartite comprenant, en sus des trois mouvements, un Haut-
commissaire portugais. Rapidement accusé de partialité envers le MPLA par le FNLA et
l’UNITA, Rosa Coutinho, Haut-commissaire, est rapidement rappelé à Lisbonne. Le
MPLA, avec le soutien de l’aile gauche du MFA et des troupes cubaines qui débarquent
en novembre 1975, réussit à chasser de la capitale le FNLA et l’UNITA, pourtant
appuyés par l’armée sud-africaine. Le conflit armé commence et les anciens colons sont
obligés de quitter en masse l’Angola.
226 En 1974, la société américaine Gulf-Oil, active depuis 1954 à Cabinda, produit déjà 10 millions de
tonnes de pétrole par an pour environ un demi-milliard de dollars de recette (Kouango, 2002 : 132).
227 Le Front de libération local (FLEC), qui revendique l’indépendance de cette petite enclave, est d’ailleurs
présidé par un ancien sous-officier de l’armée française. Un foyer supplémentaire de guérilla apparaît ainsi
sur le territoire angolais.
200
Partie 2 – chapitre 4
De 1975 à 1991, le pays est en guerre sans interruption. Le nombre de victimes est
estimé à 900 000 personnes. Durant cette période, 450 000 Cubains sont actifs en
Angola, tant au niveau militaire que civil (Hatzky, 2014) tandis que l’armée sud-africaine
déclenche plusieurs opérations de grande envergure au Sud pour aider l’UNITA228, avec
l’appui des USA. Le cas de la Namibie est au centre de cette internationalisation du
conflit. Forte de son idéologie internationaliste, Cuba ne veut pas céder face à l’Afrique
du Sud : les troupes se retireront d’Angola seulement si la Namibie obtient son
indépendance.
Le MPLA remporte les élections organisées en septembre 1992 avec 49,6 % des
voix contre 40 % pour l’UNITA. Savimbi n’accepte pas ce verdict et à partir d’octobre
1992 la guerre civile reprend. Le ravitaillement de l’UNITA est uniquement assuré par la
228À l’indépendance, l’Angola propose la création d’une zone démilitarisée le long de la frontière commune
entre la Namibie et l’Angola. Par la suite le MPLA appuyant la SWAPO (South-West African People's
Organisation, Organisation du peuple du sud-ouest africain), l’Afrique du Sud apportera en retour son soutien
militaire à l’UNITA.
201
Partie 2 – chapitre 4
RDC. Dès 1993, le mouvement d’opposition occupe la majorité du territoire, les forces
gouvernementales ne contrôlant plus qu’une étroite bande littorale malgré l’appui
militaire du Brésil. En novembre 1994, un cessez-le-feu est signé à Lusaka. Un
gouvernement d’unité et de réconciliation nationale est constitué en intégrant quatre
ministres rattachés à l’UNITA. Le conflit reprend cependant en octobre 1997 et
s’intensifie en 1999. Cette année-là, les Nations Unies retirent les troupes de maintien de
la paix actives sur le terrain depuis 1994 après avoir constaté qu’une logique de guerre
semble animer les deux partis. Le MPLA a le pouvoir politique et la mainmise sur les
retombées pétrolières quand l’UNITA, à l’intérieur des terres, s’octroie les bénéfices liés
au trafic de diamants. Notons que durant la totalité des années de guerre, les grandes
sociétés étrangères exerçant dans les domaines pétroliers et parapétroliers ont pu
conserver leurs intérêts en Angola.
Ce n’est qu’avec la mort de Savimbi le 22 février 2002 lors d’une bataille dans la
province de Moxico que la guerre civile prend fin. Le 4 avril 2002, José Eduardo Dos
Santos et Paolo Lukamba, successeur de Savimbi, signent les accords de paix. Le pays
sort alors d’une période de guerre civile de plus de quarante ans et le niveau de
développement humain est particulièrement critique.
202
Partie 2 – chapitre 4
229 No entanto, dadas, as suas características, nomeadamente a sua maior preparação em matéria de escolarização e domínio
da Língua Portuguesa (língua oficial e língua de escolaridade), este “grupo” acabou por, necessariamente, ganhar um maior
protagonismo na vida política, social, económica e religiosa, em relação aos restantes grupos etnolinguísticos.
203
Partie 2 – chapitre 4
230 Todos os cidadãos são iguais perante a lei, gozam dos mesmos direitos e estão sujeitos aos mesmos deveres, sem distinção da
sua cor, raça, etnia, sexo, lugar de nascimento, religião, ideologia, grau de instrução, condição económica ou social. A lei pune
severamente todos os atos que visem prejudicar a harmonia social ou criar discriminação e privilégios com base nesses factores.
231 O uso exclusivo da língua portuguesa como língua oficial, veicular e utilizável atualmente na nossa literatura não resolve os
nossos problemas. E tanto no ensino primário como, provavelmente, no médio será preciso utilizar as nossas línguas. E dada
a sua diversidade no país, mais tarde o mais cedo, deveremos tender para a aglutinação de alguns dialectos, a fim de facilitar o
contacto. Todo o desenvolvimento do problema linguístico, naturalmente, dependerá também da extinção das barreiras
regionais, da consolidação da unidade nacional, da extinção dos complexos e taras herdadas do colonialismo, e do
desenvolvimento económico.
204
Partie 2 – chapitre 4
Ce discours dénote une prise en compte de la question des droits linguistiques des
Angolais. Le choix du portugais comme langue officielle au moment de l’indépendance
fait effectivement débat : pour certains le maintien de la langue coloniale est une forme
de perpétuation des valeurs et de la culture attachée et par conséquent une forme de
trahison vis-à-vis des ethnies libérées du joug portugais.
Il est également clair que les politiciens ont conscience que le prétexte de l’unité
nationale ne peut résoudre les tensions engendrées par la division ethnolinguistique du
territoire, accrue par la dialectisation des langues en présence. De manière tacite, Neto
montre également que ces dissensions sont plus profondes. L’échec de la cohabitation
multipartiste dans le premier gouvernement est également celui de l’acceptation du
partage du pouvoir entre les trois principaux mouvements indépendantistes et donc les
trois groupes ethnolinguistiques dominants (mbundu, ovimbundu et bakongo).
205
Partie 2 – chapitre 4
206
Partie 2 – chapitre 4
235 Le calão est l’argot portugais. Il varie d’un pays lusophone à l’autre et même d’une ville à l’autre.
236 Cette question terminologique se pose aujourd’hui pour de nombreuses langues africaines. Zau (2002a)
considère que le vocabulaire spécialisé représente un enjeu important pour les langues nationales,
notamment lorsqu’on envisage de les intégrer à l’école.
237 Como o feitiço que se volta contra o feiticeiro, a língua, a mais importante arma utilizada pelo colonizador para impor
domínio, transformou-se, paradoxalmente, no mais importante meio de descolonização e factor básico de unidade nacional em
Angola. Assim, um quarto de século de independência fez mais pela implementação e difusão do português no território que do
cinco séculos de colonização.
207
Partie 2 – chapitre 4
208
Partie 2 – chapitre 4
238 Espírito democrático; Unicidade (Orientação, estruturas, planos e programas); Gratuitidade do ensino e obrigatoriedade do
ensino de base; Laicidade da educação e da instrução; - Fundamento e planeamento da instrução, a partir dos valores
científicos, técnicos, tecnológicos e culturais, nacionais e gerais; Integração e coerência da educação e instrução com as
necessidades da sociedade e do desenvolvimento integral universal da personalidade; Participação cada vez maior do povo no
domínio da educação e instrução.
239 Tendo em conta o carácter classista da educação, o sector educativo de Angola foi a aspeto determinante para a
materialização dos objetivos do MPLA, pela consolidação de uma nova sociedade e pela criação de um homem novo baseado
em princípios leninistas, decorrente da opção político-económica do partido no poder.
209
Partie 2 – chapitre 4
Par rapport à 1973, le nombre de scolarisés a plus que doublé, principalement dans
les deux premières années qui concentrent près de 70 % des effectifs. L’accroissement
soudain du nombre d’enfants scolarisés pose évidemment de nombreux problèmes. Les
infrastructures sont insuffisantes : il n’y a pas assez d’écoles (en 1971, 57 % des villages
240 All Angolans, regardless of color, gender, ethnicity, religion, living circumstances, and place of residence, were to have free
avec la Namibie et Lunda Norte et Sul, frontalières de l’ex-Zaïre), il est légitime de supposer que c’est en
raison des différents fronts de guerre à cette date que le gouvernement n’est pas en mesure de donner ces
informations.
210
Partie 2 – chapitre 4
n’en avaient pas) et d’instituts de formation et la couverture du territoire est très inégale.
Le pays ne compte plus que 25 000 enseignants pour plus d’un million d’élèves. La
répercussion de l’engagement tardif et limité du Portugal dans le domaine de la formation
initiale des enseignants se fait également sentir. 52 % des enseignants sont des
« moniteurs scolaires » qui ont au maximum atteint la quatrième classe de l’enseignement
primaire. L’urgence des besoins, tant quantitatifs que qualitatifs, entraîne le
gouvernement à entériner cette formation courte pour tenter d’accroitre en masse et
rapidement les effectifs enseignants. Ce choix vise à répondre au besoin quantitatif dans
le domaine des ressources humaines et a pour objectif premier de développer l’accès à
une scolarité de base.
Pour faire face aux besoins multiples, le système éducatif est structuré en trois
branches : la « formation régulière » qui correspond à un enseignement général de base, la
« formation technico-professionnelle » et la « formation des adultes » (Zau, 2005).
- L’enseignement de base, destiné aux enfants de 6 à 14 ans dure huit ans. Il est
divisé en trois cycles, dont seul le premier, de quatre ans, est obligatoire. Les deux
242 Teaching content and new teaching materials and textbooks were adapted and adjusted across the country to reflect the new
“reality of Angola”. Any bias toward the former colonial power was completely eliminated from schoolbooks. The new history
books dealt with the history of Angola prior to colonialism and took a critical look at the impact of colonialism. By reforming
and modernizing the curricula, the MPLA intended to catch up with international standards in science, technology, and
culture.
211
Partie 2 – chapitre 4
cycles suivants comptent chacun deux années. C’est au niveau du troisième cycle, soit
au début de la septième année d’apprentissage que l’enseignement / apprentissage des
langues étrangères (anglais et français) est intégré. Le système prévoit également deux
années complémentaires nommées enseignement pré-universitaire.
- L’enseignement technico-professionnel a lieu dans les centres de formation
professionnelle. Il est ouvert aux apprenants ayant atteint la quatrième année du
premier cycle de l’enseignement de base. Il est organisé en deux cycles de deux ans
visant à former des techniciens intermédiaires pour les secteurs productifs ou à
former les futurs enseignants de l’enseignement de base. Il peut être suivi de quatre
années de formation complémentaire dans les instituts moyens. Dans un premier
temps, le Ministère de l’éducation met en place des « cours de formation accélérée »
qui remplacent les anciens cours destinés aux moniteurs scolaires (Zau, Ibid.). À partir
de 1987, ils sont remplacés par les « Cours de formation basique enseignante »243 qui
requièrent du futur enseignant d’avoir atteint la sixième année de l’enseignement de
base. Parallèlement des « Cours de requalification des professeurs »244, d’une durée
d’un an permettent de compléter la formation initiale des enseignants du primaire
pour qu’ils soient aptes à enseigner une ou deux matières du deuxième ou troisième
cycle et éventuellement à avoir accès aux Instituts supérieurs des sciences de
l’éducation245 (ISCED).
- L’enseignement destiné aux adultes propose un premier cycle de quatre semestres
dont le premier est consacré à l’alphabétisation. Les deux cycles suivants, également
de quatre semestres chacun (soit six années pour les trois cycles) donnent finalement
accès au niveau moyen de l’enseignement général ou technico-professionnel.
- L’enseignement supérieur est à la charge des instituts supérieurs qui constituent
l’UAN. La voie rapide pour y accéder correspond aux deux années d’enseignement
pré-universitaire. La durée des formations est variable. Les ISCED sont créés en 1980.
À leur ouverture à Luanda, Lubango, Benguela et Huambo, de nombreux enseignants
cubains et originaires des pays de l’ancienne URSS sont sollicités : la majorité des
programmes sont adaptés de ceux de leur pays d’origine et la question de leur
adaptation au contexte est posée (Cardoso Monteiro Silva, 2012).
La structure éducative proposée en 1978 illustre bien la prise en compte de la
difficile situation éducative à laquelle le pays fait face. La lutte contre l’analphabétisme
212
Partie 2 – chapitre 4
des adultes, la formation courte pour répondre aux besoins de personnels qualifiés et la
gestion conjointe de l’enseignement général, professionnel ou des adultes montrent
également que le jeune Ministère de l’éducation tente de s’attaquer de front à l’ensemble
des grands enjeux éducatifs de l’après-indépendance. Une des conséquences est que trois
séries d’outils didactiques, curricula, livrets de l’enseignant et manuels destinés aux
apprenants, doivent être conçus, publiés et diffusés. Compte tenu du contexte de guerre,
de la pénurie de cadres éducatifs qualifiés et des problèmes budgétaires, cette tâche n’est
pas facilitée. L’entrée en vigueur du nouveau système est en fait centrée sur la conception
et l’introduction des curricula mais ne prend pas en compte le manque de ressources
humaines. Il y a donc un important décalage entre les objectifs du système et les moyens
humains, structurels et financiers pour les réaliser. De plus, l’organisation politique de
l’État favorise une verticalité rigide dans la gestion des ministères. Le Ministère de
l’éducation dépendant de celui des finances pour les ressources financières, de celui des
constructions pour les infrastructures, de celui du plan pour le développement global et
de celui de l’industrie pour les équipements et le mobilier, ses organes de direction n’ont
pas de possibilité de contrôle pour répondre aux objectifs fixés.
En sus des 400 000 soldats cubains envoyés en Angola de 1975 à 1991, environ 50
000 civils s’engagent en Angola dont environ 10 000 dans le secteur éducatif. Un accord
cadre est signé entre les deux gouvernements en juillet 1976 à la Havane. Deux accords
de coopération, signés par les Ministres de la culture en décembre de la même année, ont
213
Partie 2 – chapitre 4
trait, pour l’un, à l’éducation primaire et secondaire, et, pour l’autre, à l’éducation
supérieure.
[eng] Les accords donnaient la priorité à la formation des enseignants, des spécialistes de l’éducation et du personnel
administratif angolais. D’autres provisions furent engagées pour que les conseillers cubains aident les différents départements du
Ministère de l’éducation angolais à implémenter les nouvelles politiques éducatives. […] Le ministère de l’éducation cubain
offrit également des bourses de courte durée pour former les spécialistes de l’éducation angolais à Cuba et il offrit un certain
nombre de sièges à l’université aux étudiants angolais pour leur permettre d’accomplir leurs études en enseignement ou dans des
246
sujets techniques et administratifs (Hatzky, 2014 : 170-171).
246 The agreements gave priority to training Angolan teachers, specialists in education, technicians, and administrative staff.
Further provisions were made for Cuban to help the various departments within the Angolan Ministry of Education
implement the new policies. […] The Cuban Ministry of Education also provided short-term scholarships to train Angolan
educational specialists in Cuba, and it offered a number of University places to Angolan students to enable them to complete
their studies in teaching or in technical and administrative subjects.
247 En Afrique, les civils cubains sont également actifs, par ordre décroissant d’importance, en Éthiopie, au
Dans ce cas, les « DPI » sont les apprenants enseignants cubains venant en Angola à partir de 1978 avec les
brigades internationalistes. Ces étudiants accomplissent leur pratique enseignante en Angola tout en
poursuivant leurs études auprès des professeurs cubains qui les accompagnent.
214
Partie 2 – chapitre 4
Durant les années 80, le système éducatif doit composer avec une situation de
guerre de plus en plus intense. Zau (2005) parle d’ « étranglement » pour ce système déjà
fragile à sa création. Les principales causes de cette crise éducatives sont :
[por] la grande instabilité politico-sociale et militaire, les lourdes destructions des infrastructures scolaires, en
particulier dans les zones rurales, l’absentéisme de la part des professeurs, la faible fréquentation scolaire, les limitations du
249
budget général de l’État, pour faire face aux besoins d’investissement en ressources humaines et infrastructures (Zau,
2005 : 462).
249 Grande instabilidade político-social e militar, pesadas destruições de infraestruturas escolares, particularmente nas áreas
rurais, absentismo no seio dos professores, baixa frequência escolar, limitações no Orçamento Geral do Estado (OGE), para
fazer face às necessidades de investimento em recursos humanos e infraestruturas.
215
Partie 2 – chapitre 4
Suite à ce bilan, une nouvelle directive émerge en 1988 : [por] Mesures pour
l’assainissement et la stabilisation du système d’éducation et d’enseignement et constitution des bases
générales pour un nouveau modèle250 (Cardoso Monteiro Silva, 2012). Sans surprise, les grands
objectifs sont d’améliorer la formation des enseignants en qualité et en quantité, de doter
le Ministère de ressources plus importantes et de produire du matériel didactique.
L’introduction des langues nationales dans l’enseignement est également évoquée,
probablement en conséquence du constat du taux d’échec élevé durant la première année
de scolarisation en portugais. La structure de l’enseignement de base est modifiée et est
celle qui prévaut aujourd’hui :
1ère CP
2ème CE1
3ème CE2
Primaire 4ème CM1
5ème CM2
6ème 6ème
7ème 5ème
Premier cycle 8ème 4ème
9ème 3ème
Secondaire 10ème 2nde
Deuxième cycle 11ème 1ère
12ème Terminale
250 Directive n°9/BP/88 du Bureau politique du MPLA-Parti du travail, sur les « Medidas para o Saneamento e
a Estabilização do Sistema de Educação e Ensino e Constituição das Bases Gerais para um Novo Modelo ».
216
Partie 2 – chapitre 4
En sus des importants transferts de savoirs dans le domaine éducatif de Cuba vers
l’Angola (des éléments de planification aux approches d’enseignement / apprentissage),
le MPLA réussit durant cette période postcoloniale à se détacher de l’éducation élitiste et
raciste de la période coloniale, notamment par le biais des importantes campagnes
d’alphabétisation (cf. Infra. : 387). Mais en raison de la centralisation du pouvoir, du
manque de coordination entre les différents ministères et, surtout, du contexte
économique, social et politique extrêmement défavorable, les ambitieux objectifs dressés
à l’indépendance n’aboutissent pas. En conclusion des pages consacrées à la réforme du
système éducatif angolais durant les années consécutives à l’indépendance, Hatzky dresse
un bilan qui résume bien les différentes problématiques pour la question éducative au
sortir de cette période, en 1991.
[eng] [L]a première tentative pour réformer l’éducation après l’indépendance a aussi échoué en raison de ses propres
exigences, souffrant d’une surcharge d’objectifs visionnaires, allant de la construction d’une société socialiste avec l’ « homme
nouveau » à l’homogénéisation de la culture nationale. Son idéologie fondamentale et l’application d’une méthode descendante
rendit le programme de réforme éducative tel un instrument de maintien du pouvoir alors que ses objectifs initiaux de fournir
des standards éducatifs auprès d’une large part de la population recula. Finalement, le programme de réforme éducative aboutit
252
à soutenir les tendances autoritaires de l’État et de l’appareil gouvernemental (Hatzky, 2014 :147).
217
Partie 2 – chapitre 4
À partir d’août 1992, le premier projet éducatif financé par la BM est mis en place
avec un crédit de 21,7 millions de dollars. Les objectifs généraux sont d’aider le
gouvernement angolais à corriger les principaux disfonctionnements dans le secteur
éducatif et de préparer une réhabilitation globale ainsi qu’une expansion générale du
système éducatif (BM, 2000). Le rapport final d’exécution fait état de la situation en
253 À cette époque plus de 1,4 millions d’enfants ne sont pas scolarisés soit 46 % des enfants en âge d’aller
à l’école (Zau, 2005).
254 Os problemas que afectam as instituições de formação de professores são antes de mais os inerentes a todo o sistema
educativo.
218
Partie 2 – chapitre 4
1989 :
219
Partie 2 – chapitre 4
En se dotant d’une stratégie sur 15 ans fin 2001 et avec une conjoncture plus
220
Partie 2 – chapitre 4
221
Partie 2 – chapitre 4
Enfin l’année 2005, celle du début de la Réforme, est déterminante sur le plan
économique et pour la politique internationale mais également éducative de l’Angola. À
cette date, l’Angola est tout d’abord disqualifié par deux institutions financières
internationales clés, le Fond monétaire international (FMI) et le Club de Paris, en raison
des faibles standards en matière de « gouvernance » et de « transparence » (Corkin, 2008).
L’enjeu est crucial au moment où le pays est en pleine expansion économique grâce au
retour à la paix trois ans plus tôt et où le marché angolais est considéré comme
particulièrement stratégique en raison de ses richesses en matières premières et de ses
besoins élevés en nouvelles infrastructures. Le gouvernement angolais doit faire appel à
des finances extérieures pour engager les projets de développement. Lorsque, la même
année, la Chine octroie un prêt de deux milliards à l’Angola, elle se présente comme une
alternative au blocage des nations du Nord (Nguyen, 2009). Pékin initie alors un vaste
programme de prêts officiels qui financent des projets mis en œuvre par des compagnies
chinoises qui n’ont pas la nécessité d’être enregistrées auprès de l’Agence nationale pour
l’investissement privé créée en 2003 (Agencia Nacional par o Investimento Privado)257 . En
2011, l’Ambassadeur chinois annonce que les crédits octroyés à l’Angola par les trois
257 L’ANIP était, jusqu’à sa fermeture en 2015, l’entité gouvernementale responsable de l’exécution de la
222
Partie 2 – chapitre 4
banques d’État chinoises s’élèvent, depuis 2005, à un total de 14,5 milliards de dollars
258
US . Ces prêts permettent au Gouvernement angolais d’obtenir, outre une
diversification des investisseurs étrangers, une plus grande autonomie financière et de se
libérer – ou de contourner – la pression des grandes institutions internationales, en
premier lieu le FMI. Un autre intérêt pour la nation angolaise est que ces arrangements
bilatéraux modifient l’ancien ordre Nord-Sud qui inclut la relation d’aide au
développement : ils fonctionnent en dehors du discours du « progrès » et de la
« responsabilité postcoloniale » qui caractérisent la plupart des coopérations Nord-Sud
(Lampert et Mohan, 2013 : 17). Ce virage dans les relations sino-angolaises est donc
particulièrement brutal : l’Angola devient le premier partenaire économique de la Chine
en Afrique et les entreprises de Bâtiments et travaux publics (BTP) chinoises obtiennent
l’exclusivité du marché de construction de nouvelles infrastructures scolaires, dont celui
des nouvelles infrastructures éducatives. Lors de nos visites officielles dans différentes
provinces, nous avons pu constater les effets de ce partenariat : un grand nombre
d’écoles ont effectivement été construites ces dernières années, suivant souvent une
même architecture organisée autour d’une cour centrale. Pour autant, Kavungo
Mayimona (2009) déplore la persistance des insuffisances en terme d’infrastructure
malgré le vaste programme de coopération engagé avec le gouvernement chinois.
258 Voir à propos de ces accords financiers, de leurs usages et de leurs répercussions Bakewell (2009).
223
Partie 2 – chapitre 4
Figure 23 : Synthèse des données concernant l’évolution des effectifs entre 2002
et 2008.
259 Université Agostinho Neto. Du fait de sa décentralisation, l’UAN est constituée de sept principaux
centres universitaires dans le pays : Benguela, Cabinda, Huambo, Lubango, Luanda, Lundas et Uíge.
224
Partie 2 – chapitre 4
système éducatif et le système économique du pays qui assure les investissements du dit système éducatif (Kavungo,
Mayimona, Ibid. : 389).
4.5.8 Synthèse
225
Partie 2 – chapitre 5
Chapitre 5
5 Contexte sociolinguistique
226
Partie 2 – chapitre 5
260 Nous disons « en lien » au sens où le substantif didactique n’est pas systématiquement utilisé dans
l’appellation de Masters en France qui pourtant sont pensés et enseignés par nombre de didacticiens des
langues et des cultures. Inversement, les équipes enseignantes des « Masters FLE » se caractérisent
également par leur pluridisciplinarité. Cette « sur-spécialisation » des études supérieures, fruit de la
concurrence entre universités, mène à une forme de division disciplinaire quelque peu confuse et prêtant à
débat alors même que l’on continue à s’interroger sur la constitution de la didactique des langues et des
culture en tant que champ scientifique. Pour autant, la possibilité même de cette subdivision commune à
d’autres disciplines (les Southern Theories tout autant que les études sur le genre, la mobilité ou encore les
migrations n’en sont que quelques fragments d’exemples) souligne justement la richesse de la réflexion en
didactique des langues et des cultures.
261 À titre illustratif, Dabène (1990) pose trois thèmes d’études pour toute situation pédagogique : le
contexte, la situation sociolinguistique et les modes de transmission. Notre intention étant bien d’étudier
les configurations de la situation de l’enseignement en langue et des langues en Angola, une connaissance
aussi extensive que possible de la situation linguistique est nécessaire. Les concepts développés en
sociolinguistique font bien partie de ce « capital collectif » du didacticien des langues et des cultures
justement parce que les réflexions sociolinguistiques font partie des éléments déterminants pour la
compréhension de tout contexte objet de la didactique des langues et des cultures.
227
Partie 2 – chapitre 5
Dans la première partie de ce chapitre, nous traitons des effets des contacts de
langues durant l’époque coloniale et plus particulièrement du phénomène de diglossie. La
mise à profit du cadre historique (cf. chapitre 4) permet d’opérer une approche
historicisée. Nous dressons ensuite le cadre sociolinguistique général, en mettant
notamment l’accent sur l’important changement de langue postcolonial. La troisième
partie s’attache à esquisser les contours de la question linguistico-identitaire en
s’appuyant sur un corpus qualitatif de discours sur les langues tenus par des Angolais. La
quatrième partie vise à mettre au jour l’état des politiques linguistiques concernant les
langues nationales et de l’agenda gouvernemental à ce propos. Enfin, dans l’intention de
considérer l’un des impacts de la globalisation sur le contexte angolais, nous présentons
les résultats de l’analyse comparative de discours officiels supranationaux en les articulant
avec le fait politico-linguistique national.
262 En portugais : O português ensina, o kimbundu explica (cité par Carral, 1997 : 138).
228
Partie 2 – chapitre 5
Cette expression pourrait donc être une forme de motto destiné à l’ensemble des
enseignants qui s’attachent à alphabétiser en portugais des apprenants non lusophones.
Malgré des politiques coloniales opposées à l’usage des langues nationales à l’école (cf.
Supra. : 162 et sq. ; 191 et sq.), l’administration scolaire coloniale ne peut qu’accepter une
réalité des salles de classe : celle du bilinguisme, celle du contact entre la langue
portugaise et la / les langue(s) maternelle(s) des colonisés. La majorité des enseignants
sont pour la plupart eux-mêmes juste alphabétisés et peu experts en portugais. Ils parlent
la même langue nationale que leurs élèves quand ils vivent en milieu rural et, en
s’éloignant du littoral, en milieu urbain. Le profil des apprenants et des enseignants de
l’époque permet de prendre mesure de l’ampleur de la situation de diglossie coloniale :
deux langues occupant des rôles sociaux différents sont utilisées par une partie des
locuteurs, celle justement qui est bilingue.
263 Two or more languages will be said to be IN CONTACT if they are used alternately by the same persons.
229
Partie 2 – chapitre 5
[eng] sauf indication spécifique, l’ensemble des remarques concernant le bilinguisme s’appliquent
également au plurilinguisme, la pratique d’utiliser alternativement trois langues ou plus264 (Weinreich,
Ibid. : 1).
Dans cette conception, le linguiste doit étudier les phénomènes d’interférences qui
résultent des contacts de langue notamment au travers de leur impact sur les normes des
langues. L’apport significatif de Weinreich est de montrer dès 1953 que langue en contact
peut signifier tout à la fois contact entre « langues », « dialectes d’une même langue » ou « variétés
d’un même dialecte » posant de manière explicite sa prise en considération de la variation et
des écarts vis-à-vis de la norme.
Une autre idée d’importance développée par Weinreich est celle de l’émergence
d’interférences linguistiques qui dépendent, pour l’individu bilingue, de facteurs tant
individuels que socio-culturels. Partant du principe que les langues sont stables (vision
normative), ce serait alors le statut relatif des langues attribué par les locuteurs qui
impliquerait la modification. Il évacue donc la question du statut réel des langues pour
s’attarder sur le statut relatif et se centrer sur les sujets bilingues. Pour cette raison, les
critères socio-culturels et psychologiques sont conçus comme les déterminants de la
« domination » d’une langue sur l’autre.
[eng] Dans certaines conditions sociales, la maîtrise de la langue devient importante pour un individu non pas
265
seulement comme medium de communication, mais comme moyen d’avancée sociale (Weinreich, Ibid. : 78).
264 unless otherwise specified, all remarks about bilingualism apply as well to multilingualism, the practise of using alternately
three or more languages.
265 Under certain social conditions, the mastery of language becomes important for an individual not merely as a medium of
230
Partie 2 – chapitre 5
Au 19e siècle, Luanda est « la première île créole de l’archipel angolais » selon la
métaphore du poète et chercheur Fernandes de Oliveira (1970). Pendant la plus grande
partie de la colonisation, un faible nombre d’individus originaires d’Europe se fixent en
Angola. Luanda est un des premiers noyaux urbains créés par les Européens sur le littoral
de l’Afrique subsaharienne. Cette implantation européenne précoce se traduit par la
coexistence au quotidien, sur un territoire plus ou moins rigoureusement délimité, de ces
Européens et des Angolais.
En 1886, soit dans les premières années de l’« Ère des empires » qui va
reconfigurer l’espace mondial et colonial, les effets des contacts pluri-centenaires entre la
langue portugaise et le kimbundu, langue des Mbundus vivant sur ces terres (et dans une
mesure très faible avec les autres langues d’Angola), sont attestés par Macedo Soares, un
Brésilien. Le contact des langues dans cette ville dont les conditions sont proches de
celles de l’insularité aurait donné lieu à la formation d’un créole aujourd’hui disparu.
Il existe un fait curieux en Angola et dans les autres possessions d’Afrique australe : la coexistence de trois vocabulaires : le
portugais parlé par les Portugais entre eux ; le bundu, pour les Noirs entre eux ; et un intermédiaire, que nous qualifierons de
créole ou métis, utilisé dans les relations entre Nègres et Blancs, et également par les étrangers quand ils veulent se faire
comprendre par les Portugais ou par les Noirs. Le métis se compose de mots portugais adaptés au génie du bundu et qui tend
à se généraliser et à se stabiliser, par le fait même qu’il soit compris et parlé par les trois groupes de la population, Noirs,
267
Portugais et étrangers (Macedo Soares, 1886, cité par Chavagne, 2005 : 25-26).
portuguez falado pelos portuguezes entre si; o bundo, pelos negros entre si, e um intermédio, a que chamaremos de crioulo ou
mestiço, usado nas relações dos negros com os brancos, e também pelos estrangeiros quando se querem fazer entender com
portuguezes ou com negros. O mestiço se compõe de palavras portuguezas acomodadas ao gênio do bundo e tende a se
generalizar e firmar, por isso mesmo é que é percebido e falado pelos três grupos da população, negros, portuguezes e
estrangeiros. Notons la divergence orthographique pour la graphie <portuguez> aujourd’hui notée
<português>.
231
Partie 2 – chapitre 5
coexistent trois langues, dont un créole 268 , s’inscrit pour partie dans l’idéologie
linguistique de l’époque269.
268 À la même période, des pidgins et des créoles se forment au Cap Vert, en Guinée Bissau, en Casamance
occupe une place centrale. Toutefois la reprise de l’expression « le génie de la langue » renvoie pour la
France au siècle des Pensées de Pascal et à la création de l’Académie française (1635) par Richelieu, ce 17e
siècle où l’on se prête à vouloir fixer la langue de la cour (Vinet, 1853). Reconnaître au kimbundu son
« génie » vient donc en contrepied du discours dominant qui considère les langues indigènes comme des
sous-langues ou des dialectes, voire des patois dont l’Abbé Grégoire coordonne l’étude et Jules Ferry acte
l’interdiction d’usage à l’école française métropolitaine.
270 Dans le lexique des particularités lexicales du portugais d’Angola, un travail tout à fait remarquable
mené par Chavagne (2005, annexe 2, 144 pages), l’entrée pour bundu est la suivante :
mbundu n. ou adj.
n'bundo
Qui appartient au groupe Mbundu. Du nom que les Mbundu se donnent.
232
Partie 2 – chapitre 5
Pour tout sujet angolais de langue maternelle non portugaise, l’enjeu d’une
lusophonie effective est étroitement associé à la scolarisation qui constitue la principale
porte vers de plus grandes opportunités sociales. Qui est lusophone accède à de
meilleures opportunités sociales et peut devenir un véritable acteur des interactions
verbales plurilingues.
271 After independence, the colonial niceties of race, pedigree, language, education and ambition were to haunt the MPLA as
it struggled to create a stable ruling establishment in the capital city. Despite their differences, however, all of assimilated
factions of colonial society, new and old, black and brown, had a significant advantage in terms of opportunity when compared
to the throngs of job seekers who flocked to the city from the largely illiterate rural hinterland. The educated minority also had
a political edge over the people of the interior – whether in the south, the centre or the north – when it came to bargaining over
the future of Angola. Language was power in postcolonial African politics and it was the assimilados who spoke Portuguese,
the language of command.
272 De Pietro pose les bases d’une typologie des situations de contacts linguistiques en proposant un espace
comportant deux axes variationnels qui s’entrecroisent et permettent de « définir des formes prototypiques
de communication qui, concrètement, se réalisent » :
l’axe unilingue / bilingue
l’axe endolingue / exolingue.
En résulte un champ variationnel bidimensionnel organisé autour de quatre formes de communication
prototypiques :
la communication endolingue / unilingue (1) ; l’exolingue / unilingue (2); l'exolingue /bilingue (3) ;
l'endolingue / bilingue (4).
233
Partie 2 – chapitre 5
Figure 31 : Espace constituant la typologie des situations de contacts de langue selon De Pietro (1988 : 70).
273 Porquier (1984) donne la définition suivante de la communication exolingue :
La communication exolingue est celle qui s’établit entre individus ne disposant pas d’une langue maternelle commune, par
opposition à la communication endolingue qui renvoie à la communication entre individus de même langue maternelle
(Porquier, 1984 : 18).
274 Berrendonner A., Le Guern M. et Puesh G. (1983), Principes de grammaire polylectale, Lyon, PUL.
234
Partie 2 – chapitre 5
L’existence d’un créole dans l’« archipel » constitué des centres urbains coloniaux
puis l’usage d’une variété locale du portugais souligne la justesse de cette remarque :
comment en effet le colon aurait-t-il pu passer outre certaines lexies ou tournures
propres au contexte angolais ?
Rappelons que pour la carte des ethnies d’Angola retenue pour présenter les
différentes aires linguistiques en Angola (cf. Supra. figure 10 : 136) trois formes écrites
coexistent pour lister les ethnies et leurs langues respectives : le portugais « correct », le
portugais « courant » et la langue « native ». Pour l’ethnologue Lopes Cardoso, qui
élabore cette cartographie en 1962, la graphie des formes courantes et natives constitue
un effort d’exhaustivité et de précision scientifique. Tout en s’intéressant aux langues
ethniques d’Angola, il conçoit une norme pour la variante du portugais qui sert de langue
« courante », de langue véhiculaire ou, pour reprendre l’expression employée par
Ngalasso et Ploog (1998) au sujet du français parlé à Abidjan, de langue « populaire ». Il
acte ainsi la nécessité de la prise en compte de cette variation qu’il normalise par le travail
même de transcription et qu’il nationalise en laissant entendre qu’il y a une seule norme
pour l’ensemble du portugais populaire d’Angola.
Les propos tenus par Spaëth (2005b) au sujet du français dans les dix-sept nations
africaines où l’ancienne langue coloniale est celle de l’école postcoloniale nous semblent
tout-à-fait valables à propos du portugais dans le contexte angolais et ceux des autres
PALOP.
La tension linguistique et cognitive interne au système éducatif africain est particulièrement intense dans la mesure où
traditionnellement le français y est constitué en langue de référence, modèle d’une certaine élite coloniale, où le purisme et l’écrit
littéraire dominent. Cette norme fonctionne pourtant in absentia, dans la mesure où le plus souvent elle n’est effectivement
partagée dans l’usage ni par la moyenne des enseignants ni par la moyenne des élèves. Dans tous les cas, elle peut apparaître
235
Partie 2 – chapitre 5
comme le produit figé d’une histoire sociale particulière de la pédagogie coloniale, instituée depuis lors comme signe distinctif des
classes sociales les plus favorisées (variété acrolectale), qui par ailleurs peuvent avoir l’usage des formes populaires (variétés
méso- et basilectales) (Spaëth, Ibid. : 187-188).
275On ne saurait actuellement compter les écrits mettant en œuvre la notion de diglossie, pour l’illustrer, voire la redéfinir.
Parmi les termes mis en circulation en sociologie du langage et en sociolinguistique, c’est certes l’un des plus féconds. Appliqué
d’abord dans le cas bien précis de la situation du grec contemporain (Psichari, 1928) et de l’arabe (Marçais, 1930), il fait
aujourd’hui office de bonne à tout faire dans toutes les situations dans lesquelles deux ou plusieurs idiomes sont en usage
(Tabouret-Keller, 2006 : 111).
236
Partie 2 – chapitre 5
langue sont ceux de la métropole. Dès lors qu’on traite des contextes d’Afrique
subsaharienne, l’extension de la notion de diglossie aux rapports entre langues
génétiquement non apparentées développée par Fishman (1967) la rend fonctionnelle276.
La notion de registre devient centrale pour Ferguson (1991) trente ans après son
premier essai de théorisation à propos de la diglossie. Même s’il ne se défait pas de la
distinction haute et basse, il est clair qu’il intègre les apports ultérieurs que forment les
travaux de Hymes (1972) au sujet de la compétence de communication – repris et
complétés par Canale et Swain (1980) puis par Moirand (1982) notamment – qui se
définit à travers la prise en compte des éléments du « speaking modele » : les
interlocuteurs, leurs relations, leurs rôles sociaux (les registres de langue, les variétés de
langue, les tonalités, les gestes, etc. s’accordent en fonction de ces paramètres), les
intentions de communication, le contexte physique, le thème de l’échange et l’événement
de communication.
Il apparaît par ailleurs que la distinction dressée par Porquier permet d’affiner la
réflexion sur la communication exolingue induite par la part des locuteurs bilingues
acteurs d’une « situation » diglossique :
On voit [...] que la distinction entre situation exolingue et communication exolingue apparaît pertinente. On a d’une part des
paramètres qui renvoient aux deux axes (endolingue /exolingue et unilingue / bilingue) comme composantes de la situation ;
d’autre part des instances de communication (des « événements langagiers », pour De Pietro (1988) qui, de façon variable,
mobilisent et actualisent ces paramètres. La compétence bilingue respective des interlocuteurs n’est pas un prédicteur de la
nature unilingue / bilingue de l’échange, mais l’un des paramètres de l’observation (Porquier, 1994 : 166).
276 En 1991, Ferguson, en s’appuyant sur la situation linguistique au Liban où quatre langues principales
sont en contact (variété haute de l’arabe, arabe dialectal libanais, français et anglais) admet qu’il aurait dû
reconnaître que la diglossie fait bien souvent [eng] « partie d’une distribution plus large des usages des
langues dans une situation linguistique générale » (part of a larger array of distribution of language uses in a general
language situation). Il reformule en conséquence sa théorie.
Si nous supposons qu’il y a deux dimensions basiques dans la variation linguistique, la variation dialectale corrélée à la place
du locuteur dans la communauté et la variation de registre corrélée aux situations d’usage, alors les variétés H et B des
diglossies sont des variantes de registre, et non des variantes dialectales. Il peut également y avoir une variation dialectale tant
dans la variété H que la variété B (typiquement plus dans B), et il peut même y avoir une variation dialectale (régionale et /
ou sociale) dans les schémas d’usage, les « allocations fonctionnelles » de la variété correspondante. Mais les variétés H et B
représentent des variations par situation d’usage, c’est-à-dire que les utilisateurs individuels ont la variation H-B dans leur
répertoire de variation qui peut être adapté en fonction des destinataires, des sujets, des cadres, etc., et leur schéma de variation,
dans une large mesure, est conventionné et fait partie du répertoire de la communauté (Ferguson, 1991 : 56) (If we assume
that there are two basic dimensions of variation in language, dialect variation correlating with the place of the speaker in the
community and register variation correlating with occasions of the use, then the H and the L varieties of diglossias are register
variants, not dialect variants. There may of course be dialect variation in either the H variety or the L variety (typically more
in L), and there may even be (regional and/or social) dialect variation in the patterns of use, the “functional allocations” of
the respective variety. But the H and L varieties represent variations by occasions of use, i.e. individual users of the language
have the H-L variation as part of their repertoire of variation that can be drawn on for use with different addressees, topics,
settings, etc., and their pattern of variation is to a large extent conventionalized and part of the community repertoire).
237
Partie 2 – chapitre 5
277 A diglossia colonial remete para a coexistência, no seio de uma mesma comunidade ou formação social, de duas línguas (ou
variedades) de prestígio social desigual. A primeira (A) corresponde à língua (ou variedade) que se impõe na comunicação
escrita, no espaço do poder a da “alta cultura”; a segunda (B) é a língua (ou variedade) que se usa para a comunicação.
278 A language, like a nationality, may be thought of as a set of behaviour norms ; language loyalty, like nationalism, would
238
Partie 2 – chapitre 5
designate the state of mind in which the language (like the nationality), as an intact entity, and in contrast to other languages,
assumes a high position in a scale of values, in a position in need of being “defended”.
279 language interference as a facet of cultural diffusion and acculturation.
239
Partie 2 – chapitre 5
Lienhard revient tout d’abord sur les écrits du 17e et 18e (textes religieux ou
portant sur la vie politico-administrative des colonies ou encore les récits de voyages et
cartes) qui dans leur ensemble portent la marque idéologique et linguistique de la
métropole. Au niveau linguistique, ils ne font apparaître que des emprunts lexicaux aux
langues locales.
Lorsque l’indépendance devient une réalité concrète pour l’Angola, soit après
1975, des auteurs tels que Luandino Viera281 interviennent au niveau de la structure de la
langue portugaise pour revendiquer une spécificité culturelle et linguistique angolaise.
Leur intention est de nouveau de rendre la situation diglossique caduque. Ainsi dans
Manana de Agostinho Mendes de Carvalho (1978), il y a une thématisation du conflit
240
Partie 2 – chapitre 5
Coursil considère que le français créolisé et le créole francisé sont des exemples de
commotion de langues dans un même sujet, processus qu’il considère comme
douloureux et qu’il nomme une « glossalgie, une douleur muette de langage » (Ibid. : 6).
282 Lienhard convoque l’exemple des dialogues entre l’oncle « acculturé » et la mère représentante du
monde traditionnel qui font figurer des interactions bilingues avec alternances codiques. Les anciens
montrent une préférence pour le kimbundu alors que les personnages plus jeunes mélangent les deux
langues, parlent différentes variétés sociolectales et s’expriment dans un « idiolecte afro-lusitanien »
(Lienhard, 2008 : 229).
283 Vocês vão ver : este livrário não tem português cara, não. Português do liceu, não. Do Dr., não. Do funcionário, não. De
escritório, não. Só tem mesmo português d’agente [da gente] mesmo, lá do bairro, lá da sanzala, lá do quimbo. Sanzala est un
mot d’origine kimbundu et quimbo un de la langue kwanhama.
241
Partie 2 – chapitre 5
284Calvet (2002 [1974] : 47) définit les diglossies enchâssées comme celles « imbriquées les unes dans les
autres, que l’on rencontre fréquemment dans les pays récemment décolonisés ». Il illustre ce phénomène
d’usage social des langues à travers une description de la situation sociolinguistique en Tanzanie : il
distingue la diglossie entre l’anglais (la langue héritée du colonialisme) et le swahili (la langue nationale) de
celle entre le swahili (la langue maternelle d’une minorité) et les autres langues africaines.
242
Partie 2 – chapitre 5
Le constat initial est que la situation de diglossie coloniale avancée par Lienhard
(2008) a donné lieu à un environnement sociolinguistique contemporain – évidemment
spécifique – qui présente, au niveau de la langue maternelle et véhiculaire dans la
capitale, une distinction nette d’avec les situations sociolinguistiques d’autres grandes
villes africaines bien décrites 285 . Toutefois, les espaces urbains contemporains du
continent africain, postulés comme « espaces cosmopolites » dans la vision d’Appiah
(2006) ou de Mbembe (2000) du fait même de la globalisation, ont en commun, Luanda
comprise, un important plurilinguisme, tant individuel que collectif, qui met en contact
les langues et les variétés de langues. De par notre statut de sujet vivant à Luanda – et
dans une moindre mesure dans d’autres centres urbains du pays à l’occasion de nos
missions professionnelles en province – notre expérience nous fait adhérer aux propos
de Chavagne (2005) qui établit le constat suivant :
on se trouve dans une situation linguistique où un grand nombre de langues sont en contact plus ou moins étroit, entre
le superstrat (le portugais), l’adstrat (le français et l’anglais et les langues véhiculaires des pays limitrophes), et le substrat,
constitué par l’ensemble des langues africaines d’Angola (Chavagne, 2005 : 20).
Comme indiqué dans le chapitre historique, les frontières nationales tracées lors de
la Conférence de Berlin en 1885 favorisent des contacts et des usages individuels des
langues fort diversifiés :
Au Nord et au Nord-Est de l’Angola, la République Démocratique du Congo (Congo-Kinshasa) et la République
Populaire du Congo (Congo-Brazzaville) sont des pays où le français est langue officielle, et à l’Est comme au Sud la Zambie
et la Namibie ont l’anglais comme langue officielle. […] Cependant, les échanges diplomatiques et commerciaux, au niveau
des grandes entreprises seulement, se font dans ces deux langues européennes. Les personnes qui circulent assez facilement d’un
pays à l’autre, pour diverses raisons entre lesquelles un commerce informel actif, utilisent généralement leur propre langue
africaine en usage de part et d’autre de la frontière (qui coupe toujours un groupe ethno-linguistique), ou à défaut une langue
véhiculaire telle que le lingala, le swahili ou le cokwe pour les relations avec la République Démocratique du Congo
(Chavagne, Ibid. : 20).
Lors de notre séjour, nous avons eu l’occasion de découvrir une partie de l’Angola,
essentiellement urbaine et inscrite dans la partie ouest du pays286 (cf. annexe 5 : 9). Ainsi
285 De manière générale, pour le cas de l’espace francophone africain, il existe un très grand nombre
d’études. À titre illustratif, voir pour l’Afrique dite francophone le travail de Manessy (1994) ou, plus
précisément pour la zone subsaharienne, Queffélec et Lafage (1997) ; au niveau d’une nation Dumont
(1983) pour le Sénégal ou Benrabah (1999) pour l’Algérie ; au niveau d’une ville (Abidjan) Boutin (2002) ou
encore Ploog (2007) ; au niveau d’un phénomène linguistique en particulier (variations orales du français en
Afrique) Queffélec (2001) ; etc. Similairement, les études sur les espaces anglophones en Afrique abondent.
286 Cette découverte inégale du territoire angolais reflète clairement la perpétuation d’un habitus historique
pour la coopération linguistique française. Pour des raisons tout autant politiques, économiques que
243
Partie 2 – chapitre 5
pratiques, elle a laissé de côté les centres urbains de l’Est depuis ses débuts officiels en 1992, c’est-à-dire,
durant la courte trêve dans le conflit armé et l’assouplissement de l’idéologie marxiste-léniniste résultant de
la fin de la Guerre froide au niveau mondial. Quelques raisons majeures de cette mise à l’écart d’une partie
du territoire sont l’état des routes et la qualité du trafic aérien, la dangerosité en raison du conflit jusqu’en
2002 et de ses conséquences ultérieures (le déminage étant largement d’actualité), l’absence d’interlocuteurs
locaux. Voir à ce propos
Au sujet du trafic aérien, rappelons que la Taag, compagnie aérienne nationale, étant sur la liste
noire établie au niveau international, il est interdit (aux diplomates et agents du gouvernement français) ou
fortement déconseillé d’effectuer des vols locaux pour les ressortissants étrangers. Ainsi l’enclave de
Cabinda, difficilement accessible par voie terrestre en raison de l’instabilité dans la partie de la RDC
nécessaire à traverser, est délaissée physiquement par les services de l’Ambassade de France en Angola qui
ne peuvent pas prendre l’avion pour s’y rendre. Sous couvert de notre rattachement au Ministère de
l’éducation national angolais nous avons néanmoins réussi à effectuer une mission de quelques jours à
Cabinda.
Quant au déminage, il convient de rappeler que l’Angola est classé comme deuxième nation la plus minée
au monde derrière le Cambodge. Le déminage des zones affectées a commencé en 1994 durant une
mission des Nations Unies. Aujourd’hui, la majorité des opérateurs du déminage sont des ONG ainsi que
des compagnies nationales privées lorsqu’il s’agit de déminer un terrain choisi pour investir. Malgré un
travail de recueil de données mené conjointement par différents organismes internationaux – et
crucialement nécessaire pour les populations locales vivant sur des terrains potentiellement minés – les
problèmes persistent à ce niveau. L’absence d’utilisation d’une cartographie militaire des terrains minés
durant les longues années de conflit postcolonial rend la tâche des experts d’autant plus malaisée. Voir
pour plus de détails le site du Monitor, organisme indépendant produisant des rapports et évaluations à ce
niveau et servant de régime de surveillance pour le Traité d’Ottawa (Convention sur l’interdiction des
mines antipersonnelles) signé en 1997 (Landmine and Cluster Munition Monitor, 2014).
287 Pour autant, l’auteur ne présente pas de corpus ou de traits descriptifs permettant d’étayer cette
hypothèse.
244
Partie 2 – chapitre 5
Ces quelques remarques introductives appellent à dresser un cadre plus précis des
usages des langues en Angola.
245
Partie 2 – chapitre 5
À notre connaissance, ces données n’ont fait l’objet d’aucune analyse alors qu’elles
permettent, dans les limites déjà mentionnées, de nourrir concrètement une réflexion sur
la situation sociolinguistique du pays. Leur analyse résulte en une meilleure connaissance
des locuteurs et de leurs langues : qui parle quelle(s) langues et dans quel espace ? Si
demeure donc le besoin de poursuivre un travail qualitatif et quantitatif sur le terrain,
notamment pour savoir quand, pourquoi, avec qui et dans quel cadre chaque langue du
répertoire individuel des sujets angolais est utilisé, ces premières données postcoloniales
ont le mérite d’offrir au didacticien un moyen tangible de mieux comprendre la situation
sociolinguistique en vue d’une intervention adaptée à des caractéristiques contextuelles
affinées et non plus seulement nationales (dans un mouvement du macro vers le micro et
dans une autre mesure, du global au local).
290 Les résultats tirés du recensement de 2014 actualisent simplement les chiffres généraux concernant la
population : population totale et populations des dix-huit provinces (INE, 2014, [en ligne]). Bien qu’une
question du formulaire soit consacrée aux langues utilisées dans les foyers, les données ne sont pour
l’instant pas disponibles en ligne.
246
Partie 2 – chapitre 5
247
Partie 2 – chapitre 5
Figure 26 : Proportion des locuteurs ayant le portugais comme langue maternelle par
province.
291 Voir à ce propos les discours et politiques entretenus par le Portugal et la Lusophonie institutionnelle
face à ceux de la France et de la Francophonie. À l’instar de l’OIF pour l’espace francophone mondial, les
nations lusophones forment la Communauté des pays de langue portugaise (CPLP). La CPLP, que l’on
peut rapprocher de l’OIF par sa configuration institutionnelle, est avant tout fondée sur une coopération
économique et politique. Le travail de Bieger-Merkli (2010) montre que pour la CPLP, la question
linguistique, celle de la lusophonie, n’est pas centrale. Elle est un postulat de départ, celui d’une
communauté linguistique forte et dynamique, en croissance constante. La Lusophonie, au contraire de la
Francophonie, n’a pas de crainte de départ, celle d’une absorption par l’anglais. Dans une vision naturaliste,
nous pourrions dire que la Lusophonie est dégagée de la contrainte de préservation ou de défense. Dès
lors, la coopération en matière de langue n’est pas une nécessité ou une stratégie, et peut, avec de plus
faibles moyens, proposer un éventuel espace interculturel pour les membres de sa communauté. Il est par
ailleurs notable que le discours officiel lusophone se situe en contre-pied du discours de la francophonie
institutionnelle. L’idéologie linguistique est donc formulée en d’autres termes.
248
Partie 2 – chapitre 5
Benguela) sont fortement lusophones, celles ayant progressivement attiré des colons en
raison du développement de l’agriculture (Malanje et Huíla) sont moyennement
lusophones alors que les provinces les plus reculées (principalement à l’Est) et
tardivement colonisées sont très peu lusophones (Bié, Moxico, Cuando Cubango et
Lunda Norte).
Il est alors intéressant de mettre à profit la variable de l’âge. Tout d’abord, elle permet
de prendre la mesure de cette évolution postcoloniale de la place de la langue portugaise
dans la société angolaise depuis 1975. Au plan axiologique, la question de l’âge permet de
comparer deux extrêmes : la tranche des 2 – 4 ans et celle des 65 et plus. La première
tranche constitue une forme d’instantané tourné vers le futur, celui de la nouvelle
génération. La seconde, qui autorise un regard vers le passé, correspond à des personnes
ayant 15 ans ou plus au moment de l’indépendance, soit à la génération qui dans les
années à suivre constitue la masse des jeunes adultes de la nation postcoloniale.
Le poids de la langue portugaise dans la société angolaise évolue fortement durant les
soixante dernières années. Alors que 9,5 % des plus de 65 ans déclarent avoir le portugais
comme langue maternelle, la toute nouvelle génération l’a à 56,4 %. Ce chiffre, supérieur
à la moyenne nationale, tend à laisser penser que les langues nationales sont
véritablement en recul, en particulier dans les zones urbaines et péri-urbaines (58,8 % des
locuteurs qui vivent en milieu urbain ont le portugais pour langue maternelle contre 13,9
% en milieu rural). Hormis pour le portugais et le kimbundu, l’ensemble des langues
nationales sont majoritairement celles d’Angolais vivant en milieu rural.
249
Partie 2 – chapitre 5
dominant dans la capitale et sur la côte littorale et le plus acculturé durant la période
coloniale, voit son usage dans les foyers drastiquement diminuer durant la période
postcoloniale et tend à disparaître. L’umbundu, langue de l’ethnie numériquement
dominante à l’indépendance, demeure une langue d’importance malgré une diminution
de moitié des foyers utilisant cette langue. La question de l’augmentation de l’usage du
kikongo soulève plusieurs hypothèses. Les provinces du Nord sont-elles plus résistantes
à la lusophonie et par conséquent sont-elles sujettes à un mouvement identitaire fondé
sur le maintien de la langue et de la culture ? Cette augmentation s’explique-t-elle plus
simplement par un taux de fécondité supérieur dans ces régions ? La stabilité du chokwe
et du ganguela, langues de l’intérieur, de l’Est du pays et des provinces les moins
développées économiquement, interroge sur le taux de scolarité dans ces provinces
durant l’ensemble de la période postcoloniale.
Les données présentées dans le tableau Population de 6 ans et plus n’ayant jamais fréquenté
l’école, selon la raison 292 (INE, 2011 : 95-96 ; annexe 6 : 12) permettent en partie de
confirmer la relation entre le maintien des langues nationales et le faible niveau de
scolarisation. Ainsi, dans huit provinces plus de 28,3 % des enquêtés n’ont jamais été
scolarisés (la moyenne nationale étant de 20,3 %) :
Figure 28 : Les huit provinces présentant le plus grand nombre de personnes jamais
scolarisées.
Hormis pour les provinces de Namibe et de Kwanza Sul, les six provinces présentant
les taux nationaux les plus élevés de non fréquentation scolaire sont celles où les langues
chokwe et ganguela sont effectivement parlées. Dans ces provinces, situées à l’Est du
pays, la guerre est la première raison évoquée pour expliquer l’absence de fréquentation
292 População com 6 ou mais de idade que nunca frequentou a escola, segundo a razão.
250
Partie 2 – chapitre 5
Cette partie permet ainsi de confirmer que c’est bien durant la période postcoloniale
que la lusophonie s’installe graduellement et exponentiellement dans la société angolaise.
Le rappel de Kamwangamalu au sujet des facteurs pouvant expliquer un changement
linguistique quelque soit le contexte d’étude est ici particulièrement pertinent :
[eng] Les études sur le changement linguistique dans des communautés du monde entier indiquent que plusieurs facteurs
en sont responsables, les plus important d’entre eux étant la génération, la force numérique d’un groupe en relation avec
d’autres minorités et majorités, le statut de la langue et l’attitude vis-à-vis de la langue, la valeur socioéconomique, l’éducation,
293
le soutien institutionnel et les politiques gouvernementales, pour en lister quelques uns (Kamwangamalu, 2003 : 227).
293 Studies of language shift in communities around the world indicate that several factors are responsible for language shift, the
most important among them being generation, the numerical strength of a group in relation to other minorities and majorities,
language status and language attitude, socioeconomic value, education, institutional support, and government policies, to list a
few.
251
Partie 2 – chapitre 5
Même si les chiffres annoncés sont à envisager avec réserve, plus de la moitié des
jeunes Angolais auraient le portugais pour langue maternelle en 2015. Il existe dès lors
une tension sociale forte, en relation avec l’égalité d’accès à l’éducation et au marché du
travail ainsi que dans les conceptions individuelles sur le statut des langues. Comme le
rappelle Blommaert à la suite de Bourdieu et de Hymes, [eng] « le monde de la langue
n’en est pas seulement un de la différence mais un de l’inégalité ; une partie de cette
inégalité est temporelle et conditionnelle aux situations alors qu’une autre partie est
structurelle et durable ; de telles formes d’inégalité influent sur, et s’articulent avec, des
formes langagières tels que les accents, les dialectes, les registres et des compétences
stylistiques spécifiques (par exemple narratives)295 » (Blommaert, 2010 : 28).
294 It is clear that of the factors which make a language dominant for a bilingual, the usefulness of a language, its role in social
advance, and its literary-cultural value are given to the individual by his surroundings; the relative statutes of the language is
therefore likely to be the same for most bilinguals in an undifferentiated environment.
295 the world of language is not just one of difference but one of inequality ; […], some of that inequality is temporal and
contingent on situations while another part of it is structural and enduring; […], such pattern of inequality affect, and
articulate around, actual, concrete, language forms such as accents, dialects, registers and particular stylistic (e.g. narrative)
skills.
252
Partie 2 – chapitre 5
Le titre du tableau de données (INE, 2011 : 48-49 ; cf. annexe 7 : 13) qui traite « du
nombre de langues parlées et des trois principales langues parlées » souligne que dans
l’élaboration et la formulation du questionnaire d’enquête, il y a eu une prise en compte
du potentiel plurilinguistique individuel. Toutefois, utiliser ces données statistiques
soulève très clairement le problème du biais de l’endogénéité (Eigle, Hendy et Richard,
1983) fréquent dans les recensements sur les langues et le niveau de langue :
qu’entendent respectivement les auteurs et les répondants de l’enquête par « langue
parlée »296 ?
296 Dans le dernier recensement national la mesure de l’analphabétisme au niveau national est effectuée au
253
Partie 2 – chapitre 5
254
Partie 2 – chapitre 5
255
Partie 2 – chapitre 5
Par contre, pour l’autre moitié des provinces, la mise en place d’un enseignement
initial dans la langue maternelle des enfants est plus complexe comme dans la province
de Malanje, de Moxico ou de Cunene où l’on constate la cohabitation d’un plus grand
nombre de langues qui appelle à une cartographie plus précise.
Par ailleurs, il apparaît que dans une majorité des provinces, une langue est connue
par plus de 70 % des habitants ce qui met en exergue la tension possible engendrée par la
relation langue / culture. Lorsque cette langue n’est pas le portugais comme dans la
province de Zaire où 93,3 % des interrogés déclarent parler kikongo ou dans celle de
Huambo où 91,6 % déclarent parler umbundu, comment les populations ressentent-elles
le fait que leurs enfants soient scolarisés en portugais ? Dans quelle mesure partagent-
elles la vision de l’unité nationale qui, dès les mouvements indépendantistes des années
1960, a été construite autour de l’idéologie de l’unité linguistique ?
À notre sens, le constat du fort changement de langue postcolonial ne doit pas pour
autant occulter les inégalités au niveau du territoire. Le Gouvernement, dans une visée
d’amélioration qualitative des conditions d’enseignement / apprentissage au niveau
primaire, ne devrait donc plus faire l’impasse d’un système bilingue. Toutefois, en
considérant le rôle avéré de la scolarisation dans la diffusion du portugais, offrir une
place aux langues nationales à l’école pose le problème bien décrit de la réticence à la
mise en place d’un tel système. Lezouret (2008 : 144-146) liste par exemple différentes
formes de résistances qui se manifestent contre un emploi systématique des langues
africaines et un enseignement bilingue à l’école primaire:
256
Partie 2 – chapitre 5
257
Partie 2 – chapitre 5
des constats appelle clairement à une poursuite des travaux d’enquête, non plus
seulement réalisés dans une visée statisticienne et quantitative, mais avec des objectifs de
recherche formulés dans une perspective sociolinguistique. La recherche-action, au plus
près des citoyens ordinaires, doit se développer sur ce terrain comme dans ceux d’autres
nations d’Afrique subsaharienne. Il est alors crucial que des chercheurs nationaux
(didacticiens, linguistes, anthropologues et sociolinguistes notamment) s’emparent de ces
questions qui prêtent à des analyses micro sur des terrains où ils puissent échanger dans
la langue maternelle des sujets d’étude. L’objectif le plus urgent étant bien d’améliorer
l’ensemble du système éducatif, il conviendrait que ces recherches voient leurs résultats
pris en compte et, dans le cas de celles menées en didactique des langues et des cultures,
les propositions tirées des analyses de terrain devraient être expérimentées puis
appliquées.
Une première étape serait que l’ensemble des études récentes soient répertoriées,
traduites lorsqu’elles n’ont pas été effectuées en portugais, puis mises à disposition des
cadres et acteurs du système éducatif. Une seconde serait que les différents services de
coopération et les organisations d’aide au développement qui œuvrent dans le domaine
des langues et de l’éducation se concertent véritablement pour harmoniser, autant que
l’autorisent leurs lignes politiques, leurs actions sur le terrain et mettent en commun les
données le concernant297. Pour ce faire, il serait aussi nécessaire que le gouvernement
angolais, bénéficiaire postcolonial de l’aide au développement, travaille en ce sens.
297 À titre illustratif, alors que nous n’avons jamais eu officiellement l’occasion de rencontrer nos
homologues portugais, nous avons néanmoins pu échanger à plusieurs reprises à propos de leurs
programmes avec des cadres angolais et avec des professeurs coopérants portugais rencontrés dans
diverses écoles du pays. Ainsi, en 2011, la province de Namibe accueillait au sein de l’école de formation
des professeurs (EFP) une dizaine de professeurs portugais de différentes disciplines afin de participer à
l’amélioration de la formation initiale des futurs enseignants du premier cycle du secondaire. Lors de notre
première visite de l’institut afin d’équiper et d’ouvrir un centre de ressources pour le français, nous avions
été surprise de la quasi absence de fond documentaire en portugais et avions échangé à ce propos et sur la
situation générale avec l’un de ces coopérants. Les remarques complémentaires dont il nous fit part
portaient sur l’ensemble des problèmes d’ingénierie pédagogique de cette institution, relevant par ailleurs
qu’elle était malgré tout l’une des mieux loties au niveau national, en partie grâce à l’implication de son
directeur et des responsables de chaque parcours disciplinaire. Il est en effet exact que cette province peu
peuplée fait l’objet d’une grande attention de la part du Ministère de l’éducation et enregistre de meilleurs
résultats qu’ailleurs en Angola, tant dans la formation des enseignants que de celle des enfants scolarisés
dans la ville de Namibe. Dans une certaine mesure, cette rencontre a permis de réaffirmer l’importance de
cette connaissance des enjeux pour la langue de scolarisation des élèves, le portugais. Comment en effet
penser un dispositif pour une langue étrangère (dans notre cas le français) alors même que la base, celle de
l’enseignement primaire, de l’alphabétisation puis de l’acquisition d’une véritable littéracie, est toujours
d’une qualité inquiétante ?
258
Partie 2 – chapitre 5
298Dans une étude sur les impacts de l’occupation coloniale dans les sociétés rurales.
299En milieu urbain pour la zone étudiée par Marques Da Silva, dont les quatre villes majeures (Benguela,
Lobito, Lubango et Moçadames / Namibe), les proportions sont logiquement différentes : 29 %
d’Européens, 7 % de métisses et 63 % d’Africains.
259
Partie 2 – chapitre 5
majorité d’Angolais. Ces informations erronées laissent à penser que le portugais est une
langue mineure en Angola. Le portugais est indéniablement la langue dominante au plan
numérique et social comme peut le prouver l’utilisation conjointe des données officielles
nationales (INE) et internationales (ONU, BM) et de notre expérience du quotidien en
Angola. Si le chiffre de 40 % d’Angolais ayant le portugais pour langue maternelle peut à
première vue sembler exagéré au regard des évolutions pour les anciennes langues
coloniales dans d’autres nations africaines, les exodes ruraux massifs vers la capitale et
l’absence de langue véhiculaire africaine à Luanda permettent néanmoins d’expliquer
pourquoi ce chiffre n’est pas si invraisemblable.
300 L’ethnoscape est l’une des cinq dimensions qu’utilise Appadurai pour théoriser sur l’échange global des
idées, des savoirs et des informations. À partir de la racine scape, il propose donc quatre autres
néologismes : technoscape, finanscape, mediascape et ideoscape.
260
Partie 2 – chapitre 5
Durant les années de conflits postérieurs à 1975, les flux migratoires ont pour
principale direction l’étranger (en premier lieu les nations limitrophes) et les grands
centres urbains angolais qui, en sus des possibilités économiques plus nombreuses, sont
des lieux plus sécurisés lorsqu’ils sont sur le littoral comme Luanda, Lobito et Benguela.
En conséquence, la répartition démographique en Angola est largement reconfigurée.
Lors du dernier recensement colonial en 1970, il y a 560 000 résidents à Luanda. En
2014, le premier recensement postcolonial (presque un demi-siècle plus tard), fait état de
6,5 millions de citoyens vivant à Luanda. La population se serait ainsi multipliée par
douze à Luanda, alors que dans l’ensemble du pays elle a – au plus – été multipliée par 6
depuis 1950302. Il y aurait aujourd’hui près de 27 % d’Angolais résidant à Luanda, dans sa
périphérie (Belas, Cacuaco, Cazenga et Viana) et dans sa région – où il est alors possible
que le kimbundu soit plus fréquemment utilisé dans les foyers (Icolo e Bengo et
Quissama).
301 Cultural capital can be assessed by its conversion into economic capital: lack of the former triggers exclusion from economic
resources and may also prevent access to social networks.
302 Dans un document des Nations Unies consacré à la population mondiale, les populations des nations
répertoriées sont données pour 1950, 2009, 2015, 2025 et 2050 (2008 : 6). Pour l’Angola les chiffres sont
les suivants :
Année Population angolaise en millions
1950 4,148
2009 18,498
2015 21,690
2025 27,441
2050 42,267
Figure 62 : Population angolaise de 1950 à 2050.
Même si les chiffres sont à envisager avec réserve, ils donnent une tendance générale. D’un peu plus de 4
millions d’habitants en 1950, l’Angola en aurait aujourd’hui entre 21 et 24 millions suivant les sources.
261
Partie 2 – chapitre 5
La très large majorité des familles, donc les parents de 1975 et des années à suivre,
ont choisi de parler portugais à la maison. En faisant appel à notre expérience de
l’Angola et en nous référant à notre réseau d’amis angolais résidant à Luanda, pour ceux
ayant le portugais pour langue maternelle 303 , les seuls cas d’exposition aux langues
nationales étaient les interactions avec les grands-parents et des personnes de leur
génération. As kotas 304 permettaient et permettent encore d’entendre le kimbundu,
l’umbundu, le kikongo, etc. Un homme comme le chauffeur du projet pour lequel nous
avons travaillé, âgé d’un peu plus de quarante ans, ne parle que quelques mots de
kimbundu et comprenait un peu ses grands-parents lorsqu’ils lui parlaient en kimbundu
du temps de leur vivant. Il fait partie des enfants nés à l’indépendance, dans la région de
Luanda, ayant achevé le cycle primaire et parlant portugais avec ses parents, sa femme et
ses enfants.
262
Partie 2 – chapitre 5
Si à l’image de certains pays d’Afrique francophone (Bénin et Togo par exemple), des
actions conjointes de formation des enseignants ou de mutualisation des supports sont
mises en place de manière à optimiser la retombée des moyens engagés, il est possible de
se prêter à imaginer une collaboration avec les autres nations officiellement lusophones
en Afrique. La mutualisation en didactique des langues peut être entendue comme le
processus de partage et de collaboration d’expériences, de connaissances ou de moyens
matériels, humains et financiers. Elle peut aussi être le résultat d’une mise en œuvre
conjointe d’un projet entre acteurs, institutions, gouvernements, etc.
Au Portugal, en plus des langues des migrants, il existe quelques langues très minoritaires : le galicien, le
305
mirandas, le calo et la langue tsigane. Au Brésil, le discours officiel prône l’homogénéité linguistique alors
même que les populations indigènes sont en lutte pour faire reconnaître leurs langues et leurs cultures et
que cette nation est un espace de migration historique depuis plus d’un siècle.
263
Partie 2 – chapitre 5
nations créoles dans lesquelles le portugais est réservé aux élites et coexiste avec le(s)
créole(s) autochtone(s) qui fait / font office de langue véhiculaire – dans le cas de la
Guinée-Bissau, s’y ajoutent plusieurs langues africaines. Rien que par le simple fait que
les langues véhiculaires au Cap Vert, en Guinée Bissau et à São Tomé et Princípe sont
des créoles nationaux (voir insulaires pour les deux archipels), un premier frein apparaît
pour envisager une mutualisation. Dans le cas du Mozambique, dont il est fréquent que
la situation linguistique soit comparée à celle de l’Angola, les études de Stroud (1993),
Stroud et Gonçalves (1998) et Cumbe et Muchanga (2001) montrent clairement que les
enjeux sont quelque peu différents, ce qui confirme la mise en garde de Chabal (2002) à
propos du rapprochement fréquent fait entre les deux nations lusophones d’Afrique
australe, quelle que soit l’approche disciplinaire mobilisée.
264
Partie 2 – chapitre 5
Les deux points importants concernant la question linguistique sont que le niveau
d’alphabétisation est encore plus bas qu’en Angola et que moins d’enfants et
d’adolescents y sont scolarisés. Autrement dit, l’apprentissage du portugais à l’école est
moins fréquent. De plus, une majorité de la population angolaise est urbaine (60,7 %)
alors qu’une large proportion de Mozambicains vit en milieu rural (68,6 %). Compte tenu
de la prévalence du portugais en milieu urbain, il est légitime de penser que moins de
Mozambicains l’ont pour langue maternelle que d’Angolais.
Tout comme pour l’Angola, Cumbe et Muchanga, auteurs du travail sur « le contact
des langues dans le contexte sociolinguistique mozambicain », déplorent en 2001
l’absence de consensus au sujet des langues au Mozambique (nombre, locuteurs,
cartographie, etc.). Puis ils notent :
Contrairement à la situation linguistique fréquente dans la plupart des pays plurilingues, on assiste au Mozambique à une
totale intercompréhension grâce à la proximité génétique et géographique entre les langues bantoues. Cette double proximité est
renforcée par leur fonction sociale de véhicularité, qui est souvent vantée par certains intellectuels mozambicains, comme une
marque d’identité culturelle (Cumbe et Muchanga, 2001 : 603).
Des données collectées en 1993 sont reprises par les auteurs qui précisent que 95 %
des habitants auraient pour langue maternelle une langue bantoue et que parler portugais
signifie alors appartenir à la minorité qui a eu accès à l’école (25 % de la population) et
qui réside dans les centres urbains. En croisant ces données avec celles présentées dans le
tableau précédent, il est probable que le nombre de locuteurs mozambicains ayant le
265
Partie 2 – chapitre 5
portugais pour langue maternelle a augmenté dans les centres urbains et sous l’effet de la
croissance sensible des effectifs scolaires. Il n’en demeure pas moins qu’au contraire de la
situation en Angola, le portugais n’y est ni la langue véhiculaire dominante hors de
Maputo, ni la langue maternelle dominante des Mozambicains. En conséquence,
l’adaptation du système éducatif aux configurations nationales doit répondre à des
conditions contextuelles différentes de celles relevant du contexte angolais. Au niveau
des politiques linguistiques ayant trait à l’école au Mozambique, la question du rôle et de
la place de la ou des langue(s) véhiculaire(s) se pose largement. Pour l’Angola, l’absence
de langue véhiculaire nationale autre que le portugais oblige à penser les langues de
l’école différemment.
Se prêter à imaginer une mutualisation didactique entre ces deux pays revient alors à
travailler sur la problématique de la scolarisation en langue portugaise, qu’elle soit
maternelle ou seconde. Il serait toutefois nécessaire de garder à l’esprit les spécificités
nationales. Pour la didactique du FLE, la piste de l’intercompréhension français-portugais
serait à développer (Thamin, 2000).
306 Pour la didactique du FLE en contexte lusophone africain, nous signalons la méthode Bonjour le français
élaborée par une équipe franco-capverdienne pour l’enseignement du FLE au secondaire au Cap Vert. Par
la suite, elle est adaptée pour la Guinée Bissau (Instituto Nacional para o Desenvolvimento da Educação,
1988). En sus d’une prise en compte du contexte socioculturel des apprenants (des chants ont par exemple
été enregistrés par des artistes locaux), les auteurs de la méthode n’excluent pas l’usage du portugais, en
particulier pour les consignes dans les deux premières unités.
266
Partie 2 – chapitre 5
Partons pour commencer de l’expérience. L’« étranger », pour cette remarque, doit
avoir pour spécificité d’être un lusophone à l’oreille curieuse et attentive. Un trait saillant
en écoutant le portugais en Angola est justement cette variation. En reprenant le titre de
Gadet (2007) au sujet du français, il pourrait alors être question de « la variation de tous
les portugais ». La variation, engendrée par le contact des langues depuis l’époque
coloniale en Angola, se matérialise fortement en fonction des domaines d’usage.
Weinreich (1953)307 propose de prendre en compte neuf domaines d’utilisation de la
langue. Réfléchir à ces catégories lorsqu’il s’agit du portugais en Angola fait directement
surgir le couple norme / variation ou encore la distinction entre variété acrolectale et
méso- ou basolectale.
Les variations entre la langue d’un journal télévisé, d’une émission de variété ou
d’une telenova brésilienne, entre la langue utilisée par un membre du gouvernement
lorsqu’il fait une déclaration officielle, qu’il s’exprime en réunion ou qu’il échange avec
son chauffeur ou encore sa femme, entre la langue des cultures populaires ou cultivées,
entre les langues des rues en fonction des quartiers et des villes, se révèlent à toute oreille
attentive. Pour le linguiste, ces variations permettent de rapidement repérer la mouvance
au niveau morphosyntaxique, lexical, acoustique, rythmique, etc. La situation à l’écrit
révèle également cette diversité des variations et des types discursifs.
307 En préambule, Weinreich invite à les discuter. Ces domaines sont « la famille, la cour de récréation,
l’école (avec des subdivisions), l’église, la littérature, la presse, l’armée, les cours de justice, l’administration »
(Weinreich, 1953 : 87).
267
Partie 2 – chapitre 5
contexte lusophone mondial, deux normes cohabitent. À partir des années 1950, le
Portugal et le Brésil initient la réforme de l’orthographe de la langue portugaise. Chacune
des deux nations souhaite normaliser en fonction des usages les plus pratiqués et admis
sur son territoire national. Deux normes sont alors produites, la « portugaise » et la
« brésilienne »308.
Pour l’ensemble des autres nations de langue officielle portugaise, dont l’Angola,
la norme de référence est celle du Portugal. Or, ne serait-ce que pour le cas de l’école, la
langue des manuels (qui adoptent la norme portugaise et qui sont majoritairement édités
au Portugal), celle des curricula et des examens cohabite soit avec une ou des variétés du
portugais, soit avec une ou plusieurs langues. Les interactions orales en classe et au sein
de l’école, celles des sujets de la classe, mettent donc en question la norme écrite
puisqu’elle est constamment transgressée. Comme pour tout contexte, une réflexion sur
les écarts vis-à-vis de cette norme est nécessaire. Au plan officiel, elle est menée dans le
cadre des accords avec la CPLP ou les autres PALOP. Mais à ce jour, aucun effet direct
n’est constaté au plan didactique. Ainsi, comme il en est question par exemple pour les
nations issues de l’ancien empire colonial français, il conviendrait d’engager une réflexion
de fond dans les choix didactiques pour prendre en compte les défis posés par l’usage
systématique de cette norme héritée de l’ancien centre colonial. Nous adhérons tout-à-
fait aux conclusions d’ Oliveira Duarte et Figueiredo, précurseurs d’une véritable étude
fine de la variation dans un contexte micro en Angola :
[por] Concrètement en ce qui concerne le portugais d’Angola, le travail effectué ici avec le portugais du Brésil pourra constituer
le premier pas d’un long chemin à parcourir, pour que, […] on détermine si en Angola on parle « portugais ou angolais », en
vue de réclamer aussi, pour cette ancienne colonie, l’autonomie vis-à-vis de la variété de sa langue officielle, avec toutes les
309
implications identitaires et didactico-pédagogiques subséquentes (Oliveira Duarte et Figueiredo, 2013 : 127).
308 Carral (1997) illustre les distinctions entre ces deux normes avec l’exemple de la « chute » du < c > en
portugais brésilien. Le mot « fato » est devenu emblématique de la divergence portugais/brésilien. En portugais, « o fato »
(le costume) est différent de « o facto » (le fait) ; en brésilien, la chute du « c » devant consonne a donné « o fato » (le fait),
l’homonymie ainsi créée en brésilien ayant été éludée par l’emploi d’un autre terme « o terno » (le costume).
primeiro de um longo caminho a percorrer, para que, […] se determine se em Angola se fala “português ou angolano”, no
sentido de se reclamar também para esta ex-colônia a autonomia relativamente à variedade desta sua língua oficial, com todas
a implicações identitárias e didático-pedagógicas daí decorrentes.
268
Partie 2 – chapitre 5
310 O contexto angolano não diverge do brasileiro. Como a maioria da população não tinha acesso à educação, o português L2
e L1 reestruturado falado pela mesma era bastante marcado pelas transferências dos substratos. A pressão que viria a ser
exercida posteriormente, em simultâneo, sobre as normas popular e culta do português, já em período pré-independência,
atenuou ligeiramente o quadro linguístico marcadamente bipolarizado que havia imperado até então. Contudo, o tardio ensino
massivo do português não conseguiu evitar que se mantivesse a situação de diglossia linguística, que se acentuou após a partida
dos colonos e determinou um fosso entre o português L2 e L1 reestruturado falados pela maioria da população, por um lado, e
o português L1 das elites escolarizadas, por outro lado. Deste modo, a unidade construída em Portugal para o seu idioma não
ocorreu no Brasil nem em Angola, onde as sociedades são altamente estratificadas e registram contínuos linguísticos bastante
marcados, que vão desde as variedades vernáculas presentes nas comunidades rurais isoladas e quase analfabetas até às formas
populares urbanas ou cultas, usadas nos centros mais cosmopolitas. Não obstante, o processo de mudança linguística em
Angola, apesar de apontar para uma situação de formação comparável à do Brasil, é mais recente e restrito social e
geograficamente, aspecto que leva alguns linguistas a apontá-lo como não concluído.
269
Partie 2 – chapitre 5
Cet extrait insiste sur l’importante variation à l’oral en portugais en Angola. Un tel
constat devrait susciter sa prise en compte par les décideurs éducatifs. En conséquence, il
est urgent que des études sociolinguistiques qualitatives fines soient centrées sur l’étude
du et des contexte(s) angolais. En vue de l’application didactique, donc de la prise en
compte de la variation dans l’enseignement / apprentissage du portugais langue
maternelle ou langue seconde, ces études de terrain devraient s’appuyer sur le recueil de
corpus oraux et l’établissement d’outils comparatifs entre norme et variétés.
La seconde étude (Chavagne, 2005) a pour intérêt de proposer une recension des
écarts les plus significatifs vis-à-vis de la norme portugaise du portugais utilisé dans la
littérature angolaise d’expression lusophone, la presse et une dizaine d’heures de
production orale. L’auteur atteste de l’importante quantité d’usages non normatifs à
Luanda. L’analyse de corpus révèle que le principal procédé externe est l’influence du
substrat kimbundu. À notre sens des études du même type devraient être menées à partir
de corpus oraux de locuteurs de l’ensemble de l’Angola ou de villes ou régions
déterminées. Elles permettraient alors de ne pas seulement considérer la zone d’influence
du kimbundu (Luanda en particulier) et de déterminer des tendances au plan national
plutôt que local.
Nous rapportons ci-après les résultats de Chavagne au sujet des écarts les plus
fréquents qui pourraient être mis à profit dans une réflexion sur les écarts à la norme
dans la province de Luanda où le kimbundu est le substrat dominant :
Dans le domaine phonético-phonologique, nous isolons les phénomènes suivants :
- un débit de parole plus lent et plus régulier, avec des syllabes toniques et des syllabes atones moins différenciées ;
- la disparition annoncée du [əә ] et du [α], voyelles centrales non arrondies ;
- les voyelles nasales suivies de consonnes se dénasalisent et la consonne suivante se prénasalise ;
- l’opposition des phonèmes |r| / |R| s’affaiblit ;
m
- un phonème consonantique nouveau | b| (b prénasalisé) est utilisé, ainsi qu’un phonème vocalique nouveau |E :| (é ou ê
ouvert long).
En ce qui concerne le lexique, quelque 200 mots méritent par leur fréquence leur entrée dans les dictionnaires portugais comme
angolismes, mais seulement la moitié environ d’entre eux sont d’un usage réellement courant.
L’innovation morpho-syntaxique majeure est l’emploi de la particule vocative –éé. Les autres écarts morpho-syntaxiques
dominants, et qui conduisent vraisemblablement à une tolérance, sont les suivants
- la place du pronom ;
- le caractère facultatif de l’article notamment avec les possessifs ;
- le caractère facultatif de la marque du pluriel avec –s ;
270
Partie 2 – chapitre 5
311 Nous rappelons que l’Angola a enregistré des taux de croissance positive pendant plus d’une décennie.
Toutefois, l’économie reposant presque entièrement sur l’exploitation du pétrole, la crise pétrolière actuelle
a des conséquences désastreuses pour la population, notamment dans l’accès aux denrées alimentaires de
base.
312 Pour illustrer ce type d’usage, nous présentons en annexe 12 (p.20), une interaction écrite entre deux
271
Partie 2 – chapitre 5
314 Ici, le choix du corpus revient à considérer cette question pour un sujet faisant partie du groupe de
l’élite angolaise. Voir Augusto (2012) pour une analyse de discours de parents d’élèves non membres de
l’élite.
272
Partie 2 – chapitre 5
L’entretien (cf. annexe 13 : 22) a été réalisé par un journal en ligne d’opposition au
régime du MPLA, Maka Angola315. L’interviewé est Luaty Beirão, un artiste et chanteur
angolais. Publié à l’origine le 24 juillet 2012 sur le site de Maka Angola sur lequel il n’est
plus accessible, l’entretien est repris deux jours plus tard sur un portail d’information où,
à ce jour, il est consultable. La ligne politique de ce portail est claire : il s’intitule Quotidien
liberté. Portail anticapitaliste de Galice et des pays lusophones316.
Lors de l’entretien avec Maka Angola, il déclare que c’est à sa sortie du pays qu’il a
ressenti le besoin de se revendiquer angolais et de se connaître en tant qu’Angolais. Maka
Angola lui demande de préciser. La réponse à suivre est l’extrait que nous nous proposons
d’analyser et dont nous présentons la traduction ci-après.
315 Le substantif maka, emprunté au kimbundu est emblématique de la variété de portugais utilisée à
Luanda. Maka a été transporté et est compris et / ou utilisé dans l’ancienne métropole coloniale, le
Portugal. Cet usage délocalisé d’un lexème kimbundu est un signe fort des effets des flux humains
entretenus entre centre et périphérie.
316 Diáro Liberdade. Portal anticapitalsita da galiza e os países lusófonos.
317 Les membres de ce groupe de lecture ont finalement été libérés un an plus tard, en juin 2016. La
falava e eu disse que nenhuma. Ela perguntou qual era a nossa língua e eu disse português. E ela disse: “Sim, sim, mas isso é
a língua oficial. Mas depois existem as línguas de Angola. Qual é a língua que tu falas?” E eu respondi que nenhuma. E ela
disse: “Como é que tu queres ser africano? Só porque nasceste lá?” Eu quis justificar que nós, em Angola, procurámos
273
Partie 2 – chapitre 5
Et jusqu’à présent je n’ai pas remédié à ça. Mais c’est un objectif de vie, apprendre au moins une des langues nationales. J’ai
des facilités avec les langues, je veux donc apprendre le kimbundu qui est de ma région, mais pourquoi pas une autre aussi ?
destribalizar, dar uma noção de unicidade, de identidade comum. Mas, ao mesmo tempo, não podia negar que era prejudicial
relegar as nossas línguas ao esquecimento e não termos aprendido mais esse elemento cultural que nos identificasse. Senti-me
um bocado diminuído perante os meus colegas africanos. (Risos) E ainda não corrigi isso. Mas é um objectivo de vida,
aprender pelo menos uma das línguas nacionais. Eu tenho até alguma facilidade em línguas, então quero aprender Kimbundu
que é da minha região, mas porque não outra também?
319 Au Ghana, la principale langue véhiculaire est l’akan, celle de plus de 40 % des locuteurs ghanéens, aux
274
Partie 2 – chapitre 5
L’extrait analysé, qui n’a pas vocation à formuler une vérité plus générale sur les
locuteurs angolais, permet simplement de montrer que pour l’Angola postcolonial, la
relation langue / culture demeure étroitement liée à la question identitaire, en dépit de
politiques linguistiques monolingues (Augusto, 2012) et de la diminution du nombre de
locuteurs des langues nationales. Ici la relation entre mémoire et histoire apparaît. Le
locuteur fait émerger ce qui constitue un patrimoine et lie sa propre histoire à celle d’une
langue qui pourtant lui est étrangère. Les questions de l’appartenance au continent
africain et de l’identité africaine soulevées à l’occasion d’un discours individuel sur les
langues – des questions qui traversent tout le 20e siècle à travers les écrits des auteurs de
la Négritude, des Africanistes ou encore des théoriciens postmodernes – montrent bien
en quoi la rupture de la colonisation pour les sociétés africaines demeure d’actualité.
Enfin il est important de noter que l’absence de transmission signifie que pour un sujet
élevé à Luanda après 1975 l’exposition aux langues nationales n’est effective ni au sein
des foyers ni au sein de l’école.
Dès lors, si l’apprentissage des langues étrangères à l’école paraît incontournable dans
un monde globalisé, la permanence du rapport de chaque sujet à un espace local pose le
problème de la possibilité d’un apprentissage des langues « territoriales » ou
« régionales ». L’approche historique au chapitre 4 montre que le premier gouvernement
postcolonial fait le choix d’une politique linguistique unilingue en portugais. Nous nous
275
Partie 2 – chapitre 5
276
Partie 2 – chapitre 5
débat anonymisé écrit entre sept Angolais suite à une publication personnelle sur
Facebook au sujet du chinois et des langues nationales à l’école en Afrique et en Angola,
prouve la richesse et la complexité du débat sur l’usage et le choix des langues étrangères
à l’école. Comme une division nette apparaît parmi les opinions de ces citoyens adultes,
et sans pour autant qu’ils s’investissent de la question de l’éducation primaire pour les
enfants non lusophones d’Angola, un débat public à ce propos serait nécessaire. Les
didacticiens des langues et les sociolinguistiques auraient alors un rôle important
d’observateurs mais également de contributeurs à ce débat qui est déterminant pour une
amélioration des conditions d’apprentissage en Angola.
Toutefois, qu’un tel débat ait lieu ou non, il dépend avant tout des conjonctures
politiques et donc de la position et de l’action de la Gouvernance au sujet des langues,
qu’elles soient première, seconde ou étrangères. Si l’inertie est de mise, l’action citoyenne,
surtout lorsqu’elle est portée par un petit nombre, a peu de chance de produire des effets
et demeure donc stérile au plan concret.
Dans la partie suivante, nous utilisons la variation des échelles d’analyse en mettant
en regard les politiques linguistiques de l’État angolais postcolonial avec celles, externes,
dont il est le bénéficiaire direct.
277
Partie 2 – chapitre 5
national des langues321 (INL) est créé avec pour mission principale de proposer des
normes pour six des langues nationales : le kikongo, le kimbundu, le chokwe, l’umbundu,
le mbunda, et le kwanyama. Les travaux de standardisation d’une langue représentent une
étape cruciale pour son enseignement en milieu scolaire institutionnel. Ils constituent une
base supposée consensuelle pour une diffusion nationale dans les curricula, les
programmes de formation des enseignants et les méthodes d’apprentissage. La sélection
des six langues paraît cependant en partie inadéquate. L’analyse des données sur les
usages des langues en Angola depuis l’indépendance effectuée au début de ce chapitre a
en effet permis de lister les six langues les plus usitées : umbundu, kimbundu, kikongo,
chokwe, ganguela et fiote. Deux d’entre elles, le ganguela et le fiote, ne font pas l’objet du
travail de standardisation de l’INL. Il est légitime de questionner les principes qui ont
gouverné la sélection des six langues bénéficiaires de cette politique linguistique de
standardisation. Nous formulons l’hypothèse, qui demeure à vérifier, que ce choix est
plus déterminé à un niveau individuel ou collectif limité que par une prise en compte des
besoins contextuels, donc des locuteurs de ces langues.
Le sociolinguiste Augusto (2012) rappelle qu’en 1987, en 1990 puis en 2001, trois
publications du Ministère de l’éducation angolais prônent l’introduction de ces six
langues dans le système éducatif, en particulier pour la formation des adultes. À première
vue, le discours officiel écrit laisse à penser que le Gouvernement angolais a eu le souci
d’intégrer des langues nationales dans son système éducatif. Toutefois, Augusto
considère, grâce à une enquête de terrain réalisée auprès d’officiels, de professeurs et de
parents d’élèves concernés par cette introduction des langues nationales dans le système
éducatif, qu’il existe un écart net entre les textes officiels et la réalité. Sous l’influence de
l’Unesco et du Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD), le
gouvernement a affiché matériellement son investissement en créant l’INL et en
développant un discours politique adéquat. La création de l’INL coïncide en effet avec la
mise en place d’un long projet tripartite (1978-1992) signé entre le gouvernement
angolais, le PNUD et l’Unesco. Dans ce cadre, l’attribution de moyens financiers
externes vise à soutenir le développement d’une éducation bilingue à l’entrée au primaire.
En 1995, soit trois ans après la fin du projet, un article consacré à l’utilité des
langues nationales pour l’alphabétisation et l’éducation en Angola et publié par l’Unesco,
278
Partie 2 – chapitre 5
Sachant que l’enseignement bilingue demeure un simple projet et qu’il n’est pas
effectif en dehors de rares expérimentations non abouties, il n’est pas exagéré de
rattacher les politiques linguistiques angolaises en faveur des langues nationales à la
troisième catégorie posée par Calvet et Juillard (Ibid.). En conséquence, au plan national,
le chantier demeure quasiment entier. Au plan global, ce type d’expérience nationale
confirme que si l’État n’est pas investi dans un aménagement linguistique de terrain
(Daoust et Maurais, 1987), toute tentative supranationale n’a que peu de chance
d’aboutir. Contrairement à certains états francophones où des langues nationales sont
279
Partie 2 – chapitre 5
enseignées dans des dispositifs expérimentaux bilingues comme au Burkina Faso (moore,
fufulde, dioula), en Côte d’Ivoire (dioula), au Mali (bambara, songhoy, fulfulde,
tamasheq, etc.) ou encore au Sénégal (wolof, peul, sérère, joola, mandinka, soninke)
(Halaoui, 2005 : 189-190), aucun état lusophone d’Afrique n’a à ce jour mis ce type de
dispositif en place de manière pérenne. Dans la conclusion de son ouvrage consacrée aux
langues et systèmes éducatifs dans les États francophones d’Afrique subsaharienne,
Halaoui dresse le constat suivant :
La recherche linguistique est principalement fonction des moyens financiers qui lui sont attribués. Bien
qu’observable dans les institutions qui ont un budget de fonctionnement provenant de l’État, elle apparaît surtout dans le cadre
des projets qui sont financés par l’aide au développement. Elle est rarement à l’image de toute l’action sur la langue
programmée, elle répond soit aux besoins du chercheur, soit à ceux de l’action et, fait important, elle souffre cruellement d’un
manque de capitalisation, ce qui donne l’impression d’un éternel recommencement quand on recherche une connaissance
particulière acquise auparavant (Halaoui, 2005 : 280).
280
Partie 2 – chapitre 5
Dans cette partie, nous analysons plus précisément le discours tenu sur les
langues à trois niveaux : le national, le régional et le continental.
281
Partie 2 – chapitre 5
Cet officiel occupant un rôle de premier plan dans la question des langues
nationales affirme publiquement qu’elles nécessitent une politique linguistique et qu’elles
sont encore à décrire et non utilisées à l’école, comme si l’ensemble des actions
gouvernementales passées n’avaient pas eu lieu. L’avancée des travaux de l’INL décrite
par Diarra en 1995 semble donc obsolète : la réalité linguistique demeure méconnue, près
de quatre décennies plus tard.
Au plan régional, l’Angola est depuis 1992 l’un des quinze états membres de la
Communauté de développement de l’Afrique australe (SADC ; cf. annexe 15 : 32). Les
trois langues officielles de cette institution régionale sont l’anglais, le français et le
portugais. Toutefois, la consultation du site Internet officiel de la SADC (2016) montre
déjà que les contenus et l’ensemble des documents légaux ne sont disponibles qu’en
anglais. Les onglets pour les deux autres langues officielles ne sont pas actifs.
323 « a necessidade de se promover uma investigação e estudo profundo das línguas nacionais para que possam ser inseridas no
sistema de ensino do país » ; « se conheça a realidade linguística do país para que se elabore uma política linguística ».
282
Partie 2 – chapitre 5
Les langues de cet espace politique et économique régional font pourtant l’objet
d’un discours spécifique dans le Protocole sur la culture, l’information et le sport. Dans un
premier temps, le texte prend soin de définir son objet, la langue :
s’entend d’une langue autochtone ou indigène d’un État partie de la Région qui n’est pas la langue sociale d’un
groupe social de migrants ou de non natifs (SADC, 2001 : 4).
La culture est considérée comme une des aires spécifiques de coopération et elle
inclut la question linguistique. L’un des « objectifs culturels » est de « promouvoir
l’utilisation des langues autochtones, là où elles existent, afin de promouvoir l’identité
culturelle de la région » (SADC, 2001, article 11, g).
Les langues nationales ont bien un statut secondaire, tout comme dans une autre
mesure le français et le portugais, laissant la place dominante à l’anglais. Ce discours
politique à vocation régionale entretient seulement le consensus initié par l’Unesco en
1946 au sujet de l’usage des langues autochtones à l’école.
283
Partie 2 – chapitre 5
n’est pas équitablement accessible dans les trois autres langues principales de travail. La
conditionnalité exprimée – « si possible » – annonce bien la réalité et la prédominance de
l’anglais, devant l’arabe, le français et le portugais. Dans un processus
d’autoréférenciation commun aux institutions intergouvernementales ou internationales
(voir par exemple Pannier, 2015, au sujet de l’OIF), il est question cette fois des « langues
africaines », qui sont sujettes à cette conditionnalité et clairement positionnées comme
langues du deuxième choix. En se référant à la Charte de la renaissance culturelle, qui s’inscrit
explicitement dans la lignée des déclarations officielles de l’Unesco, l’utilisation des
langues africaines met les États signataires face au devoir de :
- s’attacher à élaborer et mettre en œuvre des politiques linguistiques nationales appropriées (UA, 2006, article
18 : 9).
- préparer et mettre en œuvre les réformes nécessaires pour l’introduction des langues africaines dans les cursus
d’éducation. À cette fin, chaque État devra élargir l’utilisation des langues africaines en tenant compte des
impératifs de la cohésion sociale, du progrès technologique et de l’intégration régionale et africaine (UA, 2000,
article 19 : 9).
Notre propos ne vise pas à remettre en cause la nécessité de telles politiques, qui,
bien que de manière encore trop limitée, ont participé et participent à l’amélioration
qualitative et quantitative des systèmes éducatifs des nations africaines postcoloniales.
Toutefois, comme pour les financements multilatéraux dont bénéficient des nations
considérées comme sous-développées ou en voie de développement telles que l’Angola
dont les effets sont encore trop largement discutables, l’impact des discours
institutionnels régionaux ou continentaux à l’échelle nationale demeure faible.
284
Partie 2 – chapitre 5
Ces deux courtes analyses menées au sujet des politiques linguistiques afférentes à
la nation angolaise mettent à profit la variation des échelles en mettant en regard des
discours produits à différents niveaux. Dans un premier temps, elles montrent que la
politique monolingue angolaise – « l’invitée du système colonial » tributaire des volontés
de l’élite (Augusto, 2012 : 109) – est maintenue depuis l’indépendance et réaffirmée en
2010 au niveau constitutionnel. Bien qu’elle soit en adéquation avec le profil linguistique
d’un nombre croissant de citoyens angolais (en particulier les habitants des grandes
villes), elle continue à laisser de côté la possibilité du bilinguisme additif pour l’entrée
dans les apprentissages et de reléguer les langues nationales à de simples mentions dans
les discours officiels.
285
Partie 2 – chapitre 5
5.5 Bilan
286
Partie 2 – chapitre 5
La possibilité d’un débat public sur les langues est également à envisager. Même si ce
travail demeure limité au niveau du corpus analysé, la mise à profit de notre expérience à
travers nos observations à l’oral et à l’écrit (notamment par le biais des réseaux sociaux)
tend à confirmer que plus de quatre décennies après l’indépendance, la perte des langues
nationales en milieu urbain constitue un enjeu fort pour une majorité d’Angolais. La
relation langue / culture s’élargit vers la notion de patrimoine et à l’identité. En reprenant
la réflexion d’Hobsbawm (2012 [1987] : 11 ; cf. Supra. : 54) au sujet de la « zone
crépusculaire entre l’histoire et la mémoire », il apparaît que la perte des langues
nationales au niveau de l’usage pour nombre de citoyens angolais ne constitue pas pour
autant une disparition au plan identitaire. Au contraire, la question de l’origine, du passé
familial et de groupe (voir ethnique ou « tribal ») rend la langue absente, objet de
patrimonialisation voire d’obligation implicite au maintien, à la survie, à la préservation.
Toutefois, sans mesure politique concrète en ce sens et sans enseignement en milieu
institutionnel, ce maintien paraît à terme voué à l’échec. Ce contraste permet de
réaffirmer tout l’enjeu de la réflexion « par le bas » qui demeure absente dans la société
angolaise contemporaine.
287
Partie 2 – chapitre 5
Nous espérons enfin que ce travail viendra en partie répondre à l’appel du directeur
de l’INL en 2014 (ANGOP, 2014) sur la nécessité de mieux connaître la situation
linguistique en Angola.
288
Partie 2 – chapitre 5
289
Partie 2 – chapitre 6
CHAPITRE 6
Ce chapitre a tout d’abord pour objet une analyse de notre contexte d’étude à
travers le prisme de la langue française en Angola. Le premier objectif est à la fois de
venir compléter le cadre sociolinguistique dressé au chapitre précédent et également
d’utiliser notre expérience au sein du système éducatif angolais pour en faire ressortir des
points saillants concernant l’enseignement / apprentissage d’une langue étrangère en
Angola. Ces éléments sont aussi nécessaires au travail d’analyse de corpus présenté au
chapitre 9 qui s’appuie sur un document officiel à destination de la formation des
enseignants de FLE en Angola. Toutefois, ce chapitre ayant une visée réflexive, la langue
française est aussi un prétexte pour passer du micro, la formation et l’enseignement /
apprentissage du FLE, au macro, c’est-à-dire au système et au contexte éducatif dans
lesquels elle s’insère. Le deuxième objectif de ce chapitre est de mettre au jour les
principaux enjeux que le gouvernement et la société d’Angola devront prendre en
considération dans la décennie à venir.
290
Partie 2 – chapitre 6
les opposants politiques (cf. chapitre 4 : 178-179). À cette époque, le français constitue
donc la langue étrangère privilégiée.
324 En 2010, le travail de synthèse de l’OIF sur la francophonie dans le monde annonce que près de 31
millions de Congolais sauraient lire et écrire en français, soit 46 % de la population (Wolff : 11).
291
Partie 2 – chapitre 6
À Luanda – et dans une moindre mesure dans certaines autres villes provinciales
– plus épargnée durant le conflit et donc lieu d’exode pour des populations originaires
de l’ensemble des zones affectées par la guerre, les locuteurs ayant appris le français dans
les deux Congo s’ajoutent aux nombreux cadres formés en français ou ayant appris le
français avant l’indépendance.
c) La troisième aire, le reste de l’Angola, est très peu francophone et le français y est
une langue étrangère.
292
Partie 2 – chapitre 6
Lors de notre séjour, nous avons eu l’occasion de découvrir une partie de l’Angola,
essentiellement urbaine et inscrite dans la partie ouest du pays (cf. annexe 5 : 9). Ainsi
nous ne pouvons pas nous référer à notre connaissance sensible du terrain en tant
qu’observatrice participante dès lors qu’il est question des provinces de l’Est et du Sud-
Est où l’adstrat principal est l’anglais.
Au niveau culturel, les trois Alliances françaises (AF) du pays assurent une
programmation dans les villes où elles sont implantées : l’AF de Luanda, fondée en
1960, l’AF de Lubango en 1995 et l'AF de Cabinda en 1999. Ces trois établissements
sont régis par le droit associatif angolais et sont légalement enregistrés auprès du
ministère angolais de la justice. Leurs statuts sont reconnus par l’Alliance française de
Paris. En sus de l’offre de cours de français habituelle, l’AF de Luanda est centre
d’examens en Angola pour le DELF, le DALF, le TCF et les examens de la CCIP et
propose également des cours de portugais langue étrangère. En fonction de la demande,
293
Partie 2 – chapitre 6
elle est également en mesure de proposer des cours de kimbundu pour répondre à
l’absence de dispositif local privé pour apprendre cette langue. Le discours officiel de la
France au sujet de la défense de la diversité linguistique se vérifie ici par une initiative
locale ouverte à une langue nationale.
Luanda compte un lycée français nommé « Alioune Blondin Beye » qui est un
établissement conventionné avec l’AEFE (Agence pour l’enseignement français à
l’étranger) et géré par une association de parents d’élèves. Il permet la scolarisation des
élèves sur l’ensemble des niveaux de la maternelle à la terminale. En 2013, 38 % des 833
élèves inscrits étaient de nationalité française. Cet établissement est considéré, aux côtés
du lycée portugais et de la Luanda International School, comme l’un des trois meilleurs
établissements d’enseignement primaire et secondaire en Angola.
Cette brève présentation générale montre que le français a une place singulière dans
cette nation lusophone. Pour une majorité des enfants et des citoyens, il est une langue
étrangère qu’il est possible d’apprendre au deuxième cycle du secondaire. Pour une
minorité dont la taille serait à mesurer, il est encore une langue seconde325. Enfin, pour
une partie très restreinte de la population active travaillant au sein ou avec des entreprises
francophones implantées en Angola, la langue française est celle de nombre d’échanges
professionnels, à l’oral et / ou à l’écrit. Sur le marché du travail, en particulier à Luanda,
la langue française constitue donc un capital culturel spécifique qui prend une forme
institutionnalisée (Détrez, 2005, Vigouroux, 2013). Par conséquent le développement de
l’enseignement du français sur objectifs spécifiques (FOS) est une nécessité. En 2012,
seules l’AF de Luanda (français des entreprises) et l’Université catholique d’Angola
(français du tourisme) proposaient ce type de cours, et, dans une moindre mesure au
regard du programme de formation réel, à l’UAN en traduction / interprétariat.
325Nous choisissons de dire « encore » puisqu’il est probable que parmi les conséquences du retour à la
paix en 2002, la diminution des flux migratoires entre l’Angola et la RDC a et aura pour résultat
d’amoindrir l’usage et la connaissance du français. Toutefois, l’instabilité politique et les différents conflits
armés en cours en RDC signifient qu’une masse significative de citoyens congolais sont obligés de migrer,
de passer des frontières et par conséquent peuvent s’installer à plus ou moins long terme en Angola.
294
Partie 2 – chapitre 6
326 Il existe cependant quelques initiatives locales d’enseignement précoce du français au primaire au sein
295
Partie 2 – chapitre 6
L’enseignement au Équivalence
secondaire angolais française
7ème 5ème
Premier cycle 8ème 4ème
9ème 3ème
10ème 2nde
Deuxième cycle 11ème 1ère
12ème Terminale
En tout, les élèves angolais apprennent donc une langue étrangère pendant six
ans, lorsqu’ils achèvent l’ensemble du cycle secondaire.
327 Rares sont les établissements – voire les enseignants d’une même école – à faire leur rentrée le même
296
Partie 2 – chapitre 6
De ces spécificités découle un autre constat évident : rares sont les élèves
dépassant le niveau A1 à la fin de leur scolarité au secondaire.
b. L’évaluation
328 Durant les deux années passées en Angola, nous n’avons jamais réussi à savoir qui était coordinateur
pour le français dans cinq des dix-huit provinces (à l’Est du pays) ce qui est un signe tangible d’un
problème de fond en terme de gestion éducative.
329 Sans pour autant que les élèves réussissent mieux à l’épreuve de français.
330 Stratégie intégrée pour l’amélioration du système éducatif, Cf. Bibliographie.
297
Partie 2 – chapitre 6
2002 331 ; MED, 2008 332 ) au niveau technique, celui de la réalisation quotidienne de
l’action éducative, les évaluations sont élaborées en fonction d’une démarche
pédagogique préconisée antérieurement et sont fortement dépendantes du bon vouloir et
des compétences professionnelles de cadres éducatifs trop isolés. La rupture voulue n’est
donc pas effective.
298
Partie 2 – chapitre 6
De notre point de vue, si cette progression est réelle (mais sans chiffre exact il est
difficile de se prononcer), elle est alors plutôt le signe d’un accroissement général des
effectifs au secondaire plutôt que d’une préférence pour la langue française, l’ensemble
des informateurs sur le terrain (professeurs et cadres) s’attachant à répéter que les
apprenants angolais préfèrent nettement l’anglais dont ils considèrent l’apprentissage plus
facile et plus utile au regard des besoins sur le marché du travail.
Les effectifs au sein d´une classe varient fortement, en fonction notamment des
quartiers, de la différence entre établissements d’une ville à l’autre et de la politique
générale des établissements au niveau des langues étrangères et du recrutement des
enseignants. Oscillant d´une vingtaine d´élèves dans les meilleurs cas à plus d´une
centaine dans les quartiers défavorisés de la capitale, les classes de français en Angola
comptent en moyenne plus de quarante-cinq élèves. S´ajoute à ce problème de sureffectif
299
Partie 2 – chapitre 6
300
Partie 2 – chapitre 6
Au plan international, nous ne pouvons que formuler le souhait que les grands
acteurs du domaine de la coopération éducative réussissent à mutualiser les expériences,
les réflexions et les actions.
Comme évoqué dans la partie finale du cadre historique au chapitre 4 (cf. Supra : 221
et sq.), la dernière réforme du système éducatif est mise en place en 2002, notamment
sous l’influence des politiques globales de l’Unesco. Les objectifs prioritaires de cette
réforme sont d’améliorer et d’adapter les programmes, le matériel pédagogique, la
301
Partie 2 – chapitre 6
formation du corps enseignants et les profils de sortie (BIEF, INFQ, 2007). Son
évaluation était initialement programmée pour 2012. Rappelons que dans la gestion de
l’éducation, la phase d’évaluation d’une réforme est cruciale et que, sans elle, la qualité de
l’ensemble de la pyramide éducative est mise en jeu.
302
Partie 2 – chapitre 6
6.3.1 L’INIDE
303
Partie 2 – chapitre 6
6.3.2 L’INFQ
D’un point de vue empirique, il existe une forte césure sur le terrain entre les
directives officielles formulées par l’INFQ et leur diffusion et leur application réelles. À
titre d’exemple, il n’y a ni harmonisation, ni suivi, ni évaluation des différents
programmes de formation continue mis en place soit par l’INFQ, soit par ses partenaires
(Unicef, Unesco, services de coopérations français, portugais, espagnol…). Cette
situation, qui dépasse largement les frontières du contexte local angolais, montre que la
mise en place d’un appareil éducatif efficace dans une nation postcoloniale faisant face à
d’importants enjeux de développement est une problématique qui est constamment
d’actualité.
304
Partie 2 – chapitre 6
Pour le français comme pour les autres disciplines, donc celles faisant partie de
l’enseignement de base comme le portugais et les mathématiques, l’importante défaillance
au niveau de ces deux instituts devrait être une des préoccupations prioritaires du
Gouvernement angolais.
Une première étape est la formation initiale de nouveaux cadres qui, dans les
nations considérées comme développées, s’effectue en premier lieu au sein du système
d’enseignement supérieur national. Or justement, le développement très récent de
l’enseignement supérieur angolais ne prête pas à répondre avec efficacité aux besoins
actuels. Le cas de l’enseignement / apprentissage du français dans l’enseignement
supérieur en Angola est ici encore un bon révélateur de différents enjeux.
305
Partie 2 – chapitre 6
les premiers Masters ont été créés dont un en didactique du FLE en collaboration avec
une université française. Pour le cas du FLE, ce Master est mis en place dans deux des
sept Instituts supérieurs des sciences de l’éducation (ISCED) répartis dans chaque
nouvelle région économique (cf. Supra. : 212 ; Infra : 317 et sq.).
306
Partie 2 – chapitre 6
- L’accès à l’enseignement supérieur d’un grand nombre d’étudiants hors du système éducatif ;
- Revoir la carte scolaire de l’enseignement supérieur afin de permettre sa décentralisation et éviter
son développement asymétrique sur le territoire national;
- Elaborer les programmes de formation susceptibles de répondre aux exigences des activités
économiques et du marché d’emploi ;
- Mettre fin à l’enseignement souvent livresque avec des faibles composantes pratiques et de
recherche ;
- Disposer des ressources financières nécessaires et variables pour permettre de résoudre les
besoins urgents de la formation des ressources humaines et enfin,
- Disposer d’un réseau des bourses d’études pour tous les étudiants afin de leur permettre d’étudier
sérieusement et sans difficultés financières au cours de leur cursus universitaire (Kavungo
Mayimona, 2009 : 129).
336En 2009, Kavungo Mayimona en liste douze : l’Université Catholique, l’Université Jean Piaget,
l’Université Lusiada, l’Université Indépendante de l’Angola, l’Université Technique de l’Angola,
l’Université Gregorio Semende, l’Université de Belas, l’Université Oscar Ribas, l’Université Méthodiste de
l’Angola, et, l’Institut Supérieur Privé d’Angola et l’Institut Supérieur des Sciences Sociales et des Relations
Internationales (Kavungo Mayimona, 2009 : 131).
307
Partie 2 – chapitre 6
337the movement of people (students, professors, scholars, researchers, experts and consultants), programmes (courses, academic
programmes and degrees), and providers (institutions, consortia and companies) across national borders.
338 Nous avons consulté la réédition publiée par l’UIS en 2012.
308
Partie 2 – chapitre 6
339 En 2012, le taux d’inscription à l’université est de 6% contre une moyenne mondiale de 30 à 40 %. La
proportion la plus élevée est celle d’Amérique du Nord et d’Europe de l’Ouest avec une moyenne de 72 %.
340 Notamment le Protocole sur l’éducation et la formation (SADC, 1997) et le Protocole sur la culture, l’information et
reste de l’Afrique subsaharienne. Half of all SADC mobile students stay within their own region, contrary to the student
flows elsewhere in Sub-Saharan Africa (Chien et Chiteng, 2012 : 9).
342 À titre plus symbolique que représentatif, le classement de Shanghai inclut, parmi les 500 universités
considérées les mieux classées au niveau académique mondial (selon ses critères, fortement discutés par
ailleurs), seulement quatre universités africaines. Elles sont toutes situées en Afrique du Sud : l’Université
du Cap, l’Université de Witwatersrand, l’Université Stellenbosh et l’Université du KwaZulu-Natal
(Academic Ranking of World Universities, 2014).
309
Partie 2 – chapitre 6
Trois nations du Sud constituent l’une des cinq destinations majeures des
étudiants angolais. Trois critères paraissent déterminants : celui de la langue (les deux
premières destinations sont deux nations lusophones), celui de la proximité géographique
(dans le cas de l’Afrique du Sud et du Brésil, deux pays de l’hémisphère Sud relativement
proches de l’Angola) et enfin celui reposant sur les relations historiques entretenues avec
d’autres nations durant la période coloniale (le Portugal et le Brésil) puis postcoloniale
(les USA et Cuba à partir de 1975 puis la France à partir de 1992). Ajoutons que la vitrine
universitaire américaine demeure la plus attractive (le classement de Shangaï ne faisant
que renforcer cette représentation transnationale). L’approche historique des questions
éducatives et linguistiques menée dans le chapitre 4 permet de mettre en avant
l’importance des choix politiques au moment des indépendances. Ici, rappelons
simplement que, dans l’immédiate postindépendance, l’Angola choisit la voie
communiste en demandant une aide à Cuba au niveau militaire et civil. Durant cette
310
Partie 2 – chapitre 6
période, l’unique université du pays, l’UAN fondée dans la dernière phase de la période
coloniale et héritière de la culture académique de la métropole lusophone, accueille un
grand nombre d’universitaires cubains (et dans une moindre mesure provenant d’autres
nations du bloc communiste). Ainsi, pendant plus d’une décennie, à la culture éducative
de l’élite universitaire africaine, majoritairement métisse, est venue s’ajouter celle de
Cuba. Ces liens tissés pendant près de 15 ans font donc encore effet aujourd’hui. D’un
autre côté, les USA ont constamment entretenu des rapports avec les autorités angolaises
en raison de leurs intérêts pétroliers. Après 1992 et le court retour à la paix, c’est au tour
de l’Unesco et des services de coopération343 et de leurs experts techniques d’entrer dans
les universités, d’appuyer la refonte des curricula et donc le choix des savoirs à enseigner
et de la méthodologie d’enseignement-apprentissage, de participer à la formation des
enseignants et des étudiants. Désormais, de nouvelles dynamiques transforment l’ancien
modèle hérité de la situation coloniale et se pose alors la question des effets à court,
moyen et long terme de la politique chinoise augmentant d’année en année le nombre de
bourses allouées à des étudiants africains.
311
Partie 2 – chapitre 6
une enquête permettant une analyse fine du profil des enseignants345 en raison de notre
statut professionnel, notre présentation ne vise pas à détailler les spécificités de ces
publics mais plutôt à en dépeindre à grands traits les principales caractéristiques.
312
Partie 2 – chapitre 6
d´une licence de pédagogie mais plus souvent de diplômes divers. Leur maîtrise du
français est en général nettement supérieure aux enseignants uniquement formés en
Angola (surtout à l´oral) dont la majorité a simplement terminé le cycle proposé dans
l’équivalent du lycée professionnel, l’EFP.
D’après nos observations sur le terrain, il ressort que tant du côté des acteurs
français de la coopération bilatérale que du côté des acteurs angolais de l’éducation, les
enseignants ayant le français pour langue seconde sont perçus comme un modèle de
langue et les enseignants ayant le français pour langue étrangère comme un modèle
d’apprentissage.
313
Partie 2 – chapitre 6
346 Escola de formação dos professores. Leur équivalence française serait donc des lycées professionnels dédiés à
la formation enseignante.
347 À titre comparatif et pour donner une image exacte de la situation, si nous transposions ce système à la
France, des adolescents de troisième entreraient dans ces écoles pour qu’à la fin du cycle de quatre années
ils puissent enseigner au premier cycle du secondaire (de la sixième à la quatrième) l’ensemble des
disciplines inscrites dans les programmes du collège.
Cycle de formation dans les EFP Equivalence française
10e 2nde
Deuxième cycle 11e 1ère
12 e Terminale
13e Bac +1
Figure 43 : Cycle de formation dans les écoles de formation des professeurs.
314
Partie 2 – chapitre 6
Sachant que les effectifs les plus importants pour l’enseignement / apprentissage
du FLE en Angola sont rassemblés au premier cycle du secondaire, la majorité des
enseignants de langue recrutés en Angola doivent enseigner à ce niveau et ont donc un
niveau de formation équivalent à la fin du secondaire. Pour le cas du français, le niveau
général est donc extrêmement faible, tant au plan des compétences linguistiques que
professionnelles.
315
Partie 2 – chapitre 6
Figure 38 : Effectifs dans les quatre EFP proposant le français comme spécialité
en 2011
Sur le terrain, les visites et les entretiens menés avec les responsables de trois EFP
(Luanda, Benguela et Lubango, 2011-2012) ont révélé que les conditions de formation
sont déplorables :
- pas ou peu de ressources à disposition
- pas ou peu d’équipement audio et vidéo
- pas de curriculum ni de parcours d’apprentissage homogène au plan national en
l’absence de diffusion du programme officiel publié par l’INIDE (2005). Les équipes
de formateurs s’attèlent en priorité à la formation linguistique de leurs apprenants qui
sont débutants en FLE à leur entrée dans les EFP.
- Pas de définition de profil d’entrée et de sortie.
- manque général de formation des formateurs au plan linguistique (niveau A2 à C1en
fonction des personnes recrutées) et didactique. Le diplôme requis pour les
formateurs, la licenciatura équivalent de la licence, s’obtient à l’issue de quatre ans
d’étude dans les ISCED (cf. Infra : 317 et sq.) mais il n’est pas garant d’une formation
didactique solide.
- nombre d’heures de formation réduit (absentéisme des enseignants, flottement des
calendriers institutionnels).
- Pas d’encadrement ni de suivi des stages professionnels en quatrième année. Nombre
de formateurs, bien conscients du problème, expliquent aussi que le stage se
transforme bien souvent en remplacement de l’enseignant que l’apprenant de
quatrième année est supposé observer ou seconder.
- Pas de modalités d’évaluation claires.
De manière générale, à leur sortie des EFP, les nouveaux enseignants du premier
cycle du secondaire, toutes disciplines confondues, maîtrisent peu les contenus et la
pédagogie de base et ont une culture éducative héritière de différentes conceptions de
l’enseignement / apprentissage. Pour le cas précis du FLE, l´absence de consensus au
sujet des profils de sortie et de système d´évaluation et de qualification nationales a par
exemple pour conséquence de voir des professeurs de français enseigner sans avoir
atteint le niveau A2, un constat qui est également valable dans de nombreuses situations
d’enseignement / apprentissage en Afrique subsaharienne francophone.
316
Partie 2 – chapitre 6
Les ISCED ont été rattachés aux nouvelles universités ou sont devenus
autonomes. L´enseignement du français et de la didactique du FLE y est plus structuré et
bénéficie de meilleurs investissements du fait d’un fonctionnement en partie sur budget
propre pour ces établissements (frais d’inscription des étudiants). La coopération
française a également contribué à fournir, depuis 1992, une aide conséquente pour la
constitution de centres de ressource à la hauteur du niveau de formation escompté.
Le français est enseigné au sein de six des sept ISCED du pays. Cependant seuls
ceux de Luanda, Benguela, Lubango et Uíge proposent le français comme spécialité pour
former les futurs enseignants du deuxième cycle du secondaire et, plus rarement, les
formateurs des EFP. À Cabinda et à Huambo, le français est une simple option proposée
aux étudiants. L’appui de la coopération française a permis de former la majeure partie
des doctorants qui enseignent aujourd’hui dans les ISCED. Le Master en didactique du
français langue étrangère et ingénierie de formation a été mis en place dans les ISCED de
Luanda et Lubango. La première promotion a soutenu en 2012. Établi dans le cadre d’un
317
Partie 2 – chapitre 6
348 Depuis la fin du projet de coopération (2012) dans le cadre duquel il a été mis en place, le financement
autonome du partenariat avec un établissement français est problématique. Par ailleurs, dans une nation où
la grande majorité de la population vit sous le seuil de pauvreté, une formation à 8000 USD (coût de
l’inscription annuelle en 2014) est nécessairement élitiste, alors même que les besoins sont importants.
318
Partie 2 – chapitre 6
349 La démarche pédagogique est fondée sur cinq phases : séquence de questions-réponses à partir des illustrations ;
audition – lecture du dialogue ou du texte ; mise au point de la compréhension ; répétition – dramatisation avec mise au point
phonétique ; exercices de fixation et de réemploi en situation (Boucher et Capelle, 1980a : 4-5)
350 Dans la préface à une réédition de 1989 de Contacts 1 destiné à l’enseignement du FLE dans un contexte
officielle du pays (en anglais pour l’exemplaire que nous avons consulté).
319
Partie 2 – chapitre 6
320
Partie 2 – chapitre 6
321
Partie 2 – chapitre 6
322
Partie 2 – chapitre 6
Lorsque les premières épreuves ont été diffusées auprès des cadres éducatifs
angolais et du service de coopération en 2009, l’ensemble des observateurs a constaté les
nombreux défauts de ce manuel, en particulier l’absence d’activité de compréhension
orale et de support audio dédié malgré l’affichage d’une approche communicative. Une
nouvelle action de coopération a été entamée à l’aide d’un financement français.
L’objectif était de constituer un livret complémentaire accompagné d´un CD. À ce jour,
malgré la réalisation du livret pour compléter le manuel de 7e année (première année
d’apprentissage du français en Angola) par une équipe franco-angolaise et
l’enregistrement des supports audio par des élèves du lycée français de Luanda, la
publication finale n’est toujours pas accomplie.
Toutefois, malgré l’apparente pertinence d’un tel projet, le fait que la très grande
majorité des classes ne soient pas équipées de matériel audio montre que les choix en
amont ont finalement été peu réfléchis et n’ont pas pris en compte une caractéristique
saillante du contexte à savoir la quasi impossibilité de diffuser des supports audio en
classe de FLE en Angola. Pour autant, il nous semble qu’à l’heure où la téléphonie
mobile est en plein essor en Afrique subsaharienne, il n’est pas impossible d’imaginer de
nouvelles solutions. Si les pistes audio sont diffusées, les enseignants, équipés de leur
téléphone et d’enceintes portatives, pourront enfin faire entendre un oral en français
différent de leur seule voix .
323
Partie 2 – chapitre 6
gratuitement n’ont pas pu être fournis à l’ensemble des enseignants de FLE du pays. À ce
niveau, c’est un problème administratif qui est en cause : certaines provinces restent à ce
jour isolées et hors d’atteinte des politiques et décisions prises dans la capitale, en
particulier les provinces de l’Est et du Sud de l’Angola. Ici, c’est plus spécifiquement le
manque de collaboration de certains coordinateurs provinciaux qui a nui à cette diffusion
et par conséquent la défaillance de décentralisation de la gestion éducative.
Cet exemple qui fait figure d’anecdote lorsqu’il s’agit de parler d’un système
éducatif national est toutefois emblématique d’enjeux locaux au niveau de la gestion
éducative mais également d’enjeux supranationaux dans l’aide au développement : tant
qu’il n’y aura pas de meilleure gestion et de renforcement des structures éducatives
officielles, les interventions internes et externes descendantes n’aboutiront pas ou peu.
- Pour des raisons tout autant historiques que géographiques, le français ne peut
pas seulement être considéré comme une langue étrangère en Angola. Il est une
langue seconde pour une partie des citoyens angolais dont le nombre appelle à
être évalué précisément.
- Au plan régional, le maintien du français au sein du système éducatif paraît
judicieux de par la situation géopolitique de l’Angola et son ambition de leader
politique et stratégique au sein de la Communauté de développement de l’Afrique
australe (SADC) dont l’une des trois langues officielles est le français.
- Au niveau de l’enseignement / apprentissage au secondaire, de nombreuses
difficultés empêchent que la langue française soit enseignée dans de bonnes
conditions. La question de la formation initiale des futurs enseignants est prise en
compte par le service de coopération français qui, depuis le début des années
1990, met en place des projets et d’importants financements. Les objectifs sont à
la fois d’assurer un système de formation continue en Angola et en France et
également de permettre à certains enseignants de poursuivre leur formation au
324
Partie 2 – chapitre 6
325
Partie 2 – chapitre 6
_____________________________________________________________________
Partie 3
Chapitre 7 – Analyse d’un corpus colonial
Chapitre 8 – Examen d’un corpus postcolonial au lendemain de l’indépendance
Chapitre 9 – Examen d’un corpus contemporain : du curriculum à la gestion
éducative
326
Partie 3
327
Partie 3 – chapitre 7
CHAPITRE 7
Jusqu’au début des années 1960, les rares ouvrages dédiés au public d’apprenants
angolais sont des catéchismes élaborés par des missionnaires. Pour l’espace francophone,
la première méthode originale d’apprentissage du français pour étrangers date par contre
de 1887 (Spaëth, 1998 : 47-53). Même si ce type de méthode n’est pas généralisé sur le
352 Toutefois, par rapport à la métropole française, l’entreprise coloniale portugaise œuvre différemment en
328
Partie 3 – chapitre 7
terrain et que celles utilisées en France dominent les cours de français à l’étranger, cette
élaboration dédiée à un public spécifique hors de France signale une prise en compte
beaucoup plus précoce des besoins particuliers de ce public. Dans la même lignée mais
en visant spécifiquement le public colonisé, la méthode expéditive, mise au point par le
général Faidherhe et utilisée au Soudan à la fin du 19e siècle, montre qu’une adaptation de
l’enseignement est proposée – même si la finalité est purement utilitariste.
Comme nous l’avons mis au jour dans le cadre historique (cf. Supra. : 210), cette
période, qui correspond à une explosion scolaire en Angola, est propice à l’émergence
des premiers livres de portugais langue seconde, véritablement destinés aux apprenants
non lusophones. Il est clair que la question de la transmission de la langue de la
353 A colecção de "Livros Escolares" engloba um conjunto de livros / manuais escolares destinados ao ensino das populações
nativas africanas - os primeiros em toda a história da colonização portuguesa.
354
A grande maioria foram elaborados por uma equipa de pedagogos, liderada por António Almeida Abrantes, à altura
Inspector Escolar da Direcção do Ensino em Angola, e ilustrados por um artista angolano.
329
Partie 3 – chapitre 7
métropole n’a donc pas été pensée de manière identique dans l’espace colonial portugais
et français. L’écart temporel entre les publications spécialisées francophones et
lusophones en est un révélateur. Enfin, il est significatif que de 1962 à 1974, la majorité
des publications soit destinée à l’enseignement / apprentissage de la lecture et de
l’écriture du portugais : les outils didactiques produits visent avant tout à être des moyens
d’alphabétiser en portugais des enfants angolais.
Les deux ouvrages publiés en 1962 sélectionnés pour ce travail constituent les deux
volumes du « livre du professeur » intitulé Didactique des leçons de la première année de
l’enseignement primaire rural : livre du professeur 355 (Direcção Provincial dos Serviços de
Instrução, DPSI, 1962, Vol. 1 et 2). Ils sont destinés aux moniteurs scolaires (cf. Supra. :
194) qui bénéficient à partir de 1962 de sessions de formation professionnelle de courte
durée. Le titre explicite une première orientation des politiques éducatives coloniales :
elles divisent le territoire entre milieu rural et milieu urbain, laissant à penser que tous les
enfants des villes sont lusophones. Elles impliquent dès lors une subdivision du système
éducatif fondée sur le critère du lieu d’habitation et par conséquent la double constitution
de programmes et manuels destinés aux deux types de publics destinataires.
Dans une visée comparative, trois décennies plus tôt, une méthode destinée à
« l’écolier du village » de l’Afrique de l’Ouest francophone paraît en 1931 : Mamadou et
Bineta. Véritable institution pour l’enseignement du français, cette méthode conçue par
Davesne est rééditée pendant près de 60 ans, l’indépendance ne constituant donc pas une
rupture pour son utilisation (Spaëth, 1996).
Outre le fait que les deux volumes constituant notre corpus d’analyse sont
fondateurs d’une approche dédiée aux écoliers non lusophones en Angola, ils permettent
d’avoir un aperçu de plusieurs aspects :
- l’expression de la finalité de ces productions qui est un révélateur de
l’idéologie coloniale ;
355 Didáctica das lições do 1º ano do ensino primário rural : livro do professor.
330
Partie 3 – chapitre 7
331
Partie 3 – chapitre 7
Les premières lignes de l’extrait présenté ci-dessous éclairent le lecteur sur ce qui
justifie l’élaboration de programmes adaptés au public d’apprenants non-européens
vivant en milieu rural ainsi que la fonction attribuée à la langue portugaise.
[por] Les programmes d’enseignement doivent, de manière nette, refléter la détermination de donner aux élèves les
connaissances suffisantes de la langue portugaise parlée et de les mener à acquérir les habitudes sociales nécessaires à la
fréquentation de l’enseignement commun avec les mêmes possibilités de succès que les enfants vivant à la manière européenne.
[…] Il est donc nécessaire d’adopter résolument une conception entièrement nouvelle, qui atteigne l’essence même de la
formation primaire de l’enfant africain, par le biais d’une école qui fasse de lui, depuis la base, ce que notre enseignement
356
informel, dans la famille, dans le milieu social, offre au commun des nos enfants, à l’âge préscolaire (DPSI, 1962, Vol. 1 :
III).
Par ailleurs, malgré l’affichage « lusotropical » (cf. Supra. : 176 et sq.) que veut se
donner le Portugal à cette époque, le discours montre bien que la distinction entre
Africains et Européens persiste, en clamant notamment une inégalité dès la naissance.
Dans le même esprit, l’auteur poursuit en disant que [por] l’enseignement destiné aux
populations les moins évoluées a toujours était marqué par deux intentions fondamentales : être concret et
actif357 (DPSI, 1962, Vol.1 : IV). L’évolutionnisme affiché est d’autant plus surprenant
qu’il est transcrit dans des lignes destinées à être lues par des professeurs « indigènes » en
milieu rural. Un enseignement / apprentissage « concret » consisterait à éviter les notions
356 Os programes do ensino têm de, pronunciadamente, refletir a determinação de dar aos alunos os conhecimentos suficientes
da língua portuguesa falada e de os levar a adquirir os hábitos sociais necessários à frequência do ensino comum com as
mesmas possibilidades de êxito das crianças de vivência de tipo europeu. […] Torna-se necessário adoptar resolutamente uma
concepção inteiramente nova, que atinja a própria essência da formação primária da criança africana, através de uma escola
que faça por ela desde a base, o que o nosso ensino não-formal, na família, no meio social, oferece ao comum das nossas
crianças, na idade pré-escolar.
357 [o] ensino dirigido às populações menos evoluídas da Província foi sempre marcado por duas intenções fundamentais : ser
concreto e ativo.
332
Partie 3 – chapitre 7
abstraites, réduisant par la même occasion les capacités cognitives de l’enfant angolais. Le
terme « actif » n’est pas une allusion à la méthodologie d’enseignement / apprentissage :
il sert à opposer la prétendue passivité du milieu familial africain à l’éveil que la classe
coloniale peut procurer à l’apprenant comme substitut à une véritable éducation
européenne.
Une des finalités explicites de l’apprentissage est utilitariste. L’école est le lieu de
formation de la main-d’œuvre nécessaire pour cultiver les terres fertiles de l’intérieur de la
province angolaise :
[por] l’école, à travers sa propre décoration et atmosphère, par le texte des leçons écrites, des collections de bêtes et de
plantes, du vocabulaire oral transmis par le professeur, etc., doit, en premier lieu, imprimer chez les enfants la réceptivité et
358
l’appétence pour les choses agricoles et la vie rurale (DPSI, 1962, Vol.1 : IV).
Il est également clair qu’outre les objets, plantes ou artefacts du quotidien en milieu
rural, le seul véritable support didactique est le livre de lecture360. Cependant, comme
nous le verrons dans l’analyse des contenus, l’alphabétisation n’est pas un objectif pour la
première année d’enseignement / apprentissage en milieu rural.
Ces extraits choisis d’un commentaire d’un cadre administratif sur les changements
de politique éducative après 1961 laissent transparaître la vision générale des buts de
l’investissement de l’État portugais en milieu rural dans la colonie angolaise et de la
358 A escola por meio da sua própria decoração e ambiente, através do texto das lições escritas, das coleções de bichos e de
plantas, do vocabulário oral transmitido pelo professor, etc., deve, antes, imprimir nos alunos receptividade e apetência pelas
coisas agrícolas e a vida rural (Direction provinciale des services d’instruction, 1962, Vol. 1 : V).
359 Como não se pode exigir muito dos mestres a quem estará normalmente confiado este ensino ; um sistema que compreenda
333
Partie 3 – chapitre 7
conception que se font les colonisateurs des habitants colonisés. L’éducation en milieu
rural a pour objectif premier de diffuser la langue coloniale « parlée ». En ce sens, ces
deux ouvrages peuvent être considérés comme des outils didactiques de l’enseignement
du portugais comme langue seconde. Ils se situent par contre en marge des
recommandations destinées à l’enseignement en Afrique produites par l’Unesco à cette
époque à l’issue de la Conférence des états africains sur le développement de l’éducation
en Afrique (Unesco, 1961). Le décalage causé par la réalité de l’indépendance ailleurs en
Afrique est à ce niveau significatif : alors que les nouveaux états indépendants
interagissent avec la Communauté internationale au plan institutionnel, l’Angola demeure
une colonie où l’éducation est soumise aux politiques et valeurs d’une métropole isolée.
Au plan méthodologique, alors que les méthodes audio-orales et structuro-globales se
développent à partir de 1950 dans les autres centres européo-américains, l’usage de la
méthode directe persiste chez les pédagogues portugais.
Il ajoute qu’elle implique le débat, des enjeux et « le centre de gravité que constitue
la classe » (Coste, Ibid. : 21). Pour la France, Develay (1997) estime à partir de
l’observation du champ institutionnel de l’émergence de la didactique qu’elle apparaît
véritablement dans les années 1970, plus précisément dans les instituts de formation.
Dans le cas du français langue étrangère, la première occurrence de l’expression
« didactique des langues » apparaît au début des années 1970, notamment sous
l’impulsion de Debyser, alors directeur du Bureau pour l’enseignement de la langue et de
la civilisation française à l’étranger (BELC).
334
Partie 3 – chapitre 7
Parmi les trois attitudes recensées par Develay à l’égard de cette approche des
disciplines, l’examen des ouvrages de 1962 destinés aux enseignants en milieu rural
montre que celle du « didacticien inspecteur qui recommande et même prescrit » prévaut.
Il s’agit de dire ce qu’il faut faire et ce qu’il ne faut pas faire. Nous parlerons dans ce cas d’une
didactique de l’injonction361 (Develay, 1997 : 63). Zau précise d’ailleurs à propos des courtes
formations destinées aux moniteurs scolaires destinataires de ces deux ouvrages que
« [por] l’apprentissage des aptitudes pédagogiques reposait sur le principe de l’imitation :
« fais comme je fais »362 (Zau, 2005 : 439).
Cette attitude prescriptive est très clairement affichée dès les premières pages du
volume : les pages 3 à 5 présentent le « Décalogue du bon moniteur »363 (DPSI, 1962,
Vol. 1 : 3 et cf. annexe 16 : 34) et font office d’introduction. Cet ensemble de dix
commandements constitue les instructions morales et religieuses que l’État portugais
soumet au professeur en milieu rural :
[por] Pour bien honorer la mission que l’État t’a confiée, tu dois sentir au plus profond de toi-même la foi, la volonté
et l’enthousiasme pour réaliser, dans ton école et sur la terre sur laquelle tu vis, ces principes qui feront de toi un véritable
homme (DPSI, 1962, Vol. 1 : 3).
Dans la partie suivante dédiée aux « considérations générales » (DPSI, 1962, Vol.1 :
7-26), la première section est consacrée au « comportement du professeur » (DPSI, Ibid. :
7-9). L’expression de l’obligation est constante avec l’utilisation de « devoir », « avoir à »,
« être nécessaire de »…
En nous arrêtant plus longuement sur le Décalogue du bon moniteur, plusieurs traits
spécifiques ressortent. La personne chargée d’enseigner est tutoyée, comme pour rendre
sa relation au prescripteur plus intime. La solennité quasiment religieuse des propos la
charge d’une responsabilité, d’une véritable « mission » – ce terme est d’ailleurs repris à
de nombreuses reprises dans la section « comportement du professeur ». L’ancrage de ces
commandements n’est pas pédagogique : le patriotisme et la foi religieuse sont mis en
avant, ce qui correspond aux orientations générales pour l’éducation durant la période
salazariste.
361 Develay considère que les deux autres attitudes en didactique sont celles de « l’élucidation » pratiquée
par les « didacticiens universitaires » et de « la suggestion » pratiquée par les « didacticiens formateurs ».
362 A aprendizagem das aptidões pedagógicas assentava no principio da imitação : “faz como eu faço”.
363 Decálogo do Bom Monitor.
335
Partie 3 – chapitre 7
juventude de Portugal.
336
Partie 3 – chapitre 7
Sachant que la formation initiale de ces enseignants est minimaliste – tout comme
leur maîtrise probable de la langue portugaise – ce type de propos fait plus office de
déclaration de bonnes intentions que de conseil avisé.
En écho aux déclarations du BGO n°445 (1962), il est rappelé à l’enseignant qu’il a
aussi la responsabilité de former la population environnante sur des sujets aussi variés
que la prévention des maladies, l’hygiène, les techniques agricoles ou encore l’amour de la
patrie. La liste des contenus et la partie spécifiquement dédiée aux jeunes écolières font
clairement écho aux propos que Spaëth tient au sujet de la méthode Mamadou et Bineta :
La culture qui y est présentée apparaît comme un modèle colonial qui doit fonctionner comme pôle de reconnaissance et
de modélisation pour l’élève. L’hygiène corporelle et sociale y tiennent une place prépondérante (Spaëth, 1996 : 237).
L’école de village, aussi bien en AOF avant 1960 qu’en Angola après 1960, est une
institution servant d’avant-poste dans l’intérieur des terres encore peu colonisé et elle est
tel un pivot dans les contacts de langues-cultures engendrés par l’accroissement des
activités économiques et agricoles coloniales. Les politiques coloniales salazaristes visent
par la scolarisation des enfants à faire adopter des habitudes, une langue, des coutumes et
à aboutir à une acculturation linguistique des populations rurales. Dans le BGO n°431
(1961), il est par ailleurs noté qu’outre les écoles, l’emploi des autochtones dans les
secteurs agricoles et industriels favorise également cet objectif de diffusion du portugais,
la preuve avancée étant les résultats d’une enquête qui montrerait que 81,3 % de ces
travailleurs parleraient portugais et 33,4 % d’entre eux sauraient lire et écrire.
369 A tarefa esta facilitada, porque as próprias lições são feitas, mas é preciso que o professor atente que nem por isso a sua
responsabilidade é menor, pois uma vez mais se repete, não interessa apenas “o que” se ensina mas “ o como” se ensina, e esse
“como” não pode estar totalmente no plano da lição, porque tem de estar na alma do próprio professor.
337
Partie 3 – chapitre 7
spécificités et les difficultés de cet enseignement / apprentissage pour un public non natif
ne sont pas prioritaires. La didactique de la langue est avant tout celle de la culture
métropolitaine et les objectifs de formation sont en priorité l’éducation morale et
religieuse. Les enjeux de la classe en milieu rural peu ou pas lusophone sont pour partie
ignorés.
Pourtant, à cette date, hors des centres urbains, seule une minorité alphabétisée ou
travaillant avec et / ou pour les colons est capable d’utiliser la langue dominante, ce qui
rend caduque cet idéal de pratique linguistique au sein des familles pour la majorité
d’entre elles.
Concernant la place à l’école de la langue portugaise par rapport aux langues dites
nationales, il y a une évolution subtile. En 1927, conformément à l’article 3 du décret 77
(cf. Supra. : 162 et sq.), les langues maternelles doivent seulement servir, en dernier
recours et avec pour seul objectif d’assurer la compréhension des apprenants, lors des
cours de catéchisme. Elles sont par contre officiellement interdites à l’école ce qui traduit
la visée assimilationniste de l’usage de la langue portugaise. En 1962, les effets des
révoltes en cours et de la politique d’expansion territoriale économique obligent le
pouvoir colonial à modifier son discours sur les langues nationales. L’acquisition du
portugais étant centrale, les « langues natives » ne sont plus systématiquement écartées du
milieu scolaire. À la première page du deuxième volume, une version abrégée des
370 Uma das grandes preocupações, durante todo o ano, tinha sido o ensinar a falar e a compreender a Língua Portuguesa.
Para que o aprendido durante o ano se não perdesse, todos os pais deviam obrigar os filhos a falar constantemente em
Português.
338
Partie 3 – chapitre 7
Dans les deux volumes, plusieurs explicitations affichent cette forme de tolérance
à l’égard de l’usage des « langues natives ». La langue maternelle des apprenants est
considérée comme un auxiliaire pour l’enseignement / apprentissage de la langue
portugaise mais surtout, dans la continuité de l’usage toléré pour les cours de catéchisme,
le professeur est invité en s’en servir pour transmettre des contenus religieux et moraux.
372
[por] Si les connaissances de notre Langue ne sont pas encore suffisantes, l’usage de la langue native est alors
préférable, puisque ce qui apparaît comme essentiel, en dispensant des leçons de morale et de doctrine chrétienne, est que
373
l’enfant sente, comprenne et vive les enseignements appropriés (DPSI, 1962, Vol. 2 : 2).
Dans les conditions générales du volume 1, une brève partie est consacrée à
l’utilisation de la langue portugaise dans l’enseignement. Il est précisé qu’à la fin de
chacune des cinquante-cinq unités d’enseignement, il y a une pensée ou un proverbe qui
doit être dit à voix haute au début et à la fin de chaque cours. [por] La pensée, ou le
proverbe, sera toujours dit en Langue Portugaise, bien que son explication, surtout au début, pourra être
faite en langue native374 (DPSI, 1962, Vol. 1 : 19).
371 O objectivo mais importante deste primeiro ano é a iniciação, tão correta quanto possível, no uso da Língua Portuguesa.
Assim, lembra-se que todas as palavras que nos textos das lições se apresentam mais carregadas devem ser obrigatoriamente
proferidas em Português ; se a o adiantamento dos alunos o permitir, o professor todavia, pode ir um pouco mais longe no seu
uso, dando e exigindo certas explicações na Língua nacional.
372 Nous soulignons ici l’usage de la majuscule.
373 Se os conhecimentos da nossa Língua ainda não forem suficientes, é então preferível o uso da língua nativa, pois o que
essencialmente se pretende, ao ministrar lições de moral e de doutrina crista, é que a criança sinta, compreenda e viva os
próprios ensinamentos.
374 O pensamento, ou o provérbio, será sempre dito em Língua Portuguesa, muito embora a sua explicação, sobretudo no
339
Partie 3 – chapitre 7
compte du fait qu’il soit un locuteur non natif de cette langue d’enseignement /
apprentissage :
[por] il sera opportun qu’il lise, parfois, des extraits ou des pages à voix haute, pour une autocorrection de sa
375
prononciation, qui doit être de moins en moins marquée par un accent et de plus en plus perceptible (DPSI, Ibid. : 8).
Comme l’expose le tableau des contenus (cf. Supra. figure 44 : 332), les deux
volumes de Didactique des leçons de la première année de l’enseignement primaire rural : livre du
professeur comptent cinquante-cinq unités376 d’enseignement. Il est clairement indiqué dans
la partie De l’enseignement des Conditions générales du premier volume (DPSI, 1962 : 22) que
la progression envisagée est linéaire. Le professeur doit se conformer à l’ordre des leçons
proposé et ne pas en entamer une nouvelle tant que la précédente n’est pas acquise par
les écoliers.
[por] Une unité sera exécutée en autant de jours que nécessaire pour que la classe apprenne parfaitement les leçons
respectives, certaines pouvant être répétées plus que d’autres. […] Ce qui importe est que le professeur ne commence jamais une
377
unité sans que les leçons de la précédente soient convenablement apprises (DPSI, Ibid. : 22).
375 Será proveitoso que leia, algumas vezes, trechos ou páginas em voz alta, para uma auto-correção da própria pronuncia, que
lições, podendo umas ser repetidas mais do que outras. […] O que importa é o que o professor nunca inicie um sumário sem
que as lições do anterior sejam convenientemente aprendidas.
340
Partie 3 – chapitre 7
janvier (DPSI, 1962, Vol. 1 : 23). Le sommaire de l’unité 18 (DPSI, Ibid. : 185) confirme
ce calendrier puisque ses seuls objectifs sont le chant de Noël et la construction d’une
crèche.
La consultation des premières leçons de langage montre que durant les sept
premières unités, l’objectif d’enseignement / apprentissage est de faire assimiler du
vocabulaire en lien avec l’environnement direct de l’élève : le milieu scolaire (professeur,
élève, cour, bureau, etc.), l’environnement quotidien (outils, fruits et légumes, nature) et
le corps humain (tête, bras, etc.). Une seule démarche de travail est prescrite : le
341
Partie 3 – chapitre 7
professeur montre et désigne en disant, les élèves répètent. À titre illustratif, la leçon de
langage de l’unité 11 (DPSI, 1962, Vol.1 : 118) est intitulée « [por] apprentissage des
noms de quatre ou cinq fruits existants dans la région et pouvant être montrés aux
élèves »379. Et des exemples de fruits sont ensuite précisés dans les instructions : « [por]
par exemple, une papaye, un ananas, une nèfle, une goyave, un avocat »380. La progression
est fondée sur l’utilisation concrète et « sensorielle » des nouveaux mots.
Les groupements d’images sont organisés en fonction de référents qui suivent une
organisation thématique (le corps, l’école, la maison, l’alimentation, l’hygiène, etc.). Le
379 Aprendizagem dos nomes de quatro ou cinco frutos existentes na região e que possam ser mostrados aos alunos.
380 Por exemplo um mamão, um ananás, uma nêspera, uma goiaba, um abacate.
342
Partie 3 – chapitre 7
principe directeur est donc celui d’un découpage du monde qui organise les objets du
savoir linguistique.
343
Partie 3 – chapitre 7
La leçon est articulée en cinq étapes qui sont invariablement répétées à chaque
leçon.
344
Partie 3 – chapitre 7
345
Partie 3 – chapitre 7
Un extrait significatif est la leçon 5 de l’unité 38 (DPSI, 1962, Vol.2 : 129-131). Elle
est intitulée [por] Activité physique : monter et descendre (Notions de langage : « monter » et
« descendre » dans quelques-unes de leurs formes)381. Il est précisé qu’elle doit être exécutée à l’air
libre. Malgré son nom, elle se limite, par le biais de reproduction de mouvements
simples, à une étude lexicale (deux verbes) et grammaticale (prépositions para et de, et
conjugaison des deux verbes au présent de l’indicatif).
Une telle activité, qui sollicite une répétition simultanée du geste / mouvement et
de la parole est tout à fait représentative des théories sur l’apprentissage de l’enfant
utilisée dans la méthode directe. Les capacités cognitives de l’apprenant sont peu
stimulées : il est réduit à répéter, reproduire, rarement à réfléchir et la manipulation des
structures langagières correspond à la norme pédagogique de l’époque.
381 Atividade física : Subir e Descer (Noções de linguagem : “subir” e “descer” em algumas das suas formas.
346
Partie 3 – chapitre 7
382
Traduction :
- Jean et Manuel descendent des chaises ; ils descendent des chaises.
Ou encore :
- Ils montent sur les chaises ; ils descendent des chaises.
8° - Les exercices de montée et descente pourront également être exécutés pour l’emploi des expressions tu montes
sur la chaise, tu descends de la chaise, vous montez sur les chaises et vous descendez des chaises.
347
Partie 3 – chapitre 7
7.5.2.2 La « contextualisation »
L’examen des deux ouvrages révèle que les concepteurs de l’époque prennent en
compte certaines caractéristiques du contexte d’enseignement / apprentissage du public
383
Traduction :
Donc, le professeur écrit le chiffre 0, en enseignant le mot correspondant (zéro).
Ensuite seulement les élèves l’écrivent dans leur cahier.
La disposition de l’exercice doit être la suivante :
348
Partie 3 – chapitre 7
Dans le détail du déroulement par étapes proposé pour chaque unité, le quotidien
des élèves entre en classe. L’un des principes des leçons est de tirer profit de
l’environnement immédiat des enfants vivant en milieu rural, ce qui correspond à l’un des
principaux objectifs de la méthode directe. À titre illustratif, l’étape 3 de l’unité 27 est
emblématique des conseils donnés au professeur. Pour expliquer la comparaison ([por]
« plus grand, plus petit et égal »386 (DPSI, Ibid. : 8 ), il est demandé de constituer deux tas
de millet de taille différente de façon à ce que les élèves puissent observer pour
comparer. Pour vérifier l’acquisition des nouveaux savoirs, les enfants « [por] iront
chercher des feuilles égales et des feuilles de taille différente, en répétant les exercices
jusqu’à une connaissance parfaite des deux notions » 387 (DPSI, Ibid. : 9) (égalité et
différence). Le manque de matériel pédagogique et le souci d’exemplifier de manière
concrète amènent donc les pédagogues coloniaux à inviter les enseignants en milieu rural
à utiliser leur environnement quotidien.
384 Independentemente dos sumários, o professor deve contar e fazer interpretar fábulas tradicionais, bem conhecidas do meio –
mas […] tenham uma finalidade educativa. […]Do mesmo modo, podem e devem ser usadas as danças, as brincadeiras e as
canções regionais.
385 Les principaux instruments angolais sont représentés sur une double page dans les conditions générales
noções.
349
Partie 3 – chapitre 7
Publié la même année, en 1962, que les deux volumes analysés dans ce chapitre,
Initiation à la lecture, 1er cahier (Gouvernement général de l’Angola, 1962) a pour public
destinataire les écoliers commençant l’apprentissage de la lecture. La consultation de ce
manuel confirme les caractéristiques de la transposition didactique constatée dans les
volumes destinés aux enseignants de première année du primaire, en particulier dans
l’usage des images (didactisation) et la prise en compte de l’environnement
(axiologisation).
Une approche globale de la lecture est utilisée : elle commence avec le lexique des
parties du corps et se poursuit avec le lexique du quotidien. Les illustrations sont des
dessins de personnages noirs représentés dans des situations de la vie quotidienne,
comme l’élève pieds-nus sur le chemin de l’école coloniale (Gouvernement général de
l’Angola, 1962 : 2).
350
Partie 3 – chapitre 7
351
Partie 3 – chapitre 7
Ces exemples, extraits d’un manuel destiné à l’écolier de 1962, montrent que tant
pour le public des « moniteurs » que pour celui des « écoliers », l’illustration est un miroir
du réel, un instantané de l’environnement des villageois angolais.
352
Partie 3 – chapitre 7
353
Partie 3 – chapitre 7
Comme le montre l’exemple de la leçon sur le pluriel (cf. Supra : 343 et sq.), les
concepteurs explicitent une relation de dépendance et descendante entre le livret
didactique, l’enseignant et l’apprenant. Ils prescrivent une véritable systématisation des
principes pédagogiques. Par son caractère linéaire et détaillé, le programme propose à
l’enseignant un cadre de travail fixe et réglé à l’image de la méthode d’enseignement
requise dans Mamadou et Bineta (1931) trente ans plus tôt pour l’enseignement du français
dans les colonies africaines.
388 Não pode considerar-se mais o centro da escola, à volta do qual tudo se movimenta. Esse centro passara a ser ocupado pela
354
Partie 3 – chapitre 7
En tant que locuteur natif d’une langue bantoue (ou, plus rarement, khoisane) et
qu’acteur dans la transmission du portugais, l’enseignant non natif doit faire figure
d’expert de la langue cible dans le cadre de la classe, voire à l’échelle du village compte
tenu du rôle social que lui attribue l’administration coloniale. La remarque concernant
l’élimination probable du « s » final (cf. Supra. : 345) souligne que la question de la
variation est suggérée par les concepteurs – notons néanmoins que cette remarque à un
caractère exceptionnel pour l’ensemble de notre corpus d’étude. Pour autant, ses
fondements ne sont pas explicités. Elle pourrait découler du simple vécu, de l’expérience
et de l’observation des concepteurs sensibles aux écarts vis-à-vis de la norme
métropolitaine en Angola – à Luanda probablement. En effet, à cette période, il ne
semble pas que des travaux linguistiques aient été effectués au sujet de la variation du
portugais dans les colonies portugaises, notamment au niveau de la prosodie. Par contre,
les travaux descriptifs de certaines langues bantoues sont disponibles, fruits des travaux
des missionnaires puis des ethnologues. Il est possible de se demander quelle peut être
l’influence de ces descriptions : la distance entre les familles de langues indoeuropéennes,
bantoues et khoisanes est connue à cette époque. Comme nous l’avons vu, le substantif
est durant cette première année d’apprentissage un élément central dans l’élaboration du
savoir dans la langue cible. Or, comme le montre par exemple Rebuschi dans une étude
sur les classes nominales et le genre dans les langues bantoues,
[c]onnaître un NOM, c’est être capable d’associer à un signifié deux noms concrets, l’un au singulier et l’autre au
pluriel avec leur schème d’accord (et vice versa), et donc savoir quel est le signifié de ce NOM, quelle est sa racine, quels sont
ses préfixes, et quels schèmes d’accord correspondent à ces deux formes qui le réalisent (i.e., celle du singulier et du pluriel), les
deux derniers points pouvant être condensés dans l’expression : quelles classes d’accords correspondent respectivement à son
389
singulier et à son pluriel (Rebuschi, 1999 : 188).
389 La littérature scientifique sur les langues bantoues est abondante. Elle pourrait donc être mise à
355
Partie 3 – chapitre 7
Il est par conséquent possible de formuler deux hypothèses. Sachant que l’équipe
de concepteurs sont des pédagogues travaillant pour la Direction de l’enseignement en
Angola, soit ils veulent inculquer une conscience normative auprès des enseignants et
utilisent simplement l’exemple d’un écart fréquent vis-à-vis de la norme (l’omission du
« s » pour les formes nominales plurielles) ; soit ils mettent à profit les études descriptives
sur les langues bantoues et suggèrent une probable difficulté pour les enseignants et leurs
élèves dont la conscience linguistique dans leur propre langue acquise oralement est
probablement limitée.
titre illustratif, l’étude de Ven de Velde et Van der Auwera (2010) sur le marqueur de l’allocutif pluriel dans
les langues bantoues montre que pour un acte de parole simple comme « saluer », l’écart est
particulièrement important si on compare le portugais et une langue bantoue.
356
Partie 3 – chapitre 7
À partir de 1960, le tournant éducatif dans les colonies portugaises se manifeste par
la mise en œuvre d’une véritable politique éducative et linguistique en donnant les
moyens financiers et humains à la Direction provinciale des services d’instruction en
Angola de produire un outil didactique pouvant répondre aux besoins d’un enseignant
peu formé. Les contenus laissent transparaître une conception utilitariste de la langue
portugaise et des finalités de scolarisation en adéquation avec l’idéologie coloniale.
L’investissement dédié à cet aménagement du système éducatif en Angola répond à la
logique des intérêts économiques, politiques et nationalistes.
357
Partie 3 – chapitre 7
L’utilisation d’une telle méthode durant près de quinze ans pose la question de son
héritage (voir de sa possible utilisation) pour la période postcoloniale. Dans les
conditions générales les auteurs justifient la démarche pédagogique choisie en expliquant
que :
[por] le professeur doit chercher à suivre les normes qui sont indiquées dans les leçons, puisqu’elles obéissent à des
orientations qui ont pour base la connaissance de l’enfant et pour objectif l’adaptation de l’apprentissage à ses nécessités et
390
possibilités (DPSI, 1962, Vol. 1 : 11-12).
390 O professor deve procurar seguir as normas que se indicam nas lições, porquanto e por objectivo a adaptação da
aprendizagem às suas necessidades e possibilidades.
391 L’art d’enseigner et d’étudier les langues. La méthode directe est recommandée à un niveau institutionnel dès
1890.
358
Partie 3 – chapitre 7
classe de langue portugaise (dont le statut de langue seconde n’est pas encore appréhendé
à cette époque) à la répétition, à la linéarité et à la passivité392 tout en privilégiant l’oral
durant la première année de scolarisation. L’enseignant est à la fois le modèle et le centre,
ce qui conduit Galisson (1980) à parler de méthode autocratique au sujet de ce type de
méthodologie.
Les concepteurs ancrent chez l’enseignant une conception limitée des capacités de
l’apprenant à s’approprier des savoirs autrement que par un simple mimétisme et une
reproduction – une image d’entonnoir acoustique pourrait être une métaphore de cette
vision de la transmission et de l’apprentissage. La place accordée au savoir religieux et
« moral » ainsi que la vision utilitariste de la langue montrent que les finalités de la
scolarisation en milieu rural sont de minimiser les savoirs et de les cantonner à un savoir-
parler en relation avec l’environnement et la vie dans les villages peu colonisés. Elles
répondent aux velléités dominatrices du pouvoir colonial. L’impact social et éducatif d’un
tel objet didactique a deux pendants. L’un, positif, est de contribuer à un effort de
développement de l’éducation en Angola à partir de 1961, quel que soit le but recherché.
L’autre, négatif, est que la culture éducative véhiculée, la faible envergure des objectifs et
la vision de l’enseignement / apprentissage, ont nécessairement des conséquences sur les
acteurs de la classe coloniale en milieu rural à cette époque. La transmission de
représentations figées des rôles d’enseignant et d’apprenant, d’une vision réduite de la
langue et du savoir et de valeurs éducatives limitées ne peuvent contribuer à la formation
d’une génération prête à prendre en main les enjeux socioéducatifs d’une société
postcoloniale.
392 Toutefois, les pédagogues de l’époque parlent de méthode « globale » et « active » en considérant que
359
Partie 3 – chapitre 8
CHAPITRE 8
Notre objectif de recherche, tout comme pour les deux volumes destinés aux
moniteurs en milieu rural et publiés en 1962 analysés au chapitre précédent, est de
comprendre, outre les finalités explicites et implicites de ces productions, les
conséquences éducatives et sociales de l’utilisation de cet ensemble pédagogique. Après
avoir analysé les contenus didactiques, nous examinerons quels sont la conception
générale et les moyens de l’enseignement / apprentissage de la lecture-écriture en
portugais, quelle est la portée sociale de ces ouvrages, quel type de discours postcolonial
ils permettent de mettre en exergue et quelle vision des langues-cultures en présence ils
véhiculent. En creux, il sera donc question de leur portée idéologique et de leurs
implications dans la constitution d’une culture éducative postcoloniale.
360
Partie 3 – chapitre 8
Dans le cas des anciennes colonies françaises, Goheneix (2008) considère que le
maintien de la langue française trouve une explication sociologique en lien avec le
bilinguisme des élites (elle convoque l’exemple de Senghor, Bourguiba et Diori) mais
également une explication économico-politique en relation avec l’engagement, dès la fin
de la Seconde Guerre mondiale, des leaders africains dans des « débats de nature
constitutionnelle » (Goheneix, 2008 : 6) et leur conscience de « la dépendance
économique de leurs jeunes États à l’égard de l’ancienne métropole » (Goheneix, Ibid. :
7).
Le maintien de la langue française dans les anciennes colonies ne résulte pas d’une volonté politique ex nihilo mais
bien de processus de long terme ancrés dans la sociologie des élites africaines et dans les impératifs politico-économiques de leurs
jeunes États (Ibid. : 8) […] Les anciens colonisés ont conservé la langue française après la décolonisation pour des raisons
diplomatiques, financières et sociales (Goheneix, Ibid. : 9).
393
Nous rappelons brièvement les principales causes de cette diversité. Les effets de la fin de la Seconde
Guerre mondiale puis de la guerre froide ont indéniablement contribué à la désagrégation des empires
coloniaux. Alors que l’Europe est dans un premier temps l’enjeu principal dans la construction des sphères
d’influence respectives de l’ex-URSS et des USA, les zones périphériques vont progressivement engendrer
de violentes compétitions. Par le biais d’alliés interposés auxquels les deux pôles apportent une assistante
plus ou moins grande, l’Asie du Sud-Est, le Moyen-Orient, l’Amérique du Sud et l’Afrique deviennent des
terrains de la Guerre froide, soit provisoirement, soit dans la longueur comme le montre l’étude de
N’Dimina-Mougala (2009) au sujet de trois nations d’Afrique centrale (République du Congo, République
Démocratique du Congo et Angola). La bipolarité du monde, qui se traduit par la coexistence de systèmes
idéologiques et économiques antinomiques, se répercute fortement sur le processus de décolonisation. Le
soutien aux élites, qu’il soit armé, logistique, financier, éducatif ou même de substitution, est la forme
d’interventionnisme la plus évidente. Les événements consécutifs à l’accession précoce de l’indépendance
par l’ex-Congo belge en sont un exemple clair. Le caractère réduit de l’élite noire congolaise a mené à
l’établissement d’une gestion conjointe et négociée des appareils d’État, l’armée étant par exemple
entièrement laissée aux mains du Royaume de Belgique. Cette situation, vécue comme une forme de
spoliation des droits nouvellement acquis, mène rapidement au conflit que l’on connaît et dont Patrice
Lumumba fut la figure emblématique. Le positionnement cubain entraîna les USA à intervenir pour
préserver leurs intérêts au Katanga (alors seule réserve mondiale de cobalt en dehors de la Russie) et à
soutenir l’accession au pouvoir de Joseph-Désiré Mobutu. Voir à ce propos et à celui plus large de
l’intervention cubaine en Afrique Castro (1976), Bissio (1979), Mestiti (1980), Peters (2012) ou encore
l’excellent documentaire vidéographique d’El Tahri (2007).
361
Partie 3 – chapitre 8
Le corpus didactique retenu est publié en 1980, soit cinq ans après l’indépendance.
Son analyse vise à mettre au jour les principales caractéristiques de ces changements qui
ont marqué un nouvelle génération d’enseignants et d’apprenants.
Les deux ouvrages ont pour spécificité d’être destinés à l’alphabétisation des
adultes. Les dirigeants angolais, pour la grande majorité issus de l’ancienne élite coloniale,
ont bien conscience du fait que le fort taux d’analphabétisme ne favorise pas le
développement du pays, d’autant plus qu’une majorité des cadres administratifs et
éducatifs avant 1975 étaient portugais et que le pays fait face à une pénurie générale de
personnel qualifié.
362
Partie 3 – chapitre 8
[eng] la pédagogie ne devrait pas être détournée pour renforcer des dogmes politiques, mais devrait émanciper les
étudiants et encourager leur prise de conscience, de manière à ce qu’ils puissent agir indépendamment et se libérer de
394
l’oppression (Hatzky, 2014 : 134).
Ces propos laissent à penser que Freire s’oppose à l’orientation doctrinaire donnée
à l’éducation par le gouvernement angolais postcolonial. Deux ans plus tard, en 1978, le
Ministère de l’éducation subdivise son système pour créer un parcours d’apprentissage
dédié aux adultes illettrés et fréquemment non lusophones. Le premier semestre de cette
formation est consacré à l’alphabétisation. Les deux supports sont publiés deux ans plus
tard, en 1980.
Publiés en 1980, les deux ouvrages qui constituent notre corpus d’analyse sont
destinés, pour l’un, au professeur en charge de l’alphabétisation (intitulé Le Guide de
l’alphabétiseur395, Ministère de l’éducation de la République populaire d’Angola, MERPA,
82 pages), et, pour l’autre, à l’apprenant adulte analphabète (le Manuel d’alphabétisation396,
MERPA, 1980, 80 pages). Ils forment un ensemble pédagogique puisqu’ils se
complètent : ils portent d’ailleurs le même sous-titre, La victoire est certaine.
394 Pedagogy should not be misused to enforce political dogmas, but should emancipate students and encourage a sense of
awareness among them, so that they would be able to act as independent agents and free themselves from oppression.
395 Guia do alfabetizador : a vitória é certa
396 Manual de alfabetização : a vitória é certa.
363
Partie 3 – chapitre 8
364
Partie 3 – chapitre 8
En considérant que le slogan officiel du MPLA est, durant l’ensemble des années
de luttes indépendantistes puis de guerres postcoloniales « [por] La lutte continue, la
victoire est certaine ! » 397 , ce sous-titre fait figure de symbole ostentatoire de la
365
Partie 3 – chapitre 8
production de ces ouvrages par le MPLA. Il nous a également permis d’établir un lien
avec les activités de ce parti durant la période coloniale.
Dès lors, il apparaît que l’une des préoccupations des cadres de ce parti
communiste durant la période de lutte anticoloniale est bien la formation et
l’alphabétisation des adultes colonisés qui doivent combattre. La langue du combat
contre le pouvoir colonial, celle qui est choisie comme moyen d’unification nationale, est
celle du colonisateur, le portugais.
Les 31 leçons de ce court manuel (77 pages) visent à faire acquérir la phonie-
graphie du portugais à partir de l’étude syllabique de sept slogans politiques –
communistes, révolutionnaires et anticolonialistes : « l’Angola est notre terre » (leçon 1),
« Le peuple est uni » (leçon 2), « Le peuple uni lutte » (leçons 3 à 6), « Le peuple dirigera
l’Angola (leçons 7 à 9), « Le colonialisme va perdre la guerre » (leçons 10 à 15), « Les
bombes ne font pas reculer les guérilleros » (leçons 16 à 20) et « Aujourd’hui le peuple
sait qu’il est nécessaire d’arriver à l’indépendance » (leçons 21 à 27). Ces slogans
reprennent en partie la méthode du pédagogue brésilien Paulo Freire qui utilise des mots-
clés de la révolution marxiste comme thèmes centraux de sa méthode d’apprentissage de
la lecture et de l’écriture : « peuple, unité, combat, victoire, défense et production »
(Hatzky, 2014 : 135). Ces mots auraient pour vocation de transcender les frontières et
ont par exemple été sollicités dans des manuels scolaires de nations postcoloniales sud-
américaines et africaines (Hatzky, Ibid. : 135).
366
Partie 3 – chapitre 8
400 O M.P.L.A e o Governo da República Popular de Angola têm-se proposto acabar com o analfabetismo que existe no
nosso País.
367
Partie 3 – chapitre 8
Une première remarque concerne la place accordée aux différents contenus. Les
pages consacrées à proprement parler à des conseils pédagogiques (3 – 21) ne constituent
que 22 % de l’ensemble de cet ouvrage alors que la section détaillant les thèmes des
leçons (22 – 80) en occupe 72,5 %. Ces thèmes développent la vision du MPLA et du
gouvernement sur le monde, le fonctionnement d’une société socialiste, le pays et ses
atouts, la situation politico-économique, les grands événements historiques et les
fondements et objectifs du parti au pouvoir. Autrement dit, ce support n’est pas
seulement didactique : il a clairement une visée politique et sert à diffuser l’idéologie du
parti unique auprès des futurs enseignants œuvrant dans la formation aux adultes. Ce
choix éditorial appelle à un examen plus approfondi.
En principe, la vocation d’un support tel que le Guide de l’alphabétiseur est d’exposer
de manière pratique la mise en œuvre d’un programme pédagogique en fonction
d’instructions officielles. Il est en général une forme simplifiée du curriculum de
formation retenu par les décideurs éducatifs et s’inscrit dans un processus descendant, ce
qui est le cas ici. En tenant compte du faible niveau de formation initiale et de maîtrise de
la langue portugaise des enseignants dans cette période consécutive à l’indépendance, il
paraîtrait a priori logique que les contenus soient majoritairement consacrés à des conseils
pédagogiques et à des éclairages linguistiques. L’observation de la structure générale
révèle au contraire un vide didactique. La pédagogie passe au second rang et laisse place à
l’enseignement doctrinaire qui devra ensuite être transmis dans les classes
d’alphabétisation.
401 Voir titres et détails des leçons présentés dans le tableau ci-après (Infra. : 368-369) et en annexe 18 (p.39)
368
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369
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370
Partie 3 – chapitre 8
Les manuels officiels, en tant que produits conçus dans le cadre d’une politique
éducative, s’inscrivent plus ou moins fortement dans la lignée de l’idéologie dominante.
Dans les sociétés démocratiques où le contrôle s’exerce de manière différente et où
coexistent de nombreux manuels, le lien entre idéologie et manuel est plus complexe. Par
contre, sous les régimes totalitaires et lorsqu’un seul manuel officiel est diffusé, cette
relation entre idéologie d’État et contenus est beaucoup plus forte. En fonction des
époques, des régimes et du niveau de pluralisme politique, les contenus des manuels
scolaires sont par conséquent plus ou moins fortement orientés. Ici, l’importance du
contexte postcolonial est saillante. Outre le fait que les concepteurs reprennent et
modifient un manuel révolutionnaire de 1968, ils actualisent les contenus, et donc les
slogans, en tenant compte du critère postcolonial. D’une part, la référence à la fin et aux
maux de l’impérialisme portugais est constante (« Les richesses de l’Angola appartiennent
au peuple angolais », leçon 29). D’autre part, la construction d’un état révolutionnaire
marxiste-léniniste, inscrit dans une vision politique binaire du monde, est au centre des
propos. Les leçons 12 et 13 sont, à ce titre, très emblématiques. Dans la leçon 12, le
slogan est « La Guinée-Bissau est l’amie de l’Angola ». Les explications du Guide de
l’alphabétiseur (MERPA, 1980a : 40-41) consistent à rappeler quelles sont les nations
amies, à savoir celles alignées sur l’URSS et en particulier Cuba. Au contraire, le thème du
slogan de la leçon 13 (« L’Amérique est un continent ») est prétexte à lister les nations
ennemies impérialistes, en premier lieu les États-Unis et le Portugal, mais également la
France ou encore la Belgique (MERPA, Ibid. : 42-44) – d’où l’importance de prendre en
compte également les dynamiques régionales.
371
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372
Partie 3 – chapitre 8
Ici les concepteurs s’effacent, seul le parti du MPLA est mis en avant. Même si les
utilisateurs ne vérifient pas qui a publié ces ouvrages, leur paternité est explicite, tout
comme celle des slogans : la photo du premier président, António Agostinho Neto,
fondateur du MPLA, fait office de quatrième de couverture, et l’occurrence de
l’acronyme MPLA est très fréquente, tant dans les textes expliquant les slogans dans le
guide que dans les slogans eux-mêmes. Certains de ces slogans ont été conçus avec les
procédés stylistiques communs tels que l’assonance dans Angola é a nossa terra (« l’Angola
est notre terre ») ou le rythme dans O povo unido luta (« Le peuple uni lutte »).
Ce recours aux slogans dans cette méthode postcoloniale ne constitue pas une
véritable rupture par rapport à la situation éducative coloniale. D’une part, leurs origines
sont contemporaines de l’explosion scolaire des années 1960 en Angola où dans le même
temps les mouvements de révoltes anticoloniaux s’intensifient. D’autre part, en
comparaison avec les guides pédagogiques destinés aux moniteurs de l’école coloniale en
milieu rural, il est clair que pour deux époques différentes, les deux idéologies ont en fait
bel et bien un objectif premier commun, l’alphabétisation, même si les finalités politiques
sont opposées. Les concepteurs portugais des années 1960 tout autant que ceux du
MPLA en 1968 puis 1980 ont recours au slogan comme moyen pédagogique qui vise la
répétition et la mémorisation. Malgré deux conceptions du monde et des finalités
d’endoctrinement idéologique divergents, le procédé est identique pour éduquer le
peuple : réduire à des axiomes l’idéologie du pouvoir politique. Dans les deux cas, un
processus descendant impose la manière de penser et de voir le monde, de l’État à
l’apprenant, en passant par le didacticien (concepteur) et l’enseignant. S’il est certain que
certains manuels officiels exposent et donc imposent, de manière plus ou moins explicite,
un cadre de pensée, il est toutefois indéniable que ces supports ne font pas l’économie de
l’implicite et peuvent donc être considérés, au-delà de leur finalité éducative, comme de
véritables outils de propagande.
373
Partie 3 – chapitre 8
Que ce soit pour les slogans du manuel ou dans les pages consacrées aux trente-
trois thèmes du guide, le discours emprunte constamment au vocabulaire de la
philosophie de Marx et d’Engels et le fond fait sans cesse écho aux valeurs communistes.
L’importance du travail est sollicitée à de nombreuses reprises (leçons / thèmes 18, 27 et
32 en particulier) pour montrer qu’il est à l’origine du développement de l’homme.
L’éducation doit être associée à un travail productif et cette productivité est le fondement
de l’éducation et le moyen de sortir de l’aliénation du prolétariat.
[por] C’est à travers le travail que l’homme transforme la nature, construit et transforme la société et se transforme
403 404
lui-même (Ibid.). [por] C’est le travail des hommes et femmes d’un pays qui transforme la nature pour faire produire
(MERPA, 1980a : 71).
[por] Dans la société angolaise traditionnelle, les connaissances sur la nature et la production, les connaissances sur
l’histoire passée, les lois, les coutumes, etc., tout est transmis de la bouche des plus anciens aux plus jeunes. Ceci est, par
405
conséquent, une forme d’école (MERPA, Ibid. : 52).
402 O trabalho, em condições de exploração, é usado para roubar o Povo e enriquecer alguns senhores.
403 É através do trabalho que o homem transforma a natureza, constrói e transforma a sociedade e se transforma a si próprio.
404 É o trabalho dos homens e mulheres de um país que transforma a natureza para fazer produzir.
405 Na sociedade angolana tradicional, os conhecimentos sobre a natureza e a produção, os conhecimentos sobre a história
passada, as leis, os costumes, etc., tudo vai sendo transmitido da boca dos mais velhos aos mais novos. Isso é, portanto, uma
forma de escola.
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Partie 3 – chapitre 8
[por] les hommes peuvent apprendre plus de choses, plus rapidement, par le biais d’écrits406 (MERPA,
Ibid. : 52). La révolution globale pour mettre fin aux classes et au prolétariat nécessite que
l’homme nouveau n’existe que pour la société. L’individualisme semble sous-entendu
dans la condition d’analphabète : [por] l’homme qui ne sait ni lire, ni écrire n’est pas ignorant,
mais ce qu’il connaît le mieux est le lieu où il vit407 (MERPA, Ibid. : 52). Le pays a besoin
d’individus pouvant œuvrer au changement de l’ensemble du territoire et de la société et
ce changement doit passer par l’acquisition de l’écrit en portugais.
406 Os homens podem aprender mais coisas, mais depressa, através da palavra escrita.
407 O homem que não sabe ler nem escrever não é ignorante, mas o que conhece é o sitio onde vive.
408 Os colonialistas portugueses nunca se interessaram em dar ao povo um mínimo de instrução. Pelo contrario, impediram-no.
375
Partie 3 – chapitre 8
plus privilégiés409 » (MERPA, Ibid. : 53). Les auteurs se réfèrent directement aux écrits de
Marx et Engels quant à l’éducation. Dans une société divisée en deux classes, l’élite, qui a
le savoir, dicte les normes et la masse brute doit les subir sans discussion. La gratuité de
la scolarisation, son accès généralisé, y compris pour les adultes, sont les conditions
nécessaires pour rétablir l’égalité mais également préparer des techniciens mieux formés
(MERPA, Ibid. : 54).
Par conséquent, cet ensemble pédagogique est en premier lieu conçu tel un outil de
la révolution visant à former « l’homme nouveau », à l’image des objectifs des politiques
éducatives cubaines après 1959 (Lutjens, 1996). Même si le manuel est destiné à la
formation des adultes, « [por] c’est aussi dans les enfants et les jeunes d’aujourd’hui que
poussera l’homme nouveau dont nous parlons410 » (MERPA, 1980a : 67). Pour ce faire,
l’ensemble de la jeunesse doit « [por] participer à la production tout en augmentant ses
connaissances afin que la science et la technique soient mises au service du peuple411 »
(MERPA, Ibid. : 67). La doctrine véhiculée dans ces supports investit les
« alphabétiseurs » de cette mission à vocation sociale :
[por] De la même façon qu’il est plus facile d’arracher un arbre de quelques mois qu’un arbre déjà ancien aux
412
racines bien profondes, il est plus facile d’arracher de la mentalité d’un jeune ses préconçus, ses vices et ses idées fausses
(MERPA, Ibid. : 57).
bem fundas, também é mais fácil um jovem arrancar da sua mentalidade os preconceitos, vícios, e ideias erradas.
376
Partie 3 – chapitre 8
interrogé : quels sont les principes de la leçon ? Quels savoirs les slogans permettent-ils
de transmettre ? Quelle méthodologie gouverne la transmission de langue portugaise
écrite ? Dans la mesure où à la date de publication, il est probable que la majorité du
public destinataire n’est pas ou peu lusophone : quels aménagements sont prévus pour
optimiser l’apprentissage du portugais en tant que langue seconde pour l’enseignant et
l’apprenant ?
Dans cette section, nous faisons porter la recherche sur le principe de la leçon et
sur la manière dont l’enseignement / apprentissage de la lecture et de l’écriture est
envisagée pour le public destinataire, des adultes analphabètes.
Chaque leçon occupe deux pages du manuel. Nous illustrerons notre propos avec
la leçon 8 (MERPA, 1980b : 23-24) qui est celle servant de modèle dans le guide. Nous
la reproduisons ci-après :
377
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Partie 3 – chapitre 8
379
Partie 3 – chapitre 8
Chaque leçon est organisée en sept phases qui occupent systématiquement deux
pages de la méthode destinée à l’apprenant.
b. Lecture par l’enseignant puis par les apprenants du mot clé, des syllabes et du son
isolé.
c. Lecture collective de la « famille syllabique » proposée dans la leçon.
d. Exercice 2 : lecture et explication, si nécessaire, des mots par l’enseignant puis par
les apprenants. Ensuite l’enseignant doit demander de trouver d’autres mots avec les sons
déjà connus.
e. Exercice 3 : Les apprenants doivent lire la phrase puis l’enseignant la fait relire à
haute voix en prenant soin de varier les lecteurs de manière à ce que tous les apprenants
participent au fur et à mesure des leçons.
f. Exercice 4 : Les apprenants doivent copier la suite de sons deux ou trois fois puis
la phrase « en imitant l’écriture qui apparaît dans le manuel » (MERPA, Ibid. : 13). En
dehors de ce travail de copie, aucune activité visant à développer les compétences
graphiques des apprenants adultes analphabètes n’est proposée.
g. Exercice 5 : Dictée de quelques mots donnés à lire dans l’exercice 3 et
éventuellement la phrase de l’exercice 4.
Le caractère répétitif de ces phases de la leçon et leur mise en œuvre pratique
simple ont deux bénéfices. Ce choix pédagogique sécurise l’enseignant, souvent peu
formé, dans sa pratique et sa conduite de classe. Pour l’apprenant adulte, jamais scolarisé,
la leçon est ritualisée et peut avoir un caractère rassurant.
413 Nous choisissons par commodité de traduire le terme alfabetizando signifiant littéralement « celui qui est
alphabétisé » ou « celui qui est en cours d’alphabétisation » par « apprenant ».
414 Uma conversa, apoiada no tema incluído no final do manual do alfabetizador, pedindo a participação de todos os
alfabetizandos, os quais, com a sua experiência de vida, enriquecerão a discussão. Pergunta ao grupo se conhece a significação
de “classes operária e camponesa” e explica ou dá os conceitos depois das respostas do grupo.
380
Partie 3 – chapitre 8
La progression est axée sur une organisation cognitive des savoirs en proposant un
parcours des phonies-graphies simples aux plus complexes de la langue portugaise. Les
exercices suivent un schéma classique du type présentation – exposition – mémorisation
– exploitation. Ce mode d’organisation permet de répondre à la nécessité du concept de
progression pour tout apprentissage. Les postulats théoriques sous-jacents reviennent
toutefois à créer un véritable paradoxe méthodologique dont la matérialisation est rendue
possible par le paradigme du postcolonial. Selon nous, trois courants pédagogiques sont
juxtaposés :
381
Partie 3 – chapitre 8
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Partie 3 – chapitre 8
Au niveau de la structure de la langue, la syntaxe est introduite par le seul biais des
phrases déclaratives (les slogans) ce qui ne permet pas aux apprenant de prendre
conscience des différents statuts et formes possibles. Une remarque est faite sur l’usage
des lettres majuscules lors du détail des phases de la leçon 8 dans la partie Comment
procéder : [por] [f]ais observer que Europe est un nom de continent et que pour cette raison il est écrit
avec une lettre majuscule, en profitant de l’occasion pour expliquer que tous les noms propres s’écrivent
avec une lettre majuscule418 (MERPA, Ibid. : 13). Ce commentaire suscite deux remarques.
Premièrement, il apparaît qu’en faisant l’économie du détail des phases de chaque leçon
au profit d’une longue section consacrée aux thèmes, le guide met de côté un grand
416 Cette occurrence du terme élève est la seule que nous avons relevée dans le manuel, les auteurs ayant
significado.
418 Faz a observação que Europa é o nome de um continente e por isso está escrito com letra maiúscula, aproveitando a
oportunidade para explicar que todos os nomes próprios se escrevem com letra maiúscula.
383
Partie 3 – chapitre 8
nombre de remarques d’ordre linguistique qui auraient pu être utiles à des locuteurs
n’ayant pas un niveau avancé en langue portugaise. Deuxièmement, la pertinence de
l’usage du métalangage (« nom propre ») dans cette explication est questionnable alors
même que la notion de nom n’a pas été introduite.
Concernant les deux textes finaux, le guide (MERPA, 1980a) spécifie simplement
que l’hymne national doit être appris, lu et chanté et le poème du premier président
angolais doit servir à exercer la mémoire et à être montré comme une manifestation
culturelle. Il y a donc globalement un désengagement des concepteurs vis-à-vis du travail
de compréhension écrite des textes : le caractère politique ou symbolique des textes
419 Aproveita essa oportunidade para explicar a diferença entre singular e plural, dando exemplos, mas não aprofundando
demasiadamente.
384
Partie 3 – chapitre 8
385
Partie 3 – chapitre 8
la diffusion de ces deux livres est nécessairement très limitée durant certaines phases de
la guerre, avec de fortes disparités géographiques.
D’après nos recherches, aucun travail scientifique de terrain n’a pris pour objet
l’utilisation de cet ensemble didactique pour en vérifier les effets au niveau des pratiques
enseignantes postérieures, des acquis réels des apprenants et de leur alphabétisation. Une
des raisons probables pour expliquer cette absence d’analyse est la poursuite de la guerre
jusqu’en 2002 et le maintien au pouvoir du MPLA. Toutefois, la question de la
coopération entre Cuba et l’Angola et du transfert de savoirs entre 1976 et 1991 a,
comme nous l’avons déjà mentionné (cf. chapitre 1 : 30), fait l’objet d’une recherche
postdoctorale très bien documentée par l’historienne allemande Hatzky (2012 ; 2014) qui
a pu à la fois tirer profit des archives accessibles à La Havane et à Luanda et de l’analyse
d’entretiens avec les anciens cadres impliqués dans ce vaste programme de coopération
Sud-Sud. Le constat général qu’elle dresse au sujet des campagnes d’alphabétisation
montre leurs effets mitigés au plan quantitatif :
[eng] La campagne d’alphabétisation continua jusqu’à fin 1997 et les difficultés auxquelles elle fit face sont
soulignées dans un rapport publié par le Ministère de l’éducation en 2005. D’après le rapport, un total de 2 417 094 enfants
d’âge scolaire et adultes avaient appris à lire et à écrire durant la période de vingt-et-un ans. Beaucoup plus de la moitié d’entre
eux étaient des femmes (1 336 514). L’étude montre aussi que le succès du projet d’alphabétisation variait considérablement
d’une région à l’autre. Comme à l’époque coloniale, les habitants des aires urbaines en bénéficièrent plus, en particulier dans
les villes de Luanda, Huambo et Benguela. Les différentes étapes de la campagne eurent également un résultat variable, ce qui
était largement conditionné aux développements politiques et militaires. D’après les données officielles, en 1982, six ans après
le début de la campagne, le nombre d’Angolais ayant acquis des compétences en alphabétisation était de 505 054. Ce nombre
correspond à un cinquième du nombre total de personnes alphabétisées recensées en 1997. Tant les statistiques officielles que
non officielles sur les résultats de la campagne montrent que, depuis le début des années 1980, la campagne a largement été
entravée par le conflit croissant en raison des lourdes agressions militaires, soutenues par l’UNITA et dirigées contre le
420
gouvernement du MPLA par l’Afrique du Sud (Hatzky, 2014 : 137-138).
420 The literacy campaign continued until the end of 1997, and the difficulty it faced are highlighted in a report published by
the Angolan Ministry of Education in 2005. According to the report, a total of 2,417,094 school-aged children and adults
had learned to read and write over the period of twenty-one years. Considerably more than half of them were women
(1,336,514). The study also shows that the success of the literacy project varied considerably from region to region. As in
colonial times, the inhabitants of urban areas profited most, particularly in the cities of Luanda, Huambo, and Benguela. The
different stages of the campaign also met with varying success, which was largely dependent on political and military
developments. According to official figures, by 1982, six years after the start of the campaign, the number of Angolans who
had acquired literacy skills was 505,045. This number represents one-fifth of the total number of people registered as literate
in 1997. Both official and unofficial statistics on the success of the campaign show that, from the beginning of the 1980s, the
campaign was extensively hampered by the escalating conflict due to heavy military aggression, supported by UNITA and
directed at the MPLA government, from South Africa.
386
Partie 3 – chapitre 8
421 Dans le cadre de notre fonction professionnelle en Angola, nous avons eu l’opportunité d’échanger sur
les aléas de l’éducation en temps de guerre avec plusieurs cadres de l’éducation. L’un d’eux nous a par
exemple retracé les stratégies mises en place avec l’aide de l’armée pour réussir à livrer des méthodes dans
l’intérieur, notamment à Huambo. Hors des grands centres urbains et des zones épargnées par la guerre, de
nombreuses classes s’organisaient en pleine campagne et en extérieur avec souvent le seul tableau noir
comme symbole du cadre spatial de la classe. La prise en compte du contexte d’exercice des alphabétiseurs
mène les auteurs à une reconnaissance des difficultés structurelles auxquelles les enseignants seront
confrontés : s’il y a un tableau dans le lieu d’alphabétisation, tu peux écrire les syllabes de manière isolées et demander aux
apprenants de les reconnaître421 (MERPA, 1980a : 12). Les autorités éducatives ne cherchent pas à transformer
la réalité ou à faire penser que la situation éducative a subitement changé avec l’arrivée du MPLA au
pouvoir. Les causes étant rejetées sur les colonisateurs, les difficultés sont explicitement assumées : il y a
encore beaucoup de difficultés parce qu’il manque des professeurs formés, des conditions matérielles, mais avec notre volonté
nous vaincrons421 (Ibid. : 54). Cette période de guerre et de misère sociale généralisée doit être prise en main
par l’ensemble des agents de l’État. On demande par exemple aux alphabétiseurs de prêter attention aux
éventuels problèmes d’ouïe et de vue de leurs apprenants adultes (Ibid., p.6). L’engagement collectif est
requis pour réussir à transformer le pays : en ce moment où nous nous trouvons dans une phase de reconstruction
nationale, chaque Angolais doit contribuer avec fermeté à cet effort de tout le peuple421 (Ibid. : 68). Les vertus des tâches
dédiées au collectif sont également encouragées, notamment pour les travaux agricoles (Ibid. : 69).
387
Partie 3 – chapitre 8
422 a vida da maioria dos trabalhadores angolanos era miserável, e eles procuravam esquecer com a bebida os seus problemas.
423 La question de l’alcoolisme durant la période coloniale, postcoloniale et contemporaine reste entière et
appelle à des recherches anthropologiques, ethnologiques ou sociologiques dans une approche soucieuse
de l’histoire.
424 O colonialismo manteve sempre o analfabetismo dos trabalhadores tentando manter o atraso da consciência política e o
obscurantismo.
425 Os colonialistas sabiam que quando uma pessoa bebe demais, […] ela perde a forca para resistir.
426 O nosso objectivo é conseguir que todo o povo trabalhador angolano tenha aquilo que é necessário para viver – alimentação,
roupa, casa, hospitais, médicos e medicamentos, escolas para todos, etc. e que sejam os trabalhadores a dirigir o País.
388
Partie 3 – chapitre 8
La rhétorique manichéenne utilisée pour faire état des défis et des difficultés de la
société postcoloniale mène à construire une représentation, à visée collective, de l’identité
de l’ennemi. La leçon 15, dont nous reproduisons la première page ci-dessous, en est une
illustration claire.
389
Partie 3 – chapitre 8
Figure 58 : première page de la leçon n°15, Le peuple angolais est vigilant contre ses
ennemis (MERPA, 1980b : 37).
L’idéologie développée dans les deux ouvrages vise à désigner les « ennemis » de
l’Angola et de son peuple, qu’ils soient passés ou présents. Le travail et la productivité
390
Partie 3 – chapitre 8
étant au centre du discours du MPLA, l’insistance est mise sur la spoliation des richesses
et l’exploitation par le travail durant l’époque coloniale : [por] très souvent les colons volaient
aux Angolais les terres et les autres richesses427 (MERPA, 1980a : 65) ; [por] il y a de nombreuses
années que la canne à sucre est extraite et naguère on utilisait le travail forcé. Plus tard les grandes
compagnies sucrières ont continué à maintenir les travailleurs dans la misère428 (MERPA, Ibid. : 69).
L’unité nationale, prônée bien avant l’indépendance par le MPLA comme moyen
d’effacer les divisions ethniques sur le territoire, est présentée comme l’élément-clé de la
victoire contre l’oppresseur.
[por] Parce que ces luttes étaient isolées, nous étions faibles et nous fûmes dominés. Ce fut la lutte de libération
nationale, pour tout le peuple et pas seulement pour une tribu ou une région, qui démontra bien au peuple que c’est seulement
avec l’unité qu’il put vaincre ses ennemis429 (MERPA, Ibid. : 24).
[por] Après le combat contre les Portugais, il fut nécessaire de lutter contre les ennemis internes du peuple angolais,
représentés par l’UPA, le FNLA, l’UNITA et le FLEC qui, aidés par les armées fascistes et racistes du Zaïre et
d’Afrique du Sud, voulaient une indépendance fantoche pour l’Angola430 (MERPA, Ibid. : 26).
427 Muitas vezes os colonos roubaram terras e outras riquezas aos angolanos.
428 Há muitos anos que se extrair açúcar de cana e antigamente usava-se para isso o trabalho escravo. Mais tarde as grandes
companhias açucareiras continuaram a manter os trabalhadores na miséria.
429
Porque essas lutas eram isoladas, éramos fracos e fomos dominados. Foi a luta de libertação nacional, para todo o povo
não só para uma tribo ou uma região, que mostrou bem ao povo que só com a unidade poderia vencer os seus inimigos.
430 Depois da luta contra os portugueses foi preciso lutar contra os inimigos internos do Povo angolano, representados pela
UPA / FNLA / UNITA e FLEC, que, ajudadas pelos exércitos fascistas e racistas do Zaire e da África do Sul,
pretendiam uma independência fantoche para Angola.
391
Partie 3 – chapitre 8
blocs de la Guerre froide sur le territoire national sont évoqués de manière à situer le
camp de l’Angola du MPLA dans le conflit. Cuba est présenté comme une nation sœur et
exemplaire qui participe à la reconstruction nationale alors qu’une longue diatribe est
faite contre les USA qui sont désignés comme « [por] la plus grande puissance
impérialiste du monde 431 » (MERPA, Ibid. : 43). Une autre réalité géopolitique est
évoquée mais en omettant une importante vérité : [por] notre pétrole est pratiquement
complètement aux mains des capitalistes nord-américains 432 (MERPA, Ibid.). L’ambiguïté du
MPLA à cette époque est de continuer à profiter de la manne pétrolière durant toute la
durée du conflit alors même que cette économie était profondément capitaliste et
l’obligeait à négocier avec les « ennemis » du communisme433. Ceux-ci sont pourtant
directement visés, accusés du vol du fruit du travail des Angolais et nommément
désignés : les Français, les Anglais, les Américains, les Belges et autres (MERPA, Ibid. :
72). Un climat délétère, et quasiment paranoïaque, est créé au fil des lignes de manière à
rendre le peuple collaboratif tout en appelant à la lutte armée : [por] ainsi notre peuple doit
être vigilant, doit apprendre à connaître les ennemis et les faux amis, pour les combattre434 (MERPA,
Ibid. : 46).
392
Partie 3 – chapitre 8
apprentissage en portugais, il est clair que la situation la plus fréquente dans ces
premières années consécutives à l’indépendance est celle pour laquelle la langue
portugaise a le statut de langue seconde. Même s’il est difficile d’apprécier le niveau de
langue portugaise visé à la sortie de la formation destinée aux adultes à partir de cet
ensemble pédagogique dédié à la simple alphabétisation, nous pouvons nous appuyer sur
le discours tenu au sujet de la langue portugaise. Dans la vision du MLPA, la nécessaire
révolution pour mettre fin à la domination coloniale et à l’impérialisme, vise également à
permettre à la classe prolétaire de se débarrasser des maux du passé et à devenir capable
de fonder une société sur de nouvelles bases. L’acquisition d’une langue commune pour
permettre cette révolution totale, c’est-à-dire sur l’ensemble du territoire comme
l’espagnol à Cuba, est cruciale. La langue portugaise affichée comme celle de l’unité
nationale est donc également un outil indispensable de la révolution, ce que confirme une
explicitation du guide.
[por] Pour un peuple qui ne sait ni lire ni écrire il est plus difficile de comprendre les causes de sa
misère et plus difficile de s’organiser, parce qu’il a des difficultés à communiquer435 (MERPA, 1980a :
3).
En prenant en considération le fait que cette méthode est destinée à des locuteurs
non natifs du portugais (tant les enseignants que les apprenants), la question des résultats
et des effets de cet enseignement /apprentissage de la langue portugaise est d’autant plus
complexe. Le portugais en tant que langue officielle place les citoyens angolais de 1980
dans une inégalité sociale forte. Un enseignement / apprentissage de qualité de la langue
officielle est synonyme de meilleures chances de réussites éducatives et donc sociales. Ici,
puisque la majorité des destinataires ne maîtrisent pas le code oral de la langue, l’enjeu est
d’autant plus important : ce sont les capacités du sujet à interagir socialement qui sont en
jeu. La langue seconde, en étant transmise à partir de trente-trois slogans politiques, tant
aux alphabétiseurs qu’aux adultes en apprentissage de l’alphabétisation, est réduite, ce qui
n’est pas sans rappeler les choix linguistiques pour l’école coloniale. Le lexique, la
grammaire, la culture et l’unique acte de parole436 travaillés montrent qu’au plan discursif,
la langue est limitée. La méthode privilégie plus l’endoctrinement que la véritable
communication : savoir répéter des slogans à l’école, au travail ou dans une célébration
collective ne fait pas d’un homme un sujet autonome à l’oral. Par ailleurs, les pratiques de
435 Para um povo que não sabe ler nem escrever é mais difícil compreender as causas da sua miséria e mais difícil organizar-se,
porque tem dificuldades para se comunicar.
436 La notion d’acte de parole est bien sûr anachronique dans ce contexte mais nous l’utilisons dans le
dessein de souligner le caractère limité et répétitif du slogan en tant que structure langagière.
393
Partie 3 – chapitre 8
classe privilégient la centration sur l’enseignant et donc des interactions dirigées et une
communication didactique (Coste, 1984). L’école comme lieu d’interactions sociales ne
permet de développer que des compétences communicatives et discursives limitées. Ici,
les pratiques pédagogiques persistent à travers le temps. En premier lieu, l’apprenant
apprend à obéir, exécuter et répéter. Que ce soit pour travailler pour les colons ou la
révolution, l’homme angolais doit être capable de produire en imitant le modèle imposé
par le pouvoir dominant et non de devenir un véritable acteur du monde où il vit. La
langue est plus celle de la survie que de la vie – d’autant plus qu’au quotidien ce sont les
langues nationales qui sont utilisées.
Sachant que le discours officiel défend le projet d’une introduction des langues
nationales à l’école, la place qu’elles occupent dans ces deux ouvrages est significative.
Dans la logique de leur finalité et de leurs fondements idéologiques, seule la langue
portugaise apparaît et est utilisée dans le manuel.
L’examen du guide montre en premier lieu que dès lors qu’il est question du
monde, de l’Angola et de sa société révolutionnaire, il y a un usage exclusif du portugais
normé alors même que la lusophonie du peuple est encore modeste à cette époque et que
la variation et notamment l’alternance codique sont fréquentes même pour les locuteurs
lusophones natifs. Nous avons relevé seulement quatre emprunts aux langues nationales.
Le premier apparaît dans le texte du thème intitulé « Le peuple angolais est vigilant
contre ses ennemis » (MERPA, 1980a : 46-47). La kazukuta est citée comme un ennemi
de la production aux côtés de la désorganisation, de l’indiscipline, de la paresse et de
l’alcoolisme. Mallet (1997) explique que la kazukuta est un rythme musical qui existe dans
différentes régions de l’intérieur de l’Angola. Elle est nommée et adaptée à la guitare par
Vieira Dias, musicien angolais emblématique dans les années 40 qui a œuvré à faire
fusionner différentes traditions musicales. La kazukuta est jusqu’à aujourd’hui une des
musiques les plus célèbres du carnaval de Luanda et durant l’époque coloniale, en tant
que rare pratique culturelle traditionnelle autorisée par le pouvoir portugais, elle
représentait une forme de résistance en caricaturant les colons par la danse. Cet élément
culturel fort, également symbole de résistance à l’oppression coloniale, est pourtant
banni par le MPLA dans la lignée des directions des révolutions marxistes en Afrique qui
visent à s’éloigner des pratiques culturelles rituelles et traditionnelles. La révolution étant
conçue comme historique, il est nécessaire de décontextualiser pour accéder à ses
fondements et transcender les cultures.
394
Partie 3 – chapitre 8
Les trois autres occurrences sont présentées sous formes de liste dans le thème
intitulée « Beaucoup de vin fait du mal » (MERPA, 1980a : 64-65). [por] En Angola, il y
avait déjà des boissons fermentées traditionnelles – kissangua, marufo, kimbonbo etc.437 (MERPA,
Ibid. : 64). La kissangua est le nom donné en umbundu à la boisson obtenue à partir de la
fermentation du maïs alors que kimbombo est son nom kimbundu. Le marufo est un vin de
palme produit dans la région des locuteurs de l’umbundu. Vu le contenu développé dans
cette section, ces éléments des cultures nationales ne sont évidemment pas valorisés –
aucun plat traditionnel n’est d’ailleurs évoqué alors que les conseils alimentaires
reviennent souvent mais toujours en fort lien avec les notions de travail et de
productivité.
Par ailleurs, lorsque le texte fait référence aux différences culturelles du peuple
angolais, les langues ne sont pas évoquées.
[por] Nous savons tous qu’en Angola il y a des populations qui ont des habitudes, des vêtements et des types
438
d’alimentation, de musique, etc. qui diffèrent entre eux. Toutefois le peuple angolais n’est qu’un de Cabinda à Cunene
(MERPA, Ibid. : 24).
437 Em Angola havia já varias bebidas fermentadas tradicionais – kissangua, marufo, kimbonbo etc.
438 Todos sabemos que em Angola há populações que têm hábitos, roupas e tipos de alimentação, música, etc. diferentes entre
si. No entanto o povo angolano é um só de Cabinda ao Cunene.
439 A maioria do povo do Huambo fala a língua Umbundu.
395
Partie 3 – chapitre 8
En ce sens, il est utile de tirer partie de la réflexion sur le fait postcolonial, celui
défini par Murphy (2011) comme champ de réflexion où des chercheurs de différentes
disciplines travaillent de concert pour comprendre cinq siècles de colonialisme européen
et redéfinir les liens entre centre métropolitain et périphérie (post)coloniale. La question
linguistique, souvent abordée par le biais des études des littératures anticoloniales et
postcoloniales mais qui doit tout autant intéresser les didacticiens des langues et des
cultures, fait ressortir les enjeux et tensions pour la société et la nation postcoloniales.
Malgré la volonté de rupture, le lien avec l’ancien centre colonial n’est pas rompu avec
l’indépendance.
8.9 Synthèse
l’action proprement politique est possible parce que les agents, qui font partie du monde social, ont une connaissance
(plus ou moins adéquate) de ce monde et que l’on peut agir sur le monde social en agissant sur leur connaissance de ce monde
(Bourdieu, 1982 : 149).
396
Partie 3 – chapitre 8
[a]ttribuer donc aux Africains la seule position de victimes ou d’objets passifs des processus historiques équivaudrait à
une vision inacceptable des faits et des hommes, car elle ne ferait que confirmer l’infériorisation qu’on leur a imposée. Hélas,
souvent la dénonciation de l’esclavage, du racisme et du colonialisme glisse sournoisement dans ce piège (Barbeitos, 1997 :
317).
397
Partie 3 – chapitre 8
En tant qu’objets didactiques, ces deux ouvrages montrent qu’en deçà de leur
finalité politique en tant que produit de et pour l’appareil idéologique scolaire,
l’alphabétisation des adultes a fait l’objet d’une réflexion sur une méthodologie
d’enseignement / apprentissage de l’urgence. Ce qualificatif nous paraît adapté dans la
mesure où loin de développer l’ensemble des procédés possibles pour travailler la langue
orale, la lecture et l’écriture, les concepteurs se sont concentrés sur la lecture syllabique,
un vocabulaire et une syntaxe restreints, une démarche de classe répétitive et un accès au
sens par le biais de l’oral, de la photographie et du slogan. L’économie des moyens, des
textes et des types d’activités ne permettent pas de stimuler l’ensemble des capacités
cognitives des apprenants adultes mais peuvent au moins répondre à l’objectif de donner
les bases minimales de la lecture et de l’écriture. La situation d’insécurité linguistique et
didactique dans laquelle se trouvent la majorité des enseignants à cette époque justifie en
partie cette méthodologie d’enseignement / apprentissage qui peut donc être considérée
comme une tentative de prise en compte de certaines données contextuelles. En
conséquence, les deux processus de la transposition didactique, didactisation et
axiologisation, sont clairement mis en œuvre et identifiables.
Toutefois, le constat général dressé par Hatzky (2012 ; 2014) révèle le faible impact
de ces méthodes comme moyen de la lutte contre l’illettrisme et l’analphabétisme mais
aussi de l’ensemble des réformes éducatives postcoloniales menées jusqu’en 1991 et le
départ des Cubains.
[eng] Malgré les énormes efforts fournis par Cuba, les importants problèmes éducatifs de l’Angola n’ont pu être
résolus durant les quinze ans de présence cubaine. La combinaison d’une situation postcoloniale spécifique et d’une guerre
externe et interne de longue durée empêcha le pays de traiter adéquatement les préoccupations sociales les plus importantes.
Avant tout, il ne fut pas possible de mettre fin efficacement à l’analphabétisme parce que le système scolaire ne fonctionnait pas
398
Partie 3 – chapitre 8
de manière cohérente. Une étude de l’Unesco de 2005 indique clairement que la situation empira de nouveau après 1991.
[…] Une des raisons pour lesquelles les écarts de littératie ne purent être supprimés était que le pays ne réussit pas à constituer
440
un corps enseignant solide en 15 ans de présence cubaine (Hatzky, 2012 : 155).
Enfin, cette étude montre les limites de la transposition didactique et des transferts
de savoirs transnationaux : si les caractéristiques contextuelles locales sont ignorées,
l’efficacité de l’intervention est mise à mal. Dans une approche comparative, les effets et
les résultats des politiques éducatives sont bien différents pour d’autres nations
postcoloniales ayant fait le choix d’une éducation conçue dans une idéologie
communiste, comme à Cuba, en Algérie ou au Vietnam par exemple. L’importance de
l’articulation entre le local et le global pose la question des moyens et des effets de la
transposition didactique en fonction des contextes. La principale difficulté dans ce
transfert méthodologique d’une nation vers une autre est bien celui de la langue de
scolarisation / d’alphabétisation : alors que l’espagnol est la langue maternelle de la
majorité des Cubains au moment de la révolution de 1959, le portugais est seulement la
langue de l’élite en 1975 en Angola.
[eng] Lorsqu’il s’est agi de la mise en œuvre pratique de la campagne d’alphabétisation cependant, il devient
rapidement évident que ni les schémas culturels, ni l’expérience de la campagne cubaine des années 1960 / 1961 ne pouvaient
facilement être transférés au contexte angolais. Ayant accédé à l’indépendance dès 1902, Cuba avait introduit un système
éducatif qui fournissait suffisamment de lettrés en 1959 pour réaliser une campagne d’alphabétisation fructueuse auprès de
l’ensemble de la population en seulement un an. Comme en Angola, la campagne cubaine visait également à renforcer l’unité
nationale et était basée sur la conception que l’unité signifiait l’homogénéité linguistique. Mais les conditions préalables à Cuba
étaient bien plus favorables à réaliser les objectifs de la campagne : durant la période coloniale, l’espagnol était déjà devenu la
441
lingua franca et la langue quotidienne principale de la population (Hatzky, 2014 : 136-137).
440 Despite Cuba’s enormous efforts, Angola’s huge problems in the field of education could not be solve in the 15 years of the
Cuban presence. The combination of the specific postcolonial situation and the long-lasting external and internal war prevented
the country from dealing adequately with its most important social concerns. Above all, illiteracy could not be effectively brought
to an end, because the school system did not work consistently. A Unesco study in 2005 makes it clear that the situation got
worse again after 1991. […] One reason why the gaps in literacy could not be removed was that the country did not manage
to build steady Angolan teaching staff in 15 years of Cuban presence.
441 When it came to the practical implementation of the literacy campaign, however, it soon became evident that neither the
cultural patterns nor the experience of the 1960/61 Cuban campaign could easily be transferred to the Angolan context.
Having already attained independence in 1902, Cuba had introduced an education system that provided enough literate people
in 1959 to realize a successful literacy campaign among the entire population within just one year. As in Angola, the Cuban
campaign also aimed to strengthen national unity and was based on the conception that unity meant linguistic homogeneity.
But the preconditions in Cuba were much more conducive to realizing the campaign’s goal: during the colonial period, Spanish
had already become the lingua franca and the main day-to-day language of the population.
399
Partie 3 – chapitre 9
CHAPITRE 9
Dans cette recherche portant sur la question linguistique en Angola, proposer une
approche fine d’un corpus figé produit pour former les enseignants de FLE dans cette
nation lusophone au cours de la Réforme éducative la plus récente présente différents
intérêts pour la recherche en didactique des langues et des cultures.
400
Partie 3 – chapitre 9
442 Un autre travail de synthèse d’importance est celui coordonné par Coste et Lehman en 1995 dans la
revue Études de linguistique appliquée. Précisons que la majorité des travaux portent sur les curricula de langue
et non sur ceux dédiés à la formation à l’enseignement des langues.
401
Partie 3 – chapitre 9
d’apprentissage et d’enseignement (entre autres les moyens d’enseignement et les nouvelles technologies) l’évaluation ainsi que le
profil des enseignants443 (Braslavsky, 2003 : 1).
Il n’est dès lors pas surprenant qu’un grand nombre d’interventions dans les
systèmes éducatifs, en Afrique et ailleurs, prennent pour point focal le curriculum comme
moyen d’agir sur les conditions d’enseignement / apprentissage. Pour le didacticien des
langues et des cultures s’intéressant à la question linguistique dans un contexte national,
l’examen de programmes de langues, qu’ils soient destinés à la formation des enseignants
ou des apprenants, constitue par exemple un important moyen de mesurer l’adéquation
du système en place par rapport aux réalités contextuelles et, par conséquent, de pouvoir
formuler des recommandations si besoin est.
443
[…] the curriculum defines the educational foundations and contents, their sequencing in relation to the amount of time
available for the learning experiences, the characteristics of the teaching institutions, the characteristics of the learning
experiences, in particular from the point of view of methods to be used, the resources for learning and teaching (e.g. textbooks
and new technologies), evaluation and teachers’ profiles.
444 Pour les nations où la démocratie participative est en œuvre, les politiques éducatives peuvent également
402
Partie 3 – chapitre 9
- Les thèmes et sujets des leçons retenus par les enseignants (formateurs) qui
correspondent à la réalisation de l’action éducative.
- Les résultats de l’action éducative, souvent mesurés par le biais des résultats
scolaires des apprenants comme les notes, les évaluations, examens…
Un autre aspect doit être un objet d’attention lors de l’analyse d’un curriculum et, a
fortiori, d’un programme : les orientations d’un système éducatif sont d’une part
dépendantes de l’idéologie dominante au plan national et d’autre part de la position de
l’État-nation qui le produit dans un monde aujourd’hui globalisé. Ainsi, les politiques des
langues du Conseil de l’Europe ont bien un effet au niveau des orientations prises dans
l’enseignement / apprentissage des langues étrangères dans les systèmes éducatifs des
nations membres de l’UE. En se tournant vers les pays en voie de développement dont
l’Angola fait partie, le caractère multicentrique de l’aide externe ajoute à la complexité de
l’analyse. Dans le cas du continent africain, les élites dirigeantes s’approprient les discours
des différents oganismes internationaux pour être les bénéficiaires de l’aide au
développement. Dans le cas de l’éducation (mais aussi de l’ensemble des secteurs, y
445 Les moyens de l’autoévaluation sont nombreux mais plus ou moins coûteux : entretien d’auto-
403
Partie 3 – chapitre 9
Ces propos soulignent tout l’enjeu de la situation postcoloniale des systèmes éducatifs
en Afrique. Ils doivent d’une part savoir composer avec l’héritage de l’administration
scolaire coloniale. D’autre part, l’aide au développement en matière d’éducation a
notamment pour conséquence une forte influence exogène dans la transposition
didactique au niveau de la mise en place des curricula depuis la date symbolique de 1960
dans les nations du Sud, cet espace mondial qui « [eng] est souvent considéré comme un
synonyme pratique pour qualifier l’ensemble des pays en voie de développement, ce qui
implique seulement une relation limitée à leur localisation géographique447 » (Bakewell,
2009 : 2).
Enfin, l’approche curriculaire ne peut être qualitative que lorsqu’elle fait l’objet d’une
évaluation à chaque étape de son élaboration (Lewy, 1977).
446 Special consideration has been given to the needs of developing countries, where curriculum development faces the
particularly difficult and important task of revising what has in many cases been an alien or ill-suited content of education into
a new curriculum that is more responsive to the needs, traditions, and aspirations of the country.
447
the South is often taken to be a convenient synonym for the set of developing countries, which bears only limited relationship
to their geographical locations.
404
Partie 3 – chapitre 9
Le cadre historique permet d’affirmer qu’en Angola, comme dans la majorité des
nations d’Afrique subsaharienne, la mise en place du système éducatif postcolonial
s’appuie en premier lieu sur l’héritage colonial, renforcé par le maintien de la langue
portugaise comme médium officiel de scolarisation. Pour autant, nous avons également
montré que l’orientation politique marxiste-léniniste du gouvernement à l’indépendance
et le soutien cubain dans le domaine éducatif ont contribué à de nouveaux transferts.
Dans le chapitre précédent, nous avons ainsi mis en exergue le fait que l’influence
cubaine et communiste se manifeste plus particulièrement au niveau méthodologique et
thématique. Par ailleurs, dans le cas précis du FLE en Angola, terrain de la politique
extérieure française depuis plus de deux décennies comme explicité au chapitre 6 (cf.
Supra. : 324), le curriculum (et ses finalités) représente un objet potentiel d’intervention et
d’influence, implicite ou explicite. Une deuxième question est donc de savoir si la
conception de la formation didactique à la française laisse elle aussi des traces
significatives dans un objet didactique produit dans le cadre de la dernière réforme
éducative. Autrement dit, il convient de mesurer si un discours d’appropriation est opéré
par les cadres éducatifs experts en FLE.
De par son nom, le support que nous allons examiner, Programme de français (10e, 11e,
12e et 13e classes), méthodologie de l’enseignement (11e et 12e classes) et pratiques, séminaires et stage
pédagogique de français (11e, 12e et 13e classes)448 (INIDE, 2005) indique qu’il a vocation à être
448Programa de francês (10a, 11a, 12a e 13a classes), metodologia do ensino (11a e 12a classes) e praticas, seminários e estagio
pedagógico de francês (11a, 12a e 13a classes).
405
Partie 3 – chapitre 9
l’outil central de la formation initiale dans les EFP et qu’il constitue donc le niveau-clé du
curriculum de formation.
Ce programme n’a pas fait l’objet d’un soin particulier au plan éditorial : sa forme
diffusée et matérielle est constituée de photocopies en noir et blanc d’un texte élaboré à
l’aide d’un logiciel classique de bureautique. Les feuillets sont agrafés en deux tomes. Le
nombre de page est révélateur d’un premier aspect : comment, en seulement 157 pages,
proposer un contenu exhaustif pour couvrir quatre années de formation professionnelle
pour un enseignant de langue étrangère ?
449 L’objectif de ce document, commandité par l’INFQ, financé par l’Unicef et réalisé en collaboration avec
le Bureau d’ingénierie en éducation et en formation (BIEF), est d’aider à structurer et harmoniser les
dispositifs de formation existants. Il pointe notamment la faible efficacité du système actuel.
406
Partie 3 – chapitre 9
La mise en regard des contenus avec le nombre de pages qui leur sont consacrées
apparaît dans le tableau suivant :
Le premier constat est que la composition générale de ce programme est loin des
éléments idéaux posés par D’Hainaut (1990). L’énoncé des intentions de formation, la
définition du public cible, l’organisation des apprentissages, les méthodes (activités,
matériels didactiques) et l’évaluation sont cantonnées à 6 pages. La primauté est donnée à
la présentation des contenus de formation : la majeure partie du programme est dédiée
aux contenus « programmatiques » qui prennent la forme de listes ou de tableaux. Enfin,
près de 70 % du détail de ces contenus sont consacrés aux « instruments linguistiques ».
En conséquence, l’observation générale de la composition de ce programme permet déjà
de pointer le vide didactique et méthodologique. Le processus de formation des futurs
enseignants, dans sa forme prescrite, consiste en l’acquisition de la langue cible, le
français. D’après la terminologie choisie (« instruments linguistique »), la langue est donc
un outil central dont les futurs enseignants doivent être munis.
407
Partie 3 – chapitre 9
des EFP, devrait pourtant permettre que l’ensemble des contenus apparaisse en français.
Ce choix d’une rédaction bilingue n’est donc pas pertinent et interroge plutôt sur le
compartimentage au moment de l’élaboration du programme : n’est-il pas le fruit d’une
écriture à plusieurs mains non coordonnées, chaque expert ou groupe d’experts étant en
charge d’une partie du programme ?
450 Este programa [tem] o fim de propor ao professor de Francês do Instituto uma visão global das competências que o aluno
tem que adquirir no decorrer da sua formação. […] A disciplina de Francês, enquanto língua enquadra-se no currículo do
ensino geral por:
- Contribuir para a formação da personalidade do aluno, na medida em que permite o desenvolvimento da
capacidade de análise do espírito critico, de reflexão e de criatividade.
- Contribuir, através da fixação e da análise dos sistemas linguísticos, para um melhor conceptualização das ideais
que se comunicam por intermédio da língua.
- Contribuir para a formação geral do aluno, graças ao conhecimento de outras culturas que permitem melhor
compreender o mundo que rodeia, desenvolvendo assim o seu espírito de abertura.
408
Partie 3 – chapitre 9
De notre point de vue, cet état de fait résulte directement des effets de la
circulation des savoirs du Nord vers le Sud. Les effectifs de formateurs dans les ISCED
(24 en 2012, cf. Supra. : 318) et de cadres spécialisés en FLE au sein du Ministère de
l’éducation étant extrêmement restreints à l’échelle nationale, la majorité des experts
nationaux en didactique du FLE ont bénéficié, depuis 1992, de formations de courte à
longue durée, en France et en Angola. Dans l’ensemble des programmes de formation,
l’utilisation de l’approche communicative en classe de langue puis, à partir de 2001, du
CECRL, est préconisée. Les cadres et les formateurs se sont donc appropriés un discours
savant relevant d’une méthodologie d’enseignement / apprentissage spécifique qui
pourrait effectivement répondre aux besoins communicatifs des apprenants angolais.
Mais une cohérence est alors nécessaire. Or juxtaposer des méthodologies dont les
fondements théoriques sont très différents dénote au contraire de l’incohérence. Il est
409
Partie 3 – chapitre 9
donc clair qu’il existe un écart fort entre appropriation d’un discours et appropriation des
concepts et notions en jeu.
Pour la compétence culturelle, l’accent est mis sur la littérature, comme pour les
cours de et en portugais, la langue officielle de l’éducation, ce qui est le signe d’un
maintien d’une vision traditionnelle de l’enseignement / apprentissage des langues et des
cultures. Enfin, pour la compétence « professionnelle », quatre sous-disciplines sont
listées : méthodologie de l’enseignement, pratique pédagogique, expression orale sur
objectifs spécifiques et stage pédagogique. Ces intitulés rappellent ceux de cours de
Masters en didactique du FLE. Ici, le rôle de l’élite éducative francophone est de nouveau
tangible : il y a un passage du savoir savant du Nord au Sud. La question est alors de
déterminer si ce transfert se limite au discours institutionnel produit dans cet objet
didactique institutionnel ou s’il y a bien un passage vers le cadre de la classe des futurs
enseignants en formation.
410
Partie 3 – chapitre 9
Nous avons vu que sur le terrain, c’est-à-dire au sein des EFP, il n’existe pas de
consensus concernant les profils d’entrée et de sortie des apprenants en formation. Pour
autant, ils sont succinctement définis dans ce programme.
Concernant le profil d’entrée des apprenants à former dans les EFP, le court
descriptif consiste en une liste de savoir-faire langagiers et prend la forme de ceux
produits dans le cadre du CECRL pour le niveau A2 ([por] « tenir une conversation
simple de la vie quotidienne dans un langage courant » ; « faire le récit d’un fait de la vie
quotidienne » ou encore « exprimer, à l’oral ou à l’écrit, son opinion et ses
préférences »451) (INIDE, Ibid. : 4). Dans une vision épicentrée, envisager de former des
enseignants de langues alors que leur compétences en langue cible sont encore celles d’un
débutant ne correspond pas à une démarche qualitative en ingénierie de la formation en
didactique des langues et des cultures. Ce profil peut donc être considéré comme une
vision a minima de la formation des enseignants. Toutefois, il est en cohérence avec les
objectifs à atteindre pour l’apprenant de FLE à la fin des trois années d’apprentissage du
premier cycle du secondaire. Mais, en tenant compte de la réalité contextuelle, ce profil
ne correspond pas non plus à celui des apprenants à leur entrée dans les EFP. Comme
nous l’avons vu dans le chapitre 6, le niveau A1 est difficilement atteint à la fin des six
années du secondaire. Il y a donc un écart logique entre profil prescrit et profil réel.
Définir un profil d’entrée erroné est un écueil important pour fixer des objectifs
d’apprentissage adaptés au contexte et construire une progression linguistique cohérente.
La définition du profil de sortie à l’issue des quatre années de formations est une
liste de savoirs que « le futur professeur de français devra être capable de452 » faire :
- au plan communicatif par exemple, « [por] communiquer en français dans
différentes situations de la vie quotidienne avec un natif francophone453 ».
- au plan académique, « [por] faire une lecture d’un texte littéraire et l’analyser454 ».
451 Ter uma conversa simples da vida quotidiana numa linguagem corrente ; relatar um facto da vida quotidiana; exprimir,
oralmente e por escrito, a sua opinião e as preferências.
452 o futuro professor de Francês deverá ser capaz de.
453 Comunicar em Francês em diferentes situações da vida corrente com um nativo francófono.
454 Fazer a leitura dum texto literário em Francês e analisá-lo.
411
Partie 3 – chapitre 9
- au plan réflexif, « [por] analyser sa relation vis-à-vis d’une culture étrangère pour
avoir conscience de ses représentations » ou « analyser sa pratique pédagogique
avec l’objectif de s’améliorer455 ».
- au plan professionnel, « utiliser la méthode communicative dans ses classes » ;
« gérer l’espace de la classe (gestion de la parole, du temps et de l’espace) » ;
pratiquer une pédagogie de l’erreur » ou encore «construire des instruments
d’évaluation diagnostique, formative et sommative en adéquation avec les
objectifs d’enseignement456 » (INIDE, Ibid. : 6).
Malgré son caractère limité, cette liste, favorable à un enseignant de qualité du FLE,
dépeint un profil de sortie plus qu’ambitieux compte tenu des conditions réelles de
formation (cf. Supra. : 314 et sq.). Ces conditions d’enseignement / apprentissage au sein
des EFP, notamment le calendrier, ne sont d’ailleurs jamais évoquées dans ce
programme.
455 Analisar a sua relação com uma cultura estrangeira para ter consciência das suas representações ; analisar a sua prática
pedagógica com o objectivo de a melhorar.
456 Utilizar o método comunicativo nas suas aulas ; gerir o espaço da aula ( gestão da palavra, do tempo e do espaço ; praticar
uma pedagogia do erro ; construir instrumentos de avaliação diagnóstica, formativa e sumativa em adequação com os objectivos
de ensino.
412
Partie 3 – chapitre 9
pour avoir les compétences linguistiques requises pour l’exercice de leur profession.
Autrement dit, l’approche fonctionnelle est privilégiée dès lors que le programme traite
des savoirs linguistiques en français. Ces « instruments » sont déclinés en un
« programme fonctionnel, grammatical et lexical ». Ils sont ensuite répétés sous une autre
forme, les « instruments linguistiques pour la classe », ceci par souci d’« [por] harmoniser
le programme linguistique à la forme de présentation adoptée pour les autres langues,
nommément, le portugais et l’anglais 457 » (INIDE, Ibid : 77). La consultation des
programmes de langues étrangères pour le premier cycle du secondaire révèle qu’en fait
ces tableaux sont identiques à ceux destinés aux apprenants de FLE dans l’enseignement
général. Par ailleurs, la remarque concernant l’harmonisation des programmes de langues
met au même niveau la langue de scolarisation et les langues étrangères et laisse à penser
que la vision fonctionnelle de la langue en tant qu’objet, qui transparaît dans le cas du
FLE, est donc également valable et véhiculée pour l’enseignement/apprentissage en et des
langues, qu’elles soient maternelles, secondes ou étrangères.
457 harmonizar o programa linguístico com a forma de apresentação adoptada pelas outras línguas, nomeadamente, o
português e o inglês
413
Partie 3 – chapitre 9
10 11 12 13
EXPRIMIR OS Aimer mieux, aimer bien U
SEUS Avoir du goût R U
GOSTOS, J’ai un faible, un penchant pour R U
458
APRECIAR Je suis accro à R
Jaime ça, Jaime pas ça U
A tout pendre, c’est encore R U
Cette idée m’est sympathique R
C’est sympa, giga, chic R U
Pas terrible R U
Etre dégoûté de R U
Ça me répugne, Ça m’ennuie, ça me distrait R U
C’est dégueulasse R U
Ça me fait plaisir U
C’est chouette R U
C’est pas mauvais R U
C’est un délice R U
Etre amoureux de U
459 Pouah, berk U
Interjeições
Pour l’acte de parole « expression des goûts, apprécier », dix-huit entrées sont
proposées de manière aléatoire et sans tenir compte de la possible progression qui
semble pourtant être gouvernée par l’année d’apprentissage où chaque forme doit être
utilisée ou reconnue. Différents problèmes se posent : rapport à la norme et à l’oralité
(« je suis accro à / j’aime ça, j’aime pas ça, C’est pas mauvais »), adéquation temporelle,
sémantique et des registres de langues (« c’est sympa, giga, chic / ça me répugne, ça
m’ennuie, ça me distrait / c’est dégueulasse »), critère de sélection (« pouah, berk » –
mais miam n’apparaît pas), correction (« Jaime », « à tout pendre ») et aspect formel (des
formes infinitives se juxtaposent à des formes conjuguées).
458 Exprimer ses goûts, apprécier. Les concepteurs font le choix du portugais pour l’expression des actes de
parole.
459 Interjections.
414
Partie 3 – chapitre 9
Nous reproduisons le tableau qui recense l’ensemble des aspects historiques qui
doivent être enseignés durant la dernière année de formation, en 13e (INIDE, Ibid. : 25)
pour mettre en regard le discours prescriptif avec le détail des contenus.
460 A abordagem histórica tem como objectivo dar fundamentos à compreensão do mundo contemporâneo. Algumas datas,
para o aluno orientar-se no tempo, algumas personagens históricas deverão ser dadas, mas o professor deverá ter em mente que
não é uma aula de história: trata-se mais de conhecer os factos, de ver como as pessoas reagiam naquela época, como
funcionava a sociedade, etc, através de um procedimento pedagógico dinâmico permitindo ao aluno exercer um espírito critico e
estabelecer relações com o mundo de hoje.
415
Partie 3 – chapitre 9
Aspects historiques
La France durant l’occupation Le régime de Vichy : la collaboration
allemande La résistance
461 Les relations sociales et conflictuelles
La guerre d’Algérie
« Harkis » et « pieds-noirs » : en Algérie et en France après
l’émigration
L’Algérie postindépendance : aspects sociaux et culturels
La guerre d’Indochine Dien Ben Phu
Les anciens combattants
Le Québec Relation avec le reste du Canada, hésitation entre indépendance et le
maintien comme État du Canada
Les Amérindiens
Le chômage La lutte contre le chômage et l’aide aux démunis
La vie d’un chômeur dans différentes sociétés
462
Les implications sociales et économiques du chômage
Le choix des « fondamentaux » montre tout d’abord que les aspects retenus
s’apparentent à un véritable programme d’histoire, dépassant largement le champ des
compétences de formateurs de FLE et le niveau d’une formation au secondaire dans un
contexte non francophone où les ressources documentaires sont quasiment inexistantes.
Par ailleurs, ces contenus portent une trace forte de l’idéologie postcoloniale socialiste en
abordant une histoire par le bas, celles des « subalternes » (harkis, pieds-noirs,
amérindiens ou chômeurs) que défend par exemple Guha (1982) ou Spivak (1988) pour
l’espace indien. Nous supposons que ces contenus ont été empruntés à un programme
d’histoire produit dans une nation postcoloniale africaine et francophone, probablement
461 Le substantif Algérie fait l’objet de deux orthographes différentes : aux côtés de la forme portugaise
« Argélia », les auteurs utilisent deux fois une forme hybride, « Algéria ».
462
Aspetos históricos
A França durante a O regime de Vichy : a colaboração
ocupação alemã A resistência
A guerra da Algéria As relações sociais e conflituais
« Harkis » e « picos-noirs » : na Algéria e na França depois da emigração
A Argélia pos-independência : aspectos sociais e culturais
A guerra de indochina Dien Ben Phu
Os antigos combatentes
O Québec Relação com o resto do Canadá: hesitação entre independência e a
permanência como Estado do Canadá
Os Índios
O desemprego A luta contra o desemprego e a ajuda aos demunidos
A vida dum desempregado nas diversas sociedades
As implicações sociais e económicas do desemprego
416
Partie 3 – chapitre 9
Dans le même sens, les contenus pour « l’art et la littérature » sont constitués d’une
liste d’œuvres littéraires par période historique digne d’un cours de littérature
francophone universitaire. Outre les nombreuses erreurs dans la graphie des noms des
auteurs (« Chretien Detroyes, Ou Bellay, Ia Bruyere ») et de leurs œuvres (« Lés lettres
Persanes, Hernari, La confession d’un enfant do siècle, De si braves garcon »), ces suggestions de
lecture laissent à penser qu’elles ont été empruntées pour partie à un cours consacré aux
littératures francophones puisque de nombreuses œuvres sont celles d’auteurs africains
d’expression francophone : Senghor, Ben Jelloun, Beti, Sembene, Diabate…
[por] À part l’étude de textes extraits des œuvres étudiées durant les cours, le professeur devra proposer aux élèves la
réalisation de lectures autonomes d’œuvres intégrales […]. Il est recommandé que les élèves puissent au minimum lire
intégralement une œuvre par semestre. Cette lecture sera l’objet d’une évaluation sous forme de fiche de lecture, de dossier ou
encore, plus rarement, sous forme d’un exposé oral. Le professeur devra également leur proposer régulièrement quelques
évaluations (simples et courtes) centrées sur la compréhension d’un texte littéraire et sur l’identification des procédés littéraires
463
les plus simples (INIDE, Ibid. : 26).
Compte tenu du profil d’entrée requis pour la première année de formation (A2), les
œuvres suggérées pour les apprenants de première année sont inadaptées : Les contes du
chat perché de Marcel Aymé, Le Petit prince de Saint Exupéry ou Les contes de Charles
Perrault. Ces œuvres ont pour point commun de pouvoir être classées dans la littérature
jeunesse ou destinée aux enfants qui ont le français pour langue maternelle. La
progression dans l’apprentissage de la lecture est donc fondée non pas sur la compétence
linguistique mais sur la découverte de la littérature durant les différentes étapes de la vie
463 A par o estudo dos textos extraídos de obras estudadas durante as aulas o professor deverá propor aos alunos a realização
de leituras autónomas de obras integrais […]. Recomenda-se que os alunos possam no mínimo, ler integralmente uma obra
literária por semestre. Esta leitura será objecto de uma avaliação sob forma de ficha de leitura, de dossier ou ainda, mais
raramente, sob forma de exposição oral. O professor deverá as também propor regularmente algumas avaliações (simples e
breves) centradas na compreensão de um texto literário e na identificação dos processos literários mais simples.
417
Partie 3 – chapitre 9
d’un locuteur natif. Ce critère de sélection dénote une conception fort singulière de
l’acquisition d’une langue et d’une culture.
En mettant l’accent sur une littérature et une histoire savante (et fortement orientée
pour le cas de l’histoire), il y a une restriction de la relation langue-culture à la culture
cultivée, alors même que l’approche interculturelle est affichée en introduction. Cet
abord de la culture paraît peu pertinent face aux besoins et au niveau actuels des futurs
enseignants de FLE et de leurs formateurs. La vision de la langue et de la culture
véhiculée dans ce programme mais aussi dans ceux produits pour le portugais et l’anglais,
est d’une part une héritière directe de la période coloniale et d’autre part en décalage
complet avec le contexte, une nation où l’accès au livre et à la culture savante fait encore
largement défaut. L’ensemble des contenus suggérés nécessite une connaissance
approfondie de l’histoire et de la littérature par les formateurs et également des
ressources bibliographiques conséquentes. Ces deux préalables faisant défaut, cette partie
du programme est complètement inadaptée aux conditions actuelles de la formation au
sein des EFP et montre que la prise en compte du contexte d’enseignement /
apprentissage est inexistante et que la didactisation des contenus est défaillante.
418
Partie 3 – chapitre 9
Les résultats de l’analyse montrent que ce programme ne prend pas en compte les
données liées au microcontexte de la situation de formation en FLE. Sa légèreté et son
manque flagrant d’exhaustivité ne peuvent répondre aux exigences de formation requises
et démontrent que le processus de didactisation est défaillant. Il laisse supposer que la
réussite des quatre années de formation repose entièrement sur les compétences des
formateurs qui devraient avoir les outils conceptuels, méthodologiques et pratiques
disponibles pour pallier les difficultés contextuelles. Il révèle l’écart entre les
caractéristiques et besoins primordiaux contextuels et les préconisations officielles : les
transpositions didactiques ont abouti à une inadaptation didactique. La production de ce
programme étant le fruit du travail d’une équipe hétérogène (angolaise, cubaine et
française), il n’est pas surprenant qu’il soit le véhicule d’une culture éducative hybride. Le
cumul des transpositions d’un savoir savant vers un savoir prescrit montre la force et
l’exclusivité du processus descendant. Le produit final correspond à ce que nous
qualifierons volontiers de feuilletage ou de bricolage didactique : à l’approche communicative
affichée en introduction fait face un cumul d’influences méthodologiques très
hétérogène. Les contenus font cohabiter une approche traditionnelle, fonctionnelle (et
même classique dans le cas de l’enseignement dédié à la culture) à l’approche, en
didactique des langues et des cultures, la plus en vogue au moment de la conception,
l’approche communicative. L’assemblage des contenus, fruit de transferts successifs et
émanant de centres différents tant du Nord que du Sud, rend cet objet inutile malgré
l’urgence des besoins. Cependant, il constitue un artefact de la complexité d’un contexte
postcolonial qui fait l’objet d’enjeux globaux, notamment à travers l’aide au
développement. Grâce à l’approche historique, la superposition de contenus
contradictoires prend sens et témoigne d’une partie de la culture éducative. À ce niveau,
la formation des formateurs et des cadres de l’éducation dans des centres exogènes
diversifiés et l’intervention externe (dans ce cas principalement française et cubaine)
419
Partie 3 – chapitre 9
mettent en présence des influences méthodologiques ainsi qu’une vision du monde et des
valeurs variées et souvent contradictoires. Au plan axiologique, la transposition
didactique ici multicentrique mène à une cohabitation très singulière de valeurs sociales et
de finalités didactiques et idéologiques émanant de centres habituellement non associés.
Avec justesse, l’auteur considère qu’une telle logique risque de rencontrer des
résistances au changement de la part des formateurs qui peuvent avoir l’impression de
subir le curriculum puisqu’ils ne sont pas associés à sa conception. Nous ajoutons que les
formateurs, les acteurs et les bénéficiaires directs du curriculum et du programme, ne
font pas que subir : ce sont eux qui pallient, quand ils le peuvent, les défaillances du
système. Si à l’avenir le Ministère de l’éducation angolais souhaite enfin produire des
curricula et des programmes de formation contextualisés et pouvant répondre à une
nécessaire amélioration de la formation des futurs enseignants du secondaire, il devra
harmoniser les conditions de production et le travail des concepteurs et prendre soin de
vérifier, expérimenter, évaluer et ajuster les objets produits.
420
Partie 3 – chapitre 9
Deuxièmement, si une expertise externe est sollicitée, il faudrait que les acteurs
impliqués puissent prendre connaissance des besoins les plus urgents et de l’état des lieux
du système existant. Dans le cas de l’Angola, le didacticien de FLE, qu’il soit angolais ou
non, doit tenir compte de l’historicité d’un système éducatif postcolonial fragile qui porte
d’importantes traces des conditions historiques de sa mise en place. Sans ce retour sur les
spécificités des conditions coloniales et postcoloniales, l’intervention didactique omet
421
Partie 3 – chapitre 9
À l’heure où justement le continent africain fait face à une montée des idéologies
violentes, à une croissance démographique majeure et à une densification des flux
migratoires régionaux et internationaux – des phénomènes qui dépassent largement le
cadre des États-nations – la question éducative nous paraît être d’autant plus
déterminante et devrait conduire les décideurs nationaux africains tout autant que les
didacticiens à engager des démarches responsables et réfléchies pour viser une
amélioration réelle de la qualité des systèmes éducatifs.
422
Partie 3 – chapitre 9
sa propension à reprendre dans son discours officiel les principes en vogue (le
développement durable, l’égalité des sexes ou les droits de l’homme en étant quelques
illustrations), qu’ils soient franco-européens dans le cas de la didactique du FLE ou
onusien dans le cas de la gestion éducative. Ce discours d’appropriation est garant du
soutien externe et est repris dans la formulation des nouvelles politiques. Dès lors, si les
élites dirigeantes des sociétés d’Afrique subsaharienne continuent à ne considérer le
développement national qu’à travers le filtre de leur propre profit, l’effort de
développement continuera à faire l’impasse d’une adéquation du discours politique aux
caractéristiques du contexte national.
Sur le plan de la circulation des idées, il apparaît que la rupture engendrée par les
indépendances n’a pas mis fin à une forme d’hégémonie de la pensée occidentale. Ainsi,
bien que certains prônent le développement de discours décentrés (cf. Supra. : 102 et sq. ;
Bhargava, 2013), le phénomène d’appropriation des discours émis par des donneurs
exogènes entretient la perpétuation d’une forme d’ethnocentrisme scientifique. Pour faire
écho aux propos de Grosfoguel (2010 et Supra : 103) au sujet de la nécessité de construire
un monde « pluriversel », tant que les pensées critiques du Sud ne pourront pas faire
entendre leurs voix à l’échelle des nations, l’injustice épistémique sera perpétuée et,
surtout, l’intervention sur le terrain demeurera en grande partie décontextualisée.
423
Conclusion
Conclusion
424
Conclusion
s’avère, pour l’Angola, constamment descendante comme l’exposent tant les résultats
de l’analyse de corpus didactique que ceux produits via l’examen des politiques
linguistiques et éducatives de manière diachronique et synchronique. Par conséquent,
la transposition doit faire l’objet d’un regard neuf et enfin intégrer une rétroactivité
des acteurs à la base de la pyramide éducative mais également de la société dans son
ensemble. Une recommandation précise est donc que les deux processus de la
construction programmatique (la didactisation et l’axiologisation) soient mis en œuvre
en mettant à profit les données et les feedbacks émanant de la base de la pyramide
éducative (résultats d’observation de classe, enquêtes auprès des enseignants, des
apprenants et des formateurs, consultation des acteurs, expérimentations et
évaluations préliminaires). L’enjeu majeur pour que le processus ascendant se
développe est l’accroissement du nombre d’acteurs de terrain compétents et qualifiés,
c’est-à-dire, pour la didactique des langues et des cultures, du corps enseignant mais
aussi du corps des cadres. Les personnes en charge de l’intervention didactique ne
peuvent plus faire l’économie d’une transposition contextualisée et doivent prendre en
considération la complexité du contexte sur lequel ils souhaitent agir. La deuxième
partie de cette thèse constitue une base solide pour nourrir la réflexion en amont des
interventions à venir.
425
Conclusion
Cette vision de l’Afrique, un continent qui doit réussir à répondre à des enjeux de
développement majeurs, a l’avantage de signaler et la richesse culturelle, et la nouvelle
diversité des grands espaces urbains africains qui sont désormais de puissants pôles
démographiques au niveau global. Mbembe souligne aussi, comme nous l’avons
montré dans ce travail, le renouvellement et les mutations des relations Nord-Sud qui
ouvrent la voie à de nouvelles problématiques pour la recherche en sciences sociales –
le cas de la « Chinafrique » en étant un emblème fort et contemporain (cf. notamment
Alden, 2007 ; Ampiah et Nadiu, 2008 ; Nguyen, 2009, 2012 ; Bokilo, 2001 ; Lampert
et Mohan, 2013).
(3) L’historiographie détaillée et construite à partir d’angles d’approche précis, ici le travail
mené au chapitre 4 à partir des questions linguistiques et éducatives, est l’un des socles
de la mise en œuvre effective de la double historicisation. Cette dernière est un
processus particulièrement précieux dans l’analyse de corpus didactique pour intégrer
l’impact de l’histoire sociale dans la constitution et l’évolution des productions
matérielles d’un système éducatif national. Elle doit être opérée en tendant vers le
recul nécessaire pour freiner un des biais du travail du chercheur qui, malgré lui,
426
Conclusion
427
Conclusion
(5) Une conception dynamique des contextes, qu’ils soient globaux, nationaux ou locaux,
enjoint de varier les échelles d’analyse. La variation des échelles d’analyse est l’un des
outils méthodologiques centraux de cette thèse. Elle est un moyen pour appréhender
428
Conclusion
avec une plus grande finesse la complexité des sociétés contemporaines et elle permet
de mettre en résonnance le quantitatif et le qualitatif, le micro et le macro, le formel et
l’informel, le politique et l’individuel, le groupe et le singulier. Grâce à son usage,
l’ensemble de la partie 2 constitue un apport substantiel pour le champ de la
didactique des langues et des cultures, en particulier pour les réflexions portant sur
l’enseignement / apprentissage du français langue étrangère, du portugais langue
seconde et des langues nationales maternelles. Le chapitre 5 en particulier nous a
permis d’accroître et d’affiner le savoir jusqu’alors disponible dans le champ de la
sociolinguistique et de produire des analyses et des données cruciales pour entamer
toute action en politique linguistique et en politique éducative afférentes à
l’enseignement / apprentissage en et des langues. La complexité du contexte
sociolinguistique angolais, si elle n’est pas réduite, bénéficie par ce travail d’un
éclairage, d’éléments de compréhension, de pistes concrètes d’aménagement qui
pourraient – et idéalement pourront – venir répondre aux enjeux actuels. Le caractère
unique du changement de langue en Angola, qui confère à ses locuteurs un capital
culturel, social et économique, trouve ici matière à être mieux compris, à appréhender
ses enjeux et donc à proposer des pistes pour l’aménagement et l’application. La
diminution de l’usage des langues endogènes prend la forme d’un continuum dans la
mesure où une distance colossale sépare une province du littoral telle que celle de
Bengo, où 86 % de la population a le portugais pour langue maternelle, d’une
province de l’intérieur telle que celle de Lunda Norte, où la quasi totalité de la
population a une langue maternelle différente de celle qui domine socialement en
Angola. Les résultats obtenus par le biais de la variable de l’âge confirment que le
changement de langue s’inscrit dans la durée et ils laissent supposer une disparition
plus ou moins rapide des langues nationales. Même si le problème de l’endogénéité
inhérente aux questionnaires d’enquête doit conduire à la prudence dans la
formulation de recommandations en terme de politiques linguistiques et éducatives,
l’esquisse des langues en présence par province (cf. figure 29 : 255) réactive la
pertinence d’une entrée dans les apprentissages suivant le système du bilinguisme
additif pour répondre aux principes d’égalité des chances et dans l’éducation. Sachant
que les études à ce propos abondent et permettent d’envisager différentes modalités
pour une éducation bilingue et que le recours aux langues nationales dans les systèmes
éducatifs en Afrique est bel et bien en voie de développement (Maurer, 2011 ;
Fantognon, 2015), une école plus inclusive à travers l’espace angolais est tout à fait
429
Conclusion
430
Conclusion
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Index
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Index
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Index
463
Index
Figure 25 : Répartition de la population par langue maternelle en 2011 (d’après INE, 2011 : 48-
51) 247
Figure 26 : Proportion des locuteurs ayant le portugais comme langue maternelle par province
248
Figure 27 : Langue maternelle en fonction des deux tranches d’âge extrêmes 248
Figure 28 : Les huit provinces présentant le plus grand nombre de personnes jamais scolarisées
250
Figure 29 : Principales langues maternelles par province 255
Figure 30 : Indicateurs de développement et éducatifs pour l’Angola et le Mozambique 264
Figure 31 : Espace constituant la typologie des situations de contacts de langue selon De Pietro
(1988 : 70) 234
Figure 32 : Estimation des francophones dans le monde, carte adaptée par l’auteure d’après
(Wolff, 2010, [en ligne]) 292
Figure 33 : Années d’apprentissage d’une langue étrangère dans l’enseignement secondaire 296
Figure 34 : estimation du nombre d’apprenants et d’enseignants de FLE en 2011 d’après les
chiffres fournis par le Ministère de l’éducation 299
Figure 35 : Rôle de l’INFQ et de l’INIDE au sein du Ministère de l’éducation 303
Figure 36 : Classement des pays d’accueil des étudiants angolais internationaux en 2012 310
Figure 37 : Représentation schématique du fonctionnement de la formation initiale des
enseignants du premier cycle du secondaire (7ème à 9ème classe) 314
Figure 38 : Effectifs dans les quatre EFP proposant le français comme spécialité en 2011 315
Figure 39 : effectifs dans les quatre ISCED proposant le français comme spécialité en 2011 318
Figure 40 : Fonctionnement de la formation initiale des enseignants de FLE en Angola 318
Figure 41 : Premier exemple d’adaptation de la méthode En avant au contexte angolais : le cas de
l’identité des personnages (Lopes, 2009 : 45) 321
Figure 42 : Deuxième exemple d’adaptation de la méthode En avant au contexte angolais : le cas
des photographies illustratives (Lopes, 2009 : 109) 322
Figure 43 : Cycle de formation dans les écoles de formation des professeurs 314
Figure 44 – Tableau des contenus des deux volumes du livre du professeur en milieu rural de
1962 331
Figure 45 – Exemple d’usage de l’environnement direct de l’apprenant : les fruits (DPSI, 1962,
Vol. 1 : 119) 342
Figure 46 : Exemple du déroulement d’une leçon de langage (1962, Vol.1 : 136-137) 344
Figure 47 : Exemple d’illustration d’une activité (DPSI, 1962, Vol. 2 : 131) 347
Figure 48: Exemple d’illustration destinée à être reproduite au tableau (DPSI, 1962, Vol. 2 : 142)
348
Figure 49 : Illustration d’un livre de lecture publié en 1962 : « Je vais apprendre à lire » 351
464
Index
Figure 50 : Illustration du vocabulaire d’une leçon de lecture d’une méthode de 1962 352
Figure 51 : Exemple d’observation destinée au professeur sur l’usage de la « langue native »
(DPSI, 1962, Vol.2 : 214) 353
Figure 52 : Couverture du manuel d’alphabétisation publié en 1980 364
Figure 53 : Première page du manuel d’alphabétisation de 1980 365
Figure 54 : Structure générale du Guide de l’alphabétiseur (MERPA, 1980a) 368
Figure 55 : Structure générale du Manuel d’alphabétisation (MERPA, 1980b) 370
Figure 56 : Exemple de leçon du manuel d’alphabétisation de 1980 : première page de la leçon 8
378
Figure 57 : Exemple de leçon du manuel d’alphabétisation de 1980 : deuxième page de la leçon 8
379
Figure 58 : première page de la leçon n°15, Le peuple angolais est vigilant contre ses ennemis (MERPA,
1980b : 37) 390
Figure 59 : tableau des contenus du programme de formation des enseignants de français au
premier cycle du secondaire et nombre de pages dédiées 407
Figure 60 : Extrait du programme fonctionnel pour l’acte de parole « exprimer ses goûts /
apprécier » (INIDE, 2005 : 49) 414
Figure 61 : Aspects historiques au programme de la 13ème année (INIDE, 2005 : 25) 416
Figure 62 : Population angolaise de 1950 à 2050 260
465
Index
466
Index
L
G
Labourdette · 143, 162, 166, 183, 199, 446
Gadet · 32, 33, 267, 443 Labov · 55, 446
Galisson · 40, 120, 312, 354, 359, 439, 440, 443 Lacoste · 69, 96, 446
Galvão · 170, 443, 463 Lafage · 241, 452
Germain · 333, 355, 359, 443 Lahire · 53, 446
Gide · 62, 443 Lampert · 223, 426, 446
Goheneix · 149, 362, 443 Lazarus · 41, 95, 96, 97, 436, 447, 453
Gonçalves · 264, 444, 447, 454 Leclerc · 153, 446
Gorski Severo · 154, 226, 444 Legendre · 102, 113, 446, 447, 453
Gramsci · 85, 103, 444 Lénine · 91, 446
Greenberg · 61, 130, 133, 444 Léonard · 166, 169, 177, 199, 447
Grimes · 61, 130, 133, 444 Leton · 52, 447
Grosfoguel · 103, 104, 423, 444 Lévi-Strauss · 100, 121, 447
Guerini · 275, 444 Lewy · 406, 447
Guha · 175, 418, 444 Lezouret · 256, 447
Güldeman · 130, 444 Liberski-Bagnoud · 113, 447
Gumperz · 47, 55, 83, 242, 272, 444 Liddicoat · 83, 84, 112, 113, 116, 447
Lienhard · 41, 133, 145, 146, 236, 238, 239, 240, 241,
243, 447, 463
467
Index
Lopes Cardoso · 134, 135, 136, 137, 235, 447, 463 Oliveira Marques · 146, 450, 451
Lugan · 140, 142, 447 Osgood · 358, 451
Lutjens · 376, 448 Ouane · 441, 451
M P
M’Bokolo · 70, 448 Pannier · 284, 451
Macedo Soares · 231, 232, 448 Parreira · 63, 451
Malinowski · 52, 80, 153, 448 Passeron · 210, 375, 397, 436
Mallet · 395, 448 Pélissier · 133, 134, 143, 174, 175, 184, 185, 187, 451,
Manessy · 32, 243, 448 463
Marquilló-Larruy · 39, 77, 448 Pepetela · 145, 177, 365, 451, 454
Martinez · 47, 401, 402, 440, 448, 451, 454 Peters · 361, 451
Marx · 373, 374, 376, 433, 442 Petter · 451
Massenzio · 55, 442 Pinto · 171, 178, 181, 182, 451
Matthey · 42, 273, 274, 446 Ploog · 235, 243, 450, 451
Maurais · 280, 440, 448 Pochard · 78, 109, 267, 452
Maurer · 36, 97, 288, 427, 449 Porquier · 234, 237, 452
Mbembe · 86, 107, 108, 243, 426, 449 Posel · 73, 253, 452
McCormick · 68, 449 Poulet · 54, 57, 452
Medina · 178, 449 Prieur · 275, 452
Messiant · 144, 159, 168, 184, 186, 449 Puren · 40, 41, 312, 332, 354, 411, 443, 452
Mestiti · 361, 449 Py · 42, 448, 452
Metcale · 190, 449
Meunier · 45, 78, 435
Miled · 300, 401, 440, 448, 451 Q
Milheiros · 133, 134, 245, 449
Miller · 253, 438
Queffélec · 32, 243, 452
Mingas · 33, 133, 187, 283, 449
Mohan · 223, 426, 446
Moirand · 49, 237, 449
Molinié · 39, 56, 272, 449 R
Moore · 37, 39, 79, 437, 449
Morin · 89, 449 Randles · 132, 140, 150, 452
Moura · 96, 449 Razafimandimbimana · 54, 57, 452
Mpanzu · 29, 244, 291, 450 Rebuschi · 355, 452
Muchanga · 264, 265, 266, 440 Redinha · 133, 134, 452
Mufwene · 7, 42, 82, 94, 102, 104, 105, 127, 129, 131, Rey · 90, 423, 453
449 Richard · 7, 253, 442
Murphy · 96, 97, 114, 396, 449 Roegiers · 422, 453
Mveng · 83, 445 Rooney · 157, 158, 159, 453
Roulet · 354, 443
N
S
N’Dimina-Mougala · 362, 450
Nadiu · 426, 433, 439 Said · 85, 239, 442, 452
Narcy-Combes · 51, 450 Salon · 38, 118, 452
Navarro · 373, 452 Sanchez · 62, 247, 439
Neto · 18, 28, 29, 36, 64, 157, 177, 182, 185, 187, 189, Santos M. · 36, 151, 452
200, 201, 203, 204, 205, 209, 275, 305, 368, 370, Santos R. E. · 453
373, 397, 450 Sapir · 434, 453
Neto A. A. · 185, 209, 450 Saussure · 88, 453
Neto T. S. · 450 Schlebusch · 130, 453
Neves · 203, 450 Schütz · 81, 242, 273, 453
Ngalasso · 235, 450 Scollon R. · 38, 47, 445
Ngamassu · 300, 450 Scollon S. W. · 38, 47, 445
Nicolaï · 52, 53, 450 Segura · 91, 453
Nishiyama · 113, 451 Senghor · 179, 180, 361, 417, 453
Ntondo · 162, 442, 451 Seriot · 354, 454
Sharma · 101, 117, 454
Sibeud · 96, 454
O Sivandan · 388, 454
Smith · 131, 454
Smouts · 96, 454
Oliveira · 191, 451
Oliveira Duarte · 31, 32, 33, 269, 270, 451
468
Index
Spaëth · 7, 38, 41, 87, 88, 91, 92, 100, 120, 126, 127, Véronique · 434, 455
130, 138, 150, 158, 160, 179, 191, 195, 196, 208, Verret · 78, 455
235, 236, 328, 330, 337, 356, 455 Vigouroux · 7, 102, 104, 105, 120, 261, 291, 294, 449,
Spivak · 416, 454 455
Strauven · 402, 441 Vinet · 32, 232, 455
Stroud · 264, 454 Vitória · 160, 165, 172, 365, 366, 455, 456
Sulitzer · 87, 454 Vossen · 130, 444
Swain · 237, 437
W
T
Wallerstein · 107, 114, 115, 118, 426, 455
Tabouret-Keller · 236, 354, 453, 454 Waters · 106, 436
Thamin · 266, 454 Weber · 50, 455
Tirvassen · 401, 440, 448, 451 Weinreich · 229, 230, 232, 238, 239, 252, 267, 455
Tort · 130, 455 Weiss · 39, 375, 455
Tutikian · 366, 455 Whorf · 41, 81, 455
Wieviorka · 50, 105, 119, 120, 437, 456
Williamson · 131, 435
V Wolff · 291, 292, 456
469
Index
culture éducative · 2, 34, 37, 38, 43, 45, 54, 58, 87, 89,
93, 121, 216, 300, 311, 316, 331, 358, 359, 360,
A 387, 392, 401, 419, 421, 422, 427
adaptation · 13, 77, 79, 106, 193, 212, 222, 257, 266,
304, 320, 321, 322, 329, 331, 345, 358, 424, 464 D
agir professoral · 36, 38, 439
alphabétisation · 13, 46, 151, 156, 159, 171, 173, 196, définition · 14, 41, 83, 90, 129, 158, 222, 233, 234,
207, 212, 217, 240, 241, 251, 252, 257, 259, 265, 298, 308, 316, 356, 401, 402, 406, 407, 411
279, 332, 333, 336, 341, 362, 363, 364, 365, 366, dialecte · 163, 230
367, 368, 369, 370, 371, 372, 373, 376, 377, 378, didactisation · 2, 78, 350, 357, 398, 418, 419, 425
379, 380, 385, 386, 387, 393, 398, 399, 427, 430, discours d’appropriation · 405, 423
441, 465 dispositif · 259, 280, 294, 301, 314, 401, 418, 419, 420,
altérité · 35, 101, 106, 112 428
alternance codique · 207, 262, 272, 394 double historicisation · 88, 89, 98, 152, 313, 426
analphabétisme · 94, 172, 209, 210, 212, 253, 271,
362, 367, 370, 375, 382, 385, 388, 397, 398
analyse de discours · 47, 53, 272 E
anthropologie · 85, 93, 98, 120, 175, 227, 433
appareil d’état · 92, 361
application · 2, 12, 21, 29, 37, 43, 73, 77, 78, 98, 130, échelle · 12, 28, 29, 60, 62, 73, 91, 94, 96, 101, 105,
117, 118, 134, 143, 169, 173, 207, 238, 241, 246,
217, 221, 263, 270, 280, 281, 288, 304, 388, 429,
254, 272, 276, 281, 284, 285, 287, 297, 355, 409,
440, 449, 451, 470
423
approche communicative · 27, 41, 300, 319, 323, 408,
éclectisme · 421
409, 410, 413, 419
assimilé · 159, 168, 375 écolinguistique · 105
autobiographie · 55, 96 effectifs · 40, 147, 192, 195, 196, 197, 210, 216, 223,
224, 225, 260, 266, 298, 299, 300, 301, 307, 314,
autonomie · 37, 97, 185, 199, 223, 269, 410
318, 319, 325, 409, 457, 463, 464
autoréférenciation · 284
élite dirigeante · 75, 233
axiologisation · 78, 350, 357, 398, 425
emprunt · 113, 206, 268
endogène · 222, 240
endogeneity · 438
B endolingue · 233, 234, 237
enquête · 29, 31, 32, 34, 43, 164, 244, 245, 246, 253,
bailleurs · 104, 221, 222, 430 258, 259, 279, 286, 312, 337, 429
biais · 30, 57, 69, 78, 81, 83, 113, 117, 150, 154, 172, entretien · 31, 107, 273, 274, 283, 298, 306, 307, 403,
185, 189, 193, 217, 220, 226, 253, 254, 272, 275, 455
287, 312, 332, 345, 361, 375, 382, 383, 395, 398, épistémologie · 441
403, 415, 426, 429 éthique · 34, 53, 57, 103, 106, 109
ethnocentrisme · 37, 76, 78, 79, 89, 100, 102, 103,
104, 105, 119, 121, 155, 167, 423, 428
C ethnoscape · 260
européocentré · 83
évaluation · 36, 55, 216, 219, 220, 231, 253, 254, 280,
capitalisme · 91, 97, 446 281, 297, 298, 302, 304, 306, 316, 325, 401, 402,
changement de langue · 12, 21, 42, 59, 228, 251, 256, 404, 407, 412, 417, 420, 422
259, 260, 287, 429
exogène · 12, 36, 89, 104, 109, 113, 116, 124, 127,
circulation · 11, 76, 101, 102, 105, 106, 108, 110, 111,
261, 290, 404, 410
112, 113, 114, 115, 116, 117, 118, 119, 143, 154,
exolingue · 12, 229, 233, 234, 237, 451
164, 175, 236, 319, 411, 425, 428, 430, 449, 472
expérimentation · 223, 288, 300, 302, 421
compétence · 148, 211, 237, 253, 348, 383, 409, 411, extraversion · 422, 430, 434
417, 421, 425, 445
complexité · 69, 77, 81, 104, 154, 277, 403, 419, 425,
426, 429, 435
contextualisation · 10, 13, 54, 76, 77, 78, 79, 126, 154, F
161, 162, 222, 300, 331, 348, 352, 424, 437, 440,
448, 450 filtre · 27, 51, 57, 118, 423
continuum · 108, 206, 241, 242, 270, 271, 429, 451 FLS · 435
cosmopolitisme · 105, 106, 426, 435 FOS · 29, 294
créole · 135, 231, 232, 235, 238, 241, 264, 426, 442 fracture · 96, 117
francisation · 149, 163
470
Index
francophonie · 114, 179, 248, 295, 312, 355, 438, 458 mondialisation · 70, 71, 77, 104, 105, 106, 107, 436
mutualisation · 12, 246, 263, 264, 266, 288
G
N
gestion · 13, 30, 67, 74, 165, 166, 213, 215, 219, 222,
295, 297, 301, 302, 304, 324, 326, 347, 348, 361, nationalisme · 68, 108, 111, 119, 180, 182, 184, 187,
389, 397, 400, 402, 412, 422, 435 238, 353, 388
grammatisation · 152 néo-libéralisme · 97
grands groupes · 298, 300, 325, 450, 461 noosphère · 109
H O
habitus · 43, 88, 116, 120, 121, 197, 227, 243, 277, 374 objectivité · 44, 51, 54, 57
herméneutique · 88, 95, 114 observation participante · 47, 153, 421
historiographie · 86, 97, 127, 128, 152, 175, 204, 213,
426
hybride · 83, 106, 232, 272, 416, 419 P
partenariat · 94, 223, 317, 439
I paternalisme · 209, 354, 375
patois · 232
identité · 12, 43, 81, 83, 161, 190, 204, 266, 272, 274, patrimoine · 56, 81, 82, 156, 192, 275, 276, 277, 282,
275, 276, 282, 283, 287, 320, 321, 349, 388, 389, 287, 336, 397
425, 436, 448, 464 patrimonialisation · 275, 287
illettrisme · 241, 362, 398 performance · 421
indexicalité · 110 processus descendant · 352, 368, 373, 396, 419
ingénierie · 38, 258, 316, 406, 411, 421 profil · 12, 13, 229, 255, 285, 298, 301, 306, 311, 312,
insécurité identitaire · 203, 274 315, 316, 325, 402, 407, 409, 411, 412, 417, 422
insécurité linguistique · 274, 398 programme · 13, 27, 37, 55, 195, 199, 215, 217, 220,
interculturel · 83, 248, 435, 440 222, 294, 306, 316, 317, 354, 368, 386, 387, 400,
interprétation · 57, 83, 88, 112, 113, 117, 153, 210 401, 402, 403, 405, 406, 407, 408, 409, 411, 412,
interventionnisme · 78, 114, 116, 117, 160, 185, 257, 413, 414, 416, 418, 419, 420, 465
267, 361 propagande · 47, 148, 328, 372, 375, 385, 387, 392,
395
J
R
jeu · 29, 75, 180, 200, 302, 393, 410
racial · 176
recensement · 34, 66, 133, 134, 172, 186, 246, 253,
L 256, 259, 261, 409, 430
récit · 54, 56, 57, 88, 157, 274, 411
responsabilité · 53, 54, 57, 109, 121, 148, 222, 223,
lexique · 46, 232, 271, 350, 352, 383, 393
335, 337, 422, 434, 438, 450
littératie · 39, 41, 271, 333, 372, 399, 439 rupture · 28, 41, 42, 66, 74, 89, 91, 93, 94, 96, 100,
lusophonie · 11, 12, 121, 138, 161, 173, 205, 207, 233,
101, 102, 103, 105, 111, 121, 126, 129, 131, 175,
242, 246, 247, 248, 250, 251, 253, 254, 351, 393,
176, 188, 221, 247, 276, 280, 284, 298, 305, 325,
425
330, 360, 362, 367, 369, 372, 373, 375, 396, 421,
lusophonisation · 149, 159, 163, 208, 258, 287
423
lusotropicalisme · 11, 176, 178, 179, 434, 447
M S
ségrégation · 165, 168, 193, 443
marxisme-léninisme · 218
slogan · 275, 365, 369, 370, 371, 372, 373, 380, 382,
mémoire · 12, 31, 35, 50, 54, 55, 56, 57, 86, 87, 88,
383, 384, 385, 393, 398, 450
106, 272, 276, 287, 317, 384, 437, 454
statistique · 17, 73, 458
métissage · 143, 169, 177, 179 subalterne · 83
migration · 131, 260, 263, 434, 448, 461 subjectivité · 51, 55, 57, 74, 97, 121, 275, 452
mobilité · 12, 31, 55, 106, 110, 177, 227, 257, 260,
substitution · 79, 361
275, 306, 308, 309, 310, 311, 421, 445, 457
symbolique · 86, 90, 96, 110, 229, 239, 261, 275, 309,
modèle · 39, 45, 83, 97, 105, 116, 130, 182, 216, 222,
384, 397, 404
232, 235, 236, 241, 311, 312, 313, 337, 355, 358,
système-monde · 107
359, 377, 394, 395, 413
471
Index
T V
thalassocratie · 140 variation · 10, 12, 20, 31, 32, 55, 76, 104, 121, 136,
traduction · 10, 48, 49, 50, 108, 112, 113, 114, 117, 230, 234, 235, 237, 242, 267, 268, 269, 270, 271,
155, 164, 172, 274, 294, 352, 369, 409 276, 278, 285, 286, 287, 353, 356, 357, 384, 395,
transculturel · 372 426, 428, 430, 438, 445
transfert · 40, 77, 225, 386, 399, 410, 428 véhiculaire · 147, 155, 174, 186, 189, 203, 204, 235,
transposition · 13, 14, 45, 78, 79, 99, 109, 351, 354, 242, 243, 260, 262, 264, 266, 275, 279, 287, 291,
399, 400, 406, 410, 412, 422, 423, 426, 437, 440 319
vernaculaire · 43, 188
vocabulaire · 207, 232, 333, 340, 352, 373, 374, 398,
U 465
472
473
474
From language and education policies towards languages teaching / learning conditions: which
approach(es) of the context? The case of the Angolan nation
Angola remains a relatively unknown context, regardless of the discipline in the social sciences. For the didactics of
languages and cultures, this baseline situation raises the question of the approach - or the approaches - to adopt in
order to conduct research. This thesis proposes to examine the relevance of a plural approach calling upon history and
involving two major lines of work: the diachronic-synchronic axis and the micro-macro axis. The major objective is to
build on this approach to: (1) fill in for the lack of data that are essential to understand the singularity of the
contemporary sociolinguistic context, and to develop adequate language and education policies; (2) determine, using
historicization, the characteristics of the education system and the current educational culture; (3) propose
implementing strategies to improve the teaching / learning in language and of languages. The first part of this thesis
clarifies the research objectives and hypotheses (Chapter 1), presents the general elements defining the national context
(Chapter 2), as well as the concepts mobilized for reflection and analysis (Chapter 3). The second part provides
descriptive, explanatory and analytical elements hitherto unpublished regarding the context of this research: a historical
background/context (Chapter 4), a sociolinguistic framework (Chapter 5) and a focus built around the French
language in Angola leading to a broader reflection on the contemporary public education system (Chapter 6). Based on
the analysis of three teaching corpus selected following their date of production (1962, 1980 and 2005), the third part
allows to exploit the findings made in the first two sections, in order to perform historicised corpus analysis aimed at
revealing the characteristics of didactization over time, as well as the traces of this process in contemporary educational
productions.