Jean-Jacques Charbonier - Ce Truc - Copie
Jean-Jacques Charbonier - Ce Truc - Copie
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ISBN : 978-2-412-04791-0
ISBN numérique : 978-2-412-06601-0
Dépôt légal : novembre 2020
Ce truc
Quelle est cette énergie qui, pour notre bien,
nous fait parfois agir de manière inexplicable ?
r
D Jean-Jacques Charbonier
À ce truc qui nous fait vivre tant de choses.
À Coco qui partage avec beaucoup d’amour
et de patience les diverses turbulences de ma vie.
À mes enfants, Damien et Laurent, pour leur indéfectible soutien, je
suis très fier d’être leur père,
et à mes belles-filles, Aurélie et Nadia, que j’aime
comme si elles étaient mes propres filles ainsi qu’aux
cinq beaux enfants qu’elles ont récemment mis
au monde : Mathéo, Aaron, Noa, Valentin et Louna.
À tous mes parents et amis qui me suivent fidèlement
en lisant mes ouvrages ou en regardant mes interventions
sur les réseaux sociaux.
Sommaire
Copyright
Titre
Dédicace
Avertissement
Préface
Avant-propos
L'improbable palpation
La femme en bleu
Un rendez-vous programmé
La table en verre
La famille Templeton
Le perroquet géant
Olé torero !
Une alerte nocturne
Un itinéraire balisé
Épilogue
Glossaire
À propos de l'auteur
Du même auteur
Remerciements
Avertissement
Tous les témoignages rapportés dans cet ouvrage sont authentiques ; ils
m’ont été personnellement adressés par écrit ou confiés lors d’entrevues. La
plupart ne sont pas anonymes.
Toutes les identités qui sont ici révélées ont fait l’objet d’une
autorisation écrite et je remercie chaleureusement celles et ceux qui ont eu
le courage d’accepter la publication de leurs expériences de cette façon, car
il n’est pas simple de révéler l’inconcevable en exposant au grand jour un
vécu intime qui n’entre pas dans un courant de pensée dominant. Pour cette
prise de risque, je leur suis infiniment reconnaissant.
Le procédé TCH est protégé par l’exclusivité de la propriété d’auteur.
Code de la propriété intellectuelle, art. L. 335-2 et L. 335-3. Certificat de
dépôt Copyright France no 9PZ81 HA.
Question :
APRÈS LE GRAND SUCCÈS DE CETTE CHOSE…, son premier titre publié dans la
collection « Témoins de l’extraordinaire », Jean-Jacques Charbonier a
ressenti le besoin d’aller plus loin dans l’étude des événements déroutants
qui ont transformé un matérialiste pur et dur, celui qu’il était pendant ses
études de médecine, en trait d’union entre l’invisible et le concret.
Comment l’incrédule tranquille qui ne s’imaginait qu’en généraliste de
campagne est-il devenu cet explorateur des mystères de la mort et des
secrets de la vie, cet anesthésiste augmenté d’un éveilleur de conscience, ce
réanimateur des âmes en sommeil, ce thérapeute des cœurs en souffrance ?
Tous les signes, les changements de trajectoire, les accidents saugrenus qui
l’ont affranchi de ses limites initiales, il les analyse ici avec autant de
rigueur méthodique que d’ironie cinglante. Oui, le destin a joué avec lui en
le détournant des chemins « logiques » qui s’ouvraient à lui, mais le mot
« destin » est-il approprié ? Une telle force de réorchestration en vue
d’harmoniser ses aspirations inconscientes et les besoins de l’Univers, Jean-
Jacques Charbonier préfère l’appeler « ce truc ».
Peu lui importe que certains en profitent pour tenter de faire de lui un
« truqueur ». Comme tous les indépendants qui proposent une alternative
aux manipulations mentales qui asphyxient le monde, il s’attire de
nombreuses attaques, souvent si outrancières et dérisoires qu’elles ne font
que renforcer la sympathie qu’il inspire au plus grand nombre. C’est la
rançon du succès. Dans une société gangrenée par le principe de suspicion
et l’hypocritement correct, où la générosité d’une démarche ne peut que
« cacher quelque chose », donner de sa personne condamne souvent à prêter
le flanc. Charbonier le sait, même s’il néglige d’en tenir compte. Qu’il règle
étourdiment une amende avec le chéquier de sa société (dont il est seul
actionnaire avec son épouse) au lieu d’utiliser son compte personnel, et le
voici accusé dans un journal d’abus de biens sociaux. Qu’un de ses patients
se plaigne d’avoir été insuffisamment anesthésié, et le voici traîné en justice
– mais, lorsqu’il demande le dossier dudit patient pour savoir ce qui a pu se
passer durant l’intervention chirurgicale, le magistrat le lui refuse en vertu
du secret médical ! On rêve. C’est un peu comme si le juge était privé du
dossier de l’accusé, afin que soit respecté le secret de l’instruction.
Mais de quoi le Dr Charbonier est-il coupable, en définitive ? De faire
gravement baisser la consommation d’antidépresseurs et de somnifères chez
les milliers de gens qui fréquentent aujourd’hui ses ateliers de
transcommunication hypnotique. Invités à se reconnecter en même temps à
leurs voix intérieures, à l’inconscient collectif et à la conscience de leurs
défunts, la plupart des participants se retrouvent délivrés, en une séance, de
leur peur de la mort et des traumatismes liés au deuil. Alors on accuse cet
électron libre de faire du bien hors des sentiers battus, on lui reproche
d’utiliser son titre de docteur en médecine pour inspirer confiance, on
retourne contre lui l’immense engouement qu’il suscite en s’efforçant de le
faire passer pour un gourou sectaire – ce qui est assez difficile, vu qu’aucun
prosélytisme, aucune récupération, aucun produit dérivé ne viennent polluer
la simple expérience psychique qu’il propose à des gens consentants. Quand
tant de témoignages et de résultats probants plaident pour lui, seules la
jalousie de certains confrères et l’inquiétude des marchands de
tranquillisants peuvent expliquer les menaces de mort, les diffamations et
les tracasseries variées auxquelles il répond avec cet humour déstabilisateur
qui est la meilleure des armes. Le présent livre en est un exemple éclatant.
Jean-Jacques Charbonier ne se justifie pas : il développe. Il va chercher
dans les tréfonds de son esprit et de ses expériences les raisons de la
mission, parfois suicidaire, qu’il s’est assignée pour le bien d’autrui – cette
extension du serment d’Hippocrate dont l’accusent certains pour qui la
médecine s’accommode mieux des conflits d’intérêts passés sous silence
que de la médiatisation des donneurs d’espoir. Oui, ouvrir les gens à
l’extraordinaire pour apaiser leurs souffrances et renforcer leurs défenses
immunitaires choque les esprits étroits, plus respectueux de leurs propres
limites et du qu’en-dira-t-on que des innovations altruistes. Alors, faut-il se
renier et refuser son assistance aux personnes en détresse pour que les
censeurs vous laissent en paix ? Loin de faire profil bas, Jean-Jacques
Charbonier creuse en profondeur dans ce nouvel ouvrage les raisons de sa
vocation, de ses prises de risques et de l’autonomie spirituelle qu’il
s’emploie à restaurer chez ses contemporains. Et s’il dévoile ici comme
jamais auparavant sa vie privée, c’est que les plus grandes révélations qu’il
a reçues, comme les perturbations incontrôlables qui l’ont amené où il
fallait, se sont produites le plus souvent dans un cadre intime. On
découvrira notamment combien l’enthousiasme sexuel a joué un rôle
déterminant dans l’éveil de sa spiritualité. Sa manière savoureuse de
réconcilier la gauloiserie et le sacré, au plus profond des questions
existentielles, nous rappelle que l’amour est un guide bien plus fiable que le
pur intellect. Si le cœur a ses raisons que la raison ignore, Jean-Jacques
Charbonier, lui, sait rétablir le dialogue. Mais à quel prix…
Toutes les bifurcations, toutes les explorations nouvelles au service
d’autrui qui se sont proposées à lui ont correspondu, comme par hasard, à
une mise en danger, un défi à relever. Mais il n’a jamais eu peur. La peur,
c’est ce qui empêche de suivre le destin qu’on s’est choisi en fonction de
ses aspirations, de ses compétences et des signes reçus. La peur, c’est ce
boulet du doute et de la précaution qui empêche de répondre aux attentes du
monde comme aux suggestions de son intuition. Lui, conscient des ailes que
lui donnent l’amour exaltant de sa femme et la fière confiance de ses
enfants, a toujours mené une existence sans peur, sinon sans reproche. Mais
il n’en tire pas vanité : les reproches qu’il s’adresse au détour de certaines
pages sont bien plus argumentés que les procès d’intention qu’on peut lui
faire.
Quoi qu’il en soit, l’image qu’il donne lui importe moins que les
vitamines morales et les anticorps spirituels qu’il transmet à ceux qui en ont
besoin, au travers d’un atelier, d’une conférence ou d’un livre. Car le
présent texte n’est pas qu’une somme de confidences, c’est aussi un
précieux mode d’emploi de ce truc qui surgit si fréquemment dans
l’existence de chaque être humain, à condition qu’il sache le reconnaître et
en faire usage. C’est-à-dire concilier le discernement, les folies et le bon
sens. Certes, ce n’est pas évident pour tout le monde, mais rien n’interdit
d’essayer…
Si le Dr Charbonier demeure contre vents et marées un « passeur », son
truc n’est pas un tour de passe-passe. C’est une clé. Une clé susceptible de
déverrouiller nos esprits et nos vies, comme elle l’a aidé à nous ouvrir son
cœur.
Didier van Cauwelaert
Avant-propos
*
Pour résumer plus clairement mon propos, vous êtes soumis à ce truc
dès que vous faites une action qui vous semble a priori illogique et que
celle-ci ne trouve son exégèse qu’après avoir été produite. Dans ces
conditions, il devient assez facile d’admettre que les informations dictées
par ce truc ne peuvent venir que d’une « énergie supérieure » qui guide nos
vies dans un plan que l’on pourrait qualifier de « spirituel ».
*
En reprenant l’historique de cette rencontre improbable, on se rend
compte qu’il n’y a eu que deux moments précis qui restent inexplicables et
illogiques : celui où je décide brusquement de mettre mon clignotant pour
tourner à droite et celui où j’ai cette sorte de discussion avec moi-même
pour oser aller réveiller ma future épouse comme le ferait un timide prince
charmant médiéval surgissant dans un Saturday Night Fever de campagne.
En fait, et c’est bien cela le plus surprenant, ce n’est qu’une fois engagé
sur la route secondaire que j’ai compris qu’il s’agissait de l’itinéraire qui
conduisait à la discothèque. Mais au moment de tourner, je ne savais
absolument pas où j’allais. Ensuite, les événements se sont enchaînés avec
une certaine logique : j’étais sur le chemin de La Veillée donc autant m’y
rendre par simple curiosité pour avoir l’opportunité d’éventuellement
reconnaître les voitures d’amis qui fréquentaient cet endroit le samedi soir.
Et effectivement, arrivé sur place, je me garai derrière la vieille DS 21
blanche de René Thomas, mon inséparable copain de fac. J’ai accepté
d’affronter les sarcasmes du videur dans l’idée de retrouver cet ami pour
partager un verre avec lui et me renseigner sur l’état de ses révisions car
nous étions tous les deux en deuxième année de médecine. D’ailleurs je me
demande bien où il était passé celui-là ; probablement posté à l’affût
quelque part dans l’aquarium, planqué avec les autres requins, son
sempiternel Bourbon-glace à la portée des lèvres. Tout cela est bien clair
dans ma tête mais ne me dit pas comment ni pourquoi j’ai pris la décision
de tourner à droite ! L’information ne pouvait venir que de l’extérieur.
Oui, c’est ce truc qui m’a fait actionner ma main droite pour mettre le
clignotant et c’est encore lui qui m’a fortement conseillé d’aller réveiller la
belle au bois dormant ; j’en suis maintenant intimement persuadé. Ces
injonctions ne venaient pas de moi.
Quant à Corinne, mis à part sa façon très originale de me dire au revoir
sur le parking de La Veillée, rien ce soir-là ne lui paraît illogique, inhabituel,
anormal, irrationnel ou inexplicable dans ses attitudes ou ses décisions.
Nous en avons longuement discuté.
La future Mme Charbonier habitait à l’époque avec ses parents dans un
des bâtiments du Trésor public toulousain. Sa mère était la gardienne de
l’immeuble et son père le chauffeur attitré des hauts fonctionnaires
collecteurs d’impôts. Le week-end, les parents de Coco partaient s’évader
dans leur maison de campagne en Ariège en laissant la petite lycéenne dans
la ville rose pour qu’elle puisse préparer son bac tranquillement. Comme le
bâtiment devait être en permanence sous surveillance, des jumelles aussi
sérieuses qu’assidues venaient régulièrement remplacer la mère de Corinne
lorsqu’elle devait s’absenter.
Seulement voilà, le 21 mai 1977 au soir, le contrat est rompu car les
deux sœurs en poste ont une furieuse envie de passer outre leurs
engagements de vigile pour sortir en boîte. Il fait chaud dans l’appartement
de l’Esquille et les célibataires en chasse perpétuelle pour cause
d’instabilité sentimentale chronique savent bien que c’est surtout le samedi
soir que les couples se forment dans les discothèques à la mode. Et quoi de
mieux que d’amener avec elles la fille de la gardienne pour acheter son
silence ? Elles ont vite compris que rendre « la petite » complice de la fugue
serait pour elles la meilleure des garanties. Il paraît que les deux coquines
ont quand même dû insister lourdement pour convaincre ma future épouse,
en lui répétant plusieurs fois que non, il n’y avait pas que des voyous qui
fréquentaient ces endroits, non, il n’y avait pas de risque de bagarres, non,
pas de drogues non plus, mais non, bien sûr que non, ni ses parents ni
personne ne serait au courant de l’escapade nocturne. C’est surtout la
grande aux cheveux bleus qui argumentait, celle que Corinne surnommait
Cruella, tandis que sa sœur, une blonde décolorée version platine argenté, se
contentait comme toujours d’acquiescer en minaudant.
— C’est sans risque. Zéro risque et tu verras, on va bien s’amuser.
Quand t’auras connu ça, tu ne pourras plus t’en passer. Accepte, tu ne le
regretteras pas. T’es jeune, t’es belle, tu vas emballer grave, c’est sûr. T’as
pas des sapes plus sexy que ce jean tout moche ?
— Euh… si, j’ai ma jolie robe blanche…
— T’as pas plutôt une minijupe avec des bottes ou des bottines ?
— Ben, non…
— Bon, ça fait rien. Grouille-toi, change-toi et rapplique, on t’attend
dans ma caisse.
Ce qui est surprenant dans cette échappée clandestine, c’est la décision
de Cruella qui tenait le volant. Bien qu’à Toulouse les boîtes branchées
soient légion, elle opta pour l’option de fuir subitement la ville et fonça vers
le sud. Pourquoi faire toute cette route inutile et pourquoi vers le sud ?
Coco, qui s’ennuyait déjà sans oser le dire à l’arrière de la voiture, se
souvient encore de la conversation des deux sœurs au bord de la dispute.
— Mais enfin, tu sais où on va ? Ça va faire bientôt une heure qu’on
roule. T’as un plan cul ou quoi ?
— Non pas du tout. J’ai zéro plan. Juste une envie de quitter cette ville
de merde où il n’y a que des pauvres taches. On va bien finir par trouver
une boîte quelque part. À la campagne aussi les gens aiment s’amuser.
— Passe-moi une Camel, j’en ai plus. Tu me fais tellement chier que ça
me donne envie de cloper deux fois plus qu’avant ! Moi qui voulais arrêter,
avec une sœur aussi barrée, c’est pas gagné.
À bien y réfléchir, tout laisse à penser que le truc avait décidé
d’intervenir sur la fille aux cheveux bleus pour organiser notre improbable
rencontre.
IL Y A ENVIRON UNE DIZAINE D’ANNÉES, c’est encore une femme en bleu que le
truc m’envoya pour régler mon petit problème. Mais cette fois-ci, la couleur
préférée de Corinne n’était pas étalée sur les cheveux de la fille ; c’était
celle de son uniforme et de son petit calot.
J’étais en retard. Le taxi qui me ramenait à l’aéroport de Lyon faisait
comme il pouvait pour slalomer entre les files de voitures qui
s’agglutinaient, mais même avec la meilleure volonté du monde on ne peut
pas faire grand-chose quand tout est bloqué. « Putain ! C’est toujours le
même bordel, le dimanche soir », répétait sans cesse mon chauffeur en
mâchant rageusement son chewing-gum. De temps en temps, il lui arrivait
de taper sur son volant en criant « Avance, putain ! » au coffre de la bagnole
qui était devant lui ou d’accélérer sur dix mètres puis de piler après avoir
chanté sur tous les tons « On l’aura pas, on l’aura pas, putain ! » En fait le
type était devenu subitement nerveux après mon annonce : l’embarquement
de mon vol serait clos dans onze minutes, et d’après son GPS il nous en
fallait encore au moins quinze pour arriver à destination. Visiblement, ces
quatre minutes de décalage le survoltaient. En descendant du taxi, je
pressentais que c’était déjà trop tard.
— Vous voulez une note de frais ?
— Non, pas la peine, merci, gardez la monnaie.
C’est à partir de ce moment-là que les choses basculent dans le
« paranormal ».
J’arrive enfin devant le comptoir d’enregistrement. Je dégouline de
sueur après un sprint de quatre cents mètres effectué les bras écartés en
tirant ma grosse valise.
Avec mon imperméable ouvert et mon regard affolé qui scrutait les
tableaux d’affichage, je devais ressembler à une sorte de chauve-souris
déjantée qui traînait une proie vers son nid. J’exhibe mon passeport et ma
carte d’embarquement. La jeune dame assise devant moi fronce les sourcils
et me regarde avec pitié.
— Je suis désolée, monsieur, c’est trop tard, l’embarquement pour
Toulouse est terminé. En plus, il n’y a plus de vol, c’était le dernier de la
journée. Le prochain est demain matin à 8 h 30.
— Hein ? Demain ? Mais c’est impossible, je dois être au bloc
opératoire à 8 heures lundi, moi, je ne peux pas attendre demain matin…
— Désolée, monsieur…
Je fais demi-tour et m’écroule sur la banquette la plus proche. Inutile de
se presser. J’ai tout le temps pour réfléchir et décider de la meilleure option
possible.
Je ne comprends pas pourquoi l’au-delà me met dans cette galère alors
que je travaille comme un dingue pour essayer de faire admettre aux autres
sa réalité. La conférence que je viens de faire devant des centaines de
personnes servait à ça pourtant, alors pourquoi ? C’est de ma faute, j’aurais
dû écourter ma séance de dédicaces, c’est ça qui m’a fait manquer mon
avion… Devais-je ne pas répondre à tous ces gens qui sont venus me voir
avec leur livre à la main ? Je ne pense pas mériter cela… Non, vraiment.
Bon, ce n’est pas le tout, qu’est-ce que je fais, moi, maintenant ? Il y a
quelqu’un là-haut pour m’aider ?
En formulant cette dernière question, je lève mon regard vers le plafond
et découvre une jolie jeune femme en costume bleu clair. Elle est immobile
devant moi et m’offre un joli sourire qui éclaire l’étonnante pâleur de son
visage. C’est drôle, toutes les hôtesses ici sont habillées en bleu marine,
elle vient d’où celle-ci ? Tout est clair chez elle : son uniforme… même sa
peau.
— Vous allez à Toulouse, n’est-ce pas ?
— Oui, enfin c’est ce que je voulais faire, mais c’est trop tard. Je dois
prendre le prochain vol demain matin.
— Non, ce n’est pas trop tard, votre vol vient d’être retardé. Donnez-
moi votre carte d’embarquement, votre passeport et rejoignez-moi là-bas,
me dit-elle en pointant son doigt vers une porte à doubles battants située sur
la gauche des comptoirs d’enregistrement.
J’exécute docilement ses ordres. Cette fille est vraiment bizarre.
Comment sait-elle que je vais à Toulouse ? Pourquoi n’est-elle pas habillée
comme toutes les autres hôtesses qui sont ici ? C’est peut-être une
arnaqueuse… une voleuse de passeports ? Si c’est ça, j’ai vraiment l’air
con. Comment je vais faire, moi, demain pour prendre un vol sans aucun
papier d’identité ?
Mais moins d’une minute plus tard ma mystérieuse bienfaitrice
réapparaît comme un génie sorti de son vase. Elle me rend mes papiers et
me demande de la suivre sans perdre de temps. Nous passons des portiques
de sécurité désertiques probablement réservés au personnel navigant et nous
arrivons enfin au comptoir d’embarquement.
L’hôtesse qui m’accueille est habillée normalement, enfin je veux dire
comme toutes les autres qui sont ici, c’est-à-dire en uniforme bleu marine.
Elle me dévisage et, avant de prendre mon passeport, me dit :
— Vous êtes M. Charbonier, c’est ça ?
— Euh… oui, c’est bien ça.
— On peut dire que vous avez vraiment beaucoup de chance. Votre vol
vient d’être retardé, mais malgré cela vous auriez pu le manquer quand
même. Vous êtes arrivé juste au moment où j’allais fermer.
— Oui, j’ai beaucoup de chance, mais c’est surtout grâce à votre
collègue, là, qui est derrière moi, que je suis arrivé à temps.
— Ma collègue ? De qui parlez-vous, monsieur ? Je ne vois personne
derrière vous… Vous êtes sûr que ça va ?
— Mais si, là…, dis-je en me retournant.
Personne, il n’y avait plus personne derrière moi !
Je repense souvent à cette histoire en m’endormant. Qui était cette
femme ? D’où venait-elle ? Comment était-elle parvenue à apparaître et à
disparaître aussi vite qu’une bulle de savon qui éclate dans le vent ? Était-ce
mon ange gardien ? Une entité venue de l’au-delà au moment où j’implorais
son aide ? Peut-être, oui peut-être…
En tout cas il me plaît de croire que le truc avait entendu ma prière.
Le truc des animaux
*
Il arrive aussi que ce truc guide les animaux perdus pour retrouver leurs
maîtres et, là encore, on ne peut parler ni d’intuition, ni d’instinct animal, ni
de flair car les chats ou les chiens perdus ne peuvent sentir leurs
propriétaires à plusieurs centaines de kilomètres. Il n’y a aucun mot français
pour traduire cette capacité extraordinaire ; c’est ce truc qui, à la manière
d’un GPS, oriente nos compagnons à quatre pattes à travers les champs, les
routes et les villages pour enfin arriver au bout d’un long voyage de
plusieurs mois à leur destination finale. Les rubriques « Faits divers » de
nos journaux rapportent souvent ces incompréhensibles périples, mais à ce
jour c’est Karim qui détient le record de distance parcourue pour rejoindre
ses hébergeurs habituels.
Karim est un chat qui coulait des jours heureux dans une maison
familiale située en Ouzbékistan. En 2008 les propriétaires de Karim
devaient déménager en Russie. Pensant que l’animal ne s’adapterait pas à
un voyage aussi long, ils préférèrent le laisser sur place en le confiant
à leurs voisins. Deux ans plus tard, en juin 2010, la maîtresse du chat
retrouva l’animal épuisé sur le pas de la porte de sa maison russe. Karim
avait parcouru plus de trois mille kilomètres pour la retrouver. Interrogée
par le journal La Libre Belgique, voici ce que la propriétaire du prodigieux
matou rapporta :
Je savais par mes anciens voisins que mon chat avait disparu de la maison
quelques jours après notre départ et j’en étais très triste, mais nous n’avons
plus eu de nouvelles à son sujet par la suite. Quand je me suis approchée de
la porte, j’ai vu que c’était Karim, amaigri et en mauvaises conditions,
mais c’était bien lui. Il est très heureux aujourd’hui, tout comme nous. Je
n’ai aucune idée de comment il nous a trouvés mais je suis très contente
qu’il l’ait fait.
CORINNE EXPÉRIMENTE SOUVENT ses facultés intuitives. Dans les années qui
ont suivi notre première rencontre à La Veillée, nous faisions très souvent
l’amour. C’est la fameuse « règle des MMS » : à 20 ans, c’est matin, midi et
soir ; à 40, mardi, mercredi et samedi ; à 80, mars, mai et septembre ; et à
90, mes meilleurs souvenirs. Nous étions donc dans la période du « au
moins trois fois par jour » et nous adorions faire nos petites galipettes dans
des endroits improbables, en particulier sur les tables d’orientation. Ne nous
demandez pas pourquoi, on n’en sait absolument rien. J’ai retrouvé plus
tard ce même sentiment de puissance ostentatoire éprouvé dans ces
circonstances de domination du vide au cinéma quand Leonardo DiCaprio
enlace sa bien-aimée à la proue du Titanic en criant, les bras en croix, qu’il
est le roi du monde. C’était tellement ça que j’ai pleuré d’émotion en
voyant la scène. Bref, nous devenions au fil de nos visites d’altitudes des
spécialistes de cette acrobatie poétique. Coco posait ses fesses ou ses seins
sur la faïence froide où sont dessinées les montagnes affublées des
inscriptions de leurs altitudes et, tout en glissant en elle, je lui lisais en riant
le nom des pics, des lacs et des sommets.
Une après-midi d’août, alors que nous nous apprêtions à renouveler
notre spécialité au sommet d’un des volcans des Vosges, ma dulcinée quitta
brusquement son promontoire en remontant sa jupe.
— Ben, qu’est-ce qui t’arrive, pourquoi tu descends ?
— Je ne sais pas. Pas ici. Pas maintenant. Je ne le sens pas.
Effectivement, environ vingt secondes plus tard, une colonie de
vacances déboula en trombe à quelques mètres de nous pour découvrir un
point de vue qui n’avait rien de comparable à celui que nous aurions pu leur
offrir.
Les trucs perçus par Corinne nous ont souvent sortis de situations
difficiles. Si je fais toujours appel à son intuition avant de prendre une
décision importante ou risquée, il arrive aussi que, sans lui demander quoi
que ce soit, elle lance une alerte vitale qui permet de nous sauver. Nous
verrons dans le prochain chapitre que ce fut le cas en Corse en mai 1980.
Mais ceci ne nous explique pas pourquoi cette prouesse sexuelle nous
semblait nécessaire. Oui, pourquoi prendre ce risque inconsidéré
d’exhibitionnisme flagrant sévèrement puni par la loi ? Sans doute pour
m’apprendre le courage car il en faut quand même pas mal pour arriver à
bander dans de telles circonstances. Le plaisir sexuel a vaincu ma peur.
Peut-être serais-je moins courageux si ce truc ne m’avait pas donné le goût
de l’adrénaline ; celle-ci a une saveur bien particulière quand elle est
stimulée par la testostérone. Et c’est probablement cette même testostérone
qui me conduit à prendre toutes les initiatives dangereuses qui ont jalonné
ma vie.
Le truc et les accidents de la route
Quand j’ai raconté cette étonnante histoire à mon ami Félix Fauré,
homonyme du célèbre musicien, il eut un énigmatique sourire car il fut lui
aussi un jour confronté à un truc identique au volant de sa puissante BMW.
Lui aussi était, ce jour-là, en retard. Le rendez-vous prévu était vital pour
son entreprise. Lui aussi roulait vite ; bien au-delà du raisonnable. Pourtant,
sans aucune raison valable, il décida tout à coup de ralentir et de s’arrêter
sur une aire de parking pour fumer une cigarette. L’envie de nicotine n’était
pas un motif suffisant de stationnement car il avait l’habitude de fumer en
conduisant. Il resta là, assis sans bouger, le moteur éteint, en soufflant des
volutes de fumées en direction de sa vitre ouverte. Au bout d’une dizaine de
minutes, il écrasa son mégot dans le cendrier et repartit en trombe sans
comprendre la raison qui l’avait poussé à cette halte soudaine. C’était pour
lui aussi stupide qu’incompréhensible. Pourquoi perdre un temps qui lui
était aussi précieux ?
L’explication l’attendait à quelques kilomètres de là où un terrible
accident venait de se produire : un gigantesque carambolage de plusieurs
voitures totalement détruites avec un semi-remorque couché sur la
chaussée. Dix minutes plus tôt, et Félix faisait partie des victimes, il en est
intimement persuadé.
*
C’est également un truc de ce genre qui épargna la vie de mon fils
Laurent par une chaude soirée de juin. Son frère Damien venait d’obtenir le
permis de conduire. Arrivé à la maison, le lauréat exhiba fièrement son
papier rose et me demanda la permission d’emprunter mon nouveau joujou,
un magnifique 4x4 Suzuki décapotable, pour faire une petite balade avec
son jumeau. Je revois encore leurs regards suppliants : « Oh ! oui, papa, dis
oui, dis oui, s’il te plaît papa… Laurent et moi on serait trop contents si tu
disais oui ! » Comment leur refuser ce plaisir ?
Environ deux heures plus tard me vint une étonnante vision. J’étais
allongé dans ma baignoire, parfaitement relaxé. La fumée qui s’échappait
de l’eau bouillante embuait le blanc des murs carrelés et la fenêtre, en
dessinant des sortes de nuages sur la vitre noircie par la nuit qui venait de
tomber. C’est alors qu’une scène aussi terrible qu’inexplicable s’imposa, un
drame imprévisible, le chaos. L’image de ma voiture faisant plusieurs
tonneaux, avec au volant un ami de mes enfants, était tellement présente
dans mon esprit que je ne pus m’empêcher d’alerter Corinne qui était
allongée dans la chambre attenante à notre salle de bains.
— Il ne faudrait pas que Damien ait l’idée de prêter la voiture à un
copain et qu’ils aient un accident !
— Mais pourquoi tu dis ça ? Damien est sérieux, il n’oserait jamais
faire une chose pareille !
Je n’eus même pas le temps de répondre à Coco. Le téléphone sonna
pour nous annoncer que nos deux fils venaient d’avoir un accident et que la
voiture avait fait plusieurs tonneaux. Grâce au ciel, ils étaient indemnes.
Nous apprîmes plus tard que Damien avait cédé le volant à son copain
et qu’il occupait la place du passager tandis que son frère Laurent assis à
l’arrière avait voulu être débarqué avant l’essai fatidique. Sous le choc, le
conducteur qui ne portait pas de ceinture avait été éjecté de la décapotable
dès la première embardée tandis que Damien, solidement attaché sur son
siège, avait subi tant bien que mal les deux ou trois tonneaux qui, pensait-il,
n’en finiraient jamais.
Coco et moi arrivâmes le cœur serré sur les lieux de ce qui aurait pu être
un drame. Ma pauvre Suzuki flambant neuve ne ressemblait plus qu’à un
petit cube de tôle qui évoquait une compression de César. Seule la place du
passager avant n’était pas écrasée. Les deux occupants s’en sortaient
miraculeusement avec seulement quelques égratignures et quatre ou cinq
hématomes ; rien de plus. Laurent avait anticipé la prouesse du cascadeur
en herbe. Il nous raconta qu’au moment où son copain prit le volant, il vit
une tête de mort se dessiner sur la place où il était installé. Il insista pour
descendre : « Allez-y tous les deux, je préfère vous attendre là. » Le truc lui
avait sauvé la vie en lui envoyant ce symbole annonciateur.
*
Et puisque j’en suis à relater les accidents où le pire fut évité grâce à un truc
particulier, je rapporte ici celui que j’ai eu au mois d’octobre 2008.
Sans comprendre la véritable raison qui me pousse à cet atavisme – on
surnommait ma grand-mère maternelle Beltoise et ma mère Schumacher –,
j’aime la vitesse. Je raffole de cette sensation de puissance que l’on peut
éprouver en se déplaçant rapidement sur les routes. Je sais que c’est
particulièrement stupide et irresponsable compte tenu des dangers mais,
malgré cela, cette attirance imbécile ne m’a jamais quitté. Est-ce le goût de
transgresser l’interdit qui m’attire ? Peut-être… Ou alors cette sensation
étrange de se mettre en danger de mort en modifiant notre rapport au temps
et à l’espace ? Sans doute… En tout cas je suis certain d’une chose : dès
que je franchis le seuil de la limite autorisée, je jubile. Pourtant j’ai
conservé mes douze points. Il faut dire que, depuis quelques années, je me
suis bien calmé et j’actionne plus volontiers mon régulateur de vitesse, en
savourant les mélopées du requiem de Verdi, que l’accélérateur, en montant
les décibels d’un concert de rock comme je le faisais autrefois.
J’ai obtenu mon permis moto à 16 ans. À l’époque, on pouvait piloter
dès cet âge des deux-roues qui frôlaient les deux cents kilomètres par heure,
avec des possibilités de décélération aussi réduites qu’aléatoires puisque la
plupart des engins n’étaient équipés que de simples freins à tambour, mais
paradoxalement il fallait attendre deux ans de plus pour conduire une deux-
chevaux qui atteignait péniblement les quatre-vingt-dix kilomètres par
heure. Le permis voiture ne pouvait être délivré qu’à 18 ans sans possibilité
de bénéficier comme aujourd’hui des conduites accompagnées préalables.
Les bolides à deux roues faisaient un bruit d’enfer, surtout les grosses
cylindrées au moteur deux temps comme la Kawasaki 750 H2 Mach IV ou
la Suzuki 750 GT qui avait trois cylindres en ligne refroidis par un radiateur
frontal. Quand on chevauchait ces monstres et que l’on essorait la poignée
des gaz pour faire des concours de gerbes d’étincelles en faisant racler notre
béquille latérale sur le goudron à chaque virage avec d’autres très jeunes
motards, on prenait des pieds incroyables mais surtout des risques absurdes.
D’ailleurs beaucoup de mes amis en sont morts ou sont restés estropiés pour
le restant de leur vie. On se formait sur le tas avec l’expérience des autres
ou par nos erreurs de conduite régulièrement sanctionnées par des chutes
plus ou moins graves. L’examinateur avait signé le permis d’aller me tuer
après m’avoir dit : « Tu vas jusqu’au bout de la route là-bas et tu reviens
jusqu’ici sans mettre le pied à terre, et c’est bon ! » C’est bon, c’est ce que
je croyais en partant avec ma feuille rose à la main, mais je me suis aperçu
au fil du temps, de mes plaies, de mes bosses et de mes habits déchirés que
ce n’était pas bon du tout. On délivrait des permis à des gamins
inconscients qui n’étaient pas capables de piloter correctement des engins
qui n’auraient dû évoluer que sur des circuits de courses. Et encore, même
dans ces conditions optimales, ce n’était pas gagné. Combien de morts ?
Impossible à dire mais beaucoup trop et c’est un vrai miracle que je m’en
sois sorti vivant. Au grand soulagement de ma mère, qui tremblait chaque
fois qu’elle me voyait partir à moto, la Dyane caramel du pharmacien
remplaça ma Honda CB 500 Four dès mes 18 ans en mettant une fin
provisoire à ma courte carrière de motard.
Mais vieux motard que jamais, quand on aime la moto, c’est pour la vie.
Aussi, dès que mes revenus de médecin anesthésiste me permirent
d’acquérir un deux-roues en plus de ma voiture utilisée pour mes
déplacements professionnels, je ne m’en suis pas privé.
Ma quatrième moto achetée après la pause de mes 18 ans était une
Kawasaki GPZ 900 R Ninja que j’avais fait débrider et préparer en modèle
course pour les circuits. La bestiole avait des accélérations de folie : elle
atteignait les cent kilomètres par heure en deux secondes et demie et quatre
cents kilomètres par heure en vitesse de pointe. Autant vous dire que je
devenais complètement dingue dès que j’enfourchais un tel bolide. Plus rien
ne comptait. Couché sur ma machine, les bras tendus sur le guidon en ayant
pour seule mire le compte-tours, je devenais subitement un autre homme
prêt à jouer ma vie pour retrouver l’extase de cette incroyable poussée que
seuls les pilotes de course peuvent connaître.
CE TRUC POURRAIT-IL AVOIR UNE ACTION DIRECTE sur la matière pour nous
protéger ? L’histoire de Christine Ricotta plaide en ce sens.
Depuis maintenant cinq ans, j’organise avec mes amis Marc Leval et
Étienne Dupont des séances d’hypnose collective regroupant une
quarantaine de personnes qui, durant quatre heures, vivent et partagent des
expériences d’état de conscience modifiée. Les participants sont
confortablement installés sur des relax, avec un masque sur les yeux et un
casque sur les oreilles qui diffuse une musique composée par Étienne,
mixée en temps réel avec le son de ma voix en alternant les différentes
stimulations sonores de gauche à droite et inversement afin de donner un
effet relief qui éteint les deux hémisphères cérébraux. Nous avons
perfectionné notre technique au fil du temps et de nos différentes
expériences. Force est de constater que les résultats obtenus s’améliorent
sans cesse. J’ai nommé « transcommunication hypnotique » ou TCH ces
ateliers, par analogie à la TCI ou transcommunication instrumentale. La
TCI consiste à communiquer avec le monde spirituel aux moyens
d’instruments phoniques ou télévisuels tandis que, en TCH, c’est l’hypnose
qui établit ce lien.
En février 2020, Christine Ricotta fait une TCH et reçoit sous hypnose
une explication au miracle qu’elle a vécu trente-six ans plus tôt.
Elle n’avait que 21 ans au moment de son époustouflante aventure. Ce
jour-là, une tempête de neige sévissait depuis déjà plusieurs jours et la jeune
femme se trouvait bloquée à son domicile car toutes les routes étaient
devenues impraticables. La prisonnière prit son mal en patience jusqu’à ce
qu’elle puisse de nouveau utiliser la voiture pour se rendre au travail. Sur
son trajet emprunté quasi quotidiennement se trouve un tunnel très étroit
dans lequel il est impossible que deux véhicules se croisent. Christine n’est
plus qu’à quelques dizaines de mètres de l’entrée du fameux souterrain
lorsqu’elle aperçoit le car qui vient d’y pénétrer à vive allure en sens
inverse. Compte tenu de la distance qui la sépare de la galerie, il n’y a pas
d’autre choix que de se ranger sur le côté pour laisser passer le bus. Oui,
mais voilà, sa voiture qui glisse sur le verglas ne lui obéit plus et la vitesse
devient aussi incontrôlable que la direction ; le volant tourne dans le vide
sans modifier son dérapage et la pédale de frein fait plutôt office
d’accélérateur. S’immobiliser en travers de la route à la sortie du tunnel est
vraiment le pire des scénarios à envisager et c’est pourtant celui qui se
produit. Christine n’a même pas le temps de s’extraire du véhicule. Elle sait
que dans moins de deux secondes le car l’aura pulvérisée. C’est la fin.
Résignée et prête à quitter ce monde, elle ferme les yeux et attend, une
seconde, deux secondes, trois… dix. Étonnée d’être encore vivante, elle
finit par soulever ses paupières pour constater que non seulement le bus est
passé sans la toucher, mais aussi, et sans doute surtout, qu’elle est toujours
dans la même position mais… à l’autre extrémité du tunnel ! Comment a-t-
elle pu effectuer la centaine de mètres qui la sépare de sa position initiale
sans percevoir le moindre déplacement et en aussi peu de temps ?
Pendant toutes ces années, Christine a gardé en mémoire cette
incroyable énigme sans oser en parler de peur de passer pour une folle.
J’ai reçu récemment son compte rendu écrit de TCH et voici ce qu’elle
écrit au sujet de cette histoire stupéfiante :
J’ai demandé à Dieu ce qui s’était passé quand j’ai croisé le car sous le
tunnel. Il m’a alors montré les molécules qui constituaient ma voiture et
celles du car. Ces molécules étaient écartées. De l’air passait entre elles. Je
ne sais pas l’expliquer exactement. Il y avait de l’air entre chaque
molécule. Elles ne se touchaient plus. La matière n’était plus dense. Donc
les deux véhicules ont pu passer l’un à travers l’autre grâce à ça et j’ai pu
être déplacée. C’est assez mal expliqué car j’ai la vision encore devant mes
yeux et je n’ai pas les mots exacts pour permettre une description telle que
je la vois exactement. Voilà, Dr Charbonier. J’espère que mon témoignage
vous intéressera. Vous pouvez le diffuser si vous le jugez utile.
Je ne fais pas de prosélytisme. J’ai bien sûr moi aussi mes croyances et
il m’arrive souvent de prier mais je préfère parler de « ce truc » plutôt que
de parler de Dieu. J’aime autant laisser le lecteur libre de toute
interprétation et de toute conclusion personnelle.
*
Isabelle Abeilles me rapporta une anecdote tout aussi étonnante, mettant
en cause un piéton parvenu à éviter de justesse d’être écrasé par une voiture
qui arrivait vers lui à vive allure. Or pour réaliser cet exploit il n’y avait que
deux solutions possibles : faire un saut surhumain au-dessus du véhicule
ou… passer à travers sa matière.
Son témoignage me fit penser à une courte vidéo qui traîne sur le Net.
Le petit film intitulé « Téléportation ou manipulation ? » est en noir et
blanc ; on imagine qu’il s’agit de l’enregistrement d’une caméra de
vidéosurveillance placée au-dessus d’un carrefour. La séquence visionnée
des millions de fois a de quoi surprendre les plus grands adeptes du
paranormal puisqu’on y voit un camion passer carrément à travers un
homme qui arrive tranquillement à vélo au milieu du carrefour et que le
cycliste en question réapparaît de l’autre côté de la chaussée une ou deux
secondes plus tard, apparemment totalement indemne. Le réflexe normal
devant un tel film est de penser à la supercherie d’un montage ; la logique
de nos apprentissages exclut de telles scènes du réel en les faisant entrer en
totale dissonance cognitive. Pourtant faut-il les rejeter systématiquement ?
Et si c’était vrai ?
Ça m’est arrivé à moi aussi… par deux fois j’ai été préservée d’un accident
à la gravité indéniable. Adolescente, j’ai fait un bond d’une impulsion
inouïe, échappant ainsi au véhicule qui me fonçait droit dessus sur un
passage pour piétons. Une autre fois, adulte : je me suis endormie au volant
de mon véhicule, une nuit de trajet entre Bruxelles et les Ardennes. La
vibration émise par mes roues qui passaient sur la voie centrale m’a
réveillée. Je me suis dit que c’était cuit et, sans que je me l’explique, le
volant, seul, a contre-braqué, me replaçant dans l’axe de la route. J’ai senti
une décélération douce, comme si j’étais dans un état second. C’était
comme si quelqu’un d’autre prenait les choses en main. Au parking suivant,
en état de choc, je me suis arrêtée, pour reprendre mes esprits, réaliser le
phénomène dont je venais d’être le témoin. Je suis intimement convaincue
d’avoir été aidée. De toute évidence, j’avais encore des choses à faire sur
terre…
Le truc pourrait peut-être aussi avoir une influence sur la matière pour
modifier nos destins.
Le miracle de la naissance
LE 21 MARS 1986, LE TRUC FIT NAÎTRE mes deux fils, Laurent et Damien. Ils
sont jumeaux dizygotes. Pour que cela se soit produit, il a fallu que l’ovaire
de mon épouse expulse deux ovocytes en même temps et que chacun
d’entre eux soit fécondé par un spermatozoïde. On obtient dans ce cas deux
embryons très différents qui peuvent même être de sexes opposés. À
l’inverse de ces « faux jumeaux », les jumeaux monozygotes, encore
appelés « vrais jumeaux », se ressemblent comme deux gouttes d’eau car ils
sont issus d’un même œuf séparé ensuite en deux embryons. Dans ce cas, ce
sont le même spermatozoïde et le même ovocyte qui sont à l’origine de leur
capital génétique.
Effectivement, mes deux enfants ne se ressemblent ni par leur physique
ni par leur personnalité. Ils ont, bien sûr, quelques points communs mais ni
plus ni moins que des frères nés à plusieurs années d’intervalle.
J’écris que c’est ce truc qui a organisé leur venue au monde, mais vous
pouvez en conclure la même chose si vous avez des enfants. Et même si
vous n’en avez aucun, vous devez réaliser à quel point votre simple
présence sur terre est un vrai mystère organisé par on ne sait quoi ou on ne
sait qui ; par un truc en somme. En fait, il s’agit vraisemblablement de la
plus grande énigme de tous les temps. On ne se rend vraiment pas compte
des incroyables coïncidences qu’il faut pour réaliser une naissance qui
semble a priori tellement ordinaire ; c’est tout simplement phénoménal !
En ce qui concerne celle de mes enfants, je peux dire que je connais
l’endroit où ils furent conçus. C’était dans une chambre d’hôtel à Castres en
face de la maternité dans laquelle je travaillais. À cette époque, j’effectuais
des remplacements d’anesthésiste dans différents endroits tout en préparant
mon concours de spécialiste. Mes deux années validées de médecin
réanimateur permettaient d’avoir un statut de remplaçant en attendant d’être
titulaire du diplôme officiel qui autorisait une installation en clinique ou à
l’hôpital. J’étais donc souvent en déplacement dans différentes villes de
France tandis que Coco restait à Toulouse pour exercer son nouveau métier
de secrétaire médicale. J’écris « nouveau » car elle se destinait au départ à
une carrière de prof de gym et avait abandonné ce projet en pensant un jour
pouvoir m’aider dans la fonction de médecin de campagne que j’avais
envisagée avant que je connaisse « cette chose » qui me fit bifurquer sur
l’anesthésie-réanimation. De temps en temps, quand notre séparation était
trop longue, elle venait me rejoindre.
Ce soir-là à Castres, au moment de l’extase, j’ai déversé trois cents
millions de spermatozoïdes dans le vagin de Coco – c’est le nombre moyen
de gamètes par éjaculation et, compte tenu de ma bonne semaine
d’abstinence, je ne pense pas avoir été en dessous de ce chiffre. Seuls
quelques milliers sont parvenus à remonter le col de l’utérus, l’endomètre,
l’angle tubaire et la trompe pour finalement atteindre l’ovule – enfin deux
ovules dans le cas qui nous intéresse puisque, pour des raisons inconnues,
l’ovaire de ma femme avait décidé de doubler sa production. Imaginez la
scène. Des centaines de spermatozoïdes se collent aux parois des deux
ovocytes. Car oui, ils ne sont plus des milliers en arrivant au port en
arborant sur le front une mâle assurance ; ils sont là, minuscules et
implorants comme des coureurs de fond attendant leur médaille après avoir
franchi la ligne d’arrivée. La queue frétillante, ils supplient un droit d’entrée
pour monter sur le podium. Mais celui-ci n’a pas trois places : l’ovocyte est
élitiste et n’accepte que l’or ; l’argent et le bronze sont exclus. Un
spermatozoïde, oui un seulement sur six ou sept cents prétendants, pourra
pénétrer la reine, un pour chacune des deux reines dans le cas décrit. Tous
les autres vont mourir. Comment choisit-elle ? D’ailleurs est-ce bien elle
qui sélectionne ou ce truc ? Personne, aucun scientifique, même le mieux
informé sur toutes ces questions, n’est foutu de le dire.
Bien que tout aussi mystérieuse qu’incomprise, la suite est banale
puisqu’elle existe depuis les débuts du règne animal. Une quinzaine
d’heures après la pénétration du spermatozoïde dans l’ovule, les noyaux des
deux gamètes fusionnent en mélangeant leur capital génétique pour former
une seule cellule. L’œuf ainsi constitué descend alors lentement le long de
la trompe et vient se fixer sur l’utérus au bout de six jours de voyage. La
cellule nouvellement créée se divise en deux, puis en quatre, en huit, en
seize, en trente-deux et enfin en soixante-quatre cellules identiques. Cette
multiplication se poursuit mais un autre phénomène se produit qui est la
plus formidable des énigmes scientifiques : la différenciation cellulaire.
Tout à coup, des cellules décident, on ne sait ni comment ni pourquoi, de
former des tissus très spéciaux et de devenir un cerveau, un cœur, de l’os,
afin de constituer un individu complet au stade embryonnaire. Et ici encore
on peut dire que c’est ce truc qui organise la métamorphose car personne
sur cette terre n’est en mesure d’expliquer cette époustouflante réalisation
qui aboutira à mettre au monde un bébé en relief avec ses formes, ses
structures et toute sa complexité anatomique neuf mois plus tard.
Nous avons environ une chance sur vingt millions de tirer les cinq bons
numéros du Loto mais une sur trois cents millions de naître, en considérant
le nombre de spermatozoïdes dans un éjaculat et en excluant les probabilités
de rencontre et de séduction d’un homme et d’une femme qui finissent
enfin par s’accoupler. Si on prend en compte que la semence masculine doit
arriver au bon moment et à l’endroit voulu, c’est-à-dire ni dans le vide, ni
dans un Kleenex, ni dans tout autre orifice, la probabilité doit plutôt se
chiffrer en centaines de milliards.
Oui, il n’y a pas plus d’une chance sur plusieurs centaines de milliards
pour que vous puissiez être ici en vie sur cette planète.
Ce truc a tout organisé pour que vous y soyez afin d’accomplir votre
propre destin.
Poursuivre un immuable destin
1. Contacter nos défunts par l’hypnose, Guy Trédaniel, 2018. Devenir hyperconscient, Guy
Trédaniel, 2019. J’ai envoyé dix mille personnes dans l’au-delà, Michel Lafon, 2020.
2. Blog du Comité de recherche et d’information indépendantes sur le génie génétique du
4 juillet 2016. Voir aussi l’éditorial de The Lancet du 11 avril 2015.
3. Voir note 3.
4. Institut de recherche et de communication sur la conscience intuitive extraneuronale
(IRCCIE). www.irccie.com
5. Michel Lafon, 2020.
L’information tombée du ciel
Lors du dernier jour de stage, Eamonn Downey fit comme tous les
autres médiums une démonstration de ses capacités dans le « sanctuaire »
qui est la salle réservée à ce genre de prestations.
Le maître s’installa sur un siège posté au milieu de l’estrade et demanda
à deux volontaires de venir se placer l’un sur sa gauche et l’autre sur sa
droite. Le médium se concentra et étendit ensuite ses bras vers eux.
L’expérience se renouvela ainsi plusieurs fois avec différents participants.
Laurent est formel, il y avait chaque fois un rayon lumineux qui prolongeait
les doigts d’Eamonn Downey en direction des deux élèves. Mais le plus fort
c’est qu’il vit apparaître en même temps et à plusieurs reprises le buste bleu
d’un homme au-dessus du médium en transe. Il reconnut tout de suite le
fameux médecin barbu au mystérieux regard suiveur rencontré le premier
jour sur un des portraits de la galerie. Mon fils se demanda si cet étrange
docteur avait la possibilité de soigner les gens par l’intermédiaire de ce
médium réputé mais il savait aussi qu’il fallait rester toujours très méfiant
devant ce genre de démonstrations. Quand tout le monde fut parti, Laurent
resta un moment dans la salle pour vérifier s’il n’y avait pas de trucages et
en particulier des sources électriques qui auraient pu alimenter la projection
d’un hologramme ; rien, il ne trouva absolument rien. Il avait aussi
interrogé les autres spectateurs : certains avaient vu la même apparition que
lui au-dessus du professeur Downey, tandis que d’autres n’avaient rien vu
ou avaient perçu des choses totalement différentes et notamment d’autres
visages inconnus, nombreux et plus petits. Ceci ne plaidait donc pas en
faveur d’un hologramme car dans ce cas tout le monde aurait assisté à la
même scène. L’enquêteur ne put souligner qu’une chose : tous les
participants qui avaient bénéficié des talents d’Eamonn Downey ce soir-là
prétendaient avoir reçu un soin énergétique très puissant qui était pour
beaucoup un des plus forts qu’ils aient jamais reçu de toute leur existence.
EN 1970, LA MODE PUNK BATTAIT SON PLEIN en Angleterre. L’immense fille qui
s’agitait devant moi sans me quitter des yeux depuis un bon quart d’heure
sur la piste de danse me donna la sensation d’être dragué par un perroquet
géant. Son crâne rasé sur les côtés contrastait avec une haute crête de
cheveux orange vif et son long nez busqué évoquait un bec de rapace. Tout
en me fixant du regard, elle ondulait son corps androïde en battant
lentement ses longs bras de bas en haut comme si elle essayait de décoller.
La sono était parfaite pour savourer My Generation du groupe londonien
The Who ; surtout pour la batterie de Keith Moon qui faisait l’excellence de
ce morceau. Je m’amusais à mimer Roger Daltrey que j’avais vu en concert
à Toulouse en faisant de grands moulinets avec mes bras pour entrer dans
son jeu. Au moment où on entendit les premières notes de Space Oddity,
l’oiseau posa ses longs doigts effilés garnis de bagues multicolores sur mes
épaules comme les serres d’un prédateur voulant rythmer les mélopées de
David Bowie. Le slow qui s’ensuivit amplifia la taille de l’extraterrestre qui
me dépassait de plus d’une tête. Ses yeux vairons finissaient de donner un
pouvoir hypnotique à son regard exagérément maquillé de noir. Le serpent
ailé tatoué sur son épaule droite semblait me défier.
L’extravagance de sa laideur animale la rendait magnifique. J’étais
fasciné par sa maigreur. Son odeur âcre de transpiration se mélangeait à
celle du shit qu’elle venait sûrement de s’envoyer. Ce monstre à la féminité
affolante avait dû en plus sniffer quelques rails de coke car des traces de
poudre blanche entouraient l’orifice de sa narine droite. À l’époque, je
n’avais pas la moindre idée de la signification de ce reliquat nasal, ce n’est
que rétrospectivement que je compris, soit environ six ou sept ans plus tard
en participant à quelques soirées d’étudiants en médecine.
Le visage de la fille dodelinait en rythme au-dessus de moi en exhibant
deux énormes incisives blanches taillées comme les crocs d’un vampire.
Quand David Bowie chanta : “Planet Earth is blue and there’s nothing I
can do 1”, le cobra fonça sur mes lèvres et sortit sa langue que j’imaginais
volontiers fourchue. Je me disais que, à en juger par sa façon de
m’embrasser, la vieille femme de 20 ans devait déjà avoir une sacrée
expérience. J’admirais la technique les bras ballants quand elle me dit :
“Come on, boy !” Ma prédatrice me prit la main et m’entraîna au sous-sol.
Elle me fit mettre des pièces dans le distributeur de préservatifs, qui à
l’époque n’étaient là que pour éviter les grossesses et les chaudes-pisses
puisqu’il faudra attendre une décennie de plus avant d’entendre parler du
sida. Je ne voyais toujours pas où elle voulait en venir dans la mesure où je
ne savais même pas ce qu’il y avait dans la boîte.
Durant les sept années qui suivirent ce dépucelage forcé, j’ai eu bien sûr
d’autres expériences sexuelles avec différentes filles mais je n’ai jamais
connu un plaisir aussi intense que celui-là. J’écris que ce court ébat sexuel a
bouleversé mon existence car je suis certain que, s’il n’avait pas existé, la
rencontre avec Coco n’aurait pas eu cette suite. Cette domination aussi
soudaine qu’inattendue qu’elle m’imposa sur le parking au moment de nous
quitter réveilla en moi la puissante émotion ressentie en Angleterre sept ans
plus tôt. Je suis intimement persuadé que notre courte rencontre serait restée
sans suite si ce moment furtif n’avait pas existé. Ce simple détail d’une
minute fut primordial et essentiel pour que notre couple se forme. C’est
aussi inexplicable que stupide mais c’est pourtant la réalité.
Ce qui veut donc dire que ce truc pourrait nous faire vivre les scènes les
plus torrides, les plus incompréhensibles, les plus imprévisibles, les plus
inattendues, les plus bestiales, les plus ombrageuses dans le seul but de
nous faire accomplir un mystérieux destin.
Oui, je peux dire et écrire aujourd’hui que si je n’avais pas été initié par
un perroquet géant dans les toilettes d’une discothèque anglaise à l’âge de
14 ans, il est probable que mes cinq petits-enfants, Mathéo, Aaron, Noa,
Louna et Valentin ne seraient pas de ce monde.
L’HISTOIRE QUI SUIT EST AUSSI SURPRENANTE que les précédentes par les
coïncidences troublantes et les conséquences qu’elle expose. Bien que ce
récit soit, pour la plupart des gens, totalement inconnu, c’est probablement
celui que j’ai le plus entendu dans ma vie, étant donné que mon père adorait
l’utiliser dès que l’occasion se présentait.
L’action se déroule durant l’hiver 1954, mon futur géniteur n’a alors
que 28 ans et vient d’être engagé à la Régie autonome des pétroles (RAP).
La nouvelle recrue sait qu’en signant son contrat d’embauche elle sera
bientôt loin de son pays pendant plusieurs mois, car les employés de son
âge partent la plupart du temps très rapidement après avoir intégré
l’entreprise, en général en Afrique du Nord, et plus particulièrement au
Sahara où plusieurs puits de pétrole viennent d’être mis en exploitation.
Le jeune Maurice profite de ce dimanche de repos pour faire une petite
promenade en montagne en imaginant combien ses chères Pyrénées vont lui
manquer une fois arrivé en plein désert.
Il est très tôt, la météo est favorable et la journée s’annonce magnifique.
Les pics enneigés se détachent parfaitement sur un ciel bleu rosé et sans
nuage. Il a fallu que le prochain exilé gare sa vieille Citroën au bord de la
petite route qui surplombe la ville de Luchon dès que les roues de la deux-
chevaux ont dérapé sur la route blanche. Bien que la traction avant ait la
réputation de pouvoir grimper aux arbres, en cas de patinages répétés mieux
vaut ne pas insister ; il ne sert à rien de faire hurler le petit moteur pour
essayer d’aller plus loin.
Cela fait bien une heure que le montagnard du dimanche a commencé
l’ascension du pic de Céciré qui culmine à 2 400 mètres d’altitude. Ses
spatules en bois équipées de peaux de phoque tracent de belles lignes en
pattes d’oie sur la neige immaculée. La température est négative mais cela
n’empêche pas le grimpeur de transpirer à grosses gouttes tant l’effort est
difficile. À l’époque, les remontées mécaniques n’existaient pas et les
skieurs, qui n’étaient pas légion, ne faisaient la plupart du temps qu’une
seule descente de quelques minutes par jour après plusieurs heures d’efforts
effectués en poussant laborieusement sur leurs bâtons.
Maurice s’essuie le front. Il est temps de faire une courte pause pour
souffler un peu et profiter du paysage. En sortant sa gourde du sac,
l’assoiffé remarque un skieur sur la pente qui lui fait face et constate avec
amusement qu’ils en sont au même stade : la hauteur est identique et son
homologue a choisi tout comme lui de faire une petite halte de repos.
Durant les trois heures qui suivront ce constat, la similitude des deux
sportifs est frappante ; ils montent à la même vitesse, font des pauses et
repartent au même moment si bien que Maurice à l’impression d’être face à
un miroir. Arrivés aux sommets de leurs pentes respectives, les complices
brandissent leur gourde l’un vers l’autre pour saluer leur petite victoire.
Une fois leurs casse-croûte terminés, les acolytes conviennent par gestes
de s’élancer en même temps sur leurs itinéraires improvisés, car inutile de
préciser qu’en 1954 rien n’était balisé ou sécurisé ; tout le monde pratiquait
le hors-piste. Les virages s’enchaînent dans la poudreuse des deux côtés au
même rythme et sans interruptions. La neige légère dessine des volutes
blanches derrière les skieurs chevronnés. Comme les deux versants
aboutissent à la même vallée, les silhouettes se rapprochent de plus en plus.
Le rythme s’accélère. Visiblement, une course tacite s’est engagée entre les
deux hommes. Le gagnant étant celui qui sera le premier en bas.
En fait, il n’y aura pas de gagnant. Non seulement, les concurrents
arrivent en même temps mais en plus, en voulant s’éviter, malgré
l’immensité des lieux, ils finissent par se rentrer dedans assez violemment.
Il n’y aura que des dégâts matériels : une spatule et deux bâtons cassés et
quelques très légères égratignures.
Mais il y aura surtout pour mon futur père une énorme surprise : son
adversaire d’un jour, qui saigne du nez, n’est pas un skieur mais… une très
jolie femme brune de 26 ans ! Il apprend qu’elle s’appelle Solange, qu’elle
est institutrice et qu’elle vient d’être mutée dans une école à Labaderque, un
tout petit village des Hautes-Pyrénées. Mon père l’épousera dès son retour
du Sahara. Solange deviendra ma mère deux ans plus tard.
Ici encore le truc avait tout organisé. Sans cette improbable collision je
n’existerais pas et vous n’auriez jamais pu lire cette belle histoire.
Être à la bonne place
*
Quand j’ai terminé mes études d’anesthésiste-réanimateur, j’ai souhaité
m’installer dans une clinique privée car, ayant horreur des systèmes
pyramidaux où on devient chef (mais pas nécessairement plus intelligent)
en prenant de l’âge, je ne voulais pas être confronté à la hiérarchie
hospitalière. Le seul problème était que, pour envisager ce projet, il fallait
investir une grosse somme d’argent – ce qui n’est plus le cas aujourd’hui
puisque l’offre de postes est beaucoup plus importante que la demande. Je
n’avais pas un sou en poche et mes jumeaux venaient de naître. Bref, j’étais
dans une impasse financière et je ne vivais que de remplacements
épisodiques pour faire bouillir la marmite. Je commençais à désespérer de
devoir faire toute ma vie régulièrement ma valise pour m’éloigner de ma
petite famille en effectuant des séjours de plusieurs semaines aux quatre
coins du pays lorsque ce truc intervint au moment où je m’y attendais le
moins.
Cette fois-ci, pour m’indiquer la route à suivre, le truc m’envoya un ami
que je n’avais pas vu depuis nos années de lycée à Saint-Gaudens. Malgré
le temps passé, je reconnus tout de suite Xavier qui prenait un petit déjeuner
à la terrasse d’un des nombreux cafés toulousains qui cernent la place
Wilson. Et comme par hasard, chose rarissime, je disposais de temps car je
venais de me rendre compte que la Fnac où je devais acheter quelques livres
n’ouvrait que dans une heure. J’avais donc la possibilité de faire un petit
brin de causette avec lui.
Après la surprise de nos retrouvailles, il m’apprit qu’il était comme moi
devenu anesthésiste et qu’il envisageait de faire une carrière hospitalière au
CHU de Montpellier où il avait fait toutes ses études. C’était déjà
incroyable que je rencontre cet ami d’enfance dans ces circonstances mais
encore plus étonnant d’apprendre qu’il avait choisi exactement le même
métier que le mien. Sa petite amie était ostéopathe dans la ville rose mais
elle envisageait de déménager pour s’installer avec lui à Montpellier. Xavier
venait de faire un remplacement dans une petite clinique de l’Ariège
appelée La Soulano. Il avait trouvé cet endroit très bien. L’anesthésiste qu’il
avait remplacé souhaitait partir à la retraite et avait beaucoup de mal à
trouver un successeur étant donné que personne ne souhaitait venir vivre à
la campagne. La somme d’argent qu’il demandait était dix fois moins
élevée que celles proposées dans les transactions toulousaines.
Je peux dire que ce truc m’a servi cette place sur un plateau d’argent,
même si au départ cette solution sembla illogique, car mon épouse ne
souhaitait pas venir s’installer en Ariège.
J’ai passé à La Soulano les vingt meilleures années de ma vie
professionnelle. Ensuite, comme partout en France, les contraintes
économiques dictées par des décisions politiques totalement imbéciles ont
détruit les petites cliniques de proximité pour fait grossir les plus
importantes. La Soulano n’a pas résisté à cette énorme vague de démolition.
Dans cet établissement, tous les médecins actionnaires étaient à la fois
propriétaires et gestionnaires. Nous prenions les décisions
d’investissements ensemble et c’était toujours dans l’intérêt du patient en
lui offrant un service de qualité. Je me suis beaucoup impliqué pour
maintenir en vie cette structure puisque je suis resté pendant vingt ans
président de CME 1 ; nous n’étions que trois puis deux anesthésistes pour
une dizaine de chirurgiens, un service de réanimation de cinq lits, quatre
blocs opératoires et une maternité. Et comme si cette charge de travail
n’était pas suffisante, j’étais aussi, avec mon autre collègue anesthésiste,
2
médecin pompier et faisais office de praticien SMUR sur les interventions
d’urgence. J’ai aussi contribué à la naissance du SAMU de l’Ariège en
1991 avec mon ami le Dr Chansou, qui est devenu le chef de ce service
d’urgence. Que de souvenirs magnifiques ! Nous étions une véritable petite
famille de médecins et d’infirmières totalement dévoués aux patients. Je ne
veux pas faire office de vieil aigri en disant que c’était « mieux avant »,
mais oui je l’écris quand même et sans aucune honte : c’était cent fois
mieux avant.
Au moment où j’écris ces lignes je sais que je vais bientôt quitter sans
une once de nostalgie un établissement de soins que j’ai fréquenté pendant
deux ans. Cette structure impersonnelle et sans âme que je ne nommerai pas
ressemble à une véritable usine à malades où nous sommes vingt et un
anesthésistes pour occuper une trentaine de blocs opératoires. Cette grosse
clinique est dirigée par des financiers qui, selon moi, ne pensent qu’à
rentabiliser un outil de travail sans prioriser l’intérêt des patients et encore
moins celui des soignants, qui sont considérés comme de simples ouvriers,
des prestataires de services : il faut opérer vite et le plus possible, de
préférence des opérations courtes avec des durées de séjour très brèves pour
ne pas encombrer les lits et tant pis si le patient meurt chez lui d’une
complication chirurgicale. Ce genre de fonctionnement s’appuie sur les
recommandations des agences de santé qui préconisent l’utilisation de la
RAC (réhabilitation améliorée après chirurgie) pour développer la chirurgie
dite « ambulatoire » où les malades rentrent chez eux le jour de leur
opération. Il n’est pas indispensable d’être médecin pour comprendre que
les risques postopératoires augmentent quand la surveillance médicale se
relâche ; ce principe est une lapalissade. Pourtant, le bourrage de crâne
effectué sur les soignants est tellement bien fait, à grand renfort de
PowerPoint ingurgités lors de multiples buffets dînatoires, que certains de
mes confrères finissent par croire que c’est de l’intérêt du malade d’être
surveillé moins longtemps. Or si par exemple on enlève un bout de côlon à
une personne atteinte d’un cancer et qu’une suture digestive lâche au
cinquième jour comme cela arrive assez souvent sans que les compétences
du chirurgien puissent être mises en cause – puisque cette fragilité de
montage concerne des tissus remaniés par des processus inflammatoires –,
le patient meurt s’il est chez lui mais a des chances d’être sauvé s’il se
trouve encore hospitalisé. Seule une nouvelle intervention chirurgicale très
rapide pratiquée sans délai après le diagnostic évite dans ce cas précis une
mort certaine.
Cette pandémie virale n’a toutefois pas eu que des effets négatifs. Mis à
part les trop nombreux décès et la détresse financière et morale qu’elle va
entraîner dans beaucoup de familles, elle nous a permis de nous recentrer
sur l’essentiel en assimilant les valeurs matérielles au superflu, voire à
l’inutile : à quoi sert d’avoir une belle voiture si on ne peut plus rouler ?
Nous avons fait une pause pour nous consacrer à l’introspection, à la lecture
de livres, à l’écoute de musiques oubliées. Nous avons dépollué la planète
en réduisant les émissions de gaz à effet de serre. Nos animaux ont repris
leurs places essentielles, les abeilles sont revenues et les oiseaux se sont
remis à chanter. Mais saurons-nous tirer les leçons de tout cela ?
1. Conférence médicale d’établissement. Le président de CME est élu par les médecins d’un
établissement de soins pour les représenter auprès des administrations et les agences régionales
de santé.
2. Service mobile d’urgence et de réanimation.
3. Décret no 2020-360.
4. Autorisation de mise sur le marché.
5. Institut hospitalo-universitaire.
6. Conseil de l’Ordre des médecins.
7. https://youtu.be/3iancr6DXCY
https://youtu.be/UFzyZX6F708
https://youtu.be/2sK39ITBWvw
https://youtu.be/rpaEvisjeg4
Nos lieux de vie nous choisissent
DEUX ANS APRÈS MON INSTALLATION à La Soulano, pris par mes occupations
professionnelles, il ne me restait que très peu de temps pour les loisirs, qui
se limitaient à un peu de ski en hiver, puisque la ville de Lavelanet où je
travaillais est à seulement vingt minutes de voiture de la station des Monts
d’Olmes, et à quelques balades à pied ou à vélo quand les beaux jours
revenaient.
J’ignore pourquoi ce matin-là j’ai voulu prendre la petite route de
Péreille alors que je pédalais habituellement sur un circuit qui passait par le
col de Montségur pour revenir ensuite sur Lavelanet en croisant la fontaine
intermittente de Fontestorbes. Je ne connaissais pas du tout cet endroit et on
pouvait facilement deviner que le chemin que j’empruntais finirait dans une
impasse, ce qui est effectivement le cas. Je devais rapidement changer de
braquet car la côte devenait de plus en plus raide. Je décollais les fesses de
ma selle pour monter en danseuse en tirant sur les bras et sentais mes
tempes battre de plus en plus fort. De grosses gouttes de sueur tombaient
sur mon guidon. Puis tout à coup, il y eut ce craquement au niveau de ma
roue arrière, accompagné d’une douleur violente derrière mon tibia droit ;
un bruit sec, intense et bref que je n’avais jamais entendu de ma vie. Mes
pieds ne rencontraient plus aucune résistance ; je pédalais dans le vide. Un
coup d’œil vers le bas me permit de constater que ma chaîne venait de
casser en fouettant au passage mon mollet qui saignait. Les cyclistes
chevronnés qui ont parcouru des milliers de kilomètres, ce qui est loin
d’être mon cas, savent que cela n’arrive jamais. Ce qui se produisait là était
rarissime, improbable et même inimaginable.
Il ne me restait plus qu’à revenir à pied chez moi en tirant mon vélo
après avoir descendu la côte en roue libre. Je ne pouvais prévenir personne
car à l’époque les téléphones portables n’existaient pas ou en tout cas
n’étaient pas d’une utilisation courante. Mais avant d’envisager ce pitoyable
retour, je devais m’occuper de ma jambe blessée pour ne pas perdre trop de
sang. Je me mis torse nu et m’assis sur un rocher afin de confectionner un
pansement compressif en nouant mon maillot trempé de sueur sur le mollet
couvert de sang. Quand ma petite intervention fut terminée, je levais la tête
et découvris un paysage d’une beauté à couper le souffle. J’étais dans une
forêt de chênes. À travers les branchages qui oscillaient lentement devant
moi et les fougères géantes qui ouvraient leurs larges mains de lumière vers
le ciel, on voyait toute la chaîne de Pyrénées, le pic du Saint-Barthélemy et
le départ de la station de ski des Monts d’Olmes. En premier plan se
détachait le « pog » du château de Montségur ; cette dent géante semblait
sortie d’une mâchoire terrible prête à m’engloutir. Je suis incapable
d’analyser ce qui se passa à ce moment-là, mais je sais que j’ai décroché du
réel comme si je venais d’être assommé. Des larmes coulaient sur mes joues
sans que j’en comprenne la raison. Ce paysage me gobait doucement et je
me fondais en lui ; nous ne faisions plus qu’un. À entendre tous ces récits
de sortie de corps, il est possible que je sois entré, l’espace d’un instant,
dans une autre dimension au-dessus des cimes et des vallées et que je ne
m’en souvienne plus. Je me suis rarement senti aussi bien et aussi heureux
qu’à cet instant précis. J’entamais un dialogue avec ce truc.
— C’est magnifique. C’est étrange, il me semble que je connais ce
paysage ; j’ai l’impression d’avoir déjà habité ici.
— Oui, tu ne vivais pas très loin d’ici, à l’époque des Cathares.
— Cela ne m’étonne qu’à moitié. Je fais souvent le même rêve :
j’entame la montée du château de Montségur au milieu d’un village ; il y a
des personnes très pauvres ; c’est à l’époque médiévale ; il y a de la boue,
des poules et des petits cochons noirs. Je porte du lait et je suis pieds nus,
revêtu d’une robe de bure. J’ai plus tard appris que ce village a réellement
e
existé au XII siècle tel que je le vois dans ce rêve récurrent.
— Mais tu vas bientôt habiter ici de nouveau.
— Ici ? Mais c’est impossible, c’est une forêt, il y a des rochers partout
et la pente est bien trop importante pour bâtir une maison.
— Rien n’est impossible, ce terrain est peut-être à vendre, on peut
abattre quelques arbres et faire un terrassement. Renseigne-toi.
Je pris très au sérieux le conseil du truc. Le terrain en question
appartenait au maire de Lavelanet qui était aussi le médecin biologiste de
La Soulano. Personne ne voulait l’acheter car il était trop pentu et rempli
de rochers. Je devins dès le mois suivant le propriétaire de ces quatre mille
mètres carrés pour l’équivalent de la modique somme de dix-huit mille
euros actuels. Le pari de construire une maison dans ce lieu magique était
risqué mais fut une parfaite réussite puisque j’écris ces lignes dans une des
pièces de cette maison de deux étages qui a aujourd’hui plus de vingt-cinq
ans.
Olé torero !
J’EUS, QUELQUES ANNÉES PLUS TARD, un autre dialogue avec ce truc lors d’une
belle après-midi ensoleillée du mois de juin. Nous étions partis avec
Laurent et Coco faire une petite promenade digestive après avoir déjeuné
sur la terrasse de notre toute nouvelle habitation. Notre trio de promeneurs
grimpait depuis une bonne heure sur un des chemins qui montent au-dessus
de Péreille. Mon fils n’avait alors que 12 ans et tout en marchant il
s’amusait à lancer des bouts de bois à notre jeune dalmatien Ramsès pour
qu’il nous les rapporte en grognant joyeusement ses prouesses. Au moment
de passer devant l’enclos où était habituellement parqué « Grossevaloch »,
Corinne nous fit remarquer qu’il n’était plus là. Mon épouse avait donné ce
surnom à ce taureau en raison de l’impressionnante grosseur de ses mâles
attributs. La mélodie des grillons et des cigales encourageait nos efforts.
Comme nous n’avions rien pris à boire, qu’il faisait très chaud et que la soif
nous gagnait, nous décidâmes de raccourcir l’itinéraire prévu en coupant à
travers champs pour rejoindre un autre sentier qui nous ramènerait à la
maison. Nous passâmes sans encombre une première clôture électrique en
la soulevant avec une branche morte, puis une seconde. Nous étions au beau
milieu du champ à environ cinq cents mètres de sa limitation lorsque nous
aperçûmes l’impressionnante silhouette de Grossevaloch. L’animal était là,
immobile, à quelques centaines de mètres de nous, et ses immenses cornes
pointaient vers le ciel comme une menace que l’on pouvait pressentir
cruelle. À côté de ce monstre aux armes dressées, deux autres taureaux tout
aussi massifs que lui étaient dans la même attente. On aurait dit que les
bêtes musculeuses se concertaient pour savoir quel sort elles allaient
réserver aux trois intrus affublés d’une petite bestiole gesticulante tachée de
noir et de blanc qui venaient perturber leur quiétude. Nous étions pétrifiés
par la peur. Les aboiements joyeux de Ramsès se transformèrent vite en
sifflements plaintifs comme si son instinct animal pressentait l’imminence
d’un grave danger. Grossevaloch gratta le sol avec ses pattes tout en agitant
la tête de haut en bas comme une grosse locomotive noire qui s’apprête à
démarrer pour écraser des envahisseurs.
— Qu’est-ce qu’on fait ? demanda Corinne. Il me sembla qu’il était
plus raisonnable de ne pas avancer.
— Rien, on ne bouge pas ! lui répondis-je. Elle insista :
— On fait demi-tour ?
Ce n’était pas non plus la bonne solution car je savais qu’une fuite
précipitée les exciterait et qu’en moins de deux minutes nos agresseurs
seraient sur nous, en tout cas bien avant que nous puissions rejoindre la
clôture électrique qui limitait la nouvelle propriété de Grossevaloch.
Laurent, tremblant de peur, serrait la main de sa mère. « Maman, j’ai peur
là, ils vont nous tuer, hein maman ils vont nous tuer ? » Et c’est à ce
moment-là qu’un nouveau dialogue s’instaura entre ce truc et moi :
— Tu dois montrer à ces trois taureaux que tu n’as pas peur d’eux.
— Ah ! oui, vraiment ! et comment je vais leur montrer ça ?
— Fonce sur eux !
— Hein ? Pff ! n’importe quoi !
— Si, fonce sur eux, c’est la seule chance de vous en sortir.
— Vraiment ?
— Ben oui, regarde, maintenant ils sont trois à gratter la terre ; ça veut
dire que dans quelques secondes ils vont vous attaquer pour vous encorner.
T’imagines un peu le carnage que ça sera ?
— Bon d’accord, foutu pour foutu, je vais essayer ça.
Quand je me mis à courir vers eux, j’entendis Laurent crier : « Non,
papa ! t’es fou, ne fais pas ça, reviens ! » puis Corinne : « Tu veux te
suicider, c’est ça, hein ? » En fait il est vrai que mon initiative pouvait
sembler débile car du coup le trio venait de décider de me charger et
accourait maintenant au triple galop vers leur cible commune : l’insignifiant
bonhomme qui osait venir les déranger sans autorisation. Soixante-dix kilos
de chair humaine contre trois fois cinq cents kilos de muscles remontés à
bloc ! Tout en continuant ma course j’interpellais ce truc :
— C’est une idée stupide, ça ne marche pas du tout.
— Mais si, ça va marcher, si tu leur fais vraiment peur, ça va marcher.
— Je ne fais vraiment pas le poids, si j’étais à leur place, je n’aurais
vraiment pas peur de moi.
— Crie très fort en agitant les bras.
— N’importe quoi !
— Si tu ne fais pas ça, tu es mort dans moins de vingt secondes !
— OUAAAH !
Je crois que je n’ai jamais crié aussi fort de ma vie. C’était un
rugissement de prédateur cruel, un vacarme inhumain qui déchire le ciel,
plus fort qu’un claquement d’éclair, j’y ai mis toutes mes tripes ;
l’extériorisation d’une hargne incroyable dont je ne me sentais même pas
capable. Comment un son aussi puissant qui fit écho dans toutes les vallées
a pu sortir de moi ? Je l’ignore. C’est Grossevaloch qui, sans doute étonné
par mon hurlement soudain et autant de détermination, ralentit le premier,
puis très rapidement les deux autres l’imitèrent. Et tandis que je continuais à
vociférer de toutes mes forces en courant vers eux, ils s’immobilisèrent
enfin. Je n’étais plus qu’à une vingtaine de mètres des trois colosses quand
ils décidèrent de faire demi-tour puis de détaler à toute vitesse en meuglant
leur affolement comme si un tsunami les poursuivait.
Le truc venait sans aucun doute de nous sauver la vie.
Une alerte nocturne
POUR RECEVOIR LES INFORMATIONS DE CE TRUC il faut savoir écouter son cœur,
c’est-à-dire que l’on ne doit pas hésiter une seconde à faire ce qu’on pense
être bon pour soi ou pour les autres, ce qui revient au même car le bonheur
que l’on saura apporter à l’autre reviendra tôt ou tard comme un
boomerang. Par exemple si vous donnez un billet de dix euros à un
mendiant dans la rue, la reconnaissance que vous lirez dans ses yeux vous
procurera beaucoup de joie et de légèreté, votre cerveau secrétera de la
dopamine, si bien que le plaisir et le bien-être que vous en retirerez
vaudront largement la somme que vous aurez investie. Le mendiant recevra
ce cadeau comme un petit miracle car il est sûrement très rare qu’un passant
dépose un billet de dix euros dans sa coupelle. Et croyez-moi, un être
humain qui bénéficie de ce genre de grâce irradie tout autour de lui des
ondes positives que vous capterez facilement, vous serez son ange, son
bienfaiteur, sa prière exaucée. Les personnes qui travaillent pour des œuvres
caritatives comme La Croix-Rouge ou les Restos du cœur connaissent cet
état de grâce, cette nourriture spirituelle. C’est tellement puissant que cela
devient rapidement addictif ; tous les amis que je connais et qui travaillent
dans ces structures ne les ont jamais quittées.
Le truc vous orientera toujours vers votre propre destin et si par
négligence, par paresse ou par facilité vous vous en éloignez, il placera sur
votre chemin des balises, des rappels sous forme de coïncidences. Ces
hasards organisés se répéteront jusqu’à ce que vous en compreniez la
signification et que vous les preniez enfin en compte.
Comme je l’ai précisé précédemment, au moment où j’écris ces lignes
cela fait deux ans que je travaille dans une clinique qui ne me plaît pas et
que je vais bientôt quitter ; celle-ci est pourtant toute neuve, bien équipée et
ne manque de rien. Cette structure immense regroupe en fait deux
anciennes grosses cliniques toulousaines. Étant donné que je suis resté
treize ans dans l’une d’elles, je connais la moitié du personnel de santé, qui
a déménagé avec moi dans ces beaux bâtiments. En intégrant ces locaux, les
gens qui travaillaient à mes côtés se sont rapidement transformés : ils
étaient auparavant aussi souriants que chaleureux et sont devenus peu à peu
tristes et aussi froids que les murs gris de la bâtisse qu’ils ont intégrée. Dès
le premier jour, le truc m’a dit : Ne reste pas là, trouve-toi rapidement un
autre endroit pour travailler, cette clinique n’a aucune âme, c’est une usine
à malades, tu ne vas pas être heureux ici, fuis au plus vite… J’ai eu bien tort
de ne pas l’écouter.
La direction ayant durci les négociations syndicales pour aligner au plus
bas les grilles salariales des deux établissements fusionnés, il y eut
rapidement une grève des aides-soignants et des infirmiers, créant un
profond malaise avec les praticiens libéraux qui, étant payés à l’acte,
souhaitaient reprendre le travail au plus vite. C’était une deuxième bonne
raison pour partir… L’inertie de cette grosse machine envahie par un
personnel administratif presque aussi nombreux que le personnel soignant
ralentit en permanence le rythme de travail habituel, si bien qu’il faut se
soumettre à une foison de protocoles inutiles, inventés par des bureaucrates
qui n’ont jamais vu un malade, avant de pouvoir endormir un patient qui
finit par arriver au bloc après avoir effectué un itinéraire administratif digne
du parcours du combattant. Troisième bonne raison… Mais le truc insista.
En trente-cinq ans d’exercice je n’ai jamais eu un seul problème
relationnel avec un chirurgien ni avec un malade, et là je subis les deux en
même temps dans une sombre affaire, relayée par le quotidien local et sur
les réseaux sociaux compte tenu de ma notoriété. Quatrième et cinquième
« coïncidences » ou tout au moins signaux d’alerte. Mais le truc est têtu :
comme je ne bronchais toujours pas, j’ai finalement reçu une lettre de
rupture de contrat avec préavis. J’aurais dû être plus attentif à ma première
impression. Il faut toujours écouter le truc surtout quand il répète aussi
souvent ses conseils. Le problème, c’est que la plupart du temps nous ne
savons relier les coïncidences et les indications du truc que
rétrospectivement tandis que nous avons tendance à les négliger ou à les
ignorer au moment où elles se produisent. D’emblée, dès le jour où je suis
entré dans cette clinique, je savais au fond de moi que cela se passerait mal
et que je n’y serais jamais heureux.
Les coïncidences envoyées par ce truc ne surviennent jamais par hasard
et, lorsqu’elles se produisent, nous devons réfléchir à leurs significations.
Avec Coco, nous sommes retournés sur la route du cap Corse qui a
manqué nous tuer. Cette fois-ci nous étions à moto. J’avais loué une Harley-
Davidson à Marseille parce que ma coéquipière ne souhaitait pas que je
transforme cette belle promenade inspirante en circuit de course au guidon
d’une Kawasaki. Nos casques sans visière nous permettaient de profiter
pleinement de l’air marin. Corinne derrière moi s’amusait à mettre ses bras
à l’horizontale à chaque virage pour me montrer qu’elle était heureuse. Je
me régalais à faire gronder les deux cylindres en V inclinés à quarante-cinq
degrés qui caractérisent la silhouette légendaire de cette bécane mythique.
À chaque mouvement de ses pistons, le moteur et le système
d’échappement tout entier basculent de l’avant à l’arrière. Toute la moto
tremble comme si elle sursautait, au point que la roue avant semble décoller
du sol. Le tout est accompagné d’une sonorité rauque et puissante ; c’est ce
que l’on appelle les good vibrations Harley.
Au moment d’arriver sur notre lieu de pèlerinage où nous avions failli
mourir après ce fabuleux dérapage contrôlé par la lecture de Coco, la roue
arrière de la moto explosa en rendant ma trajectoire encore plus
incontrôlable que la première fois. Une incroyable malédiction allait bientôt
nous précipiter vers la mort car cette fois-ci je ne pouvais plus éviter le
pire : le grand saut dans le vide. Je sentais les mains de Coco s’agripper à
mon blouson de cuir. L’Harley se coucha et nous percutâmes le mince
parapet situé à gauche de la table d’orientation. Coco hurla à mes oreilles :
« Adieu mon amour, on se verra dans une autre vie ! » C’était triste et
magnifique. Notre cheval métallique tomba plus vite que nous. Il se
fracassa contre les rochers en explosant et termina sa chute dans la mer.
Nous le suivions de près. Et tandis que nous flottions dans l’air, Coco vint
me rejoindre pour me donner la main comme le font les parachutistes quand
ils sont en chute libre avant d’ouvrir leur toile. C’est au moment où nous
allions toucher le premier rocher que le miracle se produisit : des ailes
géantes nous poussèrent dans le dos pour nous conduire dans un magnifique
tunnel de lumière.
Je me dressai sur mon lit le cœur battant, trempé de sueur.
Ce cauchemar n’est pas arrivé pour rien et me permit sans doute
d’éviter un accident. En effet, ce matin-là l’examen du pneu arrière de ma
Kawasaki Ninja me permit de détecter une vilaine boursouflure sur son
flanc droit. Je téléphonai aussitôt à mon garagiste et partis travailler en
voiture en laissant ma moto chez moi. Il est certain que si je n’avais pas fait
ce rêve, il n’y aurait eu aucune vérification de ma part. Ce n’était pas pour
rien que ce truc m’avait adressé ces images pendant ma nuit de sommeil : il
fallait absolument que je vérifie l’état de mon pneu arrière avant de partir.
Quand ce truc se sert de cette chose
NOUS AVONS PRIS L’HABITUDE de raisonner avec les modélisations que l’on
connaît et celles-ci sont étroitement dépendantes de nos repères terrestres
axés sur nos dimensions spatio-temporelles. Ainsi, quand on me demande à
l’issue de mes conférences à quel endroit je situe l’au-delà ou l’existence de
nos défunts, je réponds que l’on ne peut les localiser de façon géographique
car ils sont dans une dimension où ni le temps ni l’espace n’existent. Nous
sommes contraints de raconter à nos enfants que nos chers disparus sont
« au ciel » car il est difficilement concevable d’admettre la réalité d’une
personne si elle n’est pas dans un endroit précis.
Il en est de même pour ce truc. La première question que l’on va se
poser à son sujet est d’essayer de connaître son identité : Qui est ce truc ?
Qui est cette petite voix intérieure qui nous parle ?
Certains vont penser qu’il s’agit d’un Dieu qui aura un nom particulier
en fonction de la religion pratiquée, d’autres vont plutôt croire qu’il s’agit
d’un ange gardien ou d’un guide de lumière ou encore d’un parent ou d’un
ami défunt qui prodigue ses conseils. Pour la plupart d’entre nous, une
recommandation, une injonction ne peuvent être données que par une ou
plusieurs personnalités même si elles se trouvent dans une autre dimension.
En fait, mes longues recherches sur ce sujet m’ont permis de comprendre
que dans le monde invisible tout n’est qu’énergie et que les informations
nous sont transmises de cette façon. Cette énergie que j’ai qualifiée
d’universelle dans mes précédents ouvrages regroupe l’ensemble des forces
en présence et donc tout le monde a raison : ce truc peut-être aussi bien
l’énergie christique que celle d’un ange gardien ou que celle d’une tout
autre nature ; en fait c’est celle que l’on ressent dans son cœur et l’on ne se
trompe jamais sur son identité quand on laisse parler son âme.
Mais faut-il pour autant suivre aveuglément toutes nos pulsions ?
Certainement pas.
Dans le livre La Mort expliquée aux enfants mais aussi aux adultes 1, je
compare notre cerveau à un poste de radio : il reçoit plusieurs informations
mais celles qui viennent de ce truc sont les mieux perçues ; c’est comme si
ce truc était la seule station de radio valable, la seule qui soit claire, nette et
parfaitement audible.
En éloignant le poste radio des zones de bonne réception, il captera
moins bien l’émission principale et on peut alors entendre n’importe quoi
venant de n’importe quelle autre station ; des radioamateurs, des radios
pirates et autres émissions plus ou moins bonnes. Tout cela casse les oreilles
jusqu’à ce que l’on décide soit d’éteindre le poste, soit de bouger le curseur
ou de se déplacer pour essayer de retrouver la station favorite.
De la même façon, si on s’éloigne des principales informations données
par ce truc, le cerveau pourra recevoir des messages venant d’« esprits
parasites » qui produiront des mauvaises pensées. Dans ce cas-là, il faut
essayer de se connecter rapidement aux informations de ce truc en arrêtant
celles venant d’on ne sait trop où.
Pour chasser ces mauvaises idées qui ne viennent pas de ce truc, il suffit
de les identifier avec son cœur. Quelqu’un qui est poussé par une petite voix
intérieure à faire quelque chose de mal saura toujours au fond de son cœur
que ce n’est pas bien. Certains parlent d’« esprits possessifs » ou d’« esprits
du bas astral » pour nommer ces mauvais conseillers qui rendent les séances
de spiritisme dangereuses quand on les fait n’importe comment et sans
protection. On peut en effet concevoir que, une fois décédées, les mauvaises
personnes ne s’améliorent pas subitement en passant dans l’au-delà et
poursuivent leurs méchantes actions en tentant d’influencer négativement
les vivants.
Ces esprits possessifs qui envahissent des personnalités vulnérables
peuvent les pousser à faire les pires choses. Ainsi, des gens tout à fait
respectables et apparemment normaux vont commettre, sans que l’on s’y
attende, des actes terribles et diront, une fois l’irréparable commis, qu’ils ne
se souviennent de rien ou qu’ils ont entendu des voix leur demandant
d’exécuter des ordres précis. Les exemples sont nombreux. Les médias en
parlent régulièrement. Un père de famille respectable prend un beau matin
son fusil, sort de chez lui et tire sur la foule. Un autre qui, au volant de sa
voiture, fonce sur un marché de Noël et tue plusieurs personnes ou, un autre
encore, qui s’enferme dans un poste de pilotage pour envoyer un avion
rempli de passagers se fracasser contre une montagne.
Tous ces affreux meurtriers sont aussi des victimes ; ils n’ont pas su
faire taire les esprits possessifs qui les envahissaient. Devant de tels drames,
la société ne sait trop quoi faire de ces individus devenus des monstres le
temps de ces quelques minutes où elles ne pouvaient se contrôler. Comment
réagir ? Les mettre en prison pour le restant de leurs jours ou leur donner
des traitements lourds pour essayer de soigner leur folie ? Malheureusement
il n’existe aujourd’hui aucun remède miracle pour guérir ces possessions.
Le seul véritable remède est en eux, dans leur cœur, dans leur âme.
J’ai eu comme nous tous des mauvaises idées, des envies de meurtres,
des idées de destructions mais je sais que ces informations ne venaient pas
de moi et j’ai pu facilement les évacuer de cette façon. Quand j’ai ressenti
le besoin impérieux de tourner mon volant à droite pour rejoindre la femme
qui deviendrait mon épouse alors que j’ignorais totalement que j’allais faire
une telle rencontre, que j’avais un examen important à préparer et que je
savais pertinemment que ce que je faisais était illogique et risquait de
perturber sérieusement mes révisions, je sentais au fond de mon cœur que
c’était bien.
Il faut toujours écouter son cœur, c’est de cette façon que les
informations de ce truc deviennent perceptibles.
1. La Mort expliquée aux enfants mais aussi aux adultes, Guy Trédaniel, 2015 ; version
illustrée, 2020.
Un itinéraire balisé
L’OUVRAGE QUE VOUS VENEZ DE LIRE est certainement le plus intime des dix-
huit que j’ai déjà écrits. J’apparais ici en toute sincérité et dans les
confidences les plus occultes ; une mise à nu en quelque sorte, au propre
comme au figuré (vous avez pu vous en rendre compte en lisant le chapitre
du « perroquet géant »). La prise de risque de toutes ces révélations est bien
réelle mais j’ai néanmoins choisi cette option. Après tout, nous sommes
tous des humains avec nos faiblesses et nos qualités. Comme je ne suis ni
dans le calcul ni dans la séduction, que je n’ai rien à prouver, et que je me
moque pas mal de ce que l’on pourra penser de moi, j’ai voulu rester le plus
honnête possible et sans concession par rapport à mes propres vécus et
ressentis, quitte à parfois choquer par l’impudeur de mes propos.
Tout en retrouvant l’aspect biographique du récit qui a fait le succès du
livre précédent 1, on a pu découvrir dans ces lignes une partie de ma
personnalité qui était jusqu’alors cachée car je la trouvais sans doute trop
personnelle pour être dévoilée. Je pense qu’il est toutefois important et utile
de la révéler car elle explique certains aspects de mon singulier
cheminement qui semble pour beaucoup totalement marginal, voire
illogique. Cette longue explication était donc nécessaire.
J’ai toutefois souhaité que ce texte soit avant tout un message d’espoir ;
une bouée de secours pour les personnes désespérées qui, arrivées à une
période douloureuse de leur vie, pensent que tout s’écroule et que tout est
fini. Non, ce n’est jamais fini ; ce qui est détruit se reconstruit toujours,
d’une façon différente, bien sûr, car le nouvel édifice ne ressemble que très
exceptionnellement à celui qui est perdu, il pourra même être en totale
opposition et n’avoir aucun point commun avec celui qui le précède. Ce que
nous avons à vivre doit être vécu pour notre propre évolution. Par exemple,
j’ai remarqué que beaucoup de parents endeuillés ont développé une grande
spiritualité après la perte de leur enfant alors qu’ils étaient auparavant très
axés sur les valeurs matérielles, totalement athées, et complètement détruits
dans les instants qui ont suivi le drame.
Faisons confiance à l’Univers, ce que nous pensons être mal pour nous
est parfois un bienfait caché pour le futur ; un mal pour un bien, comme dit
le proverbe.
*
HJ Lim est une jeune pianiste virtuose, concertiste internationale. Dans
l’une de ses nombreuses interviews données dans le monde entier, elle
raconte une légende de son pays, la Corée du Sud, qui symbolise son
parcours de vie chaotique. C’est l’histoire d’un paysan très pauvre qui un
jour voit arriver un cheval abandonné devant sa maison. Ses voisins lui
disent qu’il a beaucoup de chance d’avoir reçu ce magnifique cadeau du
ciel, mais l’homme tant envié n’est pas très enthousiaste et il répond en
souriant : « Oui, peut-être, c’est possible mais je ne sais pas. » Le vieux
paysan choisit d’offrir le cheval à son fils pour le récompenser d’avoir bien
travaillé avec lui dans les champs. Mais quelques jours plus tard, l’apprenti
cavalier tombe de cheval et se casse une jambe. Les voisins vont alors
rendre visite au père de l’estropié en pensant le trouver totalement effondré
par ce malheur qui lui tombe dessus. Mais le vieux sage est toujours
souriant. Un des voisins s’adresse à lui : « Tu n’as vraiment pas de chance,
finalement ce cheval n’aura pas été un bon présent pour toi car avec cette
blessure ton fils ne pourra pas t’aider aux champs et toute ta récolte va être
perdue. » Le paysan fait alors la même réponse : « Oui, peut-être, c’est
possible mais je ne sais pas. » Le lendemain, la guerre éclate dans le pays et
tous les jeunes gens valides sont réquisitionnés pour partir à la guerre. Les
enfants des voisins se font tous tuer et il ne restera au village pour toute
jeunesse que le fils du paysan qui n’avait pas pu être mobilisé en raison de
sa jambe cassée.
Peut-être que HJ Lim lira ces lignes car dans cette même interview, elle
annonce qu’elle me suit depuis le début de ma carrière d’écrivain et qu’elle
possède tous mes livres. Je la remercie pour cette jolie légende arrivée au
bon moment et qui illustre parfaitement mes propos.
*
Restons humbles, soyons les spectateurs de nos vies car c’est le truc qui
choisit toujours ce qui est bon pour nous. Ce que nous pensons être le
meilleur est parfois le pire et inversement.
Je devais rendre ce manuscrit à mon éditeur en décembre 2019 mais,
pris par le temps, le dernier jour de l’année je n’avais toujours pas écrit une
seule ligne. Un délai supplémentaire m’a été gentiment accordé jusqu’en
juillet 2020. Inquiète, mon épouse me dit avec raison :
— Mais comment tu vas pouvoir écrire un livre en si peu de temps ?
C’est impossible, j’ai regardé ton agenda ; tu as tous tes week-ends occupés
par tes gardes et tes ateliers de TCH, et le reste du temps tu es à la clinique.
J’ai compté que tu n’avais d’ici juillet que quinze jours de vacances. Tu ne
comptes quand même pas écrire un livre en quinze jours ? Quand est-ce que
tu vas te reposer un peu ? Tu ne sais même pas ce que tu vas écrire…
— Si, je sais très bien ce que je vais écrire, j’ai déjà tout le livre dans
ma tête.
— Ah bon ?
— Oui et j’ai même le titre.
— Ah bon ? C’est quoi ?
— Ce truc.
— Ce truc ?
— Oui, ce truc, la suite de Cette chose…
— Tu te fous de moi ?
— Pas du tout et je sais que je vais trouver le temps de l’écrire. J’en suis
sûr. J’ai remarqué que c’est toujours comme ça ; quand je décide de faire
quelque chose de bien, l’Univers me donne un petit coup de main.
À vrai dire, je n’étais pas aussi certain de ce que je venais d’annoncer à
Coco pour la rassurer et je me demandais tout comme elle à quel moment
j’allais pouvoir effectuer ce travail. La seule solution était d’annuler tous les
stages de TCH prévus jusqu’en juillet mais cette décision n’aurait pas été
correcte vis-à-vis des trois personnes qui travaillent avec moi pour réaliser
ces projets.
Le truc décida à ma place. Il envoya ce foutu coronavirus qui annula
tous nos ateliers jusqu’au mois de septembre et m’accorda aussi une
interdiction temporaire d’exercice qui me permit d’écrire tout ce que vous
lisez dans ce livre.
Il ne faut jamais désespérer.
Vous aussi, faites confiance à ce truc. Au moment où vous êtes perdu, il
vous montre toujours le meilleur chemin à suivre pour votre propre
évolution en orientant et organisant sans cesse les rencontres et les
événements de votre vie, même ceux qui peuvent a priori paraître les plus
futiles, les plus insignifiants ou les plus anodins. Par exemple, ce truc vous
a permis de faire cette lecture et il est sûr que vous ne serez désormais plus
tout à fait la même personne car, lorsqu’on a conscience de son existence, la
vie prend immédiatement une tout autre tournure et on se met alors à
savourer l’imprévu avec un plaisir de gourmet, même celui qui est
apparemment le plus désagréable.
Ce truc vous aura montré que, même dans les moments les plus
difficiles qu’il aura provoqués, le plan est déjà tracé et l’itinéraire balisé
pour que vous puissiez accomplir au mieux votre propre destin.
Merci à ce truc qui nous fait vivre tant de choses.
Mise en pratique
ROMANS
ESSAIS
Merci à Didier van Cauwelaert qui m’a requis pour être l’un des auteurs
de sa collection « Témoins de l’extraordinaire ». Il sait toujours me donner
d’excellents conseils pour améliorer mon texte.
Merci à Lisa Marie et Marie-Anne Jost-Kotik pour leur confiance, leurs
conseils et leur travail de correction.
Merci aux éditions First car il faut avoir un certain courage pour éditer
des livres qui défendent des idées quelque peu subversives.