Le Préjudice Écologique Cas ERIKA

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Master : Droit privé comparé

Espace Afrique Francophone et Commonwealth

Module : Droit civil comparé

Semestre 3

Sous la direction du Professeur :

Mr. BOUHOUCH Lahcen

Le préjudice écologique
“L’affaire Erika”

Préparé par :
EL-HARYZY Abdelhakim
ESSABIRI Hamza

Année universitaire : 2022-2023


Le préjudice écologique “L’affaire Erika”

2
Le préjudice écologique “L’affaire Erika”

Homme libre, toujours tu chériras la mer !


La mer est ton miroir, tu contemples ton âme…

3
Le préjudice écologique “L’affaire Erika”

SOMMAIRE

INTRODUCTION

I. PRÉJUDICE ENVIRONNEMENTAL
A. La notion de préjudice environnemental
B. Les classifications des préjudices environnementaux

II. EVALUATION ET REPARATION DU


PRÉJUDICE ENVIRONNEMENTAL
A. Les méthodes d’évaluation des préjudices environnementaux
B. La consécration juridique et jurisprudentielle

CONCLUSION

4
Le préjudice écologique “L’affaire Erika”

INTRODUCTION
Le préjudice écologique est, sans conteste, le second préjudice qui, après le préjudice
corporel, a gagné une certaine autonomie par rapport aux classiques préjudice matériel et
préjudice moral. Il a en tout cas une visibilité qui est sans doute bien plus forte que, par exemple,
le préjudice boursier ou le préjudice lié aux actes anticoncurrentiels.

En effet, le droit de l’environnement devient une préoccupation de plus en plus


importante et a connu une vive progression ces dernières années. Notamment a travers
l’introduction d’un nouveau préjudice dit préjudice écologique, par la création d’un code dédié
à la matière ou encore par l’émergence d’un délit d’écocide. Effectivement, nombreux sont les
litiges qui reposent sur la responsabilité et la réparation. Or, de nos jours, la responsabilité
environnementale est toujours plus recherchée, il nous semble donc important d’approfondir ce
sujet.

À l’heure actuelle, l’environnement est un enjeu fondamental pour notre société


moderne. De ce fait, de nombreux acteurs (dirigeants, associations, médias, ONG...) interpellent
et tentent de sensibiliser la population à la question de l’environnement et de ses conséquences
néfastes sur nos vies. Cette sensibilisation s’explique par le besoin de protéger la planète pour
les générations futures, l’UNESCO préoccupée par cette situation a proclamé le 12 novembre
1997 la Déclaration sur les responsabilités des générations présentes envers les générations
futures dans laquelle les générations présentes doivent suivre certaines recommandations pour
préserver notre environnement.

La question de la reconnaissance d’un préjudice écologique lié au changement

climatique est au cœur du jugement du tribunal administratif de Paris en date du 3 février 20211.
Ce dernier a condamné l’État à verser un euro symbolique aux ONG rassemblées autour de la
bannière « affaire du siècle » afin de réparer leur préjudice moral. Le tribunal a reconnu
également l'existence d'un préjudice écologique mais a rejeté la demande de réparation
réclamée par les ONG à ce titre. Il s’agit d’un jugement avant-dire droit, l’injonction d’agir
pour limiter le préjudice écologique étant toujours en discussion. Le jugement définitif sera
rendu après un supplément d'instruction de deux mois.

Cet état d’esprit a également été suivi par différentes décisions prises en matière de
l’environnement, qu’elles soient législatives, politiques ou économiques. Par exemple, la

5
Le préjudice écologique “L’affaire Erika”

réunion de l’ensemble des dirigeants lors de la Conférence des Nations Unies sur le changement
climatique (COP 21) à Paris en 2015 et (COP 22) à Marrakech en 2016 avec la volonté de faire
évoluer la protection de la planète.

Toutes ces questions s’inscrivent dans un contexte marqué par des enjeux
contemporains de préservation des ressources naturelles et où la responsabilité des particuliers,
mais aussi de l’État est de plus en plus engagée afin de protéger la biodiversité.

Nous nous pencherons d’abord sur la notion et les classifications des préjudices
environnemental (I) pour aborder ensuite l’évaluation et la réparation du préjudice
environnemental (II)

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Le préjudice écologique “L’affaire Erika”

I. PREJUDICE ENVIRONNEMENTAL

Le préjudice environnemental est un principe reconnu par la jurisprudence, qui relève


à la fois de la responsabilité civile et environnementale. Appliquant sa jurisprudence ERIKA
la Cour de cassation rappelle que "le préjudice écologique consiste en l'atteinte directe ou
indirecte portée à l'environnement et découlant de l'infraction"1 Cela signifie que pour être
applicable, un préjudice objectif doit être constaté concernant une dégradation de
l’écosystème. Il est alors considéré comme un dommage environnemental et peut donner
droit à une réparation en nature ou à des compensations, qu’elles soient matérielles ou
financières. Dans cette party on va traiter la notion (A) et les classifications (B) des préjudices
environnementaux.

A. La notion de préjudice environnemental

La prise en compte, en droit français, du préjudice écologique est le fruit d’une évolution
qui s’est globalement réalisée en deux temps. Initialement, seul le préjudice écologique dérivé
a été érigé en poste de préjudice réparable par le droit de la responsabilité civile. Puis, le
préjudice écologique pur, lequel correspond en réalité au véritable préjudice écologique, le
préjudice écologique dérivé n’en étant qu’un succédané, a fait son entrée sur la scène juridique.

a. Le préjudice écologique dérivé

Le préjudice écologique dérivé est aussi appelé préjudice écolo-gique subjectif. Il consiste
dans l’atteinte causée à l’environnement, qui a des répercussions sur les sujets de droit, tant sur
leur personne même que sur leur patrimoine. Ici, ce n’est pas l’atteinte à l’environnement, en
tant que telle, qui est prise en considération. Elle ne l’est que sous l’angle des conséquences
qu’elle génère. Afin de voir si ce préjudice écologique dérivé s’applique, il doit remplir trois
caractères de qualification: le préjudice doit être direct (cela renvoi au lien de causalité entre le
fait générateur et le préjudice), personnel (le préjudice doit être invoqué par la personne qui le
subi) et certain (le préjudice doit avoir une forte vraisemblance, mais le dommage futur et le
risque de préjudice sont admis). À titre d’exemple, le préjudice écologique est dérivé lorsque

1
Cour de cassation, criminelle, Chambre criminelle, 22 mars 2016, 13-87.650

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Le préjudice écologique “L’affaire Erika”

plusieurs victimes sont tombées malades et que le lien de causalité entre les rejets de gaz illicites
d’une ICPE2 et leur maladie a été établi : la Cour de cassation a reconnu que ce préjudice
corporel était certain, direct et personnel.3

Autant dire que l’admission de la réparation du préjudice écologique dérivé ne présente pas
de réel intérêt juridique, du moins en termes de protection de l’environnement, puisqu’elle ne
permet finalement d’obtenir indemnisation que de préjudices qui sont, somme toute, très
classiques et qui, à ce titre, étaient déjà indemnisables.4

Ainsi, les répercussions subjectives d’une atteinte à l’environnement peuvent tout d’abord
se traduire par des préjudices matériels qui sont connus, telles que la perte de valeur d’un bien,
la perte de revenus, la détérioration d’un bien, la perte d’exploitation. Peuvent y être ajoutées
les dépenses engagées pour réduire les incidences d’une atteinte à l’environnement (opération
de dépollution d’un terrain, effectuée aux frais de son propriétaire). Ensuite, les répercussions
subjectives d’une atteinte à l’environnement peuvent se manifester par des préjudices moraux,
qui consistent dans des atteintes à des intérêts extrapatrimo-niaux, telle la perte d’usage ou de
jouissance d’un lieu auquel la personne est viscéralement attachée. Enfin, les répercussions
subjectives d’une atteinte à l’environnement peuvent se traduire par la survenance d’un
préjudice corporel (par ex, dans l’hypothèse d’une pollution de l’air qui entraînerait des
maladies respiratoires). Dans ce cas, le préjudice corporel réparable se décomposera,
classiquement, en application de la nomenclature Dintilhac, en préjudice patrimonial (dépense
de santé, perte de gains professionnels, frais divers, etc.) et en préjudice extrapatrimonial
(déficit fonctionnel temporaire, souffrances endurées, déficit fonctionnel permanent, préjudice
d’agrément, etc.).

b. Le préjudice écologique pur

Le préjudice écologique pur est une atteinte non négligeable aux éléments ou aux fonctions
des écosystèmes ou aux bénéfices collectifs tirés par l’homme de l’environnement5. Il a fait son

2
https://www.lepetitjuriste.fr/prejudice-ecologique-action-responsabilite-reconnue-explicitement-code-civil/
3
Cass. crim., 28 juin 2005, n°04-84281

4
Geneviève Viney, « Le préjudice écologique » dans Le préjudice : questions choisies, Actes du colloque du
CREDO (1998) HS Resp civ et assur 6.

5
Article 1247 du Code civil

8
Le préjudice écologique “L’affaire Erika”

entrée dans le droit positif français, d’abord en dehors du droit de la responsabilité civile, puis
en l’intégrant dans le droit de la responsabilité civile.

Ø La réception du préjudice écologique pur en dehors du droit de la responsabilité civile

Lorsque l’on poursuit la réparation d’un dommage quel qu’il soit, pourvu qu’il soit causé
par un acteur privé, le réflexe est bien évidemment de se tourner vers le droit de la responsabilité
civile dont l’objet est tout entier orienté vers elle.

Pourtant, en France, le préjudice écologique pur a fait son entrée en droit positif en passant
par le droit administratif. En effet, dans le cadre de la transposition de la Directive6 du Parlement
européen et du Conseil sur la responsabilité environnementale en ce qui concerne la prévention

et la réparation des dommages environnementaux, le législateur a, à la faveur de la Loi no 2008-

757 du 1er août 2008 relative à la responsabilité environnementale et à diverses dispositions


d’adaptation au droit communautaire dans le domaine de l’environnement, clairement consacré
la reconnaissance du préjudice écologique pur. Pour preuve, les dommages visés dans les

nouvelles dispositions du Code de l’environnement, issues de cette Loi du 1er août 2008, sont
entièrement détachés de leurs répercussions subjectives. Sont ainsi énumérés, à l’article L. 161-
1, les dommages environnementaux causés aux sols, aux eaux, aux espèces et aux habitats
naturels protégés ainsi qu’aux services écologiques.

Cela étant, il convient de noter que tous les préjudices écologiques ne sont pas
législativement consacrés, de sorte que leur réception législative est seulement partielle, dès
lors que certains d’entre eux sont explicitement exclus par l’article L. 161-2 du Code de
l’environnement (par ex, le préjudice écologique résultant d’activités de protection contre les
risques naturels et les catastrophes naturelles, et le préjudice écologique causé par un conflit
armé). En outre, ils sont consacrés en étant soumis à un régime de police administrative très
éloigné du mode de fonctionnement de la responsabilité civile.

Par la suite, cependant, le préjudice écologique a fait son entrée dans la discipline qui avait
naturellement vocation à le recevoir en prio- rité : la responsabilité civile.

6
Directive 2004/35/CE

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Le préjudice écologique “L’affaire Erika”

Ø La réception du préjudice écologique pur en droit de la responsabilité civile :

La réception du préjudice écologique pur en droit de la responsabilité civile s’est faite


d’abord sous l’impulsion de la jurisprudence, ensuite sous celle du législateur.

- La réception jurisprudentielle du préjudice écologique pur:

Dans le silence des textes, la Cour de cassation a saisi l’occasion d’un fait divers ayant
largement défrayé la chronique pour admettre, pour la première fois, la réparation du préjudice
écologique pur. En décembre 1999, le pétrolier Erika faisait naufrage dans la zone économique
exclusive située entre les eaux territoriales françaises et les eaux internationales. Une
catastrophe écologique d’une ampleur quasi sans précédent s’ensuivit. Les conséquences de la
pollution ont donné lieu, en France, à des poursuites pénales auxquelles se sont greffées des
actions civiles en indemnisation. Les juridictions du fond, le Tribunal correctionnel de Paris,
puis la Cour d’appel de Paris7, ont, notamment, accordé la réparation non seulement du
préjudice moral des associations pour la défense de l’environnement (préjudice écologique
dérivé), mais également la réparation du préjudice écologique envisagé indépendamment de ses
répercussions sur les sujets de droit, c’est-à-dire du (préjudice écologique pur). La réparation
de cette forme de préjudice, accordée par les juridictions du fond, n’était pas une nouveauté.
Par le passé déjà, d’autres avant elles avaient statué en ce sens, mais en des termes sans doute
moins explicites. Toutefois, un pourvoi en cassation, formé contre l’arrêt rendu par la Cour
d’appel de Paris, pouvait faire craindre un repli, d’autant plus que le parquet général avait requis
la non-indemnisation du préjudice écologique pur. La chambre criminelle de la Cour de
cassation n’a pas suivi l’avis du parquet et a jugé que le préjudice écologique, défini comme «
l’atteinte directe ou indirecte portée à l’environnement », avait été justement réparé par les juges
du fond8.

7
Trib gr inst Paris, 16 janvier 2008, no 9934895010; CA Paris, 30 mars 2010, [2010] D 967, no 08/02278.

8
Cass crim, 25 septembre 2012, [2012] D 2711, no 10-82.938 (note Philippe Delebecque) : Attendu que les
énonciations de l’arrêt attaqué mettent la Cour de cassation en mesure de s’assurer que la Cour d’appel a, sans
insuffisance ni contradiction, répondu aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie et a ainsi justifié
l’allocation des indem- nités propres à réparer le préjudice écologique, consistant en l’atteinte directe ou indirecte
portée à l’environnement et découlant de l’infraction.

10
Le préjudice écologique “L’affaire Erika”

Le préjudice écologique était ainsi reconnu par le plus haut niveau juridictionnel.
L’avancée était indéniable, mais restait fragile puisqu’elle avait un fondement jurisprudentiel,
non textuel. Toutefois, l’évolution a été consolidée par l’intervention du législateur qui a, à son
tour, consacré le caractère réparable du préjudice écologique pur en droit de la responsabilité
civile.

- La réception légale du préjudice écologique pur:

C’est à la faveur de la Loi no 2016-1097 du 8 août 2016 pour la reconquête de la


biodiversité, de la nature et des paysages qu’a été intégré, dans le Code civil, le préjudice
écologique pur, dont le caractère réparable a ainsi été reconnu.

En effet, le nouvel article 1247 du Code civil énonce qu’est réparable le préjudice
écologique pur, qui consiste « en une atteinte non négligeable aux éléments ou aux fonctions
des écosystèmes ou aux bénéfices collectifs tirés par l’homme de l’environnement ». Les
juridictions du fond n’ont pas tardé à en faire application dans une décision remarquée, rendue
par le Tribunal judiciaire de Marseille, le 6 mars 20209.

L’intérêt d’une telle disposition, outre qu’elle fait entrer le préjudice écologique dans le
droit de la responsabilité civile, est de saisir l’occasion donnée pour proposer une définition du
dommage écologique qui, jusqu’alors, n’avait des contours fixés par la jurisprudence que de
manière imprécise.

B. Les classifications des préjudices environnementaux


Avant de cerner les différentes classifications des préjudices environnementaux, il importe
avant tout de distinguer le dommage du préjudice. Pour la cour d’appel de Paris, « les
dommages causés par le déversement des hydrocarbures sont à l'origine d'un certain nombre de
préjudices qu'il [lui] appartient (...) d'identifier et de caractériser »10. Le premier est donc une
atteinte matérielle de pollution et le deuxième réside dans les conséquences juridiques de cette
atteinte. Cette distinction entre le dommage et les préjudices consécutifs constitue le point de
départ d'une classification rationnelle, d'une nomenclature des préjudices liés au dommage

9
Trib gr inst Marseille, 6 mars 2020, [2020] JCP G II 825 (note B Parance).

10
C.A de Paris, 30 mars 2010.

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Le préjudice écologique “L’affaire Erika”

environnemental dans un souci annoncé de respect du principe de réparation intégrale et dans


le prolongement de ce qui existe déjà pour le dommage corporel.

Plusieurs classifications sont établies quand il s’agit de déterminer ou évaluer un préjudice,


une première distinction doit être faite entre les préjudices subjectifs et le préjudice objectif (i),
une deuxième concerne les préjudices individuels et les préjudices collectifs (ii).

a. Les préjudices subjectifs et le préjudice objectif

Cette distinction a été soulevée de manière inédite par la cour d’appel de Paris dans l’arrêt
susmentionné. Les premiers regroupent les « atteintes portées aux intérêts patrimoniaux et
extrapatrimoniaux des sujets de droit » du fait de la pollution, alors que le préjudice objectif
s'entend de « toute atteinte non négligeable à l'environnement naturel, à savoir, notamment,
l'air, l'atmosphère, l'eau, les sols, les terres, les paysages, les sites naturels, la biodiversité et
l'interaction entre ces éléments qui est sans répercussions sur un intérêt humain particulier mais
qui affecte un intérêt collectif légitime ». Cette nouvelle classification qui dépasse la distinction
traditionnelle entre les préjudices patrimoniaux et les préjudices extrapatrimoniaux vient
consacrer l'autonomie du préjudice causé à l'environnement per se. Elle conforte le mouvement
déjà engagé en première instance et relayé par différentes juridictions du fond11, qui est appuyé
notamment par la loi du 1er août 2008 relative à la responsabilité environnementale en ce qu'elle
consacre le principe de la réparation du dommage porté à l'environnement en tant que tel12.
Cette consécration du préjudice objectif à l'environnement, en ce qu'il ne touche pas les
justiciables personnes physiques, constitue une extension des préjudices réparables en droit
commun au-delà des seuls préjudices personnels13. Une telle reconnaissance est remarquable
comparée au droit de la convention CLC de 199214 qui limite la prise en compte des atteintes à
l'environnement au montant des mesures raisonnables de remise en état.

Les juges de la Cour d’Appel de Paris ont affiné le contenu des préjudices subjectifs et du
préjudice objectif dans le cadre de l’affaire Erika. Les préjudices subjectifs regroupent les
préjudices patrimoniaux et les préjudices extrapatrimoniaux.

Au titre des préjudices patrimoniaux, la cour d'appel prend en compte le préjudice matériel
lié aux activités de dépollution. Elle le définit comme les « frais de remise en état tels les frais

11
M. Boutonnet, 2007-2008, année de la responsabilité environnementale, RLDC 2008, p. 21.
12
C. env., art. L. 160-1 s.
13
L. Neyret, Atteintes au vivant et responsabilité civile, préf. C. Thibierge, LGDJ, 2006, n°581 s.
14
Convention de 1992 sur la responsabilité civile, régit la responsabilité des propriétaires de navires au titre des
dommages de pollution par les hydrocarbures.

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Le préjudice écologique “L’affaire Erika”

liés au nettoyage des sites, au sauvetage de la faune sauvage, à la restauration des infrastructures
ou encore les atteintes à l'outil de travail ». Relève également des préjudices patrimoniaux le
préjudice économique résultant de la pollution, défini comme « l'ensemble des pertes de revenus
et des gains manqués, tels que les pertes de marchés, les manques à gagner ou les pertes de
chiffre d'affaires ». Pour gagner en rigueur notionnelle et eu égard aux définitions
traditionnelles15 du préjudice matériel et du préjudice économique, il conviendrait davantage
d'entendre le premier comme « l'atteinte à la valeur d'un bien détruit ou détérioré à la suite d'un
dommage environnemental » et le second comme « l'ensemble des dépenses, des pertes de
profits ou de gains espérés en lien avec le dommage environnemental et qui recouvrent
notamment les coûts de prévention, de limitation, de réparation, de suivi et de communication,
les pertes de marchés, les manques à gagner ou les pertes de chiffre d'affaires, la perte de taxe
de séjour occasionnés par le dommage environnemental, ainsi que les frais divers ». La cour
d'appel de Paris a porté une attention particulière aux frais divers exposés par les parties civiles
et qui ne se limitent pas aux honoraires d'avocats, « car les parties civiles ont dû engager des
frais très importants dans une procédure particulièrement complexe et qui a duré dix ans ».

En ce qui est des préjudices extrapatrimoniaux, la cour d'appel vise « aussi bien le trouble
de jouissance que l'atteinte à la réputation, à l'image de marque et à des valeurs fondant l'identité
de la victime ». Bien souvent, la catégorie du préjudice moral pour atteintes à l'environnement
est utilisée comme catégorie fourre-tout16 pour cacher la difficulté des protagonistes de l'action
environnementale à nommer les répercussions morales du dommage environnemental. Dans le
présent arrêt, les juges procèdent à un affinement du préjudice moral, ici pour les associations
de protection de l'environnement au titre du « prix du découragement » car la marée noire a
porté atteinte à leur objet social et contrarié gravement les efforts qu'elles ont déployés, ici
encore pour les collectivités territoriales dépendantes du tourisme et des produits de la mer et
qui ont subi une atteinte à leur « image de marque » et à leur « réputation », là pour un syndicat
professionnel qui a vécu l'arrivée des nappes d'hydrocarbures comme « une menace majeure
pour la poursuite de l'activité » de ses membres, et là encore pour des pêcheurs à pied « vivant
en permanence en symbiose avec la mer » et pour qui « l'anéantissement de toute vie marine du
fait de la pollution leur a causé une véritable souffrance morale ».

Quant au préjudice objectif, L'arrêt rapporté identifie le préjudice objectif d'atteinte à


l'environnement au travers de plusieurs expressions. Cela va du « préjudice écologique pur », à

15
P. Brun, Responsabilité civile extracontractuelle, Litec, 2009, n° 210 et 212.
16
M. Boutonnet et L. Neyret, Préjudice moral et atteintes à l'environnement, D. 2010. 912.

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Le préjudice écologique “L’affaire Erika”

l'« atteinte à l'environnement naturel », en passant par l'« atteinte aux actifs environnementaux
non marchands », « l'atteinte portée à la préservation du milieu naturel » ou encore « l'atteinte
à l'intégrité du patrimoine naturel ». Plus précisément, le préjudice est caractérisé par « la
souillure de la mer et du rivage », « la mort des oiseaux marins » et la « pollution de l’estran ».
Ces expressions restent encore très générales et vagues. Cela nous conduit à formuler le vœu
que, à l'avenir, on dispose d'un barème d'évaluation environnemental à l'image du barème
médical qui étalonne le dommage corporel en taux d'incapacité fonctionnelle.

b. Les préjudices individuels et les préjudices collectifs

L'arrêt d'appel souligne le contexte particulier des atteintes à l'environnement dont les
répercussions sont à la fois individuelles et collectives, et invite à ne pas confondre entre « ce
qui ressort du fondement(...) et de la recevabilité » de l'action des parties civiles. La difficulté
concerne plus spécialement les actions exercées au titre du préjudice objectif d'atteinte à
l'environnement, en ce qu'il « porte atteinte (...) à un intérêt collectif », alors que l'article 2 du
code de procédure pénale exige un préjudice personnel au demandeur. Si ce préjudice se
départit de l'exigence de caractère personnel sur le terrain du bien-fondé de l'action, il n'en
demeure pas moins que sur celui de la recevabilité ce caractère reste requis. A ce propos, les
juges font une approche extensive de la notion d'intérêt personnel à agir qui profite aux
associations17, aux syndicats professionnels18 et aux collectivités territoriales. Pour ces
dernières, alors que les premiers juges avaient déclaré recevable la seule action des
départements en raison de leur compétence spéciale en matière environnementale, la cour
d'appel va plus loin et consacre la compétence générale de toutes les collectivités territoriales
et de leurs groupements. Pour ce faire, elle se fonde sur l'article L. 142-4 du code de
l'environnement issu de la loi du 1er août 2008 dont elle fait une application immédiate en
considérant qu'il s'agit d'un texte de procédure applicable aux instances pénales en cours19, qui
permet aux collectivités territoriales « d'exercer les droits reconnus à la partie civile en ce qui
concerne les faits portant un préjudice direct ou indirect au territoire sur lequel elles exercent
leurs compétences et constituant une infraction aux dispositions législatives relatives à la

17
C. env., art. L. 142-2.
18
C. trav., art. L. 2132-3.
19
La disposition profite aux communes, aux communautés d'agglomération, aux départements, aux régions, ainsi
qu'à Vigipol, syndicat mixte de protection du littoral breton.

14
Le préjudice écologique “L’affaire Erika”

protection de la nature et de l'environnement ». Dès lors, il est acquis que la notion d'intérêt
personnel à agir ne rime pas uniquement avec l'intérêt individuel, mais englobe aussi l'intérêt
collectif à la préservation de l'environnement.

En apparence claires au moment de leur présentation, les distinctions proposées par la cour
d'appel font l'objet d'approximations au moment de leur application.

15
Le préjudice écologique “L’affaire Erika”

II. EVALUATION ET REPARATION DU PREJUDICE


ENVIRONNEMENTAL
La définition de la notion de préjudice environnemental et ses différentes classifications
permet de le mieux évaluer (A) et réparer (B) par les juges.

A. Les méthodes d’évaluation des préjudices environnementaux


Les juges sont bien conscients de la difficulté qu'il y a à donner un prix à la nature20. Pour
autant, ils rappellent que cette difficulté également rencontrée pour la compensation des
préjudices moraux et physiques a pu être dépassée. Les juges de la cour d’appel de Paris tentent
de faire de même avec les préjudices à l'environnement, soulignant que la « destruction d'un
écosystème peut se comparer à une sorte d'amputation ». Dès lors, la cour d'appel, guidée par
le principe de réparation intégrale et soucieuse d'admettre la réparation des atteintes à
l'environnement par équivalent monétaire, a mis au jour plusieurs critères d'évaluation qui
varient suivant la qualité du demandeur. D'abord, pour les communes, il s'agit de la « surface
d'estran touchée, de l'importance de la marée noire sur les lieux (...), de leur vocation maritime
et de leur population ». Pour les communes dépourvues d'estran, la cour a procédé « par
comparaison » avec celles qui en disposaient. Ensuite, pour les autres collectivités territoriales,
l'évaluation du préjudice à l'environnement est fonction de « l'importance de la pollution subie
par leurs rivages, de l'orientation plus ou moins maritime de leur activité et de leur population
». Enfin, pour les associations, le montant de la réparation dépend du « nombre d'adhérents
quand elles en disposaient, de la notoriété et la spécificité de leur action ». On verra dans cette
combinaison de critères quantitatifs et qualitatifs un effort louable de systématisation des
méthodes d'évaluation du préjudice à l'environnement, pour plus d'égalité indemnitaire. Pour
autant, on peut douter de la pertinence des critères retenus, tels le nombre d'habitants d'une
commune ou le nombre d'adhérents d'une association, en termes d'évaluation la consistance du
préjudice causé à l'environnement lui-même. De plus, les méthodes d'évaluation rationnelle
proposées cachent assez mal le caractère forfaitaire des sommes allouées. La comparaison des
montants accordés aux communes dotées d'un estran démontre que le préjudice à
l'environnement a été évalué à 7 centimes d'euro le mètre carré d'estran touché, et ce quelle que
soit la population des communes concernées. Quant aux sommes octroyées aux départements

20
B. Chevassus-au-Louis (dir.), Approche économique de la biodiversité et des services liés aux écosystèmes,
Centre d'analyse stratégique, avr. 2009.

16
Le préjudice écologique “L’affaire Erika”

et régions au titre de l'atteinte au patrimoine naturel, il s'agit de nombres ronds expressément


calqués sur le montant obtenu par ailleurs au titre du préjudice moral pour atteinte à l'image de
marque.

Un autre problème se pose à ce stade de la réparation, c’est celui du risque d’une redondance
indemnitaire. En effet, réparer le préjudice d'atteinte à l'intégrité du patrimoine naturel en
allouant des dommages et intérêts aux communes, aux départements, aux communautés
d'agglomération et aux régions qui partagent la gestion d'un même territoire touché par une
pollution, ou encore réparer un même préjudice écologique en octroyant des indemnités à
plusieurs associations dont la mission consiste à défendre la cause environnementale, semble
être source de redondance indemnitaire et peut être même contraire au principe de réparation
intégrale21 . Pour les collectivités territoriales et leurs groupements, le découpage administratif
implique un empilement de plusieurs défenseurs pour une même partie de territoire. Quant aux
associations, elles détiennent une compétence partagée pour la défense d'une même cause : la
préservation de l'environnement. Or, à cette multitude de déclencheurs potentiels de l'action en
réparation du préjudice à l'environnement correspond un préjudice unique qui touche tel espace,
telle espèce ou tel milieu. En fait, s'il est pertinent de donner un droit d'action personnelle à
plusieurs collectivités territoriales ou associations pour un même préjudice, il serait opportun
de faire en sorte que les sommes allouées à ce titre ne le réparent qu'une seule fois et de s'assurer
que ces sommes soient utilisées au profit de la cause environnementale.

B. La consécration juridique et jurisprudentielle

a) La consécration légale du préjudice écologique22

Désormais, le fondement du préjudice écologique est son caractère réparable. Ainsi,


l'article 1246 du code civil dispose que « toute personne responsable d'un préjudice écologique
est tenue de le réparer » et l’article 1247 énonce : « Est réparable, dans les conditions prévues
au présent titre, le préjudice écologique consistant en une atteinte non négligeable aux éléments

21
L. NEYRET, « L'affaire Erika : moteur d'évolution des responsabilités civile et pénale », rec. D. 2010, p. 2238.
22
E. HADDAD, « L’affaire Erika : la naissance du préjudice écologique »

17
Le préjudice écologique “L’affaire Erika”

ou aux fonctions des écosystèmes ou aux bénéfices collectifs tirés par l'homme de
l'environnement. »

La question du droit d’agir est éclaircie par l’article 1248 du code civil. Enfin, en ce qui
concerne les modalités de réparation, le législateur tranche en faveur de la réparation en nature
(art. 1249 c.civ.), le versement de dommages et intérêts étant désigné comme la solution
subsidiaire lorsque la réparation en nature est impossible.

Plusieurs remarques s’imposent : le sous-titre II du titre III du livre III du code civil
comprend désormais trois chapitres, l’un consacré à la responsabilité extracontractuelle en
général, le deuxième à la responsabilité du fait des produits défectueux, et le troisième au
préjudice écologique. Ainsi, ce dernier constitue un préjudice dont le fondement est distinct de
l’article 1240 du code civil. Point n’est donc besoin de personnifier l’environnement comme «
autrui » pour justifier la réparation des atteintes subies. Par ailleurs, la définition et donc le
champ d’application ratione materiae du préjudice écologique sont étroitement associés à son
caractère « réparable », en vertu de la rédaction de l’article 1247 du code civil. La définition
légale est plus étroite que la définition jurisprudentielle, à juste titre : la finalité du prononcé
d’une responsabilité civile est la réparation, de sorte que, même si les atteintes à
l’environnement sont très graves et touchent à des intérêts extrêmement larges et divers, seul le
dommage réparable peut constituer un préjudice.

Concernant l’évaluation du préjudice écologique, plusieurs méthodes d’évaluation sont


mises en œuvre en pratique. On regrettera néanmoins l’absence de nomenclature, et ce malgré
les différentes propositions (voir par ex. le rapport rédigé par l’association des professionnels
du contentieux économique et financier ; sur cette question, cf. L. Neyret et G. Martin, « De la
nomenclature des préjudices environnementaux », JCP G. 2012.567), qui rend le chiffrage de
ce préjudice encore incertain.

b) Consécration jurisprudentielle

Par un arrêt23 rendu le 25 septembre 2012, la Cour de cassation a reconnu l’existence


d’un « préjudice environnemental » pour ainsi ériger l'écologie en un principe de droit. Y porter
atteinte est depuis un délit civil, voire pénal.

23
Par un arrêt historique rendu le 25 septembre 2012, la Cour de cassation a reconnu l'existence d'un « préjudice
environnemental » pour ainsi ériger l'écologie en un principe de droit. Y porter atteinte est depuis un délit civil,
voire pénal.

18
Le préjudice écologique “L’affaire Erika”

v Retour sur l’affaire Erika

Le 12 décembre 1999, la France connaît la plus grande marée noire de son histoire en
raison du naufrage du pétrolier Erika qui déversera des hydrocarbures au large de près de 400
kilomètres de côtes, allant du Finistère à la Charente-Maritime. Un rapport sur le naufrage
pointe du doigt la défaillance dans la gestion des pavillons de complaisance. Oiseaux
empoisonnés, écosystème détruit, préjudice économique pour les communes du littoral, etc. Le
bilan est lourd.

Le groupe TOTAL, première entreprise pétrolière française, qui était au banc des
accusés aux côtés de la filiale Total Petroleum Services, la filiale Total Transport Corporation,
la société Rina, entreprise italienne de classification des navires, et pas moins de 11 personnes
physiques, se déclare non responsable de pollution maritime, bien qu'il ait dépensé plus de 200
millions d'euros dans diverses opérations de pompages. Le coût estimé du naufrage avoisine le
milliard d'euros et les victimes demandent réparation à l'ouverture du procès, en 2007.

Jusqu'à cette date, les conventions internationales limitaient la responsabilité dans les
affaires de pollution maritime à celle du propriétaire du navire, à son gérant ou à son capitaine.
Or le tribunal relève la « faute d'imprudence » au regard de l'âge du navire et du mauvais
entretien. Cette faute étant caractérisée par le fait que l'affréteur de TOTAL n'a pas tenu compte
de l'âge du navire, soit près de 25 ans, et de « la discontinuité de sa gestion technique et de son
entretien ». L’avocat général en charge de l’affaire avait alors requis la cassation de l’arrêt de
la cour d’appel et la relaxe de TOTAL et des autres sociétés en cause.

Finalement, la Cour de cassation va aller à l’encontre de l’avocat général pour confirmer


la condamnation de TOTAL et de la société Rina à la peine maximale de 375 000 € d’amende.
De plus, les deux sociétés sont solidairement tenues de verser près de 200 millions d’euros de
dommages-intérêts aux parties civiles et à l’État français. Parmi ces parties civiles se trouvaient
plusieurs associations de défense de l’environnement qui se sont donc vu reconnaître le droit
d’obtenir réparation du préjudice causé à l’environnement.

Pour la première fois en France, l'existence d'un préjudice écologique « résultant de


l'atteinte directe ou indirecte portée à l'environnement » est soulevée, donnant notamment droit
à réparation aux associations de défense de l'environnement. Ces associations, tout comme les
collectivités gérant des espaces naturels, ont le droit de demander réparation, non seulement du
préjudice matériel et du préjudice moral, directs ou indirects, causés aux intérêts collectifs

19
Le préjudice écologique “L’affaire Erika”

qu'elles ont pour objet de défendre, mais aussi de ce nouveau type de préjudice. Cette décision
sans précédent allait faire jurisprudence.24

v Les tâtonnements de la jurisprudence

L’après-Erika a laissé planer des incertitudes quant aux contours du préjudice


écologique. En effet, la qualification de ce préjudice fait encore débat sur les personnes qu’il
concerne. La jurisprudence a distingué le préjudice subi par les associations de défense, celui
subi par les personnes physiques et celui subi par l’environnement stricto sensu. Rien
d’étonnant puisque l’affaire Erika avait donné lieu à la réparation à la fois d’un préjudice
matériel, d’un préjudice moral et d’un préjudice écologique.

Plusieurs arrêts de 2014 témoignent de la difficulté des juges à appréhender ce nouveau


préjudice autonome qu’est le préjudice écologique. L’originalité de la jurisprudence sur ce sujet
réside cependant dans le fait qu’elle fait application d’une nomenclature des préjudices
environnementaux élaborée par la doctrine. Ont alors été distingué le préjudice écologique pur,
c’est-à-dire celui causé à l’environnement, et les préjudices subis par les personnes, qu’elles
soient physiques ou morales (associations). En plus de la définition du préjudice écologique,
ses modalités de réparation n’étaient pas d’une grande clarté, ce pour quoi le législateur est
intervenu pour entériner la notion et son traitement.

v Le préjudice écologique dans la loi française

Les atteintes à l’environnement sont sanctionnées à la fois par une action civile et par
une action pénale, à l’instar de la condamnation spectaculaire de TOTAL dans l’affaire Erika.
Au premier plan des demandeurs à ces actions se trouvent les associations de défense
environnementale.

§ En droit commun

L’ordre juridique français comprend tout un corpus préventif en matière de dommages


causés à l’environnement qui a été développé en droit administratif. L’autre versant du droit de
l’environnement est celui de la responsabilité environnementale. La loi du 8 août 201625 dite «
pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et du paysage », a intégré au Code civil un

24
L. NEYRET, « L'affaire Erika : moteur d'évolution des responsabilités civile et pénale », rec. D. 2010, p. 2242.

25
Cette loi inscrit dans le droit français une vision dynamique et renouvelée de la biodiversité et a pour ambition
de protéger et de valoriser notre patrimoine naturel, pour faire de la France le pays de l'excellence
environnementale et des croissances verte et bleue.

20
Le préjudice écologique “L’affaire Erika”

chapitre dédié à la réparation du préjudice écologique aux articles 1246 et suivants, confirmant
ainsi que « toute personne responsable d’un préjudice écologique est tenu de le réparer ».
L’action civile est donc ouverte à quiconque serait victime d’un tel préjudice et souhaiterait en
obtenir la réparation.

§ En droit spécial

La réponse pénale au préjudice écologique ressort principalement de deux sources que


sont le Code de l’environnement et le Code pénal. Le Code l’environnement sanctionne
pénalement les infractions commises en matière environnementale. L’article L216-6 de ce Code
punit notamment de deux ans d’emprisonnement et 75 000 euros d’amende l’infraction générale
de pollution des eaux définie comme « le fait de jeter, déverser ou laisser s’écouler dans les
eaux superficielles, souterraines ou les eaux de la mer dans la limite des eaux territoriales,
directement ou indirectement, une ou des substances quelconques dont l’action ou les réactions
entraînent, même provisoirement, des effets nuisibles sur la santé ou des dommages à la flore
ou à la faune ». Entre autres évolutions, le Code de l’environnement précise depuis 2014 les
contours de la « transaction environnementale », mode de règlement des litiges permis par le
Code civil et étendu à la matière.26

Le Code pénal, lui, s’est doté d’un arsenal réglementaire destiné à sanctionner les
atteintes à l’environnement en prévoyant notamment une infraction générale susceptible de
s’appliquer aux violations de décrets ou d’arrêtés de police en vigueur en matière
environnementale. La procédure n’est pas en reste dans ce domaine puisque la loi du 24
décembre 2020 relative notamment à la justice environnementale a consacré au sein de notre
Code de procédure pénale la mise en place de pôles régionaux spécialisés en matière d’atteintes
à l’environnement dans le ressort de chaque cour d’appel. Il faut aussi noter qu’un délai de
prescription spécifiquement relatif aux infractions environnementales a récemment fait son
entrée en droit procédural.

26
E. HADDAD, « L’affaire Erika : la naissance du préjudice écologique »

21
Le préjudice écologique “L’affaire Erika”

CONCLUSION

Le contentieux du droit de l’environnement étant amené à se multiplier et le préjudice


écologique n’ayant pas fini de faire évoluer le droit, plusieurs systèmes juridiques cherchent à
se doter d’un arsenal juridique en la matière.

Plus récemment, c’est le Tribunal administratif Français qui a consacré l’existence d’un
préjudice écologique global dans ce qui a été considéré comme « l’affaire du siècle » et qui a
défrayé la chronique. Dans cet arrêt du 3 février 2021, fait inédit, l’État français a été tenu pour
responsable du préjudice écologique constaté en France par son inaction ou du moins son action
trop sommaire sur cette question en dépit de sa signature de plusieurs grands textes
environnementaux : la France s’est donc fait condamner pour son inaction.

22
Le préjudice écologique “L’affaire Erika”

BIBLIOGRAPHIE

OUVRAGES

• BURN (P.), « Responsabilité civile extracontractuelle », Litec, 2009, n° 210 et


212.

• BOUTOUNNET (M.), et NEYRET (L.), « Préjudice moral et atteintes à


l'environnement », D. 2010. 912.

ARTICLES

• HADDAD (E.), « L’affaire Erika : la naissance du préjudice écologique »


• Viney (G.), « Le préjudice écologique » dans Le préjudice : questions choisies,
Actes du colloque du CREDO (1998)

THESES ET MEMOIRES

• CHEVASSUS-AU-LOUIS (N.), (dir.), Approche économique de la


biodiversité et des services liés aux écosystèmes, Centre d'analyse stratégique,
avr. 2009.
• NEYRET (L.), Atteintes au vivant et responsabilité civile, préf. C. Thibierge, LGDJ,
2006, n°581 s.

23
Le préjudice écologique “L’affaire Erika”

Table des matières


SOMMAIRE........................................................................................................ 4
INTRODUCTION .............................................................................................. 5
I. PREJUDICE ENVIRONNEMENTAL ...................................................... 7
A. La notion de préjudice environnemental ............................................. 7
a. Le préjudice écologique dérivé.............................................................. 7
b. Le préjudice écologique pur .................................................................. 8
B. Les classifications des préjudices environnementaux ....................... 11
a. Les préjudices subjectifs et le préjudice objectif ............................... 12
b. Les préjudices individuels et les préjudices collectifs ....................... 14
II. EVALUATION ET REPARATION DU PREJUDICE
ENVIRONNEMENTAL .................................................................................. 16
A. Les méthodes d’évaluation des préjudices environnementaux ........ 16
B. La consécration juridique et jurisprudentielle .................................. 17
a) La consécration légale du préjudice écologique ................................ 17
b) Consécration jurisprudentielle............................................................ 18
CONCLUSION ................................................................................................. 22
BIBLIOGRAPHIE............................................................................................ 23

24

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