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langues au Maroc
Leila Messaoudi
Dans Langage et société 2013/1 (n° 143), pages 65 à 83
Éditions Éditions de la Maison des sciences de l'homme
ISSN 0181-4095
ISBN 9782735114252
DOI 10.3917/ls.143.0065
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Leila Messaoudi
Laboratoire Langage et société-URAC56,
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FLSH- Université Ibn Tofail-Kénitra
lmessaoudi@gmail.com
1. De Vecchi (2012 : 9) note : « Là où l’un voit un argot de métier, l’autre verra un jar-
gon, un ergolecte, un technolecte sinon une langue spécialisée, voire une terminologie
ou un simple sociolecte et parfois une nomenclature. »
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deux ou plusieurs langues contrairement à la langue spécialisée qui renvoie
à « l’unicité de l’idiome » comme le mentionne Lerat (1995 : 20). En
somme, pour un milieu caractérisé par la présence de plusieurs langues
en contact, comme le Maroc, il serait plus conforme à la réalité des faits
de retenir la dénomination de « technolecte » car « langue spécialisée »
semble référer à une langue unique et à un système linguistique singulier.
(Messaoudi 2010).
Nous aborderons donc la question des technolectes en contexte socio-
linguistique plurilingue, en prenant comme exemple celui du Maroc.
Auparavant, nous ferons une brève présentation du paysage linguistique
marocain
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Il est important de relever la diglossie2 séculaire qui caractérise le
dédoublement de la langue arabe en, d’un côté, une variété savante,
nommée communément arabe classique ou littéral ou littéraire et que
nous désignons par l’arabe standard (désormais AS) et d’un autre côté,
en une variété « ordinaire », orale, non codifiée par écrit, utilisée dans
les échanges langagiers spontanés que nous désignons par arabe dialectal
marocain (désormais ADM) ou simplement par « arabe marocain ».
L’existence d’un continuum entre l’arabe standard et l’arabe dialectal
constitue une caractéristique importante de cette diglossie articulant
deux variétés linguistiquement apparentées et dont les faits observables
en synchronie prouvent l’existence d’une proximité linguistique, aisément
décelable, notamment sur le plan lexical.
Ainsi, pour récapituler, le paysage sociolinguistique marocain (et
même maghrébin) se caractérise par un plurilinguisme de fait,
Ainsi, le Maroc présente une cohabitation des variétés linguistiques
suivantes :
– l’arabe officiel (dit « standard », « classique », « littéraire » ou « littéral »),
– l’arabe dialectal marocain (dit « la darija »),
– l’amazighe officiel,
– les trois dialectes amazighes Tachelhit (au Sud), Tamazight (au Centre)
et Tarifit (au Nord),
2. Nous utilisons le terme de « diglossie » au sens de Ferguson (1958) qui insiste sur la
parenté linguistique entre les deux variétés H et L. Nous ne retiendrons donc pas ici
l’acception de Fishman (1971).
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– la langue française,
– l’espagnol.
Des travaux de terrain menés dans des domaines différenciés ont per-
mis de dégager deux types de technolectes : savants et ordinaires. Aussi,
avons-nous tenté de dresser une typologie, prenant en compte les variétés
linguistiques mobilisées, le domaine d’activité, le message et l’environne-
ment expérientiel. Cette typologie, présentée ci-dessous, permettrait de
se former une idée précise de la distinction, à notre sens, nécessaire entre
technolectes savants et technolectes populaires ou ordinaires.
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mobilisées spécialisée(s), Ou Mélange de langues (à l’oral, non
écrite(s), codifiée(s) codifié) (en milieu plurilingue)
Domaines Liés aux disciplines/Liés aux objets-référents in situ
spécialités théoriques
Savoirs Modernes Traditionnels (locaux) et modernes
Niveau Fondamental /Appliqué Pratique
Objectifs Transmission-construction Transmission de pratiques et d’actions
de savoirs/
de connaissances / de
procédures
Profils concernés Universitaires (enseignants, Techniciens, ouvriers, employés
étudiants) / professionnels (analphabètes, brevet, Bac +2)
(cadres, experts)
(niveau Bac + 5 et plus)
Lieu Amphithéâtres, laboratoires, Ateliers, usines, TP (des cours
banques, entreprises, etc. magistraux)
Tableau 1
Il ressort de ce tableau que :
– les technolectes savants mobilisent plutôt l’écrit ou un écrit oralisé
(comme dans le cours magistral universitaire) tandis que les technolectes
ordinaires ne mobilisent que les ressources orales ;
– les technolectes savants sont utilisés par des profils dont le niveau d’études
est bac + 5, sinon plus ; tandis que les technolectes ordinaires sont employés
par des apprentis analphabètes ayant appris le métier sur le tas mais aussi
par des techniciens ayant le niveau du brevet ou même le niveau de bac
+ 2. Pour ces derniers, l’on note curieusement que même dans les uni-
versités, dans les salles de TP, c’est plutôt le technolecte ordinaire qui est
utilisé par les étudiants notamment, et qui est construit généralement à
partir du mélange du français et de l’arabe dialectal marocain.
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– les locuteurs spécialistes des domaines scientifiques et techniques ;
– les locuteurs spécialistes des sciences du langage et de la communica-
tion, (linguistes, sociolinguistes, terminologues, traducteurs, journalistes,
etc.) créant ou contribuant à créer des termes savants et des structures et
expressions spécifiques.
b) Les technolectes ordinaires sont produits par :
– des acteurs divers, locuteurs dans la vie quotidienne, faisant face à des
savoirs et des savoir-faire en domaine spécialisé et étant dans l’obligation
de les verbaliser ; en usant d’appellations populaires locales, ne bénéficiant
d’aucune normalisation ;
– des acteurs dans l’apprentissage de savoirs locaux (agricole, artisanal) ou
de savoirs modernes (mécanique automobile, bâtiment, etc.) ;
– des assistants techniques (bac + 2) comme les adjoints techniques dans
le secteur agricole ou les assistants en informatique.
Avant de clore ce point, nous pourrions nous demander si les pro-
ducteurs des technolectes présentent un profil semblable à celui des
producteurs de la terminologie. En fait, la terminologie et les tech-
nolectes savants semblent avoir en commun quelques caractéristiques
quant au profil des producteurs, avec la différence que les attitudes sous
jacentes ne sont pas identiques : dans le cas de la terminologie, le but
est d’intervenir par une action volontaire sur la langue avec des objec-
tifs de normalisation et d’imposition de « termes normalisés » tandis
que dans celui des technolectes tant savants qu’ordinaires, il s’agirait
plutôt de « répondre à un besoin de communication spécialisée » sans
pour autant avoir pour perspective celle de vouloir « normaliser » ou
« imposer tel ou tel usage ».
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technolecte du code de la route et de la mécanique automobile pour
celui ordinaire (Messaoudi 2002, 2005, 2012). Nous en présenterons
ci-dessous quelques fragments.
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les noms ?) et le syntagme analytique « aux fins d’approbation » relève du
registre administratif et juridique.
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acte notarié
acte solennel
acte sous seing privé
Tableau 2
On remarque que le mot « acte » se trouve relié à deux champs lexi-
caux : l’un renvoie à celui des documents et l’autre à celui des actions
(cf. supra). Le mot « acte » est à relier au champ sémantique relatif aux
« documents », formant ainsi le paradigme suivant :
– acte
– contrat
– convention
– pacte
– protocole
– traité
L’échantillon construit avec « délégation
Tableau 3 » comprend les unités com-
plexes suivantes :
délégation de signature
délégation de vote
délégation parlementaire
délégation permanente
Tableau 3
5. Messaoudi, 2005.
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d’un pouvoir reconnu
– Connaître du procès : instruire un dossier
Il s’agit d’une construction intransitive du verbe « connaître »
selon le schéma : Verbe + préposition/article + Nom. Ce verbe existe
bien dans la langue générale sous la forme transitive. Nombreux sont
les exemples où le changement de catégorie grammaticale est noté
lorsqu’une unité linguistique (verbe, nom etc.) se trouve employée
dans le technolecte
Par ailleurs, les phraséologies sont largement employées dans le tech-
nolecte aussi bien dans celui de la diplomatie que dans celui de la méca-
nique automobile.
Exemples :
– Opposer une fin de non-recevoir. Jouir de l’inviolabilité de la personne
(domaine de la diplomatie)
– Suspension à double triangulation. Pot d’échappement. Direction assis-
tée (domaine de l’automobile)6
Il est intéressant de noter que les phraséologies et les locutions verbales
qui sont en général évitées par les terminologues, trouvent tout naturel-
lement leur place dans le technolecte.
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dibriyyi
(je diminue la vitesse, je tiens bien le volant, je n’accélère pas, je ne freine
pas, je ne débraie pas)
Q2 : a∫ naεmal ila wqaε li εaTab f l fran ?
(Que faire si les freins sont endommagés ?)
R2 : nnqes men ssura, n ∫ edd lbola mezyan, ma nxaf ma ndhe∫, kàn nnhàr
neεmel lklaksun, kàn llil naεmal farkud, ngraTi l fitiss mninma kàn ħetta l
duzyam, net*fi lkuntak u nεawn b l franaman kunt f lmdina ntu∫i rrwayed
mεa ttiTwar, kunt xarij l-mdina nxerrej rrwayed lbist u nsaεef mεa ssiyyara
ħetta tuqef
(R2 : je décélère et je tiens bien le volant, je ne dois pas avoir peur, je ne dois
pas paniquer ; s’il fait jour, j’utilise le klaxon, s’il fait nuit, je fais des appels
de phares (code-phare), je rétrograde la vitesse et passe en deuxième, j’éteins le
contact et j’aide avec le frein à main ; si je suis en ville, je touche le trottoir
avec les roues/pneus ; si je suis en dehors de la ville, je sors de la piste et
j’essaie d’arrêter la voiture »).
Aussi bien les locutions que les termes devront être mémorisés et
les techniques auxquelles ils renvoient devront être assimilées : le candi-
dat à l’examen de passage du permis, devra user de ce technolecte pour
répondre aux questions orales de l’examinateur. L’arabe standard n’est pas
utilisé dans ce contexte oral mais il pourrait l’être - comme du reste, le
français, lorsque le candidat préfère répondre, par écrit, à des questions
à choix multiple, sur ordinateur.
Nous retiendrons un autre corpus relatif aux dénominations des
« papiers du véhicule ». Les données qui figurent dans le tableau ci-des-
sous proviennent des réponses fournies à la question portant sur les docu-
ments que doit détenir un conducteur. Voici quelques dénominations en
français et en arabe standard, utilisées à l’écrit (recueillies des manuels de
conduite) et à l’oral en arabe dialectal marocain (recueilli des réponses
lors de l’épreuve orale du permis de conduire) et que nous faisons figurer
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dans le tableau qui suit.
Tableau 4
Français Arabe standard Arabe dialectal marocain
Permis de conduire ruxsatu ssiyàqah - lbirmi
Attestation de la ∫ahàdatu l fahSi la fizit
visite médicale TTibiy
La carte grise al waraqa rramàdiyah l kart griz
l'assurance atta’min lasurans
La vignette aDDaribah Ddariba
Les termes en gras sont des emprunts au français
Tableau 4
Les termes en gras sont des emprunts au français
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frein ħassàr fran
moteur muħarrik motor
volant miqwad bola
virage munɛataf firaj
Comme cela ressort du tableau ci-dessus, le recours à l’emprunt est peu exploité pour l’arabe
standard ; en revanche, il l’est largement Tableau 5 dialectal
pour l’arabe
En vérité, l’on ne peut ignorer le jeu des langues et leur impact sur
les technolectes : au Maroc, à l’écrit, la langue française est d’un usage
quasi exclusif dans les domaines spécialisés techniques, scientifiques et
économiques ; en revanche, dans les domaines des sciences humaines
et sociales, de la justice, de la vie religieuse, de la culture « savante », de
l’éducation fondamentale, de l’enseignement scientifique secondaire, c’est
l’arabe (officiel) qui est la langue majeure.
Vraisemblablement, la tendance d’évolution des technolectes au
Maroc est celle du bilinguisme : français et arabe à l’écrit et à l’écrit ora-
lisé, français et arabe dialectal marocain à l’oral avec des mélanges entre
les deux variétés. Le bilinguisme français-amazighe est théoriquement
possible et il doit sûrement être présent dans les villes à population ama-
zighophone comme Khénifra, Khémisset, Agadir, Tiznit, etc.8
Ce bilinguisme est loin d’être équilibré car la langue française y est
dominante et exerce le quasi-monopole dans l’expression scientifique
et technique comme cela ressort du marché de l’emploi et du domaine
éducatif (cycle supérieur notamment).
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le calcul…) et aux sciences humaines (l’histoire, la géographie, etc.).
– dans le secondaire, l’enseignement en arabe, cédait la place à l’ensei-
gnement en français : la plupart des matières (la philosophie, l’histoire,
la géographie ainsi que les sciences, les mathématiques, la physique et
la chimie) étaient enseignées exclusivement en français. L’enseignement
en arabe ne concernait plus que la littérature arabe, la grammaire et la
pensée islamique. L’anglais ou l’espagnol (l’élève avait le choix) était
introduit au niveau du lycée
– dans le supérieur, toutes branches confondues, la langue d’enseignement
était le français sauf pour les départements de langue et littérature arabes.
Grosso modo, ce système accordait au français un statut de fait de
« langue d’enseignement des sciences et des sciences humaines » tandis
que l’arabe était confiné à l’enseignement de la littérature, de la gram-
maire et de la pensée islamique. Cette option bilingue inégalitaire entre
les deux langues conduisait inexorablement à une dévalorisation de la
langue arabe, qui concernait peu de matières et devenait secondaire par
rapport au français. De plus, elle n’était pas perçue comme une langue
pouvant ouvrir des horizons, particulièrement pour l’emploi. Et ceci
était renforcé par le fait qu’elle n’était pas réellement sollicitée sur le
marché du travail. Aussi, pendant longtemps et au moins jusqu’aux
années 1970, les services administratifs et économiques du pays fonc-
tionnèrent-ils exclusivement en français. Et les technolectes en usage
étaient exclusivement en français à l’écrit et en français arabisé à l’oral.
Au cours des années 1980, après la marocanisation de l’encadrement,
il a été procédé à l’arabisation de la plupart des administrations ; toutefois,
les services techniques continuèrent – et du reste, continuent encore
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en français, en France essentiellement mais aussi au Canada, en Belgique
et parfois en Suisse.
Dans l’enseignement primaire et secondaire arabisé, par le biais de la
traduction, la langue française sert en réalité de support notionnel et l’arabe
est relégué à n’être qu’un support formel, dans la mesure où les notions
et les paradigmes auxquels elles appartiennent ont été assimilées d’abord
en français par les formateurs et enseignants. Cette arabisation formelle
n’abordait pas en profondeur les contenus et se contentait d’une approche
superficielle des concepts : elle n’allait pas vers les sèmes spécifiques et ne
retenait que les sèmes génériques. Ce qui donnait à l’approche en arabe,
notamment dans le domaine des technolectes, un caractère approximatif
et forcément lacunaire. Par exemple, dans le domaine médical, nous avons
travaillé sur des notices de médicaments rédigées en bilingue français et
arabe standard et avons noté la grande imprécision conceptuelle qui y
règne, notamment dans les noms de maladies dont certaines bénignes
se trouvent ainsi confondues avec d’autres malignes comme l’amygdalite
et la diphtérie ; rendues toutes deux par un même équivalent en arabe
standard. (Messaoudi, 1998 ; 2005)
La qualité des traductions et la terminologie non unifiée laissant à
désirer, on se trouve devant un enseignement scientifique et un tech-
nolecte souffrant de certaines confusions conceptuelles et le recours au
français pour lever l’ambiguïté est souvent de mise. Pour remédier à la
situation, des mesures de mise à niveau terminologique et linguistique ont
été prises, essayant de « colmater les brèches », par le biais, d’un cours de
traduction, introduit au cours des deux dernières années du baccalauréat
scientifique.
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Quant aux technolectes écrits exclusivement en français, ils sont mal
assimilés par les étudiants des filières scientifiques comme cela ressort
de l’enquête menée par Haidar (2012), auprès de la filière SVTU, de
l’université de Kénitra.
Mais si l’impact des langues du système éducatif – notamment dans
l’enseignement scientifique et technique – se révèle important pour les
technolectes, il n’en demeure pas moins que c’est le marché du travail qui,
in fine, est déterminant aussi bien pour la formation des technolectes que
pour leur fonctionnement.
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d’entrer en possession de ces notions par la traduction ou l’emprunt ou
les mélanges, constituant ainsi un support formel à des notions conçues
ailleurs dans un autre système conceptuel. Les questions posées par la
transposition des savoirs de langue à langue et par la traduction en
général mériteraient une étude à part et nous nous contentons de les
évoquer comme prolongement possible aux recherches sur les techno-
lectes en contexte plurilingue, tant à l’échelle d’un pays qu’à celle plus
vaste de la société globalisée.
Conclusion
In fine, la prééminence de l’écrit dans l’expression linguistique des
domaines spécialisés ne signifie pas pour autant que toutes les langues
écrites servent de support direct aux technolectes. De manière générale
et dans une société globalisée, c’est la langue de l’invention scienti-
fique ou de l’avancée conceptuelle qui s’impose et qui finit par se faire
prévaloir : ce pourrait être l’anglais pour l’informatique et l’économie,
l’allemand pour la musique ou la philosophie, le français pour la diplo-
matie, le droit, l’aéronautique (même si dans ce domaine, le français
aurait tendance à être supplanté par l’anglais), l’arabe pour les sciences
religieuses, les sciences humaines, mais aussi pour l’épistémologie des
sciences dans les domaines de l’astronomie, la médecine, etc.
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Le bilinguisme arabe-français et son rôle dans les technolectes
devrait bénéficier d’un intérêt particulier car il pourrait constituer
une voie possible à explorer, dans le cadre d’une politique linguistique
« rationnelle » et d’un bilinguisme fonctionnel assumé.
Références bibliographiques
© Éditions de la Maison des sciences de l'homme | Téléchargé le 02/12/2023 sur www.cairn.info (IP: 105.71.132.30)
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LES TECHNOLECTES SAVANTS ET ORDINAIRES 83
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